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Version finale

15e législature, 1re session
(10 décembre 1919 au 14 février 1920)

Le jeudi 5 février 1920

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur

La séance est ouverte à 3 heures.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Taxes sur les corporations, compagnies, personnes,
raisons sociales et associations commerciales

L'honorable M. Mitchell (Richmond) demande la permission de présenter le bill 246 amendant les statuts refondus, 1909, concernant les taxes sur les corporations, compagnies, personnes, raisons sociales et associations commerciales.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, le bill suivant:

- bill 66 autorisant la construction d'une église et d'une sacristie en la paroisse de Saint-Augustin.

Chemins de grande communication

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron) qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 36 amendant la loi des bons chemins, 1912, et la loi relative aux chemins de grande communication.

Adopté.

Palais de justice de Montréal

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse) propose, appuyé par le représentant de Trois-Rivières (l'honorable M. Tessier), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 244 concernant la construction d'une annexe au palais de justice de Montréal.

Adopté.

Pont sur la rivière Batiscan

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse) propose, appuyé par le représentant de Trois-Rivières (l'honorable M. Tessier), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 243 pourvoyant à la construction et à l'entretien d'un pont sur la rivière Batiscan pour compléter la route Montréal-Québec.

Adopté.

Emprunts spéciaux

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, appuyé par le représentant des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 247 pourvoyant à certains emprunts spéciaux à courte échéance pour diverses fins.

Adopté.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, avec certains amendements qu'il la prie d'agréer, les bills suivants:

- bill 59 constituant en corporation de ville le village de Kénogami;

- bill 102 constituant en corporation la ville de Saguenay;

- bill 125 amendant la charte de la ville de Coaticook;

- bill 128 augmentant les pouvoirs de l'exécutrice du testament de feu Charles G. Brown et nommant un curateur à la substitution créée par ledit testament.

Village de Kénogami

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 59 constituant en corporation de ville le village de Kénogami.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Ville de Saguenay

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 102 constituant en corporation la ville de Saguenay.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Testament Charles G. Brown

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 128 augmentant les pouvoirs de l'exécutrice du testament de feu Charles G. Brown et nommant un curateur à la substitution créée par ledit testament.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Coaticook

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 125 amendant la charte de la ville de Coaticook.

Les amendements sont lus deux fois.

Charte de Saint-Germain-de-Rimouski

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 51 amendant la charte de la ville de Saint-Germain-de-Rimouski.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Succession Harrison Stephen

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 53 concernant la succession de feu Harrison Stephen.

Les amendements sont lus une deuxième fois.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) propose, appuyé par le représentant de Deux-Montagnes (M. Sauvé), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif, informant les honorables conseillers que cette Chambre accepte les amendements du Conseil législatif au bill 53 concernant la succession de feu Harrison Stephen, avec l'amendement suivant:

En retranchant tous les mots après "L'article 1 est amendé", dans le second paragraphe desdits amendements, et en les remplaçant par les mots suivants: "en substituant les mots "commune en" aux mots "séparée de", dans la deuxième ligne, et en ajoutant à la clause les mots: "nonobstant les dispositions dudit testament, et quant à l'acte ci-dessus du 11 octobre 1905, le défaut d'autorisation du mari.".

Adopté. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Compagnie du chemin de fer Québec et Chibougamau

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 56 constituant en corporation la Compagnie du chemin de fer Québec et Chibougamau.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Saint-Jérôme

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 89 amendant la charte de la ville de Saint-Jérôme.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

The Wales Home

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 123 constituant en corporation The Wales Home.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Association des gardes-malades enregistrées de la province de Québec

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 143 constituant en corporation l'Association des gardes-malades enregistrées de la province de Québec.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

The Stephens Estate Realties Limited

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 145 validant en acte de transport d'immeubles à The Stephens Estate Realties Limited.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Compagnie de chemin de fer des fermiers de Normandin

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 132 constituant en corporation la Compagnie de chemin de fer des fermiers de Normandin.

Les amendements sont lus une deuxième fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Saint-Jean

M. Bouthillier (Saint-Jean) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 148 amendant la charte de la cité de Saint-Jean.

Adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec un amendement. L'amendement est lu deux fois et adopté.

M. Bouthillier (Saint-Jean) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Ville de Kipawa

M. Simard (Témiscamingue) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 110 constituant en corporation la ville de Kipawa.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Simard (Témiscamingue) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Kipawa Housing Company

M. Simard (Témiscamingue) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 135 constituant en corporation la Kipawa Housing Company.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Simard (Témiscamingue) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Société de construction de Montréal

M. Beaudry (Verchères) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 98 concernant la Société de construction de Montréal.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Beaudry (Verchères) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Succession Charles-Théodore Viau

L'ordre du jour appelle la prise en considération, en comité général, du bill 86 concernant la succession Charles-Théodore Viau.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) propose, appuyé par le représentant de Québec-Centre (M. Cannon), que l'ordre soit révoqué.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il paraît que l'on va amender ce bill avant de nous le soumettre.

La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général1.

 

Demande de documents:

Ponts entre Vaudreuil et Sainte-Anne-de-Bellevue

M. Farand (Soulanges): M. l'Orateur, la raison pour laquelle je demande cette correspondance...

M. l'Orateur: À l'ordre! Je prierais l'honorable député de Soulanges (M. Farand) de m'envoyer sa motion, afin que je la lise à la Chambre avant qu'il prononce son discours.

M. Farand (Soulanges) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Laurier (M. Poulin), qu'il soit présenté à Son Honneur le lieutenant-gouverneur une adresse priant Son Honneur de faire déposer sur le bureau de cette Chambre copie de toute correspondance ou autres documents échangés entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de cette province relativement à la construction des ponts entre Vaudreuil et Sainte-Anne-de-Bellevue.

M. l'Orateur, la raison pour laquelle je demande cette correspondance, c'est que je veux savoir si le gouvernement a fait quelque chose pour la réalisation de ce projet qui a pris beaucoup d'importance depuis qu'il l'a soumis une première fois en Chambre; une commission a été nommée, qui viendrait prochainement demander une charte au gouvernement afin d'avoir le pouvoir de construire ces ponts en escomptant un octroi généreux du gouvernement de même qu'un octroi du gouvernement fédéral.

Il donne quelques explications et renseignements sur la formation de cette commission, puis il parle des avantages de la construction de ces ponts. Non seulement il y a des avantages pour les habitants des comtés de Vaudreuil et de Soulanges, mais pour ceux de tout le district de Montréal, à cause de l'encouragement que ces constructions constitueraient pour la culture intensive dans tout ce district. Ils ouvriraient un marché avantageux et d'accès facile. Les limites de ces ponts seraient à 21 milles du plus grand marché de la province et la ligne interprovinciale se trouve à moins de 18 milles de là. C'est pour cette raison que nous pourrions compter sur l'aide du gouvernement fédéral. Les raisons qui engageraient les cultivateurs des comtés intéressés dans cette entreprise, ce sont celles qui les inciteraient à faire de la culture; il faut leur faciliter l'accès au marché de Montréal.

Nous devons donc avoir plus que confiance sur ce que le gouvernement prenne nos demandes en sérieuse considération.

Il donne l'objet de la commission dont il vient de parler. Il rappelle que déjà plusieurs délégations se sont présentées devant le gouvernement pour appuyer cette demande de construction d'un pont reliant l'île de Montréal à la terre ferme; il croit que ces délégations ont été encouragées, mais il faudrait aujourd'hui avoir l'encouragement de tous les corps politiques et municipaux. C'est pour cette raison que l'on a créé cette commission dans laquelle sont représentés tous ces corps publics.

Les membres de cette commission sont les députés des comtés intéressés, au fédéral et au provincial, un représentant du conseil de ville de Montréal, de la ville de Sainte-Anne-de-Bellevue, de la Chambre de commerce, du Board of Trade, de l'Association des automobilistes, de l'Association des manufacturiers, du Board of Trade de Cornwall et de 15 directeurs choisis parmi les différents corps municipaux. Tous sont intéressés à voir enfin Vaudreuil et l'île Perrot réunis à Montréal par des ponts.

Le but principal de cette commission est de demander au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral des octrois suffisants pour assurer la construction de ces ponts. La commission étudie en ce moment différents moyens pour arriver à son but. Il espère que ses collègues l'aideront à obtenir ces ponts du gouvernement.

M. Pilon (Vaudreuil): Ce projet de construction de ponts m'intéresse beaucoup et je suis heureux qu'on l'ait amené devant la Chambre. Il n'y a rien dans les estimés budgétaires qui nous prouve que le gouvernement provincial va aider, cette année, ce projet. J'espère que le gouvernement mettra un peu de bonne volonté et mènera cette entreprise à bonne fin. J'espère aussi que le gouvernement fédéral, qui n'est pas obligé d'aider financièrement le projet, comprendra qu'il est d'intérêt national et aidera la commission qui a été nommée l'an dernier à réaliser le projet.

Il remercie le ministre des Travaux publics d'avoir envoyé un de ses représentants à la réunion des intéressés qui a nommé cette commission.

Cette question ne peut pas rester éternellement suspendue... Il ne faut pas que le gouvernement oublie que le comté de Vaudreuil et le comté de Soulanges sont dans la province de Québec et que, par conséquent, ils ont droit aux sollicitudes du gouvernement.

M. Miles (Montréal-Saint-Laurent) se déclare très favorable au projet énoncé par le député de Soulanges. Il est certain que la réalisation de ce projet favorisera beaucoup l'alimentation des marchés de l'île de Montréal. Il ajoute qu'il a été prié par le Board of Trade de Montréal de faire des instances auprès du gouvernement pour obtenir toute l'aide possible pour la construction de ces ponts.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Tout le monde réclame la construction de ces ponts. Il serait temps que le gouvernement fasse quelque chose pour assurer la réalisation de ce projet.

Il vante les avantages précieux que la construction de ces ponts apporterait au point de vue de l'agriculture, du commerce et de l'industrie, non seulement dans les deux ou trois comtés intéressés, mais dans toute l'île de Montréal.

M. Bergevin (Beauharnois) propose, appuyé par le représentant de L'Islet (M. Thériault), que le débat soit ajourné.

Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

Admission des femmes au Barreau

M. Miles (Montréal-Saint-Laurent) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Sainte-Anne (M. Conroy), que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 161 modifiant l'article 4524 des statuts refondus, 1909, au sujet du Barreau de la province de Québec.

M. l'Orateur, le bill soulève la question de l'admission des femmes à la pratique du droit dans la province de Québec et mérite, selon moi, toute l'attention de la Chambre. La question a déjà été soumise à deux reprises à la considération de cette Chambre. Dans les deux cas, les opinions étaient partagées presque également; à une occasion, la majorité des opposants au bill n'a été que d'une seule voix.

Je suis désolé d'être si dépourvu de moyens appropriés pour vous soumettre cette question. Il s'agit certes d'un cas où je souhaiterais être moi-même un avocat jouissant d'une éloquence à toute épreuve. Si je pouvais présumer que cette Chambre est maintenant aussi partagée sur cette question, je tenterais de faire valoir tout argument susceptible de favoriser l'adoption de ce bill par l'obtention d'un vote favorable, notamment en faisant appel à la galanterie des membres de cette Chambre, surtout parmi les plus jeunes. Cependant, ce débat relève davantage de la raison que des sentiments. Même si je ne peux le faire aussi bien qu'un ancien membre de cette Chambre - ne possédant ni son éloquence ni les connaissances approfondies que lui a procurées son étude de la question - je peux néanmoins tenter de vous faire part de ses réflexions.

La Grande Guerre a jeté un nouvel éclairage sur cette question. C'est à l'échelle mondiale que le statut des femmes a changé. La guerre était sans doute déjà en cours au moment des premiers débats en Chambre sur cette question, mais l'effet réel de la guerre sur la situation des femmes n'était alors pas tout à fait connu ou compris. Les exigences de la guerre ont amené les femmes de ce pays et d'autres pays à prendre du service. En dehors des états de service réalisés par les femmes durant le conflit dans des domaines relevant de leurs compétences traditionnelles, un champ beaucoup plus vaste leur a été accessible par la force des circonstances. Les femmes, globalement, ont pris le travail des hommes, cela sur un plan non pas local mais bien universel. Il est nul besoin de tout détailler ou de chercher à la faire. Ce sont majoritairement des femmes qui ont remplacé les hommes partis au front. Chez nous, ce phénomène n'a peut-être pas eu autant d'ampleur qu'en France ou en Angleterre. Les banques de ce pays ont employé plusieurs milliers de femmes pour remplacer les hommes combattant en Europe. De nombreux autres exemples peuvent être cités.

Je tiens à souligner que les femmes ont pu préserver la situation en accomplissant la plupart des tâches généralement effectuées par des hommes. Dans tous les pays, on pouvait les apercevoir au volant de véhicules-moteurs, conduisant des ascenseurs, fabriquant des munitions de guerre, dans les services de police, dans les champs ou derrière la charrue. En Angleterre, c'est par centaines et par milliers que les femmes travaillaient à la ferme en remplacement des hommes partis défendre le sort de l'humanité en France ou ailleurs. Allons-nous maintenant les empêcher d'espérer exercer un jour une profession? Allons-nous maintenant dire que les femmes sont incapables de faire le travail habituellement réservé aux hommes? Peut-on affirmer que la femme doit demeurer au foyer? Les femmes sont admises au sein d'autres professions: la dentisterie, la pharmacologie, la médecine et d'autres. Pourquoi le droit demeurerait-il la seule porte fermée aux femmes? Les grandes nations se sont appuyées sur les femmes pour remplacer leurs pères, leurs fils, leurs frères ou leurs maris. Il serait certes inapproprié de dire que leur place est à la maison et que leurs capacités se limitent à l'entretien domestique.

Les femmes d'aujourd'hui ont acquis un sentiment d'indépendance, veulent être indépendantes, responsables de leur sort et capables de gagner leur vie. Elles connaissent maintenant mieux le monde, ont une vision plus éclairée de leur statut véritable et de leur immense apport au sein de leur entourage et de leur pays. Je crois que la guerre, d'une manière ou d'une autre, a permis aux femmes de se mériter une place différente dans le monde.

Remettre en cause la capacité des femmes de pratiquer le droit serait prêter le flanc à la critique et aux comparaisons. Les femmes sont à la hauteur de toute tâche qu'elles entreprennent, bien que, chez elles comme chez les hommes, toutes ne soient pas aptes à agir à titre de plaideuses. Même les plus farouches opposants à l'admission des femmes au Barreau admettront que l'histoire récente a consacré le succès des femmes dans la vie de tous les jours.

Personne n'oserait affirmer qu'une fois admises dans la profession légale les femmes mettraient de côté leurs qualités de coeur, pas plus d'ailleurs que dans d'autres domaines d'activité.

Pourquoi la province de Québec priverait-elle les femmes de ce privilège? À part l'Allemagne, nous serions le seul pays, et la seule province dans le dominion. En Angleterre, les femmes pratiquent avec succès et siègent à titre de juges. En France, on reconnaît les succès remportés par les femmes au Barreau. On dit qu'elles ont conféré plus de dignité à la profession et dans l'administration des lois de ce pays. L'atmosphère régnant dans les cours de justice où elles pratiquent est nettement différente des autres.

Le contact professionnel s'effectue au bénéfice de la cour, du client et du confrère avocat. Aux États-Unis, les femmes sont admises au Barreau; il y a quelques centaines de femmes qui sont inscrites au Barreau de l'État de New York. Dans la province d'Ontario, les femmes sont autorisées à pratiquer le droit depuis 20 ans, mais on peut dire qu'elles n'ont pas abusé de ce privilège puisque seulement quelques-unes - six ou sept -pratiquent le droit.

La province d'Ontario a adopté ce principe il y a 20 ans, Québec ne doit pas rester en arrière d'Ontario. Dans les autres provinces, les femmes sont admises au Barreau. à ma connaissance, des femmes ont réussi dans les domaines de la pharmacie et de la chimie. En dentisterie, elles sont bien acceptées et, en médecine, elles sont particulièrement efficaces pour s'occuper des maux des jeunes femmes. Adoptons donc le principe que les femmes ont droit comme les hommes de faire partie du Barreau.

Cette mesure ne menace en rien la profession légale telle qu'elle se pratique aujourd'hui. Selon toute vraisemblance, les femmes ne manifestent aucune hâte à intégrer cette profession. Cela n'implique pas l'abandon par les femmes des responsabilités domestiques, qui demeurent indiscutablement les leurs. J'envisage l'adoption de cette mesure comme un acte de justice et comme la reconnaissance du statut réel et équitable des femmes, la reconnaissance de l'égalité des femmes et de leurs compétiteurs mâles au chapitre de l'éducation, des capacités et de la mentalité. Je solliciterais la générosité des avocats qui font partie de cette Chambre.

Il (M. Miles) présente des lettres d'appui provenant de femmes en vue de Montréal. Parmi celles-ci se trouve une lettre du Club des femmes libérales de Montréal, signée par la vice-présidente, Mme F. L. Béique, le félicitant et lui offrant ses meilleurs voeux de succès. La lettre est accompagnée de la liste suivante des membres du Club appuyant la motion: Mme A. R. MacMaster, présidente; Mme F. L. Béique, vice-présidente; Mlle Marie-Louise De Serre, deuxième vice-présidente; Mlle Cécile Léger, Mlle W. Eglaugh, Mlle J. C. Walsh; Mme David Seath, Mme Pierre Casgrain; Mme Louis Fitch; Dr Grace Ritchie England; Mme Rosaire Thibodeau; Mme Gustave Grenier; Mme J. S. Archibald; Professeur Carrie M. Derick; Mme J. C. Macdiarmid; Mme M. Fortier; Mme Calixte LeBeuf; Mme O.-P. Dorais; Mme Jos. Archambault; Mme Athanase David; Mme Charles Rinfret; Mme J.-E. Lesage; Mme Alphonse Verville; Mme Donat Brodeur; Mme Henriette Tassé; Mme A. K. Cameron; Mme Frieda Arkin; Mlle Madeleine Sheridan; Mlle Semple et Mme G. A. Brown.

Lady Drummond, dont le travail avec la Société canadienne de la Croix-Rouge durant la guerre lui a valu d'être connue et vénérée partout dans le dominion, a écrit: "Il est à souhaiter que cette province, dans ce domaine comme dans d'autres, saura se montrer à la fois progressiste et conservatrice au sein du dominion. L'accès élargi à la vie professionnelle qui a été consenti aux femmes dans la plupart des pays civilisés s'appuie sur les expériences du passé.

Cela a servi à enrichir la communauté en permettant l'éclosion et l'expression de talents rares et remarquables chez des femmes des grands centres urbains. Selon moi, il n'y a pas lieu de craindre une invasion de certaines professions par les femmes, puisqu'une majorité d'entre elles ont trop de tâches spécifiques à accomplir pour espérer entreprendre une carrière professionnelle ou commerciale. Cependant, pour celles dont les obligations sont moins accaparantes et qui en ont l'aptitude et le désir, il devrait être consenti ce droit de développer leurs talents et de les mettre à profit. Au nom du bien-être de notre communauté, ce droit devrait leur être accordé."

Il fait aussi la lecture de lettres et de télégrammes d'un grand nombre d'organisations féminines favorables à l'admission des femmes au Barreau. Parmi celles-ci, la Ligue des ménagères de Montréal, la Ligue des femmes catholiques de langue anglaise, le Conseil des femmes juives de Montréal, la Société L'Aide de la France, l'Union des femmes de McGill, le Fonds patriotique canadien, par Mlle Helen Y. Reid, les Anciennes de McGill, le Club des femmes de Montréal, la Ligue de tempérance des femmes chrétiennes de Montréal, la Société des femmes pour la libération de la France, le Club musical Matinée, l'Association montréalaise pour les aveugles, le Club Khaki, le Conseil local des femmes de Montréal et 50 autres sociétés affiliées, la Ligue des femmes catholiques et plusieurs autres.

Nous comparaissons au procès des femmes. Elles ne revendiquent pas, mais elles nous observent discuter d'un principe. Quelle est la réponse? N'a-t-on pas fait preuve d'égoïsme jusqu'à présent? S'agit-il d'une réponse adéquate que d'affirmer que la place des femmes est à la maison? Les médecins n'ont pas réussi à imposer un tel raisonnement. Il est inexact de prétendre que les intérêts en cause seront mieux servis si les portes des professions légales demeurent fermées pour les femmes.

Les femmes se sont introduites dans toutes les autres professions. Il me fait donc plaisir de solliciter votre appui à ce bill qui permettra aux femmes d'étudier et de pratiquer le droit quand cette noble discipline constituera leur choix de carrière.

M. Philps (Huntingdon) dit que les femmes sont appelées à obtenir les mêmes droits que les hommes; elles doivent obtenir ces droits comme elles le demandent. En cette matière comme dans d'autres, cette province progressiste ne devrait pas être à la remorque des autres.

Évidemment, le temps est fini où la femme doit être confinée à la cuisine et il verrait avec chagrin tout membre de cette Législature s'opposer à la motion du député de Saint-Laurent (M. Miles).

Il parle du travail de véritable patriotisme accompli par les femmes durant la guerre. Il décrit ce travail accompli par les femmes de toutes classes en faveur de la victoire des alliés et il souligne que la province de Québec serait le seul endroit où ce travail ne serait pas reconnu.

La récompense que l'on devrait accorder aux femmes devrait être au moins de leur donner les mêmes droits qu'aux hommes, dit-il. Les femmes ont gagné sur les champs de bataille les mêmes droits que les hommes. Elles nous demandent un privilège, donnons-leur ce privilège!

M. Grégoire (Frontenac) félicite ses amis anglais et écossais de leurs intéressants discours, il fait l'éloge des belles races qu'ils représentent. Il fait aussi des compliments à la femme, mais la femme doit rester là où la Providence l'a placée. La femme canadienne-française ne désire pas mieux, et elle serait la première à s'opposer à ce droit que l'on veut lui conférer.

Ce serait mentir aux traditions ancestrales, à ces traditions qui ont fait la nationalité canadienne-française, ce qu'elle est; enfin ce serait un non-sens, ce serait un sacrilège que de conférer ce droit à nos femmes. Nos pères ont été heureux sans avocates, nous pouvons l'être aussi.

Québec n'a de leçon ou d'exemple à recevoir d'aucune autre province du dominion. Je suis certain, dit-il, que, malgré toutes les lettres et tous les télégrammes reçus d'associations canadiennes-françaises de Montréal en faveur de la motion, et produits par le député de Saint-Laurent (M. Miles), le grande majorité des femmes de la province ne souhaitent pas être admises à la pratique du droit.

Mais avoir des avocates, ce serait peut-être faire enlever la chance à tout ce que nous avons d'avocats de gagner des causes. Car la femme, quand elle s'occupe d'une chose, y met tout son coeur, toute sa volonté et, si elle entrait au Barreau, elle y aurait des triomphes. Mais nos femmes, nos femmes canadiennes-françaises peuvent être beaucoup plus utiles ailleurs qu'au palais. Et c'est pour cela que je ne favorise pas la proposition du député de Saint-Laurent.

M. l'Orateur, je ne m'imagine pas une femme portant la toge et argumentant devant un juge. Quel avènement prosaïque pour moi, monsieur, qu'une femme faite homme! Ce bill aurait pour résultat d'anéantir toute poésie en permettant que des querelles juridiques transforment les femmes en hommes.

M. Lemay (Sherbrooke) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Laurier (M. Poulin), que le débat soit ajourné.

Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

Ingénieurs civils

M. Beaudry (Verchères) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 167 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux ingénieurs civils soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills publics en général.

Canton Bourdages, comtés de L'Islet et de Montmagny

L'honorable M. Perrault (Arthabaska) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 14 relatif au canton Bourdages situé partie dans le comté de L'Islet et partie dans le comté de Montmagny soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Notre intention est de faire faire un nouvel arpentage, à la demande des citoyens de ce canton qui ont une partie de leurs terres dans Montmagny et l'autre dans L'Islet. Nous allons faire refaire le cadastre de ces lots. C'est une loi d'intérêt public.

M. Achim (Labelle): Il y a une population d'un canton de mon comté dans le même cas. J'ai adressé au ministre une requête pour obtenir qu'on refasse le cadastre de ce canton du comté de Labelle.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Le ministre de la Colonisation est à étudier cette question et nous pourrons rendre une réponse à l'honorable député de Labelle bientôt. J'espère que la réponse sera favorable.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges) demande quelques explications.

Le comté étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

La séance est levée.

__________

NOTE

 

1. Voici ce qu'ajoute L'Événement au sujet de ce projet de loi:

Un héritier du fameux M. Viau, de Montréal, demande dans ce bill qu'on change une clause du testament de son père qui dit qu'un de ses enfants qui n'épousera pas un sujet britannique catholique sera déshérité. Cet héritier a épousé une Américaine et, par son mariage, elle est devenue sujet britannique. On apprend que le testateur ne voulait atteindre, par cette clause, que les chercheurs de dots: les princes, les comtes et les marquis exotiques, qui nous ont déjà assez enlevé de charmantes jeunes filles, et qu'il ne visait pas nos voisins américains.

Le bill a déjà été tué au comité. On espère que les députés seront, cette fois, un peu moins sévères et comprendront un peu mieux ce que voulait, par son testament, le fondateur de Viauville.