(Treize heures dix-sept minutes)
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Merci. Alors, je suis Jean-Sébastien Dufresne, le président du Mouvement
Démocratie nouvelle, une organisation qui s'intéresse à la question de la
réforme du mode de scrutin au Québec depuis plus de 15 ans, et aujourd'hui
on est vraiment très enthousiastes par l'annonce qui va être faite. Vous voyez,
je suis bien entouré aujourd'hui.
On va donc parler de réforme du mode de
scrutin, mais ce dont on va parler aujourd'hui, c'est le fruit d'un travail qui
s'est fait depuis plusieurs mois. Depuis le printemps, on tient des rencontres
avec des représentants de l'ensemble des partis politiques, avec les principaux
acteurs de la société civile également, et l'idée de ces travaux était de
s'entendre sur certains principes de base qui pouvaient guider le choix d'une
alternative de mode de scrutin au Québec. Et on est très fiers aujourd'hui de
pouvoir dire qu'il y a un consensus du moins qui est à portée de main, il faut
le dire. La dernière fois qu'on a un avis du Parti libéral sur cette
question-là, c'était au moment où Jean-Marc Fournier avait répondu à une
pétition, et il avait dit qu'il était nécessaire d'avoir un consensus de
l'ensemble des parlementaires sur cette question-là pour y travailler.
Et donc aujourd'hui on est très fiers de
dire qu'un consensus est possible sur cette question. L'ensemble des personnes
qui sont ici, qui vont intervenir, donc, s'entendent sur certains principes qui
devraient guider le choix d'un mode de scrutin. On parle entre autres de refléter
le plus possible le vote populaire; assurer un lien significatif entre les
électeurs et les élus, viser le respect du poids politique des régions,
favoriser la stabilité des gouvernements par des mesures encadrant les motions
de censure, offrir un système accessible dans son exercice et sa compréhension
et finalement contribuer à une meilleure représentation des femmes, des jeunes
et des communautés ethnoculturelles.
Alors, nous, aujourd'hui... Je vais passer
la parole à certains élus et certains politiciens qui vont intervenir sur cette
question-là, mais je dois dire que c'est un débat qui anime bien des gens au
Québec depuis des décennies. Et aujourd'hui on fait cette annonce, mais c'est
aussi le moment pour nous de lancer une campagne qui s'appelle Chaque voix
compte. Donc, on invite les citoyennes et les citoyens à aller sur le site
chaquevoixcompte.com pour s'informer sur cet enjeu-là et aussi pour suivre la
campagne, parce qu'on croit qu'effectivement cette réforme est à portée de
main, puisqu'un consensus, on le voit, est possible.
Donc, c'est vraiment un moment historique aujourd'hui,
il faut le dire, hein, d'avoir l'ensemble des partis, comme ici, qui sont
représentés et qui vont donc à tour de rôle intervenir et faire part, donc, de
leur appui. Et on va même avoir un document qu'on va pouvoir signer par la
suite, là, une déclaration à cet effet.
Alors, je passerais la parole à Benoit
Charette, s'il vous plaît.
M. Charette : Merci, M.
Dufresne. Bonjour, tout le monde. Effectivement, c'est un moment qui n'est pas
commun de voir les différentes formations politiques réunies à l'Assemblée
nationale porter un même message. Je pense que c'est attendu que d'être capable
de collaborer ensemble de la population. On parle souvent de cynisme. Cette
belle collaboration qui a prévalu au cours des dernières semaines est une belle
illustration que c'est possible. Et, au niveau de la Coalition avenir Québec,
les six principes qui ont été évoqués par M. Dufresne font partie intégrante du
programme suite à un congrès de nos membres qu'on a tenu en novembre dernier.
Donc, la réforme des institutions
démocratiques et plus particulièrement la réforme du mode de scrutin, pour la Coalition
avenir Québec, c'est fondamental. On a eu l'occasion de dire à plusieurs
reprises qu'il y a littéralement une crise de confiance envers nos institutions
démocratiques. Ça se traduit de différentes formes. On a vu, au fil des ans, notamment
que le taux de participation baissait de façon considérable. On a vu également,
au cours des 60 dernières années, c'est un petit peu la statistique qu'on
révélait l'année dernière, comme quoi il y a eu neuf fausses majorités sur
les 16 élections qui se sont tenues.
Donc, tous ces facteurs-là font en sorte
qu'il y a une crise de confiance envers nos élus, et le mode de scrutin en est
une des illustrations, compte tenu de l'adéquation entre le vote exprimé et le
résultat à l'Assemblée nationale.
La dernière fois qu'on a eu un parti
politique, en élections, qui a obtenu une véritable majorité, c'est en 1989,
donc ça fait plusieurs années de ça. Et depuis, on voit que le bipartisme n'est
plus ce qui prévaut à l'Assemblée nationale. Il y a un troisième, sinon un
quatrième parti qui a aussi pris sa place. Donc, de véritables majorités, on ne
risque plus d'en retrouver de sitôt, d'où la nécessité de réformer nos
institutions pour que chacune de ces voix soit justement représentée à
l'Assemblée nationale. Merci.
Mme Massé : Merci, Benoit.
Alors, effectivement, moment historique fort intéressant. Depuis sa fondation,
Québec solidaire est porteur de cette vision qu'il est fort temps au Québec que
nous réformions notre mode de scrutin, pour toutes les bonnes raisons qui viennent
d'être émises, mais surtout parce que la démocratie… En démocratie, tu n'as pas
le droit de perdre ton vote, alors que le système actuel fait en sorte que, si
la personne qui est dans ton comté n'est pas celle pour laquelle tu as voté, eh
bien, ton vote est perdu. C'est pourquoi j'imagine que chaque vote compte.
J'imagine, c'est un peu l'idée.
Alors, on est très heureux de voir que,
bien, cinq partis sur six, maintenant, qui ont travaillé sur cette question-là
depuis des mois, en arrivent à dire : Oui, nous, on est prêts à vous dire
collectivement que le mode de scrutin doit être réformé, qu'il doit s'orienter
vers un mode de scrutin proportionnel mixte avec une compensation régionale.
Donc, il faut soutenir nos régions à travers ça, et surtout, on est prêts à
vous dire que les principes que nous et la société civile avons adoptés, ces
principes-là, nous voulons absolument qu'ils prévalent pour les élections
futures au Québec. Alors, on est très, très, très heureux et heureuses d'être
là aujourd'hui.
Mme
Hivon
:
Merci, Manon. Alors, oui, c'est quand même un grand jour parce que ce que vous
avez devant vous aujourd'hui, en termes de déclaration commune, c'est un pas
très important qui est franchi, non seulement par les partis politiques de
l'opposition qui sont représentés à l'Assemblée nationale, mais par des partis
qui ne le sont pas, comme le Parti vert et Option nationale. Et on s'est
entendus sur, aujourd'hui, un engagement commun de travailler tous et toutes
ensemble pour vraiment faire avancer cette cause d'une réforme du mode de
scrutin pour avoir, comme Manon le disait, un mode proportionnel mixte
régional.
Alors, c'est un pas très important qui est
franchi, et je pense que c'est la base, pour restaurer la confiance des
citoyens, de dire qu'on va tout faire, c'est l'urgence qui nous le commande,
qu'on va tout faire pour qu'ils se sentent bien représentés et qu'ils sentent que,
quand ils vont voter, leur vote compte, leur voix porte. Et c'est ça, le sens
de la déclaration que vous avez aujourd'hui et qu'on va signer devant vous.
Au Parti québécois, vous l'avez vu, notre
nouveau chef, comme tous les candidats, lors de la dernière course, se sont
engagés en ce sens-là. On amorce un processus de congrès dans lequel cette proposition-là
va être mise de l'avant dès le dépôt, là, donc, de la proposition principale, et
nos travaux vont pouvoir justement alimenter cette prise de position là. Alors,
sur ce, je vais céder la parole à Sol Zanetti.
M. Zanetti (Sol) : Merci. Le
mode de scrutin dans lequel on évolue, qu'on utilise, il n'est pas né d'une démocratie
ou d'un peuple qui a décidé de se donner un système. Il est issu de la
monarchie britannique et il favorise structurellement, disons, le
conservatisme. Il décourage l'émergence puis le déploiement d'une scène politique
diversifiée. Je pense que ce système-là, avec une composante de
proportionnalité, est essentiel pour redonner aux gens au Québec, là, la
confiance en la possibilité de la politique de changer les choses pour vrai, et
c'est pourquoi je suis très fier de faire partie, avec Option nationale, de
cette initiative.
Et je pense que c'est très enthousiasmant
et très encourageant aussi, pour tous les gens de la société civile puis tous
les gens de n'importe quel parti politique, de voir qu'il y a des partis qui
s'unissent pour un enjeu qui est transpartisan, qui ne concerne pas la gestion
gouvernementale, mais qui concerne notre démocratie elle-même. Je trouve ça
très enthousiasmant et je remercie énormément le président du Mouvement
Démocratie nouvelle d'avoir pris cette initiative. Merci beaucoup.
M. Tyrrell (Alex) : Donc,
moi, c'est Alex Tyrrell. Je suis chef du Parti vert du Québec. J'aimerais vraiment
remercier le mouvement nouvelle démocratie et l'ensemble des partis politiques
qui sont ici aujourd'hui. On sait que, quand on parle de la proportionnelle,
c'est souvent dans les détails que ça devient difficile à expliquer à la
population. Donc, je trouve que c'est vraiment important que les partis
politiques, on puisse avoir un consensus au sein des cinq partis politiques de
l'opposition pour que, quand on puisse présenter cette réforme-là, ça soit très
clair et très bien élaboré.
Donc, j'espère qu'on va pouvoir continuer
les discussions de la MDN et s'entendre sur davantage de détails. Déjà, on a
beaucoup de principes qui sont déterminés, le respect du vote des régions, par
exemple. Donc, c'est vraiment excellent. Puis, même si le Parti vert pourrait
augmenter beaucoup avec une telle réforme, nous autres, on croit que c'est
vraiment important d'avoir une diversité de voix à l'Assemblée nationale et on
croit qu'on pourrait remettre beaucoup d'énergie dans la politique avec une
telle réforme. Merci.
Le Modérateur
: Merci beaucoup,
messieurs dames. Avant de passer à la période de questions, on pourrait peut-être
procéder à la signature de la déclaration. La déclaration unit les cinq partis
derrière six grands principes.
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Alors, voilà. On peut donc effectivement vous montrer, donc, une signature de
l'ensemble, là, des représentants des partis d'opposition qui s'engagent donc à
travailler sur l'aboutissement de ce projet de réforme du mode de scrutin au Québec.
Et j'en profite pour le rappeler, pour les citoyennes et les citoyens qui
souhaitent en savoir davantage, allez sur le site chaquevoixcompte.com pour
pouvoir suivre la campagne et se tenir informés sur les développements.
Comme l'a dit M. Tyrrell, il va y avoir
d'autres rencontres. On va continuer dans cette démarche de concertation pour
en venir à dégager, là, de plus en plus de détails pour ensemble, là, arriver à
trouver une solution qui rejoindrait le plus vaste consensus possible et donc
donner les meilleures chances de réussite à une réforme du mode de scrutin au Québec.
Le Modérateur
: Micro
de gauche.
M. Dutrisac (Robert) : Oui,
bonjour. Robert Dutrisac du Devoir. Mme de Santis n'est pas à vos
côtés. Pourquoi? Pourquoi vous n'avez pas réussi à rallier le Parti libéral?
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Bonne question. En fait, le Parti libéral a participé à nos rencontres au
printemps. Donc, il y avait des représentants, il y avait une personne
observatrice qui représentait effectivement la ministre de Santis. On avait également
un représentant du Parti libéral en la personne du président de la commission politique,
Jérôme Turcotte, que vous êtes venus à connaître, je pense, assez bien ces
dernières semaines. Et donc ils ont participé à ces discussions-là, des apports
très enrichissants, parce que l'idée, c'est effectivement de trouver des
solutions qui rejoignent le plus grand consensus possible. Donc, leurs apports
ont été très, très importants, là, dans ces réflexions-là, notamment au niveau des
définitions des principes.
Par contre, le Parti libéral n'a pas
encore de position, il faut dire, officielle sur cette question-là, ce qui ne
veut pas dire qu'il n'en aura pas. Le travail se poursuit. Mais nous, on a eu l'occasion
aujourd'hui d'avoir l'ensemble des partis qui ont des positions plus
officielles sur cette question-là, qui peuvent donc se prononcer publiquement.
Mais le message vraiment à retenir, c'est qu'on souhaite travailler également
avec le Parti libéral du Québec. C'est fort important. On parle d'un tiers des
électeurs, là, minimalement qui soutiennent ce parti-là. Donc, pour nous, comme
acteurs de la société civile, c'est vraiment essentiel qu'on ait l'ensemble des
acteurs, et, bien entendu, là, on tend la main et on souhaite que le Parti
libéral continue à participer à nos rencontres et continue à alimenter les
travaux pour avoir une solution qui rejoigne le plus possible, là, l'appui de
l'ensemble des partis.
M. Dutrisac (Robert) : Je
sais, le consensus porte sur des grands principes, à ce que je vois. Mme Hivon,
Mme Massé ont parlé d'un mode de scrutin proportionnel mixte avec compensation
régionale. C'est une formule qui a déjà été étudiée en détail, et il y avait eu
des consultations d'ailleurs populaires, là, à l'époque.
Alors, le consensus, il n'est pas
là-dessus, il est sur les grands principes, si je comprends bien.
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Bien, au niveau de... Oui, Mme Hivon, si vous voulez...
Mme
Hivon
:
Exact. Les partis... En fait, le Mouvement Démocratie nouvelle a une approche,
je dirais, très globale avec tous les partenaires de la société civile. La
déclaration que vous avez devant vous, elle comprend le mode spécifique
compensatoire, donc proportionnel mixte, compensatoire régionale. Donc, nous,
les partis politiques qui avons signé, nous sommes engagés jusque-là. Vous
allez voir, c'est très facile à lire, une petite page. Donc, il y a six
principes, mais il y a aussi une volonté de travailler en fonction de 2022
aussi pour faire advenir ce mode-là de scrutin. Et il va y avoir d'autres
étapes pour la suite des choses pour aller plus largement.
M. Dutrisac (Robert) : Puis
le référendum se tiendrait quand là-dessus?
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Bien, en fait, ce qui est intéressant à souligner aussi, c'est qu'il y a eu
beaucoup de travaux au Québec sur cette question-là. Ça fait des décennies qu'on
en parle. Il y a eu des états généraux sur la réforme des institutions
démocratiques, il y a eu un avant-projet de loi, d'ailleurs proposé par un
gouvernement libéral, sur cette question-là. Donc, au Québec, il y a eu
énormément de travail qui a impliqué la population.
Donc, nous, on croit qu'on est rendus, là,
au point où on peut adopter une réforme. Tous ceux et celles qui avaient des
choses à dire sur ce sujet-là ont eu l'occasion de le faire à un moment ou un
autre, là, dans toutes les démarches qui ont eu lieu jusqu'à présent. Et les
principes qui sont là, vous allez voir, c'est des principes qui rejoignent le
plus grand consensus, là, autant au niveau des acteurs de la société civile,
autant au niveau des partis politiques, et je vous dis, là, qui devraient
aussi, même si le Parti libéral n'est pas ici, là... on va continuer notre
travail à amener cet enjeu-là sur la table et faire en sorte que ces
principes-là aussi les rejoignent.
Donc, on croit que c'est la meilleure
façon d'en arriver, là, graduellement à ce que l'ensemble des acteurs
s'entendent sur une solution. Mais on tient à insister qu'au Québec, le
travail, il a été fait, le travail de concertation et de consultation.
Maintenant, on est rendus à un moment où il faut qu'il y ait une action
politique qui soit prise pour s'entendre à agir sur cette question-là, et c'est
ça qu'on voit, là.
M. Dutrisac (Robert) : Donc,
je comprends bien, une sanction par voie de référendum, ce n'est pas nécessaire
compte tenu des consultations qui ont eu lieu, du débat public qui a eu lieu
autour de…
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
En fait, le processus pour le mettre en place est toujours en discussion. Donc,
dans nos rencontres qu'on a, nous le MDN est vraiment un peu, on dirait, le
liant, là, on est le facilitateur de cette démarche-là du fait qu'on est une
organisation qui est non partisane, je dirais même transpartisane, parce qu'on
parle avec tous les partis. Donc, on vient faciliter ce processus-là. Donc, ça
va faire partie effectivement des discussions, là, mais présentement il n'y a
pas de position officielle, là, ferme sur cette question-là, là.
Mme Massé : M. Dutrisac, j'ai
peut-être envie de rajouter une chose qui est bien importante, et Véronique l'a
dit, nous sommes en marche, c'est-à-dire que, là, ce que vous avez dans la
déclaration, c'est là où nous sommes rendus. Mais, d'ici à 2018, là, on va
continuer de marcher, on va continuer d'avancer. Et, oui, il y a un travail qui
a été fait, mais prenons acte qu'ici, là, il y a cinq partis qui sont capables
aujourd'hui de vous dire que le mode de scrutin qu'ils privilégient, il est
proportionnel, il est mixte, il est compensatoire et il tient compte des régions,
avec répartition régionale.
Ça, là, c'est le plus grand consensus
qu'on n'a pas eu jusqu'à maintenant entre les partis politiques, et c'est... je
veux bien qu'on n'a pas tout réglé pour l'avenir, nous sommes en marche, mais
ce consensus-là, il est vraiment extraordinaire, à mon sens, positif.
M. Charette : Un petit
complément d'information aussi. On est en 2016, bientôt en 2017, et c'est
pourquoi qu'on évoque la date de 2022. Il est clairement trop tard pour que ce
soit applicable aux prochaines élections même si le Parti libéral faisait
partie de la déclaration elle-même, mais c'est l'engagement qu'on prend au
niveau des différentes formations politiques en prévision des élections de
2022, et on va aussi loin que de signer sur une même page cet engagement-là, parce
qu'en 2003 les trois... en 2003, oui, exactement, les trois partis qui étaient
représentés à l'Assemblée nationale avaient tous, de façon indépendante, dit
que c'était la dernière élection avec le mode de scrutin actuel, mais il n'y
avait pas d'engagement formel de pris, et, 13 ans plus tard, on est avec le
même mode de scrutin aujourd'hui.
Donc, on va plus loin qu'on n'est jamais
allés par le passé avec la déclaration qui est signée de chacune de nos
formations politiques.
Le Modérateur
: Autant
que possible, je vous prie d'identifier la personne à laquelle vous vous
adressez.
M. Caron (Régys) : Oui, Régys
Caron du Journal de Québec. Mme Hivon, comment expliquez-vous que c'est
toujours les partis d'opposition qui demandent des réformes de scrutin?
Exemple, les libéraux à Ottawa ont proposé ça, ils se sont fait élire, et
maintenant qu'ils sont au pouvoir, ils cherchent le moyen de se dégager de cet
engagement-là. En 1976, le Parti québécois s'est fait élire, a fait deux
mandats sans aboutir avec une réforme du scrutin. Il en a reparlé dans les
années 90, puis c'est resté lettre morte aussi. Comment ça se fait que c'est
juste l'opposition puis les partis au pouvoir, lorsqu'ils arrivent... peut-être
parce que le mode de scrutin les sert, finalement.
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, c'est sûr que c'est quelque chose qu'on entend, c'est évident.
Justement, aujourd'hui, on est ici pour marquer le coup, et se mettre en
mouvement, et regarder vers l'avenir, parce que c'est sûr qu'on peut faire le
procès de choses du passé qui ont été plus ou moins satisfaisantes, regarder
comment les choses se passent à Ottawa, mais nous, aujourd'hui, on est ici pour
dire qu'on entame la marche vers l'avenir ensemble.
On invite bien sûr le Parti libéral à
emboîter le pas, et je pense qu'il faut prendre acte qu'en 2016, mes collègues
pourront élaborer, mais on est dans une logique ou le bipartisme, effectivement,
a éclaté de différentes manières et où la population réclame de plus en plus
ces changements-là. Et nous, on ne veut pas le faire en vase clos, on veut le
faire à partir de la population — c'est pourquoi, d'ailleurs, c'est
le Mouvement Démocratie nouvelle qui est le liant entre nous dans tout
ça — et d'en arriver avec le plus grand consensus pour la suite des
choses. Je pense que c'est un jalon important qui est posé aujourd'hui.
M. Caron (Régys) : Ce que
vous proposez, est-ce que ça ne part pas du constat suivant : les libéraux
détiennent une bonne majorité, en fait, une bonne proportion de comtés avec des
allophones, le vote francophone est très divisé. Avec une réforme du scrutin, des
partis comme le Parti québécois ou d'autres pourraient obtenir plus de chances
d'obtenir le pouvoir en raison justement de la division du vote francophone.
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Bien, en fait, ce qu'on pourrait dire par rapport à ça, c'est que, dans les
principes qui sont défendus et dans toute la logique de notre démarche, c'est
de s'assurer d'avoir un mode de scrutin qui représente de façon juste l'appui
populaire à chacun des partis. Et ça, nous, on estime, en tant qu'acteurs de la
société civile, que c'est la clé, hein? On dit : Bien, au-delà des joutes
partisanes, de dire : Mais, si on peut avoir un système qui permet que
chacun des partis est représenté à la hauteur de l'appui que l'électorat lui
accorde, après ça, c'est à chacun des partis, bien entendu, de faire valoir
leurs idées et de courtiser leur électorat. Mais de se retrouver à avoir une
représentation qui est plus fidèle de l'appui, on croit qu'on est rendus à ça,
à ce niveau-là au Québec.
On sait qu'une grande majorité, là, plus
de 85 % des pays industrialisés dans le monde ont un système électoral à
finalité proportionnelle. Donc, c'est pour dire qu'il y a des grands pays, là,
des pays très respectables, des grandes puissances qui ont un système comme
celui-là. On peut se baser sur l'expérience de ce qui se fait à
l'international. Donc, nous, l'idée, ce n'est pas d'essayer des choses, c'est
de se baser sur les meilleures pratiques et de les transposer ici, au Québec,
en se basant sur les principes qui nous animent. Donc, au-delà de toutes les
questions de joutes partisanes, c'est de dire : Bien, on est rendus à un
point où on doit avoir un système qui représente fidèlement et on croit que la
population est en droit d'avoir ça. Et on est rendus là ici, au Québec,
aujourd'hui.
M. Caron (Régys) : De quoi
aurait l'air un parlement avec six ou sept partis représentés au salon bleu?
Est-ce que ça ne viendrait pas alourdir inutilement le processus d'adoption des
lois?
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Bien, ce ne serait ni plus ni moins que le reflet de la société, et on croit
que la démocratie, dans une certaine mesure, doit être ce reflet, doit pouvoir
permettre le reflet de cette diversité qu'on retrouve en société.
Vous savez, le vivre-ensemble, c'est aussi
de savoir vivre avec une diversité de points de vue, et on croit qu'à ce
niveau-là un système à finalité proportionnelle permet à ces différents points
de vue de s'exprimer, ni plus ni moins qu'à la juste valeur du soutien qu'ils
reçoivent de la population. Alors, on croit qu'on est rendus là. Est-ce que ça
va impliquer de faire la politique différemment? Probablement. Ce qu'on regarde
à l'international, c'est qu'effectivement, dans d'autres pays, cette culture politique
vient à être différente, et on croit que ça, c'est dans l'intérêt de la
population.
Est-ce que ça va rendre le travail un peu
plus difficile pour des élus? Peut-être, mais ultimement, on croit qu'un
système électoral doit, à la base, servir les citoyennes et les citoyens avant
de servir les intérêts plus partisans.
Le Modérateur
: Micro
de gauche, M. Lavallée.
M. Lavallée (Hugo) : Oui,
bonjour. D'où tenez-vous que la population a véritablement cette
préoccupation-là à coeur? Parce qu'on a vu, en Colombie-Britannique, il y a eu
des référendums, les propositions n'ont pas été adoptées, même chose en
Ontario. Récemment, à l'Île-du-Prince-Édouard il a fallu quatre tours de
scrutin, la participation était extrêmement faible, et, de justesse, un système
proportionnel dans un référendum non contraignant a obtenu une majorité. Ça
semble très loin des préoccupations des membres de la population.
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Je ne vous cacherai pas qu'un des grands défis auxquels on fait face, c'est bien
entendu de faire le lien entre cet enjeu-là et les préoccupations de la population
dans leur quotidien. Mais nous, ce qu'on dit, c'est qu'un système électoral, ça
permet de composer une Assemblée nationale et c'est les élus qui viennent
prendre des décisions, voter des lois qui, elles, ont un impact dans notre
quotidien.
Donc, c'est vrai qu'il y a un travail de
communication à faire ce lien-là, mais quand les gens s'y intéressent à cette
question-là, quand on voit toutes les démarches de consultation qui ont eu lieu
dans les dernières décennies au Québec, de façon très majoritaire, là, les gens
qui y participent disent : Il faut qu'il y ait une réforme du mode de
scrutin. Un sondage qui a été fait par la firme CROP disait que plus de 70 %
des Québécoises et Québécois souhaitaient une réforme du mode de scrutin à
finalité proportionnelle. Et, quand on regarde à l'international, il existe
plein de mouvements, dans des pays qui ont un système comme le nôtre, qui militent
pour une réforme à finalité proportionnelle. Dans les pays qui ont des systèmes
proportionnels, aucun mouvement n'existe pour passer vers un système vers le
nôtre.
Donc, il y a aussi quelque chose, là
aussi, à voir et à se dire que, finalement, il y a des choses qu'on peut
améliorer dans notre démocratie. On ne dit pas que tout est mal avec notre
démocratie actuellement, absolument pas, mais c'est dire qu'il y a des choses
qu'on peut améliorer. Et, si on peut le faire et qu'on a un appui des partis politiques,
bien, tant mieux, et on croit que ça va être dans l'intérêt de l'ensemble de la
population.
M. Lavallée (Hugo) : Donc,
mon collègue y faisait allusion tout à l'heure, il y a un constat qui se dégage :
il n'y a aucun représentant du Parti libéral qui est là en ce moment. De toute
façon, d'ici 2018, ça semble impossible de modifier le mode de scrutin.
D'autres y ont fait allusion un peu plus tôt, l'électorat francophone est
fragmenté, divisé.
Dans ce contexte-là où le Parti libéral
qui, pour l'instant, ne veut pas modifier le mode de scrutin, qui semble
bénéficier de cette fragmentation-là et que vous… un de vos partis doit être au
pouvoir forcément pour le modifier, est-ce que des alliances électorales
peuvent être envisagées? J'aimerais entendre les différents représentants des
partis, là, au-delà de la convergence souverainiste, là, dont on parle, mais de
façon plus large, sur cette question-là, est-ce que des alliances sont
possibles?
Mme Massé : Je peux y aller,
je suis tellement habituée de me la faire poser.
M. Lavallée (Hugo) : Je veux
entendre les cinq, de toute façon.
Mme Massé : Écoutez, je pense
qu'aujourd'hui vous avez exactement la démonstration de ce que veut dire
rassembler les gens pour changer les choses, et ce que notre formation
politique vous dit depuis quelques semaines, c'est que 2018 a de particulier
que dans la mesure... et là je vais parler pour mon parti parce qu'on n'a
pas tous… sur le mode de scrutin, on s'entend, mais sur d'autres dimensions, vous
le savez autant que moi qu'on ne s'entend pas. Nous, notre conviction, c'est
que ce travail de rassembler doit se faire aussi entre les progressistes, et
les progressistes ensemble doivent définir comment ils vont battre le Parti
libéral. Pas les partis politiques, les progressistes ensemble vont devoir le
convenir.
Mais, moi, quand je nous vois aujourd'hui,
l'espoir que ça me donne, c'est, à partir du moment où on est clairs... le
premier travail qu'on a fait, c'est l'ouverture d'esprit de se dire : On
va s'asseoir ensemble, on va répondre positivement à la demande de la société
civile. Le deuxième élément, on s'est entendu sur des principes, pas sur le
détail, sur des principes.
Alors, est-ce qu'il y a là une nouvelle
façon de travailler? Je trouve ça intéressant. Au lieu d'essayer de nous
convaincre mutuellement que c'est nous qui avons le meilleur système,
s'entendre sur des principes, cette fois-là, ça a porté fruit. Alors donc, je
pense que c'est une belle expérience, et la recherche des solutions viendra
aussi, comme on l'a fait dans les derniers mois.
M. Charette : Je vais me
permettre un petit commentaire. Six principes sur lesquels on s'entend, mais
manifestement on ne s'entend pas sur tout.
La perspective de la Coalition avenir Québec
n'est pas une alliance contre le Parti libéral. Notre perspective n'est pas non
plus de créer une convergence pour déloger le Parti libéral. Ce n'est pas du
tout la perspective dans laquelle on travaille et ce n'est pas la perspective
de cette déclaration-là qui est faite aujourd'hui.
Cependant, pour répondre à votre question
sur les alliances, les alliances, lorsque le bipartisme éclate, on l'a
mentionné tout à l'heure, elles se fondent de facto lorsqu'il y a, notamment,
un gouvernement qui est minoritaire. Donc, nous, c'est dans cette
perspective-là qu'on se place. Donc, ce n'est pas une alliance pré-électorale,
bien au contraire, mais c'est de dire : Ultimement, si jamais on a trois,
quatre, sinon cinq partis politiques de représentés à l'Assemblée nationale,
c'est de trouver le moyen de tous travailler ensemble, ce qui ne se fait pas
actuellement.
Actuellement, on a un gouvernement qui est
majoritaire, malgré qu'une majorité de citoyens et de citoyennes ait voté
contre ce gouvernement-là. Donc, nous, on se met dans une perspective
postélectorale. Il faut trouver le moyen que toutes les formations politiques
travaillent ensemble.
Et, pour répondre aussi indirectement à la
question de M. Caron tout à l'heure, il y a un bel exemple, qui est l'Écosse,
qui, depuis quelques années, a changé son mode de scrutin. L'Écosse fonctionne
exactement avec le même type de parlementarisme que nous. Il y a, oui, eu des
élections à quelques reprises depuis, oui, des gouvernements minoritaires
depuis, mais tous ces gouvernements-là ont tout de même pu faire leurs termes
en entier parce qu'il y a eu des mécanismes qui faisaient en sorte que
l'Assemblée ou le Parlement fonctionne.
Et ça fait partie... un des principes, là,
qui se retrouvent dans la déclaration aussi : Faire en sorte que cette
Assemblée, qui est celle de tous les citoyens du Québec, puisse fonctionner,
peu importe le résultat électoral et sans se mettre uniquement dans une
position partisane, comme c'est le cas, malheureusement, là, depuis trop d'années,
là, au Québec.
Le Modérateur
: Une
dernière question...
M. Lavallée (Hugo) : Non,
mais je voulais entendre M. Tyrrell, aussi M. Zanetti.
M. Tyrrell (Alex) : Bien,
nous autres, au Parti vert, on est ici aujourd'hui pour parler de la réforme du
mode de scrutin. C'est sûr qu'on a entendu différents partis lancer des appels
de coopération à travers les médias, mais, de notre bord, on est très
encouragés des résultats des élections partielles. On a pu doubler notre pourcentage
dans deux comtés, donc c'est très peu probable que le Parti vert va prendre des
alliances préélectorales en vue des élections.
C'est sûr que la porte est toujours
ouverte à Québec solidaire. D'ailleurs, on n'avait pas présenté de candidat
contre les députés sortants de Québec solidaire en 2014. Donc, ça, ça reste
ouvert, mais les discussions ne sont pas encore commencées, et aujourd'hui c'est
vraiment pour la réforme du mode de scrutin.
M. Lavallée (Hugo) : Donc,
vous êtes ouverts à une alliance, mais juste avec Québec solidaire, si je
comprends.
M. Tyrrell (Alex) : Oui.
M. Zanetti (Sol) : L'objectif
d'un mode de scrutin proportionnel, c'est de permettre la diversité des voix de
s'exprimer. Alors, ce n'est pas d'être obligé d'avoir un seul parti pour, hein,
faire ou contraindre tout le monde à faire des compromis.
Cela dit, étant donné, je pense, le
besoin, au Québec, là, qu'on sent puis qui se manifeste dans la multiplication
des partis, d'une voix, de plusieurs voix, d'avoir des voix diversifiées, il y
a quand même fort à parier que le prochain gouvernement qu'on va avoir va être
minoritaire. C'est un scénario qui est très envisageable à ce moment-ci. Et si
la majorité des élus de l'Assemblée nationale sont en faveur de ce mode de
scrutin là, même s'ils ne sont pas au gouvernement, bien, ils peuvent faire
passer un tel projet de loi ou avoir un bon levier pour le faire.
Alors, c'est pour ça que je pense qu'il y
a beaucoup d'espoir là-dedans, peu importe la question des alliances
électorales, qui n'a pas été abordée, de toute façon, jusqu'ici, là, là-dessus.
Merci.
Mme
Hivon
: On
ne travaille pas sur les alliances avec le Mouvement Démocratie nouvelle, on
départage les enjeux, les dossiers. Vous nous avez tous ensemble pour la
réforme du mode de scrutin, vous devriez être très heureux. Je pense que les Québécois
et Québécoises sont heureux de voir ça, qu'on est capables de mettre nos
divergences de côté, nos travaux sur d'autres enjeux qui peuvent être plus
consensuels ou moins pour se dire : C'est un enjeu qui est fondamental, c'est
au coeur de la démocratie, la représentativité des gens dans le système démocratique.
Alors, on s'unit pour ça, je pense que ce n'est pas banal, aujourd'hui.
M. Caron (Régys) : Donc, ce n'est
pas une stratégie pour battre les libéraux que vous annoncez aujourd'hui, là.
Mme
Hivon
: Non,
c'est une stratégie pour que les gens soient bien représentés dans la démocratie.
Donc, on n'est pas dans plus que ça.
M. Dufresne (Jean-Sébastien) :
Oui, et je vous dirais que c'est vraiment un pas, là, majeur, hein, dans la
longue marche qui s'inscrit depuis des années, là, en faveur d'une réforme
électorale. Alors, nous, on voit ça vraiment avec un oeil très enthousiaste,
là, de voir que l'ensemble des partis, du moins d'opposition présentement,
veulent bâtir là-dessus et sont d'accord pour qu'il y ait cette réforme-là et
même une certaine réforme.
Donc, il y a vraiment quelque chose d'historique
dans ça, il faut le dire, de s'entendre sur les principes et sur une volonté,
là, qu'il y ait une réforme qui se concrétise dans un avenir très proche. Donc,
ça, on voit que c'est vraiment, là, un pas, là, historique par rapport à notre
cause.
Le Modérateur
: Une
dernière courte question peut-être, ou vous aviez terminé?
Mme
Hivon
: On
aimerait ça qu'ils soient là avec nous, hein, donc que tout le monde, on marche
dans le même sens.
Des voix
: Merci.
(Fin à 13 h 48)