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Version finale

13e législature, 4e session
(11 janvier 1916 au 16 mars 1916)

Le mercredi 15 mars 1916

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable C. F. Delâge

La séance est ouverte à 11 heures.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Subsides

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

M. Labissonnière (Champlain) propose en amendement, appuyé par le représentant de L'Islet (M. Morin), que tous les mots après "que", dans la motion principale, soient retranchés et remplacés par les suivants:

Attendu que, par la loi 7 Édouard VII, chapitre 36, sanctionnée le 14 mars 1907, la Législature a autorisé la construction d'une nouvelle prison pour le district de Montréal, ainsi que l'emprunt d'un montant n'excédant pas $750,000 pour en payer le coût;

Attendu que, le 16 septembre 1907, le gouvernement a donné l'entreprise de certains travaux de ladite prison à M. J.-B. Pauzé & Cie, pour le prix de $790,000;

Attendu que, le 11 mars 1908, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de l'honorable M. LeBlanc, député de Laval, que les travaux de la nouvelle prison étaient commencés et que le coût de cette prison se monterait à environ $1,000,000 (Journaux de l'Assemblée législative, 1908, p. 68);

Attendu que, le 5 avril 1909, le gouvernement a donné auxdits J.-B. Pauzé & Cie un deuxième contrat d'entreprise pour ladite prison, pour un prix additionnel de $810,000;

Attendu que le même jour, 5 avril 1909, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Mousseau, député de Soulanges, qu'il prévoyait, d'après les contrats alors en cours d'exécution, que la nouvelle prison serait terminée en septembre 1910 (Journaux de l'Assemblée législative, 1909, p. 262);

Attendu que, par la loi 9 Édouard VII, chapitre 46, sanctionnée le 29 mai 1909, la Législature a autorisé un emprunt n'excédant pas $1,500,000 aux lieu et place de l'emprunt ci-dessus mentionné, pour payer le coût de ladite prison;

Attendu que cette dernière loi a été adoptée malgré l'opposition formelle des députés suivants, savoir: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Gault, Giard, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Pennington, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre et Tellier (Journaux de l'Assemblée législative, 1909, p. 609, 610, 611);

Attendu que, le 8 février 1911, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Cousineau, député de Jacques-Cartier, que les travaux de construction de ladite prison seraient terminés en février 1912, et il a ajouté, quant au coût de la prison: "Le moment n'étant pas encore arrivé de pourvoir au mobilier et à l'aménagement intérieur de la prison, il n'est pas possible de dire combien coûtera toute l'entreprise une fois les travaux terminés." (Journaux de l'Assemblée législative, 1911, p. 169 et 170);

Attendu que, le 4 septembre 1911, le gouvernement a donné à M. Henri Beauregard un troisième contrat d'entreprise pour ladite prison, pour un prix additionnel de $884,722.30;

Attendu que, le 1er février 1912, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Cousineau, député de Jacques-Cartier, que ladite prison a déjà coûté $2,161,539.20, qu'elle coûtera environ $2,850,000 une fois complétée, et qu'elle sera terminée le 1er août 1912 (Procès-verbaux de l'Assemblée législative, 1912, p. 181);

Attendu que, le 1er mars 1915, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Cousineau, député de Jacques-Cartier, que le coût de la nouvelle prison de Montréal, comprenant les contrats, la surveillance, la préparation des plans et le système d'aqueduc, est de $3,587,395.50; que ladite bâtisse est complétée, le gouvernement ayant exécuté tous les travaux qu'il avait en vue (voir Procès-verbaux de l'Assemblée législative, 1er mars 1915, page 287);

Attendu que, le 27 janvier 1916, l'honorable M. Taschereau, ministre des Travaux publics et du Travail, a de nouveau déclaré officiellement devant cette Chambre, en réponse à une interpellation de M. Sauvé, député des Deux-Montagnes, que le coût de ladite prison était, le 1er mars 1915, de $3,587,395.50, mais que, depuis cette époque, le gouvernement a payé les sommes suivantes:

$6,052.83

Balance due aux architectes;

$16,936.31

Pour la construction de deux chars pour transporter les prisonniers deMontréal à Bordeaux, et d'une voie d'évitement prèsdu Palais de Justice;

$12,500.00

Pour achat d'une maison pour le Gouverneur de la prison;

$8,198.26

Pour certains changements et travaux d'aménagement dansl'intérieur de la bâtisse.

 

Portant le coût total de ladite prison et de ses accessoires à la somme de $3,631,082.90 (voir Procès-verbaux de l'Assemblée législative du 27 janvier 1916, p. 88);

Attendu que les trois contrats ci-dessus mentionnés, du 16 septembre 1907 pour $790,000, du 5 avril 1909 pour $810,000, du 4 septembre 1911 pour $884,722.30, font une somme totale de $2,484,722.30;

Attendu que la différence entre cette dite somme de $2,484,722.30 et celle de $3,631,082.90 est de $1,146,360.60 qui a été payé par la province sans soumissions, sans contrats réguliers et presque totalement à titre d'extras pour ladite prison de Bordeaux;

Attendu que les travaux de construction de ladite prison sont défectueux, mal faits, spécialement quant aux parties suivantes:

a) Le solage est défectueux. Dans les temps de dégel, l'eau s'introduit par le solage en béton, dans la cave, dans la cuisine, la boulangerie et tout le bas de la bâtisse centrale, et ce, depuis que la construction est faite. Il faut alors un grand nombre d'hommes pour éponger cette eau qui passe par torrents.

b) La couverture de ladite bâtisse est défectueuse. Un tiers de ladite couverture en ardoise, environ 100 pieds sur chaque aile et tout le tour de la bâtisse centrale, a été enlevé par le vent dans le cours de l'année dernière, 1915.

c) Barrage des cellules. Le système de barrage des cellules, qui est un système automatique, est défectueux. Ce barrage est censé se faire par une clef centrale et automatique, mais, vu le mauvais fonctionnement d'icelui, les gardes sont obligés de passer chaque cellule une par une à la main. Il y a toujours plusieurs hommes employés à réparer les serrures et le barrage des cellules, et le département a été obligé d'acheter de nouvelles serrures pour un fort montant.

d) Le mur extérieur est mal fait; à plusieurs endroits l'on peut passer une canne à travers ce dit mur.

e) Le mur d'enceinte intérieur n'a jamais été terminé ni poli.

f) Éclairage. Une grande partie des fixtures pour l'éclairage, achetées et payées par la province, ne servent à rien et sont amoncelées dans un endroit de ladite bâtisse où elles se détériorent complètement.

g) Le chauffage est également mal fait. On est souvent obligé de réparer ledit système de chauffage, de remplacer les tuyaux. Les cellules des prisonniers sont mal chauffées.

h) La plomberie est défectueuse. Les conduits se bouchent fréquemment, l'eau se répand sur les planchers. Depuis la construction de la prison, on a fait de grands changements à la plomberie, on y travaille à l'année, ce qui coûte beaucoup d'argent au gouvernement.

i) Enduits. Dans la partie centrale de la cuisine, le plafond a été, dans le cours de l'année 1915, renouvelé sur une superficie de 100 pieds au moins. On a dû remplacer les lattes métalliques et on a recouvert ce travail de tôle à patrons. Les enduits des plafonds et au-dessus des portes des cellules dans toutes les ailes qui sont ouvertes sont défectueux et ont dû être renouvelés.

j) Ventilation. Le système de ventilation dans les cellules est défectueux et il permet aux prisonniers de communiquer entre eux, de se parler d'une cellule à l'autre et même de se faire parvenir divers articles par ces tuyaux de ventilation.

k) Fenêtres des cellules. Le système des fenêtres a dû être changé et il y aurait un très grand nombre de châssis qui auraient été changés et remplacés par d'autres d'un autre genre. Ces fenêtres sont mal faites, mal posées, et le froid, le vent et la neige s'introduisent par ces fenêtres jusque dans les cellules des détenus.

l) Peinture. La peinture à l'intérieur de la bâtisse est mal faite. Elle s'enlève à beaucoup d'endroits et l'on est obligé d'employer des peintres fréquemment pour refaire cette peinture.

m) Murs de la bâtisse. Les murs de la bâtisse travaillent à beaucoup d'endroits. Il y a de nombreuses fissures dans ces murs.

Attendu que l'administration de ladite prison est également mal faite, qu'il s'y commet des abus graves, des vols, le tout au détriment de la province de Québec;

Attendu que, tant dans la construction que dans l'administration de ladite prison de Bordeaux, la province de Québec a perdu des sommes considérables, et ce, à la connaissance du gouvernement de ladite province et des membres de ce gouvernement;

Attendu que les faits ci-dessus, se rapportant à la mauvaise construction et à la mauvaise administration de ladite prison de Bordeaux, sont établis par les déclarations solennelles suivantes...

L'honorable M. Gouin (Portneuf) fait remarquer que l'on a entendu déjà cette lecture et que l'on peut s'en dispenser aujourd'hui.

(Les affidavits suivants sont déposés, mais non lus devant la Chambre.)

Je, LOUIS-PHILIPPE VALLÉE, maître plombier et ingénieur mécanicien, demeurant au no 19 rue Bonaparte, dans la cité de Montréal, déclare solennellement:

Je suis issu d'une famille libérale en politique et, moi-même, j'ai toujours été, jusqu'à ce jour, libéral en politique.

Je n'ai jamais pris de boisson ni fumé ou fait d'autre usage de tabac, et je suis père de six enfants.

J'ai fait neuf années de service à l'ancienne prison de Montréal, au coin des rues Notre-Dame Est et Craig. Après ces neuf années, j'ai démissionné, vers le mois de juillet 1911, de mon plein gré et avec le consentement du shérif et du procureur général de la province de Québec, alors comme aujourd'hui, Sir Lomer Gouin.

Je voulais me mettre dans les affaires et tâcher de gagner ma vie et de me procurer plus d'aisance. J'ai parti alors un commerce de plombier que j'ai continué durant à peu près trois ans et demi.

Le commerce de plombier, comme le commerce en général, à cause de la guerre, et la construction ayant diminué, je me suis vu dans l'obligation d'abandonner mes affaires et de me trouver une place pour assurer ma vie et le bien-être de ma famille.

C'est alors que je me suis de nouveau adressé à Sir Lomer Gouin qui, dans le courant de février 1915, m'obtint ma réinstallation à la prison de Montréal, qui était alors et est encore installée à Bordeaux.

DÉFECTUOSITÉS OU INUTILITÉ DANS LA CONSTRUCTION OU L'INSTALLATION DE LA PRISON DE BORDEAUX

I - Solage défectueux

1. Dans les temps de dégel, l'eau s'entasse par le solage en béton dans le soubassement où se trouvent la cuisine, la boulangerie, et en somme dans tout le bas de la bâtisse centrale, et je suis informé que ceci a lieu depuis que la construction est faite.

2. On m'a dit à plusieurs reprises qu'il fallait jusqu'à 20 hommes pour éponger l'eau qui, à certains endroits, entre avec beaucoup de vitesse et que, si on ne l'épongeait pas, l'eau s'amoncellerait assez pour rendre la circulation impossible. Cette eau vient des égouts des couvertures qui sont en pente à pic.

II - Couvertures

3. Au meilleur de ma connaissance, il y a environ 600 pieds carrés de couverture en ardoise, tout autour du dôme central, qui ont été brisés par la glace et finalement enlevés par le vent, durant l'été de 1915.

4. Toute la partie de la couverture enlevée a été réparée et remplacée en coppe par les prisonniers, sous la direction du garde Daudelin, instructeur plombier, et finalement par un nommé Côté, garde qui remplace Daudelin.

5. Le dôme central dont je viens de parler a été réparé durant l'hiver actuel parce qu'il coulait à beaucoup d'endroits, et je suis informé qu'il a toujours coulé depuis sa confection.

6. Quand on a réparé ce dôme, on a constaté qu'il était fait en tôle galvanisée. D'après les connaissances que j'ai, il me semble que ce dôme, étant donné son volume, n'aurait pas dû être couvert en tôle galvanisée, mais qu'il aurait dû être fait en matériau d'une nature plus permanente. Je ne sais pas de quelle manière ce dôme devait être fait d'après les devis et les contrats.

III - Barrage des cellules

7. Le système de barrage des cellules sur lequel le gouvernement avait fondé beaucoup d'espérances, paraît-il, puisqu'il devait permettre de fermer une trentaine de cellules à la fois dans chaque aile de la prison, n'a pas donné le service qu'on en attendait. Ce système est défectueux. Quand on lève le levier pour ouvrir ou fermer les cellules, ces dernières s'ouvrent toutes, mais ne se referment pas toutes et il faut passer de l'une à l'autre pour les fermer à la main en tirant la porte. Si l'on ne prenait pas cette précaution, les portes resteraient ouvertes et les prisonniers pourraient s'évader. J'ai fait moi-même cette opération de fermer les cellules en passant de l'une à l'autre des portes. À part cela, il y a toujours un certain nombre de prisonniers employés à réparer les serrures elles-mêmes.

8. Tout ce système de serrures automatiques est défectueux et des morceaux d'un intérêt principal sont trop faibles, il faut constamment les réparer. Si l'on ne réparait pas ainsi ces morceaux, l'on ne pourrait pas ouvrir ni fermer les portes même avec la main.

9. Ce travail d'ouvrir et de fermer les cellules est censé, d'après ce que je comprends, être fait par les gardes, mais il est à ma connaissance que souvent les gardes ne prennent pas la peine de le faire et le font faire par des prisonniers.

10. La meilleure preuve, pour moi, que ce système a fait faillite, c'est que le garde Viger, de la "machine shop", est en train de pourvoir à un nouveau système de barrage des cellules qui paraît donner plus de satisfaction.

11. Le garde Viger m'a dit lui-même avoir fait quelques voyages aux États-Unis pour y prendre son système à New York et que présentement il était à y travailler, qu'il n'attendait que les ordres du gouvernement pour le poser.

12. C'est durant l'été dernier que le garde Viger m'a dit ce qui précède et je crois que c'est généralement connu, à la prison, que Viger travaille à changer le système de barrage des cellules.

IV - Mur intérieur

14. Ce qu'on appelle le petit mur passe à environ 30 pieds, je crois, du bout des ailes. Ce mur est fait en béton qui n'a jamais été poli. C'est tout raboteux, plein de trous, on voit la forme des planches. C'est disgracieux de voir qu'il n'est pas fini, ce qui n'est pas acceptable, d'après moi.

15. Bordant ce mur, il y a une espèce de galerie ou passerelle de trois madriers, en tout 3 pieds de large, pour permettre aux gardes de circuler dessus. Je crois que cette passerelle est inutile. Elle n'a jamais servi, que je sache, et je ne crois pas que les gardes aimeront à y faire du service s'ils en sont requis. D'abord en été, parce que la chaleur y sera si ardente qu'il sera impossible d'y résister, surtout étant donné que, sur ce mur d'une longueur d'environ 1,700 pieds en tout, il n'y a que deux guérites, une à chaque extrémité du mur.

16. Du reste, ces guérites ne sont pas logeables, n'étant faites que de tôle galvanisée, et, sous l'action du soleil, il ne serait pas possible d'y séjourner, et en hiver parce que le froid y sera si intense et le plancher si glissant que, la guérite n'étant pas chauffée, il ne sera pas possible de s'en servir.

17. Cette galerie a dû coûter excessivement cher, elle a été faite par les prisonniers. Pour soutenir cette passerelle, il y a environ 220 broquettes en fer qui ont été faites à la prison par les prisonniers, sous la direction du garde Viger. En somme, je ne crois pas que ce mur soit d'aucune utilité pratique et je sais bien qu'à Saint-Vincent-de-Paul il n'y a qu'un seul mur.

V - Mur extérieur

18. Le grand mur extérieur, qui couvre 20 acres de terre, mesure 27 pieds hors de terre, 3 ou 4 pieds de large; il est fait, au meilleur de ma connaissance, en "concrete" avec des piliers en pierre de taille à peu près tous les 30 ou 40 pieds.

19. À un grand nombre d'endroits, j'ai pu moi-même constater que ce mur est très défectueux. Le ciment semble d'une qualité inférieure et j'ai pu passer ma canne à travers de presque toute la largeur par des fissures que je rencontrais. Ceux qui voudront faire le tour de ce mur trouveront de ces fissures dans un très grand nombre d'endroits.

VI - Plomberie et chauffage

20. On a fait dans la chambre des bouilloires, la chambre des engins, etc., au système de chauffage, dynamos, etc., des changements pour plusieurs milliers de piastres, durant 1914-1915. Il y avait déjà trois dynamos et l'on en a ajouté un quatrième l'an dernier.

21. On répare constamment les tuyaux de chauffage et autres. Il y a un grand nombre de vieux tuyaux qui ont été remplacés et qui sont déposés dans la cour. On est très souvent obligé de réparer les tuyaux de chauffage ou de les remplacer parce que le système est défectueux.

22. Les cellules des prisonniers sont très mal chauffées et les prisonniers se plaignent durant l'hiver du manque de chaleur. Il est arrivé que l'on a dû donner deux paires de couvertures aux prisonniers parce que le froid était trop grand.

23. La cause de tout cela, c'est que les radiateurs ont été installés dans les murs où ils ne peuvent développer assez de chaleur pour chauffer suffisamment les cellules. La chaleur de ces radiateurs ne peut venir dans les cellules que par de petits grillages, ce qui est tout à fait insuffisant.

VII - Plomberie

24. La plomberie est défectueuse, les tuyaux se bouchent et l'eau se répand en très grande quantité dans les cellules, au grand inconvénient des prisonniers et des officiers.

25. Depuis la construction de la prison, il s'est fait de grands changements et des renouvellements dans la plomberie. On y travaille à l'année et des prisonniers ne font que cela à l'année, sous les ordres d'un instructeur, ce qui doit coûter beaucoup d'argent au gouvernement.

VIII - Système d'éclairage

26. Dans la construction de la prison, on n'a pas oublié de faire reluire toutes les beautés qui devaient être mises dans la prison, puisqu'on y avait installé des électroliers ou des broquettes en quantité tellement grande qu'on a dû en enlever la moitié. C'est un gaspillage considérable.

27. On s'est aperçu évidemment qu'il était ridicule d'avoir tant de lumière dans une prison. On a enlevé un grand nombre de fixtures et on les a entassées dans l'aile F de l'administration. Parmi ces fixtures, il y en avait de très dispendieuses qui coûtaient jusqu'à $15 et $25, etc.

IX - Enduits

28. Dans la partie centrale de la cuisine, le plafond a dû, durant l'été de 1915, être renouvelé à neuf sur une superficie de 100 pieds par 25 pieds au moins; on a même dû remplacer les lattes métalliques tout à neuf. On a foncé en bois et on a recouvert ce travail en tôle à patrons.

29. Les enduits des plafonds et au-dessus des portes des cellules, dans toutes les ailes qui sont ouvertes, sont défectueux et en partie déjà renouvelés.

30. Chaque fois que l'on fait fonctionner le système automatique de fermeture des portes des cellules, ce qui provoque une grande vibration et fait un bruit d'enfer, les enduits et le tour des portes se brisent. Je me rappelle que lorsque j'étais sur mon poste, dans le champ, entre les murs, à une grande distance des ailes à peu près à 300 pieds, j'entendais le grincement des portes, quand on les ouvrait ou qu'on les fermait.

31. Quand on ouvre les portes ou qu'on les ferme, elles frappent fer sur fer. Les prisonniers et même les gardes qui entendent ce bruit pour la première fois en restent tout énervés et ne peuvent s'empêcher de songer à leur fin dernière.

X - Système de ventilation

32. Le système de ventilation est tellement perfectionné qu'il sert de téléphone et pour communications diverses; les prisonniers s'en servent même pour se transmettre des billets, du tabac, etc.

33. C'est un tuyau d'à peu près, je suppose, 6 pouces par 12 qui communique entre elles toutes les cellules du premier au troisième étage, et un prisonnier du troisième peut envoyer quelque chose à celui qui est en bas.

34. J'ai pris moi-même des prisonniers à converser avec ceux qui sont au-dessus ou au-dessous d'eux.

35. Comme ces tuyaux sont embranchés les uns dans les autres, on peut même communiquer avec les cellules voisines. Ceci serait très utile pour le cas où des prisonniers voudraient préparer des coups de mains.

36. Ceci est la cause d'une grande distraction chez les prisonniers qui passent le temps à converser et à égayer leurs loisirs. À part ces ventilateurs, chaque cellule a sa fenêtre.

XI - Fenêtres des cellules

37. Les fenêtres des cellules mesurent, je crois, 5 pieds par 3 pieds, à tout événement c'est facile à constater. Ce que je veux faire remarquer, c'est que le constructeur qui a fait ces fenêtres a fait pour les fermer des châssis à deux battants (châssis canadiens). Pour une raison de discipline, paraît-il, pour empêcher les prisonniers de s'asseoir sur le bord des fenêtres, l'on a décidé de changer la forme de ces châssis: on a réuni les deux panneaux, puis on les a arrangés pour les faire ouvrir sur des pentures mises dans le bas des châssis. Le châssis s'ouvre par le haut par des chaînes qui empêchent d'ouvrir ce châssis plus de 8 pouces, autant que j'ai pu le constater.

38. Ce changement, d'après moi, cause de très grands inconvénients aux prisonniers qui habitent les cellules, surtout durant les grandes chaleurs de l'été puisqu'ils ne reçoivent pas l'air frais du dehors.

39. Il y a eu, je crois, et ceci m'a été confirmé par le chef menuisier actuellement à la prison, au moins 550 châssis ainsi changés; quelques-uns ne sont pas tout à fait complétés encore.

40. Ce changement a créé beaucoup de mécontentement chez les prisonniers et le menuisier a été, je crois, menacé de mort par quelques prisonniers. Ceux-ci se plaignent qu'ils ne reçoivent plus assez d'air dans leurs cellules surtout puisqu'ils y sont enfermés jour et nuit, généralement, sans aucune récréation.

41. Il me semble que, et j'ajoute ceci en passant, s'ils n'y pourvoient pas déjà, ils devraient exiger que les prisonniers sortent de temps à autre et prennent l'air, afin de les délasser et de les empêcher de dépérir dans une atmosphère dont l'air sent toujours la prison.

XII - Barreaux des fenêtres

42. Chaque cellule a sa fenêtre qui est protégée à l'extérieur par un grillage de barreaux de fer. L'on m'a dit que ces barreaux, d'après les contrats, devraient avoir 1¼ par 1¼ pouce carré et être faits de fer battu. J'ai constaté que ces barreaux ne sont pas carrés mais ronds, et j'ai tout lieu de croire que ces barreaux n'ont pas un pouce et quart de diamètre. Mon impression est qu'ils ont 5/6 de pouce.

43. Ces barreaux, il me semble, auraient dû être faits pour être permanents et non pour être remplacés avant de longues années. Or, je sais pour l'avoir constaté moi-même que des prisonniers ont commencé à scier leurs barreaux, ce qui est devenu tellement commun que l'on a préposé des gardes pour faire la revue journalière des barreaux des fenêtres des cellules.

XIII - Planchers de tuiles

44. En plusieurs endroits, surtout dans les galeries de la prison, j'ai constaté que les planchers en tuiles commencent déjà à se détériorer. Si on ne répare pas ces détériorations immédiatement, il faudra encourir des dépenses considérables, avant longtemps, pour remettre ces planchers en ordre.

XIV - Peinture

45. Tout l'intérieur de la bâtisse a été fait en peinture, y compris les enduits. Cette peinture a déjà commencé à s'enlever en galettes en bien des endroits. Les visiteurs qui viennent à la prison peuvent facilement constater par eux-mêmes que le travail de peinture a été très mal fait.

46. À plusieurs endroits, on a réparé des enduits (plastrages) durant l'été dernier et cet hiver, mais l'on n'a pas encore jugé à propos de les peinturer pour les matcher avec le reste.

XV - Nettoyage à être fait par le contracteur

47. J'ai lu quelque part dans le contrat passé entre J.-B. Pauzé & Cie, l'entrepreneur de la prison, et le gouvernement de Québec qu'à la finition des travaux l'entrepreneur devait nettoyer la bâtisse et ses alentours, enlever les déchets, le mortier, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et laisser la place en parfait ordre de propreté. Cependant, je puis dire que, si le contracteur a fait une partie du nettoyage, il n'a pas tout fait puisque, à ma connaissance, les prisonniers ont fait cela.

48. Je sais que M. Dame, un garde et le sergent Paré ainsi que plusieurs autres officiers ont eu tour à tour un grand nombre d'hommes sous leurs ordres pour faire le nettoyage. Cela a pris presque tout un automne et ce n'est pas fini puisque le soubassement du C n'a pas encore été nettoyé, si je ne me trompe pas.

XVI - Travail de la bâtisse

49. Dans la chapelle catholique, les murs, dans la partie réservée aux prisonniers, l'on signale des fissures par toute la longueur et il est facile, en examinant, de se rendre compte que la prison travaille en plusieurs autres endroits.

XVII - Vernis

50. En beaucoup d'endroits, il ne reste plus de vernis sur la boiserie en bois dur, dans les chapelles et dans l'intérieur de la bâtisse, en général.

 

ADMINISTRATION DE LA PRISON

 

XVIII - Hommes et choses convertis à l'usage personnel du geôlier

51. Le geôlier de la prison, M. Landriault, s'est acheté sur le bord de la rivière des Prairies, à environ un mille de la prison, une résidence privée qu'il a améliorée. Entre autres choses, il a amélioré son terrain sur le bord de l'eau et la pierre dont il a eu besoin pour faire des remparts sur le bord de la rivière a été prise sur le terrain de la prison. Était-ce de la pierre venant des anciennes clôtures, de chaîne de roches des anciens cultivateurs ou de la pierre de la maison qui se trouvait en cet endroit? Je ne puis le dire.

52. Cette pierre a été transportée par les prisonniers, sous la direction des officiers et dans des voitures appartenant au gouvernement et traînées par des chevaux appartenant aussi au gouvernement.

53. Les officiers qui ont eu la direction de ces travaux et transports sont MM. Perron et Dansereau qui sont encore gardes à la prison.

54. Ce sont aussi les prisonniers, sous la garde des officiers de la prison, qui ont fait les améliorations à l'intérieur de la maison et sur le terrain de la résidence de M. Landriault.

55. J'ai vu transporter des "fittings" de la prison de Bordeaux et je suis sous l'impression qu'on allait les porter à la résidence du geôlier. Je voyais partir les voitures et les hommes qui transportaient ces "fittings", je les voyais revenir puis repartir avec d'autres tuyaux que les hommes transportaient quelquefois sur leur dos, après les avoir fait couper et filer dans la "machine shop" de la prison.

56. Le geôlier se sert à toutes heures des chevaux de la prison. C'est un garde, le sergent Choquette, qui lui sert de cocher de nuit. Le jour, il prend Perron ou d'autres, et on m'a signalé à plusieurs reprises que les chevaux étaient arrivés blancs d'écume, le matin. D'où venaient-ils et qui avaient-ils conduit? Seul Choquette, je crois, pourrait le dire.

57. Le geôlier a aussi une automobile. Ce qui me fait dire que cette voiture appartient au geôlier, c'est qu'il l'a annoncée en vente, dans les journaux, l'an dernier. Il avait une Ford qu'il a vendue. Il possède maintenant une Studebaker et c'est cette dernière qu'il a annoncée en vente. Il a encore cette voiture et il s'en sert, mais avec la gazoline et l'huile de la prison.

58. Le geôlier a fait "overhauler" son automobile à la "machine shop" de la prison durant le mois de décembre dernier.

59. Le chauffeur du geôlier est le garde Desnoyers qui ne fait rien autre chose que de promener le geôlier, sa famille et ses amis.

60. En outre des deux officiers de la prison qui sont au service personnel du geôlier et dont je viens de parler, le cocher et le chauffeur, il a à son service un autre officier qui s'occupe de sa résidence privée, et souvent François Lamontagne va lui aider.

61. Il arrive que les prisonniers vont donner leur concours au garde pour l'entretien ou le bon maintien de la résidence du geôlier. Il y a au moins un prisonnier qui y va tous les jours et il est arrivé que plus d'un sont allés pour entretenir le jardin, la cour, faire le balayage, etc.

62. Sur le terrain de la prison, les arbres ont été abattus, sur les ordres du geôlier, par des prisonniers et débités en bois de poêle et donnés à certains officiers de la prison. Il y en a qui ont du bois pour deux ou trois ans.

XIX - Gaspillage

64. De mes confrères de la prison m'ont affirmé, il y a quelque temps, qu'il était entré à la prison 13 chars de farine préparée, durant le cours de l'hiver. Ce sont les prisonniers qui transportaient cette farine de la "siding" à la prison.

65. Cette farine a été entassée dans les greniers à foin, dans les caves à charbon, les hangars, enfin un peu partout, et cette farine est maintenant exposée aux rats qui ont commencé à se régaler, d'après ce qu'on m'a dit. Je dois ajouter que j'ai vu moi-même entrer à la prison plusieurs voyages de farine durant l'hiver.

XX - Vol

66. On sort beaucoup de choses de la prison. Un ex-officier a reçu la visite d'un ancien détenu qui venait de sortir de prison et qui lui offrit une paire de ciseaux de tailleur valant $5 ou $6. Cet officier a reconnu ces ciseaux pour s'en être servi durant son travail à la prison. Il les a achetés et payés avec l'intention de les rendre à qui de droit. Il m'a dit qu'il les avait offerts au shérif par l'entremise d'un nommé Cadieux, un autre ex-officier, mais que le shérif n'aurait pas voulu les accepter; d'après ce que l'on me dit, il aurait répondu de les remettre à celui qui les avait achetés du prisonnier et qu'il s'en occuperait. Cet ex-officier a encore les ciseaux en sa possession, à la disposition du gouvernement.

67. Le même ex-officier a refusé d'acheter des chaussures qui lui ont été offertes par un ex-prisonnier qui sortait de la prison. Il a aussi refusé des bas de laine qui venaient de la prison. Il a refusé d'acheter ces chaussures parce qu'il les reconnaissait comme des chaussures qu'il avait faites lui-même, pendant qu'il était instructeur à la prison, et qu'elles ne pouvaient être que des chaussures volées. Il a aussi refusé d'acheter les bas, pour la même raison. Un peu plus tard, il a refusé d'acheter d'autres chaussures faites à la prison et évaluées à $5 ou $6 la paire.

68. Je n'ai pas été surpris d'apprendre ces faits, parce que je sais moi-même qu'il est très facile pour un prisonnier, quand il sort de la prison, d'apporter des objets sans aucun risque d'être inquiété, la surveillance des prisonniers qui sortent étant relâchée.

69. Une chose qui se vole assez communément, à la prison, est la laine en écheveau. Les prisonniers font du tricotage pour les besoins de la prison. Quand ils ont besoin de laine, ils en demandent au magasin. Ils en demandent quelquefois plus qu'il n'en faut et se servent du surplus pour se faire des oreillers. Il y a un très grand nombre de prisonniers, à ma connaissance, qui ont des oreillers ainsi faits. J'ignore cependant s'ils paient le gouvernement pour cette laine.

XXI - Conduite du geôlier, tant personnelle que dans ses rapports
avec ses supérieurs, ses subalternes et les prisonniers

70. Comme administrateur, je considère que M. Landriault est un zéro. Il n'a jamais fait une heure de devoir, à la prison, autant que j'ai pu le constater, et, quand il y vient, il ne manque pas sa chance de laisser tomber des injures et des jurons à la tête des officiers et même de donner des coups.

71. Il part généralement de la prison en voiture, avec les chevaux du gouvernement, si c'est la nuit en automobile, le jour, son automobile étant en garage à la prison. Si un officier a une discussion avec le geôlier ou s'il se plaint à lui, il s'expose à être suspendu et à perdre son salaire.

72. Si un prisonnier se plaint au geôlier ou à d'autres de quelque fait qu'il croit être injuste pour lui, il attrape 15 jours de donjon au pain et à l'eau et parfois un mois, sans compter les coups qu'il reçoit souvent, par-dessus le marché, de la part du geôlier, d'autres officiers ne se permettant pas des brutalités semblables.

73. Si un prisonnier, par mégarde, ne reconnaît pas le geôlier quand il le rencontre (le geôlier porte très rarement son costume), il attrape bien souvent le donjon.

74. Lors de la nomination du geôlier Landriault, une quinzaine d'affidavits ou de déclarations sous serment, d'après ce qu'on m'a dit, ont été envoyés au gouvernement de la part des gardes de la prison, par l'entremise de feu l'honorable T. Berthiaume, de La Presse, pour prouver que Landriault était indigne de remplir cette charge. Je crois, si les informations que j'ai reçues sont exactes, qu'il y avait peut-être même 28 rapports contre M. Landriault, assermentés à cette époque.

75. Le geôlier a obtenu sa nomination et la suite a prouvé que les plaintes avaient leur raison d'être, puisqu'il n'y a pas très longtemps le geôlier a dû subir l'arrestation sur une faute grave et qu'il a été condamné, par le juge d'instruction à l'enquête préliminaire, à subir son procès devant la Cour du banc du roi, au terme de mars prochain, si je ne me trompe.

76. Le geôlier a battu un nommé St-Germain, dont le sobriquet est "Pott", et un autre détenu, un nommé Laliberté dont le sobriquet est "La patte de Liberté". Il a battu ces deux individus alors qu'ils avaient les mains liées, et tellement battus qu'il a fallu faire laver la cellule pour cacher le sang qui était répandu. C'est le garde Giguère qui a été chargé de faire ce nettoyage.

77. Plus tard, le geôlier, pour une raison que j'ignore, a transféré St-Germain à la sacristie de la prison bien que ce nommé St-Germain soit considéré comme un des pires criminels qui soient passés à Bordeaux, et ce, à la protestation des gardes.

78. Le 10 janvier 1915, entre 9 heures et 10 heures du matin, ce nommé St-Germain a brisé le calice et le ciboire et a jeté les hosties consacrées dans les cabinets d'aisance. Ce détenu avait comme complice le détenu Brosseau qui finissait son terme d'incarcération ce matin-là. Malgré ce crime, Brosseau a été libéré quelques heures après comme si rien n'était arrivé. On m'a dit qu'à cette époque le père Garceau, alors aumônier à la prison, a voulu parler de la chose devant les chefs du gouvernement, mais il fut remercié de ses services et l'affaire est restée là, quant à lui, c'est là ce qui s'est répété parmi les gardes de la prison.

79. Le geôlier a alors envoyé St-Germain dans une cellule de punition jusqu'à la fin de son terme, mais sans lui faire subir de procès devant les cours de justice. Il me semble que, dans tous les cas, il aurait dû, au moins, subir un examen mental, puisque, ayant été arrêté quelque temps après sa sortie de la prison, St-Germain aurait été de nouveau interné au pénitencier, puis de là envoyé à Saint-Jean-de-Dieu, où il serait encore actuellement.

80. Quant à Laliberté, il avait été battu comme je viens de le dire et sa mère m'a dit ces jours-ci qu'il était malade et qu'il était à Saint-Jean-de-Dieu, et que l'une des causes de sa maladie serait les coups qu'il aurait reçus durant son séjour à la prison de Bordeaux.

81. Le geôlier est un lutteur, il se proclame "all around athlete". Pour le prouver, un jour durant l'année 1914, il a fait mettre les officiers en rangs dans le vestibule de l'administration, c'était un matin de paie. Une fois en rangs, les officiers virent tout à coup apparaître devant eux le geôlier en costume de lutte. Il portait son pantalon, ses bretelles pendaient et le reste de son corps était nu. Il avait un air martial, la moustache relevée à la "Kaiser", et, d'un air provocateur, il fit l'inspection des gardes, puis il interpella le garde Samuel Vallée et lui dit de sortir des rangs pour venir dans sa chambre se mesurer avec lui afin que l'on sache lequel était le plus fort. M. Samuel Vallée pèse environ 245 livres, il est d'une forte stature et il a la réputation d'un homme fort. Comme c'était après 7 heures du matin, il y avait déjà un grand nombre de prisonniers qui avaient la permission de circuler dans la prison pour vaquer à leurs occupations diverses et un certain nombre dans les bureaux de l'administration, de sorte que plusieurs détenus ont été témoins de cette provocation.

82. Il n'y a pas eu de "prize fight" parce que le garde Samuel Vallée, étant malade, a refusé de lutter. Le jour même, ce garde (S. Vallée) a été suspendu pour refus d'obéissance à l'ordre de son supérieur. Je crois qu'il a été dehors durant une quinzaine de jours.

83. Le geôlier s'enivre quelquefois, même souvent, des gardes et des prisonniers l'ont vu en boisson. Il est arrivé une fois qu'il est venu à la prison avec la paie dans sa voiture, mais il était tellement ivre qu'il a oublié l'argent dans la voiture.

84. Il était tellement ivre que son assistant M. D. a été obligé de l'aider et de le soulever pour l'entrer dans le bureau et le cacher ainsi à la vue des prisonniers.

XXI (sic) - Assistant geôlier1

85. L'assistant geôlier n'arrive jamais avant 9 heures et il repart à 4 heures et 4 h 30 du soir, bien que les règlements ordonnent que le geôlier ou son assistant doivent être en permanence à la prison.

86. Je suis d'autant plus à l'aise pour dire ce qui précède que j'ai lu dans un rapport fait par l'ancien directeur de la prison, M. Vallée, en date du 6 mai 1911, à l'honorable M. Taschereau: Qu'il est absolument recommandable que le directeur d'un établissement pénitentiaire soit pratiquement à son poste nuit et jour, tel que le veulent les règlements de la prison.

87. Si je dis cela sur le compte de l'assistant geôlier, ce n'est pas que je lui en veuille, car il semble généralement faire son devoir, mais c'est pour signaler que l'établissement manque de chef durant un certain temps soit le jour, soit la nuit.

XXII - Visiteurs

88. Il est à ma connaissance, entre autres choses, que le geôlier a souvent permis à la femme d'un fameux pickpocket, un nommé Boyd, d'aller passer des heures dans la cellule de son mari, enfermée avec ce dernier, au grand scandale des autres prisonniers, ce qui est contre les règlements et la discipline de la prison.

XXIII - Conduite des gardes

89. Il y a un certain nombre de gardes qui sont préférés du geôlier et qui sont des ivrognes d'habitude et ils causent du scandale à la prison, tant aux gardes qu'aux prisonniers, en se montrant en état d'ivresse. Ils sont récompensés par des faveurs spéciales, entre autre par des congés fréquents ou par des travaux plus agréables que ceux auxquels sont tenus les autres gardes.

XXIV - Commerce des gardes avec les prisonniers

90. Le commerce entre les gardes et les détenus se fait sur une haute échelle. La boisson, la morphine et la cocaïne sont en honneur à la prison, le tabac à pipe, les cigarettes, le manger, tout se trafique entre les gardes et les prisonniers et tous y trouvent leur profit. Un morphinomane, par exemple, peut avoir de la morphine ou de la cocaïne tant qu'il veut, s'il peut payer, mais ça coûte cher, par exemple!

XXV - Surveillance des prisonniers

91. Il y a trois étages de cellules dans chaque aile et de chaque côté de l'aile. Comme il y a actuellement quatre ailes dans lesquelles l'on met habituellement des prisonniers, cela fait 22 séries de cellules parce que, dans l'aile de l'administration, il n'y a que deux rangées de cellules. Pour chaque étage, il y a une trentaine de cellules de chaque côté et ces soixante cellules, environ, par étage sont sous la garde d'un caporal et de deux gardes. Il n'y a quelquefois que le caporal pour faire cette surveillance.

92. Pour faire le nettoyage des cellules, il y a généralement un garde et un prisonnier. Souvent c'est un prisonnier seul à qui l'on confie une clef et le secret d'ouverture et de fermeture des cellules.

93. C'est souvent le prisonnier qui, lui-même, ouvre la série des cellules et la referme. S'il réussit à ouvrir les cellules tout d'un coup, avec le système de barrage dont j'ai déjà parlé, il nettoie les cellules une à une et, tant qu'il n'a pas fini, toutes les cellules restent ouvertes.

94. Quand le système de fermeture automatique est défectueux, on lui confie alors la clef pour fermer chaque cellule à la fin du nettoyage de chacune, de sorte que, si toutes les cellules se sont ouvertes à la fois, elles restent ainsi tant que toutes n'ont pas été nettoyées.

95. Il me semble que, et les prisonniers ont déjà fait la remarque, s'ils voulaient organiser une sortie en bloc, pendant ces moments de relâche ce serait très facile puisqu'ils n'auraient qu'à assaillir le caporal et les deux gardes qui ne sont pas armés. Rendus au mur, ils auraient peut-être, je l'admets, un peu de difficulté, mais qui sait s'ils ne réussiraient pas à s'évader en bloc, puisqu'il n'y a que trois gardes armés de revolvers.

96. À ma connaissance, aucun des revolvers dont se servent les gardes n'a été nettoyé depuis de longues années. Je sais moi-même qu'il y a des revolvers que portent des gardes et que ces armes ne fonctionnent pas.

97. J'ai moi-même dû nettoyer le revolver que l'on m'a donné quand on m'a mis sur ma ronde. Ce revolver était rouillé et ne marchait pas. Je me suis servi du même revolver à la vieille prison, rues Notre-Dame Est et Craig, Montréal, et, à ma connaissance, ce revolver n'a jamais été nettoyé. Et je ne l'ai même pas essayé pendant neuf ans, de sorte que je ne saurais dire s'il aurait fonctionné.

98. On pourrait peut-être m'objecter que, si une révolte éclatait dans les circonstances ci-dessus, le caporal ou les autres gardes pourraient appeler du secours. Mais qui irait au secours de ces derniers, puisqu'il ne reste que trois officiers à la "guardroom" et cinq ou six, la nuit?

99. Dans tous les cas, le geôlier, ni son assistant, ni le sergent-major ne pourraient répondre à l'appel puisqu'ils sont rarement à la prison.

100. Il arrive quelquefois qu'un grand nombre de détenus sortent sous la conduite de quelques gardes seulement pour faire des travaux, armés, comme je viens de le dire, de ces revolvers. Une des gardes, qui est encore à la prison, m'a dit qu'il était déjà sorti avec un grand nombre de prisonniers et que, bien que seul avec eux, il n'avait même pas son revolver car il l'avait laissé dans son armoire.

101. La surveillance a été en outre relâchée par le fait qu'on garde moins d'officiers à la fois à la prison.

102. Autrefois, les officiers ou gardes pouvaient coucher dans la "guardroom" qui est une bâtisse qui a coûté environ $40,000 et est attenante au mur près de l'entrée principale de la prison et assez rapprochée du bureau de l'administration. La permission que l'on accordait ainsi à certains gardes de coucher dans cette bâtisse était une protection. Il y a dans cette "guardroom" environ 50 lits. Certains officiers dont la résidence est loin, à Montréal par exemple, avaient l'habitude de coucher là toute la semaine et d'aller dans leur famille à la fin de la semaine. Un beau jour, on a donné aux gardes et officiers qui couchaient là d'avoir à coucher ailleurs. Il n'est plus permis maintenant de coucher là. Il n'y a plus que le sergent Paré, le cuisinier et le magasinier avec trois sentinelles qui, par faveur spéciale, peuvent coucher dans cette bâtisse.

103. Cette bâtisse de $40,000 ne sert pratiquement qu'à ces six personnes. Quand l'ordre de ne plus coucher dans la "guardroom" a été donné, les détenus ont remarqué qu'à l'avenir il serait beaucoup plus facile de s'évader.

XXVI - Salaires

104. Les salaires des officiers et des gardes sont coupés de temps à autre et je serais curieux de voir un rapport démontrant de quelle manière on présente la chose au gouvernement.

105. Les salaires se paient en argent et on nous fait signer une liste de paie vers le 15 de chaque mois pour le plein montant qu'on réclame, mais, quand on ne nous paie pas en entier à la fin du mois, comme il arrive souvent que le salaire a été coupé, on nous retient la somme coupée, mais on ne nous fait pas signer un nouveau reçu qui démontrerait exactement le montant reçu.

106. En mai ou juin 1915, j'ai réclamé au shérif et à M. Eugène Gouin le salaire coupé de six jours. J'ai fait remarquer que j'avais réussi à me faire remettre quatre jours et qu'il me fallait les deux autres journées. J'avais déménagé et j'avais été suspendu pour absence sans permission. M. Eugène Gouin m'a alors remis ces deux jours en me disant:"Taisez-vous, ne le dites pas aux autres officiers." Ceci en présence du shérif.

107.-Depuis le commencement de février 1915, date de ma réinstallation, j'ai perdu ainsi environ 72 jours qui m'ont été coupés et j'ai réussi à me faire remettre ce salaire ainsi retenu moins trois jours, c'est-à-dire que, au lieu de me couper mon salaire, on me remettait mon temps en plein, le shérif disant que c'était une faveur qu'il me faisait.

108. Je l'ai souvent dit à mes confrères qui me jalousaient, parce que je considérais que c'était une injustice qui leur était faite à eux de couper leur salaire.

109. À ma connaissance, il y a des salaires qui sont souvent coupés pour absence et d'autres sont toujours payés en plein.

XXVII - Shérif

110. Un avis a été donné par les autorités de la prison aux gardes et aux sergents ainsi qu'aux autres personnes de ne pas se présenter chez le shérif sans avoir obtenu d'abord une permission du geôlier ou de son assistant.

XXVIII - Médecin et maladie

112. Il n'y a pas de médecin qui couche à la prison et je ne connais pas de médecin attitré qui demeure autour de la prison.

113. Le médecin qui a charge de la prison demeure à Montréal. Si un détenu est malade la nuit, il est soigné avec de l'eau et du poivre jusqu'à ce que le médecin vienne. Je l'ai fait moi-même à plusieurs reprises, sur instructions du sergent de nuit.

114. On a déjà cherché à avoir des médecins dans Bordeaux, mais ils ont refusé de venir.

115. Si un officier est malade et doit s'absenter de la prison, il doit, à son retour, apporter un certificat de son médecin et ce certificat doit être certifié par le médecin de la prison à qui il faut payer une piastre. Voilà quinze jours ou trois semaines que ce règlement est en force.

116. Plusieurs gardes se sont plaints; l'un d'eux a même, je crois, écrit au procureur général, mais il n'a pas reçu de réponse. Les autres gardes se sont plaints entre eux, craignant de se plaindre au geôlier et de peur d'attraper une suspension.

XXIX - L'eau

117. La prise d'eau pour le service de la prison se trouve près du canal d'égout. Cette prise d'eau se fait par un tuyau qui est placé au fond de la rivière, vis-à-vis la prison, et il finit, je crois, à une distance de 100 pieds. J'ai entendu dire par trois gardes qu'ils avaient vérifié que la prise d'eau ne se faisait pas assez loin, qu'elle devrait se faire dans le rapide à quelque 30 ou 50 pieds plus loin. Que, à l'endroit où se fait cette prise d'eau, il y a un remous dans lequel, paraît-il, sont brassés les égouts de la prison.

118. Il arrive souvent que, lorsque l'on prend de l'eau à la chantepleure, elle sente mauvais et que l'on voie au fond du verre un dépôt de limon.

119. La gastrite est assez commune chez les détenus et aussi chez les gardes de la prison. Beaucoup en souffrent. Moi-même, j'ai les intestins irrités et tout déveloutés, et, si j'en crois mon médecin, j'ai eu les intestins empoisonnés par l'eau. Avant d'entrer à la prison de Bordeaux, je n'avais jamais été malade de ma vie.

120. Je crois que cela explique pourquoi des gardes et des détenus sont si souvent malades.

XXX - Règlements

121. On ne trouve nulle part dans la salle, couloirs ou cellules ni même dans l'administration aucun avis de règlement pouvant diriger les officiers ou les détenus dans l'accomplissement de leurs devoirs. Dans l'ancienne bâtisse, sous M. Vallée, chaque garde avait son livre de règlements; j'ai encore le mien. Aujourd'hui, il n'y a que les vieux employés, ceux qui étaient dans l'ancienne bâtisse, qui en ont, de ces règlements; ceux de la nouvelle bâtisse n'en ont pas.

Les gardes ne connaissaient rien des règlements, ils marchaient à la va-comme-je-te-pousse: bien ou mal, il faut le faire.

Dans l'ancienne bâtisse, il y avait des affiches dans les corridors indiquant les règlements à suivre.

Et je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment, suivant l'Acte de la preuve en Canada.

Et j'ai signé,

(Signé) Louis-Philippe Vallée

Déclaré devant moi, à Montréal, ce 19 février 1916

(Signé) J.-A. Deniger,
Commissaire de la Cour supérieure
pour le district de Montréal

Je, CLOVIS DAME, maître cordonnier, demeurant au no 239 de la rue Saint-Timothée, dans la cité de Montréal, déclare solennellement:

Je suis issu d'une famille libérale en politique et, moi-même, j'ai toujours été jusqu'à ce jour et même ancien organisateur du comté de Châteauguay.

J'ai fait 11 années de service à l'ancienne prison de Montréal, y compris celle de Bordeaux. J'ai abandonné le service de garde dans le courant du mois d'avril 1914 pour prendre une "shop" de cordonnier à mon compte, que j'occupe actuellement au coin des rues Amherst et Demontigny.

 

DÉFECTUOSITÉS OU INUTILITÉS DANS LA CONSTRUCTION OU L'INSTALLATION DE LA PRISON DE BORDEAUX

 

1. Solage défectueux

1. Dans les temps de dégel, le solage de la prison est tellement défectueux que l'eau s'introduit au travers du béton et se répand sur le plancher.

2. Il faut tous les matins une certaine équipe de prisonniers pour éponger l'eau, qui deviendrait embarrassante et très malpropre si on ne la faisait éponger.

2. Barrage des cellules

3. Le système de barrage des cellules est bien défectueux, je dis même qu'il fonctionne très difficilement. Nous sommes obligés, les gardes, de les repasser l'une après l'autre sans quoi les détenus pourraient s'évader.

4. Je les ai barrées moi-même.

3. Mur intérieur

5. Le petit mur de l'intérieur passant environ à 30 pieds du bout des ailes est fait en béton. Il est très disgracieux à voir. Il est raboteux, plein de trous, on voit la forme des planches. D'après moi, ce n'est pas acceptable pour une prison aussi dispendieuse.

4. Plomberie et chauffage

6. La plomberie est très défectueuse, les conduits de renvoi se bouchent fréquemment. J'ai vu à ma connaissance l'eau se répandre sur le plancher du troisième étage et couler jusqu'en bas.

7. J'ai vu souvent des hommes travailler à la réparation du plombage tous les jours.

8. Le chauffage ne donne pas satisfaction, il fait terriblement froid dans les cellules et même dans les corridors. Il m'est arrivé assez souvent de donner aux détenus deux paires de couvertures, et nous les voyons se promener dans leurs cellules avec des couvertures sur le dos.

5. Système d'éclairage

9. Après l'ouverture de la prison, les directeurs, y compris le geôlier, ont fait enlever près de la moitié des électroliers attachés aux plafonds.

10. Ces électroliers ont été entassés dans l'aile F de l'administration. Il y a parmi ces fixtures des électroliers qui me paraissent très dispendieux.

6. Enduits

11.Une partie du plafond de la cuisine est tombée et a été renouvelée en plâtre. L'on me dit que, depuis ce temps, il est encore tombé, mais cette fois-ci on l'a réparé en tôle à patrons.

12. Presque tous les plafonds au-dessus des portes des cellules tombent aussi; ils ont été renouvelés de mon temps. Les enduits autour des portes des cellules dans toutes les ailes tombent aussi.

13. Je crois que ces enduits dans les cellules tombent par la vibration de la combinaison des portes qui font un tremblement et un bruit d'enfer à nous énerver.

7. Châssis

14. Les châssis ou fenêtres sont très mal faits. J'ai vu faire moi-même par les détenus le calfeutrage de ces châssis dans toute la prison avec des guenilles, des morceaux de linge quelconque, pour se préserver du vent et du froid et même de la neige qui s'introduisait dans les cellules des détenus.

15. Ils ont entassé sur le grenier à foin de l'écurie attachée à la prison une quantité de portes et de châssis qui ont été enlevés à la prison et remplacés par des ouvertures en fer.

8. Planchers en tuiles

16. J'ai constaté qu'à plusieurs endroits les planchers en tuiles de la prison s'enlèvent, j'ai vu faire ces réparations avec quelques détenus.

9. Peinture

17. La peinture s'enlève par galettes à plusieurs endroits et elle commençait même à s'enlever lorsque le gouvernement prenait possession de la prison.

10. Nettoyage fait par les contracteurs

18. Le nettoyage, je l'ai fait faire par les détenus, ayant avec moi le sergent Paré et le gouverneur Vallée. Il a fallu plusieurs mois pour nettoyer cette bâtisse, c'est-à-dire une partie de l'automne et de l'hiver, et même nous travaillions le soir afin de pouvoir loger nos détenus convenablement.

11. Travail de la bâtisse

19. La bâtisse travaille dans plusieurs endroits. J'ai vu moi-même des fissures dans le mur à l'intérieur.

12. Administration de la prison

20. Le geôlier, M. Landriault, fait faire les réparations de son automobile et, moi-même, j'y ai travaillé à ces réparations.

21. Il a comme chauffeur de l'auto un garde de la prison pour promener le geôlier, sa famille et ses amis.

22. Il est très facile de voler des articles de la prison parce que, depuis que je tiens ma "shop", il ne se passe pas un mois sans que quelques détenus viennent m'offrir des chaussures et même des ciseaux que je reconnais comme des articles venant de la prison; on est venu m'offrir des chaussures de $5 à $6.

23. M. Landriault ne manque pas de lancer des jurons à la tête des officiers qui sont à son service.

24. Il ne porte jamais son costume, Monsieur le Geôlier, excepté les grands jours de fête nous le voyons dans son uniforme. Il a dans son office, comme commis, un Anglais dont j'ignore le nom, qui travaillait avant pour le contracteur général de la prison, au pic et à la pelle, c'est-à-dire comme journalier. M. Landriault en a fait un commis d'office, il est l'assistant de M. David, tandis qu'il avait parmi nous des gardes, des hommes ayant fait leur cours d'études et même professeurs de collèges pendant nombre d'années, très bien qualifiés pour remplir cette position.

25. Le geôlier est un lutteur. Je me rappelle qu'un jour il fit mettre les gardes en rang puis, se montrant devant eux, il demanda au garde Samuel Vallée de venir se mesurer avec lui. M. Vallée, étant indisposé ce matin-là, a refusé de se mesurer avec M. Landriault.

26. Pour ce refus, M. Samuel Vallée a été suspendu pour refus d'obéissance à l'ordre de son supérieur; il a été suspendu durant près d'un mois, je crois, et a perdu son salaire.

27. Il y a certains gardes qui sont préférés, il y en a qui prennent de la boisson enivrante, ce qui scandalise les détenus, il y en a d'autres qui occupent des occupations plus encourageantes que d'autres.

13. Surveillance des détenus

Armes des gardes

28. Les gardes, comme armes, ont de vieux revolvers qui ne fonctionnent pas et qui sont rouillés, et nous ne les portons même pas.

14. L'eau

29. L'eau est excessivement mauvaise, au point que je n'en buvais jamais.

30. Je sais que mes confrères, des gardes, étaient souvent malades et on attribuait cela à l'eau.

15. Règlements

31. On ne voit à aucune place dans les salles, couloirs et cellules de la nouvelle prison aucun règlement pour l'accomplissement des devoirs du garde envers les détenus et des détenus envers les gardes et ses supérieurs.

16. Barreaux des fenêtres

32. Les barreaux des fenêtres sont tellement éloignés que les prisonniers se passent facilement la tête en dehors des fenêtres et ils se parlent très facilement.

17. Sir Lomer Gouin

33. Je me rappelle que, lorsque j'étais garde à la vieille prison à Montréal, le gouverneur Vallée avait fait venir des détectives pour surveiller le commerce de la cocaïne et de la morphine; le garde Maxime Guérin a été pris à faire ce commerce avec quatre autres gardes; tous ont été remerciés de leurs services, mais Sir Lomer Gouin a réinstallé quelques jours après le garde Maxime Guérin pour prendre soin des voûtes du palais de justice à Montréal.

18. Shérif Lemieux

34. Monsieur le shérif Lemieux, dans le courant du mois d'avril 1914, a dit à ma femme qu'il voulait me voir et qu'il avait beaucoup à faire à mon égard. Je suis allé le voir et il m'a dit que, si je voulais donner ma démission maintenant, il m'accorderait deux mois de salaire comme faveur, et ces deux mois de salaire sont encore à venir, depuis le mois d'avril 1914.

Je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment, suivant l'Acte de la preuve en Canada.

(Signé) Clovis Dame

 

Déclaré devant moi, à Montréal, ce 22e jour de février 1916

(Signé) J. A. Deniger,
Commissaire de la Cour supérieure
pour le district de Montréal

 

Je, JOSEPH HÉBERT, sergent, régisseur à la paroisse Saint-Étienne, demeurant au no 1264 de la Roche, dans la cité de Montréal, déclare solennellement:

Je suis issu d'une famille libérale en politique et, moi-même, j'ai toujours été jusqu'à ce jour libéral en politique.

J'ai fait 11 ans de service comme garde à la vieille prison, au coin des rues Notre-Dame Est et Craig, et aussi trois mois de service à la prison de Bordeaux.

J'ai démissionné à la fin du mois de décembre 1913 pour occuper la position de régisseur à la paroisse de Saint-Étienne, position que j'occupe encore actuellement.

1. Solage défectueux

1. Pendant les quelques mois que j'occupais la charge de sergent à la nouvelle prison de Bordeaux, je me suis aperçu que le solage était très défectueux dans tout le soubassement de la prison et les planchers étaient tellement humides par l'eau qui s'introduisait au travers du solage qu'il était difficile pour nous d'y demeurer sans courir le risque d'attraper quelques maladies.

2. Barrage des cellules

2. Pour moi, le barrage des cellules fonctionnait très mal de mon temps, je ne sais pas si elles fonctionnent mieux maintenant.

3. Je me rappelle que pour fermer ces cellules, il fallait les barrer l'une après l'autre à la main, sans cela les prisonniers auraient pu s'évader.

3. Plomberie

4. Lorsque le gouvernement a pris possession de la prison, les tuyaux de conduits de la plomberie se bouchaient fréquemment.

4. Enduits

5. Je me rappelle que, dans le soubassement, les enduits des plafonds se détachaient et tombaient par terre.

5. Système de ventilation

6. Ce système de ventilation dans les cellules me paraissait servir de téléphone entre les prisonniers et j'en ai surpris souvent, des prisonniers, se parler d'une cellule à l'autre par ce système de ventilation.

6. Barreaux des fenêtres

7. Les barreaux en fer à l'extérieur des cellules me paraissaient bien petits et ronds.

7. Administration de la prison

8. Je me rappelle que, de mon temps, M. Landriault avait une automobile et, lorsqu'il fallait la réparer, c'étaient les gardes et les prisonniers qui faisaient ces réparations.

8. Conduite du geôlier

9. Comme administrateur, M. Landriault, je le considère incapable de remplir cette charge.

10. Il est à ma connaissance qu'il ne laisse jamais passer une occasion pour lancer des injures et des jurons aux prisonniers lorsqu'ils ne font pas à son goût.

11. Il lui arrive assez rarement de faire son devoir, il est généralement toujours absent.

12. Le geôlier, M. Landriault, ne porte son costume que très rarement si ce n'est que pour les grandes réceptions qui se font à la prison.

13. Je me rappelle que, lors de sa nomination, j'avais donné mon affidavit à M. Gouin, qui se disait le représentant de l'honorable M. Berthiaume, de La Presse, et cet affidavit demandant à ce que M. Landriault ne soit pas nommé le geôlier de la prison parce que je ne le croyais incapable de remplir cette charge.

9. Visiteurs

14. Il est à ma connaissance que M. le geôlier a conduit lui-même la femme d'un fameux pickpocket nommé Boyd, pour passer quelque temps avec son mari; et aussi à un autre prisonnier que M. Landriault a donné ordre à la garde Gaudet d'aller conduire la femme de cet homme dans une cellule au troisième étage où elle était renfermée avec son mari sans aucune surveillance.

10. Armes

15. À ma connaissance, les revolvers dont se servent les gardes ne sont d'aucune utilité, ils sont vieux et tout rouillés; pour ma part, j'en n'ai jamais eu.

11. Salaires

16. On nous paie toujours en argent et, le 15 de chaque mois, on nous fait signer une liste de paie pour le plein montant du mois, mais, lorsqu'on perd du temps, ils nous ôtent dans notre enveloppe les jours que nous perdons, mais ne nous font pas signer un autre reçu pour le temps que nous perdons.

12. L'eau

17. L'eau qu'on nous donne à boire dans cette prison est tellement méchante que, moi, je ne pouvais pas en boire parce que j'aurais eu peur d'attraper quelques maladies.

13. Règlement

18. On ne voit à aucune place sur les murs, dans les couloirs, cellules, ni même dans l'administration, aucun avis de règlement pour diriger les officiers et les détenus dans l'accomplissement de leurs devoirs.

Et je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment, suivant l'Acte de la preuve en Canada.

(Signé) Joseph Hébert

Déclaré devant moi, à Montréal, ce 24e jour de février 1916

(Signé) J. A. Deniger,
Commissaire de la Cour supérieure
pour le district de Montréal

Je, LOUIS LANDRY, demeurant au no 499 rue Demontigny Est, dans la cité de Montréal, déclare solennellement que je suis un libéral actif en politique et j'ai toujours été jusqu'à ce jour libéral en politique.

J'ai fait deux années et dix mois de service comme contremaître couvreur lors de la construction de la prison de Bordeaux. Depuis ce temps, j'occupe une "shop" à mon compte, comme couvreur plombier, au no 273 de la rue Labrecque, en la cité de Montréal.

1. DÉFECTUOSITÉS DE LA CONSTRUCTION DE LA PRISON DE BORDEAUX

1. Solage défectueux

1. Il est à ma connaissance personnelle que l'eau s'introduit au travers du solage qui est en béton, en assez grande quantité, surtout dans les grands dégels. Il a fallu que je change d'appartement parce que l'eau se répandait tellement sur les planchers qu'il était impossible de préparer mon travail pour la confection de la couverture.

2. Enduits

2. Les enduits à plusieurs endroits tombent, surtout dans le soubassement.

3. Couverture

3. Le dôme central de la prison est fait en tôle canadienne clouée sur le bois et peinturée à l'imitation de la coppe.

4. L'autre partie de la couverture est couverte en ardoise clouée sur une couverture en bois, en ayant entre les deux un simple papier de 16 onces et de 12 onces goudronné; il y a du terra cotta sous le papier entre les beams en fer. Le papier n'est pas cimenté.

5. Depuis ce temps, le second contracteur, M. Beauregard, m'a demandé si je voulais bien réparer le dôme qui coulait à plusieurs endroits.

Sur cela, j'ai répondu à l'un des contremaîtres de M. Beauregard qu'il était impossible de réparer ce dôme, qu'il faudrait, pour le mettre en bon ordre, enlever toute la couverture du dôme et en faire une nouvelle.

Pour toutes les couvertures à réparer, il faudrait à peu près un char d'ardoise.

4. Peinture du dôme

6. Je ne sais quelle sorte de peinture qu'il a été posé sur le dôme à l'extérieur, mais ce que je sais, c'est qu'elle s'enlève par galettes partout; à ma connaissance, on a peinturé le dôme deux fois en deux ans et dix mois.

5. Cellules

7. Le système de barrage des cellules me paraissait bien mal fonctionner, parce que je voyais constamment des détenus et des gardes en faire les réparations.

8. En somme, je constate que cette bâtisse est très mal faite en général pour les millions qu'elle a coûté.

Je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment, suivant l'Acte de la preuve en Canada.

Et j'ai signé,

(Signé) Louis Landry

Déclaré devant moi, à Montréal, ce deuxième jour de mars 1916

(Signé) J.-H. Montreuil,
Commissaire de la Cour supérieure
pour le district de Montréal

 

Je, ÉLIE GAUTHIER, forgeron, demeurant au no 380 Adam, Maisonneuve, déclare solennellement:

1. Je suis libéral en politique.

2. Le système de barrage des cellules sur lequel le gouvernement avait fondé beaucoup d'espérances, paraît-il, puisqu'il devait permettre de fermer une trentaine de cellules à la fois, dans chaque aile de la prison, n'a pas donné le service qu'on en attendait. Ce système est défectueux. Quand on lève le levier pour ouvrir ou fermer les cellules, ces dernières s'ouvrent toutes, mais ne se referment pas toutes; il faut passer de l'une à l'autre pour les fermer à la main en tirant la porte. Si l'on ne prenait pas cette précaution, les portes resteraient ouvertes et les prisonniers pourraient s'évader. J'ai fait moi-même cette opération de fermer les cellules en passant de l'une à l'autre des portes. À part cela, il y a toujours un certain nombre de prisonniers employés à réparer les serrures elles-mêmes.

3. Tout ce système de serrures automatiques est défectueux et des morceaux d'un intérêt principal sont trop faibles, il faut certainement les réparer. Si l'on ne réparait pas ainsi ces morceaux, l'on ne pourrait pas ouvrir ni fermer les portes même avec la main.

4. Ce travail d'ouvrir et de fermer les cellules est censé, d'après ce que je comprends, être fait par les gardes, mais il est à ma connaissance que souvent les gardes ne prennent pas la peine de le faire et le font faire par des prisonniers.

5. Les cellules des prisonniers sont très mal chauffées et les prisonniers se plaignent durant l'hiver du manque de chaleur. Il est arrivé que l'on a dû donner deux paires de couvertures aux prisonniers parce que le froid était trop grand.

6. La cause de tout cela, c'est que les radiateurs ont été installés dans les murs où ils ne peuvent développer assez de chaleur pour chauffer suffisamment les cellules. La chaleur de ces radiateurs ne peut venir dans les cellules que par de petits grillages, ce qui est tout à fait insuffisant.

7. Le grillage sert à pendre un prisonnier. Le grillage qui recouvre le ventilateur a servi, à ma connaissance, à pendre un prisonnier que j'ai été obligé de dépendre moi-même, il était mort, dans l'aile A. J'ai été pour lui dire de sortir pour aller à la cour et il ne répondit pas, il était pendu au grillage et mort.

Le pendu s'était pendu à l'aide de sa sling et de sa serviette. Il a mis la sling autour du cou avec la boucle sous la mâchoire puis il a attaché la serviette après la grille du ventilateur qui est à environ 10 pieds du plancher, puis il a attaché son cou après la serviette et s'est pendu.

Il a monté sur son lit pour s'accrocher et, en se laissant suspendre au-dessus du vide, il s'est trouvé assez haut pour se pendre. Celui qui s'est pendu comme cela, c'est celui qui avait volé un sac de cuivre ou d'or, à la gare Bonaventure, en autant que je possède.

J'ai déjà eu connaissance qu'un Italien a essayé à se pendre avec sa sling, et je l'ai empêché parce que je suis arrivé assez vite pour lui ôter sa sling.

Ces deux faits sont arrivés à peu près ensemble.

On aurait dû ne pas laisser les slings aux prisonniers.

C'est à cause du manque de règlement dans la prison que ces deux faits sont arrivés.

Les nouveaux gardes ne connaissaient pas les règlements et ne connaissaient pas ces faits.

8. La plomberie est défectueuse, les tuyaux se bouchent et l'eau se répand en très grande quantité dans les cellules, au grand inconvénient des prisonniers et des officiers.

9. On s'est aperçu évidemment qu'il était ridicule d'avoir tant de lumière dans une prison. On a enlevé un grand nombre de fixtures et on les a entassées dans l'aile F de l'administration. Parmi ces fixtures, il y en avait de très dispendieuses qui coûtaient jusqu'à $15 et $25, etc.

10. Dans la partie centrale de la cuisine, le plafond a dû, durant l'été de 1915, être renouvelé à neuf sur une superficie de 100 pieds par 25 pieds au moins; on a même dû remplacer les lattes métalliques tout à neuf. On a foncé en bois et on a recouvert ce travail en tôle à patrons.

11. Quand on ouvre les portes ou qu'on les ferme, elles frappent fer sur fer. Les prisonniers et même les gardes qui entendent ce bruit pour la première fois en restent tout énervés et ne peuvent s'empêcher de songer à leur fin dernière.

12. Le système de ventilation est tellement perfectionné qu'il sert de téléphone et pour communications diverses. Les prisonniers s'en servent même pour se transmettre des billets, du tabac, etc.

13. C'est un tuyau d'à peu près, je suppose, 6 pouces par 12 qui communique entre elles toutes les cellules du premier au troisième étage, et un prisonnier du troisième peut envoyer quelque chose à celui qui est en bas.

14. J'ai pris moi-même des prisonniers à converser avec ceux qui sont au-dessus ou au-dessous d'eux.

15. Comme ces tuyaux sont embranchés les uns dans les autres, on peut même communiquer avec les cellules voisines. Ceci serait très utile pour le cas où des prisonniers voudraient préparer des coups de mains.

16. Ceci est la cause d'une grande distraction chez les prisonniers qui passent le temps à converser et à égayer leurs loisirs. À part ces ventilateurs, chaque cellule a sa fenêtre.

17. Ce changement, d'après moi, cause de très grands inconvénients aux prisonniers qui habitent les cellules, surtout durant les grandes chaleurs de l'été puisqu'ils ne reçoivent pas l'air du dehors.

18. Ce changement a créé beaucoup de mécontentement chez les prisonniers et le menuisier a été, je crois, menacé de mort par quelques prisonniers. Ceux-ci se plaignent qu'ils ne reçoivent plus assez d'air dans leurs cellules surtout, puisqu'ils y sont enfermés jour et nuit, généralement, sans aucune récréation.

19. Il me semble que, et j'ajoute ceci en passant, s'ils n'y pourvoient pas déjà, ils devraient exiger que les prisonniers sortent de temps à autre et prennent l'air, afin de les délasser et de les empêcher de dépérir dans une atmosphère dont l'air sent toujours la prison.

20. Chaque cellule a sa fenêtre qui est protégée à l'extérieur par un grillage de barreaux de fer. L'on m'a dit que ces barreaux, d'après les contrats, devraient avoir 1 1/8 par 1 ¼ pouce carré et être faits de fer battu. J'ai constaté que ces barreaux ne sont pas carrés, mais ronds, et j'ai tout lieu de croire que ces barreaux n'ont pas un pouce et un quart de diamètre. Mon impression est qu'ils ont 5/8 de pouce.

21. Ces barreaux, il me semble, auraient dû être faits pour être permanents et non pour être remplacés avant de longues années. Or, je sais pour l'avoir constaté moi-même que des prisonniers ont commencé à scier leurs barreaux, ce qui est devenu tellement commun que l'on a préposé des gardes pour faire la revue journalière des barreaux des fenêtres des cellules.

22. En plusieurs endroits, surtout dans les galeries de la prison, j'ai constaté que les planchers en tuiles commencent déjà à se détériorer. Si on ne répare pas ces détériorations immédiatement, il faudra encourir des dépenses considérables avant longtemps pour remettre ces planchers en ordre.

23. Tout l'intérieur de la bâtisse a été fait en peinture, y compris les enduits. Cette peinture a déjà commencé à s'enlever en galettes en bien des endroits. Les visiteurs qui viennent à la prison peuvent facilement constater par eux-mêmes que le travail de peinture a été très mal fait.

24. J'ai lu quelque part dans le contrat passé entre J.-B. Pauzé & Cie, l'entrepreneur de la prison, et le gouvernement de Québec qu'à la finition des travaux l'entrepreneur devait nettoyer la bâtisse et ses alentours, enlever les déchets, le mortier, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et laisser la place en parfait ordre de propreté. Cependant, je puis dire que, si le contracteur a fait une partie du nettoyage, il n'a pas tout fait puisque, à ma connaissance, les prisonniers ont fait cela.

25. Je sais que M. Dame, un garde et le sergent Paré ainsi que plusieurs autres officiers ont eu tour à tour un grand nombre d'hommes sous leurs ordres pour faire ce nettoyage. Cela a pris presque tout un automne et ce n'est pas fini, puisque le soubassement du C n'a pas encore été nettoyé, si je ne me trompe pas.

26. En beaucoup d'endroits, il ne reste plus de vernis sur la boiserie en bois dur dans les chapelles et dans l'intérieur de la bâtisse, en général.

27. Comme administrateur, je considère que M. Landriault est un zéro. Il n'a jamais fait une heure de devoir à la prison, autant que j'ai pu le constater, et, quand il y vient, il ne manque pas sa chance de laisser tomber des injures et des jurons à la tête des officiers. C'est un grossier et un mal éduqué.

28. Il part généralement de la prison en voiture, avec les chevaux du gouvernement si c'est la nuit et en automobile, le jour, son automobile étant en garage à la prison. Si un officier a une discussion avec le geôlier ou s'il se plaint à lui, il s'expose à être suspendu et à perdre son salaire.

29. Lors de la nomination du geôlier Landriault, une quinzaine d'affidavits ou de déclarations sous serment, d'après ce qu'on m'a dit, ont été envoyés au gouvernement de la part des gardes de la prison, par l'entremise de feu l'honorable T. Berthiaume, de La Presse, pour prouver que Landriault était indigne de remplir cette charge. Je crois, si les informations que j'ai reçues sont exactes, qu'il avait peut-être même 28 rapports contre M. Landriault, assermentés à cette époque.

30. Le geôlier est un lutteur (il se proclame "all around athlete"). Pour le prouver, un jour durant l'année 1914, il a fait mettre les officiers en rangs dans le vestibule de l'administration, c'était un matin de paie. Une fois en rangs, les officiers virent tout à coup apparaître devant eux le geôlier en costume de lutteur; il portait son pantalon, ses bretelles pendaient et le reste de son corps était nu; il avait un air martial, la moustache relevée à la "Kaiser", et, d'un air provocateur, il fit l'inspection des gardes, puis il interpella le garde Samuel Vallée et lui dit de sortir des rangs pour venir dans sa chambre se mesurer avec lui afin que l'on sache lequel était le plus fort. M. Samuel Vallée pèse environ 245 livres, il est d'une forte stature et il a la réputation d'un homme fort. Comme c'était après 7 heures du matin, il y avait déjà un grand nombre de prisonniers qui avaient la permission de circuler dans la prison pour vaquer à leurs occupations diverses et un certain nombre dans le bureau de l'administration, de sorte que plusieurs détenus ont été témoins de cette provocation.

31. Il n'y a pas eu de "prize fight" parce que le garde Samuel Vallée, étant malade, a refusé de lutter. Le jour même, ce garde (S. Vallée) a été suspendu pour refus d'obéissance à l'ordre de son supérieur. Je crois qu'il a été dehors durant une quinzaine de jours.

32. Il est à ma connaissance, entre autres choses, que le geôlier a souvent permis à la femme du fameux pickpocket, un nommé Boyd, d'aller passer des heures dans la cellule de son mari, enfermée avec ce dernier, au grand scandale des autres prisonniers, ce qui est contre les règlements et la discipline de la prison.

33. Il y a trois étages de cellules dans chaque aile et de chaque côté de l'aile. Comme il y a actuellement quatre ailes dans lesquelles l'on met habituellement des prisonniers, cela fait 22 séries de cellules parce que, dans l'aile de l'administration, il n'y a que deux rangées de cellules. Pour chaque étage, il y a une trentaine de cellules de chaque côté et ces 60 cellules, environ, par étage sont sous la garde d'un caporal et de deux gardes. Il n'y a quelquefois que le caporal pour faire cette surveillance.

34. Les salaires des officiers et des gardes sont coupés de temps à autre et je serais curieux de voir un rapport démontrant de quelle manière on présente la chose au gouvernement.

35. Les salaires se paient en argent et on nous fait signer une liste de paie, vers le 15 de chaque mois, pour le plein montant qu'on réclame, mais, quand on ne nous paie pas en entier à la fin du mois, comme il arrive souvent que le salaire a été coupé, on nous retient la somme coupée, mais on ne nous fait pas signer un nouveau reçu démontrant exactement le montant reçu.

36. Je l'ai souvent dit à mes confrères qui me jalousaient, parce que je considérais que c'était une injustice qui leur était faite à eux, de couper leur salaire.

Le garde Allard, frère du ministre Allard dans le gouvernement Gouin, ou William Côté, je ne me rappelle pas lequel, m'a montré une lettre qu'il avait reçue du ministre lui disant que la liste de la paie des gardes de Bordeaux était toujours remplie pour le plein montant quand elle partait de Québec, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de perte de salaire de mentionnée sur cette liste de paie qui partait de Québec.

37. Il n'y a pas de médecin qui couche à la prison et je ne connais pas de médecin attitré qui demeure autour de la prison.

38. Le médecin qui a charge de la prison demeure à Montréal. Si un détenu est malade la nuit, il est soigné avec de l'eau et du poivre jusqu'à ce que le médecin vienne. Je l'ai fait moi-même à plusieurs reprises, sur instructions du sergent de nuit.

39. On ne trouve nulle part dans les salles, couloirs ou cellules, ni même dans l'administration, aucun avis de règlement pouvant diriger les officiers ou les détenus dans l'accomplissement de leurs devoirs.

Dans l'ancienne bâtisse, sous M. Vallée, chaque garde avait son livre de règlements: j'ai encore le mien.

Aujourd'hui, il n'y a que les vieux employés, ceux qui étaient dans l'ancienne bâtisse, qui en ont, de ces règlements; ceux de la nouvelle bâtisse n'en ont pas.

Les gardes ne connaissent rien des règlements, ils marchent "va comme je te pousse": bien ou mal, il faut le faire.

Dans l'ancienne bâtisse, il y avait des affiches dans les corridors indiquant les règlements à suivre.

40. Il est à ma connaissance qu'un homme était mourant dans l'hôpital de prison; j'ai été le voir pour le nettoyer car il était dans la malpropreté. On ne l'avait pas nettoyé depuis longtemps et alors, en ouvrant la porte de la chambre où le malade reposait, j'ai constaté une odeur insupportable, personne ne voulait toucher au malade: l'homme est mort quelques jours après dans sa malpropreté.

Quelques jours après, car les morts peuvent rester quelques jours dans la morgue, l'assistant-geôlier, M. David, m'a envoyé pour ouvrir la porte de la morgue et faire sortir un cadavre qui s'y trouvait depuis longtemps. J'ai constaté dans le temps qu'il y avait des mares de sang de répandues sur le plancher de la morgue. Ça sentait tellement mauvais que j'ai été obligé d'attendre un grand moment avant de pouvoir aller fermer la porte afin de faire ventiler l'appartement.

Et je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment, suivant l'Acte de la preuve du Canada.

(Signé) Élie Gauthier

Déclaré devant moi, à Montréal, ce 4e jour de mars 1916

 

(Signé) J.-H. Montreuil,
Commissaire de la Cour supérieure
pour le district de Montréal

 

Cette Chambre censure le gouvernement de la province de Québec pour les abus, les pertes d'argent qui se sont produits dans la construction et l'administration de la prison de Bordeaux.

M. l'Orateur demande à la Chambre si elle veut accepter l'amendement.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il n'y a pratiquement que le chef de l'opposition qui prenne un véritable plaisir à revenir sur cette question de la prison de Montréal. Le gouvernement ne songe pas à l'en empêcher, car l'entreprise de la prison de Bordeaux a déjà été discutée plusieurs fois devant le peuple, en 1908 et en 1912, environ une trentaine de fois dans des élections partielles et toujours avec le même résultat désastreux pour nos adversaires. Ce n'est pas la motion que l'on présente aujourd'hui qui changera l'opinion depuis longtemps faite de la province de Québec.

Le député de Témiscouata a prétendu, hier, que le gouvernement s'est engagé, en 1907, à construire la prison au coût de $750,000. Cette assertion ne reflète pas la vérité. Ce montant est tout simplement celui que la province est autorisée à emprunter pour payer la prison en tout ou en partie.

Le statut 7 Édouard VII, chapitre 36, autorise le gouvernement à construire une prison de dimensions suffisantes pour le district de Montréal.

Il n'y a aucune restriction quelconque relativement au coût de cette prison, mais le gouvernement est autorisé à emprunter $750,000 pour la payer en tout ou en partie.

Par l'acte 9 Édouard VII, chapitre 46, le pouvoir d'emprunt a été porté de $750,000 à $1,500,000, encore pour acquitter le coût de la prison en tout ou en partie.

Le trésorier de la province, conformément à ces deux statuts, a avancé le coût total de la prison à même les revenus ordinaires de la province qui ne s'est pas prévalue de son pouvoir d'emprunt et n'a pas emprunté un seul sou. Conséquemment, la prison a été construite en entier par les revenus ordinaires de la province.

Trois contrats ont été successivement accordés pour la construction de la prison, le premier pour $790,000, le deuxième pour $810,000, et le troisième pour $884,722.

Le gouvernement n'a jamais déclaré qu'il pouvait construire la prison pour $750,000, car le premier contrat de $790,000 ne comprenait que trois ailes, la bâtisse administrative et le corps de garde, les trois autres ailes, les murs de protection, la canalisation, l'aqueduc, la bâtisse des pouvoirs étant laissés de côté.

On s'est aperçu bientôt que les besoins grandissants de Montréal ne permettraient pas de construire une prison de dimensions suffisantes par le premier contrat et c'est pourquoi le deuxième contrat a été accordé.

Ces deux premiers contrats auraient pu, à la rigueur, suffire pour quelques années encore, mais le gouverneur, M. Vallée et les inspecteurs de prisons ont fait rapport au gouvernement qu'il valait mieux compléter la prison immédiatement car, lorsqu'elle serait remplie par 500 ou 600 prisonniers, il serait impossible de compléter les travaux pour finir la construction. Et c'est pourquoi le troisième contrat, au montant de $884,722, a été accordé.

Tous ces contrats, dont le premier remonte à neuf ans, ont été soumis à la Chambre, discutés et approuvés, car, en 1912 , l'actuel chef de l'opposition (M. Cousineau) soumettait à la Chambre une motion de blâme contre le gouvernement relativement à ces contrats qui, alors, ont tous été discutés, examinés et approuvés par la Chambre. La motion du député de Témiscouata (M. Bérubé) sous ce rapport ne contient donc rien de nouveau.

Le député de Jacques-Cartier (M. Cousineau) prétend que la prison a coûté, en chiffres ronds, $3,600,000, que les contrats ne sont que pour $2,500,000 et qu'il y a, conséquemment, $1,100,000 d'extras qui ont été accordés sans soumissions.

Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les comptes qui ont été produits pour voir toute la mauvaise foi de cette assertion. En effet, on oublie que ce montant de $1,100,000 comprenait les items suivants: $120,000 pour les architectes, tel que prévu dans ces contrats; $30,000.00 pour l'achat du terrain, fait il y a au-delà de 20 ans; $7,350 pour un changement dans la brique, tel que recommandé par les architectes; $155,500 pour les fondations, d'après le prix d'unité prévu par le contrat et sur lequel des soumissions ont été demandées; $120,803 pour le mur d'enceinte et les fondations, tel que prévu par le contrat, et sur lequel on a également soumissionné $73,183 pour l'égout, la canalisation et l'aqueduc requis par le bureau d'hygiène de Québec; $31,989 pour une fontaine aseptique, le bureau d'hygiène ayant défendu, et avec raison, de construire les égouts de la prison dans la rivière des Prairies sans un système de désinfection; $11,996 pour les appareils électriques intérieurs; $4,000 pour le système de téléphone intérieur; $11,206 pour l'aménagement des cuisines; $16,723.36 pour l'installation et la modification du chauffage et de la ventilation.

Nous arrivons donc, dit-il, avec ceci que, sur un contrat de trois millions, nous n'avons qu'une somme de $250,000 non prévue.

Il s'agit plus, en cette Assemblée, de $254,000 pour des extras rendus nécessaires à la suite des représentations du gouverneur de la prison qui nécessairement, après s'être rendu dans cette nouvelle bâtisse, a suggéré des modifications dont l'expérience seule montrait la nécessité.

Cette prison était nécessaire, dit-il, et nous l'avons construite à un prix élevé, c'est vrai, mais nous l'avons payée avec nos revenus.

Il est donc absolument faux de prétendre qu'il y a eu des extras non autorisés et non prévus par les contrats au montant de $1,146, 360.

Les députés de Jacques-Cartier et de Témiscouata prétendent que la prison coûte trop cher, mais il suffit de voir ce que coûtent les prisons dans les autres pays pour constater que celle de Bordeaux n'a rien d'exagéré. Celle de Fresnes, en France, coûte $4,000,000; celle de Nantes, $4,400,000; celle de Still Water, $2,500,000; celle de Joliette, $2,000,000; celle de Brooklyn, N. Y., $5,000,000; celle de Blackwell Island, $3,000,000; celle de Learnworth, $3,000,000; et celle de La Seine, en France, $2,800,000 sans son ameublement ni son atelier.

La première partie de la motion qui accuse le gouvernement d'avoir dépensé une somme d'un million et demi sans demander de soumissions et sans avoir été autorisé est donc sans fondement. On voit que les trois contrats qui ont été donnés formaient un total de deux millions et demi et que la somme de $1,550,000 qui fut dépensée additionnellement avait aussi été prévue à l'avance.

Maintenant, on demande à censurer le gouvernement à cause du travail mal fait et de la mauvaise administration. Quant à ce dernier point, cela dit, le ministre regarde le procureur général.

Il trouve étrange que les plaintes viennent, au sujet de l'administration et de la construction, non pas des prisonniers qui sont pourtant les plus intéressés, ni des inspecteurs, ni des architectes qui en ont fait l'inspection, mais de quatre gardes qui ont été expulsés. Il est également extraordinaire que ces gardes, qui se déclarent bons libéraux, aient déposé dans les mains de l'opposition les plaintes qu'ils avaient à faire.

Leurs affidavits sont remplis de commérages et de simplicités. L'un d'eux déclare que les prisonniers de la prison de Bordeaux, la crème de la population évidemment, s'étaient grandement scandalisés parce qu'une femme était venue voir son mari à la prison et qu'on lui avait permis de s'enfermer dans une cellule avec son mari. Le gouvernement n'a jamais reçu de plaintes de la part de ses architectes ou de ses inspecteurs. La prison est bien construite et la province en a eu pour son argent.

C'est l'opinion de tous ceux qui l'ont visitée. Le maire de Toronto a déclaré que la prison de Bordeaux était la plus belle et la mieux aménagée de tout le continent. Un architecte envoyé par le gouvernement espagnol pour visiter les prisons américaines a déclaré que la prison de Montréal était la plus belle de toutes celles qu'il avait vues au cours de son voyage.

Il ajoute que l'opposition devrait cesser, dans son propre intérêt, de jouer sur cette vieille corde. Le chef de l'opposition lui-même devrait regarder par-dessus les murs de prison. Si le Parti conservateur a mis le député de Jacques-Cartier (M. Cousineau) à la tête de l'opposition à Québec pour continuer à ressasser cette vieille affaire, c'est que, n'importe qui étant bon à n'importe quoi, on peut le mettre n'importe quand, n'importe où. Le ministre des Travaux publics déclara également que le gouvernement allait faire une nouvelle inspection de la prison et que les défectuosités seraient réparées aux dépens des entrepreneurs.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Le ministre (l'honorable M. Taschereau) prétend qu'il n'y a pas d'extras et pourtant il a produit, hier, un état donnant un total de plus de $750,000 d'extras relativement aux affidavits des gardes que le ministre ne prend pas au sérieux.

Il apporte le témoignage de prisonniers qui corroborent les faits rapportés par les gardes.

Il est étonnant de voir le ministre venir tourner en ridicule toutes ces affirmations solennelles qui détruisent, en somme, toute sa théorie.

Le ministre prétend encore, dit-il, que le gouvernement n'a pas fait d'emprunt pour la prison de Bordeaux quand le dernier statut est là pour nous apprendre que la prison comptait pour plus d'un million dans le récent emprunt de dix millions.

Le ministre prétend que c'est une des plus belles prisons du monde. Si c'est là son seul titre de gloire, qu'il le garde. Si le gouvernement fait toute sa gloire de la construction d'une prison, c'est son affaire, il n'est pas difficile. Pour d'autres, cette prison restera toujours comme un monument de folie, monument coûteux qui pèsera longtemps et lourdement sur les épaules du peuple.

Aujourd'hui, chaque prisonnier coûte à la province $1,000 par année; peu importe que l'Espagne ou les États-Unis nous envient cette prison.

Le gouvernement devrait accorder une enquête.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le gouvernement ne peut feindre d'ignorer que les hommes qui ont signé les affidavits sous serment sont des libéraux qui ont obtenu leur poste de l'administration.

Il se montre étonné de voir le ministre reprocher à l'opposition son attitude au sujet de la prison. Depuis 1907, l'opposition a toujours eu à ce sujet la même attitude. Aujourd'hui, devant les gaspillages et les déclarations que l'on sait, on a demandé une enquête; on nous l'a refusée. Le ministre croit que nous allons abandonner cette attitude. Nous continuerons de persévérer.

Il rappelle ce que les oppositions réduites ont fait dans les provinces du Manitoba, de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique

Au Manitoba et en Saskatchewan, on a demandé des enquêtes sur des constructions publiques; on les a refusées comme on nous a refusé, hier, celle que nous avons demandée. On connaît les résultats au Manitoba et en Saskatchewan.

Il est donc étrange de voir le ministre des Travaux publics faire un crime à l'opposition de demander une enquête sur cette construction de Bordeaux quand nous produisons des accusations qui justifient cette demande d'enquête.

Le ministre dit que cette construction n'a pas forcé la province à emprunter quand on a été obligé d'augmenter les taxes comme celles des timbres judiciaires.

Mais c'est la politique du gouvernement aujourd'hui de refuser les enquêtes, non pas seulement celles que demande l'opposition, mais celles que requiert l'opinion publique.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Dans le préambule de la motion, on a essayé d'embrouiller les choses et de faire croire qu'on avait trompé l'électorat et qu'on était allé au-delà des pouvoirs du gouvernement.

Il cite des articles des statuts refondus permettant au gouvernement, sans nullement consulter la Chambre, par simple arrêt ministériel, de décider la construction d'une prison.

Le gouvernement n'a pas construit la prison de Bordeaux pour le plaisir de donner un contrat. Donner un contrat, c'est toujours une source d'ennuis pour le gouvernement sûr d'être critiqué par l'opposition, qu'il fasse bien ou mal.

Il y a des années que Montréal réclamait une nouvelle prison, l'ancienne prison étant dans un état lamentable et déplorable, disait-on. À l'époque, l'attention du gouvernement à cet égard avait été attirée par un honorable citoyen de Montréal

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Un député libéral?

L'honorable M. Gouin (Portneuf) J'ai dit "un honorable citoyen", et il n'est pas étonnant qu'il fût un député libéral.

La prison de Montréal s'imposait et nous avons cru qu'il nous fallait une autorisation; on nous a autorisés à emprunter une somme de $750,000 pour payer en tout ou en partie la construction. Nous étions autorisés en plus à emprunter $1,500,000, et, si la prison a coûté plus de trois millions, nous les avons payés. On n'a pas emprunté un seul sou, cette construction a été faite à même les surplus de la province.

Depuis neuf ans, on parle constamment de prison de Bordeaux, en Chambre, et aujourd'hui on crie au scandale parce que le gouvernement ne veut pas accorder une enquête sur des faits puérils établis par des gardes destitués et des anciens pensionnaires de la maison. Pour lui, comme il l'a dit hier, il n'a peur d'aucune enquête et il l'accordera pourvu qu'on la demande d'une façon régulière.

Je n'ai pas peur des assertions que l'on a faites. On nous censure sur des dires de quatre gardes, c'est l'affaire de l'opposition. Nous voterons. Il ne veut pas s'arrêter aux insanités contenues dans les affidavits de la motion. Il n'a aucune objection à les voir imprimées dans les Procès-verbaux de la Chambre.

M. l'Orateur statue sur ce point.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je ne sais pas si l'opposition a l'intention de prolonger cette session, mais il n'est certes pas dans l'intention du gouvernement de l'en empêcher. L'opposition aura toute la latitude voulue dans les circonstances.

Il a toujours été personnellement l'objet des basses attaques provenant de l'autre côté de la Chambre, "mais ma réputation demeure intacte auprès des gens sensés. Depuis 10, 15 et 20 ans, nous administrons cette province de manière efficace, intelligente et honnête." Il permet un vote libre de la Chambre.

Et la motion d'amendement étant soumise à la Chambre, celle-ci se divise et, sur la demande qui en est faite, les noms sont enregistrés ainsi qu'il suit:

Pour: MM. Bérubé, Cousineau, D'Auteuil, Gadoury, Gault, Labissonnière, Morin, Sauvé, Slater, Sylvestre, 10.

Contre: MM. Allard, Bissonnet, Bugeaud, Bullock, Cannon, Caron (Îles-de-la-Madeleine), Caron (Matane), Décarie, Delisle, Demers, Desaulniers, Finnie, Fortier, Francoeur, Gendron, Godbout, Gosselin, Gouin, Leclerc, Lemieux, Létourneau (Montréal-Hochelaga), Lévesque, Mayrand, Mercier, Mitchell, Ouellette, Péloquin, Phaneuf, Pilon, Reed, Robert (Rouville), Robert (Saint-Jean), Robillard, Séguin, Stein, Tanguay, Taschereau, Tessier (Rimouski), Tessier (Trois-Rivières), Therrien, Tourigny, Trahan, Turcot, Vilas, 44.

La motion d'amendement est ainsi rejetée.

Et la motion principale étant soumise à la Chambre, celle-ci l'adopte.

 

En comité:

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas vingt-six mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour édifices publics et loi des établissements industriels, S. R. Q., 1909, articles 3749-3789; 3829-3866; tel qu'amendé par 3 George V, chapitre 37, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas six cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le greffier des conseils de conciliation et d'arbitrage, S. R. Q., 1909, article. 2489-2520 - loi des différends ouvriers de Québec - salaire, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas six mille neuf cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour les juges de la Cour des sessions de la paix, Québec et Montréal, comme juges et commissaires des licences: magistrats de police à Montréal, constables et huissiers audienciers à Québec et à Montréal, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 15 mars 1916

Présidence de l'honorable C. F. Delâge

La séance est ouverte à 3 heures.

M. l'Orateur: À l'ordre, messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Subsides

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas six cent cinquante et un mille trois cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'administration de la justice, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) parle des plaintes qui ont été formulées par l'honorable Georges-Élie Amyot, au Conseil législatif, au sujet de l'administration de la justice à Montréal. M. Amyot s'était plaint de la lenteur avec laquelle les juges rendaient leurs décisions et il avait demandé un remède.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) déclare qu'il n'y a pas eu de plaintes de portées, à sa connaissance, contre l'administration de la justice au chapitre de la juridiction criminelle. Pour ce qui regarde la juridiction civile, il sait qu'on a fréquemment réclamé contre la lenteur de certains juges et qu'il en a été question au Conseil législatif.

Il y a, dit-il, encombrement considérable de causes de la Cour supérieure dans le district de Montréal. Voilà une couple d'années, on a essayé de remédier à ce mal, des juges s'étaient imposé une tâche extraordinaire. Aujourd'hui, la situation est pire qu'elle n'était alors. On reproche aux juges de garder les causes en délibéré trop longtemps et de prendre trop de temps à rendre leur jugement.

Le premier ministre donne lecture d'une lettre qu'il a reçue dernièrement de M. G.-A. Marsan, avocat de Montréal, qui corrobore les dires de l'honorable M. Amyot, l'autre jour, au Conseil. Il y a 22 ans, dit-il, que M. Marsan pratique à Montréal et il a eu à se plaindre de l'encombrement des causes dû au trop petit nombre de juges. Dans sa lettre, M. Marsan cite deux cas: celui d'une cause instituée en avril 1911 et qui est en délibéré devant un juge depuis février 1915; l'autre cause est en délibéré depuis la même date.

L'année dernière, le conseil du Barreau a suggéré de créer une loi pour obliger les juges à rendre leurs jugements dans un délai fixé. M. Marsan prétend que ce délai s'impose et cet avocat ajoute, dans sa lette: "Un juge qui n'est pas capable de rendre jugement après avoir délibéré durant 60 jours est indigne et incapable d'occuper ce poste de juge."

Cette question de l'amoncellement des causes à Montréal a occupé l'attention publique depuis longtemps. Quand l'honorable M. Casgrain exerçait les fonctions de procureur général, on avait suggéré l'adoption d'une loi fixant un délai dans lequel les juges rendraient leurs jugements. Cette suggestion fut refusée.

Il dit qu'il a demandé l'opinion de plusieurs juges qui ont été unanimes à s'objecter à laisser mettre dans les statuts de la province une telle loi.

M. Cousineau (Jacques-Cartier) demande si le procureur général (l'honorable M. Gouin) a eu d'autres plaintes à part les expressions d'opinions du Barreau de Montréal et de M. Marsan.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit qu'il n'a pas eu d'autre plainte. Il ajoute que certains juges diffèrent trop longtemps leurs jugements ou ont un trop grand nombre de causes en délibéré; le premier ministre cite le cas d'un juge qui, à sa mort, avait 240 causes en délibéré.

Il croit que la solution du problème, c'est l'augmentation du nombre de juges et la nomination à ces fonctions importantes d'hommes jeunes, en bonne santé et habitués au travail. J'en connais devant moi, dit-il, qui feraient d'excellents magistrats. Il n'en manque pas chez nos amis de la gauche.

Ce n'est pas au gouvernement provincial de nommer des juges. Tout ce qu'il peut faire, c'est de soumettre la question au gouvernement fédéral.

Il a eu des entrevues avec le ministre de la Justice qui lui a déclaré qu'il était impossible pour le moment d'augmenter le nombre des juges à Montréal. Il faudra donc en attendant demander aux juges de hâter autant que possible l'expédition des affaires.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) déclare qu'il est d'opinion qu'il faut forcer les juges à rendre leurs décisions plus tôt, car certains d'entre eux attendent tellement longtemps qu'ils ne se rappellent plus les faits de la cause qu'ils ont délibérée.

Il cite une cause dans laquelle une certaine Anna Couture a été accusée et trouvée coupable d'obtention d'argent sous de fausses représentations. Il a demandé récemment, en février, la production des documents dans cette affaire et il croit maintenant pouvoir dire que, le lendemain de son interpellation, ce dossier a disparu du palais de justice.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je n'ai jamais entendu parler de cette affaire. Le député de Deux-Montagnes (M. Sauvé) a sans doute été mal renseigné.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) affirme que le dossier de cette cause a été volé.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit qu'après informations prises à Montréal il peut déclarer que toutes les pièces de la cause sont au palais de justice de Montréal et qu'il en fera tenir copie au député de Deux-Montagnes (M. Sauvé) quand celui-ci le voudra.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Depuis quelques jours seulement alors. Il avait bel et bien disparu.

Il parle de certains détails de la cause et des certificats utilisés par les docteurs pour interrompre le procès pendant une longue période.

Si mes informations sont correctes, l'accusée n'a jamais reçu sa sentence; j'ignore si c'est par favoritisme ou en raison des procédures du tribunal.

La résolution est adoptée

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 2. Qu'un crédit n'excédant pas seize mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'inspection des bureaux publics, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas quatre-vingt-sept mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour les registrateurs, traitements et dépenses contingentes, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas vingt mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour divers en général (services divers), pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Comme journaliste et comme député, j'ai toujours été en faveur de l'amélioration de la voirie dans la province de Québec. Les bonnes routes rapprochant nos campagnes des grands centres sont d'un grand avantage pour les cultivateurs et les citadins, pour le producteur et le consommateur. En 1909, le gouvernement faisait adopter une loi accordant des primes aux municipalités pour l'amélioration de la voirie. L'honorable chef de l'opposition, débutant alors dans cette Chambre, prêcha la politique des grandes routes nationales.

Le gouvernement sourit et prétendit que cette politique n'était pas pratique. Quelques années plus tard, le gouvernement faisait adopter sa loi des bons chemins, 1912, pourvoyant à la construction de grandes routes. L'opposition ne s'opposa point au principe de cette loi, mais elle prétendit que la politique du gouvernement manquait de méthode, de plan d'ensemble, ne produirait pas les résultats attendus ou vantés, qu'au contraire elle doterait notre province de bouts de chemins mal faits en trop de localités.

L'opposition s'opposa aussi à ce qu'un conseil municipal pût emprunter sous l'empire de la loi des bons chemins sans le consentement de la majorité des contribuables de la municipalité aussi. Aussi, nous avons demandé la classification des routes, ainsi que le disait encore récemment l'honorable chef de l'opposition.

À peine le gouvernement avait-il mis sa politique en exécution qu'on en aperçut les inconvénients. Dans le but de jeter de la poudre aux yeux du public, le gouvernement se hâta d'inaugurer sa politique. Les élections pressaient et il trouva important pour lui de faire toutes sortes de promesses de générosité et de commencer le plus tôt possible. Il s'agissait de décider au plus vite possible un bon nombre de municipalités à adopter sa politique d'emprunt. Il envoya des conférenciers prêcher l'évangile des bonnes routes par toute la province. Se basant sur les conseils erronés de ces conférenciers, des conseils municipaux ont consenti à macadamiser des chemins et plusieurs de ces municipalités furent trompées par les conférenciers, les ingénieurs, les inspecteurs et le ministre de la Voirie.

Les responsables du gouvernement, poursuit-il, ont incité les municipalités à acheter des quantités considérables de pierre sans leur avoir fourni l'information nécessaire quant à la qualité, et, dans certains cas, les routes furent condamnées en raison de la mauvaise qualité de la pierre pourtant recommandée par les responsables, faisant ainsi encourir aux municipalités des dépenses additionnelles. Ces pratiques amènent les municipalités à des querelles, à des poursuites judiciaires et à des dépenses considérables pour des travaux mal faits.

Les grandes routes souffrent d'un manque de plan et de méthode. Des soumissions spécialement pour la route Montréal-Québec furent demandées, sans plans, sans devis, sur des spécifications fantaisistes, confondant les verges cubes avec les pieds cubes, faisant une différence de 27 à 1. Cela a entraîné des coûts additionnels. Il dit que, dans certaines sections, les inspecteurs du gouvernement ont préconisé des routes macadamisées au coût de $6,000 par mille, alors que, prétend-il, des routes au coût de $2,000 auraient été adéquates et plus durables.

À cause de l'incompétence de certains entrepreneurs et de leur ambition de faire le plus de bénéfices possible, une grande partie de ces routes déjà faites demandent des réparations. Leur entretien va être trop coûteux. Les réparations de la route Édouard VII ont coûté au gouvernement la somme de $321.77 par mille (voir Procès-verbaux, 1916).

Au début de cette session, pour que la Chambre puisse se bien rendre compte du résultat de cette politique de voirie et pour se justifier de voter ou de refuser de voter des deniers pour la poursuite de cette politique, j'ai demandé la production des dossiers relatifs aux municipalités et au ministre de la Voirie depuis 1914. Le ministre de la Voirie s'y refusa et, pour tenter de le justifier, le premier ministre prétendit que ce travail allait coûter $25,000 à la province! J'insistai, consentant à n'exiger que la production de la correspondance, pourvu que le ministre de la Voirie consentît à fournir, au besoin, les renseignements demandés. Plusieurs fois, j'ai dû écrire au ministre de la Voirie pour obtenir les documents demandés et dont la production avait été autorisée par la Chambre. La mauvaise foi dira peut-être que j'ai attendu la fin de la session pour provoquer ce débat, mais la vérité répondra que ce débat pouvait se faire difficilement avant aujourd'hui, faute du gouvernement de produire les documents demandés et parce qu'il y avait aussi d'autres questions à discuter, et que la prorogation ne s'impose que par le désir des ministériels de finir le plus tôt possible la discussion de leurs actes.

Les documents produits sont incomplets. Cependant, par ces documents et des renseignements recueillis ailleurs, il appert que bien des chemins sont mal faits parce que les municipalités ont été mal conseillées et les travaux mal dirigés par les officiels du gouvernement, que le gouvernement n'a pas payé régulièrement les comptes faits par les municipalités en vertu de la loi de 1912; à cause du long retard du gouvernement à payer ces comptes, des municipalités furent obligées d'emprunter aux banques à des taux d'intérêt élevés.

Je soutiens que le gouvernement mérite la censure, pour les raisons dans la motion que nous donnons plus loin.

Il analyse un grand nombre de dossiers dans lesquels sont enregistrées des plaintes à propos du retard à payer les montants dus, des instructions des ingénieurs et des rapports d'inspecteurs.

Il propose en amendement, appuyé par le représentant de Champlain (M. Labissonnière), que tous les mots après "que", dans la motion en délibération, soient remplacés par les suivants:

Attendu que, le 19 janvier 1916, il a été fait en cette Chambre une motion demandant la production de copie de tous documents, correspondance, etc., échangés entre le secrétaire ou aucun des membres des conseils de plusieurs municipalités et le ministère de la Voirie depuis 1914 jusqu'à la date susdite;

Attendu que l'honorable ministre de la Voirie a demandé de ne pas exiger copie de tous les dossiers de ces municipalités, promettant de fournir à la Chambre tous les renseignements nécessaires concernant la voirie et les municipalités;

Attendu qu'aux pages 205 et 206 des Procès-verbaux de cette Chambre nous lisons les interpellations et les réponses suivantes:

M. Morin: 1. Quels ont été les montants dépensés dans la paroisse de Saint-Gédéon, comté de Lac-Saint-Jean, pour travaux de macadam depuis le 1er janvier 1914 jusqu'à date?

2. À qui ces divers montants, soit pour matériaux, travail ou autre cause, ont-ils été payés dans chaque cas?

L'honorable M. Tessier (Réponse): 1. Le gouvernement a payé à la municipalité $38,633.31.

2. Le gouvernement l'ignore.

M. Sauvé: 1. Quel montant a été payé à Étienne Coulombe père, de Saint-Gédéon du Lac-Saint-Jean, au cours de l'année 1914, pour ses services comme secrétaire préposé aux travaux de macadam exécutés dans cette localité?

2. Quel montant a été payé, d'après le ou les rôles de paie couvrant ces même travaux, à toute autre personne ou personnes portant le nom de Coulombe?

L'honorable M. Tessier (Réponse): 1 et 2. Le gouvernement l'ignore.

M. Sauvé: 1. Quel montant a été payé, en 1914, à Wilfrid Boivin, de Saint-Gédéon, Lac-Saint-Jean, pour pierre livrée sur les travaux de macadam en cet endroit?

L'honorable M. Tessier (Réponse): 1 et 2. Le gouvernement l'ignore.

M. Sauvé: 1. Quel montant a été payé, en 1915, à Stanislas Bouchard, de Saint-Gédéon, Lac-Saint-Jean, pour son travail comme journalier ou à autre titre, à l'occasion des travaux de macadam dans les chemins de cette paroisse?

L'honorable M. Tessier (Réponse): 1. Le gouvernement l'ignore.

Attendu que le ministre de la Voirie a donné la même réponse à plusieurs autres interpellations du même genre;

Attendu que le ministre de la Voirie, en consultant les rôles de paie que ces municipalités ont produits à son département, aurait pu donner les renseignements demandés;

Attendu qu'il reste encore à produire un grand nombre de ces dossiers; que plusieurs des dossiers produits sont incomplets quant à la correspondance intervenue entre les corporations municipales et le département de la Voirie;

Attendu qu'il appert, à l'étude de ces dossiers, que les chemins ont été mal faits à cause d'une incompétence et d'un manque de surveillance dont le ministère de la Voirie doit être tenu responsable; que des difficultés nombreuses et presque constantes se sont élevées à cause de l'incompétence des ingénieurs et des inspecteurs, du manque de méthode dans l'application de la loi des bons chemins, 1912, et de l'inertie du ministère de la Voirie; que des conférenciers du gouvernement ont induit des municipalités à acheter de la pierre pour des montants considérables, sans leur donner les renseignements nécessaires sur la qualité de cette pierre, et que ladite pierre a été déclarée inacceptable par un inspecteur du gouvernement, après la confection du chemin où elle avait été posée, et que finalement elle a été acceptée par un autre inspecteur du gouvernement; que des officiers du gouvernement ont visité des travaux dans certaines municipalités et que les instructions des uns contredisent celles des autres; que des officiers du gouvernement, à cause de leur incompétence, ont conseillé de faire du macadam qui a coûté au-delà de $6,000 le mille, dans ces endroits où le gravelage, coûtant au plus $2,000 le mille, eût été plus durable et plus avantageux; que le gouvernement, par son département de la Voirie, a trompé les corporations municipales de cette province, quant au mode de paiement des allocations promises à chacune d'elles pour faire des chemins, quant au mode de remboursement des emprunts faits par lesdites corporations municipales et quant au mode de paiement des intérêts sur lesdits emprunts; que le département de la Voirie n'a pas avec diligence et exactitude rempli les engagements qu'il a pris avec les différentes corporations municipales de cette province relativement aux allocations promises et dues; que, dans la plupart des cas, le département de la Voirie a longtemps tardé, sans raison valable, le paiement des allocations promises et dues aux différentes municipalités; que ce retard dans le paiement des réclamations dues aux différentes corporations municipales a causé de graves préjudices, tant à ces corporations qu'à leurs contribuables, et ainsi a forcé les corporations à contracter des emprunts temporaires à des taux d'intérêt élevés; que l'incurie et l'incompétence du ministère de la Voirie ont causé des difficultés entre les différentes corporations municipales et le trésorier provincial à l'époque des échéances des intérêts;

Attendu que, suivant une réponse à une interpellation, l'honorable M. Mitchell, trésorier de la province, a déclaré que 90 municipalités avaient retardé à payer l'intérêt sur emprunt et que même il avait menacé l'une d'elles de prendre des procédures légales pour obtenir le paiement de ces arrérages d'intérêt (Procès-verbaux de l'Assemblée législative, 11 février 1916, page 185), que, dans un grand nombre de cas, ces difficultés entre le trésorier provincial et les corporations municipales étaient dues au fait que le gouvernement n'avait pas payé les allocations promises et dues par le département de la Voirie, que, dans ces cas, les corporations municipales ont, en général, répondu au trésorier provincial qu'elles étaient grandement surprises d'être appelées à payer l'intérêt au gouvernement alors que ce même gouvernement leur devait un montant plus considérable que le leur;

Attendu que le gouvernement a déjà approprié une somme de quinze millions de piastres ($15,000,000) à la construction des chemins, suivant les dispositions de la loi des bons chemins, 1912;

Attendu que la construction des routes provinciales a déjà coûté jusqu'à ce jour la somme de $4,496,941.30, qu'elles coûteront pas moins de dix à douze millions et que leur entretien sera aussi très onéreux;

Attendu que la réponse à une interpellation consignée à la page 217 des Procès-verbaux de l'Assemblée Législative, 1916, établit que le coût des travaux de réparation dans l'une de ces routes s'est élevé jusqu'ici à $321.77 par mille;

Attendu que, pour la construction de ces routes, le gouvernement a demandé des soumissions, entre autres pour la route Montréal-Québec, sans plans ni tracés, sur spécifications fantaisistes, et que ce procédé a causé ennuis, injustice, préjudices et perte d'argent;

Cette Chambre, reconnaissant la nécessité de l'amélioration de la voirie, invite le gouvernement à modifier sa politique dans l'application de la loi des bons chemins, 1912, à adopter une méthode plus pratique et plus judicieuse, de manière à éviter des dépenses inutiles, des difficultés regrettables, et à ne pas imposer aux municipalités des obligations trop lourdes pour du macadam ou du gravelage dont l'entretien serait trop dispendieux.

L'honorable M. Tessier (Trois-Rivières): Je n'ai pas éprouvé le moindre étonnement à l'audition du député de Deux-Montagnes (M. Sauvé). Cette grosse pièce d'éloquence n'est que la continuation du système de critique que l'opposition a entrepris pour fausser l'opinion publique. Je remarque cependant que mon ami le député de Deux-Montagnes y a mis plus de modération que d'habitude. Ses discours passés nous avaient habitués à des diatribes et ce n'est pas sans une certaine surprise que nous le voyons aujourd'hui un peu radouci.

Cette modération nous surprend d'autant plus que les journaux de l'opposition avaient annoncé que des révélations stupéfiantes seraient faites par le député de Deux-Montagnes au cours de la session. Dès la première séance de la Chambre, le député de Deux-Montagnes a fait des motions pour obtenir une quantité considérable de documents. De plus, l'opposition a déployé en dehors de la Chambre aussi une énergie extraordinaire pour se procurer les renseignements qui devaient confondre le gouvernement. Après avoir fait produire, dit-il, presque tous les dossiers du département et avoir demandé aux secrétaires des municipalités des renseignements sur la construction des chemins en macadam, la Chambre s'attendait pour le moins à voir sortir du sac un chat bien constitué.

Mais, après toute cette préparation, après ces vaticinations, après que l'opposition a eu entre les mains la plus grande partie des documents dont elle a demandé la production, quand le moment est venu de livrer à l'électorat le secret des scandales du ministère de la Voirie, nous voyons sortir du sac un pauvre minet mal léché qui a peine à respirer et qui ne demande qu'à retourner dans le néant.

Le député de Jacques-Cartier fait un grand discours au cours duquel il est obligé de s'arrêter pour éponger son front et pour prendre un ton de voix moins échauffant, et, quand il a fini, nous découvrons qu'il a exposé trois griefs. Il s'est plaint de la lenteur avec laquelle les documents ont été produits, du retard apporté dans le paiement des octrois aux municipalités et de certains défauts dans la construction des chemins. Voilà tout ce que peut trouver le député le plus redoutable de l'opposition après une préparation de deux mois.

Il répond à ces griefs que le département a apporté toute la différence possible à la préparation des documents demandés. Sitôt que la demande fut faite, nous explique le ministère de la Voirie, c'est-à-dire vers le 25 janvier, tous les employés du ministère qui étaient disponibles se mirent à l'ouvrage. Le département a fait appel à nombre de copistes de l'extérieur. Il lui en a coûté plusieurs milliers de piastres. Nous y avons apporté toute la célérité possible et, dans certains cas, des dossiers qui avaient des centaines de pages furent produits dans quelques jours. Il s'agissait de plus de 100 dossiers dont l'un, entre autres, demandé le 29 février, avait 1,300 pages.

Il est cependant étonnant que le député des Deux-Montagnes n'ait pas puisé dans ces documents pour y trouver les principaux arguments qu'il a amenés aujourd'hui. Il a avoué lui-même que la plupart de ses renseignements lui venaient du dehors. Nous pouvons nous demander pourquoi il exigeait tant de promptitude dans la production de ces pièces, quand il ne devait pas apparemment s'en servir. En définitive, le ministre de la Voirie déclare qu'il ne reste plus qu'une quinzaine de dossiers à produire sur une centaine qu'avait demandés le député de Deux-Montagnes. On ne peut vraiment reprocher au gouvernement d'avoir retardé sciemment la production de ces documents.

Le second reproche de l'opposition n'est pas beaucoup plus solide que le premier. Elle nous accuse, dit le ministre de la Voirie, d'avoir retardé trop longtemps pour payer aux municipalités le montant que le gouvernement leur devait pour la construction des chemins. Le chef de l'opposition aurait voulu que l'administration eût payé les municipalités avant la fin des travaux entrepris, mais le gouvernement est trop soigneux pour ne pas prendre le temps de vérifier soigneusement les comptes. Les retards mêmes qu'on reproche à l'administration sont une preuve qu'elle ne sème pas à l'aveuglette l'argent de la province. D'ailleurs, dans la plupart des cas, les retards ont été dus aux municipalités elles-mêmes; ils étaient la résultante inévitable des irrégularités de procédures commises par les secrétaires des corporations municipales. On a dû retourner une quantité de dossiers pour faire corriger des erreurs, pour les compléter.

Les secrétaires municipaux, dans l'envoi des comptes et des estimés, ont souvent fait preuve d'inexpérience et de mauvaise volonté. Dans chaque cas, on n'a payé que quand toutes les conditions ont été remplies et les choses faites absolument régulièrement. Il cite tous les cas mentionnés par le chef de l'opposition, donnant pour chacun la cause du retard dans les paiements. Dans tous les cas, sans exception, le gouvernement a mis toute la célérité possible pour payer ses dettes.

Il ajoute cependant que des retards ont pu être constatés, mais qu'il ne faut pas s'en étonner et s'en scandaliser outre mesure. Il y a certains retards qui son inhérents à une organisation aussi considérable que celle du département de la Voirie: vérification de comptes, mise en ordre des dossiers, classification des documents, etc. Il faut bien songer que, dans le moment, 300 à 400 municipalités se prévalent de la loi des bons chemins et que chacune fait ses rapports en détail; il faut que tous ces rapports soient examinés et vérifiés. L'administration de la voirie de la province de Québec n'est pas une entreprise moindre que plusieurs grandes compagnies particulières où les mêmes erreurs se produisent quelquefois sans être une preuve de mauvaise volonté.

On a encore reproché au département de n'avoir pas construit les chemins suivant les règles de l'art, dit-il. Ce reproche n'est aucunement fondé. Nous ne prétendons pas que ces travaux aient été exécutés parfaitement. Comme toute oeuvre humaine, il y a des imperfections. Il faut tenir compte de la nature des terrains sur lesquels ces chemins ont été faits, de la rigueur des saisons, des conditions climatiques qui changent selon les régions et de diverses autres causes qui peuvent affecter la qualité des travaux. Nous prétendons que nos ingénieurs sont compétents, que tous nos employés sont dignes de la confiance que nous avons mise en eux. Nous préférons prendre le témoignage de ceux qui utilisent les chemins que nous avons construits et qui en sont satisfaits plutôt que de nous en rapporter à ceux qui ont intérêt à critiquer le gouvernement. Aucune municipalité ne s'est plainte de la défectuosité des travaux. Les inspecteurs ont toujours fait des rapports satisfaisants. J'aime mieux me fier à la parole des paroisses où ces chemins sont bâtis et aux rapports des inspecteurs du gouvernement qu'aux renseignements du chef de l'opposition qui sortent on ne sait d'où.

Nous pouvons ajouter que les reproches du député des Deux-Montagnes ne sont pas basés sur des faits particuliers et qu'ils ne peuvent s'appliquer à la construction des routes en général.

Le chef de l'opposition n'a pas osé, continue-t-il, combattre ouvertement la politique de la voirie du gouvernement. Il se contente de signaler certaines défectuosités et voudrait que tout fût parfait. Il ne faut pas oublier que le gouvernement actuel a créé l'oeuvre de l'amélioration de la voirie dans notre province. Il lui a fallu tout organiser, trouver des hommes expérimentés et acheter des machines. Avant 1912, les gouvernements s'étaient peu occupés de cette question. La loi des bons chemins consacrait une politique pratiquement nouvelle dont les effets bienfaisants n'ont pas tardé à se faire sentir dans toute la province. Prétendra-t-on que nous pouvions réaliser pareille réforme et obtenir la perfection dans tous les détails dès le début? Depuis 1912, nous avons dépensé $12,000,000 pour faire 1,700 milles de routes dans la province, tant nationales que municipales. Nous savons comment chaque centin a été dépensé et nous pouvons montrer des progrès proportionnés à la dépense. De tous les côtés, de toutes les parties de la province et de l'extérieur, nous avons eu des félicitations, un grand nombre de municipalités ont profité des avantages qui leur étaient offerts et tous les jours arrivent des demandes nouvelles au département. La route Édouard VII, longue de 36 milles, est terminée; la route Sherbrooke-Derby Line, 31 milles, également. Nous avons fait 66 milles de chemins gravelés sur la route Lévis-Jackman; 147 milles de la route Montréal-Québec sont terminés, le 7 milles qui reste le sera en août prochain, probablement.

Le chef de l'opposition nous a reproché d'avoir été trop vite dans les travaux tandis que les journaux de l'opposition ont prétendu que nous n'allions pas assez vite. Il faudrait que ces messieurs de la gauche accordent leurs violons.

Grâce à l'initiative du gouvernement actuel, grâce au zèle déployé pour mener à bonne fin cette politique de progrès, la province de Québec est aujourd'hui, au point de vue de la voirie, l'égale des autres provinces sinon à leur tête; elle a repris une avance considérable sur les autres. Le gouvernement va continuer dans cette voie pour assurer le développement économique et industriel de la province et le bien-être de tous les citoyens.

Tous les efforts du gouvernement, dit le ministre de la Voirie, tendent aujourd'hui à améliorer encore le système de construction des bons chemins. Nous nous efforçons de donner satisfaction aux municipalités en sauvegardant les intérêts de chacune et ceux de la province. En ce faisant, nous avons la conviction de travailler au développement et à la prospérité de la province de Québec.

M. Labissonnière (Champlain) se dit heureux de seconder les paroles du député de Deux-Montagnes (M. Sauvé). Quoi qu'en dise, dit-il, le ministre de la Voirie (l'honorable M. Tessier), le député de Deux-Montagnes a fait sa preuve contre la politique de voirie du gouvernement dans les dossiers qu'il a demandés et qu'il a réussi à obtenir, bien qu'ils nous aient été présentés de façon assez incomplète.

La politique de voirie du gouvernement est une faillite complète. Il suffit d'avoir voyagé un tant soit peu sur les routes du gouvernement pour s'en apercevoir. On peut voir alors que c'est réellement à partir d'aujourd'hui que l'on doit parler de l'amélioration de la voirie. Car on peut voir qu'après deux ans de construction on en est rendu à faire des dépenses considérables pour réparer ces routes pourtant nouvelles.

On a trompé le peuple relativement à cette confection des routes de macadam. Avant d'en venir à la réalisation de cette politique, on entendait les conférenciers du gouvernement clamer que les routes de macadam du gouvernement devaient durer éternellement.

Le gouvernement n'a pas suivi la moindre méthode dans sa politique et, en cela, il est à blâmer au sujet de l'incompétence de ses ingénieurs. Le ministre de la Voirie, continue le député de Champlain, fait un reproche aux anciens gouvernements conservateurs de n'avoir rien fait à l'endroit des chemins. C'est qu'alors on n'avait pas les moyens que l'on a aujourd'hui. Tout évolue aujourd'hui et c'est être égoïste que de reprocher à ces gouvernements ce qu'on leur reproche aujourd'hui quand alors l'amélioration des routes n'était qu'à l'état d'essai.

L'opposition a toujours été favorable à cette politique de l'amélioration de la voirie. Quand le gouvernement a énoncé cette politique, nous étions favorables au principe. Nous avons fait alors des représentations que l'on n'a pas suivies. Nous recommandions la classification des routes, la compétence parfaite des ingénieurs. Si le gouvernement avait suivi ces conseils, il ne se trouverait pas aujourd'hui en face des difficultés qu'il éprouve et il n'aurait pas à répondre à ces plaintes qui lui arrivent de tous les côtés. Nous sommes donc pour l'amélioration de la voirie, mais à condition que les travaux se fassent avec méthode.

À l'heure où l'agriculture a besoin de tant de choses, de tout l'argent que l'on peut disposer pour les campagnes, on adopte une politique qui fait que les municipalités doivent s'endetter pour améliorer leurs routes. C'est comme cela que le gouvernement actuel sait venir en aide au cultivateur.

Espérons donc que le gouvernement en viendra bientôt à une politique de construction de routes qui ne seront pas presque entièrement à la charge des municipalités.

Il tient à relever les insinuations du ministre de la Voirie (M. Tessier) qui rejette à peu près entièrement la faute des défectuosités, des retards, etc., relatifs à l'administration et à la production des documents sur les trésoriers des municipalités qu'il accuse de négligence et d'apathie. Il déclare qu'il est à sa connaissance personnelle que les trésoriers font leur devoir et que ce sont eux, au contraire, qui ont à souffrir du gouvernement.

M. Grégoire (Frontenac) parle des routes de la Rome antique, en rappelant qu'elles n'avaient pas été construites en un jour. Il prétend que le gouvernement est toujours en période d'apprentissage en matière de construction de routes et qu'il ne peut, comme Salomon, construire des routes en quelques années. Il est surpris par l'attitude de l'opposition. Mais il est facile de critiquer. Si les rôles étaient inversés et que l'opposition avait la responsabilité de construire des routes, ils découvriraient qu'ils ne peuvent pas faire aussi bien que l'administration actuelle.

M. Slater (Argenteuil): Je trouve que le gouvernement mérite d'être censuré relativement au système adopté pour la politique des bonnes routes, étant donné la manière dont plusieurs de ces routes ont été construites. Quelques-unes d'entre elles indiquent déjà des défauts de construction démontrant de façon concluante que le gouvernement emploie des ingénieurs incompétents ou, ce qui est pire, qu'il néglige volontairement la surveillance de la construction des routes. Je ne sache pas que l'honorable ministre de la Voirie (l'honorable M. Tessier) se prend pour un Salomon en pareille matière, mais certainement le gouvernement n'a jamais failli de prendre pareille prétention à son compte. Quelles que soient par ailleurs les méthodes peu pratiques et extravagantes qu'il a toujours suivies.

J'admets que le gouvernement aime à citer des opinions favorables à sa politique. Est-ce que ces opinions ne sont pas par hasard celles d'entrepreneurs, d'inspecteurs ou autres parties intéressées? Que disent les cultivateurs? Ils prétendent que les routes s'effondrent. Ils parlent pourtant en connaissance de cause, car ce sont eux qui s'en servent.

L'opposition est également en faveur des bonnes routes. La province en a besoin. Le peuple en réclame, mais, quand il s'agit d'emprunter des deniers pour des fins quelconques, on doit voir à ce qu'ils soient dépensés de la façon la plus utile possible. Le seul objet du gouvernement semble être d'emprunter de l'argent pour le plaisir de le dépenser sans se soucier de l'utilité de ces dépenses.

Dans le comté que j'ai l'honneur de représenter, des routes récemment construites présentent déjà de graves défectuosités, et ces routes ont été construites à grands frais. Il semble qu'il n'y a que les routes coûteuses qui répondent aux normes du gouvernement, et les municipalités qui désirent des routes en vertu de la loi des bons chemins sont entraînées dans des dépenses extravagantes.

Plus encore, le gouvernement n'a rien prévu pour l'entretien de ces routes. Le gouvernement y a-t-il jamais pensé? Si non, il ne peut prétendre connaître l'a b c en matière de construction de routes. Au congrès sur les bons chemins, M. W. Huber, ingénieur au Département des routes de l'Ontario, a fait valoir l'importance de l'entretien des routes en macadam. Toute planification de chemins en macadam est incomplète, dit-il, si on n'y prévoit pas d'entretien régulier.

Le titre "loi des bons chemins" est mal trouvé. Étant donné les conditions actuelles, cette loi aurait dû s'appeler "loi des mauvais chemins".

Quelles seront les conséquences de la politique du gouvernement? Les municipalités seront-elles chargées de l'entretien coûteux des routes qu'elles auront construites ou le gouvernement se réserve-t-il ce prétexte pour contracter de nouveaux emprunts? Si c'est cela, je puis lui dire que le peuple est déjà excédé de cette politique de la voirie et que la tension est telle que l'équilibre est près de se rompre.

Et la motion d'amendement étant soumise à la Chambre, celle-ci se divise et, sur la demande qui en est faite, les noms sont enregistrés ainsi qu'il suit:

Pour: MM. Cousineau, D'Auteuil, Gadoury, Gault, Labissonnière, Morin, Sauvé, Slater, Sylvestre, 9.

Contre: MM. Allard, Bissonnet, Bugeaud, Bullock, Cannon, Caron (Îles-de-la-Madeleine), Caron (Matane), Décarie, Delisle, Demers, Desaulniers, Finnie, Fortier, Francoeur, Godbout, Gosselin, Gouin, Grégoire, Langlois, Leclerc, Lemieux, Létourneau (Montréal-Hochelaga), Létourneau (Québec-Est), Lévesque, Mercier, Mitchell, Ouellette, Péloquin, Petit, Phaneuf, Pilon, Reed, Robert (Rouville), Robert (Saint-Jean), Séguin, Stein, Tanguay, Taschereau, Tessier (Trois-Rivières), Therrien, Tourigny, Vilas, 42.

La motion d'amendement est ainsi rejetée.

Et alors la motion principale est soumise à la Chambre, qui l'adopte.

 

En comité:

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas trente-huit mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour les écoles du soir, écoles de coupe, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas seize mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le Conseil des arts et manufactures, y compris l'enseignement des beaux-arts appliqués à l'industrie, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas dix mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le Bureau des statistiques de Québec, 3 George V, chapitre 16, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

4. Qu'un crédit n'excédant pas cent quarante mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour les écoles de réformes et d'industrie, y compris les dépenses contingentes, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

5. Qu'un crédit n'excédant pas vingt mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour timbres, licences, etc., pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

6. Qu'un crédit n'excédant pas trente mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour la Gazette officielle de Québec, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

M. Cousineau (Jacques-Cartier): Où est l'Imprimeur du roi?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): M. Cinq-Mars est au front.

La résolution est adoptée.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 7. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'agent en France, traitement et allocation pour loyer du bureau, etc., pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

8. Qu'un crédit n'excédant pas deux mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'agent de la province à Ottawa, traitement, comprenant toutes les dépenses de voyage et autres, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

9. Qu'un crédit n'excédant pas deux cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour annuité à Mlle Marie-Régina Drolet, par résolution de l'Assemblée législative du 3 février 1890, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

10. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le Barreau de la province de Québec, aide à la publication des rapports judiciaires, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

11. Qu'un crédit n'excédant pas mille cinq cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour officier spécial, côte nord du Saint-Laurent, traitement, dépenses de voyages (O. C. no 51 du 31 janvier 1896), pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

12. Qu'un crédit n'excédant pas mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'Association de tir de la province de Québec, Montréal, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

13. Qu'un crédit n'excédant pas quatre cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour la Société de numismatique et d'archéologie de Montréal, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

14. Qu'un crédit n'excédant pas cent piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le Royal Military College of Canada Rifle Association, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

15. Qu'un crédit n'excédant pas cinq cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour S. P. Robins, principal retraité de l'école normale McGill, allocation annuelle en vertu de O. C. no 800 du 21 décembre 1905, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

16. Qu'un crédit n'excédant pas trois cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour la Société de géographie de Québec, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

17. Qu'un crédit n'excédant pas cinq cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le collège de pharmacie, Montréal, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

18. Qu'un crédit n'excédant pas quinze mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour allocation pour le traitement de la tuberculose, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

19. Qu'un crédit n'excédant pas dix mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'agent général de la province en Belgique, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

 

M. Cousineau (Jacques-Cartier) pose une question au sujet du travail accompli en France par M. Godfroy Langlois.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): M. Langlois se tient à Paris en relation avec les réfugiés belges. Il fait un travail sérieux et intelligent.

La résolution est adoptée.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: 20. Qu'un crédit n'excédant pas cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'agent général de la province dans le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, pour dépenses de bureau, en sus du montant autorisé par 8 Édouard VII, chapitre 11, section 4, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

21. Qu'un crédit n'excédant pas cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le conservatoire Lasalle, à Montréal, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

22. Qu'un crédit n'excédant pas sept cent cinquante piastres soit ouvert à Sa Majesté pour le paiement de l'intérêt pour un an au 30 juin 1917, 3% par année sur $25,000, prix d'achat d'une cour à charbon à Québec, acquise pour le chemin de fer Québec, Montréal, Ottawa et Occidental, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

23. Qu'un crédit n'excédant pas douze mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour impression, reliure et distribution des statuts, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

24. Qu'un crédit n'excédant pas six cent quinze mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour les asiles d'aliénés, y compris le transport de patients des prisons aux asiles et autres dépenses contingentes, pour l'exercice finissant le 30 juin 1917.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

 

Demande de documents:

Route Lévis-Montréal

M. Francoeur (Lotbinière) propose, appuyé par le représentant de Laval (M. Lévesque), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copie des résolutions adressées au ministère de la Voirie par certains conseils municipaux des comtés de Lévis, Lotbinière et Nicolet, se rapportant à une route projetée, Lévis-Montréal, sur la rive sud.

Adopté.

 

Messages du lieutenant-gouverneur:

L'honorable M. Mitchell (Richmond) communique un message du lieutenant-gouverneur à M. l'Orateur.

M. l'Orateur lit à la Chambre le message suivant de Son Honneur le lieutenant-gouverneur:

P.-E. LeBlanc, le lieutenant-gouverneur de la province de Québec, transmet à l'Assemblée législative le budget supplémentaire des dépenses pour l'exercice finissant le 30 juin 1916, conformément aux dispositions de la section 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, et recommande ce budget à la considération de la Chambre. (Document de la session no 1a)

Hôtel du gouvernement,
Québec, 10 mars 1916

Il est ordonné que ledit message, avec le budget supplémentaire qui l'accompagne, soit renvoyé au comité des subsides.

 

Questions et réponses:

Octrois pour fins éducationnelles, comté de Portneuf

M. Bernier (Lévis): 1. Quel est le montant des octrois accordés pour fins éducationnelles dans le comté de Portneuf, par le département de l'Instruction publique, depuis 1915?

2. Quelles sont les maisons d'éducation qui ont bénéficié de ces octrois, leur lieu d'établissement et les sommes reçues annuellement pour chacune d'elles, depuis cette date?

L'honorable M. Décarie (Maisonneuve): 1. $8,113.45 dont $2,421.12 sur le fonds des écoles publiques, $1,606.60 sur le fonds de l'éducation supérieure, $1,150.00 sur le fonds des écoles élémentaires, $2,500 sur le fonds des académies commerciales, $165 pour primes aux municipalités les plus méritantes, et $270.73 sur le fonds des municipalités pauvres.

2. Les subventions aux municipalités mentionnées ci-après ont été payées comme suit: (Voir le tableau ci-dessous)

 

Écoles publiques

Éducation supérieure

Écoles élémentaires

Académies commerciales

Municipalités plus méritantes

Municipalités pauvres

Bois de l'Ail

31.16

58.42

200.00

     

Cap-Santé, paroisse

39.34

         

Cap-Santé, village

12.40

58.42

       

Deschambault

81.28

         

Grondines no 1

41.72

58.42

       

Grondines no 2

32.76

         

Lac-Saint-Joseph

6.84

         

Les Écureuils

63.54

58.42

       

Notre-Dame-des-Anges

103.10

       

25.00

Neuville

63.84

58.42

       

Pointe-aux-Trembles

28.60

         

Pont-Rouge

89.90

116.84

 

2,500.00

60.00

 

Portneuf

132.24

116.84

   

30.00

 

Saint-Alban

54.68

 

200.00

     

Saint-Alban, village

63.00

58.42

       

Saint-Augustin

127.94

58.42

   

40.00

 

Saint-Basile

51.84

         

Saint-Basile, village

81.64

58.42

       

Saint-Bernardin

59.22

       

52.20

Saint-Casimir

74.84

         

Saint-Casimir, village

174.72

87.64

       

Sainte-Catherine

32.26

58.42

   

35.00

22.50

Sainte-Christine

41.28

 

100.00

   

23.36

Saint-Gilbert

44.04

 

200.00

     

Sainte-Jeanne-de-Neuville

66.70

         

Saint-Léonard-de-Port-
Maurice

79.90

       

22.50

Saint-Marc-des-Carrières

84.98

       

22.91

Saint-Raymond, paroisse

150.46

         

Saint-Raymond, village

210.42

146.06

       

Saint-Rémi-du-Lac-
aux-Sables

111.58

58.42

250.00

   

23.36

Saint-Thuribe

57.28

         

Saint-Ubalde

127.62

58.42

       

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

-bill 24 relatif à la Commission des chemins à barrières de la rive nord, à Québec;

-bill 182 amendant la loi des assurances de Québec au sujet des agents d'assurances;

-bill 186 modifiant les articles 2168 et 2175 du Code civil et validant certaines législations.

Prorogation de la session

L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande à l'opposition si elle est d'accord pour proroger la session demain.

Une voix de l'opposition donne l'assurance au premier ministre qu'elle accepte de proroger la session le 16 mars.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Allard), que, lorsque cette Chambre s'ajournera aujourd'hui, elle soit ajournée à demain, dix heures et demie du matin.

Adopté.

La séance est levée.

__________

NOTE

 

1. Cette section concernant l'assistant-geôlier porte également le même numéro de section que la section précédente relative à la conduite du geôlier. Cette numérotation fautive a été conservée dans le respect de celle inscrite au Journal de l'Assemblée législative, 1916, pp. 344 et 346.