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Version finale

12e législature, 1re session
(2 mars 1909 au 29 mai 1909)

Le jeudi 4 mars 1909

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 3 h 20.

 

Présentation de pétitions:

Trente-quatre pétitions sont présentées devant la Chambre, dont les suivantes:

- de Sir Montagu Alban, MM. Colin Campbell, Hugh. A. Allan, Hugh Paton, A.E. Ogilvie, H. B. McDougall, J.-E. Robidoux, Bartlett McLennen, G. B. Hooper, Chas McEachron et J.-P.-B. Casgrain, une pétition au nom du Montreal Jockey Club, demandant une loi autorisant ledit club à acquérir le terrain du Montreal Jockey Club Limited afin d'y aménager et d'y maintenir des pistes de courses et des terrains d'exposition;

- des commissaires d'écoles catholiques de la cité de Montréal, demandant une loi les autorisant à augmenter la taxe scolaire de un dixième de 1% et aussi un pouvoir d'emprunt accru de $150 000, dont les intérêts seront payés par la taxe additionnelle;

- par M. Walsh, une pétition demandant une loi constituant en corporation The Greek Orthodox Church Evangelismos of Montreal;

- par M. Walsh, une pétition de William Dow and Company of Montreal, demandant une loi l'autorisant à céder son fonds de commerce.

 

Lecture de pétitions:

Conformément à l'ordre du jour, les pétitions suivantes sont lues et reçues par la Chambre:

- de M. Alexis Turgeon, de la cité de Sorel, demandant une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres, après examen;

- de Léonard Gratton, de la ville de Montréal, demandant une loi autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres;

- d'Édouard Millaire, de Lachine Rapide, demandant une loi autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres, après examen;

- de Max Wiseman, de la ville de Montréal, demandant une loi autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres;

- de Jacob-Simon Budyk, de la cité de Montréal, demandant une loi autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres;

- de Gaston Lapierre, de la cité de Montréal, demandant une loi autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres;

- d'Edgard Lemieux, de la cité de Québec, demandant une loi autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres;

- de Pacifique Gauthier, de la cité de Montréal, demandant une loi autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres;

- de Mlle Herminie Têtu et autres, demandant une loi les constituant en corporation sous le nom de "L'oeuvre de protection des jeunes filles";

- de Margaret Ewing Hill et autres, de la cité de Cleveland, Ohio, demandant une loi concernant la succession de feu Margaret Ewing, veuve de William Galt;

- de John B. Fraser, de la cité d'Ottawa, et autres, demandant une loi constituant en corporation The Grand Lake and Bell River Railway Company;

- d'Octave Beaubien, de la ville de Montmagny, demandant une loi déclarant définitive la vente de certains immeubles dépendant de la substitution créée par le testament de feu l'honorable M. J. O. Beaubien;

- de A. David et autres, de Saint-Alexandre de la Gatineau, demandant une loi constituant en corporation la Corporation agricole et industrielle des missionnaires du Saint-Esprit;

- de J.-L.-B. Leclaire et autres, demandant une loi constituant en corporation la compagnie d'assurance mutuelle des moulins à scie;

- de la Canadian Light & Power Company, demandant une loi amendant sa charte;

- de l'Association des opticiens de la province de Québec, demandant une loi amendant sa charte;

- de The Dominion Lime Company, demandant une loi amendant sa charte;

- de Théodule David, de la cité de Montréal, demandant une loi validant et ratifiant un acte d'échange;

- de J. W. O. Matthews et autres, de Saint-Jérôme, demandant une loi constituant en corporation distincte le village de Shawbridge;

- de Mlle Johanna Malone et autres, demandant une loi constituant en corporation St. Anthony's Guild;

- de The Laing Packing & Provision Company, demandant une loi amendant sa charte.

 

Rapports de comités:

L'honorable M. Devlin (Nicolet): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des ordres permanents. Voici le rapport:

Votre comité a choisi M. Mousseau pour son président et recommande à votre honorable Chambre que le quorum dudit comité soit réduit à cinq membres.

Adopté.

Contrats faits avec les compagnies de services d'utilité publique

M. Lavergne (Montmagny) demande la permission de présenter le bill 160 amendant le code civil concernant les contrats faits avec les compagnies de services d'utilité publique.

Cette proposition vise à obliger les compagnies de chemins de fer, de navigation et autres compagnies de transport de la province à mettre sur un pied d'égalité les langues française et anglaise pour tout ce qui concerne les connaissements, les billets de train, les bulletins d'enregistrement des bagages, les dépêches télégraphiques et toute autre forme de contrat utilisée couramment entre le public et les compagnies de services d'utilité publique. Ils devront être imprimés en anglais et en français ou seront considérés nuls et de nul effet. La partie faisant preuve de négligence sera tenue responsable de toute perte encourue.

Une seule exception à cette loi est proposée dans le cas où les deux parties du contrat seront de même langue, soit la langue dans laquelle sera imprimé le contrat; et la nullité sera donc acceptée.

Dans plusieurs régions du Québec, et plus particulièrement dans l'Est, de nombreux citoyens n'ont aucune connaissance de l'anglais et, lorsqu'ils expédient des bagages, des colis de messagerie ou des télégrammes, ils doivent obligatoirement signer un contrat qu'ils ne comprennent pas. Alors, si la marchandise se perd et qu'un procès en dommages est intenté, la compagnie peut faire valoir ce contrat qui a été signé en toute ignorance.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Dépôt de documents:

État des mandats spéciaux

L'honorable M. Weir (Argenteuil) dépose sur le bureau de la Chambre l'état des mandats spéciaux émis en vertu des rapports du conseil et de l'article 785 des statuts refondus de la province de Québec, et préparé par l'auditeur de la province, tel que requis, pendant l'intervalle écoulé entre la session terminée le 25 avril 1908 et l'ouverture de la session suivante, le 2 mars 1909, lequel se lit comme suit:

État des mandats spéciaux émis en vertu du rapport du conseil et de l’article 785 des statuts refondus de la province de Québec, et préparé par l’auditeur de la province, tel que requis, émis durant la vacance de la législature 1908-1909

 
Nos Service Nos Rapports du conseil
Dates
Mandats spéciaux
Montants
$       cts
Montants
$       cts
Dépenses
$       cts
Balances
$       cts
7 Services divers:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer, à la fin de l'année fiscale courante, certaines dépenses auxquelles il n'a pas été pourvu dans le budget, et autres dépenses se rattachant à d'autres services, dont les crédits ont été insuffisants. "viz":            
Dépenses contingentes, gouvernement civil:            
Lieutenant-gouverneur     1 000.00 1 000.00 1 000.00  
Procureur général     1 000.00 1 000.00 1 000.00  
Trésorier, bureau du     1 500.00 1 500.00 1 400.00 100.00
Agriculture     300.00 300.00 300.00  
Secrétaire de la province     1 500.00 1 500.00 1 500.00  
Colonisation, Mines et Pêcheries     2 000.00 2 000.00 2 000.00  
Travaux publics et Travail     1 500.00 1 500.00 1 500.00  
Colonisation, Mines et Pêcheries:            
Chemins de colonisation     10 000.00 10 000.00 10 000.00  
Chasse et pêche     3 000.00 3 000.00 3 000.00  
Mines     2 000.00 2 000.00 2 000.00  
Immigration     1 200.00 1 200.00 1 200.00  
Services divers:            
Octroi aux victimes de l'éboulement de Notre-Dame-de-la-Salette, comté d'Ottawa     500.00 500.00 500.00  
Octroi aux sœurs de la Charité, Rimouski, aide à la reconstruction de leur hôpital incendié le 31 décembre 1907 337 6 mai 1908 1 000.00 1 000.00 1 000.00  
8 Législation:            
Élections:            
Dépenses contingentes des élections:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer les dépenses contingentes relatives aux prochaines élections générales, le crédit affecté à ce service, pour l'année fiscale courante, étant épuisé 357 13 mai 1908 2 000.00 2 000.00 1 900.00 100.00
9 Travaux publics et Travail et Terres et Forêts:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer jusqu'à la fin de l'année fiscale courante les dépenses de deux départements: le département des Travaux publics et du Travail, et le département des Terres et Forêts, dont les crédits ont été insuffisants, "viz":            
Département des Travaux publics et du Travail:            
Édifices publics et loi des établissements industriels     2 000.00 2 000.00 2 000.00  
Entretien, etc., des édifices publics en général     21 000.00 21 000.00 21 000.00  
Conseil des arts et manufactures     1 500.00 1 500.00 1 500.00  
Réparations aux palais de justice et prisons     4 500.00 4 500.00 4 500.00  
Terres et Forêts:            
Arpentages     25 000.00 25 000.00 25 000.00  
Protection des forêts     4 000.00 4 000.00 4 000.00  
Inspection et classification des terres     5 000.00 5 000.00 5 000.00  
Dépenses générales 359 15 mai 1908 10 000.00 10 000.00 10 000.00  
10 Services divers:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer, à la fin de l'année fiscale courante, les dépenses de certains services dont les crédits ont été insuffisants, "viz":            
Agriculture:            
Cercles agricoles     2 800.00 2 800.00 2 800.00  
Écoles d'agriculture     5 000.00 5 000.00 5 000.00  
Octroi aux syndicats de beurreries et de fromageries     1 610.00 1 610.00 1 610.00  
Charges sur le revenu:            
Registrateurs: traitements et dépenses contingentes     6 500.00 6 500.00 5 484.65 1 015.35
Services divers:            
Divers en général 370 22 mai 1908 2 500.00 2 500.00 1 685.82 814.18
11 Assemblée législative:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer, à la fin de l'année fiscale courante, les dépenses encourues et à encourir dans trois services de l'Assemblée législative, vu l'insuffisance des crédits qui leur avaient été affectés, "viz":            
Assemblée législative:            
Salaires, dépenses contingentes,etc.     6 023.37 6 023.37 3 593.32 2 430.05
Impression et reliure pour les deux Chambres de la législature     13 857.01 13 857.01 13 857.01  
Bibliothèque de la législature:            
Dépenses contingentes 410 16 juin 1908 1 187.84 1 187.84 1 187.84  
12 Asiles d'aliénés et écoles de réforme et d'industrie:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer, à la fin de l'année fiscale courante, les dépenses des deux services sous le contrôle du département du Secrétaire de la province, "viz": les asiles d'aliénés et les écoles d'industrie et de réforme dont les crédits sont insuffisants:            
Asiles d'aliénés     10 000.00 10 000.00 10 000.00  
Écoles de réforme et d'industrie 409 16 juin 1908 4 000.00 4 000.00 3 504.39 495.61
13 Services divers:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer les dépense de cinq services publics, les crédits de quatre desquels ayant été insuffisants pour clore l'année fiscale finissant le 30e jour du mois de juin courant, 1908, et le cinquième n'ayant pas de crédits à cet effet, "viz":            
Asiles d'aliénés     2 800.00 2 800.00 2 737.84 62.16
Administration de la justice     35 000.00 35 000.00 35 000.00  
Police     1 500.00 1 500.00 1 312.79 187.21
Charges sur le revenu:            
Dépenses se rattachant à la perception des licences, etc.     12 000.00 12 000.00 12 000.00  
Instruction publique, divers, Institut technique de Montréal 501a 27 juin 1908 5 000.00 5 000.00 5 000.00  
14 Souscription à la Bell Telephone Memorial Association:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer la somme accordée à la Bell Telephone Memorial Association pour l'érection d'un monument à la mémoire de l'inventeur du téléphone Bell, le budget pour l'année fiscale finissant le 30e jour du mois de juin courant, 1908, ne contenant pas de crédits à cet effet 501d 27 juin 1908 1 000.00 1 000.00 1 000.00  
1 Législation et police:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer les dépenses de deux services auxquels il n'a pas été pourvu dans le budget pour l'année fiscale courante, savoir: $2800 demandées par l'Imprimeur du roi pour payer les dépenses d'impression, de reliure et de distribution des statuts Édouard VII, et $6360.24 pour payer les salaires de deux magistrats de police récemment nommés à Montréal:            
Législation:            
Impression, reliure et distribution des statuts: (Édouard VII)     2 800.00 2 800.00 2 800.00  
Police:            
Salaires des nouveaux magistrats de police S. P. Leet et Adolphe Bazin, du 4 août 1908 au 30 juin 1909 599 14 août 1908 6 360.24 6 360.24 4 026.96 2 333.28
2 Services divers:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer les dépenses encourues à l'occasion de la célébration du tricentenaire de la fondation de Québec, le budget pour l'année fiscale courante ne contenant pas de crédits à cet effet:            
Services divers:            
Décoration des édifices du parlement et des alentours, sous le contrôle du département des Travaux publics     15 917.87 15 917.87 15 917.87  
Bal donné par le gouvernement 620 26 août 1908 5 328.03 5 328.03 5 328.03  
3 Travaux publics:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier d'acquitter une réclamation de la Compagnie N.-G. Valiquette limitée, Montréal, pour travaux faits et mobilier fourni aux bureaux d'immigration de cette cité, le budget pour l'année fiscale courante ne contenant pas de crédits à cet effet:            
Entretien, etc., des édifices publics en général 666 26 août 1908 2 946.03 2 946.03 2 946.03  
4 Services divers:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer au major H. C. Sheppard, aide de camp du lieutenant-gouverneur de la province depuis 30 ans et qui a démissionné pour cause de mauvaise santé, une allocation de $88 par mois à la prorogation de la prochaine session et aussi à la ligue antituberculeuse de Montréal, afin de payer ses dépenses, le budget pour l'année fiscale courante ne contenant pas de crédits à cet effet, savoir:            
H. C. Sheppard, A. D. C. 802 6 oct. 1908 616.00 616.00 528.00 88.00
La ligue antituberculeuse de Montréal     1 000.00 1 000.00 1 000.00  
5 Dette publique, frais d'administration            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer une commission de 1/8 de 1% réclamée par l'agence de la Banque de Montréal, New York, sur $2 522 000, étant le montant du capital des bons de l'emprunt de 1878, le budget de l'année fiscale courante ne contenant pas de crédits à cet effet 917 20 nov. 1908 3 152.50 3 152.50 3 152.50  
6 Avis divers:            
Indemnité à certaines personnes victimes des incendies de forêts            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de défrayer une indemnité à certaines personnes qui ont souffert des dommages considérables les 28 et 29 septembre 1908, par suite de feux de forêts à Saint-Hubert de Spalding, dans le comté de Beauce et aussi dans le canton de Ditchfield, dans le même comté; cette indemnité devant leur être répartie par le ministre de l'Agriculture en proportion de leurs pertes, le budget de l'année fiscale courante ne contenant pas de crédits à cet effet 937 26 nov. 1908 1 000.00 1 000.00 1 000.00  
7 Colonisation, Mines et Pêcheries            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer les dépenses de deux des services se rattachant au département de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries, les crédits affectés à ces services pour l'année fiscale courante étant épuisés, savoir: 9 7 janv. 1909 27 800.00 27 800.00 27 800.00  
Chemins de colonisation $25 000.00            
Mines $2 800.00            
8 Gouvernement civil:            
Dépenses contingentes:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer des dépenses contingentes se rapportant au bureau des assurances du Trésor, qui a été établi patr l'arrêté du conseil no 18, du 14 janvier 1909, et conformément aux dispositions de la loi des assurances de Québec, 8 Édouard VII, chapitre 69, le budget pour l'année fiscale courante ne contenant pas de crédits à cet effet 66 29 janv. 1909 1 800.00 1 800.00 500.00 1 300.00
9 Gouvernement civil:            
Dépenses contingentes:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer des dépenses contingentes du bureau de l'honorable Joseph-Édouard Caron qui a été appelé à faire partie du gouvernement comme ministre sans portefeuille, le budget de l'année fiscale courante ne contenant pas de crédits à cet effet 92 5 février 1909 446.26 446.26 446.26  
10 Terres et Forêts:            
Montant requis d'urgence pour permettre au trésorier de payer des dépenses encourues pendant l'année fiscale courante, finissant le 30 juin prochain (1909), par le département des Terres et Forêts, quatre des crédits affectés à ce service ayant été insuffisants, savoir:            
Arpentage $4 000.00            
Protection des forêts $1 000.00            
Inspection et classification des terres $1 000.00            
Comptes courants $9 000.00            
      161 27 fév. 1909 15 000.00 15 000.00 15 000.00  
          296 445.15 296 445.15 284 719.31 11 725.84
  Département du Trésor - bureau de l'auditeur Québec, 4 mars 1909  
        N. Morin,
      auditeur provincial

 

Adresse en réponse au discours du trône

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat ajourné mercredi, le 3 mars, sur la proposition du député de Soulanges (M. Mousseau) à la motion du député de Lotbinière (M. Francoeur) à l'effet d'adopter une adresse en réponse au discours du trône de Son Honneur le lieutenant-gouverneur prononcé à l'ouverture de la session, laquelle adresse se lit comme suit:

À Son Honneur
L'honorable Sir Charles-Alphonse-Pantaléon Pelletier, K. C. M. G.,
Lieutenant-gouverneur de la province de Québec

Nous, les fidèles et loyaux sujets de Sa Majesté, de l'Assemblée législative de la province de Québec, réunis en législature provinciale, remercions Votre Honneur du gracieux discours qu'il lui a plu de nous adresser à l'ouverture de la présente session.

M. Mousseau (Soulanges): L'opposition est divisée en deux parties: les anciens conservateurs et la nouvelle organisation appelée Parti nationaliste, créée pour amuser la population et où sont des prophètes et des apôtres offrant au peuple les nouvelles tables de la loi.

Ce contact passager des nationalistes avec les conservateurs ne pourra durer longtemps. Ces éléments sont appelés à rester ensemble tout au plus pendant la moitié de la session, ce qui prouvera une fois de plus qu'une opposition qui n'a pas sa raison d'être ne peut pas réussir, quels que soient les éléments qui la composent.

Il est vrai qu'un prophète est venu prêcher un évangile nouveau. On doit véritablement s'en réjouir. Deux champions de chacune des parties de l'opposition ont pris la parole: les députés de Joliette (M. Tellier) et de Beauharnois (M. Plante), les députés de Montmagny (M. Lavergne) et de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa). Le chef de l'opposition, le premier à lancer ses foudres, a rappelé que le rôle de l'opposition était toujours de rappeler le gouvernement à son devoir. En ce faisant, il devrait bien fournir des explications plus précises sur le mode de distribution des deniers publics qu'il critique si vertement.

Est-ce que ce sont ses nouveaux alliés qui ont appris au chef de l'opposition ces exagérations qu'on ne lui connaissait pas?

La critique du député de Joliette porte à faux, excepté sur le sujet de la colonisation où il y a des maux réels. Toutefois, le chef de l'opposition n'a pas suggéré de remèdes à ces maux.

Dans ses critiques des dépenses pour l'instruction publique il n'a pu citer un seul chiffre à l'appui de ses avancés. Il n'a pas non plus suggéré une seule méthode pour mieux administrer le pays.

Il reproche, dit-il, au chef de l'opposition, lui pourtant avocat, le vague de ses déclarations et l'absence de précisions et une discrétion qu'il trouve utile, sans doute, quant aux suggestions.

Toutefois, les critiques de l'opposition ont du moins eu le mérite de sembler être faites dans l'intérêt public.

Il félicite le député de Joliette et chef de l'opposition pour ses observations polies.

Mais que penser des attaques du Parti nationaliste? Les nationalistes qui, hier, ont trahi leur vraie pensée par leurs paroles exagérées. Il regrette que les meneurs du Parti nationaliste ne puissent pas faire preuve d'autant de courtoisie et de modération que les conservateurs.

Les nationalistes, ces nouveaux Moïse qui représentent un soi-disant parti où tout le monde commande et où personne n'obéit. Il décrit tout le tintamarre inutile et tout le vacarme intempestif autour de cet aphorisme sonore: La terre libre au colon libre. Avec la phrase: La terre libre au colon libre, ils croient avoir trouvé la pierre philosophale. Or ce système, on a déjà dû le mettre de côté comme impossible à appliquer.

Comment adopter le système forestier que préconise le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa)? Toute la question consiste à donner aux uns sans faire tort aux autres. C'est justement ce qu'il n'a pas voulu expliquer.

Le député de Montmagny est mathématicien et financier, et il fait miroiter des sommes fabuleuses.

Quant à notre législation sur les accidents du travail, elle est tellement grosse de conséquences qu'elle mérite d'être étudiée à fond.

Le député de Montmagny, le chevalier de Montmagny, a donné à la Chambre un exemple frappant de ce qu'est le Parti nationaliste; et le son de sa voix mélodieuse réclamant des solutions résonne toujours dans l'air. Ce cri du coeur du député de Montmagny s'est présenté sous la forme d'un amendement à la loi du libelle qui donnerait plus de licence à la presse, considérant sans doute que l'indulgence accordée présentement est inadéquate.

Si les nationalistes veulent changer la loi du libelle, qui jusqu'ici a suffi, c'est pour protéger leur journal diffamateur toujours prêt à l'insulte.

Est-ce la licence qu'il nous faut ou bien la liberté de la presse? Sans doute que la première ferait mieux leur affaire que la seconde. Les mêmes ont prononcé beaucoup de paroles... en l'air, sans dire rien de nouveau.

Au lieu d'apporter des idées nouvelles, des moyens nouveaux au service du pays, les nationalistes n'apportent que des méthodes déloyales d'accusation et la calomnie.

Les nationalistes sentent bien où le bât les blesse. Mais nous n'entendons point dans cette province substituer au régime de la liberté de la presse celui de la licence. Le régime actuel a suffi depuis 40 ans à contenir et à diriger nos plus ardentes campagnes. Il suffisait aux grands hommes d'hier, il suffira aux hommes d'aujourd'hui.

M. Lavergne (Montmagny): Savez-vous qu'à une assemblée récente de l'Association de la presse à Québec MM. d'Hellencourt, du Soleil, et Barthe, de la Vigie, ont émis un voeu identique?

M. Mousseau (Soulanges): C'est en s'inspirant des vôtres.

Au début j'eus la naïveté de croire que le groupe nationaliste était né d'une pensée honnête, mais je reconnais mon erreur.

Il prend à partie le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), chef du nouveau groupe, qui vient de faire irruption dans la Chambre, et commis-voyageur du nationalisme qui s'est fait un cheval de bataille de la servilité de parti. Lui (M. Mousseau) n'a pas l'heur d'être, à l'instar de ce grand homme, petit-fils de prophète. Il le raille à propos du monopole de vertu civique qu'il entend s'arroger. Il a le monopole des vertus: sagesse, honnêteté, désintéressement, etc.

Revenant sur la législation ouvrière, le député de Soulanges rappelle qu'il a voyagé en Belgique, le pays du monde où l'on est le plus avancé sous ce rapport, et une telle législation n'a été adoptée que progressivement.

Les nationalistes ont dramatiquement fait allusion à l'assassinat politique de M. Parent. De cette description d'une scène évidemment empruntée au grand dramaturge Sardou, l'honorable M. LeBlanc avait tiré ses plus beaux effets. Le député de Saint-Hyacinthe et de Saint-Jacques a voulu continuer l'honorable M. LeBlanc et s'est montré évidemment inférieur. Grands mots, grandes phrases, grands gestes, la haine des choses pratiques, tout cela est le Parti nationaliste, dont le chef, par surcroît, pousse à un degré impie le culte et le credo du moi.

Il parle du nationalisme qui n'a apporté dans l'exposé de sa doctrine, au cours de cette discussion, aucun argument, aucune raison, aucune suggestion, mais purement et simplement du verbiage. Il ne ressort qu'une chose de ce flot d'éloquence, c'est l'accusation de servilité parlementaire et d'esprit de parti à la majorité de cette Chambre, et c'est laisser croire que le député de Saint-Hyacinthe comme celui de Montmagny ont seuls le monopole de l'amour de leur pays, que seuls ils peuvent travailler à son développement avec efficacité. Le député de Saint-Hyacinthe a le credo et le culte du moi. Qu'il veuille donc descendre un peu de son piédestal plus fragile qu'il ne le croit et qu'il daigne prendre contact avec ceux qui sont désormais ses collègues dans cette Chambre, et il s'apercevra et se convaincra alors qu'il n'est le seul patriote, quoiqu'il soit un petit-fils... et que ceux qui siègent dans la même enceinte parlementaire ont travaillé avec énergie et avec succès vers les progrès. Que le député de Saint-Hyacinthe veuille seulement prendre la peine de se rendre compte et il se pénétrera de l'idée que le Parti libéral provincial qu'il dénonce, qu'il insulte et qu'il calomnie a fait vaillamment son devoir. Le député de Saint-Hyacinthe s'apercevra, s'il étudie, que le gouvernement actuel ne se paye pas de grands mots ni de grandes phrases et comme résultat ne fait pas de lourdes pirouettes comme celles qu'il a faites au cours de ce débat, hier soir, et sous la maîtrise de l'honorable trésorier provincial.

Les recettes du Parti nationaliste sont encore du domaine du rêve et, si l'on en juge les perspectives de succès par ceux du chef de ce parti, la banqueroute est assurée car l'honorable député de Saint-Hyacinthe est de ces rares hommes qui sont toujours en route vers quelque chose et qui ne sont jamais arrivés puisqu'ils se réclament des conquérants d'idéaux et des découvreurs de lune et qu'ils ne veulent point de la politique libérale positive, saine et constructive. Il n'arrivera jamais à rien pour avoir déserté son drapeau et s'être fait un culte de son propre verbe.

Il désapprouve les violentes tactiques adoptées par l'opposition et fait remarquer que, si le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe daignait descendre de sa haute position et montrait de la bonne volonté et un certain intérêt au bien-être de la province, le gouvernement serait le premier à écouter ses suggestions et à tenir compte de ses conseils.

Le Parti libéral, lui, veut le bien du peuple et il y travaille sans ostentation. Les véritables nationalistes, ce sont les libéraux.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) rend hommage à la mémoire de feu M. Maurice Perreault, le bon patriote et député de Chambly, dont la disparition a créé un si grand vide chez ceux qui étaient habitués à l'avoir comme ami et compagnon de travail.

Ce n'est pas là la première oraison funèbre prononcée depuis le commencement de la session; il rappelle une oraison funèbre qui pour lui ne vaut pas celles de Bossuet. Le député de Joliette (M. Tellier) a fait celle de l'honorable P.-É. LeBlanc, mort dans Laval; la rapidité avec laquelle le nouveau chef de l'opposition a passé sur ce sujet ne nous a pas trompés. Il est facile de voir que le chef de l'opposition ne se sent pas dans son rôle; il fait face à une crise. Il sent qu'il sera tôt ou tard supplanté et en regardant les bons amis qui l'entourent il ne peut manquer de se rappeler la poule à laquelle on a fait couver des oeufs de canard: la poule reste à terre alors que les petits marchent sur les flots, tout comme le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa). Avant longtemps ils diront au député de Joliette: Vous ne faites rien. Vous aussi, M. Tellier, vous êtes un endormi. Ôtez-vous de là que nous prenions votre place.

Le député de Joliette devrait se rendre compte et se méfier de ce danger. Si le chef de l'opposition est satisfait présentement, il cessera bientôt de l'être.

Il se défend des accusations portées par les orateurs de l'opposition contre son département et ses tactiques électorales.

Il montre la contradiction du discours d'hier du député de Montmagny (M. Lavergne) avec ses doctrines prêchées il y a quatre ans.

Le député de Montmagny a commencé en s'attaquant violemment à ma personne. L'honorable député de Montmagny m'accuse d'avoir fait appel à la voracité des foules. On a du reste inséré dans un récent plaidoyer ces ignominies, en réponse à une action que j'avais prise contre l'organe du Parti nationaliste.

Je suis fier de lui dire ici qu'il y a dans mon comté de braves et bons électeurs qui ne se laissent pas berner; je souhaite que le député de Montmagny promette et donne aux siens les mêmes choses.

M. Lavergne (Montmagny): Jamais.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai promis honnêtement des ponts, de l'aide à l'agriculture, des bons chemins, des écoles où le député de Montmagny pourrait apprendre quelque chose, etc., et j'ai tenu honnêtement mes promesses. Je ne le regrette pas et j'espère que tous les députés en feront autant pour leur comté. En quoi peut me blâmer cet ange de pureté auquel il ne manque que des ailes? Comment le député de Montmagny peut-il parler d'appel aux appétits de l'électorat? Le député de Montmagny lui-même n'a-t-il pas fait d'appels aux électeurs, en 1904, en leur promettant le Grand Tronc Pacifique?

Pour donner une idée de la pureté électorale de ce pur, il lit les citations de l'Événement rapportant par quels moyens le député actuel de Montmagny avait été élu en 1904 et accusant les libéraux d'avoir fait des promesses pour faire élire M. Armand Lavergne. Dans cet article, il est dit que la défaite des conservateurs, en 1904, du moins pour le comté de Montmagny, au fédéral, fut principalement due au fait qu'on avait dit aux habitants de deux paroisses que, s'ils votaient contre le gouvernement, le Grand Tronc Pacifique ne passerait pas par là; on se rappelle qu'alors M. Lavergne fut élu comme partisan de Sir Wilfrid Laurier par une faible majorité.

M. Lavergne (Montmagny): Croyez-vous ce que dit L'Événement?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si j'y crois? Beaucoup plus à l'Événement qu'à ce que dit Montjorge du Nationaliste1.

Il cite un autre passage de l'Événement où il accuse les libéraux d'avoir payé des votes jusqu'à $200 dans cette élection de M. Lavergne.

Le député de Montmagny a, du reste, prononcé bien des discours où il se disait libéral avant de se donner à un parti qui est né dans la haine, a grandi dans la haine, et qui mourra dans le mépris.

Je n'ai aucune leçon à recevoir du député de Montmagny. Il n'y a rien d'avantageux à tirer de ses conseils.

Pour continuer son incursion dans la nouvelle école qu'on tente d'introduire à la législature, il va prendre une échelle très longue et tenter de se mettre à la hauteur du grand homme qui plane dans les nuages, qu'est le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) et qui n'est peut-être le député ni de l'un ni de l'autre. Sauveur de la patrie, ainsi le peuple le désignait; aussi, quand la population sut, hier soir, que cet oracle devait parler, les galeries étaient-elles remplies. Il est évident que le discours du député de Saint-Hyacinthe n'était qu'une harangue d'insultes qui a désappointé son monde: son discours ne contenait aucune idée nouvelle, aucune critique juste, aucun programme.

La foule immense qui s'était rassemblée dans les galeries s'attendait à de grandes choses du père du nationalisme qui a parlé pour les galeries hier soir, mais la foule a été désappointée; aussi il n'est pas étonnant que les gens se fussent répété, en sortant, hier soir: Lavergne est meilleur que Bourassa.

Le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe a consacré les trois quarts de son discours à des insinuations, à la haine, mais peu à des réformes pratiques. Il a montré de l'ignorance sur les sujets qu'il a traités hier soir.

Celui-ci s'est trompé en disant qu'en fait de législation ouvrière la province de Québec était la plus arriérée, que sur cette question notre province était à la queue de la Confédération; il prie le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe d'ouvrir la loi des établissements industriels. Comme question de fait notre législation est meilleure qu'ailleurs. Les femmes et les enfants qui travaillent dans les usines sont mieux protégés qu'en toute autre province et l'Ontario nous a emprunté cette loi.

M. Bourassa (Montréal no 2 et Saint-Hyacinthe): Je n'ai pas parlé de cette question-là.

Il rejette la responsabilité de ces paroles sur le député de Montmagny.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ça ne m'étonne pas que le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe ait déjà oublié cela.

M. Lavergne (Montmagny): C'est moi qui en ai parlé.

Des voix: À l'ordre!

M. l'Orateur (M. Delâge, Québec-Comté): On n'interrompt pas un député qui a la parole.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) rétorque que ses paroles s'adressent aussi bien à l'un qu'à l'autre.

J'en appelle à la bonne foi de l'honorable député. N'est-il pas vrai qu'il a parlé de ces vieilles femmes de 70 ans obligées de travailler à Montréal?

M. Bourassa (Montréal no 2 et Saint-Hyacinthe): J'ai en effet parlé des vieilles institutrices âgées de 70 ans qui, grâce à la loi des pensions du gouvernement, sont obligées de laver les planchers à Montréal pour vivre, après avoir consacré 30 années de leur vie à instruire la jeunesse canadienne-française parce que la pension du gouvernement est trop dérisoire.

Des députés rient.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): On nous dit que nous n'avons rien fait pour les ouvriers, c'est une fausseté; voilà ce que nous avons fait dans les dernières années.

De bonnes lois ont été adoptées pour la protection des femmes et des enfants qui travaillent dans les manufactures, tout comme pour les ouvriers. Le gouvernement a nommé des inspecteurs de manufactures, adopté une loi d'inspection des échafaudages, créé à Montréal et à Québec des musées d'appareils préventifs contre les accidents, nommé des inspecteurs des édifices publics, des inspecteurs d'hygiène pour les manufactures.

En ce qui a trait aux conditions hygiéniques, les inspecteurs, des hommes de bonne réputation et compétents, surveillent attentivement les manufactures et les visitent souvent. On a également établi des inspections médicales. Que faire de plus? Une loi sur les accidents de travail.

À cette session nous allons étudier la question des accidents de travail. Mais dans ce cas il faut tenir compte de nos conditions locales et protéger également l'ouvrier et le patron. La loi que nous nous proposons de présenter est calquée sur les lois anglaise, française et belge, ne donnant pas tout ce que les ouvriers demandent, mais accordant plus que ce que les patrons voudraient donner. Dans ce cas le gouvernement demandera le concours de tous les amis des ouvriers.

Il espère qu'avec le temps on pourra aller plus loin et créer l'assurance d'État pour les ouvriers. En Allemagne cette assurance donne des résultats merveilleux.

Pour le moment la loi va surtout s'appliquer à éviter les procès entre ouvriers et patrons et à régler les réclamations à l'amiable.

À l'heure actuelle, le gouvernement ne peut pas forcer les patrons à assurer leurs employés, mais l'on désire s'assurer que, dans les cas d'accidents graves ou fatals, il y ait une rémunération suffisante pour la survie des femmes et enfants d'ouvriers.

Le rapport de la commission chargée d'enquêter sur ces différends sera prêt d'ici peu et, ensuite, une loi qui les régira sera établie.

J'ai encore un autre projet de loi: l'expropriation, en certains cas, lorsqu'elle sera nécessaire dans l'intérêt public, des propriétaires de pouvoirs d'eau afin de faire valoir nos pouvoirs d'eau. Il est question de réglementer le développement des pouvoirs d'eau pour ceux qui sont déjà loués comme pour ceux qui ne le sont pas.

Quand on parle de l'annexion des territoires de l'Ungava, pas encore accomplie, c'est extraordinaire. Le gouvernement d'Ottawa a consenti l'an dernier et n'attend plus maintenant que la réponse de la province de Québec afin de savoir si celui-ci, oui ou non, acceptera les conditions y adjointes. Le député de Montmagny savait très bien que cette question n'était pas réglée.

Relevant les critiques faites par le député de Joliette (M. Tellier) sur la politique des ponts en fer, il dit que l'uniformité est impossible.

Sait-on que 19 ponts en fer ont été récemment construits et que 17 sont en construction? Si cela continue, dans 10 ans, la province aura tous ses ponts.

Le chef de l'opposition veut des ponts en fer, mais il ne veut pas qu'ils soient accordés par le ministre. Ce serait rendre à peu près impossible de construire des ponts dans nombre de paroisses qui en ont besoin, mais qui sont trop pauvres pour remplir les conditions qu'il faudrait imposer dans une loi. Le chef de l'opposition lui-même admettait que le ministre pouvait faire acte d'esprit public en accordant un pont dans son comté, dans la paroisse Sainte-Mélanie. C'est le bon cas dont il parlait hier. Quant à l'autre, celui de Saint-Paul, il n'est pas plus mauvais. Dans le cas du pont de Saint-Paul de Joliette, le gouvernement provincial n'avait pas en vue d'influencer les électeurs quand il a promis ce pont. Le pont a été accordé après les élections provinciales et avant les élections fédérales. Si le pont n'est pas encore accordé, c'est qu'un avocat éminent du comté - qui n'est pas étranger au député de Joliette - a pris des procédures contre le Saint-Paul pour l'empêcher de payer sa part du pont.

Si le gouvernement ne s'est pas encore exécuté, la faute en est au député de Joliette, qui a fait annuler la participation du conseil municipal à la construction de ce pont.

La politique des ponts en fer a donné d'excellents résultats et conduit aux bons chemins.

Il ne regrette pas ce qu'il a fait pour les chemins du comté de Montmorency. On y a macadamisé 17 milles de chemin et deux municipalités ont souscrit $15 000 pour cette fin, tandis que des particuliers souscrivaient $3000.

Le département de la Colonisation a fourni $1000. Mais c'était justement parce que ces chemins ont servi aux colons du comté.

Il est fier des chemins de Montmorency qu'on veut si souvent lui reprocher; les colons du haut de son comté sont les premiers à en profiter.

M. Tellier (Joliette): Pourquoi ne pas dépenser l'argent de la colonisation dans les rues de Québec? Les colons y passent.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ce qu'il y a de certain, c'est que les colons n'ont pas souffert.

M. Lavergne (Montmagny): Comment se fait-il que le département de la Colonisation trouve $5000 pour des provinces où il n'y a pas de colons et refuse $300 pour entretenir un chemin de colonisation ouvert depuis 20 ans dans le comté de Montmagny?

L'honorable M. Devlin (Nicolet): L'honorable député a dit dans son discours, hier, qu'il n'y avait pas de colonisation dans son comté.

M. Lavergne (Montmagny): Il n'y en a pas parce que le gouvernement ne veut pas en faire.

M. Tellier (Joliette) demande des détails à propos de la commission sur les services d'utilité publique.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): On ne peut en instituer une pour le moment, mais le gouvernement est prêt à recevoir toutes les suggestions s'y rapportant.

Il termine son discours en disant que les membres du gouvernement ne voient pas arriver les nationalistes comme des adversaires et encore moins comme des ennemis.

Au contraire, nous sommes prêts à nous joindre à eux pour des mesures justes et raisonnables.

Au lieu de cela, que font-ils? Ils ont le programme le plus antinational qui se puisse voir car ce n'est pas en disant que tous nos hommes publics ne valent rien qu'ils rendront la province plus grande et plus prospère.

Ceux-là même qui s'intitulent les sauveurs, les purs et toutes sortes de jolis noms ont commencé dans la province de Québec une campagne de dénigrement qui ne peut avoir que le résultat de rapetisser le niveau des idées dans la province aux yeux de ses voisins et de ruiner notre prestige dans les autres provinces. Si on veut quelque chose, qu'on le dise et tout le monde sera d'accord pour travailler dans l'intérêt véritable de la province. Au lieu de dénigrer les hommes publics, ils feraient mieux de se joindre à eux pour travailler de concert au plus grand bien du pays.

Les attaques de l'opposition sont injustifiables. S'ils veulent des réformes, pourquoi ne se lèvent-ils pas comme des hommes et ne signalent-ils pas avec précision où sont les maux?

Ainsi, le gouvernement serait prêt à les écouter et à accepter leurs suggestions plutôt que d'entendre leurs stupides accusations tellement vagues qu'elles en perdent tout leur sens.

M. Lafontaine (Maskinongé) fait l'éloge de son chef et reproche au ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) d'avoir dit que le député de Joliette (M. Tellier) ne serait pas longtemps le chef dans son camp.

Il serait très surpris si le chef de l'opposition était rejeté par ses amis. Ce n'est pas la coutume chez le Parti conservateur même si cela peut l'être chez les libéraux, faisant ainsi allusion au caucus tenu en 1904 par ces derniers et qui avait donné lieu à un changement de chef.

Le député de Joliette a été nommé chef de l'opposition par un vote unanime de tout le caucus. Le caucus a été beaucoup plus harmonieux que certains caucus libéraux auxquels le député de Montmorency et ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) a assisté et le ministre doit comprendre ce qu'il (M. Lafontaine) veut dire par là.

Le dernier caucus de l'opposition au sujet duquel le premier ministre s'inquiète lui aussi respirait l'harmonie et l'entente au moins autant que le caucus du parti ministériel en 1905.

Des députés rient.

M. Lafontaine (Maskinongé), relativement à la législation concernant le travail dans les manufactures, maintient que la loi est insuffisante et qu'elle ne protège pas sérieusement certaines catégories d'ouvriers. Il engage le gouvernement à adopter une loi sur les accidents et les heures du travail.

Il parle au nom de la classe agricole dont il est membre. Il critique l'attitude du gouvernement envers les classes agricoles et ouvrières dans la fondation des Hautes études commerciales.

Au lieu d'écoles techniques, il faudrait améliorer les écoles élémentaires; les écoles techniques sont un luxe dont la province pourrait se dispenser tant que ses écoles primaires n'auront pas tout ce qu'il leur faut.

La dépense de $700 000 pour les écoles des hautes études, alors que les écoles primaires sont insuffisamment outillées, cela ressemble beaucoup à un beau chapeau sur un corps mal vêtu.

Une partie de la somme prévue à cette fin aurait dû être allouée à l'amélioration des écoles primaires, et plus spécialement celles des districts ruraux. Le gouvernement devrait commencer par le début et non par la fin. L'administration gouvernementale en tirerait ainsi plus de crédit.

Le débat est ajourné.

À 5 h 30, la Chambre suspend ses travaux2.

 

Reprise de la séance à 9 h 15

Adresse en réponse au discours du trône

M. Lafontaine (Maskinongé) invite la Chambre à discuter le discours du trône dans un esprit national, sans préoccupations de parti.

Il demande que l'on réduise les taxes sur les successions en ligne directe. Il arrive souvent que des pères de famille meurent encore jeunes, avant d'avoir distribué leurs biens, et ne laissant qu'une somme peu considérable; la taxe qu'ils doivent payer constitue une charge assez lourde pour leurs héritiers et l'on devrait la diminuer autant que possible.

Il termine en exprimant sa confiance dans l'honnêteté des buts poursuivis par les députés de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) et de Montmagny (M. Lavergne).

M. Morisset (Dorchester) remercie la Chambre d'accueillir si sympathiquement le représentant des braves électeurs de Dorchester qui l'ont préféré à un homme distingué, mais qui avait la mauvaise fortune de représenter une mauvaise et fausse politique jugée contraire aux intérêts du peuple, et particulièrement des colons, puisque le comté de Dorchester est un comté de colonisation, où l'on a reconnu que le gouvernement libéral, qu'il appuyait depuis quatre ans, avait fait son devoir, tout son devoir et rien que son devoir.

Les abus dénoncés par l'opposition sont aussi les thèmes qui composaient le programme de M. L.-P. Pelletier lorsqu'il représentait Dorchester.

Le programme de M. Pelletier, ex-député de Dorchester, n'a pas été approuvé par le peuple. On peut appliquer au Parti conservateur la parole du poète: "Quantum mutatus ab illo3". Le programme de M. Pelletier comportait non seulement la terre libre au colon libre, mais encore l'octroi gratuit des lots et le remboursement des sommes payées pour ces lots par les colons de bonne foi. C'était un appel à la rapacité des électeurs, comme disait le député de Montmagny (M. Lavergne), mais ceux-ci ont compris que c'était une pure théorie. Et Dorchester, qui est un comté de colonisation, n'a pas voulu de M. Pelletier.

La colonisation est une question de trop haute importance pour qu'on la traite à un point de vue de parti. Il demande le bannissement de l'esprit de parti. Le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) a préconisé l'imposition sur le bois de pulpe. M. Pelletier, lui, dans son grand discours-programme de Sainte-Hénédine s'était fait l'avocat de cette mesure et, au cours de la campagne électorale, dans les paroisses du haut du comté, il dut soutenir qu'il n'avait jamais rien dit de semblable tant cette politique était impopulaire.

Il y a là pour les comtés de Dorchester, Beauce, Montmagny et Témiscouata une question vitale. En effet, les pouvoirs d'eau n'abondant pas sur la rive sud pour suffire à l'exploitation forestière, les industriels américains que la taxe obligerait à établir ici leurs fabriques s'établiraient de préférence sur la rive nord où leurs manufactures s'alimenteraient facilement des bois du nord. Mais alors, que deviendraient les colons de la rive sud qui ne pourraient exporter leur bois de pulpe aux États-Unis?

Il proteste contre les insinuations formulées par l'opposition à l'endroit de l'honorable M. Turgeon. Ils n'ont pas porté une seule accusation précise, mais ont poursuivi leurs insinuations.

Il demande pour ce dernier la même faveur que le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) demanda lui-même à M. Tarte en 1903, à l'assemblée mémorable de Laprairie, en faveur des ministres fédéraux. Il cite alors de longs extraits du discours du député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe4 où celui-ci disait attendre des preuves patentes et non de simples insinuations pour condamner les ministres que M. Tarte attaquait, certains passages où le député de Labelle mettait M. Tarte, qui voulait supplanter son chef, Sir Wilfrid Laurier, en garde contre l'ambition personnelle - pire que l'esprit de parti.

Le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe devrait se souvenir des principes qu'il prônait alors et se rappeler sa phrase: "Ce que je reproche à M. Tarte, qui, avec son talent, aurait pu rendre des services à son pays, c'est que son ambition l'emporte sur sa logique."

Le Parti libéral a fait beaucoup pour la province depuis 10 ans, dit-il. Il en prend à témoin la Montreal Gazette. Or, d'après le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe, tous ceux que le peuple élit, hors lui et le député de Montmagny, sont des moutons, des imbéciles ou des lâches.

En terminant, il met en garde le député de Saint-Jacques contre cette disposition d'esprit et il le fait avec les propres termes de son discours de Laprairie contre M. Tarte, en 1903.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Mes premiers mots seront des paroles de félicitations pour le proposeur et le secondeur du discours du trône qui, tous les deux, ont fait preuve de grandes qualités.

L'honorable député de Lotbinière (M. Francoeur) nous vient avec une réputation dont il s'est montré digne; le député de Saint-Laurent (M. Finnie) nous vient avec une réputation d'homme d'affaires à laquelle il n'a pas failli.

Je suis heureux de féliciter de sa nomination le nouveau chef de l'opposition. Il n'est personne dans cette Chambre qui ait vu avec autant de satisfaction l'arrivée du député de Joliette à la tête de son parti.

Je le connais depuis 20 ans et personne ne l'estime mieux que moi. Ses talents ne se sont jamais démentis et si le Parti conservateur qui a eu de mauvais jours revient au pouvoir, ce sera sous la conduite de chefs comme lui, parce qu'il est un homme pratique, un homme d'action et un homme qui, avant de s'aimer lui-même, aime sa province et la connaît.

Nous avons entendu plusieurs députés de la gauche discuter le discours du trône: le député de Joliette (M. Tellier) et les autres orateurs qui se réclament du Parti conservateur ont pris la parole et ont discuté avec courtoisie, sans blesser personne, et n'ont montré aucune amertume dans leur critique de la politique du gouvernement. J'en voudrais pouvoir dire autant des deux nouveaux députés, qui ne sont pas conservateurs et qui ne sont plus libéraux. Devant tant d'acrimonie et d'amertume qu'ils ont montrée, je me suis rappelé un passage de l'enfer de Dante, dans le troisième chant, où Virgile parle d'une catégorie de damnés. Racontant sa visite aux enfers, il dit qu'il entendit en un endroit des plaintes amères. En réponse à ses questions, son guide lui répondit que c'étaient les voix de ceux qui toute leur vie n'avaient fait que haïr et mépriser les autres. Ce sera là probablement qu'iront les deux nouveaux membres de cette Chambre. Ils sont parqués avec le choeur des mauvais anges qui n'ont aimé qu'eux-mêmes, qui ont voulu se faire un parti pour eux-mêmes.

J'ai entendu les deux députés nationalistes se plaindre même des physionomies des ministériels. Lorsque la Providence a donné tant de chance au député de Montmagny (M. Lavergne) et au député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe, on devrait être reconnaissant. Tout le monde ne peut avoir autant de grâce, de contenance sur le visage que le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), montrer autant de beauté au front que celui de Montmagny (M. Lavergne), et il me semble que nous pouvons nous consoler.

Il mentionne au député de Montmagny qu'une beauté extraordinaire n'est pas toujours signe de compétence ou d'habileté politique. Si nous n'avons pas de si beaux extérieurs, nous pouvons nous consoler parce que je crois que, pour ma part, je puis réclamer autant de jugement et d'équilibre qu'il y a en a dans la tête du premier ou du second de ces messieurs et même dans la tête des deux ensemble.

L'Ungava est un territoire aussi grand que la province de Québec et, ce qui est mieux, très riche. À la dernière session du Parlement fédéral, celui-ci se rendit à la requête du gouvernement provincial et adopta la résolution mentionnée dans le discours du trône.

L'Ungava nous était cédée, mais avec certaines conditions qui restent à être débattues.

Où l'opposition a-t-elle pris que l'Ungava nous appartenait déjà? Du côté ministériel, personne n'a jamais prétendu telle chose. Il faut évidemment que ces messieurs aient rêvé. Nous avons simplement prétendu que notre réclamation était devant le gouvernement fédéral et qu'elle avait progressé. Cette question sera réglée, du reste, dans les intérêts de Québec, comme le fut celle du réajustement des subsides aux provinces.

Sur la question de l'Ungava, le gouvernement a voulu que Québec fut traitée comme les autres provinces et il a demandé un territoire pour lui permettre de s'agrandir. Quand les provinces de l'ouest et de l'Ontario s'agrandissent, on ne voit pas bien que la province de Québec n'en ferait autant et, tandis que les députés de Saint-Jacques et de Montmagny se grisaient de leurs périodes, le gouvernement négociait avec Ottawa l'agrandissement de notre province. Le ministre n'a jamais dit que l'annexion était faite, mais il peut dire qu'elle se fera et bientôt, et pour le plus grand bénéfice de cette province.

Cette question décidée au gouvernement fédéral ne sera tout à fait réglée qu'après la signature du contrat par le gouvernement provincial.

Toutes les allusions du député de Montmagny tombent donc du coup.

Quand vint le temps de réclamer le réajustement du subside fédéral, une partie de l'opposition ne s'avisa-t-elle pas de dire que jamais le gouvernement n'obtiendrait ce qu'il voulait?

M. Tellier (Joliette): Le premier ministre devrait se rappeler que j'ai moi-même secondé la résolution du premier ministre concernant la subvention fédérale et que je l'ai secondée avec l'appui de tous mes collègues.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Et dans le même temps M. LeBlanc déclarait que jamais nous ne réglerions la question.

M. Bourassa (Montréal no 2 et Saint-Hyacinthe): La question des frontières de Terre-Neuve sera-t-elle réglée avant l'annexion de l'Ungava? S'occupe-t-on de faire délimiter les frontières entre Terre-Neuve et Québec?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Le gouvernement est à faire décider cette question par les tribunaux et elle le sera prochainement. Le gouvernement a poursuivi Terre-Neuve à cause de certaines coupes de bois illégales dans les limites de notre province par des gens de Terre-Neuve.

Il s'agit de deux causes dont la plus importante est une référence du gouvernement fédéral à Terre-Neuve pour une question de frontière: Québec a obtenu d'intervenir dans ce débat, ce qui sauvegarde nos droits.

On prétend que notre province est en arrière des autres alors que c'est la seule qui diminue sa dette.

Il donne au député de Joliette (M. Tellier) quelques explications relativement au paiement d'une partie de la dette de 1878.

Quant aux chemins, l'opposition trouve notre politique trop parfaite à ce sujet. Nous espérons que l'opposition cessera de redouter la perfection et qu'elle travaillera un jour elle-même pour la perfection.

La loi des chemins que l'opposition a quasi approuvée a donné de bons résultats. Une somme de $50 000 a été votée pour l'amélioration des routes. C'est la même chose pour les ponts.

Quant aux ponts en fer, le député de Joliette voudrait que les allocations soient données d'après une règle fixe. Nous faisons mieux. Nous les donnons là où on en a besoin et, loin de nous faire de ces oeuvres une arme d'élection, nous en donnons même aux comtés conservateurs comme celui de Joliette.

Le député de Joliette a reproché au gouvernement de faire du capital politique avec des promesses à certains comtés pour la construction de ces ponts. Se rappelle-t-il qu'entre la dissolution des Chambres et les élections de 1897 le Parti conservateur, qu'il appuyait, n'était pas si scrupuleux?

M. Flynn, lui, avait fait voter par ordre en conseil, pour un pont en fer aux environs de Montréal, des sommes allant à $700 000 pour réaliser des promesses qu'il ne tenait pas, $250 000 pour d'autres ponts qui ne furent pas bâtis, faisait voter une garantie de $8 500 000 à M. Armstrong et compagnie, et engageait le crédit de la province pour $11 000 000; tandis que nous, nous avons fait voter $50 000 seulement pour cette fin la dernière fois et cela était suffisant pour les besoins immédiats.

Notre politique au sujet des ponts en fer est approuvée par le peuple et nous la garderons.

Nous avons encouragé la construction des ponts en fer sur une telle échelle que dans 10 ans notre province sera à la tête de la Confédération si elle n'y est déjà.

Le député de Saint-Hyacinthe nous a reproché l'abolition de certaines écoles d'agriculture. Le député de Joliette a demandé pourquoi certaines écoles d'agriculture avaient été supprimées. Parce qu'il y avait trop de ces écoles et qu'elles ne rendaient pas de services. Oui, nous avons aboli celle de Compton qui avait coûté $25 000 d'achat et qui coûtait $5000 par an, et où il n'y avait que trois élèves: deux Américains et un Canadien. Qui nous en blâmera?

Mais le gouvernement, recevant toujours d'excellents rapports de l'école d'Oka et ayant su que l'école d'Oka était capable de recevoir des élèves, de former des professeurs, nous lui avons donné une allocation et nous l'avons affiliée à l'université Laval à qui nous sommes toujours prêts à donner notre meilleur appui.

L'honorable député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe, tout en approuvant l'affiliation de la florissante École d'agriculture d'Oka à l'université Laval, regrette qu'il n'en ait pas été de même pour l'École technique et l'École des hautes études commerciales.

Le gouvernement n'a pu affilier les écoles techniques et commerciales pour la bonne raison qu'elles sont encore en construction, qu'elles ne sont pas ouvertes et puis que des intérêts divers interviennent dans leur administration. Les villes de Montréal et de Québec, la Chambre de commerce française de Montréal ont souscrit généreusement pour ces écoles et il faut respecter leurs droits. Et, quand elles seront ouvertes, le gouvernement n'aura pas à décider de leur adhésion, mais ces corporations indépendantes bien que subventionnées auront à conduire elles-mêmes leurs destinées.

Le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe a dit que nous bâtissions ces écoles dans le but odieux de donner des contrats à des entrepreneurs amis.

Or la province n'a rien à y voir. La direction de ces travaux a été remise entre des mains indépendantes. En créant ces écoles nous avons fait une oeuvre utile, à laquelle les gouvernements conservateurs n'avaient jamais pensé.

Le gouvernement n'a rien à voir avec le contrat des écoles nouvelles, et alors tombe d'elle-même l'insinuation du député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe. Le gouvernement n'a pris cette initiative qu'à raison du manque d'initiative des classes industrielles en ce pays.

M. le député de Joliette, en entendant le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe, a dû dire: Dieu nous délivre de nos amis, quand il a entendu ce dernier parler des vieilles institutrices rendues à l'âge de 70 ans et réduites, pour gagner leur vie, à laver les planchers des boutiques. L'honorable député pourrait se rappeler que ces maîtresses, ce sont celles qui enseignaient du temps des conservateurs et que celles qui enseignent aujourd'hui ont le droit d'entrevoir une vieillesse moins sombre.

M. Tellier (Joliette): Le gouvernement libéral a augmenté le nombre d'années requis pour avoir droit aux pensions.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Oui, il a augmenté ce nombre d'années parce que les conservateurs donnaient des primes de $5 à $15 après cinq ans d'enseignement. Nous avons préféré retarder la pension et la porter à $25 et $50.

Les beaux discours du député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe n'amélioreront pas leur sort, mais, après cette session, elles auront droit à une pension encore plus élevée.

Et ces vieilles institutrices, M. le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe, recevront après la session une pension équivalant à la moitié de leur salaire.

Le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe disait: Au lieu de bâtir des prisons et un palais de justice, il vaudrait mieux encourager l'instruction et régulariser l'expédition de la justice.

Le député nationaliste dit que, au lieu de bâtir des écoles de hautes études, il vaudrait mieux s'occuper des écoles primaires. Qui donc est responsable du système d'écoles primaires si ce n'est le Parti conservateur? Nous avons un Conseil de l'instruction publique composé de gens éclairés, et je m'étonne que mon contradicteur attaque le Conseil de l'instruction publique. Notre province marche de pair avec les autres dans le chemin de l'éducation et cherche sans cesse à améliorer son système d'instruction publique.

Au lieu de bâtir des prisons, nous dit-on, régularisez l'administration de la justice. Là encore, le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe réclame la réforme, mais ne suggère même pas comment la faire, sous le prétexte qu'il n'est pas avocat. Il n'est pas avocat, cela me surprend. J'ai fait passer, il y a 10 ans, un bill pour le faire admettre à l'étude du droit. Il y a 10 ans qu'il est étudiant en droit et il n'a pas encore réussi à devenir avocat. Mais qu'on demande aux avocats s'ils veulent renoncer à la décentralisation de la justice. Que le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe demande au député de Joliette si la province de Québec serait prête à revenir à la centralisation judiciaire.

Si le barreau et les contribuables le veulent, je n'y ai pas d'objection. Ce ne sont pas mes préférences ni les rêves nationalistes qui ont à décider cette question, mais les justiciables.

Ceux-ci sont-ils prêts à laisser leurs juges quitter Sherbrooke, Saint-Hyacinthe et Saint-Jean et à se transporter à Montréal? Verront-ils cela d'un bon oeil? Que l'on amène à Montréal les juges de Joliette, de Saint-Hyacinthe et de Saint-Jean et la redistribution ne suffirait pas à la besogne énorme du district.

La réforme judiciaire, ou, en d'autres termes, le désencombrement tant désiré des cours de justice, se trouve arrêtée, d'après lui, par l'obstination du gouvernement fédéral à refuser à la province les trois nouveaux juges qu'elle réclame.

Ceux qui connaissent les besoins des provinces, ce sont les gouvernements des provinces et, quand ils décident de faire nommer des nouveaux juges, le gouvernement fédéral devrait les nommer.

Je puis dire que Montréal a besoin de trois juges, et j'ajoute que ces trois juges, nous les ferons nommer, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Bourassa (Montréal no 2 et Saint-Hyacinthe): Et que faites-vous de Saint-Jacques?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Nous y reviendrons. Je m'excuse de ne pas lui donner ses deux titres. Je ne sais pas où il est député et il ne le sait pas lui-même. Ce ne sont pas les électeurs qui l'ont élu, mais un jugement de la Cour supérieure.

S'il représente Saint-Hyacinthe, c'est qu'un officier rapporteur, ignorant ou malhonnête -j'aime mieux croire le premier- a défranchisé une partie des électeurs qui s'étaient prononcés pour leur ancien député et pour le gouvernement. Il sait qu'il ne représente que la minorité des électeurs.

Le député nationaliste n'a jamais été élu pour Saint-Hyacinthe; qu'il opte donc pour Saint-Jacques! Lui qui a une conscience si timorée, s'il savait toutes les basses machinations mises en oeuvre par ses agents il renoncerait immédiatement à son mandat dans Saint-Hyacinthe où il n'a jamais été élu, et dans Saint-Jacques où il l'a été irrégulièrement.

Celui-ci n'opte ni pour l'un ni pour l'autre de ces sièges parce qu'il ne peut faire élire un de ses amis au siège qu'il laissera.

L'opposition nous accuse d'administrer sans énergie. Je ne voudrais pas faire en cela ma propre louange. Nous n'imiterons pas les nationalistes. Eux, ils sont si jolis, si brillants, si charmants que, quand ils se regardent chaque matin dans leur miroir, ils croient y voir l'image de la patrie.

Pour nous, nous avons fait quelque chose pour cette province. Pendant que les nationalistes travaillaient à Ottawa à détruire les véritables grands hommes: Sir Wilfrid Laurier, Brodeur, Rodolphe Lemieux, Fielding.

M. Lavergne (Montmagny): Et Sifton?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Oui. M. Sifton vaut 100 fois mieux que vous. Il a fait quelque chose pour son pays que vous voulez détruire.

M. Lavergne (Montmagny): Sifton qui a aboli le français dans le Nord-Ouest.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Pardon, vous ne connaissez pas assez le français pour en parler.

M. Lavergne (Montmagny) prend la parole.

Des voix: À l'ordre!

L'honorable M. Gouin (Portneuf): J'ai dit hier ce que je pensais de votre chef et je pense la même chose de vous.

Durant ce temps-là, ici, nous avons travaillé. Depuis 1896, nous avons diminué la dette de $9 500 000 et non en empruntant à 7.7 p. c. pour payer, comme le faisait un ex-premier ministre, mais en réalisant de gros surplus, surplus obtenus malgré les sommes de plus en plus importantes consacrées aux travaux publics, et en augmentant les crédits de l'éducation et des services publics.

M. Tellier (Joliette): Vous avez affecté au paiement une somme due par le Pacifique. C'est une diminution de l'actif au bénéfice du passif, simplement.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Le gouvernement avait contracté ledit emprunt pour la construction de la section du chemin du C.P.R. de Québec à Montréal. Et le Pacifique a remboursé ce qu'il devait de ce chef à la province.

Et c'est une diminution de notre passif sur lequel nous payions intérêt. Ce payement est en outre de nature à augmenter le crédit de notre province qui n'emprunte plus comme au temps des conservateurs à 77 cents dans la piastre pour payer des dettes. Les débentures de la province valent plus que cela maintenant, puisque le gouvernement, tout récemment, a refusé des soumissions pour négocier des obligations à 101.10 pour cent.

Qui paye un emprunt diminue la dette. Or nous avons payé les emprunts précédents. Voilà ce que nous avons fait pour la province, et la Gazette de Montréal, l'organe en chef du Parti conservateur, a déclaré que notre province donnait le bon exemple de payer ses dettes et qu'elle jouissait d'un crédit financier supérieur. Ce ne sont pas des surplus fictifs ou imaginaires, comme le prétend l'opposition, que nous avons, mais des surplus réels, de l'aveu même des conservateurs dans leur pamphlet électoral lors de la dernière période électorale.

Il nie que le gouvernement ait refusé d'entendre les suggestions des nationalistes sur la colonisation et que les démarches aient été faites vers eux afin de les apaiser. Le député de Montmagny, qui prétend que nous jonglons avec les chiffres, n'a qu'à consulter un tout petit pamphlet pour constater que, depuis 1897, nous n'avons donné que des surplus à la province de Québec. Le Parti libéral a inauguré l'ère des surplus, et ces surplus, nous les avons employés au développement de la province. Nous avons construit une prison, nous avons construit des palais de justice à Valleyfield, à Hull, Sherbrooke, et tout cela sans emprunter. Nous avons construit des ponts, ouvert des écoles normales, des écoles ménagères, nous avons augmenté le budget de l'agriculture, de la colonisation et de l'instruction publique. Nous avons augmenté le traitement des institutrices, et tout cela sans emprunter un sou et sans taxer.

La question des barrières de péage n'est pas une question banale, M. l'Orateur, et qui aurait été discutée particulièrement dans le comté de Laval pour capter le vote des électeurs. La question des chemins libres et des ponts libres est de celles qui figuraient au programme politique du grand Mercier.

Nous voulons maintenant doter la province de bons chemins et supprimer les ponts de péage. On les supprimera non seulement dans le comté de Laval, mais dans tous les comtés. Nous ne pouvons dire qu'au 1er mai tous ces ponts de péage seront abolis, mais avec le concours des députés de cette Chambre nous essayerons de rendre libres toutes les routes de la province.

Le gouvernement actuel s'en est occupé, s'en occupe encore et s'en occupera tant que ce ne sera pas solutionné, ce qui, d'ailleurs, se réalisera avant longtemps.

Mais il est une question qui semble particulièrement chère à certains députés de la gauche et qu'ils discutent même avec passion et avec un donquichottisme qui n'a pas sa raison d'être, là moins qu'ailleurs. C'est la colonisation.

En abordant ce sujet, il réfère à un article qu'a publié le père Couët dans la Revue franco-américaine où il dit qu'il se fait beaucoup de donquichottisme au sujet de colonisation en ce pays.

On a beaucoup parlé de colonisation. Tout le monde veut l'avancement de la colonisation.

Y a-t-il un homme dans la province qui n'admire pas le fils du cultivateur allant faire sa trouée dans la forêt? Quelques-uns peuvent faire du donquichottisme à ce sujet; cependant, avant tout, il faut être pratique.

J'ai été au ministère de la Colonisation animé du meilleur esprit et de la meilleure volonté, et c'est là que j'ai été en mesure d'admirer le courage de ces braves colons, et c'est là que j'ai réalisé qu'il fallait être pratique en cette matière comme en toute autre et qu'il ne suffisait pas de se payer de mots. Que pouvons-nous faire?

Les nationalistes ont pour devise: la terre libre au colon libre. Le député de Montmagny l'a lancée hier soir avec une violence indue et, prié d'expliquer cette devise, le très brave collègue de Montmagny n'a répondu que par des invectives sans nom inconnues jusqu'ici dans cette Chambre au député de Bonaventure (M. Kelly), en disant qu'un libéral ne pouvait comprendre cela.

M. Lavergne (Montmagny): Pardon. Le premier ministre fait une légère erreur.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je suis heureux de savoir que je ne commets qu'une légère erreur quand l'honorable député en commet de si lourdes.

Le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe a voulu à son tour expliquer la chose.

Il nous a parlé des systèmes merveilleux qui prévalent en Prusse, en Belgique, en Norvège. Il n'est pas nécessaire d'aller si loin pour comprendre que notre système n'est pas si mauvais qu'on semble le laisser entendre et qu'il est même meilleur, quoi qu'on dise. La loi d'Ontario que l'on compare si souvent avec la nôtre et que l'on vante même comme supérieure à la nôtre est pourtant analogue à celle de Québec quant aux principes, et même plus restrictive quant à sa portée puisque le colon d'Ontario, même après avoir reçu sa patente, est encore sujet au marchand de bois quant à la coupe du pin. Dans notre province, au contraire, quand il a reçu ses lettres patentes le colon de Québec n'a pas de restriction, il est plus libre qu'aucun autre colon de l'univers. Le colon est absolument libre quand il a sa licence. La loi de l'Ontario est plus onéreuse pour le colon.

M. Tellier (Joliette): Cela prend six mois et un an, et le colon reste avec des souches.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): On reproche au gouvernement d'établir les colons sur des terrains où il ne reste que des souches. Eh bien, les colons auxquels nous donnons des terres, nous du gouvernement libéral, ne trouvent pas seulement des souches, mais des lots bien boisés.

Le député de Joliette est malvenu de faire cette remarque; qu'il lise les documents publics, il verra que, sur 206 millions de pieds de bois coupés l'année dernière, 89 millions de pieds ont été achetés des colons par les marchands de bois, d'après les rapports d'officiers nommés par le gouvernement conservateur, colons qui n'ont pourtant que des souches.

Il faut donc que ceux-ci trouvent sur leur terrain autre chose que des souches.

M. Lavergne (Montmagny): Ça, c'est l'oeuvre des colons spéculateurs.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): L'honorable député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe mis en demeure par le trésorier provincial (l'honorable M. Weir) de se prononcer sur cette question ou plutôt d'expliquer son principe terre libre au colon libre et comment il exploiterait, lui, notre domaine national, s'est réservé. L'honorable député qui ne coudoie plus les libéraux, qui n'ose pas se dire encore conservateur, pourrait certainement et avec justesse se constituer chef du parti réservateur. Ce qui semble très accommodant et moins compromettant, mais aussi moins brave. Et pourtant les députés de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe et de Montmagny devraient être plus braves s'ils avaient le coeur aussi fort que la voix.

Les députés de Montmagny et de Saint-Jacques se sont imaginé qu'ils feraient peur à M. Turgeon en menaçant de l'attaquer.

Ces deux messieurs n'ont eu rien de mieux à offrir comme débuts dans cette Chambre que du fiel, à l'égard d'un homme de coeur, d'un vaillant patriote, d'un dévoué collègue qui avait l'estime et la haute considération des deux côtés de cette Chambre.

Les députés nationalistes ont surtout attaqué l'homme distingué qui a quitté cette Chambre pour siéger au Conseil législatif. Il se sont faits, depuis deux ans, l'écho de vilipendeurs qui cherchent à ternir la réputation de ce bon patriote. Vous pouvez l'attaquer, comme vous l'avez dit, nous sommes prêts à le défendre. Tâchez d'avoir le coeur aussi fort que la voix. Si vous aviez quelque chose à reprocher à M. Turgeon ou à un autre, ne vous répandez pas en phrases. Attaquez comme des hommes, nous nous défendrons.

Il défie les adversaires de l'honorable Adélard Turgeon et leur demande de venir répéter leurs accusations contre lui. Il se promet d'y répondre.

Vous avez dit que nous devions nommer une commission royale au sujet de l'Abitibi. Nous l'avons fait et chacun a pu y donner son témoignage. Le député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe a commis une fausseté en disant que j'avais empêché les commissaires de faire rapport et certains témoins de comparaître. Une de leurs tâches était de faire un rapport et il en est qui ne sont pas venus et, parmi eux, un compagnon de voyage du député de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe, qui n'a pas voulu parler parce qu'il appréhendait d'être sous le coup de l'accusation d'un acte infâme, individu accusé de faux tout simplement et qui disait à un tiers: Vous recevrez un télégramme adressé au premier ministre, qu'on savait un faux et qui avait été fait pour influencer l'élection de Bellechasse, manoeuvre à laquelle les électeurs ont d'ailleurs répondu comme il convenait. Les honorables députés de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe et de Montmagny savent de qui il est question.

Il (M. Gouin) croit connaître l'auteur du faux télégramme De Jardin.

Si je n'ai pas répondu plus tôt au chef de l'opposition après ses critiques sur le discours du trône, si j'ai attendu jusqu'à maintenant pour prendre part au débat, c'est qu'il n'y a plus deux partis dans la Chambre comme autrefois, et je voulais entendre les chefs de tous les partis. Dans Ontario le débat sur le discours du trône ne vient que d'être conclu par le premier ministre, trois semaines après l'ouverture de la session.

On nous a accusés d'inertie mais, dans notre inertie, nous avons travaillé pour l'instruction publique. Nous augmenterons les pensions des institutrices et les fonds des écoles normales. Nous améliorerons le sort des inspecteurs d'écoles et nous porterons le budget de l'instruction publique à un chiffre qu'il n'a jamais atteint.

Pour cette oeuvre de progrès, le député de Saint-Jacques ne nous a jamais offert son concours ou, s'il l'a fait, ses commissionnaires se sont arrêtés en chemin.

Je n'ai jamais reçu d'offre de concours du Parti nationaliste, pas plus que je n'ai fait l'offre d'un portefeuille qu'on dit avoir été faite à un député nationaliste (M. Bourassa).

Il n'y a pas que le Parti nationaliste qui ait l'intention de faire de la province de Québec une grande province.

La politique qui nous fera progresser est une politique d'union, cette union que recommandait le grand patriote que fut Honoré Mercier.

Nous voulons faire de notre province une grande province et appliquer la doctrine de Mercier, un grand homme que les conservateurs se sont acharnés à détruire comme des loups.

À entendre les adversaires du gouvernement, eux-mêmes se réclament de l'école de Mercier. Ils voudraient faire croire qu'ils ne furent pas ses ennemis. Mais ceux qui gouvernent aujourd'hui et ceux qui ont confiance en ce gouvernement ont droit de se réclamer du nombre de ses admirateurs fidèles qui ont essayé de poursuivre la tâche en s'inspirant de ses idées, lesquelles dominent encore dans cette Chambre. Le souvenir de ce grand homme, de ce grand patriote, se perpétuera dans un monument qui sera élevé à sa mémoire, après cette session, dans le parc qui entoure ce palais législatif.

Cette image dira à tous nos concitoyens jeunes et vieux que celui qui a tant aimé sa patrie est enfin reconnu par ceux qui aiment la vertu et aiment à honorer une grande mémoire.

Nous n'avons pas la prétention d'être pour beaucoup dans les succès obtenus. Nous y avons apporté ce que nous avions de meilleur.

Nous ne voulons pas nous comparer à ce grand homme, mais si la province de Québec est si prospère, si elle mérite les compliments des organes conservateurs, c'est que nous avons suivi les doctrines de ce grand homme. Pour notre part, nous croyons avoir fait notre devoir, nous y apportons une bonne volonté que rien ne peut lasser. Nous réclamons toutes les bonnes volontés, en dépit des attaques et des calomnies, pour continuer l'oeuvre de progrès. Je ne suis qu'un homme qui passe, je ne sais combien de temps je resterai ici, mais je puis dire que, s'il en vient de plus habiles, il n'en viendra jamais de plus soucieux de la dignité, de la grandeur et du bien de la province de Québec.

M. Prévost (Terrebonne) fait des compliments au premier ministre pour le splendide succès qu'il vient de remporter et qui a révélé chez lui un talent oratoire qu'on ne lui soupçonnait pas. Il n'a jamais entendu le premier ministre parler avec autant d'émotion que ce soir. Il l'a entendu souvent, pourtant, et en plusieurs circonstances difficiles. Le premier ministre s'inspire toujours de l'idéal, et il a le don de faire crier ses collègues et partisans toujours si fidèles. Avec ce beau talent, cependant, il n'est pas brave.

On sait qu'il est difficile de lire sa pensée dans ses yeux. Il est calme, prudent et, surtout, il sait attendre. Mais, quand il invoque la mémoire de Mercier, il démontre que, s'il a toujours eu un culte pour le grand disparu, il n'a pas le même culte pour son courage qu'il n'a pas l'air d'avoir la force d'imiter.

Ce n'est pas du temps de Mercier que l'on aurait vu le général attendre que tous ses soldats soient au feu pour s'y lancer. Le premier ministre est peut-être d'opinion qu'un chef doit suivre: d'autres pensent qu'un chef doit guider.

Mercier sentait qu'il était le chef, ne faisait pas parler ses ministres ou ses députés à sa place. Il payait lui-même de sa personne et c'est au premier rang, à la tête des siens qu'on le trouvait quand l'heure de la bataille avait sonné. Ce n'est pas lui qui se fût retranché derrière un précédent emprunté à la province d'Ontario. Et, pour ma part, j'aime mieux son genre, j'aime mieux une victoire remportée par une charge brillante à la Murat qu'une victoire remportée à la Bismark en jouant une partie d'échecs.

On s'inquiète de l'attitude que je vais prendre dans cette enceinte.

Pour sa part, il désire expliquer l'attitude qu'il entend prendre à cette session et satisfaire la curiosité de quelques-uns à ce sujet.

Il rappelle tout d'abord la période où il fut appelé à faire partie du gouvernement Gouin. À ce moment, le premier ministre dirigeait l'administration de façon sûre et énergique. Aujourd'hui, le premier ministre le place du côté de l'opposition.

Il a été élu comme député libéral et c'est comme tel qu'il entend siéger. Il appartient toujours à l'école des vieux chefs libéraux qui ont fait le Parti libéral et l'ont conduit à la victoire avant que le député de Portneuf (l'honorable M. Gouin) fût premier ministre. Mais je ne sais pas si ces chefs libéraux sont ceux du premier ministre. Celui-ci a pris l'un de ses vieux collègues et l'a relégué de l'autre côté de la Chambre. Cela pourrait être dangereux pour lui. Il entend garder sa liberté, cependant, suivant en cela l'exemple de libéraux fameux, entre autres celui du ministre actuel de la Colonisation.

J'avoue seulement que le libéralisme ne m'a pas toujours été enseigné comme on l'enseigne aujourd'hui. Je me rappelle qu'autrefois, quand nous étions jeunes, l'on nous disait que nous croyions et que nous étions fiers de croire que le libéralisme signifiait liberté et que dans le Parti libéral l'on n'était pas comme dans le Parti conservateur condamnés à penser tous de la même façon. Ça m'a l'air changé un peu aujourd'hui.

Le député de Nicolet (l'honorable M. Devlin) a différé d'opinion avec son chef M. Laurier sur une question vitale, sans pour cela être repoussé dans l'opposition et voué aux ténèbres extérieures. Il reproche au premier ministre de l'avoir traité un peu haut la main à cause de sa liberté d'allure. Il est toujours dangereux, dit-il, de chercher à creuser des cercueils pour ensevelir ses anciens amis. On y tombe quelquefois soi-même.

Dans tous les cas le premier ministre lui-même, malgré le despotisme qu'il exerce du haut de sa tour d'ivoire, voudrait le reléguer hors du Parti libéral qu'il ne le pourrait pas.

Il accuse le premier ministre de méconnaître les principes du libéralisme.

On peut avoir ses opinions sur la conduite officielle d'un ministre; on peut, quand on est libéral, avoir cette opinion et l'exprimer sans se faire dire: Je vous mets devant moi pour que vous puissiez me regarder bien en face!

Il déclare au premier ministre qu'il reste libéral malgré l'invitation implicite qui lui a été faite de passer dans l'autre camp. Seulement, il a perdu ses illusions de jeune homme et d'étudiant, et il déplore que ce qu'on appelle le libéralisme d'aujourd'hui soit si différent de celui d'antan.

Du côté ministériel, on a versé quelques larmes à la mémoire du regretté Maurice Perrault, de ce brave citoyen qui s'évertuait à trouver des revenus à la province. Pourtant, pendant qu'il vivait, sur les mêmes banquettes ministérielles, on se moquait et on tournait en ridicule le travail patriotique du regretté député de Beauharnois. Lui aussi n'était pas assez discipliné.

Puisqu'il est libéral, il ne peut s'empêcher d'approuver à peu près toutes les mesures annoncées dans le discours du trône.

Pour ce qui est de la colonisation, il rappelle que le premier ministre a déjà été ministre de la Colonisation et qu'ils ont fait ensemble une étude de cette question. Même le premier ministre est arrivé au pouvoir avec la conviction qu'il fallait séparer le marchand de bois du colon et les confier à deux départements distincts.

Actuellement nous avons un ministre des Terres qui est à la merci des marchands de bois et un ministre de la Colonisation qui n'a pas de terres à donner au colon. Ce ministre devrait être appelé tout au plus le "ministre des chemins de colonisation".

Voilà ce qu'il faut changer avant de faire des lois sur la colonisation. Et le premier ministre connaît plusieurs des anomalies qui existent dans l'administration des terres. On a enlevé l'arpentage au département de la Colonisation pour le donner au département des Terres. Que l'on ramène l'arpentage où il était.

Il est inutile de songer à faire de la colonisation dans notre province tant que la séparation entre l'administration des terres et celle des forêts n'aura pas été effectuée. Pourquoi cela n'est-il pas fait? Voilà quatre ans que le premier ministre actuel a promis que cela se ferait, et cela n'est pas encore fait. Le discours du trône dit: les lots de colonisation sont de plus en plus recherchés, et cela est vrai, mais ce qui est également vrai, c'est que les colons n'ont pas toujours leurs lots. Le ministre de la Colonisation appelle les colons à lui, mais il n'a pas de terres à leur donner. Quelle anomalie, quelle absurdité!

S'il arrivait 100 colons aujourd'hui, qui voudraient s'installer dans le Témiscamingue, ça prendrait six mois pour qu'ils aient des lots.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) prend la parole.

M. Prévost (Terrebonne) parle d'une lettre que lui a adressée le département des Terres, le 5 février dernier, et qui établit combien il est malaisé à un colon de bonne foi de faire sa place sur notre sol.

Il cite l'exemple d'un famille revenue au Canada depuis 22 ans, dont les fils ont grandi dans la culture et qui ne peuvent pas avoir de lots.

Il s'agit d'un nommé France Hébert, un franco-américain revenu de San Francisco, qui cultive depuis 22 ans un lot dans le comté de Terrebonne.

Il lit la lettre du ministre refusant d'octroyer les titres parce que ces trois jeunes gens, en hiver, restent chez leur père au lieu de rester sur leur lot.

Il demande si on a cru qu'un colon de 22 ans de résidence était un spéculateur, un faux colon. Cela a besoin d'être changé!

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Si le député de ... du ministre il réglerait cela beaucoup plus vite que par un discours.

M. Tellier (Joliette): Mais ce cas est celui de beaucoup d'autres colons.

L'honorable M. Devlin (Nicolet): C'est un cas unique.

M. Prévost (Terrebonne): Un cas unique! J'en ai d'autres bien pires que celui-là.

On sacrifie l'intérêt du colon à des intérêts "sportiques", ce qui permet à certains politiques de passer maîtres dans l'art de moucher. Il y en a qui prennent des comtés comme ils prennent des poissons.

Après avoir appris du premier ministre que le député de L'Islet (l'honorable M. Caron) va représenter en Chambre le département des Terres, il accuse sous sa responsabilité de député la compagnie McLaren d'avoir coupé du bois qui n'avait pas la mesure réglementaire et cela, à la connaissance des agents du gouvernement.

Il demande une enquête. Pas une enquête comme j'en connais, mais une enquête.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande au député de Terrebonne d'interrompre son discours, vu qu'il est déjà très tard.

M. Prévost (Terrebonne) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 2 et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que le débat soit de nouveau ajourné.

Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

Formation des comités permanents

M. Tessier (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Champlain (M. Neault), que le rapport du comité spécial chargé de choisir les membres des différents comités permanents de cette Chambre soit adopté, moins la partie concernant la nomination des membres du comité spécial des ordres permanents qui a déjà été adoptée.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose en amendement, appuyé par le député d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), que les noms de MM. Cousineau, Patenaude, Lafontaine (Maskinongé), Plante, Geoffrion et Leclerc soient ajoutés à ceux des membres qui composent le comité des bills privés, que celui de M. Lavergne soit mis à la place de M. Lafontaine (Maskinongé) aux comités des comptes publics et des privilèges et élections; que ceux de MM. Lafontaine, Leclerc et Vilas soient mis à la place de M. Sauvé au comité des chemins de fer et que ceux de MM. Plante, Patenaude et Sylvestre soient ajoutés à ceux du comité de législation; que le nom de M. Leclerc soit ajouté à ceux du comité des industries et que celui de M. Robert soit ajouté à ceux du comité d'agriculture.

Adopté.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

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NOTES

 

1. Il s'agit du pseudonyme sous lequel Armand Lavergne signait ses articles dans le Nationaliste. Voir B. Vinet, Pseudonymes québécois, p. 178.

2. Selon l'Événement, l'Assemblée a interrompu ses travaux plus tôt parce que la musique de l'orchestre qui jouait au Salon rouge pour la réception offerte par M. et Mme Turgeon engageait les députés à suspendre immédiatement la séance.

3. "Que de changements il a subis."

4. On trouvera des extraits de ce discours dans R. Rumilly, Henri Bourassa, p. 150-153.