Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
13e législature, 4e session
(11 janvier 1916 au 16 mars 1916)
Le jeudi 13 janvier 1916
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable C. F. Delâge
La séance est ouverte à 3 heures.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Présentation de pétitions:
Les pétitions suivantes sont séparément présentées et déposées sur la table:
-de Jos.-A. Allard, demandant l'adoption d'une loi régularisant sa cléricature et son brevet de cléricature (M. Cousineau);
-de J.-M. Michaud et autres, demandant l'adoption d'une loi constituant en corporation la ville des Trois-Pistoles (M. Caron, Matane);
-de la ville de Saint-Lambert, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Desaulniers);
-d'Élie Jobin, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Desaulniers);
-de John Thomas Foster et autres, demandant l'adoption d'une loi amendant la charte de la cité de Montréal (M. Finnie);
-des révérends MM. Michel Chamberland et autres, demandant l'adoption d'une loi constituant en corporation l'Association d'assurance mutuelle des paroisses et des maisons d'éducation et de charité de la vallée de l'Ottawa, dans la province de Québec (M. Fortier);
-de la corporation de Cartierville, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte et lui accordant des pouvoirs additionnels (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de la ville de Montréal-Nord, demandant l'adoption d'une loi lui permettant de constituer une commission des parcs, avec des pouvoirs spéciaux (M. Lévesque);
-de la Banque Provinciale du Canada, demandant l'adoption d'une loi ratifiant les titres de l'immeuble connu sous le no 2167 du cadastre du quartier Saint-Pierre, en la cité de Québec (M. Lévesque);
-des commissaires d'écoles de la municipalité scolaire de Saint-Édouard, demandant l'adoption d'une loi annexant cette municipalité à la Commission des écoles catholiques de Montréal (M. Mayrand);
-de Daniel Maloney et autres, demandant l'adoption d'une loi constituant en corporation les commissaires d'écoles pour la municipalité de la paroisse de Saint-Dominique (M. Mayrand);
-de Joseph-Olivier Lachance, demandant l'adoption d'une loi ratifiant un certain acte de vente (M. Petit);
-de la cité de Montréal, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Turcot);
-de The Shamrock Amateur Athletic Association, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Tansey).
Lecture de pétitions:
Conformément à l'ordre du jour, les pétitions suivantes sont lues et reçues par la Chambre:
-du comté de Pontiac, demandant l'adoption d'une loi changeant son chef-lieu (M. Campbell);
-des commissaires des écoles protestantes de la cité de Montréal, demandant l'adoption d'une loi leur accordant des pouvoirs additionnels (M. Finnie);
-de Robert Warden Lee, demandant l'adoption d'une loi autorisant le Barreau de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Finnie);
- de Solon Eliosoph, demandant l'adoption d'une loi autorisant le Barreau de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Finnie);
-de Ridley Lightfoot Charlton et autres, demandant l'adoption d'une loi incorporant The Fire Insurance Brokers Association of Montreal (M. Finnie);
-de Louis-René Gagné, demandant l'adoption d'une loi autorisant le Barreau de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Francoeur);
-de R. H. Lipsey, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de R. Lamontagne, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de J.-B.-F. Houde, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de Charles-Édouard Valiquette, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de O. Bissonnette, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de L. Larocque, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de Joseph Labrèque, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de J. McK. Wathen, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-d'Alexander Walker Thornton, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Lemieux);
-de la ville de Montréal-Nord, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte et lui accordant certains pouvoirs additionnels (M. Lévesque);
-de la ville de Montréal-Est, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte et lui accordant certains pouvoirs additionnels (M. Lévesque);
-de la ville de Saint-Michel, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte et lui accordant certains pouvoirs additionnels (M. Lévesque);
-de la ville du Sault-au-Récollet, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte et lui accordant certains pouvoirs additionnels (M. Lévesque);
-de la ville de la Pointe-aux-Trembles, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte et lui accordant certains pouvoirs additionnels (M. Lévesque);
-de la corporation de la paroisse de la Pointe-aux-Trembles, demandant l'adoption d'une loi l'érigeant en ville (M. Lévesque);
-d'Edmond Saint-Denis, étudiant en loi, demandant l'adoption d'une loi régularisant sa cléricature (M. Lévesque);
-de Hubert Desjardins et autres, demandant l'adoption d'une loi annexant la cité de Maisonneuve à la cité de Montréal (M. Lévesque);
-de Hubert Desjardins et autres, demandant l'adoption d'une loi annexant la municipalité scolaire de la cité de Maisonneuve à celle des écoles catholiques de Montréal (M. Lévesque);
-de la ville de Saint-Léonard de Port-Maurice, demandant l'adoption d'une loi amendant la loi George V, constituant en corporation la municipalité de la paroisse de Saint-Léonard de Port-Maurice (M. Lévesque);
-de Nathan Titleman, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Létourneau; Montréal-Hochelaga);
-de Frank Mendel, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de Moe Newton Fineberg, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de la cité de Westmount, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de la Compagnie d'assurance mutuelle contre le feu des beurreries et fromageries de la province de Québec, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de Joseph-Pamphile Lemay, demandant l'adoption d'une loi autorisant le Barreau de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de T. A. Trenholme, demandant l'adoption d'une loi changeant le mode de la perception du coût des terrains nécessaires pour l'extension de l'avenue Connaught (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de la Compagnie Lecavalier & Riel limitée, demandant l'adoption d'une loi lui permettant d'exploiter son industrie dans les limites de la cité de Montréal (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de la Compagnie Bélair limitée, demandant l'adoption d'une loi lui permettant d'exploiter son industrie dans les limites de la cité de Montréal (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-des Catholic Trustees of the Separate Schools of the Parish of St. Michael the Archangel, demandant l'adoption d'une loi annexant leur municipalité scolaire à celle de la Commission des écoles catholiques de Montréal (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-des commissaires d'écoles pour la municipalité scolaire du village de Villeray, demandant l'adoption d'une loi annexant cette municipalité à celle des écoles catholiques de Montréal (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-du révérend Georges Dion et autres, demandant l'adoption d'une loi incorporant l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal (M. Létourneau, Montréal-Hochelaga);
-de la cité de Maisonneuve, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Reed);
- de la Commission des écoles catholiques de Montréal, demandant l'adoption d'une loi lui permettant de contracter un emprunt additionnel (M. Robillard);
-de George E. Borlase et autres, demandant l'adoption d'une loi pour constituer en corporation The Civic Investment & Industrial Company (M. Therrien);
-de la corporation de la cité de Trois-Rivières, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Trahan);
-de The Three Rivers Traction Company, demandant l'adoption d'une loi amendant son acte d'incorporation (M. Trahan);
-de la ville de Beaconsfield, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Perron);
- de l'Institution catholique des sourds-muets pour la province de Québec, demandant la refonte des lois 37 Victoria, chapitre 39, et 5 Édouard VII, chapitre 102 (M. Perron);
-de Jean-Marie Richard, demandant l'adoption d'une loi permettant au Barreau de la province de Québec de l'admettre à la pratique de la profession, après examen (M. Perron);
-de Benjamin Shulman, demandant l'adoption d'une loi permettant au Barreau de la province de Québec de l'admettre à la pratique de la profession, après examen (M. Perron);
-de la ville de Montréal-Ouest, demandant l'adoption d'une loi amendant sa charte (M. Perron);
-de la North Shore Power Co., demandant l'adoption d'une loi amendant son acte d'incorporation (M. Trahan);
-de Donald Russell Mackay, demandant l'adoption d'une loi autorisant le collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à l'admettre au nombre de ses membres (M. Vilas).
Rapports de comités:
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent du Code municipal. Voici le rapport:
Votre comité a choisi l'honorable M. Tessier pour son président et il recommande de réduire le quorum à six.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des privilèges et élections. Voici le rapport:
Votre comité a choisi M. Perron pour son président et il recommande de réduire le quorum à cinq.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des industries et du commerce. Voici le rapport:
Votre comité a choisi M. Vilas pour son président et il recommande de réduire le quorum à cinq.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des règlements. Voici le rapport:
Votre comité a choisi M. Létourneau (Québec-Est) pour son président et il recommande de réduire le quorum à quatre.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des comptes publics. Voici le rapport:
Votre comité a choisi M. Godbout pour son président et il recommande de réduire le quorum à huit.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent de l'agriculture, de l'immigration et de la colonisation. Voici le rapport:
Votre comité a choisi l'honorable M. Caron pour son président et il recommande de réduire le quorum à cinq.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des chemins de fer et autres moyens de communication. Voici le rapport:
Votre comité a choisi M. Finnie pour son président et il recommande de réduire le quorum à sept.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des bills privés en général. Voici le rapport:
Votre comité a choisi M. Desaulniers pour son président et il recommande de réduire le quorum à sept.
Adopté.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des bills publics en général. Voici le rapport:
Votre comité a choisi l'honorable Sir Lomer Gouin pour son président et il recommande de réduire le quorum à cinq.
Adopté.
Dépôt de documents:
Mandats spéciaux
L'honorable M. Mitchell (Richmond) dépose sur le bureau de la Chambre un état des mandats spéciaux émis en vertu de rapports du Conseil et des articles 859 et 860 des statuts refondus de la province de Québec, et préparé par l'auditeur de la province, tel que requis par la loi. (Voir le tableau ci-dessous.)
| État de mandats spéciaux émis en vertu de rapports du conseil et des articles 859-860 des statuts refondus de la province de Québec, pendant la vacance du Parlement, préparé par l'Auditeur de la province, tel que requis par la loi |
| | Services | Rapports du conseil et mandats spéciaux |
O.C. No | Date | Montants | Dépensés | Balance |
| | | | | $ cts | $ cts | $ cts |
| 9 | Législation: | | | | | |
| | Assemblée législative | | | | | |
| | Salaires | 497 | 17 mai 1915 | 2,150.00 | 2,150.00 | |
| | Impression et reliure pour les deux Chambres de la législature, S. R. Q., 1909, art. 164 | | 17 mai 1915 | 20,000.00 | 20,000.00 | |
| | | | | | | |
| 10 | Services divers: | | | | | |
| | Assemblée législative Impression et reliure pour les deux Chambres | 760 | 29 juin 1915 | 20,000.00 | 20,000.00 | |
| | | | | | | |
| | Gouvernement civil: | | | | | |
| | Traitements Bureau du lieutenant-gouverneur | | 29 juin 1915 | 140.00 | 90.00 | 50.00 |
| | | | | | | |
| | Dépenses contingentes: | | | | | |
| | Département du secrétaire de la province | | 29 juin 1915 | 5,000.00 | 5,000.00 | |
| | Département de l'instruction publique | | 29 juin 1915 | 1,500.00 | 1,500.00 | |
| | Bureau du lieutenant-gouverneur | | 29 juin 1915 | 1,826.29 | 1,826.29 | |
| | | | | | | |
| | Terres et Forêts: | | | | | |
| | Protection des forêts | | 29 juin 1915 | 4,000.00 | 4,000.00 | |
| | Arpentages | | 29 juin 1915 | 10,000.00 | 10,000.00 | |
| | | | | | | |
| | Charges sur le revenu: | | | | | |
| | Perception des licences | | 29 juin 1915 | 11,207.10 | 11,207.10 | |
| | Timbres, licences, etc. | | 29 juin 1915 | 419.43 | 419.43 | |
| | Administration de la Justice | | 29 juin 1915 | 85,000.00 | 85,000.00 | |
| | | | | | | |
| | Hygiène: | | | | | |
| | Bureau d'hygiène de la province de Québec | | 29 juin 1915 | 1,200.00 | 1,200.00 | |
| | | | | | | |
| | Travaux Publics et Travail: | | | | | |
| | (Ordinaires) Réparations à Spencer Wood | | 29 juin 1915 | 15,000.00 | 15,000.00 | |
| | École technique, Québec | | 29 juin 1915 | 5,000.00 | 5,000.00 | |
| | | | | | | |
| | Législation: | | | | | |
| | Assemblée législative Dépenses contingentes d'élection | 761 | 29 juin 1915 | 2,427.04 | 2,427.04 | |
| | | | | | | |
| 1 | Travaux Publics et Travail: | | | | | |
| | (Ordinaires) Réparations à Spencer Wood | 1417 | 4 novembre 1915 | 21,788.82 | 21,788.82 | |
| | | | | | | |
| 2 | Colonisation, Mines et Pêcheries: | | | | | |
| | Établissements de Pisciculture de Magog, Lac Lester, etc. | 1435 | 6 novembre 1915 | 8,000.00 | | 8,000.00 |
| | | | | | | |
| 3 | Services divers: | | | | | |
| | Souscription au Comité national de secours pour la Belgique | 1473 | 12 novembre 1915 | 5,000.00 | 5,000.00 | |
| | | | | | | |
| 4 | Services divers: | | | | | |
| | Comité provincial général de la commission des hôpitaux militaires | 1568 | 6 décembre 1915 | 1,500.00 | 500.00 | 1,000.00 |
| | | | | 221,158.68 | 212,108.68 | 9,050.00 |
Département du Trésor, Bureau del'Auditeur Québec, 13 janvier 1916. | |
| | Jos. Morin Auditeur de la province. |
Ville de Trois-Pistoles
M. Caron (Matane) propose, appuyé par le représentant de Vaudreuil (M. Pilon), que les dispositions des articles 497 et 498 du règlement soient suspendues à l'égard d'un bill portant constitution en corporation de la ville des Trois-Pistoles, lequel a été déposé chez le secrétaire du comité des bills privés en général.
M. Cousineau (Jacques-Cartier) demande au député de Matane (M. Caron) de s'expliquer.
M. Caron (Matane) répond que les promoteurs du bill étaient en retard de huit jours pour le dépôt de cette pétition.
Des voix de l'opposition ne sont pas satisfaites des explications du député de Matane (M. Caron).
M. Caron (Matane): Ce n'est pas une grande faveur que je demande. Ces gens-là sont en retard, mais ils paieront pour.
La proposition est adoptée.
Adresse en réponse au discours du trône
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné le 12 janvier, sur la motion proposée le mercredi 12 janvier courant, à l'effet que l'adresse suivante soit votée en réponse au discours de Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec:
À Son Honneur
le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec
Nous, les membres de l'Assemblée législative de la province de Québec, réunis en session, prions Votre Honneur de bien vouloir agréer, avec l'assurance de notre loyauté à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il lui a plu de prononcer afin de faire connaître les raisons de la convocation des Chambres.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) offre ses félicitations au proposeur et au secondeur de l'adresse pour la façon brillante dont ils se sont acquittés de leur tâche. Le député de Bonaventure (M. Bugeaud), dit-il, y a trouvé un compliment à l'adresse de son comté et de la race acadienne dont il se réclame avec orgueil. Qu'il me permette de lui dire que nous voulions y ajouter la confiance bien méritée que lui a value sa conduite en cette Chambre l'an dernier. Le premier ministre fait de pareils compliments au député de Stanstead (M. Bissonnet) dont les succès obtenus à la Chambre sont un honneur pour son comté.
Le premier ministre s'unit de tout coeur au chef de l'opposition (M. Cousineau) pour déplorer la perte de plusieurs hommes publics au cours des dernières vacances. Sans discuter, dit-il, les opinions politiques des honorables de Boucherville, Beaubien et Prévost, nous sommes unanimes de ce côté-ci de la Chambre à déplorer la perte de ces citoyens distingués. Et, au nom de la Chambre, je réitère à leur famille l'expression de nos plus vives et de nos plus sincères sympathies.
Quant à M. Patenaude, ce n'est pas la mort qui nous l'a enlevé, ni l'esprit de résignation de son prédécesseur, mais plutôt, comme le chef de l'opposition le disait hier, le besoin de nouveau qu'éprouvait le cabinet fédéral. Je me contenterai de lui faire une seule demande, c'est qu'il nous donne, maintenant qu'il est au pouvoir, la jetée de Laprairie qui a tant fait parler d'elle. Cette dernière a été indûment retardée au grand dam de la population de l'endroit.
En entendant le chef de l'opposition parler de la question ontarienne, je me rappelle le débat de l'an dernier, alors que plusieurs députés de cette Chambre, et j'en étais moi-même, adressaient un message d'encouragement à nos compatriotes de l'Ontario et demandaient pour la minorité un peu plus de tolérance. Je me rappelle que le chef de l'opposition disait alors que nous versions là des larmes de crocodile pour une cause qui ne méritait pas d'être défendue. En l'entendant hier, j'espérais qu'il réparerait ces paroles malheureuses, mais mon espoir a été de courte durée, car le chef de l'opposition est bientôt revenu à sa coutume de dénigrer sa province. Il a dit que ce qui s'est fait au point de vue de l'instruction publique a été mal fait et que l'instruction est dans un état lamentable. Ce n'est pas, dit le premier ministre, parce que le salaire des institutrices n'est pas aussi élevé que tous voudraient le voir que se passent dans l'Ontario les choses que nous déplorons.
Le gouvernement avait promis d'améliorer le sort des instituteurs et la province est témoin que nous l'avons fait. Les documents publics démontrent que mon affirmation repose sur la vérité. Nous savons que nous n'avons pas atteint la perfection, mais nous avons fait tout ce que peuvent faire des hommes de bonne volonté et la province le reconnaît.
Le chef de l'opposition nous a parlé de la Belgique et de la France et il nous a demandé de comparer ce qui se fait là-bas en fait d'instruction publique avec ce que nous faisons ici. Je lui dirai que, dans bien des communes de France, les instituteurs et institutrices reçoivent des traitements moins élevés que ceux des instituteurs de notre province. Les institutrices ne gagnent pas en moyenne $180, comme l'a dit le chef de l'opposition, mais leur traitement moyen, pour les écoles catholiques et les protestantes, est de $245. Si c'est un crime que d'avoir une moyenne de $245 par année pour les salaires des instituteurs, qu'était-ce donc au temps de M. de Boucherville, avant 1896, alors que les salaires étaient au-dessous de $100 et que la moyenne variait de $40 à $50? Dans 40 comtés, les salaires annuels étaient au-dessous de $100 et, dans 25 autres, au-dessous de $30. Grâce à Dieu, ces choses ne se voient plus et l'instruction a fait des progrès considérables.
Le chef de l'opposition dit encore que c'est la faute du gouvernement, des pères de famille et des inspecteurs d'écoles si les instituteurs ne reçoivent pas de meilleurs traitements. Il a parlé d'une façon qu'il regrettera sûrement de ce beau corps que sont les inspecteurs d'écoles, qu'il appelle un corps de parade allant d'école en école pour distribuer des images. S'il les avait suivis, ces hommes zélés et instruits, il verrait que ce ne sont pas seulement des fonctionnaires de parade.
S'il les voyait par les rafales d'automne, par les froids d'hiver et par les pluies du printemps aller visiter la dernière école d'une concession éloignée pour porter quelques paroles d'encouragement à la jeune maîtresse d'école et au commissaire et leur donner de bons conseils, et s'il les voyait aussi distribuer ces images que les pères voient avec bonheur donner à leurs enfants qui les conservent comme de précieux trésors, il ne parlerait pas d'eux comme il l'a fait.
Depuis 10 ans, ces inspecteurs d'écoles, à qui le chef de l'opposition reproche leur état, ont, par leur travail et leurs efforts, obtenu le renouvellement de l'ameublement de plus de 5,000 écoles et la construction de 250 écoles en moyenne chaque année. C'est aussi grâce à eux que nos paroisses ont sorti de leur gousset la somme de $15,000,000 placée à fonds perdu pour le développement de l'instruction dans notre province.
Sait-on ce que les pères de famille dépensent pour l'instruction de leurs enfants? Il est beau de voir les efforts que font les inspecteurs et les autres dignitaires qui se dévouent à la cause de l'instruction publique pour les stimuler, mais il ne faut pas oublier les sacrifices qu'ils font pour l'éducation de notre jeunesse. Si l'on réfère aux comptes publics, on verra que les pères de famille, qui dépensaient en 1896, pour fins d'éducation, la somme de $1,488,000, ont dépensé l'an dernier plus de $7,000,000.
En prenant l'ensemble de la situation, le travail des inspecteurs et les sacrifices des chefs de famille, on est forcé de reconnaître que le reproche du chef de l'opposition est injuste et que, comme bien d'autres, il parle d'une question dont il ne connaît pas suffisamment le fond.
En 1896, notre province ne comptait que deux écoles normales; elle en compte aujourd'hui 15. En 1896, il y avait 200 institutrices diplômées; aujourd'hui, on en compte 1,000 qui ont des diplômes. En 1896, il n'y avait que 300 institutrices diplômées pour l'enseignement supérieur; aujourd'hui, on en compte 1,900.
En 1905, la province dépensait, pour fins d'éducation, la somme de $420,000 tandis que, durant l'année finissant le 1er juillet 1915, elle a dépensé $1,700,000. Et que dire de toutes les autres institutions que nous avons mises sur pied, les écoles techniques, les écoles d'économie domestique, les écoles de couture, dont la valeur de l'enseignement donné aux jeunes filles de notre province est inestimable. Nous sommes à même de constater les résultats éloquents qu'elles ont obtenus.
Trop de personnes ignorent ce qui a été fait par les pères de famille, les commissaires, les inspecteurs d'écoles et le gouvernement pour le développement intellectuel de notre jeunesse. Ceux qui le savent en viennent nécessairement à la conclusion qu'aucune autre province ne peut se vanter d'avoir fait autant que la nôtre depuis 10 ans.
Le chef de l'opposition pose un point d'interrogation et se demande si la prospérité de notre province est aussi grande qu'on le prétend dans le discours du trône. La preuve que notre province est prospère, il la trouve dans les déclarations qui émanent des écrits de ses amis.
Et il cite à ce sujet une brochure publiée par l'honorable Dr Roche, ministre de l'Intérieur, qui dit que l'agriculture a fait des progrès prodigieux dans notre province. Dans le rapport du ministère des Douanes, on indique que les exportations du Québec ont été de $167,000,000, en 1915, en Ontario $180,000,000.
La preuve, dit-il, nous la trouvons encore dans les statistiques de 1915 qui démontrent que la production seule du fromage et du beurre a rapporté à nos cultivateurs l'an dernier $5,000,000 de plus que l'année précédente.
Une autre preuve que notre province est prospère se trouve dans le Montreal Gazette de novembre dernier et du 4 janvier, où on dit que, depuis 15 ans, notre province vient en tête des provinces de la Confédération sur les plans industriel, commercial et démographique.
La preuve, je la trouve aussi dans les rapports des présidents de banques canadiennes, dans les articles de la Gazette, de La Patrie et de L'Événement qui reconnaissent que la province de Québec est à la tête de toutes les provinces de la Confédération sous le rapport de l'épargne. Il faut que ces faits soient doublement vrais pour que ces journaux le disent.
Le chef de l'opposition a dit encore que la ville de Sorel était en tutelle et à la veille de la banqueroute. Cette attaque lui a été particulièrement sensible, dit-il, parce qu'il a passé à Sorel quelques-unes des meilleures années de sa vie. Il se porte garant de sa solvabilité. Le chef de l'opposition a évidemment conservé un mauvais souvenir de sa dernière visite à Sorel. Il est bien ingrat à l'égard de ses amis qui lui ont présenté une adresse, présenté des fleurs, qui l'ont encensé et régalé de l'harmonie de leur musique. Il a une singulière façon de remercier de l'hospitalité. Il y avait pourtant au moins quelques personnes qui s'étaient dérangées pour l'accueillir.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le conseil municipal n'y était pas.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Il y aura bien d'autres conseils municipaux qui ne seront pas là quand vous irez ailleurs. Le chef de l'opposition n'a évidemment conservé que le goût amer du vin de la désillusion et sûrement il y avait plus d'épines que de roses dans la gerbe qu'ils lui ont offerte. Pour moi, je ne connais pas de population plus honnête que celle de Sorel. Je n'en connais pas de plus respectable, de plus sobre.
M. Cousineau (Jacques-Cartier): Depuis hier!
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je me porte garant, au nom de cette province, que la population de Sorel saura faire honneur à ses affaires autant que la ville de Saint-Laurent dont se réclame le chef de l'opposition.
Quant au dernier emprunt fait par la province, le trésorier, suivant en cela l'exemple du ministre des Finances d'Ottawa et des autres gouvernements provinciaux, est allé sur le marché de New York, avec cette différence que, de tous les emprunts faits par les provinces, celui qui a rapporté le plus est celui contracté par notre province. Et nous avons fait cela sans moratorium et peut-être même parce que nous n'avons pas proclamé le moratorium que réclamait le chef de l'opposition.
Le premier ministre cite ici le témoignage de M. Gabriel Hanotaux qui croit que le moratorium en France, au début de la guerre, a été une grande erreur qui a conduit le commerce aux portes de la ruine. Les ventes par shérif dont se plaint le chef de l'opposition sont un bien au point de vue de la spéculation exagérée et folle qui s'est faite dans l'immeuble. C'est une liquidation nécessaire qui s'est produite et qui devait nécessairement se faire. C'est un équilibre qui n'aurait peut-être pas été si nous n'avions pas eu ce conflit regrettable. Il cite alors les effets néfastes des moratoriums dans les autres provinces où les financiers ont refusé d'avancer de l'argent.
Le premier ministre dit qu'un gouvernement qui a fait, en quatre ans, 1,667 milles de macadam et de gravelage, qui a convaincu 400 municipalités de l'opportunité de se charger de l'entretien des chemins, qui a dépensé $14,500,000 pour l'amélioration de la voirie, pourrait s'attendre à d'autres paroles que celles du chef de l'opposition. Il s'appuie pour répondre au chef de l'opposition sur les déclarations des journaux amis du Parti conservateur. Il cite les opinions émises par des ingénieurs renommés au récent congrès des bonnes routes de Toronto et même par M. D.-O. L'Espérance et M. P. de Montmagny qui croient que la politique de voirie du gouvernement de Québec est bonne1.
Quant aux travaux publics, il rappelle la construction du palais de justice de Trois-Rivières, qui est l'un des plus beaux de la province, les réparations considérables faites aux autres palais de justice et à Spencer Wood, le parachèvement de la Bibliothèque de la législature, tous autant de travaux qui, tout comme la prison de Bordeaux, ont été faits sans emprunter et à même les revenus de la province.
Au sujet de la colonisation, le député de Portneuf dit qu'il a visité l'an dernier la région de l'Abitibi où il a trouvé de beaux villages naissants habités par des colons vigoureux à l'oeil sain et au front rempli d'ambition. Pas un de ceux-là n'a quitté son lot; tous y ont fait de bonnes récoltes et bon nombre de nouvelles familles sont allées les joindre. Il cite le témoignage de l'abbé Ivanhoé Caron qui dit que l'Abitibi est l'un des plus beaux territoires de colonisation et des plus prometteurs. Après la guerre, quand les étrangers connaîtront nos ressources et les avantages que notre province peut leur offrir, la colonisation se développera plus que jamais.
Parlant de la guerre, il dit que les puissances sont encore au plus fort du combat et que la province de Québec a été la première à offrir des secours à la métropole et à tendre une main généreuse à la France et à la Belgique. Elle est encore prête à faire ce que l'on demandera d'elle pour secourir les peuples des alliés. Elle n'a pas attendu l'invitation du chef de l'opposition pour le faire. Il peut dire qu'à l'avenir, comme dans le passé, chaque fois que l'on fera appel à la province pour le triomphe des alliés ou pour secourir les victimes de la guerre, elle fera son devoir. La province de Québec saura encore une fois où est son devoir et répondra à l'appel de ces valeureux soldats dont certains peuvent nous revenir blessés ou mutilés. Laissons dire ceux qui croient que nous n'avons pas le courage de faire tout ce que nous pouvons pour aider ces braves qui partent au front ou qui en reviennent. La province de Québec, par son gouvernement, a démontré qu'elle est une terre de loyauté par excellence et, s'il faut encore une fois que nous fassions la preuve qu'elle est une terre où fleurissent les sentiments de fidélité et de grande générosité, nous y sommes tout à fait disposés.
Nous croyons à la victoire finale, dit-il, et nous la voulons, et je demande au chef de l'opposition de nous prêter une sincérité plus grande que celle qu'il nous prêtait, hier, lorsqu'il parlait de déclarations malheureuses faites par certains députés qui auraient conseillé à leurs électeurs de ne pas s'enrôler pour aller combattre dans les rangs des alliés. Il y en a eu de faites, et c'est regrettable. Il n'y a pas 100 ans, ni pas même 10 ans de cela.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): En 1896!
L'honorable M. Gouin (Portneuf): Des déclarations malheureuses, il en a été fait, il est vrai, il n'y a pas bien longtemps, par des députés ou des orateurs conservateurs qui, combattant la politique navale de Sir Wilfrid Laurier, effrayaient les électeurs en leur faisant de sombres tableaux de leurs enfants envoyés sur les mers de Chine.
De ces déclarations, il s'en est fait ici même et appuyées par des votes qui sont bien de nature à faire naître cette suspicion que craint le chef de l'opposition. Mais on n'a jamais entendu de telles déclarations de la bouche des libéraux de cette province ou de toute autre province.
Le premier ministre cite ici une résolution de censure proposée en 1910 à l'Assemblée législative par M. Prévost et le représentant de Charlevoix (M. D'Auteuil) contre des déclarations faites par l'honorable député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), à Toronto, dans un banquet. L'honorable député de Montmorency avait alors déclaré que, si jamais le drapeau anglais était attaqué, si jamais la terre canadienne devenait le point de mire de l'ennemi, il pouvait dire que, parmi les premiers à offrir leur sang et leur vie, se trouveraient les siens, ceux de sa race et de sa province.
Cette résolution fut approuvée par les membres de l'opposition, ces hommes aux idées disparates dont parlait le chef de l'opposition, et parmi lesquels se trouvaient MM. Cousineau, Bourassa et Gault.
J'y vois le nom de M. Bourassa dont le chef de l'opposition se réclamait hier, cependant que, par la voie de son journal, L'Événement, il réclamait son arrestation.
M. Cousineau (Jacques-Cartier): Je ne me suis pas réclamé de M. Bourassa hier, j'ai dit qu'il avait fait partie de l'opposition.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): S'il y a une différence entre le chef de l'opposition et M. Bourassa, c'est que ce dernier a le mérite de penser encore ce qu'il pensait en 1910 et que l'autre a bien changé.
Faisant allusion aux paroles du chef de l'opposition, le premier ministre se demande s'il est le porteur d'un message d'une autre puissance qui siège ailleurs. Si on ne peut faire tout seul, qu'on le dise, dit le premier ministre. La province de Québec, terre de tolérance et de loyalisme, a fait preuve de générosité et, si on désire qu'elle fasse davantage, qu'on le demande et elle est prête à le faire.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges)2 veut dire quelques mots.
Je n'ai que quelques mots d'explication à donner, dit-il. Il est vrai que j'ai voté pour la résolution en question. Tout homme est susceptible de se tromper, et j'avoue que ce vote est l'un de ceux que je regrette le plus vivement.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable député de Bonaventure (M. Bugeaud), proposeur de l'adresse, qui aura beaucoup de succès s'il veut quitter les exagérations, est devenu un libéral intransigeant. On sait que des circonstances triviales ont souvent déterminé des événements importants dans l'histoire du monde. On sait, par exemple, que Cromwell serait passé en Amérique avant les troubles politiques dont il fut l'instigateur, s'il n'eut été empêché de s'embarquer par une attaque de la gravelle3. On dit aussi que le député de Bonaventure ne naviguerait pas à grandes voiles dans les eaux ministérielles si on eut fait disparaître de son comté cet étrange protégé du premier ministre qui continue à jouer au Conseil législatif le même rôle qu'il a joué ici pendant plusieurs années sous l'oeil intéressé d'être grand marchand de bois.
L'honorable député de Stanstead (M. Bissonnet), qui apparaissait, mardi, sous la perruque poudrée du marquis de Vaudreuil, se levait, hier, dans cette Chambre tout frais rasé comme un juge du Conseil privé. On dit que la barbe rasée de Louis VII coûta à la France 3,000,000 de soldats et une série de guerres de trois siècles. Espérons donc que la transfiguration du député de Stanstead, au lieu de provoquer une guerre, fera cesser le grand drame qui ensanglante actuellement l'Europe.
Le premier ministre (l'honorable M. Gouin), s'appuyant sur sa majorité parlementaire acquise, en grande partie, par des schèmes qui ont tué la colonisation, déshonoré notre Législature, paralysé notre expansion nationale, hypothéqué les municipalités pendant 41 ans pour des travaux mal faits, conduit Montréal et Maisonneuve aux portes de la banqueroute, livré la province aux Américains, l'honorable premier ministre dont j'admire l'habileté germanique a voulu se moquer de l'opposition. Eh bien, cette majorité parlementaire peut être comparée à l'Ungava.
Mais la petite Belgique, qui ne se vend pas et qui ne se rend pas, qui combat pour le droit et la liberté, qui ne veut pas marcher sous le fer du barbare; cette héroïque Belgique se retrouve dans notre petite opposition qui a appris à rester fidèle à son devoir sous la direction d'un autre Albert comme Mathias Tellier et qui continuera son rôle sous le commandement d'un autre chevalier sans peur.
Il trouve étrange que le gouvernement ose présenter à la Chambre un discours où se relèvent tant d'erreurs. Il est cependant un article du discours du trône que tout sujet anglais et tout Canadien français soucieux de sa province approuvera sans hésitation: c'est celui de l'aide que nous devons aux alliés. Le député de Deux-Montagnes a confiance que le gouvernement fédéral à qui incombe cette tâche restera à la hauteur de son devoir en contribuant convenablement et suivant ses moyens.
Le Parlement de cette législature s'ouvre à une époque bien sombre. Le terrible cyclone qui continue à ravager l'Europe devient si alarmant que, sans mon extrême confiance dans la réserve des alliés, je serais tenté parfois de me demander à quoi serviront les lois que nous édicterons durant la session qui s'ouvre. Quelle que soit l'ardeur de nos désirs et quoi que l'on fasse dans les colonies, si chacun des alliés refusait de défendre résolument la cause et de se jeter en masse à l'assaut de l'ennemi, que serions-nous demain? Ce serait peut-être plus que jamais pour nous une raison supérieure d'aimer davantage nos institutions, oeuvre de nos pères, notre belle province, terre de nos aïeux, berceau de la civilisation canadienne, foyer de paix et de liberté pour tous.
Les peuples de l'Europe dominent notre globe depuis nombre d'années. L'empire européen joue-t-il en ce moment le rôle universel des dernière années du monde romain? L'Europe possède 82% des terres du monde. Quel sera le sort de l'Angleterre qui, avec ses colonies, exerce son pouvoir royal sur 400,000,000 d'habitants et qui couvre la sixième partie de la surface du globe? Notre sort sera plus lamentable ou meilleur que le sien. Le souci de notre devoir, le respect de notre allégeance et notre loyauté à la couronne britannique sont encore assez forts chez nous pour que nous puissions espérer en la victoire. Raison de plus alors pour se bien préparer à répondre aux nouveaux besoins que font surgir les conséquences du grand massacre d'outre-mer.
La guerre est pour nos alliés une terrible épreuve, elle est aussi une grande leçon pour tous les peuples. Elle développera chez nous l'esprit public, un patriotisme plus pratique, une compréhension plus claire de nos devoirs de citoyens, le sens des vraies méthodes qui assureront, par un travail efficace, le succès, la prospérité, le prestige dont nous avons tant besoin pour donner à notre province l'influence et le respect qu'elle mérite dans la Confédération d'abord et à l'étranger. Tels sont les voeux que les parlementaires réunis ici forment, je n'en doute pas, à l'aurore de ce nouvel an.
Il conseille au premier ministre, qui se sert avec tant de fréquence des journaux, de faire adopter au moins la loi du libelle. Puis, il le raille au sujet de la Gazette en rappelant ce que pensait de ce journal un homme dont le libéralisme ne saurait être mis en doute, M. Honoré Mercier. Il dit que le député de Bonaventure, probablement inspiré par le premier ministre, a fait le procès du gouvernement Parent en comparant ses résultats avec les résultats actuels. Il croit que M. Parent devait avoir l'esprit bien ailleurs pour ne pas avoir fait appel à son ami le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) afin que celui-ci s'apitoie sur sont sort.
Il reproche au premier ministre de se parer des oeuvres conservatrices. Le Parti conservateur a raison d'être fier de son passé. Il a eu pour le diriger des hommes de génie comme Cartier, Chapleau, des modèles d'honnêteté comme Taché et Chauveau, Boucherville, Augers et Taillon.
Le chef des libéraux a affirmé une foule de choses, entre autres que les députés de l'opposition tentaient constamment de dénigrer la province de Québec.
Nous continuerons notre oeuvre de saine critique. Quelquefois, nous pourrons nous tromper, mais, pour ma part, je ne voudrais pas tromper la Chambre et la province. Je puis commettre des erreurs, mais j'espère que l'on ne m'accusera pas de mauvaise foi. Nous continuerons à revendiquer des améliorations en faveur de notre province, parce que nous connaissons et admirons ses richesses naturelles, ses traditions glorieuses et le rôle magnifique qu'elle peut jouer dans le monde; parce que nous voulons pour tous les éléments de sa population plus de justice, d'équité, de bonheur et de prospérité.
Dénigreurs de votre province! diront des adversaires fourbes, de mauvaise foi, désireux de cacher leurs méfaits et leur incompétence.
Dénigreur, le Dr Robertson, un expert agronome qui déclare que notre pays est infesté d'une plus grande quantité de mauvaises herbes par acre que toute autre contrée du monde (Sixième rapport, Commission de la conservation, Canada). Dénigreurs, Sir Wilfrid Laurier et ses disciples qui font le tableau le plus sombre de l'administration du Canada! Dénigreur, M. A.-J. de Bray qui, dans son magnifique livre dédié au premier ministre: L'Essor industriel et commercial du peuple canadien, s'écrie: "L'Ontario retient plus les immigrants que le Québec, surtout par ses régions minières nouvellement exploitées. C'est à cela et au nombre des habitants du Québec passant l'Ottawa et s'établissant dans son Nord-Ouest que l'Ontario doit son maintien."
Dénigreur, M. S. N. Parent qui, dans son rapport de la Commission des eaux courantes 1912, dit que "rien que le Saint-Laurent dans sa traversée de la province de Québec et ses nombreux affluents qui sont coupés de nombreuses chutes et rapides fournissent une énorme force hydraulique actuellement presque entièrement inexploitée."
Dénigreur, M. L. Denis, un employé du gouvernement qui, dans son rapport sur les forces hydrauliques du Canada, établit le nombre d'industries qui font usage des chevaux-vapeur: Ontario, 532,266; Québec, 300,153.
Dénigreur, ce M. de Bray, directeur de l'École des hautes études commerciales à Montréal, dont le livre fut trouvé si correct et si important que l'honorable secrétaire provincial (l'honorable M. Décarie) en acheta de nombreux exemplaires qu'il fait distribuer par toute la province!
Dénigreur, M. Charles Langelier, ce grand favori du gouvernement, qui disait en 1892: "Nos inspecteurs d'écoles ne savent pas lire."
Dénigreur, M. de Bray qui dit dans ce beau livre: "Dans la province de Québec, le système d'éducation a les défauts que nous reprochons à l'ensemble des institutions économiques; il n'y a pas de plan d'ensemble, aucune coordination n'existe entre les différentes branches de l'enseignement. Les écoles ont été créées et ont été modifiées au fur et à mesure des nécessités, quand on l'a jugé bon, au hasard des circonstances, sans souci, dans la formation des programmes, de ce qui existait et de ce qui aurait dû exister pour répondre aux besoins."
Dénigreur, l'honorable secrétaire provincial qui publie dans son annuaire statistique que "l'augmentation de la population de la province, de 1901 à 1911, est due principalement à l'accroissement de la population urbaine. En 10 ans, dit-il, celle-ci s'est en effet accrue de 313,865 habitants. Elle est nulle dans le comté de Bellechasse, Bonaventure, Dorchester, L'Islet et Montcalm; elle est inférieure à 10% dans Gaspé, Lotbinière, Kamouraska et Portneuf. Depuis 1881, dit encore le statisticien de l'honorable secrétaire provincial, la population rurale a diminué en valeur. Elle a d'ailleurs baissé davantage dans les 20 dernières années que dans les 20 années précédentes. En 1911, le chiffre de la population urbaine atteignait presque celui de la population rurale; il est vraisemblable qu'il le dépassera au prochain recensement."
Cela se dit et se prouve par des chiffres, par des faits; cela se constate sous un régime libéral de 20 années, dans la plus vieille province du dominion, cette vieille province dont l'étendue territoriale est la plus considérable au Canada: deux fois plus étendue que l'Ontario; cette vieille province qui possède 218,723,687 acres de terre, dont un huitième à peu près est habité! Tout cela se trouve inscrit en grosses lettres dans l'annuaire statistique publié par l'honorable secrétaire provincial.
La population de nos villes a augmenté à cause de l'essor industriel et commercial que notre tarif fédéral et la prospérité mondiale ont répandu dans notre pays. Je ne veux pas accuser le gouvernement de tout le mal dont nous souffrons par la dépopulation rurale, mais j'accuse ce gouvernement d'être resté indifférent devant les maux que lui signalait l'opposition depuis 12 ans.
Quand l'opposition demandait au gouvernement d'inaugurer une politique de plus grand développement agricole par un encouragement particulier à la culture intensive, au meilleur assolement et à de petites industries rurales greffées sur l'agriculture; quand, en réponse à des interpellations, le ministre de l'Agriculture était forcé de déclarer qu'il ignorait même le nombre de ces petites industries dans la province de Québec, nos administrateurs ne donnaient-ils pas la preuve de leur incurie, de leur indifférence pour tout ce qui concerne les grands problèmes de notre prospérité économique? Et la situation actuelle ne donne-t-elle pas raison à l'opposition?
Quoi qu'en disent nos politiciens fautifs, les incapables étroits et fanatiques, nous aimons notre province et elle trouvera toujours chez nous ses plus sûrs soutiens, les plus fidèles gardiens de ses institutions, les plus consciencieux artisans de leurs fortunes, des hommes capables de sacrifier au besoin leurs ambitions personnelles, leur popularité et leurs intérêts de parti pour se tenir à la hauteur d'un devoir national et assurer la réalisation d'un principe de saine économie politique, nationale et sociale.
On nous parle des progrès de la province; nous ne les avons jamais niés. Nous avons seulement prétendu que le gouvernement n'a jamais donné assez d'attention aux opérations des divers départements. On nous dit que la province est riche. Si les cultivateurs ont aujourd'hui de l'argent chez eux, si les produits se vendent bien, le gouvernement n'a pas raison de s'en réjouir. C'est que les grands marchés sont plus faciles et les marchés sont sous la dépendance du gouvernement fédéral.
L'un des principaux objets de vantardise du premier ministre est que les multiples travaux de voirie ont été effectués sans avoir recours à des emprunts. Cependant, dans les minutes de la Chambre, on peut voir qu'une somme de $7,000,000 a été empruntée pour l'exécution de différents ouvrages.
Parlant de la voirie, le député des Deux-Montagnes prétend que la politique du gouvernement a été un véritable fiasco. Si le premier ministre, dit-il, tient à se renseigner, il sait bien que la province de Québec n'est pas satisfaite de la voirie. Il ne le dira pas. Il n'a pas dit non plus que le gouvernement songeait à poursuivre les municipalités qui lui doivent des intérêts sur leurs emprunts. Il n'a pas dit que, dans certaines municipalités, on en est rendu à payer 75% en disant que, pour le reste, on attend que le gouvernement paie. On a trompé toutes les municipalités. On a fait travailler des ingénieurs incompétents. Que l'on fasse une enquête aujourd'hui; que l'on y appelle toutes les municipalités et l'on verra si cette politique n'a pas été une faillite complète.
Il y a dans le département des masses de documents qui seraient écrasants. Certains ingénieurs ont fait des rapports ridicules, qui ont été contredits du tout au tout par d'autres ingénieurs du gouvernement, certains travaux qui ont coûté le double de ce qu'ils avaient été estimés par le gouvernement. Bref, cette politique a été un désastre; elle a entraîné les municipalités dans des dépenses dont elles ne sortiront jamais. Nous sommes en faveur d'une amélioration de la voirie, mais nous voulons que les travaux soient faits d'après une méthode.
Nous ne prétendons pas que le gouvernement n'a pas fait de routes; nous soutenons que les travaux ont été mal faits par des ingénieurs incompétents. Aujourd'hui, on en est rendus à dépenser notre argent pour réparer des chemins qui ont été faits voilà à peine un an.
Il demande s'il est vrai que le département de la Voirie s'était engagé à faire certains travaux de réparation qui étaient supposés être complétés l'été dernier, mais qui ont été abandonnés, et si, en raison de cela, on a procédé au congédiement d'ingénieurs. Les municipalités ne veulent pas que le gouvernement leur envoie des ingénieurs de seconde classe apprendre leur profession aux frais des contribuables.
N'est-il pas vrai, demande-t-il, que des ingénieurs compétents ont été renvoyés pour être remplacés par des ingénieurs tout à fait incompétents?
L'honorable M. Tessier (Trois-Rivières): Ce n'est pas vrai.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Voilà un bel exemple de la culture de ce gouvernement libéral. La réponse du ministre est aussi primitive que les chemins qu'il a construits.
Des voix de l'opposition demandent de mettre à l'ordre l'auteur de cette parole peu parlementaire.
L'honorable M. Tessier (Trois-Rivières) explique qu'il a répondu simplement à la question du député de Deux-Montagnes (M. Sauvé).
M. Sauvé (Deux-Montagnes) critique les méthodes du ministre de l'Agriculture (l'honorable M. Caron). Il demande au gouvernement d'instituer une enquête sur les travaux effectués sur les chemins provinciaux et il exprime l'espoir que les devis seront transmis bientôt et non aux dernières heures de la session pour ensuite être approuvés à la hâte, sans avoir eu le temps d'en prendre connaissance.
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Je suis peiné de voir, dit-il, que mon honorable ami le député de Deux-Montagnes (M. Sauvé) a plutôt cherché à dénigrer sa province qu'à faire une critique de l'administration publique conduite par le gouvernement. Le député de Deux-Montagnes, comme son chef de l'opposition (M. Cousineau), a passé la plupart des départements au fil de son épée, sans ne rien préciser.
Il prouve que la province de Québec est à la tête du dominion dans les sphères agricoles. Les trophées qu'elle a remportés avec ses produits dans les grandes expositions de l'Ontario et de Québec sont là pour le prouver. Il reconnaît avec plaisir que le subside donné par le gouvernement fédéral pour aider et encourager l'agriculture est d'un grand appui pour la province, mais il prouve en même temps, par certains chiffres, que le gouvernement provincial fait, lui aussi, sa grosse part et qu'il consacre chaque année la somme de $500,000 pour les fins agricoles.
Le progrès de l'agriculture repose aujourd'hui sur des bases scientifiques affermies par un enseignement méthodique et pratique. Personne ne se plaint des conditions agricoles dans lesquelles se trouve actuellement la province, si ce n'est l'opposition. Les rapports fournis par les experts du gouvernement fédéral font voir d'une manière évidente que notre système agricole est effectif et qu'il porte des fruits dignes d'être signalés auprès des autorités fédérales.
Le ministre de l'Agriculture fait ici remarquer que le député des Deux-Montagnes est à même de se rendre compte des efforts incessants que fait le gouvernement pour l'avancement de l'agriculture, puisqu'il a dans son comté une des plus belles écoles d'agriculture de la province de Québec, école qui a toujours reçu l'encouragement le plus généreux de l'administration libérale actuelle. C'est dans cette institution que plusieurs jeunes gens sortis des collèges classiques vont puiser l'instruction agricole scientifique et pratique qu'ils répandront plus tard dans nos campagnes.
À 6 heures, la Chambre interrompt ses travaux.
Reprise de la séance à 8 heures
Adresse en réponse au discours du trône
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine) fournit à la Chambre une longue liste des améliorations qu'a subies le mouvement agricole dans notre province depuis 1905.
Il fait état du nombre d'écoles et de classes mises sur pied dans toutes les parties de la province sous la supervision de fonctionnaires.
M. Cousineau (Jacques-Cartier) prend la parole4.
L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine) dit que Québec, que l'opposition appelle la province pauvre, exporte pour $167,000,000 de produits agricoles, alors que l'Ontario, dont la population rurale est plus élevée, en exporte pour $181,000,000.
Il prouve, chiffres en main, que la province est dans une ère de progrès sans précédent jusqu'ici et que le gouvernement est décidé à prendre toutes les mesures pour lui faciliter son avancement dans toutes les sphères réservées à l'activité humaine.
Quelles que soient les déclamations de M. le député des Deux-Montagnes, ajoute-t-il, il est contestable que la population canadienne-française et anglaise, de Québec, apprécie hautement les mesures que le gouvernement provincial a mises en force pour faciliter le développement de la province, encourager l'agriculture, élever le niveau intellectuel de la population et répandre l'amour du sol et de la terre.
Il s'amuse des contradictions de La Patrie, critiquant le gouvernement de Québec dans une même page et souvent, dans une même colonne, elle fait son éloge.
Il déclare que les quelques mécontentements dont le député des Deux-Montagnes avait parlé dans son discours n'étaient que des rêves et que la politique de voirie du gouvernement a reçu dès le début l'accueil le plus chaleureux dans toutes les municipalités de la province de Québec. L'orateur expliqua que, si certaines routes s'étaient quelque peu détériorées, la chose était due à la lourdeur et au grand nombre des véhicules qui circulaient sur leur parcours durant le cours de l'année.
Il formule le souhait que la population de cette province est presque unanime à approuver les efforts que fait le gouvernement pour l'aider et l'encourager.
M. Campbell (Pontiac) demande pourquoi, quand deux Canadiens français vont s'établir dans le Nouveau-Québec, au Nord, trois se dirigent vers l'Ontario.
C'est bien beau de prononcer de grands discours sur la colonisation, mais ce que nous voulons, ce sont les faits et les faits réels. Les membres du gouvernement ont prononcé à maintes reprises des discours pathétiques sur le Témiscamingue et l'Abitibi. Mais j'aimerais livrer mes impressions à cette Chambre, et elles découlent des visites que j'ai effectuées dans les régions colonisées, et je ne m'y suis pas rendu en voiture particulière, comme le premier ministre et ses ministres.
À entendre le ministre, on croirait qu'ils ont découvert le Témiscamingue. Mais ils ne sont sûrement pas sans ignorer qu'il y a 30 ans un grand nombre de fermiers prospères vivaient à cet endroit. En 1881-1882, un premier groupe est arrivé, suivi d'un groupe plus important, en 1888-1889. Les marchands de bois y ont construit un chemin de colonisation qu'on appelle maintenant "chemin des Quinze". Et savez-vous, M. l'Orateur, que le gouvernement s'en est attribué le mérite?
Il dit qu'il se sent bien libre d'admettre que le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent dans le district de Témiscamingue et que les ministres devraient aussi se sentir libres d'admettre qu'ils ont dépensé plusieurs milliers de dollars de façon irrationnelle dans ce district. Il prend comme exemple la situation à Quinze Bay, où on a construit un chemin dans une partie de la région où on ne trouve aucun colon, alors que, dans une autre partie, où des colons sont installés, le chemin a été coupé. La terre est bonne, à cet endroit, dit-il, et des colons y vivent, mais il n'y a pas de route. Il parle d'un autre chemin dans le district de Long Lake, donnant de façon précise le numéro du lot, et dit que, n'eût été de la présence d'un lac, le gouvernement aurait poursuivi la construction de la route même si aucun colon n'est installé à cet endroit.
À Amos, 66 lots ont été concédés depuis deux ans dans un endroit de la forêt où un homme ne trouverait même pas assez d'espace pour s'agenouiller et réciter ses prières.
Il dit que beaucoup des lots sont détenus pour des fins de spéculation et se demande pourquoi le gouvernement ne fait pas cesser cela.
Il se réfère au rapport du révérend père Caron sur la colonisation en Abitibi et souligne que, même sous l'autorité de ce gouvernement, il y avait huit cantons à cet endroit et une moyenne de seulement 13 familles par canton. L'année suivante, seulement 70 familles s'y sont installées.
Il veut savoir si c'est à ce genre de colonisation prospère que fait référence le discours du trône.
Franchement, dit-il, si le premier ministre a vu ce qu'il dit avoir vu, c'est à croire qu'il est Scotch comme moi et qu'il s'était mêlé à quelque autre scotch. Abordant la statistique, il établit, par des chiffres qu'il tient, dit-il, à la disposition du gouvernement, qu'un grand nombre de colons sont passés du Québec dans l'Ontario à cause de la politique de colonisation désastreuse. On a donné à certains d'eux, dit-il, des terres qu'il aurait fallu défricher avec une charrue de diamants.
M. Philps (Huntingdon) répond au député de Pontiac (M. Campbell) qu'au lieu de critiquer, ce qui est toujours facile, il devrait suggérer une meilleure politique, ce qui serait plus difficile pour lui. Les critiques impartiaux reconnaissent, dit-il, les progrès accomplis par le gouvernement.
L'administration Gouin a réalisé des progrès en ce qui concerne la colonisation et les bons chemins. Il souligne l'amélioration des routes dans les Cantons de l'Est et dit que les gens qui viennent des États-Unis et de l'Ontario ne tarissent pas d'éloges devant les efforts que la province a déployés dans ce sens.
Il se dit fier d'appartenir à cette administration dont l'excellence est reconnue partout. Il est facile, dit-il, en substance, de s'amuser et de critiquer, mais beaucoup plus difficile de discuter sur des faits bruts.
M. Campbell (Pontiac): Vous avez la critique des farces et des faits5.
M. Bernier (Lévis) fait un éloge ému de feu l'honorable Jean Prévost et du député d'Argenteuil (M. Slater), parti à la guerre. Il trouve étrange que le discours du trône ne contienne pas plus de législation publique. La province en est-elle rendue à ce point de perfection que nous n'avons plus besoin de rien? Est-ce parce que le premier ministre est content que toute la province doit être contente? Je ne le crois pas. Je me demande si nous n'avons pas pour principe d'adopter des lois d'exception.
Du côté de l'enseignement primaire, par exemple, la province est loin de se déclarer contente. Quoi qu'on dise, nos instituteurs et nos institutrices ne sont pas suffisamment payés. On donne trop en certains milieux pour ce que l'on donne en d'autres. Il établit à ce sujet une comparaison entre les salaires payés à l'École des hautes études commerciales où l'on compte 21 professeurs pour 60 élèves et où l'on paie, en moyenne, un salaire de $1,800 par professeur et les salaires que l'on paie à nos institutrices dont quelques-unes gagnent moins qu'une femme de journée.
Il reproche au gouvernement d'avoir été un peu l'auteur de la situation dans laquelle patauge la ville de Montréal et critique certaines nominations faites au Conseil législatif et sur le banc, qui ont été loin, dit-il, de rencontrer l'approbation de tous. Le gouvernement s'apercevra bientôt qu'on ne défie pas impunément l'opinion publique. Il dit que l'opposition est prête à affronter l'électorat lorsque le gouvernement le voudra et qu'elle ira au combat avec confiance et avec honneur, parce qu'elle a toujours fait son devoir.
On dit que l'on a fait beaucoup pour l'agriculture. Comment se fait-il alors que l'on ne puisse arrêter la dépopulation rurale? Il cite à ce sujet quelques chiffres. Nos cultivateurs font de l'argent aujourd'hui; ils sont économes et, si aujourd'hui ils sont à leur aise, c'est dû à l'industrie, surtout, du beurre, que l'on doit à un ancien gouvernement conservateur que l'on a appelé le gouvernement du beurre.
Il dit que la colonisation se meurt dans la province. Il estime qu'en étouffant l'enquête Prévost-Kelly le gouvernement a fait naître un sentiment de méfiance qui fait que les colons redoutent le gouvernement et n'osent pas s'établir ici.
Il dit que le programme de colonisation du gouvernement, en réalité, a été créé à des fins politiques et en vue des élections, tout comme son programme de travaux publics.
M. Fortier (Labelle) parle des progrès de la région qu'il représente, région de colonisation, dont le développement est dû, dit-il, à la sollicitude du gouvernement.
Il parle de la guerre. Il exprime sa satisfaction que le discours du trône fasse mention de la participation du Canada à la guerre.
M. Lavergne (Montmagny) a cru, dit-il, qu'il ne pouvait laisser passer ce débat sur l'adresse sans montrer qu'il était au moins dans cette Chambre un membre qui n'avait pas changé depuis la guerre et qui était resté conséquent avec lui-même et, en même temps, fidèle aux principes des deux grands partis qui ont gouverné ce pays, mais abandonnés par les conservateurs comme par les libéraux d'aujourd'hui.
Il dit que son premier devoir est de saluer la figure de son collègue sympathique disparu pendant l'ajournement. Jean Prévost, dit-il, a eu des adversaires, mais sûrement il n'a pas eu d'ennemis. Tous le regretteront. Les petits et les humbles, et surtout les colons, ont perdu en lui leur défenseur. Ayant été un de ses intimes en ces dernières années, j'ai apprécié la grandeur de son caractère. Non, Jean Prévost n'est pas mort; il revit dans chacune des paroisses qui grandissent dans notre province.
Il regrette aussi, comme ses collègues, le départ du député de Westmount (M. Smart) qui est à la guerre. On a dit qu'il voulait combattre les combats de la justice et de la tolérance. Si c'était bien là l'ambition du colonel, il aurait dû rester ici, car nous ne pouvons, nous, aller donner ailleurs des leçons de justice et de tolérance. Qui pourrait en donner? Sont-ce les ministres de l'Ontario qui violent le rempart de femmes qui veulent empêcher deux jeunes institutrices d'aller en prison parce qu'elles veulent enseigner la langue que nous avons apprise sur les genoux de nos mères? Sont-ce les gouvernements du Manitoba, de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick? Le Québec seul le pourrait parce qu'il est vraiment une terre de justice et de tolérance. Mais, dans toutes les autres parties du pays, nous n'avons rien à envier du joug prussien établi en Pologne, en Bohème et en Serbie.
Il dit que partout on parle de l'Angleterre et de la France, mais on ne parle pas du Canada. Se ralliant au chef fondateur du Parti conservateur, il reste fidèle à l'idéal qui veut qu'étant une nation notre premier devoir soit pour les intérêts du Canada.
Je répète ce que j'ai souvent dit: Nous sommes une nation ou une colonie. Comme colonie, nous n'avons d'autres devoirs que ceux qui nous sont prescrits par la métropole qui, en retirant ses troupes de notre territoire, nous a laissé l'obligation de le défendre. Si nous devons assumer des obligations nouvelles, si le Canada doit être appelé à participer aux guerres de l'extérieur, il doit avoir le droit sur un pied égal à la Grande-Bretagne sur le contrôle des affaires impériales.
Tant que nous n'aurons pas obtenu cela, nous ne devons pas un sou, un seul homme ou un seul canon à l'Angleterre. C'est là la doctrine nationaliste et ce fut celle des deux partis politiques en 1896 et en 1911.
M. Lavergne déclare qu'un grand nombre de conservateurs étaient pires en 1910-1911 que lui aujourd'hui et il cite les noms des lieux et les dates des assemblées où des ministres conservateurs ont prêché une doctrine qui était plus belliqueuse que la sienne.
C'est un principe qui a été prôné dans cette Chambre auparavant, malgré le fait que le député de Saint-Antoine (M. Gault) soit revenu sur ses positions.
Il dit que, pendant qu'on fait appel aux Canadiens français en faveur de l'enrôlement, la presse anglaise de ce pays n'a pas assez d'injures pour nous et surtout pour ceux de nos compatriotes qui sont enrôlés. Si nous voulons combattre la justice, c'est qu'il faut rester. Le Canada ne doit rien de plus à l'Angleterre que la défense de son propre territoire et je resterai fidèle à ce principe tant que l'Angleterre n'aura pas jugé à propos de nous admettre dans ses conseils.
Ce n'est pas dans les tranchées des Flandres que nous irons conquérir le droit de parler français en Ontario, si nous n'avons pu l'obtenir ici, nous qui avons conservé la possession du Canada à l'Angleterre, quand les marchands anglais de Québec fuyaient à l'île d'Orléans pour savoir s'ils devaient crier "Vive le roi!" ou "Vive la ligue!". Comment se fait-il, en effet, que nous n'ayons pas le droit de parler notre langue dans ce pays, sauvé par nous en 1775, puis en 1812, découvert par nos pères, colonisé et évangélisé par nos missionnaires? Si nous voulons conquérir notre liberté, continue l'orateur, c'est ici que nous devons rester. Cette politique a été celle de mes ancêtres depuis 300 ans et ce sera la mienne. Sans cela, le martyre enduré par nos pères serait inutile.
M. Asquith a déclaré au premier ministre australien que le contrôle des affaires impériales est une prérogative dont le gouvernement anglais ne se départira jamais. Eh bien, nous avons, nous aussi, nos prérogatives nationales dont nous ne devons pas nous départir.
Je vous assure que je préférerais une fédération impériale au système actuel. Et, si le Canada est tenu d'assumer les responsabilités d'un pays souverain, on devrait lui en conférer les pouvoirs, et le principe "no taxation without representation" devrait être adopté. Je suis assez britannique pour connaître et exiger qu'elle respecte ce principe fondamental de la politique anglaise.
Je m'incline volontiers, continue-t-il, devant le rêve des impérialistes sincères qui sont prêts à y sacrifier leur vie, mais nous avons, nous aussi, notre idéal auquel nous sommes prêts à sacrifier non pas notre vie, nous n'en sommes pas encore là, mais notre honneur partout attaqué. Il est temps que nous parlions franchement. Je n'ai pas peur de dire que celui qui s'enrôle pour combattre à l'étranger manque à son devoir envers son pays. Je n'ai pas peur de le dire et je me départis de mon immunité parlementaire.
Il demande au représentant de la presse anglophone de publier ses déclarations6.
Qu'on m'arrête demain, si on le veut, pour le crime de haute trahison. Entre la haute et la basse trahison, M. le Président, celle qui consiste à trahir l'Empire ou son pays, je choisis la haute et ne redoute pas les conséquences de mon acte.
C'est le trahir que de le désarmer comme nous le faisons au profit de l'Angleterre. Savez-vous que, pour aider l'Angleterre, nous avons donné jusqu'à notre dernière armée? Savez-vous qu'il ne nous reste pas un canon pour nous défendre, pas un fusil, pas une baïonnette? Et, si demain les États-Unis, chose improbable, mais fort possible, s'alliaient à l'Allemagne et envahissaient le Canada, ils n'auraient qu'une promenade à faire pour s'emparer de notre pays.
Nous n'avons pas de leçons de tolérance et d'humanité à donner à personne. Si les Allemands sont des persécuteurs, nous avons ici de plus persécuteurs qu'eux. Il ne faut pas oublier que l'on persécute aussi les nôtres dans l'Ontario. On a tort d'être fier de voir son nom dans les gazettes qui publient des listes de souscriptions pour les oeuvres de guerre; l'argent que l'on donne ainsi est de l'argent volé à la minorité de l'Ontario.
Je n'ai pas peur d'être Allemand, et je rappellerai à ce sujet un vieil axiome qui dit: "Mordu par un chien ou mordu par une chienne, mordu quand même." Je me demande si le régime allemand ne peut pas se comparer au régime ultra-boche de l'Ontario. Je me demande si le régime scolaire imposé par les Allemands en Alsace-Lorraine, pays ayant une population en grande majorité de langue allemande, ne vaut pas celui que l'on impose à nos compatriotes de l'Ontario.
Entre nous, y a-t-il un homme qui croit sincèrement que l'Allemagne va tenter de s'emparer du Canada? Il y a l'expérience de Gallipoli, dont tous connaissent le piètre résultat. Quand les Allemands ont l'Égypte et les Indes en vue, vont-ils envoyer ici un million d'hommes pour s'emparer du Canada?
Il ne faut pas se faire illusion. Ce n'est pas l'Angleterre qui nous protège, ce sont les États-Unis. L'Angleterre ne pourrait actuellement nous envoyer un seul homme ni un seul navire de guerre pour nous protéger contre une agression étrangère. La protection anglaise, que nous a-t-elle valu jusqu'ici? La perte du Maine, du Vermont, de l'Alaska, des pêcheries de Behring, etc. Et aujourd'hui que l'Angleterre n'est pas assez patriote pour se défendre elle-même, elle fait un appel désespéré à ses colonies. On a été jusqu'à dire que le Canada devait se saigner jusqu'à la banqueroute pour le salut de l'Empire. Périsse l'Empire plutôt que le Canada!
Il n'y a pas de décoration possible pour me faire changer d'idée, dussé-je recevoir une décoration semblable à celle qu'ont reçue ensemble le premier ministre du Canada et le vendeur de pilules Beecham, le célèbre inventeur des pilules Beecham, qui assurent la libre circulation de John Bull à l'intérieur.
Il est temps que l'on sache, comme l'a si bien dit le président du Sénat, M. Landry, si le pacte de la Confédération a été un pacte d'honneur ou un piège d'infamie. Il est temps que l'on sache si nous avons dans notre pays des droits égaux. Avant d'aller voir la paille dans l'oeil du militarisme allemand, il vaut mieux regarder la poutre qu'il y a dans notre pays. Après cela, nous pourrons aller combattre ailleurs pour le droit et la justice. Nous sommes canadiens et pas autre chose.
L'Angleterre n'a pas trouvé assez de patriotisme à l'intérieur de ses murs, elle vient recruter des hommes ici. La conscription existe dans nos lois depuis 40 ans. Si la patrie est en danger, qu'on mette cette loi en vigueur. Que tous soient soldats. Je réclame l'application de la loi, mais on n'a pas le courage d'aller jusqu'au bout et de recourir à la conscription parce qu'on sait bien que c'est faux et que, si l'on tentait cela, la révolution éclaterait non pas dans le Québec où la loi passerait le mieux, mais dans la loyale province de l'Ontario où on n'en veut pas.
On a découvert des théologiens qui ont essayé de nous démontrer que notre devoir de catholique nous commande de participer à cette guerre. N'en déplaise aux mânes de l'abbé Damours, que je m'étonne de ne pas voir comme aumônier dans les tranchées, n'en déplaise à cet évêque qui nous prêche l'enrôlement parce que le pape ne lui a pas mis sur la tête ce qu'il voulait.
Sans doute, reprend-il, on doit trouver ce langage bien violent, mais je tenais à définir ma position. Nationaliste j'étais avant 1911 et nationaliste je demeure. Nationaliste j'étais avant la guerre et nationaliste je persiste à être durant la guerre. Demain, on pourra m'accuser de trahison, cela m'est parfaitement égal. Que la presse anglaise en prenne note: si c'est trahir l'Angleterre que de lui préférer le Canada, je préfère trahir l'Angleterre tous les jours que le Canada une seule fois.
Je reste en cela fidèle à la politique des Cartier, des Blake, des Mackenzie, des John A. Macdonald. Si je suis déloyal, comment se fait-il que la participation à la guerre soit volontaire? Si cette participation est volontaire, je dois être libre de la discuter.
Je préfère ma position à celle de ces éminents recruteurs comme les honorables MM. Blondin et Lemieux qui ne verront jamais d'autre feu que celui de leur cheminée.
Quand je demanderai à mes compatriotes d'aller au combat, j'aurai le courage d'y aller à leur tête. J'espère, a-t-il dit, que j'ai scandalisé tout le monde. Je crois que j'ai scandalisé tous ceux qui m'entendent. C'est ce qui me console de mon isolement. Si j'ai scandalisé quelqu'un ici, qu'il sorte et qu'il aille demander à nos compatriotes de l'Ontario ce qu'ils souffrent.
Il n'a pas voulu laisser passer ce débat sans faire entendre en manière de protestation l'énoncé de la doctrine qui a été le principe fondamental des deux partis de ce pays. On a tort de l'oublier, nous ne sommes pas des Français ou des Anglais, ici, mais des Canadiens. Notre pays, ce n'est ni l'Angleterre ni la France, mais le Canada, et, nous, nous devons aimer notre seule et unique patrie qui n'est autre que celle que nous habitons. Le Canada d'abord! le Canada toujours! le Canada à jamais7!
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) regrette au plus haut point pour cette Législature et pour toute la province cette sortie intempestive du député de Montmagny (M. Lavergne). Il est heureux que la province jusqu'à aujourd'hui ait fait son devoir à l'égard de l'Angleterre et il souhaite qu'elle le fasse toujours avec le même enthousiasme. Il rend un hommage ému à nos braves qui sont actuellement dans les tranchées de France et de Belgique combattant la cause commune.
Je ne voudrais pas, dit-il, que l'on sût qu'un membre de cette Chambre a pu dire ici qu'il aime mieux être Allemand que sous le régime britannique. C'est la première fois que pareil langage se fait entendre ici et j'espère que ces paroles ne traverseront pas les mers, j'espère que l'on ne saura pas en France qu'un Canadien français a dit de telles choses. Je serais curieux de savoir ce que penseraient les habitants des 10 départements de France envahis par les hordes allemandes.
Le député de Montmagny peut croire que son devoir est de ne pas s'enrôler, mais je crois, moi, que le devoir des Canadiens français est de s'enrôler. Il veut la représentation dans le gouvernement impérial. Le jour où nous aurons cette représentation, c'en sera fini de la race française au Canada. Nous serions l'infime minorité et on pourrait passer les lois que l'on voudrait contre nous. Nous avons ici le régime qui nous permet de faire ce que nous voulons, de prendre part aux guerres de l'Empire si nous le voulons. Le Canada a fait son devoir dans la guerre actuelle comme toutes les autres colonies de l'Empire.
Il est fier de dire que le Canada se bat aux côtés de l'Australie, de l'Inde et des autres colonies pour la défense de l'Empire.
Il est sûr qu'on protestera contre ce discours. Il représente l'opinion de la grande masse des Canadiens français.
M. Lavergne (Montmagny): Quand l'honorable ministre (l'honorable M. Taschereau) part-il pour la guerre?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Le député de Montmagny (M. Lavergne) est dans la milice; il devrait être rendu à la guerre depuis longtemps.
Les Canadiens français qui sont rendus au front l'ont fait parce qu'ils ont compris leur devoir. On a accusé le clergé de ne rien faire pour stimuler l'enrôlement et, maintenant que l'épiscopat a tracé aux Canadiens français et aux catholiques la ligne de conduite qu'ils doivent suivre, on vient dire que tel ou tel évêque a fait cela parce qu'il n'a pas eu ce qu'il convoitait8. Il se dit certain que le député de Montmagny aura honte de ses paroles.
Cette guerre, dit-il, finira par le triomphe des alliés; mais, si les Canadiens français ne font pas ce qu'ils doivent faire dans cette guerre, leur position ne sera plus tenable après. Si les Canadiens français ne faisaient pas leur devoir, ils deviendraient des parias et leur situation serait pénible. J'ai assez de confiance en la cause des Canadiens français de l'Ontario pour croire qu'elle triomphera et que leur malaise n'est que passager.
M. Lavergne (Montmagny) veut poser une question.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges) veut rappeler à l'ordre le député de Montmagny (M. Lavergne).
M. Lavergne (Montmagny) répond au député de Montréal-Saint-Georges (M. Gault). L'honorable ministre (l'honorable M. Taschereau) veut-il nous dire dans quelles provinces les Canadiens français ne sont pas des parias, en dehors de la province de Québec?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) cite le message adressé par le roi d'Angleterre au président Poincaré et il se demande si les beaux sentiments qui y sont exprimés ne pourraient pas remplacer les sentiments antipathiques qui existent chez trop de citoyens de l'Ontario contre la langue française.
Il remercie les citoyens anglais aux idées larges qui s'efforcent de faire cesser ces malheureuses divisions, comme MM. Moore, Scott, Sutherland et autres, qui ont publié des lettres admirables pour la défense des Canadiens français, et il leur demande de continuer leur beau travail.
Il compte sur le concours des journaux anglais de Montréal, qui endoctrineront leurs frères de l'Ontario. Il demande à ceux qui ont commencé à prêcher l'accord et la tolérance de continuer leur oeuvre afin de faire connaître les sacrifices déjà faits par les Canadiens français et leur loyauté à l'Empire.
Il exprime l'espoir que les Canadiens français continueront à s'enrôler pour aller se battre non seulement pour la loyauté envers l'Angleterre, mais par amour pour la belle France.
M. Tellier (Joliette) déclare que les événements qui viennent de se produire l'obligent à dire un mot. Je tiens à dire, déclare-t-il, que les sentiments et l'opinion du député de Montmagny, je ne les partage aucunement. J'ai applaudi aux paroles de l'honorable ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) et j'approuve l'expression de sentiments tombée de ses lèvres.
Je sais que le député de Montmagny est sincère et qu'il agit pour des motifs honnêtes. Cependant, qu'il me permette de lui dire, et je crois que j'ai ce droit, car nous avons combattu longtemps ensemble pour des idées communes, que des déclarations comme celles qu'il a faites ne sont pas de nature à aider la cause qu'il a si sincèrement défendue.
M. Lavergne (Montmagny) demande au député de Joliette (M. Tellier) s'il n'est pas vrai que le Canada était en guerre même avant qu'il ait décidé d'y participer.
M. Tellier (Joliette) déclare que la participation a été décidée par l'autorité légitime. Le Canada a fait appel à ses enfants et je ne crois pas que l'on puisse dire, sans être un rebelle, que les Canadiens français qui s'enrôlent pour aller combattre pour l'Angleterre manquent à leur devoir.
Du moment que le gouvernement a décidé que le Canada doit participer à la guerre, notre devoir est tout tracé.
M. Lavergne (Montmagny): Si l'enrôlement est volontaire, nous sommes libres aussi de nous y opposer.
M. Tellier (Joliette) répond qu'il n'a pas l'intention d'engager une polémique avec le député de Montmagny. Ce dernier fait tort à sa cause en parlant comme il l'a fait.
Il faut voir que l'opinion du député de Montmagny était tout à fait isolée et qu'en plus de venir en conflit avec les convictions des députés elle était amèrement regrettée par tous à l'heure actuelle.
L'honorable M. Mitchell (Richmond) dit qu'il n'avait pas l'intention de prendre part au débat, mais qu'après le discours belliqueux et déplacé du député de Montmagny (M. Lavergne) il ne peut garder le silence. Sans les protestations vigoureuses de la part de tous les habitants du Québec, il dit qu'il manquerait à son devoir de représentant de la minorité dans cette province en ne répondant pas aux remarques du député de Montmagny.
Il dit qu'il souhaitait ardemment voir la minorité de langue française dans l'Ontario traitée avec la même générosité que les Canadiens de langue anglaise sont traités dans la province de Québec
Et il est convaincu que, avant qu'il soit bien longtemps, les Canadiens français verront leurs droits reconnus dans l'Ontario, surtout après la magnifique démonstration qu'ils sont en voie de donner, sur les champs de bataille des Flandres, de leur loyalisme envers l'Empire.
Il a voyagé récemment dans toute la province et partout il a constaté le consentement unanime de la population en faveur de la participation du Canada à la guerre. Les deux races de ce pays sont unanimes en faveur de la participation du Canada à la guerre.
À mon avis, il y a même trop de discussions à savoir si la Grande-Bretagne, la France et la Russie ont fait ou non ce qu'elles ont pu dans cette guerre. Tous sont décidés et prêts à faire les plus grands sacrifices pour remporter la victoire finale.
Il croit qu'il y a trop de gens comme le député de Montmagny (M. Lavergne) dans l'Ontario qui discutent la question de savoir si les Canadiens français ont bien fait leur devoir. Si chacun se mêlait de son affaire, il y aurait bien moins de difficultés de race. Si chacun soignait aussi son langage, il serait plus facile de régler des problèmes aussi difficiles. Plus vite on cessera ces discussions futiles, plus tôt la victoire sera assurée. Il veut que les gens de l'Ontario sachent que les Canadiens français du Québec sont aussi enthousiastes que les autres.
Il cite une déclaration du premier ministre Asquith et le message du nouvel an du général Joffre à l'armée française. Le premier ministre Asquith s'est exprimé comme suit: "Nous ne remettrons pas au fourreau une épée qui n'a pas été tirée à la légère, jusqu'à ce que la Belgique n'ait recouvré plus qu'elle n'a sacrifié; que la France n'ait été adéquatement protégée contre toute menace; jusqu'à ce que les droits des petites nationalités aient été placés sur d'inébranlables bases et que la domination militaire de la Prusse soit finalement détruite."
Le général Joffre a dit à son tour: "Soyons fiers de notre puissance et de notre droit. Ne pensons à nos morts que pour les venger. Tandis que nos ennemis parlent de paix, ne pensons qu'à la guerre et à la victoire." Ces deux déclarations lui paraissent contenir les véritables sentiments des deux races anglaise et française à travers tout le pays.
M. Gault (Montréal-Saint-Georges) tient à exprimer sa désapprobation à l'égard des propos tenus par le député de Montmagny (M. Lavergne).
Il se dit aussi convaincu que les difficultés de l'Ontario vont se régler à l'avantage complet de la minorité. Justice sera faite à qui justice est due. Il fait comprendre qu'en Irlande toutes difficultés ont été suspendues avec le commencement de la guerre et il espère qu'il en sera de même ici.
La proposition du député de Bonaventure (M. Bugeaud), appuyé par le représentant de Stanstead (M. Bissonnet) à l'effet que l'adresse suivante soit votée et présentée à Son Honneur le lieutenant-gouverneur, est soumise à la Chambre:
À Son Honneur
le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec
Nous, les membres de l'Assemblée législative de la province de Québec, réunis en session, prions Votre Honneur de bien vouloir agréer, avec l'assurance de notre loyauté à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il lui a plu de prononcer afin de faire connaître les raisons de la convocation des Chambres.
L'adresse est adoptée à l'unanimité.
Ajournement
L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), que, lorsque cette Chambre s'ajournera aujourd'hui, elle soit ajournée à demain, 11 h 30 du matin.
Adopté.
La séance est levée à minuit trente.
___________
NOTES
1. David-Ovide L'Espérance est député de Montmagny à la Chambre des communes de 1911 à 1916.
2. Selon La Presse (14 janvier 1916, p. 2), après le discours du premier ministre, deux députés de la gauche se lèvent: MM. Sauvé et Gault. Ce dernier demande à se faire entendre une minute.
3. La gravelle est une concrétion rénale.
4. Selon Le Devoir (14 janvier, p. 2), M. Sauvé interrompt l'honorable Caron à quelques reprises.
5. À ce moment, selon le Montreal Daily Star (14 janvier 1916), le député de Pontiac (M. Campbell) brandit une liasse de documents.
6. À ce moment, selon la Gazette (14 janvier, p. 2), M. Lavergne se tourne vers la tribune de la presse.
7. Selon la plupart des journaux, pas un applaudissement n'accueille la fin du discours du député de Montmagny.
8. Selon La Presse (14 janvier, p. 2), ces dernières paroles de Lavergne, commentées par Taschereau, s'adressent à Monseigneur Bruchési.