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Version finale

12e législature, 1re session
(2 mars 1909 au 29 mai 1909)

Le mercredi 12 mai 1909

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 11 heures.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant sans amendement:

- bill 98 amendant la loi autorisant le barreau de la province de Québec à admettre Joseph-Adélard Provencher au nombre de ses membres, après examen.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il adopte son amendement à ses amendements au bill 96 ratifiant la vente faite par les héritiers de feu L. T. MacPherson à Alexander Moore et William Joseph Moore.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 150 concernant la Compagnie de chemin de fer Québec et Saguenay;

- bill 170 détachant une certaine partie de la paroisse de Saint-Bernard, dans le comté de Saint-Hyacinthe, dudit comté, et l'annexant au comté de Richelieu, pour toutes les fins;

- bill 221 concernant The North Eastern Railway Company.

Compagnie de chemin de fer Québec et Saguenay

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 150 concernant la Compagnie de chemin de fer Québec et Saguenay.

Les amendements sont lus deux fois.

Paroisse Saint-Bernard

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 170 détachant une certaine partie de la paroisse de Saint-Bernard, dans le comté de Saint-Hyacinthe, dudit comté, et l'annexant au comté de Richelieu, pour toutes les fins.

Les amendements sont lus deux fois.

The North Eastern Railway Company

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 221 concernant The North Eastern Railway Company.

Les amendements sont lus deux fois.

 

Interpellations:

Pont sur la rivière Nicolet, dans la paroisse de Saint-Jean-Baptiste de Nicolet

M. Lavergne (Montmagny): 1. Le gouvernement a-t-il fait exécuter, dans le cours de l'année 1908, certains travaux en vue de l'établissement d'un pont entre la pointe de l'Isle à la Fourche et la rive sud-est de la rivière Nicolet, dans la paroisse de Saint-Jean-Baptiste de Nicolet, dans le comté de Nicolet?

2. Dans l'affirmative, quelle est la nature de ces travaux?

3. Quel est le montant des deniers de cette province affectés à cette fin?

4. Les travaux se font-ils à l'entreprise ou à la journée?

5. Si ces travaux se font à la journée, quelle est la personne qui a la direction de ces travaux?

6. Si l'ouvrage est à l'entreprise, quel est le nom de l'entrepreneur et quel est son contrat?

7. Combien le gouvernement a-t-il déboursé et payé jusqu'à ce jour pour ces travaux?

8. Quels sont les crédits à même lesquels ces paiements ont été faits?

9. Les paiements ont-ils été faits en argent, par chèque, par billet ou par lettre de crédit?

10. S'il y a eu chèque, billet ou lettre de crédit, quel est le nom du bénéficiaire ou preneur?

11. Le pont projeté est-il légalisé, soit par règlement, soit par procès-verbal?

12. Par qui l'octroi du gouvernement a-t-il été demandé?

13. La demande de subvention a-t-elle été faite verbalement ou par écrit?

14. À quelle date le gouvernement a-t-il décidé de subventionner cette entreprise?

15. Est-il vrai que cette subvention a été promise publiquement par le ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries au cours de sa dernière campagne électorale dans le comté de Nicolet?

L'honorable M. Devlin (Nicolet): 1, 2, 3. Le département de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries a accordé aux diverses municipalités intéressées, par l'entremise de M. John O'Shaughnessy, maire de Nicolet, une somme de $1000 comme aide à l'ouverture de chemins devant conduire à un pont projeté entre la pointe de l'Isle à la Fourche et la rive sud-est de la rivière Nicolet.

4, 5, 6. Travaux exécutés à la diligence et sous la surveillance des municipalités.

7, 8. Rien n'a encore été payé.

9, 10. Nul écrit n'a été donné autre qu'une lettre adressée à M. J. O'Shaughnessy, à la Banque Nationale, succursale de Nicolet.

11. Nous l'ignorons.

12. J. S. Hermann, évêque de Nicolet; N.-G. Proulx, ptre, V. G.; Ph. H. Suzor, ptre, P. S. S.; Saint-Pierre Bellemarre, ptre; L.-H. Levallée, ptre, curé; John O'Shaughnessy, maire; J.-J. Houde, arp. géo.; Em. Rousseau, marchand; F.-X. Castonguay; H.-O. Cloutier, M. D., coroner; Lt-colonel J.-B.-A. Rousseau; R.-A. Papillon; Ovide Toupin; G.-A. Turcotte; N. Trahan; Eusèbe Réné; P.-H. Comeau, avocat; Lt-colonel C.-H. Girouard; L.-H. Hamel, marchand; J.-N. Jutras, marchand; J.-L.-H. Houde, manufacturier; Thomas Caron, charretier; N.-H. Biron, marchand; Arthur Trahan; J.-M. Denis; J.-C. Laflamme.

13. Par requêtes et pétitions signées.

14. À la date du 3 mars 1909.

15. Non.

Nicolet, chef-lieu d'un district judiciaire

M. Lavergne (Montmagny): 1. Le gouvernement se propose-t-il de présenter, durant la présente session, une loi créant un nouveau district judiciaire dont la ville de Nicolet serait le chef-lieu?

2. Dans la négative, pourquoi?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): 1, 2. Le gouvernement réfère au bill 226.

Rapport sur l'asile de Beauport publié dans le Courrier de Sorel

M. Sylvestre (Montcalm): 1. Quel est l'extrait du rapport général sur l'asile de Beauport, version anglaise et version française, que le Courrier de Sorel a imprimé et pour lequel il a reçu une somme de $100.46, tel qu'indiqué à la page 162 des comptes publics pour l'année 1908?

2. Combien de pages couvrait cet extrait?

3. Pour quelle fin cette impression a-t-elle été faite?

L'honorable M. Roy (Kamouraska): 1. Cet extrait contient le rapport du surintendant médical de l'asile de Beauport.

2. D'après le rapport du greffier des impressions qui a approuvé le paiement de cette somme, cet extrait contient 44 pages, tiré à 400 copies françaises et 500 copies anglaises.

3. Ces rapports du surintendant médical de l'asile de Beauport sont envoyés par ce dernier aux différents asiles du Canada et de l'étranger, et distribués aux personnes qui en font la demande.

Impressions faites par MM. Dussault & Proulx

M. Sylvestre (Montcalm): Quelles sont les impressions faites par MM. Dussault & Proulx pour la somme de $2093.33, mentionnée à la page 116 des comptes publics pour l'année 1908?

L'honorable M. Caron (L'Islet):

312 Exemplaires Les arbres de commerce, à 30 cts $93.60
417 Exemplaires La Forêt 125.10
4000 Formules, affidavits "re" occupants de lots, anglais et français 33.84
4000 Formules de licences 36.02
20 000 Chemises pour dossier (anglais et français) 270.36
1000 Enveloppes imprimées (W. B. C. De Léry) 7.65
100 "Pads", papier à note 6.68
3000 Formules, retour des mesureurs de bois 43.20
4000 Chemises pour dossier (pour agents) 25.57
10 000 Enveloppes 53.45
500 Formules, états de caisse 7.24
2000 Formules, (art. 1275 B) 15.99
  Livrets de blancs de reçus, anglais et français 15.18
200 Affiches sur coton 38.10
2000 Formules, affidavits d'occupants de lots 21.02
2000 Formules, entrepreneurs de chantiers 21.02
2000 Formules, retour d'agents pour droits de coupe 49.47
4000 Chemises pour dossiers 19.57
500 Formules, nominations de garde-feu 6.04
2000 Formules d'états pour agents 23.99
500 Affiches sur coton en trois dialectes sauvages, micmac, montagnais, algonquin 29.85
7000 Formules, bons d'expédition 51.70
5000 Formules, acquis de droits de coupe 28.69
500 "Pads", papier brouillon 45.00
5000 "Pads", retour des mesureurs de bois 68.82
100 Circulaires aux gardes forestiers 2.53
12 000 Chèques officiels, départ. Terres et Forêts 360.00
4000 Feuilles papier à lettres avec en-tête imprimé 25.12
3000 Chemises pour dossiers (pour agents) 19.79
2000 Feuilles papier à lettres avec en-tête imprimé 17.61
7000 Enveloppes no 10 38.02
2000 Formules, affidavits pour occupants de lots 17.96
1000 Formules, reçus des banques pour dépôts 8.49
4000 Formules, affidavits pour occupants de lots 35.92
10 000 Formules, retour pour mesureurs de bois 126.03
6000 Copies discours "re" convention forestière 215.66
2000 Formules pour spécification 19.05
2000 Chèques officiels (salaires)         70.00
Total $2093.33

 

Achat de journaux par le département des Terres et Forêts

M. Sylvestre (Montcalm): Quels journaux de Noël le département des Terres et Forêts a-t-il achetés d'Ant. Langlois pour la somme de $43.50, figurant à la page 118 des comptes publics pour l'année 1908?

L'honorable M. Caron (L'Islet):

10 copies Figaro de Noël à $1.00

$10.00

10 copies Toronto Globe Noël à 50 cents

5.00

2 copies Almanach Vermot à 50 cents

1.00

40 copies Almanach Hachette à 50 cents

20.00

5 copies Almanach Hachette reliées à $1.50

     $7.50

 

$43.50

 

Dépenses pour la commission royale au sujet de l'asile de Beauport

M. Bernard (Shefford): 1. Pour quelle commission royale les sommes de $152.65, $150 et $25 ont-elles été payées à MM. C.-E. Dorion, F. Campeau et J.-O. Montreuil pour petites dépenses de bureau, tel qu'indiqué à la page 108 des comptes publics pour l'année 1908?

2. Cette commission royale a-t-elle fait un rapport?

3. Dans l'affirmative, quelle en est la nature?

4. Dans la négative, pourquoi?

L'honorable M. Roy (Kamouraska): 1. La somme de $152.65 a été payée à M. C.-E. Dorion, pour la commission royale nommée en vertu des articles 596 et suivants des statuts refondus et leurs amendements, pour s'enquérir des faits allégués dans des lettres adressées au secrétaire de la province par les docteurs Brochu et Marois, surintendant et assistant surintendant de l'asile de Beauport. Aucune somme n'a été payée à MM. Campeau et Montreuil en rapport avec cette commission.

2, 3, 4. Cette commission est devenue caduque par la démission de M. Édouard Dorion, l'un des membres.

Enquête pour remplacer la commission royale au sujet de l'asile de Beauport

M. Lafontaine (Maskinongé): Quelle est cette enquête à propos de laquelle M. Auguste Edge a reçu une somme de $100 pour services extra, tel qu'indiqué à la page 162 des comptes publics de 1908?

L'honorable M. Roy (Kamouraska): Il s'agit de l'enquête faite par le secrétaire de la province, comme chef du département, pour remplacer la commission royale devenue caduque par la démission de M. Édouard Dorion.

Compagnies d'assurance contre l'incendie

M. Plante (Beauharnois): Quels sont les noms des compagnies d'assurance contre l'incendie qui n'ont pas fait le dépôt requis par la loi au département du Trésor de cette province?

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Les seules compagnies d'assurance contre le feu qui n'ont pas fait leurs dépôts au département du Trésor sont les compagnies d'assurance mutuelle prenant des risques mercantiles et manufacturiers qui, en vertu du sous-paragraphe c du paragraphe 4 de l'article 92 de la loi des assurances de Québec, ne sont pas tenues de faire un dépôt avant 12 mois à compter de l'entrée en vigueur de ladite loi.

Demande d'annexion de la paroisse Batiscan à la paroisse Sainte-Anne

M. Plante (Beauharnois): 1. Le gouvernement a-t-il reçu une demande des résidents et contribuables de la rive nord-est de la rivière Batiscan, dans la paroisse de Batiscan, aux fins de s'annexer à la paroisse de Sainte-Anne pour des fins paroissiales et municipales?

2. Dans l'affirmative, le gouvernement se propose-t-il d'accorder telle demande?

L'honorable M. Roy (Kamouraska): Non.

Subventions aux écoles du soir dans le comté de Charlevoix

M. D'Auteuil (Charlevoix): 1. Combien d'écoles du soir ont été subventionnées par le gouvernement, dans le comté de Charlevoix, depuis le 30 juin 1908?

2. Dans quels rangs ou villages de quelles municipalités sont situées les écoles ainsi subventionnées?

L'honorable M. Roy (Kamouraska): 1. Deux.

2. Une à Baie Saint-Paul et une à Saint-Étienne de la Malbaie. À ce dernier endroit l'octroi accordé était pour deux classes et la commission scolaire a fait rapport que cet octroi avait été employé pour le terme de trois classes, aux endroits suivants: village de la Malbaie, Cap à l'Aigle et partie est de la Rivière.

Représentation du conseil de la ville de Québec à la commission des licences

M. Galipeault (Bellechasse): 1. Le gouvernement a-t-il pris connaissance d'une résolution du conseil de ville de la cité de Québec, adoptée le 8 février 1909, par laquelle on pria le gouvernement provincial d'amender l'article 25 de la loi des licences de manière à ce que le conseil de ville de Québec soit représenté dans la commission des licences pour la cité de Québec, ledit représentant à être le greffier de la cité?

2. Le gouvernement a-t-il pris connaissance d'une seconde résolution du conseil de ville de Québec, en date du 2 avril 1909, par laquelle le conseil chargeait le maire de faire des démarches nécessaires auprès du premier ministre et de ses collègues pour que, dès la présente session de la législature, il soit fait droit à la demande déjà faite par ce conseil par la résolution adoptée le 8 février 1909?

3. Le gouvernement a-t-il l'intention de se rendre aux voeux exprimés par ledit conseil de ville dans lesdites résolutions?

L'honorable M. Weir (Argenteuil): 1. Oui.

2. Oui.

3. À l'étude.

Location du lac Supérieur de Saint-Faustin

M. Prévost (Terrebonne) attire l'attention du gouvernement sur le fait que le département de la Colonisation a loué pour $40 le lac Supérieur de Saint-Faustin, dans la région du Nominingue. Or il avait été promis aux résidents et aux propriétaires de maisons de pension qu'on ne louerait pas le lac. Il croit qu'il serait justice envers ces personnes qui, sur cette promesse, ont fait des dépenses, d'annuler le bail. Il ajoute que cela lèse les intérêts des résidents et des gens qui visitent cette région pendant l'été.

L'honorable M. Devlin (Nicolet): Le ministère verra à donner justice aux intéressés.

Imposition d'une licence aux agents de commerce

M. D'Anjou (Rimouski) propose, appuyé par le représentant de Québec-Centre (M. Leclerc), qu'il soit résolu:

Qu'attendu que des agents de commerce vendant des orgues, des pianos, des harmoniums, des moulins à coudre, des moulins à laver, des instruments agricoles de toutes sortes, des centrifuges, des voitures et surtout des voitures de luxe parcourent les différentes campagnes de cette province pour y placer leurs marchandises et font faire élection de domicile à leurs acheteurs dans les endroits autres que le district où ils résident;

Attendu que ces agents de commerce ne sont nullement tenus de se procurer une licence quelconque des municipalités dans lesquelles ils opèrent;

Cette Chambre émette le voeu qu'il serait opportun d'amender les lois de cette province de manière à astreindre ces agents de commerce à la nécessité d'obtenir une licence préalable des municipalités dans lesquelles ils opèrent afin qu'un contrôle effectif puisse être exercé sur leurs transactions et afin que le public en général puisse être protégé.

En vertu de la loi actuelle, ils peuvent obtenir une licence de la ville où ils ont leur domicile, bien que celle-ci puisse être très éloignée de l'endroit où ils font leurs ventes. Certains agents qui vendent des pianos, des machines ou des instruments agricoles font signer à leurs acheteurs des contrats, souvent en langue anglaise, leur faisant élire domicile, aux fins de la vente, dans des villes éloignées: Québec, Montréal ou même Toronto. S'il se produit des difficultés, l'acheteur se trouve souvent dans la presque impossibilité d'obtenir justice à cause de cette clause du domicile. Dans tous les cas, elle lui cause toujours des frais supplémentaires.

Afin de protéger le public en général, il suggère que le gouvernement donne le droit aux municipalités d'imposer des taxes aux agents de commerce qui parcourent les campagnes, vendant des pianos, des moulins à coudre, des instruments agricoles, etc. Il croit que cela permettra de contrôler ces ventes dont le principal inconvénient est qu'on amène les acheteurs à élire domicile dans des districts étrangers.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) remarque que la suggestion est excellente, mais il demande au député de Rimouski plus de détails sur son application. Il dit qu'un contrôle plus direct serait à conseiller, mais il ne croit pas qu'une taxe soit le moyen de remédier au mal. Il demanderait au député de Rimouski de modifier sa motion de façon à permettre au gouvernement d'étudier le meilleur moyen à prendre.

M. Tellier (Joliette) se prononce en faveur d'accorder ce contrôle aux municipalités. Il fait remarquer le danger qui ressort des contrats que font signer ces agents. En effet, par ces contrats, les agents font élire domicile à l'acheteur, ignorant des chinoiseries de la loi, à des endroits éloignés du lieu où il demeure.

La proposition du député de Portneuf (l'honorable M. Gouin) est prise en considération.

M. D'Anjou (Rimouski) propose, appuyé par le représentant de Québec-Centre (M. Leclerc), qu'il soit résolu:

Qu'attendu que certains agents de commerce vendant des orgues, des pianos, des moulins à coudre, des moulins à laver, des instruments agricoles de toutes sortes, des centrifuges, des voitures et surtout des voitures de luxe parcourent les différentes campagnes de cette province pour y placer leurs marchandises et font faire élection de domicile à leurs acheteurs dans les endroits autres que le district où ils résident;

Attendu que ces agents de commerce ne sont nullement tenus de se procurer une licence quelconque des municipalités dans lesquelles ils opèrent;

La Chambre émette le voeu qu'il serait opportun d'amender les lois de cette province de manière à protéger les intérêts des citoyens de cette province contre les agissements de ces agents.

Adopté.

Frais de sténographie dans les enquêtes judiciaires

M. Plante (Beauharnois) propose, appuyé par le représentant de Laprairie (M. Patenaude), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de tous documents, résolutions et correspondance échangée entre le gouvernement, ou aucun de ses membres, pour la diminution des frais de sténographie dans les enquêtes judiciaires, pour que les enquêtes préliminaires soient faites aux dépens de la couronne, devant les magistrats de district et devant les cours ayant juridiction criminelle, et relativement aux moyens à prendre pour rendre notre système judiciaire plus expéditif et moins coûteux. Depuis quelques mois, on se plaint partout que les frais judiciaires sont trop élevés, surtout ceux de sténographie. Il démontre aussi que la justice n'est pas aussi expéditive qu'elle devrait être. Il se plaint des fortes dépenses qu'entraînent les enquêtes préliminaires. Actuellement, ces frais sont à la charge du demandeur et souvent celui-ci, effrayé de ces déboursés, s'abstient de déposer une plainte, et le résultat est que souvent des infractions et des crimes restent ainsi impunis, au grand scandale du public. Ce qui donne une mauvaise impression de l'application de la justice.

Il cite plusieurs causes où les frais se sont élevés considérablement. Que le plaignant ait raison ou non, il lui faut payer les frais. Pour remédier au mal, il suggérerait que, à chaque cour de district, un avocat représentant la couronne, qui n'aurait pas intérêt à faire des frais, soit chargé de préparer les enquêtes préliminaires devant les magistrats. Ces derniers verraient à ce qu'il y ait des termes criminels plus souvent dans les districts ruraux. On pourrait avoir ces termes au fur et à mesure que le besoin s'en ferait sentir. Le plaignant paierait un timbre d'inscription, mais les frais de l'enquête seraient à la charge de la couronne quand le prévenu est envoyé en prison.

Il déclare que les dépenses de sténographie expliquent en partie le coût élevé des frais judiciaires. Il trouve le tarif beaucoup trop élevé et cette charge trop onéreuse pour les clients. Il y a 10 ans, il était difficile de trouver de bons sténographes. Un taux de 12 cents par 100 mots était donc raisonnable. Toutefois, depuis ce temps, la sténographie a été "vulgarisée". On l'enseigne maintenant dans les couvents, les collèges, les écoles normales et supérieures. Mais, malgré le fait qu'elle soit enseignée un peu partout, les tarifs sont aujourd'hui plus élevés qu'il y a 10 ans. Dans plusieurs cas, les sténographes judiciaires ne transcrivent pas leurs propres notes. Et, encore là, les coûts restent immanquablement plus élevés que les frais d'avocats. Dans des cas s'élevant à $200, les frais de sténographie se chiffrent souvent à $125. Dans certains cas, ils vont même jusqu'à atteindre $400, $700 ou $1000. Et, dans ces mêmes cas, les frais d'avocats demeurent habituellement les mêmes. En Ontario, le tarif payé par page n'est que de cinq cents.

Voici donc ce qu'il propose comme solution: 1. Le gouvernement devrait établir un salaire régulier de $1000 ou $1500 pour les sténographes au lieu d'un tarif par mot. En même temps, on abaisserait le tarif actuellement en vigueur. Il croit que les sténographes devraient être des employés civils comme dans Ontario. 2. Le gouvernement pourrait autoriser un cours afin de déterminer qui sont les meilleurs sténographes, à la fois en anglais et en français. 3. Les noms des personnes les plus qualifiées seraient soumis au procureur général. 4. Un sténographe serait nommé pour chaque juge et agirait aussi comme commis. 5. On pourrait créer un fonds spécial pour les sténographes. Pour tous les cas qui coûteraient moins de $500 le dépôt spécial serait de $2; pour les cas de plus de $500, le dépôt serait fixé à $5, les deux parties en cause ayant à se partager le coût du dépôt. Le fonds constitué à même ces dépôts serait suffisant pour payer les salaires des sténographes. 6. Les sténographes auraient droit à un tarif supplémentaire de cinq cents par page pour les copies en plus de l'original et de deux et demi pour chaque copie additionnelle.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Cette question est très importante et une réforme ne pourra que faciliter et accélérer l'administration de la justice.

Il croit remarquer sur certaines figures des traces d'ennui et il ne pense pas se tromper en concluant que du côté ministériel on n'aime guère ces questions qui sont pourtant de première importance pour les justiciables de cette province. Le système de sténographe tel qu'appliqué actuellement est injuste. Le sténographe est employé pour suppléer à la mémoire du juge et, par conséquent, devrait être payé par la province. Il n'y a pas plus de raisons pour faire payer la sténographie par les parties que de leur faire payer le salaire des juges. Le sténographe sert autant au juge qu'au plaideur. Il est donc juste que la province paie une partie de la dépense. Au lieu de bâtir des palais de justice et des prisons, le gouvernement devrait plus s'occuper des contribuables.

Il demande au gouvernement de prendre les moyens nécessaires afin de réduire les frais encourus par les parties en cause.

M. Prévost (Terrebonne) prend la parole.

M. Geoffrion (Verchères) dit que le député de Jacques-Cartier devrait non seulement exiger des sténographes, mais aussi des phonographes qui coûtent environ $100 et qui pourraient remplacer les sténographes. Ils donnent une reproduction beaucoup plus fidèle et ne demanderaient pas d'augmentation de salaires. Ils sont donc mieux conçus pour satisfaire aux désirs de l'opposition.

Il croit qu'il serait opportun d'étudier la question de charger des frais de témoins contre une des parties dans les poursuites criminelles et d'amender le code dans ce sens. De toute façon, le gouvernement étudiera la question.

M. Francoeur (Lotbinière) s'étonne que le député de Jacques-Cartier (M. Cousineau) ait fait de la politique sur un tel sujet. Pour lui, il trouve les frais de sténographie énormes et croit que le gouvernement devrait étudier cette question pour améliorer la situation actuelle. Il approuve la suggestion du député de Beauharnois (M. Plante) au sujet des frais de sténographie.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit que la première question est de réduire les frais de sténographie. Il prend la défense des sténographes et déclare qu'il connaît bien le métier, ayant déjà été lui-même sténographe officiel. Un sténographe qualifié pour remplir ses fonctions ne peut travailler à un salaire moindre que $1500 par année.

Si la province les payait au lieu de les faire payer par les parties, ce serait la même chose, avec cette différence que tout le monde payerait sa part au lieu que le système actuel ne fait payer que ceux qui plaident.

Cela entraînera une dépense de $50 000 à $75 000. Va-t-on obliger les populations de la campagne à payer cette somme en faveur des plaideurs? Dans Ontario, la province paie les sténographes, mais charge le prix aux plaideurs. Ou la province payera la dépense, ou les plaideurs la paieront, tout est là. On a déjà cherché à abaisser le tarif et on a trouvé que ce n'était pas praticable. Qu'on lui suggère un moyen de diminuer ces frais, et le gouvernement sera des plus heureux de l'adopter.

Il demande au député de Beauharnois (M. Plante) de déposer copie de ses suggestions pour étude et demande le concours de toutes les bonnes volontés pour aider le gouvernement à exécuter les réformes qui peuvent être requises pour la meilleure administration de la justice.

Quant aux enquêtes préliminaires, on nous dit que dans d'autres provinces c'est le gouvernement qui les paie. C'est vrai, mais il se fait rembourser tous les frais par les municipalités de comtés. Croit-on que les municipalités sont prêtes à assumer ces charges? Est-il mieux de garder notre système actuel, en vigueur en Angleterre, où chaque plaideur paye ses frais? Il s'agit de savoir ce qu'en pensent les contribuables. Si la province assume cette dépense, elle devra prélever un revenu par une taxe pour la payer, taxe sur la province ou sur les municipalités. Voilà la situation.

Quant à nommer des avocats dans tous les districts pour préparer l'enquête préliminaire, cela entraînerait, avec les dépenses inhérentes, une dépense de $100 000. Si la députation croit que c'est utile et que ce système s'impose, le gouvernement l'adoptera. Mais, d'ici à la prochaine session, que les députés réfléchissent mûrement sur cette question.

M. Prévost (Terrebonne) croit qu'il y a matière à réforme en matière de justice criminelle. Parlant pour la région du Nord qu'il connaît le mieux, il dit que les neuf dixièmes des crimes, à part le meurtre, restent impunis parce que les citoyens qui en sont victimes n'ont pas les moyens de payer les frais d'une citation en justice.

M. Tellier (Joliette): Il faut faire une différence entre les frais de justice d'intérêt général et les frais de justice d'intérêt privé. Quand un citoyen porte une plainte pour infraction aux lois publiques, il parle au nom de la société. À première vue, il semble donc que les frais, dans un tel cas, devraient être à la charge de la société. Si l'on ouvrait les portes toutes grandes, il y aurait donc danger d'abus. D'un autre côté, puisque l'intérêt de la société est en jeu, il est juste qu'elle paye sa part de déboursés. On dit que la province fait déjà sa part. Pourquoi ne ferions-nous pas un peu plus en payant tous les frais lorsqu'il y a matière à emprisonnement? De cette façon on éviterait l'abus parce que celui qui porterait plainte sans pouvoir rien prouver serait comme aujourd'hui obligé de payer tous les frais tandis qu'une plainte pour cause réelle impliquant l'intérêt public serait à la charge de la société.

Quant aux frais de justice dans les poursuites d'intérêt civil, la communauté en paye déjà une certaine partie, mais la question suggérée par le député de Beauharnois (M. Plante) ne mérite pas moins d'être étudiée. Pourquoi, par exemple, nous obliger aux frais de toute la transcription lorsque nous n'avons besoin que d'une certaine partie des dépositions? Les honoraires des sténographes sont souvent plus élevés que ceux des avocats.

Quant au sténographe, il croit qu'on pourrait le payer, comme le protonotaire, par une répartition moyenne sur toutes les causes.

M. Francoeur (Lotbinière) partage la même opinion.

M. Langlois (Montréal no 3): Les plaintes des contribuables du district de Montréal sont générales. Les citoyens de Montréal se plaignent des lenteurs et des frais énormes de la justice à Montréal. Cela prend un ou deux ans pour obtenir un jugement. Les frais de justice atteignent des montants fabuleux.

Il croit que le gouvernement devrait nommer un enquêteur pour étudier les meilleures réformes à faire. Car il s'impose de trouver enfin un système de justice prompte et peu coûteuse. Il faut absolument faire quelque chose.

M. Plante (Beauharnois): Si l'on exigeait un honoraire additionnel de $10 pour chaque cause contestée, le revenu de cette source donnerait au gouvernement plus que la somme nécessaire pour payer les sténographes.

La proposition est adoptée.

 

Dépôt de documents:

Droit de $200 sur la licence octroyée par les municipalités

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 7 mai 1909, pour la production de copie de documents et correspondance en rapport avec la disposition de la loi des licences qui impose un droit de $200 sur l'unique licence octroyée dans certaines municipalités. (Document de la session no 145)

Compagnies détentrices de lettres patentes au Lac-Saint-Jean et à Chicoutimi

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 19 avril 1909, pour la production d'un état indiquant le nom de toutes les compagnies ayant obtenu des lettres patentes depuis 1900 et faisant affaire au Lac-Saint-Jean et à Chicoutimi, le nom de leurs actionnaires respectifs, le chiffre de leur capital, le montant payé par chacune lors de l'émanation des lettres patentes, le montant dû chaque année par chacune au Trésor de la province et la date du paiement de chacun de ces montants. (Document de la session no 146)

Pouvoir d'eau sur la rivière du Nord

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 3 mai 1909, pour la production de copie de tous contrats, correspondance et documents en rapport avec un pouvoir d'eau sur la rivière du Nord, vis-à-vis le lot 419 du cadastre de la paroisse de Saint-Jérôme, dans le comté de Terrebonne. (Document de la session no 147)

Plaintes contre The Colonial Lumber Company of Pembrooke

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous documents et correspondance en rapport avec des plaintes formulées aux différents départements, par un colon du nom de Jacob Morin, du canton Guérin, contre The Colonial Lumber Company of Pembrooke, et du R. P. Laniel et autres personnes à ce sujet. (Document de la session no 148)

Licences de débits de liqueurs alcooliques dans la municipalité de De Lorimier

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous décrets administratifs, rapports, correspondance et documents quelconques relatifs à l'émission des licences d'auberge et autres débits de liqueurs alcooliques dans la municipalité de De Lorimier, pour les années 1907, 1908 et 1909. (Document de la session no 149)

Licences de débits de liqueurs alcooliques dans la municipalité de Saint-Pierre

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 28 avril 1909, pour la production de copie de tous décrets administratifs, rapports, correspondance et documents quelconques relatifs à l'émission des licences d'auberge et autres débits de liqueurs alcooliques dans la municipalité de la ville Saint-Pierre, pour les années 1907, 1908 et 1909. (Document de la session no 150)

Compagnie La Nationale

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 6 mai 1909, pour la production de copie des lettres patentes constituant en compagnie La Nationale, ainsi que copie de toute requête et de documents produits par toutes personnes demandant la constitution en corporation de ladite compagnie. (Document de la session no 151)

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 12 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 3 heures.

 

Rapports de comités:

M. Cardin (Richelieu): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le sixième rapport du comité spécial du code municipal. Voici le rapport:

Votre comité a examiné le bill suivant et l'a adopté avec un amendement:

- bill 162 amendant le code municipal concernant les élections des conseillers locaux.

Loi de la chasse de Québec

M. Geoffrion (Verchères) demande la permission de présenter le bill 228 amendant l'article 1400 de la loi de la chasse de Québec.

Cet amendement permet de chasser le canard sauvage la nuit.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Preuve littérale

M. Lemieux (Gaspé) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 172 amendant l'article 1220 du code civil relativement à la preuve littérale.

Adopté.

 

En comité:

Le comité étudie l'article 1 qui se lit comme suit:

"1. L'article 1220 du code civil, tel qu'amendé par la loi 62 Victoria, chapitre 49, section 1, est de nouveau amendé en ajoutant les mots suivants au premier alinéa du paragraphe 7: "ou dans le comté de Gaspé, les copies certifiées par le protonotaire de la Cour supérieure du district de Gaspé desdits écrits et documents qui ont été déposés préalablement au bureau dudit protonotaire."

L'article 1 est amendé en retranchant après le mot "en" tous les mots et en les remplaçant par ce qui suit: "y ajoutant le paragraphe suivant: "8. Dans le comté de Gaspé, la copie expédiée par le protonotaire d'une procuration faite hors de la province de Québec en présence d'un ou de plusieurs témoins et authentiquée par le maire ou autre fonctionnaire public du pays d'où elle est datée; telle copie étant prise sur l'original déposé et conservé à son bureau parmi les archives de la Cour supérieure."

Et ledit article est adopté.

L'article 2 est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

M. Lemieux (Gaspé) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Exécuteurs testamentaires

M. Mousseau (Soulanges) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 212 amendant l'article 913 du code civil relativement aux exécuteurs testamentaires.

Adopté.

 

En comité:

M. Mousseau (Soulanges): Ce bill stipule que, s'il y a plusieurs exécuteurs testamentaires, la majorité pourra agir en cas de divergence d'opinions, à moins qu'il n'en soit autrement décidé dans le testament ou dans tout autre document par lequel ils ont été nommés.

Des députés de l'opposition protestent énergiquement contre ce bill.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Mousseau (Soulanges) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

La proposition étant mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bissonnet, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Côté, Delisle, Devlin, Dion, Finnie, Gaboury, Gendron, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kelly, Laferté, Langlois, Mackenzie, Morisset, Mousseau, Neault, Pilon, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Tourigny, Walsh, 29.

Contre: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Anjou, D'Auteuil, Francoeur, Gault, Giard, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Létourneau, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Séguin, Sylvestre, Tellier, Tessier, 19.

Ainsi, la proposition est résolue dans l'affirmative.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Loi de l'instruction publique concernant les commissaires et syndics d'écoles

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 179 amendant la loi de l'instruction publique concernant les commissaires et les syndics d'écoles.

Adopté.

 

En comité:

M. D'Auteuil (Charlevoix): Ce bill rend éligible au poste de commissaire d'écoles ou de syndic d'écoles le mari dont la femme possède la qualification requise. Ce même amendement a déjà été fait à la loi municipale.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Construction et réparation des églises, presbytères et cimetières

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 178 amendant les statuts refondus relativement à la construction et à la réparation des églises, presbytères et cimetières.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Code municipal

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 181 amendant le code municipal.

Adopté.

 

En comité:

M. D'Auteuil (Charlevoix): Le projet d'amendement au code municipal est pour perfectionner le système d'organisation des élections municipales. Ce bill substitue à l'appel au lieutenant-gouverneur pour le choix des conseillers, lorsqu'il n'y aura pas eu d'élection le jour fixé, une nouvelle élection par les contribuables.

L'honorable M. Caron (L'Islet) s'objecte à ce changement, parce qu'il peut donner lieu à la fraude.

M. Prévost (Terrebonne): C'est au contraire une loi très libérale.

M. Lavergne (Montmagny): C'est pour cela que le gouvernement ne la comprend pas.

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

Loi des cités et villes

M. Geoffrion (Verchères) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 171 amendant la loi des cités et villes, 1903.

Adopté.

 

En comité:

M. Geoffrion (Verchères): Ce bill donne droit aux municipalités de construire les trottoirs à la charge des propriétaires. Cela, dans le but d'assurer l'unité de construction et même qualité de matériaux.

Le comité étudie l'article 1 qui se lit comme suit:

"1. Le paragraphe 3 de l'article 386 de la loi 3 Édouard VII, chapitre 38, est amendé:

"a. En y ajoutant après les mots: "ou du chemin," dans la cinquième ligne, les mots: "ou dans un rayon déterminé par le conseil";

"b. En y ajoutant après les mots: "ces trottoirs," dans la huitième ligne, les mots: "pour les faire et les entretenir aux frais des propriétaires riverains ou du côté opposé de la rue ou du chemin ou des propriétaires dans un rayon déterminé par le conseil."

Cet article est amendé et se lit désormais comme suit:

"1. Le paragraphe 3 de l'article 286 de la loi 3 Édouard VII, chapitre 38, est amendé en y ajoutant les mots suivants: "ou aux frais des propriétaires riverains ou du côté opposé de la rue ou d'une partie de la municipalité, au moyen d'une répartition spéciale sur iceux."

Et ledit article est adopté.

L'article 2 est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

M. Geoffrion (Verchères) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec

M. Mousseau (Soulanges) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 215 amendant la loi concernant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec.

Adopté.

 

En comité:

M. Galipeault (Bellechasse) propose en amendement que les écoles dentaires universitaires de McGill et Laval ne soient pas obligées de rendre de comptes au collège des dentistes.

M. Langlois (Montréal no 3) proteste contre cet amendement. Il dit que c'est l'association des dentistes qui fait subsister l'école dentaire, puisque c'est elle qui fournit l'infirmerie dentaire où se font les véritables études des étudiants. Cette association a donc droit, puisqu'elle contribue à l'école, d'avoir des comptes. Actuellement, on ignore complètement où va l'argent.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) et M. Galipeault (Bellechasse) soutiennent que l'école relève de l'université et non des dentistes.

M. Côté (Saint-Sauveur) et M. Séguin (Montréal no 1) se prononcent contre l'amendement.

L'amendement est rejeté sur division. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Mousseau (Soulanges) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Qualité foncière des échevins

M. Tourigny (Arthabaska) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 219 amendant l'article 108 de la loi des cités et villes, 1903, relativement à la qualité foncière des échevins.

Ce bill réduit de $600 à $400 la qualification foncière dans les villes de moins de 5000 âmes.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Tourigny (Arthabaska) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Loi du barreau de la province de Québec

M. Mousseau (Soulanges) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 203 amendant la loi du barreau de la province de Québec.

Ce bill a pour but d'interdire aux agences de collection de représenter des clients dans des causes soumises aux cours criminelles.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Mousseau (Soulanges) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Sessions des conseils municipaux

M. Vilas (Brome) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 210 amendant le code municipal concernant les sessions des conseils municipaux.

Ce billl stipule que les conseillers municipaux ne pourront tenir d'assemblée dans des lieux où des liqueurs enivrantes seront vendues.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Vilas (Brome) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Confection du rôle d'évaluation

M. Lemieux (Gaspé) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 186 amendant l'article 716 du code municipal relativement à la confection du rôle d'évaluation soit maintenant lu une deuxième fois.

Ce bill stipule que certains changements seront apportés dans la façon d'établir les rôles d'évaluation des municipalités.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

M. Lemieux (Gaspé) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Lemieux (Gaspé) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Placement des biens appartenant à autrui

M. Galipeault (Bellechasse) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Témiscouata (M. Dion), que le bill 220 amendant l'article 981o du code civil relativement au placement des biens appartenant à autrui soit maintenant lu une deuxième fois.

Par ce bill, on accorde aux compagnies de fiducie le droit d'investir l'argent qui leur a été confié dans les entreprises faisant affaire dans d'autres parties du dominion, et non plus seulement dans Québec.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe), M. Tellier (Joliette), M. Lévesque (Laval) et M. Geoffrion (Verchères) protestent énergiquement contre ce bill, qui drainera le capital hors de notre province et enlèvera aux entreprises locales les fonds dont elles ont besoin.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) le dénonce comme une tentative pour favoriser l'immigration des capitaux de la province de Québec dans l'Ouest, où ils peuvent obtenir un intérêt plus élevé pour un temps, mais où ils sont aussi plus exposés aux désastres de la spéculation.

M. Galipeault (Bellechasse) défend son bill.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) prend la parole.

M. Tellier (Joliette): On ne peut entretenir un instant l'idée d'envoyer en dehors de Québec les capitaux de notre province qui seront exposés aux fluctuations de n'importe quelle législation. Ce bill devrait être étouffé tout de suite, mais il n'ose plus demander trop à une Chambre qui ne vote plus que par esprit de parti.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Ah!

M. Tellier (Joliette): Comment, Ah! Mais, à part deux ou trois exceptions, n'a-t-on pas vu depuis le commencement de la session les députés se diviser par lignes de parti sur presque toute la législation privée? Qui peut dire le contraire?

M. Lévesque (Laval) déclare qu'il est contre le bill.

M. Geoffrion (Verchères) parle dans le même sens.

M. Galipeault (Bellechasse) propose, appuyé par le représentant de Témiscouata (M. Dion), que le débat soit ajourné.

Adopté.

 

Demande de documents:

Correspondance au sujet de l'écoulement des eaux dans
les paroisses de Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup

M. Lafontaine (Maskinongé) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 5 (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toutes correspondances et de tous documents quelconques échangés entre le gouvernement et les cultivateurs de la paroisse de Saint-Joseph de Maskinongé et Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup, comté de Maskinongé, concernant l'écoulement des eaux dans ces différentes paroisses.

Il demande de l'aide au gouvernement pour l'écoulement des eaux dans Saint-Joseph de Maskinongé et Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) promet de transmettre sa requête au ministre de la Colonisation.

Adopté.

Colonisation dans le comté de Maskinongé

M. Lafontaine (Maskinongé) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 5 (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toutes correspondances et de documents quelconques échangés entre le gouvernement et les autorités et tout citoyen de Saint-Alexis des Monts concernant la colonisation dans le nord du comté de Maskinongé.

Il demande aussi que le gouvernement continue d'aider aux colons qui sont allés s'établir dans Saint-Alexis des Monts. Il proteste encore une fois contre les conclusions de l'inspecteur Piché, qui a déclaré cette région impropre à la culture. Il connaît le terrain et il affirme qu'il y a là de très belles terres.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) répond encore qu'il fera la commission au ministre de la Colonisation.

Adopté.

Instruction publique dans la municipalité scolaire de la ville de Louiseville

M. Lafontaine (Maskinongé) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 5 (M. Gault), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toutes correspondances et de documents quelconques échangés entre le gouvernement et les contribuables de la municipalité scolaire de la ville de Louiseville, concernant l'instruction publique.

Il demande une subvention pour l'Académie commerciale de Louiseville, pour laquelle les citoyens font de grands sacrifices et qui a besoin d'aide.

M. Tessier (Trois-Rivières) appuie cette demande.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) profite de l'occasion pour faire remarquer que la politique de l'opposition en matière d'instruction publique est d'encourager toutes les institutions existantes qui méritent encouragement.

Adopté.

Maisons d'écoles dans le comté de Charlevoix

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, appuyé par le représentant de Shefford (M. Bernard), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toutes requêtes, correspondance et de tous documents relatifs à tout octroi ou aide demandé ou accordé pour l'amélioration ou la construction des maisons d'écoles dans le comté de Charlevoix depuis le 30 juin 1904.

Adopté.

Subventions pour les écoles du soir dans le comté de Charlevoix

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, appuyé par le représentant de Shefford (M. Bernard), qu'il soit mis devant cette Chambre une liste de demandes de subventions pour les écoles du soir, dans le comté de Charlevoix, depuis le 30 juin 1904, avec indication: 1. de la situation de chacune de ces écoles, savoir: dans quel rang ou quel village, de quelle municipalité et 2. du montant payé ou accordé à chacune d'elles.

Adopté.

Chemins dans le comté de Charlevoix

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, appuyé par le représentant de Shefford (M. Bernard), qu'une humble adresse soit présentée à Son Honneur le lieutenant-gouverneur, le priant de bien vouloir mettre devant cette Chambre copie de toutes requêtes et correspondance, de tous arrêtés en conseil ou décret de tout membre du gouvernement relatifs à l'ouverture, à la construction, à l'amélioration ou à l'entretien de tous chemins dans le comté de Charlevoix depuis le 30 juin 1904.

Adopté.

Il est ordonné que ladite adresse soit présentée à Son Honneur par ceux des membres de cette Chambre qui font partie de l'honorable Conseil exécutif de cette province.

Érection d'un monument à Mgr Labelle

M. Prévost (Terrebonne) propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de tous documents et correspondance relatifs à l'érection d'un monument à Mgr Labelle, l'apôtre de la colonisation dans cette province.

Il demande au gouvernement, au nom des centres de colonisation, de bien vouloir contribuer à l'érection d'un monument que la ville de Saint-Jérôme se propose d'élever au curé Labelle.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit que le gouvernement apprécie la grande oeuvre du curé Labelle. Il ne peut engager le gouvernement sans consulter le cabinet, mais il est convaincu que le gouvernement sera heureux d'aider la ville de Saint-Jérôme à réaliser cette excellente idée.

Adopté.

Soeurs de l'Assomption de la Sainte Vierge

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 5 (M. Gault), que l'honoraire payé pour le bill 110 refondant et amendant la loi constituant en corporation les soeurs de l'Assomption de la Sainte Vierge soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que cette loi a pour objet une oeuvre de charité et d'éducation.

Adopté.

Soeurs de la Miséricorde de Montréal

M. Lévesque (Laval) propose, appuyé par le représentant d'Ottawa (M. Gendron), que l'honoraire payé pour le bill 78 autorisant la cession, par la corporation de l'évêque catholique romain de Montréal, d'un certain terrain à la communauté des soeurs de la Miséricorde de Montréal soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill concerne une institution religieuse.

Adopté.

St. Anthony's Guild

M. Walsh (Montréal no 6) propose, appuyé par le représentant de Huntingdon (M. Walker), que l'honoraire payé pour le bill 113 constituant en corporation St. Anthony's Guild soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill concerne une société de bienfaisance et de charité.

Adopté.

The Greek Orthodox Church Evangelismos of Montreal

M. Walsh (Montréal no 6) propose, appuyé par le représentant de Laval (M. Lévesque), que l'honoraire et l'amende payés pour le bill 146 constituant en corporation The Greek Orthodox Church Evangelismos of Montreal soient remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill concerne une institution religieuse.

Adopté.

The North Eastern Railway Company

M. Langlois (Montréal no 3) propose, appuyé par le représentant de Gaspé (M. Lemieux), que l'honoraire payé pour le bill 144 concernant The North Eastern Railway Company soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill a été envoyé au greffier des bills privés dans les délais requis par les règlements de cette Chambre.

Adopté.

Code municipal, article 283

M. Langlois (Montréal no 3) propose, appuyé par le représentant de Gaspé (M. Lemieux), que le bill 189 amendant l'article 283 du code municipal soit remis sur les ordres du jour pour la deuxième lecture.

Adopté.

 

Interpellations:

École des hautes études commerciales

M. Cousineau (Jacques-Cartier): 1. De quelles personnes ou successions la corporation de l'École des hautes études commerciales a-t-elle acheté des terrains pour les fins de la construction de ladite école?

2. Quel prix a-t-elle payé pour chacun de ces terrains?

3. Quels notaires ont passé les actes d'achat de ces terrains?

4. Quel est le montant du contrat accordé par cette corporation pour les fins de construction de cette école?

5. Quel est le nom de l'entrepreneur chargé de la construction?

6. Quel est le nom de l'architecte?

7. Quel montant a été actuellement payé à l'entrepreneur et à l'architecte, respectivement?

8. Quel est le nom du principal chargé de la direction de cette école?

9. Quels sont son origine, sa nationalité, son salaire, son terme d'engagement?

10. Quelles sont les fonctions de ce principal?

11. Qu'a-t-il fait depuis le commencement de son engagement?

12. Y a-t-il un programme d'études actuellement préparé pour les cours de cette école?

13. Y a-t-il des professeurs actuellement engagés?

14. Y en a-t-il qui se préparent à donner des cours dans cette école?

15. Quels sont les noms?

16. Par qui ont-ils été engagés?

17. Quel est leur salaire?

L'honorable M. Roy (Kamouraska): 1 et 2.

Juge A. Ouimet

$18 000

L.-T. Brodeur

18 000

De S. Terroux "et al."

10 500

A.-J. Gauthier (Lanctôt)

17 000

L'Union Nationale Française

18 000

J. Bénard

15 500

N. Malchelosse "et al."

9 010

Successsion J. C. Lacroix

          250

 

$106 260

3.Valmer Lamarche et Édouard Biron.

4.$390 000.

5.Joseph Bourque.

6.L.-Z. Gauthier.

7.À l'entrepreneur, $70 318.80; à l'architecte, $5350.

8.A. J. DeBray.

9.M. DeBray est belge. Son salaire est de $3500 par année, avec, en plus, le logement. Son terme d'engagement est de trois ans.

10. Celle indiquée à la section 10, 7 Édouard VII, chapitre 26.

11. Le principal a préparé le programme d'études et le projet d'établissement des cours qui doivent être donnés à l'école. En général, il a fait tous autres préparatifs nécessaires à l'établissement et au maintien de l'école.

12. Le programme d'études est actuellement sous la considération de la corporation de l'école.

13. Non.

14. Oui.

15. Édouard Montpetit.

16. Par la corporation de l'école.

17. M. Montpetit reçoit une allocation de $100 par mois.

La séance est levée à 6 heures.

 

Troisième séance du 12 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 8 h 30.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté les messages suivants:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 2 amendant la loi de l'instruction publique concernant les arrondissements scolaires, les dissidents et la pension des fonctionnaires et de leurs veuves;

- bill 7 amendant la loi concernant les compagnies de fidéicommis;

- bill 50 amendant la loi accordant une subvention annuelle à certaines municipalités pour la confection et l'entretien des chemins;

- bill 191 amendant les statuts refondus relativement aux dispositions spéciales applicables aux cités, villes et autres corporations;

- bill 194 amendant les statuts refondus relativement à la fermeture des auberges.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 103 amendant la charte de l'Association de l'exposition industrielle de Montréal.

Association de l'exposition industrielle de Montréal

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 103 amendant la charte de l'Association de l'exposition industrielle de Montréal.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Il est ordonné que le greffier reporte le bill au Conseil législatif et informe Leurs Honneurs que cette Chambre a adopté leurs amendements.

The Terrace Land Company Limited

M. Langlois (Montréal no 3) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 153 obligeant la ville de Montréal à faire disparaître du plan de la cité les lignes homologuées de la continuation de l'avenue Ontario et de la continuation de la rue de la Montagne en haut de la rue Sherbrooke, ou à exproprier la propriété de la compagnie, The Terrace Land Company Limited, située entre lesdites lignes.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Langlois (Montréal no 3) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Charte de Lévis

La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 119 amendant la charte de la ville de Lévis.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés.

Il est ordonné que le greffier reporte le bill au Conseil législatif et informe Leurs Honneurs que cette Chambre a adopté leurs amendements.

The North Eastern Railway Company

L'ordre du jour appelle la Chambre à adopter les amendements du Conseil législatif faits au bill 221 concernant The North Eastern Railway Company.

M. Langlois (Montréal no 3) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Gaspé (M. Lemieux), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif informant Leurs Honneurs que cette Chambre ne peut adopter les amendements faits au bill, parce que ces amendements changent l'économie dudit bill.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce message au Conseil législatif.

Publication de la lettre du père Mouttet dans le Soleil

M. Prévost (Terrebonne) soulève un point d'ordre. Il proteste contre la publication incomplète de la lettre du père Mouttet par le Soleil, l'organe du gouvernement. Il se plaint que le texte de la lettre du père Mouttet a été tronqué et qu'au lieu de lire: "grâce à l'instigation de M. Jean Prévost" il faut lire: grâce à la protection et peut-être à l'instigation de M. Jean Prévost.

Avant que la séance soit levée hier, vers un peu plus de 1 heure du matin, l'Orateur a réservé sa décision sur une question d'ordre. Il s'agissait de savoir si le député de Bonaventure avait le droit de produire une lettre contenant des insinuations portées contre lui (M. Prévost). Après que la séance a été levée, le député de Bonaventure a distribué des copies de son discours aux membres de la galerie de la presse et ils ont tous publié la lettre de M. Mouttet à laquelle il (M. Prévost) s'opposait. Mais le Soleil a changé certains mots de cette lettre qui porte atteinte à sa réputation. La Chambre assiste donc à ce spectacle: un député se permet de passer une telle lettre avant même que l'Orateur ait pris une décision.

M. Kelly (Bonaventure) fait signe que non.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) voudrait savoir qui a communiqué la lettre aux journaux.

M. Prévost (Terrebonne): Le député de Bonaventure prétend qu'il n'a pas passé cette lettre aux journaux et moi, j'affirme qu'il l'a passée. Tous les journaux l'ont reproduite honnêtement, excepté le Soleil qui l'a tronquée suivant sa louable habitude. Tels maîtres, tels valets.

M. Kelly (Bonaventure): Le député de Terrebonne n'a pas à se plaindre de la publication d'une partie de la lettre, puisque c'est lui qui l'a lue mardi devant la Chambre et que ce n'est que la partie qu'il avait lui-même lue qui a été publiée. Et celle-ci figurant à un dossier officiel, les journaux avaient le droit de la rendre publique.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le député de Terrebonne n'a lu qu'une partie de la lettre. Tous les journaux ont publié la lettre au complet, y compris même les passages qui n'avaient pas été lus. Où se sont-ils procuré cette lettre? Les officiers de la Chambre ont tous quitté vers 1 h 30 du matin en amenant les documents avec eux. Le député de Bonaventure l'a fait dactylographier pour ensuite la distribuer. Il reste donc une question: Où les journaux se sont-ils procuré la lettre?

M. Kelly (Bonaventure): Si la lettre a été publiée, c'est parce que le député de Terrebonne l'a lue en Chambre. Cependant, je ne veux plus perdre de temps sur cette question. Et vous ne perdrez rien pour attendre, dit-il.

M. Prévost (Terrebonne): Le député de Bonaventure ne perd rien pour attendre.

Affaire Prévost-Kelly

M. l'Orateur rend, comme suit, sa décision sur les points d'ordre soulevés par le député de Terrebonne (M. Prévost) à la séance du 11 mai 1909:

À l'avant-dernière séance, l'honorable député de Terrebonne a soulevé la question d'ordre suivante: Le député de Bonaventure, ayant insinué que lui, le député de Terrebonne, s'était rendu coupable de spéculation sur les terres publiques pendant qu'il était ministre de la Couronne, doit ou retirer son insinuation ou porter une accusation directe ou mettre son siège au jeu, de manière qu'une enquête puisse être demandée.

Au cours de son discours, le député de Bonaventure a dit que le député de Terrebonne dans un discours précédent aurait lui-même insinué que lui (le député de Bonaventure) aurait fait de la spéculation sur les terres de la couronne dans son comté. À cela le député de Bonaventure a répondu: Je n'ai jamais été au Nominingue, mais si on consulte les documents officiels déposés devant cette Chambre nous y verrons que le révérend père André Mouttet, supérieur, C. M. I. C., et président de la Corporation des colons du Nord nous donne à entendre que le député de Terrebonne a été l'instigateur probable d'une spéculation dans le Nominingue.

Sommé de préciser par le député de Terrebonne ou de retirer cette insinuation, le député de Bonaventure a voulu commencer la lecture de la lettre en question et qui fait partie du dossier no 143 produit devant cette Chambre.

Le député de Terrebonne a immédiatement soulevé un point d'ordre à l'effet que le député de Bonaventure doit porter son accusation directement sans se servir de documents et préciser son accusation.

On ne peut, dans un discours, lire ou dire quoi que ce soit qui puisse porter atteinte à l'honneur de cette Chambre ou de l'un de ses membres. (Bourinot, 3e éd., p. 481 et s.)

Les paroles du député de Bonaventure réfèrent à une insinuation contenue dans le document en question. Après en avoir pris connaissance, je décide qu'il n'est pas permis au député de Bonaventure de lire ou commenter la lettre qui y est contenue, parce qu'elle contient des accusations graves contre le député de Terrebonne et qu'il serait contraire aux règles de cette Chambre d'en permettre la lecture.

Quant à l'autre point d'ordre soulevé par le député de Terrebonne pour faire retrancher du dossier no 143 une lettre en date du 13 avril 1908 et signée par le révérend père Mouttet, cette lettre fait partie d'un dossier dont la production a été faite par et en vertu d'un ordre de cette Chambre et je n'ai pas le pouvoir de contrevenir à un ordre de la Chambre qui a été exécuté.

Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts

La Chambre reprend le débat ajourné mardi, le 11 mai dernier, lors de la motion pour deuxième lecture du bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.

M. Kelly (Bonaventure): Au cours de mes remarques, hier soir, j'ai commencé à citer un article du Soleil qui comportait être le rapport du discours du député de Terrebonne (M. Prévost) prononcé à Saint-Jérôme en 1907, et je suis convaincu que le député de Terrebonne avait pris communication de cet article avant-hier soir. Lorsque je citais cet article, le député de Terrebonne s'est levé et a déclaré que ce qui était cité n'était qu'un article de rédaction et qu'il n'avait jamais rien dit dans le sens de l'article tel que rapporté par le Soleil et il m'a référé à l'Avenir du Nord, un journal partisan qui, disait-il, contenait le texte même de son discours en cette occasion. J'ai alors procédé à examiner l'Avenir du Nord et j'ai constaté que ce journal (qui, d'après le député de Terrebonne, l'avait rapporté textuellement) ... Et j'ai constaté que l'article du Soleil que j'avais commencé à lire se conformait en tous points, mot pour mot, avec celui de l'Avenir du Nord. J'ai lu des extraits de ces deux journaux qui sont identiques et, pour que cette honorable Chambre puisse juger et apprécier la valeur des déclarations du député de Terrebonne lorsqu'il nie l'article tel que paru dans le Soleil et l'admet dans l'Avenir du Nord, je vais déposer les deux journaux sur la table de cette Chambre pour que tous et chacun puissent les examiner et les apprécier à leur juste mérite. Cet incident est un exemple frappant de la manière d'agir du député de Terrebonne quand il se voit serré de près et qu'il ne peut en sortir.

M. Prévost (Terrebonne) soulève une question d'ordre. Le député de Bonaventure n'a pas le droit de produire des extraits de journaux car ils ne constituent aucune preuve dans cette affaire.

Il se réclame de la règle de la Chambre qui interdit à un député de déposer un journal devant la Chambre qu'après avoir donné un avis de motion la veille.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) demande au député de Terrebonne qu'il cite une règle de la Chambre.

M. Prévost (Terrebonne) se dit surpris de la demande du trésorier provincial. Évidemment, le trésorier provincial ne connaît rien de la procédure. S'il peut me citer une autorité obligeant un député à citer une règle de la Chambre ou s'il peut me citer une règle qui lui permette de produire ces documents, je vais m'asseoir.

Voilà donc une autre occasion où le trésorier provincial s'est encore levé pour se mettre les quatre pieds dans les plats. Aucun document ne peut être déposé sur la table sans un ordre de la Chambre ou sans le consentement unanime de la Chambre.

Il cite ensuite la clause 103 de l'article 911.

M. Kelly (Bonaventure): Hier, le député de Terrebonne m'a demandé de produire ces documents et, quand j'accepte de le faire, il s'y oppose.

M. Prévost (Terrebonne): Apparemment, le député de Bonaventure ne saisit pas très bien la procédure parlementaire. À la séance précédente, l'Orateur lui a dit à trois reprises qu'il était hors d'ordre et, ce soir, il est toujours hors d'ordre.

M. Kelly (Bonaventure) répond que, comme il ne veut pas retarder les travaux de la Chambre, il donnera un avis de motion pour la production de ces extraits de journaux.

M. Prévost (Terrebonne): Bien.

M. Kelly (Bonaventure): Je déclare dans tous les cas que les deux rapports sont les mêmes.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) fait remarquer que la citation du député de Bonaventure (M. Kelly) reproduite par le Soleil d'aujourd'hui n'est pas la reproduction du discours de Saint-Jérôme, mais bien celle de l'article publié en première page par le rédacteur de l'Avenir du Nord2.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): La question de privilège est vidée.

M. Kelly (Bonaventure): Les règles de cette honorable Chambre et la décision qui vient d'être rendue ne me permettent pas de lire une lettre officielle venant d'un homme très haut placé et qui nous exposait la manière d'agir du député de Terrebonne dans le Nominingue, et qui demandait au gouvernement de faire cesser cette gigantesque spéculation. Il me semble que, pour la réputation du député de Terrebonne, il aurait été préférable pour lui de ne point s'opposer à la lecture de cette lettre et des autres faits que j'aurais pu mettre devant cette Chambre. Si ces faits avaient été exposés, il aurait pu me répondre et les mettre au point si ce que disait ce révérend prêtre n'était pas juste. Le prêtre en question est le révérend Dom André Mouttet, père supérieur des chanoines réguliers de l'Immaculée Conception. Ce prêtre distingué est aussi le président de la Corporation des colons du Nord. Il était en position, lui, de nous dire ce qui se passait au Nominingue.

Étant donné que je n'ai pas une connaissance directe de ces faits, je ne suis pas en position de dire si oui ou non ces accusations sont fondées. Mais la position du révérend André Mouttet, qui a fait ces graves accusations, ajoute du poids à ces accusations.

Il est dommage que le député de Terrebonne ait pris de tels moyens pour empêcher que la lumière soit faite sur le sujet. Cependant, je vais laisser cette question de côté pour présenter certains faits sur lesquels la Chambre devra se prononcer et afin que les députés puissent décider quel jugement doit être rendu à propos du député de Terrebonne et de la spéculation qui débuta lorsqu'il était ministre de la Colonisation et donc seul responsable de cette même spéculation.

M. Prévost (Terrebonne): Je soulève encore une question d'ordre. Le député semble se moquer des décisions de cette Chambre. Vous aviez décidé ce soir, M. l'Orateur, que l'honorable député doit porter une accusation directe, et le voilà qui nage encore en pleine insinuation. Je donnerai bientôt une réponse et moi, je porterai des accusations directement de mon siège, mais je ne m'abaisserai pas aux insinuations.

M. Kelly (Bonaventure) réplique qu'il ne s'attardera pas plus longtemps sur ces détails et qu'il se soumet aux règles de la Chambre. Mais je réclame le droit de présenter certains faits et de critiquer l'ancien ministre de la Colonisation.

Les règles de cette Chambre permettaient au député de Terrebonne d'empêcher la lecture de cette lettre et d'empêcher la lumière de se faire sur cette question. Il doit avoir un intérêt en agissant ainsi. Donc, je vais laisser cette lettre de côté et je vais procéder à examiner d'autres documents qui démontrent comment la spéculation sur les lots marchait quand le député de Terrebonne était ministre de la Colonisation et comment on a vu naître une des plus odieuses spéculations qui se soit présentée encore dans cette province, et cela, durant le temps qu'il était le seul responsable pour cette spéculation.

En 1906, le député de Terrebonne était alors ministre de la Colonisation. Le 24 octobre 1906, M. T.-A. Christin, l'agent des terres de la couronne au Nominingue, adressait une lettre au sous-ministre du département de la Colonisation qui était présidé par le député de Terrebonne, l'informant qu'une spéculation gigantesque était alors sur pied et qui avait pour but de prendre un grand nombre de lots dans le canton Boyer; et il exposa dans cette lettre tout le plan d'action qui avait été tracé par ce spéculateur, Miquelon. Dans cette lettre que je lis actuellement, monsieur Christin informait l'honorable ministre que Miquelon et ses amis ne voulaient ces lots qu'à des fins purement et simplement spéculatives. Il y déclarait également que le syndicat lui avait offert un pot-de-vin afin qu'il ne dévoile pas son plan d'action.

Il disait aussi qu'ils n'étaient pas des colons de bonne foi, mais des spéculateurs et, dans cette lettre, il disait que ces spéculateurs avec Miquelon venaient des Cantons de l'Est et il ajoutait: "Les divers groupes qui sont venus cet automne sont accompagnés chacun d'un conducteur de moulin et d'un expert dans le bois. À ces gens-là il faut un guide connaissant les parages et c'est par ces guides qui rapportent leurs conversations que je me suis cru justifiable de vous informer qu'une véritable spéculation se préparait." Et aussi dans cette même lettre l'agent Christin nous donne à entendre que ces messieurs avaient essayé de l'influencer par des considérations pécuniaires.

Après avoir exposé ces faits, monsieur Christin continue: "Si je vous fais part de mes craintes, c'est que je veux savoir de vous quelle ligne de conduite je dois suivre dans les circonstances."

M. Prévost (Terrebonne): La lettre dont parle l'honorable député comme m'étant adressée était adressée au sous-ministre, M. Dufault.

M. Kelly (Bonaventure): Mais ces lettres-là se trouvent par le fait même adressées au ministre qui a le contrôle du département. Monsieur Dufault, le sous-ministre de la Colonisation, un employé capable et dévoué, a accusé réception de cette lettre, et il a informé l'agent Christin qu'il devait se servir de la plus grande précaution et prudence et ne point vendre de lots seulement après qu'il s'était assuré que ces colons étaient de bonne foi, et il ajoutait cette remarque très importante dans les circonstances. Cette lettre est datée du 26 octobre 1906: "À moins que vous ne soyez absolument sûr des colons qui font une demande, vous devez les référer au département et au ministre, c'est-à-dire le député de Terrebonne, qui prendra connaissance des faits et décidera ce qui doit être fait." Et, dans cette même lettre, il disait: "Je ne manquerai pas de donner communication de votre rapport à M. le ministre."

Le quatre de mars, après avoir pris d'autres renseignements et des preuves encore plus évidentes qu'il y avait spéculation, monsieur Christin écrivait une autre lettre au département du député de Terrebonne et y donnait les détails de la transaction: "J'ai eu la visite aujourd'hui de monsieur Miquelon et de ses hommes. Ils se rendent dans le canton de Boyer pour choisir leurs lots. Je vous avouerai que, tout en respectant le serment qu'ils prêteront en signant l'affidavit exigé, je doute que ce soient des colons de bonne foi et, à en juger à leur mine, ils ont plutôt l'air des bourgeois de chantier. Si je me permets ces réflexions, c'est que je crains que plus tard au cas où mes prévisions arrivent, vu que je ne vois qu'une spéculation à même la réserve du chemin Gouin. Monsieur Miquelon a déjà 11 lots patentés et six lots achetés au mois d'octobre dernier, deux à son nom, deux chacun à celui de ses deux employés."

Et avec ces renseignements devant lui, que fit le ministre du temps? Malgré cette lettre et malgré d'autres représentations encore plus urgentes de la part de M. Christin, deux jours après, le département dont il était le chef et le ministre responsable envoyait un message télégraphique de M. Gastonguay à l'agent, monsieur Christin, lui disant de vendre ces lots à Miquelon et à ses hommes. Mais comment se fait-il que cette spéculation ait eu lieu avec la sanction de l'honorable député et sous sa responsabilité? Comment se fait-il que la plus grande spéculation que la province ait connue depuis des décennies sur les lots des terres de la couronne se soit produite pendant que vous étiez ministre? Comment se fait-il que vous ayez consenti à cela, vous qui vous prétendiez l'ami du colon?

M. Tellier (Joliette): M. Miquelon est-il encore sur ces lots?

M. Kelly (Bonaventure): Je ne sais pas au juste, mais je crois qu'il n'en a plus que deux à son nom. Il est peut-être bon de renseigner le député de Terrebonne sur ce qui s'est passé dans son département.

M. Prévost (Terrebonne): Je déclare n'avoir jamais eu connaissance de cette dépêche. Faites venir M. Gastonguay ou M. Dufault et ils vont corroborer mon dire.

M. Kelly (Bonaventure): Mais vous en étiez responsable, de ce département. Je suis persuadé que ni M. Dufault ni M. Gastonguay n'auraient pris sur eux d'effectuer cette vente.

M. Prévost (Terrebonne): Vous insinuez par là qu'il n'y avait que moi qui aie pu envoyer cette dépêche.

M. Lavergne (Montmagny): Par quel département cette vente a-t-elle été faite?

M. Kelly (Bonaventure): Par le département de la Colonisation.

M. Lavergne (Montmagny): Par l'entremise de qui?

M. Kelly (Bonaventure): De M. Christin.

M. Lavergne (Montmagny): Agent de qui?

M. Kelly (Bonaventure): Du département des Terres.

(Rires de l'opposition)

Des voix: Oh! Oh!

M. Kelly (Bonaventure): Il n'y a pas de quoi rire. L'agent des terres notifie le département de la Colonisation qui donne ou refuse l'autorisation de vendre et ensuite donne avis au département des Terres par simple formalité.

Les règles parlementaires ne me permettent pas de dire toute ma pensée et tout ce que je pourrais dire; les règles parlementaires ne me permettent pas de lire l'appréciation de ce R. P. supérieur Mouttet, de cette congrégation religieuse du Nominingue, qui vous accuse d'être l'instigateur probable de cette spéculation. Je place les faits devant cette Chambre et la province pourra juger ces spéculations et la manière dont elles ont été conduites durant votre passage au ministère de la Colonisation de cette province. Aujourd'hui le gouvernement est obligé de prendre toutes les préoccupations imaginables pour se protéger contre ces faux colons. Tandis que le gouvernement est à faire tout en son pouvoir pour protéger le domaine public, le député de Terrebonne (M. Prévost) et ses amis les députés de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) et de Montmagny (M. Lavergne) ne font que crier qu'il faut vendre le domaine public, et l'autre soir le député de Terrebonne a déclaré qu'on refusait d'accorder les neuf dixièmes des demandes faites par les colons.

Malgré ces accusations, voici ce qui se passe: si l'on examine les réponses données par les ministres aux questions soulevées dans cette Chambre, on constate que, dans l'année 1906-1907, nous avons vendu pour les fins de colonisation 2924 lots. Sur chaque acre le gouvernement nous a informés l'autre jour, en réponse à une demande que j'ai faite, qu'il y a en moyenne 5000 pieds de bois, mesure de planche, soit 500 000 pieds par chaque lot de 100 acres. Les droits de coupe que perd le gouvernement sur chaque lot vendu pour la colonisation représentent une somme de $500. Nous avons donc, l'année passée, abandonné en faveur des colons des droits de coupe représentant une somme de $1 462 000.

La vente des lots en:

1904-1905

1898

1905-1906

1957

1906-1907

2270

1907-1908

2924

 

Comme on peut le voir, il y a eu une très grande augmentation chaque année depuis quatre ans. Si cette augmentation continue nous vendrons en 10 ans, c'est-à-dire dans l'année 1919, 5889 lots, en 1929, 8568 et en 1939, 11 266 lots. Si les lots devaient être accordés au même rythme que durant les cinq dernières années, les droits de coupe que le gouvernement perdra dans les 10 années seront en:

1919

$2 944 500

1929

$4 289 000

1939

$5 633 000

 

Quel sera le résultat de cette vente de lots? Au point de vue de nos finances, je n'hésite pas à dire que ce serait un désastre pour la province. Premièrement, c'est un fait bien évident aujourd'hui que, malgré l'augmentation considérable de bois coupé chaque année dans la province, il n'y a pas eu une augmentation proportionnelle dans les revenus du département des Terres de la couronne provenant des droits de coupe. La raison en est bien simple. C'est parce que, en vendant des lots pour fins de colonisation chaque année, les marchands de bois préfèrent acheter le bois des colons plutôt que de le perdre complètement, vu que ce bois pris dans le défrichement ou coupé après l'émission des lettres patentes est exempt des droits de coupe. Ainsi, si nous ne vendons des lots que pour des fins de colonisation, selon le slogan de "terres libres", nous plaçons la province dans une situation telle que le marchand de bois lui enlèvera les revenus provenant de ses ressources naturelles. La province perd ainsi un revenu considérable et, si cela continue, en 10 ans nos revenus provenant des droits de coupe seraient très minimes. Comment allons-nous alors faire pour rencontrer nos obligations pour aider à la colonisation et autres entreprises publiques dans la province? Il faudra alors recourir aux taxes directes.

Au point de vue des propriétaires de limites de cette province qui y ont investi leurs capitaux en toute bonne foi, le résultat sera désastreux, car dans 20 ans un grand nombre des limites maintenant exploitées seront disparues et remplacées par ces lots que nous vendons à des colons apparemment de bonne foi et 9 fois sur 10 nous découvrons seulement après coup que ce sont des spéculateurs. Avec cette vente effrénée de lots et ces accusations qui sont faites, à savoir que les lots vendus ne servent pas à des fins de colonisation, nous enlevons graduellement aux détenteurs de limites de cette province les lots sur lesquels ils avaient l'intention d'établir leurs opérations forestières. L'honorable ministre des Terres, M. Adélard Turgeon, nous informe dans son dernier rapport annuel que dans 10 ans, si cette vente effrénée de lots se poursuit au même rythme, les colons qui font une demande n'auront plus un seul morceau de bois sur les lots faisant partie des agences de Saint-François, de Lac Mégantic, de Beauce, de Montmagny, de Grandville et d'autres parties de la province.

Lors de la grande convention canadienne tenue à Montréal le 11 et le 12 de mars 1908, Mgr Bruchési, ce prélat distingué, s'exprimait comme suit: "Si notre pays est riche en superbes forêts, nous ne devons pas oublier que ces forêts ne sont pas inépuisables et, si on continue de leur faire guerre sans trêve, si, dans un but de commerce et d'industrie, on les dépouille de leurs arbres sans songer aucunement au reboisement, à la culture forestière, dont on se préoccupe dans tant d'autres pays, qu'arrivera-t-il avant longtemps? Nos trésors seront épuisés et notre pays apparaîtra comme un pauvre enfant prodigue qui aura dépensé follement, sans compter, sans rien prévoir, l'incomparable patrimoine que Dieu et la nature lui avaient légué. Ce n'est ni l'or ni l'argent qui compenseront la perte de nos forêts d'érables, d'ormes, de bouleaux, de pins et de sapins."

Lors de la même convention, l'honorable Sydney Fisher s'exprimait ainsi: "Nous nous glorifions d'être une jeune nation. Nous avons la conviction d'être une nation forte. Nous sommes orgueilleux des ressources matérielles qui se trouvent d'un bout à l'autre du vaste pays confié à nos soins. Mais, à cause de cela même que nous sommes une nation jeune, je crains que nous ayons commis plusieurs des fautes caractéristiques de la jeunesse, que nous avons fermé les yeux à la nécessité d'user avec prudence de notre richesse forestière, tout comme le jeune homme se rend coupable d'extravagance dans l'usage de son patrimoine, dont il ne sait pas apprécier les ressources à leur juste valeur. À nous, Canadiens, la Providence a confié une grande somme de richesse, dont nous n'avons su apprécier à leur juste valeur ni l'importance ni la grandeur. Nous avons cru inépuisable cette source de richesse; nous avons tiré sur ce fonds si abondamment, avec tant de gaspillage et d'extravagance, si peu scientifiquement, qu'aujourd'hui nous sommes confrontés par le fait que ce fonds tire presque à sa fin, ce qui, pourtant, n'empêche pas, ainsi qu'il a été dit il y a quelques instants, que nous possédons encore la plus grande somme de la plus grande source de richesses forestières qu'il y ait au monde, dans n'importe quel autre pays."

Je crois, M. l'Orateur, qu'il y a matière à réflexion dans les remarques de ces hommes distingués et qu'il est grand temps pour nous de voir à conserver, pour les générations futures, ce patrimoine qui leur revient de droit. Que ces messieurs de l'autre côté de la Chambre continuent à nous critiquer, qu'ils continuent à prêcher que nous ne vendons pas assez de lots et que nous devrions en vendre 10 fois plus. Chaque député de cette Chambre devrait se faire un devoir d'enseigner à la population à utiliser ce que nous possédons avec prudence, de lui enseigner qu'il est de son devoir, autant pour elle que pour les générations futures, d'essayer de sauvegarder l'héritage des ressources naturelles et des vastes étendues que nous possédons aujourd'hui; car tout ceci disparaîtra très vite si nous écoutons le cri injustifiable de nos opposants qui réclament à chaque jour: Plus de terres! Plus de terres! Des terres libres aux colons libres!

Il me semble que notre devoir est de laisser ces messieurs continuer leur campagne de critique, mais que nous, de ce côté, nous voyons à ce que ce domaine soit administré sagement et avec prudence. Nous donnerons des lots à des colons que nous avons raison de croire de bonne foi et de les refuser aux spéculateurs qui apparemment ont été si bien protégés par le député de Terrebonne, comme nous l'a laissé entendre le révérend père Mouttet.

Il ajoute qu'il faut travailler à la conservation de la forêt et c'est ce que le gouvernement fait en obligeant les marchands à ne pas couper au-dessous d'un certain diamètre. Si on permet de vendre à tout venant les lots, ils tomberont souvent aux spéculateurs qui couperont tout le bois.

La ville de Montréal, quoique n'étant pas composée de colons, est aussi intéressée dans cette grande question de colonisation. Le dépeuplement des forêts est un danger pour Montréal car il amènera la sécheresse de nombre de cours d'eau et, conséquemment, un abaissement de niveau dans le Saint-Laurent. Cette ville compte sur le grand Saint-Laurent pour obtenir sa place comme port et comme centre des affaires. Avec la vente de lots qui va toujours en augmentant et qui atteindra dans 20 ans ce chiffre énorme ci-haut mentionné, et avec ce déboisement de ces terrains qui suit naturellement la vente de ces lots, qu'arrivera-t-il? L'honorable M. Fisher, lors de la même convention, nous laisse entrevoir ce qu'en sera le résultat: "Vous, Messieurs qui habitez Montréal, il vous faut compter sur le maintien de la profondeur de l'eau dans le Saint-Laurent. La profondeur de l'eau dans le chenal du fleuve est la mesure des avantages du port de Montréal. Si vous voulez que votre ville reste la métropole commerciale du Canada, il faut maintenir le volume des eaux du Saint-Laurent, il ne faut pas permettre que ce volume diminue d'un jour à l'autre ainsi que cela est arrivé tous les étés depuis quelques années." Donc, vous, marchands de Montréal, qui dépendez du progrès, de la prospérité du commerce de Montréal, vous avez intérêt vital dans la création de ces réserves forestières destinées à maintenir la profondeur de l'eau dans votre grand fleuve, ainsi que dans le chenal qui conduit à la mer. Ce n'est qu'au moyen de ces réservoirs dont les eaux descendront graduellement des montagnes que le haut niveau du Saint-Laurent pourra être maintenu en été.

Il me semble qu'avec ces remarques d'autres commentaires ne sont point nécessaires pour nous indiquer ce que nous devons faire pour la protection de nos forêts, malgré ce qu'en disent nos adversaires. Le député de Terrebonne veut que nous fassions du rapatriement. C'est un rêve que de placer sur des lots des ouvriers des villes qui ignorent la culture. Je crois, M. l'Orateur, que dans les conditions actuelles il est inutile de songer à faire du rapatriement dans notre province, à l'heure actuelle, parce que les Canadiens des États-Unis n'ont nullement l'intention de revenir au pays. Avec les avantages qu'ils possèdent là-bas, ils sont heureux de leur sort. Dans les conditions actuelles, cela est vrai.

M. Kelly (Bonaventure): L'avenir de notre province ne dépend pas du rapatriement de ceux qui nous ont quittés, il ne dépend pas non plus du développement de nos richesses agricoles. Il dépend de l'entreprise commerciale et des capitaux provenant autant d'ici que de l'extérieur que nous pourrons attirer en profitant des avantages agricoles qui existent déjà dans la province.

Puis, il cite quelques autorités reconnues afin de démontrer que la théorie selon laquelle le salut de la province n'est possible qu'avec le retour des Canadiens français qui ont émigré aux États-Unis ou ailleurs est une théorie entièrement fausse.

Lors du grand congrès de colonisation, Mgr Bruchési, parlant de cette question, s'est exprimé ainsi: "On a parlé du rapatriement de nos frères des États-Unis. On a offert divers moyens d'opérer ce rapatriement, mais j'ai peur que ces moyens réussissent peu. Les Canadiens des États-Unis ne reviennent pas et ne reviendront pas nombreux au pays." Mgr Laflamme, en 1908, nous disait: "L'expérience du passé nous a prouvé qu'en général les immigrés étrangers font d'assez pauvres défricheurs." Ces prélats ont constaté ce fait, mais il doit y avoir une raison pour cet état de choses et voici comment j'envisage la question.

La cause agricole a été la base solide de la prospérité et de la grandeur de tous les pays du monde, mais, invariablement, l'époque est aussi venue où ils ont dû s'engager dans d'autres voies pour atteindre le but commun de tous les peuples, l'expansion nationale. L'agriculture est à la base, soit, mais c'est le commerce, ce sont les manufactures et comme conséquence naturelle le développement du commerce qui ont fait la grandeur des nations. Les francs-tenanciers d'Angleterre et les premiers occupants des États-Unis ont été la base solide sur laquelle se sont édifiés l'Empire britannique et la grande république américaine, mais ces nations n'ont pris place au milieu des grands peuples que par leur commerce et leurs industries.

Si l'on jette un coup d'oeil rétrospectif sur la fondation et l'histoire subséquente des grandes nations du monde, ne nous viendra-t-il pas immédiatement à l'idée que, s'ils ne font qu'encourager les Canadiens français dans les établissements agricoles, ceux qui travaillent à l'édification et à la grandeur de cette nationalité restreignent un peu trop, dans leur champ d'action, la mentalité et les ressources naturelles de cette grande race? N'est-ce pas laisser entendre que les champions de cette race accuseraient quelque incapacité de rivaliser avec leurs concitoyens dans les choses de la finance, du commerce, du génie civil et de l'industrie manufacturière, en un mot, dans toutes les autres occupations où s'exercent l'intelligence, la vigueur, l'esprit d'entreprise, la force physique, les moyens d'action et l'assurance personnelle? Cette impression, si elle existe, serait fausse, démentie à toutes les phases de la vie. Allez où vous voudrez et vous trouverez partout que le Canadien français accuse toutes ces qualités, et les postes auxquels ont pu s'élever les Canadiens français dans le monde entier font bien voir que les autres nations ont su reconnaître chez eux ces traits caractéristiques.

Au Sud africain, aux Indes, en France, en Angleterre et surtout aux États-Unis nous trouvons des Canadiens français aux postes les plus éminents de la finance et de l'armée quand ce n'est pas à la direction de grandes entreprises ou dans l'atelier de l'inventeur. Que pouvons-nous en conclure? À l'heure actuelle, la politique de rapatriement des Canadiens français des États-Unis est absolument impossible, car l'argent y serait dépensé sans aucun espoir de réussite.

Quant à moi, j'en conclus que, si nous voulons attirer dans leur patrie d'origine les centaines de milliers de Canadiens français qui vivent actuellement aux États-Unis, nous devons adopter un autre cri d'appel, leur offrir un autre attrait que ces 100 acres de terre qu'ils pourraient défricher. Nous devrons adopter le cri: Du travail et de quoi à vivre à votre ambition. Pourquoi tant de gens ont-ils déserté leur foyer natal? Ce n'est assurément pas parce qu'il n'y avait pas assez de terres à leur disposition; car les 7 000 000 d'acres de terre, à peu près, qui ont été vendus jusqu'à présent dénotent plutôt une tendance trop généreuse de la part de nos gouvernements à ce sujet. Non. Ce n'est pas cela, la raison en est que les générations nouvelles n'ont pu se soustraire à d'autres ambitions légitimes et qu'elles ont d'instinct éprouvé le désir de rivaliser avec les autres sur une scène sociale plus élevée, sinon plus honorable, que celle de la vie des champs. Cet instinct ne les a pas trompés, parce qu'ils ont su rivaliser avec succès au milieu des autres races et ont atteint les positions élevées qu'ils occupent. Mais croyez-vous maintenant pouvoir engager ces gens-là ou leurs descendants à revenir dans la province de Québec en leur offrant une centaine d'acres sur lesquels ils auront à faire des travaux de défrichement à l'instar des premiers pionniers? Vous n'y réussirez jamais quand vous leur offririez 1000 acres et tous les autres encouragements de même nature.

Quel est donc le moyen à adopter? C'est d'encourager les manufacturiers et les capitalistes, par tous les moyens possibles, à induire les gens à faire des placements de capitaux dans cette province et à développer ainsi nos ressources naturelles si riches et si étendues. Aidons au développement de nos ressources agricoles, sans doute, mais que ce ne soit pas là le but unique de nos efforts. Faisons de la colonisation. Faisons de bons chemins pour nos colons et tâchons de garder chez nous nos jeunes gens et encourageons-les par tous les moyens possibles à prendre des lots pour les cultiver.

Il y a longtemps que la province de Québec a fait ses preuves comme partie constituante distincte de notre grande nation canadienne et il est grand temps qu'elle occupe maintenant la place qui lui convient, au rang des centres manufacturiers du monde entier, la place renommée de sa population et son incomparable voie de communication, le Saint-Laurent. Que ceux qui désirent sincèrement voir s'accroître la grandeur de la race canadienne-française me permettent de leur suggérer cet appel à l'adresse du monde entier. Venez dans notre province, vous y trouverez un placement sûr pour vos capitaux dans l'exploitation de nos forêts, de nos forces hydrauliques, de nos minéraux. Vous trouverez ici une population intelligente et industrieuse qui travaillera avec vous et pour vous.

Et, si l'on répond à cet appel, qu'en résultera-t-il? Il en résultera que les Canadiens français des États-Unis, voyant que les conditions et les avantages dont la recherche leur avait fait déserter leurs foyers existent maintenant et fleurissent dans leur chère province de Québec, reviendront en masse contribuer à faire de cette province ce que la Providence a voulu d'elle, le centre commercial et industriel de l'Amérique du Nord.

Il termine en disant que le grand but, c'est de développer la province en y appelant les capitaux et les colons pour la faire toujours plus grande et plus prospère.

M. Prévost (Terrebonne) désire répondre tout de suite au député de Bonaventure. Il remercie le premier ministre de lui permettre de répondre aux accusations du député de Bonaventure.

Il est surpris de voir le député de Bonaventure l'attaquer maintenant qu'il n'est plus ministre, après avoir été son ami. Le 2 juillet 1905, dit-il, j'étais assermenté comme ministre de la Colonisation dans l'administration Gouin. Je restai ministre jusqu'à septembre 1907. Pendant ces deux ans, parmi ceux qui me balancèrent constamment l'encensoir sous le nez, il n'y en eut pas de plus assidu et de plus enthousiaste que le député de Bonaventure; nous étions comme Castor et Pollux. Lorsque je souffrais des attaques des farouches nationalistes, le député de Bonaventure bondissait et me défendait. À l'automne 1905, j'organisais le congrès de Saint-Jérôme et il y vint. Croyant à ses protestations d'amitié, je le fis choisir comme vice-président. Trois jours il passa sous mon toit où je lui donnai la chambre de l'hôte. Trois jours nous passâmes à parler de nos projets de colonisation et de nos espérances pour l'avenir. Le député de Bonaventure approuvait alors tout ce qui avait été fait. En effet, je crois que, tout comme moi, il manifestait beaucoup d'enthousiasme à l'idée de rendre la province de Québec plus grande et plus prospère.

Deux ans nous fûmes ainsi les plus intimes camarades. Deux ans je le vis devant moi faisant courbette sur courbette, jusqu'à ce que je démissionnai comme ministre. Le lendemain, je n'entendis plus le grelot de Bonaventure qui prit le chemin du nouveau ministre, mon successeur. Je n'avais plus d'argent à lui donner chaque année pour les chemins de colonisation de Bonaventure avec lesquels il se faisait un peu de popularité dans le comté de Bonaventure. Ah, alors il était mon ami. Je l'ai vu partir un jour.

M. Kelly (Bonaventure): Le jour où vous avez trahi votre parti.

M. Prévost (Terrebonne): Ne vous excitez pas! Je vous donnerai une autre occasion de vous exciter avant de terminer. Un poète a dit: "Tant que tu seras heureux, tu compteras beaucoup d'amis, mais si les temps changent, tu resteras seul." Évidemment, il avait raison! Le député de Bonaventure m'était tout dévoué jusqu'au jour de ma démission. Le jour où je donnai ma démission, je vis s'éloigner de moi l'honorable député de Bonaventure.

Il se plaint que le député de Bonaventure ait considérablement changé d'opinion sur son ancien ami, le député de Terrebonne.

Depuis le commencement de cette session, mon humeur indépendante m'a valu certaines ires: le premier à battre la marche fut l'ancien militaire de France3, le dernier de la file est l'honorable député de Bonaventure.

L'année dernière, j'avais encore exprimé mon point de vue à propos de la colonisation, mais le député de Bonaventure ne m'avait pas appuyé. Il est vrai qu'à ce moment je n'étais pas ministre. Cette année, j'ai demandé que des documents soient déposés. Après avoir attendu très longtemps, je découvre, à ma grande surprise, que ces documents étaient entre les mains du député de Bonaventure et qu'en plus ce dernier avait passé des semaines entières à fouiller dans le département de son ancien bienfaiteur à la recherche de documents. Et celui que j'avais protégé se mettait à fouiller dans le département, cherchant quelque chose pour compromettre le député de Terrebonne. Vile besogne qui ne lui a pas rapporté grand-chose, puisqu'il n'a pu trouver qu'une lettre sur laquelle il n'a pas même le courage d'étayer une accusation. Devant le menaces de l'honorable député, je m'attendais à disparaître pulvérisé, mais il arrive que la montagne en travail a enfanté une souris.

Des voix: Écoutez!

M. Prévost (Terrebonne): Prenons son discours par la fin. D'abord, le député de Bonaventure a parlé de l'impossible rapatriement des Canadiens français, mais il a laissé, sans s'en apercevoir, échapper la vérité en ajoutant: impossible avec le système actuel.

Le rapatriement des nôtres peut se faire. Au congrès de Saint-Jérôme, l'un des meilleurs discours entendus fut celui du docteur Grandpré, l'un des hommes les plus compétents en la matière, qui déclara que l'impossibilité venait de notre système de colonisation et que sans la terre libre au colon libre il était impossible de faire de la colonisation. Il ajoutait que l'entreprise était grande, vu la diversité des intérêts en jeu et la diversité des races qui peuplent cette province, mais que la Providence vaincrait les difficultés. L'octroi de terres à un prix modique hors de l'atteinte du marchand de bois fut la doctrine que prêcha le docteur Grandpré et qu'applaudit alors le député de Bonaventure, comme les autres. C'était la terre libre au colon libre, doctrine qu'il devait défendre quelque temps après, en termes précis, dans un pamphlet, Marchand de bois et colon, qu'il rédigea lui-même en réponse à M. Horn qui nous attaquait tous deux, lui et moi. Oui, il disait cela dans cette brochure qu'il me demandait d'imprimer. Le député de Bonaventure a changé de politique. Autrefois, il prêchait la terre libre au colon libre. Aujourd'hui, il y est opposé.

M. Kelly (Bonaventure) nie qu'il ait demandé au ministre de faire imprimer cette brochure.

Je vais dire les faits tels qu'ils se sont passés. Lorsque M. Horn nous eut pris à partie pour nos idées sur la colonisation, le député de Terrebonne, qui était ministre dans le temps, vint me trouver et me demanda de publier ce pamphlet en réponse, mettant à ma disposition de l'argent consacré aux chemins de colonisation pour défrayer les dépenses.

M. Prévost (Terrebonne): Je suis obligé d'accepter les paroles du député de Bonaventure.

M. Kelly (Bonaventure): Pourquoi ne les niez-vous pas?

M. Prévost (Terrebonne): Je cite ses propres mots dans le pamphlet. Je ne le cache pas sous un autre journal comme il l'a lui-même fait hier soir.

Les règles de la Chambre m'obligent à accepter la parole de l'honorable député que je n'accepterais certainement pas en dehors de la Chambre. L'honorable député ne m'accorde pas cette permission, mais rien ne m'empêche de citer la lettre que m'écrivit le premier ministre lorsque je donnai ma démission comme ministre de la Colonisation, lettre où celui-ci disait: "Je n'ai jamais douté un seul instant de l'honnêteté avec laquelle vous avez administré votre département." Voilà un certificat d'honnêteté du premier ministre.

Il y en a encore d'autres; il cite de nombreux extraits dans lesquels le député de Bonaventure faisait son éloge et disait que la province n'avait jamais eu de ministre plus zélé. Voici, entre autres choses, ce que l'honorable député disait dans ce pamphlet: "Il n'y a qu'un moyen de faire faire du défrichement au colon sur son lot et lui permettre en même temps de gagner sa vie. C'est de lui donner le droit de se servir du bois qui se trouve sur le lot lorsqu'il en prend possession. Chose qu'il ne réclame plus depuis qu'il escompte la maladie d'un ministre pour satisfaire son ambition. Je demande donc à l'honorable ministre de la Colonisation et à l'honorable ministre des Terres de la couronne de tenter un essai et d'unir leurs efforts pour obtenir du marchand de bois qu'il laisse intact sur les lots destinés aux colons le bois qui s'y trouvera lors de la création des réserves. Le gouvernement ne pourrait-il pas indemniser le détenteur de limites en lui donnant, en échange de cette concession, d'autres terres en échange du bois qu'il aura cédé au colon?"

Voilà la doctrine que j'ai toujours prêchée et que je défendais publiquement 15 jours après mon entrée dans ce cabinet - la preuve se trouve dans ce même pamphlet - et que l'honorable député défendait avec moi.

M. Kelly (Bonaventure): Je déclare ici que cette situation ne représente pas ma pensée. Je déclarais dans le même pamphlet que, si on ne pouvait obtenir de compensation pour le marchand de bois - et on n'a pu l'obtenir - on devrait lui donner le temps d'enlever le bois auparavant pour qu'ils ne soient pas deux - colon et marchand - sur le même lot.

M. Prévost (Terrebonne): Voyons dans le même écrit ce que le député de Bonaventure pensait alors du même ministre de la Colonisation qu'il veut écraser aujourd'hui, et il cite un éloge hyperbolique où il est dit que la province n'a pas vu de longtemps un ministre de la Colonisation aussi soucieux de ses devoirs, aussi actif, aussi habile, aussi intègre que le député de Terrebonne (M. Prévost4).

M. Kelly (Bonaventure): Il a changé depuis.

M. Prévost (Terrebonne): Oh, le député de Bonaventure aura de quoi s'exciter encore plus tantôt!

Oui, il a changé, il était ministre alors, aujourd'hui il ne l'est plus; c'est pourquoi le député de Bonaventure ne le flagorne plus, mais s'efforce au contraire de l'étouffer sous les insinuations. Mais voyons encore ce qu'il disait de moi: "Il (M. Prévost) est un homme plein de courage, plein d'énergie, qui travaille à l'avancement de son pays et à l'amélioration de la situation du colon tout en respectant les droits des détenteurs de limites."

Et c'est ce même homme qui, aujourd'hui, mettant au service de ses maîtres le même zèle pour m'écraser qu'il apportait à me défendre lorsque je pouvais distribuer du patronage, va jusqu'à tronquer mes rapports comme il tronquait les citations qu'il donnait à la Chambre, hier, afin de créer l'impression que, ministre, j'étais complètement satisfait de tout ce qui se passait.

Il cite son rapport de 1906 pour démontrer qu'il se plaignait alors des difficultés jetées en travers de la colonisation autant qu'un ministre conscient de la solidarité ministérielle pouvait s'en plaindre.

Je le croyais digne des fils de la verte Érin, de ceux qui, debout sur leurs rochers, attendaient les secours de l'armée française, et dont l'un, portant le flambeau du signal, le laissait brûler dans sa main plutôt que de le laisser tomber. Je croyais le flambeau de l'amitié solide dans la main de mon ami, mais, dès qu'il s'est senti brûler le bout des doigts, il l'a jeté loin de lui.

Il lui reproche ensuite longuement de l'avoir attaqué, lui, un ancien ami. Il croit qu'il obéit à un mot d'ordre et lui reproche de ne pas l'avoir accusé directement.

Il y a deux sortes d'Irlandais; il y a ceux qui ont le regard loyal et franc, comme le ministre de la Colonisation d'aujourd'hui (l'honorable M. Devlin) et comme le représentant de Québec-Ouest (l'honorable M. Kaine) et il y a ceux dont le regard est louche et fuyant, qui adorent les petits complots et les petites combinaisons de couloir et qui trahissent leurs amis pour mériter les faveurs du ministère. Le député de Bonaventure appartient à cette dernière espèce. Que le représentant de Nicolet (l'honorable M. Devlin) prenne garde à lui car le couteau peut s'aiguiser dans l'ombre.

Il croyait que le député de Bonaventure aurait été le dernier à l'attaquer en cette affaire. Il en a été douloureusement surpris, et il y en a d'autres qui le seront en l'apprenant. Une fois de plus, on aura constaté que l'ingratitude récompense souvent les bienfaits, et l'on songera à la fable du bon La Fontaine, celle du reptile, de l'homme imprudent qui l'avait réchauffé dans son sein pour écraser un ancien ami. Au lieu de l'attaquer ouvertement, le député de Bonaventure a agi comme un serpent dans l'herbe. Il y a des hommes qui, en temps d'amitié, boivent à la même table que nous, mais qui après nous attaquent sournoisement.

En lisant les journaux d'hier auxquels l'honorable député a pris soin de communiquer toutes les insinuations qu'il a dirigées contre ma réputation et mon honneur, les citoyens de la province pourront se convaincre que, dans la vie, la gratitude se rencontre rarement, mais ils y verront aussi que l'arme dont s'est servi l'honorable député est une arme triangulaire. Ce n'est pas l'arme loyale des anciens chevaliers qui frappaient en face. Le député de Bonaventure a fouillé les dossiers et tronqué des rapports. Il a parlé à plusieurs reprises du discours de Saint-Jérôme, de la rencontre historique entre l'actuel député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) et le député de Terrebonne.

Citant son rapport du congrès de Saint-Jérôme, il n'a cité que la partie qui faisait son affaire pour mieux étouffer son ami, celui qui, j'en appelle au député de Montmagny (M. Lavergne), refusait de l'attaquer, se rappelant les moments délicieux où ils mangeaient à la même table et échangeaient leurs confidences de jeunes hommes sur les plages de la Gaspésie. J'étais ministre alors, j'étais rempli d'espoir. Est-ce qu'un homme de bon sens, sachant bien que je ne pouvais pas tout dire, ne lira pas entre les lignes qu'il existe un malaise auquel je faisais allusion? Voilà cette fameuse déclaration avec laquelle le député de Bonaventure voudrait contredire mes principes d'aujourd'hui.

Il fait un tableau de la situation à l'automne de 1907. En effet, trois semaines après ma démission, abandonné de tous et du député de Bonaventure le premier, j'ai rencontré l'actuel député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) à Saint-Jérôme devant 15 000 personnes. J'ai défendu et mon administration et celle d'hommes qui me récompensent aujourd'hui en ameutant contre moi les scribes salariés de leur presse vendue. Et la doctrine que je prêchais alors est toujours celle que je prêche aujourd'hui.

Il n'a pas changé ses idées sur la colonisation et, si on lit le vrai texte de ses discours, on s'en convaincra. Les textes qu'on a cités contre lui l'ont été inexactement.

L'honorable député en a été pour sa honte hier. Les paroles qu'il m'a attribuées, je ne les ai jamais prononcées. Elles furent écrites par le rédacteur de l'Avenir du Nord avant l'assemblée et le Soleil les reproduisit ensuite, mais je n'ai pas voulu les prononcer parce qu'elles ne répondaient pas à mes idées.

On a trouvé étrange une alliance entre mes adversaires de Saint-Jérôme et moi-même. Que l'on ne s'étonne pas de mes relations avec le député de Saint-Hyacinthe. J'ai eu des paroles violentes dans ce discours contre lui. Mais, entre orateurs ouverts, ces choses-là se disent face à face, dans un combat loyal où l'épée rencontre l'épée. Le député de Saint-Hyacinthe a été violent contre moi, je le sais, il a même été injuste, je le crois. Mais ses attaques - et j'en pourrais dire autant du député de Montmagny (M. Lavergne) - mais ses attaques à ciel ouvert, je les voyais venir de loin devant moi; elles étaient portées directement, d'homme à homme. J'avais le temps d'y répondre. Je n'avais pas à le guetter dans l'ombre et quand je le savais sur mon chemin je ne sentais pas dans le dos le froid d'un couteau sous le poids duquel j'ai dû crouler. Il n'y avait pas d'ennemi traînant des pièges dans les coins sombres. Si j'ai été maltraité par les deux, j'aime encore mieux donner la main au député de Saint-Hyacinthe qui m'a attaqué de front, que ce député de Bonaventure qui s'est aplati devant moi pendant trois ans, tant que je lui ai rendu des services et que j'ai eu des faveurs à donner et qui, aujourd'hui, me tend des pièges et consent à se faire contre moi l'exécuteur des basses oeuvres du ministère. Mais je marche au milieu de la rue et, si je vois venir quelques apaches, j'ai du plomb au bout de ma canne pour les assommer.

Quant aux accusations de Miquelon, elles sont fausses. Je n'ai jamais autorisé que des lots soient vendus à ce Miquelon. Amenez-moi le dossier du gouvernement, ce dossier dont se sert le député de Bonaventure pour essayer de prouver ses accusations. Pouvez-vous voir dans ce dossier que cite le député de Bonaventure une seule lettre qui me soit adressée ou qui soit signée par moi qui établisse que j'aurais favorisé cette spéculation?

Dans ce dossier, il n'y a aucune lettre de moi; on n'y trouve qu'une lettre signée Gastonguay et une dépêche du sous-ministre Dufault, et ces deux officiers ont agi sur les ordres du ministre des Terres. Dans le mois où ces choses se passaient, j'étais au congrès de Saint-Jérôme, je n'ai donc pu y être mêlé. Je jure que je n'ai jamais spéculé, que je n'ai jamais pris part à aucune spéculation et que je n'ai jamais sciemment toléré la spéculation. Je déclare solennellement que je n'ai jamais donné, en aucune façon, l'ordre de vendre des lots au spéculateur Miquelon. La concession a été accordée à Miquelon par l'intermédiaire du département des Terres de la couronne. Si le député de Bonaventure veut une réponse franche, je lui amènerai M. Dufault, le sous-ministre de la Colonisation, un homme honorable, et M. Gastonguay, afin qu'ils témoignent. Si l'un d'eux déclare que j'ai donné un seul ordre afin que des lots soient accordés à Miquelon, je démissionnerai dans les trois prochains jours si le député de Bonaventure veut mettre son siège en jeu au cas où la réponse ne m'incriminerait pas. Mais, s'ils confirment ce que j'ai dit, je suis convaincu que le député de Bonaventure ne démissionnera pas.

Des voix: Écoutez!

M. Prévost (Terrebonne): J'affirme au contraire que c'est le département des Terres qui a forcé le sous-ministre de la Colonisation à concéder ces lots et qui l'a forcé à concéder la moitié plus que le nombre qu'il consentait à concéder après une très forte résistance. M. Dufault dit lui-même qu'il a cédé aux ordres du département des Terres. C'est de cette façon que le député de Bonaventure essaie de ternir la réputation d'un ancien camarade. Il a même donné aux journalistes le discours qu'il avait pris la peine de préparer à l'avance pour m'écraser.

Au moyen d'une lettre qu'il a déterrée, le député de Bonaventure a voulu faire planer des doutes sur ma réputation d'honnête homme. Il a insinué que j'avais spéculé sur des lots. Mais qui a dit au député de Bonaventure que ce document existait, lui qui ne le savait pas et qui ne pouvait pas le savoir? Qui l'a chargé de la triste besogne qu'il vient d'accomplir? Quel ange a bien pu souffler à l'honorable député l'inspiration de mettre une tache sur ce front qui a toujours été ouvert devant le sien? Qui lui a soufflé à l'oreille que dans tel dossier l'on trouverait peut-être une lettre pour jeter du louche sur la conduite du député de Terrebonne? Quel est l'ange qui lui est apparu durant son sommeil pour lui révéler l'existence de cette lettre qu'il ne connaissait pas parmi les 36 000 dossiers du département de la Colonisation? Est-ce un bon ange ou un mauvais ange? demande-t-il en regardant bien en face le premier ministre. Mon honorable ami est parvenu à faire insérer ce document dans les journaux de la Chambre pour qu'il puisse ensuite se promener avec dans son comté.

Il lui reproche d'être cause que tous les journaux ont publié la lettre du père Mouttet. Qu'on fouille tant que l'on voudra, que l'on interroge qui l'on voudra, je défie tous les ministres et leurs valets de trouver un seul document démontrant que le député de Terrebonne ait jamais spéculé sur le bois ou sur la vente des moulins.

M. l'Orateur, je déclare ici que je n'ai jamais, au grand jamais, spéculé ni sur les lots ni sur les terres, les mines ou pouvoirs d'eau, ni dans le comté de Terrebonne ni ailleurs et que je n'ai jamais vendu de lots ou de bois. Mon honorable ami peut-il dire la même chose de lui? C'est ce que nous allons voir. Il n'y a jamais eu de spéculation dans le comté de Terrebonne. Pouvons-nous en dire autant du comté de Bonaventure? Pour ma part, j'ai gagné ma vie en exerçant ma profession d'avocat et je n'ai pas eu besoin de vendre de moulins.

Il commence alors à citer les spéculations de M. Leblanc dans le comté de Bonaventure, spéculations par lesquelles M. Leblanc aurait acquis des centaines de lots sous de fausses représentations grâce au député de Bonaventure. Mais n'est-il pas vrai que dans le comté de Bonaventure, au vu et au su du député de Bonaventure, un certain M. Leblanc a eu un moulin de $60 000 sans un pouce de limite forestière, ce qui ne l'a pas empêché de couper du bois pour alimenter son moulin, et sans licence de coupe? N'est-il pas vrai que, pendant une nuit, alors que M. Dorais était agent des terres de la couronne à New Carlisle, ce M. Leblanc est allé à Bonaventure, toujours au vu et au su du député de Bonaventure, recruter de faux colons pour leur faire prendre 57 lots dans les limites Robitaille, à New Carlisle? La province a perdu des milliers de dollars en droit de coupe sur le bois qui a passé par ce moulin.

N'est-il pas vrai que ce M. Leblanc, au vu et au su du député de Bonaventure, a acheté la barachois ou les rives sablonneuses à l'embouchure de la rivière Bonaventure et que c'était le seul endroit par où pouvait passer le bois provenant des limites Robitaille?

N'est-il pas vrai que ce M. Leblanc et l'agent des terres ont enlevé près de 80 lots de la limite Robitaille pour le bénéfice de prétendus colons?

N'est-il pas vrai que ce même Leblanc, par les avantages qu'il obtenait ainsi avec le concours du député de Bonaventure, devenait pratiquement maître de la concession forestière Robitaille? M. Leblanc a vendu son moulin $150 000 au sénateur Edwards après s'être mis en position de pouvoir lui dire: Vous ne sortirez vos billots que si vous achetez mon moulin; vous n'exploiterez votre industrie forestière que si vous achetez le barachois.

N'est-il pas vrai que le sénateur Edwards, de la W. C. Edwards & Co., après avoir acheté les limites Robitaille a été pratiquement forcé d'acheter les intérêts de Leblanc dans le moulin et le barachois, de même que les intérêts des colons sur les lots vendus par M. Dorais?

N'est-il pas vrai que pendant deux ans le député de Bonaventure a prêché au Parlement qu'il fallait exploiter les limites Robitaille et que cette agitation a abouti aux transactions que je viens de signaler?

N'est-il pas vrai que, immédiatement après le marché Edwards, les lots ont été abandonnés et sont retombés dans la limite? Et puis, on ne peut croire qu'il n'y a eu que Leblanc et Dorais qui ont été seuls à figurer dans cette affaire, qu'il n'y a pas eu d'intermédiaire. Dans les environs de ce moulin, il y a un homme d'affaires par qui toutes les transactions doivent passer.

N'est-il pas vrai que c'est par l'intermédiaire du député de Bonaventure que la vente des limites Robitaille a été faite au sénateur Edwards?

N'est-il pas vrai que le député de Bonaventure a retiré des bénéfices de cette vente de lots et que, grâce à cette transaction, il s'est fait $15 000 en récompense de ses bons offices? La province n'a jamais retiré un sou de cette transaction concernant des lots appartenant à la province. Je porte l'attaque directement de mon siège.

M. Kelly (Bonaventure): Je demande que l'honorable député écrive son accusation et la dépose sur la table de la Chambre et, s'il est sérieux, ensuite je vais lui demander de démissionner d'ici à trois jours. J'ai en main tous les documents relatifs à cette transaction Leblanc-Edwards et je vais le marquer au front de la marque du calomniateur.

M. Lavergne (Montmagny): Ah! vous vous attendiez à cela?

M. Prévost (Terrebonne): Que l'honorable député ne s'excite pas. Je sais ce que je fais en faisant cette déclaration. C'est ma déclaration et je la fais directement. Je prétends que le député de Bonaventure a été l'intermédiaire entre M. Leblanc et le sénateur Edwards pour la vente en question et que cela lui a permis de mettre dans sa poche plusieurs milliers de piastres provenant du montant payé par le sénateur Edwards pour ces limites. Je dis qu'à la connaissance du député de Bonaventure Leblanc coupait du bois sans licence et a fraudé la province de ses droits de coupe, que, devant lui, dans son propre bureau à New Carlisle Leblanc a pris des lots au nom de faux colons; que c'est lui qui a vu au titre; qu'actuellement c'est son père qui est l'agent des terres, que cet agent a son bureau dans le bureau du député de Bonaventure pour lequel la province paie un loyer de $100. Voilà ce que je prétends et ce que je prouverai.

Il a des témoins de ce qu'il avance. Il fera, dit-il, les procédures requises.

M. Kelly (Bonaventure): L'honorable député explique le cas de façon quelque peu différente maintenant.

Il le défie de produire sa preuve.

M. Prévost (Terrebonne): Oh! Il n'y a pas d'explication. Mon accusation est claire et précise. Je la prouverai. Si je ne la prouve pas, je sais ce que j'ai à faire.

M. Kelly (Bonaventure): Je me lève sur une question de privilège et je demande à l'honorable député de mettre tout de suite par écrit l'accusation qu'il vient de lancer. Quand cette déclaration aura été reçue par le greffier, je produirai les documents et ferai venir tous les témoins désirables.

Je déclare ici que cette accusation est fausse. Il n'a jamais été question ne serait-ce que d'un seul lot, et je peux amener l'honorable sénateur Edwards lui-même devant la Chambre afin de le prouver. Il est vrai que j'ai eu une option, mais tout est régulier. Je déclare, Monsieur, que, si le député de Terrebonne met par écrit l'accusation qu'il vient de faire, qu'il la dépose sur la table de la Chambre et que je ne réussis pas à prouver que c'est une calomnie, non seulement je démissionnerai, mais encore, je ne ferai jamais plus de politique, malgré que je n'aie encore que 29 ans.

Mais, pour répondre, il a droit que l'accusation verbale soit mise par écrit5.

M. Prévost (Terrebonne) réplique que les règlements ne le forcent pas à écrire sa déclaration. Tout ce qu'il y a à faire, c'est de référer le cas au comité permanent des privilèges et élections devant lequel il répétera son accusation.

Je n'ai rien à retirer, dit-il, et, si le député de Bonaventure demande une enquête, je voterai pour et je prouverai mon accusation devant le comité permanent des privilèges et élections ou devant tout autre comité. Tout ce que je demande en ce moment, c'est le fair-play britannique pour que mes témoins aient la permission d'apporter leurs preuves.

M. Lavergne (Montmagny) suggère que l'accusation soit référée au comité permanent des privilèges et élections où elle devra être portée par écrit.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) exprime l'opinion que, d'après les règles de la Chambre, le député de Terrebonne doit mettre son accusation par écrit. Il lit les règles démontrant que, lorsqu'un député lance une accusation contre un autre député, l'Orateur peut, dans un tel cas, lui demander de mettre son accusation par écrit et ce, à la condition que les députés soient d'accord.

M. Prévost (Terrebonne) prétend que la règle invoquée ne s'applique pas à une accusation, mais à des expressions peu parlementaires. Pour montrer qu'il ne craint rien, il va cependant mettre son accusation par écrit. S'il ne prouve pas, il résignera. S'il prouve, le député de Bonaventure résignera.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): La déclaration écrite devrait être faite immédiatement afin que la Chambre puisse se prononcer sur son mérite.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) est du même avis. Il cite à l'appui de sa prétention un article disant qu'un député a le droit de demander que l'on prenne par écrit toute déclaration dont il a à se plaindre de la part d'un autre député.

Au cours de mes neuf années d'expérience dans cette Chambre, j'ai vu des passes d'armes violentes, mais je n'ai encore jamais entendu une accusation aussi terrible lancée en pleine Chambre devant tous les députés. Cependant, si le député de Terrebonne a porté une accusation franche, délibérée, pourquoi n'a-t-il plus le courage d'aller jusqu'au bout? Le député de Montmagny parle de faire référer tout cela au comité permanent des privilèges et élections. Jamais non plus je n'ai entendu parler d'une telle suggestion au cours de mes neuf années d'expérience parlementaire. Et que veut-il faire référer exactement? Comment peut-on référer une telle chose au comité permanent des privilèges et élections si l'accusation n'est même pas mise par écrit? Pour nommer une commission d'enquête, il faut absolument une accusation par écrit.

Une attaque a été portée non seulement contre le député de Bonaventure, mais contre chaque député de cette Chambre. L'honneur d'un député doit être sauvegardé. La Chambre a le droit d'exiger une explication et d'obliger celui qui a porté l'accusation soit de la prouver, soit de la retirer, ou alors, elle peut le faire expulser.

M. Prévost (Terrebonne): Le député de Montmagny a tort de vouloir créer l'impression que je me dérobe. L'honorable ministre des Travaux publics semble croire que je veux reculer. Il se trompe. Ce n'est pas ma façon de faire les choses. Je n'ai pas l'habitude de retirer ce que j'ai dit. Je ne me déroberai pas et j'écrirai mon accusation et je la prouverai; mais je demande le temps nécessaire pour le faire, car cela est important. Je suis même prêt à le faire tout de suite après la séance. Et je n'imposerai aucune condition. Tout ce que je demande, c'est le fair-play britannique pour que mes témoins soient entendus. L'honorable ministre a parlé d'expulsion, mais cela ne me fait pas peur. Je promets que je n'attendrai pas d'être expulsé.

Le ministre a été surpris de mon accusation, il n'a jamais vu ça, mais ce qu'il n'a jamais vu non plus, c'est un député, comme le député de Bonaventure, qui a fait hier une insinuation et qui, après avoir été mis en demeure de porter une attaque directe, a reculé. Voilà la différence entre le député de Bonaventure et moi.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je n'avais aucunement l'intention de menacer le député de Terrebonne. Je n'ai fait que rapporter les termes utilisés dans la loi.

M. Lavergne (Montmagny) insiste pour que la question soit référée au comité permanent des privilèges et élections.

M. Prévost (Terrebonne): Je suis prêt à mettre cette déclaration par écrit à la fin de la séance.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que le débat soit ajourné.

M. Kelly (Bonaventure): C'est contre moi qu'est portée cette accusation et j'ai le droit d'exiger qu'il n'y ait aucun délai. J'insiste pour que la déclaration du député de Terrebonne soit écrite immédiatement, même s'il faut suspendre la séance pour quelque temps. Donnons une heure au député de Terrebonne pour qu'il puisse préparer sa déclaration.

M. Prévost (Terrebonne) dit qu'il a la parole, il la garde. Il déposera sa déclaration à temps. Il suggère que le député de Bonaventure propose de référer l'accusation au comité permanent des privilèges et élections.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) soulève un point d'ordre. Il dit qu'un député qui s'en plaint a droit, par la règle 170, de faire mettre par écrit les paroles du député qui les prononce. Il insiste pour que la déclaration soit écrite immédiatement car ce n'est que simple justice envers le député de Bonaventure. Si le député de Terrebonne ne veut pas mettre ses paroles par écrit, il demande à l'Orateur de rendre sa décision6.

M. Tellier (Joliette) croit que la règle ne s'applique pas et qu'il vaut mieux suspendre la séance. Aujourd'hui, le député de Terrebonne déposera sa déclaration.

M. Lavergne (Montmagny): La procédure à suivre, c'est de référer le cas au comité permanent des privilèges et élections. Il cite Bourinot et d'autres auteurs.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) parle des députés que leur conduite fera chasser de leur comté.

M. Lavergne (Montmagny): Je n'ai jamais été chassé du mien. Le premier ministre ne peut pas en dire autant.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Comment?

M. Lavergne (Montmagny): Avez-vous oublié Saint-Jacques?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): C'est ce qui vous arrivera à vous!

M. Lavergne (Montmagny): Cela ne m'est pas encore arrivé.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Eh bien, je promets au député de Montmagny que ça se fera pour lui à la prochaine élection.

M. Lavergne (Montmagny): Je défie le premier ministre d'y venir. Je suis prêt à démissionner immédiatement s'il veut en faire autant et se présenter contre moi. Il est évident qu'on s'excite trop de l'autre côté. Une pierre est tombée dans la mare aux grenouilles!

L'honorable M. Gouin (Portneuf), l'honorable M. Taschereau (Montmorency) et M. Geoffrion (Verchères) prétendent qu'il n'y a rien à référer à ce comité, étant donné qu'il n'y a rien d'écrit à soumettre aux membres.

(On continue la discussion du point soulevé par le député de Bonaventure.)

L'honorable M. Gouin (Portneuf),l'honorable M. Taschereau (Montmorency), M. Geoffrion (Verchères) et M. Lévesque (Laval) demandent que l'accusation soit retirée.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Une accusation a été portée contre un des députés de la Chambre et la question devrait faire l'objet d'une enquête du comité.

M. Tellier (Joliette) parle dans le même sens et cite aussi certaines autorités et les règles de la Chambre afin de prouver que rien ne peut être fait avant qu'une enquête soit menée par le comité permanent des privilèges et élections.

M. Tellier (Joliette), M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) et M. Lavergne (Montmagny) soutiennent qu'il suffit de référer le cas au comité et que, dans tous les cas, il faut donner au député de Terrebonne le temps de rédiger soigneusement son accusation.

M. Tellier (Joliette) demande que la Chambre s'ajourne afin que le député de Terrebonne puisse préparer sa déclaration.

M. Prévost (Terrebonne) déclare qu'il déposera son accusation aujourd'hui et propose l'ajournement du débat.

Des députés ministériels: Rejeté! Rejeté!

M. Prévost (Terrebonne) demande qui pourrait bien l'empêcher de proposer l'ajournement du débat.

M. Kelly (Bonaventure): M. l'Orateur, il y a une heure le député de Terrebonne a porté une accusation contre moi. Je vais faire une déclaration qui n'est pas parlementaire, il se peut même que je sois obligé de retirer mes paroles. M. l'Orateur, je déclare que, si le député de Terrebonne ne met pas par écrit immédiatement les accusations qu'il a portées contre moi ce soir ou s'il ne les retire pas, il est un infâme menteur et un lâche.

M. Lavergne (Montmagny): J'exige que ces paroles soient prises par écrit par le greffier.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Quelles paroles?

M. Lavergne (Montmagny) propose, appuyé par le représentant de Jacques-Cartier (M. Cousineau), que, suivant la règle 170, les paroles prononcées par le député de Bonaventure soient prises par écrit par le greffier de la Chambre.

Adopté.

M. Kelly (Bonaventure): J'ai dit: "M. l'Orateur, si le député de Terrebonne ne met pas par écrit immédiatement les accusations qu'il a portées contre moi ce soir ou s'il ne les retire pas, il est un infâme menteur et un lâche."

(Le greffier écrit cette déclaration.)

M. Lavergne (Montmagny): Je demande maintenant que le député de Bonaventure retire les paroles injurieuses qu'il vient de prononcer et qu'il soit expulsé de la Chambre.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Oh, vous voulez que tout le monde s'en aille!

M. Lavergne (Montmagny): Non, je veux que le premier ministre reste ici, même si ce n'est pas ce que veulent plusieurs électeurs.

M. l'Orateur lui donne raison et demande au député de Bonaventure de retirer ses paroles. Il lui dit qu'il ne peut plus les répéter.

M. Kelly (Bonaventure): Lorsque j'ai prononcé ces paroles, je savais qu'elles n'étaient pas parlementaires et que je devais les retirer.

Il dit qu'en admettant comme il l'admet que ces paroles ne sont pas parlementaires, pour cette raison, et pour aucune autre, il consent à les retirer.

M. Lavergne (Montmagny) propose alors qu'ordre soit donné au comité permanent des privilèges et élections de faire enquête sur l'accusation portée par le député de Terrebonne.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency), M. Geoffrion (Verchères) et M. Blouin (Lévis) disent qu'on ne réfère pas au comité une accusation qui n'est pas écrite et demandent que la déclaration soit faite par écrit.

(Après un long débat sur des points d'ordre et des questions de privilèges,)

M. Prévost (Terrebonne) se déclare prêt à mettre son accusation par écrit plus tard, après la séance.

Il propose l'ajournement du débat.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit au député de Terrebonne que rien n'est plus facile que de faire venir un sténographe et que le député de Terrebonne n'aura qu'à répéter ce qu'il a dit.

Il propose alors d'ajourner la Chambre pendant un quart d'heure, une demi-heure même, pour permettre au député de Terrebonne de rédiger son accusation.

M. Prévost (Terrebonne) dit qu'il prendra le temps nécessaire et qu'il n'est pas ici pour faire les quatre volontés du premier ministre. Pas de correction. L'opposition a des moyens de défense; il est facile de proposer l'ajournement du débat et de parler deux jours là-dessus. Je ferai ma déclaration, mais personne ne me forcera à la faire en un temps donné.

Il n'est pas prêt à rédiger cette accusation et il veut faire cette rédaction à tête reposée. Au lieu d'ajourner une demi-heure ou une heure, il demande l'ajournement à demain.

M. Blouin (Lévis) dit que l'on "bourinote7" trop.

M. Lévesque (Laval) propose, appuyé par le représentant de Lévis (M. Blouin), que, vu le refus de l'honorable député de Terrebonne de mettre par écrit les accusations verbales qu'il a portées contre l'honorable député de Bonaventure, cette Chambre les considère frivoles et procède à l'ordre du jour.

M. Lavergne (Montmagny) s'oppose en raison de l'heure.

M. Tellier (Joliette) soulève le point d'ordre que la motion du député de Laval n'est pas fondée en faits, en autant qu'elle allègue que le député de Terrebonne refuse de mettre par écrit les accusations verbales qu'il a faites contre le député de Bonaventure.

L'allégué de la motion est faux, dit-il, tout le monde est témoin que le député de Terrebonne n'a pas refusé et ne refuse pas.

M. Lévesque (Laval) et M. Lavergne (Montmagny) prennent la parole.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) et M. Bernard (Shefford) se moquent du pétrin dans lequel se trouve le gouvernement.

M. l'Orateur décide qu'il appartient à la Chambre de décider si, oui ou non, les allégations de la motion du député de Laval sont fondées en faits et, par conséquent, renvoie le point d'ordre.

Et la motion étant de nouveau proposée,

M. Giard (Compton) propose en amendement, appuyé par le représentant de Joliette (M. Tellier), que tous les mots après "que" soient retranchés et remplacés par les suivants:

"Vu l'accusation portée verbalement au cours du débat par le député de Terrebonne contre le député de Bonaventure;

"Vu la déclaration par le député de Terrebonne à l'effet qu'il est prêt à formuler son accusation par écrit à condition qu'on lui en donne le temps;

"Que le débat soit ajourné et que la séance de la Chambre soit suspendue afin que le député de Terrebonne puisse avoir le temps de formuler son accusation par écrit, conformément à la procédure parlementaire."

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit qu'avec cet amendement les choses restent au même point. Après une longue discussion, on n'est pas plus avancé qu'au commencement. Le député de Terrebonne a porté des accusations graves contre un député. Le député de Terrebonne savait depuis longtemps qu'il ferait ces accusations; il l'a annoncé à deux reprises; il aurait bien dû les avoir par écrit.

Maintenant, quand il a fait sa déclaration, le député de Bonaventure (M. Kelly) lui a demandé de l'écrire et il a refusé. On lui a offert d'ajourner et de lui donner une demi-heure pour la rédiger. Il a refusé et a répondu qu'il ne voulait pas de limitation de temps. Or voilà trois heures que l'accusation a été faite. Il a dû avoir le temps de la rédiger. Il semble qu'on veuille maintenant attendre à demain.

Il ajoute qu'il ne peut accepter cette proposition car il serait injuste de laisser planer de vagues accusations à propos du député de Bonaventure. Puisque le député de Terrebonne ne veut pas rédiger l'accusation, qu'il laisse adopter la motion du député de Laval (M. Lévesque) qui en demande le renvoi, et le député de Terrebonne aura n'importe quel jour qu'il le voudra pour présenter son accusation quand il sera moins hésitant.

Je ne tiens pas plus qu'un autre à faire veiller la Chambre, mais il me semble que cette question devrait être réglée maintenant. Dans tous les cas, le député de Terrebonne pourra déposer son accusation à n'importe quelle autre séance. Mais en justice pour le député de Bonaventure, qui a droit à la protection de la Chambre, nous devons repousser l'amendement du député de Compton (M. Giard) et adopter le sous-amendement du député d'Argenteuil (l'honorable M. Weir).

On propose maintenant d'ajourner la Chambre pour donner le temps de la rédiger. À cette heure, à 3 heures, on sait ce que cela signifie. À trois heures du matin ce n'est plus le temps de donner au député de Terrebonne une heure pour rédiger son accusation. Je ne puis donc accepter cet amendement.

M. Tellier (Joliette) dit que l'amendement représente l'intention première du gouvernement. Il ne croit pas juste de forcer le député de Terrebonne à rédiger sans retard une accusation aussi grave, dont chaque mot compte. On devrait lui donner tout le temps voulu. Le premier ministre semble croire que le député de Terrebonne songe à retirer son accusation. Il sait pourtant qu'une accusation de ce genre ne peut être rédigée à la hâte. Le député de Terrebonne dit qu'il déposera sa déclaration écrite et nous devrions accepter sa parole. On sait bien que, si la déclaration pêchait par quelque côté, on bloquerait la preuve à l'enquête.

M. Prévost (Terrebonne): Le premier ministre peut dormir tranquille. Je ferai ma déclaration par écrit. En attendant, je ne reconnais pas au gouvernement le droit de me mettre dans la bouche des paroles que je n'ai pas dites et d'en faire une question de confiance. On veut m'entraîner dans un piège, mais on ne réussira pas. On veut employer la coercition, on ne réussira pas davantage. Le temps est fini où le premier ministre pouvait faire claquer le fouet pour me faire danser. Je vais faire ma déclaration par écrit, mais je veux la faire bien afin d'éviter les chinoiseries qu'on va lui susciter à l'enquête. Que le premier ministre soit assuré de ceci: Je ferai ma déclaration demain. Je demanderai le temps voulu pour assigner mes témoins et le bal va commencer.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose en sous-amendement, appuyé par le représentant de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), que tous les mots après "que", à la première ligne de l'amendement, soient retranchés et remplacés par les suivants:

"Attendu que le député de Terrebonne a déclaré en cette Chambre, mardi le 11 mai, qu'il était prêt à porter ces accusations contre le député de Bonaventure, au risque de perdre son siège.

"Attendu que, le 12 mai courant, ledit député de Terrebonne a porté des accusations directes contre l'honneur et l'intégrité du député de Bonaventure.

"Attendu que le député de Bonaventure a immédiatement demandé que les accusations du député de Terrebonne soient portées par écrit pendant la présente séance.

"Attendu que la Chambre a continué de siéger jusqu'à 2 h 45 du matin, le 13 mai, et que le député de Terrebonne n'a pas encore porté ses accusations par écrit.

"Que cette Chambre est d'opinion que les accusations verbales du député de Terrebonne n'étaient pas portées avec l'intention de procéder là-dessus, conformément aux règles parlementaires, et que la Chambre passe maintenant à l'ordre du jour."

M. Prévost (Terrebonne) soulève l'objection que le sous-amendement n'est pas dans l'ordre, parce qu'il tend à faire dire au député de Terrebonne ce qu'il n'a pas dit et qu'il est contradictoire à la motion principale.

Il nie l'allégation du député d'Argenteuil qui laisse entendre que, lorsqu'il a dit qu'il ferait des accusations, il a utilisé les mots "accusations directes".

L'honorable M. Weir (Argenteuil): C'est bien ce que vous avez dit.

M. Prévost (Terrebonne): C'est faux.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Je laisse la Chambre décider.

M. Prévost (Terrebonne) demande le rejet de la motion par l'Orateur, parce qu'elle lui fait dire des choses qu'il n'a jamais dites. Ainsi, il n'a jamais, le 11 mai, dit qu'il porterait des accusations au péril de son siège. Il n'était pas encore décidé à les porter alors; d'ailleurs, s'il avait prononcé de telles paroles, la presse s'en serait emparée avec empressement.

Je sais le but qu'on veut atteindre: on veut me faire peur au cas où le comité déciderait que je n'ai pas prouvé mon accusation. On dira: Vous l'avez dit vous-même, c'était au péril de votre siège, dehors! Mais on peut être tranquille, le député de Terrebonne ne sortira pas, parce qu'il prouvera ce qu'il avance. Mais, lors même que je ne prouverais pas, pour une raison ou pour une autre, on ne pourrait pas m'expulser. Il n'y a pas de loi qui oblige un député à laisser son siège. C'est laissé à son honneur. Quant à moi, je sais ce que j'aurai à faire. En attendant, je proteste énergiquement contre la tactique qui vient d'être suivie. On a voulu me serrer dans un coin en me disant: Formulez vos accusations de suite. Le premier ministre saura que le temps est passé du fouet. Ce qu'on veut, c'est de me faire faire une déclaration hâtive. J'étais prêt il y a un instant à faire ma déclaration, mais, quand j'ai vu la hâte fébrile du ministre, j'ai réfléchi. J'ai vu passer devant mes yeux la figure du premier ministre épluchant en bon avocat ma déclaration. Je la ferai, ma déclaration, mais je la ferai bien, de façon à ce qu'elle ne donne pas de prises aux ciseaux de la procédure. À la prochaine séance, je produirai ma déclaration et je ferai moi-même motion pour la formation d'un comité d'enquête spécial.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) soutient son sous-amendement.

M. l'Orateur décide de laisser la Chambre décider si le sous-amendement et la motion sont dans l'ordre.

M. Prévost (Terrebonne) se plaint alors de la conduite du gouvernement. Il prétend qu'on a voulu l'enserrer dans un cercle, mais cela ne réussira pas. Qu'on vote ce qu'on voudra, peu importe. Il ne se risquera pas dans une rédaction hâtive où on pourrait le prendre sur des mots. Il prendra le temps voulu et déposera demain son accusation et la prouvera.

M. l'Orateur déclare l'amendement et la motion dans l'ordre.

M. Prévost (Terrebonne) propose que le point d'ordre soit retiré.

Adopté.

Le sous-amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Blouin, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Côté, Daigneault, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Gaboury, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Laferté, Lafontaine (Berthier), Leclerc, Lévesque, Mackenzie, Mercier, Morisset, Neault, Roy, Taschereau, Tessier, Tourigny, Walsh, Weir, 29.

Contre: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Anjou, D'Auteuil, Gault, Giard, Lavergne, Patenaude, Plante, Sylvestre, Tellier, 12.

Ainsi, l'amendement est résolu dans l'affirmative.

M. Lavergne (Montmagny) attire l'attention de M. l'Orateur sur le fait que le député de Terrebonne, bien qu'à son siège, n'a pas voté.

M. l'Orateur déclare qu'avant le vote le député de Terrebonne a déclaré qu'étant personnellement intéressé il ne voterait pas sur la question et que lui, l'Orateur, pense qu'il est justifiable d'en agir ainsi.

L'amendement, tel qu'amendé, est alors mis aux voix. La Chambre se divise et la proposition est adoptée sur la division précédente prise en sens inverse.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Reprise du débat.

M. Prévost (Terrebonne) signale que c'est lui qui avait la parole lorsque le premier ministre a demandé que l'on procède à l'ordre du jour. Il annonce qu'il déposera son accusation écrite plus tard, lors d'une question de privilège.

Il propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que ce débat soit de nouveau ajourné.

Adopté.

La séance est levée à 3 h 45 du matin.

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NOTES

 

1. L'Action sociale mentionne cet article du règlement. Cependant, cet article n'existe pas dans les règlements de la Chambre édités en 1885.

2. La Presse rapporte que M. Bourassa aurait comparé les articles et que, selon lui, ils n'étaient pas semblables.

3. Il fait sans doute une allusion sarcastique à M. Gouin qui avait été nommé chevalier de la Légion d'honneur de France en 1907.

4. Le passage cité par M. Prévost est probablement le suivant: "I might state here, in passing, that we have never had in the Province of Quebec, in my opinion at least, a Minister of Colonization who had at heart the interest of Colonization to the same extent as our present Minister. We have a man who is full of courage, full of energy, who is trying to work for the greater advancement of his country, in order to better the position of the Settler, while respecting the rights of the Limit Holder; and because he tries to act as a public man should, he is assailed by accusations from a man in position and who, I hope, after he will have read the above remarks of the Minister of Colonization will change his opinion." (J. H. Kelly, The Position of the Settler in the Province of Quebec, s. l., 1906, p. 18-19.)

5. Il s'élève alors une longue discussion sur la procédure à suivre. On cite l'article 170 obligeant à mettre par écrit des paroles dont un député se plaint.

6. Ledit article 170 se lit ainsi: "170. Lorsqu'un député trouve à redire à des mots employés dans un débat et demande que ces mots soient couchés par écrit, l'Orateur, s'il apparaît que c'est le désir de la Chambre, ordonne en conséquence au greffier de les prendre par écrit."

7. M. Blouin fait ici allusion à Sir John George Bourinot (1837-1902), spécialiste en droit parlementaire et auteur de Parliamentary Procedure and Practice in Canada. Les députés se référaient très souvent à cet ouvrage lorsqu'il s'agissait de régler des problèmes reliés à la procédure parlementaire.