(Onze heures une minute)
M. Lisée
: Comment
en est-on arrivés là, arrivés à un point où la compagnie-phare du Québec,
Bombardier, qui a créé de loin le meilleur avion dans sa catégorie, a été
poussée à donner la maison pour sauver les meubles? Donner la maison. On a beau
emballer ça, là, dans la meilleure relation publique possible, ce qui s'est
produit hier, c'est que le fruit de plus de 10 ans de travail du génie québécois,
7 milliards de dollars d'investissement, a été donné à un concurrent
étranger qui est Airbus. Le contrôle de la propriété a été donné à Airbus en
échange de zéro euro, zéro dollar, zéro kopeck, zéro cent et, en fait, en
échange d'un engagement à ce que Bombardier réinvestisse 750 millions de
dollars, au besoin, au cours des deux prochaines années.
Comment en est-on arrivés là? Bien, il y a
un péché originel, il y a une décision stratégique mauvaise qui a été prise il
y a deux ans par le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, lorsqu'il
a cédé à la pression de Bombardier pour investir 1,3 milliard dans une
nouvelle entité appelée CSeries. Au lieu de l'investir dans le consortium, ce
qui aurait été la bonne chose à faire, il a affaibli la position du Québec et
affaibli la position de Bombardier. Il a donné un argument à Boeing en étant le
premier gouvernement qui investisse dans un avion plutôt que dans une compagnie
d'aviation. Il a donné un argument à notre concurrent Boeing qui a fait de
l'intimidation et qui a créé, pour Bombardier, une situation financièrement
intenable.
Si M. Couillard avait écouté le Parti
québécois qui lui demandait, il y a trois ans, de se mettre à aider Bombardier
dans les problèmes qu'on voyait déjà dans la CSeries et s'il avait écouté le Parti
québécois en investissant dans le consortium, d'abord, on aurait augmenté la
valeur de notre 1,3 milliard de 65 %. C'est l'augmentation de la
valeur des actions du consortium de Bombardier depuis le moment de
l'investissement. On aurait déjà 65 % de plus de valeur dans nos poches.
On aurait enlevé à Boeing l'argument qu'on investit dans un seul avion. Ça
n'aurait pas enlevé toutes les difficultés, mais ça aurait mis Bombardier dans
une position de plus grande force pour négocier un meilleur accord avec Airbus,
un meilleur accord. On ne dit pas aujourd'hui qu'une alliance avec Airbus
n'était pas souhaitable à ce moment-ci, mais ce qu'on doit constater lorsqu'on
donne la propriété de son plus beau produit à un concurrent, c'est qu'on était
dans une situation de faiblesse extrême, extrême.
Et moi, ce qui me fâche le plus dans ce qui
s'est passé hier, c'est que l'entente est structurée de telle façon que d'ici
sept ans cette compagnie, Airbus, dont le siège social est à Amsterdam, pourra
posséder 100 %, et ce qui est indiqué dans cette entente, c'est que
Bombardier peut forcer Airbus à acheter et qu'Airbus peut forcer Bombardier à
vendre, mais, à aucun moment dans cette entente, il n'y a des indications pour
la permanence de la propriété québécoise de la CSeries pour l'avenir. L'entente
est écrite pour s'en débarrasser, et ça, là, en tant que chef du Parti
québécois, puis que Québécois, puis partisan du nationalisme économique, je ne
le prends pas. Je ne le prends pas que le premier ministre du Québec ait
accepté de cautionner une entente qui dit : Dans sept ans, on ne sera plus
propriétaire d'un seul pour cent du meilleur produit de notre existence.
Comment a-t-il pu dire oui à ça?
Et ce qu'il faut savoir aussi, c'est
qu'Airbus, qui a donné zéro euro, zéro dollar, zéro cent, peut, à partir du
moment de la transaction, piller la technologie qu'on a inventée ici pour l'appliquer
à ses autres avions. Et on se serait attendus que dans cette entente il y ait
des dispositions très précises sur le transfert de la propriété intellectuelle.
Alors, Bombardier va se défendre en disant : Bien, certains de ces
éléments-là sont pour le reste de notre flotte. Mais, à partir du moment où tu
contrôles 50,1 % de la propriété du CSeries, bien, tu es propriétaire de
la technologie et tu peux l'appliquer à toute ta gamme d'avions et augmenter
tes profits de façon considérable.
Alors, on comprend très bien que, si
Bombardier a signé cette entente-là, c'est parce qu'elle n'avait pas le choix,
c'est parce que Bombardier était dans une situation d'une telle faiblesse qu'il
fallait qu'elle trouve quelqu'un à qui donner la maison. Mais cette
faiblesse-là, elle tire son origine dans le fait qu'une compagnie séparée a été
créée par la CSeries au lieu de la garder dans le consortium de Bombardier qui
a les reins beaucoup plus solides. Et donc comment on en est arrivés là? C'est
que notre premier ministre Philippe Couillard a pris une mauvaise décision
stratégique qui a affaibli un des fleurons de notre industrie.
Le Modérateur
: Merci,
M. Lisée. On va aller aux questions, micro de droite. M. Laforest,
TVA.
M. Laforest (Alain) :
Bonjour. La responsable du fiasco, c'est Philippe Couillard?
M. Lisée
: C'est
lui qui a pris la mauvaise décision. Il n'est pas seul. Je sais que Bombardier
lui a dit que c'était la seule chose à faire, et c'est ce qu'ils vont dire
aujourd'hui, que c'était la seule chose à faire. Nous, on dit :
Pierre Karl Péladeau, quand il était chef du Parti québécois, disait :
Ce n'est pas la bonne chose à faire. La Caisse de dépôt a investi pas dans la
CSeries, dans le consortium. Il y avait une autre façon de le faire. Si on
avait mis 1,3 milliard dans le consortium, les actions québécoises plus
les actions de la famille Beaudoin auraient donné une majorité qui aurait pu
dire : On met ce 1,3 milliard dans la CSeries. C'était possible de le
faire. M. Couillard a été malavisé, mal conseillé, je ne sais pas. Il a
pris la décision lui-même, mais le fait est que ce scénario-là qu'il a
enclenché a mené au fiasco d'aujourd'hui.
M. Laforest (Alain) :
J'ai une question à deux volets. Dans l'entente, on prévoit le maintien de la
ligne de production jusqu'en 2041 à Mirabel et on ouvre une autre ligne de
production aux États-Unis. Le gagnant, c'est Donald Trump, et les travailleurs
québécois y perdent au change?
M. Lisée
: Bon, alors,
la question... et j'entendais les représentants syndicaux ce matin dire :
Au moins, on est rassurés pour nos emplois actuels. Ils ont raison, jusqu'en
2041, le niveau d'emplois actuels sera préservé et, on l'espère, augmenté.
Donald Trump a fait la démonstration que l'intimidation paie. Quand ton
adversaire se rend vulnérable, comme M. Couillard a rendu Bombardier
vulnérable, tu peux intimider puis tu peux gagner. Alors, Trump et Boeing ont
utilisé la vulnérabilité créée par M. Couillard.
Maintenant, l'entente, si elle est
appliquée correctement, va faire qu'en Alabama tous les avions pour le marché
américain vont être construits là, même si on gagne face au département du
Commerce américain. Si on gagne, on perd quand même le marché américain à
l'Alabama. Maintenant, pour tout le reste du marché mondial, donc 70 % du
marché mondial, ça va être fait à Mirabel. Donc, il y a une possibilité que la
production augmente de 20 avions par année maintenant à 50, 60, 100, jusqu'à
120. Si c'est le cas, jusqu'en 2041, si l'entente est respectée, on pourrait
doubler, tripler ou quadrupler le nombre d'emplois. Ça, c'est le bon scénario.
Mais en 2041, Airbus peut décider que ça coûte
moins cher de faire l'assemblage en Chine, et on n'a aucune garantie que ça va
rester ici. Et ça, c'est très grave. Comment ça se fait que d'abord on s'est
mis dans une situation de vulnérabilité où on ne garde pas 51 %? Il
fallait garder 51 %. Puis deuxièmement, comment ça se fait que ce n'est
pas indiqué qu'on veut garder 51 % pour l'avenir prévisible et qu'au
contraire c'est indiqué qu'on veut s'en débarrasser? Ça, je n'en reviens pas.
Le Modérateur
: Merci. M.
Vigneault.
M. Vigneault (Nicolas) :
Qu'est-ce que ça veut dire, pour vous, cette entente-là pour le siège social?
M. Lisée
: Bien, le
siège social, c'est indiqué qu'il va être ici jusqu'en 2041. Bien qu'est-ce que
c'est le siège social de la CSeries? C'est quelques bureaux à l'intérieur du
siège social de Bombardier et, sur le conseil d'administration, bien, c'est
Airbus qui a la majorité. Alors, ça veut dire qu'il y a quatre personnes et
leurs assistants qui vont venir trois, quatre fois par année pour tenir un
conseil d'administration au Québec. Mais, je veux dire, dans sept ans, ils
peuvent décider d'être sept sur sept administrateurs d'Airbus. Est-ce qu'ils
vont prendre l'avion d'Amsterdam pour venir à Montréal pour réunir le conseil
d'administration? Ce n'est plus nécessaire, mais, sur papier, le siège social
sera à Montréal.
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
vous avez l'impression qu'effectivement le siège social va se diriger tranquillement
vers l'Europe.
M. Lisée
: Bien, c'est
sûr que dans... et c'est écrit jusqu'en 2041, techniquement, les bureaux...
comme le siège social de la Banque de Montréal est à Montréal. On sait que
c'est faux, on sait que tout est décidé à Toronto. Alors, ça va être une
situation comme celle-là.
M. Vigneault (Nicolas) : Une
dernière question. Sur le plan économique, est-ce que ce n'est quand même
pas... bon, vous parliez tout à l'heure des États-Unis, Boeing se réjouit
peut-être moins aujourd'hui de cette situation-là, parce que Boeing avait
peut-être, en quelque sorte, beaucoup plus de pouvoir sur Bombardier.
Aujourd'hui, bien, Bombardier est associée à ce grand joueur. Est-ce que ça ne
place pas Bombardier dans une meilleure position, strictement sur le plan des
affaires?
M. Lisée
: Ça place la
CSeries dans une meilleure position. Ça place l'économie québécoise dans une
position plus faible qu'elle n'aurait dû être. Je veux dire, le rôle d'un
gouvernement du Québec qui a à coeur le nationalisme économique du Québec, fait
en sorte qu'un de nos meilleurs produits doit rester de propriété québécoise. On
peut faire des partenariats avec les Chinois, les Américains, les Européens,
mais il faut que le contrôle reste ici. M. Couillard a perdu le contrôle du
plus beau produit du génie québécois. C'est ça qui s'est passé.
Le Modérateur
: Merci.
M. Lecavalier, micro de droite.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour, M. Lisée. Bon, Bombardier s'est lancée dans la série C car elle
entrevoyait un marché difficile dans les jets régionaux. On a vu Alstom et
Siemens, en Europe, s'allier. Quel avenir pour Bombardier? Ça semble assez
glauque, en fait, parce que sa porte de sortie, c'était la série C, et là,
pouf, c'est vendu à Airbus. C'est donné à Airbus, en fait.
M. Lisée
: Écoutez, c'est
sûr que ce n'est pas la meilleure année de l'histoire de Bombardier. Je pense
qu'encore là cette erreur historique d'avoir créé une compagnie séparée pour la
CSeries fait partie des erreurs. C'est l'erreur d'origine. C'est le péché
originel de ça.
Maintenant, c'est clair qu'il y a des
consortiums du rail qui se sont constitués. Bombardier est un compétiteur là-dedans,
il peut tirer son épingle du jeu. On a vu, dans le passé, des fusions massives dans
le domaine des ressources naturelles, dans le domaine des télécommunications,
qui ont échoué quelques années après. Ce n'est pas donné d'avance que la
compagnie mondialement moyenne Bombardier, dans le rail, ne va pas avoir des
gains substantiels par rapport aux grands consortiums chinois et maintenant
Alstom-Siemens.
Alors, moi, je continue à avoir confiance
en la capacité de Bombardier de tenir ses parts de marché à cause de son
originalité, mais c'est sûr que, par rapport à ce qu'ils avaient envisagé, ce n'est
pas le scénario optimal pour eux, mais je continue à avoir confiance.
M. Lecavalier (Charles) : Et le
fait que la propriété de la série C ne soit plus québécoise, est-ce que c'est
une tragédie pour l'industrie aérospatiale du Québec?
M. Lisée
: C'est un
gros nid-de-poule. Moi, je pense que la qualité de ce qui est fait dans la
CSeries, qui repose aussi sur tout un réseau de fournisseurs
d'extraordinairement grande qualité en aérospatiale, bien, Bombardier comme CEA
étaient les deux entreprises québécoises phares dans un écosystème de
50 000 employés où il y a beaucoup de succursales, hein? Que ce soit
Pratt & Whitney, que ce soit Rolls-Royce ou un certain nombre
d'entreprises françaises, etc., qui font cette...
Donc, Bombardier reste avec ses autres
avions régionaux et d'affaires avec une propriété québécoise, c'est bien, mais
là, ce qui devait incarner l'avenir n'est plus de propriété québécoise. C'est
dommage. Moi, j'ai confiance que l'extraordinaire génie québécois va continuer
à générer des produits de toutes sortes de façons pour continuer à ce qu'on
soit une des plaques tournantes de l'aérospatial dans le monde, mais là il faut
dire que notre produit-phare nous a échappé des mains.
Le Modérateur
: Merci.
Une dernière.
M. Lecavalier (Charles) : Une
petite dernière, une petite question. M. Khadir a critiqué le fait que
Bombardier se retrouve avec 31 % des actions; le gouvernement du Québec,
là, de mémoire, c'est 19 %, alors qu'au départ c'était 50-50. Est-ce que,
vous, vous décriez ça? Est-ce que vous comprenez pourquoi?
M. Lisée
: Bien,
écoutez, moi, je vais demander au premier ministre ou peut-être Alain à Mme
Anglade : Quand est-ce qu'ils étaient pour nous dire qu'on avait passé de
49 % à 38 % dans la CSeries? Parce que M. Couillard, là, s'est pété
les bretelles, là, depuis deux ans pour dire qu'on avait 49 %, on avait
sauvé… on était les partenaires principaux, et là on apprend hier que, ah, on
était tombés de 49 % à 38 %. Quand? Pourquoi? Avec quelles
conséquences, quelle dilution de notre investissement? Pourquoi ça nous a été caché?
Bonnes questions.
Le Modérateur
: Merci.
M. Pilon-Larose.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Craignez-vous qu'avec tout ce qui se passe en ce moment ça marque un peu le
déclin de la place du Québec et de Bombardier dans l'industrie aérospatiale?
Est-ce que c'est comme l'événement qui, dans quelques années, on va se dire :
Ah! ça a commencé à décliner à partir de cette journée-là?
M. Lisée
: Bien, notre
travail, c'est de faire en sorte que non, puis ça prend un bon gouvernement,
qui connaît mieux l'économie que le neurochirurgien qui nous gouverne puis qui
ne se fait pas avoir par une grande compagnie, comme il s'est fait avoir par
Bombardier, pour prendre des décisions structurantes pour l'avenir de
l'industrie au Québec. Et ça, le Parti québécois l'a fait à chaque fois qu'il
était au pouvoir, avec la nouvelle économie, avec les REA, avec l'ensemble de
nos politiques économiques. Et on va continuer à le faire parce qu'on a une
boussole, c'est le nationalisme économique québécois. Le contrôle de nos sièges
sociaux stratégiques, c'est notre boussole. Ce n'est pas la boussole de M.
Couillard, on voit ce que ça donne.
Moi, j'ai un énorme respect puis une
énorme confiance dans la capacité de rebond économique du Québec, et donc je
pense que ce ne sera le déclin que si on continue à être mal gouvernés, et ça
peut être le rebond si on commence à être bien gouvernés.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Si
jamais vous formiez le gouvernement, vous ne seriez pas opposés à réinvestir
dans ce secteur-là, et notamment dans Bombardier, pour d'éventuels projets à
venir?
M. Lisée
: Il faut
regarder chaque projet à sa valeur, mais il y a beaucoup d'argent dans le
système en ce moment. L'écosystème aéronautique à Montréal, il est très divers.
Il n'est pas fondé sur un seul pilier, mais sur une quinzaine de piliers. Alors
donc, il est très fort, il peut générer beaucoup d'innovation.
Alors, moi, j'ai confiance, mais il faut
appuyer la grappe, il faut appuyer les fournisseurs, il faut appuyer
l'innovation et puis, s'il y a des projets qui se présentent, qu'on peut
appuyer de façon correcte, sans prendre tous les risques, sans affaiblir
structurellement, ce que M. Philippe Couillard a fait, bien sûr, on va le
faire.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Sur
un autre sujet, est-ce que vous avez encore la confiance... Est-ce que, plutôt,
la présidente de la Commission des droits de la personne a toujours la
confiance du Parti québécois, à la lumière de ce qu'on a pu lire ce matin, là,
qu'il y a trois commissaires qui sortent de leur mutisme pour témoigner
anonymement du fait que le climat de travail est vraiment précaire
présentement?
M. Lisée
: Ma collègue
Véronique Hivon va vous en parler un peu plus tard aujourd'hui.
Le Modérateur
: Merci.
M. Bélair-Cirino, micro de droite.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, bonjour. Est-ce que les travailleurs de la grappe aérospatiale ont raison
de se réjouir de ce qu'ils perçoivent comme l'enracinement d'un nouveau donneur
d'ouvrage, Airbus pour ne pas le nommer, au Québec?
M. Lisée
: Bien, c'est
un espoir qu'ils doivent nourrir. D'abord, c'est sûr qu'entre ça et la
fermeture, c'est mieux ça. Alors, on est toujours sur : Quelle est la
moins mauvaise solution, compte tenu des mauvaises décisions de M. Couillard
et de Bombardier, c'était peut-être la moins mauvaise solution. Ça nous a
fragilisés de façon terrible, mais donc il y a une assurance d'emplois jusqu'en
2041. Elle est réelle, hein, on va être très vigilants et, lorsqu'on sera au
pouvoir, on va être très vigilants pour qu'Airbus, comme les autres entreprises
qui ont pris des engagements, respecte leurs engagements. On trouve que le
gouvernement Couillard a été trop mou avec les entreprises qui ont pris ce
genre d'engagement dans le passé, d'une part.
D'autre part, quand on lit les
communiqués, on voit qu'Airbus dit : Bien, notre chaîne de fournisseurs
internationaux va pouvoir être mise à profit. Alors, moi, avec M. Bellemare
hier soir, je lui ai dit : Mais est-ce que ça veut dire que nos
fournisseurs québécois pourront être remplacés par des fournisseurs d'Airbus?
Et sa réponse à ça, c'était : Non, à cause de la certification, mais il
n'y a rien qui empêche des fournisseurs d'Airbus à avoir la certification pour
être au niveau de la CSeries. Évidemment, ce qui donne à la CSeries un
avantage, c'est que c'est un avion plus innovateur que d'autres. Alors donc,
pour arriver à être un fournisseur correct pour ça, il faut avoir une mise à
niveau. Mais ce n'est pas impossible que ça soit le cas, et il faudra voir
qu'est-ce qu'il va se passer en Alabama aussi pour la chaîne des fournisseurs.
Alors, je pense que, sur l'emploi, dans la
mesure où Airbus réussit à vendre beaucoup plus de CSeries et que la
construction se fait à Mirabel pour tout ce qui n'est pas du marché américain,
on va s'en tirer jusqu'en 2041. Le problème, c'est qu'on voulait s'en tirer
pour toujours et là on n'est plus certains de s'en tirer pour toujours. Et
deuxièmement, quand Airbus a la capacité d'acheter l'ensemble de la propriété
dans sept ans, bien, dans sept ans, ça va être le moment où ça va commencer à
être rentable, si ça décolle, cet avion-là. Donc, c'est après qu'il fallait
rester.
M. Bélair-Cirino (Marco) : M.
Khadir disait craindre, un plus tôt ce matin, qu'Airbus ait pris le contrôle du
programme de la série C pour peut-être le mettre sur une voie de contournement.
Est-ce que M. Khadir est paranoïaque?
M. Lisée
: Compte tenu
de la qualité de l'avion, qui est déjà acheté par des acheteurs européens, qui
ont donc préféré la CSeries à l'avion concurrent de Boeing, on peut penser
que... à l'avion concurrent d'Airbus, on peut penser qu'Airbus est conscient
qu'il achète un meilleur avion que celui qu'il vendait lui-même. Et moi, je ne
serais pas surpris de voir qu'en fait le CSeries va devenir, dans le catalogue
d'Airbus, l'avion pour ce créneau-là plutôt que celui qu'il avait. Alors, moi,
je n'ai pas cette crainte-là.
Le Modérateur
: Une
dernière, Marco, s'il vous plaît.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce
que j'ai bien compris, vous avez parlé hier soir avec M. Bellemare?
M. Lisée
: Oui.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce
que c'est un entretien que vous avez sollicité?
M. Lisée
: Non. C'est
lui qui l'a sollicité, mais j'étais heureux qu'il le fasse.
Le Modérateur
: Merci.
Mme Plante ensuite.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce
qu'il y a eu d'autres questions que vous lui avez posées...
M. Lisée
: Ah! bien, écoutez,
ça a duré une quinzaine de minutes. J'ai posé plein de questions sur l'ensemble
des... sur l'emploi, sur la propriété intellectuelle, sur les fournisseurs, sur
le siège social, sur le conseil d'administration. On a passé en revue l'ensemble
de l'entente.
Le Modérateur
: Merci.
Mme Plante, LaPresse canadienne.
Mme Plante (Caroline) :
Bonjour. M. Lisée, êtes-vous inquiet pour la gestion de l'offre?
M. Lisée
: Bien oui, on
est inquiets pour la gestion de l'offre parce que les Américains ont décidé
d'avoir une attitude extrêmement offensive, et, en même temps, c'est un peu du
bluff parce qu'ils mettent sur la table un élément qui peut faire échouer la
négociation au complet. Alors donc, il faut regarder le scénario de la
négociation au complet et de voir que qui profite le plus de l'ALENA et de
l'absence de tarifs, c'est les Américains. Alors, les Américains, ils se
feraient plus mal à eux de faire échouer l'ALENA que nous. Bon, et là la
question, c'est... Je suis sûr que les experts américains le savent, la chambre
de commerce américaine le sait. Est-ce que Donald Trump est au courant? Et, à
la fin, ça va être ça : Est-ce que quelqu'un va convaincre Donald Trump
que c'est mieux de garder l'accord avec la gestion de l'offre que de risquer de
ne pas l'avoir?
Mme Plante (Caroline) :
Avez-vous confiance que le gouvernement fédéral va bien défendre la gestion de
l'offre, et, d'après votre compréhension, qu'est-ce qui est en jeu pour le
Québec?
M. Lisée
: Bien, ce qui
est en jeu pour le Québec, c'est la survie de l'industrie laitière et
fromagère, tout simplement. Sans gestion de l'offre, le dumping américain
pourra faire disparaître les fermes laitières du Québec en quelques années.
Alors, c'est ça qui est en jeu et c'est pourquoi ça a non seulement une
importance économique, mais ça a aussi une importance d'occupation du
territoire, de vitalité de nos régions, de vitalité de notre agriculture.
Alors, il y a des tas de bonnes raisons d'être pour la gestion de l'offre.
Alors, pour nous, c'est important. Moi, je
suis confiant qu'à la fin, si la raison domine, on va avoir un renouvellement
de l'ALENA et on va garder la gestion de l'offre. Maintenant, il est vrai que,
dans les négociations précédentes, le gouvernement conservateur et le
gouvernement libéral étaient prêts à donner une augmentation des quotas laitiers
pour avoir des ententes. On l'a vu avec l'Europe et on l'a vu avec l'accord
transpacifique. Alors donc, ça a toujours l'air d'être dans la manche des
négociateurs d'Ottawa, à la fin, de faire payer l'industrie québécoise pour des
concessions. Moi, je crains toujours ça, mais il faut maintenir la pression
pour que ça n'arrive pas.
Le Modérateur
: Merci.
Une dernière en français, je crois. M. Boivin, Cogeco.
M. Boivin (Mathieu) : Ce
matin, en entrevue, la ministre Anglade disait : Écoutez, dans un monde
idéal, tout aurait été pour le mieux pour Bombardier. Mais elle a dit : Je
n'ai pas le choix, moi, dans le monde réel, il n'y a pas de vente dans la
dernière année. Il y a un gouvernement américain extrêmement agressif que
personne ne pouvait prévoir. Elle a dit : Nous, on a structuré notre
investissement de 1,3 milliard pour ne pas que ça soit une subvention,
mais bien une prise de participation avec le risque que ça implique.
Vous avez dit que c'était une mauvaise
façon de s'y prendre. Ça vous appartient. Mais, aujourd'hui, est-ce que ce n'est
pas vrai quand elle dit : On n'avait plus le choix? On n'avait juste plus
le choix, c'est la meilleure chose à faire dans les circonstances.
M. Lisée
: Et un
gouvernement doit être redevable de ses décisions. Ils ont fait un choix
stratégique, il y a deux ans, qui a été critiqué, par le Parti québécois et par
beaucoup d'autres, comme la mauvaise décision, et aujourd'hui on a le fiasco
qu'on a.
Maintenant, on est dans le fiasco. Est-ce
qu'il y avait une meilleure solution? Moi, je regarde l'entente puis je dis :
Est-ce qu'il fallait, en plus de le donner, d'envoyer le signal qu'on voulait
qu'ils prennent la totalité dans sept ans? Est-ce que c'était la seule chose à
faire? Est-ce que le premier ministre du Québec ou Mme Anglade, dans le
cours de la négociation, a dit : Bien, écoutez, là, essayons de ne pas
donner ça en plus? Est-ce qu'à un moment donné ils se sont dit : Bien, ça
va être en Alabama, mais seulement si on ne gagne pas au département du Commerce
ou peut-être pour Delta, mais pas pour les suivants, si on a le temps de gagner
au département?
Tu sais, est-ce que c'est... tu sais, il
me semble... moi, je me mets dans la tête du négociateur, puis on donne
tellement. Est-ce qu'on a essayé de garder des morceaux? Tu sais, je dis, si la
décision stratégique avait été différente il y a deux ans, probablement qu'on
aurait pu négocier avec Airbus une prise de contrôle d'Airbus de, disons,
30 % ou 40 %, peut-être avec quelques euros. O.K.? On aurait été en
meilleure position pour négocier. Mais là M. Couillard a affaibli notre
position. La position de faiblesse était énorme, mais il me semble que, même
dans une position de faiblesse, est-ce qu'on est allé chercher le maximum? On a
tellement donné que j'ai de la difficulté à croire qu'on ne pouvait pas en
avoir plus.
Le Modérateur
: Merci. On
va en anglais. Mme Johnson.
Mme Johnson (Maya) : Hello, Mr. Lisée. There is the argument that it is better to
have a smaller share in a larger more powerful company with expertise and
access to a larger market than to have a bigger share in a company that's
struggling to make sales. So how do you respond to that argument and why do you
characterize what has happened here as a fiasco?
M. Lisée
:
Well, because that was not what we set out to do. What Bombardier set out to
do, with the support of the QuébecGovernment,
including the PQ Government before, was to get into the
big leagues. And we have to say… to see today that we're not into the big
leagues. We've been absorbed by one of the members of the big leagues.
And so this dream of Bombardier and this support of Québec has been dashed by bad decisions. It
didn't have to be this way. When the Couillard Government decided to put a billion dollars into the CSeries itself, being the
only government in the world
investing in a plane rather than in a plane company, it made a bad decision, and
now, we see the consequences. We said at the time at the Parti québécois that the investment should
have been made in the Bombardier consortium.
Had we done that, well,
first, our investment would
have grown by 65% by now, which is the growth of the
shares of Bombardier in the meantime. We would not have given Boeing the excuse
of saying that we were subsidizing a plane. Probably we would have the problems
we have now by the lack of sales in the last year and probably we would have
turned to the Chinese and to Airbus to say : Come in, but we wouldn't have
been in such a weak position to give the house to keep the furniture. That's
what we did. We gave the house to keep the furniture. We could have been in a
position to negotiate, maybe Airbus 30% of the shares or 35%, with some euros
at the key.
But so it's better that…
The deal of yesterday is better than closing, of course. But who put us in that
weak a position? It's the bad strategic decision of Mr. Couillard. And it's not
as though at the time a number of people didn't tell him not to do that. We
did, some analysts did, and the Caisse de dépôt, at the time, was negotiating
to put money into the consortium and did not put money in the CSeries. So
basically, now, the verdict on the Couillard strategy is that he failed. He
failed us.
Le Modérateur
:
Merci. Mme Fletcher.
Mme Fletcher (Raquel) : …I was trying to take lots of notes, there. Considering that Airbus
now has… Is that how you say it in English, Airbus?
M. Lisée
:
Airbus, yes.
Mme Fletcher (Raquel) : Airbus, O.K., considering they now have a 50.01%, so slightly more
than 50%, does that mean that the CSeries is no longer «québécois»?
M. Lisée
:
Well, the control is non longer «québécois», you know. 50.1% is a clear
majority, you know, and the loss of control… You know, that Airbus becomes part
of the CSeries, that's fine. It could have been Boeing, it could have been the
Chinese, but the loss of control is the worst possible issue. And the fact that
the deal is structured in a way that, in seven years, Airbus can have a 100%, you
know, it's even worse. That means that, in 2041, we can
lose it all. You know, there's so much that is wrong about this deal, and that tells us much about the
extreme weakness of Bombardier in the negotiation, that we have to go back to who's responsible for having put
Bombardier in that situation, and the main culprit is M. Couillard.
Mme Fletcher (Raquel) : Does Mr. Trudeau have any blame or should he be taking any
responsibility for that? I mean, he had discussions with Trump just last week.
So how would you evaluate his effort or work on this matter?
M. Lisée
: Well, he was mainly a bystander. You know, when the time came to
invest in the CSeries, the Trudeau Government refused. Maybe they thought it would have been better to invest in
the consortium rather than CSeries, but they did nothing. And so they're
neither part of the problem nor part of the solution, or they're maybe somewhat
part of the problem because this refusal to invest in Bombardier gave the
market the signal that the Canadian Government was not on board. In the Boeing episode, I think he was steadfast
against it, and that was fine, but basically it was out of his hands. It was
really a Couillard affair.
Le Modérateur
: Merci. Mme Montgomery.
Mme Montgomery
(Angelica) : M. Lisée, Québec now has a 19%
share with this deal. What are the chances that we'll get our money back? Should
we be concerned about that investment?
M. Lisée
: Well, there's different scenarios about what the value of this 19%
is, and it's very difficult to value it. This morning, François Pouliot, in Les
Affaires, says, according to his calculation, it's now worth… what was $1.3 billion,
it's worth about $900 billion in his estimation. If Airbus sells many of
the planes in the next two years, we can recoup our investment. It will depend
on that, and that is the hope. And it is my expectation that, now that Airbus
is in, has an interest in selling the CSeries, the orders will pick up, and
though the value of the company will go up, and we will recoup our investment.
But we're losing control.
Le Modérateur
:Merci beaucoup.
Dernière…
Mme Montgomery (Angelica) : Can I ask about the deal? You were saying that this deal was struck
within a position of weakness, but you still think it could have been better.
Why do you say that?
M. Lisée
: Well, you look at every element of it, you know, if the Québec government was at the table — and we don't know at which point, you know, it had an
impact in the negotiation — and says : Well, we will never
accept that it's 50.1 %, we will go as far as 49 %... Did they try
that? Did they say : Listen, there's no way that
we'll give Airbus the ability to buy 100% within seven years. Did they say
that? There is no way that Airbus can take the intellectual property for its
other planes without paying for that. Did they say that? No. It seems to me
that those would have been points worth pushing for. Did they try and fail or
they didn't try? That's the question.
Le Modérateur
:
Merci beaucoup.
M. Lisée
: Merci. Et maintenant,
je tiens à vous présenter le chef de la deuxième opposition, M. François
Legault.
(Fin à 11 h 34)