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Version finale

12e législature, 2e session
(15 mars 1910 au 4 juin 1910)

Le mardi 10 mai 1910

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 4 heures1.

 

Lecture de pétitions:

Conformément à l'ordre du jour, les pétitions suivantes sont lues et reçues par la Chambre:

- des citoyens de la paroisse de Saint-Ours, de Saint-Joseph de Sorel, de Saint-Pierre de Sorel, de Sainte-Anne de Sorel, de Saint-Roch de Richelieu (M. Cardin), des citoyens de la paroisse de Saint-Antoine de Châteauguay (M. Mercier), des contribuables de Valleyfield (M. Plante), des contribuables de Laprairie (M. Patenaude), des contribuables de Saint-Isidore et de Laprairie (M. Patenaude), des contribuables de Saint-Esprit (M. Sylvestre), demandant certains amendements à la loi des licences.

Sociétés coopératives agricoles

L'honorable M. Caron (L'Islet) demande la permission de présenter le bill 33 concernant les sociétés coopératives agricoles.

Le bill permet de faire vendre les produits des fromageries à l'encan.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Taxe sur les transferts d'actions, de bons, d'obligations ou d'actions-obligations

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) demande la permission de présenter le bill 35 amendant la loi imposant une taxe sur les transferts d'actions, de bons, d'obligations ou d'actions-obligations.

Le bill exempte de la taxe les municipalités, les institutions de charité et scolaires.

M. Tellier (Joliette) fait remarquer que jamais, en votant cette loi, il n'avait eu l'intention de frapper d'une taxe l'émission des débentures par les corporations commerciales ou autres.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) répond qu'il étudiera la question de savoir s'il ne serait pas mieux d'exempter de cette taxe non seulement les opérations que nous venons de mentionner, mais aussi l'émission des débentures par toutes les corporations commerciales ou autres.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Droits sur les successions

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) demande la permission de présenter le bill 7 amendant la loi de Québec relative aux droits sur les successions.

Il enlève les 5% de taxe grevant les héritages sis en dehors des possessions britanniques.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Décès d'Édouard VII

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Monsieur l'Orateur, nous avons, vendredi dernier, ajourné nos débats sous le coup de la stupéfaction, à la première nouvelle de la mort de notre bien-aimé souverain. Depuis, une atmosphère de deuil a enveloppé le globe entier, et il n'est pas exagéré de dire qu'elle pèse lourdement sur tout le monde civilisé. Avant de reprendre nos travaux, il nous incombe, je crois, de voter une adresse qui portera à Sa Majesté le respectueux hommage de notre douleur et de notre fidélité.

Le vrai chagrin conseille le silence; aussi me garderai-je bien d'entreprendre l'éloge du regretté monarque qui vient de s'endormir dans la paix du devoir accompli. Et, d'ailleurs, comment trouver une forme nouvelle pour traduire nos sentiments? Depuis trois jours, dans les journaux, dans les temples, sur les places publiques, toutes les phrases, tous les mots émus ont été employés, et dans toutes les langues, pour louer la sagesse, la bonté et la grandeur d'Édouard VII, pour déplorer sa mort; car, on l'a dit avec infiniment de vérité, celui qui était hier notre roi appartenait à la famille des nations, et c'est pourquoi sa mémoire est pleurée non seulement par les millions de citoyens qui se réclament avec fierté du titre de sujets britanniques, mais aussi par tous les peuples de la terre.

C'est le douloureux privilège de notre Parlement - notre Chambre est la seule dans tout l'Empire qui soit en session - composé en grande majorité de descendants de la France, de cette nation si longtemps rivale, ennemie même de l'Angleterre mais aujourd'hui sa meilleure alliée, de pouvoir le premier adresser à notre gracieux souverain, ainsi qu'à sa noble compagne, l'expression attendrie de nos condoléances, l'assurance de notre attachement et nos voeux de gloire et de bonheur.

Mais ce n'est pas, Monsieur l'Orateur, par des plaintes et des lamentations qu'il convient de célébrer ceux qui laissent une grande mémoire; c'est plutôt par de fortes et de mâles louanges qui peignent leur vie et leurs oeuvres sous des traits saisissants et les offrent en exemple aux générations qui passent.

Il y a 10 ans, lorsque la reine Victoria, la première reine constitutionnelle que la Providence ait donnée à l'Angleterre, descendit dans la tombe au milieu des regrets et de la vénération de tout son peuple, la guerre sévissait dans l'Afrique-Sud. Nous avons encore tous au coeur le souvenir de ces jours sombres; plusieurs craignaient que le règlement des conflits qui ensanglantaient la terre africaine fût au-dessus des moyens du nouveau roi; quelques-uns allaient jusqu'à prédire le commencement de la décadence du grand empire. Mais le prince de Galles, que la bonne population de Québec avait vu en 1860 débordant de jeunesse et d'enthousiasme, le prince de Galles avait, par un long apprentissage, appris le gouvernement des hommes et des choses, et il arrivait au trône de son auguste mère, armé pour les grandes tâches, l'âme mûrie, forte et remplie de sagesse. La sagesse du roi a rehaussé le prestige de l'Empire et l'a renforcé. Le premier soin d'Édouard VII, sa première oeuvre, fut de rétablir la paix dans l'Afrique-Sud, et il le fit en un grand geste: en accordant aux révoltés de la veille les libertés constitutionnelles que son illustre mère avait autrefois données au Canada.

Et depuis, pour répéter certaines expressions d'opinion typiques que nous lisions ces jours derniers dans la presse, il s'est montré toujours "a king among kings, a statesman among statesmen, a man among men"; il a été à la fois "le modèle le plus parfait et des rois et des hommes d'État", "le premier ambassadeur de son pays", "le plus constitutionnel des monarques et le plus démocrate des souverains".

Trois mots pourraient résumer son règne: clairvoyance, modération et fermeté. Il a passé sa vie de roi à s'efforcer de substituer à la guerre la justice et la paix, à la haine, l'amour et la fraternité; tous les jours il a travaillé, et d'une façon active, au rapprochement et au bonheur des peuples. Durant son règne, la paix ne cessa de régner et l'Angleterre n'entreprit aucune guerre; et c'est pourquoi il est bien mérité - l'histoire le proclame - ce titre de "roi de la paix" avec lequel il descend dans la tombe.

Le chancelier d'Aguesseau disait dans une de ses fameuses mercuriales qu'il n'est rien de plus auguste en même temps que de plus agréable sur la terre que la suprême grandeur jointe à la suprême bonté2. Monsieur l'Orateur, il n'est pas de poste plus élevé que celui qu'occupait Édouard VII. Il s'en est toujours montré digne, et la presse étrangère fait écho à celle de l'Empire britannique pour proclamer qu'il fut un grand et un bon roi. Jamais souverain n'a été plus dévoué à son pays, comme jamais souverain n'a mieux aimé son peuple et n'en a été aussi aimé. Il transmet à ses successeurs un diadème orné d'un nouveau fleuron, la paix réalisée. Son règne a fait la gloire de son pays, et il comptera comme un bienfait pour l'humanité.

En ce temps où, dans le désir de le perfectionner davantage, on réclame la réforme du système constitutionnel qui a fait l'orgueil de l'Angleterre et l'admiration de l'univers, ce pacificateur - je voudrais pouvoir dire cet "harmonisateur" - était peut-être plus nécessaire que jamais à son pays. Mais il nous est permis d'envisager l'avenir avec confiance: le souverain qui vient de lui succéder a profité des enseignements de la cour sous deux règnes glorieux et, il nous en donne l'assurance, le but de toute sa vie sera de suivre les traces de son prédécesseur.

Monsieur l'Orateur, je ne veux pas reprendre mon siège sans offrir un tribut d'hommages attendris à la noble femme qui, durant plus de 40 ans, a été la compagne du grand roi que nous pleurons. L'univers entier entoure de sa sympathie la reine douairière; je suis sûr d'être l'interprète de mes concitoyens en disant que son affliction ne trouve nulle part un écho plus fidèle que dans la province de Québec.

Les phrases les plus émues ne sont qu'un éloge bien médiocre devant la pieuse douleur qui remplit l'âme populaire. En effet, elle est grande, elle est profonde, elle est générale, cette douleur, non seulement ici, dans notre bonne province, mais sur tous les points du globe où flotte le drapeau anglais. Et, si le deuil est universel, d'autre part, une même conviction affermit tous les coeurs: c'est que Sa Majesté sera le digne successeur des souverains qui ont, en ces derniers temps, illustré le trône d'Angleterre. Tels sont, Monsieur l'Orateur, les sentiments que nous voulons dire à Sa Majesté par l'adresse que j'ai l'honneur de soumettre à cette assemblée.

Il propose, appuyé par le représentant de Joliette (M. Tellier), qu'une humble adresse soit présentée à Sa Très Excellente Majesté le roi George V, dans les termes suivants:

À Sa Très Excellente Majesté le roi
Très Gracieux Souverain,

Nous, les fidèles et loyaux sujets de Votre Majesté, de l'Assemblée législative de la province de Québec, réunis en Parlement, désirons vous exprimer la sincère et profonde douleur que nous a causée la mort de notre souverain bien-aimé Édouard VII.

Nous prions Votre Majesté de croire que nous prenons une large part aux regrets universels que la perte soudaine de votre royal père a provoqués.

Nous pleurons en lui un monarque qui rêva avant tout le rapprochement des peuples et la paix mondiale. Respectueux des grands principes de la constitution britannique, il sut, par sa largeur d'esprit, sa tolérance et le charme exquis de sa personnalité, créer un lien puissant de cohésion entre les diverses parties de la patrie commune et réunir en un faisceau solide les rameaux du plus grand empire qui ait existé.

Représentants de la province de Québec, nous constatons avec bonheur que ce grand roi a présidé au développement de l'idée d'une nation canadienne forte et dévouée aux intérêts de la métropole. Conscient de la haute et noble mission qu'il avait à remplir, il a su, par le soin qu'il apporta à respecter nos lois, nos traditions, nos aspirations et nos libertés les plus chères, s'attirer en retour notre admiration et notre amour.

Nous prions le Dieu de toute bonté d'apporter à Votre Majesté, à la reine, à la reine douairière et aux autres membres de la famille royale, dans cette heure de deuil et d'angoisse, les consolations dont il est le souverain dispensateur.

Nous saluons avec la même sincérité l'avènement de Votre Majesté au trône de vos ancêtres; et nous vous donnons l'assurance que nulle part l'attachement à votre personne et à votre gouvernement ne sera plus entier que dans cette province.

Le souvenir ineffaçable qui nous est resté de vos visites nous confirme dans la confiance que, sous le règne de Votre Majesté, nous jouirons de nos libertés civiles et religieuses dans toute leur plénitude, et que le prestige et l'influence de l'Empire continueront à grandir.

M. Tellier (Joliette): Monsieur l'Orateur, j'applaudis aux paroles du premier ministre et je me fais un devoir sacré d'appuyer sa proposition.

Ce sont véritablement les sentiments de cette Chambre et ceux du pays tout entier qu'il vient de nous exprimer et qu'il a consignés en substance dans l'adresse que nous sommes invités à voter.

Mes remarques seront brèves, parce que je ne vois guère ce que je puis avoir à ajouter après ce qu'il a dit.

Toute la province est aujourd'hui dans l'émotion et le deuil, à cause de la perte que vient de faire l'Empire britannique dont elle fait partie.

Ce n'est pas seulement de la loyauté, c'est un vif sentiment de confiance, d'attachement et de sincère affection que notre peuple entretenait à l'égard du feu roi.

Il sentait que, avec lui comme avec son illustre mère, la bien-aimée reine Victoria, ses droits étaient sauvegardés et ses libertés n'étaient nullement tempérées.

Édouard VII fut effectivement un roi modèle, dont le souvenir vivra glorieux dans la mémoire du peuple et dans l'histoire.

Son règne, hélas, fut de trop courte durée!

La mort est venue le ravir à ses peuples dans un temps où, selon les calculs humains, semble-t-il, sa vie leur était des plus nécessaires.

Sur cette auguste tombe, où repose aujourd'hui le roi le plus puissant du plus puissant des empires, nous déposons avec nos prières et nos voeux de chrétiens l'hommage de nos respectueux regrets.

À la reine éprouvée qui vient de perdre ce qu'elle avait de plus cher au monde et à toute la famille royale, nous offrons l'expression de nos plus vives sympathies.

Nous avons changé de règne, un nouveau souverain vient de monter sur le trône.

C'est maintenant George V qui préside aux destinées de l'Empire.

Nous saluons avec empressement l'avènement de notre nouveau roi. À lui notre allégeance! À lui notre foi! À lui tous nos voeux!

Il ne peut manquer, nous en avons l'assurance, de continuer les glorieuses traditions du règne qui vient de finir.

Comme son illustre père et devancier, il fera reposer sa gloire sur le bonheur et le contentement de ses sujets. Puisse-t-il être, comme lui, l'ami et l'artisan de la paix entre les peuples!

Que Dieu lui donne longue vie et règne fécond!

Sous le nouveau roi, comme sous ses devanciers, la province de Québec restera fidèle au trône et loyale à l'Empire.

M. l'Orateur lit l'adresse en anglais et en français.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) prend la parole afin de bien marquer dans les circonstances toutes les nuances d'opinion.

Dans les circonstances douloureuses que nous subissons, je me dois de me lever pour déclarer que tous les tenants de toutes les doctrines politiques prêchées au pays, qui se divisent sur les meilleures méthodes de gouverner la province, sont d'accord et ne font qu'un pour pleurer la perte du grand roi disparu. Dans cette grande douleur qui nous frappe, il nous est donné un motif de réjouissance: c'est que la première manifestation de sympathie qui ait été publiée soit venue de la province française et catholique de Québec, dont la législature est la seule qui soit en session dans tout l'Empire.

Notre législature est le premier corps législatif qui ait l'occasion d'offrir ses sympathies à la famille royale.

M. Goldwin Smith, auquel le roi défunt avait envoyé un témoignage de sympathie il y a quelques mois à peine, avait été professeur d'histoire et de droit constitutionnel d'Édouard VII. Je me rappelle qu'au cours d'une réunion intime à Toronto, comme on lui demandait quelle était la qualité maîtresse du roi (il venait de monter sur le trône), le vieux professeur d'Oxford répondit: C'est le tact. Cette qualité, Édouard VII ne s'en est jamais départi jusqu'à sa mort.

Le tact lui fit accomplir dans un espace de temps relativement restreint des réformes considérables qui ont presque révolutionné la politique mondiale. Il fut grand homme d'État parmi les hommes d'État. Il fut grand diplomate parmi les diplomates. Il a manifesté son tact dans ses relations avec ses peuples et avec l'étranger. Il a pu cicatriser des plaies qui paraissaient béantes et exercer sur la vie intérieure et extérieure de son empire la plus salutaire des influences. Il a consolidé son empire par de nombreuses alliances et assuré la paix dans le monde. Il a donné une admirable leçon au monde entier, à savoir qu'un roi est roi dans la mesure où il respecte la liberté de ses sujets. Lorsqu'il a fait des traités, il a agi avec tact et fait preuve de jugement. Il a observé cette règle sans jamais aller au-delà de ses prérogatives.

À son fils, le roi George V, le défunt souverain a donné un admirable exemple de la façon dont un roi peut diriger les affaires d'un empire sans aller au-delà de son rôle constitutionnel.

Il semble tout à fait naturel que la vieille province de Québec, catholique et canadienne-française, dépose l'expression de ses regrets sur la tombe d'un monarque dont on se souviendra longtemps. La province de Québec aura pour lui la mémoire du coeur, de la raison et du sentiment.

En terminant, il dit qu'il n'ajoutera rien aux pronostics heureux du règne de George V. Comme le premier ministre l'a très bien dit, la promesse certaine d'un règne heureux et fécond se trouve dans le noble discours que le nouveau roi a prononcé à son avènement. Il lui souhaite un long règne couronné de succès.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond3): La présente session de ce Parlement a été convoquée pour répondre à l'appel de notre souverain, le roi Édouard VII. Elle sera prorogée au nom de Sa Majesté George V. Dans la circonstance, la présente session aura une place unique dans les annales de notre histoire. Elle servira à démontrer que nous ne sommes et ne poursuivons que des ombres.

Lorsque la nouvelle du décès du roi Édouard VII a atteint nos rives, le sentiment d'une lourde perte au plan personnel fut ressenti par ses fidèles et loyaux sujets de toutes classes et de toutes conditions sociales, dans les résidences des grands comme dans les maisons des petites gens, et à la fin de nos délibérations la Chambre présentera le triste spectacle d'un Parlement en deuil de son souverain.

Maintenant que nous nous remettons du choc terrible causé par son décès soudain et inattendu, nous pouvons en cette occasion considérer dans le calme et la réflexion le personnage et son règne. Son illustre prédécesseur et sa mère, Victoria, d'heureuse mémoire, a mis fin au plus long règne de nos annales, laissant un nom qui aura droit à jamais à la vénération du public et dont la mémoire est impérissable. Sous son règne salutaire, l'Empire prospéra et atteignit une grandeur et une puissance sans pareilles. En assumant la couronne et le sceptre, ses premières déclarations publiques furent ces mots: Je suivrai les traces de ma mère. À l'époque, ces mots étaient remplis de signification pour l'Empire. La fidélité avec laquelle il a tenu sa promesse entrera à jamais dans la postérité.

La politique britannique de l'époque victorienne a favorisé le progrès de la civilisation, l'amélioration du sort de l'humanité, la liberté constitutionnelle, l'expansion et l'union des colonies, elle a contribué à l'intégrité et à la puissance de l'Empire, ainsi qu'à la paix dans le monde, tout en conservant sa dignité nationale.

Les jours sombres de la guerre des Boers ont terni les derniers jours de son règne, mais Édouard fut le "Pacificateur" et les cendres de la guerre ont fait naître une confédération d'États autonomes en Afrique du Sud, où les vainqueurs et les vaincus ont obtenu, sous le drapeau britannique, des droits et des privilèges égaux aux plans juridique, religieux et linguistique, et main dans la main ils sont devenus les artisans d'une grande destinée qui s'est dessinée devant eux. Ce grand chef-d'oeuvre de politique constructive sera le monument le plus impérissable à la mémoire du roi Édouard VII.

L'avènement de la confédération des possessions britanniques en Amérique du Nord caractérise l'histoire coloniale du règne victorien. Au-delà de 40 années d'expérience ont donné au monde une illustration concrète de la façon avec laquelle, par une volonté intelligente et résolue, et en observant solennellement les anciens traités, les descendants de deux grandes races de langue et de religion distinctes ont posé, dans l'union, les fondements profondément enracinés d'un grand dominion dont la marche phénoménale et irrésistible vers le progrès est source d'envie et d'admiration dans le monde.

La confédération sud-africaine s'est inspirée de la glorieuse expérience du Canada, elle fit de ce pays son émule.

Lorsqu'on écrira l'histoire du roi Édouard VII, on rapportera que c'est sous son règne que les dominions de Sa Majesté au-delà des mers ont abandonné leur statut colonial et qu'ils ont assumé leur statut de nation dans la dignité. En reconnaissance de leurs nouvelles responsabilités et avec la perspective de préserver l'héritage de l'Empire de tout danger qui le menace, par terre ou par mer, la divine Providence a permis au roi Édouard VII, qui déjà s'est éteint, de voir le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande aller pour la première fois de l'avant en vue de défendre le grand empire dont ils font partie contre toute attaque éventuelle de l'ennemi étranger, mais par-dessus tout pour la noble cause qui consiste à assurer une paix durable dans le monde.

Lorsque le roi Édouard VII accéda au trône, la Grande-Bretagne vivait une période qui fut décrite comme celle du "splendide isolement"; tellement solitaire dans la mer du Nord, entourée de ces milliers d'Européens aguerris. L'objectif suprême de la politique du roi Édouard VII fut de préserver la paix dans le monde et d'émanciper l'Empire de sa politique d'isolement. Homme d'expérience accompli, sage diplomate, personnage très influent et populaire, il fut également celui qui accomplit de grandes réalisations dans l'intérêt de la paix. Il a habilement conclu des alliances politiques en Europe, qui ont permis de faire échec aux guerres éventuelles, et sa dernière réalisation, mais non la moindre, fut de conclure l'Entente cordiale entre l'Angleterre et la France, qui s'est traduite par un rapprochement entre ces deux nations, qui non seulement a eu des répercussions sur la politique européenne en assurant l'harmonie entre les nations, mais dont les flots pacificateurs ont atteint les rives du Saint-Laurent; et les deux grandes races qui forment le dominion sont fières d'avoir été témoins de la réconciliation de leurs mères patries, malgré toutes leurs malheureuses mésententes et différences.

Dans son pays, le roi Édouard VII était aimé et honoré de ses sujets, et à l'étranger les nations et dynasties le vénéraient et lui faisaient confiance. Il possédait toutes les qualités qui sont dignes de l'héritier du trône et tous les traits distinctifs qui lui ont mérité le titre de premier gentleman d'Europe.

Les temps de paix sont des victoires parfois même plus grandes que les temps de guerre. En tant que grand soldat pour la paix, le nom d'Édouard VII restera illustre à jamais.

L'honorable M. Kaine (Québec-Ouest): Je ne peux me permettre de laisser passer ce triste événement sans dire un mot sur cette motion.

J'aimerais, au nom du groupe que j'ai l'honneur de représenter plus particulièrement au sein du gouvernement de la province et en mon nom, qu'il soit bien compris qu'il n'y a pas, au sein de notre population, de groupe qui s'unisse avec plus de sincérité que les Irlandais pour déplorer la perte de notre aimé souverain qui vient de mourir, et qu'aucun groupe n'approuvera avec autant de coeur l'hommage respectueux qu'il nous est demandé d'accorder, en tant que législature, à son honorée mémoire.

Il n'y a pas de discorde entre la race irlandaise et les héritiers du trône britannique, ni au pays ni à l'étranger.

Par ailleurs, les Irlandais savent vite reconnaître un ami et, lorsque Édouard VII hérita du trône, ils ont instinctivement senti qu'ils avaient trouvé en lui un personnage qui avait dans son coeur un coin chaleureux pour le peuple irlandais et dont l'influence se ferait sentir aussi loin que possible pour leur bénéfice et, depuis, l'amélioration du sort des Irlandais, ainsi que des relations entre les deux pays, fournit la meilleure preuve qu'ils ne se sont pas trompés dans leur évaluation de l'homme et du souverain.

De fait, il est indéniable que l'Irlande et l'Angleterre n'ont jamais été en aussi bons termes et il n'y a pas de doute que cette situation bénéfique est en grande partie due au bon travail d'Édouard le Pacificateur.

D'autres grandes et bonnes qualités ont contribué à faire du monarque décédé un personnage qui était, à juste titre, si populaire, mais il n'est pas nécessaire pour moi d'en parler après tout ce qui a été si bien dit à ce sujet. Qu'il suffise de dire que les Irlandais, chez eux ou à l'étranger, sujets britanniques ou non, n'ont qu'un immense respect et une grande admiration pour feu Édouard VII et ne peuvent qu'éprouver un sincère chagrin pour cette perte et pour la gravité du malheur qui frappe l'Empire et la civilisation.

Leur seul espoir est que le roi George V suive les traces de son regretté père.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) fait remarquer que sa position est quelque peu différente des autres membres, en ce sens qu'il a déjà été membre du Parti irlandais à la Chambre des communes britannique. Il dit qu'il a appartenu à un parti qui n'a peut-être pas toujours pleinement partagé les sentiments du peuple de Québec, mais il veut souligner que le chagrin ressenti pour le roi est universel.

Il ajoute que les Irlandais, malgré leurs luttes pour le "Home Rule", n'ont aucune querelle avec le trône d'Angleterre. Ils ont toujours considéré personnellement Édouard VII comme un ami; et il leur a prouvé que c'était avec raison.

Le coeur des Irlandais est un coeur loyal et, bien qu'ils ne puissent témoigner de toute la loyauté dont ont fait preuve les Canadiens français, ils ressentent tout de même un immense chagrin pour la mort du défunt souverain. Et c'est dans le respect et la sympathie que je suis entièrement d'accord avec les remarques du député de Québec-Ouest (l'honorable M. Kaine).

M. Gault (Montréal no 5): Le roi Édouard VII fut un grand monarque, non pas dans les guerres, mais pour avoir été à la tête d'une monarchie constitutionnelle. Il a travaillé pour la paix au sein de l'Empire et sans l'Empire, ce qui lui valut avant tout le titre de grand roi. Pour cette raison, sa perte est aujourd'hui regrettée à l'échelle universelle.

La proposition est adoptée.

Il est ordonné que ladite adresse soit grossoyée et signée par l'Orateur de cette Chambre.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Joliette (M. Tellier), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif, informant leurs honneurs que l'Assemblée législative a adopté ladite adresse et demande leur concours.

Adopté. Il est ordonné que le greffier porte ledit message au Conseil législatif.

Travaux de la Chambre

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose qu'à compter de jeudi prochain les affaires ministérielles aient préséance à la Chambre.

M. Tellier (Joliette) s'objecte. Il suggère que les mercredis soient réservés à la législation privée et que les interpellations aient préséance, comme à Ottawa, sur toutes les affaires ministérielles de la semaine.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), qu'à commencer de jeudi, le 12 mai courant, les avis de motions et les ordres du gouvernement aient préséance à toutes les séances de la Chambre, excepté le mercredi après les interpellations qui auront la priorité à toutes les séances.

La proposition est adoptée.

Loi des jeunes délinquants

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), que demain la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération des résolutions concernant la loi relative aux jeunes délinquants.

Adopté.

Magistrat de district aux Îles-de-la-Madeleine

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), que demain la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération des résolutions concernant la nomination d'un magistrat de district sur les Îles-de-la-Madeleine.

Adopté.

Enseignement forestier

L'honorable M. Allard (Drummond) propose, appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que demain la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération des résolutions concernant une subvention pour aider à la création et au maintien d'un enseignement forestier dans la province de Québec.

Adopté.

Faillite de la Banque d'Échange

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Québec-Ouest (l'honorable M. Kaine), que demain la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération des résolutions concernant la somme de $25,218.75 perdue par la faillite de la Banque d'Échange.

Adopté.

Réclamation T. McGreevy

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Québec-Ouest (l'honorable M. Kaine), que demain la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération des résolutions concernant l'élimination de l'item: "Réclamation "in re" feu l'honorable Thomas McGreevy, $100,000", compris dans l'actif de la province de Québec.

Adopté.

Comité spécial sur la sécurité publique

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard):

Attendu que la plupart des municipalités rurales n'ont pas usé de la faculté que leur confère la loi d'organiser un corps de police chargé de veiller à la sécurité, d'assurer le maintien de l'ordre et de prévenir les crimes et les délits;

Attendu qu'il n'existe pas, sauf dans quelques grands centres de population, d'agents de police expérimentés ayant mission de chercher les offenses criminelles, d'en rassembler les preuves et d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir;

Attendu qu'il est résulté de cet état de choses que des crimes graves portant atteinte à la sécurité des personnes et de la propriété ont pu être perpétrés et que les coupables ont réussi à échapper à la répression, malgré l'assistance donnée par les officiers de la police et les agents de sûreté du gouvernement;

Attendu que l'augmentation de la population, le développement des affaires et l'affluence des étrangers rendent nécessaire la formation d'un système de police plus efficace;

Attendu que, dans l'organisation de ce système, il importe de tenir compte des conditions locales et de respecter l'autonomie des municipalités et qu'en conséquence il convient de prendre l'avis des autorités municipales, des représentants du commerce et de l'industrie, ainsi que des personnes qui s'occupent de la prévention des crimes et de l'administration de la justice criminelle;

Qu'il soit résolu qu'un comité spécial de cette Chambre composé des honorables MM. Taschereau et Mackenzie, de MM. Tellier, Patenaude, Tessier, Tourigny, D'Auteuil, Francoeur, Vilas et du proposeur soit formé, avec instruction de s'enquérir des moyens propres à prendre aux fins d'organiser, de maintenir et de payer un corps de police capable d'assurer le maintien de l'ordre public, la sûreté des personnes et la sauvegarde de la propriété, aussi bien que la punition des crimes, dans toute l'étendue de la province;

Que ce comité ait le pouvoir d'envoyer quérir papiers et personnes et de prendre des témoignages sous serment, par écrit ou autrement, d'entendre toutes suggestions de nature à l'éclairer, et qu'il fasse rapport à cette Chambre de ses contestations et de ses suggestions.

Il ne croit pas devoir ajouter de longues remarques à la motion qu'il présente et détaille tous les points qu'elle contient. Les plaintes portent sur l'insuffisance des forces de police. Plusieurs succursales bancaires, ainsi que d'autres institutions commerciales, ont été implantées dans les secteurs ruraux. Il serait trop demander aux petites villes qu'elles assument entièrement la responsabilité de la protection policière, bien que certaines de ces villes aient un bon service policier. Les chambres de commerce et les institutions bancaires ont fait à ce sujet des démarches auprès du gouvernement et ont demandé qu'un système plus efficace soit établi. Ce qu'elles veulent, c'est une meilleure protection. Les dévastations récentes ont dirigé l'attention du procureur général vers ce qui se passe dans les campagnes. Tout le monde, industriels et financiers, est d'accord que les personnes et les biens ne sont pas protégés du tout. Les crimes les plus récents sont demeurés impunis.

Il faut trouver la meilleure façon de procéder et savoir où seront affectées les forces de police. Il faudra consulter les directeurs de banques, les maires des villes, les chefs de police et d'autres personnes intéressées, afin de voir comment les forces policières de la province seront renforcées. On veut un système policier efficace et l'on nommera un comité qui enquêtera et présentera un rapport des résultats à cette fin. Cette question sera étudiée sérieusement et on travaillera pour la réorganisation du système de la police dans la province, en autant que le gouvernement pourra le faire, car on ne doit pas oublier, en effet, que le gouvernement n'est pas seul responsable de la sécurité publique, mais que les municipalités doivent également concourir à ce but simultanément avec lui.

M. Tellier (Joliette) approuve la conduite du gouvernement sur cette importante question. Il signale qu'il n'est pas spécifié dans la résolution si ce sera le gouvernement ou les autorités provinciales qui contrôleront cette force policière. Il trouve que le premier ministre et le procureur général ont bien attendu avant de faire preuve d'énergie. Il dit que la session est trop avancée pour que le comité puisse faire son travail et présenter un rapport à la Chambre.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Pour le moment, il s'agit de faire enquête. Le comité pourra présenter son rapport à la prochaine session s'il n'est pas prêt avant la fin de la présente session.

La proposition est adoptée sur division.

Paroisse de Saint-Paul, comté de Joliette

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 25 pour remédier à la perte de certains registres de l'état civil pour la paroisse de Saint-Paul, dans le comté de Joliette, soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Loi de la chasse

L'honorable M. Devlin (Nicolet) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 21 amendant la loi de la chasse de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

Le premier point touché par la nouvelle loi est: d'étendre jusqu'en 1912 le temps prohibé de la chasse au castor dans la zone no 1.

2. Changement du temps de la chasse au rat musqué, qui serait en automne au lieu du printemps, d'avril au mois de novembre.

3. Prolonger jusqu'en 1912 le temps où la chasse et la vente de la perdrix seront prohibées.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

Loi des mines

L'honorable M. Devlin (Nicolet) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 18 amendant la loi des mines de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

Lorsque j'ai eu l'honneur de présenter le bill amendant la loi des mines, j'ai donné quelques explications que je me propose de compléter. C'est un projet qui a pour but de modifier cette partie de notre loi qui affecte les carrières et, de plus, nous modifions aussi le prix d'achat des terrains miniers.

Voilà les deux grands traits, les points saillants de la mesure que je soumets aujourd'hui. Je pourrais même me contenter de les signaler, convaincu que la Chambre saisira facilement la portée du projet que nous sommes appelés à étudier, d'autant plus que le bill lui-même est entre les mains des députés depuis quelque temps et aussi parce que les résolutions expliquent clairement le but que le gouvernement a en vue en proposant les modifications dont je viens de parler.

À la dernière session le gouvernement a trouvé le moment propice de faire des changements notables dans la loi des mines, changements qui avaient été demandés par tous ceux qui l'avaient étudiée et qui connaissaient la situation minière dans notre province.

Nous avons remplacé le permis de recherches par le certificat de mineur; nous avons introduit le principe de piquetage, et quelques changements de moindre importance ont été faits; mais dans ces amendements nous n'avons nullement touché à la question des carrières. D'ailleurs, jusque-là, il n'y avait pas eu de plainte et c'est ainsi que cette ancienne partie de la loi est restée telle qu'elle était.

Cette année, je crois qu'il est bon d'amender la loi sous ce rapport. Et d'ailleurs, la loi des mines comme les autres lois doit de temps en temps subir des modifications suivant les exigences des circonstances et des nécessités de l'industrie minière. À la dernière session, j'ai promis que, si le besoin se faisait sentir de remédier à un mal que nous ne connaissons pas, alors j'y porterais remède, et je tiens parole.

Maintenant, Monsieur l'Orateur, je dois vous dire que, si dans le courant de l'année nous nous apercevons d'imperfections dans notre loi et même dans les amendements que j'ai maintenant l'honneur de soumettre, je les corrigerai à la prochaine session. Ce n'est pas une question de parti ou d'intérêt de parti que je veux favoriser, je n'ai qu'une seule ambition en présentant des amendements, c'est de rendre notre loi aussi parfaite que possible et de la faire de telle sorte qu'elle saura promouvoir l'industrie minière et par le fait même la prospérité de notre province.

Je demande l'étude de ces amendements et je crois que c'est une mesure sur laquelle l'entente des deux partis ne sera pas difficile.

Par toutes les anciennes lois, par les actes de concessions seigneuriales, sous l'ancien droit français, la propriété des minéraux, qui comprennent les carrières, est réservée à la couronne. À l'époque de la cession, cette propriété est passée au souverain anglais.

Quant aux cantons, dans le cas des terres patentées avant le 24 juillet 1880, toutes les mines à l'exception de l'or et de l'argent ont été abandonnées aux propriétaires de la surface. L'acte 1880 décrétait qu'à partir de cette date toutes les mines étaient réservées à la couronne. L'acte 1884 fut rendu plus explicite en spécifiant les carrières. Comme ce point n'avait jamais donné lieu à aucune difficulté, les statuts refondus de 1888, celui de 1892 et les amendements de 1909 n'ont pas affecté cette disposition.

Il s'ensuit donc que, dans le cas des carrières situées sur les terrains dont les droits de mines appartiennent à la couronne et exploitées sans permis d'exploitation, les exploitants sont non seulement en contravention avec la loi et passibles d'une amende, mais ils s'exposent aussi à voir du jour au lendemain leur carrière piquetée comme terrain minier par d'autres personnes. C'était donc pour mettre en garde les exploitants sans permis que nous les avons avertis de se mettre en règle et de se procurer un permis d'exploitation en attendant que nous puissions remédier à cet état de choses.

Nous y remédions par l'amendement qui décrète que sur les terres appartenant à des particuliers les minéraux mentionnés dans l'exception, soit les minéraux de construction ou les argiles, appartiennent au propriétaire superficiaire. L'amendement s'applique au passé comme à l'avenir.

Depuis que les résolutions ont été imprimées, on m'a fait remarquer que j'avais tort d'introduire dans mon projet les dispositions relatives à la vente des liqueurs enivrantes. Je comprends la sagesse de cette observation et, lorsque nous arriverons à la discussion du bill, je ne manquerai pas de proposer un amendement, mais pour la statistique il est bien important que le département puisse la contrôler et je demanderai que cette partie ne soit pas touchée.

Il y a des amendements qui permettront aux propriétaires des terrains de mines, pour les minéraux inférieurs, d'avoir le droit d'obtenir la concession des minéraux supérieurs de préférence à tout autre pourvu qu'ils les découvrent en exploitant les minéraux qui leur appartiennent. Ceci est pour éviter autant que possible qu'il y ait deux propriétaires différents de droits de mines sur un même terrain. S'il n'exploite pas les minéraux inférieurs le propriétaire ne possède aucun privilège au droit de préférence sur les métaux supérieurs.

Nous changeons aussi l'article 2105 des statuts refondus car il ne peut s'appliquer au cas de l'amiante sans causer de la confusion.

Il serait à peu près impossible d'évaluer la valeur de la roche amiantifère sur le carreau de la mine, comme dans le cas de minerais de cuivre, de minerais de fer, de minerais d'argent que l'on peut analyser chimiquement. On ne peut être fixé sur la valeur de la roche amiantifère qu'après en avoir extrait l'amiante. C'est pour cela qu'au lieu de nous baser sur la valeur du minerai avant traitement, tel que par l'article 2105, il faudra pour l'amiante se baser sur la valeur de l'amiante produit après le traitement.

L'inspecteur des mines devra juger quelles déductions il sera juste de faire avant de calculer le montant de droit régalien à prélever. Par exemple, il ne serait pas juste de tenir compte de frais d'administration extravagants, de frais provenant de surcapitalisation outre mesure, etc.

Par la présente loi, on peut exploiter en vertu du permis d'exploitation qui est renouvelable tous les ans et qui équivaut à un loyer annuel des terrains miniers à raison d'une piastre l'acre. Si, par exemple, un exploitant est obligé de faire des travaux de recherche et de prospection pendant trois ou quatre ans avant de se décider d'acheter le terrain minier, tout l'argent payé en loyer à une piastre par acre par année, pendant trois ou quatre ans, ne compte pas. Le présent amendement remédie à ceci: lorsque l'exploitant se décidera à acheter la concession minière, tout ce qui aura été payé comme loyer sera porté en acompte sur le prix d'achat.

Les prix du loyer annuel du permis d'exploitation sont suffisamment élevés pour décourager l'immobilisation de grandes étendues par "blanketage".

Nous pourvoyons aussi au cas de l'oblitération des bornes de terrain arpenté, et il y a un amendement pour éviter le jalonnage de "claim" de forme anormale.

Nous étendons de quatre à six mois la durée du "claim" avant d'avoir à se munir d'un permis d'exploitation, comme cela se fait dans la province d'Ontario.

Nous cherchons aussi à donner à la couronne, dans une certaine mesure, le bénéfice des découvertes faites par ses fonctionnaires sur le terrain lui appartenant. Nous changeons en même temps la pénalité qui se trouve imposée par l'article 2198; nous augmentons ces pénalités; enfin, nous avons dans les amendements actuels une disposition qui se rapporte au peu de valeur commerciale du sable ferrifère qui couvre de grandes étendues, mais dont l'épaisseur est généralement petite. Les couches de sable ferrifère n'ont souvent que quelques pouces, et le prix de $10 l'acre est de nature à nuire à leur exploitation.

La réduction du prix a pour but d'encourager l'industrie sidérurgique et le développement de ces ressources qui, autrement, pourraient rester inexploitées pendant de longues années à venir.

Voilà encore une fois, à grands traits et en peu de mots, le projet que je soumets à la considération de cette Chambre.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

Ventes de marchandises en bloc

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), que le bill 20 amendant le code civil relativement aux ventes de marchandises en bloc soit maintenant lu une deuxième fois.

Le projet de loi a pour but de protéger les créanciers des marchands. L'acquéreur sera, par cette loi, obligé de se procurer la liste des créanciers et de régler leurs créances.

Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité permanent de la législation et des lois expirantes.

Compagnies légalement constituées

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 22 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la déclaration que doivent faire les compagnies légalement constituées.

Par ce bill, une compagnie non enregistrée peut être poursuivie aussi longtemps qu'elle existe. On peut poursuivre le président ou le gérant au cours des deux années qui suivent la dissolution d'une société non enregistrée.

Adopté.

 

En comité:

L'article 1 est amendé en ajoutant à la fin dudit paragraphe les mots suivants: "Toutefois, si la compagnie cesse de faire quelque entreprise, commerce ou affaire sans s'être conformée en temps utile à la présente section, une poursuite peut être prise contre elle, son président, gérant principal ou agent en chef, qu'ils occupent ou qu'ils aient cessé d'occuper telles fonctions, dans le cours de deux années à compter du dernier jour où la compagnie a fait ces entreprise, commerce ou affaire."

Ledit article est adopté.

L'article 2 est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Charte de Saint-Jérôme

M. Mousseau (Soulanges) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 150 révisant et refondant la charte de la ville de Saint-Jérôme soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills privés.

 

Dépôt de documents:

Lots de l'île Coffin, Îles-de-la-Madeleine

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 29 avril 1910, pour copie de toute correspondance, documents, rapports, etc., relatifs aux lots 63a, 63b, 63c, d et e de l'île Coffin, dans les Îles-de-la-Madeleine. (Document de la session no 85)

Compagnies d'assurance contre l'incendie

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 2 mai 1910, pour la production de: 1. Une liste des compagnies d'assurance contre l'incendie, à fonds social, qui se sont enregistrées conformément à la nouvelle loi des assurances de Québec et qui ont fait le dépôt requis de $25,000. 2. Des compagnies d'assurance contre l'incendie qui se sont enregistrées conformément aux exigences de la nouvelle loi des assurances de Québec et qui ont fait le dépôt requis de $25,000 pour faire de l'assurance sous le système à prime fixe et sous le système mutuel. 3. Des compagnies d'assurance mutuelle qui se sont enregistrées conformément à la nouvelle loi des assurances de Québec et qui ont reçu un permis pour ne faire que de l'assurance purement mutuelle par billet de dépôt, et le montant du dépôt au Trésor qu'a fait chacune de ces compagnies. 4. Des compagnies d'assurances qui ont opéré jusqu'à ce jour dans la province de Québec et qui sont présentement en liquidation judiciaire ou volontaire, leur actif et leur passif, le nombre de polices en force et le montant des assurances en force. (Document de la session no 86)

Heures de travail des femmes et des enfants dans les manufactures

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 29 avril 1910, pour la production de copies de tous documents, correspondance et résolutions échangés entre le gouvernement et le Congrès des métiers et du travail du Canada, ou toute association ouvrière, à propos de la réduction des heures de travail pour les femmes et les enfants dans nos manufactures. (Document de la session no 87)

Poursuites intentées par D. Demers pour braconnage

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 29 avril 1910, pour la production de copie de toute correspondance et documents concernant les poursuites intentées par David Demers, garde-chasse de Saint-Gilles, comté de Lotbinière, pour braconnage. (Document de la session no 88)

Lot 13, rang E, canton Campbell, comté d'Ottawa

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 29 avril 1910, pour la production de copie de toute correspondance et autres documents concernant le lot 13 du rang E du canton Campbell, dans le comté d'Ottawa. (Document de la session no 89)

Lots 39 et 40, rang 10, canton Normandin

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 29 avril 1910, pour la production de copie de tous documents et correspondance relatifs à la concession et à l'arpentage des lots 39 et 40 du rang 10, canton Normandin. (Document de la session no 90)

Lot 7, rang 8, canton Ixworth, comté de Kamouraska

L'honorable M. Décarie (Hochelaga) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date du 29 avril 1910, pour la production de copie de tous documents, billets de location relatifs au lot 7 du rang 8 du canton Ixworth, dans le comté de Kamouraska, vendu il y a 50 ans environ à Clément Dubé. (Document de la session no 91)

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 7 h 30

The Montreal Underground and Elevated Railway Company

M. Finnie (Montréal no 4) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 6 (M. Walsh), que le bill 89 constituant en corporation The Montreal Underground and Elevated Railway Company soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est résolu que le titre soit: "The Montreal Underground Railway Company".

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

The Young Men's Christian Association, de Montréal

M. Gault (Montréal no 5) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 106 ratifiant et confirmant l'acte de vente consenti par la succession de feu John Ogilvie à The Young Men's Christian Association, de Montréal.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Gault (Montréal no 5) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

The Soulanges Power Company

M. Mousseau (Soulanges) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 132 constituant en corporation The Soulanges Power Company.

Adopté.

 

En comité:

Le préambule et les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont adoptés.

L'article 8 est amendé en retranchant dans la 3e ligne les mots "chemins, ponts".

Les articles 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 sont adoptés.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

M. Mousseau (Soulanges) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Succession C.-A.-M. Globensky

M. Perron (Gaspé) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 126 ratifiant une convention intervenue entre les représentants de la succession Charles-Auguste-Maximilien Globensky et dame Marie-Joséphine Pelland.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Perron (Gaspé) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

The Suburban Tramway and Power Company

M. Mousseau (Soulanges) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 71 amendant la charte de la Suburban Tramway and Power Company.

Adopté.

 

En comité:

M. Geoffrion (Verchères) propose un amendement à l'article 6. Cet amendement doit placer la compagnie sur le même pied que ses deux rivales: la Montreal Street et l'Underground, en décrétant que les municipalités qui lui conféreraient une franchise de plus de 10 ans seraient dispensées de soumettre cette mesure au référendum.

L'amendement se lit somme suit: Que la section 6 soit amendée en y insérant après le mot "intérêts", dans la dernière ligne, les mots suivants: "Les articles 5917, 5918 et 5919 des statuts refondus, 1909, ne s'appliquent pas à cette loi."

Que la section 8 soit amendée en y insérant après le mot "ils", dans la première ligne, le mot "underground", en retranchant les mots "de son capital-actions" dans les deuxième et troisième lignes, en substituant le mot "quatre" au mot "trois" dans la troisième ligne.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe), M. Prévost (Terrebonne) et M. Tellier (Joliette) déclarent que la nouvelle charte contient une exception illégitime à la loi générale de 1907 sur l'octroi de franchises par la ville de Montréal. En cette année-là, la législature avec grand fracas décrétrait qu'aucune franchise de plus de 10 ans ne pourrait être accordée par le conseil de Montréal sans que la question ait été préalablement approuvée par un référendum. Cette année, on donne à trois compagnies le privilège de se soustraire à cette loi jusqu'ici qualifiée de salut public.

La compagnie exploitant déjà un réseau de surface, cet amendement donne aux municipalités le pouvoir de lui concéder des franchises pour ce réseau sans recourir au référendum.

M. Prévost (Terrebonne) dit que l'Underground, d'après sa charte, avait le droit de construire sur le sol comme au-dessous.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) propose en sous-amendement d'en appeler par référendum aux municipalités intéressées dans la construction du chemin de fer souterrain.

La loi concernant les franchises sur une période de 10 années ne s'applique à aucune ligne souterraine, mais aux lignes en surface.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) et M. Perron (Gaspé) s'opposent au sous-amendement.

Le sous-amendement est rejeté. L'amendement est adopté.

Les huit premiers articles du bill sont adoptés.

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

Subsides

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat sur l'amendement du député de Montmagny (M. Lavergne) à la motion du 3 mai courant, que M. l'Orateur quitte le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des subsides, lequel amendement se lisait comme suit: Que tous les mots après "que" soient retranchés et remplacés par les suivants: "Tout en consentant à voter les subsides à Sa Majesté, cette Chambre regrette que le gouvernement ait complètement méconnu jusqu'ici les droits du Parlement dans la préparation et l'adoption de sa nouvelle politique forestière, et qu'il ait pris sur lui sans consulter la Chambre de changer notablement les règlements des bois et forêts de manière à affecter le revenu public, et de lier la province pour un terme de dix ans, au moyen d'un arrêté en conseil en date du 22 avril 1910, bien que le Parlement fût alors en session."

Et la question étant posée: Cet amendement sera-t-il adopté, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, D'Auteuil, Gault, Giard, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Tellier, 12.

Contre: MM. Allard, Benoît, Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Daigneault, D'Anjou, Décarie, Delisle, Devlin, Dion, Dorris, Finnie, Francoeur, Galipeault, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Hay, Kaine, Kelly, Lafontaine (Berthier), Lafontaine (Maskinongé), Langlois (Montréal no 3), Langlois (Saint-Sauveur), Leclerc, Lesieur Desaulniers, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Mercier, Morisset, Mousseau, Neault, Ouellette, Perron, Pilon, Reed, Robert, Robillard, Séguin, Tanguay, Taschereau, Tessier, Thériault, Tourigny, Vilas, Walker, Walsh, 52.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale est alors soumise et résolue dans l'affirmative.

 

En comité:

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose qu'une somme n'excédant pas six cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer le traitement du greffier des conseils de conciliation et d'arbitrage en vertu de la loi 1 Édouard VII, chapitre 31, loi des différends industriels de Québec, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency), M. Lavergne (Montmagny), M. Lafontaine (Maskinongé), M. Prévost (Terrebonne) discutent l'administration des affaires ouvrières. On parle de MM. Marois, Métivier et Ouellette.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution, laquelle est lue deux fois et adoptée.

Heures de travail des femmes et des enfants

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 17 relatif aux heures de travail des femmes et des enfants dans certaines manufactures.

Adopté.

 

En comité:

Le premier article selon lequel les patrons ne pourront employer dans leurs établissements un enfant âgé de moins de 16 ans s'il ne sait lire ni écrire est proposé.

Avec la nouvelle loi, il y aura sérieuse amélioration, car on ne pourra désormais admettre aux manufactures aucun enfant qui ne saura pas lire et écrire, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui.

M. Langlois (Saint-Sauveur) félicite le gouvernement de son projet de loi, mais il trouve une demi-mesure et voudrait que les heures, au lieu d'être portées de 60 heures à 58 heures, le soient à 55, car pourquoi, dit-il, tant qu'à améliorer la loi, ne le faites-vous pas d'une façon radicale? D'un autre côté, il y a dans le texte de la loi certains règlements qui donnent trop de pouvoirs aux employeurs et qu'il faudrait modifier pour rendre véritablement service à la classe ouvrière et surtout à celle qui travaille dans les manufactures de coton.

Il dit que sa position est claire. Il est prêt à appuyer les bonnes mesures du gouvernement, mais il a l'intention d'user de son propre jugement dans les autres cas.

M. Tessier (Trois-Rivières) dit qu'à Trois-Rivières les directeurs de la Wabasso Co. sont convaincus que la semaine de 55 heures est plus profitable pour le manufacturier que celle de 60 heures, car il est évident, suivant eux, que les ouvriers sont plus courageux, plus dispos et font une somme de travail au moins aussi considérable que ceux qui travaillent 60 heures de peine et de misère. Cependant, il croit que pour le moment on devrait s'en tenir à la loi.

M. Lavergne (Montmagny) propose en amendement que l'on adopte la semaine de 55 heures pour être conséquent avec les remarques du député de Trois-Rivières (M. Tessier).

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) déclare de nouveau que sa loi ne le satisfait pas et qu'il est bien d'avis d'en venir le plus rapidement possible à réduire les heures de travail à 55 heures. Cependant, il faut voir les deux côtés de la médaille et ne pas ruiner l'industrie textile au Canada, car on doit bien admettre qu'en réduisant simplement de deux heures les manufacturiers perdent 49,100 heures de salaires. Il faut donc dans cette amélioration y aller sagement et c'est là, je considère, la meilleure manière de procéder dans les circonstances.

M. Langlois (Saint-Sauveur) déclare qu'il acceptera la semaine de 58 heures pour cette année si le ministère veut réglementer la distribution des heures de la journée de façon à empêcher certains abus possibles de la part des manufacturiers.

Il demande qu'on accorde aux employés une heure pour dîner.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) accepte de fixer le temps du travail à 10 heures et demie. L'heure réglementaire pour le dîner ne sera pas sujette aux ordres des inspecteurs.

La proposition est rejetée.

M. Prévost (Terrebonne) et M. Lavergne (Montmagny) prennent la parole.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général. Les amendements sont lus deux fois.

La séance est levée à 1 h 15 du matin.

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NOTES

 

1. La séance est ouverte une heure plus tard qu'à l'habitude pour permettre une nouvelle assermentation des députés à la suite du décès d'Édouard VII et de l'accession au trône du nouveau roi George V.

2. M. Gouin cite le magistrat et homme politique français Henri-François d'Aguesseau (1668-1751), auteur d'une réforme de la législation.

3. Le Daily Witness attribue ces paroles à M. Tellier; si l'on consulte d'autres journaux, on s'aperçoit qu'elles doivent être plutôt attribuées à M. Mackenzie.