Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
17e législature, 2e session
(8 janvier 1929 au 4 avril 1929)
Le mercredi 16 janvier 1929
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable H. Laferté
La séance est ouverte à 3 heures.
Prière.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Présentation de pétitions:
Plusieurs pétitions sont présentées et déposées devant la Chambre.
Lecture de pétitions:
Conformément à l'ordre du jour, les pétitions suivantes sont lues et reçues par la Chambre:
- d'Arsène Charlebois, demandant l'adoption d'une loi autorisant le Collège des chirurgiens dentistes à l'admettre à la pratique de la chirurgie dentaire (M. Bastien);
- de la corporation les soeurs de la Charité de Québec, demandant l'adoption d'une loi annexant certains immeubles à la paroisse de Saint-Michel-Archange et précisant les limites (M. Bédard);
- du séminaire Saint-Charles-Borromée de Sherbrooke, demandant l'adoption d'une loi refondant sa charte (M. Crépeau);
- de la Compagnie de chemin de fer Québec & Chibougamau, demandant l'adoption d'une loi refondant sa charte (M. Delisle);
- de la maison Sainte-Claire limitée, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte et changeant son nom en celui de la fraternité du Tiers-Ordre de Saint-François-d'Assise du diocèse de Trois-Rivières (M. Duplessis);
- de la révérende soeur Raphaël de la Providence et autres, demandant l'adoption d'une loi les constituant en corporation sous le nom de Moniales Carmélites (M. Duplessis);
- de Marie-Zélia Mercier, dite soeur Saint-Albert, et autres, demandant l'adoption d'une loi les constituant en corporation sous le nom de l'hôpital de Saint-Joseph de Thetford Mines Sud (M. Fortier);
- de la cité de Lachine, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte (M. Marchand);
- de The Title Guarantee and Trust Corporation of Canada, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte (M. Marchand);
- de Marie-Joséphine-Jeanne Comte, épouse de Maxime Raymond, demandant l'adoption d'une loi concernant la succession de Jean de la Croix Joseph Comte (M. Papineau);
- de Saint George Hospital Inc., demandant l'adoption d'une loi lui donnant des pouvoirs additionnels (M. Plante).
Rapports de comités:
L'honorable M. Nicol (Compton): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport du comité permanent des comptes publics. Voici le rapport:
Votre comité a choisi l'honorable M. Nicol pour son président et recommande à votre honorable Chambre que le quorum dudit comité soit réduit à dix membres.
Le rapport est adopté.
M. Roy (Lévis): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le deuxième rapport du comité permanent des règlements. Voici le rapport:
Votre comité est d'opinion que la pétition et l'avis sont réguliers et suffisants et que le bill est régulier et conforme à la pétition et à l'avis dans chacun des cas suivants:
- de David-Léon Cabana, demandant l'adoption d'une loi lui permettant d'être admis membre du Barreau;
- de la Crown Trust Company, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte;
- de Samuel Jacob Aronsberg, demandant l'adoption d'une loi changeant son nom en celui de Samuel John Dunning;
- d'Alfred John Gillett et Clare Beaudry, demandant l'adoption d'une loi les autorisant à adopter Marie-Marthe-Thérèse Sénécal;
- de The United Theological College, Montréal, demandant l'adoption d'une loi validant la loi étant le chapitre 83 des statuts du Canada de 1928;
- du Bureau des commissaires d'écoles catholiques romains de la cité de Québec, demandant l'adoption d'une loi modifiant les lois le concernant;
- de la Sherbrooke Trust Company, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte;
- de madame Hélène-Eudoxie Taillefer, épouse de L.-P. Caron, demandant l'adoption d'une loi validant un acte de vente à elle consenti par Joseph Lapierre, passé le 20 mai 1920;
- des RR. PP. Xavier Pellerin et autres, demandant l'adoption d'une loi les constituant en corporation sous le nom de Ordre de la Très-Sainte-Trinité;
- de l'hôpital Saint-Joseph des convalescentes, demandant l'adoption d'une loi le constituant en corporation;
- de la corporation de la paroisse de Sainte-Thérèse de Blainville, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte;
- des RR. PP. François-Xavier Bellavance et autres, demandant l'adoption d'une loi les constituant en corporation sous le nom de La corporation du collège Jean-de-Brébeuf;
- du Manoir Richelieu Company Limited, demandant l'adoption d'une loi ratifiant une résolution des commissaires d'écoles du village de la Pointe-au-Pic et une résolution et un règlement du conseil municipal dudit village;
- de Joseph-Elzéar-Gaudias Ferland, demandant l'adoption d'une loi changeant son nom en celui de Philias Ferland;
- de madame Marie-Angéline Leblanc, veuve de Victor Beaudry, et autres, demandant l'adoption d'une loi concernant la succession Victor Beaudry;
- de la cité de Verdun, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte.
Joseph-Elzéar-Gaudias Ferland
M. Thériault (L'Islet) demande la permission de présenter le bill 97 modifiant le nom de Joseph-Elzéar-Gaudias Ferland en celui de Philias Ferland.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Paroisse de Sainte-Thérèse de Blainville
M. Plante (Montréal-Mercier) demande la permission de présenter le bill 87 concernant le lot no 831 de la paroisse de Sainte-Thérèse de Blainville.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Hôpital Saint-Joseph des convalescentes
M. Plante (Montréal-Mercier) demande la permission de présenter le bill 91 constituant en corporation l'hôpital Saint-Joseph des convalescentes.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Collège Jean-de-Brébeuf
M. Rochette (Charlevoix-Saguenay) demande la permission de présenter le bill 94 constituant en corporation le collège Jean-de-Brébeuf.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
David-Léon Cabana
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) demande la permission de présenter le bill 90 permettant à David-Léon Cabana, bachelier en droit civil, d'être admis membre du Barreau de la province de Québec.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
The Manoir Richelieu Company Limited
M. Rochette (Charlevoix-Saguenay) demande la permission de présenter le bill 128 ratifiant une résolution des commissaires d'écoles du village de la Pointe-au-Pic et une résolution et un règlement du conseil municipal dudit village concernant le Manoir Richelieu Company Limited.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
The Crown Trust Company
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) demande la permission de présenter le bill 79 modifiant la charte de la Crown Trust Company.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Adoption de Mlle M.-M.-T. Sénécal
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) demande la permission de présenter le bill 120 autorisant l'adoption de Marie-Marthe-Thérèse Sénécal par Alfred John Gillett et son épouse Clare Beaudry.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Samuel Jacob Aronsberg
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) demande la permission de présenter le bill 92 changeant le nom de Samuel Jacob Aronsberg en celui de Samuel John Dunning.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
The Sherbrooke Trust Company
M. Crépeau (Sherbrooke) demande la permission de présenter le bill 82 modifiant la charte de la Sherbrooke Trust Company.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Vente à Mme Louis-Philias Caron
M. Daniel (Montcalm) demande la permission de présenter le bill 85 validant un acte passé par dame Louis-Philias Caron sans le concours de son mari.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Succession Victor Beaudry
M. Marchand (Jacques-Cartier) demande la permission de présenter le bill 93 concernant la succession Victor Beaudry.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Bureau des commissaires d'écoles catholiques romains de Québec
M. Cantin (Saint-Sauveur) demande la permission de présenter le bill 78 modifiant les lois concernant le Bureau des commissaires d'écoles catholiques romains de la cité de Québec.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
The United Theological College, Montréal
M. Bullock (Shefford) demande la permission de présenter le bill 76 concernant The United Theological College, Montréal.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Adresse en réponse au discours du trône
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné le 15 janvier, sur la motion proposée le mercredi 9 janvier courant, à l'effet que l'adresse suivante soit votée en réponse au discours de Son Honneur le lieutenant-gouverneur de la province de Québec:
À Son Honneur
le lieutenant-gouverneur
de la province de Québec
Nous, les membres de l'Assemblée législative de Québec, réunis en session, prions Votre Honneur de bien vouloir agréer, avec l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il lui a plu de prononcer, afin de faire connaître les raisons de la convocation des Chambres.
M. l'Orateur: La parole est à l'honorable ministre de la Colonisation.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska)1: M. l'Orateur, je désire me joindre à ceux qui m'ont précédé pour féliciter le proposeur (M. Caron) et le secondeur (M. Cohen) de l'adresse. Je regrette le départ de l'honorable ministre de l'Agriculture (M. Joseph-Édouard Caron) qui est devenu conseiller législatif après avoir donné les meilleures années de sa vie à sa province, mais je souhaite la bienvenue à son fils, et j'espère qu'il suivra les traces de son père.
Hier, nous avons entendu l'honorable député de Maisonneuve (M. Tremblay) nous parler des inondations du Lac-Saint-Jean, ce qui a permis à notre spirituel collègue de Trois-Rivières (M. Duplessis) d'évoquer le souvenir du déluge. Je crois que l'honorable député de Saint-Jacques (M. Vautrin) a victorieusement répondu aux arguments de l'honorable député de Maisonneuve.
L'honorable député de Maisonneuve a parlé aussi des pensions de vieillesse. Mais l'honorable premier ministre a répondu d'avance à toutes ses objections. La loi de pension des vieillards ne doit pas être appliquée dans notre province. Telle quelle, elle ne convient pas aux besoins de la province de Québec. Au sujet de la pension des vieillards, je suis du même avis que le premier ministre qui prétend que la province n'a pas les revenus suffisants pour payer une pension à ses vieux et que, de plus, elle ne doit pas enlever aux fils le plaisir de soigner leurs vieux parents dans le besoin.
Cette loi ferait naître de nombreuses difficultés. En outre du fardeau qu'elle imposerait à cette province, elle est contraire à l'une de nos plus chères traditions et à nos coutumes; elle diminuerait la piété filiale qui fait que les enfants, dans cette province, ont soin de leurs vieux parents; elle encouragerait l'imprévoyance.
L'honorable député de Verdun (M. Lafleur) a mentionné ce qui, d'après lui, devrait se trouver dans le discours du trône. Je relèverai l'allusion qu'il a faite à l'émigration des nôtres aux États-Unis. À plusieurs personnes qui partaient, le représentant de Verdun a demandé pourquoi elles quittaient la province de Québec, et ces personnes lui ont répondu: Qu'avez-vous à nous offrir, que pouvez-vous nous donner? J'espère que le député de Verdun a su quoi leur répondre. Le chef de l'opposition et le député de Verdun ont parlé de l'exode des nôtres.
Le chef de l'opposition a même cité, à ce sujet, un extrait d'une publication de M. l'abbé Bilodeau qui a dit que nos enfants partent parce que l'agriculture ne rapporte pas et parce que nos cultivateurs n'ont pas de terres à leur donner. Je proteste contre cette tactique déloyale utilisée par l'opposition et qui tend à rendre le gouvernement responsable du départ des nôtres vers les États-Unis. Est-ce bien la faute du gouvernement? Et puis, y a-t-il encore un exode?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le ministre de la Colonisation insinue que j'ai voulu être déloyal alors que j'ai simplement dit que la situation dans la province de Québec n'est pas aussi heureuse, que notre population n'est pas aussi prospère que le discours du trône a voulu le laisser entendre, et je me suis appuyé, pour dire cela, sur les autorités. Je n'ai pas employé de tactique déloyale. J'ai dit qu'il y a eu des départs et j'ai appuyé mon affirmation sur un témoignage respectable.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): La tactique de l'opposition, la même depuis plusieurs années, a toujours été d'essayer de faire porter au gouvernement la responsabilité du départ de tous les nôtres.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Une grande partie au moins.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Y a-t-il vraiment un exode important? J'ai montré en Chambre, il y a deux ans, combien étaient exagérés les chiffres qui ont été fournis par l'opposition et que l'on citait alors au sujet de l'exode des nôtres. M. l'abbé Bilodeau, qui a étudié la situation, considère qu'il n'y a pas une, mais plusieurs raisons expliquant cet exode.
Après la guerre, nombre de nos compatriotes nous ont quittés. Nous avons eu les problèmes d'après-guerre, comme tous les pays. L'un des facteurs de cet exode est que, durant la guerre, les cultivateurs ont payé cher les terres qu'ils ont achetées en raison de la hausse du prix des produits de la ferme et, lorsque les prix ont chuté, ils n'étaient plus en mesure de respecter leurs engagements. Puis, la sécheresse des années 1921 et 1922 et l'application de la nouvelle loi fédérale des faillites ont aussi contribué à l'émigration des nôtres vers les États-Unis en empirant la situation de nos cultivateurs.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Oui, mais ce que M. l'abbé Bilodeau dit est-il vrai?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Je vous répondrai tout à l'heure. On ne peut tenir le gouvernement responsable de ce problème de l'exode des nôtres qui n'est pas nouveau. Depuis 80 ans ou plus, les nôtres traversent les frontières et s'en vont aux États-Unis. Depuis cette époque, il n'y a presque pas une seule famille dans la province qui n'ait pas des parents ou des amis aux États-Unis. Ceux-là font une propagande contre notre province et en faveur des États-Unis en incitant leurs parents à aller les trouver là-bas. Ils s'imaginent qu'ils ont de bien meilleures chances de faire de l'argent de l'autre côté de la frontière.
On a bien vu, au retour des enfants prodigues, que, de toute évidence, tout ce qui brille n'est pas or. Il n'est que trop vrai que de loin les champs paraissent verts, mais que, si on s'approche, on les trouve desséchés et arides. Il y a eu augmentation de l'émigration récemment, mais le gouvernement n'a absolument aucune emprise sur les circonstances entourant cette situation. Cependant, depuis 1925-1926, l'exode n'existe plus, à bien dire. Les départs sont des cas exceptionnels.
M. l'abbé Bilodeau, cité par l'honorable chef de l'opposition comme un témoin respectable, a écrit un livre, en 1926, intitulé Pour rester au pays; il y pose les raisons du départ des nôtres. Pour répondre au chef de l'opposition, je cite aussi M. l'abbé Bilodeau. Le témoin de l'honorable chef de l'opposition a affirmé que la cause principale et réelle de l'exode rural, ce ne sont pas les conditions économiques. Notre pays passe par une ère de prospérité.
D'après l'enquête, on dit que la cause principale de l'exode réside dans une déviation de la mentalité qui fait que nos gens n'ont plus le sens de l'économie; ils ont l'esprit d'aventure et se livrent à la folie du luxe et de jouissance. Elle réside aussi dans le fait que le frein de l'autorité des parents est disparu et que l'éducation n'a pas réagi suffisamment. Cette déviation peut être prévenue par l'éducation dans la presse. Et l'abbé Bilodeau ajoute: "Si nous n'avions pas de sonneurs de fausses alarmes, le pays serait plus prospère. On ne crie pas au loup sans effrayer les enfants; on ne crie pas à la ruine sans ébranler la confiance."
Aux élections de 1923 et de 1927, nous en avons eu bien des sonneurs de fausses alarmes, bien des pessimistes. Nos adversaires ont-ils assez tenté d'ébranler la confiance des colons, des cultivateurs et des ouvriers? On a ébranlé les convictions et la confiance du public. Il est vrai que, selon le mot candide de mon honorable ami de Laval (M. Renaud), à la dernière session, c'était pour gagner le pouvoir. A-t-on assez crié que nos affaires allaient mal? L'abbé Bilodeau a parfaitement raison quand il dit que le travail à faire chez nous, c'est de changer la mentalité, de créer une mentalité agricole.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pardon. Est-ce que M. l'abbé Bilodeau a écrit ce livre avant l'enquête qui a été faite ou après? Ne l'a-t-il pas plutôt écrit deux ans avant sa récente enquête?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): L'abbé Bilodeau a écrit son livre après une enquête sérieuse et il savait ce qu'il écrivait en 1926, quand il a publié son livre. Ceux qui connaissent bien la situation dans la province de Québec savent qu'il a dit la vérité dans son volume. Il faudrait créer une bonne mentalité agricole dans la province par l'éducation; demander à nos prêtres, à nos instituteurs, à nos institutrices de prêcher l'amour du sol, les beautés et la grandeur de l'agriculture et de savoir en bien pénétrer l'esprit de nos enfants.
L'honorable député de Verdun nous a demandé: Avez-vous quelque chose à offrir à ceux qui partent? Certainement, et nous pouvons leur donner beaucoup mieux que la Nouvelle-Angleterre le pourrait faire. Pourquoi d'ailleurs les nôtres s'en iraient-ils alors que nous avons à leur offrir bien plus d'avantages que les États-Unis n'en offrent? De toute façon, les gens ne quittent pas le Québec parce que la situation économique est mauvaise.
L'an passé, le pays a connu la prospérité. En 1928, les rapports de nos importants hommes d'affaires, les discours de nos gérants généraux des banques lors des réunions annuelles, les témoignages d'hommes comme M. E. W. Beatty, de la Compagnie du chemin de fer Canadien Pacifique, montrent que le Canada est dans une situation économique sans précédent et que les conditions qui ont amené cette situation prospère ont le caractère de la permanence.
Pourquoi faut-il que, devant cette situation, des gens se fassent des sonneurs de fausses alarmes? C'est l'abbé Bilodeau qui cite lui-même une protestation de la Rente contre ceux qui crient toujours à la ruine et à la faillite et enlèvent à la population de notre pays cette confiance qui est un facteur essentiel au progrès. Nous avons ici des sonneurs de fausses alarmes. Ils prêchent la défection et la ruine. Nous entendons encore leurs jérémiades injustifiées de 1923 et de 1927. Ils ont semé la méfiance, ils ont ébranlé la confiance du public dans les ressources du pays. Le travail à faire pour empêcher l'exode des nôtres est de changer la mentalité. Ce qu'il importe, c'est de créer, dans nos campagnes, une véritable mentalité agricole et elle existera lorsque, dans nos écoles rurales, on parlera davantage des choses agricoles. C'est Sa Grandeur Mgr Ross, évêque de Gaspé, qui a exprimé la même opinion il n'y a pas très longtemps.
Ce que nous avons à offrir aux nôtres? Comparons avec les États-Unis. Les États-Unis, et ce n'est un secret pour personne, traversent une crise industrielle et agricole. Beaucoup de leurs manufactures sont closes et le Congrès américain cherche depuis plusieurs années une solution au problème agricole. Aujourd'hui, la Nouvelle-Angleterre traverse une crise industrielle dont les effets sont considérables. Les filatures sont pratiquement fermées les trois quarts du temps, les salaires des ouvriers sont diminués. On paie des salaires de famine.
Et l'agriculture américaine traverse une crise semblable. La Nouvelle-Angleterre n'a aujourd'hui à offrir que la misère à nos gens. En ces dernières années, plus de 100,0002 cultivateurs américains ont quitté leurs fermes. Et tous les ans, on voit les cultivateurs américains venir demander au Congrès des remèdes à cette crise agricole, des réformes et une meilleure protection. N'avons-nous pas raison de dire à nos gens: Pourquoi aller outre-frontières quand le Canada vous offre davantage?
Le Canada est actuellement plus prospère que les États-Unis. Il offre aux nôtres plus d'avantages que n'en a la république voisine. Pourquoi les nôtres partiraient-ils? Le représentant de Verdun nous demande, dans son discours, si nous avons un remède contre l'émigration. Je dis que nous allons continuer de faire ce que nous avons déjà fait dans le passé.
Le gouvernement, pour empêcher les nôtres de partir, continuera son oeuvre efficace. C'est la raison pour laquelle nous allons faire encore plus que par les années dernières, et nous donnerons encore notre encouragement à l'agriculture, afin de garder nos agriculteurs sur la terre. On nous a dit que l'agriculture ne paie pas et on a parlé de ruine dans nos campagnes. Comment se fait-il que les cultivateurs qui ont adopté des méthodes modernes de culture réussissent? Comment se fait-il que nous ayons tant de cultivateurs à l'aise dans nos campagnes? Comment se fait-il que nos cultivateurs remportent des prix dans toutes les expositions? Comment se fait-il que sur les fermes de démonstration, avec les mêmes moyens que les autres cultivateurs, mais en suivant les méthodes scientifiques de culture, on a réussi à changer des déficits en surplus, l'an dernier? Les terres, grâce à l'enseignement agricole, rapportent mieux. C'est que ceux qui ont suivi nos méthodes ont remporté des succès marquants. L'honorable chef de l'opposition sourit?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Oui, c'est naturel.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Mon honorable ami a si beau caractère qu'il sourit tout le temps. L'honorable député de Laval (M. Renaud), qui est un cultivateur émérite et qui s'y connaît sur ce sujet, admettra qu'il y a quelque chose de changé dans nos campagnes. Je crois cependant que le cultivateur de Québec est dans une meilleure situation que celui des autres provinces. Grâce aux moyens que lui fournit le ministère de l'Agriculture, le cultivateur peut améliorer sa production, la varier de toute façon.
En 1928, la récolte fut sauvée difficilement à cause des pluies considérables que nous avons eues. Mais le beurre, le fromage et les animaux se sont bien vendus. Ce dont le cultivateur a besoin, c'est la coopération et l'enseignement agricole, et c'est à cela que l'honorable ministre de l'Agriculture a travaillé depuis des années.
Notre agriculture est de beaucoup plus prospère que celle des États-Unis et les cultivateurs qui travaillent suivant les méthodes du gouvernement sont très prospères. On s'achemine de plus en plus vers l'instruction technique. L'enseignement agricole est répandu maintenant dans nos campagnes. Les agronomes sont écoutés, les cours abrégés d'agriculture sont suivis avec attention. Autrefois, nos cultivateurs ne goûtaient guère les agronomes. Aujourd'hui, ils les recherchent. Ils sont extrêmement intéressés à la formation qu'offre le département de l'agriculture. C'est signe que la mentalité change.
Et, pour permettre aux cultivateurs de faire plus de profits, le gouvernement a donné un essor nouveau au développement de nos ressources naturelles. Afin de donner à la classe agricole une plus grande prospérité, le gouvernement a créé des centres industriels pour l'ouvrier qui ont formé un excellent débouché pour nos produits agricoles et qui donnent du travail aux fils du cultivateur. Il est inutile pour moi de les nommer. Drummondville, Chicoutimi, Jonquière, Kénogami, Arvida, Noranda, Rouyn, Dolbeau sont des centres nouveaux qui ont contribué à garder les nôtres chez nous.
Mais nous ne nous sommes pas arrêtés là. Le gouvernement a fait encore plus. Pour améliorer davantage la situation agricole, le gouvernement a doté cette province d'une voirie qui lui fait honneur et a donné à nos cultivateurs une voirie qui leur donne de bonnes routes et des communications faciles avec les centres industriels. Il a créé par ce même fait, chez nous, l'industrie du tourisme, source de richesse. Le tourisme, l'an dernier, a été florissant. 500,000 automobiles étrangères américaines sont entrées dans cette province l'année dernière et l'on estime à $75,000,000 la somme que les visiteurs ont dépensée chez nous.
Depuis 1920, le département de la Voirie a dépensé plus de $68,000,000 dans les campagnes pour des travaux de voirie. Cet argent, pour une bonne partie, est allé dans les poches des cultivateurs et a aidé ceux-ci à traverser la crise d'après-guerre.
Nous avons donné des routes, des primes de défrichement, des maisons, des écoles, des graines de semence aux colons pour une forte somme. Nous avons dit à nos missionnaires: Si vous voyez que des colons de bonne foi ont de la misère, voici des milliers de dollars à leur disposition. Nous avons aidé de cette façon un grand nombre de colons. Je le demande aux hommes sincères de cette Chambre: Pouvions-nous faire plus?
M. l'abbé Bilodeau rend un juste hommage à l'oeuvre que j'ai accomplie. Il affirme que l'essor imprimé à la colonisation fut un mouvement sauveur et constitua un des remèdes les plus énergiques contre l'exode des nôtres. Depuis 1921, le gouvernement a donné plus de $14,202,785 aux jeunes cultivateurs qui veulent aller s'établir dans les nouveaux districts de colonisation. Il a fait ou réparé plus de 15,000 milles de chemins dans les centres de colonisation; il a construit tous les ponts et les écoles.
Depuis 1923, le gouvernement a fait distribuer des graines de semence pour une valeur de $162,593 et a payé, en primes de défrichement et de labour, une somme de $570,947. En 1927, $209,471 ont été payés en primes de labour. Il a fait de nombreux prêts pour aider les colons à la construction des maisons et des granges. Des missionnaires colonisateurs ont été nommés dans toutes les régions de colonisation et des milliers de dollars ont été mis à leur disposition pour aider les colons.
Et, si des gens sont partis, il en est resté puisque, depuis sept ou huit ans, 50 ou 60 nouvelles paroisses ont été fondées dans les régions de colonisation. Le programme qui a été mis sur pied dans le district du Lac-Saint-Jean est un excellent exemple des efforts que fournit le gouvernement et de la prévoyance dont il fait preuve dans ce domaine. M. l'abbé Bergeron, missionnaire colonisateur, dans son rapport, mentionne que, malgré le développement industriel au Lac-Saint-Jean et dans Chicoutimi, la colonisation a progressé. Dans ces deux comtés, en effet, 153 familles ont été établies sur des terres nouvelles l'an dernier. Que pouvions-nous faire de plus?
M. Bergeron, dans ce même rapport, démontre comment l'agriculture paie. Il cite deux paroisses de colonisation dont l'une, établie en 1919, a 107 familles et un actif de $347,226 en maisons, labours, etc., et l'autre, après 10 ans de vie, a un actif de $218,825. Ceux qui ont fait le voyage de l'Abitibi ont pu se rendre compte des bienfaits et des progrès de la colonisation dans cette région. Dans l'Abitibi, il n'y avait rien, il y a 15 ans. Aujourd'hui, il y a 25 nouvelles paroisses dont l'évaluation municipale globale est de $7,140,710.
L'an dernier, nous avons entrepris une nouvelle oeuvre: le rapatriement. La Chambre me permettra d'en dire quelques mots. À la suite d'une entente avec le gouvernement fédéral, celui-ci et le gouvernement provincial ont décidé de dépenser chacun $50,000 pour aider au rapatriement des nôtres. Au cours de l'année, avec M. l'abbé Bergeron à la tête du rapatriement, 115 familles ont été rapatriées, formant un total de 628 personnes grâce aux efforts du gouvernement.
Elles venaient des États suivants: Maine, Massachusetts, Connecticut, Rhode Island, New York, New Hampshire, Michigan et New Jersey. Elles sont maintenant établies et disséminées un peu partout, sur des terres, dans toutes les régions de colonisation de la province et dans quelques vieilles paroisses. 86 ont été placées dans l'Abitibi, 11 dans le Témiscamingue, 4 dans Chicoutimi, 2 dans Wolfe. Les autres sont allées dans divers comtés de la province.
De ces 115 familles, au 31 décembre dernier, seulement quatre ont quitté les endroits où le gouvernement les avait placées à la campagne. Une est retournée aux États-Unis, une autre s'en alla à Montréal, une autre à Québec, une autre aux Trois-Rivières. L'opposition doit réaliser la difficulté d'une oeuvre de cette envergure que le gouvernement va continuer. Ce travail du rapatriement est une tâche très difficile. Il faut choisir des personnes qui ont gardé l'amour du sol et qui ont aussi des dispositions pour l'agriculture, car il faut diriger ces gens sur des terres. Aussi ai-je placé ces familles rapatriées dans des paroisses déjà établies afin qu'elles ne fussent pas isolées. Resteront-elles toutes avec nous? C'est difficile à prévoir. C'est une expérience que le gouvernement a tenté cette année et je crois que, si nous pouvions garder 60 %3 des familles rapatriées sur les terres où elles ont été placées, ce sera déjà un excellent résultat.
On aurait pu rapatrier, du premier coup, 500 familles, cette année, car nous avons reçu des centaines de demandes de personnes qui veulent revenir, mais nous n'avons fait qu'un essai. Nous devons en attendre les résultats. Nous n'avons pas voulu aller trop vite et assumer des risques exagérés.
Avant de se lancer dans un mouvement trop considérable, il faut faire une expérience. Nous avons raison d'être satisfaits de cette première expérience. Cette expérience se continuera au cours de l'an 1929, sous la direction de MM. les abbés Bergeron et Dechêne. L'an prochain, on augmentera le nombre des rapatriés, mais cette augmentation sera lente et prudente. Il nous faut voir ce qu'ont fait les colons revenus ici avant d'en faire revenir d'autres. Nous ne devons rapatrier que les familles dont nous sommes sûrs qu'elles s'établiront solidement chez nous.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable premier ministre n'a-t-il pas dit que c'était une utopie, le rapatriement? Ne vous souvenez-vous pas d'avoir déjà dit qu'il est impossible de rapatrier les nôtres partis aux États-Unis? Que ceux qui ont laissé le Canada n'y reviendront jamais?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Je ne me souviens pas. Je ne le crois pas, mais j'ai dit moi-même qu'il était difficile de rapatrier les nôtres des États-Unis et je ne suis pas certain encore du succès de l'expérience que nous tentons. Voilà pourquoi nous procédons lentement. Cependant, nous ferons tout notre possible, avec l'aide de l'abbé Bergeron, un missionnaire qui sait bien en quoi consiste le travail de colonisation, pour en ramener le plus grand nombre possible et les garder.
On a créé de nouvelles industries pour venir en aide à la population, et, aux nouvelles ressources agricoles, hydrauliques et forestières, se sont ajoutées les ressources minières. Les mines ont progressé comme jamais en ces dernières années. Nos mines canadiennes qui avaient, en 1898, une valeur de $38,412,431 valent maintenant $268,000,000. Le Canada occupe le quatrième rang comme producteur de plomb, de zinc et d'or. Québec fait beaucoup sous ce rapport. La province de Québec, il y a 30 ans, a produit des minéraux pour une valeur de $1,600,000. En 1927, cette production avait une valeur de $29,000,000. Et la production de 1928 atteindra le chiffre de $35,000,000. La province n'est qu'au début de ses développements miniers.
Dans quelques années, le Canada et la province de Québec seront deux des plus grands producteurs de cuivre, de plomb et de zinc du monde. En 1928, la mine de Noranda a produit 36,000,000 de livres de cuivre et elle doublera cette production en 1929. Les mines Horne et Montgomery sont actuellement en opération; d'autres le seront bientôt.
La mine Siscoe est à établir une usine qui sera en opération dans quelques jours. À Chibougamau et dans la Gaspésie, on fait aussi d'importants travaux et des découvertes fort intéressantes. Ces districts de Chibougamau et de Gaspé renferment des ressources quasi inépuisables et qui doivent être exploitées. Je suis convaincu que, dans quelques années, la péninsule de Gaspé sera parmi les plus grandes régions productrices du pays et du monde, de plomb, de cuivre et de zinc.
M. McCrea, de l'Ontario, un prospecteur, a prétendu, dans un journal de Toronto, que la loi des mines empêche la prospection et n'aide pas aux prospecteurs. C'est faux. Jamais un homme n'a autant parlé à travers son chapeau. Je vais le prouver. En 1921-1922, la province a donné 509 certificats de mines; en 1927-1928, elle en a donné 5,090. En 1921-1922, 321 terrains ont été enregistrés et, en 1927-1928, il y en a eu 13,707. En 1922, 195 permis d'exploitation ont été accordés; en 1927-1928, on atteint le chiffre de 2,290. Dans le premier cas, ces permis représentaient 34,990 acres; dans le second cas, c'est 448,858 acres. Voilà une réponse à M. McCrea.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pas le ministre des Mines d'Ontario?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Non. C'est un prospecteur.
Dès les premières découvertes à Rouyn, le gouvernement a ouvert un bureau d'enregistrement; il en a ouvert un autre plus tard à Amos. Il a donné des subventions aux laboratoires à Angliers, à Rouyn et à Amos. Il a construit des chemins pour donner accès aux mines. Il a construit entre Macamic et Angliers un chemin de 105 milles de longueur, qui relie le nord du Témiscamingue au sud de l'Abitibi, au coût de près de $1,000,000.
Le budget des Mines a été de $6,000 en 1910, de $16,000 en 1922-1923, et de $455,000 en 1927-1928. Le gouvernement a promis un subside de $250,000 au C.N.R. pour la construction de l'embranchement Taschereau-Noranda. Il a fait donner des cours de minéralogie. Il vient de décider l'établissement d'un bureau de géologie. Dans le dominion, seule la province d'Ontario possède un tel bureau et elle l'a établi longtemps après la découverte de ses mines de cobalt.
Nous voulons faire encore plus cette année. Nous entendons poursuivre l'enseignement de la géologie; le discours du trône parle du projet. Le temps est venu ici d'ouvrir un bureau de géologie comme Ontario l'a fait après avoir découvert le cobalt, et d'avoir nos propres géologues qui simplifieront le travail des prospecteurs et qui feront un inventaire des richesses minières de la province, ainsi que des plans et des cartes de nos régions minières. Les explorations et les recherches aideront à intensifier le développement de la production et de l'industrie minières.
Nous nous sommes intéressés encore au développement d'une autre richesse naturelle: les pêcheries maritimes. En 1922, à la suite d'un jugement du Conseil privé qui a décrété que les eaux qui bordent le littoral des provinces leur appartiennent, le gouvernement a pris le contrôle des pêcheries. En 1927, la valeur des établissements de pêche dans cette province a été de $2,736,450 et les capitaux engagés dans cette exploitation sont de $2,408,274. Les pêcheurs sont au nombre de 12,144 dans notre province et plus de 2,500 pêcheurs sont au travail.
Le gouvernement fédéral a récemment fait faire une enquête sur nos pêcheries par une commission, et plusieurs des suggestions de cette commission, qui a siégé à Gaspé, s'appliquent à notre province aussi bien qu'aux Provinces maritimes. Je suis heureux de constater que les conclusions de cette enquête ont donné raison à notre province et à la politique appliquée par le gouvernement à ce sujet.
La commission a suggéré la formation des coopératives de pêcheurs, l'inspection et la classification du poisson. On a pu ainsi mettre du poisson de meilleure qualité sur le marché. Dans le district de Gaspé, le gouvernement a établi neuf coopératives locales affiliées à la Coopérative fédérée à Montréal et il a organisé le système d'inspection et de classification. Au début, les pêcheurs se sont objectés à l'inspection et à la classification de leur poisson, ne réalisant pas qu'il était important d'offrir du poisson de meilleure qualité sur le marché, mais maintenant ils en veulent.
Le système de la classification a donné de bons résultats et a engagé la concurrence à Gaspé et sur la côte nord. Il y a déjà 214 classificateurs à l'oeuvre. En plus, on a des demandes pour 10 hommes supplémentaires sur la côte nord et dans la Gaspésie.
Le travail des coopératives a produit un excellent résultat et les pêcheurs ont vu leur bénéfice augmenter de $1 à $1.50, et même de $2 à $2.50, de plus le quintal pour leur poisson. Le gouvernement n'a pas encore réussi à établir ces coopératives sur la Côte-Nord, mais il espère avoir plus de succès en 1929 et en établir au moins deux ou trois. Malheureusement, il a été impossible, jusqu'ici, d'établir des coopératives sur la côte nord. La difficulté est que plusieurs pêcheurs craignent d'être privés par les compagnies et de ne pouvoir avoir les avances d'argent dont ils ont besoin. La coopération est difficile à faire accepter aux pêcheurs de la côte nord, mais nous y arriverons.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Ces coopératives sont-elles prospères?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Oui, elles vont très bien et elles sont très prospères en Gaspésie.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): J'avais entendu dire qu'elles étaient fermées.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Non. Au contraire, elles comptent de 400 à 500 membres.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je croyais pourtant que les marsouins avaient tout mangé la morue.
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Non. Nous aurions pu même fonder d'autres coopératives, mais nous laissons l'idée de coopération faire son chemin. Nous n'avons pas réussi à créer de coopératives sur la côte nord, mais nous réussirons. Nous espérons en créer deux ou trois au printemps. Un jour, des officiers de mon ministère sont allés organiser une coopérative et il y avait dans la réunion le représentant d'une compagnie qui a dit: Si vous entrez dans la coopérative, vous devrez me payer tout ce que vous devez. Résultat: personne n'a voulu s'inscrire. J'ai communiqué avec la compagnie que représentait ce monsieur et j'ai obtenu la fin de cette campagne contre la coopération.
Le gouvernement entend faire davantage pour les pêcheurs. Il établira des stations expérimentales pour la pêche, le séchage et le fumage du poisson sur la côte nord et dans la Gaspésie. On enseignera là aux pêcheurs comment sécher ou fumer la morue. Des instructeurs continueront la campagne d'éducation déjà commencée en 1922. Le gouvernement projette aussi l'établissement de glacières pour aider au commerce du poisson frais et pour conserver la boëte pour la pêche à la morue.
La situation est devenue critique pour les pêcheurs de la côte nord, à cause du fléau des marsouins dont le nombre se chiffre à environ 150,000 dans les bancs de morue sur la côte. Ces derniers mangent de 50 à 100 livres de poisson par jour et font des dégâts extraordinaires. Le printemps dernier, la situation a été sérieuse en certains endroits et les pêcheurs n'ont même pas pu prendre assez de poisson pour nourrir leur famille.
Le gouvernement a fait face à la situation de différentes manières. Il a offert $100 aux pêcheurs de la côte nord pour les aider à construire de plus grosses barges, et une centaine de ceux-ci ont déjà profité de cette offre. Ces barges aideront ces pêcheurs à faire la pêche plus au large, là où les marsouins gênent moins leurs travaux, et leur permettront d'éviter ainsi les pertes que la présence des marsouins leur a déjà causées.
Il rappelle ce que son département a fait pour aider ces pêcheurs à lutter contre les marsouins et annonce que des compagnies projettent actuellement de faire la pêche aux marsouins. Il explique les enquêtes qui ont été faites par des experts qui ont passé l'été sur les lieux pour étudier la situation faite de ce fait aux pêcheurs. Le gouvernement a même requis les services du professeur Adams, de l'Université de Harvard, un grand expert en poissons de ce genre, qui a passé deux mois sur la côte et qui, après une étude sur les lieux, a suggéré aux pêcheurs de chasser le marsouin pour son huile et sa peau.
Dans l'opinion de certains experts, la plaie des marsouins serait due au fait que les esquimaux leur font la chasse dans les solitudes de la baie d'Ungava et de la baie d'Hudson. Les sauvages se serviraient du bruit pour les mettre en fuite. Si ce moyen vaut quelque chose, nous pourrions l'utiliser pour renvoyer les marsouins vers le nord. Le gouvernement est actuellement en pourparlers avec plusieurs compagnies pour lancer une campagne de destruction contre ces animaux.
M. Blain (Montréal-Dorion): Pardon. L'honorable ministre n'aurait-il pas pu s'enquérir de la pêche aux marsouins de la Rivière-Ouelle?
L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Je n'avais pas besoin de m'enquérir, car je connais bien la pêche de M. Lisotte. Nous avons un projet à ce sujet. Nous avons l'intention d'établir sept ou huit établissements de pêche au marsouin semblables à celui de la rivière Ouelle, sur la côte nord, pour tenter l'expérience. Tout cela, en terminant, constitue la politique du gouvernement sous ce rapport.
On a fait beaucoup de choses et il en reste encore beaucoup à faire. Lorsque le premier ministre a pris le pouvoir en 1920, il s'est tracé un programme, un plan d'action visant à exploiter les richesses naturelles de la province.
Il a exécuté ce plan logiquement, avec le courage, la fermeté, l'intelligence et le talent que nous lui connaissons. Certes, pour exécuter quelque chose, il faut mettre de côté l'inertie des uns et oublier les attaques des autres. Mais le premier ministre se doit à lui-même de continuer son oeuvre. Il a l'assurance qu'il travaille pour son pays, sa province et sa race.
M. Duplessis (Trois-Rivières)5 débute en exprimant la joie de la Chambre qui voit la santé de notre souverain s'améliorer de jour en jour. Il offre ses meilleurs souhaits à l'Orateur dont il loue l'impartialité et il formule un voeu, c'est que l'Assemblée législative maintienne le même Orateur constamment en fonction.
Il déplore le départ de l'honorable M. Pérodeau et il souhaite la bienvenue au nouveau lieutenant-gouverneur (l'honorable Sir Lomer Gouin) qui compte parmi les personnalités du pays qui ont fait honneur à notre race. L'honorable M. Pérodeau était un des plus éminents hommes de ce pays, un gentilhomme dans toute la force du mot, et son successeur, un des grands hommes que la province ait produits.
J'offre également mes meilleurs voeux à mes confrères et je souhaite, pour le Nouvel An, bonheur et prospérité à la province de Québec. Je doute cependant que ce bonheur et cette prospérité lui viennent avant qu'elle se soit donné un changement d'administration et de direction qu'elle ne peut trouver que dans un changement de gouvernement.
L'honorable M. David (Terrebonne): Très bien, très bien!
M. Duplessis (Trois-Rivières): Mes compliments au nouveau député des Îles-de-la-Madeleine (M. Caron), le proposeur de l'adresse. Je prie ce dernier d'offrir au ministre de l'Agriculture (l'honorable M. Joseph-Édouard Caron) mes bons souhaits pour le rétablissement de sa santé. Incidemment, les députés de la Chambre doivent garder entre eux des relations cordiales et fraternelles qui ne se démentent jamais. N'oublions pas que nous sommes tous ici dans le désir de travailler à la prospérité de notre province, et personne ne devrait perdre de vue cette idée. Enfin, mes compliments au représentant de Montréal-Saint-Laurent (M. Cohen), secondeur de l'adresse.
Tout ce qui brille n'est pas or. Je constate que ce qui ressort du discours du trône et des discours que nous avons entendus du côté de la droite est une cantate, un cantique et un chant d'allégresse pour célébrer la prétendue prospérité de la province et surtout ses surplus. Les surplus du trésorier provincial (l'honorable M. Nicol) sont fondés sur des augmentations de taxes constantes, sur l'aliénation de nos ressources naturelles et sur la dilapidation de notre capital forestier, minier et hydraulique.
Le gouvernement a donné nos pouvoirs d'eau aux Américains et à d'autres parce qu'il savait qu'il obtiendrait des revenus substantiels en retour, mais, ce faisant, il a enlevé à la population ce qui lui appartenait, au profit des étrangers, et, de plus, il a ajouté ces revenus au trésor provincial pour laisser croire qu'il y a un excédent des revenus sur les dépenses.
Tous les ans, on constate que les taxes augmentent et, avec cela, on ose se glorifier de surplus. À la dernière session, le gouvernement les a augmentées de près de $1,000,000. Ce ne sont pas les ministres qui paient, ce ne sont pas les députés de la gauche et de la droite, c'est le contribuable de la province. Je suis sous l'impression que notre province serait plus heureuse et que sa position financière serait meilleure si l'on diminuait le fardeau des taxes qui pèse sur ses épaules. J'ai été surpris d'entendre le premier ministre parler de ce que le gouvernement a fait pour la province.
L'honorable premier ministre a dit des choses qui m'ont surpris dans la bouche d'un homme aussi intelligent. Il nous a dit: Le Parti libéral a donné tant à l'assistance publique, tant aux institutions, tant à la voirie, tant à l'agriculture, etc. À ce propos, je veux lui rappeler que la province n'appartient pas au gouvernement, aux libéraux, aux conservateurs. Elle n'est pas la chose du Parti libéral, ni la chose du Parti conservateur. Elle appartient au peuple. Quand on dit que le Parti a donné tant, c'est une belle inexactitude. Les membres de la droite et de la gauche ne paient pas plus les taxes que les autres. La pensée du gouvernement est fausse et injuste, parce qu'il se bâtit des surplus.
Ce sont les contribuables payeurs de taxes qui contribuent aux sommes que le gouvernement distribue ensuite, ce sont eux qui lui donnent le moyen de faire des oeuvres. Le gouvernement semble oublier cela très facilement.
Le gouvernement se bâtit des surplus en grevant, en obérant les fonds des corporations municipales qu'il prive elles-mêmes de revenus en accordant des exemptions de taxes aux grandes industries. Les industries dont se glorifie et s'enorgueillit le gouvernement sont établies dans nos villes, la plupart du temps, au détriment des contribuables municipaux, car elles jouissent, pour la plupart, d'exemptions de taxes injustes et vexatoires.
Les compagnies établies chez nous jouissent de ces exemptions de taxes pour une somme de $150,000,000, soit la valeur actuelle de leurs propriétés, grâce à la générosité du gouvernement. Cela n'est ni juste, ni raisonnable, ni équitable. C'est la population, après tout, qui doit combler la différence. La population en a assez de cette discrimination et, avant longtemps, elle se révoltera et remplacera la présente administration par une autre qui s'occupera des intérêts de la population.
Il y a quelques années, le gouvernement a empêché les municipalités d'accorder des exemptions de taxes et, pourtant, il accorde à chaque session de nombreuses exemptions au profit des compagnies. À la dernière session, l'honorable député de L'Islet (M. Thériault), dont on dit qu'il sera bientôt ministre, a présenté un bill pour exempter de taxes les compagnies qui ont des lignes de transmission dans la province. C'était aller un peu trop loin, même s'il faut donner une protection raisonnable et réelle aux compagnies. Dans l'intérêt de la paix sociale, il est temps d'arrêter cela.
Les municipalités devraient avoir leur part des revenus publics. On draine dans le coffre provincial ce qui devrait aller dans le coffre des municipalités. Il faudra que le gouvernement abandonne ce système et, tôt ou tard, il sera obligé d'y venir. Que le gouvernement donne aux municipalités une partie des revenus de la Commission des liqueurs, des licences d'auto et des amendes importantes imposées aux automobilistes pour les infractions à la loi des autos. Nous avons besoin de capitaux ici, mais, si les capitaux ont des droits, ils ont aussi des devoirs. Lorsque le gouvernement sanctionne des exemptions de taxes, il fait reposer tout le fardeau de ces taxes sur le dos des contribuables. Comme conséquence, l'ouvrier n'a gagné que des diminutions de salaire et est obligé de payer des taxes considérables aux municipalités obérées; il ne peut y arriver et c'est là la cause du trouble dans notre système économique. Il est temps que ces exemptions diminuent. Il y a des limites à tout.
Le gouvernement se vante de la prospérité de la province. Il est vrai que le gouvernement, qui est au pouvoir depuis 30 ans, a certainement fait du bien, c'est incontestable, mais la prospérité prétendue de la province ne repose pas sur des fondations durables. C'est la prospérité d'un petit groupe au détriment de la masse. Les statistiques fédérales indiquent que la province est une des moins riches, si l'on considère sa richesse per capita qui n'est que de $1,596, alors que celle de l'Ontario est de $2,095 et celle des autres provinces encore plus considérable.
La prospérité de tous est la seule et vraie prospérité. Il n'y a pas de véritable prospérité chez nous parce qu'il y a du malaise un peu partout dans la classe agricole et dans la classe ouvrière. Il ne peut y avoir de vraie prospérité quand ça va mal pour les cultivateurs, et même l'honorable ministre de la Colonisation a admis que tout n'allait pas très bien dans les régions rurales. Les mesures voulues n'ont pas été prises pour faire disparaître ces causes de malaise. Je ne jette pas tout le blâme sur le gouvernement, mais je soumets qu'il a sa large part de responsabilités.
L'honorable ministre de la Colonisation (M. Perrault), qui est un meilleur ministre que ses prédécesseurs, nous a parlé de l'enseignement agricole.
On dit que les écoles d'agriculture attachent les cultivateurs à la terre. Je ne suis pas prêt à dire que le gouvernement est responsable en tout de l'exode des nôtres aux États-Unis, mais, en supposant que l'école soit le moyen d'éduquer le cultivateur et de lui enseigner à rester chez nous, alors le gouvernement est coupable de négligence, puisqu'il n'a pas commencé cette campagne d'éducation il y a des années et a retardé de prendre ces moyens qui étaient à sa disposition quand il les croyait si bons. Pourquoi a-t-on attendu si longtemps avant d'instruire la classe agricole?
Le ministre de la Colonisation vient de vanter le gouvernement parce qu'il a dépensé $68,000,000 pour la politique de la voirie.
J'affirme que cette politique de voirie, telle qu'appliquée dès le début, a été une des grandes causes de l'exode d'un grand nombre des nôtres qui ont pris le chemin des États-Unis parce qu'elle imposait des charges trop lourdes aux cultivateurs qui ne pouvaient les supporter et s'en allaient.
L'honorable ministre de la Colonisation se vante aussi de sa politique de rapatriement. Je le félicite des succès de sa campagne de rapatriement. Mais, puisque le gouvernement est si riche et qu'il se vante de surplus, il est coupable, en présence de cette crise, d'avoir négligé si longtemps cette politique de rapatriement en ne donnant pas les sommes suffisantes pour ramener nos gens chez nous et pour garder nos frères ici. Pourquoi n'a-t-il pas rapatrié les nôtres plus tôt au lieu de rester les bras croisés?
On nous traite de pessimistes. Comment! nous serions des pessimistes parce que nous avons indiqué le danger, parce que nous avons signalé les maux et les remèdes de notre situation, et parce que nous avons mis le doigt sur les plaies? Non, nous ne sommes pas des pessimistes et, si le gouvernement avait toujours écouté les suggestions et les recommandations de l'opposition, une foule de choses et d'erreurs malheureuses pour la province ne se seraient pas produites. L'argument du ministre de la Colonisation se tourne contre lui-même. Il dit que c'est à cause de nous, parce qu'ils nous ont écoutés que les gens se sont découragés et sont partis.
Le ministre de la Colonisation n'est pas élogieux envers son parti lorsqu'il dit que nous, les membres de l'opposition, faisons tant de tort avec notre pessimisme. En effet, le Parti libéral, qui est au pouvoir depuis 32 ans, a une puissante presse pour véhiculer ses idées et il a certainement des hommes brillants pour prêcher l'optimisme à la population et faire contrepoids au prétendu pessimisme de l'opposition. Alors il admet que l'opposition est crue par le peuple et que le ministère ne l'est pas? C'est là un drôle d'argument dans sa bouche, mais il ne répond pas à la question.
La prospérité de la province est bâtie sur le dos des municipalités, sur la dilapidation de nos ressources que le gouvernement a toujours considérées comme un revenu alors qu'elles étaient le capital dont il n'est que le fidéicommis. Les principes libéraux subissent du temps l'irréparable outrage. Le gouvernement confond les revenus avec notre capital. On prend du capital pour le mettre au compte du revenu.
On considère comme des revenus les recettes de l'exploitation forestière qui est en réalité une dépense de capital. Le gouvernement tient une mauvaise comptabilité, et je suis certain que, s'il faisait faire une audition dans ses livres par des experts impartiaux, les surplus disparaîtraient. L'honorable trésorier de la province (M. Nicol) devrait soumettre les comptes publics à une audition d'hommes d'affaires. Cette audition doit se faire; elle s'impose afin de redonner au peuple sa confiance.
Nous sommes à la veille d'une crise du papier. Notre patrimoine forestier s'en va. Des experts prétendent que nous n'aurons plus de bois dans 25 ans. Le gouvernement n'a rien fait pour protéger notre domaine forestier, il a dormi. Le discours du trône dit que nous n'avons pas eu de feux de forêt et que le gouvernement est responsable de cet état de choses.
Le gouvernement, qui est modeste, dit qu'il n'y a plus de feux de forêt parce qu'il a établi un service de protection. Je crois que la Providence a eu quelque chose à faire dans l'obtention de ce résultat. Mais, encore là, pourquoi n'a-t-on pas pris les moyens nécessaires dans le passé pour prévenir les ravages des incendies?
Les moyens employés présentement existaient auparavant et ils auraient dû être mis en pratique avant. Nous avons perdu 1,000,000 d'acres de forêts par le feu, de 1921 à 1923. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas agi avant? Il a manqué à son devoir et en sera responsable devant les générations futures. Le gouvernement n'a pas le droit de permettre que le capital des générations futures soit dilapidé.
On appelle les ministres des membres de l'Exécutif. Ils doivent donc exécuter. En quatre ans, le gouvernement a aliéné autant de forêts que les gouvernements qui l'ont précédé en ont aliéné en 23 ans. Il y a eu des feux de forêt qui ont brûlé, dans la région du Saint-Maurice seulement, pour $5,000,000 de bois. Cela représente en travail et en salaires plus de $20,000,000.
Le gouvernement a fait du bien en créant une école forestière, en établissant une pépinière à Berthierville et en faisant d'autres efforts pour le reboisement, mais il y a une crise alarmante, une crise profonde dans notre domaine forestier. On dirait que le gouvernement commence une affaire et ne la finit pas et que, de plus, il n'a absolument rien fait pour conserver notre patrimoine. Ainsi, on n'a pas trouvé de positions aux élèves de nos écoles de génie forestier. On n'a pas retiré tous les avantages de la pépinière de Berthier.
Il y a eu une crise dans le papier. On a tenu des conférences, et à quoi se résument-elles? Le premier ministre a dit qu'il avait prévu la crise du papier il y a trois ans. Est-ce qu'il fait partie d'un conseil délibératif ou exécutif? À quoi cela a-t-il servi que le premier ministre ait averti les manufacturiers de papier de faire preuve de prudence il y a trois ans? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas agi au lieu de continuer à disposer des territoires forestiers? Le ministre des Terres (l'honorable M. Mercier fils) dit qu'il avait prévu la crise en 1925. S'ils l'avaient prévue, ils se devaient de prendre les mesures pour l'éviter. Ils ne sont pas ici pour penser, pour prédire, mais pour agir et prendre les moyens d'empêcher les ravages et les désastres comme ceux que cause cette crise.
Le ministre des Terres et Forêts a dit: Nous ne pouvions faire mieux. Si le gouvernement ne pouvait rien faire de mieux que ce qu'il a fait, il aurait au moins pu donner sa démission. Le gouvernement a été imprévoyant et voilà la cause de la crise du papier!
Si le gouvernement avait été prudent, nous n'aurions pas perdu de $10,000,000 à $15,000,000 et nous n'aurions pas la crise du papier. Le gouvernement est responsable de la crise actuelle dans l'industrie de la pulpe et du papier. Il a encouragé l'établissement de nouveaux moulins alors qu'il savait très bien qu'il y aurait surproduction, d'où les difficultés qu'éprouve aujourd'hui cette industrie.
Le gouvernement a passé, il faut l'avouer, de bonnes législations, mais, malheureusement, il n'a pas pris le moyen de les faire observer. Au sujet de cette fameuse crise du papier, je considère qu'il est temps que le ministère des Terres soit réorganisé et administré par des hommes compétents qui y soient à leur place et que ceux qui sont bien au courant de la situation soient nommés pour occuper le poste qui leur appartient.
Si on veut sauver quelque chose du naufrage, c'est ce qui manque à l'heure actuelle. Le ministère des Terres et Forêts a retiré $7,000,000 de revenus, l'an dernier, et on n'a pas appliqué 10 % de ces revenus à la protection de nos forêts. Il faudrait que le ministère des Terres fût administré sur une base d'affaire.
Il existe des moyens simples de protéger l'avenir de l'industrie du papier journal et, d'après moi, le gouvernement devrait nommer une commission d'experts impartiaux en dehors de la politique qui étudierait la question à fond et ferait un rapport pour parer aux éventualités. Avec instance, je recommande aussi la réorganisation du ministère des Terres et Forêts et la reconnaissance des véritables officiers compétents. Le ministère devrait aussi tenir des ingénieurs forestiers en permanence dans les forêts, qui étudieraient le problème sur place et qui pourraient prendre les méthodes voulues pour étudier la question sur place.
On a parlé, en cette Chambre, de l'élection de Sainte-Marie. Dans son discours, le premier ministre a été imprévoyant lorsqu'il a prédit que le député actuel de Sainte-Marie (M. Houde) ne siégerait jamais en Chambre. Il n'est pas bon prophète. Le représentant de Sainte-Marie est ici.
Le premier ministre a-t-il employé des méthodes loyales et ne s'est-il pas contredit? Je suis désolé, mais c'est ce que je pense. Il a dit qu'il n'avait pas le droit de parler de l'élection parce qu'elle était contestée devant les tribunaux, mais qu'il pouvait parler des méthodes utilisées parce que deux victorieux étaient en route pour le pénitencier. Mais les procédures se continuent encore.
Il savait bien que ces deux hommes n'étaient pas en prison, qu'ils ont été relâchés sur des brefs de certiorari et d'habeas corpus. Je me demande si c'est à cause de cela que le gouvernement présente des projets de loi relatifs à l'abolition des brefs de prohibition et de certiorari, cette session-ci. Le premier ministre est allé dans Sainte-Marie avec six ministres et le représentant de Sainte-Marie a eu une majorité de 780 voix, soit 100 voix par ministre plus 40 pour le premier ministre et 40 pour le ministre de la Voirie. Je repousse l'accusation de démagogie lancée contre les vainqueurs de Sainte-Marie. Le premier ministre nous a accusés d'être démagogues. Je proteste au nom de l'honnête population de la division de cette conception qu'on a faite d'elle-même. L'opposition ne fait pas de violence ni d'appel aux passions.
Des appels véritablement démagogiques ont été lancés par les adversaires du représentant de Sainte-Marie durant cette élection. Je condamne certaines manoeuvres électorales employées pendant la campagne. Le peuple de Sainte-Marie a protesté, par son vote, contre ces manoeuvres.
Ce n'était peut-être pas de la démagogie de la part du gouvernement lorsque, en 1923, lors des élections générales, il a soulevé le peuple des campagnes contre celui des villes. Ce n'était pas de la démagogie lorsque le premier ministre, parlant, l'an dernier, au sujet de la loi des accidents du travail, disait que les ouvriers ne devaient pas trop demander, que les cultivateurs se lèveraient, à leur tour pour protester. Ce n'était pas de la démagogie quand le ministre de la Voirie venait parler de la conscription en pleine assemblée électorale. Le peuple a voulu protester contre l'oubli des revendications populaires.
Je demande au gouvernement, au nom de ma race, de cesser les appels comme ceux que nous avons entendus dans Sainte-Marie. Il est temps que l'on fasse la saine éducation du peuple et que l'on modifie les méthodes électorales actuelles. Si nous ne changeons pas nos méthodes, nous allons donner l'impression au peuple que la chose publique est administrée selon nos appétits. Il faut condamner au même titre, qu'ils soient bleus ou rouges, ceux qui font appel aux appétits du peuple, et on a fait appel aux appétits du peuple par le patronage dans Sainte-Marie. L'honorable ministre des Travaux publics (M. Galipeault) a dit que nous devions adopter les coutumes britanniques. J'en suis. Mais on les a oubliées dans Sainte-Marie en retardant l'élection injustement. Cessons toutes ces insinuations et inspirons-nous du Parlement britannique.
L'honorable premier ministre est dans l'anxiété au sujet de la convention des conservateurs. C'est là l'affaire du Parti conservateur, mais mon parti n'a rien à cacher là-dessus. Le premier ministre est inquiet de savoir si les conservateurs provinciaux auront une convention. Je lui promets qu'ils auront une convention avant que le premier ministre tienne les promesses faites en 1923, alors qu'il a promis de donner sa démission s'il y avait 10 conservateurs élus. Ils auront une convention régulière, en temps et lieu opportuns, beaucoup trop vite encore au gré du gouvernement.
Le gouvernement intervient trop dans les affaires des municipalités. Par le contrôle qu'il exerce dans les affaires municipales, le gouvernement a arriéré la province de 100 années. Il a sacrifié les principes britanniques et violé les traditions de la province en créant des villes et en faisant nommer des conseillers municipaux par la Législature, ce qui dans certains cas veut dire que des étrangers peuvent diriger nos municipalités et en laissant au peuple le soin de payer des taxes. Nous avons un cabinet composé de brillants avocats. Le ministère a à son service des experts de toutes sortes.
Nous devrions nous attendre à une excellente législation. Mais, au point de vue législation, nous avons reculé de 100 ans, en ces dernières années, parce que celle-ci est sans cesse amendée par le gouvernement. On a voté des chartes spéciales, sacrifiant au capital étranger notre économie légale et des principes fondamentaux de notre législation. On a institué, pour le bénéfice de capitalistes étrangers, le système féodal et on a violé nos lois britanniques dont la première est: "No taxation without representation".
Des tragédies comme celle du Lac-Saint-Jean sont de nature à décourager la colonisation. Je proteste contre les illégalités qui s'y sont commises et qui ont été sanctionnées par le gouvernement. Cette affaire du Lac-Saint-Jean a peut-être rendu la colonisation plus difficile parce que les cultivateurs échaudés une fois ne voulaient plus courir de risques.
Il y a de grandes choses à accomplir en cette province. Nous avons besoin de plus de chemins de fer, chez nous, pour coloniser et pour desservir les régions de Gaspé, du Témiscamingue et de la Gaspésie. Québec est en arrière de toutes les autres provinces à ce point de vue. Nous, une vieille province, avons trois fois moins de milles de chemins de fer que la Saskatchewan. Ceci est un peu dû au fait que, par manque de confiance, les capitalistes n'ont pas voulu investir l'argent nécessaire.
Inutile de dire que cette affaire relève du fédéral, puisque la Législature peut donner des chartes pour la construction de chemins de fer dans des districts comme l'Abitibi, le Témiscamingue, et ailleurs dans la province de Québec. Si le gouvernement avait à ce point la confiance des capitalistes, peut-être qu'ils viendraient risquer leurs capitaux chez nous pour construire des chemins de fer.
Nous vous avons souvent demandé de régler la question du dimanche au nom des traditions et au nom des sentiments. Nous vous le demanderons maintenant au nom des intérêts. Peut-être vous laisserez-vous attendrir. Le gouvernement, qui n'a pas encore voulu régler la question du dimanche, serait peut-être surpris d'apprendre qu'il y a là sans doute une des raisons de la surproduction dans l'industrie du papier. Je me propose de traiter plus longuement cette question au cours de la présente session.
Il cite un mot du major C.-G. Power, député fédéral de Québec-Sud, qui a dit que le gouvernement provincial devrait empêcher les capitalistes étrangers qui veulent lui dicter sa ligne de conduite et que l'on traite un peu trop bien les grandes compagnies dans notre pays, et un discours de M. J.-F. Pouliot, député fédéral de Témiscouata, qui a dit, de son côté, que le gouvernement traite bien les Américains, qu'il leur permet de prendre des charges publiques à des postes de maire et de secrétaire-trésorier alors qu'ils ne sont pas naturalisés, dans des villes industrielles naissantes fermées, créées de toutes pièces, comme Noranda, Arvida et Racine.
Il critique enfin l'inefficacité de la police provinciale en revenant aux élections de Sainte-Marie. On a dit que c'était là une police compétente. Cependant, après les élections dans Sainte-Marie, des bandits se sont introduits dans l'atelier de M. Doucet, imprimeur, ont tout saccagé et ont finalement mis le feu. La police provinciale n'a pas plus retrouvé les coupables qu'elle n'a mis la main sur tous les meurtriers impunis. À la suite des dénonciations de l'opposition, on a cru bon de faire une réforme, on a décapité la police provinciale; le chef Lorrain a démissionné dans des circonstances mystérieuses. Le chef de l'opposition a demandé des explications au premier ministre à ce sujet, mais il n'a pas répondu.
La seule amélioration apportée par le gouvernement a été la décapitation du chef. Il est vrai que la police provinciale actuelle est peut-être aussi bien sans tête. Le gouvernement nous dira: Vous avez droit à une enquête. Nous voulons une réponse. Nous pouvons connaître la vérité sans enquête. Le gouvernement pourrait peut-être nous la donner de lui-même. J'offre au gouvernement la coopération de l'opposition pour l'adoption des bonnes mesures. Nous dénoncerons les autres. Nous allons combattre le gouvernement chaque fois qu'il ne travaillera pas dans les véritables intérêts de la province.
Je termine, M. l'Orateur, en disant que l'opposition fera, cette session, comme les autres, en surveillant le gouvernement. Je rappellerai à ce sujet les paroles de Louis Veuillot: "Il ne faut pas s'entêter, mais il ne faut pas non plus prendre la persévérance pour de l'entêtement. Il ne faut pas violenter, mais il ne faut pas appeler violence la fermeté. Il faut s'accommoder au temps, aux circonstances et aux hommes, mais il ne faut pas souffrir que le temps, les circonstances et les hommes l'emportent sur la vérité et la justice."
M. Grant (Champlain) propose, appuyé par le représentant de Brome (M. Oliver), que le débat soit ajourné.
Cette dernière proposition est adoptée. Le débat est ajourné.
M. Duplessis (Trois-Rivières)6: C'est le meilleur discours que vous n'ayez jamais prononcé, mon oncle.
La séance est levée à 6 heures.
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NOTES
1. D'après L'Événement, le discours de l'honorable Joseph-Édouard Perrault a duré une heure et demie.
2. Dans la version de La Presse, il est plutôt question de 180,000 cultivateurs.
3. La plupart des journaux consultés font mention de 60 % des rapatriés. L'Action catholique chiffre cette proportion à 75 % alors que, dans Le Canada, la proportion retenue atteint 25 %.
4. The Gazette évalue le nombre de classificateurs à 31.
5. L'Événement rapporte que Maurice Duplessis a parlé pendant une heure.
6. Maurice Duplessis est effectivement le neveu de William-Pierre Grant et il lui fait ce compliment par pure plaisanterie.