(Huit heures quarante et une minutes)
M. Lisée
: Alors,
bonjour. Chaque jour qui passe nous amène des nouvelles informations
troublantes sur le fait que les journalistes sont beaucoup trop intéressants à
notre goût pour les corps policiers. Nous demandons une enquête depuis plusieurs
jours, et on voit, à mesure que les nouvelles informations nous parviennent,
que la réponse du gouvernement est extraordinairement modeste par rapport à
l'importance des faits, l'importance des enjeux. Et donc, pour nous, raison de
plus, à chaque jour qui passe, pour demander au Bureau des enquêtes
indépendantes — le mot clé, c'est «indépendantes» — de
faire cette enquête et de retourner dans le passé, sur les 20 ans s'il le faut,
pour voir s'il y a eu d'autres cas, récents ou moins récents, et nous donner le
récit exact des événements et que les parlementaires puissent avoir accès au
récit exact des événements.
Mon collègue Stéphane a été mis en cause
hier, et donc nous avons répondu à vos questions là-dessus. Ce matin, Stéphane
a communiqué avec moi, je vais lui laisser la parole.
M. Bergeron : Alors, bonjour,
tout le monde. Lundi... en fait, mardi, si je ne m'abuse, on a fait un certain
nombre de propositions, trois propositions très solides pour faire face à la
situation actuelle : un comité d'experts indépendants nommés par chacune
des formations politiques présentes à l'Assemblée nationale, une enquête du
Bureau des enquêtes indépendantes permettant d'aller au fond des choses et la
suspension temporaire du chef de police de Montréal.
J'ai bien conscience, depuis hier, d'être
devenu, bien malgré moi, une distraction qui empêche qu'on prête toute
l'attention requise à ces trois propositions solides. J'ai donc offert ce matin
au chef du Parti québécois de me retirer de mes fonctions de porte-parole en
matière de Sécurité publique.
J'aimerais terminer simplement en disant
que c'est la troisième fois que j'occupe des fonctions en lien avec la sécurité
publique. J'ai précédemment, vous le savez, évidemment, été ministre
de la Sécurité publique et, avant cela, porte-parole de l'opposition officielle
en matière de sécurité publique. J'ai toujours salué le travail des
journalistes d'enquête, j'ai souvent fait du pouce sur le travail des
journalistes d'enquête à l'Assemblée nationale et je dois vous dire que ce qui
me mortifie aujourd'hui, c'est qu'on ait pu laisser entendre que j'avais quoi
que ce soit à voir avec le fait qu'on ait épluché les registres d'appel des
journalistes. Voilà. Merci.
M. Lisée
: Alors, j'ai
accepté la proposition, qui est tout à l'honneur de Stéphane. J'ai demandé à
Pascal Bérubé, qui est notre leader, de prendre le dossier de la sécurité
publique jusqu'à ce que la lumière soit faite. Et Pascal, qui connaît bien le
dossier, qui l'a déjà eu... ce qui montre bien la profondeur de la compétence
que nous avons sur le banc du Parti québécois pour traiter de ces questions.
Maintenant, je dois dire deux ou trois
choses sur le récit des événements. La version des faits qu'a donnée hier, en
toute franchise et en toute candeur, Stéphane Bergeron, est corroborée par
notre connaissance des faits au moment où on se parle. D'abord, M. Prud'homme,
ce matin, dans des entrevues, a confirmé... D'abord, il faut le dire que
Stéphane a demandé une enquête. Lorsque Stéphane et M. Prud'homme ont parlé à
M. Laprise, M. Laprise a dit : J'ai ouvert une enquête. L'enquête était
déjà ouverte. Il est faux de dire que Stéphane a parlé à Michel Arsenault. M.
Arsenault a envoyé une lettre. Il est faux de dire que c'est la lettre de M.
Arsenault qui a déclenché l'enquête puisque l'enquête était déjà ouverte
lorsque M. Prud'homme et Stéphane ont parlé à M. Laprise. Il est faux de
laisser entendre que Stéphane a voulu ou fait en sorte que des journalistes
soient sous enquête. Aucun témoignage, aucun début de preuve ne peut corroborer
cette version des faits.
Alors, moi, j'ai très hâte qu'un bureau
d'enquêtes indépendantes voie tous les témoins, regarde toutes les preuves,
lise toutes les lettres, épluche tous les courriels et nous revienne avec ce
dont j'ai l'absolue conviction, une confirmation de la version de Stéphane.
Une raison supplémentaire pour laquelle je
crois la version de Stéphane, c'est que je l'ai vu pendant les 18 mois de gouvernement
Marois avec cette équipe qui a travaillé pour rétablir l'intégrité des institutions
québécoises, que ce soit avec la loi n° 1 pour faire en sorte que toutes
les entreprises du Québec ne puissent avoir des contrats sans démontrer leur
intégrité, avec la réforme du financement des partis municipaux et provinciaux
et avec l'action de Stéphane.
Qu'a fait Stéphane? Il a créé le Bureau
des enquêtes indépendantes pour faire en sorte que les policiers arrêtent
d'enquêter sur les policiers. Il a permis à l'UPAC d'avoir la totalité des
sommes qu'elle réclamait pour faire des enquêtes. Nous avons vu une
accélération des enquêtes de l'UPAC et de la SQ sous sa gouverne. Nous avons vu
aussi qu'avec Bertrand St-Arnaud à la Justice il n'y avait pas de délai à la
direction des enquêtes criminelles et civiles. Les dossiers de l'UPAC
montaient, les procureurs travaillaient, il y avait des arrestations. Gilles
Vaillancourt, dont on disait que jamais il ne pourrait être arrêté, a été
arrêté. Michael Applebaum a été arrêté.
Et ce que je suis content de pouvoir vous
dire ce matin, avec la permission de Stéphane, c'est que, pendant ces 18 mois,
il travaillait aussi sur une proposition pour rendre indépendante la nomination
de tous les chefs de police au Québec. Alors, moi, le Stéphane Bergeron que
j'ai vu, c'est le Stéphane Bergeron qui voulait mettre une distance entre la
police et la politique, entre la police et la police, et qui a travaillé avec
nous tous au rétablissement de l'intégrité de l'État québécois.
Maintenant, nous avons entendu votre collègue
Louis Lacroix, ce matin, déposer une pièce au dossier. Certains d'entre vous
ont également retrouvé des déclarations de l'ancien ministre Dutil sur
l'enquête Davidson qui avait aussi porté sur des journalistes. Ça, c'est au
cours de 20 dernières années. Donc, ce que le ministre Coiteux a dit hier, qu'il
y avait un cas en 20 ans, est, de toute évidence, inexact.
Alors, on voit bien que, dans ces cas, le
travail même du ministère de la Sécurité publique doit être sous enquête. Il
doit y avoir des questions posées aux anciens ministres, aux anciens sous-ministres
de la Sécurité publique. Il devient donc complètement inacceptable que la proposition
gouvernementale de demander au ministère de la Sécurité publique... enquête sur
lui-même, bon, ou que la SQ enquête sur elle-même, ou que la police de Montréal
enquête sur elle-même.
Lorsque le Bureau des enquêtes indépendantes
a été proposé par notre gouvernement et par Stéphane, dans la discussion de sa
loi, il a été question spécifiquement de l'affaire Davidson. Spécifiquement. À
quoi servirait ce bureau? À voir, lorsqu'il y a des agents de la paix qui, dans
l'exercice de leurs fonctions, utilisent leur arme, oui, mais aussi dans des
cas où il y a des questions posées sur des enquêtes policières qui pourraient
déborder sur des fuites, sur des journalistes, et c'était une des raisons pour
lesquelles le bureau a été créé.
Alors, encore une fois aujourd'hui, je
redemande au gouvernement : Qu'est-ce qui les embête avec l'indépendance
et la transparence? Pourquoi maintiennent-ils une volonté de contrôle et
d'opacité? Merci.
La Modératrice
: Nous
allons passer à la périod des questions. Je vous prierais de respecter la règle
en vigueur de la question, sous-question, s'il vous plaît. Merci.
M. Laforest.
M. Laforest (Alain) :
Juste avant, M. Lisée, j'aurais une question pour M. Bergeron, si
vous me permettez. M. Bergeron, au cours des dernières 24 heures,
vous êtes dans le tumulte. Bon, vous maintenez que vous n'étiez pas au courant
qu'il y avait des enquêtes sur des journalistes. Vous avez certainement parlé à
des gens. Est-ce qu'il y a des gens dans votre entourage, du cabinet, à
l'époque, qui étaient au courant de ces enquêtes?
M. Bergeron : Je n'ai
aucune raison de penser que quiconque de notre entourage était au courant du
fait qu'on avait épluché les registres téléphoniques des journalistes.
En fait, pour dire le vrai, c'est que, dès
le moment où a su qu'il y avait enquête, pour nous, l'histoire était close, là.
Il y a une enquête, il doit y avoir un mur de Chine entre le ministre et les
enquêtes, et c'est là que la discussion a pris fin avec M. Laprise. Et je
n'ai jamais réentendu parler du contenu, du déroulement de ces enquêtes jusqu'à
hier.
M. Laforest (Alain) : À
la lumière des faits aujourd'hui, est-ce vous considérez que vous avez
outrepassé ce que vous auriez dû faire et ne pas vous ingérer après avoir reçu
la lettre de M. Arsenault?
M. Bergeron : Alors, je
réitère que ce qui me préoccupait, c'était que des fuites à l'interne puissent
faire dérailler des enquêtes criminelles, et je pense qu'il est du devoir du
ministre de la Sécurité publique de s'assurer qu'il ne puisse y avoir d'enquête
criminelle qui dérape.
Ceci dit, je me permets de signaler
aujourd'hui, comme je l'ai fait hier, qu'il est inadmissible qu'on ait épluché
les registres téléphoniques des journalistes parce que ce n'était pas eux qui
étaient sous enquête.
La Modératrice
:
M. Bélair-Cirino.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. M. Bergeron, est-ce que votre conduite était exemplaire? Auriez-vous
fait les choses différemment à la lumière des faits qui ont été révélés au
cours des derniers jours?
M. Bergeron : Je crois
que je viens de répondre à cette question.
M. Bélair-Cirino (Marco) : M.
Lisée…
M. Lisée
: Je vais vous
aider là-dessus. Il semble… Moi, j'ai été journaliste, mais je me sens encore
journaliste, O.K., et j'ai été conseiller de deux premiers ministres. Il semble
y avoir une fausse perception que jamais le ministre de la Sécurité publique ne
doit parler au directeur de la SQ. C'est absurde. La question, c'est : De
quoi doit-il lui parler? Il ne doit jamais lui parler du contenu des enquêtes,
il ne doit jamais essayer de savoir ce qui se passe dans les enquêtes, mais il
doit voir à la bonne marche de la sécurité publique. Et, lorsqu'il lit dans le
journal, parce qu'il lit le journal, que, grâce à votre excellent travail, on
sait qu'un ministre libéral est intervenu dans une enquête et l'a fait
dérailler quelques années auparavant, son travail, le ministre de la Sécurité
publique, c'est de dire : Est-ce que quelqu'un s'occupe de ça? Est-ce que
la police fait son travail?
Il a demandé : Qu'est-ce que vous
faites avec ça? Réponse : On s'en occupe très bien. Si le directeur de la
SQ lui avait dit : Ça ne nous intéresse pas, bien, le ministre de la
Sécurité publique aurait dit : Bien, pourquoi ça ne vous intéresse pas?
Vous avez une enquête importante qui a déraillé à cause de cette information
qui circule. Faites votre travail. C'est tout ce qu'il a à dire.
Alors, il était exemplaire qu'il se
renseigne à savoir si une question… D'ailleurs, vous les journalistes lui
posiez des questions, comme ministre de la Sécurité publique, à savoir qu'est-ce
qui se passe. L'opposition posait des questions à savoir qu'est-ce qui se
passe. Et le ministre de la Sécurité publique doit pouvoir dire : J'ai
parlé au directeur de la Sûreté du Québec. La Sûreté du Québec fait enquête,
fait son travail. C'est tout.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Puis
il n'y a pas une pression, là, du ministre de la Sécurité publique lorsqu'il
demande au chef, au directeur général de la Sûreté du Québec, s'il fait
enquête, une pression... Le directeur de la Sûreté du Québec sait très bien
que, s'il répond non, il va devoir faire enquête dès qu'il raccroche la ligne.
M. Lisée
: Le ministre
de la Sécurité publique doit, par sa fonction, s'assurer que la police fait son
travail. Alors, sa pression permanente, c'est de dire : Si vous ne faites
pas votre travail, vous ne faites pas votre travail. On vous a embauché, on
vous a nommé pour faire votre travail. Alors, une fois de temps en temps, je
vérifie si le travail est fait. Oui? Le travail est fait? Très bien.
C'est la même façon lorsque, nous, on a
posé beaucoup de questions à savoir pourquoi est-ce que les dossiers de l'UPAC
qui sont montés à la direction des poursuites, pourquoi il ne se passe rien.
Bien, la ministre de la Justice appelle au DPCP puis dit : Qu'est-ce qui
se passe? Ils disent : On est dans les délais, on s'en occupe. O.K. Ils me
répondent, ils sont dans les délais, ils s'en occupent. Mais si, à un moment
donné, on se rend compte qu'il y a un problème de gestion interne qui fait que
le travail ne se fait pas, bien, c'est la responsabilité du politique de dire :
Bien, on va faire des changements de processus ou de personnel pour faire en
sorte que le travail se fasse. Mais on n'a pas à s'ingérer dans la qualité du
travail, la nature du travail, la nature des enquêtes.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Selon
votre réflexion, est-ce que M. Couillard et M. Coderre protègent un
ami en maintenant en poste Philippe Pichet à la tête du SPVM?
M. Lisée
: Moi, je
veux rester proche des faits. Les faits sont que M. Pichet admet avoir
autorisé l'émission de 22 mandats pour espionner Patrick Lagacé. Pour
moi, ces faits sont inadmissibles, et donc il doit y avoir une enquête indépendante,
et M. Pichet doit être suspendu pendant l'enquête.
Qui a le pouvoir légal de suspendre
M. Pichet? Ce n'est pas Denis Coderre, ce n'est pas le conseil
municipal, ce n'est que le gouvernement du Québec. C'est le seul à pouvoir le
nommer, à pouvoir le démettre ou à pouvoir le suspendre. Alors, qu'il prenne
ses responsabilités et qu'il le suspende.
La Modératrice
:
M. Robillard, question, sous-question, s'il vous plaît.
M. Robillard (Alexandre) :
M. Bergeron, j'aimerais ça savoir, quand vous avez parlé avec
M. Laprise en septembre 2013, est-ce que c'était la première fois que
vous utilisiez ce type de façon d'entrer en contact avec lui sur la gestion de
la SQ?
M.
Bergeron
:
Non. On avait déjà eu l'occasion de se parler à maintes reprises sur une foule
de questions, mais ces questions sont aussi diverses que le plan de
réorganisation, sur le plan financier, de la Sûreté du Québec, que de discuter
des mesures de sécurité qui doivent être mises en place à la demande des
autorités françaises lors de la visite du premier ministre de France.
Alors, oui, les communications avec le
directeur de la Sûreté du Québec sont, sans dire fréquentes, je dirais
régulières, et, oui...
M. Robillard (Alexandre) :
À quelle fréquence à peu près?
M.
Bérubé
:
Mégantic et L'Isle-Verte aussi.
M.
Bergeron
:
Bien, exactement.
M. Robillard (Alexandre) : À
quelle fréquence?
M.
Bergeron
:
Bien, ça dépend. Ça dépend des événements, ça dépend des circonstances.
M. Robillard (Alexandre) :
Bien, c'est-u une fois par mois, une fois par semaine?
M.
Bergeron
:
Bien, des fois, c'était une fois par mois; des fois, c'était une fois par deux
mois; puis des fois, c'était deux fois par semaine. Alors, ça dépend des fois.
M. Robillard (Alexandre) :
O.K. M. Lisée, j'aimerais ça savoir... Hier, M. Coiteux a dit que le
BEI, son rôle, c'est de faire des enquêtes de nature criminelle portant sur des
individus, pas quelles sont les pratiques d'un corps policier. Donc, est-ce que
la loi est assez précise concernant les mandats qui peuvent être confiés au BEI?
M. Lisée
: Bien,
j'ai cité l'article de loi à l'Assemblée nationale hier, la Loi de la police,
qui est la loi qui a... que Stéphane et notre gouvernement avons introduit dans
la Loi sur la police pour créer le Bureau des enquêtes indépendantes et qui
indique que le ministre peut donner tout mandat qu'il juge opportun pour faire
enquête sur...
M. Robillard (Alexandre) :
Sa réponse, c'est ça. Vous en pensez quoi?
M. Lisée
: Je
pense qu'il fait volontairement une mauvaise interprétation de la Loi sur la
police et du bureau parce qu'il ne veut pas utiliser cet instrument. Pour
l'instant, ce que nous savons, c'est que M. Coiteux et M. Couillard
refusent de donner à une instance indépendante la responsabilité de cette
enquête, et ce refus est déplorable.
Et encore hier, d'ailleurs, je déplore le
fait que le directeur de la SQ, M. Prud'homme, a demandé une enquête d'un tiers
indépendant — ce sont ses termes — et le ministre Coiteux
est sorti en disant : Il a demandé une enquête administrative. Non, M.
Prud'homme n'a pas demandé d'enquête administrative, il a demandé l'enquête
d'un tiers indépendant. Bien, il en existe un, qui est le Bureau des enquêtes
indépendantes.
La Modératrice
: M.
Bellerose.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour, M. Lisée. Avec l'enquête administrative qui a été annoncée hier,
avez-vous l'impression que le gouvernement tente de circonscrire la période sur
laquelle portera l'enquête?
M. Lisée
: Écoutez, la
nature même de l'enquête… M. Coiteux a expliqué qu'il veut enquêter sur les
processus. Bien, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Il faut enquêter sur
les faits. On veut avoir le récit, qui a demandé quoi, à qui, pour quelle
raison, dans quel contexte, qui dit la vérité, qui ne dit pas toute la vérité,
et qu'on puisse en tirer des conséquences. Est-ce qu'il y a des gens qui ont
mal agi et qui doivent être sanctionnés? Est-ce qu'il y a des gens qui ont bien
agi et qui doivent être récompensés? Est-ce qu'il y a des gens qui ont fait des
erreurs de jugement, qui ont mal appliqué la jurisprudence? C'est ça qu'on doit
savoir, et on doit le savoir dans le cas de M. Pichet, on doit le savoir dans
le cas de M. Laprise, on doit le savoir dans le cas de M. Dutil. On doit le
savoir. Moi, je pense qu'il faut poser cette question.
Et, lorsque je dis que je suis prudent
dans la demande d'une grande enquête publique tout de suite, c'est que je veux
que le BEI nous dise : Écoutez, c'est circonscrit à quatre cas en 20 ans.
Très bien. Ou on a l'impression que c'est plus profond que ça et ça
demande une enquête publique, mais je veux savoir ça dans quelques mois.
M. Bellerose (Patrick) : Mais
croyez-vous que le gouvernement cible particulièrement l'époque du gouvernement
Marois et du prédécesseur de M. Prud'homme?
M. Lisée
: Bien là, ils
sont pris avec l'époque du gouvernement Couillard, avec M. Pichet, qu'ils ont
nommé et qu'ils refusent de suspendre. Et ça, c'est leur responsabilité. Alors,
moi, je demande que le BEI ait la capacité de remonter aussi loin dans le temps
qu'il le désire, à partir des événements qui sont maintenant connus. Puis, je
veux dire, je pense qu'il faut leur donner cette liberté à eux.
M. Gagnon (Marc-André) : M.
Bergeron, je me trompe ou on vous sent ébranlé ce matin?
M. Bergeron : Pardon?
M. Gagnon (Marc-André) : On
vous sent ébranlé.
M. Bergeron : Pas plus
qu'hier.
M. Gagnon (Marc-André) : Pas
plus qu'hier?
M. Bergeron : Ce qui se passe,
c'est que, moi, ce qui m'importe, c'est qu'on aille au fond des choses. C'était
ma position mardi, c'est la même aujourd'hui, sauf qu'hier, vous aurez bien
compris que ce n'est pas tout à fait des propositions dont on a fait l'annonce
mardi dont on discutait. Alors, parce que j'ai bien compris que j'étais un
élément de distraction qui permettait qu'on ne discute pas du fond de
l'affaire, mais de quelque chose qui m'apparaît, somme toute, assez anecdotique,
dans la mesure où cette version que je vous ai livrée hier, c'est la version
que je livre depuis le jour un.
Plusieurs d'entre vous m'ont entendu dire
cela à l'époque où j'étais ministre de la Sécurité publique. Ce n'est pas la
première fois que j'explique ça, là, sauf que ça revient périodiquement, et je
n'ai pas de problème à ce qu'on en parle. J'ai l'habitude même qu'on en parle.
Mais ce qui m'embête, c'est que, pendant qu'on parle de ça, on ne discute pas
du fond des choses, on ne discute pas des propositions que nous avons mises de
l'avant et qui sont à ce point importantes que je juge qu'il faille me retirer
de mes fonctions de porte-parole en matière de sécurité publique.
M. Gagnon (Marc-André) : O.K.
Pour reprendre vos termes d'hier, lorsque vous avez demandé qu'est-ce que c'est
que ça à la Sûreté du Québec, à quoi vous vous attendiez? Si ce n'est pas à une
chasse aux sources, c'est visiblement, minimalement, une chasse aux fuites. Est-ce
qu'il aurait été plus acceptable, par exemple, que ce soient les registres
téléphoniques de policiers qui soient consultés plutôt que ceux de
journalistes?
M. Bergeron : Écoutez, moi, je
ne suis pas un spécialiste d'enquête, mais une chose que je sais, cependant...
M. Gagnon (Marc-André) : Vous
êtes un spécialiste de sécurité publique...
M. Bergeron : Oui, mais je ne
suis pas un spécialiste des enquêtes. Par la force des choses, je ne suis pas
un spécialiste des enquêtes. Ce que je sais, cependant, c'est que ceux qui
étaient sous enquête, dans mon livre à moi, c'étaient ceux qui étaient à l'origine
des fuites à l'interne. Et d'aucune façon, peu importe ce qui a été décidé,
d'aucune façon on n'aurait dû mettre les journalistes sous enquête, et c'est ce
qui s'est passé et c'est ce que je déplore.
Le Modérateur
: M.
Gagnon, on va terminer avec...
M. Gagnon (Marc-André) :
Mais, pour répondre à ma question, là, donc de... juste pour répondre à ma question,
de consulter les registres téléphoniques des policiers, est-ce que ça aurait
été plus acceptable, ça?
M. Bergeron : Je vous ai
répondu. Je ne peux pas répondre...
M. Gagnon (Marc-André) :
Dites oui ou non.
M. Bergeron : Je ne peux pas
répondre spécifiquement à cette question-là.
La Modératrice
: On va
terminer en français avec M. Croteau.
M. Lavallée (Hugo) : Aïe! Ici.
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Lisée
: Restez poli.
Restez poli.
M. Lavallée (Hugo) : C'est ce
que je fais. Sur un autre sujet, M. Lisée, on apprend ce matin, de la part de
nos collègues de l'émission Enquête, qu'il y a des organisateurs libéraux
qui auraient bénéficié de ristournes via des transactions à la Société
immobilière du Québec dans les années 2000. Qu'est-ce que ça vous dit sur le
Parti libéral, ces nouvelles révélations?
M. Lisée
: Bien, ça
confirme un certain nombre de... ça vient s'ajouter à un dossier qui était déjà
extrêmement épais, extrêmement épais, des personnes qui étaient très proches du
Parti libéral, d'ailleurs un qui était l'organisateur de M. Couillard dans son
comté, dans Jean-Talon, des gens qui étaient des rouages essentiels du Parti
libéral de l'époque. Où sont-ils maintenant? Que font-ils maintenant? Ont-ils
été exclus du Parti libéral? Font-ils toujours partie du réseau? Ce sont des
questions auxquelles M. Couillard devrait s'attarder immédiatement. Et je vais
laisser Pascal terminer.
M.
Bérubé
:
Quelques mots là-dessus. Bien, d'abord, oui, je suis de retour à la sécurité publique,
et ça commence en force ce matin avec ce qui va se passer à Enquête ce
soir. Concernant les allégations très, très importantes à l'égard de M.
Rondeau, de M. Fava, de M. Bartlett, de M. Fortier, force est de constater
qu'encore une fois le dénominateur commun semble être le financement du Parti
libéral du Québec.
Alors, on va écouter le reportage de ce
soir, mais il est clair qu'à la lumière des informations qu'on a présentement,
qui s'ajoutent à des informations qu'on reçoit régulièrement et qui, évidemment,
parfois, concordent avec les autres, on revient encore une fois à cette
propension que, lorsqu'on parle d'éthique et de financement, il y a souvent un problème
au Parti libéral. Alors, on va analyser ça avec beaucoup d'attention et, chose
certaine, à Québec, parce que ça se passe beaucoup à Québec et aux Bahamas, on
va tirer l'affaire au clair.
M. Lavallée (Hugo) : Que doit
faire, donc, M. Couillard précisément?
M. Lisée
: On va
écouter Enquête ce soir. Mais moi, ce qui m'a toujours frappé avec M.
Couillard, c'est qu'il n'a jamais fait d'enquête interne, hein? Quand Claude
Ryan est arrivé à la direction du Parti libéral du Québec après M. Bourassa, il
y avait un certain nombre d'allégations à l'époque. Il a fait un ménage
complet. Il y avait un code d'éthique immédiat, tu sais, il y avait un avant et
il y avait un après. Mais, avec M. Couillard, il n'y a pas eu un avant et un
après. Il n'a pas décidé de faire place nette. Et pourquoi est-ce que l'ombre
de Jean Charest et de cette équipe-là est toujours avec lui, c'est qu'il n'a jamais
exorcisé le Parti libéral de ce qui existait avant qu'il arrive
et c'est probablement la plus grande faute politique
qu'il ait commise dans sa carrière, M. Couillard. C'est, lorsqu'il a été élu
chef, il avait une fenêtre d'opportunité pour changer la culture du PLQ,
changer le personnel, il ne l'a pas fait et il paie pour ça depuis.
M. Croteau (Martin) : Bonjour
à tous. Ma question est pour M. Bergeron, si vous permettez. Vous maintenez que
vous n'étiez pas au courant, vous n'avez jamais demandé à la SQ d'espionner des
journalistes ou vous ignoriez ce que la SQ faisait.
M.
Bergeron
: Je
n'ai même jamais demandé à la SQ de faire enquête sur ce qui se passait.
M. Croteau (Martin) : Exactement.
Mais craignez-vous que votre appel à M. Laprise ait pu être interprété par la
SQ comme une forme de feu vert pour espionner des journalistes?
M.
Bergeron
: Bien,
écoutez, moi, je ne peux pas répondre à cette question-là. Ce que je peux dire cependant,
c'est qu'au moment où Martin Prud'homme et moi avons parlé à Mario Laprise,
celui-ci nous a informés qu'il avait déclenché une enquête, et dès lors, pour
nous, ça s'arrêtait là.
M. Croteau (Martin) : Mais le
fait que le ministre appelle, est-ce que, du point de vue de la SQ, est-ce que
ça ne met pas en relief l'importance d'aller rapidement débusquer ces taupes, finalement,
au sein de la SQ? Est-ce que, de ce point de vue là, la SQ, a posteriori aurait
pu se sentir légitimé d'aller...
M.
Bergeron
:
J'espère... Si vous me le permettez, j'espère que le directeur de la Sûreté du
Québec trouve ça à ce point préoccupant qu'il n'ait pas besoin de l'appel du ministre
pour intervenir pour éviter les fuites à l'interne, parce que ce qui pose
problème, ce n'est pas les sources journalistiques, ce qui pose problème, c'est
que des indiscrétions de policiers aux journalistes, certes, mais surtout à un
membre de l'exécutif ait pu faire capoter, ait pu faire dérailler une enquête
criminelle. Et ça, c'est extrêmement préoccupant.
M. Croteau (Martin) :
Comment qualifiez-vous la conduite de M. Laprise dans cette enquête?
M. Bergeron : Écoutez,
sur la question des journalistes, j'ai déjà eu l'occasion de le signaler, je le
réitère aujourd'hui, c'est une situation qui m'apparaît totalement
inacceptable, parce que ce ne sont pas les journalistes qui étaient sous
enquête. Alors, ça n'aurait jamais dû se produire.
La Modératrice
: On va
passer en anglais maintenant.
M. Hicks
(Ryan) : Good morning. Ryan Hicks, CBC. Mr.
Lisée, I just want go get your initial reaction to this story that allegedly Québec Liberal Party fundraisers received
payouts from what's an alleged real estate fraud.
M. Lisée
: Well, we'll be looking forward to the full report tonight. Of
course, this simply piles on another layer of allegations around financing of
the Liberal Party and its principal players in that. One of them was an
organizer for Mr. Couillard in Jean-Talon at the time. I think it poses the greater question of why didn't Mr. Couillard, when he became leader of the Liberal
Party, why didn't he clean house? He had an opportunity to say : That was
then, this is now, I don't want the same players, I want an ethical code that's
beyond reproach, I'm going to be in front of this parade, I'm going to do my
own internal investigation and I'm going to give the police everything I find.
And he chose not to do that and, by choosing not to do that, he tied himself to
everything that happened then and is still coming to haunt him now.
M. Hicks (Ryan) : Now, based on things that the Premier has said in the past, he
might say today : Well, you know, I've been the leader for three years, this stuff happened way
before I became leader and, you know, that's in the past, it has nothing to do with now and the future.
What's your reaction to that?
M. Lisée
: Well, we want to know what was the role played by these fellows in
the current Liberal Party. Have they been involved in any other activities?
Have they organized anything? Were they present at cocktails? We know that
Marc-Yvan Côté, for instance, was still active with Sam Hamad recently, you know. He should never have been allowed
near a minister of the Couillard Government.
Now, clearly, the memo
wasn't sent by Couillard : Don't even talk to these people of the Charest
past. So we'll see if these people were still around, are still around, are
still members of the Liberal Party, are still helping the financing, and these are questions that will down Mr. Couillard because
he didn't have the judgment and the guts to clean house when he arrived.
La Modératrice
:
Mme Johnson.
Mme Johnson (Maya) : Good
morning. Mr. Bergeron, I'd like to start with you. Can you
explain why you contacted Mr. Laprise after Mr. Arsenault got in touch with
you?
M. Bergeron : In fact, I wasn't quite preoccupied by what Mr. Arsenault was
worried about. What preoccupied me at that time was that a leak from the SQ
might have led to a failure of an investigation, and I wanted to know, from the
SQ, what was going on there. And when we called, Mr. Prud'hommme and myself,
Mr. Laprise, Mr. Laprise just told us that he launched an inquiry on that, so
the story was over for us.
Mme Johnson (Maya) : But you've been accused of, perhaps indirectly, authorizing this by
virtue of that phone call.
M. Bergeron : No. The fact is that the journalists weren't under investigation,
and, that being said, it was unacceptable that we had a look, that they had a
look in their call registers. There was someone within the SQ that was under
investigation and it should never have led to what happened with these six
journalists.
Mme Johnson (Maya) : And you maintain your story, you say you've been telling the same
story since day one, but you've decided today to withdraw from your role as
Public Security critic. Why is that? Why have you made that decision?
M.
Bergeron
: Because I understand, I realize that, since yesterday, we're not
discussing at all about the three solid propositions that we put forward on
Tuesday and, as long as I also want to go to the bottom of that, I realize that
I'm quite, let's say, a distraction in this story. So I wanted to focus and I
wanted everybody to focus on the three propositions that we made on Tuesday, so
this is why I proposed Mr. Lisée to withdraw from my responsibility as Official Opposition
spokesperson for Public Security in order to allow all the spots on the three
propositions instead of me.
La Modératrice
:
Merci, Mme Johnson. On va passer à notre collègue.
Mme Fletcher
(Raquel) : Mr. Lisée, you are proposing an
independent investigation, but how far do you want that investigation to go?
M. Lisée
: As far as they deem necessary. Of course, they have to start with
now and go back in time as far as they deem necessary. What we need from them
is to know if there are three, four, five, six cases that went beyond what was
acceptable, who made these decisions, were there infractions committed, just
lack of judgement? Why was that lack of judgement? We need the full narrative,
who said what to whom at what point, and who made the decisions. Were there
good guys who said : Don't do that? And why weren't they heard?
And, when we have this
narrative, we can see if we have a number of isolated cases or a culture that
needs to be uprooted, and I want, in a few months, this report given to
parliamentarians, and then we can decide if it warrants a full inquiry, two
years, $20 million, whatever, or… but at least we can have stopgap measures
with this independent inquiry.
What is completely, I
hope… I just can't wrap my mind around the fact that the premier and the
minister Coiteux don't see that the administrative inspection that they propose
is just not up to the task, and now that we know that ministers and department
heads are now the focus of an investigation that should happen, that it should
be met, questions should be asked, well… Furthermore, the department cannot
inspect the department, so it should go to the Bureau of independent
investigations.
La Modératrice
: Last question.
Mme Fletcher (Raquel) : But what you are also asking is for an investigation on your own
MNAs?
M. Lisée
: Absolutely. I mean, let's have the full… I'm completely confident
that Stephane's version of events is truthful, but let's check it out. Let's
have the inquiry ask Stephane, ask Mr. Prud'homme, ask Mr. Laprise, see if
there's a paper trail. Let's do the same for Mr. Dutil, the former Liberal Minister
on the Davidson affair, let's see what happen with Mr. Pichet. Were there
conversations with the office of the mayor or not, when and where? We want the
facts and, given the facts, we'll see if there were persons who did not act
properly and how to fix it. Merci beaucoup.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 15)