(Huit heures quarante-deux minutes)
La Modératrice
:
Bonjour, bienvenue à ce point de presse du Parti québécois. Ce matin,
M. Martin Ouellet, notre leader parlementaire et porte-parole en
matière d'affaires autochtones. Il sera suivi du chef du Parti québécois,
M. Paul St-Pierre Plamondon. La parole est à vous.
M. Ouellet : Merci
beaucoup. Donc, bon matin à vous tous. Aujourd'hui, c'est une journée
importante pour les peuples des Premières Nations et des Inuits, c'est le début
des audiences publiques relatives à la mort de Mme Joyce Echaquan.
Évidemment, c'est un drame inhumain.
J'espère que cette enquête va pouvoir apporter les réponses aux circonstances
troubles dans lesquelles Mme Joyce a trouvé la mort, qu'on trouvera et
qu'on sera capable de déterminer les causes, les conséquences de ce décès, et
qu'on ait des recommandations qu'on applique rapidement.
On a parlé beaucoup de sécurisation
culturelle, c'est encore d'actualité, malheureusement. Le Parti québécois
continue de militer pour changer la Loi du ministère de Santé et des Services
sociaux pour inclure la sécurisation culturelle à l'intérieur du ministère.
J'ai questionné le ministre Lafrenière en crédits la semaine dernière. Je
n'ai pas eu de date. J'ai compris des intentions. On a essayé de le faire
compromettre pour 2022, il n'y a pas de certitude. Donc, pour nous, le temps
urge.
Parlant de drame inhumain, on est en train
de terminer l'adoption des articles du projet de loi n° 79, Loi
autorisant les communications de renseignements personnels aux familles
d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission dans un
établissement, et évidemment, lorsqu'on a entendu les familles, ce n'est
pas juste avoir accès aux informations pour trouver ce qui s'est passé et où se
trouvent leurs enfants, s'ils sont encore vivants, mais les familles des Premières
Nations nous ont aussi indiqué qu'ils voulaient en connaître les causes.
Or, le gouvernement de la CAQ a refusé une
enquête publique sur ce sujet. Le ministre s'est quand même donné des pouvoirs.
S'il constate, à la lumière des renseignements fournis, qu'il y aurait matière
à faire enquête, il pourrait le faire. Les trois partis d'opposition, hier, ont
eu des discussions fort intéressantes avec le ministre. Donc, aujourd'hui, j'en
appelle à sa collaboration. Si on veut adopter ce projet de loi là puis on veut
donner une certaine confiance à l'appareil gouvernemental auprès des Premières
Nations, ce qu'on veut, c'est qu'au final, à chaque année, lorsque le rapport
annuel sera déposé à l'Assemblée nationale, qu'on ait un débat en commission
parlementaire pour entendre les familles qui seront passées à travers le
processus pour nous indiquer si oui ou non, à leurs yeux, il faut aller plus
loin et demander une enquête et la réalisation d'une enquête publique.
Donc, ce qu'on demande aujourd'hui au
ministre Lafrenière : un peu d'ouverture pour qu'à chaque année, lors du
dépôt à l'Assemblée nationale, on puisse, en commission parlementaire, étudier
le contenu du rapport, inviter des groupes, des spécialistes, des familles
touchées pour faire la lumière sur ce qui s'est passé, et surtout nous inciter
à en faire un peu plus. Sur ce, je passe la parole à mon chef, M. Paul
St-Pierre Plamondon.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Merci beaucoup, Martin. Donc, journée importante aujourd'hui, parce qu'après
des mois, des années d'attente, on va avoir le moment de vérité, à savoir :
Qu'est-ce que fera la CAQ dans le dossier de la langue française?
Mise en contexte importante : le Parti
québécois, durant sa course à la chefferie, a discuté, a imposé le sujet du
déclin de la langue française et de l'importance d'agir. Dans le cadre de cette
course-là, moi, je parlais d'urgence linguistique et j'ai présenté un plan
complet, et je me suis engagé à ce que ma première motion soit sur l'urgence
linguistique au Québec, ce que j'ai fait. Les autres candidats avaient
également leur plan. Et, le 15 février dernier, on a présenté un bouquet de
mesures, plus d'une dizaine de mesures pour véritablement renverser le déclin.
On a eu un débat ensuite sur la langue parlée dans les cégeps.
Et, pendant ce temps-là, en Chambre, Pascal
Bérubé a posé la question régulièrement à Mme Roy : Ne devrait-on pas
améliorer, bonifier la loi 101? Et rappelons que la réponse a été, pendant
les deux premières années, la réponse, c'était : Non, pas besoin de
modifier la loi 101, tout ce qu'il faut, c'est l'appliquer. Tant mieux si,
à force de mettre de la pression, le gouvernement veut bouger. Mais la question,
c'est : Est-ce qu'on va bouger sur les choses qui sont fondamentales, qui
expliquent le déclin de la langue française ou est-ce qu'on va faire des
mesures en superficie, en surface?
Et, moi, je vous dis, il y a trois axes, il
y a trois facteurs qui expliquent le déclin de la langue française au Québec.
Et si on n'agit pas sur ces trois facteurs-là, tout le reste, c'est de la
poudre aux yeux, qui n'auront pas d'effet réel sur cette tendance-là.
La première, c'est sur l'immigration. Le
déclin de la langue française, dans la grande région de Montréal, provient d'abord
et avant tout de l'immigration allophone. On sait qu'à peu près 50 %,
environ 45 % des allophones choisiront l'anglais comme langue d'usage dans
les paramètres actuels. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que le minimum, c'est que
l'immigration économique qu'on accueille au Québec maîtrise le français à
l'arrivée. On veut également ajuster les seuils d'immigration à la baisse en
fonction de notre capacité réelle à accueillir et intégrer en français. Et on
veut appliquer la loi 101 aux enfants d'immigrants temporaires parce
qu'ils sont appelés à devenir des immigrants permanents. Donc, il ne faut pas
qu'il y ait de trou dans la loi 101.
Donc, premier facteur, l'immigration,
parce que si, comme l'a fait la CAQ en 2019, si on accueille un nombre record
d'allophones, on a beau ajouter des couches de réglementation, on est devant
des changements démographiques et linguistiques, des transferts linguistiques
vers l'anglais qui sont très, très difficiles à arrêter.
Deuxième chose, la langue de
l'enseignement supérieur. C'est évident que si on laisse l'anglais devenir la
langue du cégep et de l'université, la langue commune de l'enseignement
lorsqu'on devient adulte, on ne pourra pas se surprendre que la langue du
travail puis la langue d'usage à Montréal, c'est l'anglais, puisqu'on socialise
nos jeunes, une fois adultes, en anglais. Et c'est ce qu'on voit dans des
universités francophones, c'est ce qu'on voit dans la décision du gouvernement
d'agrandir Dawson et de prioriser les places dans le réseau en anglais au lieu
de favoriser le réseau francophone. Donc, là-dessus, on demande la loi 101
au cégep pour s'assurer que le français soit la langue commune des allophones
et des francophones, également pour garantir aux anglophones leur droit de
continuer leur cursus en anglais.
On demande donc, par conséquent, au
gouvernement de renoncer aux 750 millions de dollars annoncés pour
agrandir et bonifier Dawson et McGill. On demande une épreuve uniforme pour les
anglophones au cégep, une épreuve uniforme en français, pour ne pas qu'ils aient
de désavantages dans nos milieux de travail qui sont en français. Et, pour les
universités, imposer une proportion maximale de cours en anglais lorsqu'il
s'agit d'une université francophone. Donc, deuxième point : il faut que la
langue d'enseignement supérieur soit le français si on veut donner une
viabilité à notre langue à moyen et long terme.
Et, dernier point, évidemment, c'est la
langue du travail. On sait qu'en ce moment il y a vraiment des changements
importants dans la langue du travail dans la région de Montréal, donc on
propose en conséquence... Juste vous donner, là, vous rappeler que deux
Montréalais sur trois utilisent régulièrement l'anglais dans leur milieu de
travail. Donc, devant cette réalité qui a une influence énorme sur la langue
d'usage, évidemment, on demande d'appliquer la loi 101 dans les
entreprises de 25 à 49 employés, aux entreprises à charte fédérale et interdire
aux employeurs de demander l'anglais à l'embauche pour des postes qui,
objectivement, ne justifient pas qu'on demande l'anglais.
Ce sont toutes des mesures que vous
connaissez parce qu'on les a mises en jeu le 15 février dernier, sauf pour la
loi 101 au cégep, parce que j'ai laissé un vote auprès des membres pour
déterminer cette question-là. Mais toutes les autres mesures, on insiste, on
questionne, on met de la pression, on parle de ces enjeux-là.
Et, moi, je vous dis, aujourd'hui, c'est
l'heure de vérité. Parce que si le gouvernement n'agit pas sur les changements
démographiques découlant de l'immigration, n'agit pas sur la langue de
l'enseignement supérieur puis on fait de l'anglais la langue commune du cégep
et de l'université, et si le gouvernement n'agit pas réellement sur les milieux
de travail, on peut mettre d'autres structures administratives, on peut rendre
des cours gratuits, mais la vérité, c'est on sait que 90 % des allophones
ne finissent pas leur cours de francisation.
Donc, j'espère qu'aujourd'hui on ne sera
pas devant une autre opération de communication et de cosmétique. J'espère
qu'on ira à la source des changements démographiques. Et là-dessus je
présenterai, avec Pascal Bérubé, dès lundi, un plan qui fait le sommaire de
tout ce qu'on a dit et présenté au cours des derniers mois dans l'espoir de
faire bouger le gouvernement dans la bonne direction. Sur ce, je vais prendre
vos questions.
M. Lacroix (Louis) : Sur
les allophones, bon, vous parlez entre autres de l'immigration, des allophones.
Je fais un retour en arrière. En 2012, Nicole Léger, qui était ministre de
la Famille, avait proposé d'imposer la loi 101 dans les CPE. Et l'idée
derrière ça, c'était de dire : Quand les familles allophones notamment
arrivent à Montréal et qu'elles ont des enfants qui fréquentent les CPE, bien,
elles peuvent les envoyer dans des CPE anglophones comme elles le veulent parce
que l'imposition de la loi 101 commence avec le cursus scolaire, donc dès
la maternelle. Alors, à cette époque-là, Diane de Courcy, qui était
ministre de l'Immigration, avait reculé un peu parce qu'il y avait eu un tollé,
c'était un gouvernement minoritaire, puis etc., les communautés anglophones n'étaient
pas d'accord.
Est-ce que c'est une idée qui vous
rejoint, ça? Parce que vous dites que la loi... en fait, pour les enfants, la
loi 101 chez les immigrants temporaires, etc. Est-ce que c'est quelque
chose qui vous rejoint, sachant que les enfants, à cet âge-là, là, quand ils
arrivent dans les CPE, sont comme des éponges à absorber en fait tout ce qu'on
leur enseigne?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Je vous confirme que ça ne fera pas partie du plan qu'on va déposer lundi. Ce
qu'on va déposer lundi vise davantage les cégeps, les universités et la
socialisation dans le monde adulte, parce que c'est là qu'un jeune a le choix
finalement de s'intégrer au monde francophone ou de s'intégrer au monde
anglophone, à des environnements de travail ou des environnements sociaux
anglophones. Et, pour nous, c'est donc au cégep et à l'université qu'au niveau
de l'enseignement ça se joue. Et évidemment, bien, ça dépend aussi des choix qu'on
fait en matière d'immigration. Si notre immigration est francophone à son
arrivée au Québec, l'enjeu que vous venez de soulever est quasi inexistant.
M. Larin (Vincent) :
Comment vous expliquez, M. St-Pierre Plamondon, que vous n'ayez pas encore
déposé le projet de loi dont vous nous aviez déjà parlé?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
C'est important de dire qu'on est la première formation politique à avoir
déposé son bouquet de mesures, son plan, on l'a fait le 15 février. Et je
suis surpris, agréablement surpris de voir d'autres partis d'opposition pour qui
je croyais qu'il n'y avait pas d'intérêt pour la langue française, je suis
content de les voir également déposer un plan. Mais on a été les premiers à
imposer le sujet et à déposer nos mesures.
Par contre, pour le projet de loi, le jour
où j'ai pris la décision de remettre entre les mains des membres le vote sur la
loi 101 au cégep, notre projet de loi, qui était très avancé, a dû être
corrigé. Il y a des étapes, notamment la traduction, etc., on n'est pas en
mesure de déposer le projet de loi. Mais les mesures qu'on demande, vous les
connaissez depuis des mois, et ça fait des années qu'on impose puis qu'on met
de la pression pour la langue française à travers des questions, à travers des
interventions. La course à la chefferie a porté là-dessus majoritairement.
Donc, je pense qu'on ne peut pas passer
sous silence que s'il y a un projet de loi en ce moment, puis si la CAQ a
changé son fusil d'épaule parce qu'à l'origine elle n'avait pas l'intention de
bonifier la loi 101, c'est en grande partie parce que le Parti québécois a
imposé le sujet, est revenu sur la question régulièrement. Puis on aura
quelques ajouts intéressants lundi, mais les grands axes, là, c'est-à-dire
immigration, langue d'enseignement supérieur et langue du travail, vous
connaissez nos demandes et nos propositions depuis au moins le mois de février.
M. Lacroix (Louis) : …la
traduction retarde le dépôt d'un projet de loi sur la langue française.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
C'est parce qu'il a fallu le changer.
M. Lacroix (Louis) : Oui, je
sais, mais c'est la traduction qui vous retarde.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Non, mais tous les éléments de construction du projet de loi font en sorte... Puis
on le savait, on l'avait dit en entrevue à ce moment-là, on ne contrôle pas le
moment du projet de loi. Mais je n'ai pas besoin d'un projet de loi pour vous
dire ce que le Parti québécois demande puis vous dire qu'il y a trois axes
majeurs. Et, si on ignore, on escamote ces trois axes majeurs là, on est dans
du superficiel qui ne renversera pas la tendance. Vous connaissez nos mesures,
et lundi vous aurez un plan avec quelques ajouts intéressants, mais les
fondements de notre intervention sont sus, répétés depuis des années, et c'est
notamment grâce à ce travail acharné là qu'on va peut-être faire bouger un peu
le gouvernement. Espérons que ça ne soit pas des mesures de surface.
M. Lavallée (Hugo) : …est-ce
que ça prend des indicateurs clairs de performance? Est-ce qu'il faut avoir des
objectifs, dire : Bon, bien là, tel indicateur, il faut atteindre telle
cible. Est-ce que ça, c'est nécessaire, et quel devrait être…
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, on a des indicateurs clairs. Ce que Statistique Canada nous dit, c'est
que, d'ici 15 ans, le français va reculer de sept points de pourcentage comme
langue parlée à la maison, puis la langue d'usage, ce n'est guère plus
reluisant. Donc, on est capables de mesurer comment la langue française se
comporte. Moi, ce que je vous dis, là, rendons-nous au premier but, là. Ça, ça
serait le coup de circuit, là, mais je ne m'attends pas à ça du tout
aujourd'hui. Je veux qu'on se rende au premier but, puis le premier but, c'est
d'avoir des mesures en immigration, en langue d'enseignement supérieur puis en
langue du travail qui correspondent aux défis, qui soient en lien avec le
diagnostic, les causes du déclin. Si on nous amène des mesures de surface,
c'est beau, mais il va falloir se dire la vérité. Ça ne changera pas le déclin
de la langue française dans la grande région de Montréal.
Donc, le premier but, le test
d'aujourd'hui, là, ça, ce serait encore mieux. Mais, moi, tout ce que je
demande pour aujourd'hui, c'est : Est-ce que ce que je viens de vous dire
sur ces trois axes-là, on va véritablement avoir des mesures ou est-ce qu'on
aura une opération de communication avec des choses qui sont belles mais qui
n'auront pas d'impact réel sur la tendance?
M. Lavallée (Hugo) : Est-ce
que ça ne prend pas un objectif clair?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, nous, c'est de renverser la tendance, c'est-à-dire, au lieu d'être dans
le déclin de la langue française, de voir la langue française reprendre la
partie qu'elle a perdue au cours des dernières années. Nous, on veut non
seulement freiner, on veut renverser le déclin de la langue française, c'est ça
notre marqueur.
M. Bergeron (Patrice) : Mme
Anglade, tout à l'heure, a dit qu'il fallait faire attention à ne pas diviser
les gens sur un enjeu comme celui-là. Je remarque que vous ciblez beaucoup
l'immigration dans votre plan. Est-ce qu'il n'y a pas un risque d'ostraciser ou
de faire porter la responsabilité du déclin du français sur les nouveaux
arrivants comme ça?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, je pense que c'est une question de statistiques et de faits, donc une
question d'honnêteté. Si les données nous disent que le déclin de la langue française
vient des transferts linguistiques des allophones vers l'anglais... Puis
d'ailleurs, c'était ça dans le temps de René Lévesque puis de Camille Laurin,
là. La raison de la loi 101, c'est qu'on constatait que, parce qu'on est
seulement 2 % de francophones en Amérique du Nord, et parce qu'on n'est
pas indépendants, et donc on est dans un système de bilinguisme canadien
institutionnalisé, il y a un transfert linguistique trop important des
immigrants allophones vers l'anglais. C'était ça, la raison de la loi 101.
Cette dynamique-là n'a pas changé. Et c'est
pour ça que je vous dis... Je lisais, là, qu'il y avait peut-être un amendement
constitutionnel symbolique proposé par la CAQ. Tant qu'on ne sera pas
indépendants et que la loi... la langue officielle du Québec ne sera pas clairement
le français, tant que le Canada va nous imposer, à travers ses entreprises à
charte fédérale, à travers ses doctrines de bilinguisme institutionnel et de
multiculturalisme, tant qu'on sera dans ce carcan-là, la langue française va
être menacée, comme elle est en déclin partout dans les autres provinces du Canada.
M. Lacroix (Louis) : Mais on
indique que ça n'arrivera pas dans un avenir prévisible, là. Alors, ce ne
serait pas une bonne idée, justement, de faire ça?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Je ne comprends pas. Qu'est-ce qui n'arrivera pas?
M. Lacroix (Louis) : La souveraineté
du Québec n'arrivera pas dans un avenir prévisible, là, de ce que je comprends,
là, en regardant trois, quatre sondages. Mais est-ce que, justement, compte
tenu de ça, ce n'est pas un bon moment de dire : Bien, apportons une modification
constitutionnelle dans la constitution du Québec à l'intérieur de la Constitution
canadienne?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Ça va changer quoi? Ça va changer quoi? On va mettre un symbole qui dit :
En passant, le Québec parle français. Concrètement, ça va changer quoi aux
données démographiques dont je vous parle?
M. Lavallée (Hugo) : Il y a
des constitutionnalistes qui disent qu'on pourrait plaider ça devant les
tribunaux pour, par exemple, mieux protéger...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Oui, oui, on peut plaider. Quel effet sociologique et linguistique,
démographique sur le Québec? On n'a pas les pouvoirs sur une partie
substantielle de ce sujet-là, immigration, compagnies à charte fédérale, politique...
D'ailleurs, c'est frappant à quel point la plupart des... la grande majorité
des demandes de François Legault, au nom de sa croyance dans le fédéralisme,
se sont soldées par des refus, des échecs?
Donc, est-ce que, parce que le dernier
sondage parlait de 32 % d'appui à la souveraineté, est-ce que la
souveraineté n'est pas la bonne réponse parce qu'un sondage dit un chiffre en
pleine pandémie? Je regrette, il faut dire la vérité. Tant que nous n'aurons
pas un pays dont la langue officielle est le français, tant qu'on va demeurer
dans un cadre où c'est bilingue et on est seulement 2 % de francophones en
Amérique du Nord, la langue française va être très fragile. Et on espère, à
tout le moins dans l'intervalle, que la CAQ propose des changements à la loi 101
qui soient à la hauteur du défi. Mais il y a une bonne partie qui relève de
l'influence du Canada sur le Québec. Il n'y a aucun doute.
M. Bergeron (Patrice) : Dans
un reportage, ce matin, à Radio-Canada, on entendait, donc, des gens du collège
Champlain, je pense, à Longueuil, et Dawson, qui disaient : Bien, ce n'est
pas vraiment nécessaire d'imposer le cégep en français, parce que, oui, c'est
plein de francophones, mais ils parlent français dans les corridors, donc ils
vivent en français, ils sont... ils viennent ici juste pour apprendre
l'anglais, mais ils restent des citoyens totalement francophones, intégrés à la
culture francophone.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Je ne comprends même pas le sens de cet argument-là. Évidemment qu'ils parlent
français dans le corridor, mais la question n'est pas là. Si notre consommation
culturelle est en anglais, si notre enseignement est en anglais, notre milieu
de travail est en anglais, pensez-vous vraiment que le français, qui représente
seulement 2 % des gens en Amérique, que les francophones vont être encore
là dans 100 ans?
M. Lacroix (Louis) : Mais
vous, quand vous étiez à McGill, parliez-vous français dans les corridors?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Oui, en fait, mon cours était en français à McGill. Puis j'ai fait mon
collégial en français, je le rappelle, là, c'est la preuve que, même s'il y a
la loi 101 au cégep, je veux dire, il y a plein de manières d'apprendre
l'anglais. Puis rappelons que jamais dans l'histoire du Québec on n'a vu une
influence...
M. Lacroix (Louis) :
...est-ce que ça parlait français dans les corridors de McGill, à votre
souvenir, là?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Oui, mais ça n'a aucune pertinence. Le test, ce n'est pas : Est-ce qu'on a
le droit de parler dans les corridors? Ça ne nous permet pas de voir si dans
100 ans on parlera encore français au Québec. Ce qu'il faut voir, c'est est-ce
que nos usages, là, nos us et coutumes, c'est-à-dire travailler, étudier,
accueillir des gens qui maîtrisent le français... si ces vecteurs fondamentaux
là se passent en français, on a une durabilité de notre langue. Mais si les
points, les axes importants de notre vie se passent désormais en anglais, on
l'a vu dans les autres provinces canadiennes, le déclin va rapidement. Et ça va
vite en ce moment, sept points qu'on va perdre en 15 ans.
Donc, il faut prendre la mesure de
l'urgence linguistique et arriver avec des propositions, des changements dans
la loi qui sont en fonction de ce qui se passe et non pas une opération de
communication pour bien paraître en sachant que ça ne changera pas les
dynamiques linguistiques.
M. Larin (Vincent) : Le
ministère de la Langue française, là, ça, c'est de la poudre aux... est-ce que
c'est aussi de la poudre aux yeux selon vous?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, c'est-à-dire que si... Prenons un exemple, là, si on n'avait que le
ministère de la Langue française, la vérité, c'est qu'on a déjà un Office
québécois de la langue française.
Une voix
: ...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Bien, c'est parce qu'on... Je ne serai jamais contre, je ne serai jamais contre
un ministère de la Langue française, c'est probablement une bonne idée.
Est-ce que c'est une idée qui va renverser
des changements démographiques importants dus à des transferts linguistiques
des allophones vers l'anglais? Est-ce que ça va changer le fait qu'on est en
train d'angliciser à coup de centaines de millions notre système collégial? Puis
c'est la décision du gouvernement. Est-ce que ça va changer le fait que deux
Montréalais sur trois utilisent l'anglais dans leur milieu de travail? Est-ce
que la création d'un ministère de plus va changer ça?
Moi, je vous dis, il va y avoir des bonnes
mesures, puis ça va me faire plaisir de les applaudir. Mais on ne se laissera
pas berner puis on ne se contera pas de mensonge si les mesures qui sont
fondamentales pour changer la dynamique ne sont pas dans le plan. C'est ça, le
test.
M. Lacroix (Louis) : Sur le
«Bonjour! Hi!», la langue d'accueil dans les commerces, est-ce qu'on doit...
Est-ce que c'est le rôle du gouvernement de réglementer la langue d'accueil
dans les commerces?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Le «Bonjour! Hi!» est une conséquence de l'inaction du gouvernement sur ce que
je viens de vous nommer. Pourquoi? Parce que les milieux de travail
s'anglicisent puis ce n'est pas réglementé. Parce que la langue du cégep, de
l'université, de plus en plus, c'est l'anglais, donc ça crée plus d'espace pour
l'anglais.
Commençons par agir sur les causes fondamentales
du déclin du français puis ensuite on verra s'il y a lieu de bonifier. Mais je
pense que, si on s'attaque aux trois axes dont je vous parle, on aura des
résultats très concrets et rapidement.
M. Lavallée (Hugo) :
...juste pour être sûr de bien comprendre votre logique, là, parce qu'on vous
soumet plusieurs mesures, puis vous répondez : Ça ne changera rien, ça ne
changera rien...
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Non, je n'ai pas dit que ça ne changera rien...
M. Lavallée (Hugo) : Le
«Bonjour! Hi!», c'est la conséquence. La modification constitutionnelle, c'est
symbolique.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Exact.
M. Lavallée (Hugo) : L'autre
mesure concernant le ministère, il n'y aura pas vraiment d'impact. Vous semblez
très pessimiste, là. Est-ce que je comprends qu'à part la souveraineté, pour le
reste, il n'y a pas beaucoup d'espoir, là, qu'on est comme un peu condamnés à
un déclin?
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Non, non, non, je viens de vous dire qu'il y a de l'espoir à travers trois
axes. Si on augmente le nombre d'allophones qu'on accueille chaque année au
Québec, comme veut le faire la CAQ, c'est très difficile de changer la dynamique
parce qu'elle est démographique. Donc, on peut demander le français à l'entrée
et on peut s'assurer que le nombre d'immigrants reçus par année avec une
régionalisation convenable permette l'intégration en français. Mais c'est ce
que je demande. Donc, ça, c'est très concret, là, ça pourrait être dans le
projet de loi aujourd'hui.
M. Lavallée (Hugo) :
Donc, c'est possible d'inverser la tendance à l'intérieur du Canada.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
C'est possible, mais, à long terme, le Canada va toujours maintenir la pression
qu'il exerce sur les autres provinces canadiennes. Son régime de bilinguisme
institutionnel et de multiculturalisme nous ramène régulièrement à la case
départ.
On a eu pendant certaines années un
sentiment de sécurité au Québec parce qu'on se disait : La loi 101 de
Camille Laurin nous protège. Je regrette, statistiquement, non seulement on est
à la case départ par rapport à ces années-là, mais on est en recul, on est en
déclin. Et ça, ça a beaucoup à voir avec le Canada. À court terme, c'est vrai,
je demande trois choses concrètes, qu'on agisse en matière d'immigration,
enseignement supérieur et langue du travail. Mais peut-être qu'un Québec
indépendant ne serait pas aussi réglementé parce qu'on serait dans un régime
qui a comme langue officielle et commune le français. Mais, dans l'intervalle,
devant la pression extrêmement forte venant non seulement du Canada, mais de
l'impérialisme culturel anglo-américain, le nombre de personnes qui consomment
des produits culturels puis de l'information en anglais maintenant atteint des
records, on se doit de réglementer pour freiner à court terme une érosion qui
est très, très rapide, qui est très, très palpable.
M. Lacroix (Louis) :
Mais je veux finir sur le «Bonjour! Hi!» parce que vous avez... Vous dites que
le «Bonjour! Hi!», c'est la conséquence de l'inaction du gouvernement. Bon, si
je reprends votre affirmation, votre prémisse, est-ce que ça implique que,
comme il y a eu inaction et que maintenant le «Bonjour! Hi!» est presque implanté
à peu près partout, il faille statuer là-dessus et établir... en fait,
réglementer l'accueil dans les commerces? C'est un milieu de travail. Vous
dites qu'il faut intervenir dans les milieux de travail pour que les gens
parlent français dans les milieux de travail. Les commerces, ce sont des
milieux de travail.
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
On aura nettement plus d'impact en légiférant, en appliquant la loi 101
aux entreprises de 25 à 49 employés puis en faisant du français la langue
commune du cégep et de l'université qu'en réglementant à la pièce. Si jamais on
constate que les mesures que je propose ne sont pas suffisantes, on peut
réévaluer. Mais, souvenez-vous, dans les années 80, il y a eu, après
l'échec référendaire du premier référendum, il y a eu une anglicisation dans
les commerces. Et le retour de l'indépendance imposé par Jacques Parizeau et la
volonté de rectifier le tir au niveau de la langue française a fait que, dans
les années 90, on a vu le français redevenir une langue bien implantée
dans les commerces à Montréal.
M. Lacroix (Louis) : …
M. St-Pierre Plamondon (Paul) :
Pas actuellement, il ne faut pas fermer la porte, mais, en même temps, je vous
demande… je vous dis qu'on demande trois choses fondamentales, on se concentre
sur les choses fondamentales. Si on ne les obtient pas, bien là, on peut mettre
des mesures qui sont moins fondamentales, elles ne viendront pas à bout à elles
seules de renverser la dynamique. Donc, aujourd'hui, puis c'est ce que je vais
faire lundi, on va se concentrer sur les causes profondes avec des solutions
qui sont véritablement en lien avec les causes profondes de ce déclin-là.
La Modératrice
: On va
passer en anglais, s'il vous plaît.
M. Grillo
(Matthew) : Good morning.
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) : Good morning.
M. Grillo (Matthew) : You think specifically French is declining in the province because
of three main areas, three main issues. If you could just explain that.
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) : So, there are three factors that
explain the steep decline of the French language within the region of Montréal, but within Québec as a whole. First, immigration,
because right now we do not ask for a knowledge of French at the entry. And we
have statistics that show that around 45% of immigrants who do not master
French when they come to Québec
will choose English on the long run. And that explains the decline of the
French language.
A second factor is that
we see that in CEGEPs and universities, English is more and more the common
language, is taking more space and it has an important impact on the language that will be used at work or at home
afterwards.
Third is the language
that is used at work, of course, and for that we want to see Bill 101 applied
to companies that have 25 to 49 employees, as well as federal chartered companies.
M. Grillo (Matthew) : Why come out with a plan on Monday when the bill is going to be
presented today?
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) : Because we have already put forward,
in February, the measures that we want to see. We add to that Bill 101 to
CEGEPs. So, what we propose and what we want in that bill is already known. And
since the CAQ has decided to move now and that we can't put forward a formal
bill in those delays, we will just sum up all our proposals on Monday, so that
we can make an analysis, objective analysis as to whether the CAQ put forward
serious measures that are in connexion with the causes of the decline, or if
it's a communication operation, marketing operation
where we have measures that don't really mean anything on the long run.
M. Grillo (Matthew) : With regards to the bilingual municipalities and removing that
status, that's something your party has come up with and we saw it about
roughly eight years ago as well…
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) : Yes.
M. Grillo (Matthew) : Do you worry, if that were to be done, that it would create a
divide and perhaps anger the anglophone, the English community, rather than bringing
them into this and sort of all working together to protect and promote French?
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) : OK. It depends if we think that the state in Québec should be
bilingual. It's called institutionalized bilingualism. It's the Canadian doctrine
everywhere in the rest of Canada, and it is connected with a decline of the
French language in every single province. So, the Parti québécois and the
Government of Québec has not a doctrine of institutionalized bilingualism, but
a doctrine of French as the common language, with the exception that we want
English communities to have services, education, for instance, in their mother
tongue. We want to respect that. That's something that is not necessarily well
respected in other provinces. In Québec, we think it's fair and it's important
that those rights are maintained.
The problem with
bilingual cities, it is that it is a form of institutionalized bilingualism.
What it does is that if a newcomer to Québec is in that city, the message is :
You can live in Québec without learning French and it has no consequences
because you can have all your relations with the State or at work in English
only. And I think it's only fair to have a rule, so that if a city is down to
8% of Anglophones, well, it's not a bilingual city. Otherwise, we will end up
with the vast majority of our cities that are bilingual, and we will come with
the exact same system than in the rest of Canada, where we saw a very important
decline of the French language because of that Pierre Elliott Trudeau's
institutionalized bilingualism.
M. Grillo (Matthew) : But where do you think the line should be drawn? Is it 50% and
anything below that needs to be, you know, revoked?
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) : No, I think we could draw the line at 40% with an automatic
mechanism. Between 40% and 50%, you have fluctuations, so if a city is at 47%
one year, it might be at 52% the next year. I think there should be a
discretionary space between 40% and 50%. But below 50%, if a city is not
bilingual, if the citizens of a city are not part… are
not the English community that was at the origin of that rule, the reason for
that… for these exceptions, well, then, we need some form of mechanism. You
can't just leave it like that because, as we see, demographics change, and
cities change.
M. Grillo (Matthew) : Merci.
M. St-Pierre Plamondon
(Paul) :Thank you.
La Modératrice
: Merci,
bonne journée.
(Fin à 9 h 13)