(Onze heures neuf minutes)
M. Leitão : Très bien. Alors,
bonjour. Aujourd'hui, comme vous avez probablement constaté, on a posé une
question au ministre des Finances concernant deux choses, concernant d'abord
l'ampleur des surplus. Nous sommes à trois semaines du budget, et je pense que,
rendu à cette étape-ci, il devait avoir une très bonne idée du montant de ces
surplus-là. Donc, on souhaitait avoir l'heure juste, à cet égard-là, et on n'a
pas eu de réponse.
Mais deuxièmement, et c'est peut-être le
plus important, c'est ce que je considère être une espèce... une dérive de la
non-transparence. D'une façon un peu rapide, le ministre a annoncé, par
communiqué, que le rapport mensuel qui était pour être publié le 8 mars,
maintenant, ne le sera pas, il sera rendu public en même temps que le budget,
au 21 mars.
Je trouve ça préoccupant parce qu'un
engagement qu'on avait pris en 2014 et qui était, comme j'ai dit au salon bleu,
chaudement applaudi par l'actuel président du Conseil du trésor, c'était de
rendre cette information-là disponible et à date fixe pour justement éviter les
tentations politiques de : Bon, ce mois-ci, on va le sauter ou ce mois-ci,
on fait comme ça. Donc, à date fixe, en début d'année, on connaît les dates de
publication et on y va. Et c'est important, ce rapport-là, parce qu'il nous
donne vraiment l'heure juste de l'évolution des dépenses et des revenus de
l'État.
Donc, moi, je trouve ça très préoccupant
qu'on s'engage maintenant dans cette direction-là où on pourrait éventuellement
dire : Ah! bon, ce rapport-là, ce n'est pas tellement nécessaire. Non, il
est très nécessaire, il est très utile, il faut continuer à le publier
mensuellement et à la date fixe pour avoir cette information qui est très utile
concernant l'évolution des revenus et l'évolution des dépenses. Je ne sais pas
si...
M. Barrette : Oui, tout à
fait. Alors, de concert avec mon collègue, évidemment... Vous savez, le
principe de la transparence est un principe que nous avons mis sur la table
lors de la dernière législature. Et la transparence, ça signifie un certain
nombre d'automatismes. C'est-à-dire que, de façon neutre et régulière, des
données sont rendues disponibles au public. Aujourd'hui, probablement pour un
effet de toge politique, on choisit, pour la première fois en plus de 60 mois,
de ne pas publier à la date fixée ce fameux rapport. Alors, pourquoi? Alors,
comme mon collègue l'a mentionné, est-ce que c'est le prélude à l'abandon de ou
à l'instrumentalisation de quelque chose qui se doit et se veut d'être neutre?
Alors, moi, pour moi, ça m'inquiète, d'une part.
D'autre part, le ministre, en réponse à la
question de mon collègue, a dit qu'il voulait même améliorer les choses avec
des rapports trimestriels. Parfait. Ça n'enlève pas l'importance du rapport
mensuel. Si on peut l'améliorer, oui, mais, au bout de la ligne, c'est une
question de transparence envers le public, ce sont toujours leur argent que
l'on gère, au gouvernement. Et le fait d'avoir instauré la production d'un
rapport mensuel et, maintenant, trimestriel, comme ils veulent le faire, c'est
très bien, mais jamais on ne devrait jouer avec cette séquence-là. Alors, le
fait qu'on joue avec, qu'on l'instrumentalise, manifestement pour des raisons
politiques, moi, ça m'inquiète.
M. Lecavalier (Charles) :
Qu'est-ce que le gouvernement voudrait cacher? L'ampleur des surplus parce que
c'est plus difficile de faire de l'arbitrage quand on a plus d'argent?
M. Leitão : Je pense que
c'est ça. C'est qu'on est à trois semaines du budget, je pense qu'ils le savent
déjà, rendu à cette étape-ci, et je peux vous dire qu'on a déjà une très bonne
idée de quelle va être l'ampleur de ce surplus-là, et je pense qu'il veulent
garder ça pour eux jusqu'au 21 mars. Je trouve que c'est dommage. C'est
dommage parce que l'information de ce rapport est très pertinente, et, quand
elle sera publiée, lors du budget, le 21 mars, il y aura tellement
d'autres informations que ça va être peut-être un peu perdu dans tout ce
déluge.
M. Barrette : On peut
aussi le voir d'une façon différente. Le ministre, aujourd'hui, a fait allusion
à l'accélération des dépenses. Parce qu'on n'est pas rendus encore au 31 mars,
entendons-nous. Est-ce que ce qu'il veut, dans le fond, c'est de ne pas
montrer... divulguer un rapport qui montrerait qu'effectivement il y a un
mégasurplus à sa disposition qu'il souhaite faire disparaître pour le budget,
hein? Parce que, là, il reste encore des jours, hein, où il peut accélérer des
dépenses pour faire fondre le fameux surplus.
Moi, là, rappelez-vous, dans les dernières
semaines, lors de mon interpellation, le président du Conseil du trésor a dit
clairement, comme le premier ministre y a fait allusion, que, dans le prochain
budget, il n'y aurait pas de surplus. Là, on est en train de gérer un point de
référence et on voudrait que ce point de référence là soit le plus petit
possible. Une des façons de le rendre le plus petit possible, c'est de ne pas
divulguer le rapport aujourd'hui, d'accélérer les dépenses pendant le mois de
mars et d'arriver, en fin de compte, avec un surplus plus petit, alors qu'ils
ont annoncé qu'ils voudraient n'en avoir aucun. Et, pour arriver à aucun, bien,
il faut dépenser plus. Où ça va être fait, ces dépenses-là?
Il y a une manoeuvre politique, actuellement,
il y a une manoeuvre de diversion qui n'est pas très élégante, alors qu'elle
aurait été probablement impossible, si on avait dévoilé, divulgué les données
du rapport, qui n'est pas le cas aujourd'hui. Moi, je trouve ça déplorable.
Je le répète, transparence, ça veut dire
transparence, et ça passe aussi par la constance des rapports. Mon collègue,
lorsqu'il a mis ça en place, c'était une avancée extraordinaire pour la société
québécoise d'avoir à chaque mois un état de situation, à toutes fins utiles,
inattaquable parce qu'il est neutre. Bien là, on vient de faire une entorse à
ça qui est très, très, très importante, et il faut le souligner.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais, M. Leitão, dans vos budgets à vous, là, c'est déjà arrivé que vous
avez engagé des dépenses non récurrentes ou devancé des dépenses pour réduire
l'ampleur d'un surplus.
M. Leitão : C'est déjà
arrivé.
M. Lecavalier (Charles) :
Donc, le fait qu'un rapport mensuel soit déposé ou non, ça ne change pas le
fait qu'un ministre des Finances peut devancer des dépenses pour réduire un
surplus.
M. Leitão : Oui, tout à
fait. Mais il y a deux choses. D'abord, c'est l'ampleur même du surplus. On est
rendus maintenant, pour 2018‑2019, selon toutes les estimations de tous les
acteurs indépendants, à quelque chose comme 4 ou même 5 milliards de
dollars. C'est énorme. Nous, les trois années précédentes, on avait des surplus
de l'ordre de 1,5, 2 milliards. Donc là, rendu à 4,5, 4... 4,5, c'est
énorme.
Et deuxièmement, ce qui est inquiétant, c'est
cette façon dont on détourne l'attention en ne publiant pas le rapport le 8 mars.
Le rapport du 8 mars nous donnerait le portrait des dépenses et revenus
pour les 10... les neuf premiers mois de l'année, jusqu'à décembre. On sait
très bien qu'au mois de décembre c'est toujours un mois de surplus importants.
Donc, le surplus cumulatif jusqu'à décembre, probablement qu'il serait de
l'ordre de 5 milliards de dollars. Et c'est cette information-là que le
gouvernement ne veut pas qu'on ait parce qu'il pense qu'on ne sait pas bien
interpréter. Mais ce n'est pas ça du tout, là, on a besoin d'avoir l'heure
juste sur...
M. Barrette : Je vais
aller un pas plus loin. Est-ce qu'on nous annonce aujourd'hui qu'il n'y aura
plus de rapport mensuel — ça n'a pas été dit
clairement — et qu'il y aura maintenant des rapports trimestriels? Alors,
comme mon collègue vient de le dire, ça veut dire que, dans le prochain mois,
et le prochain mois, et le mois d'après, on pourrait voir exactement ce qui
s'est passé dans ces mois-ci, qui va dans la direction de ce que vous venez
d'évoquer. Alors là, est-ce qu'on est dans une opération camouflage, qui n'est
pas malhonnête, mais qui est intellectuellement très critiquable? Alors, si on
est un gouvernement de la transparence, ce rapport-là doit sortir maintenant
ainsi que pour tous les autres mois suivants.
Et ce que j'ai entendu aujourd'hui
m'inquiète parce que peut-être qu'on s'en va vers juste des rapports
trimestriels, et peut-être que le premier rapport trimestriel va être à
l'automne. Pourquoi pas? Parce que, là, on vient de cacher ce qui ce sera passé
dans les derniers mois et on aura caché en plus le vrai surplus, qu'on va finir
par savoir plus tard parce que... la loi d'accès à l'information, et ainsi de
suite. Mais actuellement il est clair que ce gouvernement-là ne fait pas preuve
de transparence et choisit de ne pas divulguer une information qui serait non
seulement pertinente, mais qui vous inviterait, les médias, à un certain nombre
d'analyses qui ne seraient peut-être pas glorieuses pour le gouvernement.
M. Leitão : Il y a un
aspect qui est particulièrement préoccupant, à mon avis, mon collègue l'a mentionné,
c'est que le président du Conseil du trésor a mentionné et aussi le premier
ministre aussi qu'en 2019‑2020, la prochaine année, il n'y aura pas de surplus.
Moi, je trouve ça grave de dire ça maintenant. Qu'est-ce que ça veut dire, il
n'y aura pas de surplus en 2019‑2020? Ça veut dire qu'il n'y aura plus de
provisions pour éventualités. Ca veut dire que le Fonds de suppléance, qui a
toujours bien garni, il n'y en aura plus, de Fonds de suppléance, ou il sera
beaucoup plus petit. Il n'y aura plus de marge budgétaire à la prévision de la
dette.
Donc, il y a beaucoup d'éléments qui font
partie de la prudence budgétaire. Si on dit aujourd'hui : Ah! il n'y aura
pas de surplus, donc ces mesures de prudence, quoi, ne seront plus là. On va
faire très attention à ça dans le prochain budget.
M. Barrette : Alors, on a
un gouvernement qui est brouillon en immigration, il est brouillon en
éducation. Là, il est plus que brouillon, là, il introduit, induit un brouillon
dans la gestion de... la transparence des finances publiques. À un moment
donné, il faut le souligner, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Des voix
: Merci.
M. Leitão : Merci.
M. Barrette : Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 19)