(Treize heures quarante-six minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour. On peut se réjouir de voir à quel point le travail de défricheur, de
précurseur que le Québec a effectué au sujet de l'aide médicale à mourir permet
maintenant à l'ensemble du Canada d'avancer, à l'ensemble, donc, des citoyens
d'avancer sur la base d'un modèle très solide qui, au Québec, a été construit
avec l'ensemble de la société. Aujourd'hui, on voit que notre loi sert
d'inspiration réelle à tout le Canada. Et j'espère que toute la société québécoise
est fière de ça parce que c'est beaucoup, beaucoup de personnes qui se sont
investies dans ce processus, dans ce vaste débat-là au Québec, et c'est tout ce
processus-là qui lui a conféré une telle légitimité.
Alors, non seulement, au Québec, on a
permis aux gens en fin de vie de mourir avec plus de sérénité et de dignité,
mais on a aussi permis au Canada de s'inspirer de ce qu'on a fait chez nous.
Alors, ce n'est pas rien. Et il faut dire aussi qu'on a beaucoup simplifié le
travail du gouvernement fédéral, qui a fait l'économie d'un débat, qui ne l'a
pas fait pendant que le Québec le faisait et qui, aujourd'hui, est véritablement
engagé dans une course contre la montre.
Alors, bien sûr, quand on regarde le projet
de loi fédéral qui a été déposé ce matin, on voit qu'il y a très peu de
différences entre le projet de loi fédéral et la loi québécoise sur les soins
de fin de vie, ça peut même en être surprenant. Mais essentiellement on voit
que les différences se situent au niveau des conditions qui peuvent donner
ouverture à l'aide médicale à mourir ou au suicide assisté. Je pourrai y
revenir parce que, bien sûr, dans la loi fédérale, le suicide assisté est
permis.
Essentiellement, ce qui différencie les deux
lois, c'est qu'en vertu de la loi fédérale, la personne n'a pas nécessairement
besoin d'avoir une maladie. Elle peut aussi être dans une situation de
handicap, ce qui est une différence majeure parce que, nous, au Québec, compte
tenu qu'on était restreints par le partage des compétences, on ne pouvait pas
aller jusqu'à cette situation-là, mais en même temps ça demeure assez
restrictif parce qu'il doit y avoir la présence d'un déclin avancé et
irréversible des capacités. Fait à noter, d'ailleurs, ce n'était pas un critère
qui était prévu dans l'arrêt de la Cour suprême Carter. Donc, c'est plus
restrictif que l'arrêt de la Cour suprême, mais c'est inspiré d'une des dispositions
de notre loi québécoise, ce déclin avancé et irréversible.
Et, bien sûr, l'autre différence, c'est
que, plutôt que de parler de personnes qui sont en fin de vie, on parle, dans
la loi fédérale, d'une mort qui est raisonnablement prévisible. Alors, je ne
peux pas vous dire aujourd'hui ce qu'une «mort raisonnablement prévisible» veut
dire, mais on peut pressentir qu'il y a une légère différence. La fin de vie,
au Québec, dans la loi, ça peut s'interpréter en jours, semaines ou mois. Moi,
je dis souvent que la fin de vie, on peut se dire que c'est une période de
moins d'une année de vie avant que la mort puisse survenir. Une mort
raisonnablement prévisible, certainement que ça va être débattu en commission,
en étude détaillée dans la loi fédérale, et c'est là qu'on va voir vraiment le
sens qui veut être donné, mais on peut pressentir que c'est un peu plus large
que la notion de «fin de vie», donc peut-être que ça peut se compter en plus
qu'une année.
Par ailleurs, très rapidement, on voit
aussi que, dans la loi fédérale, le suicide assisté est permis. C'est dans la
suite logique de l'arrêt de la Cour suprême, c'est-à-dire que, plutôt que le
médecin donne l'aide à mourir, il peut fournir les médicaments ou les moyens à
un patient qui se donnerait lui-même, donc, la mort. C'est une différence qui
est présente. Et par ailleurs on voit aussi que les infirmières peuvent être,
donc, appelées à donner l'aide médicale à mourir, et ça, c'est quelque chose
qui est intéressant aussi et qu'on va pouvoir regarder, assurément, au Québec.
M. Chouinard (Tommy) : Donc,
vous y voyez des plus, pas des situations préoccupantes, dans le projet de loi
fédéral.
Mme
Hivon
:
Bien, en fait, j'y vois, je vous dirais, la suite du jugement de la Cour
suprême. Évidemment, je dirais qu'il y a trois grands éléments, quand on légifère
dans ce domaine-là : il y a les contraintes juridiques — nous,
au Québec, on était contraint par le partage des compétences, ce qui explique
la portée relativement limitée, quoique c'était vraiment une très grande avancée,
il ne faut pas le minimiser — par ailleurs il y a le consensus
social — je pense que, de ce point de vue là, malheureusement, le
fédéral n'a pas pu faire le travail qu'ici on a fait, au Québec — et il
y a aussi, finalement, l'acceptabilité politique, c'est-à-dire que c'est bien
beau de faire la meilleure chose possible, mais il faut aussi que ça passe le
test et que ça soit adopté ici, au Québec.
Même avec les critères qu'on avait, il y a
quand même 22 députés libéraux qui avaient voté contre la loi. Alors, il faut
être conscients de ça. Et je pense que le fédéral est un peu dans le même genre
de logique, à se dire qu'il faut que sa loi passe. C'est ce qui explique
peut-être qu'elle est quand même plus restrictive que ce que beaucoup
d'observateurs attendaient de la loi fédérale. Mais, pour nous, il n'y a pas de
surprise. La loi québécoise est très solide, elle va continuer à s'appliquer.
Est-ce qu'il pourra y avoir des ajustements? Oui. Moi, je plaide pour que ce ne
soit pas la loi sur les soins de fin de vie qui soit modifiée parce qu'elle est
un tout. On le sait tous, elle ne comporte pas que l'aide médicale à mourir, elle
comporte toute la question des soins palliatifs. Alors, je vois plus une loi,
je dirais, précise, d'application de la loi fédérale, qui serait indépendante,
mais qui pourrait référer au processus qui est prévu dans la loi sur les soins
de fin de vie, mais l'idée, c'est de ne pas dénaturer aussi notre loi, qui se
contient comme un tout, là.
M. Chouinard (Tommy) : Vous
avez constaté, vous aussi, que, donc, on élargit, là, l'accès à l'aide médicale
à mourir par la disposition sur la mort raisonnablement prévisible. Est-ce que
cette notion-là introduit un flou, selon vous? Est-ce que le projet de loi est
assez précis ou est-ce que, là, les interprétations peuvent être multiples?
Mme
Hivon
: En
fait, c'est les débats qui vont permettre de savoir ce qu'est le véritable
sens. Évidemment, là, aujourd'hui, le projet de loi, il est déposé, il n'est
pas adopté. Il va y avoir un processus très expéditif, quand on compare à comment
on a travaillé au Québec, de quelques semaines, mais, quand même, on souhaite
que ces notions-là puissent être éclaircies. Nous, au Québec, à travers le
débat, on a bien fait ressortir que la fin de vie, c'était une question pas
seulement de mort imminente ou de phase terminale terminale, mais que c'était
une question de jours, semaines, mois, et ça, c'est très important de le
répéter parce que des fois il y a une interprétation trop restrictive qui se
fait aussi de notre loi. Je pense qu'au fédéral ils ont aussi fait le choix de
ne pas mettre, par exemple, six mois, un an, un délai clair parce que tous les
médecins vont vous dire, comme ils nous ont dit, comme, j'imagine, ils ont dit
au fédéral, que c'est excessivement difficile de poser un pronostic précis dans
certaines maladies, alors il faut laisser une certaine flexibilité pour que le
jugement médical puisse s'exercer en regard de l'ensemble de la situation du
patient ou de la personne qui est en cause.
M. Chouinard (Tommy) : Puis
le fait que le fédéral dise : Ce n'est pas seulement les médecins qui
peuvent pratiquer l'aide médicale à mourir, mais aussi les infirmières
praticiennes, quelles conclusions tirez-vous de cette ouverture-là? Parce que
ça a quand même été tout un... bien, en fait, ça l'est encore aujourd'hui au
sein de la profession médicale. Est-ce que, là, on doit s'attendre à ce qu'il y
ait aussi des débats pour ce qui est de la pratique infirmière?
Mme
Hivon
:
Bien, oui, certainement que c'est un sujet de discussion. Ici, au Québec, on
était un peu plus... je dirais qu'on était dans l'audace, mais dans l'audace
prudente parce qu'on ne voulait pas que notre loi soit contestée. Et donc c'est
pour ça que des fois les gens disent : Pourquoi vous n'êtes pas allés là,
ou là, ou là? Parce que l'important, pour nous, c'était que ce très grand pas
qu'on pouvait franchir pour beaucoup de monde passe le test et soit accepté
plutôt que d'embrasser trop et de faire en sorte que tout s'écroule. Alors, c'est
pour ça qu'on était plus prudents.
Il faut dire qu'ici l'Ordre des
infirmières ne le demandait pas, même ne voulait pas cette responsabilité-là.
Donc, l'Ordre des infirmières ici, au Québec, ne souhaitait pas pouvoir pratiquer
l'aide médicale à mourir.
À la lumière de l'ouverture que fait le
fédéral, moi, je suis vraiment d'avis que c'est de notre compétence, donc c'est
au Québec qu'on va pouvoir décider si on le souhaite ou non, que ce puisse être
d'autres professionnels, en l'occurrence les infirmières praticiennes. Donc, ce
sera un débat, un dialogue à avoir, je vous dirais, avec ces groupes-là, mais
je pense que la logique...
M. Chouinard (Tommy) : C'est
une bonne chose, selon vous?
Mme
Hivon
: Oui,
je pense que c'est intéressant de s'y pencher, parce que la logique de ça, c'est
l'accessibilité, c'est l'accessibilité, par exemple, pour des communautés plus
éloignées ou des personnes qui vivent plus en milieu rural. Bon, nous, c'est
sûr que notre loi, elle est tellement claire, balisée, que chaque établissement
a l'obligation de fournir le service. On ne retrouve pas ça dans la loi
fédérale. Selon moi, c'est logique, parce que c'est du ressort des provinces. Par
exemple, de dire : Est-ce que tous les hôpitaux vont y être soumis? Le Canada
risque d'avoir un gros débat des hôpitaux qui, par exemple, viennent de
congrégations religieuses, et tout ça. Nous, au Québec, il n'y a pas de
distinction. Tous les hôpitaux sont soumis, doivent offrir l'aide médicale à
mourir, comme tous les CLSC dans les soins à domicile.
Alors, c'est sûr que, de ce fait-là, je
vous dirais que... peut-être que la question était moins pressante ici parce
qu'il y a une obligation de fournir le service par un médecin dans l'ensemble
du réseau.
M. Chouinard (Tommy) : Oui,
juste une dernière chose. Dans... parce que vous dites : Qu'est-ce qui...
juste pour que tout le monde comprenne, là, pour que... le fait que ce soit à
Québec de déterminer si, oui, on va l'ouvrir à la pratique infirmière, là,
est-ce que c'est parce qu'on est responsables de l'administration...
Mme
Hivon
: Des
lois professionnelles...
M. Chouinard (Tommy) : ...des
lois professionnelles en cette matière? D'accord.
Mme
Hivon
:
Exactement. Mais ce qui est clair, c'est qu'une infirmière... À la lumière du
projet de loi... évidemment, il n'est pas adopté, ça va faire l'objet de
débats. Sûrement que ça va faire l'objet de débats aussi, l'association
canadienne médicale, puis tout ça, va sûrement se prononcer, mais je dirais
que... on va voir ce qui va être déterminé, mais la possibilité, elle est là,
ce qui veut dire qu'une infirmière qui le ferait ne pourrait pas être
poursuivie. C'est ça que ça dit, dans le fond. Et, nous, par exemple, au Québec,
on peut dire comment on encadre ça. Il peut y avoir d'autres restrictions compte
tenu des actes réservés à chacune des professions en vertu des lois
professionnelles, et tout ça. Donc, c'est un débat qu'on pourra mener ici.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Depuis l'adoption de la Loi sur les soins de fin de vie, le consensus social,
au Québec, autour de la question de l'aide médicale à mourir et plus
largement... bon, ce n'est pas la question de la loi québécoise, mais du
suicide...
Mme
Hivon
:
Assisté?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...oui, du suicide assisté. Est-ce que ce consensus-là a évolué? Et est-ce que
le projet de loi fédéral, dans le fond, a un pas d'avance, un pas de retard sur
ce consensus québécois là?
Mme
Hivon
:
Écoutez, c'est difficile à dire. Moi, je n'ai pas bâti ou travaillé sur le
consensus social canadien. Déjà, on a travaillé sur le consensus québécois.
C'est sûr qu'au Québec on peut être sûrs que notre loi reflète le consensus
québécois, et je suis assez sûre que la loi fédérale reflète le consensus
canadien.
Est-ce qu'on aurait pu aller plus loin au
Québec? Je ramène toujours la même chose. Peut-être que le consensus serait
allé plus loin, mais on avait des limites juridiques de partage des compétences
qui faisaient en sorte que nous, on ne voulait pas fragiliser... Je veux dire,
quand j'étais vice-présidente de la commission, c'était une chose. Quand je
suis devenue ministre et que j'ai écrit la loi, j'ai vu à quel point il ne
fallait pas, en essayant, peut-être, de mettre autre chose, se faire dire qu'on
était dans le domaine du suicide assisté. Donc, ça, c'était une contrainte
juridique.
Mais le consensus social, c'est ça qui est
un petit peu, je vous dirais, en tout cas, regrettable dans la réalité
fédérale, c'est... ils ne sont pas en train de travailler sur le consensus, ils
n'ont pas le temps. Et donc comment ils le bâtissent, le consensus? D'ailleurs,
c'est quelque chose qui m'avait frappée dans le rapport du comité mixte, c'est
que la notion de «consensus social» n'était pas là, ce n'étaient que des
notions de droit, de discrimination potentielle, de comparaison, de charte.
Mais, quand on avance sur des terrains comme ceux-là, aussi sensibles, qui
touchent tout le monde, le consensus social, c'est une réalité fondamentale.
Alors, pour revenir à votre question,
assurément on est dans le consensus social. Est-ce qu'il est rendu plus loin?
Possiblement. Et il faut aussi penser que, dans ces domaines-là, on avance à
vitesse grand V, c'est-à-dire que les premiers qui franchissent le pas, le
franchissent, il y a beaucoup d'opposition. Là, des fois, on se dit : Ah!
ça devrait être plus large, et tout ça. Il faut se rappeler où on en était il y
a encore juste deux ans, avec des gens très, très, très opposés à cette
ouverture-là, avec 22 députés — je le dis,
mais... — qui ont voté contre, aussi, la loi. Alors, il faut être sûrs
d'avancer et de ne pas perdre les avancées qu'on peut réaliser en essayant
d'aller trop vite, trop loin. Mais c'est sûr que ça s'accélère parce que les
gens voient que ça se fait, voient que ça se fait bien, voient... Hier, on a eu
un beau témoignage d'un médecin qui pratique l'aide médicale à mourir au Québec.
C'est très rassurant. Il y a des gens qui y ont accès, ça répond à un besoin.
Alors, ça démystifie les choses aussi puis ça donne un sentiment de sécurité
qui peut donner plus de force au consensus social aussi.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Vous
dites que le gouvernement fédéral aurait pu aller plus aller plus loin, à la
lumière de l'arrêt Carter. Est-ce qu'il va suffisamment loin pour ne pas être
contesté en vertu de cet arrêt-là?
Mme
Hivon
: Ça,
c'est la grande question. Vous savez, dans ces domaines-là, les contestations
sont très difficiles à prévoir. Notre loi québécoise, elle a été vraiment
pensée et bâtie en vertu de notre compétence québécoise. Il y a quand même des
gens qui ont essayé de la contester. Finalement, ça a été rejeté. Notre loi a
été, bien sûr, validée. Donc, là, est-ce qu'il y en a qui vont dire en venant
mettre, par exemple, qu'il faut qu'il y ait un déclin avancé ou irréversible,
en venant mettre le critère de la mort raisonnablement prévisible? Est-ce qu'on
s'éloigne beaucoup de l'arrêt Carter? On s'en éloigne, c'est-à-dire que l'arrêt
Carter a mis des grandes balises qui ne présentaient pas ces restrictions-là.
Est-ce que ça donne une base pour contester? Je ne sais pas avec quel succès,
bien honnêtement, mais, dans ces domaines-là de droits de la personne, et tout
ça, c'est certain que les contestations peuvent toujours être présentes, et ça
se travaille un peu comme ça aussi.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce
que le gouvernement va présenter un projet de loi qui étend l'aide médicale à
mourir aux mineurs, aux demandes anticipées, notamment?
Mme
Hivon
: Moi,
je ne sais même pas, pour être totalement honnête avec vous, si ça, c'est du
ressort du fédéral. C'est-à-dire qu'eux autres ce qu'ils sont en train de
faire, c'est qu'ils décriminalisent le suicide assisté, ce qu'une province ne
pouvait pas faire. Nous, on est allés au maximum avec l'aide médicale à mourir.
Mais je pense que c'est important que ce dialogue-là se continue, ce sont des
enjeux réels.
Mais ceci dit, il y a tout le temps cette
logique-là de pouvoir franchir de grands pas et avancer, et que, si on en met
trop, trop vite et qu'on perd le consensus social ou qu'on perd l'acceptabilité
politique et que la loi échoue, bien, on n'est pas plus avancés, même on
régresse. Alors, c'est pour ça que, dans ces domaines-là, je pense qu'il faut
que ça se discute, comme, au Québec, il y a des choses qui continuent à se
discuter, même si on ne les a pas mises dans la loi. Je pense que ça va être la
même chose puis ça va être très sain... Je pense qu'il ne faut pas voir ces
lois-là comme des lois définitives qui ne bougeront jamais. Il faut les voir
comme de très, très grands pas en avant, mais qui permettent aussi de continuer
à construire les consensus tout autour de ces nouvelles réalités-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais il n'est pas le temps aujourd'hui de modifier la loi québécoise?
Mme
Hivon
: La
loi... Bien, premièrement, on va attendre de voir le résultat final de la loi
fédérale, parce que, même s'ils ne sont pressés par le temps, il va y avoir un
débat en Chambre, et tout ça.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Ça
bouge vite, ces questions-là... Sur ces questions-là, vous dites que le
consensus évolue puis que ça parfois rapidement.
Mme
Hivon
: Exactement,
ça peut bouger, et notre loi est en vigueur depuis quatre mois, alors je pense
que c'est très sage de la laisser vivre aussi, et de voir, et de démystifier,
et que les praticiens... parce que des fois c'est peut-être quelque chose qui
est sous-estimé, c'est un changement important pour la pratique médicale.
Alors, c'est important aussi de laisser la loi faire son oeuvre, les gens se
l'approprier, la pratique médicale s'adapter, dans une certaine mesure, avant
aussi peut-être de vouloir trop embrasser.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Dernièrement,
juste pour clarifier... M. Barrette a dit que le projet de loi
n'augmenterait pas les personnes qui pourraient bénéficier de l'aide médicale à
mourir au Québec, mais permettrait à ces personnes-là de bénéficier de l'aide
médicale à mourir plus rapidement. Est-ce qu'il a raison?
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, si on part de la prémisse qu'une «mort raisonnablement
prévisible» peut élargir un peu, c'est ce qu'on pressent aujourd'hui, je vous
dirai, par rapport à la fin de vie, mais encore faut-il comprendre ce que le
concept veut dire. Moi, je vous dirais que ça change les choses à deux égards :
ça fait en sorte que ça peut arriver un peu plus tôt, mais ça veut aussi dire,
de ce fait-là, que ça peut toucher plus de personnes parce que les gens vont
l'obtenir plus tôt.
Alors, c'est... je ne me suis pas penché à
savoir si ça a augmenté significativement le nombre de personnes, mais ce qui
est certain, c'est qu'en incluant, par exemple, la notion de «handicap» et pas seulement
de «maladie», ça ouvre une autre catégorie de personnes, assurément.
Mme Fletcher (Raquel) :Why do you say that you have a sense of pride today?
Mme
Hivon
: Well, today, I think that Québec can be proud, everybody in Québec that was involved in the process that led to the adoption of the bill concerning end-of-life care, I can share that
pride because we were all involved in a process to make sure that people, at
the end of their life, could die in dignity. And today what we see is that our
model, all the work that we have done collectively together in the past years
is now the model that is taken by Canada to really put forward a bill of its
own.
Mme Fletcher (Raquel) : Would you have liked to see the federal bill or even the Québec
bill go farther than it has?
Mme
Hivon
: It's a good question. I think, in those matters, what is very important
is to be in concordance with the social consensus. And, if you go too far too
soon, you risk of losing that consensus and not being able to pass the bill, so
this is always a concern. I think that, in Québec, we
were limited because of the sharing of powers, the division of powers so we
could evolve in the field of health care matters. This is why we are talking,
in our law, only about people who are ill, incurably ill, whereas the federal
can talk also about people who are handicapped. So, this is different because
they are in a jurisdiction concerning criminal matters and they have to… they
can go as far as assisted suicide, which was not the case in Québec. So, in Québec, it's as if we saw where the consensus was, we put it in the bill.
Could it have been a little bit more? I would say maybe, I would say probably,
but we were limited, in Québec.
So, today, when we see or we feel… because we don't know exactly what «reasonably
foreseeable death» means yet, we can feel that it might be a little bit
broader. So, in Québec, when we
think about end of life, it's about maybe less than a year, but we will have to
see if it can be more, maybe, for that criteria. So, I think it's, you know,
along the line of the social consensus.
Mme Fletcher (Raquel) : Can you just briefly talk about how you're feeling personally as the
one who kind of spearheaded this legislation in Québec?
Mme
Hivon
: I will say that I feel, of course, happy that all the work that
we've done in Québec…. we've
decided to, you know, be pioneers, be the first ones to take the lead, to take
our responsibilities as Members of the Parliament, not
to wait for the courts to decide on such a sensitive issue. So, I feel that,
altogether, we should be proud of how we acted in that debate, but mostly, you
know, in the last months… it's now been in effect for the last four months, now
I see the difference that it makes in people's lives. Now, we see, you know,
people testimonies, people saying, you know, how their loved one was able to
have medical aid in dying and how it was a source of serenity, of dignity, of
peace, also. And this is what, to me, gives the most sense to the work I've
done with all the Québec people. Merci.
(Fin à 14 h 9)