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Version finale

12e législature, 3e session
(10 janvier 1911 au 24 mars 1911)

Le mardi 7 mars 1911

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 3 heures.

 

Subsides

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose: Qu'une somme n'excédant pas cinquante mille cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour impressions et reliure pour les deux Chambres de la législature, S.R.Q., 1909, article 164, pour l'année financière finissant le 30 juin 1912.

M. Prévost (Terrebonne) demande des explications détaillées sur cette dépense. Il trouve dans les comptes publics des montants donnés à différents journaux dans la province et constate que tous ces journaux chantent la louange de nos gouvernants qu'ils qualifient d'hommes d'affaires.

Il condamne l'habitude du gouvernement de combler de contrats les journaux chargés d'encenser les ministres et de couvrir de compliments les députés du pouvoir.

Tout cet argent attribué aux travaux d'impression servira à couvrir les ministres de compliments et à publier leurs photos. Cela coûte tant par ligne, tant pour les photos, etc.

Il passe en revue les divers ateliers d'impression qui ont obtenu des contrats. Ce sont les suivants:

E. R. Smith & Son $376.37
Le Courrier de Sorel 5,104.94
The Quebec Daily Telegraph 5,482.14
Le Soleil 13,618.39
Dussault & Proulx 3,299.05
The Montreal Herald 6,930.27
John Dougall & Son (Witness) 343.50
Richmond Times 269.11
Le Progrès de l'Est 1,007.51
Le Canada Français 2,792.51
Imprimerie Yamaska 819.68
La Vigie 1,148.27
Uld. Duval 292.91
Dép. de la Colonisation 106.96
L'Éclaireur, Beauceville 524.22
E. J. Pagé 111.54
A. A. Pigeon (Bulletin) 447.64
Imprimerie commerciale, Sherbrooke 328.01

 

Tous les jours, on dit dans le Soleil que le gouvernement est le meilleur que le Québec a jamais eu, et nous payons $13,000 pour cela. On y publie des photos du premier ministre, toujours souriant, et chacun de ces sourires nous coûte de l'argent.

Il demande quels sont les travaux d'impression qui ont été donnés au Canada Français de Saint-Jean d'Iberville et au News de Saint-Jean.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) lui répond que le Canada Français a reçu $3,000 pour imprimer entre autres les statistiques municipales.

M. Prévost (Terrebonne): Mais ces statistiques ne valent rien, selon le témoignage du député de Dorchester (M. Morisset). Le trésorier croit-il qu'elles valent quelque chose ou qu'elles ne valent rien?

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) répond que ces statistiques sont envoyées par les municipalités au gouvernement et qu'elles sont censées être exactes.

M. Prévost (Terrebonne) demande combien il en a coûté pour acheter le News qui était un organe tory. Combien de contrats ont été accordés à ce journal?

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) cherche parmi ses documents pendant un certain temps et annonce qu'il a été donné $131 à ce journal pour travaux d'impression.

M. Prévost (Terrebonne): Le St. John's News, ce journal soi-disant conservateur et qui a appuyé la candidature de M. Marcellin Robert à la dernière élection partielle de Saint-Jean, figure aussi dans les comptes publics.

Il en profite pour rappeler les tactiques déloyales, selon lui, grâce auxquelles le gouvernement a remporté cette élection. Le News de Saint-Jean a encensé les ministres durant toute l'élection de Saint-Jean et a fait tourner un vote anglais d'une couple de cents voix.

La plupart des travaux d'impression donnés sont inutiles et ne sont qu'un moyen de corrompre les propriétaires de journaux pour leur faire chanter la louange du gouvernement. Le gouvernement a par ce moyen acheté les deux organes de Saint-Jean et il a fait élire son candidat à la dernière élection.

Il trouve que le gouvernement accomplit une oeuvre néfaste en achetant la faveur des journaux au lieu de leur laisser leur liberté d'appréciation et de laisser faire les élections d'une façon sincère.

Il passe en revue les différents journaux qui louent le gouvernement, surtout le Canada, le Soleil et la Vigie. Il dit que le gouvernement paye l'encens que ces journaux brûlent devant lui. Il affirme que des plumes qui font la rédaction de ces journaux sont des plumes vendues et prostituées. Il trouve que c'est une honte pour un gouvernement, qu'il soit libéral ou conservateur, d'acheter l'influence des journaux au moyen de contrats pour se faire vanter devant l'opinion publique. Il reproche au gouvernement de payer des importés, dont les dossiers ne sont pas recommandables, pour injurier nos compatriotes. Il prend surtout à partie les rédacteurs du Canada et du Soleil. M. d'Hellencourt, directeur du Soleil, recueille les plus grosses attaques.

Il blâme le gouvernement d'avoir empiété sur l'espace réservé au public dans les galeries pour préparer une place spéciale pour le directeur du Soleil qu'il appelle un "oiseau venu de France".

M. Lavergne (Montmagny) fait un appel au public de la galerie des directeurs de journaux occupée en ce moment par le directeur du Soleil de sortir ce dernier de la galerie.

M. Prévost (Terrebonne) trouve que ces organes se moquent du public en donnant sur les séances parlementaires des comptes rendus qui cachent tout, excepté ce qui peut être flatteur pour le gouvernement.

Il dit que $55,000 (sic) par année pour faire faire des compliments au gouvernement, c'est trop cher. Pour arrêter ce système de corruption, pourquoi le gouvernement ne s'organise-t-il pas une imprimerie à lui, où il ferait faire ses travaux d'impression sans aller acheter l'indépendance des journalistes?

M. Cousineau (Jacques-Cartier) demande si les comptes d'impression sont sous le contrôle de l'Orateur de la Chambre. Il veut savoir qui certifie ces comptes pour qu'ils soient payés.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) répond que l'Imprimeur du roi les certifie et que l'Orateur les signe.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) veut des comptes en détail et demande si toutes les paperasseries qui sont distribuées sur les pupitres des députés forment partie des $55,000 (sic). Il trouve qu'il y en a deux fois trop.

Il demande aussi comment il se fait que le montant des impressions soit aussi augmenté. En 1897, il était beaucoup moins élevé que cela. En 1897, ces mêmes impressions coûtaient $25,000. Pourquoi cette différence?

Il trouve étrange que, de 1897 à 1910, l'octroi pour les impressions ait doublé. Il affirme que ce n'est pas l'Orateur qui a le contrôle des impressions, mais le gouvernement qui s'abrite derrière l'Orateur.

Il trouve que l'Orateur devrait être laissé à l'abri de toute attaque puisqu'il n'a pas le droit de parler pour se justifier.

Il condamne aussi le gouvernement sur sa manière d'accorder des contrats d'impression et cite une foule de cas où on aurait pu épargner plusieurs centaines de piastres sur des impressions.

Il constate que le rapport du secrétaire et registraire est un document inintelligible et n'est bon que comme moyen de patronage.

Il prétend que la province retourne à la sauvagerie et que nous ne sommes pas plus civilisés aujourd'hui que sous Jean sans Terre1.

Il montre une petite publication de 200 pages et, d'un simple calcul arithmétique, déclare que chaque copie coûte $1.50 à la province, alors que cela n'aurait pas dû coûter plus de 75 cents.

Il prend le rapport du secrétaire et registraire qui, déclare-t-il, aurait pu être imprimé à 50 cents la copie. Mille six cents copies ont été imprimées, en anglais et en français, à raison de $2.25 pour la version anglaise et $1.74 pour la version française. Pourquoi cette différence? Cet argent, $5,014 en tout, a été versé au Courrier de Sorel qui a fait les travaux d'impression. Toute cette somme a été versée à divers journaux uniquement pour qu'ils donnent leur appui au gouvernement.

Il croit que le gouvernement a payé 100 % trop cher et que le Courrier de Sorel a reçu $2,500 de trop.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) explique que l'édition contient 280 copies avec une reliure spéciale, ce qui a fait grimper le prix considérablement.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Le Soleil de Québec a reçu $13,618 pour les travaux d'impression et ils auraient pu être faits pour la somme de $5,000.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) dit que les travaux d'impression du gouvernement coûtent plus cher qu'auparavant parce que l'opposition demande plus de documents.

M. Lavergne (Montmagny) veut aussi avoir des explications sur les contrats du Courrier de Sorel qui a imprimé pour $2.50 des livres qui auraient pu coûter 35 cents.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) dit qu'en 1910 le Courrier de Sorel a pris, sur ce budget, cinq mille et quelques piastres.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Pourquoi? Voilà ce que nous voulons savoir.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) déclare que, pour ces cinq mille et quelques piastres, le Courrier de Sorel a imprimé la version française et la version anglaise du rapport du secrétaire et registraire de la province, dont la première a coûté $1,300 et la deuxième presque autant.

M. Prévost (Terrebonne): D'abord, le Courrier de Sorel fait faire ses impressions ailleurs.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Et puis, je mets mon siège au jeu que le même travail exécuté pour un particulier eût coûté la moitié moins cher.

Il est admis que l'impression ordinaire paye à $1.25 la page, que l'impression un peu minutieuse paye encore à $1.50 la page et qu'elle paye beaucoup à $2.00 la page.

Or l'impression du rapport du secrétaire et registraire a coûté $5.50 la page, rapportant donc au Courrier de Sorel un profit d'au moins 200 %.

M. Lavergne (Montmagny): C'est un vol, et le mot n'est pas trop fort.

Le même rapport imprimé pour un particulier eût coûté au plus $600; et la province a payé $700.

Il croit qu'il serait temps de faire un changement dans le système d'impression. Il trouve que le gouvernement devrait en finir avec le régime de payer ces thuriféraires pour l'encenser.

Il soutient la demande des députés de Terrebonne (M. Prévost) et de Jacques-Cartier (M. Cousineau) et déclare que l'item ne passera pas tant que les comptes en détail n'auront pas été soumis à la Chambre. Il dit que l'opposition est prête à rester en Chambre tant que les voleurs n'auront pas rendu compte. Si on ne donne pas des explications suffisantes, l'item ne sera pas voté. Il faut absolument que la Chambre sache comment l'argent a été dépensé. C'est un vol et un véritable scandale.

Jamais, s'écrie-t-il, nous ne consentirons à voter ce budget tant que l'on ne nous expliquera pas pourquoi le gouvernement paie si cher pour ses impressions.

Nous ne sommes qu'une poignée de députés dans l'opposition, mais nous ne céderons pas2!

M. Prévost (Terrebonne) applaudit à la proposition de son collègue.

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) promet de fournir tous les détails demandés et la discussion à ce sujet est ajournée.

Le comité rapporte progrès3.

Ajournement

L'honorable M. Gouin (Portneuf) présente une motion d'ajournement de la Chambre, de sorte que le comité des chemins de fer pourra reprendre l'étude du bill de la Montreal Tramways Company dans la soirée.

M. Prévost (Terrebonne) s'oppose à ce que les affaires de l'Assemblée soient retardées par la législation privée4.

La séance est levée à 6 heures.

__________

NOTES

 

1. Ce passage tiré du Canada, journal libéral, prête à caution puisque Cousineau est conservateur.

2. Le Soleil, qui a été attaqué durant ce débat, produit le lendemain, à la page 10, une chronique parlementaire très partisane. Il écrit entre autres: "Afin de compléter leur scène de vilenie, pour ajouter encore au mépris que même leurs amis avaient pour eux, Prévost et Lavergne lancèrent ensuite l'injure au député de Richelieu, un brave vieillard dont les cheveux blancs auraient dû rappeler à ces misérables que respect lui était dû. C'est ainsi que protégés par leur immunité parlementaire, ces deux braves qui ne craignent pas la poudre, comme le disait Prévost, ont exercé leurs armes contre des adversaires sans défense, puis contre un bon vieillard qui les a ignorés pour leur faire mieux comprendre le mépris dans lequel il les tient." Aucune autre source ne fait mention de ces attaques contre M. Cardin, député de Richelieu.

3. Selon le Devoir du 8 mars 1911, à la page 3, monsieur Gouin aurait quitté son siège vers 5 heures pour revenir à 6 heures.

4. Le Star du 8 mars 1911 mentionne, à la page 20, que cette motion du premier ministre a été adoptée. Par contre, l'Action sociale du 8 mars 1911, à la page 2, écrit: "À six heures, M. Prévost s'oppose à ce que la Chambre s'ajourne pour favoriser l'expédition d'un bill privé et, comme il y a eu entente entre le premier ministre et le chef de l'opposition, la Chambre s'ajourne à demain."