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Version finale

12e législature, 1re session
(2 mars 1909 au 29 mai 1909)

Le samedi 22 mai 1909

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 11 h 15.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté les messages suivants:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 10 amendant la loi des assurances de Québec;

- bill 30 amendant la loi d'hygiène publique de Québec, 1901;

- bill 86 autorisant les héritiers d'Alexandre Fraser à aliéner des terrains situés dans certaines seigneuries;

- bill 130 amendant la loi 38 Victoria, chapitre 94, concernant la succession de feu Stanley C. Bagg;

- bill 185 annexant au comté de Nicolet une certaine partie de la municipalité de Saint-Louis de Blandford, pour toutes les fins.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 88 constituant en corporation Les Prévoyants du Canada.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 39 amendant le code civil relativement aux privilèges sur les biens meubles;

- bill 142 constituant en corporation La Provinciale, compagnie d'assurance sur la vie;

- bill 171 amendant la loi des cités et villes, 1903;

- bill 182 amendant les statuts refondus concernant les "homesteads";

- bill 184 amendant la loi concernant les appels des décisions des recorders et des cours de recorder en matière de taxes;

- bill 186 amendant l'article 716 du code municipal relativement à la confection du rôle d'évaluation;

- bill 196 amendant la loi concernant la protection des intérêts publics dans les rivières, lacs, étangs, criques et cours d'eau;

- bill 202 autorisant l'organisation de la Commission des chemins à barrières et des ponts de péage;

- bill 206 autorisant la garantie d'un certain emprunt pour venir en aide aux victimes de la conflagration du 22 juin 1908 dans la cité des Trois-Rivières;

- bill 210 amendant le code municipal concernant les sessions des conseils municipaux;

- bill 218 concernant l'Hôpital protestant des aliénés;

- bill 229 pour garantir à certains habitants du district de Gaspé la possession et la jouissance paisible de leurs terres.

Les Prévoyants du Canada

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 88 constituant en corporation Les Prévoyants du Canada.

Les amendements sont lus une première fois.

Loi des assurances de Québec

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 10 amendant la loi des assurances de Québec.

Les amendements sont lus deux fois.

Loi d'hygiène publique

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 30 amendant la loi d'hygiène publique de Québec, 1901.

Les amendements sont lus deux fois.

Succession A. Fraser

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 86 autorisant les héritiers d'Alexandre Fraser à aliéner des terrains situés dans certaines seigneuries.

Les amendements sont lus deux fois.

Succession S. C. Bagg

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 130 amendant la loi 38 Victoria, chapitre 94, concernant la succession de feu Stanley C. Bagg.

Les amendements sont lus deux fois.

Saint-Louis de Blandford

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 185 annexant au comté de Nicolet une certaine partie de la municipalité de Saint-Louis de Blandford, pour toutes les fins.

Les amendements sont lus deux fois.

 

Rapports de comités:

Code municipal

M. Cardin (Richelieu): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le septième rapport du comité spécial sur le code municipal. Voici le rapport:

Votre comité a examiné le bill suivant et l'a adopté sans amendement:

- bill 231 amendant le code municipal concernant la décence et les bonnes moeurs.

Création d'une commission scolaire catholique à Montréal

L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande la permission de présenter le bill 233 autorisant l'organisation d'une commission chargée de voir à la possibilité de créer une commission scolaire catholique pour la cité de Montréal et sa banlieue.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Notre-Dame de Blandford

M. Francoeur (Lotbinière) demande la permission de présenter le bill 230 annexant au comté d'Arthabaska, pour toutes les fins, certaines parties des paroisses de Sainte-Marie de Blandford, de Saint-Sylvère, de Saint-Louis de Blandford, dans le comté de Nicolet, et érigeant la municipalité de Notre-Dame de Blandford.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Indemnité législative

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour considérer certaines résolutions concernant l'indemnité législative, le traitement des Orateurs, de l'Orateur suppléant et des membres du Conseil exécutif. Il donnera les détails de la mesure en comité général à une prochaine séance.

J'ai mis ce bill à mon nom parce que je désire en porter toute la responsabilité aux yeux de ma province. Avec la nouvelle loi, l'indemnité des conseillers législatifs et des députés sera portée de $800 à $1500. Le traitement du président du Conseil et du président de la Chambre montera à $4000. L'Orateur suppléant recevra $2000. Les ministres, qui jusqu'ici ne recevaient que $4000, toucheront à l'avenir $6000 et le premier ministre, $7000 au lieu de $5000.

La proposition est adoptée.

Création d'une commission scolaire catholique à Montréal

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour étudier certaines résolutions concernant l'organisation d'une commission chargée de voir à la possibilité de créer une commission scolaire catholique pour la cité de Montréal et sa banlieue.

Adopté.

Commission des services d'utilité publique de Québec

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), que le bill 46 établissant la Commission des services d'utilité publique de Québec soit maintenant lu une troisième fois.

M. Tellier (Joliette) propose en amendement, appuyé par le représentant de Shefford (M. Bernard), que ce bill ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau renvoyé au comité général de cette Chambre, avec instruction d'y retrancher toutes les dispositions qui autorisent la commission à permettre à une utilité publique de se servir des chemins, rues et places publiques pour l'installation de ses rails, poteaux, fils, tuyaux, conduits ou autres appareils, sans le consentement de la municipalité.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lafontaine (Maskinongé), Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sylvestre, Tellier, 10.

Contre: MM. Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), D'Anjou, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Finnie, Francoeur, Gendron, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kelly, Lemieux, Létourneau, Lévesque, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Petit, Pilon, Reed, Robert, Roy, Séguin, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, Weir, 40.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale est alors mise aux voix et résolue dans l'affirmative.

Le bill est en conséquence lu une troisième fois.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Subsides

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat ajourné vendredi, le 21 mai dernier, sur l'amendement à la motion à l'effet que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se constitue en comité des subsides, lequel amendement se lisait comme suit:

"Que tous les mots après "que", dans la motion principale, soient retranchés et remplacés par les suivants:

"Cette Chambre est prête à voter les subsides à Sa Majesté, mais déclare que:

"Vu les pièces et les témoignages consignés au dossier de l'Abitibi (no 29, session 1908) et transmis à cette Chambre par les commissaires nommés par décret du 23 octobre 1907 pour faire enquête sur une partie de cette affaire;

"Vu la déclaration des commissaires, en date du 4 novembre 1907, et consignée en ces termes au procès-verbal de leurs procédures;

"Le rôle de la commission se bornera à recevoir les dépositions et à diriger l'enquête pour ensuite soumettre toute la preuve et tous les documents s'y rapportant devant la législature, laquelle dans l'opinion des commissaires est le seul et véritable juge de ce débat.

"Cette Chambre censure le gouvernement d'avoir, sans le consentement et hors la connaissance de la législature, poursuivi des négociations avec un syndicat belge représenté par le baron de l'Épine, en vue d'une concession de 500 000 acres du domaine public pour des fins d'exploitation agricole, minière et forestière.

"De plus, cette enquête tendant à confirmer fortement les présomptions de tentative de péculat qui ont résulté de la preuve recueillie dans la poursuite du roi vs Asselin, cette Chambre regrette que le gouvernement n'ait pas cherché à jeter plus de lumière sur la question; et particulièrement que le procureur général n'ait pas fait les démarches nécessaires, par voie légale ou diplomatique, pour obtenir l'émission d'une commission rogatoire pour l'examen de personnes à l'étranger."

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Il était écrit qu'au cours de cette session je devais être exécuté et que l'exécution devait se faire hier. La chose avait été décidée depuis une semaine et pendant les premiers discours sur l'affaire de l'Abitibi nous voyions celui qui avait été chargé de cette exécution quitter son siège pour aller en arrière de la Chambre se consulter avec son nouveau chef et prendre les ordres de celui qui avait déjà employé ses plus grandes énergies à le vilipender et qui réclamait la déchéance du député de Terrebonne comme le plus belle des cocardes dont il aime à se parer, mais hésiter tant que le soleil fut haut et que la lumière du jour ne fut pas disparue.

Hier matin, le débat sur l'Abitibi s'est continué et j'ai terminé mon discours à la lumière du soleil, alors que la plupart des députés étaient à leur poste, sans me préoccuper s'il y avait beaucoup de monde dans la galerie. Mais l'heure n'était pas venue. Le soleil a disparu à l'horizon sans que l'exécuteur se soit présenté. La nuit allait se passer que je ne le voyais pas encore venir. Enfin, hier soir, le débat s'est continué et sur le coup de 2 heures, à l'heure des apaches, malgré l'hésitation qu'il mettait à parler, une hésitation dont il nous a fait part lui-même, le député a entrepris ce qu'il pensait être l'exécution finale du premier ministre. L'exécution lui coûtait. Mais elle était entre ses mains et il fallait qu'elle se fît aux petites heures, à l'heure où travaillent les apaches, où ils travaillent avec amour. Il espérait arriver à son but en employant contre moi des flèches longuement aiguisées et trempées dans un poison amoureusement distillé, qu'il croyait sûr. Il espérait qu'au soleil levant il en serait fait du premier ministre. Il n'a pas complètement réussi.

J'avoue que quelques-unes de ses flèches m'ont brisé le coeur; heureusement que les plus vilaines m'ont passé par-dessus ou par-dessous la tête, sans atteindre le but visé. Sa main mal assurée en a fait perdre la plupart loin de moi. L'exécuteur n'a pas tenu sa promesse. Il a mal fait sa besogne.

Et sans attendre que les tribunes se remplissent je réponds immédiatement au réquisitoire du député de Terrebonne et en quelques mots seulement. Il a dû constater son succès à la façon dont son discours a été accueilli par l'opposition. Il nous a dit qu'il dort bien. Ce ne sont certainement pas les applaudissements de ses amis de la gauche qui l'ont empêché de dormir. Il n'a vu aucun député, ni de la gauche ni de la droite, l'applaudir. Ses amis ne sont pas satisfaits, du moins quelques-uns, de la façon dont il a procédé, car, s'il a attaqué le premier ministre, il a eu des paroles élogieuses à l'adresse de l'honorable M. Turgeon qui a, autant que lui, eu à souffrir des insultes et des calomnies des nouveaux alliés du député de Terrebonne et qui a autant que moi l'horreur de ses nouveaux amis. Il leur a fait payer de paroles élogieuses envers M. Turgeon les traits qu'il m'a lancés. C'est aussi que, sur les banquettes de la gauche, il y a des députés qui ont le coeur trop bien placé pour applaudir à une démarche telle que celle dont la Chambre a été témoin hier soir.

Il est déjà arrivé dans l'histoire que des collègues ont dû se séparer, que des ministres ont dû quitter des cabinets. On n'a vu nulle part, ici ou ailleurs, un ancien ministre traiter ses anciens amis comme le député de Terrebonne l'a fait ce soir à mon égard. Le député de Terrebonne a quitté le cabinet depuis maintenant deux sessions. L'an dernier, lors des explications ministérielles, il a expliqué ses vues, il a formulé contre moi certaines plaintes qui étaient totalement injustes à mon égard, mais il l'a fait en termes convenables. Il a critiqué maintes fois l'administration de la colonisation. Pour ma part, en lui répondant, j'ai usé tellement de modération qu'on me l'a reproché. J'ai été tellement modéré que j'avais droit de m'attendre à plus de modération de sa part. À la dernière session, à la dernière heure, le député de Terrebonne a fait cette sortie violente dont tous ceux qui étaient présents se rappellent, sortie que ne justifiait aucune provocation de ma part. Je n'ai pas même répondu.

Vinrent les élections. Il ne m'a pas reconnu comme chef, c'est son affaire. Aux élections générales, il a été élu comme libéral dans Terrebonne et, après être certain de son mandat, il s'est mis à parcourir son comté pour remercier ses électeurs et répéter partout que je l'avais trahi durant son élection en favorisant son adversaire, M. Nantel, et en promettant qu'il saurait bien me détruire avant six mois et qu'il allait me faire disparaître de l'arène politique. J'ai encore gardé le silence. La session tire à sa fin et je suis encore debout.

Cette session a commencé et le député de Terrebonne a débuté en soulevant une question de privilège pour le plaisir de m'attaquer, se plaignant d'être placé du côté de l'opposition. Je lui ai répondu que le siège qui lui avait été assigné lui permettrait de m'attaquer bien en face. Depuis le commencement de cette session, vous l'avez entendu tous les jours, faisant mine d'attaquer le gouvernement pour m'attaquer personnellement. Par un sentiment que j'appelle sentiment de dignité, je ne voulais pas répondre à ses attaques injustifiables. Lorsqu'il se faisait applaudir par ces amis nouveaux, les conservateurs et les nationalistes qui l'avaient couvert d'injures qui ne sont pas encore rétractées, je me demandais comment ils pouvaient s'applaudir après s'être entredéchirés avec autant d'acharnement. Quel motif peut expliquer cette conduite? C'est celui-ci: il a été entendu que le député de Terrebonne détruirait le premier ministre et que d'autre part les membres de la gauche n'attaqueraient pas le député de Terrebonne personnellement. C'est que tous ensemble ils ont consenti à oublier ces vieilles injures pour s'attaquer au premier ministre. Et les journaux annonçaient l'éreintement du premier ministre avant la fin de la session. Les journaux conservateurs ont fréquemment annoncé que le député de Terrebonne avait attaqué le premier ministre.

Mon discours ne sera pas long. Je n'ai pas pris de notes, hier soir, au cours des remarques du député de Terrebonne: aussi me bornerai-je de répondre aux seuls reproches spécifiques qu'il m'a adressés. Quel ne fut pas mon étonnement en entendant le premier reproche qu'il m'adressa! Le député de Terrebonne a dit qu'il avait bien souffert pendant qu'il était ministre et que jamais il ne me pardonnerait de n'avoir pas assisté au congrès de colonisation tenu à Saint-Jérôme. Il lui a pris trois ans et demi pour me faire ce reproche-là. Qu'il me suffise de dire que j'avais une bonne raison pour ne pas assister à ce congrès de Saint-Jérôme, c'est que je n'avais pas été invité. Et c'est là-dessus qu'il bâtit l'échafaudage de ses haines, de ses colères.

En 1905, j'avais à inviter un nouveau député à faire partie du cabinet. Je connaissais le député de Terrebonne. Il était jeune, enthousiaste. Je savais qu'il avait du talent et je me disais qu'il pourrait être utile à sa province. Il y avait des gens qui me reprochaient une telle audace; cependant, j'ai demandé au député de Terrebonne d'entrer dans le cabinet. Je lui ai confié un portefeuille important et lui ai donné toute ma confiance, malgré les représentations des neuf dixièmes de la députation libérale. Je ne dirai pas ce qui s'est passé entre lui et moi pendant qu'il était ministre. Ajouterait-il à ses injures d'hier soir que je ne dévoilerais ce que je considère comme un secret d'honneur. Je ne descendrais jamais jusqu'à révéler les relations de collègue à collègue dans le cabinet.

Le député de Terrebonne me reproche d'être égoïste et de ne pas défendre mes collègues, et particulièrement de ne pas l'avoir défendu. C'est là une grave erreur. Quelle que soit l'impression du député de Terrebonne, je réaffirme qu'il est bien vrai, comme je l'ai dit, que chaque jour et nuit j'ai pensé à défendre mon collègue de Terrebonne comme mes autres collègues du cabinet et, même si le député de Terrebonne avait eu des reproches à me faire, il aurait pu choisir d'autres termes, formuler ses reproches au lieu d'insinuer. Je ne sais pas si j'ai bien compris et je ne sais pas si le député de Terrebonne a eu l'intention de faire une allusion; j'ai compris qu'il avait dit: Je ne sais où le premier ministre passe ses jours et ses nuits. Y a-t-il de la malice dans ces paroles?

M. Prévost (Terrebonne): En prononçant ces mots, je n'ai voulu faire aucune insinuation sur la vie privée du premier ministre. Ce n'est pas mon habitude. Le premier ministre avait dit qu'il avait passé ses jours et ses nuits à défendre ses collègues et j'ai dit: Je ne sais pas où il passe ses jours et ses nuits, voulant simplement dire que les jours et les nuits du premier ministre n'avaient pas été employés à me défendre et que ses collègues étaient fort mal défendus. Il n'y a pas plus de malice que ça dans ces paroles.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Ainsi, il n'y a pas de malice dans ces paroles.

M. Prévost (Terrebonne): Il n'y a pas eu de malice.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je suis bien aise de voir que le député de Terrebonne ne veut pas faire d'incursion dans le domaine privé. Dans tous les cas, je puis lui répondre ceci: tous mes jours, je les passe dans les bureaux du gouvernement, ici ou à Montréal. Quant à mes nuits, je les passe paisiblement chez moi. Je ne demanderais jamais au député de Terrebonne comment il passe ses nuits. Je laisse cela à sa propre conscience.

Le député de Terrebonne nous a donné sa version de l'affaire de l'Abitibi et nous a dit qu'à sa connaissance M. Turgeon était resté honnête homme. Je crois réellement que la Chambre n'avait pas besoin de ce témoignage pour croire à l'honnêteté de l'ancien ministre des Terres (M. Turgeon); même si le député de Terrebonne eût choisi de suivre le petit sentier battu par le député de Saint-Hyacinthe, cela ne changerait rien. Le député de Terrebonne a prétendu que l'affaire de l'Abitibi l'avait forcé à sortir du cabinet. C'est une erreur. Il a prétendu aussi que le premier ministre avait forcé M. Turgeon à sortir du cabinet pour la même raison. C'est une autre erreur, et il le sait aussi bien que moi. C'est uniquement pour cause de santé qu'il a dû se retirer et cela s'est fait malgré les protestations de ses collègues. C'est une erreur que M. Turgeon lui-même viendra démentir et il saura déclarer publiquement à la prochaine occasion que les reproches faits au premier ministre par le député de Terrebonne à ce sujet sont absolument immérités. Je ne lui en ai pas parlé et je ne lui en parlerai pas non plus.

Ce qui a été la cause de tous les ennuis du gouvernement, c'est le baron de l'Épine qui, au retour d'un voyage d'Europe, a commencé à vouloir faire chanter le député de Terrebonne en le menaçant de révélations compromettantes s'il ne lui donnait pas une situation, puis ensuite a voulu se venger de lui et de l'ancien ministre des Terres. La presse conservatrice et surtout nationaliste, soudoyée par le baron, publia tous les jours des attaques plus violentes les unes que les autres contre le député de Terrebonne et le gouvernement. Cette presse alors demandait si on le garderait plus longtemps dans le cabinet et affirmait que l'on ne l'y gardait que parce qu'il inspirait de la peur au premier ministre. Je ne sais si le député de Terrebonne se le rappelle, mais parmi ceux qui défendirent le député de Terrebonne se trouvait le premier ministre d'alors et d'aujourd'hui. Qui donc comparaissait dans le temps devant le comité spécial pour le défendre, pour faire régler les attaques du baron? Encore le premier ministre d'alors et d'aujourd'hui. C'est lui qui établit la valeur testimoniale du baron de l'Épine et montra le dédain que méritaient ses accusations. C'est le premier ministre qui défendit le député de Terrebonne contre tous ses assaillants, même contre les membres de cette Chambre.

Comme preuve à l'appui de cet avancé, il cite un passage de l'Événement, l'organe conservateur de Québec, du 30 mars 1907, où le premier ministre était accusé de protéger le député de Terrebonne envers et contre tous, accusant même le premier ministre de n'être que l'instrument du député de Terrebonne et de compromettre ainsi sa politique.

C'est encore l'honorable Thomas Chapais qui, dans un discours prononcé la même année à Saint-Jérôme, déclare que le premier ministre n'a pas le courage de faire sortir son collègue du cabinet qui s'est rendu intolérable et accuse le premier ministre d'être l'esclave du député de Terrebonne. Il lit un extrait du discours: Je me faisais abîmer d'injures malicieuses par toute la presse conservatrice parce que je le gardais à mes côtés; on disait que je n'avais pas le courage de me séparer du député de Terrebonne et que j'avais peur de lui et que pendant tout ce temps-là j'arrachais à cette Chambre, à la députation libérale, des votes en faveur du député de Terrebonne.

Un homme qui a enduré tout ce que j'ai enduré pour défendre le député de Terrebonne a le droit de demander, s'il doit être exécuté un matin, aux petites heures, ce ne devrait pas être par ce même député de Terrebonne. Le député de Terrebonne a prétendu plusieurs fois que j'étais un homme sans courage; si je n'avais pas eu du courage, je n'aurais pas fait entrer le député de Terrebonne dans le cabinet, de préférence à beaucoup d'autres députés. Il ne sait donc pas qu'il n'y avait pas un autre homme que moi assez hardi pour le faire entrer dans son cabinet. En agissant ainsi, le député de Terrebonne s'est mis dans une telle position que jamais un premier ministre ne voudra le prendre dans son cabinet.

Je l'ai défendu contre les neuf dixièmes des députés de son propre parti qui avaient à se plaindre de lui et qui me reprochaient de le garder dans mon cabinet; je l'ai défendu contre des amis; je l'ai défendu contre la Chambre et ce n'est pas parce qu'il avait laissé le cabinet qu'il pouvait parler de moi comme il l'a fait hier soir, ou plutôt ce matin. J'ai défendu le député de Terrebonne autant que je pouvais le faire.

Il se plaint que j'ai défendu M. Turgeon et n'ai rien dit de lui dans les assemblées que j'ai tenues en 1907. À Châteauguay, j'ai parlé seulement de la politique générale du gouvernement sans mentionner l'affaire de l'Abitibi. Quant à l'assemblée de Longueuil, j'ai parlé de M. Turgeon qu'en autant qu'il avait été attaqué là même. Je n'avais pas à parler du député de Terrebonne parce qu'il n'était pas question de lui. À Saint-Eustache, j'ai parlé de l'Abitibi, parlant de ceux qui y étaient concernés. Je ne pouvais défendre le député de Terrebonne sur la question de l'Abitibi puisqu'il ne fut pas mêlé à cette affaire. Il prétend que j'aurais dû faire autre chose pendant cette campagne et que j'ai manqué de courage et de loyauté pour le faire. Et c'est après ça qu'il a prétendu qu'il a quitté le cabinet par suite de mon manque de courage. Il a prétendu que j'ai été égoïste vis-à-vis de M. Turgeon en demandant à M. De Jardin des déclarations sur l'affaire de l'Abitibi par télégramme, après un discours où pour la première fois mon nom fut mêlé à cette affaire. J'ai défendu ceux qui étaient attaqués et, la première fois qu'on a voulu attacher mon nom à cette affaire, j'ai écrit immédiatement à M. De Jardin.

Le député de Terrebonne brandissant cette lettre crie à l'égoïsme, disant que j'aurais dû au moins y mentionner le nom de M. Turgeon. Ce reproche aurait pu avoir quelque valeur s'il était dans la bouche de M. Turgeon, mais la lettre où je demandais à M. De Jardin de dire franchement si j'étais de quelque façon impliqué dans l'affaire de pot-de-vin que l'on collait à l'affaire de l'Abitibi ne fut envoyée qu'après avoir été soumise au ministre des Terres d'alors, qui l'approuva. Je soumets que je n'avais pas le droit de mettre le nom de mon collègue qui était déjà violemment attaqué quand j'étais seul personnellement concerné. Mais je savais bien que M. De Jardin, en honnête homme, avec sa connaissance des choses, mentionnerait en me répondant, comme il l'a fait, M. Turgeon aussi bien que moi-même.

Le député de Terrebonne dit que j'ai reçu des visites de M. Lemont. Je reçois tous ceux qui viennent à mon bureau, quels qu'ils soient. M. Lemont s'est mal conduit envers le député de Terrebonne et envers moi: cela ne justifie pas le député de lancer des accusations comme les siennes contre son ancien collègue.

Le député de Terrebonne pouvait depuis longtemps couver contre moi une haine bien profonde, mais je n'aurais jamais cru que, pour l'assouvir, il aurait pu invoquer d'autres motifs qu'hier soir et se servir des moyens autres que ceux dont il s'est servi. Je n'aurais jamais cru que le député de Terrebonne s'abaisserait à des moyens aussi vils en donnant libre cours à sa haine, comme il l'a fait sur le parquet de cette Chambre ce matin.

Je n'en dirai pas davantage. Il pourra maintenant retourner dans son comté et dire à ses électeurs de Sainte-Adèle qu'il a tenu sa promesse et a dit bien des choses désagréables du premier ministre sur le parquet de la Chambre, mais il ne pourra pas leur dire qu'il a réussi à prouver que je l'ai trahi et que j'ai travaillé en faveur de son adversaire, M. Nantel. Il pourra aussi leur dire que j'ai plus de courage qu'il ne pense et que je n'ai jamais eu peur de personne: pas plus du député de Terrebonne que d'aucun autre; et que je ne sais pas ce qu'est la peur; que je puis recevoir ses reproches face à face et que je n'ai pas voulu, alors que je l'aurais peut-être pu, user de représailles et lui décrocher quelques traits qui ne manqueraient pas leur but, comme ceux qu'il m'a décrochés ce matin.

Que diriez-vous, Monsieur l'Orateur, d'un premier ministre qui aurait souffert d'attaques violentes de la part d'un député lui ayant tout récemment adressé une lettre conçue en ces termes - je vous en lis l'essentiel, mais je ne mentionnerai aucun nom:

Monsieur le Premier Ministre,

Si vous consentiez à nommer monsieur Untel au Conseil législatif, je m'engage à appuyer votre politique et à ne pas vous attaquer, ni personnellement ni politiquement, ni directement ni indirectement.

(Signé)
X

- et qui refuserait de faire cette nomination? Je l'ai reçue, cette lettre, je l'ai mise dans ma poche et je n'ai pas pris la peine d'y répondre. Si les membres de cette Chambre ne comprennent pas ce que je veux dire, le député de Terrebonne, lui, comprend facilement. Que diriez-vous du premier ministre qui, après de nombreuses attaques de ce député, aurait encore cette lettre dans sa poche? Car je l'ai encore. Je l'ai encore dans ma poche, cette lettre, parce que j'ai voulu faire face à la musique petite et grosse et que, comme vous le constatez, j'y fais face encore à ce moment.

Le député de Terrebonne m'a comparé à Louis XI servi par Olivier le Daim en disant que comme lui j'enfermais mes ministres dans les caves de ma maison. Qu'on veuille bien prendre ceci en note: chez moi il n'y a ni oubliettes ni Olivier le Daim. Dans ma maison de Candiac, il n'y a que deux garçons, mes propres bons chers fils qu'un père essaie d'instruire de son mieux et à qui leur père veut léguer les plus saines notions d'honneur, de devoir et d'honnêteté. Il n'y a pas seulement ces deux fils à ma maison, il y a plus, il y a aussi des ombres dont la présence nous est aussi chère que les rayons les plus purs; il y a de chères ombres. Il y a aussi des anges dans la maison du député de Terrebonne, qui communiquent encore avec les chères ombres de chez moi et, alors qu'on me traitait de lâche, ces ombres chéries ont dû se voiler la face. Si j'ai souvent gardé le silence devant les attaques imméritées du député de Terrebonne, c'est que ces ombres parlaient. Et si j'ai enduré que l'on me traitât de lâche alors que je défendais le député de Terrebonne, c'est que les ombres parlaient encore. Si j'ai fait monter le député de Terrebonne au poste qu'il a occupé, c'est dû à cette communication des chères ombres de Candiac avec les anges qu'il y a chez le député de Terrebonne. C'est à ces souvenirs que revient la raison de son succès comme au souvenir des anges qui l'aiment. Et si ce matin, malgré les injures imméritées du député de Terrebonne, je ne veux pas en dire plus long et si j'ai été patient et tolérant envers lui aujourd'hui, c'est encore à ces ombres et à ces anges que le député de Terrebonne devra en être reconnaissant.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Il est évident que les luttes politiques conduisent parfois à d'étranges spectacles et portent quelquefois les combattants à recourir à des tactiques plus étranges encore. Question de mentalité, dira-t-on, mais dans tous les cas question de procédés que l'on peut apprécier de diverses façons selon la disposition que l'on a à se servir d'une arme plutôt que d'une autre. Le premier ministre me permettra bien de ne pas lui faire de compliments sur ce dont il vient de se servir. Les coups que l'on se porte en champ clos peuvent infliger des blessures profondes, mais ils ne font toujours que des blessures honorables pourvu que ce soient des coups droits. Les vicissitudes de la vie politique sont nombreuses et les coups que l'on se porte sont souvent rudes et répétés. Dans une carrière politique j'ai connu des luttes terribles, j'ai rencontré des adversaires de toutes sortes. J'ai été mêlé à plusieurs combats violents au cours de cette session. J'ai porté parfois de rudes coups et j'en ai reçu de même, mais Dieu merci, j'en suis encore à aller dans les tombes et dans l'intimité des foyers me chercher des armes contre mes adversaires, j'en suis encore à traîner sur le parquet des chambres parlementaires des noms et des mémoires qui doivent rester sacrés pour m'en faire des arguments de défense.

La presse ministérielle et beaucoup de ceux qui la lisent ou s'en servent ont entretenu sur le compte des nationalistes des propos que je ne veux pas qualifier, mais qui ont tenu à créer cette légende que nous dépassions toutes les bornes et que nous avions introduit dans cette Chambre une violence de langage inconnue jusqu'ici. Pourtant, en lisant les procès-verbaux on se convaincra vite que moins que d'autres nous avons mérité un rappel à l'ordre de la part du président. Pour ma part, j'ai pu avoir des mots très durs, violents même. Jamais je n'aurais voulu me servir à l'adresse du premier ministre du langage dont il s'est servi dans le cours du débat actuel. Je ne mesure pas mes paroles ni mes attitudes à la taille des personnages que je combats ou à la satisfaction que pourrait demander la passion ou la haine. Je les mesure d'après un idéal plus élevé et je tâche de les accorder avec le ton que la dignité impose à tout homme public soucieux de son devoir. Et je trouve que c'est mal défendre une question que d'injurier ses adversaires.

Dans cette session de trois mois qui a été longue, violente même, il m'était resté l'impression d'un mot un peu violent. Ce mot que j'ai regretté non pas parce qu'il n'était pas vrai, mais parce qu'il était au-dessous de votre dignité, m'a échappé quand j'ai dit que nous avions affaire à un gouvernement de comédiens. Et c'est tout. Je me suis fait un devoir de ne jamais utiliser en Chambre un langage que je croyais indigne d'elle. Je laisse au premier ministre le vocabulaire académique dont il a chargé son discours sur l'Abitibi à mon égard. J'en ai noté les fleurs les plus odorantes, les expressions les plus délicates, telles que les suivantes: salisseurs de réputations, cuisses de Jupiter, calomniateurs, bandits, vomisseurs d'injures, assassins, ratés, démolisseurs, etc. C'est le langage des modérés, des calmes et pondérés de la droite, des hommes d'action, des hommes d'État. Il leur décerne, dit-il, un certificat de pondération.

Pour ce qui est des explications que viennent d'avoir le premier ministre et le député de Terrebonne (M. Prévost), je n'en dirai que peu de chose. Je n'en dégagerai qu'un fait qui n'échappera pas, je crois, au premier ministre: c'est que dans le cabinet de constructeurs et d'hommes d'État dont il est le chef, où il n'y avait ni baveurs, ni salisseurs, ni démolisseurs, on ne semblait pas pratiquer sur une très grande échelle le principe évangélique qui dit: Aimez-vous les uns les autres. C'est que, dans ce cabinet où l'on se drape encore d'une si auguste majesté, on avait en honneur une arme qui n'était ni la plus franche ni la plus longue.

Je laisse aux salisseurs de réputations la tâche de lancer des attaques personnelles. Je laisse au successeur de M. Parent - lui qui ne manie que les armes loyales - le soin de redire comment il s'est arrangé pour faire un changement de ministre au détriment de celui qu'il venait d'honorer publiquement de toute sa confiance. Je parlerai plutôt de l'affaire de l'Abitibi.

Je reprends le débat sur la proposition de censure faite par l'honorable député de Shefford (M. Bernard) au sujet de l'affaire de l'Abitibi. À propos de cette affaire, je suis fermement convaincu que le gouvernement mérite d'être blâmé pour cette transaction stérile qu'il a effectuée sans jamais en aviser la Chambre. Et je ne chercherai aucune comparaison avec l'histoire de la France. Le premier ministre, s'il n'a pas jeté beaucoup de lumière sur cette question, n'a pas échappé le fait que j'avais su reconnaître quelques qualités à M. Turgeon. Il s'en est même fait un argument où il y a encore plus d'habileté que de force. Pourtant, je ne regrette pas ce que j'ai dit de M. Turgeon parce que je ne crois pas à cette mentalité qui porte certains esprits à refuser à un adversaire politique ce qu'il a de bon à cause de ce qu'on lui trouve de mauvais. Mais je pourrais peut-être ajouter un mot à ce que j'ai dit.

L'honorable premier ministre a fait de l'histoire dans son discours. Il a parlé de cadavre. Il faudrait donc admettre que M. Turgeon est mort et, cependant, il ne l'est pas. Qu'il soit tombé, qu'il soit couché ou qu'il soit assis sur un fauteuil, il ne peut qu'avouer que les nationalistes ne lui ont porté que des coups droits. D'un autre côté, M. Turgeon s'est battu vaillamment dans Bellechasse, voilà pourquoi il (M. Bourassa) n'a pas hésité l'autre jour à lui reconnaître de la valeur. Ce n'est d'ailleurs pas son habitude de frapper un adversaire tombé. J'ai rendu à M. Turgeon le témoignage que dans l'élection de Bellechasse il m'a fait une lutte loyale, une fois la lutte engagée, bien que pour m'y attirer il m'ait tendu un traquenard avec cette élection de huit jours faite dans un comté où il pouvait compter sur une popularité de 18 années. J'y suis allé, malgré les conseils de mes amis qui me dissuadaient de marcher vers un piège que l'on ne cachait même pas. Je leur ai répondu: J'aime mieux passer pour un fou que de passer pour un lâche. Et l'honorable M. Turgeon lui-même admettra qu'en allant le rencontrer sur son terrain je n'ai pas manqué de courage.

Mais les coups que nous nous sommes portés, nous les avons portés en face. Ce que j'avais à lui dire, je le lui ai dit en face, dans tout son comté, comme je le lui ai répété à la veille du scrutin dans Bellechasse à une assemblée à laquelle on m'avait défié d'assister, à cette assemblée de Saint-Vallier où à un certain moment nous ne savions pas si nous ne serions pas jetés par les fenêtres du soubassement de l'église où se tenait la réunion. Il a toujours reconnu, dit-il, que M. Turgeon était un homme de coeur et, quoi qu'en dise le premier ministre, il ne craint pas de le dire encore une fois en cette Chambre. Et, après cela, on vient nous parler d'Henri le Balafré, un malheureux qui a été traité par Henri III comme S.-N. Parent a été traité par le premier ministre.

Il se moque de la comparaison des trois Henri faite par le premier ministre et il ne cherchera pas dans l'histoire de France à quel roi comparer le premier ministre. Autant j'ai de plaisir à reconnaître les qualités de l'ancien ministre, autant je me sens fort du droit de dire qu'il a été un mauvais ministre. C'est la même chose quand je reconnais au premier ministre, que je connaissais très peu avant cette session, plus de valeur intellectuelle que je ne lui en supposais au commencement de la session. Je le prenais pour un homme ordinaire, mais je suis revenu de mon erreur et je me plais à rendre hommage à sa valeur cérébrale. Avant, pendant, après l'élection de Bellechasse, j'ai reconnu que M. Turgeon avait du coeur, sans l'excuser de ses relations avec les Belges. Il croit ce dernier honnête, mais il le croit parjure. Il ne craint pas de dire en face les vérités. Il n'a pas hésité à reconnaître le grand courage de M. Turgeon, comme il n'a pas hésité à reconnaître les grandes capacités d'intelligence et le courage déployés par le premier ministre, et qui l'ont surpris. Il est prêt à réaffirmer ces opinions parce qu'il a l'habitude de toujours dire franchement exactement ce qu'il pense.

Le fait d'avoir dit au premier ministre qu'il était une intelligence supérieure a complètement renversé les députés de la droite. Ces gens étaient sous l'impression qu'un homme intelligent ne pouvait admettre des qualités chez un adversaire. Le premier ministre ne comprendra pas, sans doute, une pareille tournure d'esprit. C'est la mienne. Je suis imbu du principe britannique qui dit: "It is always weekness to belittle your ennemies."

J'ai exposé franchement, à propos de l'Abitibi, ce qui est et ce qui restera une affaire condamnable. Comment a-t-on répondu à mon argument? Le gouvernement n'a pas répondu à mon argument à ce sujet.

Il n'est pas satisfait de la défense du ministre ou de la preuve qu'il a faite. Il regrette que le député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) ne se soit pas occupé de détruire son argumentation et se soit borné à des affaires de détail. Le député de Montmorency a discrédité Mathys et de l'Épine, un valet d'écurie, prétendant que le témoignage de ce dernier constituait la base de mon accusation. Mais je ne me suis pas basé sur ce témoignage. C'est sur le témoignage de M. Turgeon que j'ai basé mon discours et que je me base quand je prétends avoir prouvé que les conditions de vente du gouvernement n'avaient pas été la cause de la rupture et que M. Turgeon avait accepté les demandes du syndicat belge. Le député de Terrebonne, qui était ministre à cette époque, l'a admis et le discours du premier ministre n'a pas contredit la déclaration du député de Terrebonne. J'ai prouvé par les documents et par le témoignage de l'ancien ministre des Terres lui-même que M. Turgeon n'avait pas dit toute la vérité. Nous a-t-on prouvé le contraire?

Le Nationaliste a eu tort d'accepter des articles de M. Chrysostôme Langelier, qui déclarait que le gouvernement vendait et sacrifiait à vil prix le domaine national. Sous serment, ce même M. Langelier disait le contraire de tout ce qu'il avait écrit.

Le député de Montmorency a supposé que le lettre de Charneuse était un faux. J'avais écarté la lettre de Charneuse. Il a parlé de Lemont. Ce dernier n'avait rien à faire avec la question. En l'invoquant il nous a tout au plus fourni un nouvel exemple de la mentalité du régime. Le gouvernement a dénigré Lemont. Pourtant, ce dernier a eu plusieurs entrevues avec le premier ministre.

Le télégramme Mathys? Télégramme fou, ridicule, tout ce que l'on voudra, mais qui ne touchait ni de près ni de loin à mon argument. Par exemple, le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) a bien voulu faire croire que ce télégramme faisait partie d'une conspiration pour enlever le comté de Bellechasse. Mais c'est insensé! Car on sait bien que ce télégramme ne pouvait que parvenir au premier ministre qui l'aurait immédiatement contrôlé. Petite tactique qui a lieu d'étonner chez des gens qui ne sont pas des salisseurs, des voleurs, des vomisseurs ... Pardon, M. le Président, ces expressions ne sont pas de moi, c'est le langage académique du premier ministre de la province de Québec, homme d'action, homme modéré, homme d'État! Le faux télégramme n'est pas l'oeuvre des nationalistes; il eût été pour eux d'aucune utilité, eussent-ils reçu une réponse contredisant les dépêches publiées antérieurement. Et il est injuste de les accuser d'une telle conduite. Mais ce télégramme, quel usage aurions-nous pu en faire? Dans les 24 heures le faux était découvert et où en aurions-nous été? Les nationalistes n'auraient pu s'en servir dans l'élection de Bellechasse puisque c'était un faux. Voyons, on peut dire ce qu'on voudra, mais cette histoire de télégramme Mathys est une mauvaise fumisterie, plus grande que le télégramme lui-même.

On accuse encore les nationalistes d'attaquer la magistrature. Ils ont été moins violents à l'égard de l'honorable juge Cimon que l'a été le ministre des Travaux publics à l'égard de l'honorable juge Bossé et, cependant, la légende dira toujours que les nationalistes sont des baveurs d'injures, des assassins, des vomisseurs, etc. C'est pourtant à cause de tout cela que nous avons eu des détectives à nos trousses pendant des mois; que pendant des semaines M. Laflamme, avocat distingué de Montréal, a été suivi par des détectives, jour et nuit, pour savoir où il passait la nuit.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Jamais le gouvernement n'a eu quoi que ce soit avec ces détectives. Si M. Laflamme a été suivi par des détectives, ce n'est certainement pas pour le compte du gouvernement.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Je sais bien que l'affaire n'a pas été ordonnée par un ordre en conseil. Je n'accuse pas non plus le premier ministre d'avoir ordonné cela. Mais il n'en reste cependant pas moins vrai que la chose s'est pratiquée. Ce qui est certain, c'est que les détectives étaient là et qu'ils ne travaillaient pas pour nous.

Je suis prêt à accepter cette déclaration, mais, d'un autre côté, le gouvernement ne devrait pas essayer de faire croire à la population que les nationalistes sont impliqués dans cette histoire de faux télégramme. Pourquoi l'honorable ministre des Travaux publics a-t-il voulu faire croire à notre complicité dans cette affaire Mathys? Il nous était, du reste, inutile. Les preuves ne manquaient pas. Il y en a du moins dans les actes du gouvernement. Mais citons tout cela et on ne vous répond qu'en invoquant trois ou quatre petits incidents sans importance. Certes, je puis bien dire que, pour ma part, je ne m'amuserai jamais, dans une discussion, à prendre de petits incidents comme ceux-là pour les attacher à mes adversaires.

Mais voyez plutôt quelle est la situation. Nous ne touchons pas au témoignage du baron de l'Épine et c'est sur ce témoignage que deux ministres s'appuient pour nous répondre. Le ministre invoque deux verdicts: l'élection de Bellechasse et le jugement du juge Cimon. Ces deux verdicts ont été rendus avant l'enquête. C'est même ce qui prouve que l'élection de Bellechasse était un traquenard. Personne n'a pu prendre ce dernier argument au sérieux.

Quant à la commission royale, ajoute-t-il, il n'a aucun reproche à faire aux juges qui l'ont présidée, ils ont donné toute la latitude voulue et il reconnaît qu'ils font leur devoir, mais les nationalistes se sont plaints qu'on ne leur eût pas accordé une commission rogatoire pour aller questionner des témoins essentiels en Belgique1.

Le premier ministre a invoqué un autre argument de détail vu que M. Laflamme s'était déclaré satisfait. C'est vrai que M. Laflamme s'est déclaré satisfait du fait que la Commission royale sur l'affaire de l'Abitibi ne l'a pas empêché d'interroger les témoins qui étaient présents à l'enquête, mais il ne s'est pas déclaré satisfait du résultat de l'enquête. Il n'était pas satisfait quand on lui a refusé d'entendre d'autres témoins qui étaient en Belgique.

Il passe ensuite au discours du premier ministre et dit que les arguments de ce dernier sont absolument inexacts. Il blâme sévèrement cette conduite du premier ministre qui répond aux arguments les plus sérieux par des injures de toutes espèces. Qui a expliqué le blanc-seing? Le premier ministre a invoqué sa propre déposition. Je l'accepte, mais à la condition qu'elle soit corroborée. Mais, cependant, il est contredit par les lettres et les documents. Il a dit qu'il n'y avait pas d'entente au sujet du prix de vente. Le gouvernement n'a pas répondu à mon argument selon lequel il avait fait passer le prix de l'acre de 70 cents à 30 cents pour le syndicat belge. Le prix n'a jamais été mentionné lors des négociations tenues entre les ministres et les Belges. En tout, il y a eu huit entrevues et, quand il a fallu aborder la question du prix, ils ont envoyé le baron de l'Épine qui en a discuté avec eux. M. De Jardin a dit qu'il y a eu entente avec M. Turgeon. Et M. De Jardin a consulté son calepin avant de parler. Il a parlé de faits qu'il avait soigneusement notés.

Quand vous rappelez les faits en demandant qu'on les explique, le premier ministre répond: Baveurs! Voleurs! On dit qu'il n'y avait pas de caisse électorale. On invoque le témoignage du baron pour rejeter l'accusation du carottage. Il ne croit pas, lui, qu'il fut question de caisse électorale. N'aurait-on pas pu employer ce terme pour désigner tout simplement un pot-de-vin? On a mis les lettres C. E. comme étant plus commodes que pot-de-vin. De Jardin a avoué, du reste, qu'il y avait un pot-de-vin; seulement, il écrivait: Je ne voulais pas savoir ce que c'était. Il n'en a pas parlé aux ministres parce que c'eût été indélicat. Si ça ne regardait pas les ministres, pourquoi était-ce indélicat d'en parler avec eux?

Il propose, appuyé par le représentant de Terrebonne (M. Prévost), que le débat soit ajourné.

Adopté.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 22 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 3 h 20.

 

Colon dépossédé de son lot

M. Lavergne (Montmagny) attire l'attention du gouvernement sur le cas d'un colon qu'il dit être à la veille d'être dépossédé de son lot. Il lit la déclaration solennelle d'un colon de la Matapédia, du nom de Michel Lévesque, qui se plaint que l'on met son lot en vente alors qu'il a payé le prix au gouvernement, qu'il a fait trois acres de défrichement, etc., que l'agent des terres voudrait bien lui aider à garder son lot, mais que le député de Matane (M. Caron) s'y oppose.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) prie le député de Montmagny de lui communiquer tous les documents qu'il possède à ce sujet. Il va s'occuper sans tarder de cette question et faire rendre justice aux intéressés, s'il y a injustice.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill 153 faisant disparaître du plan de la cité de Montréal les lignes homologuées de la continuation de la rue de la Montagne, au-dessus de la rue Sherbrooke, ou exproprier la propriété de The Terrace Land Company Limited, comprise entre lesdites lignes, sous le titre suivant: bill 153 faisant disparaître du plan de la cité de Montréal, les lignes homologuées de la continuation de l'avenue Ontario et de la continuation de la rue de la Montagne, en haut de la rue Sherbrooke, sans amendement.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 152 amendant la loi constituant en corporation The Laval Electric Company;

- bill 172 amendant l'article 1220 du code civil relativement à la preuve littérale.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il adopte les amendements de l'Assemblée législative aux amendements faits par le Conseil législatif au bill 221 concernant The North Eastern Railway Company.

Aussi, le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il adopte les amendements de l'Assemblée législative aux amendements faits par le Conseil législatif au bill 150 concernant la Compagnie de chemin de fer Québec et Saguenay.

The Terrace Land Company Limited

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 153 faisant disparaître du plan de la cité de Montréal, les lignes homologuées de la continuation de l'avenue Ontario et de la continuation de la rue de la Montagne, en haut de la rue Sherbrooke.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Les Prévoyants du Canada

La Chambre procède, selon l'ordre du jour, à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 88 constituant en corporation Les Prévoyants du Canada.

Les amendements sont lus une deuxième fois.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) propose, appuyé par le représentant de Terrebonne (M. Prévost), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif, informant Leurs Honneurs que cette Chambre a accepté leurs amendements au bill 88 constituant en corporation Les Prévoyants du Canada, sauf l'amendement à l'article 23 qui ajoute les mots suivants: "et sera la propriété des actionnaires" et en amendant de nouveau ledit article 23 en biffant les mots ci-dessus et en les remplaçant par les mots suivants: "les frais, l'administration et les bénéfices des actionnaires seront prélevés sur le fonds provenant de ces contributions".

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce message au Conseil législatif.

 

Rapports de comités:

Comité spécial nommé pour s'enquérir des accusations portées par le député de
Terrebonne (M. Prévost) contre le député de Bonaventure (M. Kelly)

L'honorable M. Weir (Argenteuil): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le troisième rapport du comité spécial nommé pour s'enquérir des accusations du député de Terrebonne (M. Prévost) contre le représentant de Bonaventure (M. Kelly). Voici le rapport:

Votre comité a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son rapport comme suit:

Votre comité, à sa séance du 19 mai 1909, après-midi, a nommé M. Oscar Morin secrétaire.

À la séance tenue ce matin, M. C.-E. Dorion, C.R., a comparu pour le député de Bonaventure, votre comité a examiné les sous-ministres du département des Terres et Forêts et du département de la Colonisation en rapport avec la production de certains documents demandés par le député de Terrebonne.

Subsides

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat ajourné vendredi, le 21 mai dernier, sur l'amendement à la motion à l'effet que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se constitue en comité des subsides, lequel amendement se lisait comme suit:

"Que tous les mots après "que", dans la motion principale, soient retranchés et remplacés par les suivants:

"Cette Chambre est prête à voter les subsides à Sa Majesté, mais déclare que:

"Vu les pièces et les témoignages consignés au dossier de l'Abitibi (no 29, session 1908) et transmis à cette Chambre par les commissaires nommés par décret du 23 octobre 1907 pour faire enquête sur une partie de cette affaire;

"Vu la déclaration des commissaires, en date du 4 novembre 1907, et consignée en ces termes au procès-verbal de leurs procédures;

"Le rôle de la commission se bornera à recevoir les dépositions et à diriger l'enquête pour ensuite soumettre toute la preuve et tous les documents s'y rapportant devant la législature, laquelle dans l'opinion des commissaires est le seul et véritable juge de ce débat.

"Cette Chambre censure le gouvernement d'avoir, sans le consentement et hors la connaissance de la législature, poursuivi des négociations avec un syndicat belge représenté par le baron de l'Épine, en vue d'une concession de 500 000 acres du domaine public pour des fins d'exploitation agricole, minière et forestière.

"De plus, cette enquête tendant à confirmer fortement les présomptions de tentative de péculat qui ont résulté de la preuve recueillie dans la poursuite du roi vs Asselin, cette Chambre regrette que le gouvernement n'ait pas cherché à jeter plus de lumière sur la question; et particulièrement que le procureur général n'ait pas fait les démarches nécessaires, par voie légale ou diplomatique, pour obtenir l'émission d'une commission rogatoire pour l'examen de personnes à l'étranger."

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) soutient qu'on n'a point sérieusement touché à son argumentation, que tous les faits qu'il a avancés subsistent avec leur force probante. Le peu de raisonnement que les députés de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) et de Portneuf (l'honorable M. Gouin) ont mis dans leurs discours est basé sur la présomption que j'ai appuyé ma démonstration sur le témoignage du baron de l'Épine, tandis que je n'en ai rien fait, m'appuyant uniquement sur les pièces officielles, sur le témoignage de M. Turgeon et sur le témoignage de M. De Jardin. Il n'y a que le gouvernement qui ait fait appel à certaines parties de la déposition de l'Épine.

Ce matin, le premier ministre a invoqué contre nous l'hommage du député de Terrebonne à M. Turgeon et on a applaudi le député de Terrebonne déclarant M. Turgeon innocent de toute accusation dans l'affaire de l'Abitibi. Cette déclaration ne me surprend pas puisque le député de Terrebonne parle plutôt en ancien collègue de l'ex-ministre des Terres au moment où les négociations avaient lieu et est lié par la solidarité ministérielle. Il parle en ami plutôt qu'en analyste du dossier. D'ailleurs, la déclaration du député de Terrebonne repose plutôt surtout sur une impression que sur la preuve faite au procès Asselin et devant la commission d'enquête. Le député de Terrebonne a fait cette déclaration sans avoir étudié ni les faits ni les documents. Il dit que, contrairement à sa déclaration, M. Turgeon connaissait l'existence du syndicat belge. Du reste, je ne crois pas que le gouvernement invoque très souvent à l'avenir le discours fait hier par le député de Terrebonne.

Des voix: Écoutez!

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Et, malgré toutes les injures qu'on m'a adressées, malgré l'élection de Bellechasse, on n'a pas expliqué comment il se fait qu'au printemps de 1907 M. Turgeon jurait ne pas connaître le syndicat belge, alors qu'il avait notamment en main, depuis le 26 octobre 1906, une procuration établissant l'existence du syndicat et autorisant le baron de l'Épine à le représenter auprès du gouvernement de Québec, procuration produite par M. Lane lui-même devant la commission royale.

Il existe, au sujet des options, des points sombres que personne n'a éclaircis. Le gouvernement a trafiqué dans l'ombre, avec des documents non officiels. Personne n'a expliqué pourquoi M. Turgeon passait par-dessus la demande d'option du syndicat et donnait à ce baron de l'Épine, que l'on dit aujourd'hui être un bandit et un parjure, une option personnelle lui permettant de transporter à n'importe qui la propriété de la province; pourquoi, tout en mettant dans un document officiel la défense pour le baron de l'Épine de transporter l'option sans le consentement du gouvernement, il donnait en même temps à ce bandit et à ce parjure un blanc-seing qui l'autorisait à faire de cette option des choux et des raves. Voulait-on, en cas d'échec, produire la première pièce en disant: Vous voyez, on ne pouvait rien faire sans l'avis du gouvernement, tandis que le blanc-seing Turgeon permettait tout de même de mener l'affaire à terme?

L'on m'a dit que je voulais salir les gloires nationales, mais ni le député de Montmorency ni le député de Portneuf n'a expliqué pourquoi M. Turgeon donnait le même jour deux documents, dont l'un permettait au baron de l'Épine de faire ce que l'autre lui défendait de faire. Et il n'y a pas d'explication possible, non plus. M. Turgeon, qui a tenté d'en donner une, s'est pris dans ses propres filets. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait défendu au baron de l'Épine de transporter l'option qu'il lui donnait, il a répondu que c'était parce qu'il ignorait le syndicat et qu'il ne voulait pas tomber entre les mains de financiers véreux. Mais alors, pourquoi avez-vous donné l'option en blanc et la permission du transport, lui demande-t-on plus tard. Oh! c'est parce que je savais que nous avions affaire à des financiers sérieux. Véreux, sérieux, le caractère des financiers variait suivant les nécessités de la cause. Ainsi, le même jour, M. Turgeon savait et ne savait pas avec qui il négociait.

On n'a pas expliqué davantage pourquoi M. Turgeon a donné deux options: celle en date du 15 décembre, qu'il n'avait pas soumise à ses collègues, et celle en date du 21 décembre, ni pourquoi celle du 15 ne mentionnait pas les droits de coupe sur le bois, pourquoi elle élevait de 1000 à 1500 forces les pouvoirs hydrauliques sur lesquels le syndicat aurait la préférence. Personne n'a tenté d'expliquer pourquoi M. Turgeon a remis au baron de l'Épine l'option du 15 décembre et non celle du 21 décembre. On a prétexté simplement une erreur d'employés. Étrange erreur qui a permis à M. Mc- Corkill, le 3 mai 1907, répondant à la demande du syndicat McCuaig, de baser sa lettre sur l'option du 15 au lieu de celle du 21, et dans une deuxième lettre de référer toujours à l'option du 15 au lieu de l'option du 21. Étrange erreur qui laissait aux archives du département l'option du 15 qui n'avait pas été soumise au Conseil des ministres et cachait celle du 21 décembre. Erreur commode, toutefois, qui permettait au gouvernement de sortir l'option du 15 si les négociations réussissaient, afin de montrer qu'il n'avait presque pas cédé sur les conditions et, si les négociations échouaient, de montrer l'option du 21 pour donner à entendre que le gouvernement n'avait pas réussi parce qu'il avait trop défendu l'intérêt de la province.

On n'a pas davantage expliqué comment il se fait que M. Turgeon, le 23 janvier 1906, câblait et écrivait au baron de se dépêcher parce que deux syndicats américains demandaient une concession de cette sorte, alors que la preuve démontre qu'à cette date aucun syndicat n'était en instance auprès du gouvernement à cet effet. M. Turgeon voulait-il simplement suggérer à M. de l'Épine le moyen de mettre le couteau sur le gorge du syndicat, suivant les termes de la fameuse lettre Macquet? Et le député de Montmorency pense que le verdict de Bellechasse suffit pour faire oublier tout cela! Et le premier ministre pense que c'est avec la visite au château de Blois qu'il va détruire toute cette preuve!

La lettre du 13 octobre accréditant M. le baron de l'Épine auprès du gouvernement de Québec et transmise à M. Turgeon est là, produite par M. Lane, à l'enquête de la commission royale, pour démontrer que M. Turgeon connaissait l'existence du syndicat lorsqu'il a déclaré sous serment qu'il ne la connaissait pas. A-t-on cherché à expliquer le pot-de-vin de $60 000 que le gouvernement lui-même admet? On dit ici comme on disait à Bellechasse: M. De Jardin jure qu'il n'a jamais parlé de pot-de-vin à M. Turgeon. Rendez-nous au moins la justice de nous re-connaître assez d'intelligence pour comprendre pourquoi M. De Jardin n'en a jamais parlé à M. Turgeon. Cela, c'est la besogne de l'entremetteur et c'est pourquoi, dans toute transaction de ce genre, il faut un intermédiaire sur qui l'on pourra jeter l'eau sale en cas d'accident. Ce qui est encore plus étrange, peut-être, c'est qu'on n'a pas expliqué comment il se fait qu'en novembre 1906 M. De Jardin, se trouvant en présence de M. Turgeon qui se montrait disposé à accepter 30 cents l'acre, n'ait pas demandé au ministre pourquoi le baron lui demandait $50 000 de plus.

On a parlé de Mathys, de Lemont, de de l'Épine, qui n'ont rien à faire dans mon argumentation, mais on n'a pas touché à celle-ci. On n'a pas établi que le syndicat ne devait faire que de l'exploitation agricole. On donnait le bois pour pratiquement rien aux Belges. Enfin, conclut-il, le gouvernement s'est contredit sur toute la ligne. Il soutient que ni le député de Montmorency ni le député de Portneuf n'ont réfuté un seul de ses arguments, se contentant de répondre: Salisseurs! Baveurs d'injures! Ratés! Ambitieux déçus!, etc.

Non, pas un mot d'explications sur tous ces points accusateurs. Mais, en revanche, des gros mots, des injures, une colère extraordinaire. Le premier ministre s'est trompé s'il a cru que je le suivrais sur ce terrain. Il y a entre nous deux une différence de mentalité qu'il finira peut-être par comprendre. Nous n'avons jamais été des intimes et je ne saurais dire s'il pense de moi tout ce qu'il dit ou s'il joue simplement la comédie. J'aime la lutte et je ne conteste pas que dans la chaleur du débat j'aie pu avoir des violences de langage, et je crains d'en avoir encore. On ne refait pas son tempérament, mais je n'ai aucune haine au coeur, Dieu merci! Mais si je ne pose point à la modération comme le premier ministre qui, dans son académique langage, vous parlait l'autre jour de bavures et de salissures, je crois pouvoir dire: Voyez comme nous nous battons! Et, si l'ex-ministre des Terres porte de rudes coups, il n'a reçu de notre part que des coups droits et en pleine figure. Il ne me coûte pas plus aujourd'hui de rendre hommage à son courage que de reconnaître la valeur cérébrale du premier ministre. Cela peut paraître étrange à certaines gens dont le cerveau a été tellement déformé par l'abominable esprit de parti qu'ils ne comprennent point que l'on puisse, tout en combattant un adversaire, reconnaître sa force véritable. Je m'inspire d'un autre idéal, je crois, avec le proverbe anglais, qu'il est toujours petit de rabaisser un adversaire.

Dans ce débat, je n'ai apporté ni haine ni rancune, mais le souci d'examiner au point de vue de l'intérêt public, de la bonne administration des affaires, de la moralité, un acte d'administration et la conduite d'un homme public. Le premier ministre ne voudra point croire. Il sera sincère dans son incrédulité. C'est une question de mentalité, de tempérament, d'éducation. Nous n'avons peut-être ni le cerveau ni le coeur conformés de la même façon. Je ne blâme point, je constate. Et le témoignage de ma conscience suffit à ma parfaite tranquillité d'âme. Dans tout ce débat, j'ai la conviction de n'avoir apporté que des arguments fondés sur une preuve documentaire et des conclusions loyalement déduites des prémisses et qui ne les dépassent point.

Les injures de la presse ministérielle, le vocabulaire dont a cru devoir se servir l'homme calme, modéré, le constructeur qui dirige le gouvernement, me laissent froid. Je relève d'un autre tribunal. Comme on a attaqué la conduite qu'il a tenue au Parlement fédéral, il veut la soumettre à un seul juge, Sir Wilfrid Laurier lui-même. Si j'avais besoin d'un témoignage quelconque, dit-il, j'accepterais sans ambages celui de l'homme dont l'on a contre moi et si souvent exploité le nom. J'ai combattu aux côtés de Sir Wilfrid Laurier, j'ai combattu contre lui, tantôt seul, tantôt avec des compagnons d'armes que je veux saluer en la personne du plus jeune2 qui est venu aux heures sombres nous apporter, dans toute la splendeur de sa jeunesse et de son chevaleresque courage, l'appui de son magnifique talent. J'ai combattu rudement, mais je puis, du fond de ma petitesse, me tourner vers l'homme qui préside aux destinées de ce pays. Quelle que soit la différence du talent et des situations, quelles qu'aient été nos divergences d'opinions, il dira, je le sais, qu'en matière d'honneur et de loyauté nous sommes sur un pied d'absolue égalité.

Le premier ministre peut croire que j'envie son portefeuille, que je suis un ambitieux raté et ses journaux peuvent le dire. Cela m'est égal. Je ne conteste même point la sincérité de ceux qui me disent dévoré d'ambition, de haine ou de rancune. Il est des sentiments qui dépassent certaines mentalités et l'on nie volontiers ce que l'on ne comprend point. On me traite de raté parce que je suis dans l'opposition. J'ai un idéal, et c'est pour n'y avoir pas renoncé que je suis dans l'opposition. Je n'y renoncerai jamais, quoi qu'on fasse et qu'on dise. Je continuerai à marcher toute ma vie dans le chemin de l'honneur et du devoir, plutôt que dans celui du pouvoir et du déshonneur. Le pouvoir est désirable comme moyen de réaliser un idéal de justice et de vérité, il est méprisable s'il faut pour le conquérir fouler aux pieds ses principes et ses convictions. Ma conception du devoir politique est de faire triompher les principes pour le bien public. J'y resterai fidèle et jamais l'attrait du pouvoir ne me la fera abandonner.

On m'a reproché de faire appel à la jeunesse, de chercher sa sympathie. Je ne m'en défends point. Je vais à la jeunesse parce que je l'aime, parce que je vois en elle l'espoir d'un avenir meilleur. Je ne lui demande point de m'installer au poste qu'occupe le premier ministre, après en avoir chassé de la façon que l'on sait M. Parent, je souhaite seulement qu'elle mette dans l'avenir de ce pays plus d'honneur, plus de sincérité, un plus fervent amour de nos communes traditions. Si, dans l'âme de ces jeunes gens qui sortent du collège, qui travaillent sur les bancs de l'université, j'ai suscité ou fortifié des émotions généreuses, je m'endormirai content. Mon oeuvre sera accomplie. Je fais un appel à la jeunesse pour un idéal sans tache en politique. Violent, passionné, démolisseur, démagogue, comme le chantent tous les journaux ministériels, je n'éprouve le besoin de manifester aucun des sentiments de colère, ni d'user du vocabulaire qu'affichait l'autre soir, dans sa dignité d'homme d'État, le premier ministre de cette province. C'est une question de tempérament et d'éducation.

On a voulu parler du château que j'aurais jadis occupé et qui ne fut jamais, du reste, qu'une modeste maison de campagne. Que je ne sois pas un homme pratique, cela est encore possible. Après 20 années de politique faite à mes frais, j'ai dû vendre ma maison et les chevaux que j'aurais pu garder si j'avais voulu faire de la politique payante. J'ai préféré vendre mes chevaux pour faire de la politique à mes frais. Libre à qui voudra de me le reprocher! J'avais quelques biens, je les ai sacrifiés pour faire de la politique indépendante, mais j'aurais pu les conserver et les accroître en faisant de la politique payante. Ce n'est pas là mon ambition. Et j'estime qu'avant le pouvoir doit passer le devoir. C'est pour cela que j'ai différé d'opinion et que je différerai encore d'opinion, peut-être, avec le premier ministre du Canada parce que, en entrant dans la vie publique, je me suis dit que les amitiés les plus chères, même, doivent se taire devant la voix de la conscience. Je n'ai jamais cherché à faire faire ma besogne par les autres. Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre. Je croyais de mon devoir de refaire l'histoire des négociations de l'Abitibi et je l'ai fait, non par haine, mais dans l'intérêt public. Mais fussé-je le déçu, le raté, l'envieux que l'on dit, cela ne changerait ni les documents ni les faits de cette cause. Les lettres sont là, le témoignage de M. Turgeon, celui de M. De Jardin sont là. Rien ne peut les affecter ni les modifier. Ils portent en eux-mêmes la condamnation du gouvernement et de l'ex-ministre des Terres. C'est sur eux que nous demandons à la Chambre de se prononcer. Que devient donc sa prétention que nous ne sommes que des assassins de réputations? D'ailleurs, cet argument est vieux comme les partis politiques qui se le renvoient suivant qu'ils sont au pouvoir ou dans l'opposition.

Il attaque les actes et non les personnes, quoi qu'on en puisse penser. Il n'agit que par un sens poussé du devoir et par le désir de promouvoir les intérêts de la province. C'est un droit sacré et inhérent à la liberté politique d'un pays. C'est en vertu de ce principe qu'il condamne la politique du gouvernement sur les affaires de l'Abitibi. Reste un dernier argument qui ne vaudrait pas la peine d'être relevé s'il ne tombait que de la bouche du député de Saint-Sauveur (M. Côté), mais que j'ai entendu répéter par d'autres. En tout cas, dit-on, si le gouvernement a péché, il n'a péché que par désir. Et n'est-ce pas assez? En est-on déjà rendu dans la province de Québec à pardonner toutes les considérations qui ne réussissent pas et faut-il pour protester attendre que l'on soit bel et bien volé?

L'honorable M. Roy (Kamouraska) ne s'attendait pas à entrer dans le débat, n'ayant pas étudié à fond cette question, mais il ne peut résister à l'indignation qui le pousse à protester contre les calomniateurs de son vieil ami et compagnon d'armes, l'honorable M. Turgeon. J'y entre uniquement pour protester contre les insinuations et la plus grande ingratitude, celle du député de Terrebonne (M. Prévost) qui, à l'instigation du député de Saint-Hyacinthe, a attaqué violemment le premier ministre. Le député de Terrebonne a prétendu que c'est l'affaire Prévost qui avait mis fin au contrat de l'Abitibi et que le premier ministre avait alors l'idée de se débarrasser de M. Turgeon et de lui. Je proteste contre ces avances qui sont une fausseté. Il accuse les nationalistes d'avoir chassé M. Turgeon de la vie publique comme jadis Lafontaine le fut par le grand'père du député de Saint-Hyacinthe.

Le député de Saint-Hyacinthe dit qu'il n'est guidé que par de grands principes, mais dans ses diatribes il n'a pas manqué de se servir d'armes tranchantes. Il lui reproche de tenter à Québec les tactiques qu'il a toujours pratiquées à Ottawa, où il attaquait violemment Sir Wilfrid Laurier après s'être proclamé son admirateur sur tous les tréteaux. Aujourd'hui, le député de Saint-Hyacinthe se déclare l'admirateur de Sir Wilfrid Laurier, mais, dans Québec-Comté, il travaillait contre lui. En 1898, il l'approuvait sur la question des écoles et en 1905 sur la même question votait contre lui. Il nie au député de Saint-Hyacinthe le droit de faire appel au témoignage de Sir Wilfrid Laurier. Comme le député de Terrebonne l'a dit, l'affaire de l'Abitibi est aujourd'hui une légende née dans le cerveau du député de Saint-Hyacinthe et de ses amis inspirés par le maître- chanteur qui a nom baron de l'Épine. Elle est née d'une rencontre entre le baron de l'Épine et le député de Terrebonne en Belgique.

À ce moment, le député de Terrebonne était violemment attaqué et c'est le premier ministre qui l'avait défendu. Le député de Terrebonne reconnut dans le temps le courage du premier ministre et sut le remercier de son dévouement; il ne parlait pas alors comme il parle aujourd'hui; alors, il n'était pas permis de croire qu'il se liguerait avec ceux qui le traînaient dans la boue d'une extrémité à l'autre de la province. Mais, hier, il s'est retourné contre l'homme qui l'a défendu afin d'aider ceux qui l'avaient insulté. C'est un accident de la vie de croiser de pareils faiseurs. Autres temps, autres moeurs. Le député de Saint-Hyacinthe a fait une campagne dans la province contre le ministère. Le gouvernement n'a jamais eu peur de le rencontrer. M. Turgeon obtint, malgré ses accusations, un vote de confiance de la Chambre. Le député de Saint-Hyacinthe récusa la compétence de la députation de juger la question. Devant les attaques répétées des nationalistes, M. Turgeon démissionna alors et en appela aux électeurs. Malgré la campagne d'insultes et de calomnies dirigée contre lui par le député de Saint-Hyacinthe, M. Turgeon a de nouveau reçu une marque de confiance de la part de ses électeurs et le député de Saint-Hyacinthe fut déjoué.

Le député de Saint-Hyacinthe, qui n'avait pas voulu accepter le verdict de la Chambre ou celui des tribunaux, refusa d'accepter celui du peuple. M. Turgeon est allé plus loin. Il a demandé la formation d'une commission royale d'enquête. Aucun de ses accusateurs, pas même le député de Saint-Hyacinthe, n'a osé venir déposer devant elle une accusation contre le député de Bellechasse. Aujourd'hui encore, le député de Saint-Hyacinthe, en Chambre, est forcé de dire que M. Turgeon est un honnête homme.

On a dit que le gouvernement avait mené ces négociations sans s'assurer du consentement de la Chambre. En effet, toutes les concessions de terres se font à l'extérieur de la Chambre et sont sujettes à être ratifiées par elle. Si le gouvernement avait baissé son prix de 70 cents à 30 cents, comment le syndicat belge, formé d'hommes d'affaires, n'aurait-il pas accepté? On a dit que la rupture était due à l'affaire Prévost, mais elle n'est survenue que subséquemment. Quant à la retraite de M. Turgeon, elle a eu lieu de son plein gré. Le premier ministre et ses collègues lui ont demandé de revenir sur sa décision, mais la maladie l'a forcé à quitter le ministère. Quant au député de Terrebonne, il est sorti du cabinet par suite des attaques de politiciens sans aveu.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Gault, Lavergne, Patenaude, Plante, Sylvestre, Tellier, 8.

Contre: MM. Blouin, Carbonneau, Côté, Décarie, Delisle, Devlin, Francoeur, Galipeault, Gosselin, Gouin, Kaine, Laferté, Leclerc, Lemieux, Létourneau, Mackenzie, Marchand, Mercier, Mousseau, Petit, Prévost, Reed, Roy, Taschereau, Tessier, Thériault, Weir, 27.

Ainsi, la proposition est résolue dans la négative.

La motion principale est alors proposée et adoptée.

En conséquence, la Chambre se constitue en comité des subsides.

 

En comité:

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose: 1. Qu'une somme n'excédant pas trois mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer le traitement et l'allocation pour loyer du bureau de l'agence en France, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.

Adopté.

2. Qu'une somme n'excédant pas deux cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer l'annuité à Mlle Marie-Régina Drolet, résolution de l'Assemblée législative du 3 février 1890, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.

Adopté.

3. Qu'une somme n'excédant pas trois mille piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide à la publication des rapports judiciaires du barreau de la province de Québec, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté trois résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

 

Dépôt de documents:

Voirie coloniale

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 31 mars 1909, pour la production de toutes correspondances, de mémoires des besoins de voirie coloniale dans la section de la Gatineau d'une part, de la Lièvre, de la Nation et de la Rouge, d'autre part, respectivement, avant correction dudit mémoire et après rapport supplémentaire de l'inspecteur général de la voirie coloniale, état des sommes payées et autres documents relatifs à ces octrois coloniaux dans le comté d'Ottawa, en 1908-1909. (Document de la session no 168)

Correspondance au sujet de l'écoulement des eaux dans les paroisses de Saint-Joseph
de Maskinongé et de Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 12 mai 1909, pour la production d'une copie de toutes correspondances et tous documents quelconques échangés entre le gouvernement et les cultivateurs de la paroisse de Saint-Joseph de Maskinongé et Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup, comté de Maskinongé, concernant l'écoulement des eaux dans ces différentes paroisses. (Document de la session no 169)

Manuels et articles scolaires dans les écoles protestantes de Montréal

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 19 mai 1909, pour la production d'un état démontrant: 1. Quels sont les manuels et autres articles de classe que les élèves assistant aux écoles communes sous le contrôle des commissaires d'écoles protestantes de Montréal sont tenus de se procurer? 2. Quel est le coût de chaque article? 3. Quels en sont les éditeurs ou fournisseurs? 4. Les élèves achètent-ils ces objets dont ils ont besoin dans les écoles ou des marchands? 5. Comment les prix sont-ils réglés? 6. Lesdits commissaires d'écoles ont-ils demandé des soumissions pour la fourniture de ces manuels ou de ces articles de classe? 7. Les prix en sont-ils fixés par contrat? 8. Dans la négative, pourquoi ne le sont-ils pas? 9. Lesdits commissaires d'écoles ont-ils tenté récemment d'obtenir ces livres ou articles de classe à des prix moins élevés? 10. Dans l'affirmative, quel a été le résultat de cette tentative? 11. Quelle est la différence de prix entre ces livres et articles de classe et ceux de même nature vendus dans les écoles publiques de Toronto? (Document de la session no 170)

Livres de classe dans les écoles protestantes de la province

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 19 mai 1909, pour la production d'un état démontrant: 1. Quels sont les livres de classe autorisés par le comité protestant du Conseil de l'instruction publique à l'usage des écoles élémentaires protestantes de la province? 2. Quel prix les élèves paient-ils lesdits livres de classe? 3. Ces prix ont-ils été fixés par soumissions publiques? 4. L'uniformité des livres de classe est-elle appliquée à toutes les écoles des municipalités sous le contrôle des commissions protestantes? 5. Dans la négative, pourquoi? 6. Le coût de ces livres de classe pour chaque élève dans ces écoles est-il plus élevé ou plus bas que leur coût par élève dans les écoles publiques d'Ontario? 7. S'il y a quelque différence, quelle en est la cause? (Document de la session no 171)

Travaux publics et de colonisation dans le comté de Bellechasse

L'honorable M. Roy (Kamouraska) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre de la Chambre, en date du 21 mai 1909, indiquant: 1. Quels sont les travaux publics et de colonisation faits par le gouvernement depuis 1906 dans le comté de Bellechasse. 2. Combien ces travaux ont-ils coûté. 3. Quels sont les montants détaillés payés pour ces différents travaux. 4. Quels sont les noms, la résidence des différents conducteurs ou surveillants de ces travaux dans chaque endroit du comté, et combien a été payé à chacun pour iceux. (Document de la session no 172)

La séance est levée à 6 heures.

 

Troisième séance du 22 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 8 h 15.

 

Maison des Étudiants

M. Mousseau (Soulanges) propose, appuyé par le représentant de Lévis (M. Blouin), que l'honoraire payé pour le bill 84 amendant la loi constituant en corporation la Maison des Étudiants soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill concerne une institution d'un intérêt éducationnel.

Adopté.

The Laval Electric Company

M. Tessier (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Champlain (M. Neault), que l'amende payée pour le bill 152 amendant la loi constituant en corporation The Laval Electric Company soit remise, vu que le retard apporté dans l'envoi de ce bill au greffier est dû à une erreur dans la transmission de la lettre contenant ledit bill.

Adopté.

Succession S. C. Bagg

La Chambre procède, selon l'ordre du jour, à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 130 amendant la loi 38 Victoria, chapitre 94, concernant la succession de feu Stanley C. Bagg.

Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.

Succession A. Fraser

M. Dion (Témiscouata) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Bellechasse (M. Galipeault), que la Chambre adopte les amendements faits par le Conseil législatif au bill 86 autorisant les héritiers d'Alexandre Fraser à aliéner des terrains situés dans certaines seigneuries.

Adopté sur division. Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de la ville Émard

La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 95 amendant la charte de la ville Émard.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés sur division. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Loi des assurances de Québec

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que la Chambre adopte les amendements faits par le Conseil législatif au bill 10 amendant la loi des assurances de Québec.

Adopté sur division. Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.

Loi d'hygiène publique

L'honorable M. Roy (Kamouraska) propose, appuyé par le représentant de Nicolet (l'honorable M. Devlin), que la Chambre adopte les amendements faits par le Conseil législatif au bill 30 amendant la loi d'hygiène publique de Québec, 1901.

Adopté sur division. Les amendements sont adoptés et le bill est retourné au Conseil législatif.

Pension au major H. C. Sheppard

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que l'entrée dans les journaux de cette Chambre, en date du 15 mai dernier, ordonnant que les résolutions concernant l'octroi d'une pension au major H. C. Sheppard, rapportées du comité général et lues deux fois, soient adoptées à la prochaine séance soit rescindée.

Adopté.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier lesdites résolutions.

Adopté.

 

En comité3:

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

Droits sur les successions

L'ordre du jour appelle la deuxième lecture des résolutions concernant les droits sur les successions, rapportées du comité général lundi, le 17 mai dernier.

Ces résolutions sont lues une deuxième fois.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 197 amendant les statuts refondus concernant les droits sur les successions.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Ce bill a pour objet d'assurer l'observance de la loi, en rendant responsables des droits exigibles ceux qui permettent le transport des biens avant le paiement des droits.

Le comité étudie l'article 1 qui se lit comme suit:

"1. Le paragraphe 6 de l'article 1191a des statuts refondus, tel qu'édicté par la loi 6 Édouard VII, chapitre 11, section 1, est amendé en y ajoutant les mots suivants: "ou à moins qu'un certificat n'ait été délivré par le percepteur du revenu provincial qu'il appartient à l'effet qu'aucun droit n'est exigible. Et tout exécuteur, fidéicommissaire, administrateur, curateur, héritier ou légataire qui enfreint les dispositions de ce paragraphe est responsable du droit exigible sur les biens transférés; et dans le cas d'obligations, de bons, d'actions ou de parts de toute banque, ou autre corporation quelconque, ayant son bureau principal dans la province, apparaissant au nom de la personne décédée, ou en fidéicommis pour elle, qui sont sujets aux droits de succession, cette banque ou corporation est responsable du droit exigible, si elle permet le transfert ou la cession de ces obligations, bons, actions ou parts avant que ce droit soit payé."

L'article 1 est amendé en retranchant les mots "qu'il appartient" dans la 5e ligne; en retranchant tous les mots qui suivent le mot "transférés" dans la 8e et 9e ligne, et ledit article est adopté.

Le comité étudie l'article 2 qui se lit comme suit:

"2. Le paragraphe suivant est inséré après le paragraphe 6 de l'article 1191g des statuts refondus, tel qu'édicté par la loi 6 Édouard VII, chapitre 11, section 1:

"6a. Le registrateur de toute division d'enregistrement de cette province qui enregistre un transport par testament ou toute transmission par succession de biens immobiliers, en vertu des dispositions de l'article 2098 du code civil, avant de recevoir des représentants de la succession un certificat établissant que le droit de succession a été intégralement payé par ladite succession, ainsi que l'exige la présente section, ou bien qu'aucun droit n'est exigible sur ces biens en vertu d'icelle (tel certificat devant être délivré par le percepteur des droits sur les successions ou le percepteur du revenu provincial, selon le cas, pour le district de revenu dans lequel la succession s'ouvre), encourt une pénalité de vingt piastres pour chaque offense."

L'article 2 est retranché.

Les articles 3 et 4 deviennent 2 et 3 et sont adoptés.

L'article 5 est réservé.

L'article 6 devient 5 et est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

Droits sur les successions

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que la Chambre concoure dans les résolutions concernant les droits sur les successions.

Adopté sur division. Les résolutions sont adoptées.

Il est ordonné que les résolutions soient renvoyées au comité chargé de l'étude du bill 197 concernant les droits sur les successions.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 197 amendant les statuts refondus concernant les droits sur les successions.

Adopté.

 

En comité:

L'article 5 devient 4 et est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. Les amendements sont lus une première fois.

Pension des officiers publics

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération certaines résolutions concernant la pension de certains officiers publics.

Adopté.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) informe alors la Chambre que Son Honneur le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de l'objet de ces résolutions et qu'il les recommande à sa considération.

 

En comité:

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose qu'il soit résolu: 1. Que la loi 56 Victoria, chapitre 13, soit abrogée et que les dispositions des articles 676 à 691, tous deux inclusivement, des statuts refondus, s'appliquent, sujet aux dispositions de la loi qui sera basée sur ces résolutions, aux membres permanents du service civil, nommés avant ou après l'entrée en vigueur de la loi en dernier lieu mentionnée.

Adopté.

2. Que la loi qui sera basée sur ces résolutions ne s'applique, quant aux personnes qui seront membres du service civil le jour où elle entrera en vigueur et qui ont été nommées le ou après le premier jour de janvier 1893, et avant son entrée en vigueur, qu'à celles qui, le ou avant le premier jour de janvier 1910, donneront avis par écrit au trésorier de la province de leur intention de se prévaloir de ses dispositions.

Adopté.

3. Que cet avis doive mentionner si la personne qui le donne désire que la période du service lui donnant droit à une pension commence à courir du temps où la loi qui sera basée sur ces résolutions entrera en vigueur ou de la date de sa nomination.

Adopté.

4. Que si la personne qui donne l'avis mentionné dans la deuxième résolution y déclare qu'elle désire que cette période commence à courir de la date de sa nomination, cette période ne commence tout de même à courir que de la date de l'entrée en vigueur de la loi qui sera basée sur ces résolutions, à moins que, dans les dix années subséquentes, cette personne ne paie mensuellement ou annuellement, au choix de l'intéressé, au trésorier de la province, avec intérêt capitalisé chaque année, une somme égale au total des retenues qui auraient été faites sur son traitement si la loi 56 Victoria, chapitre 13, n'avait pas été passée.

Adopté.

5. Que, si un officier auquel s'applique la résolution quatrième meurt ou s'il est mis à la retraite avec pension avant que la somme mentionnée dans ladite résolution soit intégralement payée en principal et intérêt, cet officier ou sa veuve ou ses enfants, selon le cas, aient droit à cette pension comme ils y auraient eu droit si ce paiement avait été fait intégralement; mais que la balance de la somme restant due à l'époque dudit décès ou de ladite retraite, et l'intérêt sur icelle, soient retenus sur la pension mensuelle payable en ce cas, par tels montants que pourra fixer le lieutenant-gouverneur en conseil.

Adopté.

6. Que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse permettre, à un officier permanent du service civil demandant une pension après dix années de service comme tel, d'ajouter ses années de service comme secrétaire particulier à ses années de service comme tel officier permanent.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues deux fois et adoptées.

Il est ordonné que ces résolutions soient renvoyées au comité général chargé de l'étude du bill 201 amendant la loi concernant la pension des officiers publics.

Pension des officiers publics

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 201 amendant la loi concernant la pension des officiers publics soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité:

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Cette loi fait revivre l'ancienne loi de pension. On devrait étudier cette question et voir s'il n'y aurait pas mieux à faire que de s'en tenir aux vieilles dispositions. Il critique les clauses les une après les autres et suggère un système basé sur le principe d'assurance.

Les articles 1 et 2 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 3 qui se lit comme suit:

"3. Si la personne qui donne l'avis mentionné dans la section 2 y déclare qu'elle désire que cette période commence à courir de la date de sa nomination, cette période ne commencera tout de même à courir que de la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, à moins que dans les dix années subséquentes cette personne ne paie au trésorier de la province, avec intérêt capitalisé chaque année, une somme égale au total des retenues qui auraient été faites sur son traitement si la loi 56 Victoria, chapitre 13, n'avait pas été passée.

"Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, chaque fois que, dans son opinion, des circonstances spéciales rendent la chose justifiable, accorder un délai additionnel ne dépassant pas cinq années pour permettre d'effectuer ce paiement."

L'article 3 est amendé en insérant après le mot "paie", dans la sixième ligne, les mots "mensuellement ou annuellement, au choix de l'intéressé", et ledit article est adopté.

Le comité étudie l'article 4 qui se lit comme suit:

"4. Si un officier auquel s'applique la section 3 de la présente loi meurt ou s'il est mis à la retraite avec pension avant que la somme mentionnée dans ladite section soit intégralement payée en principal et intérêt, cet officier ou sa veuve ou ses enfants, selon le cas, ont droit à cette pension comme ils y auraient eu droit si ce paiement avait été fait intégralement; mais la balance de la somme restant due à l'époque dudit décès ou de ladite retraite, et l'intérêt sur icelle, seront retenus sur la pension mensuelle payable en ce cas par tels montants que pourra fixer le lieutenant-gouverneur en conseil."

L'article 4 est amendé en remplaçant dans les 1re et 4e lignes le mot "officier" par le mot "fonctionnaire" et en retranchant dans la 8e ligne les mots "dit" et "dite", et l'article ainsi amendé est adopté.

Les articles 5 et 6 sont adoptés.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Code municipal concernant la décence et les bonnes moeurs

M. Walker (Huntingdon) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 231 amendant le code municipal concernant la décence et les bonnes moeurs soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

M. Walker (Huntingdon) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Walker (Huntingdon) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Tribunaux d'enfants

La Chambre reprend le débat ajourné mercredi, le 5 mai dernier, sur la motion proposée: Attendu que le Parlement fédéral, au cours de la session 1907-1908, a adopté une législation instituant des tribunaux spéciaux dits "tribunaux d'enfants" ("Juvenile Courts", 7-8 Édouard VII, chapitre 40); Attendu que, tout en instituant lesdits tribunaux, le pouvoir central a laissé à chaque province l'initiative de la création dans ses limites respectives desdits tribunaux; Attendu qu'il est à propos dans la province de Québec de tirer parti de cette loi et d'exercer l'initiative qui a été conférée à la province par le pouvoir fédéral; Cette Chambre émet le voeu que le gouvernement procède à créer dans la province, partout où les besoins l'exigeront, des tribunaux d'enfants ("Juvenile Courts") en s'inspirant de l'esprit de la législation fédérale.

La motion étant soumise à la Chambre, elle est résolue dans l'affirmative.

Démission de M. Turgeon

Un député donne lecture d'une lettre de l'honorable Adélard Turgeon, et cette lettre se lit comme suit:

Je n'ai pas entendu le discours de M. Prévost, mais j'ai lu le compte rendu du Chronicle de ce matin. Après avoir pris communication de ce compte rendu, j'ai immédiatement écrit à M. Prévost pour le remercier du témoignage de confiance qu'il m'a donné et pour lui dire en même temps que je désapprouve entièrement sa façon d'expliquer ma sortie du cabinet. Je lui affirme, sur l'honneur, sur tout ce que j'ai de plus cher au monde, que j'ai quitté le ministère de ma propre initiative et malgré les sollicitations les plus pressantes du premier ministre. Je lui ajoute que, bien que je n'aie pas à juger ses relations personnelles ou politiques avec Sir Lomer Gouin, je ne puis pas, sachant ce que je sais, lui permettre de se servir de mon nom pour attaquer M. Gouin.

Celui-ci m'a toujours honoré de son amitié et de sa confiance, et je n'ai toujours eu pour lui que des sentiments d'estime et d'admiration. J'espère que M. Prévost, qui a bien voulu dire hier qu'il me tenait pour un honnête homme, acceptera ma déclaration telle quelle.

(Signé)
Adélard Turgeon

Ajournement des travaux

M. Tellier (Joliette) propose que, lundi étant fête légale, la Chambre ne reprenne ses séances que mardi après-midi, à 3 heures.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande à l'opposition s'il n'y aurait pas moyen de proroger mercredi ou jeudi.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) répond que tout dépendra du budget.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), que, lorsque cette Chambre s'ajournera aujourd'hui, elle soit ajournée jusqu'à mardi prochain, à 3 heures p. m.

Adopté.

La séance est levée à 11 heures.

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NOTES

 

1. Selon le Montreal Daily Star, M. Bourassa aurait entamé cette partie du discours à la séance de l'après-midi, mais les autres journaux confirment que ces paroles ont été prononcées à la séance de l'avant-midi.

2. Et M. Bourassa, la voix subitement chargée d'émotion, se tourne vers M. Lavergne.

3. Selon les journaux, il y aurait eu des discussions au sujet de ces résolutions.