(Huit heures trente-cinq minutes)
M.
Arcand
:
Merci. Alors, bon matin à tous. Évidemment, on va vous parler du projet de loi
sur la laïcité qui a été déposé il y a une semaine, jour pour jour.
Normalement, on aurait dû obtenir, au fil des jours, un peu plus d'information,
particulièrement sur son application.
Une voix
: Excusez.
Excusez, c'est parce qu'on n'a pas de son...
M.
Arcand
: Oh!
Est-ce qu'il y a du son maintenant?
Des voix
: ...
M.
Arcand
: C'est
ça, c'est ça, exactement. Alors, ce dont je parlais, c'était le fait que nous
aurions dû obtenir, sur ce projet de loi, au fil des jours, un peu plus d'information
sur son application. Les questions s'accumulent à chaque jour : qui va
s'assurer qu'un nouveau professeur va enlever sa croix, qui va permettre à un
de ses collègues de garder son foulard, ça va être quoi, les conséquences si le
professeur ne l'enlève pas, ça va être quoi, les sanctions dans le projet de
loi? Ce sont là des questions qui nous apparaissent tout à fait légitimes. Et
le gouvernement n'est pas... depuis le début, ça fait... depuis mardi, je pose
des questions à M. Legault sur cela. Il n'est pas capable de répondre. On
a vu également les versions contradictoires, cette semaine, à la fois de la vice-première
ministre, Mme Guilbault, qui croyait que c'était la police qui
appliquerait cette loi. Elle a été rabrouée par M. Legault. La ministre de
la Justice dit : Écoutez, il faut faire appel aux tribunaux. Alors, je
pense qu'on voit dans ce dossier beaucoup d'improvisation. Le premier ministre
n'est pas en mesure de répondre à nos questions sur cela, et la raison est fort
simple : c'est qu'il n'a pas aucune idée de la façon dont ce projet de loi
va être appliqué.
Malgré l'absence de réponses, le premier
ministre s'acharne à vouloir faire adopter ce projet de loi dans l'urgence.
Vous avez vu les réactions depuis le dépôt de ce projet de loi, jeudi dernier.
S'il veut que le débat se déroule dans le calme et la collaboration, il devra
accepter le fait que nous vivons dans une démocratie et que chacun a le droit
de s'exprimer. D'ailleurs, à tous les projets de loi depuis le début, le gouvernement
trouve que ça ne va pas assez vite, que ce soit dans le cas du projet sur l'immigration,
que ce soit le projet de loi n° 1, où Mme Guilbault, à plusieurs
reprises, a fait preuve vraiment d'impatience.
Et là, dans le cas qui nous préoccupe, le projet
de loi sur la laïcité, cinq semaines pour entendre l'ensemble des acteurs de la
société civile qui sont concernés et procéder à l'étude détaillée du projet de
loi, ça nous semble vraiment un délai tout à fait irréaliste. Lors de la période
de questions, M. Legault a signifié clairement qu'il avait l'intention
d'utiliser le bâillon pour passer son projet de loi. Ma question, c'est :
Où est l'urgence actuellement?
M. Legault devrait investir ses
énergies à fournir des réponses plutôt qu'à menacer, parce que les questions
que Mme David, principalement, notre porte-parole, a posées, sont des questions
qui sont tout à fait légitimes. C'est tout simplement inacceptable de laisser
la population nager en plein mystère. Ça donne l'impression que c'est de la
poudre aux yeux, ce projet de loi. Ça laisse croire que le premier ministre a
voulu agir vite pour montrer à ses électeurs qu'il était dans l'action, et on
s'aperçoit qu'ils ont tourné les coins pas mal ronds. La première chose qu'ils
vont réaliser, c'est que ce projet de loi ne peut pas passer de la théorie à la
pratique.
Nous souhaitons des explications. Nous
souhaitons également que le temps nécessaire soit accordé à ce débat qui
concerne les droits fondamentaux de nos citoyens.
La Modératrice
: Alors,
merci, M. Arcand. Donc, Mme David.
Mme David : Oui. Alors,
quelques éléments à ajouter. Ça fait une semaine maintenant, jour pour jour,
presque heure pour heure, que ce projet de loi a été déposé. Vous avez vu déjà
la mobilisation assez incroyable dans la société civile. Il y a beaucoup de
gens inquiets. Et il y a des êtres humains dans ça. Il y a des êtres humains
derrière ça. Et c'est pour ça qu'on dit : Cinq semaines à consacrer à une
perte de liberté de religion, cinq semaines, c'est beaucoup trop peu, vraiment,
c'est beaucoup trop peu. Je répète que ce n'est pas une loi sur des aspects techniques
qui ne touchent pas la population.
Alors, oui, M. Legault a un gouvernement
majoritaire, ça ne veut pas dire que majorité égale perte des droits
démocratiques du Parlement à pouvoir vraiment aller en profondeur. Ce n'est pas
le même projet de loi que la loi n° 62 que nous avons
adoptée, ce n'est pas le même contenu que ce que la charte du PQ a présenté,
alors, moi, d'entendre toujours : ça fait 10 ans que ça traîne... d'abord,
le mot traîner est un vocabulaire que je rejette, qui n'est pas un beau
vocabulaire pour parler des droits et libertés, qui n'est pas un beau
vocabulaire pour parler du vivre-ensemble. Puis, le vivre-ensemble, on le dit
souvent, c'est une question très importante et ce n'est pas une question qui va
être réglée le 15 juin. Si les gens pensent que le vivre-ensemble va être
réglé, ça ne sera pas réglé, parce que le vivre-ensemble, c'est l'histoire de
l'humanité.
Alors, on est en train de regarder au
Québec, comme ailleurs dans le monde, comment on veut ce vivre-ensemble au
Québec. On l'a toujours voulu inclusif — certainement notre parti, en
tout cas — et je pense que les citoyens ont raison de penser qu'il
faut y mettre le temps nécessaire. Donc, le bâillon nous inquiète beaucoup.
La Modératrice
: Alors,
nous allons passer à la période de questions. Donc, nous allons débuter avec
vous, Mme Richer.
Mme Richer (Jocelyne) : Oui,
bonjour, tous les deux. Est-ce que vous êtes en train de dire que le
gouvernement est en train de bafouer les règles démocratiques en voulant
procéder trop rapidement et en niant les droits des parlementaires d'étudier ce
projet de loi là dans les normes?
M.
Arcand
:
Bien, clairement, il nie les droits des parlementaires, et, comme je l'ai dit,
ce n'est pas le premier projet de loi, là. À plusieurs reprises, à chaque fois
qu'on a posé des questions, ils nous ont accusés, ils ont envoyé beaucoup de
Twitter là-dessus aussi, ils nous accusent de vouloir prendre notre temps, etc.
Et n'importe quel parlementaire d'expérience va vous dire que cinq semaines
pour un projet de loi aussi important, alors que beaucoup de gens de la société
civile, d'abord, premièrement, veulent être consultés — il est clair
qu'il y aura beaucoup d'interventions à ce niveau-là — puis,
l'article par article, l'étude article par article, cinq semaines, ça nous
apparaît totalement inacceptable, je l'ai dit. Et c'est la première fois... De
mémoire, moi, ça fait 12 ans que je suis au Parlement, je n'ai jamais vu,
avant même l'étude d'un projet de loi, un premier ministre nous annoncer qu'il
va y avoir un bâillon. Essentiellement, là, c'est la première fois que je vois
ça, et le ministre de l'Immigration et leader parlementaire nous a dit
essentiellement la même chose, qu'il était pour y avoir un bâillon au mois de
juin, et qu'on en a assez discuté.
Alors, je pense qu'ils sont partis sur une
très mauvaise position. Je pense que c'est un projet de loi qui est complexe,
qui demande, évidemment, d'avoir des réponses qu'on n'a pas actuellement.
Alors, moi, je pense qu'en cinq semaines, c'est totalement irréaliste de
pouvoir penser qu'on va pouvoir accomplir ce travail-là.
Mme Richer (Jocelyne) : Vu la
complexité, justement, du projet de loi et du fait que c'est une question très
sensible dans la société, très controversée, est-ce que vous demandez clairement
au gouvernement aujourd'hui de renoncer au bâillon et de prolonger l'étude du projet
de loi à l'automne, à la session d'automne?
M.
Arcand
: De
prendre le temps qu'il faut. Donc, essentiellement, nous lui demandons de
renoncer au bâillon, nous lui demandons justement de... On ne demande pas de
statut particulier, on demande simplement de prendre le temps. Une des grandes
victoires que nous avons eues dans le projet de loi n° 62, malgré les
défauts que certains pouvaient y voir, c'est qu'on l'a adopté sans bâillon. On
a pris le temps qu'il fallait, il y a eu des divisions, comme il y en a sur un
dossier aussi sensible que ça, mais on n'a pas fait de bâillon. Et, encore une
fois, je demande au gouvernement d'agir de la même façon. Je sais que M. Legault,
c'est un dossier qu'il ne semble pas aimer, dans le sens où il veut aller rapidement
dans ce dossier-là, mais, encore une fois, je pense qu'on ne peut pas bafouer
les droits des parlementaires de cette façon-là.
Mme Richer (Jocelyne) : Mais
ça voudrait dire un report à l'automne, logiquement, non?
M.
Arcand
: Oui,
bien sûr. Bien sûr. Il faut prendre le temps.
La Modératrice
: Merci.
Donc, M. Cormier.
M. Cormier (François) :
Bonjour. Donc, c'est quoi, prendre le temps? Vous pourriez dire : On a
besoin de neuf semaines. Vous pourriez dire : On a besoin de 12 semaines,
mais on dirait que vous ne voulez pas mettre un chiffre sur «prendre le temps»,
parce que vous préférez que l'odieux, ce soit sur la CAQ. Qu'est-ce que c'est,
prendre le temps?
M.
Arcand
:
Bien, écoutez, c'est d'abord prendre le temps d'écouter ceux qui doivent
intervenir, ne pas limiter les gens qui... le nombre de personnes et de groupes
qui veulent intervenir sur cette question-là parce que, comme l'a dit Mme David,
on a devant nous un tout nouveau projet de loi, et un projet de loi qui va plus
loin que tout ce qui a été fait au cours des dernières années. Alors, je pense
que ça vaut la peine de prendre le temps. Maintenant, on étudie...
M. Cormier (François) : ...combien
de temps?
M.
Arcand
: Alors,
écoutez, moi, je n'ai pas vu... très franchement, je n'ai pas vu de bâillons
qui se sont exercés dans l'histoire parlementaire s'il n'y a pas eu des
dizaines et des dizaines, même souvent une centaine d'heures en commission
parlementaire. Alors, je pense que ce n'est pas à nous de faire l'agenda, et
surtout, encore une fois, que c'est un projet de loi dans lequel on n'a pas beaucoup
de réponses actuellement sur plusieurs des éléments qui s'y trouvent.
M. Cormier (François) :
Concernant les conséquences pour quelqu'un qui porterait des signes religieux, il
y a des règles, par exemple, sur les vêtements ici, à l'Assemblée nationale, et
on ne passe pas notre temps à se demander : Mon Dieu, si Mme Dorion porte
un tee-shirt, est-ce que c'est la police qui va venir la sortir, est-ce qu'elle
aura une injonction, une mise en demeure? Alors, pourquoi est-ce que c'est si
important, dans l'autre cas, qu'on se pose la question?
M.
Arcand
:
Bien, c'est parce qu'on parle d'une loi. À partir du moment où on a une loi,
normalement, si on ne suit pas la loi, il devrait y avoir normalement des
conséquences. Alors, c'est en ce sens-là qu'on veut avoir des réponses. Je
pense que c'est légitime de demander ça, de la part des citoyens qui nous
appellent à nos bureaux de comté, puis qui nous disent : Écoutez, il va se
passer quoi, exactement? Alors, je pense qu'il y a des inquiétudes qui sont
très profondes de la part de plusieurs citoyens dans ce dossier-là. Et ça
s'applique autant, d'ailleurs, aux catholiques qu'aux musulmans, qu'à d'autres
communautés, aussi. Ce n'est pas juste... Ça ne touche pas juste une religion,
ça va toucher plusieurs religions.
La Modératrice
: M.
Lacroix.
M. Lacroix (Louis) : Mme
David, M. Arcand, bonjour. Est-ce que vous croyez que, sur un projet de loi
aussi polarisant, d'une certaine façon, qui appelle aussi aux valeurs de chacun
des députés, est-ce que vous croyez que chaque député de l'Assemblée nationale
devrait avoir le droit de voter selon sa propre conscience sur une loi aussi
importante?
M.
Arcand
:
Bien, moi, je n'ai pas fait de réflexion là-dessus, mais, en général, c'est
un...
M. Lacroix (Louis) : ...
M.
Arcand
:
Oui, oui, vous me donnez quelques instants. Mais, en général, sur un projet de
loi comme ça, évidemment, en général, c'est la ligne de parti qui doit
prévaloir.
M. Lacroix (Louis) : Ah oui?
Même si ça touche à la morale des gens, à leurs valeurs personnelles, vous
pensez que la ligne de parti doit s'appliquer?
M.
Arcand
:
Bien, moi, en tout cas, de toute façon, il me semble que c'est ce que la CAQ va
faire. Ça, vous pouvez en être convaincu.
M. Lacroix (Louis) : Donc,
vous, de votre côté, vous n'avez pas l'intention de laisser vos députés...
M. Arcand : Bien, nous, de
notre côté, vous savez, on a eu un débat très important qui s'est fait. Mme
David savait que le projet de loi allait être en place éventuellement, au
printemps, qu'il y aurait un dépôt. Nous, depuis le mois de décembre, on a
commencé à discuter de cette question-là au sein de notre caucus. Et vous avez
vu qu'à la fin du mois de janvier, nous avons eu une position qui était très
claire et qui était appuyée par la très grande majorité du caucus.
La Modératrice
: M.
Croteau.
M. Croteau (Martin) :
Bonjour. M. Arcand, sur un autre sujet, si vous permettez, le gouvernement
Legault se montre intéressé par un projet ferroviaire qui éventuellement
pourrait permettre l'exportation de pétrole de l'Ouest canadien et même de
charbon à partir de la Côte-Nord. Êtes-vous favorable à ce projet? Est-ce que
c'est compatible avec les objectifs climatiques du Canada et du Québec?
M.
Arcand
:
Bien, il faudrait voir, d'abord, quel est ce projet. Moi, ce que je peux vous
dire sur cette question-là, c'est qu'au Québec, depuis des dernières années, on
a mis en place des processus. Notre position, là-dessus, c'est que... D'abord,
on a un processus qui existe, il y a des BAPE. S'il n'y a pas d'accessibilité
sociale dans ce projet, il ne devrait pas y avoir de projet. Et ça a toujours
été notre position à cet effet-là.
M. Croteau (Martin) : Vous
connaissez bien la région, vous étiez responsable de la Côte-Nord sous le
gouvernement précédent. Quels seraient les avantages de ce projet-là, et y
voyez-vous des inconvénients?
M.
Arcand
:
Écoutez, le projet est très embryonnaire au moment où on se parle. J'ai eu
l'occasion, d'ailleurs, la semaine dernière, puisque vous me posez la question,
j'ai rencontré le maire de Baie-Comeau et certains des dirigeants qui étaient
là, mais je dois dire que je n'ai pas eu beaucoup d'explications sur la nature
exacte de ce projet-là. Et évidemment il va falloir, dans ce dossier-là,
mesurer tout l'aspect des gaz à effet de serre, et ainsi de suite. Le BAPE va
certainement intervenir. C'est un projet qui risque d'être très long, comme
d'ailleurs le projet de... Il y avait un projet, celui de GNL Québec. Moi,
je me rappelle très bien que ce projet-là, j'en entendais parler dès 2014 au
moins, et on est rendus en 2019, et ce projet-là n'est pas encore très avancé.
Alors, je crois qu'il faut se laisser, là aussi, le temps de bien soupeser le
pour et le contre.
M. Croteau (Martin) : Est-ce
que la présence de pétrole de l'Ouest canadien dans cette infrastructure risque
d'en affecter l'acceptabilité sociale?
M.
Arcand
:
Écoutez, ça sera aux citoyens de se prononcer sur cette question-là.
M. Croteau (Martin) : ...
M.
Arcand
:
Bien, écoutez, encore une fois, moi, je n'ai pas vu le détail de ce projet-là
encore. Est-ce que c'est un... on parle d'un rail exactement ou s'il y a
d'autres implications? Est-ce qu'il va y avoir des usines dans ça? Je ne le
sais pas. Alors, on pourra regarder ça, et je pense qu'il y a un travail à
faire de ce côté-là.
La Modératrice
: Merci.
Hugo.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Bonjour. On sait que les troupes de Justin Trudeau veulent être unies contre le
projet de loi sur la laïcité en cette année préélectorale. Considérez-vous
qu'il serait légitime que le gouvernement fédéral, une fois la loi adoptée, la
porte devant les tribunaux, la conteste ou finance des contestations?
M.
Arcand
:
Écoutez, le gouvernement fédéral choisira de faire ses propres actions. Pour
nous, c'est un débat entre nous ici, au Québec, c'est un débat qui doit se
faire au Québec, et, en ce sens-là, nous allons travailler à l'intérieur du
Québec pour faire ce débat, et ce que le gouvernement fédéral fera, eh bien, ce
sera son choix.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais
est-ce que je comprends, de votre réponse, que vous les invitez à se mêler de
leurs affaires?
M.
Arcand
:
C'est-à-dire que le gouvernement fédéral... Je n'ai pas à dire ou à ne pas dire
au gouvernement fédéral ce qu'il doit faire. Moi, ce que je dis, c'est que nous
avons une Assemblée nationale qui est parfaitement légitimée ici pour s'occuper
de ces questions-là, et le débat se fera entre nous, à l'Assemblée nationale.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Est-ce que vous jugez que le débat... le projet de loi actuel balise la
discrimination?
M.
Arcand
:
Écoutez, les termes qui doivent être employés... Je pense que plusieurs
personnes nous ont posé des questions. Moi, je pense que, d'abord et avant
tout, c'est un projet de loi qui nie plusieurs droits. C'est un projet de loi
qui est totalement incomplet jusqu'ici parce qu'on n'a pas les réponses
auxquelles on doit... faire, et j'ai senti hier que le premier ministre voulait
en faire aussi, dans ses réponses, une affaire entre anglophones et francophones.
Quand je lis Lysiane Gagnon hier, que je lis Francine Pelletier, que j'entends
la mairesse, Mme Plante, quand j'entends des syndicats d'enseignants, je
pense que ce n'est plus une affaire uniquement d'anglophones versus
francophones. Je pense, c'est très clair.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Est-ce qu'il tente de diviser pour mieux régner, finalement?
M.
Arcand
:
Écoutez, je vous laisse les mots, mais il est clair que, certainement, on
s'attend d'un premier ministre qu'il soit rassembleur. Et ça ne semble pas être
le cas actuellement.
M. Dion (Mathieu) :
Bonjour, M. Arcand, bonjour, Mme David. On constate que ce n'est pas
la grande ruée pour les maternelles quatre ans. À Montréal, ils n'ont pas fait
beaucoup de classes pour septembre. Donc, elles sont remplies. Mais là où on en
a ajouté, finalement, elles ne sont pas toutes comblées pour septembre, même
qu'on a prolongé les périodes d'inscription, alors — c'est ce qu'on
constate dans une analyse qu'on a faite — dans ce contexte-là,
comment ça s'explique, selon vous, qu'il n'y ait pas une grande ruée, alors
qu'on en parle tant?
M.
Arcand
:
Je laisserais peut-être Mme David, qui a été dans le milieu de l'éducation...
elle est probablement plus compétente que moi pour répondre à ces questions.
Mme David : Bien, en
fait, M. Dion, je vais m'inspirer de votre très bon reportage d'hier parce
que, si j'étais un parent et que j'avais un enfant de trois ans, il faut que je
prenne une décision éventuellement, bien, effectivement, la question se pose
entre CPE et maternelle quatre ans. Mais je pense que vous avez fait la
démonstration qu'il y a du bon dans les deux, mais que, pour toutes sortes de
raisons, les parents peuvent décider de rester dans le CPE parce qu'il y a le
mot «éducation» là-dedans, les services dans le programme des CPE. Alors, oui,
ils font un programme, et vous le dites très bien, il y a des programmes
éducatifs dans les deux. Alors, les gens connaissent les CPE, connaissent
peut-être moins les maternelles quatre ans. Là où vous le dites bien et où la
société le dit aussi, c'est que les maternelles quatre ans doivent rejoindre
les enfants qui ne fréquentent même pas les CPE. Et c'est pour ça qu'au Parti
libéral on avait beaucoup poussé sur des maternelles quatre ans dans les
quartiers défavorisés. Ça reste un postulat extrêmement important.
Maintenant, d'aller en région, d'aller
partout? Bien, écoutez, pour l'instant, si j'étais M. Legault, je serais
un peu déçue, un peu beaucoup déçue de voir le non-appétit auquel il
s'attendait pour les maternelles quatre ans. Il va peut-être avoir à se poser
des questions. Il va peut-être avoir à se dire, lui qui a mis son siège en jeu
sur les maternelles quatre ans : Bien, on a un bon réseau des CPE, les
parents ont l'air à être attachés à ce réseau, ne fréquentent pas beaucoup les
postes. Pourtant, les postes sont disponibles, les places sont disponibles en
région, vous le dites bien. Alors, je pense qu'il va avoir à se poser des
questions, est-ce que ça va marcher aussi bien qu'il veut.
M. Dion (Mathieu) : Qu'est-ce
que devrait faire le gouvernement dans ce contexte-là? Est-ce qu'il devrait en
faire la promotion davantage, des maternelles quatre ans?
Mme David : Bien, là, il
est mal pris, parce qu'il y a un ministre de la Famille aussi, puis il y a des
CPE, et puis, en région, vous le dites, il y a beaucoup de places encore
disponibles. Alors, est-ce qu'il va aller inciter les gens en disant :
C'est beaucoup, beaucoup mieux d'aller aux maternelles quatre ans? Nous, ce
n'est pas ça qu'on a dit, on a dit depuis toujours que les maternelles quatre
ans sont importantes pour les écoles en milieu défavorisé où les parents
gardent souvent les enfants à la maison, alors, que voilà une bonne idée de les
amener directement à la maternelle quatre ans. Mais là, c'est... il est
confronté à une réalité où peut-être c'est la parole des parents, en ce moment,
là, qui est là et qui dit : Bien, nous, pour l'instant, on préfère les
CPE. On ne peut pas tout interpréter, là, c'est quand même relativement récent,
cette insistance sur ouvrir partout des maternelles quatre ans. Alors, moi, si
j'étais à la place de M. Legault, en tout cas, je reverrais peut-être mon
échéancier ou mon étendue, mais il est un petit peu mal pris parce qu'il a
tellement dit qu'il mettait toutes ses énergies, tout son argent dans ça que
c'est un petit peu gênant de ne pas livrer la marchandise qu'il a promise.
M. Dion (Mathieu) : Petite
question sur le monastère à Berthierville. Avez-vous un mot à dire à la
municipalité à ce sujet-là, une déclaration à faire, une demande?
M.
Arcand
:
Bien, ce que je peux dire sur la question du monastère, je pense que la
population devrait présenter un projet le plus rapidement possible sur cette
question, et puis c'est une promesse que le gouvernement a faite durant la
dernière campagne électorale. Ce gouvernement-là se targue de respecter ses
promesses, bien, qu'il respecte ses promesses, évidemment à condition que le
projet soit un projet qui soit très valable, mais à la base, la restauration de
ce monastère est une bonne chose.
M. Dion (Mathieu) : Êtes-vous
inquiet pour sa démolition, parce que... Êtes-vous inquiet parce qu'il va être
démoli? Êtes-vous inquiet?
M.
Arcand
:
Bien, c'est-à-dire qu'encore une fois c'est un projet qui doit être mené par le
milieu, que le projet soit présenté et qu'il doive être conforme à ce qui se
fait habituellement.
M. Lecavalier (Charles) :
Juste en sous-question : En ce moment, il y a les pépines devant
l'édifice, il doit être détruit cette semaine par un promoteur qui veut faire
des maisons sur le bord du fleuve, alors, est-ce que ça prend un moratoire pour
empêcher cette démolition? Les citoyens ne peuvent pas inventer un projet en
deux jours, là.
M.
Arcand
:
Non, je comprends, mais, encore une fois, c'est un dossier qui appartient au
gouvernement, c'est au gouvernement à agir dans ce dossier-là.
M. Lecavalier (Charles) : Sur
la menace de bâillon, est-ce que ce n'est pas la démonstration que ça prendrait
une réforme du mode de scrutin? C'est un gouvernement qui a obtenu 37 %
des voix, qui a une forte majorité parlementaire et qui, là, peut imposer par
le bâillon des lois qui ne plaisent peut-être pas à l'ensemble de la
population. Ça, ce n'est pas la démonstration justement qu'il faut...
M.
Arcand
:
Écoutez, on peut l'interpréter de bien des façons. Mais, encore une fois, un
gouvernement majoritaire, et la base même de l'institution telle qu'elle existe
actuellement, et qui est l'institution qui découle, si on veut, du régime
britannique, si vous me permettez l'expression, à la base, c'est la protection
des minorités, hein? C'est la protection aussi des oppositions, s'assurer que
le débat se fait correctement et qu'on prend le temps pour faire les débats,
pour s'assurer qu'en bout de ligne on ait les balises nécessaires pour avoir la
meilleure loi possible. C'est ça, la base de notre système. Maintenant, si on
change de système, il y aura d'autres éléments. Mais une chose est certaine,
c'est que le gouvernement, à mon avis, n'a pas le droit de précipiter les
choses dans un dossier aussi délicat que celui-là.
M. Lecavalier (Charles) :
Vous dites que la base même de notre régime démocratique, c'est la protection
des minorités, de l'opposition. Est-ce que l'usage d'un bâillon, là, aussi
rapidement que le 15 juin, ça serait un geste antidémocratique?
M.
Arcand
: Ça
serait un geste, en tout cas, qui serait véritablement à l'encontre des
pratiques parlementaires. Ça, c'est clair.
La Modératrice
: O.K.
Donc, on y va, dernière question en français. Mylène.
Mme Crête (Mylène) : Bonjour.
J'aimerais savoir... Vous avez parlé de la commission parlementaire sur le projet
de loi n° 21, qui s'en vient. Vous ne voulez pas de
limite sur le nombre de groupes qui seront invités. Où en sont vos négociations
avec les caquistes là-dessus, sur la liste?
M.
Arcand
: On
est toujours en négociation au moment où on se parle. Différents groupes...
Nous avons soumis au gouvernement différents groupes, on attend un certain
nombre de réponses. On espère que le gouvernement fera preuve de flexibilité
dans ce dossier.
Mme Crête (Mylène) : Vous en
avez invité combien?
M.
Arcand
:
Écoutez, il faudrait que je m'avance, hein, il faudrait poser la question à
notre leader là-dessus.
M. Authier (Philip)
: Good morning, sir.
M.
Arcand
: Yes, good
morning.
M. Authier (Philip)
: Can you hear me?
M.
Arcand
: Yes, I will try
to hear you.
M. Authier (Philip)
: Is this thing on, as they say?
M.
Arcand
: Yes.
M. Authier (Philip)
: Yesterday, Mr. Legault was talking about… was comparing
adoption of Bill 21 to the process and the controversy over Bill 101
when it was adopted, way back. Do you think, by saying things like that, he's
trying to divide Quebeckers,
trying to make it an English-French, Anglo-Franco issue?
M.
Arcand
:Absolutely. I think that the Premier has been trying, first of all,
to divide, because he's talking about Canadian values versus Québec values. I
have to remind you that we have a charter of rights in Québec that was adopted
by this National Assembly. And of course, what you see also is that there are
many people, including some union teachers, a president of a teachers' union
that are really against this kind of law, the Mayor of Montréal, there are many
people, half of the political parties at the National Assembly, so, it's not an
English-French debate, it's a discussion and a debate about Quebeckers' rights.
M. Authier (Philip)
:
And I noticed that you've been… in your press release, you talked more about
the crucifix as well. So, it's not just Muslim apparel that has been targeted
in these bills. Why… Are you trying to tell Quebeckers that all symbols could
be affected by this bill?
Mme David : I'm not sure…
M. Authier (Philip)
: So, Mme David, yesterday, talked about the crucifix…
Mme David : I'm not sure about the question. You mean that there is a link… the crucifix…
M. Authier (Philip)
: No. Yesterday, you were talking more about: people would have to
remove crucifixes.
Mme David : Yes. The invisible signs, I was talking about, and Mr. Arcand
too. So, it's a new concept. It wasn't in the charter of «valeurs» of Mr. Drainville.
It was not, of course, in our own Bill 62. And this is that new concept
about invisible signs. So, it's opening a wide, wide door about what will we do
to check with those invisible signs. And what are those invisible signs?
Mostly, it's about religious, catholic little crucifixes. And I think this will
affect the whole population,
and mostly French speaking… Francophones in Québec.
M. Authier (Philip)
: And, Mr. Arcand, what are the optics of rushing the Bill? You
know, you have only… There is only five weeks left to adopt such a bill on such
a delicate subject. Do you think Mr. Legault should back away and give
more time?
M.
Arcand
:Absolutely. I think that Mr. Legault is
trying to use its majority — I don't know if it's the right expression — to bulldoze the Parliament. And I think that, you know, the Government, in
many laws that they have… that are right now on the parliamentary commission, is really basically saying to the
Opposition members: Well, you know, you have to rush more, we have to
do it faster. I mean, what kind of government is this? I think that the Parliament exists for a reason. There's
nobody, whether it's us, the Parti québécois or Québec solidaire
that has been trying to filibust, if I can use this expression, the parliamentary commission. We are asking questions. We have the right to do so. And I think that it's very important
that what the opposition says
can be heard. And we have to take the time to do… whatever time it takes,
whatever is necessary because, at the end of the day, we want to have laws that
are the best laws possible.
Mme Senay
(Cathy) : Good morning. I have two questions, one for you, Mr. Arcand,
first, and then for you, Mrs. David. Anglophonemunicipalities, Anglophone school boards,
Julius Grey, they are pretty much loud and vocal in telling their opposition to
Bill 21. Even 24/60, Anne-Marie Dussault, started her show last
night talking about Anglophones' reaction to Bill 21 with Jack Jedwab from the…
M.
Arcand
: Yes. I saw this
interview by…
Mme Senay
(Cathy) : …yes, so, I mean, it's working to
make this clash between Anglophones and Francophones for the opposition on
Bill 21, saying that Anglophones are way more opposed to it. Legault…
Premier Legault's tactic is perhaps working and, in the optics of having a very
short debate, what are the dangers of this?
M.
Arcand
: Well, I think
the danger of this is division within our province. There were some comments
that were made that it's the biggest battle since the Referendum of 1995. I
know that some comments were made about that. My…
Mme Senay
(Cathy) : Bill 101, yesterday, from
Premier Legault.
M.
Arcand
: Yes. Well, I
think that the… At the end of the day, what is important? I don't think it's a
French-English thing, I think it's really about the denial of rights on the
part of the government. I think that this law goes very far in many ways, and
we are there to protect the people of this province. We feel that the people of
this province should be protected, some of their rights should be protected,
and we want to do this discussion in the best way possible without trying to
create division, and this is what Mme David has been saying. I think we
have been quite responsible in our approach so far, and I just want to make
sure that this government has the same goal. And from what I can see, they
don't have the same goal than us.
Mme Senay
(Cathy) : Mrs. David, regarding this
story, this is a retired professor in psychology at Concordia University. There
was an internal investigation for inappropriate behavior, and students and
colleagues are angry today because they could not have access to the outcome of
this internal investigation. What do you think? Because now this professor or
this retired professor is in Mexico and so, they don't have the results. So, do
you understand their frustrations today?
Mme David : I will be very cautious about the answer because first, I didn't
read the article, second, I know about Concordia a lot because as previous… you
know, role of Minister of Higher Education… and I know Mr. Shepard, the
principal and all his team made a thorough investigation about different
departments and it was really a very difficult situation.
Mme Senay
(Cathy) : …should have access to the outcome?
Mme David : This is… it was a problem, you know, we discussed a lot in the
Bill 151. Remember, 151? Because we… There are two principles who oppose,
the principle that the employees have their own right to confidentiality about
something, and the victim has some right to know if the professor is coming… if
he … like the example we had during this discussion about the bill, if the
professor was like out for five, six weeks or many months, and he's coming
back, we wrote in the bill, article… I don't remember exactly, that the victim
has the right to know that he will be back at that date because she can… she or
he can prepare ourself to meet with that person in the hallway in… so, that…
the far we could go with this very difficult issue of the right to preserve the
rights of the employees, and the confidentiality, and the rights of the victim
to feel secure in the institution, and that was the way… it was acceptable,
legally speaking. So, that's the more I can tell about that, I can say about
that, excuse me.
La Modératrice
: So, I'm really sorry, we're running really, really late, so we'll
take two more questions.
Mme Johnson
(Maya) :OK. That's fine, I just have one question. The last one can go to
Raquel. Mr. Arcand, earlier you said that it seems that Mr. Legault
wants to show his supporters… he wants to move fast because he wants to show
his supporters he's acting quickly, right? So, are you suggesting that the CAQ
is governing pretty much, at this point, only for the people who voted for the
party and not for Quebeckers as a whole?
M.
Arcand
: I can say that
this government so far has been
doing a lot of what I would say a partisan politics in the sense that, you
know, from what we have seen in the last few months, if you are in a CAQ
riding, you're better off than if you're somewhere else. And I think that, you
know, a government has to
govern for everybody in the province, no matter for whom they voted or where
they are in the province and so far this government has been, I would say, doing a lot of partisanship in his approach,
yes.
Mme Fletcher
(Raquel) : If a majority government tables a
bill and they say: we want to pass this by June, isn't that its prerogative?
M.
Arcand
: Well... I mean,
the government can do, especially if it's a majority government, they can do what they want, what they wish for, OK? But the thing
is, is that there've been parliamentary traditions, OK, over the years and no government has been behaving like that. Whether it was the Parti
québécois or a Liberal government in the past, nobody has behaved like that and
especially in a matter that is so critical. We're talking about rights for the
people of this province.
I think it is pretty
important that we take the time to make sure that this law is a law that will
be discussed very frankly by all members of the opposition. Already, we don't
have the answers from this government on many aspects of this law and we know,
so far, that half of the political parties at National Assembly are going to
vote against. So I think that this idea of rushing to pass this law is
something that is very bad and will create divisions inside the province.
Mme David :
And I would like to emphasize that in… built in the bill, there is the
notwithstanding clause also that we will have to vote. So I think it needs a
few hours of discussion. Just that article is very, very, very different and I
think that we have to think thoroughly about what is happening there.
M.
Arcand
: OK, thank you.
(Fin à 9 h 11)