(Huit heures dix-sept minutes)
M. Legault
: Écoutez,
ce matin, on veut vous parler de la situation dans le réseau de la santé. D'abord,
les salaires des médecins. On le sait, depuis huit ans, les salaires des médecins
de famille ont augmenté de 72 % et les salaires des médecins spécialistes
ont augmenté de 107 %. Juste pour vous faire une petite remise en
contexte, lorsque j'ai été ministre de la Santé en 2002, on calculait qu'il y
avait un écart important entre le salaire des médecins au Québec et en Ontario,
on parlait d'un écart, là, d'environ 40 %. Par contre, tous les salariés,
en moyenne, ont un écart avec l'Ontario, ont toujours eu un écart avec
l'Ontario à cause de l'écart de richesse entre le Québec puis l'Ontario. À
l'époque, l'écart était à peu près de 15 %. Donc, ce qui avait été prévu
lorsque j'étais ministre de la Santé, c'est que, graduellement, on réduise
l'écart de 40 % jusqu'à 15 %, qui est l'écart qui s'applique à tous
les salariés, tous les autres professionnels.
Or, il semble que le gouvernement libéral a
tellement réduit l'écart qu'il n'y en a plus, d'écart avec les médecins de l'Ontario.
Donc, c'est inéquitable, puisqu'on sait qu'il y a une différence de coût de la
vie, il y a une différence avec tous les autres salariés. Donc, actuellement,
ce rattrapage-là a coûté 3 milliards de dollars aux Québécois.
Donc, la CAQ demande trois choses. D'abord,
on demande de revoir le mode de rémunération. Partout dans le monde où on a
réussi à avoir une meilleure prise en charge des patients en première ligne, on
a modifié le mode de rémunération pour avoir un paiement non pas à l'acte, mais
à la prise en charge, donc qu'il y ait un plus grand pourcentage de la
rémunération qui soit donnée par patient plutôt que par acte.
La deuxième demande qu'on fait, c'est de
mettre fin à l'incorporation. L'incorporation était peut-être justifiable il y
a 10 ans, il y a 15 ans, lorsqu'il y avait un écart important de
salaire avec les médecins du Québec et ceux de l'Ontario, mais, à partir du
moment où il n'y a plus d'écart, je ne vois pas pourquoi on permettrait à quelqu'un
qui est payé pratiquement, là, à 100 % par le gouvernement de continuer à
avoir le droit de s'incorporer puis de payer moins d'impôt que, par exemple,
les infirmières qui travaillent dans les mêmes hôpitaux.
Et la troisième demande qu'on fait aussi,
c'est de mettre fin aux frais accessoires. Donc, on pense, là, que le gouvernement
doit nous donner le portrait de la rémunération des médecins, on pense qu'il y
a une marge de manoeuvre à être capable d'identifier et on pense, entre autres,
qu'actuellement, là — puis je vais donner la parole à mon collègue
François Paradis — il doit y avoir un réinvestissement qui soit fait
auprès des personnes en perte d'autonomie dans, entre autres, les CHSLD. Je
veux dire, c'est devenu gênant entendre des personnes réclamer un deuxième bain
par semaine. Je pense que nos aînés, ce sont les personnes qui ont bâti le Québec,
on leur doit dignité, respect, et c'est inacceptable, actuellement, là, qu'ils
soient obligés de payer ou se priver d'un deuxième bain. Puis là-dessus je
passe la parole à mon collègue François Paradis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. Legault.
Je pense que c'est important, ce qui se passe aujourd'hui. Le 21 mai 2015,
au salon bleu de l'Assemblée nationale, on révélait une problématique de ce que
l'on a appelé, à ce moment-là, les bains au noir. En fait, ça mettait en
lumière cette problématique plus vaste des notions d'hygiène dans nos CHSLD. Ça
fait plus d'un an, puis on se reparle encore ici de ce même problème, et là
l'évidence, elle est là.
Quand on rencontre des gens, sur le
terrain, qui travaillent dans le réseau, dans les CHSLD, ils nous disent :
Ça ne fait pas sens. Ils nous disent : Ça ne fait pas sens, ce qui se
passe actuellement, on n'est pas heureux là-dedans. Et je vous parle de notion
d'hygiène fondamentale, on ne parle pas de luxe, là. Quand on rencontre des
gens qui, éventuellement, se retrouveront dans notre réseau d'hébergement
public, ils nous disent : Ça ne fait pas de sens, on a peur d'y aller, on
ne sait pas ce qui nous attend. Et, quand on rencontre, évidemment, les
citoyens, bien, ils nous disent la même chose : Ça ne fait pas sens puis
ça ne fait pas de sens unanimement.
Alors, je pense qu'aujourd'hui la
démonstration est faite. Il va falloir qu'on se rende compte qu'au-delà de la
mathématique, puis on a beau avoir un outil qui s'appelle une débarbouillette,
la notion du bain, elle est essentielle. Puis on va continuer à demander, comme
on a demandé depuis maintenant un an sans résultat jusqu'à maintenant, qu'il y
ait des normes nationales officielles et que deux bains soient donnés pour nos
aînés en CHSLD. Lorsqu'on nous dit : Vous savez, il y a des aînés qui ne
peuvent pas, il y a des aînés qui sont malades, il y a des aînés qui ne veulent
pas, on ne plongera personne de force, qu'on se comprenne, là, soyons logiques
dans ce dossier-là, faisons en sorte que ceux qui le réclament puissent en
avoir. C'est une notion d'hygiène, mais c'est une notion de confort, c'est une
notion de dignité.
Aujourd'hui, la population dit haut et
fort : Ça prend ça, c'est un minimum, la population dit haut et fort :
Il faut réinvestir dans ce qui sera notre demain, puis la population dit haut
et fort : S'il vous plaît, soyons sensibles et pensons à ce que vivent les
gens actuellement en CHSLD. Il y a un paquet de choses à faire, il faut choisir
ses cibles, c'en est une importante, et tous le réclament. Moi, je demande au
ministre Barrette d'être, évidemment, sensible à ce qui est dit, de comprendre
le message parce qu'il ne peut pas être plus clair que ça — plus
clair que ça, je ne sais pas comment on fait — puis troisièmement,
bien, qu'il réponde à nos attentes depuis plus d'un an maintenant et que nos
aînés soient traités correctement dans des notions aussi fondamentales que
celles des soins d'hygiène en CHSLD.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. On va prendre les questions. Simon Boivin, Le Soleil.
M. Boivin (Simon) : Oui,
bonjour, messieurs, bon matin. À la lumière de la décision rendue hier par
François Ouimet à la présidence, comment vous interprétez le refus de M. Couillard
de demander à l'UPAC de rendre publics les documents en lien avec l'enquête
faite par Mme Trudel au MTQ?
M. Legault
: Bien,
c'est très troublant, la situation au ministère des Transports. On a, d'un côté,
M. Couillard, notre premier ministre, qui refuse de donner des informations,
on a deux documents différents qui ont été remis, il y a des informations qui
sont cachées aux parlementaires. François Ouimet a pris une décision qui allait
dans le sens du gros bon sens, qui est contraire à celle de Philippe Couillard.
Donc, moi, je voudrais, une fois pour
toutes, là, que Philippe Couillard fasse preuve de transparence puis permette à
ce que les documents qui ont été déposés par Annie Trudel, tous les documents
qui ont été déposés par Annie Trudel soient remis aux parlementaires et qu'on
nous explique pourquoi il y a eu des modifications aux documents de Mme Trudel.
M. Boivin (Simon) : Mais pour
quelle raison pensez-vous qu'à l'heure actuelle le premier ministre s'oppose à
ce que cette information soit transmise aux parlementaires?
M. Legault
: Bien, de
toute évidence, il y a un manque de transparence de la part du premier
ministre. Et puis on ne sait pourquoi il veut cacher les informations, mais de
toute évidence… Même François Ouimet est d'accord avec nous.
La Modératrice
:
Valérie Gamache, TVA.
Mme Gamache (Valérie) :
M. Paradis, je voulais revenir sur ce sondage concernant le nombre de
bains par semaine. La population pense aussi qu'il faudrait investir entre 20
et 30 millions de dollars pour que ce soit possible. Est-ce que vous
pensez que ça passe par la réorganisation des soins ou par, vraiment, du nouvel
argent dans le réseau?
M. Paradis (Lévis) : Bien, ça
va prendre un heureux mélange des deux, manifestement. Pour être allé visiter
des CHSLD, il y a des gens qui nous disaient, sur place, de ne pas avoir le
personnel requis pour le faire. Il y a des gens qui nous disaient que la
structure ne le permettait pas, qu'on manquait d'équipement, qu'on n'a pas
l'espace pour l'installer. Alors, oui, ça va demander une réorganisation, oui,
ça va demander que chaque établissement voie ce qu'on peut faire à ce
chapitre-là, oui, ça va demander des sous supplémentaires.
Mais, encore là, les gens sont unanimes,
ils le disent : Dans ce dossier-là, il n'y a pas de compromis à faire, dans
ce dossier-là on est tous d'accord pour dire que les cibles doivent être
choisies et que l'argent doit être investi. Et, encore là, je vous dis, on ne parle
pas… Puis il y a bien des choses à changer puis à améliorer dans nos CHSLD dans
ces notions-là. Ce sont des notions fondamentales de base. Je vous le rappelle,
ça fait un an qu'on n'a pas de norme nationale officielle. On réclame au moins
deux bains, ceux qui le veulent, ceux qui le peuvent. Mais l'argent doit être
investi, et on doit choisir nos priorités, et c'en est une.
Mme Gamache (Valérie) : Mais
est-ce qu'on doit réinvestir vraiment dans le réaménagement de ces CHSLD là ou
dans, vraiment, les soins qui sont donnés aux patients?
M. Paradis (Lévis) : On
devrait investir dans les deux. On devra revoir au sens large.
Mme Gamache (Valérie) : Il n'y
en a pas un plus que l'autre?
M. Paradis (Lévis) : Bien,
c'est sûr que, fondamentalement, et de l'avis des gens, cette notion de soins
d'hygiène là, ça doit être réglé. Moi, de me faire dire ou de dire : La
débarbouillette, c'est un bon compromis, je m'excuse, ça ne passe pas. Ça ne
passe pas depuis qu'on en parle, ça ne passe pas avec la population puis,
au-delà de ça, ça ne passe pas non plus pour ceux et celles qui vivent
actuellement dans les CHSLD, qui réclament… et les familles non plus. Et je
pense que, ça, on doit s'y attaquer tout de suite, d'abord et avant tout.
Réglons-le petit à petit. Celui-là, il faut qu'il soit réglé. Puis ensuite il y
a d'autres choses à changer, puis on devrait faire en sorte qu'on investisse
davantage pour nos aînés au Québec.
M. Legault
: Juste,
peut-être, pour compléter. On voit, là, l'incohérence du gouvernement libéral.
Le gouvernement libéral a augmenté le salaire des médecins, depuis huit ans, de
3 milliards, puis il n'est pas capable de trouver 30 millions pour
que nos personnes en perte d'autonomie aient deux bains par semaine.
Franchement, là, il y a un problème de priorité quelque part.
La Modératrice
: Merci.
Louis Lacroix, Cogeco.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
M. Legault. Annie Trudel, l'analyste embauchée par Robert Poëti pour faire
une vérification au ministère des Transports, a écrit, au cours des dernières
heures, à Carole Poirier, la présidente de la Commission de l'administration
publique, pour lui dire que les documents qui ont été déposés par le ministère
des Transports ont été modifiés. Elle parle même qu'il y a des documents qui…
des choses qui sont dites dans ces documents-là, qui sont fausses. Alors, c'est
très sérieux, là, comme allégations. Comment vous réagissez à ça? Est-ce que,
pour vous, c'est un outrage au Parlement?
M. Legault
: Bien,
c'est très inquiétant. Écoutez, là, Mme Annie Trudel a été embauchée par
Robert Poëti lorsqu'il était ministre, et qu'Annie Trudel vienne nous dire que
ses documents ont été modifiés, c'est très inquiétant, puis M. Couillard
nous doit des explications. Ce n'est pas normal, là, qu'un document, suite à
une enquête, ait été modifié par, probablement, le gouvernement, là. Très
inquiétant, très troublant, et moi, j'attends des réponses dès ce matin de la
part de M. Couillard.
M. Lacroix (Louis) : Mais, de
déposer... de faire déposer des documents qui sont faux, est-ce que vous ne
voyez pas là une atteinte aux droits des députés d'avoir la véritable
information?
M. Legault
: Bien oui,
puis d'ailleurs c'est pour ça qu'on a demandé, et puis on a une décision
favorable de la part de François Ouimet, d'avoir droit à la clé USB, à toutes
les informations, puis François Ouimet nous a donné raison, malgré le fait que
son chef avait refusé, que M. Couillard avait refusé. Donc, on voit, là,
qu'il y a un problème. Écoutez, pourquoi François Ouimet est capable
d'interpréter la loi correctement, puis les droits des parlementaires
correctement, puis que M. Couillard n'est pas capable de le faire, que son
cabinet n'est pas capable de le faire? Moi, je pense que M. Couillard doit
se poser des questions aussi sur la compétence de son cabinet.
La Modératrice
: Merci.
Geneviève Lajoie, Le Journal de Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour, M. Legault. M. Hamad ne sera pas blâmé par la Vérificatrice
générale. À partir de quel moment, selon vous, M. Hamad peut être réintégré
au Conseil des ministres?
M. Legault
: O.K.
D'abord, ce qui est surprenant puis inquiétant, c'est que le rapport de la
Vérificatrice générale ait été donné à des journalistes, puis je ne blâme pas
les journalistes, là, tant mieux pour eux autres, mais avant d'être donné aux
parlementaires. Là, il semble y avoir un problème de fuite chez la
Vérificatrice générale.
Deuxièmement, il y a trois autres enquêtes
qui ont été demandées au sujet de Sam Hamad. Puis le plus important, selon moi,
c'est une question de jugement. Lorsqu'on est ministre, on a besoin d'avoir un
bon jugement. Que Sam Hamad ait fourni de l'information à Marc-Yvan Côté après
que Marc-Yvan Côté ait été banni du Parti libéral du Canada, moi, je pense
qu'il y a un manque de jugement. Est-ce que ça a changé la subvention? Est-ce
qu'on est capables de le prouver, que ça a changé la subvention à Premier Tech?
Ça, c'est peut-être difficile, pour la Vérificatrice générale, d'avoir cette
preuve-là. Mais la preuve qu'on a, c'est que M. Hamad manque de jugement
et, selon moi, n'a pas les qualités pour être ministre au gouvernement du
Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, peu importe le rapport de la vérificatrice et ensuite du Commissaire à
l'éthique ou du Commissaire au lobbyisme, le DGE, selon vous, il ne peut pas
réintégrer le Conseil des ministres.
M. Legault
: Absolument.
Moi, à partir du moment où il a fourni des informations à Marc-Yvan Côté, selon
moi, c'est un manque de jugement. Puis peu importe si le Commissaire à
l'éthique, au lobbyisme est capable ou non de faire la preuve. Parce qu'on va
tous comprendre que ce n'est pas facile de faire la preuve que ce contact-là
entre Sam Hamad et Marc-Yvan Côté a permis d'augmenter la subvention qui a été
donnée du gouvernement du Québec. Je veux dire, c'est difficile, on n'était pas
dans chaque conversation puis chaque décision qui ont été prises par le gouvernement.
Mais, de toute évidence, il y a un manque de jugement important.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Hugo Lavallée, Radio-Canada.
M. Lavallée (Hugo) : Oui,
bonjour, M. Legault. Dans un tout autre sujet, hier, M. Khadir, à ce
lutrin, nous disait... parce que vous, vous parlez souvent du monopole libéral,
M. Khadir en parlait en employant d'autres mots, mais en blâmant les
non-francophones d'être responsables du maintien en place du gouvernement
libéral. Est-ce que vous partagez cette analyse-là?
M. Legault
: Écoutez,
tous les Québécois, là, sont sur le même pied au Québec. Il y a un défi, effectivement,
pour les partis autres que le Parti libéral d'aller chercher plus d'appuis chez
les anglophones et chez les allophones, mais, je veux dire, le poids des Québécois,
peu importe leur origine, est le même au Québec, là.
M. Lavallée (Hugo) : Donc,
vous n'avez pas d'inquiétude particulière par rapport, donc, au comportement
électoral de ce groupe de citoyens là.
M. Legault
: Bien, écoutez,
il y a un défi. Il y a un défi évident, actuellement. 80 %, 90 % des
allophones et des anglophones votent pour le Parti libéral du Québec, ils
sentent que c'est le seul parti qui peut leur offrir un rempart contre la
souveraineté du Québec. Moi, le message que je leur lance — et puis
je commence, actuellement, à rencontrer les différents représentants des
communautés culturelles — c'est de leur dire : Bien, maintenant,
il y a un deuxième choix, qui est la CAQ, la CAQ a un projet à l'intérieur du
Canada.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Questions en anglais? Oui, Maya Johnson, CTV.
Mme Johnson (Maya) : Je suis
la seule, ce matin. Bonjour, M. Legault. What do you make
of the revelations that some documents, according to Annie Trudel, were
falsified that have been submitted to the National Assembly?
M. Legault
:
I worry about these revelations. Yesterday, Mr. Couillard refused to table
these documents. Now, the Vice-President Ouimet accepted to table those documents,
and, this morning, we understand from Mrs. Trudel that her documents have
been changed. So, I worry a lot and I think we need some answers from Mr. Couillard.
Merci.
(Fin à 8 h 33)