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Version finale

16e législature, 4e session
(11 janvier 1927 au 1 avril 1927)

Le mercredi 30 mars 1927

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur

La séance est ouverte à 11 h 30.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Messages de l'administrateur:

L'honorable M. Nicol (Compton) transmet à M. l'Orateur et M. l'Orateur lit à la Chambre le message suivant de Son Honneur l'administrateur de la province:

F.-X. Lemieux, l'administrateur de la province de Québec, transmet à l'Assemblée législative le budget supplémentaire des dépenses pour l'exercice finissant le 30 juin 1927, conformément aux dispositions de la section 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, et recommande ce budget à la considération de la Chambre.

Hôtel du gouvernement,

Québec, le 30 mars 1927

(Document de session no 1-A)

Budget supplémentaire, 1926-1927

L'honorable M. Nicol (Compton) propose, appuyé par le député de Montréal-Sainte-Anne (l'honorable M. Dillon), que le message de Son Honneur l'administrateur soit renvoyé au comité des subsides avec le budget supplémentaire qui l'accompagne.

Adopté.

Embargo sur le lait

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine) se lève sur une question de privilège. Je vois dans Le Devoir d'hier une nouvelle tendancieuse au sujet de l'embargo sur le lait canadien aux États-Unis. Je n'ai aucune responsabilité dans cette affaire d'embargo et il est injuste de vouloir tenir le gouvernement responsable de l'état de choses qui en résulte. Si des cultivateurs ont besoin de conseils pour faire face à la situation qui leur est faite par l'embargo, ils sont mieux de s'adresser au ministère de l'Agriculture plutôt qu'au Devoir1.

Le gouvernement provincial ne veut pas faire de commentaires sur l'embargo imposé par les autorités de Washington, mais j'aimerais préciser que l'on a souvent conseillé aux cultivateurs de Québec de se consacrer davantage à la fabrication du beurre et du fromage plutôt qu'à la fabrication du lait et de la crème.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Ordonné: Qu'un message soit envoyé à l'Assemblée législative pour lui transmettre les détails suivants de la dépense de $58,276.89.

Montant payé aux honorables membres du Conseil législatif, conformément aux termes de la section 4, du chapitre 3 des statuts refondus, 1925:

Indemnité

$43,830.00

Dépenses de voyage

$181.08

Montant de diverses dépenses contingentes autorisées par leConseil législatif

  $14,265.81

 

$58,276.89

 

et l'informe que le Conseil législatif est d'opinion que, dans l'intérêt de l'harmonie qui doit régner entre les deux Chambres, il vaudrait mieux laisser à la Chambre qui a ordonné les paiements, la vérification critique du détail de comptes tels que ceux dont il s'agit dans la résolution précédente.

Que ladite résolution soit communiquée à l'Assemblée législative par le greffier.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 5 modifiant certaines dispositions des statuts refondus, 1925, concernant les expropriations;

- bill 7 modifiant le code municipal;

- bill 47 modifiant la loi des licences;

- bill 66 modifiant la loi des tribunaux judiciaires relativement aux Îles-de-la-Madeleine.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 13 modifiant la loi de l'assistance publique de Québec;

- bill 14 modifiant la loi des droits sur les divertissements;

- bill 21 concernant l'agrandissement des palais de justice et prison du district judiciaire de l'Abitibi;

- bill 22 autorisant la construction d'un palais de justice et d'une prison à Rouyn.

Loi de l'assistance publique

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 13 modifiant la loi de l'assistance publique de Québec.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Droits sur les divertissements

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 14 modifiant la loi des droits sur les divertissements.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Palais de justice et prison de l'Abitibi

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 21 concernant l'agrandissement des palais de justice et prison du district judiciaire de l'Abitibi.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Palais de justice et prison à Rouyn

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 22 autorisant la construction d'un palais de justice et d'une prison à Rouyn.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

 

Demande de documents:

Loi de compensation des accidents du travail

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) propose, appuyé par le député de L'Islet (M. Thériault), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toute correspondance du gouvernement demandant aux compagnies d'assurances contre les accidents du travail ou aux associations de ces compagnies de produire les nouveaux taux qui doivent venir en vigueur le premier avril prochain, de toute liste de ces taux et de ceux actuellement en vigueur dans la province d'Ontario en la possession du gouvernement et de toute résolution transmise au gouvernement demandant des modifications à la nouvelle loi de compensation des accidents du travail.

Adopté.

Loi des accidents du travail

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat sur la motion dont elle a été saisie le mardi 29 mars courant: que le bill 70 modifiant la loi des accidents du travail, 1926, soit maintenant lu une deuxième fois.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Le gouvernement est obligé de reculer avec sa loi des accidents du travail et devrait dire: L'opposition nous a fait des suggestions que nous n'avons pas voulu accepter mais nous les acceptons aujourd'hui. Loin de là, le ministre du Travail (l'honorable M. Galipeault) nous a dit que nous n'avions pas discuté sa loi, l'an dernier.

L'honorable premier ministre nous a dit hier soir que le premier amendement de l'opposition était du camouflage. Que demandions-nous l'an dernier? La création d'une commission...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Lisez tout votre amendement.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Nous demandions aussi la mise en vigueur de la loi le 1er avril 1926. On ne nous a jamais dit alors que c'était là la cause du rejet de notre amendement. On nous l'a dit hier. Depuis six ans, les ouvriers et les industriels demandent d'améliorer la loi et le gouvernement a sans cesse retardé. Mais pourquoi ne pas avoir accepté la commission permanente l'an dernier, comme demandée par les ouvriers, et retarder un peu l'application de la loi? Je crois que l'honorable premier ministre se prétendait bien plus renseigné qu'il ne l'était, l'an dernier, et je pense que ce retard aurait pu et aurait dû être évité.

M. Authier (Abitibi): Lorsque les ouvriers sauront les motifs du gouvernement pour retarder l'application de cette loi, ils l'appuieront comme moi sans réserve. Les taux d'assurances proposés sont exorbitants. Le gouvernement a bien fait de remettre à plus tard l'application de la loi pour étudier les améliorations nécessaires. Il n'y a pas de doute que, telle quelle, la loi aurait été désastreuse pour les petites industries de la province et la décision d'attendre un an de plus avant de prendre cette loi en considération satisfera tout le monde.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Galipeault) a prétendu à tort que l'opposition n'avait pas fait son devoir en discutant la loi des accidents du travail. Cette loi présente des difficultés sérieuses qu'il convient de considérer complètement. L'hésitation du gouvernement l'an dernier et le retard que l'on nous demande cette année complique davantage le problème des accidents du travail.

Cette loi qu'on nous demande de ne pas appliquer, tous les ministres en faisaient l'éloge, l'an dernier. Le ministre qui représente les ouvriers (l'honorable M. Lapierre) disait: "La loi rend justice à l'ouvrier." Le député de Mégantic (l'honorable M. Lapierre) disait encore: "La loi mettra fin aux tentations des avocats." Le ministre se prononçait contre la commission. On a dit que le chef de l'opposition n'avait pas pris part à cette discussion. J'ai parlé sur cette question et nous avons eu trois débats l'an dernier. Nous avons combattu cette loi que l'on n'ose plus appliquer.

Ce n'est pas avec le feu d'artifice du premier ministre ni avec les inexactitudes du ministre des Travaux publics (l'honorable M. Galipeault), qui est patron, aviseur légal de gros patrons et en même temps ministre du Travail, que le gouvernement pourra faire croire qu'il a fait tout son devoir pour arriver à une solution du problème que présente sa loi, mal faite et inapplicable. Si nous avions eu un vrai ministre du Travail, donnant son temps à l'étude des questions patronales et ouvrières, désireux de rendre justice aux patrons et aux ouvriers, il aurait travaillé avec la commission qui a étudié pendant deux ans les différents intérêts liés à une loi de ce genre, et la question aurait été réglée l'an dernier.

Le gouvernement apporte son projet de loi aux dernières heures de la session, alors que toute discussion est difficile. Il est acculé. Il ne peut avancer et comme le flot de Racine, il recule épouvanté.

Le premier ministre dit que c'est son gouvernement qui a fait toute notre législation ouvrière. J'ai établi déjà l'inexactitude de cette prétention. Le premier ministre ne dit pas ce qu'ont réclamé le docteur Jobin, Armand Lavergne, J.-A. Langlois, ex-député de Saint-Sauveur. Il veut ignorer les conditions des métiers d'autrefois et le mérite des ouvriers de s'être organisés pour réclamer leurs droits. Nous avons eu une commission composée d'un juge, d'un patron et d'un ouvrier. Elle a fait un rapport et des suggestions. L'an dernier, le gouvernement a fait sa loi en se basant sur les suggestions du juge, lesquelles ne concordaient pas avec celles du représentant des ouvriers.

En trois débats, quoi qu'en disent un budgétivore du gouvernement, M. Gustave Francq, et M. Brunet, l'opposition a tellement fait son devoir que j'ai reçu pour elle les remerciements chaleureux de MM. Labrèche et Massé. M. Brunet est venu lui-même au cours du débat critiquer l'attitude du gouvernement. On me rapporte que M. Francq a dit récemment: "Si je n'étais pas aussi lié au gouvernement, je me présenterais contre lui aux prochaines élections."

Mes amis de la gauche ont dit ce que nous avions fait l'an dernier. Notre politique était la plus pratique. Nous la préconisons encore. Nous continuons à vouloir une commission et un système d'assurances qui rende justice aux patrons et aux ouvriers.

La reculade du gouvernement à la veille des élections est lamentable et révèle non seulement la violence d'un devoir, un deni de justice, mais un profond mépris de l'ouvrier. Le gouvernement n'a pas le courage de se présenter devant le peuple avec une loi des accidents du travail telle qu'il la veut. L'an dernier, le gouvernement voulait faire des élections dans le cours de l'année 1926, et il proposa de remettre l'application de la loi au mois d'avril 1927; cette année il remet sa loi à plus tard parce qu'il veut faire des élections avant d'adopter définitivement sa loi. Il cache ses intentions afin de mieux tromper, berner les patrons, les ouvriers et les assureurs.

Il reproche au gouvernement de ne pas s'occuper des revendications ouvrières. Il cite le discours du premier ministre l'an dernier et celui du député de Montréal-Sainte-Marie (M. Houde). Il défie le gouvernement de dire ce qu'il a l'intention de faire.

La politique de l'opposition est bien connue. Elle demande la création d'une commission dans l'intérêt de l'ouvrier, du patron et de l'assureur. Nous allons présenter un amendement au projet que l'on nous demande. Si on refuse notre amendement, nous serons obligés de voter pour le retard de l'application de la loi et l'an prochain nous proposerons de nouveaux amendements pour satisfaire les intéressés.

L'opposition dit: "Si le gouvernement avait accepté mes suggestions et mes amendements, la loi aurait donné justice aux parties intéressées." L'opposition propose encore ses amendements, parce qu'elle croit que la loi du gouvernement est injuste pour les parties en cause et inapplicable. Nous ne sommes pas pour une loi inapplicable, ni pour demander d'imposer aux patrons et aux ouvriers une loi qui méprise le bon sens et l'équité. Nous ne ferons pas cela. Le gouvernement recule. Qu'il porte la responsabilité de sa reculade. L'opposition avait cru qu'elle pouvait se baser sur le discours du trône pour diriger ses travaux de la session. Le discours du trône que le gouvernement a mis dans la bouche du représentant du roi est un tissu de mensonges et de tromperies. Le gouvernement ne nous a pas donné les mesures que nous annonce le discours du trône. Exemple: son tribunal du Lac Saint-Jean; l'amortissement des emprunts contractés pour la construction de certaines catégories d'écoles rurales.

Après les deux années d'étude de sa commission, le gouvernement avait eu un an pour voir à l'application de sa loi. Après neuf mois, le représentant du roi déclare que son gouvernement va appliquer la loi au mois d'avril. Il y a un mois, le premier ministre faisait la même déclaration et maintenant il hésite, il tremble, il recule. Il n'a pas le courage de dire au peuple ce qu'il fera pour l'ouvrier et le patron au cas où il serait maintenu au pouvoir. Il est pris entre certains gros intérêts et ceux des ouvriers. Mais le peuple de cette province ne se laissera plus prendre aux appels trompeurs de ce gouvernement.

À la prochaine session, lorsque nous serons au pouvoir, nous présenterons nous-mêmes les amendements à cette loi. (Rires à droite) Ce ne sont pas les rires de la droite qui changeront notre opinion. L'histoire de France nous enseigne que les députés qui entouraient Louis XVI riaient pendant que le peuple criait au dehors. Les députés ont tombé, le trône aussi.

M. Létourneau (Québec-Est): Toute la question se résume à ceci. Les assureurs viennent de nous soumettre leurs taux et le gouvernement considère que ces taux vont nuire à l'industrie. On nous demande de retarder l'application de la loi. C'est justice.

L'honorable chef de l'opposition a dit que le gouvernement allait tromper les ouvriers. Quel a été le protecteur et le défenseur des ouvriers en cette province, sinon le Parti libéral?

Dans une question aussi importante on ne peut prendre assez de précautions et j'appuierai le projet du gouvernement.

M. Fortier (Beauce): Il ne faut pas laisser les ouvriers sans assurances contre les accidents du travail. C'est pourtant ce qui est à craindre si nous ne retardons pas l'application de cette loi, car les petits industriels, ceux de la campagne surtout, ne pourront pas assurer leurs ouvriers. Le gouvernement a donc raison de vouloir retarder la loi qui est presque parfaite, sauf pour la question des taux d'assurances.

L'honorable chef de l'opposition a dit que les députés de la droite s'amusaient. Nous travaillons de notre mieux. Lorsque nous nous amusons, nous en devons le mérite au chef de l'opposition à cause de ses exagérations.

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): Le débat qui vient de se dérouler montre qu'il est nécessaire de retarder l'application de la loi des accidents du travail et le gouvernement n'hésitera pas à faire l'acte de courage que nous avons annoncé. Nous partageons notre responsabilité avec des ouvriers qui trouvent que notre loi est presque parfaite mais vont comprendre qu'elle ne peut être appliquée tout de suite. Nous partageons notre responsabilité avec les patrons, qui ne peuvent assurer leurs employés aux taux proposés. Nous partageons notre responsabilité avec les membres de l'opposition qui, quoi qu'on dise, n'ont pas fait grand-chose pour la préparation de cette loi.

L'opposition a dit que le ministre du Travail n'avait pas la mentalité ouvrière. J'ai connu et je connais encore les ouvriers et l'avenir dira en qui ils ont confiance. L'honorable premier ministre n'avait peut-être pas la mentalité ouvrière, mais il a été ministre du Travail pendant plus de 15 ans et c'est lui qui a donné aux ouvriers les lois et un grand nombre des privilèges dont ils sont satisfaits.

M. l'Orateur, le devoir du gouvernement, dans l'intérêt des ouvriers et des patrons, est de suspendre l'application de cette loi. Nous accomplissons notre devoir. L'honorable chef de l'opposition a parlé de révolution. Il ne devrait pas parler comme cela et il ne devrait pas parler de décapitation, lui qui tous les ans est menacé d'être décapité.

Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): Je propose la troisième lecture du projet.

M. Houde (Montréal-Sainte-Marie): M. l'Orateur, je veux parler sur la question...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Est-ce que vous serez long? Il est 1 heure.

M. Houde (Montréal-Sainte-Marie): Je ne serai peut-être pas long mais vigoureux.

Une voix ministérielle: Oh! oh!

M. Houde (Montréal-Sainte-Marie) propose, appuyé par le député de Montréal-Saint-Jacques (M. Beaudoin), que le débat soit ajourné.

Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

Indemnité sessionnelle de feu Arthur Plante

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le député de Châteauguay (l'honorable M. Mercier fils) que l'indemnité sessionnelle de feu M. Arthur Plante, député de Beauharnois, soit payée à sa soeur, Mme de Martigny, avec laquelle il demeurait.

Adopté.

Épidémie de typhoïde

L'honorable M. David (Terrebonne): Le gouvernement ne peut rester indifférent à l'épidémie de typhoïde qui sévit actuellement à Montréal et qui a fait déjà plusieurs victimes. Nous avons décidé d'aider les autorités de Montréal à enrayer cette épidémie. Il y va du bon renom de la métropole. Au nom du gouvernement et de notre service d'hygiène, j'ai échangé hier avec M. le docteur Boucher, médecin en chef de la cité, des télégrammes pour lui offrir les services de nos inspecteurs, de nos bactériologistes et de nos divers moyens de combattre le mal. Nous fournirons du sérum, etc.

Il lit les télégrammes échangés. Le docteur Boucher, d'après ces dépêches, accepte l'offre du vaccin et du personnel du service d'hygiène. Il suggère une enquête dans un rayon de 125 milles autour de Montréal, afin de découvrir les cas de typhoïde et les causes, enquête sur les sources d'approvisionnement en lait dans toutes les municipalités.

Je tenais à mettre ces faits devant la Chambre pour montrer que le gouvernement veut aider les autorités municipales de Montréal à enrayer l'épidémie.

La séance est levée à 1 heure.

 

Deuxième séance du 30 mars 1927

Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur

La séance est ouverte à 3 h 20.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Questions et réponses:

Gravier de la rivière Saint-François

M. L'Archevêque (Montréal-Mercier): 1. À combien de personnes le gouvernement a-t-il permis de prendre du gravier dans la rivière Saint-François, vis-à-vis Pierreville à partir de l'île dite Rascony jusqu'à la sortie de la rivière du lac Saint-Pierre, pour faire, réparer ou entretenir des chemins dans différentes parties de la province; a. en 1922; b. en 1926?

2. Quelle somme globale en a-t-il reçue?

3. Quel prix par verge a-t-il reçu: a. en 1922; b. en 1926?

4. Quel montant a-t-il reçu de M. Martinien Lacombe au cours de l'année 1922?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): 1. Aucune personne n'a été autorisée par le gouvernement à prendre du gravier dans le lit de la rivière Saint-François pour faire ou réparer ou entretenir des chemins dans aucune partie de la province.

2. Répondu par le no 1.

3. Répondu par le no 1.

4. $363 comme loyer de deux lots d'une superficie totale de 121 arpents.

Compagnie A. Deslauriers, limitée

M. L'Archevêque (Montréal-Mercier): 1. Le gouvernement ou le ministère des Travaux publics a-t-il accordé quelque contrat à quelque compagnie autre que la compagnie A. Deslauriers, limitée, alors que celle-ci était soumissionnaire?

2. Dans l'affirmative, combien de contrats ont été ainsi accordés?

3. À qui et quand dans chaque cas?

4. Pour quels travaux dans chaque cas?

5. Quel était le montant de chacun des contrats et quelle avait été dans chaque cas, la soumission de la compagnie A. Deslauriers, limitée?

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): 1, 2, 3, 4 et 5. Le gouvernement ne possède pas les renseignements demandés, attendu qu'il ne garde pas nécessairement les détails de toutes les soumissions reçues.

Astoria Rouyn Mines Limited

M. Duranleau (Montréal-Laurier): 1. À quelle date l'Astoria Rouyn Mines Limited a-t-elle été incorporée?

2. Quels sont les noms de ses directeurs?

3. Quels terrains miniers possède-t-elle ou occupe-t-elle?

4. Quelle est la superficie de ces terrains?

5. A-t-elle fait des travaux d'exploration sur ces terrains?

6. Quels résultats ces travaux ont-ils donnés?

L'honorable M. David (Terrebonne): 1. Le 15 janvier 1927.

2. Ignore.

3. Les permis d'exploitation nos 2641, 2642, 2274, 2256, 2204, 2205, 2206, 2446, 2257, 2355.

4. Une superficie totale de 1,336 acres, dont 400 acres dans Cléricy, 200 acres dans Joannes, 290 acres dans Rouyn, 346 dans Boichatel.

5. et 6. Aucun, cette compagnie ne détenant ces terrains que depuis le 11 mars 1927.

 

Demande et dépôt de documents:

Emprunts en vertu de la loi des prêts aux municipalités

M. Bray (Montréal-Saint-Henri) propose, appuyé par le député de Montréal-Laurier (M. Duranleau), qu'il soit mis devant cette Chambre un état indiquant: 1. Quelles sont les municipalités de cette province qui se sont prévalues de la loi des prêts aux municipalités pour logements ouvriers; 2. Quand chacune d'elles a-t-elle emprunté et quel montant dans chacun des cas; 3. Quelles sont les municipalités qui n'ont pu rencontrer leurs obligations.

Adopté.

L'honorable M. Nicol (Compton) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date de ce jour, pour un état indiquant: 1. Quelles sont les municipalités de cette province qui se sont prévalues de la loi des prêts aux municipalités pour logements ouvriers; 2. Quand chacune d'elles a-t-elle emprunté et quel montant dans chacun des cas; 3. Quelles sont les municipalités qui n'ont pu rencontrer leurs obligations. (Document de la session no 62)

 

Questions et réponses:

Travaux d'inspection du service forestier

M. Bray (Montréal-Saint-Henri): 1. Les travaux d'inspection et autres travaux du service forestier pour lesquels le lieutenant-gouverneur en conseil a autorisé la dépense de $70,000 par mandat spécial le 16 juin 1926, ont-ils été exécutés entre le 16  juin et 1er juillet 1926?

2. Si non, quand?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): 1. Oui, partiellement.

2. Les autres travaux ont été exécutés avant le 16 juin et après le 1er juillet 1926.

Travaux d'arpentage

M. Bray (Montréal-Saint-Henri): 1.  Les travaux d'arpentage pour lesquels le lieutenant-gouverneur en conseil a autorisé la dépense de $40,000 par mandat spécial du 16 juin 1926, ont-ils été exécutés; entre le 16 juin et le 1er juillet 1926?

2. Si non, quand?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): 1 et 2. Il est impossible de spécifier si ces travaux d'arpentage ont été exécutés entre le 16 juin et le 1er juillet 1926.

Port Alfred Pulp & Paper Corporation

M. Lafleur (Montréal-Verdun): 1. La Port Alfred Pulp & Paper Corporation, créée par lettres patentes de 1924, et dont le bureau principal est à Montréal, a-t-elle déposé, chaque année, au département du secrétaire de la province, des états sommaires tels qu'exigés par l'article 103 de la loi des compagnies?

2. Quels étaient en 1924, en 1925 et en 1926, les noms des directeurs de cette compagnie?

3. Quels sont, d'après ces états, les montants totaux:

a. des appels de versements sur actions réalisés autrement qu'en espèces, en indiquant séparément les montants attribués pour services rendus, commissions ou acquisition d'actif;

b. des sommes, s'il en est, payées à titre de commission sur des actions ou des obligations, ou allouées à titre d'escompte sur des obligations;

c. des sommes versées sur les obligations, en indiquant séparément les montants de l'escompte et les montants attribués pour services rendus et acquisition d'actif?

L'honorable M. David (Terrebonne): 1. Oui.

2. Pour 1924, R. O. Sweezey, J.-H. Gundy, E.-A. McNutt, J.-W. Ross et A. Cross. Pour 1925, R. O. Sweezey, J.-H. Gundy, E.-A. McNutt, Geo. McKee, et A. Cross. Pour 1926, Sir Herbert S. Holt, Geo. M. McKee, A. Cross, J. H. Gundy, E. A. MacNutt, R. O. Sweezey et C.-E. Taschereau.

3. a.  pour 1924, acquisition d'actif  $149,975. Pour 1925, 30,000 actions sans valeur au pair émises pour services rendus. Pour 1926, 30,000 actions communes sans valeur au pair émises pour services rendus.

b. Pour 1924, pas applicable. Pour 1925, pas applicable. Pour 1926, commission sur actions privilégiées $487,500, dividende sur obligations $228,875.

c. Pour 1924, pas applicable. Pour 1925, rien. Pour 1926, escompte sur obligations $228,875.

Loi des accidents du travail

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat sur la motion dont elle a été saisie, ce jour: "que le bill 70 modifiant la loi des accidents du travail, 1926 soit maintenant lu une troisième fois."

M. Houde (Montréal-Sainte-Marie): La classe ouvrière a réclamé bien avant 1922 une nouvelle loi des accidents du travail. Ce que les ouvriers demandent, c'est une commission et une assurance d'État. Le gouvernement a eu le temps, depuis dix ans, d'étudier le projet de commission. Tous les États américains ont dû subir l'assaut des compagnies d'assurances avant d'en venir à la conclusion que le meilleur système est celui d'une commission permanente. Ce système a donné satisfaction à plusieurs provinces et à de nombreux États de la république américaine.

On nous a reproché de ne pas avoir tout fait, l'an dernier, pour faire triompher notre point de vue. L'honorable député de Laurier (M. Duranleau) et l'honorable député de Westmount (M. Smart) ont pris une large part à ce débat.

L'opposition veut donner à la classe ouvrière la commission qu'elle réclame. Je reproche au gouvernement de ne pas soumettre à la Chambre ce qu'il a l'intention de faire avec la loi des accidents du travail. Pourquoi le gouvernement a-t-il tant tardé à établir une commission chez nous? Le premier ministre, au lieu de faire une promesse vague, aurait dû annoncer bien clairement que son gouvernement est décidé à établir une commission de ce genre. En conséquence j'ai l'honneur de proposer par voie d'amendement, appuyé par le député de Montréal-Mercier (M. L'Archevêque), que tous les mots après "Que" dans la motion en discussion, soient remplacés par les suivants:

"Le bill soit renvoyé au comité plénier de la Chambre avec instruction de l'amender de façon à établir l'assurance collective obligatoire administrée par un bureau nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, tous les frais de ladite administration devant être mis à la charge des assurés, et que la loi ainsi amendée entre en vigueur le premier juillet, 1927."

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): New York a une assurance d'État et seulement un tiers des industriels y ont recours. Est-on bien sûr que le même système serait meilleur ici? L'ancienne loi avait du bon et d'ici à ce que la législature en adopte une nouvelle, les ouvriers ne seront pas à plaindre. Le gouvernement, en retardant l'application de la nouvelle loi, ne prive pas les ouvriers puisque ceux-ci ont encore l'ancienne loi. Le député de Montréal-Sainte-Marie (M. Houde) propose une nouvelle loi par son amendement. Je crois que la position du gouvernement est plus raisonnable. Il est impossible d'accorder cette demande pour le 1er juillet, car le travail qui reste à accomplir et les ajustements à apporter au problème sont trop ardus et trop graves pour permettre une telle promesse.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'honorable député a le droit de proposer cela mais, d'après nos règlements, il n'est pas permis d'imposer une charge nouvelle aux contribuables ou au gouvernement sans présenter une mesure spéciale précédée de résolutions approuvées par le lieutenant-gouverneur en conseil. Or, en proposant que l'assurance soit à la charge des assurés, on impose à une partie des citoyens une charge qui peut s'élever à environ $3,000,000 par année. En conséquence je crois que l'amendement est hors d'ordre.

M. Houde (Montréal-Sainte-Marie): Je considère que ce n'est pas une charge additionnelle pour la province et je soumets que l'amendement est dans l'ordre.

M. l'Orateur: Je vais examiner la question et je rendrai ma décision au cours de la séance.

Subsides

L'honorable M. Nicol (Compton) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

M. Crépeau (Sherbrooke): Avec la lenteur que met le gouvernement à se rendre compte que des mesures radicales sont devenues nécessaires si l'on ne veut pas compromettre tout à fait l'avenir de notre province, en ce qui concerne notre domaine forestier, il est opportun de revenir souvent sur la question de l'affermage de nos concessions forestières et de montrer à notre population que les quelque $5,000,000 de revenus que nous retirons de cette source devraient atteindre trois fois cette somme.

Lors de la dernière session, lorsque l'opposition demandait de retarder la mise à l'enchère des 4,200 milles carrés dont la province a disposé depuis, nous faisions remarquer que la raison invoquée par la droite de vouloir créer de nouveaux centres industriels n'était qu'un prétexte; que le temps était venu de nous assurer si nous avions assez de bois pour les usines actuellement en opération avant de forcer la construction de nouvelles usines. Cette politique que le ministre des Terres et Forêts qualifiait d'utopie, l'an dernier, le gouvernement l'a inscrite dans le discours du trône au début de la présente session.

Une autre prétention de l'opposition que l'on semblait trouver plutôt amusante, du côté de la droite, c'est celle par laquelle nous réclamions l'inventaire et la classification de nos bois. Quand nous osions demander cet inventaire, le gouvernement nous répondait que c'était une entreprise d'une vingtaine d'années qui coûterait des millions de dollars. Mais, si l'on en croit le chef du service forestier de la province, M. Piché, dans une conférence qu'il donnait devant la société des ingénieurs civils du Canada, le 16 février dernier, la demande de l'opposition est encore justifiée.

Puisque cet inventaire doit être prêt en 1930, quelle hâte y avait-il de disposer d'une aussi grande étendue de terrains avant de savoir leur valeur réelle? Au lieu d'en disposer, à raison de $2.80 du mille pieds, comme la chose s'est produite lors de la dernière vente, le prix de l'enchère aurait pu être établi à $3.50 ou à $4, suivant la valeur de la propriété; de ce fait, la province aurait touché au moins $8,000,000 à $10,000,000 de plus.

Un autre point sur lequel les événements ont donné raison à l'opposition, c'est celui qui concerne l'étendue des blocs que l'on met en vente. Nous avions représenté que des étendues de 1,000 milles et de 1,800 milles demandaient un capital trop considérable pour permettre à plusieurs compagnies d'enchérir. La conséquence, c'est que le tout était adjugé à une ou deux compagnies au prix qu'elles voulaient bien donner, c'est-à-dire le minimum. Lors de la vente de l'an dernier, les blocs de 1,000 milles et au-dessus ont été adjugés à dix sous en plus de la mise à prix et la limite de 200 milles a atteint $5.50 en plus de la mise à prix; le tout a été acheté par l'International Paper Co. et Price Brothers, puisque la Leaside Engineering Company qui s'était portée acquéreur d'une certaine limite a transporté ses droits à l'International Paper Co., au mois de juin 1926.

Si le gouvernement n'en a que pour trois ans avant de terminer l'inventaire de nos forêts, il doit donc en avoir une partie complétée. Dans ce cas, il est en mesure de déterminer la valeur de nos limites suivant leur site, si le bois est à maturité ou non, si le terrain est montagneux ou modérément accidenté, si le flottage ou le transport du bois peut se faire dans des conditions faciles, etc.; autant de choses qui permettraient de fixer une valeur particulière pour chaque région boisée.

M. John Stadler, gérant général de la Lake St. John Pulp and Paper Company, établit que les quelque 4,000,000 de cordes de bois à pulpe que nous consommons présentement seront rendus à 16,000,000 de cordes en 1937. Puis, il ajoute:

"Que ces estimés soient exacts ou non, il vaut aussi bien faire face à la situation dès maintenant, car un problème sérieux se présentera dans un avenir rapproché pour savoir d'où nous obtenons le bois nécessaire à la fabrication de la pulpe. Bien que cette étude ne concerne que le Canada, l'auteur prend la liberté de recommander à ceux qui peuvent caresser l'espoir de découvrir de grandes quantités de bois à pulpe dans les régions du nord qui sont situées tout près du Canada, une étude soignée de tous les rapports qui existent qui les convaincra que la pousse du bois diminue à mesure que nous avançons vers le nord, et dans certaines régions du nord, le sol est tel qu'aucun bois ne peut y pousser."

Ce qui s'applique aux régions du nord d'autres pays s'applique à notre province et il serait bon de régler une fois pour toutes si nos forêts s'étendent aussi loin que le gouvernement le laisse entendre.

M. l'Orateur, j'ai l'honneur de proposer par voie d'amendement, appuyé par le député de Québec-Comté (M. Bastien), que tous les mots après "Que" dans la motion principale soient remplacés par les suivants:

"Cette Chambre, tout en étant disposée à voter des subsides à Sa Majesté, regrette que le gouvernement ait compromis l'avenir économique de notre province en aliénant une trop grande étendue de notre domaine public sans en avoir fait au préalable un inventaire complet qui lui aurait permis de se rendre compte de la valeur réelle de nos ressources forestières et de ne les soumettre qu'à une exploitation méthodique et rationnelle;

"Que le gouvernement n'ait pas pris des mesures pour connaître la quantité exacte du bois, qui, après avoir été coupé sur notre domaine public, est expédié aux États-Unis pour y être manufacturé, et ait ainsi négligé de protéger convenablement notre industrie du papier, comme celle de la pulpe, et fait perdre des bénéfices considérables à la population de la province;

"Que le gouvernement n'ait pas pris les moyens d'assurer l'existence des centres créés en notre province par l'industrie forestière et ait ainsi exposé leur population à des pertes ruineuses et à la nécessité de se déplacer ou d'émigrer;

"Et elle invite le gouvernement à adopter une politique qui mette fin sans plus de retard aux griefs et aux dangers ci-dessus exposés."

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Mon honorable ami (M. Crépeau) exprime son regret que le gouvernement n'ait pris aucune mesure pour empêcher l'exportation du bois aux États-Unis. Or, l'on sait que le gouvernement, depuis longtemps, empêche l'exportation du bois coupé sur les terres de la couronne.

Quant à empêcher les particuliers, propriétaires de forêts, d'exporter, nous n'avons pas la solution, et je suis certain que nos honorables amis n'oseraient pas empêcher l'exportation du bois coupé par les colons. On peut en outre exprimer des doutes sérieux quant à notre droit de légiférer au sujet des particuliers, au point de vue constitutionnel. Le député de Sherbrooke (M. Crépeau) s'étonne en outre que des forêts aient été vendues plus cher que d'autres. On admettra tout de suite qu'une marchandise ne saurait avoir un prix uniforme partout, mais il est faux de parler ici vente. Nous ne vendons pas la forêt, nous l'affermons. Les limites ont une valeur différente suivant la qualité du bois et l'endroit où se trouve la forêt. Les loyers que la province touche pour l'affermage des forêts se comparent favorablement aux prix qu'obtiennent généralement les particuliers pour des limites privées.

On sait, par exemple, que les limites du Lac Saint-Jean valent, en général, plus que celles des parties reculées de la côte nord. Maintenant, on doit bien peser la valeur du revenu annuel de la forêt, qui est d'environ $5,000,000 pour la location et le droit de coupe.

On nous reproche l'absence d'inventaire de nos ressources forestières. J'ai déjà déclaré, et M. Piché, le chef du service forestier, dans une conférence a corroboré en tous points ce que je disais, que l'inventaire des limites affermées serait terminé vers 1930 et que les territoires vacants suivraient de près. On nous a demandé de faire nous-mêmes l'inventaire de nos limites affermées; mais je représente que ce n'est pas pratique. Il nous faudrait, pour ce faire, un personnel considérable et encourir des dépenses qui ne compenseraient pas pour les résultats. En outre, ceux qui connaissent la forêt de la province de Québec savent qu'un inventaire comme celui-là ne se fait pas en un jour. Les affermages ne se font plus par petits lots et il vaut mieux qu'il en soit ainsi. Autrefois, on vendait par petits lots, ce qui n'a pas empêché les grandes compagnies de mettre la main sur tout. En somme, c'est la province qui y a perdu, les profits sont allés à des spéculateurs. On nous demande aussi si nous nous occupons de créer des réserves pour assurer la permanence de nos ressources. Nous le faisons depuis plusieurs années. Nous avons d'immenses réserves, qui vont assurer de la matière première aux industries existantes pour le plus grand avantage de la population et de toute la province. Dans le haut du Saint-Maurice, par exemple, nous gardons là des forêts qui alimenteront les industries de toute la région.

Je crois que l'honorable député de Sherbrooke (M. Crépeau) exagère ses craintes. Nous faisons un inventaire de nos richesses et nous ne les sacrifions pas, comme il le prétend. L'opposition n'a pas raison de s'alarmer car nous veillons sur nos richesses nationales.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Les forêts de la province de Québec ont toujours été considérées comme un actif national d'une valeur inestimable. Nos pères nous l'ont donné en héritage pour en retirer le bien-être et le progrès de leur postérité. Pour cela, il faut savoir les conserver et les exploiter. Et nous réussirons à le faire si nous y vouons notre coeur de Canadien. Tout le monde admet que la forêt a été pillée par le spéculateur et l'exploiteur.

Nos gouvernants de toutes les époques et de tous les partis n'ont pas toujours apprécié la valeur exacte de nos forêts. Ils en ont donné des étendues qui valent aujourd'hui des fortunes nationales. Les hommes de chemins de fer ont eu des visées plus pratiques. Il est vrai qu'il y a plus de 50 ans, il fallait donner beaucoup pour décider des hommes d'affaires à placer des capitaux dans la construction de chemins de fer. On en a donné des millions d'acres; on en a vendu à des prix ridicules, et sur les 700,000 milles que nous avions, il nous en reste à peu près 10,000 milles. Et pour répondre au ministre des Terres (l'honorable M. Mercier fils), je dirai qu'on en a vendu, en 1922, à un prix qu'un journal de Québec, le Chronicle, dénonçait comme odieusement bas.

La balance de nos forêts est située dans le nord de la province, sur les rivières Mistassini, Outarde et Ashanachouan. Il ne reste que quelques parcelles de 25 à 50 milles ici et là à la tête des rivières et des lacs. À la rivière aux Outardes, il reste une assez riche concession, mais le reste a peu de valeur. Il ne reste que de la jeune forêt: bouleau, tremble, cyprès au travers desquels sont mêlées un peu de jeunes épinettes. Une forêt est exploitée généralement à 70 ou 80 ans, quand le feu n'a pas détruit les éléments qui nourrissent les bois, et aussi quand l'élévation et la qualité du sol répondent aux besoins de la forêt.

Sur la côte nord, il reste des îles de bois verts pas très nombreuses, à travers de grands brûlés. Ces îles sont difficiles d'accès et d'exploitation: aucune d'elles ne peut suffire à l'alimentation d'une grosse industrie.

Le gouvernement ne peut faire une proposition sérieuse et honnête pour l'alimentation de nouveaux moulins. Aussi les compagnies d'exploitation comprennent bien la situation et paient des prix exorbitants.

La limite Madeleine, dans Gaspé, a été payée par la Brown Corporation $825,000 pour 500 milles carrés, soit $1,650 par mille carré, avec aucune possibilité de sortir le bois avec une seigneurie en avant. Par conséquent, la Brown Corporation devra encore payer un montant considérable pour pouvoir l'exploiter.

La superficie des forêts détenues dans les bassins de drainage, tels que Lac des Quinze, Ottawa, Gatineau, la Lièvre, Saint-Maurice, Montréal, Québec, Saguenay, Portneuf, Manicouagan, balance côte nord, Gaspé et Anticosti, sud Saint-Laurent, est d'environ 220,000 milles représentant 185,000,000 de cordes. On sait que les moulins à pulpe vont consumer 3,500,000 cordes annuellement. L'intérêt du spéculateur étranger est de faire fortune en peu de temps. Si nous considérons le bois qui passe par nos moulins à scie, les pertes par les maladies, le feu, le bois renversé et en plus 1,000,000 de cordes pour l'exploitation, ne devons-nous pas nous alarmer? Les États-Unis ont perdu leurs forêts en peu d'années, par un pillage semblable à celui qui se fait ici actuellement. Des fortunes colossales ont été édifiées, mais le pays a perdu une richesse inestimable, et nécessaire à ses besoins quotidiens. On parle de reboisement et d'accroissement. Il est reconnu que dans la partie nord du Saint-Laurent, l'accroissement n'est pas de plus de 2%. Supposons qu'il soit d'un peu plus et qu'il nous donnerait 5,000,000 de cordes, nous serions encore en déficit. Le capital forestier disparaît désastreusement.

D'après M. Roland Craig, il nous reste à peine 37% de nos forêts primitives. Il est temps que nous mettions fin au bluff des politiciens et une limite aux appétits des ravageurs de forêts.

On a fondé des villes; on y a attiré des Canadiens qu'on a laissés à la merci de compagnies qui n'ont que le but de piller nos forêts pour y faire fortune le plus tôt possible. Quand la forêt est pillée, ces villes sont abandonnées et leur population est dispersée, ruinée, découragée. Ce régime doit cesser. Il est temps que la Chambre exprime son opinion pour donner au gouvernement un avertissement salutaire. La motion Crépeau présente le grand remède, la Chambre devrait l'accepter et le faire appliquer.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bastien, Beaudoin, Bray, Crépeau, Dufresne, Duranleau, Gault, Houde, Lafleur, L'Archevêque, Lortie (Soulanges), Pellerin, Renaud, Saint-Jacques, Sauvé, Smart, 16.

Contre: MM. Authier, Baillargeon, Bercovitch, Bernard, Bouchard, Bouthillier, Bullock, Caron, Charbonneau, Côté, Daniel, David, Delisle, Dillon, Dufour (Charlevoix-Saguenay), Dufour (Matapédia), Fortier, Galipeault, Grant, Guillemette, Hamel, Laferté, Lafond, Lafrenière, Lahaie, Lamoureux, Laperrière, Lapierre, Lemieux (Gaspé), Lortie (Labelle), Marchand, McDonald, Mercier fils (Châteauguay), Mercier (Trois-Rivières), Miljours, Nicol, Oliver, Ouellet, Paquet, Perrault, Phaneuf, Philps, Pilon, Reed, Richard, Roy, Saurette, Savoie, Sylvestre, Taschereau, Thériault, Thurber, Tourville, 53.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale étant mise aux voix, la Chambre l'adopte.

 

En comité:

L'honorable M. Nicol (Compton) propose: 1.Qu'un crédit n'excédant pas deux cents piastres soit ouvert à Sa Majesté pour annuité à Mlle Marie-Régina Drolet, par résolution de l'Assemblée législative du 3 février 1890, pour l'exercice finissant le 30 juin 1928.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas trois mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour barreau de la province de Québec; aide à la publication des rapports judiciaires, pour l'exercice finissant le 30 juin 1928.

Adopté.

3. Qu'un crédit n'excédant pas mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour association de tir de la province de Québec, Montréal, pour l'exercice finissant le 30 juin 1928.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté trois résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

Loi des accidents du travail

M. l'Orateur: J'ai examiné le point d'ordre soulevé par l'honorable premier ministre. D'après les règlements, il n'est pas permis de proposer un nouveau fardeau aux contribuables ou à une partie des contribuables, sans proposer des résolutions à la Chambre. La dernière partie de l'amendement proposé par l'honorable député de Sainte-Marie (M. Houde) est hors d'ordre car il impose une partie de la charge des assurés aux contribuables, et en conséquence tout l'amendement doit être déclaré hors d'ordre et contraire à l'article 401 du règlement2.

Et la motion que le bill 70 modifiant la loi des accidents du travail, 1926, soit maintenant lu une troisième fois est de nouveau mise en délibération.

M. Bray (Montréal-Saint-Henri): L'opposition veut montrer sa sincérité envers la classe ouvrière et j'ai l'honneur de proposer par voie d'amendement, appuyé par le député de Maisonneuve (M. Pellerin), que tous les mots après "Que" dans la motion en discussion, soient remplacés par les suivants:

"Le bill soit envoyé en comité plénier de la Chambre avec instructions de l'amender de façon à autoriser l'établissement d'une assurance collective obligatoire administrée par un bureau nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, et que la loi ainsi amendée entre en vigueur le premier juillet 1927."

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): M. l'Orateur, au cours de la discussion, nous avons donné des arguments qui justifient la Chambre de rejeter cet amendement. Inutile d'insister.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bastien, Beaudoin, Bray, Crépeau, Dufresne, Duranleau, Gault, Houde, Lafleur, L'Archevêque, Lortie (Soulanges), Pellerin, Renaud, Saint-Jacques, Sauvé, Smart, 16.

Contre: MM. Authier, Baillargeon, Bercovitch, Bernard, Bouchard, Bouthillier, Bullock, Caron, Charbonneau, Côté, David, Delisle, Desmarais, Dillon, Dufour (Charlevoix-Saguenay), Dufour (Matapédia), Fortier, Galipeault, Grant, Guillemette, Hamel, Laferté, Lafond, Lafrenière, Lahaie, Laperrière, Lapierre, Lemieux (Gaspé), Létourneau, Lortie (Labelle), Marchand, McDonald, Mercier fils (Châteauguay), Mercier (Trois-Rivières), Miljours, Moreau, Nicol, Oliver, Ouellet, Paquet, Perrault, Phaneuf, Philps, Pilon, Reed, Richard, Roy, Saurette, Savoie, Sylvestre, Taschereau, Thériault, Thurber, Tourville, 54.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale étant mise aux voix, la Chambre l'adopte.

Le bill est, en conséquence, lu une troisième fois.

Subsides

L'honorable M. Nicol (Compton) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges): J'ai l'honneur de proposer par voie d'amendement, appuyé par le député de Joliette (M. Dufresne), que tous les mots après "Que", dans la motion en discussion, soient retranchés et remplacés par les suivants:

"Cette Chambre constate avec regret que, par suite du mauvais état de santé de l'auditeur et en raison de l'incompétence de son assistant, le contrôle des deniers publics et l'apurement des comptes publics ne se sont pas faits conformément à la loi depuis plusieurs années, et elle invite le gouvernement à réorganiser sans plus de retard le bureau de l'audition de façon que celui-ci contrôle efficacement les allocations législatives, qu'il apure véritablement les comptes de la recette et de la dépense et qu'il veille avec soin à ce qu'aucune somme qui n'a pas été votée par la législature ne soit dépensée, sauf dans les cas d'urgence."

L'honorable M. Nicol3 (Compton): Cette motion me surprend. Si l'honorable député de Saint-Georges (M. Gault) avait assisté à toutes les séances du comité des comptes publics, il n'aurait pas proposé son amendement. L'honorable député a parlé de la maladie de l'auditeur général. L'auditeur général, M. Morin, est un homme d'une grande probité qui a siégé en cette Chambre et dont le caractère est inattaquable. M. Morin est actuellement incapable de s'occuper activement et constamment de l'audition.

M. Morin a été remplacé comme témoin par M. Edgar Vézina, assistant auditeur général, un des auditeurs les plus distingués de notre province. Il a toujours fait son devoir avec rectitude et talent. L'enquête du comité des comptes publics lui a imposé un travail considérable. Nous n'avons absolument rien à présenter contre lui. Il est assisté par un personnel compétent qui comprend, entre autres, M. O'Regan. Nul ne conteste la compétence de M. Vézina et de son personnel. En plus de ce bureau en tant que tel, nous avons mis sur pied, il y a quelques années, un bureau de vérificateurs spéciaux qui ont des pouvoirs très étendus et je suis convaincu que les livres du gouvernement sont bien vérifiés et que les comptes publics sont bien tenus. Ils n'ont jamais si bien été tenus. Quant à M. Morin, l'auditeur, malgré son âge, il rend encore des services appréciables, car on sait qu'il est un des meilleurs auditeurs de la province. Je crois que l'amendement devrait être rejeté.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): L'enquête des comptes publics a démontré un état de choses que le Parlement ne devrait pas tolérer. L'auditeur général représente l'Assemblée législative. Il n'est pas employé du gouvernement. Nous avons eu une enquête et elle a démontré...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) soulève une question d'ordre en disant que le comité n'a pas remis de rapport.

M. l'Orateur: Je ne crois pas que l'honorable député (M. Duranleau) puisse parler ainsi car il n'y a rien devant la Chambre au sujet de cette enquête.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Je fais comme le trésorier provincial tout simplement, mais on lui a permis de poursuivre tandis que l'on m'empêche de faire de même. On utilise la main de fer encore une fois. Je considère que l'auditeur général a autorisé des montants considérables qui n'ont pas été approuvés par la Chambre. Je n'ai pas besoin de rappeler que l'auditeur a autorisé le paiement d'une somme de plus de $4,000,000 pour l'annexe du palais de justice de Montréal quand la Chambre n'avait approuvé qu'une somme de $3,000,000. On a invoqué le statut 12 Victoria autorisant la construction d'un palais de justice à Montréal sans en fixer le coût. Mais je soumets que l'on ne pouvait invoquer ce statut et que l'amendement ne devrait pas être adopté.

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): Nos honorables amis ne peuvent nous reprocher une seule dépense qui n'ait été justifiée. Tout s'est en outre passé de façon absolument légale. L'auditeur général a autorisé des paiements en vertu d'un statut qui n'a jamais été rappelé. Quand l'assistant vérificateur a déclaré, au comité des comptes publics, qu'il avait autorisé une dépense additionnelle pour l'annexe du palais de justice de Montréal en vertu de cette loi, il aurait pu dire que les plus grands légistes de la province lui avaient donné leur opinion à ce sujet. Cette loi, même si elle date d'avant la Confédération est encore bonne. Les édifices publics ont été construits sans emprunt, à même les revenus de la province et en vertu d'une loi sur laquelle nous nous sommes toujours appuyés.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je tiens à revendiquer pour la réputation et l'honneur de deux des plus fidèles et des plus consciencieux employés de la province. L'opposition a déjà posé en protectrice des employés, et voici que par l'amendement du député de Montréal-Saint-Georges (M. Gault) - je veux croire que celui-ci n'en est pas l'auteur - on jette le trouble et le chagrin dans les familles de ces deux bons serviteurs de la province. On sait que notre auditeur, M. Morin, est d'une incontestable compétence et qu'il a toujours merveilleusement rempli les devoirs de sa charge. La motion de l'opposition dit que M. Morin est vieux. C'est vrai, et lorsque les honorables députés de Saint-Georges (M. Gault) et Laurier (M. Duranleau) auront son âge, je souhaite qu'ils aient encore sa vigueur, mais ils n'auront peut-être pas son intelligence et son amour du travail. S'il est malade depuis quelques mois, c'est qu'il a consacré ses meilleures années au service de la province. Quant à M. Vézina, il marche sur les traces de M. Morin. Je regrette que cette motion soit dirigée contre lui. Nos employés ne reçoivent pas souvent les compliments qu'ils méritent. M. Vézina en est un. Au lieu de compliments, il reçoit aujourd'hui un dur reproche. Pourtant, il est dans la force de l'âge, il a du talent, il est compétent et il est tout à son devoir. Je m'étonne que l'attaque soit portée contre lui. Un blâme comme celui-là l'atteint jusque dans sa famille et dans ses enfants. Au nom de la législature je repousse avec indignation et de toutes mes forces l'attaque injuste de cette motion contre l'assistant auditeur général. M. Vézina est un bon employé, un employé compétent et j'espère que la province le gardera longtemps, très longtemps à son service. J'ajouterai qu'il est, de l'autre côté, des hommes qui ne devraient jamais parler d'incompétence.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je trouve étrange que le premier ministre fasse du sentiment, qu'il ait tant d'attentions délicates pour le vérificateur et l'assistant vérificateur des comptes de la province. Son coeur est moins ouvert à la compassion quand il s'agit de petits employés, de fonctionnaires modestes qui attendent toujours qu'on leur accorde un traitement convenable.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous leur avons ouvert notre bourse.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Nous n'avons attaqué le caractère d'aucun employé. La motion du député de Montréal-Saint-Georges (M. Gault) n'a rien d'offensant pour M. Morin. Il a déclaré lui-même au comité des comptes publics qu'il était vieux, malade et incompétent à répondre aux questions qu'on lui posait. Que M. Morin soit vieux, malade et incompétent, ce n'est pas une raison pour que la province en souffre. Il faut que le vérificateur des comptes soit en état de donner les renseignements qu'on lui demande. Nous avons le droit de réclamer que les comptes publics soient mieux faits. Je comprends que l'honorable premier ministre voudrait que le gouvernement continue à jouer avec les comptes publics et à tromper la Chambre.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je rappelle l'honorable chef de l'opposition à l'ordre. L'honorable chef de l'opposition n'a pas le droit de se servir de cette expression et de proférer de tels propos et cela lui arrive trop souvent.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): C'est de l'autocratie.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je prierais l'honorable chef de l'opposition de reprendre son siège pendant que je parle.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'autocrate...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il n'y a pas d'autocratie à demander que les règlements de la Chambre soient observés. Lorsqu'une question d'ordre est soulevée, le député qui a la parole doit reprendre son siège, jusqu'à ce que cette question d'ordre ait été décidée.

M. l'Orateur: Je ferai remarquer que l'honorable chef de l'opposition a employé une expression qui n'est pas parlementaire et il doit la retirer.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Peut-être que non.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je demande une rétractation.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Ne vous énervez pas.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne m'énerve pas, mais je demande que vous retiriez vos paroles.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. l'Orateur, je retire tout ce que j'ai dit pour d'ici à la fin de la session.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne crois pas que la Chambre devrait accepter cette rétractation.

M. l'Orateur: Je demande qu'on observe le règlement de la Chambre.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pour observer les règlements de cette Chambre, je ne répéterai pas...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je demande une rétractation sans commentaire, complète et sans restriction.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Cette Chambre demande que je retire certaines paroles.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il faut ajouter "que je retire".

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je retire les paroles que l'on trouve non conformes au règlement.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Il faut une rétractation pure et simple.

M. l'Orateur: Je prierai le chef de l'opposition de retirer carrément ses expressions.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pour me conformer à votre décision, M. l'Orateur, et aux règlements de la Chambre, je retire ces expressions que j'ai dites, M. le Président. J'essaierai de trouver une expression pour dire ce que je veux dire dans des termes parlementaires. La langue française est riche, dit-on, et je serai peut-être en mesure d'exprimer mes idées d'une autre façon.

Pour confondre le premier ministre, il suffirait de citer le témoignage de M. Morin, il y a deux ans, à l'enquête de la Commission des liqueurs. L'auditeur général a admis lui-même qu'il devrait se faire remplacer par son assistant. Si les comptes publics sont dans l'état qu'on sait, si personne ne peut s'y retrouver, s'il n'y a pas de vérification véritable, c'est le gouvernement qui en est responsable. Et il refuse de changer quoi que ce soit. Si nous voulons que les comptes publics soient bien tenus, il faut que l'auditeur général soit compétent et je crois que la Chambre devrait accepter l'amendement.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bastien, Beaudoin, Bray, Crépeau, Dufresne, Duranleau, Gault, Houde, Lafleur, L'Archevêque, Lortie (Soulanges), Pellerin, Renaud, Saint-Jacques, Sauvé, Smart, 16.

Contre: MM. Authier, Baillargeon, Bercovitch, Bergeron, Bernard, Bouchard, Bouthillier, Bullock, Caron, Charbonneau, Côté, Daniel, David, Desmarais, Dillon, Dufour (Charlevoix-Saguenay), Dufour (Matapédia), Fortier, Galipeault, Grant, Guillemette, Hamel, Laferté, Lafond, Lafrenière, Lahaie, Lamoureux, Laperrière, Lapierre, Lemieux (Gaspé), Létourneau, Lortie (Labelle), Marchand, McDonald, Mercier fils (Châteauguay), Mercier (Trois-Rivières), Miljours, Moreau, Nicol, Ouellet, Paquet, Perrault, Phaneuf, Philps, Pilon, Reed, Richard, Roy, Saurette, Sylvestre, Taschereau, Thériault, Thurber, Tourville, 54.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale étant mise aux voix, la Chambre l'adopte.

 

En comité4:

L'honorable M. Nicol (Compton) propose qu'un crédit n'excédant pas six cent cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour encouragement à l'agriculture en général, pour l'exercice finissant le 30 juin 1928.

La résolution est laissée en suspens.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il n'a pas terminé l'examen de la résolution et demande la permission de siéger de nouveau.

La séance est levée à 6 heures.

 

Troisième séance du 30 mars 1927

Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur

La séance est ouverte à 8 h 50.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants sans amendement:

- bill 18 modifiant les statuts refondus, 1925, relativement à l'indépendance de la législature;

- bill 35 modifiant la loi de la commission des services publics;

- bill 69 modifiant la loi de l'adoption;

- bill 71 modifiant la loi des chemins de fer de Québec;

- bill 74 concernant l'octroi aux colons de titres pour certains lots compris dans les réserves de sauvages désaffectées;

- bill 105 modifiant la charte de l'Association des comptables de Montréal.

 

Demande de documents:

M. Patrick Fortin et l'île Dumais

M. Delisle (Chicoutimi) propose, appuyé par le député des Trois-Rivières (M. Mercier), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toute correspondance, télégramme, contrat, plans, photographies, lettre patente, etc., au sujet de l'île Dumais, connu sous le nom de l'île de la Traverse, au Lac Saint-Jean, et possédée par Patrick Fortin.

Je sais que le gouvernement ne veut rien cacher dans cette affaire et comme l'honorable député d'Argenteuil (M. Saint-Jacques) a déclaré que la discussion sur le cas de M. Fortin serait un débat académique, je ne me sens pas compétent, et je cède la parole aux autres. Ma motion permettra de mettre devant la Chambre les faits dans cette affaire.

M. Saint-Jacques (Argenteuil): Je ferai de même parce que je ne prévois qu'une discussion académique sans résultat. J'aurais voulu que cette question fût discutée avant que la loi créant la Commission du Lac Saint-Jean fût votée. C'est alors qu'on aurait pu rendre justice à M. Fortin. Je considère que cette motion est une farce. Lorsqu'elle a été proposée, les documents étaient déposés sur la table de la Chambre depuis quatre ou cinq jours. La farce continue ce soir et je refuse de prendre part à ce débat.

L'honorable M. Mercier5 fils (Châteauguay): Je ne sais si vraiment l'honorable député d'Argenteuil (M. Saint-Jacques) a raison de prononcer les paroles qu'il vient de prononcer. Depuis le début de la session, on nous a parlé de l'affaire du Lac Saint-Jean et du cas de M. Patrick Fortin, deux questions différentes. Dans l'affaire du Lac Saint-Jean, on nous avait fait entendre que l'on démontrerait que nous avions commis des illégalités. Dans le cas de Patrick Fortin, on nous représentait qu'un colon avait été chassé de sa propriété et avait été obligé de travailler comme journalier à Arvida.

M. Saint-Jacques (Argenteuil): Est-ce que l'honorable ministre veut dire qu'un député a prononcé ces paroles ou s'il a lu cela dans les journaux?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Ce sont des députés de l'opposition, des amis de l'opposition et les journaux qui supportent celle-ci qui ont voulu faire croire à la persécution de M. Fortin et à la tragédie. C'est aussi un membre de l'opposition qui, lors du débat sur la mesure créant la commission d'arbitrage pour évaluer les dommages du Lac Saint-Jean, a réclamé les documents relatifs à cette affaire. Mais maintenant que nos honorables amis sont mis en demeure de discuter cette question en Chambre, à ciel ouvert, en face de la députation entière ils se dérobent en disant qu'ils ne veulent pas être les victimes d'une farce. Eh bien, nous ne nous dérobons pas, nous, et nous allons droit aux faits afin de faire savoir à tous de quels côtés sont les farceurs. Je suis convaincu que, mis en regard de certaines déclarations qui vont être faites, on se convaincra, dans le public et même parmi ceux qui écrivent dans certains journaux, que, s'il y a eu une farce dans cette affaire, elle vient des honorables députés de l'opposition. Pouviez-vous croire, M. l'Orateur, qu'après avoir entendu des reproches que l'on nous a adressés, lorsque nous produisons le dossier, le député d'Argenteuil se lève et s'écrie, avec un accent d'indignation: "Je ne veux pas discuter ce cas et être victime de la farce."

J'ai déclaré à la Chambre que je cherchais tous les renseignements sur le cas de M. Fortin. Nous nous sommes mis à l'oeuvre pour faire copier tout le dossier et le secrétaire provincial (l'honorable M. David) l'a produit il y a quelques jours. L'opposition a pu consulter ce dossier et démontrer si possible que nous avons commis une injustice; l'honorable député d'Argenteuil se lève et déclare que c'est une farce.

Une voix ministérielle: C'est ça la farce.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Ce dossier constitue toute la documentation du cas de Patrick Fortin. Sans l'ouvrir, l'opposition nous dit que c'est une farce. Mais je connais le talent légal de l'honorable député d'Argenteuil et, s'il y avait trouvé quelque chose, il nous l'aurait dit. J'ai eu la curiosité d'écrire au registrateur pour connaître tous les documents concernant l'île de la Traverse, l'île de M. Fortin. Voulant me renseigner sur les dommages causés par l'inondation à cette île, je me suis procuré une photographie aérienne, prise au mois d'octobre, alors que l'eau était à 15.5 de l'échelle de Roberval. J'ai voulu me rendre compte du travail qui avait été fait sur cette île en 40 ans et de la grandeur de ces bâtisses sur cette île, dont l'histoire a fait couler plus d'encre que d'éloquence de l'honorable député d'Argenteuil, ce soir. J'ai envoyé quelqu'un au Lac Saint-Jean pour photographier ces bâtisses et la plus belle vengeance que nous pourrions avoir de ce côté-ci de la Chambre serait de publier ces renseignements, ces photographies. On verrait alors de quel côté sont les farceurs. Pour ma part, je suis bien rassuré sur la tragédie de l'île de M. Fortin.

Je n'entends nullement faire des remarques désobligeantes au sujet de M. Dumais qui, autrefois, se prétendit propriétaire de l'île en question. Mais il faut faire un peu d'histoire. Voici les faits. En 1860, M.  Dumais, arpenteur, prend possession de deux îles que l'on appelait - ironie des mots, on a voulu en faire avaler plus tard au public - que l'on appelait les îles aux Couleuvres. Plus tard, il les achète à la couronne, et il attend des années avant d'obtenir des titres. Finalement, s'adressant à la couronne, il demande l'île de la Traverse, prétextant qu'ayant arpenté cette île il avait contre le gouvernement un compte de $456. À cet effet, il avait préparé des plans qui sont au dossier et qui représentent la conformation du terrain et les contours, avec bâtiments, arbres et travaux de culture.

Il appert au dossier que les gouvernements qui se sont succédé depuis 1860 ont montré leur répugnance de vendre cette île et celles qui avec elle faisaient partie du groupe des îles aux Couleuvres. Vers 1898 environ, le ministère des Terres et Forêts se montra disposé à vendre l'île à M. Dumais, non pas pour un shelling, mais pour $1.50 l'acre. Les choses en restèrent là. Plus tard, M. Dumais revient à la charge. On lui fit le prix de $2 l'acre. Puis on n'en entendit plus parler. La correspondance en resta là.

Lorsque j'étais au département, la Belgo-Canadian Pulp Co. nous déclare qu'elle a une option de madame Dumais sur l'île et qu'elle avait l'intention de l'acheter. M. Dumais était mort. Nous consentons à vendre à la Belgo à $10 l'acre et nous mettons dans le contrat de vente une clause disant que la compagnie n'aurait pas droit de réclamer des dommages par suite de l'inondation que des chaussées pourraient causer. La Belgo abandonne son option et la vente ne fut pas faite. À ce moment M. Fortin nous demanda d'acheter cette propriété, mais nous lui proposâmes le prix de $10 l'acre en l'avertissant qu'il aurait à payer pour les dommages causés par l'eau au cas où se construirait une chaussée. Plus tard, Mme Dumais, dont le mari était décédé, nous demanda de l'acheter à son tour. Nous lui faisons $10 l'acre. Elle veut nous faire des remarques sur le prix, mais nous lui répondons que nous aurions le droit d'exiger d'elle une rente d'occupation. Mais comme on nous représente que cette femme est pauvre, nous décidons la vente à $5 l'acre, et c'est M. Patrick Fortin qui l'achète à ce prix, et, dans le contrat, nous incluons la clause de l'inondation dont on a tant parlé.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): En quelle année?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): M. Fortin acquit l'île en 1909, et c'est en 1923 que M. Fortin obtint son titre. À ce moment, le développement hydraulique de la décharge du lac était décidé, et, dans les contrats passés entre la couronne et la compagnie Duke-Price en 1922, nous permettions l'inondation des terres de la couronne. Nous avions consenti à cette servitude, en sorte que nous n'avions pas le droit d'épargner les terrains de M. Patrick Fortin, qui appartenaient encore à la couronne. Nous mettons une clause dans le contrat de vente qu'il n'y aura pas de dommages en cas d'inondation. M. Fortin connaissait parfaitement cette clause, et la meilleure preuve qu'il la connaissait c'est qu'il a vendu son île à un tiers en insérant, dans le contrat, une clause absolument identique à la nôtre pour se protéger.

On s'est apitoyé sur le cas de M. Fortin en disant qu'il avait payé $17,000 pour cette propriété. J'ai fait là-dessus une petite enquête. C'est en avril 1909 que M. Patrick Fortin a acheté de M. Dumais l'île de la Traverse en même temps qu'une autre île possédée par le même. Le prix de ces propriétés était de $32,935. Patrick et Marcellin Fortin, deux frères probablement, apparaissent conjointement comme acquéreurs. Dans cette vente étaient compris des lots, des bâtiments, maison et même fabrique de fromage. Un peu plus tard, les Fortin vendent des lots au prix de $9,300 et de $12,000, soit un total de plus de $22,0007. Il restait un peu plus de $10,000 entre leurs mains. Un peu plus tard, vente de $3,000 sur les mêmes propriétés. Il ne restait plus qu'une valeur de $6,000 environ entre les mains des Fortin, dont $2,050 pour Marcellin et $4,724 pour Patrick. Ces chiffres ont été puisés au bureau d'enregistrement.

Dira-t-on maintenant que M. Fortin a été spolié de $17,000? Il n'a jamais payé $17,000 pour cela. Il n'évaluait pas aussi haut son île, puisque le 23 mars 1912, il donnait une promesse de vente à M. Plourde pour $7,000. Les documents démontrent que jamais cette île a été payée $17,000, mais a été vendue pour $7,000. J'estime que c'est là la valeur approximative de l'île au point de vue financier. Il se fait comme cela des petites transactions d'immeubles au Lac Saint-Jean; des individus s'emparent des propriétés de la couronne et se les vendent entre eux pour faire un prix.

Qu'est-ce que c'est que cette île? En outre, est-ce que les dommages sont si graves qu'on le dit? Si l'on examine le plan de M. Dumais, fait en 1860, et la photographie aérienne que nous avons fait faire, on constate qu'une grande partie du terrain, représentée comme défrichée en 1860, était, en 1926, largement couverte d'arbustes et d'arbres. Il y a même une lisière de terrain de grève, autour de l'île, non inondée. L'eau a-t-elle détruit les bâtiments? J'ai ici une photographie de la maisonnette de Fortin, photo prise en ces dernières semaines. Elle est tout au bord des eaux et nous admettons qu'elle puisse être tôt ou tard en danger, bien qu'elle soit du côté le plus protégé, c'est-à-dire, de la terre ferme et pourra subir des dommages dans un avenir bien éloigné. Les bâtiments principaux sont à l'abri de tout danger. Les autres bâtisses ont probablement été érigées en 1860 par M. Dumais. Elles n'ont pas été habitées depuis 30 ans et la photo récente que j'en ai ne me montre que des ruines et des débris croulants.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Quand ont été prises ces photographies?

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): Il y a à peine 15 jours.

M. le Président, voici le cas pitoyable dont on nous a parlé. Il y a plus. À la suite d'une enquête pour corroborer des faits parvenus à ma connaissance, on m'a assuré que M. Dumais n'a jamais habité régulièrement cette île et que M. Fortin, qui a d'autres propriétés, n'est jamais resté sur son île et qu'il travaillait comme journalier bien avant que les eaux du lac Saint-Jean fussent élevées.

C'est tout ce que j'ai à dire. Je reprends mon siège avec la certitude que ceux qui verront ces documents se convaincront que cette histoire comme l'a dit l'honorable député d'Argenteuil (M. Saint-Jacques) est une farce, une vraie farce non pas ici, mais de l'autre côté de la Chambre.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Le ministre (M. Mercier fils) a plané comme les aviateurs ont plané au-dessus de la maison de ce pauvre M. Patrick Fortin. L'honorable député d'Argenteuil (M. Saint-Jacques) a eu parfaitement raison de prononcer les paroles qu'il a prononcées aujourd'hui. L'honorable député de Chicoutimi (M. Delisle) a dit qu'il ne se jugeait pas compétent pour discuter ce cas Fortin. L'honorable député de Chicoutimi a bien compris que ce débat serait un débat purement académique et qu'il venait trop tard, après que la loi de la commission du Lac Saint-Jean fut adoptée, pour rendre justice à M. Fortin et c'est pourquoi il n'a pas voulu insister sur le cas.

Nous a-t-on bien donné fair-play dans cette affaire? Il y a des semaines que les documents sont demandés. Lors de la troisième lecture du bill du Lac Saint-Jean, l'honorable député d'Argenteuil a demandé les documents sur l'île de M. Fortin pour discuter ce cas avant que la loi fût votée afin de pouvoir donner justice à M. Fortin. "Ce n'est pas nécessaire", a dit le premier ministre. On a forcé la troisième lecture. Mais tout de suite après, le secrétaire provincial (l'honorable M. David), gardien des archives, a déposé tous les documents en question. Le ministre (M. Mercier fils) a traité cavalièrement l'honorable député d'Argenteuil. On voulait refuser à la Chambre l'accès à ce dossier. Les ministres peuvent faire ce qu'ils veulent ici, mais ils s'apercevront qu'un autre tribunal de cette Chambre les jugera bientôt. Nous irons le rencontrer dans son comté avant longtemps et nous verrons s'il parlera comme il a parlé.

L'honorable M. David (Terrebonne): Accepté d'avance.

Des voix ministérielles: Oh! oh!

M. Duranleau (Montréal-Laurier): J'attire l'attention de la Chambre sur l'exemple que fournit le premier ministre à cette Chambre. L'honorable premier ministre n'a pas le droit d'organiser le chahut.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): M. l'Orateur, je rappelle l'honorable député à l'ordre. Il n'y a pas de chahut et si par ses bravades il choque la députation, ce n'est pas de ma faute. Il ne serait pas parlementaire de dire en Chambre au député de Montréal-Laurier (M. Duranleau) ce que j'en pense8. (Applaudissements)

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Le député de Champlain (M. Grant) est de ceux qui ont applaudi le plus fort; il va se faire mal.

Des voix ministérielles: C'est une honte! C'est une honte!

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Je ne crains le premier ministre ni en Chambre ni en dehors. Qui donc fait le chahut? Je crois que le premier ministre doit faire en sorte que la dignité de cette Chambre soit préservée. Tantôt, le ministre des Terres et Forêts (M. Mercier) a répondu au député d'Argenteuil de façon cavalière, mais il aura bientôt à faire face à son propre comté, dans Châteauguay, et j'espère qu'il donnera au député d'Argenteuil l'occasion de l'affronter lors d'une assemblée contradictoire.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): C'est la déroute et vous ne savez plus quoi dire.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Ce qui me frappe, c'est que le gouvernement qui a permis l'élévation du lac Saint-Jean, illégalement, ne s'est pas occupé de M. Fortin. Il ignorait, lui, l'élévation des eaux.

L'honorable M. David (Terrebonne): Il le savait par son contrat.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): L'honorable secrétaire provincial ne me comprend pas.

L'honorable M. David (Terrebonne): J'avoue que c'est difficile.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Il faut reconnaître, malgré tout ce qui a été dit, que M. Patrick Fortin a des droits et qu'il mérite une indemnité. Je demande au premier ministre de proposer aux conseillers législatifs d'amender le bill de façon à ce qu'il soit protégé. Les ministres sont dans des maisons luxueuses, tandis que Fortin ne peut pas habiter la sienne. On a dit que la maison de l'île Fortin ne valait pas grand-chose. Quand on habite des châteaux...

L'honorable M. David (Terrebonne): Est-ce que M. Fortin habitait cette île?

M. Duranleau (Montréal-Laurier): L'honorable secrétaire provincial se sent piqué quand on parle de château...

L'honorable M. David (Terrebonne): Je suis allé dans la maison de mon honorable ami et je l'ai trouvée très belle.

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Je n'ai pas voulu parler du château Shaughnessy.

L'honorable M. David (Terrebonne): Quelle démagogie!

M. Duranleau (Montréal-Laurier): J'espère que le gouvernement trouvera que M. Fortin a des droits sur son île et qu'il les reconnaîtra.

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): L'honorable député de Laurier (M. Duranleau), qui a du talent, a coutume de dire quelque chose en parlant. Cette fois il a parlé pour ne rien dire. Il a délayé le sujet et il a obscurci la question. Il n'a pas été à la hauteur ce soir et je le comprends car il a une mauvaise cause. La reculade de ce soir est difficile à défendre. On se plaint, de l'autre côté, de n'avoir pas eu le temps d'étudier les documents. Un brillant avocat comme le député d'Argenteuil (M. Saint-Jacques) aurait dû prendre le temps; mais il a jugé bon de tirer son épingle du jeu en disant qu'il n'avait pas le loisir d'étudier une farce. Comment se fait-il que nos honorables amis soient incapables de défendre une cause qu'ils ont choisie eux-mêmes? Ils doivent maintenant constater que le cas Fortin n'est plus discutable.

Le cas de M. Fortin, je m'y suis apitoyé moi-même au début, car on m'avait représenté que ce malheureux colon avait perdu son île, qu'il avait été obligé d'abandonner son île où il vivait comme un seigneur. On nous faisait un tableau si noir. Les rapports avaient été exagérés à dessein pour des fins politiques. J'ai été induit en erreur. La vérité est sortie. Elle finit toujours par sortir. Je me suis aperçu que c'était une machination politique que l'on montait sur le dos de ce brave homme.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le député de Lac-Saint-Jean (l'honorable M. Moreau) n'a-t-il pas défendu Fortin?

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Le député de Lac-Saint-Jean (l'honorable M. Moreau), comme moi, était sous l'impression que Fortin avait payé sa terre $17,000 et qu'il avait dû la quitter à cause de l'inondation.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pourquoi alors dénoncer ceux qui défendent ce brave homme?

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Je ne dénonce pas ceux qui l'ont défendu, car moi-même j'ai défendu M. Fortin. Je dénonce ceux qui l'exploitent. On a inventé des mensonges grossiers dans le but de dire que cet homme était une victime de notre régime et que le gouvernement n'était qu'un bourreau. Aujourd'hui, nous voyons ces accusateurs dépourvus d'arguments et incapables de maintenir leur attitude, pas même de l'expliquer.

L'honorable député de Laurier (M. Duranleau) prétend que M. Fortin ne connaissait pas la clause manuscrite parce que, dit-il, elle est illisible. Je lui pose la question: A-t-il vu le contrat?

M. Duranleau (Montréal-Laurier): Je n'ai pas prétendu que M. Fortin ignorait la clause, mais je crois qu'il ignorait que le gouvernement avait permis d'élever les eaux du lac à 17.5 pieds.

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Pardon, le député de Montréal-Laurier (M. Duranleau) a dit que Fortin n'avait pu prendre connaissance de la clause parce que le manuscrit était illisible. Il n'a pas vu le document. Mon honorable ami parle d'une chose qu'il ne connaît pas. Je vais parler d'une chose que je connais. Durant l'absence du premier ministre, l'automne dernier, j'ai fait mettre la patente de Fortin devant moi. Il n'est pas nécessaire d'avoir une loupe pour lire le manuscrit. Il est clair, en belle écriture moulée, et un enfant d'école le lirait aisément. Si l'honorable député voulait lire le contrat, il verrait qu'on l'a trompé.

M. Fortin ne pouvait ignorer la clause de servitude mise dans ces titres, puisque en 1921 le département l'informait que l'île ne serait pas vendue sans cette restriction. Et lui-même, Fortin, en vendant une partie de sa terre, mettait la même servitude dans le contrat de vente. La lettre récente du notaire Fortin dans les journaux démontre aussi que Patrick Fortin ne disait pas la vérité quand il affirmait ne pas connaître l'existence de la clause de servitude.

C'est ce pauvre homme qui prétend avoir perdu $17,000 quand c'est à peine $4,000 qu'il pourrait réclamer à la compagnie. Quel beau coup de spéculation il a manqué! Fortin, il y a quelques années, au cours d'un procès, aurait pu revendre son île et recouvrer tout l'argent qu'il avait payé. Il n'a pas voulu alors: c'est qu'il avait l'option de la Belgo et qu'il comptait réaliser une spéculation.

L'honorable député de Laurier nous a dit qu'il irait rencontrer le ministre des Terres (l'honorable M. Mercier fils) dans son comté. Oh! je sais que l'opposition va parler du cas de M. Fortin au lendemain de la session, mais ici elle refuse de discuter. Le sort de M. Fortin, l'opposition s'en soucie bien peu. Elle l'exploitera pour des fins politiques et elle lui fera perdre l'argent que la compagnie pourrait lui donner. Le gouvernement veut la vérité. Moi-même je me suis occupé de Fortin et continuerais de le faire si Fortin n'était allé se jeter entre les mains de ceux qui le rejetteront pantelant après les élections. Je reproche à l'opposition de faire de la démagogie simplement et qualifie de très petite la comparaison finale du député de Montréal-Laurier (M. Duranleau)

L'honorable député d'Argenteuil (M. Saint-Jacques) a dit que les ministres habitaient des châteaux...

Une voix ministérielle: Pas le député d'Argenteuil.

L'honorable M. David (Terrebonne): L'honorable député d'Argenteuil n'aurait jamais dit cela.

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Je demande pardon à l'honorable député d'Argenteuil.

L'honorable député de Laurier croit frapper juste quand il dit que les ministres habitent des châteaux quand Fortin vit dans une chaumière. Nous nous logeons selon nos moyens. Mon honorable ami, à Montréal, vit dans une maison que lui envieraient bien des ministres. Je ne lui en fais pas un crime. Nous, nous n'allons pas dans les demeures de nos adversaires pour voir comment ils vivent et les accuser de se trop bien loger. Nos honorables amis ne sont pas si mal logés. Pour ma part, quand je pense aux belles maisons que mes honorables amis habitent à Montréal, je me trouve bien plus mal logé qu'eux. M. l'Orateur, ils font de la pure démagogie et des appels à la passion. Si j'y fais allusion ce soir, c'est qu'ils nous ont conduit eux-mêmes sur ce terrain. La démagogie n'est pas nécessaire à une bonne cause. Lorsque mes honorables amis de l'opposition rentreront dans leurs luxueuses demeures, ils oublieront le pauvre M. Fortin qui est exploité et à qui, je le répète, ils auront peut-être fait perdre ce que la compagnie lui aurait payé.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le ministre des Terres et Forêts (l'honorable M. Mercier fils) a organisé ce débat à notre insu et l'honorable député d'Argenteuil (M. Saint-Jacques) a eu raison de protester. Le ministre (l'honorable M. Caron) a mis au compte de l'opposition tout ce qui a été écrit sur le cas de Patrick Fortin. L'opposition n'a jamais traité ce sujet en cette Chambre. Il n'en a été question qu'en passant. Nous n'avons pas épousé la cause de M. Fortin plus que d'autres. Le premier à s'apitoyer sur le sort de M. Fortin, c'est le ministre du Lac Saint-Jean (l'honorable M. Moreau); le second, c'est le ministre de l'Agriculture (l'honorable M. Caron). Pourquoi blâmer l'opposition?

L'honorable ministre des Terres a tous les documents en sa possession et nous n'avons rien. Nous ne pouvons improviser un débat.

M. Fortin est-il dans une situation qui permette au gouvernement de le dénoncer?

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Nous n'avons pas dénoncé M. Fortin. J'ai rétabli les faits et j'ai dénoncé ceux qui l'exploitent.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable ministre a dit que nous l'exploitions. Quand l'avons-nous exploité? Nous n'avons presque rien dit de ce cas.

L'honorable M. Caron (Îles-de-la-Madeleine): Oui, vous en avez parlé ici et dans vos journaux.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je ne suis pas responsable des journaux. Si l'honorable ministre a des comptes à régler avec les journaux, qu'il les règle avec eux.

J'ai parlé du cas Fortin en le comparant à celui d'un colon envers lequel M. Mercier avait été généreux. Pourquoi venir prétendre que M. Fortin n'a aucun recours? Son cas n'est pas prévu dans le projet de loi.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Tous les cas sont prévus s'il y a des droits.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pourquoi préjuger le cas de M. Fortin devant les tribunaux? Je prétends que le gouvernement a organisé ce débat pour préparer la campagne électorale. Le discours de l'honorable ministre des Terres sera probablement publié dans les journaux aux frais de la province.

La motion est adoptée.

 

Dépôt de documents:

Île Dumais

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay) dépose sur le bureau de la Chambre sept photographies de l'île Dumais et de ses dépendances. (Document de la session no 63)

 

Demande de documents:

M. Patrick Fortin et l'Île Dumais

La Chambre reprend le débat sur la motion du député de Chicoutimi (M. Delisle), en date de ce jour, pour qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toute correspondance, télégramme, contrat, plans, photographies, lettre patente, etc., au sujet de l'île Dumais, connue sous le nom de l'île de la Traverse, au Lac Saint-Jean, et possédée par Patrick Fortin.

La motion étant mise aux voix, la Chambre l'adopte.

Abolition des appels judiciaires au Conseil privé

M. Thériault (L'Islet): Je propose, appuyé par le député de Beauce (M. Fortier), que cette Chambre émette le voeu que, vu l'organisation judiciaire du Canada et de notre province, il est opportun que l'appel à Sa Majesté, en son Conseil privé, soit aboli et que Sa Majesté soit priée de ne plus accorder aucun appel de grâce.

M. l'Orateur, ce n'est pas la première fois qu'un débat s'engage sur cette question. Dans le passé Edward Blake, en 1875, puis en Ontario, on a déjà préconisé l'abolition des appels au Conseil privé. En 1920, elle fut mise en vedette par le procureur général de l'Ontario qui, dans un banquet, déclarait que le temps était venu de mettre fin aux appels au Conseil privé. Depuis, la chose a été controversée dans certains journaux. Il fait également référence à l'opinion de l'honorable W.E. Raney. Depuis deux ou trois ans, je songeais à présenter devant la Chambre cette question des appels en Conseil privé. J'ai attendu par égard pour ce tribunal. L'occasion m'a enfin été donnée par suite du jugement qui octroyait le Labrador à Terre-Neuve. Mon intention est d'obtenir un voeu exprimé par cette Chambre, afin que les autorités y songent sérieusement.

Je considère que ces appels au Conseil privé ne devraient plus être permis pour quatre raisons: 1. Ils sont préjudiciables au bon fonctionnement de la justice, à cause des dépenses et des lenteurs qu'ils entraînent; 2. Ils limitent nos pouvoirs judiciaires; 3. Ils sont une menace pour les lois françaises de notre province; 4. Ils sont indignes d'un peuple libre, qui n'a pas besoin de se faire juger par l'étranger.

La justice exige que les plus humbles comme les plus puissants puissent obtenir un jugement final sans être écrasés de frais. Avec le Conseil privé, qui coûte les yeux de la tête, l'homme des classes moyennes est incapable, s'il est aux prises avec une grosse corporation, d'obtenir justice. Un appel au Conseil privé coûte entre $2,500 et $3,0009. Résultat, un plaideur consent à accepter moins que sa réclamation plutôt que d'aller à Londres ou il abandonne sa cause.

C'est aussi une justice extrêmement lente. Il faut que le plaideur attende 12 à 15 mois après la cause avant d'avoir jugement. M. l'Orateur, vous avez eu l'expérience des lenteurs de ce tribunal, en 1914, alors que la guerre éclatant, vous avez dû revenir au pays pour retourner là-bas en 1915 pour la même cause. Si les appels étaient finals en notre pays, on ne serait pas obligé d'encourir ces risques. Il cite aussi l'opinion de maître Eugène Lafleur.

Je suis aussi d'opinion que ces appels vont à l'encontre du gouvernement responsable. Quand ils luttaient autrefois pour un gouvernement responsable, les hommes que nous voyons au-dessus du trône voulaient établir ici trois pouvoirs: pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire. Nous n'avons pas ce dernier. Pourquoi? Est-il juste que des citoyens fassent des lois et aillent les faire interpréter à l'étranger? Une de nos sommités légales, Me Aimé Geoffrion, a déjà déclaré que "les manières de penser, d'agir et de juger du Conseil privé, chez nous, s'éloignent de plus en plus de celles de l'Angleterre. Celle-ci nous comprend de moins en moins." Alors pourquoi lui demander de nous juger?

Citerai-je des cas où le Conseil privé a été en conflit avec tous nos tribunaux? Pour montrer les lenteurs du Conseil privé, prenons la cause que vous êtes allé plaider à Londres en 1914, M. l'Orateur, la cause de Fréchette et le C. P. R. L'appelant, un employé de cette compagnie ayant perdu une jambe au travail, a intenté une poursuite de $15,000 devant la Cour supérieure et il a finalement obtenu $12,000, parce qu'il y avait eu négligence de la part de la victime. Cette décision a été soutenue par la Cour de révision de l'époque, et, ensuite, par la Cour d'appel. En tout, sept juges de la province ont estimé que la victime de cet accident avait droit à $12,000, mais le Conseil privé a jugé qu'elle n'avait droit à aucune indemnisation. Le C.P.R. est allé devant le Conseil privé et toute l'affaire a été renversée sur allégation de négligence. Si le Conseil privé a raison, alors nous sommes des imbéciles. Si l'on s'accorde à dire que le Conseil privé a eu raison d'interpréter ainsi nos lois, alors il aurait dû décerner un certificat d'incompétence à nos juges.

Nos juges méritaient-ils cet affront? Nous avons eu des juges éminents; nous en avons encore: des hommes comme Dorion, Lacoste, Meredith, Taschereau. Nous avons des avocats éminents tels Laflamme, Eugêne Lafleur, Aimé Geoffrion, et je pourrais même nommer quelques grands maîtres ici même, en cette Chambre, mais je crains de les embarrasser en les nommant.

Tout récemment, un grand juriste de Londres a dit qu'Eugène Lafleur et Aimé Geoffrion étaient deux des plus grands hommes de loi de l'Empire britannique. Si ces éminents avocats devenaient membres de la législature et qu'ils faisaient adopter des lois, serait-il normal que ces lois soient interprétées par des étrangers. Si ces hommes ne peuvent interpréter nos lois, qui est en mesure de le faire? Ils sont aussi aptes que les juges anglais pour apprécier nos lois canadiennes.

Nous, de la province de Québec, avons des raisons spéciales de nous passer du Conseil privé. De tout temps, nous avons voulu conserver nos lois françaises, des lois qui ont reçu les éloges de juristes tels le juge en chef Taft et feu le juge en chef White, tous deux de la Cour suprême des États-Unis. Est-il convenable, sage et prudent d'aller les faire interpréter par des hommes qui ne les connaissent pas et qui ne les ont pas étudiées dans leurs universités? Nous sommes jaloux de notre code civil. Je siège en cette Chambre depuis 11 ans. Je sais que nous n'amendons que rarement notre code civil. Et cependant dans la cause Dépatie-Tremblay, le Conseil privé a amendé notre code civil.

Il est indigne et répugnant pour un peuple libre, autonome, d'aller se faire juger par des gens qui n'habitent pas notre pays. Nous sommes une colonie, mais nous siégeons à la Ligue des nations, nous avons des ambassadeurs aux États-Unis et bientôt à Londres, et nous ne serions pas capables de faire interpréter nos lois ici au Canada et devrions accepter une juridiction extra-territoriale? Le Conseil privé n'est pas un tribunal, mais un comité du Conseil privé, un tribunal politique qui fait des recommandations au roi, ce qui veut donc dire, au gouvernement. C'est le prolongement du cabinet britannique un tribunal politique, L'affront n'en est que plus grand.

Dans la province de Québec on s'est battu autrefois parce qu'un juge était membre du Conseil exécutif et nous acceptons cette situation en Angleterre. Depuis que cette motion est sur le feuilleton, on m'a dit: "Pourquoi proposer cette motion? Le Conseil privé est une protection pour les Canadiens français." C'est là que notre colonialisme servile depuis 150 ans nous a conduits et je ne l'admets pas. Nous nous présentons devant ces juges anglais comme des gens inférieurs. Et en 1842, par le traité d'Ashburton, on a sacrifié le petit peuple de la Madawasca pour les intérêts du Maine, grâce à lord Ashburton, un noble qui représentait l'Angleterre contre les États-Unis. J'affirme que la loi que ce noble lord a fait adopter est à la source des problèmes auxquels sont confrontées aujourd'hui les provinces maritimes, en matière de transport.

En 1899, c'est le traité de l'Alaska qui a fait l'objet d'un litige et, même si les représentants du Canada, Sir Allan Aylesworth et Sir Louis Jetté, ont démissionné en guise de protestation, le "noble lord" représentant l'Angleterre a réussi encore une fois à mettre le Canada dans le tort et il a sacrifié les intérêts des Canadiens au profit des États-Unis.

Tout récemment, le Conseil privé vient de donner 250 milles10 de notre territoire à Terre-Neuve. C'est le résultat de notre colonialisme. Je suis un bon Canadien français et j'espère ne pas avoir offensé la sensibilité des députés canadiens-anglais de cette Chambre en affirmant que la province a été victime des "nobles lords".

Les appels au Conseil privé devraient disparaître. Il y en a qui prétendent que l'on est mieux, à cause de la présence des deux races, d'aller faire juger nos litiges en Europe où l'atmosphère est plus sérieuse, mais alors il faudrait conclure que les litiges entre les gens du sud et ceux du nord des États-Unis devraient être soumis à l'étranger. M. l'Orateur, je me contenterais de la Cour suprême comme tribunal final pour le Canada. Pourquoi irions-nous chercher la justice ailleurs? On en parle depuis longtemps et je crois également que, si nous agissons de manière servile, cela ne nous attirera que du mépris à l'étranger. Que les Canadiens français fassent appel au Conseil privé dénote un manque de confiance envers les Canadiens d'autres religions et d'autres origines. Je ne partage pas ce sentiment. Je suis un Canadien français pur sang mais j'ai une vive admiration pour nos compatriotes d'autres langues et d'autres religions. J'ai autant confiance dans les députés de Shefford (M. Bullock), de Saint-Louis (M. Bercovitch), de Sainte-Anne (M. Dillon) et de Huntingdon (M. Philps) que dans mes collègues de langue française. Nous avons deux juges français à la Cour suprême. Nous avons aussi dans ce tribunal des juges anglais en qui j'ai confiance et j'aime mieux me présenter devant ce tribunal que d'aller m'agenouiller devant les nobles Lords anglais. La province est représentée par des hommes compétents qui connaissent nos aspirations, et je suis plus porté à faire confiance à mes propres concitoyens qu'aux nobles lords de l'autre côté de l'océan, même si plusieurs d'entre eux sont très compétents. Il est temps que l'on cesse de faire appel au Conseil privé pour quatre raisons; premièrement pour des raisons de coûts et de délais; deuxièmement en raison de la perte de contrôle du pouvoir judiciaire; troisièmement parce qu'il constitue une menace pour nos lois françaises et quatrièmement pour donner une certaine dignité à nos statuts.

M. Fortier (Beauce): Je félicite l'honorable député de l'Islet (M. Thériault) de son magnifique discours. Bien des gens ne peuvent se permettre d'aller en appel devant le Conseil privé et je crois que le recours à nos juges serait suffisant parce qu'ils connaissent les aspirations des Canadiens et leurs lois. Seule la magistrature canadienne est en mesure de comprendre pleinement les lois canadiennes et de les analyser dans une perspective canadienne.

Le traité de Paris nous a confié le trésor de notre foi, notre langue et nos lois. Nous devons le conserver précieusement. Nous avons acquis notre autonomie et on a dit que nous sommes une nation. Allons-nous nous en remettre au gouvernement britannique pour interpréter nos lois? Ce n'est qu'un comité qui remet un rapport au roi. Dieu sait si l'Australie est impérialiste. Et pourtant l'Australie a répudié le tribunal du Conseil privé. Ce qui était trop fort pour l'Australie est-il acceptable pour nous? Le Conseil privé est composé de personnages éminents, mais c'est un corps impérial et impérialiste. Le jugement rendu dans le cas du Labrador démontre que, lorsqu'il s'agit d'une cause politique, il cherche à maintenir un équilibre et à diviser pour régner. Ce n'est pas mon intention de prêcher la déloyauté. Je ne trouve rien de plus affligeant que ces appels au provincialisme et ces tollés contre tout ce qui est britannique, mais je ne veux pas être loyal seulement pour le principe. Je crois que nous, en tant que nation, devrions être maîtres de notre destin et ce n'est pas là faire preuve d'étroitesse d'esprit. On trouve le principe de base de cette affirmation chez l'un des auteurs les plus britanniques et les plus impériaux qui soit, Rudyard Kipling, qui a dit du Canada: "Daughter am I in my mother's house, but mistress in my own11".

Je suis sûr que les Canadiens ont démontré leur loyauté envers la Grande-Bretagne, non seulement en paroles, mais aussi en actes. C'est en ayant notre autonomie que nous pourrons le mieux faire preuve de notre loyauté.

M. Gault (Montréal-Saint-Georges): Je donne personnellement mon opinion mais je ne partage pas les opinions qui viennent d'être émises. Cette question relève surtout de la fraternité des hommes de loi. Il est peut-être vrai que le Conseil privé ne nous a pas rendu justice dans certaines causes, mais il n'y a aucun doute que dans d'autres cas il a donné satisfaction aux parties concernées et il leur a rendu justice. J'ai le sentiment que l'adoption de cette loi revêt une grande importance. Les questions de langue, par exemple, sont soumises au Conseil privé. La question de l'anglais à la législature de Québec, ou du français à la Chambre des communes, peut faire l'objet de litiges. La question de l'Alaska à laquelle le député de l'Islet (M. Thériault) fait référence a été étudiée par une commission d'arbitrage et non par le Conseil privé. Cette question doit être débattue par des hommes de loi plutôt que par des profanes. Je crois que la Chambre devrait y songer deux fois avant d'adopter cette question.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le député des Îles-de-la-Madeleine (l'honorable M. Caron), que le débat soit ajourné.

Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement le bill 70 modifiant la loi des accidents du travail, 1926.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants avec certains amendements pour lesquels il lui demande son concours:

- bill 25 modifiant la loi des terres et forêts;

- bill 29 concernant la fixation des indemnités exigibles à raison de l'élévation des eaux par les barrages à la Grande Décharge et à la Petite Décharge du lac Saint-Jean;

- bill 57 modifiant la loi des liqueurs alcooliques;

- bill 161 modifiant la loi médicale de Québec;

- bill 181 concernant la construction, l'aménagement et la mise en usage des édifices publics.

Loi des terres et forêts

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 25 modifiant la loi des terres et forêts.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Indemnités à la suite de l'élévation des eaux au lac Saint-Jean

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 29 concernant la fixation des indemnités exigibles à raison de l'élévation des eaux par les barrages à la Grande Décharge et à la Petite Décharge du lac Saint-Jean.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Loi des liqueurs alcooliques

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 57 modifiant la loi des liqueurs alcooliques.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Loi médicale

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 161 modifiant la loi médicale de Québec.

Les amendements sont lus deux fois.

Construction des édifices publics

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 181 concernant la construction, l'aménagement et la mise en usage des édifices publics.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Subsides

L'honorable M. Nicol (Compton) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Nicol (Compton) propose: 1. Qu'un crédit n'excédant pas cent cinquante mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour inspection des écoles, pour l'exercice finissant le 30 juin 1928.

Adopté.

2. Qu'un crédit n'excédant pas quarante mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour Gazette officielle de Québec, pour l'exercice finissant le 30 juin 1928.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté deux résolutions et demande la permission de siéger de nouveau. Lesdites résolutions sont lues deux fois et adoptées.

La séance est levée à minuit.

__________

NOTES

 

1. Dans Le Devoir il est question d'un tout autre sujet.

"M. Caron, sur une question de privilège, a quelque chose à dire au sujet d'une nouvelle publiée par Le Devoir, hier. Deux cultivateurs de Lacolle, qui seraient passés au Devoir, prétendent que le ministre de l'Agriculture devrait forcer les autorités municipales de Montréal à établir quelles sont les régions autour de la ville qui ont fourni du lait contaminé, cause de l'épidémie de typhoïde. M. Caron dit que c'est une nouvelle tendancieuse qui n'a rien de surprenant à la veille des élections. Il refuse cependant la responsabilité nouvelle qu'on veut lui donner. Il appartient à Montréal de rechercher les causes de l'épidémie de typhoïde."

L'Événement, le Chronicle Telegraph et La Patrie, qui n'ont pas le même correspondant parlementaire, disent tous trois que c'est de l'embargo sur le lait dont il est question.

2. L'article 401 du règlement se lit comme suit:

"401. Sans la recommandation du lieutenant-gouverneur, il ne peut être proposé de donner une instruction qui autorise un comité à établir quelque disposition portant dépense de deniers publics ou imposition d'une charge nouvelle ou additionnelle sur le peuple."

3. M. Nicol prononce son discours en anglais.

4. Le sous-ministre de l'Agriculture, M. J.-A. Grenier, vient prendre place aux côtés du ministre.

5. Selon Le Devoir, le ministre a parlé pendant plus d'une heure.

6. L'Événement parle de $40.

7. L'Événement parle de $24,000.

8. La Presse prétend que le premier ministre a répondu qu'il "n'est pas parlementaire de faire une pareille assertion". La suite de la discussion laisse croire que la version précédente est la meilleure.

9. L'Événement parle de $4,000 à $5,000 (traduction).

10. Selon le Montreal Daily Star et The Gazette, il s'agirait de 250 000 milles carrés. Selon Luce Patenaude, dans Le Labrador à l'heure de la contestation (Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1972, p. 292), il s'agirait de 112 000 milles carrés. Au moment du débat, personne ne sait encore réellement la portée du jugement.

11. Fille de ma mère en sa demeure, maîtresse en ma demeure (traduction).