(Huit heures deux minutes)
M. Lisée
: Depuis un
certain temps et la semaine dernière en particulier, on a l'exemple d'un gouvernement
qui est incapable de voter une loi cohérente et de la faire appliquer.
C'est la pire situation possible.
Lorsqu'on veut agir sur une situation compliquée, bien il faut d'abord bien réfléchir
à ce qu'on fait, anticiper les problèmes et mettre dans sa loi, dans ses règlements,
ses directives, son attitude, ce qu'il faut pour que la loi modifie les
comportements.
Alors, on a vu qu'à partir du moment où la
loi a été votée la semaine dernière, un certain nombre de gens ont dit :
On ne l'appliquera pas, ça ne nous intéresse pas, on va la contester. Et, en
quelques jours, le premier ministre, la ministre Vallée ont reculé sur un
élément qui était important dans la loi, celui des transports publics.
Après ce recul, hier, il y a des gens qui
disent : Malgré ça, on ne va toujours pas l'appliquer. Le maire Coderre a
été très clair hier, après le recul du gouvernement, il a dit : Bien, moi,
je veux bien que mes employés donnent le service à visage découvert, mais les citoyens
pourront faire toutes les interactions qu'ils veulent avec le visage couvert.
Et donc, il annonce que le maire de la principale ville du Québec n'appliquera pas
une loi qui est votée et sanctionnée.
La principale de l'Université McGill a
déclaré que tout son staff doit se comporter exactement comme avant l'application
de la loi. Donc, la directrice de la principale université anglophone a dit au gouvernement :
Ça ne me dérange pas, votez les lois que vous voulez, il n'y aura aucun
changement dans l'application des choses ici. Et donc, on est dans la poursuite
de la dévalorisation du gouvernement Couillard, de la dévalorisation de l'Assemblée
nationale, et c'est la crédibilité de l'État qui est en cause, et la réaction
du gouvernement est extrêmement molle. De toute façon, en ayant annoncé qu'il
n'y aurait pas de sanction, que ce ne serait pas appliqué avec force, c'était
dire à ceux qui n'étaient pas d'accord avec la loi de n'en tenir aucun compte.
Alors, nous, ce matin, avec Agnès, on est
ici pour vous dire que c'est possible qu'une loi sur le visage découvert qui a
de l'allure, qui est solide et qui peut s'appliquer, soit adoptée par l'Assemblée
nationale. Et d'ici Noël, le Parti québécois va déposer un projet de loi solide
qui va expliquer comment ça peut se faire. Et comment ça peut se faire, c'est
de faire en sorte, d'abord, sur les interactions, la communication, de dire :
Écoutez, voici les règles et voici les sanctions pour ceux qui n'appliquent pas
les règles. Il y a des sanctions pour ceux qui fument là où c'est interdit, il
y a des sanctions pour ceux qui parlent avec le téléphone cellulaire dans la
voiture, c'est applicable, si on veut l'appliquer.
Et deuxièmement, on pense qu'après 10 ans il
faut arrêter l'incertitude dans laquelle on est. Alors, en ce moment, n'importe
qui peut demander un accommodement religieux pour se soustraire de la loi. Il
peut même le demander à l'organisme lui-même. Alors, M. Coderre aurait pu dire :
Écoutez, moi, je vais appliquer la loi, mais je vais dire oui à toutes les
demandes d'accommodement. C'est essentiellement ce que certains universitaires
ont dit : On va dire oui à toutes les demandes d'accommodement. Donc, on
contourne la loi et on n'applique pas correctement, là, les critères de la loi.
Bien, il y a une façon de contourner ce
problème-là, c'est de dire que la charte québécoise des droits sera modifiée
pour donner l'Assemblée nationale le pouvoir d'interdire le visage couvert
comme ils l'entendent, et c'est de dire que la clause dérogatoire va
s'appliquer à la Charte canadienne des droits, et de dire dans la loi qu'aucun
accommodement religieux ne sera accepté pour la loi, sauf dans des cas de
sécurité et de santé imminents et avérés.
Et ça, ça signifie qu'une fois que la loi
est adoptée avec son calendrier d'application, ses sanctions, il n'y a pas de
recours possible aux tribunaux pour s'en soustraire. Sauf pour questions de
santé et de sécurité imminentes, ça n'arrive pas. Ça, c'est une loi qui
s'appliquerait. Ça, c'est une loi qui sortirait le Québec de l'incertitude. Ça,
c'est une loi qui dirait aux 87 % de Québécois qui sont d'accord avec le
principe du visage découvert que l'État est sérieux, que l'État va agir, que
l'État va faire en sorte que ça se réalise.
Pour ce qui est du débat sur doit-on
interdire ou non le visage couvert dans l'espace public et dans les transports
en commun, nous allons faire ce que nous disons depuis longtemps et, dans la
loi, on va prévoir de réunir à très brève échéance un comité d'experts qui va
demander : Comment vous avez fait ça, au Danemark, en Norvège, en Suisse,
en Autriche? Pourquoi certains ont décidé seulement les transports
publics? Pourquoi certains ont décidé tout l'espace public? Quelles ont
été les embûches? Comment ça a été appliqué? Est-ce qu'il y a eu des
municipalités, des universités qui ont refusé de l'appliquer? Qu'est-ce que
vous avez fait dans ces cas-là? Comment vous avez distingué entre le grand
froid et la température normale? Quelles sont les exceptions? Ça existe, ça. On
avait dit au gouvernement de le faire en août dernier. Ça serait le temps de
leur demander comment ça a marché là-bas avant de s'engager là-dedans ici. Et,
à la suite de cette information et du débat, on décidera si on fait une
interdiction partielle ou totale du visage couvert dans l'espace public ou dans
les transports publics.
Alors, ce que je veux dire aux Québécois
aujourd'hui, là, qui voient un gouvernement qui est traité comme un paillasson
par tous ceux qui ne veulent pas appliquer la loi : Que ce n'est pas ça,
la normalité. La normalité, c'est quand le Parti québécois adopte la loi 101
et, malgré l'opposition, elle s'applique, elle devient réalité. La normalité, c'est
un premier ministre qui prend ses responsabilités, et, lorsqu'il veut agir,
prend les mesures nécessaires pour agir. Et à la faiblesse de ce gouvernement
qui est en train de décrédibiliser l'État, nous, on dit : Un gouvernement
du Parti québécois va redonner de la crédibilité à l'État québécois sur cette
question-là et sur plusieurs autres.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. On va y aller avec les questions. M. Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) : Bonjour
à vous deux. C'est le retour de la charte des valeurs?
M. Lisée
: Non, on va
appeler ça la loi sur la laïcité. Donc, on va éviter le mot «valeurs», on va
parler de laïcité.
Mme Maltais : Bouchard-Taylor.
M. Lisée
: On va parler
de Bouchard-Taylor, qui fait largement consensus. On va interdire les signes
religieux pour les gardiens de prison, les juges, les policiers. On va les
interdire pour les nouvelles embauches dans les garderies installées au
primaire et au secondaire.
On va inscrire la laïcité dans le projet
de loi, pas la neutralité religieuse, et on va faire en sorte que, pour ce qui
est du visage découvert, il soit une réalité dans toutes les interactions du
gouvernement québécois, mais qu'il y ait une application, pas d'accommodements,
pas de recours légaux, pas d'attente, une application et des sanctions comme
toute loi qui se respecte.
M. Laforest (Alain) : Si ma
mémoire est bonne, en 2014, ce qui a causé un peu votre chute, c'est la charte
de la laïcité, la charte des valeurs. Et là vous vous retrouvez encore à aller un
peu plus loin que ce que le gouvernement fait actuellement, alors que les Québécois,
on n'avait pas l'impression qu'ils voulaient vraiment aller dans cette
direction-là. Vous ne craignez pas de créer le retour de flammes?
M. Lisée
: Bien, je ne
suis pas d'accord avec votre analyse de la situation de 2014. Je pense que la
volonté des Québécois d'agir concrètement et réellement pour la laïcité, elle
est massivement majoritaire. J'avais d'ailleurs montré, il y a quelques mois,
au premier ministre que la moitié de ses électeurs voulait ça, voulait
Bouchard-Taylor et lui déclarait que c'était de l'intolérance. J'ai dit :
La moitié de vos électeurs veulent ça. Et donc, l'immense majorité des
Québécois veulent des pas concrets, solides vers la laïcité, et on est
là-dedans.
Le Modérateur
: Merci.
M. Boivin.
M. Boivin (Mathieu) : M.
Lisée, répétez-moi très clairement le chemin que vous prendriez pour, au bout
du compte, en arriver à utiliser la clause dérogatoire pour vous soustraire à
la Charte canadienne des droits et libertés.
M. Lisée
: Bon, en ce
moment, dans la charte québécoise et la charte canadienne, il y a des articles
sur la liberté religieuse qui peuvent être invoqués sur des accommodements et
les juges peuvent interpréter de façon extrêmement large, et on sait, d'un
jugement à l'autre, ça change beaucoup.
Maintenant, la clause dérogatoire permet
de dire : Nonobstant ce qui est écrit dans cet article de la Charte
canadienne des droits, nous allons faire ceci, nonobstant. Ça veut dire :
Ça ne vaut pas la peine... votre article ne s'applique pas. Pour ce qui est de
la charte québécoise, bien, on va la modifier pour que la charte québécoise
elle-même permette la laïcité et permette au gouvernement, à l'Assemblée
nationale, d'agir sur la laïcité, ce qui fait qu'on n'aura pas à déroger à la
charte québécoise.
M. Boivin (Mathieu) : Est-ce
que vous êtes en train de mettre la table à une bonne grosse chicane avec le
reste du Canada en faisant une proposition dont vous savez d'avance, compte
tenu de l'actualité récente, qu'elle va être perçue comme éminemment raciste?
M. Lisée
: Écoutez, le
premier ministre Couillard s'est fait traiter de raciste, de xénophobe, de
sexiste, d'islamophobe. Ça ne peut pas être pire, hein? Ça peut? Bien, écoutez,
moi, je pense que là on est dans la totale, alors, quoi qu'on fasse, on sera
dans la totale. Et, si René Lévesque et Camille Laurin avaient dit : Bien,
on n'adoptera pas la loi 101 parce que ça se peut qu'ils nous traitent de tous
les noms, on n'aurait pas fait un progrès historique majeur. Le Parti québécois,
il veut gouverner pour le Québec, pour les intérêts du Québec, et, dans ce
cas-là, nous avons les dispositions légales à notre portée pour agir
immédiatement. Si le gouvernement Couillard avait voulu agir correctement, il
aurait fait ça, mais il est tellement Trudeauiste qu'il n'est pas question pour
lui d'utiliser la clause dérogatoire. On l'a vu dans l'affaire des délais
légaux.
Mais, nous, on n'est pas Trudeauistes. On
est pour le Québec puis on est pour la volonté québécoise d'assumer sa laïcité
de façon correcte, respectueuse, à l'intérieur des balises que nous avons
maintenant, comme le font plusieurs pays européens avec l'approbation de leurs
cours de justice européennes, et nous allons le faire.
Le Modérateur
: Merci. M.
Pilon-Larose.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Est-ce que, pour modifier la charte québécoise, comme vous le proposez, c'est
préférable, selon vous, d'avoir l'unanimité des partis, des parlementaires à
l'Assemblée nationale?
M. Lisée
: C'est préférable
d'avoir plus qu'un parti puis c'est toujours bien d'avoir l'unanimité, mais ce
n'est pas indispensable.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Pensez-vous que vous allez être capables de l'avoir, l'unanimité, sachant que
les autres partis vont savoir pourquoi vous modifiez la charte?
M. Lisée
: Écoutez,
vous savez, les trois partis d'opposition ont voté contre la loi n° 62,
entre autres parce qu'elle ne prévoyait pas la laïcité. Alors, je ne présume
pas leur vote là-dessus.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Vous
avez parlé de possibles sanctions dans cette loi sur la laïcité que vous allez
proposer. Qui va appliquer les sanctions dans la société civile?
M. Lisée
: Bien, qui
applique les sanctions pour quelqu'un qui fume là où c'est interdit? Qui
applique les sanctions lorsque quelqu'un utilise son cellulaire dans la
voiture? Je veux dire, ça se fait constamment, les gens qui ont les
responsabilités d'appliquer les sanctions les appliquent.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Donc,
il va y avoir une police de la laïcité?
Mme
Maltais
:
Monsieur, puis-je... je voudrais juste vous mettre à jour sur ce qui s'est dit
en commission parlementaire, si vous me le permettez. Il y a des sanctions
associées au projet de loi n° 62. Ce qu'a dit la ministre de la Justice,
c'est que les sanctions administratives concernant les fonctionnaires de l'État
s'appliquaient et que ça pouvait aller jusqu'à un congédiement. Ce sont les
mots qu'elle a utilisés. J'ai demandé : Est-ce que ça peut aller jusqu'au
congédiement? Et elle a répondu : Oui, ils pourraient être congédiés.
Alors, la farce qui se passe actuellement
en disant qu'il n'y avait pas de sanction, je m'excuse, en commission
parlementaire, ça a été spécifié.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Selon
vous, en fait, qui va appliquer les sanctions dans votre loi? C'est la police,
si je comprends bien.
M. Lisée
: Écoutez, oui,
la police applique les lois. La police applique les lois, et c'est appliqué...
Je veux dire, par exemple, lorsqu'on a décidé qu'on ne pouvait pas fumer à neuf
mètres, bien, écoutez, c'est l'établissement qui dit : à neuf mètres, vous
ne pouvez pas fumer. Le gardien de sécurité, il dit : N'oubliez pas que...
puis, s'il y a un récidiviste, il appelle la police. C'est comme ça que ça
fonctionne au Québec, l'application des lois.
Le Modérateur
: Merci.
M. Lavallée.
M. Lavallée (Hugo) : Bonjour,
M. Lisée. Vous dites vouloir lever l'incertitude en présentant un projet de loi
qui va recourir, donc, au dispositif dérogatoire, mais ce recours-là, par
définition, doit être renouvelé périodiquement.
M. Lisée
: Tous les
cinq ans.
M. Lavallée (Hugo) : Dans un
contexte où les gouvernements changent, l'instabilité va perdurer nécessairement,
puisque vous pourriez être élus, faire adopter le projet de loi; un autre gouvernement
est élu, ne réutilise pas le recours. Vous voyez la dynamique. On ne s'en sort
pas même en employant cette technique-là.
M. Lisée
: Bien, à tous
les cinq ans, effectivement, il faut renouveler la clause dérogatoire. Nous, on
sera là pour le deuxième mandat et on fera l'indépendance du Québec. Alors, la question
ne se posera plus par la suite.
M. Lavallée (Hugo) : Est-ce
qu'en ce qui concerne...
M. Lisée
: Ça vous en
bouche un coin, hein?
M. Lavallée (Hugo) : Est-ce
qu'en ce qui concerne le recours à ce dispositif-là... on a l'impression que ça
a une charge importante, d'utiliser ce recours-là, qu'on doit l'utiliser véritablement
dans les cas qui le nécessitent de manière absolue. Vous croyez vraiment que le
problème, entre guillemets, du visage découvert au Québec, en ce moment,
nécessite une mesure si forte?
M. Lisée
: Oui, parce
que ça fait 10 ans que ça traîne, et puis il y a un moment où soit tu as la volonté
politique de le faire ou tu ne l'as pas. Si tu as la volonté politique de le
faire, tu utilises les moyens.
Maintenant, l'utilisation de la clause
dérogatoire a été dramatisée à outrance ces dernières années. René Lévesque
l'avait attachée à toutes ses législations, toutes. À partir de l'adoption de
la Constitution en 1982, toutes les lois québécoises avaient la clause
dérogatoire sans exception, et ensuite les libéraux l'ont utilisée une fois. En
ce moment, elle est attachée à trois ou quatre législations québécoises. Les
gens en parlent très peu, mais c'est le cas pour des cas précis où on ne voulait
pas revenir sur des acquis.
Mais là on a un cas où on est dans un
débat national depuis 10 ans sur cette question-là et on dit : Ah bon!
bien, on va voter puis on va laisser la Cour suprême, des juges nommés par
d'autres, interprétant une Constitution qu'on n'a pas négociée ni adoptée, dire
le contraire de ce que la volonté québécoise exprime. Non, dans ce cas-là,
c'est un cas très clair où la clause dérogatoire devrait être utilisée.
M. Lavallée (Hugo) : Vous
dites que ça fait 10 ans que le débat traîne. Quelle est la part de
responsabilité du Parti québécois?
M. Lisée
: Bien, on a
été là 18 mois. Alors, faites la règle de trois.
Le Modérateur
: Merci. M.
Lecavalier.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour, M. Lisée. Sur un autre sujet, il y a l'honorable juge Braun, à
Montréal, lors d'un procès pour agression sexuelle, qui a fait des commentaires
sur le physique de la jeune femme en disant qu'elle est en surpoids, mais
qu'elle avait un joli visage. Ensuite, il a dit qu'elle devrait être flattée
parce que c'est la première fois que quelqu'un s'intéresse à elle. Il a dit
que... pas besoin de consentement pour embrasser, ce n'est pas la même chose
que mettre la main au panier. Qu'est-ce que vous pensez de ce genre de
déclaration là d'un juge?
M. Lisée
: Écoutez, c'est
très grave. On se tourne vers nos juges pour avoir de la sagesse et la loi, et
là on n'a eu ni l'un ni l'autre. J'ai échangé avec notre critique à la justice,
Véronique Hivon, plus tôt ce matin, et on pense que le geste à poser, c'est que
la ministre de la Justice dépose une plainte au Conseil de la magistrature
contre ce juge.
M. Lecavalier (Charles) : En
2013, ce même juge avait dit, lors d'un autre procès, à une femme qui s'était
fait agripper les seins par un technicien de Bell qui était rentré chez elle,
que ce n'était pas le crime du siècle. Alors...
M. Lisée
: Je pense que
le Conseil de la magistrature devrait considérer la récidive comme un facteur
aggravant pour prendre sa décision.
M. Lecavalier (Charles) :
Vous ne pensez pas qu'en 2013, déjà, il aurait dû y avoir une réaction?
M. Lisée
:
Certainement.
M. Lecavalier (Charles) : Et
là vous vous attendez à quoi? C'est quoi, la suite des choses, après la
plainte?
M. Lisée
: Bien, on
veut que Mme Vallée, la ministre de la Justice, dépose une plainte au Conseil
de la magistrature.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que ce juge-là pourrait toujours piloter un procès pour agression
sexuelle dans le futur?
M. Lisée
: Si j'étais
à... Moi, je ne peux pas me substituer au Conseil de la magistrature, mais, à
la place du juge, je demanderais à être suspendu de mes fonctions en l'attente
de la fin de la discussion.
Le Modérateur
: Merci.
M. Bélair-Cirino.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Qu'est-ce que vous attendez de la politique sur l'interculturalisme de
Philippe Couillard?
M. Lisée
: Bon, hier, il
s'est passé quelque chose d'extrêmement important, hein? Tous les gouvernements
péquistes et libéraux dans le passé ont dit : Le multiculturalisme, on est
contre et, à la place, on fait l'interculturalisme.
Hier, le premier ministre a dit :
Non, le multiculturalisme, on est pour, et l'interculturalisme, c'est un étage
de plus. Ce sont des termes contradictoires. Le multiculturalisme, c'est :
On est chacun dans son coin et on fait la promotion des différences.
L'interculturalisme, c'est : Non, on se parle entre nous. Et nous, au
Parti québécois, on pense qu'il faut aller plus loin, qu'il y a un tronc
central au Québec, et les gens devraient converger vers ce tronc central. Et
quoi qu'il en soit, ce que monsieur...
Et d'ailleurs, hier, on avait une motion pour
affirmer que les lois de l'État québécois devaient s'appliquer sur tout le
territoire et qu'on rejetait le multiculturalisme. Le premier ministre a
préféré ne pas voter cette motion parce qu'on disait du mal du
multiculturalisme, donc ne pas affirmer la valeur des lois québécoises sur le
territoire pour protéger le multiculturalisme. Et, en réponse à mes questions,
il nous a indiqué ce changement politique majeur du gouvernement québécois qui
maintenant adhère au multiculturalisme en disant : Bien, on en ajoute une
couche.
Alors, moi, je m'attends à un texte qui va
dire, un peu comme leur texte précédent sur la nation... Québécois, notre façon
d'être Canadiens, ils vont dire : Interculturalistes, notre façon d'être
multiculturalistes.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Ça
vous fait craindre le pire, ça?
M. Lisée
: Bien, c'est
un recul. Le gouvernement Couillard assume son trudeauisme de façon de plus en
plus affichée.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que la Procureur général du Québec devrait faire une demande d'injonction
pour faire appliquer la loi sur la neutralité religieuse et évidemment, là, l'obligation
du visage découvert?
M. Lisée
: Bien, je
vais leur laisser le choix des moyens. On a voté contre cette loi. Elle est bafouée.
Clairement, le gouvernement doit prendre des mesures pour affirmer son autorité
qui est bafouée aujourd'hui très clairement. Alors, j'ai hâte de voir comment
ils vont s'y prendre, mais, d'après moi, c'est foutu.
Le Modérateur
: Merci.
M. Lacroix.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour
M. Lisée, Mme Maltais. Robert Poëti veut relancer le projet de loi n° 108
qui va être appelé dès demain, là, le projet de loi n° 108 qui crée l'AMP,
l'Autorité des marchés publics. Et donc, il voudrait que l'ensemble des
contrats publics passent par l'AMP, mais le seuil de vérification des contrats
serait fixé à 1 million pour les contrats publics et 5 millions pour les
contrats en PPP. Est-ce que vous trouvez que ces seuils-là sont corrects,
sont...
M. Lisée
: On trouve qu'ils
sont trop élevés. Et d'ailleurs, lorsque nous avions introduit la loi qui
obligeait, dans les contrats publics, les promoteurs, les entrepreneurs à
obtenir leur certificat d'autorisation de l'AMF, nous avions commencé par des
sommes plus importantes en disant : On veut s'en aller jusqu'à 100 000 $.
Et les libéraux ont décidé de ne pas aller jusqu'à 100 000 $.
M. Lacroix (Louis) : Pourquoi,
vous pensez?
M. Lisée
: Bien, il
faut leur poser la question. Moi, je pense qu'il faut aller jusqu'à 100 000 $
parce que l'intégrité le réclame, parce que, si on veut faire le ménage, il
faut faire le ménage jusqu'à 100 000 $. Et, si l'UPAC, qui est dans
ce processus-là, et l'AMF ont besoin de plus de ressources, bien, donnons-leur
plus de ressources. C'est la seule question à poser.
Alors, le refus des libéraux de descendre
en bas d'un million, pour moi, pour un parti politique qui a été si proche de
ces entrepreneurs-là, moi, ça me dit qu'ils n'ont pas la volonté politique
d'aller voir jusqu'à 100 000 $. Nous, au Parti québécois, on l'aura
et on le fera.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous allez participer... Est-ce que vous croyez que ça vaut la peine de
faire avancer ce projet de loi là? Parce qu'il était un peu tombé dans les
espèces de dédales, là, de l'Assemblée nationale, on n'avait pas étudié plus
loin que l'article 1. Est-ce que vous allez collaborer avec M. Poëti? Il veut
donner davantage de dents à ce projet-là en faisant en sorte que l'AMP ait le
pouvoir même d'annuler des contrats, ce qui n'est pas le cas dans le projet de
loi actuel.
M. Lisée
: Puis ce qui
est le cas pour l'Inspecteur général de Montréal. Écoutez, si le projet de loi
est appelé, bien sûr qu'on va participer puis on va vouloir lui donner le plus
de dents possibles, puis un combat qu'on va donner, c'est de descendre le seuil
à 100 000 $.
Le Modérateur
: Merci.
Mme Plante.
Mme Plante (Caroline) : Bon
matin. Juste pour qu'on soit bien clair et pour que ça soit très clair pour les
Québécois, est-ce qu'un vote pour vous, pour le PQ en 2018 va être un vote pour
l'interdiction du voile intégral dans l'espace public?
M. Lisée
: Non. On va
avoir une discussion là-dessus. On va regarder ce qui se passe ailleurs, ce qui
se passe dans tous ces pays démocratiques européens qui ont fait une
interdiction partielle et totale et on prendra une décision après. Donc...
Mme Plante (Caroline) : Clairement,
vous voulez aller dans cette direction.
M. Lisée
: On ouvre la
porte à une interdiction partielle ou totale dans l'espace public. On veut
avoir cette discussion-là et prendre la décision à ce moment-là, alors... et si
on le fait, on va le faire sérieusement. Un vote pour le Parti québécois, ça va
être un vote pour réparer le système de santé, pour avoir plus de gratuité en
éducation, pour faire un vrai virage vert et pour redonner de l'épine dorsale à
la nation. Je ne pense pas que ça va être le seul sujet, ça va être un des
sujets, et maintenant qu'il y a eu un tel échec du gouvernement libéral
là-dessus, bien, ceux qui veulent ne rien faire, bien, qu'ils votent libéral. Ceux
qui veulent que quelque chose se passe de sérieux, bien, qu'ils votent pour le
Parti québécois.
Mme Plante (Caroline) : On
parlait tout à l'heure d'amendes... c'est-à-dire de sanctions pour les
employés. Quelqu'un qui ne respecterait pas la loi, votre loi sur la laïcité,
aurait une amende? Comment ça fonctionnerait?
M. Lisée
: Écoutez,
dans l'ensemble des infractions, il y a des contraventions. Alors, on va
regarder ce qui se passe en France, au Danemark, en Norvège, en Suisse, en
Autriche, on va dire : Mais comment vous l'appliquez, vous, hein? Est-ce
que c'est comme fumer quand on n'a pas le droit de fumer ou parler au
cellulaire dans la voiture quand on n'a pas le droit? C'est quoi? Comment vous
faites ça? Est-ce qu'il y a un avertissement? Est-ce que... Quoi? Tu sais, il y
a une loi qui doit être appliquée, elle n'est pas appliquée. Qu'est-ce qui se
passe? Comment vous le faites?
Et, si on décide d'aller dans cette
direction-là, bien, on aura des mesures appropriées.
Le Modérateur
: Merci.
Mme Mathieu.
Mme Mathieu (Annie) : Oui.
Pour faire du pouce sur ce que ma collègue disait, vous reprochez au
gouvernement d'avoir eu 10 ans pour faire... et là, vous, vous en appelez de
faire une consultation, de rebrasser encore tout ça.
M. Lisée
: Non.
Mme Mathieu (Annie) : Pourquoi
n'êtes-vous pas plus ferme par rapport à ça?
M. Lisée
: Bien,
c'est-à-dire qu'on va... nous, on va vous présenter le projet de loi d'ici
Noël, qu'on va adopter dans les six premiers mois du gouvernement du Parti
québécois. À l'intérieur de ce délai-là, un panel d'experts... on ne va pas
faire une consultation sur le sujet. Alors, il va y avoir la commission
parlementaire avec des consultations, mais le panel d'experts va nous dire :
Voici ce qui s'est passé en Europe, voici comment ça s'applique, les bons
coups, les mauvais coups, ça, ça ne vaut pas la peine, ça, ça vaut la peine, ça
a tel impact, tel impact. Donc, on va apprendre des expériences étrangères et,
sur la situation québécoise, bien là, on prendra une décision partielle,
totale, ou zéro sur l'interdiction dans l'espace public ou dans les transports
publics.
Mme Mathieu (Annie) :
Croyez-vous que Mme Vallée devrait forcer la main aux municipalités pour
l'application de la loi n° 62?
M. Lisée
: Bien, elle
est la ministre de la Justice et la Procureur général. Si elle se fait dire par
des acteurs majeurs qu'ils veulent être hors-la-loi, bien, elle a une
responsabilité de faire appliquer les lois.
Le Modérateur
: Ensuite
en anglais. Une dernière.
Mme Mathieu (Annie) : Oui, juste
sur un autre sujet, à la fin novembre, le vérificateur... la Vérificatrice
générale, pardon, doit présenter un rapport sur la francisation des immigrants
ainsi que sur l'intégration dans le marché du travail. Le ministre et tout son
cabinet semblent avoir bougé, réinvesti un peu d'argent en région. Qu'est-ce
que vous anticipez de ce rapport-là et comment interprétez-vous sa réaction
récente?
M. Lisée
: La réaction
de la vérificatrice?
Mme Mathieu (Annie) : Non, du ministère
qui semble vouloir réinvestir en région depuis que le vérificateur a mis le
doigt sur les...
M. Lisée
: Bien, écoutez,
les libéraux nous ont habitués à annoncer des choses et à ne pas les dépenser.
Alors, moi, je vais attendre la vérificatrice pour nous donner l'heure juste là-dessus.
C'est sûr que, depuis février dernier... Bon, on a toujours poussé pour plus de
francisation, pour plus de régionalisation de l'immigration. Depuis février
dernier, on les talonne sur des mesures, des meilleures mesures d'intégration et
de francisation. On va déposer sous peu un projet de loi sur des mesures
d'intégration et de lutte contre la discrimination. Alors, peut-être avons-nous
contribué à ce qu'ils bougent un petit peu. En tout cas, pour les résultats, je
vais attendre le bulletin de la vérificatrice.
Le Modérateur
: Merci. En anglais, Mme Montgomery.
Mme Montgomery
(Angelica) : Hello, M. Lisée. What will your
position be when it comes to banning the niqab or burqa in all public spaces?
And are we going to know what your position is on these issues in the next
election? It's only a year away.
M. Lisée
: The end of the question, I didn't get…
Mme Montgomery
(Angelica) : Are we going to know what the Parti québécois's position is on all of these
issues by the next election? It's only a year away. Can you give us an idea of
what position…
M. Lisée
: Only a year away. OK.
Mme Montgomery
(Angelica) : Yes.
M. Lisée
:OK, sure. So what
we will table, before the end of this year, is the bill that we will table when
we get to government in
October 2018. On the question of the full veil in public spaces or public
transportation, we will have a panel of experts telling us what has happened in
France, in Austria, in Switzerland, in Norway, in all these countries that
applied partial or total bans, how was it applied, what were the problems, how
were they implemented, and how could that be applied to Québec, if we choose to
do so. And so a decision will be made early in 2019 about this, informed by the
experience of Europe.
Mme Montgomery
(Angelica) : And will we know what your
position is on these issues by the next election, what will your party's
position be?
M. Lisée
: The position will be that we're open to partial… we're open to the
discussion of banning the full veil, but we want to have an informed decision
based on what has happened in Europe.
Le Modérateur
:
Dernière, s'il vous plaît.
Mme Montgomery
(Angelica) : What do you think the Liberals
should do when it comes the notwithstanding clause? How do you justify this
argument that they should use it to stop court challenges?
M. Lisée
: Well, they won't use it. It exists. So either you want to take a decision
and move forward or you want to stay in uncertainty for years. We feel that, if
we want to say that, in interactions with the State, you should show your face,
you should say : Well, there shouldn't be accommodations for religious
purposes to withdraw yourself from this obligation, and the only way to make
sure this happens is to say : Notwithstanding the Canadian Charter of
Rights, this will apply. And we have the ability to do that, the clause is
applied on five current laws in Québec now.
It would end the debate.
It would make sure that the law of the QuébecGovernment is
applied. And don't wait for the courtsé I mean, it's been set up to be real and
not to stay in uncertainty for another five, 10 years.
Le Modérateur
:
Merci. Mme Fletcher.
Mme Fletcher
(Raquel) : Good morning, Mr. Lisée. Dr.
Barrette is going to make an announcement this morning about something to do
with frontline services. You obviously don't have all the details. I'm just
wondering, you've spoken out a number of times against increasing doctor's
salaries, is that a point of principle for you or, if the Government… My question is : If the Government invests more in things like long-term care, frontline services,
whatever they're going to announce this morning, does that make up for the
increase in doctors salaries? Is it OK to increase doctors salaries if they're also going to invest in
other areas?
M. Lisée
: Listen, Québec
doctors have had a rise in their remuneration that is stratospheric in the last
10 years. They have enough. The only good number for new hikes is zero. And all
the new money should go to the patients, to the frontline, to services at home,
which are being rationed as we speak. All right? Merci.
Le Modérateur
:
Merci.
(Fin à 8 h 32)