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Version finale

12e législature, 1re session
(2 mars 1909 au 29 mai 1909)

Le jeudi 13 mai 1909

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 11 h 35.

 

Succession S. C. Bagg

M. Mousseau (Soulanges) propose, appuyé par le représentant de Lévis (M. Blouin), que le bill 130 amendant la loi 38 Victoria, chapitre 94, concernant la succession de feu Stanley C. Bagg soit remis sur les ordres du jour pour étude en comité général de la Chambre.

Adopté.

Électeurs municipaux

M. Walker (Huntingdon) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Brome (M. Vilas), que le bill 174 amendant le code municipal concernant les électeurs municipaux soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité général.

M. Walker (Huntingdon) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité:

M. Walker (Huntingdon): Ce bill déclare tout fils de propriétaire d'immeuble dans une municipalité électeur municipal, pourvu que l'immeuble soit d'une valeur suffisante, s'il est divisé également entre le propriétaire et son fils comme copropriétaire, pour leur donner la qualité d'électeurs. S'il y a plus d'un fils, les plus âgés sont inscrits les premiers quand l'immeuble n'est pas d'une valeur suffisante pour leur donner à tous la qualité d'électeurs.

M. Mackenzie (Richmond) appuie le bill.

M. Cousineau (Jacques-Cartier), tout en appuyant le principe du projet de loi, fait quelques remarques. Il désire que l'on donne droit de vote aux instituteurs et aux maîtres de poste pour les fins municipales.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Walker (Huntingdon) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Saint-Louis de Blandford

M. Mercier fils (Châteauguay) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Trois-Rivières (M. Tessier), que le bill 185 annexant au comté de Nicolet une certaine partie de la municipalité de Saint-Louis de Blandford, pour toutes les fins, soit maintenant lu une deuxième fois.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) veut savoir de quel côté s'était prononcée cette paroisse à la dernière élection ou encore si c'est l'accomplissement d'une promesse du député de Nicolet (l'honorable M. Devlin).

L'honorable M. Devlin (Nicolet) prend la parole.

La proposition est adoptée sur division. Le bill est renvoyé au comité général.

 

Demande de documents:

Réforme du service de l'inspection des écoles

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat ajourné jeudi, le 22 avril dernier, lors de la motion du député de Montréal no 3 (M. Langlois) pour la production, devant cette Chambre, des documents concernant la réforme du service de l'inspection des écoles dans la province de Québec.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Les inspecteurs d'écoles sont un des facteurs importants dans l'organisation scolaire de notre province. Ils constituent l'un des éléments essentiels de notre système d'instruction publique, de cette branche de notre organisme social justement considéré par des autorités comme le premier besoin d'un pays et le degré de civilisation chez une nation. Soulever un débat sur l'inspection scolaire, c'est discuter notre système d'instruction publique et la politique du gouvernement.

Il croit qu'on a exagéré la situation. Quoi qu'en dise le député de Saint-Louis (M. Langlois), ce n'est pas notre système d'instruction publique qui est mauvais, c'est la politique du gouvernement qu'il faut condamner. Le gouvernement a failli à ses promesses sur cette clause de son programme, comme il a failli sur tous les autres articles concernant les différentes branches de notre administration provinciale.

L'instruction publique: Le Parti libéral, dans l'opposition, en a fait son credo. Il accusait alors les conservateurs d'obéir à la volonté des morts. Mercier disait: La cause de l'instruction est la grande cause populaire; c'est celle de nos institutions politiques; c'est la cause nationale par excellence. L'honorable M. Marchand se déclarait en faveur de la création d'un ministère de l'instruction publique dirigé par un ministre responsable, afin d'enlever au Conseil de l'instruction publique, corps irresponsable et source de tout le mal, disait-on, le contrôle de l'enseignement. Mais, même au pouvoir, nos adversaires ont continué leur déclamation démagogique en faveur de l'instruction publique. Qu'ont-ils fait? Quelles sont leurs réformes? Rappelons-nous leurs paroles et examinons leurs actes.

Il cite des extraits de discours du député de Portneuf (l'honorable M. Gouin), du représentant de Kamouraska (l'honorable M. Roy), du représentant d'Hochelaga (l'honorable M. Décarie), etc.

Quels sont maintenant leurs actes? Quelles sont leurs réformes? Qu'ont-ils fait pour les enfants du peuple, pour l'enseignement primaire, base de tout autre enseignement? Qu'ont-ils fait pour les inspecteurs, pour les instituteurs, pour les institutrices? Aucune réforme. Au contraire, le gouvernement s'oppose même aux réformes que lui propose le Conseil de l'instruction publique. En 1900, le Parti libéral, l'apôtre de l'instruction et de la civilisation, a mis à sa tête un homme dont le jeune député libéral de Bellechasse (M. Galipeault) a dit qu'il n'avait ni l'instruction ni l'éducation pour présider aux destinées de notre province.

Le gouvernement actuel a créé quelques écoles normales, voilà tout. Le gouvernement fait du bruit et des tirades à propos des fonds destinés aux écoles élémentaires. C'est un gouvernement conservateur, celui de M. Flynn, qui a créé ce fonds. Le gouvernement actuel n'a fait que l'augmenter, mais il ne l'a pas augmenté en proportion de l'augmentation des revenus qu'entasse le Trésor provincial au moyen des taxes et des besoins de notre organisation scolaire. Le sort des institutrices, des instituteurs et des inspecteurs n'est pas amélioré. Il cite un extrait du dernier rapport de l'inspecteur Lévesque qui dit, parlant des institutrices: "Nous nous plaignons toujours des mauvais traitements."

Quant aux maîtres d'école, leur position est plus pénible qu'autrefois, à cause de l'augmentation du coût de la vie et du peu d'encouragement qu'ils reçoivent du gouvernement. Nous avons besoin de maîtres d'école, mais il n'y en a pas pour répondre à ce besoin, parce que le gouvernement refuse de les encourager. Sur un total de 7712 instituteurs et institutrices laïques, catholiques et protestants dans notre province, l'on ne compte que 238 instituteurs catholiques et 108 instituteurs protestants. Montréal, à elle seule, emploie une centaine de maîtres laïques, de sorte que les écoles catholiques du reste de la province n'emploient que 138 professeurs. Le rapport du surintendant dit que le nombre des instituteurs tend à diminuer.

Quant à la position des inspecteurs, elle est plus pénible que par le passé. Le salaire n'augmente pas en proportion de l'augmentation du coût de la vie. L'inspecteur gagne moins qu'un grand nombre d'instituteurs. Cependant, il faut avoir été instituteur pour être inspecteur. C'est dire que le rôle d'inspecteur est encore plus élevé que celui de l'instituteur. Le premier ministre a dit: Les instituteurs d'école sont les pionniers de l'éducation dans notre province. Oui, mais la situation de nos pionniers de l'éducation est aussi pénible que la situation faite aux pionniers du sol canadien qui crevaient de faim alors que leur roi Louis XV festoyait scandaleusement au milieu de sa cour de France. L'inspecteur est chargé de diriger les artistes qui travaillent à embellir, à former le cerveau de l'enfant. Cependant, on n'apprécie pas la sublimité de sa position. On le voit dans sa misère, et cela importe peu aux hommes du pouvoir. L'inspecteur d'écoles reçoit, dans notre province, un salaire de $1000 par année, il est obligé de visiter plus de 100 écoles et payer ses dépenses de voyage à même son maigre salaire. L'inspecteur de mon comté visite 152 écoles. De plus, il est obligé de donner des conférences aux institutrices. Il lui reste pour sa famille à peu près $500. L'inspecteur des Îles-de-la-Madeleine ne reçoit que $250, c'est-à-dire le même salaire qu'il recevait quand il n'avait que quelques écoles à visiter.

Le député de Gaspé (M. Lemieux) se plaint que l'inspecteur des écoles de son comté reste dans le comté de Wolfe. Cet inspecteur n'est pas le seul à demeurer en dehors de son district d'inspection. M. Curot, inspecteur pour Compton, demeure à Montréal. L'inspecteur pour Saint-André Avellin demeure à Montréal. Les inspecteurs demeurent où ils peuvent trouver les moyens d'élever leurs familles. On se plaint de ce fait; on prétend qu'il y a trop d'institutrices, et trop d'institutrices incompétentes. C'est une raison de plus pour apprécier le rôle indispensable de l'inspecteur. L'inspection scolaire devient de plus en plus importante, parce que le nombre des instituteurs diminue. C'est la jeune maîtresse qui a surtout besoin des leçons, des enseignements et de la surveillance de l'inspecteur.

Le député de Montréal no 3 (M. Langlois) dit que le système d'inspection est mauvais. Il soutient le contraire et il réfute point par point cette partie du discours du député de Montréal no 3. Selon lui, le système actuel est bon, mais le nombre des inspecteurs est trop restreint et ils ne sont pas suffisamment payés. Il se fait des visites de façon profitable et aussi de bons rapports. Pour lui, le seul mal de la situation, c'est l'insuffisance du salaire. Le système sera appliqué et donnera tous les résultats qu'il peut produire quand les inspecteurs, mieux rémunérés, seront en état de l'appliquer. Quand l'inspecteur sera mieux payé, il sera plus heureux, il appréciera mieux sa position et cherchera à la remplir convenablement.

Dans une requête adressée au secrétaire de la province, les inspecteurs d'écoles demandent cette augmentation. Les membres du Conseil de l'instruction publique la demandent aussi.

Il établit que le salaire payé aux inspecteurs de la province est inférieur à celui qui est payé dans les provinces-soeurs. Le secrétaire provincial (l'honorable M. Roy), dont la générosité si large a été si appréciée dernièrement par les instituteurs de la province, ne manquera pas de rendre justice aux inspecteurs d'écoles. Ici, il cite un rapport dans lequel le surintendant de l'Instruction publique définit la position de l'inspecteur. Dans les autres provinces du Canada, les inspecteurs reçoivent en moyenne $1500 par année. Il cite des endroits très intéressants d'un rapport du ministre de l'Éducation d'Ontario et des chiffres sur les salaires des inspecteurs de toutes les provinces.

Québec: Traitement, en général, $1000. Chaque inspecteur a une moyenne de 150 écoles à visiter, dont quelques-unes contiennent plusieurs classes. Il doit visiter ces écoles une fois l'an. En septembre et octobre, il donne des conférences pédagogiques dans son district. Il doit payer à même son salaire de $1000 tous ses frais de voyage. Pour frais de correspondance, de transport, de livres de prix, il reçoit $10 par année. Plus que cela, il est obligé d'acheter, à même ses deniers, les nouveaux livres de classe approuvés par le comité catholique, s'il veut en prendre connaissance afin de pouvoir examiner les élèves sur ces matières au cours de ses examens d'inspection.

Voici maintenant quels sont les salaires que les inspecteurs reçoivent dans un grand nombre de provinces du dominion, d'après une statistique préparée à la demande de l'honorable M. Robitaille, ancien secrétaire provincial.

Ontario: $1500. Quelques-uns ont jusqu'à $3500. Chaque inspecteur reçoit pour ses frais de voyage au moins $150 du conseil de comté; s'il a plus de 50 écoles à visiter, il reçoit $1.50 par école additionnelle jusqu'à la 150e école. Chaque inspecteur a, en moyenne, 110 écoles à visiter deux fois par année, mais ne donne pas de conférences pédagogiques. Les inspecteurs des écoles supérieures reçoivent en moyenne $2750 de salaire et $500 pour leurs frais de déplacement; ils ne sont tenus qu'à une visite par année.

Nouveau-Brunswick: Dans cette province, les inspecteurs reçoivent $1500 par année. Ils visitent une fois par année les écoles où il n'y a qu'une classe, appelées "ingraduate" et deux fois les écoles où il y a deux classes et plus ("graduate schools").

Nouvelle-Écosse: En moyenne, les inspecteurs de cette province reçoivent $1518 et $50 pour leurs frais de correspondance, papeterie, timbres, etc. Ils sont tenus de visiter les écoles une fois par année et ne donnent pas de conférences pédagogiques. Chaque district a une moyenne de 200 écoles.

Manitoba: Salaires: $1290, et une bonne partie des frais de voyage remboursés.

Colombie anglaise: Moyenne: $1560 par année; de plus, tous leurs frais de voyage leur sont remboursés. En 1901, la moyenne de ces frais de voyage par incorporation s'est élevée à $675.

Le gouvernement dira peut-être: En 1904, nous avons augmenté la somme destinée aux inspecteurs. Le gouvernement dira qu'il a augmenté de $800 à $1000 le salaire des inspecteurs; mais il ne dira pas qu'il a imposé à l'inspecteur la tâche de faire des conférences pédagogiques. Oui, il a augmenté cette somme d'environ $4000 et il a nommé trois inspecteurs de plus qui sont payés à même ces $4000. Et les inspecteurs sont obligés maintenant de faire des conférences. La mesquinerie du gouvernement est un mauvais exemple. L'honorable secrétaire provincial, dans son discours de 1906, se plaignait du refus des commissions scolaires d'augmenter les salaires des institutrices. Le gouvernement ne fait pas mieux puisqu'il n'alloue que 75 cents par jour à l'institutrice qu'il oblige à se déplacer pour assister aux conférences pédagogiques des inspecteurs. Il espère que le gouvernement entendra la prière de l'inspecteur, qui est aussi la prière de l'enfant du peuple, la prière de la patrie. L'augmentation s'impose.

Il demande que l'inspecteur apporte plus d'attention à l'inspection, à l'application de notre système d'inspection. Le seul moyen pratique d'obtenir de lui une inspection plus efficace, c'est de le rémunérer convenablement. Il demande aussi au trésorier provincial de faire tout en son pouvoir pour améliorer la déplorable situation qui existe à l'heure actuelle.

M. Mackenzie (Richmond): L'inspection des écoles est un des points importants pour assurer l'efficacité de l'enseignement. Il faut que l'inspection soit complète, et pour cela il faut avoir des inspecteurs compétents. Tout cela s'obtiendra par de bons salaires. Une inspection complète des écoles de notre province est impossible, car les salaires versés aux inspecteurs d'écoles ne sont pas suffisants.

M. Francoeur (Lotbinière): L'amélioration et le progrès de l'instruction populaire ont, depuis quelques années, attiré l'attention de cette Chambre. Le député de Saint-Louis (M. Langlois) a provoqué plusieurs débats dont l'influence sur l'opinion publique a eu ses effets salutaires. L'école primaire est la base de notre système d'enseignement et le gouvernement l'a développée. C'est elle qui reçoit l'enfant en premier lieu, c'est elle, la première, qui fait pénétrer dans son cerveau les premiers rayons de lumière. Elle reçoit deux classes d'élèves: les uns qui doivent trouver là leur cours complet, dont les moyens ou des circonstances incontrôlables empêchent de fréquenter une autre école, de suivre le cours modèle ou supérieur; les autres, ceux qui après quelques années dans cette école iront terminer leur cours ailleurs. Les premiers doivent donc recevoir dans ce temple éclairé par les lueurs primaires un minimum d'instruction aussi élevé que possible; les seconds, une préparation aussi complète que possible. Il faut donc rendre cette école aussi parfaite que possible, lui fournir les moyens de former les caractères et de préparer ces élèves pour les luttes de la vie. Pour cela, il faut une instruction qui rendra plus parfait ce minimum primaire. Notre instruction sera bonne si les inspecteurs font leur devoir, et ils feront leur devoir, tout leur devoir, si on améliore leur condition en leur donnant les ressources pécuniaires qu'exigent leurs multiples fonctions et nombreux frais de déplacement. La loi qui régit l'inspection est bonne - la meilleure, peut-être, du code scolaire - mais qu'on permette aux inspecteurs de la suivre, de la mettre en application dans son esprit. C'est pourquoi le gouvernement devrait continuer à améliorer la position de ces fonctionnaires et les rendre capables de remplir tout leur devoir en se donnant exclusivement à leurs fonctions.

Il est surpris de voir l'opposition, qui parle toujours contre l'esprit de parti, en mettre dans cette question. Le gouvernement libéral est celui qui a le plus fait depuis 1897 pour l'instruction publique. Actuellement, il souscrit $750 000 par an à cette fin. Il n'a pas non plus négligé l'inspection des écoles. Notre système d'inspection n'est pas aussi mauvais qu'a voulu le faire croire certain député de cette Chambre. Au contraire, nous estimons qu'il est même très bon, si les inspecteurs pouvaient le faire fonctionner complètement.

Dans son rapport du débat qui eut lieu à ce sujet le 20 avril dernier, le Canada, rapportant le discours du député de Saint-Louis, contient quelques affirmations erronées et exagérées que nous tenons à rectifier. Le député de Saint-Louis, dit le Canada, prétend qu'avec le système actuel il n'y a pas d'inspection, à proprement parler.

Il peut y avoir des exceptions; mais, en général, nous ne craignons pas d'affirmer que l'inspection est efficace et que les inspecteurs sont les facteurs les plus importants pour activer les progrès, tant au point de vue intellectuel que matériel, dans les 4/5 des écoles sous contrôle. M. le surintendant peut prouver qu'il connaît la valeur de toutes les écoles de cette province, au sujet de l'efficacité de l'enseignement, de la construction et de l'aménagement. Le surintendant et le secrétaire du département peuvent aussi affirmer que, sans les inspecteurs, ils ne pourraient pas obtenir 50 pour cent de ce qui se fait tous les ans, soit pour améliorer la position des institutrices, soit pour rendre les écoles plus considérables.

"Et, cependant, nous dépenserons, sous ce chef, la somme de $50 000."

Cette affirmation est fausse, puisque le budget de l'inspection est de $43 000 depuis 1904-1905, au lieu de $36 630 l'année précédente. En 1892-1893, ce budget était de $42 000. Pour preuve, voir le dernier rapport de M. le surintendant, page XXVI. Depuis 1904-1905, sur les $6670 qui ont été ajoutés au budget de l'inspection, il y a $3000 pour trois nouveaux inspecteurs nommés en 1905; la balance de $3670 a servi à régulariser les traitements de ceux qui n'avaient pas encore $1000. Le salaire des inspecteurs a été augmenté de $700 à $1000. Le système en ce qui concerne l'inspection des écoles n'est pas encore parfait, mais il est faux de dire qu'on ne fait rien pour l'améliorer. Le gouvernement y travaille.

"Dans la province de Québec, l'ouverture des classes se fait en septembre, mais les inspecteurs ne commencent leur visite qu'à la fin de janvier ou au commencement de février, et leurs rapports n'arrivent au département généralement que dans les mois de mai et juin. Les fonctionnaires du département de l'Instruction publique auxquels est confié le soin de dépouiller ces rapports compliqués et volumineux n'en prennent généralement connaissance que durant les vacances. De sorte que, pour les écoles aussi bien que pour le département de l'Instruction publique, il n'y a pas d'inspection."

D'après les règlements scolaires, les inspecteurs ne peuvent commencer les visites avant le 15 janvier. Pendant le mois de septembre, ils donnent des conférences pédagogiques dans toutes les municipalités de leur district. À peu d'exceptions près, les inspecteurs s'accordent à dire que ces conférences sont ce qu'ils font de plus utile. Il croit qu'on doit maintenir le système de conférences pédagogiques données par les inspecteurs.

Au sujet des rapports que mentionne le député de Saint-Louis, les inspecteurs sont tenus de les envoyer immédiatement après la visite de chaque municipalité. Le surintendant peut affirmer que c'est là ce que font généralement les inspecteurs. Depuis le 15 janvier dernier, des centaines de ces rapports sont rendus au département de l'Instruction publique et des douzaines de lettres sont envoyées tous les jours aux commissions scolaires pour leur demander de remédier à certaines lacunes ou défectuosités constatées par les inspecteurs dans leurs rapports de janvier, février, mars et avril 1909.

"Les inspecteurs d'écoles devraient faire deux visites par année. La première aurait lieu au commencement de l'année scolaire (septembre, octobre et novembre), la deuxième aurait lieu à partir du premier février jusqu'à la fin de mai. À leur première visite, les inspecteurs devraient faire une inspection des locaux, du mobilier, du terrain, des lieux d'aisance, au point de vue de l'hygiène, et faire sur ce sujet un rapport complet et détaillé."

Ce rapport est fait chaque fois qu'une école est construite ou réparée. De plus, dans le rapport contenu dans le bulletin annuel envoyé au département, il y a des renseignements très précis à ce sujet.

"Ils devraient examiner avec soin si les instructions données précédemment ont été suivies et signaler tout ce qui est défectueux et insuffisant, dans un rapport adressé simultanément aux commissions scolaires et au surintendant. Ils devraient faire un rapport semblable concernant l'outillage pédagogique, le choix des livres, l'état des cartes géographiques et des tableaux noirs."

C'est encore là ce qui se fait actuellement après chaque visite d'une municipalité. Le bulletin d'inspection donne tous les renseignements à ce sujet. Si on veut une preuve plus évidente, qu'on demande au surintendant la production d'un de ces bulletins tel qu'envoyé par un inspecteur quelconque.

"À la première visite, ils ne feraient pas subir d'examens aux élèves; mais ils examineraient avec soin si la classification est conforme au programme et si l'organisation, au point de vue du groupement des élèves, est satisfaisante. Ils donneraient aux titulaires des écoles les conseils nécessaires sur ce sujet. À cette même visite, ils feraient l'examen des livres de comptabilité des secrétaires-trésoriers."

Cette proposition est absurde. Comment savoir si les élèves sont bien groupés, si le classement est conforme au programme d'études et de façon à ce que chaque élève puisse en bénéficier le plus possible, sans se rendre compte de la capacité de chacun, sans faire un examen des plus complets? Cette classification est la pierre d'achoppement de la plupart des jeunes institutrices et demande une connaissance approfondie des règlements scolaires et de la pédagogie. Il n'y a qu'une institutrice qui enseigne depuis deux ans ou plus dans la même école qui peut classer ses élèves dès les premiers jours de l'année. Pour une nouvelle, il faut plusieurs semaines afin de bien connaître la capacité de chaque élève. Il est donc absurde de prétendre qu'un inspecteur puisse vérifier la classification des élèves à l'oeil, sans examen; il ne faut pas même douter qu'il y a une science qui se nomme la pédagogie pour avancer une proposition semblable.

"À la deuxième visite, ils prendraient les notes nécessaires pour faire les statistiques demandées par le département et questionneraient les élèves pour se rendre compte du résultat obtenu. Ensuite ils constateraient si les améliorations demandées ont été faites ou non. Ils feraient un rapport sur ce qui reste à accomplir. En Belgique, où le système d'inspection est à la fois bien organisé et très pratique, l'inspection des écoles se fait immédiatement au commencement de l'année scolaire."

Il n'est pas juste de comparer la province de Québec à la Belgique; nous ne sommes pas dans les mêmes conditions. Nous devrions plutôt nous comparer avec des pays étant à peu près dans des conditions analogues aux nôtres au point de vue du développement de l'instruction publique, de l'étendue du terrain et de la densité de la population.

"Les inspecteurs ont à dresser, de concert, la liste des écoles notées "très bonnes", à visiter une fois, celle des écoles notées "bonnes", à visiter deux fois, et celle des écoles réputées "médiocres", à visiter trois fois."

C'est ce que font les inspecteurs annuellement; le bulletin d'inspection en fait preuve. Le département de l'Instruction publique peut sur demande et à l'aide des rapports des inspecteurs faire immédiatement cette classification. Quant à visiter deux et trois fois certaines écoles classées comme "bonnes" ou "médiocres" dans une première visite, les inspecteurs ne s'y opposent nullement puisque dans un rapport soumis au comité catholique, à sa session d'automne 1907, ils déclaraient ce qui suit: "À l'égard de la proposition (Stenson) à l'effet d'abolir partiellement les conférences pédagogiques et de faire faire deux visites annuelles aux écoles, l'association reconnaît qu'il serait bon et même nécessaire, dans bien des cas, que l'inspecteur fît plus de visites à certaines écoles afin d'aider les titulaires inexpérimentés, ranimer le courage des élèves, rétablir l'ordre dans certaines classes, régler les différends qui auraient pu s'élever entre les commissaires et les institutrices, etc.; mais, en tenant compte du traitement actuel et des dépenses encourues par les voyages, les inspecteurs ne pourraient raisonnablement faire plus, à moins de les vouer, eux et leurs familles, à la famine. Cependant, afin de prouver que les membres de cette association ne s'objectent pas au surcroît de travail qu'on veut leur imposer et qu'ils ne font pas de l'opposition par pure fantaisie, ils se déclarent prêts à se livrer entièrement, pendant toute l'année scolaire, à l'inspection des écoles, si le gouvernement veut consentir à les indemniser de tous leurs frais de voyage officiels."

Le député de Saint-Louis croit devoir signaler aussi le fait que, dans la province de Québec, les inspecteurs n'ont aucune instruction particulière pour faire leurs rapports au surintendant: La règle qu'ils suivent généralement consiste à se tenir dans la réserve, dans le convenu, et ils font le moins de suggestions possible, car, lorsqu'ils parlent trop ou écrivent trop, ils ont peur d'être mal notés.

Pour preuve que les inspecteurs ont d'importantes fonctions à remplir et que notre système est assez bien coordonné pour renseigner et le département de l'Instruction publique et le gouvernement sur les conditions de l'enseignement dans notre province, voici l'énumération de leurs principaux devoirs, détachés des Règlements refondus du comité catholique. Les inspecteurs d'écoles doivent: 1. Faire une visite à partir du 15 janvier de chaque année scolaire à chacune des écoles sous le contrôle des commissaires ou syndics de leur district d'inspection et consacrer à chaque visite au moins deux heures pour les écoles élémentaires et trois heures pour les écoles modèles et les académies.

2. Dans le courant de septembre et d'octobre de chaque année faire, sous la direction du surintendant de l'Instruction publique, des conférences pédagogiques de deux jours chacune aux instituteurs et aux institutrices de leur district d'inspection aux jours et lieux fixés par eux et après avoir donné les avis nécessaires à cet effet. Les instituteurs et les institutrices donneront congé à leurs élèves pendant le temps qu'ils seront absents pour ces conférences et ceux qui y assisteront recevront une indemnité que le lieutenant-gouverneur en conseil fixera pour chacun des deux jours qu'elles dureront.

3. Examiner les élèves sur différentes matières du programme d'études approuvé et exiger qu'il soit suivi par le maître et par les élèves.

4. Transmettre au surintendant: a) Les noms des instituteurs qui se distinguent dans l'enseignement de toutes les matières du programme d'études autorisé; b) Les noms de ceux qui, après avertissement, négligent de suivre ce programme ou de se servir d'un tableau de l'emploi du temps.

5. S'assurer si l'on observe les règlements concernant les maîtres et les élèves; prendre acte particulièrement de la classification des élèves, de l'arrangement du tableau de l'emploi du temps; voir de quelle manière sont tenus le journal d'appel et les autres registres de l'école.

6. Examiner les méthodes d'enseignement suivies par l'instituteur.

7. Donner, de temps en temps, quelques leçons en présence du maître.

8. Voir quels moyens sont employés pour maintenir la discipline.

9. Donner à l'instituteur tous les conseils nécessaires.

10. Inscrire, dans le registre des visiteurs, l'appréciation du résultat de son examen et toutes autres remarques qu'il jugera à propos de faire aux commissaires ou aux syndics ou à l'instituteur.

11. Encourager les maîtres à conserver les meilleurs cahiers de devoirs de leurs élèves et transmettre au département de l'Instruction publique, lorsque le surintendant l'exigera, les travaux dignes d'être exposés.

12. S'assurer de quelle manière on observe les règlements relatifs aux maisons d'écoles, aux lieux d'aisance, au mobilier, etc., et voir spécialement si la salle de classe est suffisamment spacieuse pour donner la quantité d'air respirable nécessaire à chaque enfant et si l'on donne le soin voulu au chauffage et à la ventilation des classes.

13. Remplir un bulletin d'inspection pour chaque école et transmettre au surintendant les bulletins des écoles d'une municipalité dès que la visite en est complétée.

14. Transmettre un rapport de leurs visites au secrétaire-trésorier des municipalités scolaires visitées.

Ces rapports, qui doivent être transcrits sans délai dans le registre de la municipalité par le secrétaire-trésorier, doivent être signés par eux à leur visite suivante. Dans ces rapports, ils doivent particulièrement appeler l'attention des commissaires ou des syndics d'écoles: 1. Sur: a) La mise en opération du cours d'études. b) L'emploi des livres de classe autorisés. c) L'usage de tableaux de l'emploi du temps. d) Les maisons d'écoles, les lieux d'aisance, etc. e) Le mobilier et les autres fournitures scolaires (tableaux noirs, cartes géographiques, etc. b) Dans les écoles en particulier, en général. 2. Sur les défauts sérieux qui peuvent exister: c) Chez les instituteurs individuellement. 3. Sur les moyens que les commissaires devraient prendre pour améliorer l'état de leurs écoles.

15. Dans leurs rapports annuels au surintendant, classer les municipalités scolaires de leur district d'inspection par ordre de mérite, en accordant 10 points pour chacun des sujets suivants: 1) État des maisons d'écoles, des dépendances et des emplacements. 2) État du mobilier et des autres fournitures scolaires (tableaux noirs, journaux de classe, cartes géographiques, registres, etc.) 3) Mise en opération du cours d'études. 4) Emploi des livres de classe autorisés. 5) Traitement des instituteurs et leur mode de paiement. 6) Succès remportés dans l'enseignement par les instituteurs ou les institutrices.

(Afin d'arriver à une classification uniforme, l'inspecteur donnera sur chaque sujet une note variant de 0 à 10, comme suit:

de 8 à 10 - Excellent.
de 6 à 8 - Très bien.
de 5 à 6 - Bien.
de 4 à 5 - Médiocre.
de 3 à 4 - Mal.
de 0 à 3 - Nul.

La somme de ces notes divisée par le nombre des matières donnera la note moyenne.)

16. Examiner avec soin les registres et les livres et documents des commissaires ou des syndics d'écoles, ainsi que les comptes des secrétaires-trésoriers et exiger qu'ils soient tenus d'après les formules officielles.

17. Transmettre au surintendant leurs rapports annuels et leurs bulletins statistiques avant le premier d'août de chaque année.

18. N'avoir aucun intérêt direct ou indirect dans la vente des livres ou autres fournitures d'école dans leur district d'inspection.

Le député de Saint-Louis (M. Langlois) a aussi prétendu que certains districts sont trop restreints et qu'il vaudrait mieux réduire quelque peu le nombre des inspecteurs, mais, en même temps, les obliger à donner tout leur temps exclusivement aux écoles de leurs districts1.Or il y a à peine quatre ans le gouvernement, à la demande du comité catholique, a fait une redistribution des districts et nommé trois nouveaux inspecteurs. Ce qui veut dire que ce comité a jugé que les inspecteurs, avec une moyenne de 150 écoles, en ont suffisamment pour les employer pendant toute l'année.

Pour un inspecteur qui veut faire tout son devoir, un district de 150 à 160 écoles est suffisant pour l'employer pendant toute l'année, mais à la condition qu'il prenne le temps de faire des conférences pédagogiques et des visites assez prolongées pour être efficaces. Il faut au moins un mois pour bien préparer les trois conférences dont le canevas est fourni par le surintendant et la quatrième, qui doit être du cru de l'inspecteur, doit se rapporter aux besoins de chaque district en particulier. Puis, une moyenne de deux mois pour donner ces conférences. La préparation des questions d'examens, la revue des matières du programme d'études, la préparation des bulletins, l'annotation des dossiers avant de partir pour les visites prennent au moins un mois. Du 15 janvier à la fin de l'année scolaire, il ne faut pas compter plus de 75 à 85 jours où l'inspecteur peut visiter des écoles. Or à deux écoles par jour, quand un inspecteur en a de 150 à 160, il en a suffisamment pour travailler tout le temps. De plus, il faut tenir compte des rapports à envoyer au surintendant. Un mois de visite nécessite au moins 15 jours de travail de bureau. Il est injuste de dire que certains inspecteurs ne travaillent que trois ou quatre mois à l'inspection, parce qu'ils n'ont été que ce laps de temps sur la route; ce travail seul, celui des rapports et correspondance, demande de trois à quatre mois. Une bonne partie de ce travail pourrait peut-être se faire en voyage, mais avec des dépenses de $3, $5 par jour, ils voyagent le plus rapidement possible, en visitant de trois à quatre écoles par jour et en envoyant des formules de rapports pour les statistiques aux institutrices et aux secrétaires-trésoriers, afin de ne pas être retardés par la copie de ces chiffres.

Et puis, pour l'information de la Chambre, il cite le programme scolaire de deux inspecteurs à l'appui de sa prétention. Voici comment le premier, qui a environ 140 écoles à visiter, éparpillées sur un territoire de près de 200 milles de longueur, répartit son année:

Premier inspecteur

1. Préparation des conférences, un mois.

2. Conférences, un mois.

3. Préparation des examens, un mois.

4. Examens, trois mois et demi.

5. Bulletins et rapports au surintendant et aux commissions scolaires, un mois et demi.

6. Inspection des écoles neuves avant l'ouverture des classes, 15 jours.

7. Rapport de fin d'année au surintendant, une semaine.

8. Visite aux pensionnaires, une semaine.

9. Correspondance avec le département de l'Instruction publique, les commissions scolaires et les institutrices; rapports spéciaux sur les sujets suivants:

a) Maisons d'écoles neuves.

b) Conférences pédagogiques.

c) Instituteurs primés.

d) Municipalités primées.

e) Municipalités pauvres.

f) Fonctionnaires à la retraite.

g) Avantages au fonds de pension, un mois.

Total: 10 mois.

Deuxième inspecteur

1. Préparation des conférences, un mois.

2. Conférences, un mois.

3. Préparation des examens, un mois.

4. Examens, trois mois.

5. Bulletins, trois mois.

6. Rapport annuel, un mois et demi.

7. Voyages pour aller accepter les maisons neuves, 15 jours.

8. Rapports spéciaux sur les sujets suivants:

a) Maisons neuves.

b) Conférences.

c) Institutrices primées.

d) Municipalités primées.

e) Municipalités pauvres.

g) Fonctionnaires qui font compter les avantages, etc., pour leur pension.

h) Fonctionnaires pensionnées.

9. Visite des fonctionnaires pensionnées.

Pour 8 et 9 je compte 15 jours. Total: neuf mois et demi.

En 1898, les inspecteurs remplaçaient la première visite au commencement de l'année par une série de quatre conférences données aux institutrices. D'après le témoignage de ces fonctionnaires, ces conférences ont produit et produisent de bons résultats, et doivent être maintenues jusqu'au jour où il y aura des écoles normales en nombre suffisant pour former tout le personnel enseignant. Dès 1904, un membre du comité catholique demandait le rétablissement des deux visites, alléguant que les conférences diocésaines étaient suffisantes.

Voici la proposition faite à ce sujet par M. S. F. Stenson:

1.Vu que les conférences pédagogiques données par les inspecteurs d'écoles sont efficacement remplacées par les congrès pédagogiques diocésains tenus annuellement, à présent, que les conférences des inspecteurs soient discontinuées.

2. Qu'il est important que les inspecteurs d'écoles fassent une visite à chaque école de leur district d'inspection au commencement de l'année scolaire pour aider à la distribution des divisions, des classes, et pour donner, à chaque instituteur ou à chaque institutrice, les notions de pédagogie dont il ou elle pourrait avoir le plus besoin dans son cas particulier.

3. Que, le salaire des inspecteurs d'écoles étant déjà trop faible pour subvenir aux dépenses de voyage de ces officiers, il est juste et opportun que les frais de voyage de cette première visite d'inspection leur soient alloués.

4. Que la somme pour les frais de déplacement des instituteurs qui assistent aux conférences données par les inspecteurs, c'est-à-dire environ $7500 par année, soit appliquée à indemniser les inspecteurs de leurs frais de voyage pendant cette première visite.

5. Qu'une indemnité de $1.75 par jour, pendant le temps de la visite, suffirait à rémunérer ces officiers pour toutes les dépenses nécessaires à cette fin.

Après plusieurs séances du comité où cette proposition fut étudiée pendant trois ans, voici la conclusion à laquelle l'on en venait à la séance de l'automne 1907: Le comité décide qu'après une étude sérieuse de cette question, après le témoignage d'une délégation des inspecteurs d'écoles et vu les difficultés auxquelles pourrait donner une augmentation de traitement, il est préférable de garder le statu quo pour le moment et d'attendre une nouvelle expérience avant de tenter les changements proposés. (Procès-verbaux du comité catholique, dans le rapport du surintendant, 1907-1909, page 419.)

Quand la plus haute autorité s'est prononcée au sujet de la réforme du service de l'inspection, ses critiques devraient être satisfaits et travailler plus utilement à l'amélioration du personnel enseignant et des inspecteurs. D'après quelle autorité et quels témoignages s'appuie-t-on pour demander des changements? Le député de Saint-Louis (M. Langlois) n'en a cité aucun. Qui demande ces réformes? Est-ce le comité catholique? Non, puisque, après une discussion qui a duré au-delà de trois ans, il a été décidé de maintenir le statu quo. Est-ce l'Association des inspecteurs d'écoles? Pas plus; ils demandent tout simplement de leur fournir les moyens de rendre leurs inspections plus efficaces en y consacrant tout le temps nécessaire. Il nous semble que leur avis devrait compter pour quelque chose. De même que, lorsqu'il s'agit de légiférer sur la médecine, le droit ou le notariat, on consulte les disciples de ces professions, pourquoi, au sujet de l'instruction publique, ne pas s'occuper de l'avis des "pionniers de l'enseignement" (paroles du premier ministre), c'est-à-dire de ceux qui, incontestablement, ont le plus d'expérience à ce sujet?

Enfin, quels sont ceux qui, connaissant notre système d'instruction primaire, connaissant comment se donne l'enseignement dans les petites écoles, la composition du personnel enseignant et la mentalité des populations rurales, demandent des changements? En est-il un seul parmi ceux-là qui fasse autorité dans la matière? Non, la première et l'unique, c'est celle de l'augmentation de leurs traitements, afin qu'ils soient en mesure de faire complètement leur devoir, afin qu'on puisse exiger d'eux un travail plus efficace et que notre système peut donner, si ces fonctionnaires peuvent y consacrer toute l'année scolaire. C'est là une réforme que le gouvernement devrait s'empresser de compléter. Il devrait y avoir un inspecteur général comme il y en a dans d'autres pays et comme le comité catholique l'a suggéré au gouvernement à diverses reprises.

En France, les inspecteurs généraux, qui sont au nombre de neuf, relèvent immédiatement du ministre. Ils doivent le renseigner sur tout ce qui intéresse l'enseignement primaire et contrôler l'application des instructions qu'il donne. La mission des inspecteurs généraux peut se ramener à un triple objet, suivant un rapport de 1880: d'abord, la visite des écoles normales et d'un certain nombre d'écoles primaires; ensuite, l'appréciation approfondie des services et des mérites de chacun des fonctionnaires, inspecteurs d'académies, inspecteurs primaires, directeurs et professeurs d'écoles normales, le personnel des écoles normales, le personnel des écoles primaires supérieures; enfin, le compte rendu général et comparatif de la marche de l'instruction primaire dans les départements. Outre le traitement, il est accordé à chaque inspecteur un crédit pour frais de tournée qui varie suivant le nombre d'écoles et l'étendue de la circonscription.

Au cours d'un rapport que M. le surintendant de l'Instruction publique fit aux membres du comité catholique en 1901, à son retour de l'Exposition universelle de Paris où il avait été délégué par le comité catholique pour étudier l'exposition scolaire, nous détachons ce qui suit, relativement à l'inspection:

"Dans le résumé que j'ai fait du régime scolaire en France, j'ai dit que l'inspection des écoles primaires était exercée: par les inspecteurs généraux de l'instruction publique, les recteurs et les inspecteurs d'académie et par les inspecteurs d'enseignement primaire.

"Notre organisation n'est pas la même. Telle qu'elle est, elle n'a pas toute l'efficacité voulue. Je crois: 1. que chaque inspecteur a un trop grand nombre d'écoles à visiter; 2. qu'on devrait mieux rémunérer cette classe de fonctionnaires en exigeant d'eux en retour qu'ils n'exercent d'autres fonctions que celle d'inspecteur; 3. qu'il importe de nommer un inspecteur général comme la chose a déjà été demandée par votre comité; 4. qu'avant de suggérer l'augmentation du nombre des inspecteurs il pourrait être opportun d'examiner s'il ne serait pas préférable de les diviser en deux classes: les uns chargés de l'inspection des écoles académiques et des écoles modèles sous le nom d'inspecteur d'académies avec un traitement correspondant à leurs fonctions, les autres chargés de l'inspection des écoles élémentaires avec le titre d'inspecteur d'écoles élémentaires; 5. que, vu l'importance de posséder comme inspecteurs des hommes parfaitement compétents, les examens des candidats à l'inspectorat devraient revêtir un caractère de sévérité qu'ils n'ont pas toujours eu."

À sa session du printemps 1907, le comité catholique a de nouveau suggéré la nomination d'un inspecteur général afin de rendre plus efficace et plus uniforme le travail des 37 inspecteurs catholiques. Il croit que c'est là une nomination qui s'impose et que le gouvernement agirait sagement en se rendant aux voeux du comité catholique. Il suggère en passant que l'on nomme un homme du métier, c'est-à-dire un inspecteur d'expérience, se recommandant par ses capacités et son état de service. Ceux qui prétendent que les inspecteurs sont assez payés pour ce qu'ils font ne tiennent pas compte du travail de bureau en dehors de leur tournée d'inspection. Est-ce à dire, parce que certains d'entre eux visitent leurs écoles dans trois ou quatre mois et donnent leurs conférences dans un mois, qu'ils ne consacrent que ce temps à leurs fonctions? C'est évident, d'après la lecture de rapports de l'année scolaire des deux inspecteurs que la Chambre a entendus tout à l'heure, que certains d'entre eux négligent leurs devoirs pour faire autres choses. Raison de plus pour les mieux rétribuer afin de les forcer à s'occuper exclusivement des écoles de leurs districts et de nommer un inspecteur général pour voir à l'application complète de tous les rouages du système et des instructions du surintendant de l'Instruction publique. Le salaire actuel de $1000 est insuffisant, puisque l'inspecteur doit prélever là-dessus ses frais de voyage. La province devrait payer les dépenses.

Sans vouloir déprécier notre province, nous devons admettre que nos inspecteurs sont les moins bien rétribués comparativement à ceux des autres provinces. L'état comparatif suivant qui est extrait de documents officiels en donne la preuve2.

Ontario: La moyenne des traitements est au-delà de $1500. Chaque inspecteur a une moyenne de 110 écoles à visiter deux fois par année, mais il ne donne pas de conférences pédagogiques. Chaque inspecteur reçoit, pour ses voyages, au moins $150 du conseil de comté; s'il a plus de 50 écoles à visiter, il reçoit de plus $1.50 par école additionnelle jusqu'à la 150e. Les inspecteurs des écoles supérieures reçoivent $2750 et $500 en plus pour leurs frais de voyage. Ils visitent ces écoles une fois par année.

Nouveau-Brunswick: Chaque inspecteur reçoit $1500 et il est tenu de visiter une fois les écoles d'un département et deux fois celles qui en ont plusieurs ("graduate schools").

Nouvelle-Écosse: En moyenne, chaque inspecteur reçoit $1500 et visite une fois les écoles de son district, lequel nombre est d'environ 200; ils ne donnent pas de conférences et reçoivent $50 pour leurs frais de correspondance, papeterie, etc.

Manitoba: En moyenne, chaque instituteur reçoit $1300 par année et il est remboursé d'une grande partie de ses frais de voyage.

Colombie anglaise: En moyenne, chaque inspecteur reçoit $1560 et tous ses frais de voyage lui sont remboursés; ces frais s'élèvent à $700 pour chacun, en moyenne.

Québec: Les traitements sont de $1000. Chaque instituteur doit donner en septembre et octobre une série de quatre conférences dans toutes les municipalités de son district; faire une visite à toutes les écoles du 15 janvier au 1er juillet, ce qui l'oblige à être sur la route six mois par année en moyenne, avec une dépense variant de $50 à $75 par mois, lui faisant un traitement de $600 à $700.

Pour la préparation de ses conférences, rédaction de ses bulletins, rapports de tous genres au département, l'inspecteur de Québec prend au moins quatre mois, de sorte qu'il n'a de liberté que pendant les deux mois de vacances ordinaires.

Il estime que les finances de la province sont assez prospères pour opérer cette réforme et il insiste auprès du secrétaire de la province pour qu'elle s'accomplisse dès cette session, afin que les inspecteurs soient assurés d'une rémunération plus équitable à partir de la prochaine année fiscale, c'est-à-dire de juillet 1909. Comme l'a dit un secrétaire provincial (l'honorable M. Robitaille, croyons-nous), les inspecteurs sont les "oreilles du gouvernement", les sources les plus sûres d'information, ceux qui peuvent le mieux voir à la sanction des lois et règlements scolaires. Si le gouvernement veut être bien renseigné, il faut que les inspecteurs soient en mesure de faire tout leur devoir.

En terminant, il rappelle certaines considérations d'ordre économique qui doivent être la base de l'instruction publique pour la rendre efficace et rendre aussi efficaces les efforts du gouvernement. L'instruction populaire est le seul moyen de détruire les préjugés et de sauvegarder la paix de l'avenir. Il importe de faire l'éducation du peuple pour la conservation de nos libertés. À l'avenir, le peuple le plus riche, et par conséquent le plus puissant, sera celui qui mettra le plus de savoir dans le travail. Le gouvernement fonde des écoles spéciales, dites des hautes études commerciales, techniques et industrielles. Ces écoles secondaires donneront des résultats efficaces selon que les écoles primaires seront sur un bon pied, étant organisées de façon rationnelle et bien dirigées comme ensemble par des inspecteurs actifs et compétents. Nul ne contestera cette assertion que l'école primaire est la base de toutes les autres, c'est-à-dire de l'enseignement secondaire et supérieur. Il importe donc de le rendre le plus efficace possible; son efficacité doit être proportionnée à la hauteur que l'on veut atteindre dans les cours subséquents.

Bref, il a confiance que justice sera rendue à qui de droit et que le gouvernement donnera au peuple de cette province une nouvelle preuve de la sincérité de sa politique au sujet de l'instruction publique, en ajoutant au budget de l'inspection des écoles le montant nécessaire au remboursement des frais de voyage des titulaires de l'inspectorat. Il appuie fortement aussi l'augmentation du traitement des instituteurs.

Il termine en disant que le gouvernement ne doit pas ralentir la marche du progrès et qu'il apportera la réforme qu'on lui demande.

M. Walker (Huntingdon) est heureux d'entendre le discours du député de Lotbinière. Il trouve, lui aussi, insuffisant le salaire des inspecteurs. Il croit qu'on devrait porter leur salaire à $ 2000 par an.

L'honorable M. Roy (Kamouraska) a déjà répondu, dit-il, sur cette question au député de Saint-Louis (M. Langlois). Il reproche au député des Deux-Montagnes (M. Sauvé) de ne s'occuper que du présent et de ne pas jeter un coup d'oeil vers le passé pour constater tous les progrès de l'instruction publique depuis quelques années. En jugeant le présent, il faut se rappeler le passé pour voir ce qui a été fait. Le gouvernement ne peut tout faire d'un coup. Depuis qu'il est au pouvoir, il a augmenté de $600 à $700 le salaire des inspecteurs. On en a nommé six nouveaux. Plusieurs écoles normales ont été construites. Tout cela montre combien le gouvernement s'occupe de cette question. Les conférences pédagogiques sont très importantes et c'est une réforme du gouvernement libéral.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Combien le gouvernement alloue-t-il aux inspecteurs pour faire ces conférences?

L'honorable M. Roy (Kamouraska): Rien du tout.

Il vante le système des primes.

Le gouvernement a déjà augmenté le salaire des inspecteurs. Il est décidé de l'augmenter encore et prochainement. Mais alors ceux-ci devront donner tout leur temps à la province, au service d'inspection. Ils auront, à l'avenir, à visiter les écoles aussi souvent que l'intérêt public l'exigera. Ils feront deux ou trois visites à chaque école, selon qu'il sera nécessaire.

Et la motion étant soumise, elle est adoptée.

Construction d'un pont sur la rivière Batiscan, comté de Champlain

M. Plante (Beauharnois) propose, appuyé par le représentant de Montcalm (M. Sylvestre), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de tous documents, correspondance, mémoires, résolutions, plans et rapports d'ingénieurs échangés entre le gouvernement et aucun de ses membres relativement à la construction d'un pont à l'embouchure de la rivière Batiscan, dans le comté de Champlain.

Adopté.

Lots du canton Tremblay, comté de Chicoutimi

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) propose, appuyé par le représentant de Montmagny (M. Lavergne), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de tous décrets administratifs, correspondance, requêtes, affidavits et autres documents relatifs aux lots nos 69 et 70 du neuvième rang du canton Tremblay, comté de Chicoutimi.

Adopté.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 13 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 3 heures.

 

Loi des licences de Québec

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 199 amendant la loi des licences de Québec.

Adopté.

 

En comité:

Le comité étudie l'article 1 qui se lit comme suit:

"1. L'article 17 de la loi 63 Victoria, chapitre 12, est amendé en y ajoutant après le mot: "villes", dans la première ligne, les mots: "et dans toutes les municipalités où existent des arrondissements de votation."

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) trouve cet article dangereux3. Notre principe reconnu, dit-il, le but auquel nous devons tendre est la diminution du nombre de licences. Le gouvernement sait qu'il se fait à l'heure actuelle une très active propagande pour la diminution du nombre de licences dans les campagnes.

On dit qu'une licence par 1000 personnes est raisonnable. Mais combien, sur ce millier, en ont-ils besoin? Ni les enfants en bas de 16 ans ni les femmes. Combien reste-t-il donc de personnes pour bénéficier de cette licence? On peut dire qu'une licence par 1000 âmes, c'est une licence par 150 âmes. D'après la loi actuelle, le nombre des signatures requises pour l'obtention d'un certificat de licences est de 25, tandis que, pour empêcher la concession d'une licence, il faut la majorité absolue des électeurs d'un arrondissement de votation. Cela n'est pas juste. On sait qu'il est facile à l'hôtelier d'obtenir les 25 signataires de sa requête parmi sa pratique.

Il semble donc qu'il faudrait renverser cette proportion et qu'il faudrait exiger la majorité des électeurs pour l'octroi d'une licence. Ainsi sera supprimée cette injustice en vertu de laquelle les personnes qui travaillent contre l'octroi d'une licence ont à s'imposer un travail beaucoup plus considérable que les supporteurs de la licence. Ainsi, entre les deux requêtes, qu'on donne donc tout simplement l'avantage à celle qui a le plus de signatures. Si un plus grand nombre de personnes se prononcent pour l'octroi, la licence est accordée, et vice versa.

Il propose un amendement décrétant que le conseil ne devra pas accorder de licence si un plus grand nombre de citoyens signent la contre-requête que la requête demandant la licence.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) dit que les dispositions actuelles de la loi ont permis de réduire de beaucoup le nombre de licences. Néanmoins, il est prêt à s'en rapporter à la Chambre sur cette question. Il invite le député de Saint-Hyacinthe à rédiger son amendement. Il voit un danger dans la proposition; elle pourrait mener à des abus considérables. Il déclare ne pouvoir l'accepter.

M. Lévesque (Laval) voit un danger dans la proposition du député de Saint-Hyacinthe. Si vous partez de ce principe, il s'ensuivra que le conseil sera "obligé" d'accorder la licence à l'hôtelier qui aurait obtenu la majorité des signatures. Et, alors, on risquerait d'avoir une licence dans chaque arrondissement de votation, un hôtelier pouvant facilement contrôler la majorité lorsque le nombre d'électeurs est restreint.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le danger ne vient pas de mon amendement, mais de la disposition du bill qui met les municipalités à arrondissements sous le régime des villes.

Cet amendement est rejeté.

M. Tellier (Joliette) trouve que la clause telle qu'elle reste est déjà un progrès sur l'ancienne, car elle exige avec raison que les 25 signataires requis résident dans l'arrondissement de votation. Il cite le fait, fréquemment constaté, de l'électeur qui signe les deux requêtes. Un homme de bonne foi signe souvent une requête de licence et, mieux instruit ensuite, signera la contre-requête. Il suggère donc qu'on apporte à l'article 17 un amendement en vertu duquel l'électeur qui signerait la contre-requête après avoir signé l'autre sera censé rétracter sa première signature.

L'article 1 est amendé en ajoutant l'alinéa suivant:

"b. En y ajoutant l'alinéa suivant: L'électeur qui signe l'opposition, après avoir signé le certificat, est censé révoquer sa première signature."

Et ledit article est adopté.

Le comité étudie l'article 2 qui se lit comme suit:

"2. Le second alinéa de l'article 18 de ladite loi, tel qu'amendé par la loi 3 Édouard VII, chapitre 13, section 1, est de nouveau amendé en y ajoutant les mots suivants: "mais chaque fois qu'un conseil municipal désire remplacer un porteur de licence par un autre, ce conseil est tenu de donner les raisons pour lesquelles une nouvelle licence est refusée à l'ancien porteur de licence."

M. Tellier (Joliette) croit que l'on a tort d'imposer aux conseils municipaux l'obligation de donner les raisons pour lesquelles ils refusent une licence à celui qui la possédait déjà. Dans son opinion, cette clause encouragera l'apathie des conseils municipaux qui ne voudront pas s'exposer à certains dangers et augmentera par le fait même le nombre des hôtels mal tenus.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) s'oppose aussi aux restrictions imposées aux conseils municipaux lorsqu'ils refusent d'accorder une licence.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) considère que seule une certaine stabilité du côté des licences pourrait garantir de bons services hôteliers dans les districts ruraux. Et, sans une licence permettant la vente de liqueurs, on ne peut pas avoir un bon hôtel. Je ne saurais dire pourquoi, mais, dans un hôtel non licencié, les repas servis sont rarement d'aussi bonne qualité.

M. Tellier (Joliette) et M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) proposent un amendement.

Cet amendement est rejeté.

L'article 2 est adopté.

Le comité étudie l'article 3 qui se lit comme suit:

"3. L'article 25 de la loi 63 Victoria, chapitre 12, tel qu'amendé par les lois 1 Édouard VII, chapitre 11, section 1; 2 Édouard VII, chapitre 13, section 4; 5 Édouard VII, chapitre 13, sections 6 à 11; et 8 Édouard VII, chapitre 19, section 5, est amendé en en remplaçant le paragraphe 1 par le suivant:

"1. Pour la cité de Québec, la confirmation du certificat est accordée au palais de justice, à Québec, par trois personnes que choisit le lieutenant-gouverneur en conseil, entre le juge des sessions de la paix, le shérif du district de Québec, le magistrat de district, le greffier de la paix pour ce district et un officier de la corporation de la cité de Québec, ou par deux de ces personnes; et dans la cité de Montréal, à la Cour de police, à Montréal, par trois personnes choisies par le lieutenant-gouverneur en conseil, parmi les juges des sessions de la paix tenant l'emploi et recevant des émoluments comme tels, les magistrats de police et les recorders de la cité de Montréal, ou par deux d'entre elles."

L'article 3 est amendé en remplaçant dans la 12e ligne les mots "un officier de la corporation de la cité de Québec" par les mots "une autre personne", et ledit article est adopté.

Le comité étudie l'article 4 qui se lit comme suit:

"4. L'article 28 de la loi 63 Victoria, chapitre 12, tel que remplacé par la loi 8 Édouard VII, chapitre 19, section 7, est amendé:

"a. En y ajoutant au paragraphe 3 les mots suivants: "à compter de l'annexion à la cité de Montréal de la ville de Saint-Louis, sous le nom de quartier Laurier de ladite cité, le nombre des licences d'hôtels et de restaurants, dans ledit quartier, est limité à un maximum de vingt";

"b. En y ajoutant, après le mot: "population", dans la quatorzième ligne du paragraphe 4, les mots: "mais les dispositions du présent paragraphe n'incluent pas l'établissement connu sous le nom de "Hôtel Laurentide", situé sur les confins de ladite ville de Grand'Mère;

"c. En ajoutant, après le mot: "restaurant", dans la quinzième ligne du paragraphe 4, les mots: "dans la ville d'Aylmer, à un maximum de quatre."

L'article 4 est amendé en y ajoutant l'alinéa suivant:

"d. En y ajoutant au mot "douze", dans la quatrième ligne du paragraphe 4, les mots: "pour l'année de licence courante, à un maximum de onze pour l'année de licence commençant le 1er mai 1910, et à un maximum de dix à partir du 1er mai 1911."

Ledit article est adopté.

Le comité étudie l'article 5 qui se lit comme suit:

"5. L'article suivant est ajouté après l'article 35a de la loi 63 Victoria, chapitre 12, tel qu'édicté par la loi 5 Édouard VII, chapitre 13, section 14:

"35b. Chaque fois qu'un certificat de licence confirmé par les commissaires de licences, dans l'une ou l'autre des cités de Québec et de Montréal, ou par la corporation ou le conseil municipal, en tout autre endroit, est annulé par le jugement d'un tribunal postérieurement à l'émission de la licence autorisée par ce certificat, ladite licence devient alors nulle et de nul effet, à moins que ledit jugement ne soit porté en appel dans les huit jours; s'il n'est pas interjeté appel durant ledit délai, le greffier de la cour, à l'expiration de ce délai, doit immédiatement notifier cette annulation au percepteur du revenu de la province qu'il appartient, et sur ce, le percepteur doit immédiatement informer à son tour le porteur de la licence que celle-ci est devenue nulle et de nul effet, et si le porteur de cette licence continue à user du privilège qu'elle comporte, il encourt les pénalités imposées par l'article 84."

L'article 5 est amendé en insérant dans la 12e ligne, après le mot "délai", les mots "dans le cas où la cause est appelable", et ledit article est adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article suivant est ajouté et adopté:

"7. L'article 47a de la loi 63 Victoria, chapitre 12, tel qu'édicté par la loi 5 Édouard VII, chapitre 13, section 21, et amendé par les lois 6 Édouard VII, chapitre 9, section 12, 7 Édouard VII, chapitre 11, section 5, et 8 Édouard VII, chapitre 19, section 11, est de nouveau amendé, en y ajoutant, après le paragraphe 4, l'alinéa suivant:

"Dans la cité de Saint-Hyacinthe, le nombre des licences de magasins, pour la vente des liqueurs en détail, est limité à sept à partir du premier mai 1910."

L'article 7 devient 8 et est adopté4.

Le comité étudie l'article 8 devenu l'article 9 et qui se lit comme suit:

"9. L'article suivant est ajouté après l'article 160a de la loi 63 Victoria, chapitre 12, tel qu'édicté par la loi 5 Édouard VII, chapitre 13, section 46:

"160b. 1. Les liqueurs embouteillées qu'un hôtelier ou un restaurateur, porteur d'une licence, se procure dans le but de les distribuer à ses clients ou à ses hôtes, doivent être gardées, pendant qu'elles sont dans le local pourvu de la licence, dans les bouteilles dans lesquelles elles ont été livrées à cet hôtelier ou ce restaurateur, et aucune autre liqueur, substance ou liquide ne doit, en aucun cas, être mis dans une de ces bouteilles, et aucune bouteille après que la liqueur embouteillée en a été retirée ne doit être remplie, soit en partie soit en entier, par l'occupant de ce local sous licence, ou par toute autre personne pour lui, afin de fournir de la liqueur ou autre substance ou liquide à tout client ou hôte.

"2. Aucun porteur de licence d'hôtel, de restaurant ou de magasin ne doit faire usage, ou permettre qu'il soit fait usage, d'une marque ou étiquette sur une bouteille, un baril ou autre récipient dans lesquels des liqueurs sont gardées pour la vente dans le local sous licence, n'indiquant pas avec précision et clarté la nature du contenu de cette bouteille, de ce baril ou autre récipient, ou étant de quelque manière destinée à induire en erreur un client ou un hôte sur la nature, la description ou la qualité de ce contenu.

"3. Aucun porteur d'une licence d'hôtel, de restaurant ou de magasin, ou nulle autre personne, ne doit, pour aucune raison quelconque, mêler ou permettre de mêler ou faire mêler à une autre liqueur vendue ou fournie par lui comme breuvage, dans le local sous licence, une drogue ou une autre forme d'alcool méthylique ou autre forme crue, non rectifiée ou impure d'alcool éthylique ou autre substance ou liquide délétère.

"4. Toute personne contrevenant à quelqu'une des dispositions du présent article encourt les pénalités décrétées par l'article 137."

M. Tellier (Joliette) propose d'amender la clause 1 de l'article 9 en insérant dans la 9e ligne, après le mot "restaurateur", les mots "; et, tant que la marque ou étiquette de ces bouteilles n'a pas été enlevée ou détruite".

Cet amendement est adopté et ledit article est adopté.

Les articles 9, 10, 11, 12, 13 deviennent 10, 11, 12, 13, 14 et sont adoptés.

M. Giard (Compton) propose d'insérer dans le bill la clause suivante: "Aucun hôtelier ou détenteur de licence n'a le droit d'accepter au comptoir le paiement d'une personne autre que celle qui boit la consommation." Le but de cette mesure, explique-t-il, est de supprimer ou, du moins, de rendre moins générale l'habitude de la "traite" qui est certainement le plus grand obstacle que rencontrent sur leur chemin les sociétés de tempérance; la mesure proposée est une de leurs principales demandes.

Il déplore l'habitude de la "traite" dans les bars, habitude tellement répandue dans la province. Les maux causés par une consommation abusive de liqueurs enivrantes sont malheureusement beaucoup trop nombreux. Dans chaque ville de notre province, des jeunes hommes qui avaient une brillante carrière devant eux ont vu leur avenir gâché à cause de l'intempérance. C'est principalement l'habitude de la "traite" qui provoque l'ivrognerie et qui amène les jeunes hommes à devenir esclaves de cette néfaste habitude. Il faut rompre cette pernicieuse habitude et empêcher les jeunes gens de la contracter. Il faut aider ceux qui veulent être sobres et succombent aux habitudes et à la convention.

M. Plante (Beauharnois): L'honorable député propose-t-il le principe de: "Un homme, un verre", ou "À la Bisaillon", comme on dit?

M. Giard (Compton): Non, pas exactement, mais on connaît le danger qui existe lorsqu'un homme entre dans un bar et qu'il y rencontre deux ou trois de ses amis.

Il ajoute que ce n'est pas le but de l'amendement, mais ce qu'il veut empêcher, c'est qu'un groupe de deux personnes ou plus aille dans un bar et que chaque personne paie une traite.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Écoutez, écoutez!

M. Giard (Compton): Tous les problèmes d'intempérance dans cette province sont causés par cette ridicule habitude qui fait que deux ou trois amis dans un bar paient une tournée chacun à leur tour.

Peut-être qu'aucun d'entre eux ne veut plus qu'un verre, mais cette habitude ridicule les entraîne à boire plus qu'il ne leur convient. Un homme a besoin de prendre un verre de bière. Cela est nécessaire. Il n'y a aucun mal à ça. Mais quand il rencontre quelques amis...

Des voix: Écoutez, écoutez!

M. Giard (Compton): Je connais même certaines personnes qui ne vont pas dans les bars de peur de rencontrer des amis. Que chaque homme paie pour ce qu'il boit. Je ne vois aucun mal là-dedans. Je crois que l'honorable trésorier devrait accepter cet amendement, et ce, dans l'intérêt des ouvriers en particulier. Lorsqu'un ouvrier va dans un bar le samedi soir, il y dépense habituellement tout son argent. Je veux venir à la rescousse de l'honorable trésorier pour faire une loi encore plus parfaite. Mon plan pour abolir l'habitude de la "traite" est tout à fait réalisable. On m'a même dit qu'en Angleterre l'habitude veut que chaque homme paie pour son propre verre. Mais je ne sais pas, je n'ai jamais eu le plaisir de visiter l'Europe.

M. Prévost (Terrebonne): Moi, oui.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): La traite, cette habitude barbare, n'existe pas dans les pays vraiment civilisés. En Angleterre et dans les autres pays d'Europe, cette bizarre coutume n'existe pas. On ne s'y croit pas obligé d'engouffrer cinq ou six verres de suite, de peur de passer pour un malappris ou un mesquin si l'on ne remet pas la politesse qu'un premier ami vient de faire.

Avec nos coutumes barbares, nous sommes obligés de prendre quatre ou cinq verres, l'un à la suite de l'autre, même si nous ne les voulons pas. Laissons ceux qui veulent passer une demi-heure ou plus à boire s'installer à de petites tables dans les coins. Je crois que l'amendement du député de Compton est tout à fait réalisable.

M. Lévesque (Laval): Je sais que la traite est une habitude néfaste, et spécialement dans notre pays. Si un homme quitte un bar sans avoir payé une traite, il passe pour un mesquin. Il se déclare en faveur de la proposition.

M. Tourigny (Arthabaska): J'ai beaucoup d'expérience en ce qui concerne les traites.

Des députés rient.

M. Tourigny (Arthabaska): J'appuie donc l'amendement du député de Compton.

M. Walker (Huntingdon) se déclare en faveur de la proposition.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Même si je suis d'accord avec le député de Compton pour condamner l'habitude de la traite, je crois que nous devrions y aller plus modérément si l'on veut amener son abolition. Personne ne respecte plus que moi le noble travail qu'accomplissent nos sociétés de tempérance. Cependant, nous devons voir les choses telles qu'elles se présentent. La coutume de la traite est devenue une habitude dans notre pays.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Malheureusement.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) considère l'amendement plutôt radical, étant donné surtout que les sociétés de tempérance ne se sont pas prononcées expressément sur cette question.

Un simple amendement à notre loi peut-il vraiment abolir complètement une telle coutume? Cette mesure est illusoire, car on ne peut pas changer l'habitude d'un pays par une simple petite phrase dans la loi. Tout en admettant que ce mal de la traite est un véritable fléau, il n'admet pas qu'on puisse échanger les habitudes d'une population par un texte législatif dont il serait impossible de contrôler l'observation. Nous devrions plutôt nous en remettre aux sociétés de tempérance pour que cette habitude soit changée. C'est aux associations de tempérance à poursuivre la campagne dans ce sens. Il conseille d'attendre.

M. Giard (Compton): Le devoir du gouvernement est de venir en aide aux associations de tempérance. Pourquoi ne pas offrir notre aide à ces associations? Si l'amendement n'a pas l'effet escompté, il ne fera aucun mal. Ce sera un pas dans la bonne direction. Quiconque est allé dans un bar a vu des personnes payer des traites à des jeunes hommes pendant une demi-heure afin de les faire boire pour qu'ils deviennent de vrais hommes. Et, bien souvent, c'est ainsi que débute la déchéance. Le fléau de notre pays, c'est la boisson. S'ils ne s'y étaient pas fait prendre, plusieurs seraient devenus les hommes d'avenir de notre pays.

L'amendement est rejeté sur division.

M. Prévost (Terrebonne) propose alors un amendement afin qu'un conseil ne soit pas obligé d'accorder la licence de préférence à l'hôtelier qui la possède, mais l'accorde à celui qui possède la meilleure installation de chambres. Le conseil serait tenu de donner la préférence à un hôtel ayant au moins 25 lits.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) et M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) se trouvent d'accord sur cette question et font quelques suggestions.

Le débat est ajourné.

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

La séance est levée à 6 heures.

 

Troisième séance du 13 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 8 h 15.

 

Compagnie d'assurance La Provinciale

M. Tourigny (Arthabaska) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Missisquoi (M. Gosselin), que le bill 142 constituant en corporation La Provinciale, compagnie d'assurance sur la vie, soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Succession S. C. Bagg

M. Mousseau (Soulanges) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 130 amendant la loi 38 Victoria, chapitre 94, concernant la succession de feu Stanley C. Bagg.

Adopté.

 

En comité:

Le comité étudie le préambule du bill qui se lit comme suit:

"Attendu que dame Catherine Mitcheson, de la cité et du district de Montréal, veuve de Stanley Clark Bagg, en son vivant de ladite cité et dudit district, gentilhomme, et Robert Stanley Bagg, avocat, de ladite cité et dudit district, ont représenté par leur pétition:

Que ladite dame Catherine Mitcheson et ledit Robert Stanley Bagg sont les seuls exécuteurs testamentaires survivants dudit feu S. C. Bagg;

"Que ledit Robert Stanley Bagg a été, le 12e jour du mois d'août 1894, dûment nommé par la Cour supérieure du district de Montréal curateur à la substitution créée en vertu des dispositions dudit testament dudit S. C. Bagg;

"Qu'en l'année 1875 une loi a été passée à la législature de la province de Québec, sous le titre 38 Victoria, chapitre 94, définissant les pouvoirs des exécuteurs de ladite succession;

"Que depuis la mort dudit S. C. Bagg, en 1873, et l'adoption de ladite loi en 1875 les conditions des biens de ladite succession ont grandement changé;

"Que les procédures requises par ladite loi 38 Victoria, chapitre 94, pour que les exécuteurs obtiennent le droit de vendre les biens compris dans ladite succession et autrement en disposer, ont été trouvées incommodes et dispendieuses, et qu'il est du plus grand intérêt pour ladite succession d'amender ladite loi et de pourvoir à une méthode plus expéditive et moins dispendieuse de disposer des biens mobiliers et immobiliers de ladite succession;

"Que ledit Robert Stanley Bagg a été et est obligé et forcé de consacrer tout son temps et son attention à promouvoir les intérêts de ladite succession et à son administration, ainsi qu'à l'accomplissement de ses devoirs comme exécuteur et administrateur d'icelle; qu'il a meublé et qu'il maintient à ses propres dépens un bureau dans le centre commercial de la cité de Montréal et qu'il est désirable de pourvoir à sa rémunération pour les services ainsi rendus et les dépenses encourues par lui;

"Attendu que les pétitionnaires ont prouvé les allégués de leur pétition et qu'il est à propos de faire droit à leur demande;

"À ces causes, Sa Majesté, de l'avis et du consentement du Conseil législatif et de l'Assemblée législative de Québec, décrète ce qui suit:".

Le préambule est amendé en retranchant le 8e paragraphe.

L'article 1 est adopté.

Le comité étudie l'article 2 qui se lit comme suit:

"2. Ladite loi est amendée en ajoutant la section suivante après la section 2:

"3. L'exécuteur Robert Stanley Bagg, ou quiconque lui succédera comme exécuteur et administrateur suppléant de la succession S. C. Bagg, aura droit de recevoir et de se faire payer annuellement la somme de quatre mille piastres le et à dater du premier jour de janvier 1909, par versements semi-annuels, tous les six mois, chaque année, aussi longtemps que ledit Robert Stanley Bagg, ou son successeur en fonctions, s'acquittera de sa charge comme exécuteur et administrateur suppléant de ladite succession."

Cet article est retranché.

L'article 3 devient 2 et est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

M. Mousseau (Soulanges) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

The Crown Trust Company

M. Geoffrion (Verchères) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant d'Ottawa (M. Gendron), que la Chambre adopte les amendements faits par le Conseil législatif au bill 124 constituant en corporation The Crown Trust Company.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier reporte le bill au Conseil législatif et informe Leurs Honneurs que cette Chambre a adopté leurs amendements.

Crédit général hypothécaire, municipal et paroissial

La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 137 constituant en corporation le Crédit général hypothécaire, municipal et paroissial.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

 

Interpellations:

Somme d'argent payée à M. J.-A. Dorais, ex-agent des terres de la couronne

M. Kelly (Bonaventure): Le gouvernement a-t-il été informé qu'un nommé Théodore Bujold, de Hamilton, dans le comté de Bonaventure, a payé une certaine somme d'argent à l'ex-agent des terres de la couronne, M. J.-A. Dorais, de New Carlisle, et qui n'apparaîtrait pas dans les livres de la couronne de ladite agence?

L'honorable M. Caron (L'Islet): Oui, un nommé Théophile Bujold, de Saint-Charles de Caplan, a payé une certaine somme d'argent à l'ex-agent des terres de la couronne, M. J.-A. Dorais, de New Carlisle; cette somme n'est pas entrée dans les livres de l'agence.

Somme due par M. J.-A. Dorais au gouvernement pour certains droits de coupe

M. Kelly (Bonaventure): 1. A-t-il été fait quelque rapport au gouvernement par feu M. Filion relativement à l'agence des terres de la couronne à New Carlisle, avant la destitution de M. Dorais comme agent des terres de la couronne?

2. Ce rapport démontre-t-il que M. J.-A. Dorais devrait être tenu responsable de certains droits de coupe dans le comté de Bonaventure?

3. Dans l'affirmative, pour quel montant?

4. Ledit rapport contient-il quelque suggestion à l'effet d'obliger M. Dorais à payer la somme au gouvernement?

5. Le gouvernement a-t-il l'intention de prendre des mesures pour percevoir ladite somme de la compagnie de garantie qui s'est rendue responsable pour M. Dorais lors de son entrée en fonction?

L'honorable M. Caron (L'Islet): 1. Oui.

2. Oui.

3. $805.47.

4. Oui.

5. Sous considération.

Modification à l'échelle de droits de coupe

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): 1. Le gouvernement a-t-il l'intention de modifier l'échelle de droits de coupe après le 1er septembre 1910?

2. Si le gouvernement n'a encore pris aucune détermination à ce sujet, est-ce son intention de soumettre préalablement la question à l'Assemblée législative à la présente session ou à la prochaine?

L'honorable M. Caron (L'Islet): 1. Le gouvernement a l'intention de modifier en l'augmentant l'échelle des droits de coupe imposables après le 1er septembre 1910.

2. D'après la loi des statuts refondus, article 1309, cette question est du ressort de l'Exécutif. Le gouvernement n'a pas l'intention de la soumettre à l'Assemblée législative à cette session et il considérera s'il est de l'intérêt public d'en saisir la Chambre à la prochaine session.

Vente de l'estuaire de la rivière Bonaventure

M. Prévost (Terrebonne): 1. Les rives et le lit ou les rives ou le lit de l'estuaire de la rivière Bonaventure ont-ils été vendus par le gouvernement?

2. Dans l'affirmative, quand, à qui, et quel est le prix qui a été payé?

L'honorable M. Caron (L'Islet): 1. Oui.

2. La partie est du barachois de la Bonaventure a été vendue à Louis Robitaille pour la somme de $30, le 15 décembre 1882. La partie ouest a été vendue à A.-B. Dupuis, de Québec, pour la somme de $500, le 31 mai 1898. La partie centrale a été vendue à Augus McLean, de Buffalo, N. Y., pour la somme de $1025, le 7 janvier 1908.

Coupe illégale de bois dans le canton Laterrière, comté de Chicoutimi

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): 1. Le gouvernement sait-il que, durant le cours de l'hiver 1908-1909, un nommé Achille Émond et un nommé Hermel Gauthier, de Laterrière, comté de Chicoutimi, ont fait un chantier de billots sur le domaine de la couronne, dans le canton Laterrière, comté de Chicoutimi, et dans le canton voisin, et qu'ils ont fait près de 100 000 billots sur le domaine de la couronne?

2. Lesdits Émond et Gauthier ont-ils coupé ce bois pour eux-mêmes ou comme entrepreneurs à forfait?

3. Dans la deuxième alternative, pour quelles personnes ont-ils coupé ce bois?

4. Le gouvernement a-t-il autorisé lesdits Émond et Gauthier ou autres personnes à faire ainsi chantier sur le domaine de la couronne?

5. Dans l'affirmative, quand et à qui a-t-il donné l'autorisation?

6. Les cultivateurs de Laterrière ont-ils demandé au gouvernement de réserver ce bois pour les besoins de la classe agricole de la paroisse de Laterrière, et quand?

7. Le gouvernement avait-il accédé à cette demande?

8. Des plaintes ont-elles été faites au gouvernement par des cultivateurs de Laterrière contre la coupe du bois desdits Émond et Gauthier, et quand?

9. Le gouvernement a-t-il pris quelque mesure sur ces plaintes pour arrêter la coupe du bois à ces endroits sur le domaine de la couronne par lesdits Émond et Gauthier?

10. Le gouvernement a-t-il arrêté le chantier desdits Émond et Gauthier?

L'honorable M. Caron (L'Islet): 1, 2 et 3. Le département des Terres et Forêts a été informé qu'une certaine quantité de dormants de chemin de fer avait été coupée sur le domaine de la couronne, rivière du Moulin, cantons Laterrière et Bagot, par Hermel Gauthier et autres, pour la Compagnie du chemin de fer de la Baie-des-Ha! Ha! en 1908-1909.

4 et 5. Non.

6. Par requête transmise en août 1909, les colons de Laterrière ont demandé la concession d'une réserve forestière de deux ou trois milles dans le canton Laterrière.

7. Non, la loi ne le permettant pas.

8. M. Liguori Simard, de Notre-Dame de Laterrière, s'est plaint de la coupe faite dans le canton Laterrière par Hermel Gauthier pour M. Dubuc, de Chicoutimi, en novembre 1908.

9 et 10. Le département a ordonné à M. l'agent Claveau, de Chicoutimi, de faire cesser toute coupe illégale de bois à ces endroits.

Vente de lots dans le canton Tremblay, comté de Chicoutimi

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): 1. Les lots nos 69 et 70 du rang 9 du canton Tremblay, comté de Chicoutimi, ont-ils déjà été octroyés par billet de location à Louis Savard père et à Louis Savard fils?

2. Dans l'affirmative, quelle est la date de l'émission du billet de location en faveur de ces deux personnes?

3. Les billets de location octroyés auxdits Savard ont-ils été annulés, quand et pourquoi?

4. Lesdits Savard ont-ils exposé au gouvernement qu'ils avaient rempli les conditions d'établissement?

5. Si la vente de ces lots auxdits Savard a été annulée, les mêmes lots ont-ils été revendus à d'autres personnes?

6. Dans l'affirmative, à qui et à quelles dates respectives?

7. Le gouvernement sait-il que les conditions d'établissement et de défrichement n'ont pas été remplies sur ces lots?

8. Quelles sont les raisons qui ont empêché le gouvernement d'annuler les nouveaux titres de ces lots?

L'honorable M. Caron (L'Islet): 1. Oui.

2. Le lot 69 a été vendu à Louis Savard fils le 10 septembre 1890. Le lot 70 a été concédé à Louis Savard père le 11 septembre 1890.

3. Oui, le billet de location du lot 69 a été annulé le 4 avril 1906, pour défaut d'accomplissement des conditions d'établissement. Celui du lot 70 a été révoqué le 23 mars 1904, pour les mêmes raisons.

4. Non.

5. Oui.

6. Le lot 69 a été vendu à M. Ludger Petit le 4 avril 1906. Le lot 70 a été concédé au même le 23 avril 1904.

7. Non.

8. Parce qu'aucune demande n'en a été faite, soit par l'agent des terres, soit par des intéressés.

Vente de lots du canton Tremblay, comté de Chicoutimi

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): 1. À qui ont été octroyés les lots nos 37 et 39 du rang 4, 38 du rang 7, 75 du rang 8 et 76 du rang 9, du canton Tremblay, comté de Chicoutimi?

2. À qui a été octroyé le lot no 38 du rang 5 du même canton Tremblay, comté de Chicoutimi?

3. À qui ont été octroyés les lots nos 52, 53 et 76 du rang 8 du canton Tremblay, comté de Chicoutimi?

4. Quels noms et quelles dates portent les billets de location de chacun de ces lots?

5. Lesdits lots sont-ils patentés?

6. Dans l'affirmative, à quelle date?

7. Le gouvernement est-il informé que les conditions de défrichement et d'établissement n'ont pas été remplies sur lesdits lots?

8. Quelles sont les raisons qui ont empêché l'annulation de l'octroi desdits lots?

L'honorable M. Caron (L'Islet): 1. Les lots 37 et 38 du 4e rang, à Honoré Petit; le lot 38 du 7e rang, à P.-C.-A. Dubois; le lot 75 du 8e rang, à Honoré Petit; le lot 76 du 9e rang, à Honoré Petit.

2. Le lot 38 du 5e rang, à Ludger Petit fils.

3. Les lots 52 et 53 du 8e rang, à Jean Petit; le lot 76 du 8e rang, à Jean Petit.

4. Les lots 37 et 48 du 4e rang, à Honoré Petit, le 11 juillet 1887; le lot 38 du 7e rang, à P.-C.-A. Dubois, le 8 février 1864; le lot 75 du 8e rang, à Honoré Petit, le 2 août 1887; le lot 76 du 9e rang, à Honoré Petit, le 31 mai 1869; le lot 38 du 5e rang, à Ludger Petit fils, le 9 octobre 1890; les lots 52 et 53 du 8e rang, à J.-B. Petit, le 5 avril 1883; le lot 76 du 8e rang, à Jean Petit, le 2 août 1887.

5 et 6. Les lots 37 et 38 du 4e rang ont été patentés le 30 janvier 1901; le lot 38 du 7e rang a été patenté le 26 février 1876; le lot 75 du 8e rang a été patenté le 22 juin 1904; le lot 76 du 9e rang a été patenté le 15 novembre 1897; le lot 38 du 5e rang a été patenté le 13 mars 1897; les lots 52 et 53 du 8e rang ne sont pas patentés; le lot 76 du 8e rang a été patenté le 15 janvier 1895.

7 et 8. D'après les certificats émis par le garde forestier en vue de l'émission des lettres patentes, les conditions d'établissement ont été remplies sur les lots 37 et 38 du 4e rang, 38 du 7e rang, 76 du 9e rang, 38 du 5e rang, 75 et 76 du 8e rang. N'ayant pas reçu de rapport des lots 52 et 53 du 8e rang, le département ignore si les conditions d'établissement y sont remplies.

Commission des services d'utilité publique de Québec

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 46 établissant la Commission des services d'utilité publique de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

Il admet que ce projet de loi est très important, puisqu'il a pour but de créer au bénéfice de la province de Québec une commission dans le genre de la commission des chemins de fer établie sous l'autorité du gouvernement fédéral. Il démontre que l'établissement de cette commission vise à assurer un intermédiaire pour régler de façon amicale certains différends qui surviennent parfois entre les compagnies d'utilité publique et la population en général et où des questions importantes et des principes d'une portée étendue sont en jeu.

Il s'agit d'établir une commission pour contrôler les compagnies de chemin de fer et de tramways, les compagnies d'électricité et de gaz. Trois membres la composeront. Elle suivra la procédure de la commission des chemins de fer. Un commissaire ne pourra avoir aucun intérêt dans une des compagnies d'utilité publique. Elle ira siéger où besoin sera. Elle sera assistée des experts nécessaires. Elle aura un secrétaire nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil et qui occupera sa charge durant bon plaisir.

Le traitement du président de la commission ne pourra pas excéder $3000; les deux autres commissaires recevront un salaire de $2000 chacun et le secrétaire recevra $1800. En sus, on allouera $10 par séance. C'est un salaire suffisant, si on considère qu'après quelques années la commission aura peu de travail à faire. Les commissaires, d'ailleurs, pourront s'occuper d'autre chose. Car autrement on créerait une sinécure. Si la rémunération indiquée dans la loi est jugée insuffisante par la Chambre pour assurer à la province les services d'hommes compétents, il sera toujours possible d'y ajouter quelque chose.

La juridiction de la commission sera assez étendue pour qu'elle puisse se prononcer sur tout ce qui pourrait possiblement servir les intérêts du public et pour maintenir un juste équilibre entre les compagnies d'utilité publique et la population. La commission pourra connaître toutes les questions qui sont de la compétence du comité des chemins de fer du Conseil exécutif auquel elle est substituée et dont elle possède tous les pouvoirs: questions se rattachant au transport des marchandises et des voyageurs sur lignes de tramways; contestations relatives aux taux qui peuvent être exigés par les services d'utilité publique, en tenant compte des contrats existants; conflits qui peuvent s'élever entre les compagnies d'utilité publique et les municipalités; droit des compagnies d'étendre leur sphère d'opération, etc. Elle réglera les difficultés dans les cas d'expropriation. La commission aura la surveillance générale de toutes les utilités publiques sous le contrôle de l'autorité législative de cette province et elle devra faire toutes les enquêtes nécessaires pour se renseigner d'une manière complète sur la façon dont les divers services opèrent conformément à la loi. Elle aura le même pouvoir que la Cour supérieure pour assigner les témoins.

Il ajoute que la commission sera composée d'experts, dans une certaine mesure, et qu'elle fera des expertises sur le fait qui se-ront une source d'information très sûre. Les décisions de la commission seront finales sur les faits. Sur les questions de droit les décisions de la commission seront sujettes à un appel à la seule Cour du banc du roi.

Cette loi répond aux exigences nouvelles créées par le développement économique de notre province; elle est le résultat de longues études et d'une enquête approfondie qui a coûté six mois de travail aux officiers en loi. Les services d'utilité publique se multiplient de plus en plus. Chaque année, plusieurs semaines sont employées à régler les différends soulevés entre la seule ville de Montréal et les compagnies d'utilité publique qui opèrent dans les limites de son territoire. Les dépenses occasionnées par la nouvelle commission seront amplement payées par l'économie de temps et de frais de toutes sortes qui résultent des démarches faites de divers côtés auprès de la législature chaque année. Il demande à la Chambre d'appuyer cette mesure qui, assure-t-il, est présentée dans l'unique but d'en faire bénéficier le public.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) félicite le gouvernement de cette création, qui rencontre un réel besoin. Parlant en son propre nom, il regrette seulement que le gouvernement ait attendu si longtemps pour proposer cette mesure. Il espère qu'on prendra toutes les précautions dans la nomination des membres, pour assurer à la commission toute la somme d'utilité possible. Si la commission des services d'utilité publique est composée comme elle doit l'être, non de politiciens usés, de juges en retraite, de vieux financiers retirés des affaires après fortune faite, de vieux employés civils ou de vieux soldats; mais si elle est formée d'hommes éclairés, intègres, énergiques et dans toute la force de la vie, et assez compétents pour assumer les responsabilités qui leur seront confiées, elle est appelée à rendre de grands services en dégageant les pouvoirs législatif et judiciaire d'une foule de problèmes qu'il leur incombe présentement de résoudre. Il faut considérer que la commission devra prendre une importance de plus en plus grande au fur et à mesure du développement économique du pays et il serait sage de légiférer en conséquence.

J'espère que le gouvernement établira des lois qui seront conformes à l'importance que la commission devra immédiatement revêtir un jour.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) rassure le député de Saint-Hyacinthe. Cette commission ne sera pas un hôpital politique, bien au contraire. Il est convaincu que toute la population de la province approuvera la nouvelle loi. Il demande à la Chambre de l'appuyer, tout en exprimant l'espoir qu'elle approuvera les nominations que le gouvernement fera pour cette commission.

La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité général.

Terres de certains habitants du district de Gaspé

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour considérer des résolutions concernant la possession et la jouissance paisible de leurs terres par certains habitants du district de Gaspé.

Adopté.

Commission des chemins à barrières

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du bill 202 autorisant l'organisation de la Commission des chemins à barrières et des ponts de péage.

M. Prévost (Terrebonne) s'y oppose.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) appelle l'article prévu.

Vente et administration des terres publiques et des bois et forêts

La Chambre reprend le débat ajourné mardi, le 11 mai dernier, lors de la motion pour deuxième lecture du bill 36 amendant la loi concernant la vente et l'administration des terres publiques et des bois et forêts.

M. Prévost (Terrebonne) ne veut pas paraître plus pressé que le gouvernement, mais il veut que l'on reprenne le débat sur la loi des terres avant de passer à autre chose. Il se plaint de la lenteur de la production de dossiers entre les mains du député de Bonaventure (M. Kelly). Il se plaint qu'un dossier demandé par lui et qui, par conséquent, devait être mis sur la table de la Chambre ait été remis auparavant à son adversaire, le député de Bonaventure.

Il prétend qu'avant que l'on mette ce dossier sur la table les extraits en avaient été copiés au clavigraphe. Cette manière d'agir est si curieuse qu'il serait bon d'avoir des détectives pour prendre soin des dossiers. De plus, ce dossier avait été vu, revu et corrigé. On a donné aux journaux le discours du député de Bonaventure pour laisser croire que le député de Terrebonne avait été figé et qu'il était enfoui sous terre pour toujours; mais on va s'apercevoir du contraire.

On sait que j'ai été un peu dérangé hier dans ma réponse au député de Bonaventure, mais dans l'intervalle j'ai pu recueillir des renseignements nouveaux. J'ai pu prendre connaissance du dossier passé au député de Bonaventure et dont il avait pu faire des extraits avant qu'il fût déposé sur la table de cette Chambre. On connaît les difficultés et contretemps que le gouvernement a semés sur mon chemin. Les documents demandés sont déposés en retard. Les lettres n'ont été jointes au dossier qu'à la toute dernière minute, tandis que mon adversaire reçoit des informations détaillées.

Il formule ensuite des plaintes amères contre l'attitude de l'organe du gouvernement à Québec. Il rappelle l'attitude extraordinaire du député de Bonaventure, lisant mercredi soir un texte qu'il avait caché dans l'intérieur d'un autre journal. Le procédé était déjà extraordinaire, mais il est arrivé quelque chose de plus extraordinaire encore.

Je vais montrer combien il est malheureusement nécessaire, lorsque le député de Bonaventure cite des documents, de les repasser après lui. Le député de Bonaventure a attaqué mon administration lorsque j'étais ministre. Il s'est servi de ce dossier comme une épée flamboyante qui devait anéantir le dragon de Terrebonne. Cette épée, je l'ai entre les mains, et elle n'est pas plus flamboyante que les articles du Soleil de ce soir. Ce n'est pas une Durandal5. Le député de Bonaventure, en essayant de rejeter sur l'ancien ministre de la Colonisation la responsabilité de l'affaire Miquelon, a cité une couple de lettres de Christin, attirant l'attention du département sur la demande de Miquelon. Il a cité un de ces petits documents que l'on sait, haillons, guenilles péniblement amassés qui servent au Soleil pour faire des articles de pierrot et d'arlequin, pour bâtir des discours à coups de pièces tronquées, de documents raccourcis. Lorsque le député de Bonaventure croyait pouvoir utiliser le dossier Miquelon pour fabriquer une insinuation déloyale contre mon administration, il surprenait la bonne foi de la Chambre et faisait dire à des pièces le contraire de ce qu'elles disent, grâce à une habile subtilisation des dates. Le député de Bonaventure a lancé des insinuations contre MM. Dufault et Gastonguay et, cependant, ceux-ci n'ont fait que leur devoir.

Les lettres citées par le député de Bonaventure dans cette affaire et provenant de M. Christin, l'agent de la couronne dans le nord, ont été expédiées non pas à moi-même mais bien à M. Dufault, le sous-ministre de la Colonisation. En octobre 1906, M. Christin adressait une lettre à M. Dufault, déclarant que Miquelon avait fait une demande pour certains lots. Au cours du mois de mars suivant, il avait écrit de nouveau. Cependant, il exonère M. Dufault de tout blâme, dit-il, et déclare que le député de Bonaventure a délibérément induit la Chambre en erreur lorsqu'il a laissé entendre que l'ordre de vendre les lots à Miquelon avait été donné dans un télégramme expédié en réponse à une lettre de M. Christin datant de 1906. En réalité, le dossier démontre que cette lettre de Christin, à laquelle on avait répondu par un télégramme, date du 4 mars 1907. Le député de Bonaventure a lu d'abord certains documents puis, tout de suite après, des lettres rédigées beaucoup plus tard. Il les a associés tandis qu'il aurait plutôt dû expliquer que d'autres lettres avaient été écrites entre-temps; et tout ça, afin d'en arriver à ses fins. Et si j'avais pu suivre le député de Bonaventure dans les textes, cette fois encore je l'aurais rappelé à l'ordre. Ce n'est pas sur la foi d'un premier rapport de Christin que les lots ont été concédés; et ils l'ont été d'abord parce que l'agent était obligé de concéder après que certaines conditions eussent été remplies.

M. Kelly (Bonaventure) se plaint de ce que le député de Terrebonne fausse les faits et les dates. L'honorable député veut laisser croire que j'ai trompé la Chambre en changeant les dates. Je suis en état d'affirmer que ce que j'ai dit était correct et, si l'honorable député veut déposer son dossier sur la table de la Chambre aussitôt qu'il aura fini cette partie de son discours, je vais prouver à partir de ce dossier et avant la fin de la séance que ce que j'ai déclaré hier soir est tout à fait vrai.

M. Prévost (Terrebonne) ne croit pas devoir se montrer plus généreux que le député de Bonaventure l'a été. Il a eu le dossier avant moi, maintenant il l'aura après mon discours. Il proteste contre ces paroles. Le député ne doit pas m'interrompre. Puis, il répète sa déclaration à propos des dates.

M. Kelly (Bonaventure): Je soulève une question de privilège. Je déclare que l'accusation portée contre moi par le député de Terrebonne n'est pas conforme aux faits et je le prouverai en me basant sur le dossier. Le député de Terrebonne ne dit pas la vérité en voulant faire croire à la Chambre que j'ai voulu tronquer les dates.

M. Prévost (Terrebonne) refait la même déclaration.

M. Kelly (Bonaventure): Puisqu'il faut dire les mots, je déclare, M. l'Orateur, que le député de Terrebonne ne dit pas la vérité.

M. Prévost (Terrebonne): Oh! le député de Bonaventure a tellement l'habitude non seulement de ne pas dire la vérité, mais aussi de la cacher!

Il compare le député de Bonaventure à un rat grignotant des dossiers dans des coins sombres6.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): À l'ordre! À l'ordre!

Des voix: À l'ordre!

M. Prévost (Terrebonne): Asseyez-vous! L'honorable ministre devrait éviter ces crises de nervosité7.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): À l'ordre! À l'ordre!

Il déclare qu'il demandera la décision de l'Orateur et il veut que l'honorable député retire ses paroles.

M. Prévost (Terrebonne): Oh! Oh! vous ne le pouvez pas et je ne ferai rien de la sorte!

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Oui, vous le ferez! Il se lève sur une question d'ordre. Ce député n'a pas le droit de dire qu'un autre député de la Chambre a caché la vérité.

M. Prévost (Terrebonne): L'honorable ministre sait-il ce qu'il dit? Moi, je ne le sais pas.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Je demande à l'Orateur de décider si oui ou non le député a le droit de déclarer qu'un autre député cache la vérité.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Nous ne devons pas oublier que c'est le député de Bonaventure qui a dit en premier que le député de Terrebonne cachait la vérité.

M. l'Orateur: Je demande et au député de Terrebonne et au député de Bonaventure de retirer leurs paroles et de ne pas utiliser un langage aussi peu parlementaire. Et, à l'avenir, j'apprécierais grandement que le député de Terrebonne utilise un langage plus conforme aux règles parlementaires.

M. Prévost (Terrebonne): Que le député de Bonaventure me donne l'exemple!

M. Kelly (Bonaventure): M. l'Orateur,...

Un député de l'opposition: À l'ordre!

M. Kelly (Bonaventure) ... faites respecter votre décision; je retire ce que j'ai dit.

M. Prévost (Terrebonne): Pour la première fois au cours de cette session, je vais suivre l'exemple du député de Bonaventure. (Rires)

Il fait remarquer que c'est la première fois au cours de cette session qu'il est obligé de se rétracter.

M. l'Orateur: À l'ordre dans les galeries!

M. Prévost (Terrebonne) rappelle que le député de Bonaventure, dans son discours, a lu un télégramme dont il prétendait se faire une arme. Vous vous rappelez, M. le Président, comment le député de Bonaventure a lu le télégramme signé par M. Gastonguay, du département, envoyé à Christin au sujet des lots demandés par Miquelon? Or il n'en a lu qu'une partie. Pourquoi n'a-t-il pas lu tout? Il a préféré donner une nouvelle preuve de cette tactique qui lui faisait lire, hier soir, dans le Soleil des choses qu'il prétendait lire dans l'Avenir du Nord. Et cela, dit-il, était prévu afin de mal faire paraître le télégramme.

Ce télégramme, qui était censé compromettre le département de la Colonisation, disait: "Vendez immédiatement lots à Miquelon." Or admirez une fois de plus la loyauté du député de Bonaventure. Il s'est arrêté là quand le télégramme contenait encore les paroles très importantes que voici: "Vendez, mais avertissez-les que conditions de vente doivent être sévèrement suivies."

Il expose que ce n'est pas le département de la Colonisation mais le département des Terres qui est responsable de ce que le député de Bonaventure a reproché et il prétend que l'agent Christin était, par la loi, tenu de vendre.

M. Kelly (Bonaventure): L'honorable député prétend-il que, lorsqu'un agent possède des preuves que des lots sont achetés à des fins de spéculation, il est obligé de vendre ces lots? M. Christin, ayant la preuve qu'il s'agissait de spéculateurs, ne devait-il pas refuser la vente?

M. Prévost (Terrebonne) répond que M. Christin lui a écrit une lettre déclarant qu'il craignait que les Miquelon fussent des spéculateurs, mais qu'il n'avait pas de preuves. L'honorable député sait que l'agent, n'ayant pas de preuves concluantes et n'ayant que des doutes sérieux que les colons de Miquelon étaient de mauvaise foi, était obligé de vendre. Si les déclarations du demandeur sont régulières, le département ne peut pas refuser les lots. Serment avait été prêté suivant la loi et il n'y avait plus qu'à concéder les lots. C'est ce que le département a fait par son télégramme, mais en ajoutant: Avertissez-les que conditions de vente doivent être suivies sévèrement.

De plus, le député de Bonaventure s'est bien gardé de produire toutes les pièces. Il aurait fallu voir la correspondance entre Christin et le département des Terres. Christin recevait ses instructions du département des Terres. Or cette correspondance n'est pas dans le dossier qui est par conséquent incomplet. Si le dossier était complet, l'on verrait que les lots ont été vendus au spéculateur Miquelon pendant qu'il (M. Prévost) était ministre, mais sur l'ordre du département des Terres et en dépit du département de la Colonisation et de M. Dufault qui ont protesté contre l'ingérence du ministre des Terres dans les réserves de colonisation. Mais il a fallu courber la tête devant le ministre des Terres et il a fallu céder les lots à M. Miquelon.

Il se fait fort de prouver dans une enquête que M. Miquelon a obtenu ces lots malgré le consentement du département de la Colonisation.

Et c'est avec cela qu'on porte des accusations et que l'on veut faire croire à la mal administration de l'ancien ministre de la Colonisation. On ne prouve rien, mais la calomnie fait quand même son chemin dans les journaux.

Il y a mieux que cela. Le député de Bonaventure a essayé de m'attaquer avec une lettre du révérend père Mouttet qui critiquait ma conduite au sujet des colons de Témiscamingue et qui n'affirmait rien. Aujourd'hui même, j'ai écrit au révérend père Mouttet à propos de cette lettre, car je crois qu'il a été trompé. Je m'attends à recevoir une réponse que je déposerai sur la table de la Chambre avec, en plus, ma propre déclaration et sept ou huit affidavits de gens qui ne rapporteront pas seulement des rumeurs, mais qui déclareront que je n'ai jamais rien eu à voir avec la spéculation concernant certains lots à des gens de Saint-Jérôme.

Cette lettre ne sera pas suivie de détectives comme les gens le sont actuellement. Une lettre s'en va tranquillement par la malle chercher la vérité et la rapporter. Mais cette fois encore l'insinuation a fait son chemin et a permis aux journaux comme le Herald, de Montréal, de dire que le discours du député de Terrebonne a tourné contre lui en une accusation de spéculation.

Il se plaint de ce que certains journaux aient cru bon d'utiliser les extraits de la lettre lue par le député de Bonaventure en Chambre afin de l'attaquer. Il condamne cette façon et la qualifie d'injuste.

Autant de choses que je tiens à mettre au grand jour afin de prouver les moyens que l'ingratitude peut suggérer à ceux qui foulent aux pieds les plus saintes amitiés pour satisfaire une ambition démesurée.

Je passe à une autre question. Le député de Bonaventure a dit que la colonisation était impossible. Il a dit cela avec sa longue expérience de colonisation.

M. Lavergne (Montmagny): À l'âge de sept ans il avait son lot.

M. Prévost (Terrebonne): Sur cette question de colonisation intensive je suis en bonne compagnie. Je préfère être en compagnie de patriotes comme Miville Dechêne, comme le sénateur David et d'autres qui croyaient, eux, avec une foi ardente, à la colonisation intensive. J'apporte d'abord le témoignage d'un homme dont la mémoire est encore vénérée par tous les vrais libéraux, par tous les citoyens de cette province. J'invoque le témoignage de Miville Dechêne, ministre dans le cabinet Mercier8. Et j'aime à réveiller sa grande ombre en même temps que l'amour qu'il portait à son parti, aux principes de son parti et à sa province. Je veux réveiller l'écho des discours qu'il a prononcés dans cette Chambre et qui seront une vengeance contre les discours insidieux qu'on dirige contre moi.

Miville Dechêne voulait qu'on donne $3 ou $4 pour chaque acre défriché au colon qui avait prouvé sa bonne foi et son intention de s'établir sur la terre. Un autre patriote, le sénateur L.-O. David, qui certainement avait plus d'expérience que le député de Bonaventure, voulait pour notre province une loi de "free grants" et de "homestead" comme dans Ontario. Il voulait le lot gratuit, la patente facile et sans exiger la résidence. Il savait, lui, qu'il faut songer aux enfants des colons qui veulent s'établir à côté de leurs pères qui ont fourni notre meilleure colonisation en nous donnant des rangs entiers occupés par des familles portant le même nom.

On peut tortiller des phrases, on peut apporter les "files" du Soleil qui, au temps qu'il était ministre, n'était pas assez grand pour publier son portrait; on ne pourra dire le contraire, que toujours il a été en faveur de la colonisation intensive.

Je le répète pour la vingtième fois: qu'on dise ce que l'on entasse dans les dossiers et les séries de journaux comme ceux que le député de Bonaventure a empilés sur son pupitre, c'est le fils du colon qui est le premier colonisateur dans cette province. Pourtant, c'est lui qu'on frappe avec cette loi que le gouvernement présente et qui enlève au père le droit de prendre un lot à côté du sien pour son fils. Avec le système actuel, si un père de famille demande un lot, il n'a le droit qu'à un seul et on n'arrivera pas, en l'empêchant d'établir ses enfants autour de lui, à former des paroisses. Avec cette loi on arrête la seule colonisation qui se faisait chez nous malgré que le colon fût encore arrêté par les chinoiseries du département des Terres et dût attendre cinq, six et sept ans pour avoir un lot.

L.-O. David demandait que l'on accorde au colon de bonne foi $5 par arpent défriché. La terre libre au colon libre, voilà le cri qui sort des poumons de tous les patriotes, de tous ceux qui aiment leur province et veulent leur patrie plus grande, quand ces poumons ne sont pas resserrés par la solidarité ministérielle ou par un attachement aveugle au parti, quand ces patriotes marchent empanachés d'indépendance et de franchise et ne craignent pas le froncement de sourcils d'un premier ministre, quand ils ne sont pas étouffés par les craintes. La colonisation intensive, c'est chose facile et on doit la faire avec le principe: la terre libre au colon libre. La terre libre au colon libre! C'est la grande voix du curé Labelle dont la mémoire va être conservée dans le bronze dans quelques mois, c'est la voix du prêtre patriote qui a semé 47 paroisses dans les régions du nord.

Donnez-leur des lots à ces descendants des ancêtres qui ont déjà fait la patrie grande et qui ont semé des croix, après celle de Jacques-Cartier, sur tous les points de notre patrie.

Donnez-leur donc des lots aux fils de nos compatriotes qui veulent grouper en essaim leur famille, qui veulent garder leurs enfants autour des clochers dont le bronze a chanté leurs deuils comme leurs joies.

Donnez-leur des lots à ces frères qui vous font une patrie plus belle autour des tombeaux des ancêtres. Réveillez-vous aux besoins de l'heure présente. Encouragez les sentiments féconds de notre peuple, ces idéaux dont le refrain était superbement chanté par le père Coubé lorsqu'il disait à ses compatriotes de France: Si vous voulez la France belle, entonnez fortement le refrain de l'idéal.

Il déclare que la terre libre au colon libre sera le seul système efficace dans notre province. Malgré les entraves du gouvernement, il entreprend alors de parler de la colonisation intensive faite depuis quelques années. Il n'ira pas, comme l'a fait le député de Bonaventure, fouiller les vieux dossiers pour dénigrer l'oeuvre patriotique des gouvernements précédents qui ont aidé la colonisation intensive et qui mérite encore le respect de notre génération; il va procéder plus rapidement et il va citer des faits. Je vais lui répondre et sans remonter à l'année 1875 ou à l'année de la "grande noirceur".

L'histoire de ces trois cantons du comté de Compton où, selon le député de Bonaventure, la colonisation intensive, avec son système de primes et autres encouragements, a été une faillite, ne lui prouve rien qui vaille. Le député de Bonaventure prétend qu'en 1885 il n'y avait plus que 80 personnes dans les cantons de Ditton, Emberton et Chesham. Le gouvernement du temps avait voté $60 000 pour rapatrier les nôtres. Je ne chercherai pas à dénigrer ce mouvement patriotique. Je constate seulement que, là où les rapatriés et fils de rapatriés sont venus s'établir, il y a aujourd'hui une population totale de 3000 âmes sur une propriété foncière évaluée à $1 000 000. Ces cantons sont prospères. Trois belles paroisses, là où il n'y avait en 1875 que la forêt vierge. Ceux qui les habitent y sont allés à l'appel des patriotes missionnaires comme nous en avons encore, Dieu merci, mais qui, hélas, sont peu écoutés! On les a ramenés des États-Unis.

Nous avons au milieu de nous un descendant distingué de cette génération qui a retrouvé au pays natal l'hospitalité et l'affection. Le député de Compton (M. Giard), qui représente son comté avec tant de distinction, est le fils d'un des rapatriés de 1875, heureusement ramenés de l'exil américain, qui revinrent au pays vivre et développer la patrie. Voilà la colonisation de rapatriement - c'est un beau mot, Monsieur! - la colonisation de retour qu'on devrait admirer au lieu de chercher à la déprécier comme l'a fait le député de Bonaventure.

Ce dernier a prétendu que ces rapatriés ne sont pas restés au pays. Sans doute, il a bien pu en partir 10% à cause des conditions nouvelles de vie, mais nous avons dans un seul district une population de 3000 âmes composée des descendants des rapatriés de 1875.

On avait de l'initiative dans ce temps-là. On ne passait pas de petites lois pour envoyer la colonisation qui se fait. On faisait de la colonisation intensive, on fondait des paroisses nouvelles. Aujourd'hui, l'on est en train de tuer la colonisation expansive elle-même, la seule que nous avions, avec cette loi que vient de présenter le ministre des Terres et qui, en ne permettant à un colon qu'un seul lot de 100 acres, empêcherait désormais les fils de s'établir autour de leur père et d'agrandir peu à peu les paroisses. Aujourd'hui, on fait de la province une colonie d'exploitation quand tous les Canadiens français devraient s'unir pour en faire une colonie d'expansion. Nous retournons au régime des "Cent associés9".

La colonisation est nécessaire pour garder notre représentation. Le député de Bonaventure a cité l'exemple du Nouveau-Brunswick où l'on ne donne qu'un lot de 100 acres au colon. Or, dans le Nouveau-Brunswick, la colonisation ne s'y développe pas, la population a diminué et c'est grâce à cette politique néfaste qui a mis cette province à la merci de six ou sept marchands de bois. C'est pour cela que le Nouveau-Brunswick a vu diminuer le nombre de ses représentants pendant la dernière décade et qu'il les verra diminuer encore, et c'est ce qui nous arrivera si nous ne faisons pas de colonisation intensive.

Et c'est une politique comme celle-là qu'on veut imposer à la province de Québec où l'on oublie que l'augmentation extraordinaire de l'Ouest est en train de nous noyer dans la Confédération: 2500 immigrants ont pris la direction de l'Ouest la semaine dernière. Elle s'en va prendre notre place d'honneur dans la représentation du pays. Si on continue cette politique néfaste, Québec n'augmentera pas et l'Ouest, lui, augmentera, et notre autonomie diminuera. À Ottawa, nous serons noyés par le nombre des représentants de l'Ouest.

Il déclare qu'il s'inspire du curé Labelle qui a fondé 43 paroisses, qui a planté des croix comme l'ont fait Cartier et les autres explorateurs français. Ce n'est pas au Nouveau-Brunswick qu'il faut aller s'inspirer en fait de colonisation. Le député de Bonaventure a cru frapper un grand coup en citant l'exemple de cette province.

M. Kelly (Bonaventure): Je n'ai jamais dit que la population du Nouveau-Brunswick avait diminué, mais j'ai dit le contraire. J'ai prouvé par des chiffres qu'elle avait augmenté.

M. Lavergne (Montmagny): L'honorable député prétend qu'elle a augmenté?

M. Prévost (Terrebonne): Pourquoi la représentation a-t-elle diminué? Ce serait du moins qu'elle n'a pas augmenté dans les mêmes proportions que la province de Québec. Mais, si cette dernière a augmenté, c'est par la colonisation expansive qui s'est faite par elle-même, lorsque le gouvernement l'a favorisée, et par la qualité prolifique de notre race. Même chez nous, depuis quelques années, la population a diminué dans nos vieux comtés comme Deux-Montagnes, Laprairie, Verchères. La colonisation s'est faite ici malgré le gouvernement qui voit encore avec indifférence l'exode des nôtres vers l'Ouest et les États-Unis. Pourtant, la moyenne de nos familles est encore de six enfants. Où sont donc tous ces enfants de nos ancêtres? Ils se sont dirigés aux États-Unis et vers les provinces de l'Ouest, parce que dans cette province on prend trop de temps pour obtenir ces lots. Dans Québec, les seuls comtés qui ont augmenté sont ceux de colonisation. C'est donc elle qui nous a conservé le chiffre de notre représentation. Il faut que le gouvernement se réveille de son sommeil léthargique et qu'il suive le conseil du député de Saint-Laurent (M. Finnie): "Wake up!". On ne fait pas de la colonisation en faisant comme le député de Bonaventure, c'est-à-dire en prononçant de grands discours dans l'espérance de remplacer le ministre actuel. M. Grignon a été cité par le député de Bonaventure, mais encore "incomplètement". Il a dit que le colon préférait au système actuel l'obligation de payer un droit de coupe simple. Même avec ça, c'est encore la terre libre au colon libre.

Voilà ce que dit le docteur Grignon. Et j'ajoute que 40 municipalités se lèvent pour protester contre ces accusateurs de l'oeuvre du curé Labelle. Ce sont ces accusateurs serviles qui défendent aujourd'hui le député de L'Islet (l'honorable M. Caron) et le député de Bonaventure. Quelqu'un a déjà dit que le docteur Grignon prétendait qu'on n'aurait jamais dû ouvrir la région du Nord à la colonisation, mais si on venait répéter ses paroles à Saint-Jérôme, 40 paroisses se lèveraient pour lui répondre. Si le curé Labelle revenait, il trouverait des hommes comme celui qui parle pour le défendre et il trouverait du côté ministériel des gens qui mesurent avec le galon le pin et l'épinette.

Il passe à l'interprétation singulière qu'a donnée le député de Nicolet (l'honorable M. Devlin) du désaveu que ramène la loi nouvelle, au grand péril de la colonisation. Le ministre de la Colonisation a prétendu que le désaveu avait été rétabli pour faciliter la construction des écoles et des églises. Si cela était, il voterait la clause avec plaisir. Mais on sait bien que l'on pourra faire comme en 1903 et écrire aux agents de canceller toutes les ventes.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) se plaint que le député de Terrebonne l'attaque sachant qu'il n'y aura pas de réplique.

M. l'Orateur dit au député de Terrebonne qu'il ne doit répondre qu'au député de Bonaventure.

M. Prévost (Terrebonne) est prêt à permettre au ministre de répondre immédiatement à ce qu'il a dit.

M. Lavergne (Montmagny): L'honorable ministre de la Colonisation a parfaitement raison en ne voulant pas que le député de Terrebonne réponde à son discours, parce que c'est toujours gênant.

M. Prévost (Terrebonne) se réserve une réponse au discours du député de Nicolet lorsque la loi des terres viendra en seconde lecture.

Je m'arrête à cette partie de mon discours. Le député de Bonaventure a fait contre moi une insinuation qui voulait être une accusation et il la retire sur l'ordre de l'Orateur, n'ayant pas courage de la soutenir. J'ai maintenant une promesse à remplir et j'ai l'habitude de tenir parole. J'ai porté hier, de mon siège, une accusation directe à mon tour et je suis prêt à la maintenir. Je disais que la manière de porter une accusation n'était pas de la faire par insinuation, comme l'a fait le député de Bonaventure à mon égard, et de la retirer ensuite sur l'ordre de l'Orateur. Mais, cependant, on la publie dans les journaux et on la laisse planer sur le public.

Je peux vous donner tout de suite la preuve qu'il existe une différence entre un député qui fait ses accusations par voie d'insinuations et dont la liberté est soumise à la discipline de parti et un député qui est tout à fait détaché d'une discipline aussi abominable et qui porte des accusations. En répondant au député de Bonaventure, j'ai dit que le moyen de porter une accusation, c'était de la porter directement. Et c'est ce que l'on fait lorsque l'ambition, le désir d'atteindre le capitole, qui brille beaucoup moins de près que de loin, ne nous porte pas à prendre une voie moins droite.

Quand on n'est pas retenu par des attaches de parti et qu'on a gardé sa liberté d'action, on porte des coups droits. Il y a les seigneurs du siècle de Louis XV qui faisaient la guerre en dentelle et chargeaient bravement l'épée à la main. On va à l'adversaire l'épée haute et la main levée et on lui dit: À vous l'honneur! En garde! C'est l'exemple que nous donne cette chevalerie française qui n'est pas encore inconnue chez nous.

D'autres choisissent d'autres moyens. C'est ce qu'on a fait contre moi. Au lieu d'agir en chevalier on a préféré adopter un autre système. C'est celui de l'apache des rues sombres qui guette dans l'ombre le bourgeois retardé et qui, avec un copain qu'on ne voit pas toujours mais qui est là, pratique ce que l'on appelle à Paris le "coup du père François"! Quand le bourgeois passe, celui qui est caché l'accroche au passage par en arrière avec un foulard, le renverse. C'est alors que l'autre, le brave, lui plante son couteau dans la gorge.

Mais j'ai marché dans le milieu de la rue et je me suis gardé contre l'apache. Maintenant que je l'ai en champ clos, je lui envoie mon gant, j'envoie ma carte, pas dans l'ombre. J'ai au-dessus de moi des centaines de lumières électriques; j'ai autour de moi mes collègues des deux côtés de la Chambre qui agiront comme témoins pour moi; je suis dans une enceinte. Je vais donc maintenant faire ma déclaration.

J'ai l'honneur, M. le Président, de faire la déclaration suivante:

Je, Jean Prévost, député à l'Assemblée législative de la province de Québec pour le district électoral de Terrebonne, fais la déclaration suivante:

Je suis croyablement informé et me crois vraiment en état d'établir:

1. Que, depuis janvier 1905, à la connaissance et avec la participation de John Hall Kelly, député pour le district électoral de Bonaventure, Robert-Napoléon Leblanc, commerçant et propriétaire de moulins de la paroisse de Saint-Bonaventure, a fait concéder ou contribué à faire concéder, pour fins de spéculations, à diverses personnes, un nombre considérable de lots dans les cantons Hamilton et Cox, dans ledit comté de Bonaventure.

2. Que, depuis cette date de janvier 1905, ledit Robert-Napoléon Leblanc, directement ou indirectement, sur et à même les biens de la couronne, et avec la connaissance et la participation dudit John Hall Kelly, a fait des spéculations qui lui ont rapporté, ainsi qu'audit John Hall Kelly, des sommes considérables s'élevant à plusieurs milliers de dollars.

En conséquence, il propose qu'il soit résolu que, dans l'intérêt public et celui du bon gouvernement, il soit nécessaire de s'enquérir de ces faits et que la présente déclaration soit renvoyée au comité permanent des privilèges et élections pour s'enquérir et faire rapport sur les diverses matières contenues et alléguées en icelle, avec pouvoir d'envoyer quérir personnes et papiers et de prendre les témoignages sous serment et par écrit.

Le député de Bonaventure a fait inscrire au procès-verbal que, si je ne mettais pas mes accusations par écrit, j'étais un infâme menteur et un lâche; maintenant que j'ai remis ma déclaration, j'espère qu'il retirera ses paroles plus sincèrement qu'hier.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je crois que la déclaration ou plutôt l'acte d'accusation du député de Terrebonne devrait d'abord être considéré comme avis de motion, avec entente qu'elle sera le premier article à l'ordre du jour demain matin, afin qu'on puisse auparavant l'étudier.

Il préférerait attendre avant de discuter plus longuement de la déclaration, car il croit que la déclaration d'aujourd'hui ne contient pas les accusations portées hier soir.

M. Prévost (Terrebonne): Ce sont exactement les mêmes.

M. Tellier (Joliette): Dois-je comprendre que l'honorable premier ministre demande du délai jusqu'à demain avant de prendre une décision?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je ne discute pas la question pour le moment, mais le cas est très grave. Il n'y a pas de mal à laisser du temps pour trancher une question comme celle-là.

M. Tellier (Joliette): L'honorable premier ministre comprend donc que, pour étudier la déclaration du député de Terrebonne, il lui faut plus qu'un quart d'heure ou qu'une demi-heure, plus même qu'une suspension de séance de trois quarts d'heure, mais il lui faut 12 heures; il comprend qu'il lui faut jusqu'à demain matin. Cette demande est juste et nous ne nous opposons pas. L'opposition ne veut pas être aussi injuste envers le député de Bonaventure que l'a été le premier ministre envers le député de Terrebonne hier soir, alors qu'il ne voulait lui accorder qu'une demi-heure pour préparer sa déclaration.

Mais, si la demande du premier ministre est juste, je vous demande maintenant, M. le Président, si la demande du député de Terrebonne hier soir n'était pas également juste. Il demandait le même temps, hier, pour rédiger son document. Je vous demande si le gouvernement a été juste, hier, en voulant mettre le talon sur la gorge du député de Terrebonne, en voulant le forcer à rédiger dans quelques minutes une déclaration qu'il faudra au premier ministre jusqu'à demain matin pour étudier. L'opposition, qui a un autre sens de la justice, concède volontiers au gouvernement ce qui a été refusé au député de Terrebonne. Ce que nous avons demandé hier au nom de la justice et qu'on nous a refusé, nous ne voulons pas le refuser au premier ministre ni au député de Bonaventure. Nous acceptons la proposition du premier ministre.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) considère que sa demande n'est que juste étant donné que les accusations portées hier soir ne sont pas les mêmes que celles contenues dans la déclaration déposée sur la table.

Je suis heureux de constater que ma demande est tellement juste qu'elle rencontre immédiatement l'assentiment du chef de l'opposition. Tout en disant que ma demande est juste, le chef de l'opposition prétend que nous avons été injustes hier soir à l'égard du député de Terrebonne quand nous lui avons demandé sur-le-champ de mettre ses accusations par écrit. Le chef de l'opposition nous reproche de prendre plus de temps à l'examen de l'accusation que nous étions disposés à en accorder au député de Terrebonne pour sa rédaction. Seulement, il a tort de prétendre que nous avons été injustes en exigeant une déclaration écrite du député de Terrebonne. Je dis immédiatement que la comparaison n'est pas juste et que les deux positions sont absolument différentes.

Il fait l'historique du débat qui, dit-il, a été finalement photographié par le motion du député d'Argenteuil (l'honorable M. Weir) après les orateurs, les députés de Laval (M. Lévesque) et de Compton (M. Giard). Ce matin, le député de Terrebonne accusait un de ses collègues. Cette accusation n'était pas portée à la légère, provoquée par la chaleur de la discussion. Deux fois le jour précédent le député de Terrebonne (M. Prévost) avait averti son collègue le député de Bonaventure (M. Kelly) qu'il porterait contre lui des accusations directes et précises.

Ce matin, le député de Terrebonne a accusé le député de Bonaventure, annonçant 24 heures à l'avance qu'il porterait des accusations contre ce dossier. Étant donné que le député de Bonaventure a déclaré que ces accusations étaient fausses, il n'était que juste que le député de Bonaventure lui demande de mettre ses accusations par écrit. Lorsque les accusations ont été pour la première fois portées devant cette Chambre, le député de Terrebonne a commencé par dire qu'il les mettrait par écrit après avoir terminé son discours. Le discours fini, nous avons demandé que les paroles fussent écrites et nous avons proposé de suspendre la séance pour permettre au député de Terrebonne de rédiger ses accusations. Il ne l'a pas fait. Il a toujours refusé. Il s'écoula trois heures de discussion et l'accusation n'était pas encore écrite.

Le député de Terrebonne annonçait depuis longtemps qu'il devait porter des accusations directes contre le député de Bonaventure. Il n'était pas pris par surprise quand nous lui demandions de formuler des accusations par écrit. Tandis que son papier est absolument nouveau pour nous. Le député de Terrebonne a refusé de produire immédiatement des accusations écrites. Il avait promis de déposer ses accusations ce matin afin que nous puissions en prendre connaissance avant de discuter car nous ne sachons pas que ce soient là les paroles d'hier soir et il ne l'a fait que ce soir. Il a eu tout le temps voulu. Quand on accuse un député, c'est trop grave pour remettre à plus tard la déposition. Cette motion, tout en comportant une accusation, est une motion comme une autre et non une question de privilège et doit être prise comme avis de motion.

Enfin, sans entrer dans le mérite de la motion, y trouvons-nous bien les accusations portées hier? Quand je fais cette question, ce n'est pas, entendez bien, que je veuille empêcher l'accusation d'être portée devant le comité permanent des privilèges et élections. Ce n'est pas pour empêcher la lumière de se faire; c'est par respect pour les règles parlementaires et la procédure.

Il propose le renvoi afin que l'on agisse prudemment et sagement. C'est l'honneur de la Chambre qui est en jeu. Le député de Bonaventure est le premier intéressé à ce que la lumière se fasse; personne ne désire étouffer l'accusation. Quant aux accusations portées contre le député de Bonaventure, si elles justifient une enquête, elle aura lieu sans retard. Si une accusation est portée et si cette accusation doit être portée devant le comité permanent des privilèges et élections, elle le sera.

La demande que je fais est très ordinaire et ne mérite pas les reproches du chef de l'opposition. Il est de principe élémentaire que celui qui attaque doit être prêt à soutenir son attaque, à donner une forme à ses accusations. Je ne veux pas revenir maintenant sur le débat de ce matin et les insinuations nombreuses que le député de Terrebonne a glissées contre moi au cours de ses remarques. Chaque chose en son temps. Je n'ai peur ni des insinuations ni des accusations directes. Je suis toujours prêt à regarder cette Chambre à visage découvert. Je répondrai en temps à ces accusations, et à sa satisfaction. Je promets au député de Terrebonne de lui répondre sur tous les points soulevés par lui dans ses discours sur la colonisation. La bonne réputation de cette Chambre requiert que nous n'éternisions pas ce débat.

Il ne veut pas que, dans notre province tout comme dans les autres provinces, on ait l'impression que les députés se disputent dans cette Assemblée. Si la motion doit aller devant le comité, il n'y aura rien pour empêcher cela. Et, lorsqu'il a demandé un délai aujourd'hui, ce n'était que par justice envers les députés de cette Chambre et par respect des règles de la Chambre.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Il est évident que l'honorable premier ministre croyait rencontrer du côté de l'opposition le même esprit que du côté ministériel et, pour demander une chose juste en elle-même, il a cru bon de prononcer un long discours et de faire un résumé de tout ce qui s'était passé durant la nuit dernière. Mais il aurait dû se contenter de lire le procès-verbal et les choses auraient été mises au point avec plus d'exactitude.

L'opposition n'est pas animée de l'esprit qui domine chez les amis du ministère. Il rappelle que le député de Bonaventure (M. Kelly) a dit: Si le député de Terrebonne refuse de retirer son accusation ou de la mettre par écrit, c'est un lâche et un infâme menteur. L'histoire du débat est contenue dans les procès-verbaux où il fallait aller la chercher. On y aurait constaté que le gouvernement faisait proposer la motion du député de Laval (M. Lévesque) une demi-heure après la demande du député de Terrebonne.

Il proteste vigoureusement contre la procédure suivie durant la dernière séance et il déclare que la Chambre a siégé illégalement durant plus de deux heures. Les motions adoptées hier dans la nuit étaient hors d'ordre. La majorité, dit-il, a été injuste à l'égard du député de Terrebonne. Il reproche au gouvernement d'avoir foulé aux pieds pendant trois heures, hier, toutes les règles de la justice et de la liberté. Pendant cette nuit désormais mémorable, on a attenté, en demandant au député de Terrebonne d'écrire son accusation sur-le-champ, à la liberté d'un député, conséquemment de la Chambre. Le gouvernement a deux poids deux mesures pour le même principe. Contrairement au gouvernement, l'opposition ne se base pas sur le nombre de votes pour déterminer ce qui est juste. Mais ce que l'opposition veut, c'est la justice pour tout le monde et même pour ceux qui la refusent aux autres. Il est en faveur d'accorder ce que demande l'honorable premier ministre, car du côté de l'opposition on ne tue pas la justice à coups de vote, mais on la donne.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je félicite le député de Terrebonne; je le félicite, car il a remporté un très grand succès cette nuit. Celui qui, il y a quelques mois, apostrophait le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), lui décernant les qualifications de lâche et infâme menteur que le député de Bonaventure (M. Kelly) vient de décerner au député de Terrebonne, et analysait la campagne du député de Saint-Hyacinthe en comptant; premier, deuxième, troisième, septième mensonge, voit aujourd'hui ce même député de Saint-Hyacinthe se lever pour le défendre. C'est une grande victoire pour le député de Terrebonne. Il a amené le député de Saint-Hyacinthe à ses pieds et en a fait son esclave après les injures que tous deux se sont dites à l'assemblée de Saint-Jérôme. Je l'en félicite.

M. Prévost (Terrebonne) soulève un point d'ordre, alléguant que, le premier ministre ayant déclaré la déclaration un avis de motion, on n'a pas le droit de la discuter comme motion.

M. l'Orateur rejette ce point d'ordre. Le député de Montmorency a le droit de discuter le mérite de la déclaration.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'indignation simulée des orateurs de la gauche est on sait pourquoi. Nous avons vu le député de Terrebonne lancer des accusations infamantes contre le député de Bonaventure. Ces accusations étaient mûries et préméditées; c'est le député de Terrebonne lui-même qui nous en a informés à deux reprises. En demandant que les accusations soient mises par écrit, le député de Bonaventure n'a fait que demander son droit. Il avait droit, avant qu'elles fussent rendues publiques, de les faire nettement formuler. On ne doit pas tarder d'écrire une accusation qui est contre l'honneur d'un député. En demandant d'attendre à demain pour étudier cette motion nous ne demandons que notre droit. Le document remis ici ne semble pas contenir les accusations que nous avons entendues hier soir.

M. Lavergne (Montmagny) est surpris que la sollicitude des nationalistes pour le député de Terrebonne (M. Prévost) suscite des commentaires plutôt piquants chez les libéraux. Les nationalistes et le député de Terrebonne se sont combattus avec des armes loyales et sans cesser de s'estimer. L'assemblée de Saint-Jérôme ne s'est pas déroulée comme une certaine assemblée à Saint-Roch, à laquelle assistèrent et le député de Saint-Hyacinthe et le député de Terrebonne. Par exemple, on ne s'est pas lancé de pierres à Saint-Jérôme.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Étiez-vous à Saint-Jérôme?

M. Lavergne (Montmagny): Oui. J'y étais comme vous étiez à l'assemblée de Saint-Roch où vous avez refusé de parler.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'honorable député se souvient de l'assemblée de Saint-Roch?

M. Lavergne (Montmagny): Oui. J'ai encore dans mon tiroir deux pierres précieuses en souvenir, dont l'honorable ministre nous a fait cadeau.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ce n'est pas dans votre tiroir que vous gardez des pierres. Vous les avez où d'autres ont le coeur.

M. Lavergne (Montmagny): Mon Dieu, on a le coeur qu'on peut! L'honorable ministre n'en a pas du tout; ça ne le dérange pas. L'honorable ministre nous accuse de défendre le député de Terrebonne. C'est vrai que nous avons combattu l'un contre l'autre, mais loyalement, avec des épées et non à coups de couteau dans le dos.

Il fait un récit de la discussion de la veille. Il constate lui aussi que la Chambre a siégé illégalement durant trois heures la nuit dernière. Il veut rétablir les faits que le premier ministre a dénaturés. Il est surpris de voir le premier ministre s'étonner que les députés de Terrebonne et de Saint-Hyacinthe combattent ensemble; il devrait savoir que l'opposition se compose de gens libres et qu'ils lutteront toujours ensemble pour la justice. Il discute les règles de la Chambre sur la procédure à suivre. Il se déclare en tout cas pour la proposition du premier ministre comme mesure de justice.

M. Galipeault (Bellechasse) trouve que le député de Montmagny n'a pas jeté de lumière sur le sujet. Il rappelle les luttes que se sont faites les députés de Terrebonne (M. Prévost) et de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) et les met en contraste avec leur amitié actuelle.

Le député de Montmagny a parlé de l'assemblée de Saint-Jérôme et a dit qu'il respectait alors le député de Terrebonne. Qui s'en serait douté alors? Ceux qui ont assisté à cette assemblée ont plus que jamais une phrase à la mémoire: Vous n'êtes pas un vrai Prévost, disait le député de Saint-Hyacinthe. Même si le député de Terrebonne prétendait défendre le gouvernement à Saint-Jérôme, ce n'est que lui-même qu'il défendait.

M. Kelly (Bonaventure): Lorsque, il y a deux jours, je faisais certains reproches au député de Terrebonne, il a annoncé qu'il porterait contre moi une accusation directe et il a tenu promesse. Lorsque je lui ai demandé de mettre son accusation par écrit, il s'est réfugié en brave derrière les règles parlementaires; il a refusé hier de mettre par écrit les accusations qu'il nous avait lui-même annoncées à l'avance. Comme résultat, les journaux de ce matin et de cet après-midi ont rapporté ces accusations telles que portées verbalement.

Il félicite les journaux d'avoir rapporté les faits tels qu'ils se sont passés, surtout l'Événement et l'Action sociale qui ont rapporté presque textuellement les paroles du député de Terrebonne. Il soutient que la déclaration écrite n'est pas conforme à l'accusation verbale portée hier soir et lit d'abord le reportage de la déclaration verbale publié dans l'Action sociale. Quant à la Gazette, poursuit-il, elle a distribué dans d'autres parties de la province un reportage identique à celui de l'Action sociale.

Le député de Terrebonne l'a accusé d'avoir fait des spéculations dans un achat de moulin par le sénateur M. Edwards. Or, sans sollicitation aucune, à la lecture des journaux, le sénateur Edwards, dont la parole ne peut être mise en doute par personne, m'a adressé pendant que j'étais en Chambre cet après-midi la dépêche suivante, déclarant fausses les accusations du député de Terrebonne:

Ottawa, Ontario, 13 mai 1909

John Hall Kelly, M. P. P., Québec

Je vous autorise à déclarer au premier ministre et à la législature, si vous le désirez, que l'accusation portée contre vous hier par M. Prévost, et telle que rapportée dans la Gazette de Montréal ce matin, est absolument fausse et sans aucun fondement, en autant que j'en ai connaissance.

Wm. C. Edwards

M. Leblanc, l'autre personne intéressée, à qui j'ai envoyé moi-même une dépêche le priant de m'envoyer les documents se rapportant à la transaction en question, me télégraphie également.

Il lit le télégramme qu'il a envoyé à M. Leblanc:

Québec, 13 mai

R.-N. Leblanc, Bonaventure, Qué.

Envoyez-moi immédiatement par courrier recommandé la déclaration jointe à l'option que j'avais sur votre propriété et que je vous ai envoyée l'année dernière pour en faire écriture. Extrêmement important. Vous verrez dans les journaux d'aujourd'hui de graves accusations portées contre moi.

(Signé) John H. Kelly

Comme on le voit par la dépêche de M. Leblanc, il est sous l'impression que l'attaque est portée par des journaux et non par le député de Terrebonne. Il dit: J'envoie les documents tel que demandé. Si les rédacteurs n'ont rien à se reprocher de plus que vous dans cette affaire, ils peuvent dormir paisiblement. Défendez-vous et comptez-moi à votre disposition, vous êtes innocent et la vérité combattra pour vous10.

R.-N. Leblanc

Oh! le député de Saint-Hyacinthe ne devrait pas rire. S'il était à ma place ce soir, il ne rirait pas.

Il compare la déclaration étroite du député de Terrebonne avec sa déclaration verbale de mercredi soir rapportée par l'Action sociale et la Gazette qu'il dit avoir été sténographiée.

Après les accusations portées hier soir, j'avais raison d'attendre, dans le cours de la journée, une accusation disant que j'étais intéressé avec Leblanc dans son moulin; disant que j'avais fait prendre 57 lots frauduleusement pendant la nuit; disant que j'avais acheté le barachois; disant que j'avais aidé Leblanc afin de partager avec lui les profits réalisés; disant que j'avais retiré de ce chef $15 000. C'est ce que j'attendais; c'est ce que cette Chambre attendait.

Il compare ensuite la déclaration verbale à la déclaration écrite et prétend qu'elles diffèrent sur les points suivants: le document débute par "Je suis croyablement informé", qui est une expression beaucoup plus faible que sa déclaration verbale directe. Mais encore, le député de Terrebonne ne mentionne pas, comme il l'avait d'abord fait, le montant fixe de $15 000 qu'il (M. Kelly) aurait reçu, ni le nom de Robitaille ou celui de la W. C. Edwards Company. De la façon que cette déclaration est écrite, il n'y a rien qui engage le député de Terrebonne.

Voyez l'accusation reçue: le document, au lieu de nous être donné ce matin, vient d'être déposé sur la table, et ce document se borne à l'avis de motion que vous venez de lire. Or, ce soir, le député de Terrebonne dit simplement "qu'il est croyablement informé" et il ne spécifie rien. Ce n'est plus la même chose.

Devant la province, je déclare sur mon honneur que les déclarations verbales d'hier soir et les déclarations déguisées de ce soir sont fausses. Hier soir, le député de Terrebonne nous promettait une montagne: il nous sert une souris. Et voici ce que je demande, conclut-il. Je demande justice à mes collègues dans cette Chambre, adversaires et amis. Je mets entre leurs mains ma cause, mon honneur, mon avenir, celui de ma famille, de tout ce qui m'est cher.

Il proteste une fois de plus contre l'accusation portée contre lui et il proclame solennellement qu'il est innocent de toute spéculation. Tout ce que je demande, M. le Président, et j'ai raison de l'attendre, c'est de voir que la procédure parlementaire soit suivie à la lettre et que toute la lumière possible sur cette affaire se fasse sans équivoque. Tout ce que je demande, c'est que ce document soit révisé de façon à ce que, si les accusations qu'il contient sont fausses, mon accusateur soit expulsé avec disgrâce et déshonneur comme il le mérite.

Après l'enquête, si je suis trouvé coupable par le comité permanent des privilèges et élections, je m'en irai chez moi. Je disparaîtrai pour toujours de cette honorable enceinte; et, si je ne suis pas coupable, je demande que mon accusateur soit expulsé de cette Chambre.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que la déclaration du député de Terrebonne (M. Prévost) soit reçue comme un avis de motion et considérée à la prochaine séance comme premier ordre du jour.

Adopté.

L'honorable M. Caron (L'Islet) propose, appuyé par le représentant de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), que le débat soit ajourné sur son droit de réplique.

La séance est levée à 1 heure du matin.

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NOTES

 

1. Cette phrase apparaît à deux endroits dans le discours de M. Francoeur rapporté dans le Soleil du 22 mai, aux pages 13 et 14.

2. M. Francoeur cite le même document que M. Sauvé (p. 201).

3. Cet article décrète que, dans les municipalités où il existe des arrondissements de votation, la requête et la contre-requête de licences devront se faire dans les limites de l'arrondissement.

4. Selon le rapport du comité général, cet article et les articles subséquents auraient été adoptés à la séance du 14 mai; mais, selon les journaux, ils ont été adoptés le 13 mai.

5. Allusion à l'invincible épée de Roland qui à Roncevaux fendit un rocher, selon la légende.

6. Ces paroles provoquent un brouhaha indescriptible dans la Chambre.

7. M. Prévost jette alors une allusion à M. Weir où il est question de ciment et de rue.

8. Le Montreal Daily Herald fait sûrement erreur puisque M. Dechêne n'a jamais été ministre dans le cabinet Mercier. Par contre, il fut commissaire de l'Agriculture dans les cabinets Marchand et Parent du 26 mai 1897 au 2 juillet 1901 et ministre de l'Agriculture dans le cabinet Parent du 2 juillet 1901 au 10 mai 1902.

9. L'Événement parle de la Compagnie de la baie d'Hudson.

10. Des applaudissements du côté ministériel accueillent cette déclaration et M. Bourassa rit.