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Version finale

20e législature, 1re session
(7 octobre 1936 au 12 novembre 1936)

Le jeudi 5 novembre 1936

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-M.-P. Sauvé

La séance est ouverte à 3 h 15.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

 

Le Conseil législatif

Le 4 novembre 1936

Résolu qu'un message soit transmis à l'Assemblée législative à l'effet de l'informer que le Conseil législatif consent à se joindre à elle, ainsi qu'il en a été prié, pour constituer une commission mixte devant avoir charge des impressions législatives, et qu'il a désigné pour faire partie de cette commission mixte les honorables MM. Bryson, Garneau, Grothé, Létourneau, Marchand, Martin, Moreau, Nicol, Ouellet, Raymond, Roy et Scott, auxquels avait déjà été confiée la surveillance des impressions du Conseil législatif, au cours de la présente session.

Il est ordonné que le greffier porte ce message à l'Assemblée législative.

 

Employés aux travaux de construction
d'un embranchement du Canadien National

M. Lesage (Abitibi): M. l'Orateur, avant que nous passions à l'ordre du jour, je désirerais attirer l'attention de cette Chambre sur certains faits que je viens de constater dans mon comté. L'on sait que le Canadien National est actuellement à construire un embranchement qui va de Rouyn à Senneterre.

Je tiens à protester contre le fait qu'il n'y a pas un seul expert de la province employé à ces travaux. Ce sont tous des étrangers, et on n'a même pas jugé bon d'avoir sur les lieux un ingénieur, ni canadien-français, ni canadien-anglais ou autre demeurant dans la province, qui travaille sur ce chantier.

J'attire l'attention du ministre des Terres et Forêts (l'honorable M. Drouin) et du ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries (l'honorable M. Gagnon) afin que, quand ils seront appelés à considérer certaines demandes des contracteurs pour des travaux de ce genre, ils fassent accorder la préférence aux ingénieurs de la province et aux gens de mon comté.

C'est une simple question de justice, si nous ne voulons pas rester des porteurs d'eau et des scieurs de bois. De plus, nous avons également à nous plaindre du service du Canadien National dans l'Abitibi, service que nous ne trouvons aucunement efficace. Personne n'ignore que le réseau du Canadien National, de Rouyn à Cochrane, est l'un des plus payants pour les chemins de fer nationaux. Je demande donc aussi que l'on fournisse un service plus adéquat dans cette partie du Québec.

L'honorable M. Gagnon (Matane): La construction d'un embranchement du Canadien National entre Val-d'Or et l'Abitibi, dont l'honorable député de l'Abitibi a parlé, relève exclusivement du domaine fédéral. Je pense que l'honorable député ne l'ignore pas, non plus que personne dans cette Chambre. Il serait délicat pour la province d'intervenir dans cette question qui n'est pas de son ressort.

Toutefois, s'il est possible de faire délicatement certaines recommandations aux autorités concernées, nous les ferons avec plaisir et empressement. En autant que nous pourrons le faire, nous essaierons d'obtenir justice pour les gens de la province.

Élection des députés

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 20 concernant l'élection des députés à l'Assemblée législative.

Adopté.

 

En comité1:

Les articles 1 à 9 sont adoptés2.

Le comité étudie l'article 9, qui se lit comme suit:

"9. Outre les devoirs que la présente loi lui impose, le secrétaire de la chancellerie a la surveillance générale de la mise à exécution de cette loi en ce qui concerne la confection des listes électorales. S. R., chapitre 4, article 6a; 22 George V, chapitre 19, article 2."

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Cet article de la nouvelle loi est très important, puisqu'il a pour objet d'empêcher les parjures en série, comme ils se pratiquaient auparavant.

Sous l'ancien régime, les parjures étaient à l'ordre du jour, et à Montréal, les amis de cet ancien régime ont payé des individus par centaines pour fausser les listes.

Le gouvernement actuel intervient pour empêcher ces manoeuvres, et il constate que même les hommes nouveaux de l'ancien régime n'avaient rien fait pour éviter cela, parce que l'ancien gouvernement bénéficiait des parjures.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): Je suis heureux d'approuver ce que le gouvernement fera pour améliorer et simplifier la loi électorale.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je constate que les dispositions que nous prenons n'intéressent qu'un seul membre de l'opposition et que l'ancien procureur général3 n'est pas intéressé à ce que nous arrêtions les parjures.

M. Bertrand (Montréal-Laurier): Je suis foncièrement intéressé à la nouvelle loi.

M. Casgrain (Rivière-du-Loup): C'est au procureur général qu'il appartient de faire arrêter les parjures.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Oui, mais il n'a pas le pouvoir de changer les lois qui ont favorisé ces offenses, sans présenter cette législation.

L'ancien régime avait établi des lois qui comportaient des délais si courts qu'il n'y avait pas moyen de poursuivre les coupables.

M. Casgrain (Rivière-du-Loup): Cela ne regarde pas les offenses en vertu du Code criminel.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Pour établir le parjure, il faut des documents. Comme l'ancien procureur général est parti avec eux, il est difficile de faire la preuve.

M. Bastien (Berthier): Je crois que le premier ministre ne donne pas les véritables explications. La confection des listes est laissée à des agents qui sont payés pour recruter les noms de ceux qui ont le droit d'être sur les listes. Le premier ministre a déclaré que l'ancien gouvernement s'employait à multiplier les parjures. C'est inexact. Nous avons fait arrêter nous-mêmes des individus de ce calibre. Ce n'est pas le gouvernement qui payait ces gens-là, mais c'étaient des particuliers qui avaient en main les listes des candidats.

Le gouvernement n'a jamais payé qui que ce soit pour faire fausser les listes électorales. On ne sait pas qui ajoutait ces faux noms. C'étaient peut-être des bleus... C'était M. Albert McCaughan qui avait charge des listes officielles, et M. McCaughan est un honnête homme. Le premier ministre a soufflé cette affaire, car le gouvernement n'a donné aucun argent à cette fin. Ce sont les gens des candidats qui essayaient de faire mettre des noms sur les listes, et souvent, ce n'était pas la faute du candidat lui-même.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable député de Berthier (M. Bastien) est pour le moins naïf. Non seulement l'ancien gouvernement a payé pour faire faire de fausses listes, mais il est allé encore plus loin. il a utilisé à cette fin des employés payés par la province.

Ainsi, par exemple, dans Montréal, des membres de la police provinciale partaient en automobile le jour de la votation. Sur la banquette d'avant, il y avait le chauffeur qui était un homme de la police provinciale payé par le gouvernement et un détective également payé avec l'argent du peuple. Sur la banquette d'arrière, il y avait deux télégraphes4.

Ces gens allaient faire le tour des polls et, quand la police municipale venait pour arrêter les deux individus, les hommes de la police provinciale sortaient de leur poche un mandat signé en blanc et disaient qu'ils allaient arrêter ces deux télégraphes. Au prochain coin, ils recommençaient ensemble la même manoeuvre. Ce sont des abus de ce genre que nous voulons faire cesser.

M. Bastien (Berthier): Le premier ministre contourne habilement la question. Nous étions à parler de la confection des listes électorales, et il est rendu à la votation.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est important la votation!

(Applaudissements)

M. Bastien (Berthier): C'est important, mais qu'on ne change pas le terrain de la discussion. Toujours est-il que le premier ministre, de sa voix la plus douce...

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Sa voix, sa voix5!

(Rires et applaudissements)

M. Bastien (Berthier): Le chef du gouvernement disait tantôt: "Il y a eu des parjures par centaines." Tout cela n'existait que dans l'imagination du chef du gouvernement...

(Protestations à droite)

Je n'ai jamais eu connaissance qu'on ait porté plainte avant l'an dernier. Les anciens amis du gouvernement, les conservateurs, n'allaient pas même surveiller la confection des listes, et ce sont Paul Gouin et les jeunes de l'Action libérale nationale6 qui ont commencé ce mouvement pour surveiller cette formalité.

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Où étiez-vous dans ce temps-là?

M. Bastien (Berthier): J'étais libéral alors, mais il est difficile de savoir où était le député de Montréal-Dorion lui-même, car il a passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Il a été rouge, bleu et nationaliste7.

(Protestations à droite)

M. le président: À l'ordre, messieurs.

M. Bastien (Berthier): Le chef du gouvernement a fait une tempête avec des choses insignifiantes. Je suis dans la politique depuis 1927.

(Protestations à droite)

M. le président rappelle le comité à l'ordre.

M. Bastien (Berthier): L'on va commencer à crier au parjure. C'est de la politique que le premier ministre fait. Pour en revenir à la première question, je dis que c'est le devoir du procureur général de faire arrêter les parjures qu'il dit connaître. Il est procureur général maintenant, et il ne le fait pas.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): (Applaudissements) M. le président, au moins, si nous ne connaissions pas le petit nombre des rescapés du naufrage du 17 août dernier que nous avons devant nous, nous serions peut-être enclins à écouter cette voix isolée de Berthier qui vient de se faire entendre. Mon honorable ami le député de Berthier semble vouloir dire, de son siège, que le premier ministre dénature les faits pour crier au scandale.

Je voudrais qu'il cite ici une seule action du premier ministre actuel qui soit de nature à démontrer qu'il a recours aux manoeuvres politiques de l'ancien régime. Heureusement nous avons devant nous un homme intègre, un homme digne, un homme honnête à la tête du parti.

(Applaudissements à droite)

Personne ne peut toucher au premier ministre, pas même les restants du vieux régime pourri. On veut être respecté et on lance sournoisement l'injure. Je n'ai pas souvent participé aux débats cette année, mais il y a assez longtemps que l'opposition semble vouloir jeter sur les épaules du premier ministre le péché commis par elle: le parjure en série que vous avez payé, messieurs de la gauche, de vos deniers, si ce n'est pas des deniers de la province. Qu'on ne soit pas surpris de se faire répondre.

On va constater à qui on a affaire ici. Par exemple, je vois le député de Verchères (M. Messier) qui sourit. Il peut rire, c'est tout ce qu'il est capable de faire, et il ne comprendra jamais rien. À Montréal, on a poussé l'audace jusqu'à changer le sexe féminin en sexe masculin. Quand on parle des manoeuvres électorales, le député de Berthier en connaît quelque chose...

M. Bastien (Berthier): Pardon, M. le président!

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Pas de pardon pour le député de Berthier, qu'il aille se faire pardonner par ses électeurs. J'ajoute, de plus, que l'instrument de ces parjures était, jusqu'à ces jours derniers, un fonctionnaire du gouvernement payé à même les deniers du département du Travail.

M. Bastien (Berthier): Qui est-ce? Nommez-le donc!

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Vous le connaissez. C'est un braillard comme vous autres.

(Rires et applaudissements)

L'opposition a dit que nous nous étions servis de la guillotine. Nous aurions pu faire une publicité ouverte sur le dossier des gens que nous avons renvoyés. Ils ont commis des actions qu'ils savaient être mauvaises, et, par délicatesse, nous n'avons fait aucune publicité dans leur cas. Nous n'avons pas voulu détruire ces fonctionnaires vis-à-vis de l'opinion publique. Les autres n'ont pas été inquiétés.

Si l'opposition veut continuer sa politique plaintive, au lieu de collaborer avec nous comme elle l'a dit au début, qu'elle le dise et nous verrons où sont ceux qui veulent franchement travailler. Tout ce que nous demandons à l'opposition, c'est sa collaboration. Nous voulons une coopération franche et loyale, ainsi qu'une critique franche et honnête. Si elle la refuse, nous nous en passerons.

Ce que le député vient de dire n'est pas digne de lui. On dit ensuite: "S'il y a eu un si grand nombre de parjures, comment se fait-il que nous avons été battus?" C'est parce que l'opinion publique était éclairée. La population a fait son devoir, et il n'est pas possible de dire que les électeurs étaient tous erronés, et non éclairés. Les électeurs se sont révoltés et, malgré les milliers de parjures et de faux noms, ont réussi à exprimer leur volonté. Tous, ils se sont tenus debout comme un seul homme et ils ont dit: "Vous ne passerez pas." La population, forte dans son énergie et unie dans sa collectivité, a voulu s'en tenir aux faits de la situation. Combien le député de Berthier a-t-il payé l'officier rapporteur pour qu'il lui donne sa voix?

(Applaudissements à droite)

M. Bastien (Berthier): Je désire relever un peu les remarques du ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay). Je n'ai jamais dit et je n'ai jamais pensé que le chef du gouvernement n'était pas un homme digne, ni intègre. J'ai simplement dit que l'honorable premier ministre, pour faire de la politique, avait prétendu qu'il y avait des parjures et qu'il ne les avait pas poursuivis. Tout ce que j'ai voulu expliquer, c'est qu'il a l'imagination facile. Je suis en faveur d'améliorer la confection des listes, si c'est possible. Mais j'ai voulu expliquer notre point de vue. Je ne suis pas surpris que le ministre du Travail n'ait pas compris.

Je maintiens que les scandales, dont parle le premier ministre, existent surtout dans son imagination. Il peut se faire que des employés d'élections aient mal compris leur devoir. Mais ils n'étaient pas rétribués par le gouvernement. Ils étaient payés par les candidats. Souvent les listes étaient vérifiées par téléphone, et c'est une erreur. Je n'ai pas dit et je ne pense pas que le gouvernement n'est pas intègre, ni honnête. Mais je pense que le premier ministre et plusieurs de ses collègues grossissent les faits.

L'honorable ministre du Travail a employé à notre égard des termes qui ne sont pas parlementaires. Quand il était simple député, on tolérait volontiers ses excès de langage. Aujourd'hui, je me demande si le premier ministre, qui est si digne d'habitude, trouve son collègue bien digne, et s'il aime ça qu'on lance de mauvais mots dans le "salon de la race". Je suis surpris que le ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries (l'honorable M. Gagnon), qui est si digne d'habitude, et qui m'a rappelé à l'ordre la semaine dernière pour un léger excès de langage, n'ait pas frémi, ni blêmi, en entendant parler son collègue.

Je ne crois pas que ce soit digne de tenir des propos comme ceux qu'il a tenus. Je ferai remarquer au ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries que de pareils excès font perdre le respect des institutions parlementaires et des ministres de la couronne. Je ne pense pas que le ministre du Travail, en parlant comme il a parlé, jette beaucoup d'éclat sur son cabinet. Ce sont là des discours qu'on peut tenir au marché à foin et dans certaines halles. Il est impropre de tenir ce discours dans ce que le premier ministre appelle lui-même le "salon de la race". C'est antiparlementaire de dire "pourri", "restant" et "braillard". Il a parlé avec beaucoup de dédain de moi.

Il trouve que je suis un "homme méprisable" et un "rescapé". Mais en 1927, il était bien pis que cela. C'était un noyé, puisqu'il avait perdu son dépôt8. Je lui demande, dans son propre intérêt, de ne jamais plus parler ainsi. Non seulement il salit le cabinet, mais il rend la Chambre ridicule. Maintenant, que le ministre change de langage. Franchement, il insinue encore la même chose que l'an dernier. Il veut aussi salir un ex-honnête fonctionnaire provincial, en faisant allusion à M. Édouard Fournier, ancien secrétaire de M. C.-J. Arcand9...

Une voix: Oui, ex-honnête.

M. Bastien (Berthier): De mon siège de député, je le défie de prouver que M. Fournier ait jamais substitué aucun nom sur les listes de Montréal.

M. Raynault (L'Assomption): Je veux rétablir certains faits. Le député de Berthier a prétendu que certains organisateurs ont pu faire des excès. Dans certains cas, des organisateurs ont fait des choses bien répréhensibles. Un résident de Maisonneuve, il y a deux ans, a entré sur les listes 300 noms; on a changé des noms de femme en noms d'homme - je n'ai pas dit changé les femmes en hommes.

M. Bastien (Berthier): Est-ce qu'ils étaient payés par le gouvernement? C'est le point en discussion.

M. Raynault (L'Assomption): Il y en a même qui ont fait de faux serments, et il y en a un qui a été engagé par le ministre du Travail10 dans le bureau du protonotaire à Montréal. Il était payé pour ce travail-là.

Ce cas indique que l'on a raison. Il est vrai qu'on ne disait à personne qu'il travaillait là. Je cite ce fait à l'honorable député de Berthier.

M. Thibeault (Montréal-Mercier): Dans la dernière lutte électorale, le peuple a protesté contre la façon scandaleuse dont sont conduites les élections. Pendant six mois, mon comté a été privé de député à cause de manoeuvres frauduleuses. Il y avait, dans certains ministères, des employés qui étaient payés pour la confection des listes. Ces employés, non seulement ajoutaient des noms fictifs, mais ils retranchaient les noms d'électeurs véritables. Moi-même, mon nom a été retranché. À Saint-Stanislas, on a enregistré 1,800 noms fictifs.

Nous avons fait une lutte d'honnêteté, en ce sens que nous avons réclamé l'honnêteté en la pratiquant. S'il y a eu tant d'abus dans le passé, c'est parce que le gouvernement d'alors les tolérait; je dirai plus, en donnait l'exemple. Toutes nos difficultés ont leur source dans ce fait que l'ancien gouvernement cherchait à se maintenir au pouvoir par tous les moyens. Les citoyens doivent se lever et protester contre les abus qui ont eu cours.

L'honorable député de Berthier (M. Bastien) s'est plaint des expressions de l'honorable ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay). Louis Veuillot11 disait que, pour caractériser certains actes, il faut tremper sa plume dans le vitriol.

M. Bélanger (Montréal-Dorion): M. le président, j'ai voulu interrompre l'honorable député de Berthier et il m'a répondu que j'avais passé par toutes les couleurs. J'avais cru l'autre soir que la voix de Berthier s'était tue, mais nous entendons maintenant le râle de l'agonie. Le député de Berthier est entré dans une colère rouge, mais c'est tout ce qu'il sait faire. Jamais il n'a su faire autre chose que voir rouge, penser rouge et voter rouge. Il n'a jamais pu voter sur des principes, parce que l'ancien gouvernement ne connaissait pas ça, des principes.

La politique ancienne était aveugle, étroite et partisane. Le député de Berthier ne peut pas et ne pourra jamais comprendre ça, des principes et des expressions d'opinion. La politique nationale, jamais la voix de Berthier ne comprendra cela. Quand il dit qu'en 1931 j'ai travaillé pour lui, c'est parce que j'avais de la sympathie.

J'ai cru avoir confiance dans un homme qui s'était battu pour des principes, mais au cours de la campagne, j'ai vu qu'il ne connaissait rien des principes. Je me suis vite aperçu que les principes qu'il a ramassés sur les bancs de l'école, du temps qu'il était professeur, il les a vite perdus. Il est rouge.

M. Bastien (Berthier): C'est vrai que je suis rouge, en avant de mon chef et en arrière de lui. Je ne renie jamais mes chefs.

M. Bélanger (Montréal-Dorion) continue son discours sur le dos du député de Berthier.

(Applaudissements à droite et protestations à gauche)

M. Dumaine (Bagot): M. le président, je soulève un point d'ordre. Nous sommes à étudier la loi électorale. On n'a pas le droit de s'éterniser à cultiver de grands talents d'orateur sur le dos d'un député.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ce n'est pas même un point d'ordre. Le député de Bagot a tort de se montrer jaloux parce qu'on parle du député de Berthier, au lieu de parler de lui.

(Rires)

Pourquoi veut-il être injuste pour son collègue et insinuer que parler de lui, c'est injurier toute la Chambre?

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) fait remarquer que l'on va un peu loin, d'autant plus que les députés pourront se dire tout cela plus tard: ils ont encore quatre ans devant eux12.

M. le président: Suivant les règlements, je demanderais aux députés de s'en tenir à l'article du bill. Je dis cela pour les deux côtés de la Chambre.

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Je me soumets toujours aux décisions justes et raisonnables, M. le président, lorsque l'honorable député de Berthier parlait tout à l'heure de son adversaire le ministre du Travail.

M. Bastien (Berthier): Pardon encore, le ministre du Travail n'a jamais été mon adversaire. Je dirai même que c'est mon grand ami.

(Rires)

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Alors, le député de Berthier est sur la voie de la conversion. Il a osé dire que le ministre du Travail déshonorait le "salon de la race", selon son expression.

M. Bastien (Berthier): Dieu me garde d'avoir créé une expression pareille. C'est le premier ministre qui l'a dite l'autre jour, et, quand j'ai parlé du "salon de la race" tout à l'heure, je me suis fait un devoir de lui en accorder la paternité.

(Rires)

M. Béïque (Chambly): Avec vous autres, c'est devenu le salon de la crasse.

(Rires)

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Ce n'est pas souiller la Chambre que d'employer des expressions fortes et vraies et bien françaises. Elles caractérisent bien le député et elles fouettent. Mieux que le fouet du député de Montréal-Laurier (M. Bertrand). J'aime mieux ça que des attaques mensongères et malveillantes...

M. Bastien (Berthier): Je soulève un point d'ordre. Le député de Montréal-Dorion n'a pas le droit de qualifier mes déclarations de mensongères et malveillantes. Je n'ai pas dit cela.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le député de Montréal-Dorion ne dit pas que les déclarations du député sont mensongères et malveillantes. Il dit qu'il sait en faire quand il le veut.

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Je vais le prouver.

M. Bastien (Berthier): Si nous avions le Hansard que l'honorable premier ministre nous a promis, il verrait ce que j'ai dit.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je demande qu'on respecte les règlements. S'il faut recommencer la campagne électorale!

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Restez assis. Parlez pour qu'on vous comprenne.

M. le président: Encore une fois, je demande que l'on s'en tienne à l'article en discussion.

Je serai obligé de rappeler à l'ordre chaque fois.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Très bien!

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Lorsque j'entendais le député de Berthier insinuer que des députés de l'Union nationale ont cherché à tromper l'électorat...

M. Bastien (Berthier): Point d'ordre, je n'ai jamais dit cela.

M. le président: Aucun député n'a le droit d'imputer à un collègue des paroles qu'il nie avoir prononcées.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): À moins qu'il dise que la lumière est éteinte, quand elle est allumée. Il peut arriver qu'un député profite de toutes les occasions pour soulever des points d'ordre.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je suis surpris de l'attitude du premier ministre. J'en appelle à cette Chambre. On n'a pas le droit de critiquer les décisions du président.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition a-t-il encore des lubies? S'imagine-t-il qu'il a encore de l'influence ici?

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je proteste. Si on n'est pas satisfait de la décision du président, qu'on demande le vote.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition est bien singulier. Quand nous étudions les lois, il n'est pas content, et d'autres fois, il trouve que nous allons trop lentement. La loi électorale est très importante. Nous voulons guérir les maux dont souffre la démocratie, en permettant la libre expression de la volonté des électeurs. C'est en purifiant et en bonifiant la loi électorale que nous faisons ça, et le chef de l'opposition dit que ce n'est pas important. Nous voulons donner une chance à l'électorat honnête, qui est la très grande majorité, de se prononcer librement. Si l'opposition n'a rien à dire, ce n'est pas de notre faute. De ce côté-ci de la Chambre, chacun a le droit de donner son opinion libre et logique. J'ai toujours entendu dire que du choc des idées jaillit la lumière.

(Applaudissements à droite et dans les galeries)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) réclame une décision sur son point d'ordre.

M. le président: Je demande de nouveau que l'on s'en tienne à la question.

L' article 9 est adopté.

Les articles 10 et 11 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 12, qui se lit comme suit:

"12. Toutes les personnes du sexe masculin qui, pendant la préparation d'une liste, ont leur domicile dans les limites de la municipalité ou du territoire annexé en vertu de l'article 11 à la municipalité où cette liste se fait, ont vingt et un ans accomplis, sont sujets britanniques de naissance ou par naturalisation et ne sont frappées d'aucune des incapacités prévues par la présente loi, peuvent être inscrites sur cette liste. (Statuts refondus, chapitre 4, article 10, mod.)"

M. Tellier (Montcalm): Mais nous avons tout simplement sauté du paragraphe 10 de l'article 3 à l'article 12. Les clauses intermédiaires n'ont pas été adoptées et elles sont contentieuses.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Où était donc le député de Montcalm? Ces clauses ont bel et bien été adoptées.

M. Pouliot (Gaspé-Sud): M. le président, j'ai promis aux électrices de mon comté que je réclamerais le droit de vote pour les femmes en cette Chambre. Il n'y a pas de promesses que je tiens avec plus de plaisir que celle-là, car je dois beaucoup à mes électrices de Gaspé. Je ne peux trouver de meilleur argument en faveur du suffrage féminin que la belle conférence que fit en 1934 l'honorable ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries (M. Gagnon) sur le rôle social de la femme, alors qu'il était député de Dorchester au fédéral. La population est anxieuse de connaître le sort de cette mesure.

(À ce moment, deux petits pages déposent une gerbe de roses rouges sur le pupitre du député de Saint-Georges, l'honorable M. Layton)13

(Applaudissements de la Chambre à l'endroit de l'honorable M. Layton)

L'honorable M. Layton (Montréal-Saint-Georges) salue les deux côtés de la Chambre.

M. Pouliot (Gaspé-Sud): Je comprends que les adversaires d'hier ne soient guère désireux de donner le droit de vote à leurs compagnes. (Il demande pourquoi dépouiller les femmes du droit de vote et parle des chevaliers d'antan protecteurs des frêles châtelaines.)

Si les femmes peuvent travailler et se consacrer au mieux-être des hommes, elles devraient avoir le droit de choisir les administrateurs de leur province. Ce droit existe dans tous les pays d'Europe, ou presque; il existe aux États-Unis, au Canada en matières fédérales, et dans d'autres provinces. Il me semble injuste que les femmes québécoises en soient privées.

Secondé par mon confrère et homonyme de Missisquoi (M. F.-A. Pouliot), j'ai l'honneur de proposer qu'on amende l'article 12 et qu'on raye de cet article les mots "de sexe masculin".

(Applaudissements)

M. Pouliot (Missisquoi): M. le président, je suis heureux de seconder cette proposition. J'ai voté pour le suffrage féminin à la dernière session, et je crois encore que, si la femme est la reine du foyer, elle devrait avoir le droit de voter. Je serais heureux de voir la femme de la province de Québec sur le même pied que la femme des autres provinces. La femme chez nous s'intéresse vivement à la politique et elle est renseignée. Pas un député n'oserait affirmer que la femme est inférieure à l'homme quant à l'intelligence, et elle a une intuition que l'homme n'a pas. Les femmes du Québec peuvent, tout aussi bien que les hommes, juger de la valeur d'un programme ou d'un parti politique. Si la femme avait droit de voter, elle n'entrerait pas plus dans la politique pour cela, mais nos lois sociales relatives à la femme donneraient lieu à moins de plaintes, et leurs interventions ajouteraient probablement à l'honnêteté des élections.

Les femmes votent au fédéral dans la province et je ne sache pas qu'elles aient négligé leur foyer pour des raisons politiques. Accorder le droit de vote aux femmes de la province est l'une des réformes les plus importantes et les plus bénéfiques qui pourraient être réalisées. Je répète que je suis heureux de seconder cette motion de l'honorable député de Gaspé-Sud (M. C.-E. Pouliot) pour que les femmes de Québec soient sur un pied d'égalité avec les femmes des autres provinces.

(Applaudissements)

L'honorable M. Layton (Montréal-Saint-Georges): M. le président14, l'ancien régime avait peur de donner le droit de vote aux femmes, parce qu'elles auraient voté en bloc pour une administration honnête.

(Applaudissements)

Quand on sait la vaste influence de la femme, il est injuste qu'elle soit dans une catégorie à part. Je suis très heureux d'appuyer l'amendement du député de Gaspé-Sud.

Je m'oppose fermement à ce que les femmes occupent des postes qui devraient revenir à des hommes, mais nous devons nous rappeler qu'il se trouve aujourd'hui un grand nombre de femmes qui doivent travailler pour gagner leur vie, ou soutenir celle de leurs parents ou de leurs enfants. Ces femmes méritent la même considération que les hommes. (L'honorable M. Layton passe en revue les réalisations et sacrifices illustres des femmes du Québec et du Canada pendant la Grande Guerre.)

Il ne s'agit pas d'une question de sentiments, mais d'équité et de justice. Les femmes ont dû assumer de lourds fardeaux, pendant et après la guerre. Dans bien des cas, on a fait appel à elles pour remplacer les hommes comme soutien à la famille. Dans bien des cas, elles ont entrepris des tâches qu'aucun homme ne serait prêt à assumer. Malgré cela, dans la province de Québec, on leur nie le droit de faire connaître, par le vote, leurs opinions sur les problèmes sociaux et politiques.

(L'honorable M. Layton demande de regarder dans les pays où la femme a le droit de vote, et affirme qu'il y a dans ces pays plus de paix et moins d'angoisse.)

Le vote féminin représenterait beaucoup dans une administration honnête des affaires publiques. Si 20 ans auparavant elles avaient eu le droit de vote, le Parti libéral en aurait grandement profité.

Je demande pourquoi les femmes ne voteraient pas dans la province de Québec, comme dans toutes les autres provinces du dominion, comme en Angleterre et aux États-Unis. (Haussant le ton)15 J'espère que le gouvernement actuel ne fera pas comme l'ancien gouvernement. Je demande à tous les membres de cette Chambre d'être présents, si l'on doit prendre le vote sur cette question, et d'avoir au moins le courage de voter pour ou contre, et de ne pas s'abstenir. La femme de la province de Québec mérite le droit de vote, et je demande à la Chambre de le lui accorder.

(Applaudissements)

M. Tellier (Montcalm) regrette de ne pas partager l'opinion des collègues qui l'ont précédé et déclare qu'il n'est pas dans l'intérêt de la société d'accorder aux femmes le droit de vote aux élections provinciales. Je ne veux pas, dit-il, que la femme perde dans la tourmente électorale son prestige, sa dignité, et sa personnalité. Non seulement la femme veut le droit de vote, mais encore elle désire être éligible dans la course aux honneurs parlementaires. Il est préférable que la femme reste en dehors des luttes politiques.

(Applaudissements)

La société n'a rien à gagner et beaucoup à perdre avec ce droit de vote qui consacre en même temps un droit d'éligibilité. Le rôle de la femme est trop important pour l'étendre à l'ingérence politique. Qu'elle continue de s'intéresser aux oeuvres de bienfaisance, de charité et d'éducation: c'est son rôle.

L'honorable M. Layton (Montréal-Saint-Georges): L'honorable député prétend-il que la femme de cette province est inférieure à celle des autres provinces?

(Applaudissements des députés féministes)

M. Tellier (Montcalm): Ceci n'est pas une question de supériorité ou d'infériorité, mais je soutiens qu'il n'est pas dans les attributions de la femme de remplir un rôle jusqu'ici réservé aux hommes. Nous ne demandons pas que la femme vienne ici faire notre ouvrage. C'est dans son propre intérêt que je m'oppose à cet amendement. Je ne veux pas qu'elle soit astreinte aux tracas d'élections et qu'elle risque d'être brisée dans son honneur au cours des luttes politiques. On a dit que l'entrée de la femme sur la scène politique provinciale contribuera à épurer nos moeurs électorales, mais s'il en est ainsi, j'aime mieux risquer de garder les anciennes moeurs - qui d'ailleurs disparaissent avec le présent gouvernement - et sauver la femme, plutôt que de risquer la femme et sauver les moeurs politiques.

(Applaudissements)

M. Robinson (Brome): Je voterai en faveur de l'amendement pour accorder le droit de vote aux femmes de cette province. Si la femme est capable de faire l'éducation de son mari et de ses enfants au foyer, elle sera également capable de faire l'éducation des politiciens. Donnons-lui une chance de faire ses preuves dans ce domaine. Après 39 ans d'un régime plus ou moins corrompu, c'est mon impression que le gouvernement aurait changé bien avant aujourd'hui, si nous avions eu l'électorat féminin dans cette province.

Mon honorable ami de Montcalm (M. Tellier) appartient à la vieille école qui croit qu'une femme moderne doit rester à la maison pour élever des enfants. Je ne comprends pas pourquoi on veut lui refuser le rôle qui lui appartient maintenant. Les femmes de la province de Québec jouent un rôle si important dans le développement de cette province qu'il n'est que justice qu'elles se voient accorder les mêmes privilèges que les hommes du Québec.

M. Taché (Hull): M. le président, je félicite les honorables députés qui ont proposé l'amendement et de la manière habile dont ils ont plaidé leur cause. Je veux également féliciter le dévouement de Mme Pierre Casgrain16, qui est venue réclamer le suffrage féminin avec tant de grâce devant le comité. Mais je ne puis approuver la mesure, et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, 90 % des femmes de la province de Québec ne se soucient pas de voter. Il s'est formé quelques groupements ici et là pour réclamer le droit de vote en faveur des femmes, mais ces groupements ne représentent pas l'opinion de la grande majorité. Je le sais, il y a longtemps que je m'occupe de politique.

L'honorable M. Layton (Montréal-Saint-Georges): L'honorable député de Hull a-t-il déjà reçu une délégation de femmes qui lui demandaient de s'opposer à ce qu'on leur accordât le droit de vote?

M. Taché (Hull): Oui, je fais de la politique depuis 1923, et je puis dire qu'il n'y a pas 5 % des femmes de cette province qui désirent voter aux élections provinciales. Maintenant, au point de vue de l'économie, mesdames et messieurs, pardon, M. le président, il ne serait pas logique de faire voter les femmes. Je prétends que si nous accordons aux femmes ce droit de vote, le coût des élections provinciales sera considérablement augmenté et ça ne changera rien dans les résultats, car la femme et la fille vont voter comme leur père.

Il faut garder aux femmes la place qu'elles occupent au foyer. Laissons-les demeurer à la maison, de manière à ce qu'elles s'acquittent du rôle sublime qui leur a été assigné par la nature et la religion. Il y a une tendance exagérée à remplacer l'homme par la femme dans trop de domaines.

J'ai aussi habité la province d'Ontario où les femmes votent au provincial, et je déplore la place qu'elles ont dans la politique. On a placé des personnes du sexe féminin à la place que des pauvres chômeurs auraient pu occuper. Les femmes ont des tâches plus importantes à accomplir que de prendre part à des élections. Déjà, elles ont outrepassé leurs devoirs en prenant la place d'hommes sans emplois. En refusant aux femmes le droit de vote, on verra donc moins de femmes et de jeunes filles se rendant au Parlement en automobile, pendant que de pauvres chômeurs réclament de l'ouvrage.

(Applaudissements)

Voilà ce qu'il faut éviter. On a parlé des autres provinces, mais que ces gens-là fassent ce qu'ils veulent. On dit que la femme influencera les lois. Mais on sait ce qui s'est passé dans le domaine de la prohibition. Québec était la seule à ne pas avoir la prohibition et, à la fin, les autres pays en sont venus à la conclusion que seule la province de Québec avait gardé sa tête. Il ne faut donc pas blâmer la province d'être une exception au sujet du vote des femmes. C'est de la sagesse. Pour toutes ces raisons, je voterai pour que l'on garde la femme à son foyer.

(Applaudissements)

M. Chaloult (Kamouraska): M. le président, j'ai entendu d'excellents arguments de part et d'autre. Je veux ici rendre hommage à la ténacité des femmes qui sont venues sans relâche, au Parlement, pour demander leur droit de suffrage, et cela, pendant des années. Après des échecs si souvent répétés, bien des hommes se seraient découragés depuis longtemps devant l'hostilité de la Chambre. Si l'on considère les débats dans le passé autour de cette question, l'on peut constater que les femmes ont été reçues sans égards, sinon grossièrement.

On a jugé la question d'une façon légère et en essayant de faire de l'esprit. Ce n'est plus la même chose aujourd'hui. On n'a pas, cette année, traité ce sujet sur un ton trop léger. On a gardé la dignité dans la discussion. Mais je ferai remarquer qu'il existe un préjugé, dans la province de Québec, au sujet du suffrage féminin.

Dans le passé, on a prétendu que l'Église s'opposait au droit de vote des femmes. C'est une erreur, car l'Église ne s'est jamais prononcée sur ce sujet. L'Église, par contre, a très souvent exprimé le désir de voir les femmes s'occuper davantage des questions sociales.

Le pape Pie X17 disait que les femmes devraient s'occuper d'action sociale. Et, si elles ont le devoir de s'occuper des questions sociales, je me demande si elles pourraient y parvenir efficacement, sans le droit de suffrage. Ceux qui n'ont pas le droit de vote n'ont pas beaucoup d'influence auprès de la députation.

La femme n'a pas le sens national. Les hommes ne l'ont guère davantage. Mais je crois qu'il faut que la femme ait le sens national, si elle veut l'inculquer à ses enfants. La femme est chez nous la première éducatrice. C'est elle qui donne la première formation, non seulement au foyer, mais aussi à l'école. Or, comment pourrait-elle donner à nos enfants une éducation nationale, si on ne lui permet pas d'élever ses perspectives au-delà des limites du foyer?

En lui interdisant l'accès de la politique, on la désintéresse de tout ce qui peut faire le bien de la nation. Il faudrait donc lui inspirer un peu plus de ferveur patriotique. En lui donnant le pouvoir de contribuer à la grandeur de la nation, on lui en donnerait en même temps l'idéal. C'est peut-être la meilleure manière d'assurer à nos enfants le sens de la patrie. Aux États-Unis, on les fait défiler devant le drapeau. Mais un drapeau, nous n'en avons même pas.

Il y a des arguments pour la thèse et l'antithèse du suffrage féminin. Je crois que les femmes finiront par avoir le droit de vote. Il serait peut-être opportun de faire un essai loyal. Il sera toujours temps de revenir sur notre décision, si les dangers qu'on prévoit apparaissent réels.

(Applaudissements)

M. Bulloch (Westmount): Je veux appuyer les proposeurs de la motion en faveur du suffrage féminin. Le premier ministre, après avoir promis la justice aux cultivateurs, aux bûcherons, aux ouvriers, aux petits et aux humbles en général, s'est efforcé de la leur donner par une session d'urgence. Il convient aussi de terminer cette session en donnant aussi aux femmes du Québec, qui l'ont si bien méritée, la justice la plus élémentaire en politique.

M. Barrette (Terrebonne): La femme de la province de Québec est supérieure à la femme des autres provinces. Elle a permis à notre province d'occuper la situation qu'elle occupe actuellement dans l'Amérique. L'honorable député de Hull (M. Taché) a donné des raisons très judicieuses contre le suffrage féminin.

Il (M. Barrette) explique que la femme a une tendance de plus en plus grande à vouloir remplacer l'homme. En votant contre l'amendement, il estime donner un bon vote. Pour lui, la femme ne tient pas autant qu'on le prétend au droit de vote; dans le seul comté de Terrebonne, 95 %18 des femmes sont contre leur droit de voter.

M. Robinson (Brome): Sur quoi vous basez-vous pour prétendre que 95 % des femmes de votre comté sont contre le droit de vote?

M. Barrette (Terrebonne): Je les ai comptées. Au cours de la dernière campagne, nous avons demandé aux femmes si elles voulaient obtenir le droit de vote. Elles ont dit qu'elles s'en souciaient peu. Dans l'intérêt de la femme de chez nous, je crois que nous devons voter contre l'amendement de l'honorable député de Gaspé-Sud (M. Pouliot).

M. Dubé (Témiscouata) fait allusion au rôle héroïque de la femme dans l'histoire du Canada français, la montrant à l'oeuvre après les jours de la conquête par les Anglais, et parlant de la revanche des berceaux. La femme, dit-il, est l'auteur du miracle canadien. Elle a droit à toute notre admiration.

Je dénonce le mouvement en faveur du vote féminin comme un mouvement à l'encontre de la véritable mentalité des Canadiens français et du sens chrétien. Le vote féminin est un premier pas dans la voie qui permettra aux femmes de siéger au Parlement. Il vaut mieux suivre la tradition et paraître arriérés que de marcher à la suite des pays communistes et matérialistes, qui éloignent la femme de son véritable rôle.

Le rôle de la femme, pour moi, n'a pas changé. Il est toujours inviolable. Joseph de Maistre19 a dit: "Il n'y a pas de plus grand défaut pour une femme que d'être homme." On a le devoir de conserver l'ordre établi par la Providence. La femme s'est consacrée à son mari et à ses enfants et elle n'a pas le droit de contracter avec la politique un second engagement qui l'empêcherait de tenir le premier. Ce qui serait surtout malheureux, ce serait que ce droit accordé serve de tremplin électoral pour les dames de la haute société.

Ceci n'est pas discuter aux femmes le droit de travailler pour gagner leur vie, aider leurs parents ou subvenir au soutien de leur famille. Ce sont des conditions particulières qu'il ne faut pas généraliser. Ce serait aussi contraire à l'oeuvre de l'éducation des enfants que de sortir ainsi les femmes de leur foyer; ce serait contribuer à la ruine de la vie familiale. Ce serait la légalisation de l'activité de la femme en dehors du foyer, et un acte de suprême égoïsme qu'un gouvernement national ne permettra pas.

La femme de par sa nature est incompatible avec la vie politique. Le droit de vote pour les femmes est contraire, dans ses conséquences, à la tradition chrétienne, aux enseignements de la Sainte Église, à l'ordre voulu par Dieu dans la société. Il (M. Dubé) cite Benoît XV20, saint Paul et Mgr Manning. Je crois, conclut-il, qu'à l'unanimité nous devrions rejeter cet amendement.

(Applaudissements)

L'honorable M. Gagnon (Matane): M. le président, nous sommes dans une session d'urgence, et la question qui a été si souvent débattue pourrait peut-être attendre encore. Mais je suis heureux que cette Chambre sache que je suis de ceux qui ne considèrent pas comme un sophisme ou une proposition déraisonnable le fait de suggérer le vote des femmes dans cette province. Pour ma part, je suis prêt, s'il y a lieu de ce faire, à accepter une réforme qui s'impose pour mettre la femme, qu'elle soit de langue française ou de langue anglaise, sur un même pied que celle des autres provinces.

(Applaudissements)

Je dis ceci en dépit du fait que tous ceux qui se sont opposés au suffrage féminin l'ont fait avec une courtoisie remarquable. Cette question se résume à une question de fait. Que l'on soit pour ou contre cette mesure, il faut toujours admettre qu'il n'y a que dans la province de Québec que les femmes ne peuvent exercer ce droit de vote. Nous sommes les seuls dans tout le dominion, alors que les autres provinces sont sur un pied d'égalité sous ce rapport.

La province de Québec est la seule où la femme, notre mère, notre soeur, notre épouse, n'a pas le droit de dire son mot dans la chose publique. Pourquoi ne pourrait-elle pas exercer le même droit ici? Est-ce que la femme du Québec est inférieure à celle d'autres provinces? Voilà la question. Je félicite mon distingué collègue de Gaspé-Sud (M. C.-E. Pouliot) d'avoir fait entendre la voix radieuse de ce comté.

Je me trouve quelque peu dans une situation délicate, car les propagandistes de ce mouvement ont distribué ici aujourd'hui une petite brochure dont je suis l'auteur, mon seul péché littéraire d'ailleurs. J'espère que cette brochure ne nuira pas à la cause que je plaide en ce moment. Elle traite du rôle social de la femme.

(Rires)

Au cours de ce débat, j'ai aussi eu le plaisir d'entendre la voix d'un médecin de Témiscouata (M. Dubé). Notre collègue est un médecin remarquable et, de plus, c'est un excellent orateur. Il est l'un des médecins des centres ruraux dont l'oeuvre a été couronnée par l'Académie de médecine de France.

(Applaudissements)

Il a cependant parlé avec sévérité du suffrage féminin. Il a laissé entendre, dans son magnifique discours, que l'orthodoxie catholique n'est pas favorable au suffrage féminin. Est-il besoin de rappeler qu'au Moyen Âge, dans un certain concile, on aurait osé prétendre que les femmes n'ont pas d'âme21? On sait que George Goyau22 a réfuté cette légende, en relatant qu'à ce concile un évêque avait tout simplement demandé si le mot "homo" pouvait désigner également la femme... et qu'ensuite on a passé à l'ordre du jour. De là, la rumeur par laquelle on a voulu ridiculiser les anciens docteurs de l'Église. Personne d'ailleurs, ne croit aujourd'hui à cette légende.

Il (l'honorable M. Gagnon) cite le chanoine Coubé23, le père Ferdinand Cavallera24, de la Faculté catholique de Toulouse. Ce dernier, dit-il, a déclaré notamment que le mouvement féministe est légitime et doit être encouragé. Il cite le volume La femme et le foyer, du père Poulin; puis il relève dans certains ouvrages des opinions comme celle du père Sertillanges25 qui a dit:

"Se demander si la femme a le droit de vote, c'est se demander si elle a le droit de vivre la vie humaine; rien ne s'oppose aux droits politiques de la femme, ni la religion, ni le droit naturel". Il (l'honorable M. Gagnon) cite aussi M. Albert Rioux26 et Fadette27, du Devoir.

Il (l'honorable M. Gagnon) cite ensuite un rapport du congrès de la Semaine sociale de Nancy en 1927, où l'on a reçu un message du pape favorisant l'action sociale féminine. Il cite aussi un message du cardinal Andrieu28 en faveur du féminisme. Il faut que l'on cesse, dit-il, de faire passer les tenants du féminisme pour des gens qui ne sont pas orthodoxes.

On a dit que c'était dégrader la femme que de la laisser entrer dans le domaine politique. Comment, nous ici, les 90 députés de cette Chambre, nous allons avoir la faiblesse d'avouer que tous, nous dégradons la vie publique. S'il en est ainsi, ce serait alors démontrer qu'il est grand temps d'y faire entrer la femme.

(Applaudissements)

Cet après-midi, on a aussi déploré certaines situations, en disant que les femmes et les jeunes filles prenaient parfois la place d'un père de famille dans quelques milieux. Je n'hésite pas à dire qu'il serait antisocial que la femme prenne la place de l'homme, mais je n'hésite pas à dire que depuis la guerre au moins 60 %29 des jeunes filles sont condamnées au célibat. Je dis qu'en face de cette situation, si elles sont soutien de famille, elles doivent avoir les mêmes droits que l'homme pour gagner le pain si dur à gagner de ceux qu'elles ont à soutenir.

(Applaudissements)

C'est Maurice Barrès30 qui a dit: "Nous devons donner aux femmes dans le droit ce qu'elles ont gagné dans le devoir."

Le suffrage féminin était plutôt restreint avant la guerre, mais depuis lors, il a pris des proportions considérables. On l'a adopté dans huit provinces, sur un total de neuf à travers le Canada. Aux États-Unis ainsi qu'en Europe, le mouvement s'est généralisé, et plusieurs lois adoptées dans ces pays ont été attribuées à des initiatives féminines. Au Canada, seule la province de Québec ne possède pas cette loi, tandis qu'en Ontario plusieurs mesures ont été mises en vigueur, parce que le suffrage féminin a développé des initiatives nouvelles dans le Parlement. La Pologne compte 20 femmes qui siègent à la Chambre basse, et l'une d'elles est ministre de la Santé. Elle a fait adopter une législation pratique pour la suppression de l'alcoolisme, à tel point que l'on ne pourra peut-être plus jamais dire maintenant "ivre comme un Polonais".

(Rires et applaudissements)

J'espère que des deux côtés de la Chambre on voudra coopérer avec nous dans cette mesure. Pour rassurer le chef de l'opposition, je citerai une parole prononcée par l'honorable Adélard Godbout, au cours d'une causerie à l'Université d'Ottawa. L'honorable Adélard Godbout disait alors: "La terre vaut ce que vaut la femme, et le succès de l'homme sur la terre ne vaudra rien si la femme ne prend pas une part active à son travail."

Prenons maintenant le cas de Hull où il y a des femmes qui peuvent traverser la rivière et aller voter dans l'Ontario ou bien poser leur candidature...

M. Taché (Hull): Les femmes de Hull ne se sont jamais plaintes et ne se plaindront pas de sitôt de ne pas avoir le droit de vote.

(Applaudissements)

L'honorable M. Gagnon (Matane): L'honorable député a peut-être raison. Me serait-il permis de faire une autre remarque? Je crois que les apôtres du féminisme ne vont peut-être pas assez dans les campagnes pour répandre leur mouvement, et qu'ils concentrent peut-être trop leurs activités dans les villes. Qu'on ne vienne pas me dire que la femme de la campagne est moins intelligente que celle de la ville et qu'elle ne veut pas du vote. L'élément féminin a le droit de vote au fédéral depuis les élections de 1916, et je ne vois pas que cela ait affecté la valeur ou le prestige du sexe féminin. (En souriant) Je serais même tenté de dire que la première fois que j'ai été élu en 1930, dans Dorchester, j'ai dû mon élection au vote des femmes.

(Rires)

Ceci dit par gratitude pour mes électrices et en toute humilité.

(Applaudissements)

La difficulté pour le gouvernement réside dans le fait qu'il doit se demander si l'opinion publique féminine réclame réellement le droit de vote. M. le président, je vous ai cité plusieurs auteurs. Permettez-moi de terminer en rappelant cette parole du père Sertillanges: "Faut-il moins de jugement pour pétrir l'âme d'un enfant que pour compiler un dossier?"

(Applaudissements)

M. Labelle (Montréal-Saint-Henri): Un hebdomadaire de Québec m'a surnommé le "jeune premier" de la Chambre. Je vais sortir de ce rôle pour me prononcer contre le suffrage féminin. La femme est déjà assez désaxée sans qu'on y ajoute en la lançant dans la politique. Elle doit rester avec ses bambins pour leur montrer le chemin de la vie. Je préfère voir le gouvernement national établir un système pour le contrôle du travail féminin. Je regrette que, dans les bureaux et édifices du gouvernement, des femmes, dont plusieurs travaillent pour le luxe, prennent la place d'hommes et de jeunes gens. Le moyen de donner justice à la femme, c'est de l'établir là où elle doit être, dans son foyer.

M. Robinson (Brome): Mon ami de Montréal-Saint-Henri est-il marié31?

M. Labelle (Montréal-Saint-Henri): Oui, et je suis père de deux enfants.

(Applaudissements)

J'ai aussi une petite femme qui aime bien ses enfants et son époux.

(Applaudissements et rires)

De plus, elle n'a jamais demandé le droit de voter.

M. Bélanger (Montréal-Dorion): Il est 6 heures.

Des voix: Ajournement!

M. Labelle (Montréal-Saint-Henri): J'aurai fini dans une petite minute. En terminant, je dirai que le suffrage féminin entraînerait de graves conséquences au point de vue national.

(Applaudissements)

Des voix: Le vote! Le vote!32

M. Thibeault (Montréal-Mercier) veut parler33.

Le comité fait rapport qu'il n'a pas terminé l'examen du bill.

M. l'Orateur prononce l'ajournement.

La séance est levée à 6 heures.

 

Deuxième séance du 5 novembre 1936

Présidence de l'honorable J.-M.-P. Sauvé

La séance est ouverte à 8 h 3034.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Association catholique de la jeunesse canadienne-française

L'honorable M. Auger (Montréal-Saint-Jacques) demande, appuyé par le représentant de Labelle (l'honorable M. Paquette), la permission de présenter le bill 43 autorisant la cité de Montréal à accorder un octroi de deux cent vingt-cinq mille dollars à l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): M. l'Orateur, je demande à la Chambre de passer les trois lectures du bill. C'est un bill pour autoriser la ville de Montréal à payer $250,000 à une association qui a besoin de secours urgents. Si nous passions cette loi ce soir, le Conseil législatif pourrait l'étudier dès demain.

M. Dumaine (Bagot): Le Conseil législatif ne siège pas avant lundi.

M. Bastien (Berthier): Le chef de l'opposition n'est pas ici. Il s'intéresse grandement aux affaires municipales et, avec bon droit, il a la prétention d'être expert dans ces choses.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Vous dites que le chef de l'opposition est un prétentieux. C'est laid de votre part.

(Rires)

M. Bastien (Berthier): J'ai dit qu'il a la prétention à bon droit...

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Très bien, j'ai donné ce soir à l'opposition l'occasion de faire un beau geste. Tant pis pour elle, si elle ne veut pas en profiter.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill 18 relatif à la corporation du pont du lac Saint-Louis;

- bill 23 pourvoyant à la protection des créanciers d'une compagnie qui abandonne sa charte;

- bill 26 relatif à la Commission des liqueurs de Québec;

- bill 27 pour promouvoir le développement de la Gaspésie;

- bill 28 pourvoyant à l'organisation d'un département de la santé;

- bill 30 abrogeant la loi concernant les agents généraux de la province à l'étranger;

- bill 33 relatif aux emprunts du gouvernement de la province de Québec;

- bill 150 constituant en corporation la Fédération des scouts catholiques de la province de Québec.

Élection des députés

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre se forme de nouveau en comité plénier pour étudier le bill 20 concernant l'élection des députés à l'Assemblée législative.

 

En comité35:

Le comité poursuit le débat sur l'amendement proposé par le député de Gaspé-Sud (M. C.-E. Pouliot) pour enrayer les mots "du sexe masculin" de l'article 12 du bill.

M. Thibeault (Montréal-Mercier): M. le président, je suis contre le suffrage féminin. Nous sommes à faire un grand nettoyage dans la province. Attendons d'avoir fini pour inviter les femmes à se joindre à nous dans la politique.

Il fait valoir son titre de cadet de la Chambre et affirme que la femme de cette province peut avoir le sens national et le sens social sans avoir le droit de vote.

L'honorable M. Layton (Montréal-Saint-Georges): L'honorable député est-il marié?

M. Thibeault (Montréal-Mercier): Non, il n'est pas nécessaire de se brûler les doigts pour savoir que ça fait mal.

(Rires)

Je ne crois pas que la Russie ait grandi la femme en lui donnant le droit de vote.

M. Bélanger (Montréal-Dorion): La femme a-t-elle déchu, au Canada, depuis qu'elle vote au fédéral?

M. Thibeault (Montréal-Mercier): J'admets qu'en théorie la femme peut légitimement aspirer au droit de vote, mais il ne serait pas pratique de lui accorder ce privilège dans notre province.

Il n'y a rien dans les lois de l'Église qui soit contre le droit de vote pour les femmes. Cet après-midi, on a cité plusieurs auteurs, mais ces citations remontent loin, et il faut tenir compte que nous sommes en 193636.

M. Raynault (L'Assomption): On a cité beaucoup d'auteurs contre le vote des femmes. Mais tous des auteurs étrangers.

M. Thibeault (Montréal-Mercier): Pardon, j'ai cité un auteur canadien.

M. Raynault (L'Assomption): La question est essentielle dans la vie d'une nation, bien que certains journaux diront que la Chambre a participé à un débat académique sur le vote des femmes. Je suis favorable à un amendement aux lois actuelles, pour permettre à la femme de voter aux élections provinciales.

L'honorable député de Montréal-Saint-Henri (M. Labelle) a dit que sa femme ne lui avait pas demandé ce droit. La mienne non plus.

Mais lorsque je veux lui faire plaisir, je n'attends pas qu'elle me demande quelque chose d'agréable, je lui offre.

(Applaudissements)

On dit que la femme doit rester au foyer. Si Madeleine de Verchères37 était restée au foyer, elle n'aurait pas son monument.

(Applaudissements)

Il (M. Raynault) cite un auteur favorable au suffrage féminin38.

M. Boyer (Châteauguay): Le député de l'Assomption pourrait-il me dire si c'est l'ex-maire de Montréal qui a écrit l'extrait qu'il cite en ce moment?

(Applaudissements et rires)

M. Monette (Napierville-Laprairie): L'honorable député de L'Assomption peut-il nous dire quand il s'attend à être maire...39

(Rires et applaudissements)

M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie): On ne peut faire cela en deux mois.

M. Raynault (L'Assomption): Je considère que la question n'est pas à point. Je considère plutôt que c'est rendre justice à la femme que de lui accorder ce droit, et je fais un acte de courage, plutôt qu'un geste pour m'attirer de la popularité, puisque à entendre la majorité des députés qui ont parlé sur le sujet, les femmes ne veulent pas du droit de vote. Je ne veux pas mettre les célibataires de côté, car ils ont tout de même l'expérience. Si la femme avait le droit de vote, nous aurions certaines lois sociales que nous désirons depuis longtemps, et je me demande pourquoi nous persisterions à leur refuser ce droit. Je n'ai pas perdu le sens familial depuis que je suis entré dans la politique, et il en sera de même de la femme. Le droit de vote féminin permettra à la femme de développer son sens social.

(Applaudissements)

L'honorable M. Paquette (Labelle): M. le président, j'admets qu'il faut avoir une certaine dose d'énergie pour se lever ici et parler de cette question. Je sais qu'en bien des milieux je serai blâmé et que des centaines d'yeux dans les galeries me regarderont sévèrement, mais on sait que j'ai pris l'an dernier une attitude bien nette sur cette question. Je me suis déclaré catégoriquement contre le vote des femmes. J'ai alors encouru l'opprobre de mon distingué collègue de Maisonneuve (l'honorable M. Tremblay), et je vais m'attirer la même chose du nouveau ministre sans portefeuille (l'honorable M. Layton). Je maintiens cependant la même attitude.

(Applaudissements)

Je désirerais cependant, avant que le vote ne soit pris, expliquer la situation et énumérer les principales raisons pour lesquelles la femme ne doit pas se mêler de politique dans cette province. Il n'y a pas de doute que la femme mérite le cens électoral. Loin de moi l'idée que la femme n'est pas au moins égale à l'homme au point de vue intellectuel et social. Je dirai même qu'elle nous est supérieure, à notre courte honte. Si nous étions capables de leur permettre seulement de donner leur opinion, nous y gagnerions énormément, car les femmes amèneraient quelque chose de nouveau dans l'orientation de notre politique.

C'est pour ne pas les avilir au contact de la politique qu'il faut les empêcher d'aspirer à la vie politique, qui découlerait naturellement de la permission de voter. Il nous faut prendre les choses telles qu'elles sont, car cette situation fera intervenir les femmes dans tous les domaines.

Mais il faut voir aussi ce qui s'est passé à l'étranger. En Angleterre et en Australie, où la femme vote, on a eu des femmes députés, des femmes ministres et des femmes juges. Elle a occupé toutes les positions, et c'est contre cela que je m'insurge. Voit-on la femme siéger à nos côtés, dans cette enceinte parlementaire?

Je ne veux pas que l'on démolisse ce qu'on a de plus cher, de plus beau, nos foyers qui sont un exemple pour le monde entier, parce que l'on a le respect de la vie matrimoniale. Si nous laissons la femme s'ingérer dans les affaires politiques, nous allons diminuer le prestige de nos foyers canadiens. Nos foyers ne le cèdent à nul autre. Pourquoi changer cela?

Je demande à ceux qui appuient cet amendement, aux membres de cette Chambre, ce qu'ils feraient si leur femme venait siéger à leur place, et qu'ils auraient à s'occuper des mioches.

La femme, dans son rôle social, a l'impérieux devoir, si elle veut rester chrétienne et digne, de s'occuper avant tout du très noble rôle de mère de famille et de remplir ses fonctions d'épouse. Pour qu'elle reste dans ce domaine, nous devons agir en conséquence. Soyons logiques; laissons la femme là où Dieu l'a placée. Ceci n'empêchera pas la femme de prendre une part active à la vie de son époux et de discuter des problèmes politiques avec lui à son foyer.

On a parlé également, au cours du débat, du travail de la femme, et on lui a nié le droit de gagner sa vie. Je considère que la femme, dans une multitude d'occasions, a des devoirs très pénibles à remplir, et qu'on ne doit pas lui fermer la porte d'un bureau, si elle est obligée de gagner sa vie.

Maintenant, il y a un autre argument: ce serait de plus un désastre du point de vue électoral. On s'est plaint très souvent que, sous l'ancien régime, les gens passaient des télégraphes, vu que certaines personnes ne profitaient pas de leur droit de vote. Or, quand 500,000 femmes auront le droit de vote et que la plupart d'entre elles n'en voudront pas, il y aura à peine 100,000 ou 150,000 qui voteront, et vous aurez ainsi décuplé les télégraphes et les faux votes.

Nous nous sommes plaints de ce mal, de cette véritable plaie, et alors n'allons pas adopter une loi pour faire disparaître les télégraphes et une autre loi pour les aider. Ce ne sera pas avant 20 ans d'ici que les femmes accepteront d'aller en bloc aux bureaux de scrutin. Nous n'avons d'ici là qu'à en prendre notre parti.

On a dit que la province de Québec est la seule du dominion à ne pas avoir le suffrage féminin et que nous serions la risée des autres pays et des autres provinces, si nous ne donnions pas le droit de vote aux femmes.

Pourtant, dans bien des domaines, nous avons nos lois particulières, et personne n'en rit. Nous avons notre atavisme racial, nos traditions, et nous y tenons beaucoup. Nous avons nos lois particulières au point de vue civil, et tout cela n'est pas si mal qu'on le prétend. C'est peut-être une manière de nous distinguer. Nous ne sommes pas comme le reste du Canada. Nous sommes français. Il me semble que cela aussi, c'est un argument.

(Applaudissements)

Notre province a un excellent renom pour le respect des liens conjugaux. N'allons donc pas ternir un blason si beau en faisant de nos femmes des politiciennes.

(Applaudissements)

Des députés demandent le vote.

M. Sherman (Compton): M. le président, je veux dire un mot pour le vote des femmes40.

(Applaudissements)

Je suis heureux de voter pour le privilège que réclament les femmes tout en restant national. Je crois bien que, si ma femme avait le droit de vote, elle remplirait ce devoir tout aussi intelligemment que moi.

Si l'on attend d'avoir assaini la politique avant de donner le suffrage féminin, cela n'arrivera jamais. Qu'on laisse d'abord les femmes voter et nos moeurs électorales s'épureront immédiatement. La Providence a créé la femme pour autre chose que le foyer, et il y a des femmes qui ont mené leurs affaires mieux que bien des hommes dans la société.

(Applaudissements)

Tout ce que j'ai, je le dois à ma mère. Je ne peux vraiment lui refuser ce que j'ai. Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur du suffrage féminin.

(Applaudissements)

M. Bélanger (Montréal-Dorion) et M. Duguay (Lac-Saint-Jean) tentent de parler.

Des députés: (À tue-tête) Le vote! Le vote! Nous voulons le vote!

M. le président: On procède au vote sur l'amendement du député de Gaspé-Sud (M. Pouliot), qui demande de rayer de l'article 12 les mots "de sexe masculin". Que ceux qui sont pour l'amendement se lèvent.

L'amendement est rejeté41 par 49 voix contre 2542.

L'article 12 est adopté43.

Le comité étudie l'article 13, qui se lit comme suit:

"13. Ne peuvent être électeurs:

"1° Les juges de la Cour suprême du Canada, de la Cour de l'échiquier, de la Cour du banc du roi, de la Cour supérieure ou de la Cour de circuit, les juges des sessions, les magistrats de district, les recorders, les substituts du procureur général, le secrétaire de la chancellerie et les réviseurs nommés en vertu de la présente loi;

"2° Les sauvages et individus de sang sauvage qui sont domiciliés dans une réserve affectée, soit pour les sauvages, soit pour quelque bande de sauvages, ou possédée en fiducie pour eux, que cette réserve se trouve ou non dans les limites d'une municipalité;

"3° Les personnes qui ont prêté serment d'allégeance à une puissance étrangère ou qui ont été naturalisées à l'étranger;

"4° Les personnes que l'Assemblée législative, un tribunal compétent à connaître d'élections contestées ou quelque autre tribunal compétent a déclarées coupables d'inexécution de leurs devoirs ou d'infraction aux différentes lois électorales de cette province, et qui sont encore sous le coup de l'incapacité qui s'ensuit;

"5° Les personnes qu'un tribunal compétent a déclarées coupables d'une infraction punissable de deux ans d'emprisonnement ou plus et qui n'ont pas entièrement purgé la peine prononcée contre elles;

"6° Les personnes qui, aux termes du Code civil, sont incapables de contracter. (Statuts refondus, chapitre 4, articles 14, 15; mod.)"

M. Pouliot (Gaspé-Sud) propose qu'on enlève le droit de vote à toutes les personnes déjà condamnées à l'emprisonnement.

M. Boyer (Châteauguay) soumet que ce serait aller trop loin parce qu'un individu peut bien être condamné à la prison pour un acte qui, en soi, n'est pas criminel du tout.

M. Chaloult (Kamouraska): M. le président, je vois dans la loi électorale que les Indiens qui sont dans les réserves n'ont pas droit de vote. Il me semble que nous, Canadiens français, nous devons être très sympathiques aux minorités. Les Indiens sont les premiers occupants du pays, et à moins qu'il n'y ait qu'une juridiction fédérale, nous devrions leur accorder le droit de vote.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Les sauvages ne sont pas soumis à l'autorité de la Législature provinciale et ne sont pas maltraités: au contraire, ils sont exemptés des taxes, du service militaire et de beaucoup d'autres obligations. Ils n'ont pas de conseils municipaux. Ils ne peuvent donc avoir droit à la représentation. Si on leur donne le droit de vote, il faudra leur enlever ces privilèges dont ils jouissent. Quant au droit du premier occupant, il n'est pas toujours le meilleur. Pour ma part, je considère que les premiers occupants de notre pays ont été les descendants de la grande race française, à laquelle nous appartenons. Ces premiers occupants doivent vivre en paix avec leurs compatriotes de langue anglaise.

(Applaudissements)

M. Chaloult (Kamouraska): L'argument de l'honorable premier ministre a de la valeur. Mais je persiste à croire que les Indiens devraient obtenir le droit de vote.

M. Auger (Gatineau) explique qu'il vit près d'une réserve indienne et qu'il a toujours constaté par expérience que la coutume établie était de ne jamais inscrire les sauvages sur les listes électorales. Il conclut en affirmant que les indigènes, très jaloux de leurs privilèges, s'objecteraient sûrement à ce qu'on en fasse des électeurs.

L'article 13 est adopté.

Les articles 14 à 16 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 17, qui se lit comme suit:

"17. Le secrétaire-trésorier, en dressant une liste électorale, doit y inscrire toutes les personnes qui, d'après le rôle d'évaluation en vigueur ou (sauf dans les cités) d'après les listes électorales en vigueur dans la municipalité, paraissent être électeurs.

"Il doit cependant omettre le nom de toute personne qui, aux termes de l'article 13 ou de toute autre disposition législative, n'a pas le droit de voter. (Statuts refondus, chapitre 4, article 18c; 17 George V, chapitre 14, article 1.)"

M. Taché (Hull): Beaucoup de jeunes gens se trouvent ainsi défranchisés parce que leurs noms n'apparaissent pas sur le rôle d'évaluation. Ils ne sont en effet ni propriétaires ni locataires. Je suggère d'amender ainsi l'article: "Le secrétaire-trésorier, en dressant une liste électorale, doit y inscrire les noms de toutes les personnes qui sont électeurs d'après la présente loi."

M. Marier (Drummond): Ce serait imposer une charge inutile aux secrétaires-trésoriers des municipalités rurales puisque, dans les campagnes, les fils de propriétaires sont déjà inscrits sur le rôle.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'y vois aussi des inconvénients. La première garantie, c'est une opinion politique en éveil. Il ne faut pas donner aux électeurs une fausse sécurité. Ils doivent apprendre à se déranger un peu pour voir si leurs noms sont sur la liste.

M. Taché (Hull) retire son amendement, mais déclare qu'il en présentera un autre à la session de février.

L'article 17 est adopté.

Les articles 18 à 27 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 28, qui se lit comme suit:

"28. Les listes électorales pour les cités autres que Québec et Montréal et dont la population, au précédent recensement décennal, atteignait le chiffre de dix mille ou plus, doivent être dressées du 1er au 15 mars de chaque année désignée par un nombre pair, conformément aux prescriptions du sous-paragraphe A ci-dessus. (Statuts refondus, chapitre 4, article 30, mod.)"

M. Bulloch (Westmount) propose un amendement à l'effet de faire dresser plutôt les listes du 1er au 15 juin, étant donné que les déménagements se font le 1er mai.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je propose l'ajournement de la discussion sur cet amendement, pour donner le temps aux députés de bien songer à cette question très importante.

Si nous faisons un débat sur chaque article de ce bill, nous sommes ici jusqu'en juillet et nous retarderons conséquemment la session de février. Je répète ici que cette loi a été mûrie et pesée par des experts, par des gens qui s'y connaissent en loi.

Le greffier qui l'a préparée, aidé d'un notaire compétent, a vu passer toutes les lois de l'ancien régime, et, pour s'y débrouiller, il fallait qu'il fût expert, car Dieu sait si elles étaient embrouillées. De plus, la loi électorale est passée par les étuves et les éprouvettes du comité des bills publics.

L'étude de l'article 28 est suspendue.

Le comité fait rapport qu'il n'en a pas terminé l'examen.

 

Travaux de la Chambre:

Horaire des séances

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Dussault), qu'à partir de demain, la Chambre tienne trois séances tous les jours, excepté le dimanche: la première, de 11 heures du matin à 1 heure de l'après-midi; la deuxième, de 3 à 6 heures de l'après-midi; la troisième, de 8 heures et demie à 11 heures du soir; et qu'à chaque séance l'ordre des affaires soit réglé suivant les dispositions du Règlement relatives aux séances du mardi.

Adopté.

Convention collective des travailleurs du port de Montréal

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre se forme de nouveau en comité plénier pour étudier le bill 37 relatif à l'extension d'une convention collective de travail ratifiée par l'arrêté ministériel no 1723 du 28 juin 1935 et l'arrêté no 1131 du 15 avril 1936.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec un amendement. L'amendement est lu deux fois et adopté.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Ajournement

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à demain après-midi, à 3 heures.

Adopté.

La séance est levée vers 11 heures.

__________

NOTES

 

1. Le comité se réunit sous la présidence de M. Trudel (Saint-Maurice).

2. Le Quebec Chronicle-Telegraph du 6 novembre 1936, à la page 12, rapporte que "les quelque six premiers articles ont été adoptés promptement, accompagnés de commentaires de la part de T.-D. Bouchard et Peter Bercovitch, Montréal-Saint-Louis." Les sources ne permettent cependant pas de déterminer la teneur, ni le moment, de ces remarques de l'opposition.

3. L'honorable M. Duplessis fait allusion à C.-A. Bertrand (Montréal-Laurier), qui fut procureur général de la province dans le cabinet Godbout (juin-août 1936)

4. Le "télégraphe", une forme de fraude électorale bien connue au XIXe siècle, n'est disparu que vers le milieu du XXe siècle. Pour qu'un électeur puisse "passer un télégraphe", un organisateur politique lui remettait un bulletin de vote obtenu illégalement et déjà marqué en faveur du candidat pour lequel l'organisateur travaillait. Dans l'isoloir, l'électeur cachait sur lui le bulletin vierge qu'il avait reçu du scrutateur, puis revenait avec le bulletin déjà marqué, qui était alors déposé dans l'urne. Par la suite, il remettait le bulletin vierge à l'organisateur, qui lui donnait une récompense et marquait le bulletin afin de recommencer le manège avec un autre électeur. Comme la récompense était donnée seulement à la sortie du bureau de scrutin, l'électeur pouvait jurer impunément, au moment de voter, qu'il n'avait reçu ni argent ni autre avantage. (Élections Canada: Renseignements généraux: L'histoire du vote au Canada, p. 9.)

5. L'honorable M. Duplessis fait allusion à l'élection très serrée de M. Bastien qui, le 17 août 1936, fut élu avec une seule voix de majorité dans Berthier.

6. Paul Gouin (1898-1976), avocat et député de l'Action libérale nationale de l'Assomption en 1935-1936. Il fut l'un des fondateurs de l'Action libérale nationale, dont il devint le chef en 1938. Il fut candidat défait à plusieurs autres élections, notamment au fédéral, dans les rangs du Bloc populaire. Cofondateur et directeur de l'hebdomadaire La Province (1935-1938). Président du Conseil de la vie française en Amérique (1955-1961) et membre de cet organisme (1951-1975). Président de la Société des festivals de Montréal en 1952 et président de la Commission des monuments historiques de la province de Québec (1955-1968). Dans les années 1950, il fut également conseiller technique en matière culturelle pour le Conseil exécutif.

7. M. Bastien fait probablement allusion à l'élection de M. Bélanger, sous la bannière de l'Action libérale nationale en 1935, puis sous celle de l'Union nationale, ainsi qu'à sa collaboration au journal séparatiste La Nation.

8. M. Bastien fait erreur puisqu'en 1927, l'honorable M. Tremblay fut élu député ouvrier de Maisonneuve à l'Assemblée législative. C'est plutôt à l'élection de 1931 qu'il fut défait.

9. Charles-Joseph Arcand (1871-1951), député libéral de Maisonneuve (1931-1935). Durant cette période, il fut ministre du Travail dans le cabinet Taschereau.

10. M. Raynault fait allusion à l'honorable C.-J. Arcand, ministre du Travail à l'époque.

11. Louis Veuillot (1813-1883), écrivain et journaliste ultramontain français. Rédacteur (1843), puis rédacteur en chef (1848-1883) du journal L'Univers dont il se sert pour exposer et défendre fermement l'ultramontanisme, un courant de pensée favorable à la supériorité du pouvoir papal. Au coeur de débats politiques et religieux, il publie une brochure intitulée Les libres penseurs (1848) et plusieurs ouvrages dont Les Pèlerinages de Suisse (1838), Rome et Lorette (1841), L'honnête femme (1844), Le parfum de Rome (1861), Les odeurs de Paris (1866) et Pie IX (1878). Il est également l'auteur de poèmes et romans inspirés de son amour et de sa foi profonde en la religion catholique.

12. Le Droit du 6 novembre 1936, à la page 5, précise que M. Bouchard n'a fait que quelques remarques durant ce débat, "ayant été absent la majeure partie du temps".

13. L'Action catholique du 6 novembre 1936, à la page 3, précise que l'honorable M. Layton célèbre aujourd'hui son 37e anniversaire de naissance.

14. Selon Le Devoir du 6 novembre 1936, à la page 6, l'honorable M. Layton "dit deux mots en français puis continue dans sa langue".

15. Le Canada du 6 novembre 1936, à la page 3, précise que l'honorable M. Layton hausse la voix parce que "plusieurs ministres s'effacent les uns les autres, ainsi que plusieurs députés". Le même journal rapporte que ceux-ci reviennent en Chambre à mesure que l'honorable M. Layton progresse dans son discours.

16. Madame Pierre Casgrain, née Thérèse Forget (1896-1981), militante féministe et femme politique. Elle se marie tôt et élève ses quatre enfants. Dès les années 1920, elle se préoccupe de questions sociales et politiques. Suite à la création, en 1921, du Comité provincial pour le suffrage féminin, elle devient une des figures de proue du mouvement féministe en prenant la relève, notamment de Marie Gérin-Lajoie. En 1926, elle fonde la Ligue de la jeunesse féminine puis en 1928, devient présidente de la Ligue des droits de la femme. En 1931, elle se fait connaître grâce à son émission Fémina présentée à Radio-Canada. Vers 1945, elle obtient du gouvernement canadien que les chèques d'allocations familiales soient versés aux femmes plutôt qu'aux pères de familles. En 1961, elle fonde la filiale québécoise de la Voix des femmes et, en 1967, la Fédération des femmes du Québec. Grande humaniste, Thérèse Casgrain s'implique dans une multitude de causes liées à la défense des libertés civiles et des droits de la personne, et toute sa vie durant, elle lutte pour les droits des femmes. De 1970 à 1971, elle est membre du Sénat canadien.

17. Saint Pie X, ou Giuseppe Sarto (1835-1914) de son nom civil, pape de 1903 à 1914.

18. Chiffre du Canada du 6 novembre 1936, à la page 3. The Montreal Gazette du même jour, à la page 1, mentionne plutôt 85 %.

19. Le comte Joseph de Maistre (1753-1821), écrivain et philosophe savoyard. L'un des plus importants théoriciens de la pensée contre-révolutionnaire. De Maistre s'est fait un nom en combattant les philosophes du XVIIIe siècle, notamment en soutenant la suprématie temporelle du pape et la théocratie.

20. Benoît XV, ou Giacomo della Chiesa (1854-1922) de son nom civil, pape de 1914 à 1922.

21. L'honorable M. Gagnon fait allusion au deuxième concile de Mâcon, tenu le 23 octobre 585, qui mit en délibération la question de l'existence de l'âme de la femme. Pour plus de détails, voir l'ouvrage suivant: Odette Pontal, Histoire des conciles mérovingiens, Paris, Éditions du Cerf: Institut de recherche et d'histoire des textes, 1989, p. 186-191.

22. Georges Goyau (1869-1939), historien français. Spécialisé dans l'histoire de l'Église, ses principaux ouvrages furent L'Allemagne religieuse: le protestantisme (1898) et le catholicisme (1909), Histoire religieuse de la France (1922) ainsi qu'une monographie sur Joseph de Maistre (1922) et Les origines religieuses du Canada (1924).

23. Nom donné par Le Soleil du 6 novembre 1936, à la page 16. Le Devoir du même jour, à la page 1, écrit erronément "père Coulet", et La Patrie, à la page 5, le "père Goulet". Il s'agit plutôt du chanoine Stéphen Coubé (1857-1938), jésuite et prédicateur français. Professeur dans divers collèges entre 1880 et 1888, il est ordonné prêtre en 1890 et acquiert les doctorats en philosophie et théologie. Prédicateur, il n'hésite pas à entrer dans la lutte politique et, pour avoir pleine liberté d'action, il quitta la compagnie de Jésus en 1906. Il publie de nombreux ouvrages dont: L'âme de Jeanne d'Arc (1910), Gloires et bienfaits de l'eucharistie (1911), Gloires et bienfaits de la Sainte Vierge (1912), Le patriotisme de la femme française (1916), Alsace-Lorraine et France rhénane (1917), Les enfants héroïques (1917). Il dirigea aussi deux revues mensuelles, L'Idéal et la Revue des objections.

24. L'orthographe du nom varie selon les sources. Il s'agit de Ferdinand Cavallera (1875-1954), jésuite français, docteur en théologie (1903-1906), ordonné prêtre en 1906. Détenteur de la chaire de théologie positive à l'Institut catholique de Toulouse (1909-1951), il sera doyen de la faculté de théologie à partir de 1918. Directeur des revues Bulletin de littérature ecclésiastique et la Revue d'ascétique et de mystique. Il publie également de nombreux ouvrages dont: Saint Athanase (1908), les Indices de la Patrologie grecque de J. P. Migne (1912), Ascétisme et liturgie (1914), Saint Jérôme (1922), Précis de la doctrine sociale catholique (1933), etc.

25. Le Père Antonin Sertillanges (1863-1948), dominicain français et professeur de philosophie à l'Institut catholique de Paris. Parmi ses ouvrages, on peut citer: Jésus (1897), Les sources de la croyance en Dieu (1905), Saint Thomas d'Aquin (1910), Catéchisme des incroyants (1930) et Le christianisme et les philosophies (1939-1940).

26. Albert Rioux (1899-1983), agronome et agriculteur. Directeur diocésain de l'UCC en 1928, vice-président général en 1929 et président général, de 1932 à 1936. En 1929, il est l'un des fondateurs du journal La terre de chez nous. Sous-ministre de l'Agriculture en 1936, à l'avènement du premier gouvernement Duplessis. Il dirige le comité qui prépare la "loi du crédit agricole", réorganise le ministère et instaure le Service des recherches et le Service de l'enseignement. Muté à la bibliothèque du Parlement en 1939, il élabore un projet d'électrification rurale qui inspire la "loi de l'électrification rurale" de 1945. Nommé commissaire de l'Office de l'électrification rurale par Duplessis, il en devient le président en 1960. Président de la Société canadienne d'établissement rural et président fondateur de la Société d'études rurales, il prépare plusieurs mémoires pour les gouvernements fédéral et provincial, pour la commission Héon sur le commerce des produits agricoles en 1953 et la commission Tremblay, sur les problèmes constitutionnels, en 1955. En 1971, il est chargé d'une mission au Liban pour le Service administratif canadien outre-mer (SACO). De 1972 à 1974, il représente le SACO en Algérie et en Tunisie.

27. Fadette, pseudonyme utilisé dès 1910 dans Le Devoir et La Bonne Parole par Henriette Dessaules (1860-1946), journaliste et écrivaine.

28. Pierre-Paulin Andrieu (1849-1935), religieux français. Ordonné prêtre en 1874, il devient ensuite vicaire général (1880), puis évêque de Marseilles (1901-1909). Élu cardinal en 1907, il sera archevêque de Bordeaux (1909-1935). Quelques-unes de nos sources, dont Le Journal du 6 novembre 1936, à la page 8, écrivent à tort "Andrieux".

29. Chiffre du Soleil du 6 novembre 1936, à la page 16. La Presse du même jour, à la page 19, mentionne plutôt 65 %.

30. Maurice Barrès (1862-1923), écrivain et homme politique français. Député boulangiste de Nancy (1889-1893), député de Paris en 1906, il est élu à l'Académis française la même année. Auteur de nombreux écrits: il publie, de 1888 à 1891, la Trilogie du Culte du moi: Sous l'oeil des barbares (1888), Un homme libre (1889), Le jardin de Bérénice (1891). Il rédige également L'ennemi des lois (1893) et Du sang, de la volupté et de la mort (1894). Son nationalisme et son antisémitisme s'expriment dans plusieurs de ses écrits, dont Le roman de l'énergie nationale (1897-1902); il publie encore Colette Baudoche (1909), La colline inspirée (1913).

31. La quasi-majorité de nos sources attribuent cette intervention à M. Robinson (Brome). Seul Le Journal du 6 novembre 1936, à la page 8, la prête plutôt à M. Bulloch (Westmount).

32. Le Canada du 6 novembre 1936, à la page 1, rapporte que: "Toute l'après-midi et dans la soirée, les députés en faveur du vote féminin ont entrepris une guerre d'applaudissements avec ceux qui étaient contre, les galeries regorgeant de dames frénétiques armées de sourires, agitant des mouchoirs et manifestant par des applaudissements." Sur ce dernier point, L'Action catholique du même jour, à la page 3, diffère plutôt d'opinion: "Nous pouvons affirmer que le débat sur le vote féminin semble perdre de l'intérêt d'année en année. Il n'y a plus à la Chambre, cette foule féminine que l'on y voyait, il y a encore trois ou quatre ans. C'est tout au plus si ces dames remplissaient hier la galerie qui leur est ordinairement réservée."

33. La Patrie du 6 novembre 1936, à la page 4, rapporte que M. Thibeault veut parler "mais le président fit semblant de ne pas le voir."

34. Le Quebec Chronicle-Telegraph du 6 novembre 1936, à la page 3, rapporte que le chef de l'opposition, M. Bouchard (Saint-Hyacinthe), est absent de cette séance du soir.

35. Voir note 1.

36. Le Canada du 6 novembre 1936, à la page 3, rapporte que "le député de Mercier poursuit son discours, mais avec difficulté, car plusieurs députés font tout haut leurs réflexions". Les autres sources ne nous donnent pas davantage de détails sur ces instants du débat.

37. Marie-Madeleine Jarret de Verchères (1678-1747). À 12 ans, elle aide sa mère qui défend le fort de Verchères contre les Iroquois. En 1692, elle dirige à son tour avec succès la défense du fort de Verchères contre une nouvelle attaque. Sur les instances de M. de Beauharnois, gouverneur général de la Nouvelle-France, elle en fit écrire le récit qui sera à la base d'une légende dont elle est l'héroïne. Elle épouse en 1706 Pierre Thomas Tarieu de la Naudière, sieur de la Pérade, dont elle eut cinq enfants.

38. Le Canada du 6 novembre 1936, à la page 3, mentionne que les propos de M. Raynault sont difficilement compris du haut de la tribune de la presse "étant donné la bonne humeur de la députation".

39. Le député fait allusion à la candidature de M. Raynault à la mairie de Montréal, pour l'élection municipale du 15 décembre suivant. À ce sujet, voir Conrad Black, Duplessis. L'ascension, Montréal, Éditions de l'Homme, 1977, p. 255-256.

40. Le Devoir du 6 novembre 1936, à la page 6, mentionne que M. Sherman parle en français.

41. L'Événement du 6 novembre 1936, à la page 3, précise que, compte tenu du petit nombre de députés en faveur de l'amendement, le président ne demanda pas à leurs opposants de se lever. Or, La Patrie du 6 novembre 1936, à la page 5, et Le Devoir du 7 novembre 1936, à la page 6, rapportent que les honorables Duplessis, Bourque, Dussault et Leduc, ainsi que M. Bertrand (Saint-Sauveur) ont été parmi les 49 députés à rejeter l'amendement. Le Canada, à la page 1, rapporte que le chef de l'opposition, M. Bouchard, est absent lors du débat et au moment du vote. Le Droit, à la page 10, nous informe que M. Hamel (Québec-Centre) brille lui aussi par son absence à ce moment.

42. Les députés en faveur de l'amendement sont: MM. Auger (Gatineau), Beaudry, Bélanger, Bercovitch, Boiteau, Bulloch, Chaloult, Choquette, Drouin, Fisher, Gagné, Gagnon, Jolicoeur, Lafleur, Larochelle, Lawn, Layton, Lorrain, Pouliot (Gaspé-sud), Pouliot (Missisquoi), Raynault, Robinson, Rochefort, Sherman, Tremblay. Le décompte varie beaucoup d'un journal à l'autre. Le Canada, à la page 1, compte 49 à 24 en défaveur du suffrage féminin. La Patrie, à la page 5, compte plutôt 49 à 29 et, quelques lignes plus loin dans le même article, 49 à 24. Le Canada, à la page 1, rapporte que: "Comme le vote fut pris debout, à un moment où il manquait une vingtaine de députés en Chambre, on n'a pu prendre que les noms de ceux qui votaient en faveur." La Patrie, à la page 5, confirme que l'"on ne procéda pas à l'appel nominal" et que le greffier adjoint, M. Bernard, put établir un "scrutin approximatif" en comptant par "assis et levés". Cela explique les écarts des chiffres publiés par d'autres journaux du 6 novembre:

Le Devoir, à la page 6, Le Droit, à la page 10, et Le Soleil, à la page 3, rapportent plutôt un vote de 49 voix contre 23. The Montreal Gazette, à la page 1, le Herald, à la page 1, et le Quebec Chronicle-Telegraph, à la page 3, écrivent, quant à eux, 49 contre 21. Aucun journal du 6 novembre 1936 ne mentionne la présence de M. Larochelle (Lévis) dans les rangs des députés en faveur du suffrage féminin. C'est à de la séance du 6 novembre, nous apprend La Presse du 7 novembre 1936, à la page 53, que le député de Lévis soutient qu'il appuie le suffrage féminin. Ailleurs, La Patrie du 6 novembre 1936, à la page 5, et L'Événement du même jour, à la page 14, rangent par erreur M. Bertrand (Saint-Sauveur) parmi les députés en faveur de l'amendement. Or, dans La Presse du 7 novembre 1936, à la page 53, M. Bertrand affirme qu'il était en fait dans les rangs des opposants.

43. Selon L'Événement du 6 novembre 1936, à la page 14, il est environ 10 heures à ce moment de la séance.