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Version finale

12e législature, 3e session
(10 janvier 1911 au 24 mars 1911)

Le mardi 14 mars 1911

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 3 heures.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill D du Conseil législatif amendant l'article 6474 des statuts refondus, 1909, pour lequel il lui demande son concours.

Emprunts à l'étranger

M. Galipeault (Bellechasse) propose, appuyé par le représentant de Lotbinière (M. Francoeur), que le bill du Conseil législatif intitulé: "Loi amendant l'article 6474 des statuts refondus, 1909", soit maintenant lu une première fois.

Adopté.

Subsides

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Québec-Ouest (l'honorable M. Kaine), que M. l'Orateur quitte le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des subsides.

(Un débat s'élève.)

 

Messages du lieutenant-gouverneur:

Un message est reçu de Son Honneur l'administrateur de la province, transmis par Arthur Saint-Jacques, écuyer, gentilhomme huissier à la verge noire:

M. l'Orateur,

Son Honneur l'administrateur de la province désire la présence immédiate de cette honorable Chambre dans la salle du Conseil législatif.

Sanction royale

En conséquence, M. l'Orateur et les députés se rendent à la salle du Conseil législatif.

Son Honneur l'administrateur de la province donne, au nom de Sa Majesté, la sanction royale aux bills publics et privés qui suivent:

- bill B du Conseil législatif régularisant la cléricature et le brevet de cléricature de Jules-Joseph-Arthur Pérodeau;

- bill C du Conseil législatif autorisant la chambre des notaires de la province de Québec à admettre Francis Mackay à l'exercice de la profession de notaire, après examen;

- bill 3 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la protection des abeilles;

- bill 4 amendant les statuts refondus, 1909, concernant les cercles agricoles;

- bill 6 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'octroi d'une subvention à certaines municipalités pour la confection et l'entretien des chemins, ainsi que pour le macadamisage et le gravelage d'iceux;

- bill 8 amendant la loi des jurés de la province de Québec relativement à la qualité des jurés dans le district de Pontiac;

- bill 9 amendant la loi 1 George V, chapitre 7, relativement à l'annexion de la paroisse de L'Ascension au comté d'Ottawa, pour toutes les fins;

- bill 10 amendant la loi de la pêche de Québec;

- bill 11 amendant la loi des mines de Québec;

- bill 12 amendant la loi de la chasse de Québec;

- bill 13 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à la création de réserves forestières cantonales;

- bill 16 amendant les statuts refondus, 1909, au sujet des véhicules-moteurs;

- bill 17 concernant l'École polytechnique;

- bill 19 amendant le code municipal relativement à la construction des ponts;

- bill 22 amendant la loi concernant les registrateurs et l'inspection des bureaux d'enregistrement;

- bill 23 étendant les dispositions de l'article 2175 du code civil à certaines subdivisions cadastrales;

- bill 25 amendant la loi des syndicats de Québec;

- bill 26 amendant les statuts refondus, 1909, concernant la division du comté du Lac-Saint-Jean pour fins agricoles;

- bill 29 amendant le code municipal relativement à l'annexion de cantons ou de parties de cantons;

- bill 33 amendant le code de procédure civile relativement à la confection des règles de pratique;

- bill 39 amendant les statuts refondus, 1909, et le code municipal relativement aux mauvaises herbes;

- bill 41 amendant le code de procédure civile;

- bill 51 autorisant la chambre des notaires de la province de Québec à admettre Charles-Auguste Émond à l'exercice de la profession de notaire, après examen;

- bill 52 constituant en corporation la Société du parler français au Canada;

- bill 55 autorisant le barreau de la province de Québec à admettre William James Shaughnessy au nombre de ses membres;

- bill 56 revisant et refondant la charte de la ville de Montréal-Ouest;

- bill 57 autorisant le barreau de la province de Québec à permettre à George Bélanger de pratiquer le droit;

- bill 59 revisant et refondant la charte de la ville de Buckingham;

- bill 60 autorisant la chambre des notaires de la province de Québec à admettre Joseph-Armand Boisseau à l'exercice de la profession de notaire, après examen;

- bill 61 autorisant le barreau de la province de Québec à admettre George Leonard Alexander au nombre de ses membres, après examen;

- bill 65 constituant en corporation la ville de Baie d'Urfée;

- bill 66 autorisant le barreau de la province de Québec à admettre Napoléon-Jules Marion au nombre de ses membres, après examen;

- bill 67 constituant en corporation la ville de Pointe-Claire;

- bill 68 concernant la constitution en corporation de la ville de Montréal-Sud;

- bill 71 amendant la loi constituant en corporation The Shawinigan Water and Power Company;

- bill 85 autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à admettre Charles Dumontier à la pratique de la médecine, de la chirurgie et de l'obstétrique, après examen;

- bill 86 ratifiant un règlement en date du 8 juin 1910, adopté par la cité des Trois-Rivières, concernant l'octroi de privilèges à la Diamond Whitewear Company Limited;

- bill 87 ratifiant un règlement en date du 7 novembre 1910, adopté par la cité des Trois-Rivières, et un règlement en date du 7 novembre 1910, adopté par les commissaires d'écoles de la cité des Trois-Rivières, concernant l'octroi de privilèges à The Wayagamack Pulp and Paper Company Limited;

- bill 96 amendant la charte de la ville de Maisonneuve;

- bill 100 confirmant des conventions entre les légataires et la grevée de substitution en vertu du testament de feu William Bentham;

- bill 103 amendant la charte de la Saraguay Electric & Water Company et à d'autres fins;

- bill 104 revisant et refondant la charte de la société Saint-Jean-Baptiste de la ville de Valleyfield et changeant le nom de ladite société en celui de la société Saint-Jean-Baptiste de Salaberry;

- bill 105 concernant certaines prohibitions d'aliéner contenues dans un acte de donation par John Roberts et dans le testament de ce dernier;

- bill 108 autorisant le collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à admettre David Tannenbaum à la pratique de la médecine, de la chirurgie et de l'obstétrique;

- bill 109 déclarant final et définitif le partage des biens substitués de feu dame Mathilde Leclaire;

- bill 110 concernant la succession d'Alfred Roy fils;

- bill 115 amendant la charte de la cité des Trois-Rivières;

- bill 116 amendant la charte de la cité de Montréal;

- bill 119 concernant la succession de feu Benjamin Décarie;

- bill 120 concernant la succession de feu Gilbert Leduc;

- bill 124 concernant le village du Sault-au-Récollet.

Les députés reviennent à leur salle de séances.

Subsides

Étant de retour, la Chambre continue le débat sur la motion du représentant de Richmond (l'honorable M. Mackenzie): Que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se constitue de nouveau en comité des subsides.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. l'Orateur, avant de continuer à voter les subsides à Sa Majesté, je demande la permission d'attirer l'attention de cette Chambre sur ce que je puis appeler la déplorable situation économique de notre province.

Le gouvernement nous demande de voter l'argent. Il promet d'en distribuer à droite et à gauche, mais il est temps d'examiner ce qu'il a fait pour notre province.

Il avait annoncé auparavant que c'était son intention de discuter de la convention douanière et de la réciprocité commerciale. Certains journaux avaient annoncé qu'il soulèverait cette question. Au contraire, il déclare qu'il ne serait pas convenable de la part de cette Chambre de se prononcer sur cette question douanière.

Quelles sont ses oeuvres nationales? Quel encouragement, quelle protection a-t-il donnée aux industries, aux industries agricoles en particulier, en vue de l'utilisation de toutes les propriétés, de tous les produits de notre sol? Quelle est notre position après 12 années de prospérité et d'administration libérale?

Je soumets, M. l'Orateur, que le gouvernement, par sa politique toute de spéculation, n'a pas profité des merveilleux moyens que la Providence et la nature ont mis à sa disposition pour faire bénéficier notre province de cette grande ère de prospérité qui favorise le Canada depuis quelques années et que cette politique subversive, au lieu de développer nos ressources naturelles et nos forces nationales, a tendu plutôt à aiguiser des appétits, à favoriser des partisans et à conduire notre province dans un état d'infériorité que tous les patriotes déplorent et qu'à nouveau je résumerai comme suit:

La population rurale n'a pratiquement pas augmenté depuis 10 ans; nos vieilles paroisses se dépeuplent; le rendement des fermes diminue; le coût de la vie et de la main-d'oeuvre augmente; la colonisation agonise; le courant de l'émigration s'élargit; nos industries sont négligées; notre esprit national est comprimé. Ici, dans la province, nous importons trop de produits de l'étranger. Voilà la situation que nous montrent les conférenciers, les publicistes et les statistiques des gouvernements d'Ottawa et de Québec. Il me semble qu'il est du devoir de cette Chambre de bien examiner la situation et d'y porter remède.

Je soumets, M. l'Orateur, que l'un des remèdes les plus sûrs serait indubitablement un encouragement, une protection plus pratique à nos industries et à tous les éléments susceptibles de développer nos ressources naturelles. La grande cause de l'industrie agite en ce moment l'opinion publique de notre pays. Et les remaniements tarifaires contenus dans le projet Taft-Fielding intéressent à un haut point non seulement le continent américain, mais aussi des puissances européennes; combien à plus forte raison doivent-ils préoccuper les provinces de notre dominion.

Mais, M. l'Orateur, ce n'est nullement mon intention d'amener la Chambre à se prononcer sur ce grave problème, car je considère qu'il ne serait pas sage de la part de la Chambre d'intervenir dans cette affaire avant même que le Parlement fédéral prenne une attitude sur cette question. Cependant n'est-il pas opportun pour cette Chambre de considérer nos conditions économiques et de se demander si nous sommes bien en état de subir avantageusement l'effet de la nouvelle politique que l'Ouest canadien et les États-Unis tentent d'imposer au Parlement du Canada.

Je soumets, M. l'Orateur, que nos industries sont insuffisamment organisées et que, cependant, ces industries sont essentielles au développement et au progrès de notre province.

Je l'ai écrit déjà, et je le répète avec la même conviction, c'est une erreur de prétendre que le Canada doive être un pays essentiellement agricole. Nos automnes rigoureux, nos longs hivers et nos printemps tardifs seront toujours autant de causes qui rendront notre agriculture insuffisamment productive.

Je suis heureux de constater que, dans le dernier numéro du Bulletin de la Société de géographie de Québec (p. 35), M. Avila Bédard, ingénieur forestier, employé du gouvernement, partage absolument mon opinion.

Voici ce qu'il dit:

"Un pays qui ne peut espérer comme les provinces de l'Ouest son développement de l'agriculture, et l'on sait que dans la province de Québec les terres agricoles couvrent relativement peu de superficie, doit se tourner vers l'industrie."

Le gouvernement est donc bien coupable d'avoir négligé d'encourager nos industries d'en créer de nouvelles et cette négligence est la cause de notre infériorité économique et de nos justes alarmes.

Maintenant, M. l'Orateur, je demande à la Chambre son attention et son indulgence pour que je puisse faire ma démonstration. Je demande pardon à mes anciens camarades de presse si mon travail et mes statistiques rendent leur tâche un peu lourde et ennuyeuse. J'espère que mes amis du Canada et de la Vigie1 surtout ne s'en plaindront pas exagérément et je suis certain que la dignité du journalisme ne souffrirait pas du tout d'un peu de loyauté de leur part.

J'ai voulu prendre le conseil du Soleil en me bornant, sans me prétendre économiste, à compiler des statistiques, à additionner, à multiplier, à chercher et à trouver une solution à un problème compliqué. C'est la ligne de conduite que le journal traçait la semaine dernière à tout député qui, selon lui, veut mériter l'attention, le respect de la Chambre et de la presse.

Maintenant, M. l'Orateur, je dis que la population rurale n'a augmenté que de 3,000 âmes depuis 10 ans et, pour faire cette assertion, je ne me m'appuierai pas sur le témoignage de l'un de ces mauvais bleus qui auraient voté contre le ministre de la Colonisation dans Nicolet (l'honorable M. Devlin), non, mais je me servirai de l'autorité d'un conférencier agricole du gouvernement, M. O.-E. Dallaire qui, en mission officielle à Oka, déclara publiquement à une convention des missionnaires agricoles que notre population rurale n'avait augmenté que de 3,000 âmes en 10 ans.

N'est-ce pas épouvantable, s'écria M. Dallaire! Sa conférence a été ensuite rapportée par le Journal d'agriculture, organe agricole publié par le gouvernement.

N'avons-nous pas raison de nous écrier nous aussi avec M. Dallaire? N'est-ce pas épouvantable d'atteindre un aussi piètre résultat après 10 années de grande prospérité? Pourtant, il est établi que la province de Québec est remarquable par l'extraordinaire fécondité de la race qui l'habite. La natalité y atteint une proportion de 44,04 par 1,000.

Nos vieilles paroisses se dépeuplent. Les statistiques de l'Ouest canadien nous le démontrent tous les ans, mais voici qu'un agent du gouvernement fédéral, chargé de faire une enquête minutieuse sur les causes de l'émigration des nôtres, sur le dépeuplement de nos campagnes, jette le cri d'alarme et conclut de la manière suivante dans une lettre qu'il adresse aux députés de cette Chambre:

Monsieur le Député,

Je vous inclus avec plaisir un rapport bien triste sur l'état d'émigration de nos compatriotes vers les États-Unis, dans d'autres parties de la province de Québec, au Nord-Ouest et au Canada en général.

J'ai cru faire tenir ce rapport pendant la présente session afin de vous renseigner sur l'état des choses dans votre comté en particulier et dans toute la province en général.

Vous admettrez sans doute que l'année 1909 a été une année très prospère pour le Canada et, cependant, il y a eu 10,082 personnes qui nous ont quittés, 603 de nos paroisses, pour les États-Unis; par conséquent, cette proportion doit être moindre que celle des années passées. Imaginez-vous maintenant quelle proportion de nos compatriotes nous perdons d'un recensement à l'autre (10 ans).

Je suis à compiler les causes des départs. C'est une compilation minutieuse et très lente, mais j'espère pouvoir la terminer avant la fin de la présente session et je serai heureux de vous en faire tenir un autre tableau.

Généralement, la plus grande cause des départs est le manque d'ouvrage. Donc, s'il y avait moyen d'encourager de petites industries locales où nos gens pourraient s'occuper durant les sept mois d'hiver, ce serait un grand pas pour enrayer le désastreux mouvement. Il n'y a pas de doute que, si nos gens avaient des industries pour les employer l'hiver, il y aurait moins de causes d'encouragement aux débits de boissons et les autres causes seraient aussi fort probablement moins nombreuses pour un grand nombre, sinon par le fait même enrayées, telles que le luxe, l'ivrognerie et la paresse. Il est vrai aussi que beaucoup de départs semblent être causés par le goût déployé des voyages chez nos compatriotes.

Le manque de méthode en agriculture, le luxe, les dettes et le crédit facile chez les marchands semblent être les causes suivantes de la dépopulation de nos paroisses. La pression exercée par les agences de machines agricoles est aussi désastreuse que le crédit.

Le tout, Monsieur le Député, vous est humblement soumis dans l'espoir de pouvoir vous être utile d'abord et ensuite à notre belle province.

J'ai l'honneur d'être votre tout dévoué,

René Dupont,
agent de colonisation

Il m'est inutile de commenter cette lettre qui contient un avertissement que, je l'espérais, le gouvernement ne dédaignerait pas. M. Dupont met le doigt sur la plaie et nous enseigne en même temps le remède.

Cependant, le gouvernement a-t-il appliqué le remède? Il n'a rien fait. Le courant de l'émigration s'élargit et, pour le prouver davantage, je citerai les commentaires d'un journal franco-américain bien sympathique à notre province, L'Opinion publique de Worcester, Massachusetts, sur la lettre de M. René Dupont.

"Un fait brutal, dit-il, se dégage tout d'abord de cette lettre qui émane d'un homme que sa position et la nature de ses occupations mettent à même de connaître parfaitement la situation, c'est que l'émigration des Canadiens français aux États-Unis, en dépit de tout ce que des journaux intéressés ont pu dire au contraire, se poursuit toujours d'année en année dans des proportions considérables.

"Plus de 10,000 personnes, dit M. Dupont, ont quitté la province pour les États-Unis dans la seule année de 1909. Et, cependant, cette année a été prospère pour le Canada. S'il en est ainsi, on peut se demander si la proportion des départs dans les années antérieures n'a pas été plus considérable. Il est probable que, si les statistiques se fussent portées sur quelques années antérieures, on trouverait pour chaque année des chiffres supérieurs à 10,000."

Les nombreuses plaintes des colons, la politique du gouvernement, au double point de vue de la colonisation et de l'administration des terres de la couronne, pourraient suffire à convaincre tout le monde.

L'organe de la région Labelle, Le Pionnier, n'a-t-il pas établi, il y a à peine quelques mois, le fait que la colonisation se meurt? Voici ce qu'il disait: "Jamais en effet la colonisation dans notre vaste région Labelle, au moins, n'a été autant que cette année abandonnée sans merci à ses misères décourageantes; jamais l'État ne s'est montré plus rebelle à nos supplications, plus insensible à nos nécessités. On nous rapporte que c'est partout ailleurs la même chose sauf, peut-être, au Témiscamingue, un peu dans la vallée de la Gatineau et en Gaspésie. Il sera toujours temps de faire la grande revue générale des faillites au devoir de la part de nos gouvernants. Nous commençons par celle que nous connaissons mieux, parce que nous en sommes les témoins oculaires."

Et l'Opinion publique ne faisait-elle pas aussi l'attristant commentaire qui montre bien la politique du gouvernement? Voici: "Mais il y a une cause capitale qui n'est pas mentionnée et nous comprenons parfaitement la réserve de M. Dupont. Cette cause principale se rattache au système même de colonisation. Or, pour être plus exact, l'on devrait dire qu'il n'y a pas de système de colonisation. On conviendra alors qu'il est difficile pour un agent de colonisation salarié du gouvernement d'avoir même à jeter un blâme sur un état de choses qui est le fait de l'autorité gouvernementale. Des prêtres, agents de colonisation, ont parcouru nos centres principaux de la province de la Nouvelle-Angleterre, faisant des conférences dans un but de rapatriement. Nous ne savons au juste s'ils ont remporté du succès ailleurs, mais nous savons bien que le résultat a été mince à Worcester. Et il ne faut pas s'en étonner. C'est une curieuse anomalie que, tandis que les campagnes de la province de Québec se dépeuplent sans que les gouvernants ne prennent apparemment aucune mesure pour enrayer cette immigration, des agents essaient à induire nos gens de ce côté-ci des frontières à se rapatrier au Canada. C'est un pauvre encouragement pour les Canadiens de la Nouvelle-Angleterre, qui gagnent généralement bien leur vie, d'aller se fixer sur les terres disponibles de la province de Québec quand il y en a tant qui viennent ici les rejoindre. Certainement, il y en a qui s'en retournent encore au pays natal, mais c'est l'exception, et le rapatriement d'après un mouvement organisé général est et restera une utopie tant que les conditions existantes et qui ont toujours existé dans la province de Québec n'auront pas changé et fait place à une politique de colonisation plus rationnelle et plus encourageante pour le colon.

"Pourquoi tous ces gens qui traversent la frontière pour s'en venir tenter fortune aux États-Unis, où souvent des déceptions les attendent, ne vont-ils pas s'établir sur les terres de colonisation dont on vante tant les avantages? Il est bien possible et même probable qu'un certain nombre ont tenté de se soustraire aux travaux agricoles pour goûter de la vie dans les grands centres, mais il est tout naturel de croire que la majorité de ceux qui immigrent aux États-Unis aimeraient mieux rester dans leur pays si un système de colonisation intensive était établi dans les territoires encore déserts propices au développement de ce mouvement."

Voilà ce que l'on dit de nous et de notre gouvernement.

Pourtant, le gouvernement n'est pas sans comprendre l'importance de retenir toute notre population native et de l'augmenter. L'émigration des habitants d'un pays jeune, peu peuplé et riche en ressources naturelles, dit un économiste, est la preuve certaine que ce pays souffre de quelque maladie économique très sérieuse. Or un vice économique radical, c'est pour un peuple la boîte de Pandore: tous les fléaux en sortent (Van Kan2).

Chaque unité de population qui émigre, dit un autre économiste, est un capital important perdu pour le pays. Mais on me répondra peut-être: L'immigration au Canada est considérable et la province de Québec a sa part.

Les statistiques ne montrent qu'une chose, c'est que notre province n'a qu'une faible part et des moins avantageuses. Ce sont des émigrés pour nos villes qui nous arrivent, des émigrés fort peu recommandables qui viennent semer chez nous des idées révolutionnaires et faire une concurrence fatale à nos bons ouvriers canadiens. Ces émigrés-là, pourtant, le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Devlin) a déclaré qu'il n'en voulait pas. Cependant, nous continuons à recevoir des émigrants pour les grosses compagnies qui préfèrent les ouvriers européens à petits salaires à nos braves ouvriers canadiens.

Le Progrès du Saguenay, un journal pour le moins très sympathique au gouvernement provincial, fait au cours d'un article sur le dépeuplement de nos campagnes les observations suivantes sur notre système de colonisation.

"Il y a certaines régions de notre province qui n'auraient jamais dû être colonisées, dont le sol est stérile et où la culture ne peut pas être rémunératrice. Il n'y a donc rien d'étonnant que ces régions se dépeuplent. Ceux qui ont eu la mauvaise fortune de s'y établir vivent dans la misère et finissent, un bon jour, par tout abandonner.

"Quant aux autres, ceux dont la terre est moyennement bonne, ils ont toujours tort de ne pas s'y ancrer et il n'y a pas de bonnes raisons pour qu'ils l'abandonnent.

"Mais il y a un mais, pourraient-ils s'établir sur des terres leurs enfants toujours nombreux? Pourront-ils en faire des cultivateurs? Quelques-uns, oui. Les autres, non, hormis que ce soit sur des terres nouvelles, hormis que ces jeunes gens se fassent colons. Et notre système de colonisation offre-t-il assez d'avantages à ces jeunes gens pour qu'ils soient moralement convaincus qu'avec du courage, de la persévérance, un peu d'aide des parents, ils parviendront à se tailler dans la forêt un domaine qui leur permettra de vivre convenablement avec leur famille?

"Nous répondons à cette question par un non catégorique. Il n'est pas question, ici, de politique de parti, de l'administration des gouvernements, ou libéraux ou conservateurs. C'est le système que nous condamnons, système vicieux, contraire au bon sens, ridicule au point de vue des affaires, un "business- like" qui a fait faillite sous tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 40 ans.

"Dans l'état actuel des choses, il ne peut être question de colonisation pour la plupart des fils de cultivateurs. Seuls un petit nombre de braves, de forts, d'intrépides, de héros, s'enfoncent dans la forêt, supportant les privations, les misères de toutes sortes, et font la conquête de leur futur domaine. À ceux-là, nous ôtons notre chapeau et nous nous inclinons bien bas devant eux. Mais les autres, et c'est le plus grand nombre, s'en vont dans les villes ou émigrent aux États-Unis. Ou bien, et c'est encore ce qu'ils ont de mieux à faire, ils partent pour le Nord-Ouest qui offre des avantages incontestables à ceux qui, tout en étant forcés d'abandonner leur paroisse natale, ne veulent pas cesser d'être agriculteurs. Alors ... nous demandera-t-on?

"Eh bien, alors, il faudrait un système de colonisation qui offrît aux fils de cultivateurs, comme à tous ceux que les circonstances obligent d'abandonner leurs terres, assez d'avantages pour les engager à s'établir sur des terres nouvelles.

"Voilà dans l'opinion de tous ceux que la passion politique, que l'esprit de parti n'aveuglent pas et qui ont été en mesure d'étudier cette question d'un peu près, voilà ce qui s'impose à l'attention sérieuse et immédiate de nos gouvernants, ce qui doit faire l'objet de tous leurs efforts."

La colonisation agonise, mais le ministre de la Colonisation en a fait involontairement l'aveu dans sa réponse à une interpellation du député de Châteauguay (M. Mercier fils), réponse consignée aux pages 72 à 92 des procès-verbaux. Cette réponse établit que, sur les 1,399 colons établis en 1910 et dont les noms figurent dans le rapport général du ministre de la Colonisation, il y a environ 600 colons établis. Un bon nombre de ces colons sont établis à Montréal, à Chelmsford (Ontario), à Cochrane, Earlton (Ontario), Haileybury, à Verner, à Warren (Ontario), Englehart (Ontario), Bonefield, Sturgeon Falls, Sudbury (Ontario).

Le gouvernement a refusé de profiter de la persécution religieuse en France pour engager les bons Français à venir pratiquer librement leur foi dans la Nouvelle-France, aujourd'hui la province de Québec. Il a refusé de profiter de cette occasion pour organiser un mouvement de propagande au milieu des industriels catholiques de France. Le gouvernement n'a rien fait pour organiser un bon système de propagande et d'émigration en France.

En voulons-nous la preuve? Un organe libéral que l'honorable premier ministre ne peut désavouer, Le Pays, nous montre bien jusqu'à quel point les gouvernements d'Ottawa et de Québec sont coupables du triste état de choses que nous constatons aujourd'hui.

Le 5 février 1910, le Pays disait3: "Qui pénétrera jamais le mystère de la nomination de M. Wiallard comme chef du service de l'immigration en France? M. Wiallard est un ancien professeur de danse, un ancien chanteur de cours. Il fut même fabricant de colle forte à Montréal. Il joue maintenant au plénipotentiaire dans les salons de M. Fabre à Paris. Il traite en goujats les ministres de la province de Québec. Il intriguerait déjà, paraît-il, pour remplacer le commissaire du Canada.

"M. Wiallard est un ennemi de la province de Québec en France. Il pousse exclusivement vers l'Ouest le Français qui voudrait venir tenter fortune chez nous. Il a refusé de mettre en circulation la brochure que le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Devlin) a fait imprimer à grands frais pour faire connaître en France les ressources naturelles de notre province. On lui a donné comme subalternes M. Fourain et M. Émile Bélanger; M. Fourain qui est invalide depuis des années et qui est même à demi paralytique; M. Bélanger dont la tâche consiste à dépouiller la correspondance du maître. On avait attaché à son bureau M. Arthur Geoffrion et M. J.-E. Cyr, mais l'un et l'autre sont revenus au Canada, dégoûtés et démoralisés. On a aussi réquisitionné l'an dernier M. Montpetit4, jeune homme inexpérimenté qui a été envoyé en Europe par le gouvernement de Québec pour étudier l'économie politique et M. Montpetit, se trouvant ainsi à tirer à la fois sur la caisse fédérale et sur la caisse provinciale, alla se fendre de quelques petits cours de Saint-Jean-Baptiste, pour parler comme Langlois. Et voilà tout ce qu'a fait le département de l'Intérieur pour l'immigration française depuis des années. Nous ouvrons aujourd'hui nos colonnes à tous ceux qui voudraient traiter sérieusement cette question. Il faut à la fois éclairer l'opinion publique et stimuler l'action gouvernementale."

Eh bien, M. l'Orateur, qu'a fait le gouvernement pour remédier à cet état de choses désastreux pour la province? Qu'a-t-il fait pour établir un courant d'émigration française? Il n'a rien fait. À une interpellation que je lui faisais, l'honorable ministre de la Colonisation déclarait qu'il n'avait pas d'agent en France et en Belgique. On me traitera peut-être de rêveur, de visionnaire et l'on prétendra probablement que ce que je soutiens ne peut se réaliser. Pourtant, il n'y a pas très longtemps, je lisais dans un journal une nouvelle dont je suis heureux de faire part à la Chambre.

Voici ce que disait ce journal:

"Les journaux de la Nouvelle-Angleterre nous apprennent l'établissement prochain à Worcester, dans le Rhode Island, au prix de $400,000, d'une succursale des grandes filatures Jules de Suremont et fils, de Tourcoing, France. Cet établissement ne serait que le prélude d'entreprises beaucoup plus vastes de la part de la même compagnie dans la même ville.

"MM. de Suremont et Cie ont été amenés à Woonsocket par l'honorable M. Pothier, ancien lieutenant-gouverneur du Rhode Island, commissaire de cet État aux expositions universelles de 1889 et 1900. M. Pothier avait déjà aidé à la fondation de la grande filature Guérin, aujourd'hui l'une des plus favorablement connues des États-Unis, et d'une demi-douzaine d'autres fabriques soutenues par des capitaux français. Par son énergie, il est en train de créer, en plein pays américain, un grand centre d'industrie française."

À Woonsocket, plusieurs capitalistes de France ont établi des industries florissantes. Est-ce que le gouvernement de notre province n'aurait pas pu adopter la ligne de conduite de notre éminent compatriote de la Nouvelle-Angleterre? Non seulement le gouvernement refuse de faire cela, mais l'honorable ministre de la Colonisation a déclaré qu'il n'avait pas d'agents de colonisation attitrés en France et en Belgique.

La colonisation est inerte. Le coût de la vie augmente de façon fort alarmante et cette augmentation, dit l'Economist de Londres - et le journal Le Canadien l'approuve - est une question de grande importance pour ceux qui viennent se fixer au Canada. Et le Canada ajoute: "Lorsqu'on est attiré par les salaires plus élevés que ceux des pays d'Europe, on est désagréablement surpris de trouver que tout ce qui est nécessaire à la vie coûte plus cher - sauf de rares exceptions - ici qu'en Europe. Ce doit être une des préoccupations des pouvoirs publics de tâcher d'établir l'équivalence entre les salaires et le coût de la vie."

Cependant, rien ne nous prouve que le gouvernement se soucie de ce problème. Il n'en parle pas dans le discours du trône. Il ne manifeste aucun désir de chercher un remède au mal qui fait souffrir notre population.

Le rendement des fermes diminue. Pendant que l'Ontario reste à la tête des provinces du dominion dans l'industrie agricole, la province de Québec est reléguée au troisième rang. Pendant que la province d'Ontario possède à son actif les trois huitièmes de la valeur totale des récoltes du Canada, notre province descend au troisième rang, avec au-delà de $109,500,000 de moins qu'Ontario et au-delà de $7,000,000 de moins que la Saskatchewan.

Nous pouvons trouver ces renseignements dans les fascicules de la Statistique mensuelle, publiée par le ministère de l'Agriculture à Ottawa. Voici néanmoins quel a été le rendement par province de la récolte de 1909: Ontario, $200,398,000; Saskatchewan, $97,677,000; Québec, $90,671,000; Manitoba, $74,420,000; Nouvelle-Écosse, $22,819,000; Alberta, $20,741,000; Nouveau-Brunswick, $18,150,000; Île-du-Prince-Édouard, $9,212,000. En 1910, à cause de la récolte extraordinaire du foin et des céréales et de certaines parties dans la Saskatchewan, Québec est arrivée la deuxième.

Quelles sont les causes qui nous empêchent de rivaliser avec Ontario? L'insuffisance du nombre de nos industries.

On sait que les vieilles fermes de notre province sont infestées de mauvaises herbes et qu'elles perdent ainsi un tiers de leurs revenus. Le département de l'Agriculture de Québec a publié un volume intitulé: Les mauvaises herbes. Dans son introduction, l'auteur, M. O.-E. Dallaire, conférencier agricole, affirme que les mauvaises herbes causent pour des millions de piastres de dommages dans notre province et qu'elles règnent en maîtresses en trop d'endroits5.

Le grand remède à ce fléau est la culture intensive, la culture sarclée. Mais, comme cette culture ne peut être payante qu'en autant qu'elle se fait à proximité du marché, elle n'est presque pas en pratique dans notre province. Je reviendrai tout à l'heure sur ce sujet et je démontrerai aussi qu'avec plus d'industries la population ouvrière augmenterait et que la main-d'oeuvre deviendrait naturellement moins rare et moins coûteuse.

Quand il y aura surcroît de population dans nos campagnes et que notre politique de colonisation sera avantageuse, il y aura encore des Canadiens pour fonder des paroisses. La main-d'oeuvre sera aussi moins rare pour nos cultivateurs. Dans une petite ville industrielle, il y a toujours des hommes qui, soit par la fatigue causée par le travail dans la fabrique ou par attente d'emploi, ne refusent pas de travailler sur la ferme.

La culture intensive à proximité d'un marché, c'est connu, rapporte trois fois plus que la grande culture, loin du marché. Par conséquence, avec des marchés avantageux dans chaque comté, il ne serait pas nécessaire d'avoir 100 acres en culture pour vivre à l'aise. Une ferme de 30 acres où l'on peut faire avantageusement de la culture intensive rapporte plus qu'une ferme de 100 acres où l'on ne fait que de la grande culture.

C'est pour cette raison qu'aujourd'hui les cultivateurs même à l'aise, très à l'aise, qui ont quatre ou cinq garçons à établir, s'en sentent incapables, et deux ou trois d'entre eux prennent le chemin des villes. Sous le régime actuel, il faut trop grand de terre en culture pour pouvoir vivre et rencontrer ses affaires.

Ontario reste à la tête des provinces parce qu'elle sait coloniser et rendre la culture payante par la variété de ses industries. Et nous avons la preuve qu'elle sait coloniser, puisque son système a attiré de 1901 à 1910, rien que dans le Nouvel-Ontario qui contient six districts, plusieurs milliers de Canadiens français, sans parler des autres nationalités. En 1901, la population catholique canadienne était de 20,284; en 1910, elle est de 49,060, soit en neuf années, une augmentation de 28,776.

Dans la province de Québec, la population des campagnes où doit se faire la colonisation, augmentation de la population: 3,000 en 10 ans. La valeur des terrains dans Ontario est de $536,755,663 et dans Québec de $248,236,261, soit une différence d'au-delà de $300,000,000 en faveur d'Ontario.

Le député de Saint-Louis (M. Langlois) a établi dans cette Chambre, par des statistiques officielles, que Québec avait 1,699 établissements industriels de moins qu'Ontario; que notre capital engagé dans l'industrie était d'au-delà de $72,500,000 de moins que celui d'Ontario; que nous payions en salaires $20,000,000 de moins qu'Ontario. Dans Ontario, il y a 88 villes et 36 seulement dans Québec. Qu'est-ce qui nous manque? De l'espace? Mais non, puisque sans compter l'Ungava la province de Québec comprend une superficie de 347,000 milles et, nous dit Arthur Buies, sinon M. Girard6, ses conditions physiques sont telles que l'activité humaine y trouvera le plus admirable champ qui existe pour le développement des industries modernes les plus considérables. C'est le gouvernement qui a fait publier cette statistique.

Sur les 222,000,000 d'acres qui comprennent la superficie de la province de Québec, un dixième environ est exploité. Le recensement de 1901 nous fait constater qu'il y avait alors 7,421,265 acres de terrains en culture, pâturage, jardinage, vergers; 1,560,960 acres en broussailles, rochers, marais ou autres terrains dépouillés de bois, ce qui laissait pour la forêt, dit le publiciste du département de la Colonisation, une aire de 397,721 milles en superficie.

Des terres arables? M. Arthur Buies, écrivant comme publiciste du gouvernement, dit que notre province offre une grande variété de terres arables douées d'un rare pouvoir fertilisant. D'ailleurs, toutes les brochures du gouvernement vantent la richesse de notre sol et de notre climat. Nous manque-t-il des pêcheries, des mines, des forêts, des pouvoirs d'eau et des essences?

Des pêcheries? Mais nous en avons de riches, de splendides. Elles sont supérieures à celles d'Ontario. Le golfe et le fleuve Saint-Laurent, dit encore un publiciste du gouvernement, pourraient peupler tous les océans du globe. Et l'on peut dire que tous les lacs de la province, à peu d'exceptions près, sont extrêmement poissonneux.

Des mines? D'après les rapports de la commission géologique d'Ottawa, voici l'inventaire minéralogique de la province de Québec: les terrains laurentiens qui traversent tout le territoire provincial à partir du Labrador renferment l'apatite ou phosphate, le fer magnétique et titanique, la plombagine, le mica, le graphite, ainsi que les granits, les labradoristes, les calcaires, peu exploités jusqu'à présent, mais aptes à fournir des matériaux de construction et d'ornementation. On y trouve aussi à l'état cristallisé divers échantillons minéralogiques très curieux, grenat, baryl, olivine, spath fluor, etc.

Dans la région du Témiscamingue, des mines de plomb argentifère. Dans les Cantons de l'Est, on rencontre le cuivre, le fer magnétique et l'oligiste, l'antimoine, le nickel, l'argent, l'or d'alluvion. En diverses localités de la même région, on exploite les schistes argileux comme ardoises. Les calcaires et granits fournissent de très bonne pierre à construire. Dans les mêmes formations paraissent les serpentines qui fournissent l'amiante, le scapstone ou stéanite et le fer chromé. La richesse des alluvions aurifères de la Beauce est bien connue.

On a percé en divers endroits de la province des puits de gaz naturel, et de pétrole dans la Gaspésie. Les dépôts de fer des marais, d'ocre, de tourbe, de marne sont nombreux, de même que les sources d'eaux minérales. Les granits gris et blancs couvrent de grandes surfaces, particulièrement dans les comtés de Compton et de Stanstead, et les granits et syénites accompagnent les roches laurentiennes dans les comtés du bord du fleuve et le long du chemin de fer du Lac-Saint-Jean. Les roches diorite, dolérite et trachyte forment les montagnes de Yamaska, Johnston, Rougemont, Montarville, Montréal, Rigaud, Brome et Shefford. L'argile à briques est exploitée sur les rives du Saint-Laurent en plusieurs endroits. Le mica est abondant dans les régions de l'Outaouais et du Saguenay.

On fait d'importantes découvertes de mines d'amiante dans le comté de Mégantic, de mines d'argent dans Chibougamau, Abitibi, etc. Cependant, le rapport de 1910 du ministre des Mines du Canada nous fait constater que, sous la valeur des minéraux extraits de notre sol, Québec arrive au 4e rang avec $36,000,000 de moins qu'Ontario qui, cependant, n'a pas de charbon7.

Des forêts? Mais nous avons les plus belles forêts du monde, les plus riches et les plus variées en essences. Au-delà de 200,000,000 d'acres de forêts que le gouvernement devrait se garder de livrer aux exploiteurs!

Des pouvoirs d'eau? Consultons maintenant le rapport d'un autre publiciste du gouvernement, M. J.-C. Langelier8, sur la force utilisable des pouvoirs que pourraient fournir les rivières du Lac-Saint-Jean. La rivière Péribonka, 300,000 chevaux-vapeur, à peu près tout ce que peut fournir la fameuse chute Niagara. La Mistassini, 100,000 chevaux-vapeur; la Chamouchouan, 100,000 chevaux-vapeur; la Ouiatchouane, 33,000 chevaux-vapeur. Et Buies, résumant ce rapport, conclut que la région du Lac-Saint-Jean peut fournir une force de 650,000 chevaux-vapeur, c'est-à-dire plus que celle des rivières de la Suède et de la Norvège, où l'industrie de la pulpe s'alimente cependant plus que dans toute autre partie du monde et que la province de Québec possède les plus beaux et les plus puissants pouvoirs d'eau de l'Amérique du Nord.

En effet, dans toutes les régions de notre province, il y a des pouvoirs d'eau que nous pourrions exploiter. Ce que nous pourrions faire avec le Saint-Laurent, M. l'abbé Choquette9, une autorité en cette matière, nous l'a dit dans une remarquable conférence.

De toutes les provinces de la puissance, a dit le conférencier, la nôtre est assurément la plus riche en trésors d'énergie motrice qui sont d'inombrables chutes, cataractes et rapides de rivières qui ont leur source dans la chaîne des Laurentides et dans cet énorme fleuve qui joint les grands lacs à la mer.

C'est à tort qu'on prétend avoir utilisé au seul bénéfice de Montréal toute la force disponible du Saint-Laurent. Songe-t-on que la différence du niveau du fleuve entre Cornwall et Montréal est de 17 pieds et que le volume qu'il roule est 10 fois plus considérable que celui des chutes Niagara? Eh bien, on peut être assuré que, sans nuire à la navigation, sans gâter la beauté naturelle de notre fleuve, on pourrait lui faire produire un million de chevaux, l'énergie motrice ou lumineuse qui se pourrait distribuer dans un rayon de 200 milles.

Un million de chevaux-vapeur, cela représente une consommation quotidienne de 30,000 tonnes de charbon que nous jetons littéralement à l'eau chaque jour, depuis des années, en n'utilisant point l'énergie du Saint-Laurent. Et quel moyen est meilleur pour utiliser cette énergie si ce n'est l'électricité qui nous permet de la transmettre à distance? En passant, M. l'abbé Choquette rappelle que c'est à Saint-Hyacinthe, en 1894, que fut installée la première usine pour la production et la transmission de l'énergie électrique au Canada.

Puis, donnant encore un cachet plus pratique à sa conférence, M. Choquette compare le coût de la production de l'énergie motrice ou lumineuse par la vapeur et par les pouvoirs d'eau. Le cheval-vapeur à Montréal ne coûte pas moins de $30 par an avec la journée de 10 heures, il peut coûter aussi $50, $75 et $100. Et, pourtant, la compagnie de Shawinigan qui utilise les chutes d'eau livre la même force à raison de $14 ou $15 par an avec la journée de 24 heures. Les seuls inconvénients que présente l'utilisation des chutes d'eau, c'est le coût élevé des dépenses de première installation et la perte d'énergie qui se produit dans la transmission.

Toutefois, on réussit aujourd'hui à établir l'installation nécessaire pour une production de 20,000 chevaux-vapeur à un coût moyen de $6 à $75 par cheval-vapeur et, quant à la perte d'énergie dans la transmission, elle n'excède guère 25% et ce pourcentage peut être encore de beaucoup réduit en faisant entrer le radium à l'alliance dont sont fabriqués les câbles de transmission.

Le conférencier consacre la dernière partie de son étude à exposer le rôle réservé à l'électricité dans le développement industriel de la province. Après avoir fourni aux villes et aux villages de quelque importance la force motrice et lumineuse, l'électricité révolutionnera l'industrie métallurgique, puisque bientôt on compte traiter le minerai de fer à raison de $12 la tonne et le cuivre à raison de $20.

Le conférencier termine en donnant un patriotique conseil aux hommes de notre province qui détiennent la propriété de nos pouvoirs d'eau. Il leur conseille de garder pour nous ces grands trésors et de ne pas permettre que les Américains nous les accaparent. Les pouvoirs d'eau sont indispensables au progrès de notre industrie. Qu'on se souvienne que, dans un jeune pays comme le nôtre, ceux qui auraient à contrôler la vie industrielle sont bien près de digérer (sic) aussi à leur gré la vie politique. Voilà ce qu'affirmait un homme de la compétence de M. l'abbé Choquette. Qu'a fait le gouvernement pour mettre en pratique les conseils de M. l'abbé Choquette? Il a sacrifié nos pouvoirs d'eau en générant les énergies électriques essentielles à la création et au progrès de l'industrie. Oui, on a fait cela en ce siècle où l'électricité est appelée à jouer un si grand rôle.

N'est-il pas vrai que le gouvernement dont l'honorable premier ministre faisait partie concédait à la Montreal Light, Heat & Power Co. à perpétuité, moyennant $4,200, les rapides situés en aval et en amont du barrage de Chambly? Et que d'autres aux étrangers? Il était en train de livrer la province aux Américains. À un tel point que la Presse n'a pu s'empêcher de faire cet humiliant aveu: Les chefs de la finance et de l'industrie, dit-elle, sont trop intelligents pour ne pas prévoir les conséquences d'une semblable dilapidation. Aussi, depuis quelques années, ils font étudier le Canada en tous sens par des ingénieurs et des experts. Ils sont mieux renseignés sur nos ressources naturelles que la plupart de nos gouvernants. Ils ont fait l'inventaire de notre richesse forestière et étudié les moyens les plus économiques de l'exploiter. Ils connaissent tous nos pouvoirs hydrauliques et le parti qu'on peut en tirer en façonnant les matières premières qui se trouvent à proximité. Nos mines de fer et de charbon sont surtout l'objet de leur convoitise, mais les autres gisements ainsi que les sources de pétrole ne sont pas pour cela négligés. C'est une annexion déguisée, ou plutôt une appropriation de nos forces productives que nos voisins sont en train d'effectuer sans trop attirer l'attention du public canadien.

Et la Presse disait aussi il n'y a pas un quart de siècle: "La motion du député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) contre l'envahissement du Canada par le capital américain vient en temps utile. Elle est le thème d'une vaste discussion qui devra placer l'impérialisme sur son véritable terrain. Les coteries et la politique de clocher ont entièrement défiguré ce mot qui devrait vouloir dire: le développement des intérêts britanniques dans tout l'Empire au bénéfice de toutes les parties et non une conspiration de cajoleries stériles par le bureau colonial contre les colonies.

"Que nous valent des paroles mielleuses sans sanction pratique, des invitations à fournir du sang et de l'argent sans que la source de l'autorité, de l'influence et du capital projette un jet de notre côté? C'est bien toujours l'histoire de foi sans les oeuvres dénoncée dans le Sermon de la montagne."

Des essences? Voici encore ce que nous disent les statistiques du gouvernement: La province de Québec ne possède pas seulement des forêts plus considérables que celles de tout autre pays du monde, la Russie comprise, comme on le verra plus loin par quelques comparaisons faites entre cette province et les pays les plus producteurs de bois de l'Europe, mais ses forêts sont encore remarquables par la grande variété de leurs essences. Sans compter les essences de nos forêts, de nos bois qui peuvent aussi fournir le charbon de bois, le goudron, l'acide acétique, les résines, les créosotes, les alcools, les essences, le térébenthine, charpies pour pansements, imitation de coton et de soie, boîtes de cigares, porte-cigares, cadres, poulies, éconduites de vapeur et d'eau, poteaux pour fils électriques, éconduites électriques, matériaux de toiture, cercueils, canots, tapis, matelas, crayons de plomb, paille artificielle, talons et autres accessoires de chaussures, vases et ornements, meubles, fers à cheval, fuseaux et bobines, manches d'outils, boutons, manchons de bicycles, conserves de fruits, chapeaux, lettrages à enseignes, boîtes de piano, tuiles, peinture protectrice pour métaux, briques de pavages, fibre chamois, substituts de la pierre à bâtir et de la planche, enduits pour planchers.

Notre flore canadienne ne contient-elle pas aussi des plantes médicinales dont la culture et la préparation chimique fourniraient à nos pharmaciens une foule de médicaments qui sont aujourd'hui importés de l'étranger?

Je crois avoir établi, M. l'Orateur, que nous avons dans notre province des matières premières qui, si elles étaient exploitées d'une façon pratique, seraient une source de richesse pour toutes les classes de notre population.

Le développement de l'Ouest canadien nous est fatal au point de vue de la colonisation, mais il peut nous être d'un grand avantage sous le rapport industriel. L'Ouest est essentiellement agricole. Nous lui expédions des produits manufacturés dont il a besoin et il sera pour nous un marché avantageux. Pour cela, il faut développer nos industries. Québec et Ontario devraient être, à cause de leurs richesses naturelles, leurs pouvoirs d'eau et leurs bois, les deux grandes provinces industrielles du dominion.

Le remède à nos maux et la source de notre progrès, je l'ai écrit souvent au cours de ma modeste carrière de journaliste, c'est l'industrie partout où elle peut être organisée. Et nous sommes en mesure d'établir que l'État, que notre législature a manqué de prévoyance sous ce rapport.

L'industrie! L'industrie avec l'agriculture, voilà ce que nous avons réclamé et ce que nous réclamons encore pour la province de Québec. Quoi qu'on en dise, les hommes d'État qui ont proposé ces réformes ont donné la preuve de la profondeur de leur vue dans les secrets de l'avenir et de leurs vastes connaissances des richesses et des besoins de leur pays.

Cartier et Chapleau ont introduit l'industrie dans la province de Québec. Mercier a continué à encourager l'industrie laitière. Le gouvernement, dans ses brochures, démontre que les industries de la betterave, du tabac, du lin, des conserves alimentaires, des essences forestières, etc., pourraient prospérer dans cette province. Cependant, le gouvernement n'a encore rien fait pour assurer le développement de ces industries.

Notre province est l'une des contrées les plus riches en matières premières et nous n'avons pour ainsi dire pas d'industrie nationale. Notre gouvernement n'encourage que l'industrie laitière. Pendant que des hommes d'État, par leur patriotisme et leur initiative éclairée, réussissent à faire des pays renommés avec des lagunes stériles, des plages sablonneuses, des rochers arides, qu'a fait notre gouvernement pendant 12 années de prospérité inouïe dans cette province si riche et si féconde?

Ne faisons pas faire aux autres ce que nous sommes capables de faire nous-mêmes avec avantage, tel devrait être le "motto" de notre province. Cette théorie qu'émettaient les chefs de la province il y a plus d'un demi-siècle, elle est toujours de mode, elle est toujours patriotique, elle doit être toujours celle des partisans du progrès.

M. l'Orateur, un des chefs politiques qui eut ses succès, l'honorable M. Préfontaine10, s'écriait un jour: Ce qui paraît nous manquer le plus, c'est une certaine audace qui nous pousserait à nous lancer hors des sentiers battus. Il me semble que nous retardons un peu sur le siècle et que nous ne voyons pas assez de Canadiens dans les grandes entreprises commerciales et industrielles. C'est le cas des gouvernements qui se sont succédé depuis quelques années.

Un autre politique non moins distingué, l'honorable premier ministre, ne s'écria-t-il pas lui aussi dans la même circonstance: Mais, depuis la consécration formelle sinon définitive de nos droits, avons-nous toujours sagement appliqué nos énergies nationales, fait tout le chemin que nous aurions pu faire? Abstraction faite de la question des races, nous vivons dans une ère de travail et de lutte. Seuls les vaillants sortiront victorieux du concours qui s'est ouvert dans toutes les sphères de l'activité humaine. Tous les peuples ont à lutter sur le terrain économique dans l'agriculture, le commerce, l'industrie. Dans le domaine des sciences, des arts, les rivalités, pour être plus pacifiques, n'en sont pas moins vives. Sous peine de se voir graduellement évincé de la terre conquise par nos aïeux, le peuple canadien-français doit se mêler à la lutte économique comme aux luttes intellectuelles.

C'était alors jour de Saint-Jean-Baptiste!

Si nous considérons la situation économique de notre province et la conduite de ceux qui en sont responsables, il sera difficile de trouver les vaillants dans le ministère. C'est quand le citoyen manque d'initiative, d'audace et de ressources que l'État doit lui venir en aide. Et c'est ce que fit Chapleau pour l'industrie laitière, mais ce n'est pas ce qu'a fait le gouvernement Gouin. M. Errol Bouchette11, qui est peut-être le meilleur économiste canadien, n'affirme-t-il pas que, dans un pays comme le nôtre où tout est à faire, et à faire rapidement, la réforme ne peut s'opérer sans une impulsion donnée, soit directement, soit indirectement, par l'État?

Et, pour convaincre les orthodoxes comme l'honorable député de Laval (M. Lévesque), je dirai que même les encycliques enseignent à l'État d'aider au développement des ressources naturelles de son pays et de stimuler le zèle de ceux qui l'exploitent en encourageant tous les travaux qui peuvent contribuer au progrès de l'agriculture, du commerce, de l'industrie, etc. (Manuel du citoyen catholique)

Les législatures? Mais, me dira-t-on, c'est au pouvoir fédéral à s'occuper de nos industries nationales. Je soutiens, M. l'Orateur, que des législatures doivent prendre une large part de responsabilité dans le développement de leurs provinces.

Errol Bouchette fait à ce sujet les judicieuses remarques suivantes: "Lorsque les fondateurs de la Confédération firent la Constitution canadienne, ils paraissaient s'être attachés à restreindre autant que possible les attributions des législatures provinciales. Sir John Macdonald disait qu'en agissant ainsi on voulait éviter une grave erreur commise alors qu'eut lieu le pacte fédéral des États-Unis, lequel, en voulant sauvegarder le principe de la souveraineté de chaque État, laissait trop faible la législature centrale. Il fallait, suivant lui, faire pencher la balance du côté opposé. C'est la crainte d'une trop grande puissance accordée à la législature centrale qui fit naître à cette époque un parti hostile à la Confédération. Ni les uns ni les autres ne prévoyaient que l'axe social, en se déplaçant, dérangerait tous les calculs et rendrait par cela même l'oeuvre bien meilleure. Les questions nationales modernes, nous l'avons vu, sont presque toutes d'ordre économique et industriel. Dans notre pays, croyons-nous, nous possédons tous les éléments essentiels à la grande production industrielle. Mais, la population étant encore peu nombreuse, le marché indigène et partant l'importation nécessairement limitée, le tarif douanier n'aura pas avant plusieurs années, peut-être jamais en Canada, l'influence décisive et vitale qu'il exerça longtemps aux États-Unis. L'influence prépondérante du tarif donna au pouvoir central américain la puissance qui lui manquait. La cause contraire produit au Canada l'effet opposé. Sans doute, les attributions de notre gouvernement fédéral sont très amples; elles sont suffisantes pour l'administration efficace du pays. Mais chaque province n'en reste pas moins maîtresse de ses destinées. Chacune tient la clef de son avenir. Dans un sens, elles sont plus puissantes que l'administration centrale; elles peuvent même sans son concours faire beaucoup pour son avancement, c'est-à-dire pour l'avancement du Canada. Mais, s'il arrivait aux provinces de ne pas faire leur devoir, si elles négligeaient de profiter des avantages que leur offre notre constitution pour préparer les conditions économiques et sociales qui feront, dans l'avenir encore plus que par le passé, la base de la puissance des peuples, le pouvoir central resterait, quoi qu'il fît, impuissant et désarmé. En lui s'incarnera la grandeur nationale, mais à la condition que chaque province devienne la mère féconde de sages et utiles citoyens."

Toutes les législatures de notre pays se sont intéressées aux industries locales. La législature d'Ontario encourage, au moyen de primes, plusieurs industries. La législature de Québec a encouragé et encourage encore par des octrois ou primes l'industrie laitière. N'a-t-elle pas primé déjà les industries des conserves alimentaires et de la betterave?

Confronté aux exigences de l'Ouest canadien, le gouvernement fédéral semble reconnaître que ce tarif de protection pourra difficilement répondre aux intérêts de l'Est. La législature doit donc protéger nos industries nationales et intervenir auprès du gouvernement fédéral au besoin. Nous ne pouvons pas faire de traités commerciaux, mais nous pouvons en maintes occasions protéger nos industries, et plus particulièrement nos industries agricoles.

Les législatures doivent donc s'occuper de leurs industries nationales. Elles doivent les surveiller, les encourager, les protéger, de façon à ce que le pouvoir fédéral leur accorde l'aide dont elles ont besoin et à suppléer à l'insuffisance de protection du gouvernement d'Ottawa. Il faut faire disparaître cette fausse et dangereuse opinion que les législatures sont de simples conseils municipaux, et c'est au gouvernement et aux députés à travailler sérieusement à faire disparaître cette impression. Nous ne réussirons qu'en autant que nous considérerons sérieusement la plupart des questions nationales comme des questions d'ordre économique et industriel.

Et c'est parce que, comme l'a dit Paul Doumer12 dans un discours sur l'expansion française, l'expansion d'une nation, d'une race, c'est-à-dire son développement, le développement de son action, de sa puissance, de son autorité, doit se faire de cent façons, dans les multiples branches de l'activité humaine" que je me fais l'avocat de l'industrie.

Je considère que l'agriculture doit embrasser toute la multitude des petites industries et que l'on doit greffer les industries sur l'agriculture, afin de permettre aux cultivateurs de varier leur culture et d'utiliser toutes les saisons. Il s'agirait de naturaliser chez nous quelques-unes de ces industries qui pourraient utiliser nos matières premières et en faire des produits recherchés et lucratifs. Et, d'ailleurs, c'est ce qu'ont fait tous les pays qui ont brillé au premier rang des nations. L'industrie et le commerce firent d'une contrée stérile comme la Phénicie un des pays les plus renommés de l'Antiquité. Et que ne pourrions-nous pas dire d'Athènes, de Carthage, de Venise, de Gênes?

Et n'est-ce pas à son manque de génie industriel que l'Espagne doit sa décadence? Elle fit comme fait notre gouvernement. Elle échangea ses richesses, ses gallons, pour des produits manufacturés de l'Angleterre et de la France, faisant ainsi travailler les étrangers qui recevaient, en conséquence, le profit clair et net de ses mines.

Et c'est encore l'industrie qui fit la puissance de la France et qui lui permit de supporter ses célèbres guerres. Henri IV, Louis XV et Napoléon 1er comprirent l'importance, la nécessité de l'industrie. Henri IV commença donc par prohiber l'exportation du numéraire, puis il exclut du royaume les étoffes de soie, d'or et d'argent, les glaces de Venise, les tapis précieux, etc.

Une ordonnance introduit sur une vaste échelle la culture du mûrier et du vers à soie, les gobelins furent fondés, les tapis de Sèvres furent établis et l'on commença la préparation de glaces qui, bientôt, rivalisèrent avec celles de Venise.

Or il n'est personne qui ne sache que ces industries sont la source principale des exportations françaises et qu'elles contribuent pour une large part à la richesse du pays.

Après avoir souffert des erreurs de Sully, la France reprit sa marche avec Colbert qui, nous dit l'histoire, fit frapper les produits de l'étranger de droit équivalant à la prohibition tandis qu'on attirait dans le royaume tous ceux qui pouvaient y établir quelque nouvelle industrie. En 1665, les manufactures éclosent de toutes parts; les fabriques de fil s'établissent au Quesnoy, à Arras, Sedan, Château-Thierry, Loudun, Alençon, Aurillac, etc. Les Von Robais, habiles fabricants hollandais attirés par Colbert, introduisirent à Abbeville la fabrication des draps fins, façon de Hollande, les draperies, sergeries, tanneries, courroieries se multiplient et se perfectionnent, les points de Gênes, de Vienne et d'Espagne sont introduits en France, une manufacture de glaces est établie au faubourg Saint-Antoine à l'instar de Venise. C'étaient en grande partie des Français qui soutenaient à Venise ces deux sortes de manufacture.

Colbert rappelle par tous les moyens en France les industriels, les artistes, les marins qui prêtaient à l'étranger une intelligence et des bras que réclamait la patrie. En même temps, il attire au dehors, par toutes sortes d'avances et de libéralités, les artisans étrangers les plus adroits. Les métiers à bas, autrefois inventés en France puis oubliés tandis qu'ils se répandaient en Angleterre, avaient été rapportés.

Cette industrie prit un grand développement. On établit des verreries et cristalleries, des fonderies et des batteries de cuivre et d'airain, des fabriques de fer blanc, de cordages, de toiles à voiles, puis en 1668 des moulins à fer et à acier et des scieries.

Dès 1669, plus de 44,000 métiers étaient employés dans l'industrie des laines, le commerce de Lyon se releva pour ne plus déchoir, les soieries produisirent bientôt un mouvement de 100,000,000 de francs de notre monnaie. Le plus large avenir industriel était réservé à la France en 1672, à l'époque culminante du ministère de Colbert. Si plus tard le mouvement se ralentit, si le grand ministre vit, avant de mourir, des années moins prospères, la cause en fut dans la politique et dans la guerre et non dans les lois économiques. N'est-ce pas à Napoléon 1er que la France doit de fabriquer le coton et le sucre de betterave?

Et faut-il parler des États-Unis où les importateurs et les industriels s'entendaient pour combattre les importations dès qu'ils réussissaient à avoir la matière première? Aussi, dit un journal, pour conserver les millions de dollars que leur enlève tous les ans l'importation des soieries s'est-on mis à l'oeuvre pour cultiver le ver à soie; de même pour se rendre indépendant de l'Angleterre pour ces belles laines d'Angora, dont l'Angleterre a le monopole, se sont-ils occupés activement de l'élevage de chèvres dont le nombre excède aujourd'hui 300,000 et l'on verra peut-être, d'ici à quelques années, la multiplication de ces chèvres portée à plusieurs millions. On peut juger dès à présent les revenus prodigieux que donnent ces chèvres si l'on considère que cet animal précieux rapporte à l'abattoir de $10 à $12 comme produit collectif de la vente de la peau.

Encore une industrie où les Américains viennent de se lancer, c'est celle dans laquelle on emploie l'aluminium. En 1881, seulement quelques 100 livres de ce métal ont été employées pour la fabrication d'ustensiles de cuisine, etc. L'an dernier, au-dessus de 2,000,000 de livres ont été employées de la même manière pour satisfaire au besoin du commerce qui va toujours grandissant. De plus, non satisfaits, les Américains parlent de cultiver le thé.

Pour nous, disait la Presse, l'édifice économique entier repose sur la loi de la production nationale. Toute importation d'articles fabriqués en dehors du pays est une faiblesse et un malheur même si ces articles représentent une économie au consommateur.

Étienne Parent13 écrivait un jour: "Si nous jetons les yeux sur les fabriques domestiques, nous verrons que nous, habitants du vieux Canada, nous sommes pour un bon nombre tributaires des habitants du Haut-Canada, sans parler de nos autres voisins du côté du sud. Nos seaux, nos balais et mille autres articles du ménage domestique nous viennent du Haut-Canada. Véritablement, nous mériterions que nos ménagères fissent usage de leur arme naturelle, du manche à balai, pour nous réveiller et nous forcer à devenir plus industrieux. Ce ne sont pourtant pas les bras qui nous manquent dans un pays où toute la population agricole est presque inoccupée pendant cinq mois de l'année. Ce n'est pas non plus la force hydraulique qui nous fait défaut, car sous ce rapport nous sommes mieux partagés que le Haut-Canada où les fabriques domestiques se multiplient, faisant partout où elles exigent surgir de terre des villes et des villages florissants. Qu'on ne dise pas non plus que les capitaux nous manquent, car s'il n'y a pas partout accumulation de capitaux en peu de mains, partout il y a l'association. Ce qu'un jeune homme ne peut pas faire, deux, quatre, dix, cent le peuvent sans gêner leurs opérations ordinaires."

Or, Monsieur l'Orateur, ce que le grand patriote écrivait il y a au-delà d'un demi-siècle est encore d'actualité pour nous de la province de Québec.

Non seulement nous importons beaucoup d'Ontario où les industries sont plus nombreuses que chez nous, mais même un certain nombre de colons, de braves colons de notre province sont forcés de faire leurs achats à Toronto et dans d'autres villes ontariennes pour la pénible raison qu'il manque de communications pour faire avantageusement affaire avec Montréal ou quelques autres de nos villes. Et nous importons chaque année des États-Unis des produits agricoles pour au-delà de $24,000,000 et d'Angleterre pour au-delà de $2,000,000. Mais les importations générales s'élevaient en 1908 à $292,800,000. Les importations dépassent de beaucoup les exportations.

La province de Québec a amplement sa part dans ces importations puisque notre province a peu d'industries. Et qu'importons-nous? Du maïs, des fèves, du cidre, des liqueurs, des biscuits, du chanvre, des betteraves, de l'acier, des sauces et "catsups", des tomates, des savons, ficelle à engerbage, conserves de viande, de légumes et de fruits. Et nous exportons pour des centaines de milliers de dollars de matières premières extraites de nos pêcheries, de nos mines, de nos forêts, de nos campagnes, lesquels produits, dit un publiciste, nous reviennent de l'étranger sous forme d'épingles, de plumes métalliques, d'huile de foie de morue, etc.

Oui, ce que disait Étienne Parent il y a plus de 50 ans est encore vrai et c'est facile à constater, M. l'Orateur, puisque moi-même un jour, en présence de quatre amis ministériels, je trouvai sur la table à dîner de mon hôtel deux bouteilles, dont l'une de "catsup" et l'autre de sauce. La bouteille de "catsup" portait la marque de fabrique suivante: Toronto Catsup Sterling Brand prepared by the Lytle Co. Limited, Toronto. La bouteille de sauce venait de Worcester, Angleterre.

Pendant que chaque jour nous démontrait que l'industrie laitière, encouragée par le Parti conservateur d'abord, a été la planche de salut de la classe agricole de notre province, pendant qu'Ontario prouvait les avantages de l'industrie des conserves alimentaires, que faisait le gouvernement de Québec? Rien. Ou, plutôt, il travaillait à enrayer le développement de nos industries en diminuant par exemple les primes à l'industrie des conserves, industrie importante pour la classe agricole et si avantageuse pour les vieilles paroisses et pour les centres de colonisation. Ainsi, par exemple, ne devrait-il pas y avoir de ces fabriques de conserves à Sainte-Agathe, au Nominingue, etc., pays de montagnes à pâturages, à fruits et à légumes?

Parlant de Saint-Jovite de Terrebonne, M. Eugène Rouillard, encore un employé du gouvernement, dit que cette région finira peut-être par devenir un centre industriel alors que l'on utilisera la houille fournie par la rivière Rouge14. Le même M. Rouillard écrit dans le même bulletin qu'à la montagne Tremblante l'industrie de l'alcool méthylique et celle de la colonisation du bois y ont fait leur apparition. Cependant, le gouvernement n'a rien fait et ne fait rien pour encourager ces industries.

Pendant que les Américains poussent le progrès de l'industrie jusqu'à transformer les prairies en érablières pour en faire une exploitation rationnelle, que fait le gouvernement pour encourager de nouvelles industries dans notre province? Encore rien.

Pendant que les statisticiens démontrent qu'en Suisse la seule fabrication des montres rapporte des millions et des millions à ces pays qui en exportent pour au-delà de $20,000,000, pendant qu'en Suède on utilise jusqu'aux moindres déchets de la forêt, qu'on y utilise jusqu'à la mousse qui croît dans les forêts, qu'est-ce qu'a fait le gouvernement pour chercher à utiliser nos matières premières? Toujours rien.

M. J.-C. Chapais, l'un des conférenciers du gouvernement d'Ottawa, considère que l'industrie du bacon est l'une des plus importantes à pratiquer par nos cultivateurs de la province de Québec.

Le gouvernement qui administre les affaires de la province reconnaît lui aussi l'importance de l'industrie du bacon. Il a publié une brochure pour vanter cette industrie.

Or le gouvernement n'a rien fait pour encourager le développement de cette industrie qui permettrait de varier si avantageusement les sources de revenus de notre agriculture. Il est resté inconscient. Nos industries de conserves alimentaires sont aujourd'hui menacées de ruine. Car, si la convention douanière Taft-Fielding est ratifiée, les prix de nos viandes subiront une baisse considérable puisque par cette convention l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la République argentine auront droit d'exporter librement au Canada leurs viandes et l'on sait que ces pays en exportent pour des centaines de millions par année.

L'industrie du bacon et celle des conserves alimentaires sont menacées en raison de l'expédition massive de ces produits en provenance de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et de la République argentine.

Et, pendant ce temps-là, on demande au gouvernement d'imiter au moins celui d'Ontario et d'encourager, par exemple, l'industrie du sucre de betterave. Il y a quatre usines de ce genre dans Ontario et il n'y en a pas dans Québec. Cette industrie, cependant, n'étant pas encore suffisamment primée dans Ontario, n'y est pas très prospère. Mais une enquête sur la production de la betterave à sucre au Canada et la fabrication du sucre raffiné avec ces betteraves établit que cette industrie offre de grands avantages aux cultivateurs, plus aux cultivateurs qu'aux fabricants. Les fabricants manquent de capitaux pour progresser.

Cependant, voici les conclusions du rapport de l'enquête qui a été faite par un comité du Parlement fédéral, rapport que nous trouvons dans le Bulletin des recensements et statistiques publié par le gouvernement d'Ottawa: "Somme toute, les résultats paraissent, jusqu'ici, avoir été beaucoup plus satisfaisants pour le cultivateur que pour le fabricant, surtout dans les régions jouissant d'un sol propice à la culture de la betterave. Les terres franches ou légères, faciles à travailler, telles qu'on en rencontre dans beaucoup de régions de l'Ontario, ou les terres franches des prairies dans les parties irriguées de l'Alberta, favorisent le développement et la maturité de la betterave à sucre et tous les fermiers qui savent manier la houe à la main ou à cheval avec dextérité manqueront rarement d'obtenir une bonne récolte. Ils peuvent être certains, en outre, d'avoir un terrain propre. De l'avis des cultivateurs que j'ai rencontrés dans l'Ontario et dans l'Alberta, il n'y a pas de culture qui puisse nettoyer si effectivement la terre, ni la mieux préparer pour la saison suivante, si l'on veut par exemple y semer de l'orge, de l'avoine, ou du froment, que la betterave à sucre. Ils disent que la betterave tue cette mauvaise herbe si vivace, connue sous le nom de chardon du Canada. Si vous leur demandez de quelle façon, ils vous répondront que, lorsque la tige du chardon a été coupée par la houe, les larges feuilles de betterave empêchent les rayons du soleil de réchauffer sa racine et qu'ainsi il meurt. Il est certain que l'entretien qu'il est nécessaire de donner à la terre l'améliore considérablement et les différents travaux sont si simples que l'on peut employer de la main-d'oeuvre à bon marché et sans expérience, pourvu qu'elle soit bien dirigée; un cultivateur qui aurait seulement trois ou quatre enfants de huit à seize ans, garçons ou filles, pourrait cultiver sans payer d'autre main-d'oeuvre jusqu'à cinq acres en leur consacrant quelques journées de travail aux différentes époques où il serait nécessaire. Il n'éprouverait pas plus de difficulté qu'il n'en avait il y a cinquante ans à cultiver la même étendue de blé d'Inde.

"La tâche du fabricant nécessite des capitaux, des connaissances spéciales et une expérience approfondie des affaires. Les cultivateurs qui ont comparu devant le comité du tarif et dont les témoignages sont donnés dans l'appendice A parlaient avec une autorité basée sur leur propre expérience pour eux-mêmes et pour la main-d'oeuvre qu'ils emploient. Ces témoignages viennent du sol même et l'on peut affirmer avec confiance que jamais arguments plus favorables n'ont été présentés pour une industrie et soumis à la considération du gouvernement et de la population du Canada. Nulle autre récolte cultivée au pays ne contribue autant que celle de la betterave à sucre à retenir la population sur la terre."

Le gouvernement publie des brochures pour proclamer que l'industrie du tabac peut être une source de grande richesse pour notre province. En 1908, à la veille des élections, les députés ministériels de Montcalm, de L'Assomption (M. Bissonnette et M. Gauthier), voulant se faire un peu de réclame électorale et de capital politique, attirèrent l'attention du gouvernement sur l'importance et l'urgence d'encourager l'industrie du tabac.

L'honorable premier ministre se leva alors et promit que son gouvernement, reconnaissant l'importance de l'industrie du tabac, accorderait à cette industrie tout l'encouragement qu'elle mérite. Quel encouragement le gouvernement a-t-il accordé à l'industrie du tabac depuis 1908? Les comptes publics de 1910, page 292, montrent que le gouvernement a accordé $50 pour encourager cette industrie dans notre province.

Au lieu d'annoncer qu'il accordera chaque année une subvention n'excédant pas tel montant à toute personne qui dirigera telle industrie et qui contactera pour telle somme avec les cultivateurs, le gouvernement ne fait rien. Quand un bon Canadien prend l'initiative de s'occuper d'une industrie, c'est sur son propre capital qu'il doit compter. Quelquefois, il demandera de l'aide au gouvernement et celui-ci, au lieu de l'encourager, lui accordera quelques miettes, et après beaucoup d'hésitation, de tâtonnements, de considération, de voyages et de correspondance.

Accorder $50 pour encourager l'industrie du tabac dans la province? C'est gaspiller cet argent. Qu'est-ce que l'on peut faire avec une pareille somme? C'est quand on veut faire peu que bien souvent l'on gaspille son argent. C'est en vain que des autorités, des publicistes et l'opposition tracent la voie au gouvernement et lui demandent de suivre l'exemple des autres pays et d'en faire bénéficier notre province. Nos ministres, plus politiciens qu'hommes d'État, préfèrent la politique de spéculation, de caisse électorale et de favoritisme à la haute et généreuse protection des facteurs les plus utiles à notre province.

Revenons pour un instant à l'industrie de la pulpe. Cela fait plus de 10 ans que l'opposition supplie le gouvernement d'accorder sa protection à l'industrie de la pulpe. Au moment où il est question de crise commerciale, il se déclare décidé à faire quelque chose en faveur de l'industrie de la pulpe, politique que nous prêchons depuis 10 ans. Pourquoi n'a-t-il pas agi il y a 10 ans? Mieux vaut tard que jamais, mais le gouvernement ne reste pas moins coupable d'avoir fait perdre tant de belles années à notre province. Il reste bien d'autres industries à développer, à encourager, à protéger, en vue du progrès de nos vieilles paroisses et de nos centres de colonisation.

Dès 1910, le regretté M. G.-A. Nantel15 écrivait dans le Monde canadien: "S'il est une question vitale au point de vue du développement de la province et du revenu du Trésor, c'est la protection à accorder à l'industrie de la pulpe, qui se trouve chez nous dans des conditions exceptionnellement favorables, sa matière première essentielle à une quantité de fins commerciales et manufacturières. Il y avait là à tenir une enquête du plus haut intérêt, car dans la ressource du bois de pulpe la province de Québec peut trouver tout ce qu'il lui faut pour mettre son administration financière à l'aise et se donner un essor sans égal dans toutes les branches du progrès qu'elle convoite. Je crains que le gouvernement, libéral de nom, très exclusif de faits et très autocratique, n'ait mal engagé l'affaire et l'ait compromise tout à fait si la Chambre n'intervient pas avec vigueur et sans esprit de parti."

Depuis, les chefs conservateurs ne cessèrent de prêcher cette politique, mais les chefs libéraux restèrent sourds à cet appel patriotique. L'honorable député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) fit de cette idée l'un des principaux articles de son programme. Le Canada et le Soleil le traitèrent d'insensé et l'accusèrent de manquer de sens pratique.

Depuis, des libéraux et des conservateurs se sont unis pour prêcher cette excellente politique et pour dénoncer le gouvernement qui refusait de l'accepter. Par ce refus, le gouvernement a failli à son devoir en refusant d'encourager le développement d'une industrie éminemment nationale et en faisant perdre à notre province des millions de dollars, en empêchant la fondation de paroisses et de villes qui seraient aujourd'hui riches et prospères. Il a refusé de faire bénéficier notre province de ses magnifiques pouvoirs d'eau. Il sacrifiait ces pouvoirs d'eau à des trusts et à des étrangers, aux Américains qui en ont profité pour nous exploiter.

D'ailleurs, le ministre des Terres (l'honorable M. Allard) en a fait naïvement l'aveu au dernier congrès forestier, lorsqu'il disait: Nous exigeons maintenant que tout le bois coupé sur les terres de la couronne soit manufacturé dans le Canada. Par ce moyen, nous assurerons le développement de nos nombreux et puissants pouvoirs d'eau et nous procurerons à notre population un travail abondant que, par le passé, elle est allée trop souvent chercher à l'étranger.

Pourtant, l'honorable premier ministre, ses partisans et ses grands organes ont traité cette politique de stupide et de néfaste. Leur brochure de 1908 dénonçait cette politique comme dangereuse. Mais, en face des meilleurs éléments des deux partis qui s'unirent pour assurer le triomphe de cette grande idée, le premier ministre a cédé. Il a adopté en partie l'an dernier notre politique, mais ce n'est qu'après avoir vendu des milliers et des milliers d'acres de forêts à des particuliers, à des étrangers, à des Américains que le gouvernement a fait statuer ensuite que le bois coupé sur les terres de la couronne sera manufacturé au Canada.

Les coupes de bois affermées aux marchands de bois représentent une étendue de 45,034,880 acres, soit 70,058 milles carrés. À part l'étendue ainsi aliénée, il reste 45,000,000 d'acres sans licence de coupe de bois, et ce sont les déclarations de l'honorable ministre des Terres que je cite. Mais il y a aussi 6,000,000 d'acres en forêts qui sont possédés par des particuliers qui ne sont pas obligés de manufacturer dans notre province.

C'est après avoir pratiqué sans limite cette politique de vente de nos limites que le gouvernement déclare que le bois coupé sur les terres de la couronne sera manufacturé au Canada. Mais le reste, on pourra l'expédier et le manufacturer aux États-Unis ou ailleurs.

Donc, de l'aveu de l'honorable ministre des Terres, le gouvernement, en refusant pendant 10 ans d'adopter la sage politique de l'opposition, a refusé d'assurer le développement de nos nombreux et puissants pouvoirs d'eau et de procurer à notre population un travail abondant, et il a laissé cette population aller chercher ce travail à l'étranger.

Je me sers des propres expressions de l'honorable ministre des Terres qui donne absolument raison à M. René Dupont lorsque celui-ci affirme qu'il y a encore de l'émigration et que nos vieilles campagnes se dépeuplent. Le gouvernement, depuis 10 ans, a vendu nos forêts sans méthode, sans même songer que la forêt, selon l'opinion du ministre des Terres, est un puissant auxiliaire pour la conservation de l'humidité dont l'agriculture a besoin.

Venons-en maintenant à l'industrie du lin. Parlant de cette industrie, la Presse disait en 1903: "Pourquoi le Canada ne deviendrait-il pas, comme l'Irlande et la Belgique, un producteur de toiles, sinon supérieures, au moins de la classe recherchée dans ce pays? Il y a peut-être une grande industrie à l'horizon. Imbus comme nous le sommes des sérieux avantages à attendre de cette culture trop longtemps négligée, nous donnons volontiers l'hospitalité de nos colonnes au génie inventif qui nous apporte une découverte apparemment très vivante et pleine de promesses pour l'avenir. Il ne s'agit pas ici d'une hospitalité d'argent, comme on est trop tenté de l'attribuer aux journaux qui sont supposés faire de la réclame. Nous croyons tout simplement à la valeur de la nouvelle combinaison et nous désirons frapper l'opinion publique des possibilités qu'elle renferme."

Et voici encore ce que nous lisons dans une brochure publiée par le gouvernement de Québec: "Parmi les industries agricoles, qui n'existent encore qu'à l'état rudimentaire, mais dont la province pourrait désormais tirer un excellent parti, mentionnons la culture du lin et l'élevage de la chèvre.

"Le lin n'a guère eu de marché jusqu'à présent et le cultivateur se contentait d'en extraire l'huile pour en donner le tourteau au bétail de la ferme: bien rarement il faisait rouir la tige pour en détacher la fibre et la tisser en une toile rude et résistante. Aujourd'hui, les conditions sont changées et le cultivateur est assuré désormais d'un marché stable et important à Montréal même. Il devra à la Dominion Oil Company qui fabrique tous les ans des millions de verges de prélart et qui vient d'installer dans son usine d'énormes pressoirs pouvant écraser 500,000 minots de graine de lin par an et dont l'huile servira à la fabrication des prélarts, des toiles cirées, etc. À l'heure actuelle, la compagnie achète l'huile dont elle a besoin à raison de 50 centins le gallon. Elle pourra dorénavant acheter la graine de lin même et en extraire l'huile. Ajoutons qu'un arpent de terre semé en lin donne environ, bon an mal an, 15 minots. Le minot se vend au moins $1. Restent encore à utiliser 3,000 livres de tiges de lin qui, une fois décortiquées, donneraient environ 250 livres de fibre valant six centins la livre, ce qui représente $15 de plus, soit en tout $30 par arpent, immédiatement réalisables."

Cependant, le gouvernement n'a rien, rien fait pour introduire et protéger cette industrie. L'élevage de la chèvre pratiqué en vue d'en faire une industrie, dit encore un publiciste du gouvernement, ne tarderait pas à donner des résultats fort appréciables. La province de Québec dépense des sommes assez considérables chaque année pour importer des peaux de chèvre de la Russie, de la Suisse et de la Turquie où l'élevage de la chèvre se fait en grand. Et, cependant, la chèvre n'aurait pas besoin d'acclimatation dans un pays comme le nôtre, celle de Russie surtout qu'on appelle la chèvre-mouton à cause de sa laine unique avec laquelle on fabrique, pour la classe ouvrière, des vêtements presque insensibles à l'usure. Quels revenus ne donneraient pas, sur beaucoup de nos montagnes aux trois quarts déboisées, l'élevage de la chèvre par la vente du lait condensé, du fromage, de la peau convertie en cuir et de celle du chevreau pour la fabrication des gants! Les colons, particulièrement, en retireraient un grand parti. La chèvre, en effet, vit là où la vache ne peut trouver de subsistance. Elle procure un lait excellent pour les enfants, ce qui permettrait au colon pauvre de se passer de la vache dont le lait lui est nécessaire et lui sauverait du même coup un temps précieux. La chèvre coûte peu l'été. Elle se nourrit de feuillage.

Voilà encore ce que nous chante le gouvernement dans ses brochures. Et qu'est-ce que le gouvernement a fait depuis pour encourager ces industries? Rien.

Pourtant, des régions comme Sainte-Agathe, Nominingue, etc., auraient grandement besoin d'industries agricoles. Le colon ne doit pas songer qu'à son bois. Il réclame d'autres moyens de se faire des revenus. Si l'on veut attacher le colon au sol, il faut rendre la culture avantageuse et payante.

Et voici encore ce que publiait le gouvernement, il y a cinq ans, le gouvernement dont l'honorable premier ministre faisait partie. Écoutons ce que nous affirme le gouvernement dans une de ses brochures: "En dehors des industries agricoles, il en existe d'autres qu'on s'étonne de ne pas voir exploitées dans la province de Québec et dont on tirerait pourtant un excellent parti. Parmi ces dernières, on peut compter: 1. Le guano artificiel fait avec des déchets de poisson; 2. La fabrication de la soude avec les plantes marines telles que le varech et le goémond; 3. La préparation des gommes et des résines. La plupart des essences forestières, surtout dans la partie méridionale du Labrador, appartiennent aux conifères, sapins tamarins, etc. Toutes ces essences exudent des racines et des gommes commerciales très appréciées. La fabrication du goudron, dans une contrée où le bois ne coûte que la main-d'oeuvre pour l'abattre, peut fournir aussi des ressources précieuses."

Et l'industrie de la tourbe dont on vantait les avantages, les bienfaits? Qu'est-ce que le gouvernement a fait pour développer ces industries? Rien, toujours rien!

Aussi ne voyons-nous aucune de ces industries dans notre province...

Et quelle est la conséquence de cette inertie du gouvernement?

La Tribune de Sherbrooke, un organe libéral publié alors par un ancien rédacteur du Soleil, nous le montre clairement par les lignes suivantes: "Pendant que nos compatriotes quittent leurs foyers, la ville de Montréal se peuple des races les plus diverses et les moins assimilables, de sorte que dans quelques années, si nous n'y prenons garde, nous ne serons pas une si grande majorité sur les bords du Saint-Laurent.

"Mais on ne saurait blâmer ceux qui s'en vont. Dans la plupart des paroisses, il n'y a pas d'industrie ni de terres en culture pour placer tous les membres d'une nombreuse famille. La colonisation serait certes un moyen excellent de garder ces gens, mais elle se fait toujours dans des conditions si désavantageuses que l'on craint généralement de s'y adonner. Elle n'a rien d'attayant. Elle exige des sacrifices. Les débuts surtout sont difficiles, mais il faut admettre qu'il y a des compensations, car après quelques années le colon devenu cultivateur à l'aise et propriétaire indépendant occupe une jolie situation.

"Malheureusement, nous n'avons pas dans cette province assez de centres industriels, de petites villes manufacturières, qui rassemblent le peuple, lui font gagner de l'argent et le gardent au pays.

"Il incombe au Parlement provincial d'adopter des mesures pour enrayer ou contrebalancer cette malheureuse émigration."

Voilà, M. l'Orateur, le résultat de la grande politique si bruyamment vantée par l'honorable premier ministre et ses thuriféraires.

Pendant ce temps-là, le gouvernement de la province de Québec sacrifiait nos pouvoirs d'eau et nos limites à bois aux Américains ou à des amis du pouvoir comme les Dupuis, les Breakey, les Veilleux, les Saucier, etc., qui s'enrichirent au détriment de la province.

Par cette politique, il a paralysé le progrès de nos vieilles paroisses et de la colonisation. Au lieu de chercher à fournir à bon marché l'électricité, la lumière, le téléphone à nos villes, villages et campagnes; au lieu de chercher à faire exploiter des pouvoirs d'eau comme celui de Saint-Eustache, une vieille paroisse qui a besoin d'industrie; au lieu de protéger les colons et de favoriser le rapatriement des nôtres par une politique industrielle, il n'a songé qu'aux moyens de se maintenir au pouvoir en servant bien les courtiers de la caisse électorale.

Il est inutile de songer à rapatrier nos compatriotes si nous n'avons ni industrie ni colonisation pour les attirer, si nous n'avons pas des métiers et de bons salaires à leur offrir. Ce qu'il nous faut, ce sont plusieurs petites villes industrielles et ouvrières dans tous les districts de notre province.

Il nous faut des cultivateurs et des ouvriers, et nous les aurons grâce à l'industrie qui offrira des salaires convenables et fournira des marchés avantageux.

L'industrie et la terre libre sauveront la province de Québec. Notre population native tend à diminuer. Les naissances se feront à l'avenir de moins en moins nombreuses. Le coût de la vie, la diminution du rendement des fermes, la cherté des vieilles fermes, les désavantages de nos lois de colonisation, les exigences sociales et la tiédeur religieuse seront autant de causes de la diminution de la population native et de la natalité. Quand autrefois le fils du cultivateur se mariait à l'âge de 20 ans et la fille à 15 ans, aujourd'hui ils se marient à 25 ou 30 ans. Pourquoi? À cause des difficultés d'établissement et des lourdes obligations. Le garçon des villes, à cause du coût de la vie, des exigences sociales, ne se sent pas capable de faire vivre une femme et une famille. Il reste célibataire ou se marie à 30 ans. Madame ne peut avoir une servante, et elle voudrait bien faire des visites, aller au théâtre. Elle n'aura plus le temps, ni le courage, ni l'esprit chrétien d'élever une famille nombreuse.

Voilà donc autant de problèmes qui doivent alarmer ceux qui désirent sincèrement le progrès, le développement de notre province et l'expansion nationale.

Le gouvernement n'a pas songé à ces problèmes. Il s'est contenté de vendre nos domaines, de dépouiller le cultivateur et le colon, de faire de l'argent pour distribuer un vain patronage.

Il est ridicule pour lui de s'attribuer les effets de la prospérité quand, de son côté, le gouvernement d'Ottawa en réclame toute la paternité.

Le gouvernement est resté spectateur oisif du trop lent développement de nos ressources naturelles. Quand dans les autres provinces les gouvernements s'efforçaient de développer leurs richesses, de contribuer à l'avantage commun, et prenaient un essor prodigieux, le gouvernement de Québec, au lieu d'éclairer, d'encourager notre population, de la pousser vers de grandes entreprises, d'embrasser sérieusement les problèmes économiques, de se faire le guide sûr pendant cette ère de prospérité, au lieu de remplir le coeur de notre jeunesse d'une saine et chaleureuse émulation, n'a été capable que d'alarmer les patriotes par une politique d'intrigues, d'expédients, d'intérêts.

M. l'Orateur, quand l'histoire nous apprend que des hommes d'État, par leur initiative intelligente, par leur bienfaisante activité et leur grand esprit de progrès, ont réussi à faire des pays prospères, renommés, avec des lagunes stériles, des plages sablonneuses, des rochers arides, n'avons-nous pas raison de poser aux administrateurs qui sont devant nous cette question: Qu'avez-vous fait de notre province?

Il (le gouvernement) s'est contenté de vendre du bois, du sable, des grèves, de la pierre et de la glace. Il a aussi livré nos plus beaux pouvoirs d'eau aux étrangers. Pourtant, il n'ignore pas que l'industrie fonde des villes, construit des marchés, développe le commerce, augmente la population par les milliers d'ouvriers qu'elle emploie et favorise ainsi la classe agricole.

Car, M. l'Orateur, c'est surtout notre province que Crémazie a chantée en ces beaux vers:

"Il est sous le soleil, un sol unique au monde
Où le ciel a versé ses dons les plus charmants
Où répandant ses biens, la nature féconde
À ses vastes forêts mêle ses lacs géants."

Nous avons tout ce qui fait un peuple grand et prospère: de nobles traditions, de l'héroïsme, des hommes, des espaces, un sol qui nourrit les prés les plus féconds et les fleurs les plus parfumées, un beau soleil qui brille dans les champs, réveille la nature engourdie et dore les moissons; de lourdes forêts sonores, dont l'ombre s'étend jusqu'aux franges de la Baie James, des bois touffus, des chutes tapageuses, des rivières, des rapides, des mines très riches, des pêcheries, qu'on laisse gaspiller; et ce beau coin de terre, M. l'Orateur, il vous est cher, à vous comme à moi, c'est le berceau, la maison paternelle de notre race, de nos familles, c'est l'ancienne Nouvelle-France, la Laurentie du Canada, c'est la province de Québec qui demande aux députés de cette Chambre de lui consacrer les meilleurs efforts de leur vie.

J'ai l'honneur de proposer, secondé par le député de Charlevoix (M. D'Auteuil):

Que les mots après "que" jusqu'à la fin de la motion principale soient retranchés et remplacés par les mots suivants: "Cette Chambre constate avec regret que le gouvernement fait preuve d'insouciance pour les droits de la population rurale et les véritables intérêts de la province, en ne s'occupant pas, d'une façon active et efficace, d'encourager les industries en général, et spécialement les industries agricoles."

L'honorable M. Devlin (Nicolet) se lève pour répondre au député des Deux-Montagnes (M. Sauvé). Il lui parle en anglais.

Des voix de la gauche lui demandent de parler en français.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) commence son discours en français.

M. Lavergne (Montmagny) rit.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) se fâche et reprend en anglais.

Il débute en disant que le discours du député des Deux-Montagnes le prend plutôt à l'improviste, mais qu'il va tout de même lui répondre tout de suite. Il ne veut pas laisser plus longtemps sans réponse les diatribes qui viennent d'être débitées sur la province de Québec et la politique du gouvernement actuel.

Il dit que le député des Deux-Montagnes ne devrait pas conclure de quelques cas particuliers à une affirmation générale. S'il fallait prendre à la lettre ce qui a été dit, nous habiterions le pire pays du continent, la pire région du Canada, pays où les finances sont dilapidées, le domaine public livré aux favoris du pouvoir et la colonisation sacrifiée aux appétits des marchands de bois. Bref, il a fait de notre situation politique et administrative un tableau si sombre, si noir, que nous n'aurions vraiment rien à envier au Congo ou à la Sibérie.

Et, pour donner plus d'effet à son tableau, il lui oppose celui de la province d'Ontario, où tout est plus beau, et bon, et bien. Le député des Deux-Montagnes trouve que tout est bien dans Ontario. Rien d'étonnant à cela, puisque Sir Whitney16 est tory comme lui. Il trouve que tout est mal dans Québec. Le contraire m'eût surpris, puisque c'est un gouvernement libéral que nous avons ici. Ce seul fait empêche le député des Deux-Montagnes de voir clair dans les affaires publiques. Ou, s'il voit clair, il fait semblant de ne rien voir. Il n'y a rien de plus aveugle qu'un homme qui ne veut point voir.

Pour le député des Deux-Montagnes, non seulement la province de Québec n'avance pas, mais elle rétrograde. Depuis 10 ans, une dizaine de paroisses ont surgi du sol de nos différentes paroisses de colonisation, sous l'action bienfaisante du gouvernement libéral, mais il ignore ou feint d'igno-rer ces conquêtes sur la forêt vierge.

Tout d'abord, le nord-ouest de Montréal - libéraux comme conservateurs - vient ici demander la création d'un district judiciaire au Rapide de l'Orignal (un nom inconnu au temps des bleus) et le gouvernement ajoute à notre organisation judiciciare le district de Montcalm. Le Lac-Saint-Jean vient, au nom de sa population accrue, de ses affaires doublées, demander le même acte de justice et le gouvernement crée le district de Roberval.

Sont-ce là des signes de décadence? Et les villes de La Tuque, Shawinigan, Grand'Mère, Thetford, Black Lake! Autant de noms nouveaux sur la carte géographique. Et combien d'autres villes ont presque doublé le chiffre de leur population, et Montréal qui l'a plus que doublé! On me dira qu'il ne se fait pas de colonisation à Montréal. Sans doute. Mais c'est la colonisation que nous avons faite et que nous faisons au nord et à l'ouest de la métropole qui lui a permis de doubler son commerce, ses industries et le chiffre de sa population. Le plus amusant, ce fut de voir le député des Deux-Montagnes appuyer ses dires, ses exagérations et ses fantaisies de citations du Pionnier de Nominingue.

Vous pourriez aussi bien citer l'Action sociale. Ce sont des journaux de la même espèce.

M. Lavergne (Montmagny): Quelle espèce?

L'honorable M. Devlin (Nicolet): Celle qui est chère à votre coeur.

Il cite les chiffres du bureau des statistiques d'Ottawa, alors qu'il compare les développements agricoles d'Ontario et de Québec. D'après le recensement de 1901, le nombre d'acres de terre ensemencés dans Ontario était de 9,212,478 et dans Québec, 4,704,396.

En 1909, le nombre d'acres ensemencés dans Ontario était de 10,016,300 ou une augmentation de 804,822, soit 8%.

Dans Québec, pour la même date, le nombre d'acres ensemencés était de 5,236,400 ou une augmentation de 532,004 depuis 1901, soit 10% ou 2% de plus que dans le paradis terrestre des bleus, la province d'Ontario.

Passons maintenant à la statistique de décembre dernier (1910). L'augmentation des terres ensemencées dans Québec a été de 230,650 ou 5% dans l'année. L'augmentation des terres ensemencées dans Ontario a été de 183,405 ou moins de 2% dans l'année. Différence de 3% en faveur de cette misérable province de Québec.

Comparons maintenant le résultat des deux recensements de 1901 et 1910: Québec, 1901, 4,704,396 acres; 1910, 5,467,050 acres; différence, 752,664 acres ou 16%. Ontario, 1901, 9,212,478 acres; 1910, 10,199,705 acres; différence, 987,227 acres ou 10.6%. Différence en faveur de Québec de 6.6% (sic).

Qu'est-il besoin d'ajouter pour prouver que la colonisation est plus progressive ici que dans Ontario et que, puisque le député des Deux-Montagnes (M. Sauvé) trouve que la colonisation est si progressive dans Ontario, il n'y a nullement raison de dire qu'elle expire dans la province de Québec?

Montréal est le centre industriel du dominion et l'immigration dans la province est en croissance. Quant à la colonisation, les paroisses se multiplient partout et c'est là une preuve formidable des progrès accomplis dans la province de Québec. Les églises, écoles et autres institutions augmentent sous le gouvernement actuel.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) dit que l'honorable député a oublié de faire état des prisons17.

L'honorable M. Devlin (Nicolet) rétorque, après que la Chambre eut cessé de rire, que le gouvernement s'occupe de l'instruction publique et ne prépare pas la population à la prison.

Il termine par une vigoureuse dénonciation de cette misérable critique qui consiste à dénigrer sa province pour en tirer de mesquins avantages politiques, l'abaisser aux yeux de l'étranger. Les résultats que l'on obtient ainsi ont été bien minces pour l'avancement du Parti conservateur, puisque le gouvernement actuel a remporté 19 élections partielles depuis trois ans. Mais le tort que l'on fait à l'étranger est incalculable.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 heures

Northern Trusts Company

M. Walker (Huntingdon) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 144 autorisant The Northern Trusts Company à faire affaires dans la province de Québec.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a modifié. La Chambre procède à la prise en considération du bill ainsi amendé en comité général.

M. Walker (Huntingdon) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Subsides

La Chambre reprend le débat sur l'amendement du représentant des Deux-Montagnes (M. Sauvé) à la motion de l'honorable M. Mackenzie: Que M. l'Orateur quitte le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des subsides, savoir:

Que les mots après "que" jusqu'à la fin de la motion principale soient retranchés et remplacés par les mots suivants: "Cette Chambre constate avec regret que le gouvernement fait preuve d'insouciance pour les droits de la population rurale et les véritables intérêts de la province, en ne s'occupant pas, d'une façon active et efficace, d'encourager les industries en général, et spécialement les industries agricoles."

L'honorable M. Devlin (Nicolet) répond au réquisitoire injuste du député des Deux-Montagnes. La légende du colon mécontent. Nos adversaires affirment qu'il n'y a pas de colonisation dans cette province, que les libéraux l'ont tuée. Et elle (l'opposition) base son raisonnement sur certaines plaintes plus ou moins authentiques, toujours exagérées.

Nous disons, nous, que ce raisonnement n'est pas sérieux et qu'il pèche par sa base puisqu'il conclut de quelques cas particuliers une affirmation générale.

Nous octroyons par année sous billets environ 2,000 lots en moyenne. Et le nombre des lettres patentes est à peu près le même. Or l'on vient ici, à chaque session, affirmer que la colonisation agonise parce qu'il peut se trouver dans nos 10 grandes régions à coloniser 20 ou 30 colons mécontents qui se plaignent d'injustices de la part de certaines personnes ou parce qu'ils sont victimes des circonstances qui ont occasionné leur établissement dans des endroits mal choisis ou trop éloignés.

Ces cas qu'on recrute à grands frais et avec fortes réclames et dénonciations prouvent tout simplement la thèse du gouvernement, à savoir que la masse des colons est contente de son sort et qu'elle ne manque jamais une occasion de manifester sa sympathie et sa confiance dans l'administration actuelle.

D'après nos adversaires, il y aurait donc une cinquantaine de colons mécontents et 1,500 qui sont satisfaits de leur sort et de la façon dont ils sont traités par le gouvernement et ses officiers.

Si nous constatons des progrès si constants et si accentués en ces dernières années, c'est que les préoccupations du ministre de la Colonisation ont été sans cesse portées sur certains points où se dirigent, de préférence, les courants colonisateurs. Prenons, par exemple, nos six principales régions à coloniser: Bonaventure, Matane, Témiscouata, Lac-Saint-Jean, Ottawa et Pontiac, et voyons les sommes d'argent qui y ont été dépensées durant les cinq années du régime conservateur et durant les cinq dernières années:

Comtés 1892-1897 1905-1910
 
Bonaventure $11,731.43 $47,186.71
Matane 13,056.67 39,509.17
Témiscouata 16,093.86 55,722.62
Lac-Saint-Jean 77,566.60 99,318.25
Ottawa 85,767.84 115,322.90
Ponctiac     25,556.23     55,500.73
Totaux $229,772.63 $412,663.38

 

Différence pour les cinq dernières années, $182,890.75. La moyenne a donc été de 1892 à 1897 de $38,295.44, et, de 1903 à 1910, de $68,760.56, soit une différence de $30,463.12 (sic) pour les cinq dernières années de l'administration actuelle.

Le nombre des lots vendus

Nos adversaires disent encore: Vous ne vendez pas assez de lots pour répondre aux besoins de la colonisation. À cette affirmation absolument gratuite, nous répondons que nous avons sur divers points de la province plus de lots disponibles qu'il n'y a de demandes. Nous avons constamment, dans nos réserves de colonisation et dans d'autres endroits près des anciennes colonies, plus de 3,000 lots actuellement disponibles. Et nous avons toujours ce chiffre à n'importe quel temps de l'année.

Nous nous efforçons de canaliser la colonisation autant que possible pour arriver, un jour qui n'est pas éloigné je l'espère, à faire disparaître les conflits qui peuvent se produire entre les concessionnaires de coupe de bois et les porteurs de billets de location.

Si nous ne concédons pas assez de lots, comment se fait-il qu'en 1896-1897, alors que le député de Joliette (M. Tellier) et ses amis trouvaient que la colonisation avait assez annuellement de $75,000, ils se contentaient de concéder cette année-là 184,667 acres de terre, alors qu'en 1908-1909 nous concédions 220,645 et dépensions pour la même période $215,000?

Comparons, si vous le voulez bien, le chiffre total des lettres patentes émises sous ces deux administrations: en 1896-1897, 595; en 1908-1909, 1,334.

À la session de 1907, M. LeBlanc demandait au député de Terrebonne, alors ministre de la Colonisation, combien de nouvelles colonies, de nouvelles paroisses avaient été fondées sous l'administration libérale. M. Prévost lui répondit par la nomenclature de 23 paroisses. Depuis cette date, nous pouvons en ajouter plus de 10. Ce qui fait plus de 30 paroisses en 13 ans. Et l'on vient nous chanter sur tous les tons de la gamme que la colonisation agonise, que la colonisation est morte. Dites-moi un peu ce qui se passerait si la colonisation n'agonisait pas.

Il n'y a pas, c'est entendu, dans tout le dominion, de province où la colonisation ait été plus progressive que la nôtre et la preuve la plus convaincante que l'on puisse en donner, c'est la construction des nouvelles écoles dans les comtés de colonisation qui, s'élevant en 1896-1897 à $885,237, s'élève aujourd'hui, en 1910, à $1,732,000.

J'ai fait faire un relevé des statistiques scolaires de nos sept principaux comtés de colonisation, savoir: Argenteuil, Bonaventure, Lac-Saint-Jean, Matane, Ottawa, Pontiac, Témiscouata et Terrebonne. Ces chiffres couvrent les deux dernières années des régimes conservateur et libéral. En voici le détail:

1896-1897, écoles et mobiliers, $885,267; 1908-1909, $1,739,861. Augmentation de $854,594.

1896-1897, imposable propriété, $23,598,281; 1908-1909, $44,894,225. Augmentation de $21,295,944.

1896-1897, nombre des écoles, 944; 1908-1909, 1,212.

1896-1897, nombre des écoliers, 38,771; 1908-1909, 53,287. Augmentation de 14,516.

Voici donc une preuve irréfutable et tangible de l'accroissement du mouvement de colonisation. S'il y a 14,516 écoliers de plus qui fréquentent les écoles de nos comtés de colonisation que du temps du régime cher au coeur du député de Joliette (M. Tellier), c'est donc que la colonisation n'est pas tout à fait agonisante. Et, si la propriété imposable a augmenté de $21,295,944, c'est donc encore que la valeur de la propriété foncière augmente à pas de géant.

Une autre branche du domaine public qui a son importance, c'est celle de la chasse et de la pêche. On nous accuse de négligence au sujet des pêcheries. Quand nos adversaires ont quitté - après en avoir été prestement requis - le pouvoir, la pêche ne rapportait que $24,570.80. Durant la dernière année fiscale, nous en avons tiré $110,057.58. Pour en arriver à ce résultat, il nous a fallu adopter et suivre une politique de sage et progressive administration, dont nous avons droit d'être fiers. Et les mines, qui ne rapportaient qu'un millier de piastres sous le régime conservateur, nous ont donné durant l'année 1910-1911 $71,786.35.

La production minérale en 1901 n'était que de $2,097,331 et elle atteignait $7,072,244 en 1910. Nos mines d'amiante  -les plus belles et les plus productrices du monde entier - ont, à elles seules, rapporté 102,591 tonnes, représentant une valeur de $2,553,277.

Agriculture - Budget général

1895-1896, $163,494.09; 1905-1906, $218,600; 1911-1912, $537,500. Augmentation sous l'administation libérale, $374,056; augmentation sous l'administration Gouin, $318,950. Le budget de cette année comporte les augmentations suivantes: écoles ménagères, $9,000; élevage des volailles, $2,000.

Inutile de parler maintenant des chemins ruraux. Ce serait profiter de la situation pour écraser la gauche, lorsqu'on sait que la politique conservatrice était muette sur ce point et qu'aujourd'hui le gouvernement consacre à cette politique la somme annuelle de $250,000 rien que pour l'amélioration des chemins ruraux, c'est-à-dire $86,506 de plus que le budget général de l'agriculture sous le régime des conservateurs.

Le revenu provenant des bois et forêts pour le dernier exercice financier s'est élevé à $1,032,895.54. En 1896, il n'était que de $800,000. Et le premier ministre exprimait l'espoir, il n'y a pas bien longtemps, qu'avec l'augmentation des droits de coupe et des rentes foncières ce revenu atteindrait $2,000,000 en 1915.

L'obligation de transformer en pâte de bois tout le bois à pulpe coupé dans les forêts concédées par la couronne aura pour effet de développer prodigieusement cette industrie qui m'intéresse d'autant plus que la plupart des manufactures de pulpe et de papier se trouvent dans nos régions à coloniser.

"Le gouvernement de Québec mérite des félicitations sur son exposé budgétaire. Qu'il administre généralement les affaires de la province avec habileté et en gardant des soldes en argent comptant, ce sera une source d'extrême satisfaction au lecteur en général, après l'expérience que nous avons eue d'administrations extrêmement malhonnêtes, maladroites et extravagantes." C'est par ces paroles que le Star, journal tory de Montréal, accueillait le dernier exposé budgétaire du trésorier (l'honorable M. Mackenzie).

Le Star fait l'éloge du gouvernement pour sa conduite et félicite le premier ministre d'avoir élevé la province à son rang actuel. On injurie et on critique peut-être le premier ministre, mais il peut en toute justice et sans conteste déclarer qu'il a mis la province dans une position grandement supérieure à la position dans laquelle elle se trouvait lorsqu'il a pris le pouvoir.

Ce n'est pas souvent qu'un gouvernement reçoit un semblable témoignage de bonne gestion de la part d'un adversaire politique.

Je ne veux pas insinuer qu'il y a eu exagération de complaisance et que cette appréciation, plutôt sobre, n'était pas méritée. Bien au contraire. Le principal titre de l'administration actuelle à la connaissance du peuple sera, suivant le mot de la Gazette, un autre organe bleu, d'avoir amélioré ses services, dépensé moins que ses moyens et diminué son passif.

Il y aura bientôt 14 ans que le Parti libéral administre les affaires de la province. Le déficit entre les recettes et les dépenses de toutes sortes était, au 30 juin 1897, de $1,365,230.63.

Le 26 mai 1897, la dette consolidée était de $34,225,747.42.

Voyons maintenant quelle est la situation financière actuelle. Le 30 juin 1910, le revenu ordinaire de la province était de $6,571,944.27 et la dépense ordinaire, $5,480,590.26, ce qui laissait un surplus de $1,091,354.01. Et la dette consolidée n'était plus que de $25,661,284.15.

Dans la dernière partie de son vigoureux discours, il fait voir non seulement tous les efforts que le gouvernement actuel fait pour garder ici les enfants du sol, mais encore qu'il s'emploie à faire revenir ceux que la politique néfaste du passé a chassés aux États-Unis. Bien plus, nous en faisons venir de l'Europe qui viennent ici grossir nos rangs et nous faire bénéficier des pratiques de ces pays avancés. C'est-à-dire que les conservateurs, durant leurs cinq années de pouvoir, avaient accumulé des déficits au montant de $1,739,332.28 et augmenté la dette publique de $9,669,732.01.

De son côté, l'administration Gouin, pour une même période de cinq années, a accumulé des surplus de $3,715,451.85 et réduit la dette de $9,069,732.01. Les conservateurs payaient $1,426,856.59 d'intérêt sur la dette publique, nous ne payons plus que $900,636.63.

Bien plus! Dans son dernier discours du budget, le député de Richmond (l'honorable M. Mackenzie) a dit qu'il espérait pouvoir -toujours à même le revenu ordinaire - racheter les $2,495,000 de l'emprunt de 1882. Ce qui faisait dire à la Montreal Gazette: "On a confiance que le gouvernement sera en mesure d'accomplir son intention, ce qui sera dans le meilleur intérêt public et qui maintiendra virtuellement Québec dans la position, unique dans la Confédération, d'une province qui maintient et améliore ses services, dépense moins que ses moyens et diminue son passif."

Une autre remarque avant de changer de sujet. On sait que le réajustement du subside fédéral aux provinces, mené à bonne fin par la courageuse diplomatie du premier ministre, nous a déjà valu une augmentation annuelle de $600,000. Or, si la population de la province a augmenté dans la même proportion que durant la décade 1891-1901, nous recevrons une somme additionnelle de $240,000. Ce qui veut dire que les citoyens de cette province seront redevables au premier ministre et à son administration d'un capital de $20,000,000 à 5% d'intérêt.

Au sujet de l'immigration, il dit qu'il fait son possible pour l'encourager. Il souligne que le gouvernement français décourage l'émigration vers le Canada, mais il espère que le Congrès eucharistique donnera des résultats.

Tous les pays d'Europe ont été visités et partout un travail a été fait pour amener au Canada de bons colons. Lorsqu'on l'accuse de favoriser le recrutement des colons en dehors de la France, on l'accuse faussement. Tous les efforts possibles sont faits également pour amener en cette province une immigration française. Moi-même, j'ai fait à mes propres frais le voyage d'Europe à deux reprises pour me renseigner, passant tous les bureaux d'immigration et encourageant les étrangers à venir chez nous et, quoi qu'on puisse dire, la province est loin d'être négligée sous ce rapport. Partout j'ai prôné les avantages que la province de Québec offrait.

Les agences de Londres, de Belgique, de Paris, etc., travaillent pour la province de Québec aussi bien que pour le Canada en général. Nous avons actuellement l'abbé Caron en Belgique, faisant de la propagande pour attirer ici ce dont l'esprit a été attiré par notre brillante participation à l'exposition de Bruxelles.

On se plaint que la colonisation ne se développe pas très rapidement. Cependant, il est évident que la colonisation est difficile et qu'on a du mal à retenir le colon, à l'attacher au sol, surtout de l'empêcher à aller s'établir dans l'Ouest au lieu de rester ici. Ceci est reconnu, c'est un fait acquis. Cependant, il est également reconnu, malgré tout cela, que la colonisation fait des progrès dans la province, et les statistiques sont là pour le prouver.

Enfin, nous travaillons au bien général au lieu de dénigrer pour des avantages politiques. Nous poursuivrons notre oeuvre tant que le peuple nous accordera sa confiance et, pour cela, nous demandons le concours de toutes les bonnes volontés.

Et il termine en citant ces belles paroles du grand patriote Honoré Mercier: "Nous sommes tous ouvriers: les uns de la charrue, d'autres de l'enclume, d'autres de la pensée, de la parole et de la plume. Nous sommes donc tous frères et nous devons nous traiter comme tels. Aussi, la pensée me vient toujours que c'est pour nous un devoir sacré de nous tendre mutuellement la main et de nous prêter, l'un à l'autre, un appui réciproque, car pour résoudre les grands problèmes sociaux du jour, il faut le concours de toutes les forces, de toutes les intelligences dans un commun effort vers la justice."

M. Prévost (Terrebonne18) dit d'abord combien le discours du député des Deux-Montagnes était rempli de renseignements et de faits indéniables. En réponse, le ministre de la Colonisation veut établir que le ministère fait beaucoup parce qu'il a beaucoup dépensé. Le montant distribué à tort et à travers n'est rien, mais c'est le résultat pratique qu'il faut considérer.

La motion du député des Deux-Montagnes (M. Sauvé) accuse le gouvernement de ne pas favoriser l'industrie et, cependant, le député de Nicolet (l'honorable M. Devlin) ne lui a répondu qu'en parlant de colonisation.

Dans un discours pratique, il démontre toute la fausseté des prétentions ministérielles. Malgré les efforts que l'on fait, l'émigration des Canadiens continue et, dans tous les cas, un très petit nombre de ceux qui partent reviennent au pays. Quelques-uns vont s'établir dans Ontario, cela est dû à ce que le gouvernement de cette province offre plus d'avantages que celui de Québec.

Après la citation de plusieurs faits, il dit que le système de colonisation dans notre province est nul malgré toutes les dépenses faites par le gouvernement.

Il demande au gouvernement quel bénéfice la province a retiré des importantes dépenses mentionnées. Il dit que la population des vieilles paroisses, celles qui vivent essentiellement d'agriculture, a diminué sous le présent régime.

Il fait remarquer que le ministre de la Colonisation n'a pas répondu au réquisitoire du député des Deux-Montagnes. Il reproche au gouvernement de n'avoir pas de bureau de statistiques et met en doute la vérité des statistiques données par le ministre de la Colonisation.

Il trouve que la prospérité dont jouit la province n'est pas le résultat du travail du gouvernement. Dans la région Labelle, $36,000 ont été dépensés et quatre lots ont été octroyés, ce qui fait une dépense de $9,000 par colon. Dans l'ensemble de la province, 1,348 billets de location ont été accordés, mais de ce nombre 776 ont été révoqués, et moins de 400 colons se sont établis. Dans le comté d'Argenteuil, huit billets de location ont été accordés et six d'entre eux ont été révoqués, de sorte que pour les deux autres colons, on a dépensé $3,000, ou $1,500 pour chacun.

Il se demande si la colonisation progresse réellement. Il trouve que le nombre accru d'enfants fréquentant les écoles, comme l'a souligné le député de Nicolet (M. Devlin), n'est pas une preuve suffisante des progrès de la colonisation.

Sept colons se sont établis dans le comté de Québec et aucun dans Charlevoix, malgré que l'on ait dépensé $800 dans ce comté. Neuf lots ont été concédés dans le comté de Portneuf où huit colons, pour lesquels on a déboursé $4,932, sont restés. À Gaspé, 25 lots ont été concédés mais, pour que la concession de lots constitue une preuve de l'augmentation du nombre de colons dans un comté, les 25 colons doivent s'y être établis. Par contre, 57 lots ont été abandonnés dans ce comté, réduisant ainsi de 32 le nombre de colons établis, et cela a coûté $5,000 au gouvernement.

Il conclut qu'il avait raison, en 1908, de proposer la motion dans laquelle il disait que la colonisation ne se faisait pas d'une façon méthodique dans la province.

On s'occupe des industries dans cette province! Mais le comité des industries n'a pas siégé une seule fois depuis 10 ans. Mais le gouvernement ne respecte même pas les voeux unanimes de la Chambre à ce sujet. Et il rappelle qu'à la session de 1909 il faisait voter une résolution demandant au gouvernement d'inaugurer une politique d'encouragement à l'industrie du bacon, et le gouvernement n'a rien fait.

Il est d'avis que le gouvernement devrait adopter la même méthode que la société de colonisation du Lac-Saint-Jean qui conserve un registre de tous les lots qui ont été concédés, de ceux qui le seront, ainsi que les noms de tous les colons qui se sont établis et de ceux qui ont abandonné leurs lots.

L'honorable M. Caron (L'Islet) répond au député de Terrebonne et au député des Deux-Montagnes, car tous deux s'en sont tenus aux mêmes arguments et à la même critique.

Le député des Deux-Montagnes nous a donné une montagne d'éloquence, mais à part cela il n'y a pas le moindre petit monticule de reproche fondé dans les lamentations de Jérémie qu'il nous a servies. Le ton du discours du député des Deux-Montagnes est regrettable, cependant, parce que dans le but de critiquer le gouvernement il tend surtout à déprécier la province de Québec et à l'amoindrir injustement.

Il y a deux manières de critiquer un gouvernement. La première consiste à faire une critique où l'on ne craint pas de nuire aux institutions, à la réputation, au crédit d'une province, pour des fins politiques, et la seconde, plus élevée, qui consiste à s'en tenir à une critique raisonnable et raisonnée, à des suggestions praticables qui pourraient aider et conduire à une meilleure administration, sans déprécier la province. Il regrette que le député des Deux-Montagnes ait cru devoir adopter le genre de critique qui tend le plus à déprécier la province de Québec, et il désire enregistrer sa protestation.

La diminution de la population s'explique facilement dans certaines vieilles paroisses par le fait que la prospérité agricole a permis à un grand nombre de cultivateurs d'agrandir leurs domaines et que, de plus, la machinerie agricole tellement perfectionnée aujourd'hui permet de cultiver une plus grande étendue de terrain avec la même main-d'oeuvre et sans coût additionnel. C'est pourquoi un grand nombre de cultivateurs ont placé leurs capitaux amassés dans l'industrie agricole, sur d'autres terrains avoisinants, pour augmenter leur culture et par là même leur richesse.

Cela, cependant, n'est pas de nature à appauvrir la province de Québec, tout au contraire. Il n'y a pas un seul arpent de terrain qui est resté sans culture, et celle-ci faite par des cultivateurs riches, éclairés, amis du progrès, s'est faite dans des conditions meilleures et a rapporté plus de produits qu'elle rapportait autrefois. La preuve réside dans l'augmentation de l'évaluation dans toutes les vieilles paroisses de cette province. Et, à l'appui de ses dires, il cite des chiffres pour prouver que, dans les comtés de Chambly, Châteauguay, Deux-Montagnes, Laprairie, L'Assomption, Napierville, Richelieu, Rouville, Soulanges, Saint-Hyacinthe, Vaudreuil, Verchères et Yamaska, l'évaluation totale dans cinq ans s'est augmentée de plusieurs centaines de mille piastres dans chacun de ces comtés. L'on ne peut mettre en doute ces statistiques, car les évaluations sont faites sous le contrôle des conseils municipaux, par des évaluateurs appartenant aux deux partis politiques.

Il est vrai que la vie coûte plus cher et que les produits agricoles ne se vendent pas aux prix de famine que l'on a vus autrefois, mais le député des Deux-Montagnes, qui se dit l'ami de la classe agricole, raisonne singulièrement quand il se plaint de ce fait, car c'est justement l'augmentation de la valeur des produits qui a fait la richesse et la prospérité des cultivateurs, qui leur permet aujourd'hui de faire de la culture payante et de recevoir pour leur travail un revenu proportionné à leur labeur.

On dira peut-être que le coût de la vie pèse sur d'autres personnes que sur la classe agricole, mais la population des villes qui paie les produits agricoles plus cher y trouve cependant son profit dans l'augmentation du commerce, dans les meilleurs salaires payés par l'industrie et dans la prospérité générale de l'agriculture qui, en fin de compte, est la base de la richesse publique.

D'ailleurs, il ne suffit pas en agriculture d'augmenter la production, mais il importe autant, sinon plus, de voir à l'écoulement des produits. Inutile pour un cultivateur d'avoir des produits en abondance si ces produits se vendent à vil prix ou s'il est obligé même, comme cela est arrivé autrefois, d'en prendre une partie qui ne lui rapporte aucun revenu. La meilleure politique pour le gouvernement est de tâcher d'établir l'équilibre entre les différentes sortes de production, et c'est ce que le gouvernement actuel a fait en trouvant un débouché pour les produits agricoles, en encourageant l'industrie dans toutes ses branches, ce qui aujourd'hui donne de l'ouvrage à des centaines et à des milliers d'ouvriers, consommateurs de produits agricoles qui, tout en gagnant de bons salaires, fournissent aux cultivateurs un marché pour vendre leurs denrées à des prix rémunérateurs.

Il est étonnant de voir le député des Deux-Montagnes se plaindre de cette prospérité, de ces prix élevés qu'obtiennent les cultivateurs sur les marchés du Canada et de l'étranger, quand on le voit se proclamer partout et toujours l'ami de la classe agricole.

L'industrie laitière a été encouragée dans une large mesure. La nouvelle loi, l'an dernier, pour décréter la réglementation de la fabrication du beurre et du fromage et l'obligation pour les fabricants d'être suffisamment qualifiés va certainement produire un grand bien dont profiteront les cultivateurs.

Le gouvernement a établi et perfectionné l'école de laiterie de Saint-Hyacinthe qui est aujourd'hui l'une des plus complètes du continent. On y fait depuis quelques années des expériences très utiles et qui profitent dans une large mesure à l'industrie laitière. Le gouvernement se propose prochainement d'y commencer la fabrication des fromages mous, industrie payante en France surtout, et que nous pourrions probablement implanter ici avec profit.

La société coopérative des beurreries et des fromageries, créée l'an dernier, a donné des résultats qui ont dépassé les espérances qu'on entretenait sur son fonctionnement. Grâce à cette société, le fromage de la province de Québec s'est vendu à des prix basés sur sa qualité et non plus sur sa provenance, et ces prix ont démontré que la province de Québec, jusqu'à présent considérée comme arriérée au point de vue de la fabrication du fromage, fabrique un produit qui vaut au moins autant, sinon plus, que celui d'Ontario. Les produits de la coopérative mis tout l'été en vente sur le marché de Montréal ne se sont vendus que cinq fois à un prix moindre que le fromage vendu à Brockville, qui est le marché où se vend le meilleur fromage d'Ontario, et chaque fois ces prix n'ont pas été moindres qu'un huitième ou un seizième de centin par livre.

Par contre, la coopérative a fait six ventes au même prix que Brockville, et les 14 dernières ventes se sont faites à un prix supérieur à celui de Brockville. Comme conséquence de cette innovation, les cultivateurs faisant partie de la coopérative ont retiré une somme de $16,000 de plus qu'ils auraient retiré si cette société n'avait pas été organisée.

À part les avantages pécuniaires de cette amélioration, l'inspection des fabriques de la coopérative s'est faite d'une manière bien plus complète par l'examen du produit même qui arrive toutes les semaines à Montréal. Ceci a permis aux inspecteurs du gouvernement d'augmenter dans le cours de la saison la fabrication du fromage de première qualité au taux de 30%, ce qui est certainement un avantage considérable.

Sur ce point, nous pouvons dire encore que nous sommes en avant d'Ontario, qui n'a aucune organisation de cette nature et qui en a reconnu les avantages après en avoir examiné le fonctionnement. Les industries domestiques n'ont pas été négligées. Il est vrai qu'il ne se fabrique plus ici d'étoffes, de toiles et autres articles domestiques comme il s'en fabriquait autrefois, mais il ne faut pas oublier que la main-d'oeuvre a diminué et est beaucoup plus chère, et que le cultivateur trouve également son profit en s'occupant d'autres industries agricoles que celle de la fabrication des vêtements.

Par contre, le gouvernement a établi depuis quelques années des écoles ménagères qui sont fréquentées actuellement par au-delà de 1,000 élèves. Ces écoles suivent un programme approprié à nos besoins et qui va recevoir prochainement l'approbation du Conseil de l'instruction publique. Elles sont destinées à faire un bien immense dans toutes les classes de la population.

Le gouvernement ne s'est pas désintéressé du sujet de la destruction des mauvaises herbes. Les conférences qu'il fait donner partout dans la province enseignent aux cultivateurs les meilleurs moyens de s'en préserver et de les détruire, et la culture du trèfle qu'il encourage par tous les moyens possibles est aussi de nature à aider considérablement à la destruction des mauvaises herbes.

Les fabriques de conserves alimentaires, qui rendent des services à la population de quelques comtés où l'on s'occupe surtout de la culture des tomates, ont reçu chaque fois qu'il en a été besoin l'encouragement du gouvernement. Ces fabriques, en certaines occasions, nous ont représenté qu'elles avaient à subir une concurrence sérieuse et, dans chaque cas, le gouvernement les a aidées assez généreusement pour les maintenir en opération. Il ne faut pas oublier cependant que la culture de la tomate ne peut pas se faire dans toutes les parties de la province et que dans la région de Québec on ne peut se livrer à cette culture avec profit.

La culture betteravière n'a pas été encouragée, il est vrai, pendant ces dernières années. Le député des Deux-Montagnes admet que, sous le climat plus favorable d'Ontario, elle n'est pas prospère. Il devrait se rappeler qu'il y a quelques années, sous un gouvernement de ses amis, les efforts que l'on a tentés pour encourager cette culture se sont terminés dans un désastre qui a démontré que cette industrie était loin d'offrir les avantages qu'on lui avait supposés. C'est la justification pour le gouvernement actuel, vu les enseignements du passé, pour ne pas recommencer des expériences qui ont coûté très cher et qui ont même fait la ruine d'un grand nombre de cultivateurs dans la région où on les avait tentées.

L'industrie du bacon n'est pas aussi étendue dans cette province que dans la province d'Ontario. Cependant, le député des Deux-Montagnes oublie que dans la province d'Ontario, où l'on a forcé la production du bacon à ses plus extrêmes limites depuis quelques années, on a causé une surproduction qui a fait diminuer les prix d'une manière alarmante, à tel point que des plaintes très sérieuses ont été faites par tous les cultivateurs qui s'étaient livrés à cette industrie et qu'un grand nombre l'ont abandonnée. Le gouvernement aurait certainement été très imprudent de changer du tout au tout le mode d'engraissement de nos porcs, surtout quand la production du lard gras et de salaison peut se faire d'une manière payante dans toute la province de Québec.

En effet, pendant que le lard à bacon, qui souffrait d'une surproduction, se vendait de 3 à 7 centins la livre, les cultivateurs de la province de Québec, grâce aux mesures prises par le gouvernement, vendaient leur lard gras de 10 à 13 centins la livre, et les prix n'ont pas diminué. En matière agricole, il importe de varier la production. Lorsque tous les cultivateurs produisent un même article, on court à un désastre certain dans l'abaissement des prix. C'est ce que le gouvernement a compris en n'encourageant pas les cultivateurs de la province de Québec à produire outre mesure du bacon, mais en les encourageant plutôt à produire du lard gras, et profiter ainsi du marché plus étendu qui leur était offert, par l'absence de concurrence venant de la province d'Ontario, concurrence dont ils ont eu tant à souffrir autrefois.

Les cultivateurs de la province de Québec, ceux du district de Québec surtout, n'ont pas encore oublié qu'ils étaient obligés de vendre leur lard gras à 4 et 5 centins, alors que les envois énormes de lard gras d'Ontario, qui arrivaient sur les marchés de Montréal et de Québec, faisaient tomber les prix subitement. Le gouvernement a donc agi sagement en dirigeant ainsi la classe agricole à faire une autre production que celle faite à Ontario. La variation de la production a bénéficié aux cultivateurs de la province de Québec, qui ont encaissé des profits considérables dans l'industrie du lard gras, pendant que ceux d'Ontario perdaient de l'argent en faisant du bacon.

La culture du lin n'a pas été encouragée en effet, parce que le gouvernement, après avoir fait faire une étude très complète de cette question, en est venu à la conclusion que cette culture offrait bien des inconvénients et des dangers et qu'elle était loin d'être payante. C'est d'abord une des cultures les plus épuisantes qui puisse se faire. Pour la rendre payante, il aurait fallu installer des machines dispendieuses, construire des fabriques très coûteuses pour lesquelles des capitaux considérables auraient dû être engagés et, cela, sans certitude que le résultat aurait été favorable à la classe agricole. Le gouvernement a décidé qu'il valait bien mieux s'en tenir aux industries reconnues comme payantes, plutôt que de se lancer dans une industrie nouvelle où il y aurait probablement eu un désastre comme celui qui est arrivé lors de la culture de la betterave.

L'élevage de la chèvre pourrait peut- être être assez payant dans certaines parties de cette province, mais les conditions ici ne sont pas aussi avantageuses qu'elles peuvent l'être en Suisse. D'ailleurs, nous avons ici la petite vache canadienne, bien acclimatée, qui remplace très avantageusement les troupeaux de chèvres que nous pourrions avoir et qui a en plus cet avantage de pouvoir fournir une viande de boucherie très satisfaisante lorsqu'il faut l'abattre. Le député de Terrebonne qui prétend que l'on pourrait faire l'élevage de la chèvre dans des villes comme Montréal et Québec n'est certainement pas sérieux dans cette proposition.

Le gouvernement encourage l'ensilage malgré l'affirmation contraire du député des Deux-Montagnes. Les conférenciers agricoles dans chacune de leurs conférences insistent toujours sur l'avantage qu'il y a de semer du blé d'Inde et de le convertir en ensilage. En effet, l'on peut voir depuis quelques années, et surtout depuis deux ans, des silos s'élever là où il n'y en avait jamais eu dans cette province.

Le gouvernement, loin de négliger les sociétés et les cercles agricoles, comme le prétend le député des Deux-Montagnes, leur a donné plus d'encouragement que jamais, surtout lorsque ces sociétés et ces cercles ont voulu faire de l'élevage. En vertu d'un amendement passé à la dernière session, des primes additionnelles ont été offertes aux sociétés qui garderaient des animaux reproducteurs pendant un certain temps. Pour encourager davantage le mouvement, le gouvernement a fait acheter des animaux de race pure, chevaux, vaches, cochons et moutons, et les a vendus à des prix raisonnables aux sociétés, aux cercles et aux cultivateurs, pour encourager l'élevage. Il se propose encore, dans le cours de l'été prochain, de continuer ces ventes et de faire surtout une vente de moutons considérable pour rétablir l'industrie du mouton qui a diminué depuis quelques années à cause des ravages causés par les chiens.

L'importation de chevaux ardennais a aussi donné une impulsion considérable à l'élevage du cheval. Partout dans cette province les cultivateurs se sont déclarés en général satisfaits de tout ce que le gouvernement avait fait pour encourager l'élevage du cheval de trait.

Les sociétés coopératives qui ont fait la richesse de la Belgique et du Danemark sont actuellement encouragées par le département de l'Agriculture qui en organise autant qu'il est possible. Le gouvernement travaille à faire l'éducation agricole sous ce rapport, et les sociétés coopératives actuellement organisées ont reçu toute l'aide que le gouvernement a pu leur donner, et elles ont fonctionné à la satisfaction et pour le plus grand avantage des intéressés.

Actuellement, le département de l'Agriculture s'occupe de former des sociétés coopératives pour la production du tabac, pour l'élevage de la volaille et la production des oeufs. Il travaille aussi à agrandir et à étendre très largement la société coopérative des fromageries et des beurreries de la province de Québec et, cette année, il se propose d'admettre dans cette société un certain nombre de beurreries parmi les mieux outillées.

Ces sociétés coopératives devront rapporter à nos cultivateurs un pourcentage beaucoup plus élevé pour leurs produits. Les statistiques démontrent qu'actuellement le cultivateur ne reçoit pas plus de 33% de la valeur des produits qu'il met sur le marché. La balance, 67%, est absorbée par les commerçants et les entremetteurs.

La société coopérative va permettre aux cultivateurs de placer eux-mêmes leurs produits sur le marché et de préparer et vendre directement ces produits de manière à en retirer non pas 33%, comme à présent, mais 75 à 80% et même 100% comme ils en ont le droit.

Au sujet de la colonisation, il n'a qu'un mot à dire. Cette question a été traitée par son collègue, le député de Nicolet (l'honorable M. Devlin), avec toute la compétence et l'éloquence qui le caractérisent. Il désire, cependant, relever une affirmation du député de Terrebonne (M. Prévost) qui avait prétendu que, dans la région Labelle où on avait dépensé l'an dernier $36,000 pour chemins de colonisation, il n'y avait eu que quatre colons qui s'y étaient établis.

Il cite au représentant de Terrebonne, dans le même document sur lequel il s'était appuyé, des chiffres qui démontrent que ce n'est pas seulement quatre colons qui se sont établis dans la région de Labelle, mais 215 colons, dans le cours de la présente année. C'est-à-dire que le député de Terrebonne a oublié de voir dans l'état fourni à la Chambre un item de 211 colons qui ont obtenu des lots du gouvernement dans cette région. Il en profite pour faire remarquer que les accusations contre le gouvernement sont généralement de cette valeur et qu'au besoin les critiques de l'administration deviennent aveugles quand il s'agit de ne pas voir ce qui pourrait être favorable à leurs adversaires.

D'ailleurs, l'argent dépensé dans Labelle comme dans toutes les autres parties de la province de Québec n'a pas été dépensé pour les colons établis pendant l'année seulement, mais cet argent a été réparti et dépensé pour le bénéfice des centaines et des milliers de colons qui sont établis dans cette région depuis au-delà de 20 ans, qui ont ouvert des paroisses et qui ont formé déjà des centres considérables grâce à l'aide et aux avantages qui leur ont été donnés.

Le gouvernement, comme encouragement à la classe agricole, a aussi doté la province de deux écoles d'agriculture qu'il a largement subventionnées et où les fils des cultivateurs reçoivent gratuitement l'instruction, la nourriture et le logement. Ces écoles sont celles de Sainte-Anne de la Pocatière et d'Oka. Elles sont fréquentées par 175 élèves. Il est question d'agrandir l'école d'Oka, et le gouvernement fera aussi pour cet agrandissement tous les sacrifices nécessaires dans l'intérêt de la classe agricole.

Le gouvernement est aussi en négociations pour aider l'école d'agriculture de Sainte-Anne de Bellevue à recevoir un plus grand nombre d'élèves et à leur donner les mêmes facilités que celles qui sont données à Sainte-Anne de la Pocatière et à Oka.

À part l'encouragement donné à l'élevage du cheval de trait, le gouvernement a aussi aidé depuis deux ans à l'élevage du cheval de carrosse et du cheval de selle, deux industries qui profitent encore à un grand nombre de cultivateurs et qui leur rapporteront avant longtemps des revenus considérables.

Une école vétérinaire a été fondée à Montréal, où les fils de cultivateurs reçoivent encore l'instruction gratuitement. Cette école est affiliée à l'université Laval et est sous le contrôle de cette institution. Le gouvernement la subventionne largement et l'enseignement qui s'y donne est de toute première classe.

Des vergers de démonstration ont été établis pour encourager la culture fruitière et leur opération a été très bienfaisante dans toute la province. Cette année, le gouvernement vient de conclure des arrangements pour donner des démonstrations pratiques dans certaines régions qu'il a choisies et pour la rénovation des vieux vergers et, en même temps, pour l'empaquetage des pommes destinées au marché anglais.

Des sociétés coopératives pour l'expédition des fruits vont probablement aussi être formées dans le cours de l'été.

L'agriculture, qui se développe très rapidement, a été largement subventionnée. Le gouvernement a fait en faveur de cette industrie si payante une propagande active et il s'occupe aussi de faire visiter et inspecter tous les ruchers pour prévenir ou enrayer les maladies des abeilles. Il y a lieu de croire qu'avant longtemps les effets de cette culture se feront sentir d'une manière notable.

La culture du trèfle est encouragée dans toutes les régions de cette province. Elle a pris une extension considérable grâce à l'aide accordée par le gouvernement et aux conférences données sur ce sujet. Le département de l'Agriculture vient d'annoncer que cette année il donnera une aide généreuse aux associations de cultivateurs qui voudront bien semer et cultiver le trèfle au point de vue de la graine. La graine de trèfle se vend à un prix élevé et il serait certainement avantageux pour tous les cultivateurs de la province de Québec de pouvoir produire la graine de cette plante qui est de plus en plus en demande.

Des champs de démonstration vont aussi être établis cette année dans certaines localités pour démontrer surtout la valeur de la culture du trèfle comme aide à la production du foin, comme engrais pour le sol et comme destructeur des mauvaises herbes.

La production de la volaille et des oeufs a été aussi largement encouragée depuis 12 mois. Dans le cours de l'hiver, des conférences ont été données dans toutes les parties de la province pour encourager les cultivateurs à produire de la volaille et des oeufs pour le marché. Plusieurs cultivateurs se sont pourvus de volailles de race pure. Des expositions de volailles engraissées et préparées pour le marché ont été faites à Montréal et à Québec et ont vivement intéressé toutes les personnes qui les ont visitées.

L'établissement de poulaillers froids, recommandés aujourd'hui comme étant le meilleur système pour la production des oeufs, va se faire d'une manière très étendue dans toute la province. Déjà, à la suite de conférences données, plusieurs cultivateurs ont construit de ces poulaillers très tard l'automne dernier. Ces expériences ont très bien réussi même dans la région en bas de Québec et il y a lieu de croire que, dans le cours de l'été, on verra s'élever un peu partout des poulaillers qui permettront de faire la production des oeufs d'une manière payante et économique.

La culture maraîchère n'a pas été non plus oubliée par le gouvernement. Elle est d'une grande importance surtout autour des villes et le département de l'Agriculture a subventionné largement depuis deux ans les associations qui s'occupent de cette culture.

Les sociétés qui s'occupent de la culture du tabac ont aussi reçu l'encouragement du gouvernement qui s'occupe actuellement de réunir les cultivateurs des régions où on fait cette culture en sociétés coopératives afin de leur permettre d'écouler leurs produits plus avantageusement.

L'amélioration des chemins a aussi reçu depuis quatre ans toute l'attention du gouvernement. Grâce à la propagande faite dernièrement, on est certain maintenant qu'un grand nombre de municipalités vont profiter des avantages nouveaux que le gouvernement offre cette année pour l'amélioration des chemins. C'est en prévision de cette amélioration que le gouvernement a fait augmenter considérablement les crédits destinés à la voirie, qui ont été portés de $75,000 à $250,000.

En plus, par une loi passée au cours de la présente session, le produit de la taxe des automobiles, que l'on estime à au moins $25,000, sera aussi versé au département de l'Agriculture et appliqué à l'amélioration des chemins, de sorte que le gouvernement donne cette année pour cette belle cause une somme de $275,000.

La prospérité générale créée par la politique large et bienfaisante du gouvernement a pratiquement fait disparaître l'émigration de nos compatriotes aux États-Unis. Si l'on se rapporte à 15 ans en arrière, l'on se rappellera de l'exode considérable des Canadiens vers la république voisine. L'on pouvait voir pendant deux mois, chaque printemps, les gares de chemins de fer encombrées de campagnards qui quittaient leurs foyers, chassés du pays par la situation désavantageuse où se trouvait alors la classe agricole. Des rangs entiers se dépeuplaient, souvent les trois quarts des maisons étaient abandonnées et, quelques fois, les fermes laissées sans culture. Cet état de choses a disparu. Il est vrai qu'un nombre très restreint de nos compatriotes vont chercher de l'ouvrage aux États-Unis de temps en temps, mais cela est plutôt dû au besoin de changement qu'éprouvent un certain nombre d'individus et, surtout, des jeunes gens qui aiment à voyager.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le goût des voyages existait aussi du temps que les libéraux faisaient un si grand reproche aux conservateurs de l'émigration qui existait alors.

L'honorable M. Caron (L'Islet) dit que tous les cultivateurs qui ont émigré ne sont pas revenus au pays, mais cela est dû à ce qu'un grand nombre se sont mariés là-bas ou sont devenus propriétaires.

La plupart nous reviennent après avoir travaillé quelques mois et s'établissent au pays. Un groupe d'autres se sont dirigés vers Ontario et les territoires de l'Ouest, et ils ont fondé des établissements prospères. J'avoue de suite que je préférerais voir ces compatriotes rester dans la province de Québec, mais il est encore bien préférable qu'ils aillent s'établir dans la province d'Ontario et dans les Territoires que de passer la ligne 45e. Ils restent de cette manière citoyens du Canada.

Ils contribuent à la prospérité générale. Ils travaillent à fonder chez nos voisins des centres qui, plus tard, seront une source de force qui nous aidera puissamment dans la Confédération et, je suis fier de le dire, il y a là des groupes de Canadiens français qui font honneur à leur race et qui, au lieu de dégénérer, sont en mesure de servir d'exemple pour nos concitoyens. D'ailleurs, cette sorte d'émigration vers l'Ouest n'est pas particulière seulement à la province de Québec, c'est la poussée naturelle des populations vigoureuses vers le Nouveau-Monde canadien. Toutes les provinces y ont fourni et y fournissent encore leurs contingents et la province d'Ontario a vu sortir de ses limites l'an dernier plus de 10,000 cultivateurs qui ont vendu leurs fermes à des Canadiens français pour aller s'établir dans les territoires de l'Ouest.

La province de Québec, loin d'être arriérée comme on le prétend, occupe non pas la troisième place, comme l'a dit le député des Deux-Montagnes, mais la seconde place dans la Confédération au point de vue de la production. C'est ce que je trouve dans les statistiques fédérales et c'est ce que proclame un organe conservateur, la Gazette, dans son numéro du 16 janvier dernier. Au point de vue des progrès agricoles, notre province est à la tête de toutes les autres provinces pour les progrès accomplis. De fait, depuis cinq ans, la province de Québec a tenu la tête pour les améliorations de toutes sortes qu'elle a faites pour son système de culture pour augmenter la production de son sol et pour le développement de ses industries.

C'est une manie chez nos adversaires de nous montrer toujours la province d'Ontario comme le modèle que nous devrions suivre, afin d'établir leurs prétentions antipatriotiques que la province de Québec est inférieure aux autres sur tous les points. Nous voyons la même chose se faire chez nos voisins pour des fins de parti, et il y a à peine quelques mois l'on pouvait lire dans tous les journaux agricoles d'Ontario et dans la presse de cette province une longue lettre de M. Flavel, cultivateur éminent, qui critiquait sévèrement le gouvernement d'Ontario et le ministre de l'Agriculture pour leur maladministration au point de vue agricole, les accusant de ne rien faire pour l'agriculture qui péréclitait. On voit de suite quelle est la valeur des prétentions du député des Deux-Montagnes (M. Sauvé) et je l'inviterais à prendre connaissance de cette lettre.

Et, si l'on veut un exemple bien frappant des bonnes dispositions du gouvernement actuel en faveur de l'agriculture, on n'a qu'à faire la comparaison des octrois accordés pour cette fin. En 1895, les octrois à l'agriculture n'étaient que de $163,000. Ils ont augmenté graduellement jusqu'en 1909 alors qu'ils se chiffraient à $280,000. En 1910, ces octrois étaient portés à $361,000 et, cette année, nous demandons à la législature de voter une somme de $587,000, toujours pour aider l'agriculture. Si on ajoute à ce montant le produit de la taxe des automobiles qui devra rapporter environ $25,000 et qui, en vertu d'un statut passé à cette session, doit être versé au département de l'Agriculture et employé à l'amélioration des chemins, on arrivera au chiffre de $612,000 qui seront entièrement employés pour aider au progrès agricole.

Et, en face de ces faits, le député des Deux-Montagnes n'est pas encore satisfait. Mais la population agricole de cette province apprécie nos efforts et son opinion nous est plus précieuse que celle du député des Deux-Montagnes. Il y a un baromètre infaillible de la prospérité de la classe agricole qui ne peut être mis en doute, et nous avons la preuve de cette prospérité dans les dépôts des banques établies dans les campagnes et qui vont sans cesse en augmentant, dans la diminution des hypothèques que l'on peut constater à tous les bureaux d'enregistrement et dans la cessation presque totale des ventes de terrains agricoles par les shérifs. De fait, dans certaines parties de cette province, la position de shérif est devenue une sinécure et certains de ces officiers dans les districts ruraux qui faisaient plusieurs ventes de terrains de cultivateurs tous les mois, il y a 15 à 20 ans, n'ont point ou presque point eu de ventes à faire depuis 10 ans, et je crois même que quelques-uns d'entre eux ont dû mettre des gants blancs ces deux dernières années. Le député de Montmagny (M. Lavergne) en sait quelque chose lui-même. Il n'a qu'à consulter les statistiques du bureau du shérif à cet endroit pour constater la vérité de ces allégués. C'est là la plus belle preuve de l'impulsion donnée à l'agriculture, de la prospérité de nos cultivateurs qui, au lieu aujourd'hui d'émigrer aux États-Unis et d'être forcés de laisser vendre leurs terres par le shérif, paient maintenant leurs dettes, se libèrent de leurs hypothèques et ont chacun leurs dépôts à la banque.

Nous avons droit d'être fiers de cet état de choses, car c'est notre oeuvre. Nos adversaires devraient être heureux de voir une si bonne administration que celle qui, à l'heure présente, gouverne la province de Québec car, quand nous laisserons le pouvoir à nos adversaires, ce qui n'est pas près d'arriver, si cela arrive jamais, ils trouveront la province dans un état florissant, le Trésor public bien rempli, le crédit de la province de toute première classe, les industries développées et nourrissant une population heureuse et ils trouveront aussi la classe agricole, qui est la base de toute cette richesse, dans un état de prospérité et de contentement parfaits; ce que tous les gouvernements n'ont pas, hélas, trouvé, et pour n'en citer qu'un seul, le gouvernement libéral actuel, qui, en 1897, trouva la province à la veille de la banqueroute. Nous travaillerons toujours pour toutes les classes de la société, mais en particulier pour la classe agricole maîtresse de notre richesse, de nos industries, et c'est avec confiance que nous retournerons devant elle pour lui demander de nouveau son appui, certains d'avance de trouver chez la population saine, honnête et généreuse des campagnes la reconnaissance que nous avons droit d'avoir pour le travail que nous avons accompli.

M. Giard (Compton19) fait d'abord remarquer au ministre que ce n'est pas l'opposition qui peint la situation de la province de Québec sous des couleurs très sombres. Il y a plusieurs années déjà que M. Gauthier, alors député de L'Assomption, que le député de Brome (M. Vilas), que le député d'Argenteuil (M. Hay) et que le député de Kamouraska (M. Dupuis) ont signalé la tendance des nôtres à se porter vers l'Ontario. Ce mouvement ne vient pas uniquement du goût du voyage. L'attrait de conditions plus avantageuses y est pour beaucoup aussi et, si la supériorité des conditions provient dans une certaine proportion des conditions climatériques, il n'en est pas moins vrai que le gouvernement d'Ontario porte aux intérêts agricoles une attention plus soutenue que le gouvernement de la province de Québec. Aux statistiques plus ou moins risquées du ministre de la Colonisation (l'honorable M. Devlin) quant aux plus récentes, il oppose la statistique du dernier recensement officiel qui constate en faveur de l'Ontario un surplus de production hors de toute proportion avec la différence de population entre les deux provinces.

La statistique municipale, provinciale, est peut-être moins sûre. En tout cas, le gouvernement ne peut prétendre qu'elle est faite à plaisir par ses adversaires puisqu'il a tous les moyens de l'améliorer et de la rendre plus exacte. Or cette statistique démontre aussi un recul considérable dans certaines paroisses sous le rapport de la production et de la population.

Il énumère une longue liste de comtés où la population a diminué depuis 10 ou 20 ans. Il tient le gouvernement responsable de ces malheurs. Vaut-il mieux laisser continuer cet état de choses ou le signaler et demander au gouvernement d'y apporter remède?

Une chose qu'une personne qui s'occupe le moindrement d'affaires ne peut nier, c'est que la province de Québec actuellement se nourrit partiellement du surplus de production de la province d'Ontario. Il n'y a pas de bonne raison pour expliquer cette pénurie relative et, si le gouvernement était plus attentif à son devoir et ne se contentait pas de laisser faire quand il a distribué un peu d'argent ici et là, les choses iraient beaucoup mieux. Sans doute, le gouvernement provincial ne peut pas tout faire, mais il est certain qu'il pourrait tout aussi bien encourager l'établissement d'industries agricoles qu'il a dans le passé, sous M. Beaubien20 par exemple, renouvelé les méthodes d'industrie laitière.

La proposition étant mise aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Gault, Giard, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 14.

Contre: Allard, Benoît, Bissonnet, Blouin, Carbonneau, Cardin, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Daigneault, Décarie, Delâge, Delisle, Devlin, Dion, Dupuis, Finnie, Francoeur, Gaboury, Galipeault, Geoffrion, Godbout, Gosselin, Gouin, Kaine, Lafontaine (Berthier), Leclerc, Lesieur Desaulniers, Lévesque, Mackenzie, Mercier, Morisset, Ouellette, Perron, Pilon, Robert (Saint-Jean), Robillard, Thériault, Vilas, Walsh, 39.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale est alors mise aux voix et résolue dans l'affirmative. En conséquence, la Chambre se constitue en comité des subsides.

 

En comité:

L'honorable M. Mackenzie (Richmond) propose: 1. Qu'une somme n'excédant pas deux mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les dépenses du laboratoire officiel de la province de Québec, pour l'année financière finissant le 30 juin 1912.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution et demande la permission de siéger de nouveau. Ladite résolution est lue deux fois et adoptée.

La séance est levée à 1 heure du matin.

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NOTES

 

1. Ces deux journaux sont de tendance libérale.

2. M. Sauvé fait probablement allusion à l'ouvrage de Joseph Van Kan, Les causes économiques de la criminalité. Étude historique et critique d'étiologie criminelle, Paris, Lyon, 1903.

3. Le Pays, 5 février 1910, page 1.

4. Il s'agit de M. Édouard Montpetit (1882-1954), professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal et qui, à l'époque, étudiait à l'École des sciences politiques de Paris.

5. M. Sauvé cite l'ouvrage de O.-Edmond Dallaire intitulé: Les mauvaises herbes dans la province de Québec, Québec, Dussault et Proulx, 1904, 145 pages. Cette citation a été prise à deux endroits différents. La première, "(...) les mauvaises herbes causent pour des millions de piastres de dommages en cette province", est tirée de l'introduction, aux pages 5 et 6. La seconde, "(...) les mauvaises herbes causes de grands dommages dans la province de Québec, elles règnent en maîtresses en trop d'endroits", est tirée de la première partie, à la page 7. M. Sauvé a modifié ces deux passages pour en faire un seul.

6. Il s'agit probablement de M. Alexandre Girard, rédacteur du Journal d'agriculture.

7. Voir l'Action sociale du 8 mars 1911, à la page 4.

8. M. Jean-Chrysostome Langelier, employé du gouvernement du Québec, écrivit plusieurs ouvrages sur les richesses naturelles de la province.

9. Il s'agit de l'abbé Charles-Philippe Choquette (1856-1947), un scientifique, supérieur du séminaire de Saint-Hyacinthe et professeur de physique à l'université Laval de Montréal. Il s'est beaucoup intéressé à l'énergie hydroélectrique.

10. M. Joseph-Raymond Fournier-Préfontaine (1850-1905) fut maire de Montréal, député à Québec et Ottawa, puis ministre de la Marine et des Pêches dans le cabinet Laurier de 1902 à 1905.

11. M. Robert-Errol Bouchette (1863-1912) est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie canadienne.

12. M. Paul Doumer (1857-1932), administrateur et homme politique français, fut ministre des Finances et, plus tard, président de la IIIe République.

13. M. Étienne Parent (1802-1874) était journaliste, homme politique et fonctionnaire.

14. Voir le Bulletin de la Société de géographie de Québec, janvier-février 1911, aux pages 24 à 34. M. Eugène Rouillard (1851-1926) était journaliste, chroniqueur parlementaire et secrétaire-trésorier de la Société de géographie de Québec.

15. M. Guillaume-Alphonse Nantel (1852-1909) fut député conservateur de Terrebonne à Ottawa et à Québec, ministre dans les cabinets de Boucherville, Taillon et Flynn.

16. Sir James Pliny Whitney (1843-1914) fut premier ministre conservateur de l'Ontario de 1905 à 1914.

17. M. Cousineau fait allusion à la prison de Bordeaux dont la construction fut commencée en 1906.

18. Selon la Vigie du 15 mars 1911, à la page 3, M. Prévost parle pendant une heure et demie.

19. Le Devoir du 16 mars 1911, à la page 3, mentionne que M. Giard aurait parlé de 11 h 30 à 1 heure du matin.

20. Il s'agit de M. Louis Beaubien (1837-1915), député conservateur à Québec et à Ottawa, ministre de l'Agriculture dans les cabinets de Boucherville, Taillon et Flynn.