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Introduction historique

23e législature, 1re session
(19 janvier 1949 au 10 mars 1949)

Par Marc-André Robert

Le Québec, le Canada et le monde en 1949

Trois années se sont écoulées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’heure est à la médiation et aux alliances stratégiques. Les tensions montent entre l’Est et l’Ouest, confirmant l’état de polarisation qui transforme peu à peu l’échiquier mondial. En Occident, à la suite du « coup de Prague » de février 1948, les grandes puissances comme les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne se mobilisent et s’organisent autour de diverses organisations qui visent à prévenir d’éventuelles agressions du bloc communiste et à coordonner la reconstruction de l’Europe.

Le 17 mars 1948, les ministres des Affaires étrangères de la France, du Royaume-Uni, de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg se réunissent à Bruxelles pour la signature du Traité d’Union occidentale : un traité de légitime défense qui prévoit une collaboration en matière économique, sociale et culturelle. Deux semaines plus tard, soit le 30 mars, lors de la 9e conférence panaméricaine, à Bogota en Colombie, 20 pays d’Amérique latine ainsi que les États-Unis procèdent à la mise sur pied de l’Organisation des États américains (OEA), une organisation chargée de maintenir la sécurité sur le continent et qui préconise une approche pacifiste. Le 16 avril enfin, 15 États d’Europe de l’Ouest ainsi que la Turquie, le Canada et les États-Unis signent la convention instituant l’Organisation européenne de coopération économique (OECE), dont l’une des tâches principales consiste à gérer la redistribution de l’aide proposée par le plan Marshall, votée par le Congrès américain le 2 avril.

Malgré ces accords internationaux, le climat de paix demeure fragile. Le 24 juin 1948, certaines tensions qui perdurent entre les quatre pays chargés d’administrer l’Allemagne au lendemain de la guerre incitent l’URSS à mettre en place un blocus entre la partie occidentale de l’Allemagne et Berlin-Ouest, administrée par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Deux jours plus tard, les Américains ripostent en lançant l’opération « Vittles », dont l’objectif est d’assurer l’approvisionnement de Berlin-Ouest par voie aérienne. Le blocus sera finalement levé par le secrétaire général du Parti communiste et président du Conseil des ministres de l’URSS, Joseph Staline, le 12 mai 1949.

La polarisation du monde se répercute même jusque sur la scène sportive. L’URSS et le Japon refusent d’envoyer des délégations aux Jeux olympiques d’été de Londres, qui s’ouvrent le 29 juillet 1948, tandis que l’Allemagne n’est tout simplement pas invitée. Les Jeux de la XIVe Olympiade de l’ère moderne sont les premiers à être télédiffusés.

Sur une note plus positive, le 7 décembre, les États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) adoptent la Déclaration universelle des droits de l’homme, au palais de Chaillot à Paris. Dans ses premières lignes, on peut y lire cette réflexion qui rappelle les blessures de la Guerre : « La méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité.  »

Aux États-Unis, 1948 est année d’élections. Le 2 novembre, le démocrate Harry S. Truman est élu à la présidence du pays et bat facilement, mais à la surprise de certains observateurs, son adversaire Thomas Dewey, gouverneur de l’État de New York, avec 49,5% des suffrages contre 45,1%. Successeur de Franklin D. Roosevelt – il est devenu le 33e président américain, le 12 avril 1945, à la suite de la mort de Roosevelt –, Truman en est à sa première élection à titre de président, même s’il semble entamer alors son deuxième mandat.

Sur la scène politique canadienne, Louis Saint-Laurent succède à William Lyon Mackenzie King à la tête du Parti libéral du Canada, le 7 août 1948, et comme premier ministre, le 15 novembre suivant. Le 2 octobre de la même année, un congrès à la chefferie est organisé au sein du Parti progressiste-conservateur, à la suite de la démission de John Bracken. C’est l’ancien premier ministre de l’Ontario, George Drew, qui lui succède.

Au Québec maintenant, sous le signe des protestations et de l’agitation populaire, on note d'abord la publication du « Refus global » de Paul-Émile Borduas, le 9 août 1948. Signé par 15 membres du groupe artistique les automatistes, dont Jean-Paul Riopelle, Marcelle Ferron et Claude Gauvreau, ce manifeste critique les valeurs québécoises traditionnelles et le pouvoir de l’Église catholique sur les institutions et sur la population. Le « Refus global » deviendra un symbole précurseur de ce qui, plus tard, sera la Révolution tranquille.

Par ailleurs, plusieurs conflits de travail éclatent au grand jour. Le 17 janvier 1949 d’abord, les enseignants de l’Alliance des professeurs catholiques de Montréal entrent en grève illégale pendant six jours. L’Alliance perd son accréditation, qu’elle ne recouvra qu’en 1959, et son président, Léo Guidon, est congédié pour insubordination.

Le 27 janvier, un grand mouvement de protestation se met en branle contre le projet de Code du travail de l’Union nationale. Ce projet, qui doit être déposé en Chambre durant la session de 1949 par le ministre du Travail, Antonio Barrette, est vivement contesté par les syndicats, pour qui il constitue « une violation des principes de base de la démocratie industrielle et un danger pour les bonnes relations actuellement existantes entre les employeurs et les employés dans cette province1 ».

Peu après, un autre conflit ouvrier éclate : le 13 février, les mineurs d’Asbestos entrent en grève, suivis par ceux de la mine de Thetford Mines: le conflit connu sous le nom de « grève de l’amiante », qui s’étendra pendant plusieurs mois, jusqu’en juillet.

Sur la scène culturelle, on note, le 28 janvier 1949, la première du film Un homme et son péché, du réalisateur Paul Gury. Adaptation du célèbre roman de Claude-Henri Grignon, filmé en noir et blanc, ce film met en vedette Hector Charland dans le rôle de Séraphin et Nicole Germain dans le rôle de Donalda. L’année 1949 marque aussi la parution de plusieurs films agricoles du cinéaste Maurice Proulx2, connu pour ses films sur la colonisation en Abitibi (En pays neufs, 1937) et en Gaspésie (En pays pittoresque, 1939) : Les ennemis de la pomme de terre (en quatre parties), La culture de la betterave à sucre et La chimie de la pomme de terre.

 

Les élections du 28 juillet 1948 : le raz de marée unioniste

Le 9 juin 1948, le premier ministre Maurice Duplessis déclenche les élections provinciales et décrète le mercredi 28 juillet jour de scrutin. La campagne électorale se déroule sous le thème de l’autonomie provinciale, tout comme l’avait été celle de 1944. La stratégie de Duplessis et de l’Union nationale, commente le politologue Paul Cliche, emprunte à la « machine tachereautiste » des années 1920 et 19303; la caisse du parti étant pleine, l’Union nationale dépense de grosses sommes d’argent en publicité et dans ses diverses organisations locales.

La principale nouveauté réside dans le lancement d’un slogan central hautement coloré, qui vient véritablement cristalliser l’opinion publique en faveur du gouvernement sortant : « Les libéraux donnent aux étrangers; Duplessis donne à sa province ». L’Union nationale bénéficie également de l’appui de journaux habituellement très critiques à son endroit, comme Le Devoir4. Certains anciens membres du Bloc populaire se rangent derrière Duplessis, tout comme le député indépendant du comté de Québec René Chaloult. Le maire de Montréal, Camillien Houde, reprochant au Parti libéral ses quatre années d’internement, se joint au camp des unionistes. L’historien Jean-Guy Genest commente : « Plus populaire que jamais, auréolé comme martyr des libéraux et revigoré par sa récente réélection triomphale […], le tribun promena sa verve gouailleuse […] dans les grandes assemblées de Montréal et […] dans de nombreux meetings de quartiers5. »

Chez les libéraux, la débandade-surprise de 1944 revient les hanter et l’organisation du parti manque d’efficacité. Selon l’historien Genest, leur chef, Adélard Godbout, « ne se faisait pas d’illusion. Prévoyant la défaite, il écrivait à [Louis] Saint-Laurent que, dans le Parti libéral, il ne serait ‘‘probablement plus qu’un membre très obscur après les prochaines élections provinciales’’6 ». Face aux attaques multipliées des unionistes, les libéraux sont sur la défensive.

Le Parti libéral fédéral vient porter renfort à ses homologues québécois, mais une déclaration de son nouveau chef, Louis Saint-Laurent, loin de produire l’aide escomptée, sème la polémique et plonge les libéraux dans l’eau chaude. Saint-Laurent déclare que la Constitution « reconnaît au gouvernement fédéral le droit de percevoir toutes les taxes7 ». Il n’en faut pas plus à Duplessis pour marteler Godbout d’être à la solde d’Ottawa et de ses visées centralisatrices.

Le 28 juillet, l’Union nationale est reportée au pouvoir, avec 51 % des suffrages, contre 37 % pour le Parti libéral. Elle remporte également sa victoire la plus éclatante depuis 1936, avec 89 % des sièges. Car l’Union nationale reçoit un solide appui dans presque toutes les régions du Québec, même à Montréal et à Québec. La grande majorité de son électorat demeure quand même les milieux ruraux.

Littéralement, c’est un « raz de marée8 » unioniste qui balaie la carte électorale. Et, comble de malheur pour le Parti libéral, en plus de voir ses effectifs considérablement réduits (il perd 29 députés), son chef, Adélard Godbout, est défait dans le comté de L’Islet par l’unioniste Fernand Lizotte, et par seulement 40 voix! Devant ses partisans assemblés au Club de réforme, résigné, Godbout déclare :

Le verdict vient d’être rendu. Je n’essaierai pas de l’analyser ni de l’interpréter. Le Parti libéral est battu, mais les principes qu’il a exposés sont éternels et, demain, ils revivront à nouveau. J’espère que Québec veut la sécurité sociale qui nous préservera des idées subversives. […] J’ai donné quelques années de ma vie pour l’unité nationale et la compréhension des problèmes qui confrontent la nation. Pour ces idées, je suis prêt à donner le reste de mes jours, dans la vie publique ou ailleurs, peu m’importe. […] Quant à moi, mon sort m’intéresse peu, mais ce qui m’intéresse c’est le sort des miens. J’espère pour vous tous la sécurité sociale pour demain9.

 

La veille de l’ouverture de la session parlementaire, le sort de Godbout semble déjà tracé. Les journalistes de certains quotidiens discutent d’une rumeur envoyant le chef libéral déchu du côté d’Ottawa pour remplacer le sénateur Charles-Philippe Beaubien, décédé le 17 janvier10.

 

Les parlementaires

C’est un contexte de victoire éclatante pour les uns et d’amère défaite pour les autres que s’ouvre, le 19 janvier 1949, la 1re session de la 23e Législature à Québec. Au Parlement, on compte 82 députés de l’Union nationale, 8 députés du Parti libéral et 2 députés indépendants. Frank Hanley, député de Montréal-Sainte-Anne, et René Chaloult, député du comté de Québec, siègent effectivement en tant qu’indépendants, mais soutiennent pratiquement tous les projets de loi de l’Union nationale.

Lors de la première séance, trois des 92 sièges sont vides : celui du député unioniste de Lévis, Théophile Larochelle, qui a démissionné de son poste le 29 décembre 1948 pour être nommé conseiller législatif; celui du député unioniste de Saint-Hyacinthe, Ernest Chartier, gravement malade; et celui du député unioniste d’Iberville, Yvon Thuot, qui est, à ce moment, en voyage aux États-Unis.

L’ajournement de la première séance se fait en signe de deuil, par respect pour la mémoire de Jonathan Robinson, député unioniste dans Brome et ministre des Mines depuis 1944, décédé en fonction le 11 octobre 1948, et de Pierre Bertrand, conseiller législatif unioniste de la division de LaSalle, décédé en fonction le 22 décembre 1948.

À la suite de la mort du ministre Jonathan Robinson et de la démission du député Théophile Larochelle, des élections partielles ont lieu dans les comtés de Brome et de Lévis, respectivement le 7 décembre 1948 et le 25 février 1949. L’Union nationale conserve ces deux comtés. Sans opposition, Charles James Warwick Fox est élu dans Brome, tandis que dans Lévis, la population donne raison à Albert Samson, qui remporte le suffrage avec une confortable majorité contre le candidat de l’Union des électeurs, Émile-Abel Paradis.

 

Chez les libéraux, des huit députés, trois en sont à leur première expérience dans le Salon vert : Robert Lévesque, Paul Earl et Dave Rochon. Henri Groulx et Charles-Aimé Kirkland sont les doyens, en fonction depuis 1939, suivis par le chef intérimaire George Marler, qui siège depuis 1942, et enfin par Lionel-Alfred Ross et Arthur Dupré, qui en sont à leur deuxième mandat. Les autres ténors libéraux, tels que Georges-Étienne Dansereau (Argenteuil), Honoré Mercier fils (Châteauguay), Joseph-Célestin Nadon (Gatineau) ou encore Dorwina-Évariste Joyal (Chambly), ont tous été battus aux élections générales.

Du côté de l’Union nationale, peu de changement à noter au sein du Conseil exécutif. Le Cabinet comprend toujours 20 ministres. Les titulaires de ministère demeurent les mêmes, si ce n’est de Charles Daniel French, qui se voit attribuer les Mines et succède à Jonathan Robinson. French restera à la barre de ce ministère jusqu’à son décès en 1954. Du reste, Onésime Gagnon conserve la trésorerie; John Bourque, les Terres et Forêts; Henri-Albiny Paquette, la Santé; Bona Dussault, les Affaires municipales; Damase Bégin, la Colonisation; Laurent Barré, l’Agriculture; Antonio Talbot, la Voirie; Antonio Barrette, le Travail; Camille Pouliot, la Chasse et les Pêcheries; Roméo Lorrain, les Travaux publics; Paul Sauvé, le Bien-être social et la Jeunesse; Paul Beaulieu, l’Industrie et le Commerce; et Omer Côté, le secrétariat de la province. Antonio Élie, Tancrède Labbé, Marc Trudel, Patrice Tardif et Hormisdas Delisle demeurent ministres d’État. S’ajoute à ce nombre Antoine Rivard, assermenté ministre d’État, le 15 décembre 1948.

Lors de la première séance, le député unioniste de Hull, Alexandre Taché, est réélu au poste d’Orateur et le député unioniste de Montcalm, Maurice Tellier, au poste d’Orateur suppléant, tous deux pour une cinquième année consécutive. Duplessis et Gagnon obligent Taché, de façon théâtrale, à se diriger vers le fauteuil présidentiel. La Gazette du 20 janvier rapporte : « M. Taché n’a pas beaucoup résisté à l’honneur qu’on lui faisait. En résistant quelque peu, il n’a fait que respecter une tradition qui remonte aux temps du règne des rois tyranniques, lorsque le poste d’Orateur s’avérait périlleux11. »

À la Chambre haute, l’unioniste Théophile Larochelle est nommé conseiller législatif de la division de LaSalle. La répartition des sièges demeure la même : sept conseillers sont d’allégeance unioniste contre 17 d’allégeance libérale.

 

L’Union nationale

Duplessis, qui d’ordinaire est d’un naturel complaisant au moment de la rentrée parlementaire, surtout à la suite d’une élection gagnée, adopte une attitude plus rangée. Il manifeste son désir de travailler en collaboration avec l’opposition, malgré la faible députation libérale :

C’est l’intention du gouvernement de faciliter le travail de l’opposition, mais il y aura moyen d’abréger les sessions en évitant les répétitions dans les discours, et de faire en même temps un excellent travail. […]

Nous n’avons pas peur de la critique, nous la sollicitons même, en autant qu’elle soit constructive. De plus, le gouvernement sera heureux d’accueillir toutes les suggestions qu’on voudra bien lui faire. Nous offrons notre entière collaboration à tous les membres de cette Chambre, car nous désirons procéder en considérant les intérêts supérieurs de la province et du peuple, afin que cette session nous apporte la meilleure législation possible. (19 janvier)

Le respect qu’il voue au chef intérimaire de l’opposition, George Marler, y est peut-être pour quelque chose. Car, si Duplessis pouvait se montrer impitoyable, il savait reconnaître la compétence et la qualité de certains adversaires. Marler est de ceux-là. Contrairement à ce que le député René Chaloult affirme dans ses mémoires, Duplessis ne s’acharne pas sur lui cette session. Chaloult écrit que « Duplessis lui porta[it] parfois des coups personnels assez durs. Il croyait pouvoir se les permettre à cause de sa victoire éclatante de 1948, à cause aussi de la rancune qu’il gardait aux Québécois de langue anglaise qui avaient voté de façon massive contre son gouvernement12 ». Si rancune il a, le premier ministre ne le manifeste certes pas sur le parquet de l’Assemblée législative.

Sans jamais fléchir ni riposter, Marler doit composer, à l’occasion, avec les taquineries du premier ministre. Par exemple, comme c’est un des privilèges du premier ministre que de former le diagramme, c’est-à-dire l’attribution de chacun des sièges en Chambre, Duplessis s’arrange pour placer Marler aux côtés de René Chaloult, député indépendant du comté de Québec. « Rien ne l’amusait autant que des situations cocasses comme celle-ci : le député le plus impérialiste et le plus capitaliste de l’Assemblée auprès du député le plus nationaliste et le plus anticapitaliste13. »

 

Le Parti libéral : une opposition « ratatinée14 »

Pour le Parti libéral, le résultat des élections est un dur coup. Pour suppléer à l’absence de leur chef Adélard Godbout en Chambre, les députés se réunissent en caucus et désignent George Carlyle Marler comme chef intérimaire, le 4 novembre 1948. Marler est député libéral dans Westmount-Saint-Georges depuis 1942. Notaire de formation, issu également d’une famille de notaires, il est d’origine anglophone mais parfaitement bilingue. Il s’exprime très bien en français lorsqu’il prend la parole devant l’Assemblée. L’historien Robert Rumilly écrit de lui qu’il est « très renseigné, très habile dans la discussion, et bien servi par sa connaissance de la procédure. Svelte et digne, il aborde de préférence, d’une voix monotone, la main droite dans la poche de son pantalon, les questions économiques où il excelle15 ». Georges-Émile Lapalme, qui le remplacera à la tête du Parti libéral en 1950, « admirai[t] chez lui sa parfaite connaissance du français et son souci de la chose bien faite ou bien étudiée [et] n’oubliai[t] surtout pas l’homme qui avait continué à faire respirer un parti moribond16 ».

Marler est très méthodique et sérieux dans son approche parlementaire. Il remplit son rôle de chef de l’opposition avec persévérance, suggérant des mesures constructives plutôt que de simplement blâmer le gouvernement. Lorsqu’il critique un projet de loi, il pose des questions précises et ne se laisse jamais entraîner dans quelques tergiversations oratoires. Tant et si bien qu’il répétera sa question, trois ou quatre fois même, si un ministre ne lui répond pas directement. Règle générale cependant, Marler n’est pas très bavard et ne semble pas aimer débattre sur des questions de principe. Il se veut discret, mais efficace. Dans ses mémoires, le député René Chaloult écrit de lui :

George Marler n’intervient pas dans un débat pour ne rien dire. Il ne recherche ni la publicité ni la popularité. C’est un homme sérieux et de valeur. Il ne possède aucun sens de l’humour. Il prépare ses discours avec soin : il les bâtit avec des faits, des chiffres et des raisonnements; il vous laisse tirer les conclusions. Il procède par voie d’analyse plutôt que par synthèse. Jamais il ne s’efforce d’émouvoir, ce dont il serait incapable, mais tente plutôt de convaincre. S’il n’y parvient pas, il hausse les épaules et y renonce. Ne cherchez pas chez lui des vestiges latins ou méditerranéens, vous n’en trouverez aucun. C’est un parlementaire typiquement britannique17.

 

Les autres membres de l’opposition prennent rarement la parole au cours de la session. Arthur Dupré, député de Verchères, et Lionel-Alfred Ross, député de Montréal-Verdun, sont les deux autres libéraux qui se manifestent le plus. Mais le moral est au plus bas. L’ancien premier ministre libéral Louis-Alexandre Taschereau, dans le confort de sa retraite, assiste à la débandade du parti qu’il a dirigé pendant plus de 15 ans; il ira jusqu’à écrire à Duplessis pour lui recommander de veiller aux bons soins de « notre petite phalange de libéraux », en janvier 194918.

 

Le discours du trône

Le 19 janvier 1949, le lieutenant-gouverneur Eugène Fiset19 prononce le discours inaugural de la session, qui fait état du programme législatif du gouvernement. Au nom de la population de la province, il félicite d’abord la princesse d’Angleterre Elizabeth20 et son mari, le duc d’Édimbourg, pour la naissance du prince Charles, né le 14 novembre 1948. Il adresse également quelques vœux pieux à l’endroit de la communauté mondiale, qui se remet peu à peu du désastre de la Seconde Guerre, ne manquant pas de citer, au passage, le Québec en exemple :

Trois ans après la fin des hostilités mondiales, les traités de paix ne sont pas encore conclus. Demandons au bon Dieu de donner, au monde, la paix définitive dans la justice et la charité. Notre province, remarquablement prospère, fournit à l’univers le spectacle tonifiant de la stabilité et du respect de l’ordre et de l’autorité.

 

Il poursuit, disant que la volonté du gouvernement est d’assurer la stabilité, la sécurité et la prospérité de la province. Pour ce faire, il entend privilégier l’entreprise privée, qu’il considère comme un « système progressif et démocratique, qui convient le mieux aux traditions et aux besoins de [la] province ». Il souhaite, en revanche, faire échec au « paternalisme d’État [qui] est un grave danger pour le régime démocratique et une source de désastres irréparables ».

Le lieutenant-gouverneur rappelle, comme à l’habitude, l’importance des programmes de crédit agricole et d’électrification rurale, et précise que le gouvernement entend faire voter des sommes additionnelles afin de poursuivre ces initiatives. Il indique vouloir accorder une place de choix à la décentralisation et à la diversification des industries agricoles. Dans le but de favoriser également une « politique de colonisation à la fois réaliste et progressive », il annonce un programme de récupération des terrains marécageux, par le drainage.

Le thème des relations de travail préoccupe aussi le gouvernement. Le lieutenant-gouverneur réitère qu’il entend prioriser la coopération et la bonne entente entre employés et employeurs. « Il est d’opinion que la véritable coopération est une formule de salut […]. La coopération produira tous les fruits désirables si, de part et d’autre, l’on reconnaît qu’aux droits correspondent des devoirs inéluctables. » C’est un secret de polichinelle : le gouvernement entend proposer un projet de Code du travail au cours de la session.

Outre les regards aux domaines de la santé, de l’instruction publique et de la voirie, le gouvernement souligne l’importance qu’il accorde à l’exploitation des richesses naturelles. Le développement du territoire compris entre le Saguenay et le Nouveau-Québec fait l’objet d’une attention particulière, alors que de nouvelles routes rejoignent maintenant Chibougamau, Senneterre et Mont-Laurier.

Le lieutenant-gouverneur Fiset termine son discours sur la question de l’autonomie provinciale, thème de prédilection de la dernière campagne électorale provinciale. L’attitude du gouvernement est une attitude d’ouverture et de coopération face à Ottawa :

Il est juste et indispensable que la province de Québec puisse exercer, dans leur plénitude, les droits, prérogatives et libertés qui lui appartiennent, qui lui sont, par surcroît, formellement reconnus par la Constitution canadienne et dont dépend son avenir. Mon gouvernement estime que la stabilité et la sécurité sociales, municipales, provinciales et nationales dépendent en bonne partie de la stabilité et de la sécurité constitutionnelles. Mon gouvernement est toujours heureux de coopérer, dans le respect des droits de chacun, à la grandeur du Canada.

 

Il précise que cette question de l’autonomie provinciale fera l’objet d’un projet législatif.

L’adresse en réponse au discours du trône est proposée par le député unioniste d’Arthabaska, Wilfrid Labbé, puis secondée par son collègue le député d’Argenteuil, William McOvat Cottingham, le 20 janvier. George Marler entame ensuite le débat sur l’adresse du côté de l’opposition. Il s’empresse de féliciter Alexandre Taché pour sa réélection au poste d’Orateur et précise souhaiter que ce dernier agisse avec impartialité, en regard à la nouvelle composition de la Chambre qui place les libéraux fortement minoritaires : « Aujourd’hui, l’Orateur a l’indépendance la plus complète. L’opposition compte non pas sur sa sympathie, mais sur l’esprit de justice de l'Orateur. »

Pour Marler, cette faible députation libérale est l’occasion, pour les siens, de montrer une attitude juste et objective face au programme législatif du gouvernement. La coopération est de mise, mais le chef des libéraux entend faire respecter le rôle de l’opposition en Chambre :

La gauche entend faire la lumière sur les actes importants de l’administration et formuler des critiques justes et saines, lorsqu’il sera de l’intérêt public de le faire. Les projets de loi et les actes du gouvernement seront examinés dans un esprit objectif, et nous les jugerons à leur mérite. Quand il le faudra, nous en signalerons les points faibles et les dangers et nous dirons, sans faiblesse, mais sans inutile provocation, les objections que nous y voyons. Nous avons le droit de ne pas être contrecarrés dans cette fonction.

 

Il lance même un appel aux journaux et courriéristes parlementaires leur demandant de l’appuyer dans sa tâche « pour le plus grand bien de la province et de faire publicité aux projets de loi les plus importants ». Avec des effectifs aussi réduits, l’heure est à la bonne entente!

Le chef intérimaire des libéraux reproche à l’Union nationale son programme de gestion fiscal, qui place le Québec au deuxième rang des provinces canadiennes, derrière l’Ontario. Il souhaite que le gouvernement instaure « le meilleur système de taxation de toutes les provinces canadiennes, au lieu de se contenter d’un système inférieur ». Marler prétend que ce programme nuit à l’établissement des entreprises au Québec. Il déplore l’augmentation des taxes.

Au sujet de l’exploitation des richesses naturelles et du développement du Nouveau-Québec, il constate la nécessité de concevoir et d’appliquer une politique d’ensemble. Il recommande notamment que les différents minerais soient raffinés dans la province, « afin que nous ne gardions pas seulement les miettes des richesses qui seront puisées dans notre sous-sol ». Il incombe au gouvernement, selon lui, de prendre des mesures pour encourager l’établissement d’industries de transformation au Québec, et ce, pour l’ensemble des richesses naturelles. « Nous faisons peut-être trop appel au capital étranger pour l’exploitation de nos richesses naturelles », dit-il. Sur la question de la transformation du fer de l’Ungava, il promet la coopération de l’opposition.

En ce qui a trait au domaine de l’éducation, il reconnaît l’importance de construire des nouvelles écoles et d’accorder aux institutrices et instituteurs des augmentations de salaire pour les encourager à demeurer en service. Selon Marler, le gouvernement a fait des efforts pour améliorer la situation, mais la prise en charge de la dette des commissions scolaires, en 1946, « n’a pas apporté une solution complète au problème budgétaire des écoles ».

Dans le domaine de l’agriculture, il préconise la production de nouvelles cultures et la production de nouvelles variétés. Il invite le gouvernement à favoriser davantage la recherche agricole.

Marler critique le gouvernement sur ses « pratiques dictatoriales », notamment en matière électorale. Dans ce qu’il considère comme un affront à la démocratie, il condamne l’attitude de l’Union nationale aux dernières élections :

Dans toutes les élections complémentaires depuis 1944, on a fait comprendre clairement aux électeurs que, s’ils voulaient obtenir des travaux publics dans leur comté, ils devaient voter pour le candidat de l’Union nationale. C’est peut-être là de la bonne politique partisane, mais ce n’est pas de la démocratie. Les méthodes électorales de l’Union nationale enlèvent à un verdict populaire sa véritable signification. […]

On créa même l’impression que le vote n’était plus secret et qu’on avait le moyen de savoir pour qui les électeurs voteraient. Finalement, on avait créé un système en vertu duquel on eut peur de voter contre le gouvernement. Avec de telles méthodes, une élection perd sa véritable signification, puisqu’elle enlève le seul moyen adéquat qu’ont les électeurs d’exprimer librement leur opinion. (25 janvier)

 

Le chef intérimaire de l’opposition termine son discours sur une note plus positive. Il entend travailler en coopération avec le gouvernement dans le but ultime de veiller à l’intérêt de la population :

C’est pour servir l’intérêt général, pour travailler au bien commun que nous avons été élus. Toutes les mesures qui seront proposées dans cet esprit, par le gouvernement, et dont nous penserons, après réflexion et discussion, qu’elles sont vraiment dans ce sens, recevront notre appui. C’est de cette façon que nous nous proposons de collaborer avec le gouvernement. En somme, cette collaboration sera exactement proportionnée à la mesure d’intérêt général que le gouvernement saura mettre dans sa politique et son administration. Nos responsabilités sont d’autant plus lourdes que nous sommes très peu nombreux à les porter. Mais le nombre n’est pas la raison et la force n’est pas un argument. Un seul motif guidera l’opposition libérale: l’intérêt public.

 

Le député indépendant du comté de Québec, René Chaloult, prend aussi la parole au cours de ce débat inaugural. Se déclarant ouvertement favorable à l’Union nationale, il clame tout de même son indépendance : « Je comprends qu’un tel rôle n’est pas facile. L’objectivité absolue ne s’atteint pas aisément. Elle est bien rare. Il suffit de faire son possible pour juger des questions à leur mérite. J’agirai au meilleur de ma connaissance » (26 janvier). Il offre également une belle pensée au Parti libéral, souhaitant qu’il « redevienne un parti puissant et qu’il se rappelle qu’il doit contribuer à la protection des droits des Canadiens français au Canada ». Au reste, Chaloult dit se méfier de la nomination de Louis Saint-Laurent à la tête du Parti libéral fédéral :

La nouvelle a causé une grande joie chez les libéraux. Pour eux, c’est l’oubli de toutes nos humiliations passées, de tous nos griefs. C’est la gloire suprême. Voyez-vous cela! Un Canadien français catholique qui arrive premier ministre du Canada. J’ai la prétention d’être plus réaliste que cela et de ne pas m’emballer et me laisser aveugler pour des titres et autres choses aussi passagères. Et je dois dire à cette Chambre que j’aurai un pénible devoir à remplir, le devoir ingrat de dénoncer la présence de M. Saint-Laurent comme premier ministre du pays.

 

Fervent nationaliste, Chaloult soutient que l’histoire a démontré, depuis longtemps, que les premiers ministres canadiens-français et catholiques ont toujours senti le besoin de se faire pardonner leur origine : « À tel point que, de l’avis même de Rumilly, la présence d’un Canadien français à la tête du pays semble avantageuse à la politique britannique. C’est la façon la plus commode de faire avaler aux Canadiens français des pilules que nous n’avalerions pas autrement. »

L’adresse en réponse au discours du trône s’étend sur trois séances et est adoptée à l’unanimité le 26 janvier.

 

Les finances publiques

Le 24 février 1949, Onésime Gagnon présente son cinquième budget à titre de trésorier du gouvernement de l’Union nationale. D’entrée de jeu, il souligne le centenaire de la session de 1849, session au cours de laquelle le gouverneur, Lord Elgin, a lu pour la première fois le discours du trône en français. Avec le lyrisme et l’habileté oratoire qu’on lui reconnaît, il parvient à tisser un lien entre cette session centenaire et la victoire unioniste aux dernières élections :

Et voilà que cette année, la Législature a été convoquée dans la semaine même, où, il y a cent ans, se déroulait l’événement heureux que toute la population a voulu célébrer avec une touchante unanimité. La première session de la présente législature s’est ouverte le 19 janvier, dans une même atmosphère de fierté et de bonheur qui réjouissait nos pères, les valeureux parlementaires de la session de 1849. Nous eûmes l’impression de vivre comme eux, il y a cent ans, l’une des heures décisives de notre histoire. L’éclatante victoire de l’Union nationale, du 28 juillet dernier, n’était-elle pas le couronnement final de plusieurs années de luttes ardentes pour la reconnaissance du principe de l’autonomie provinciale?

 

Dans L’Action catholique du 25 février, un journaliste commente la verve du trésorier : « Le trésorier a des lettres. Il accomplit chaque année le tour de force d’enlever aux chiffres qu’il fait danser leur avidité coutumière21. » Mais sinon, c’est sur la question de l’autonomie provinciale que Gagnon axe l’ensemble de son discours.

Pour l’année budgétaire 1947-1948, consignée dans les Comptes publics déposés en Chambre le 27 janvier, Gagnon présente des revenus de 167 792 991,64 $ et des dépenses ordinaires de 123 425 104,03 $. En considérant les dépenses imputables au capital (40 927 887,61 $), il déclare un surplus global de 3 440 757,95 $.

L’état provisoire des revenus et des dépenses pour l’année budgétaire se terminant le 31 mars 1949 dévoile des revenus de près de 194 940 000 $ et des dépenses ordinaires de 153 170 000 $ (en comptant le service de la dette publique de 16 880 000 $). Gagnon annonce un surplus estimé, au compte ordinaire, à 40 770 000 $. (En additionnant cependant les dépenses imputables au capital (66 450 000 $), l’état provisoire indique plutôt un déficit de l’ordre de 25 680 000 $.)

Enfin, pour l’exercice financier de 1949-1950, le trésorier prévoit des revenus de 176 650 000 $ et des dépenses globales (ordinaires et d’immobilisation) de 159 548 860 $. En comptant le service de la dette publique (16 949 000 $), Gagnon anticipe un léger surplus global de 152 140 $.

Les secteurs de dépenses les plus importants pour l’année fiscale 1949-1950 demeurent les mêmes que ceux pour l’année précédente. La Voirie accapare toujours la plus grande part du budget, avec 23 % de l’assiette fiscale, suivie par la Santé avec 16 % et le Bien-être social et la Jeunesse avec 12 %. Les parts d’attribution à ces secteurs demeurent sensiblement les mêmes, si ce n’est la diminution de 8 % des dépenses à la Voirie, qui occupait précédemment 31 % du budget. Car l’Union nationale avait généralement l’habitude de hausser les dépenses à la Voirie l’année précédant les élections. Outre les quelques petites variations dans l’ensemble des ministères, on remarque une baisse importante des dépenses dans les départements de la Colonisation, des Ressources hydrauliques et du Secrétariat de la province.

La réplique au discours du budget est effectuée par le chef intérimaire de l’opposition, George Marler, le 1er mars. Il condamne « l’orgie de dépenses » du gouvernement et réclame le retour à une saine pratique budgétaire. En comptabilisant le fonds d’éducation de 12 000 000 $, que le gouvernement a additionné dans ses revenus, le chef libéral prétend que la dette provinciale ne s’élèverait pas à 25 680 000 $, comme le trésorier l’a affirmé, mais plutôt à 37 680 000 $. Selon lui, cette mauvaise gestion des deniers publics tient au fait que le gouvernement voulait « conserver le pouvoir à n’importe quel prix ». Il réclame ainsi une réforme des pratiques financières.

 

Les faits marquants de la session

En dépit de l’agitation que colporte le contexte mondial et national, le climat de la Chambre est au beau fixe. Peu de débats meublent les 33 séances de cette session. Le journaliste du Devoir André Laurendeau y va de ce commentaire : « Chacun sait que l’opposition parlementaire est inexistante; les meilleurs joueurs libéraux furent battus en août dernier : donc pas de conflits dramatiques en perspective, pas de séances tumultueuses – chacun se dit que l’Union nationale pourra faire à peu près ce qu’elle voudra22. »

La mince opposition libérale doit conjuguer aussi avec l’étude de nombreux projets de loi. Dès la première séance, le gouvernement submerge les libéraux en leur distribuant les 33 premiers bills de leur programme législatif. Duplessis s’enorgueillit de cette « initiative sans précédent ». Thuriféraire du gouvernement, le Montréal-Matin précise que cet événement « dépasse en importance tout ce qu’on a vu ici, en pareille circonstance23 ». 

C’est surtout une stratégie du chef de l’Union nationale que de soumettre un tel nombre de projets de loi, tôt en début de session. Comme les travaux suivent leur cours et comme l’opposition n’a pas toujours le temps d’étudier chacun des projets de loi en profondeur – surtout avec des effectifs aussi réduits – , Duplessis parvient à faire passer plusieurs mesures sans grands débats. Au mieux, les libéraux s’affairent plutôt à exiger des détails sur ces différentes lois ou encore sur les crédits impartis.

Un total de 151 projets de loi sont présentés à l’Assemblée législative au cours de la session. De ce nombre, 141 sont sanctionnés par le lieutenant-gouverneur Fiset.

 

Code du travail et grève d’Asbestos

Le monde ouvrier est contre le projet de Code du travail (bill 5), annoncé par le gouvernement de Duplessis. Lourdement contesté par les syndicats internationaux et catholiques ainsi que par les évêques, ce projet est en préparation depuis deux années déjà, sous l’égide du Conseil supérieur du travail. L’ayant retiré du Feuilleton à la dernière minute, en 1948, en raison de la grogne populaire, l’Union nationale avait cru bon de réviser certains points.

Dans le discours du trône, on sent une certaine ambivalence lorsque le gouvernement précise ses intentions d’accueillir « avec plaisir toutes les bonnes suggestions, de caractère constructif, qu’on pourra lui faire, car il veut que la province soit dotée du meilleur code du travail, respectueux des droits de chacun et sauvegardant les droits du public, c’est-à-dire le bien commun ».

Or, en raison de son caractère toujours aussi explosif, l’Union nationale décide de faire marche arrière. Le 9 février, le ministre Barrette propose que le bill soit retiré et explique cette volte-face :

Si nous retirons le projet, ce n’est pas par manque de courage ou par crainte de l’opposition, mais parce que, bien qu’ayant le pouvoir de procéder ultérieurement avec les amendements que la Législature aurait jugés appropriés et justes, nous voulons donner une preuve additionnelle de notre bonne volonté et de notre désir de doter la province de la législation la meilleure et la mieux mûrie.

 

L’Action catholique du 10 février déclare que ce retrait constitue « un des gros événements de la présente session24 ». Le Montréal-Matin ajoute que tous les députés ont écouté la « déclaration pondérée et très au point » du ministre Barrette dans un « silence religieux25 ».

Les ouvriers n’en sont pas moins déterminés à améliorer leurs conditions de travail, et c’est dans ce climat d’exaspération que les mineurs de la Canadian Johns-Manville d’Asbestos déclenchent la grève, le 13 février 1949, « sans passer par l’arbitrage que leur prescrit la loi », précise l’historien Jacques Rouillard26. Les mineurs de Thetford Mines les rejoignent dans cette « grève de l’amiante » qui touche alors près de 5 000 ouvriers, affiliés à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada. Ce conflit, qui durera plus de quatre mois, représente un tournant dans l’histoire syndicale québécoise; elle est la plus importante grève à survenir au Québec à l’époque.

Les employés exigent d’abord de leurs employeurs – trois entreprises américaines – l’élimination de la poussière d’amiante dans les usines, mais aussi des augmentations de salaire, la création d’un fonds de sécurité sociale et le tarif horaire double pour les heures travaillées le dimanche et les jours fériés.

Le premier ministre Duplessis ne tarde pas à déclarer la « grève de l’amiante » illégale, ce qui permet à la partie patronale d’engager des briseurs de grève. Parallèlement, lors de l’étude détaillée des crédits, le ministre du Travail Antonio Barrette se permet se défendre son gouvernement contre les propos d’un Américain nommé Burton Ledoux, qui fait paraître dans la revue Relations un article dans lequel il accuse le gouvernement et les industries minières d’être à la source des problèmes de la silicose et de l’amiantose. Barrette s’insurge. Il rappelle l’engagement pris par son gouvernement, depuis 1946, à régler le problème de l’amiantose :

En 1946, une grande campagne a été lancée par mon département pour régler une fois pour toutes ce problème. Les intéressés eux-mêmes nous ont demandé de commencer notre travail à la Canadian Johns-Manville. Comme la Johns-Manville est la compagnie qui emploie le plus d'ouvriers, on a décidé de commencer par celle-là. En 1948, les spécialistes du ministère du Travail ont fait à cet endroit 436 comptages de poussière, ce qui représente 218 jours complets de travail des inspecteurs et des autres fonctionnaires des ministères de la Santé et du Travail. On a mesuré et analysé les pieds cubes de poussière. On a mis à contribution tous les procédés de la science moderne. (16 février)

 

L’article de Burton Ledoux est un exemple parmi plusieurs qui illustrent l’ampleur de la crise. De partout au Québec, un vaste mouvement populaire d’appui aux mineurs prend forme. L’évêque de Montréal, Joseph Charbonneau, se joint également aux voix des contestataires. Dans Le Devoir, on peut lire que Mgr Charbonneau lance « un vibrant appel en faveur des familles éprouvées par la grève », convaincu qu’il est du devoir de l’Église d’appuyer la classe ouvrière27.

La situation s’envenime. Au matin du 6 mai, la police provinciale est dépêchée dans la ville d’Asbestos et se livre à une répression brutale. La matraque entre en action, titre Le Devoir. D’autres articles favorables à la cause des grévistes sont rédigés par Gérard Filion, André Laurendeau et Paul Sauriol. Des textes résolument engagés socialement, tels que Grève illégale, silicose illégale (29 mars 1949), Grève illégale, grève juste (26 avril 1949) ou encore A-t-on perdu la tête à Québec ? (15 mai 1949), rapportent les injustices auxquelles font face les mineurs et dénoncent à la fois le manque de sensibilité du gouvernement unioniste et des patrons concernés.

C’est la médiation de l’archevêque de Québec, Maurice Roy, qui mettra fin au conflit, le 1er juillet 194928. La compagnie reconnaîtra le syndicat et accordera une augmentation de 10 cents l’heure à ses employés. La grève de l’amiante demeure un événement majeur dans l’histoire québécoise, car elle fit « prendre conscience aux Québécois de l’acuité des problèmes ouvriers29 ». Elle est souvent décrite comme un des moments fondateurs de la future Révolution tranquille.

 

Le pouvoir judiciaire et l’autonomie provinciale

Quatre projets de loi concernant les cours de juridiction provinciale sont présentés par le premier ministre Duplessis au cours de la session. Pour l’historien Robert Rumilly, « Duplessis ne perd pas une occasion d’accroître le prestige et la juridiction des cours provinciales […], car cela contribue à renforcer l’autonomie30 ». C’est aussi, et surtout, une nouvelle affirmation des droits de la province en matière judiciaire.

Le bill 14 d’abord, concernant les juges de sessions, les magistrats de district et les juges des Cours de jeunes délinquants, est présenté en Chambre, le 30 janvier. Il prévoit une augmentation des traitements accordés aux différents juges des cours provinciales. Tous les députés s’accordent pour vanter la pertinence de cette loi, unionistes, libéraux et indépendants. Le bill est adopté à l’unanimité le 1er février, puis sanctionné le 17 février.

Un second projet de loi concerne le pouvoir de juridiction des cours : le bill 21 instituant la Cour de révision en matière provinciale. La mesure a pour objet la création d’un nouveau tribunal faisant office de cour d’appel. Tel que l’explique le député libéral Lionel Ross : « la Cour de révision que l’on veut créer par ce projet aura juridiction comme tribunal d’appel dans les poursuites pénales intentées pour infractions à des lois provinciales, quand le contrevenant est passible d’une amende de $ 200 ou plus, ou d’emprisonnement sans option d’amende. » (1er février) Cette cour correspond au banc du roi, sur la scène fédérale31.

Duplessis se targue de l’importance de cette nouvelle loi :

Il est temps de proclamer que les temps sont révolus où la Législature de Québec était à la remorque du gouvernement d’Ottawa ou d’un parti fédéral quel qu’il soit. Nous avons le droit et le devoir de nous affirmer et cette loi répond à un de nos besoins essentiels. […]

La Législature de Québec, dans son domaine, est aussi importante que peut l’être le Parlement fédéral dans le sien. Ce sont les provinces qui ont créé le gouvernement fédéral. La Confédération est l’enfant des provinces et celles-ci n’ont aucune faveur à lui demander.

Nous ne voulons pas nous asservir. Il n’y a pas de place chez nous pour un asservissement et nous ne nous laissons pas conduire par la psychose de la subordination politique. (1er février)

 

Unanimement encore, les députés de la Chambre appuient ce projet de loi. Ross exprime seulement quelques réserves quant à la « lourde dépense additionnelle » qu’implique cette mesure. Il s’interroge aussi sur la constitutionnalité de la loi : « Si la juridiction de la nouvelle cour est attaquée devant les tribunaux comme étant inconstitutionnelle, qu’arrivera-t-il? À mon point de vue personnel à titre d’avocat, le projet de cour ne viole pas le pacte fédératif, mais il n’en respecte pas l’esprit. » Le bill 21 est adopté le 1er février.

Le bill 37 concernant certains recours judiciaires en matière municipale et scolaire, présenté le 1er février, a pour objectif notamment de transférer des pouvoirs de la Cour de circuit – qui, selon le député libéral Ross, « est inexistante maintenant » (8 février) – à la Cour de magistrat. Le bill prévoit aussi le transfert de la juridiction en matière de décompte judiciaire sous la loi des cités et des villes. Pour Duplessis, cette mesure complète « la réorganisation de notre système judiciaire, qui comprend la création d’une Cour provinciale de révision » (8 février).

Les libéraux s’opposent cependant au transfert des appels des décisions rendues en matière 1. de contestation d’élections, 2. de cassation ou de révision des règlements, rôles et résolutions, et 3. d’évaluation municipale, de la Cour du banc du roi à la Cour de révision provinciale. Le député Ross croit, encore une fois, que ce bill va à l’encontre de l’esprit du pacte confédératif. Les libéraux votent contre le projet de loi, mais il est tout de même adopté le 8 février.

Enfin, le bill 59 concernant la juridiction des juges de sessions en matière criminelle est présenté en Chambre le 23 février. Cette loi modifie l’article 222 de la loi des tribunaux judiciaires32 en y ajoutant un alinéa qui stipule que les juges de sessions « peuvent [désormais] exercer leur juridiction en matière pénale relevant de l’autorité du Parlement du Canada ou de la Législature de cette province, ainsi qu’en matière criminelle, dans toute l’étendue de la province…33 ». Elle est adoptée à l’unanimité, et sans débat, le 24 février.

 

Les relations provinciales-fédérales

Le premier ministre Duplessis présente le bill 9 modifiant la loi concernant les relations provinciales-fédérales, adoptée en 1947. Ce projet de loi prévoit une prolongation jusqu’au 31 mai 1951, du temps accordé au gouvernement provincial pour conclure avec le pouvoir fédéral toute entente qu’il juge appropriée, efficace et juste pour clarifier et délimiter les champs respectifs de taxation et simplifier les méthodes de perception des impôts, selon les droits constitutionnels.

Une première prolongation avait été votée par la Chambre en 1948. Le chef intérimaire des libéraux, George Marler, commente :

La loi de 1947 fixait un premier délai; en 1948, on nous a demandé d’étendre ce délai, et cette année, on nous demande de le porter à 1951. […]

Nous sommes d'accord avec le gouvernement pour dire que l’intérêt de la province et le salut de la nation canadienne ne se trouveront que dans le respect intégral de la Constitution. Si la Constitution n’est pas un pacte, nous devons la considérer comme telle. Si le gouvernement conclut une entente avec Ottawa, nous l’examinerons et nous la jugerons au mérite. Nous l'approuverons ou nous la désapprouverons selon qu'elle sera ou non dans l'intérêt de la province.

Dans les circonstances, l'opposition n'a pas d'objections à accorder le délai que le gouvernement demande pour entrer en pourparlers avec Ottawa et conclure une entente. (10 février)

 

Marler rappelle toutefois que selon la clause 3 de la loi de 1947, toute entente entre le Québec et Ottawa doit être d’abord soumise à l’Assemblée législative de Québec avant de devenir définitive. L’opposition vote en faveur du bill 9.

 

La margarine

Le débat sur la margarine et la protection de l’industrie laitière est l’un des plus vieux débats parlementaires depuis la Confédération. En 1885, le gouvernement fédéral libéral-conservateur de John A. Macdonald adoptait une loi interdisant la fabrication et la vente des succédanés du beurre. Avec les conséquences de la Première Guerre mondiale, soit de 1917 à 1923, en raison de la pénurie de beurre, Ottawa levait temporairement son interdit. Puis, en décembre 1948, la Cour suprême du Canada invalidait la loi de 1885, car, selon la Constitution, « ce sont les provinces qui sont maîtresses de la fabrication et du commerce de tout produit dans leurs limites34 ». À partir de ce moment, la question du beurre et de la margarine fut transférée aux provinces.

Face aux pressions de la Fédération canadienne de l’agriculture et de l’Union des cultivateurs catholiques (UCC), le ministre de l’Agriculture Laurent Barré présente, le 23 février, le bill 66 protégeant l’industrie laitière dans la province. La mesure proposée vise l’interdiction de la fabrication des succédanés du beurre au Québec et permet au gouvernement d’imposer une amende aux contrevenants pouvant aller jusqu’à 100 $.

Le débat sur la fabrication, la vente et la couleur de la margarine s’étirera sur plusieurs années, jusqu’en 2008.

 

De choses et d’autres…

Le 23 février, le député indépendant René Chaloult présente une motion réclamant une ambassade canadienne au Vatican35. En tant que pays catholique et chrétien, « dans une proportion de 43 % », Chaloult estime qu’il est impératif d’avoir un représentant au Saint-Siège, « pour prouver notre attachement profond au Saint-Père et pour extérioriser notre attitude traditionnelle d’affection et notre obéissance à son endroit ». Libéraux et unionistes s’entendent pour reconnaître l’importance de la motion. Le chef intérimaire du Parti libéral, George Marler, « déclare qu’il est heureux de pouvoir appuyer une telle motion ». Le premier ministre Duplessis considère aussi qu’il « n’y a pas de meilleur moyen de prouver notre sympathie au pape que d’envoyer un ambassadeur au Vatican ». La motion est alors recommandée au premier ministre du Canada, Louis Saint-Laurent.

Le 1er mars, Chaloult suggère la formation d’un mouvement fédéral québécois, d’abord québécois puis possiblement canadien, dont les objectifs seraient l’autonomie provinciale et le respect de la souveraineté du Québec. « Ce groupement provincial contracterait une alliance avec le parti fédéral le mieux disposé à respecter notre souveraineté. Ce serait une coalition, mais non une fusion. » Selon Chaloult, les circonstances actuelles sur la scène fédérale n’ont jamais été plus favorables à l’exécution d’un pareil projet, « alors que ni l’un ni l’autre des partis fédéraux ne saurait conquérir ou garder le pouvoir sans nous ».

Le ministre des Affaires municipales, Bona Dussault, présente, le 2 mars, le bill 71 modifiant la charte de la cité de Montréal. Ce projet de loi vise, notamment, à redonner certains pouvoirs au maire de Montréal, restreints par une loi passée en 1940. Ces pouvoirs sont les suivants : 1. il sera membre ex officio du comité exécutif et aura tous les pouvoirs et toutes les prérogatives attachés à cette fonction; 2. il aura le droit de convoquer des séances spéciales du conseil et de préparer l’ordre du jour des séances; et 3. il aura le droit de refuser de signer les procès-verbaux et les résolutions. « Il aura, en fait, le droit de veto », confirme le ministre Dussault.

Les libéraux de Marler, tout comme le député indépendant Chaloult, critiquent le peu de temps qui leur a été imparti pour l’étude de ce bill et soulignent qu’ils ne peuvent se prononcer en sa faveur. Le bill 71 est accepté sur division.

 

Faits divers, faits cocasses…

La politique municipale et l’analphabétisme

Le 9 février, le ministre des Affaires municipales, Bona Dussault, présente le bill 43 modifiant la loi des cités et des villes36. Ce bill prévoit le retranchement du paragraphe 11 de la loi qui décrète qu’une personne qui ne sait ni lire ni écrire couramment est inhabile à exercer une charge de maire ou d’échevin. Selon le ministre Dussault, un tel paragraphe est libelleux et injurieux pour la population québécoise :

L’honorable M. Dussault (Portneuf): N’ayant jamais rendu de services, pourquoi laisser subsister dans les Statuts un texte qui est un dénigrement de notre population? Veut-on laisser croire que notre population a tellement d’illettrés qu’il faut une loi pour les écarter des postes administratifs?

L’honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La province de Québec est capable de choisir de bons hommes et elle l’a prouvé en 1944 et en 1948. Pourquoi n’a-t-on pas mis aussi dans la loi que les députés devaient aussi savoir lire et écrire?

M. Marler (Westmount-Saint-Georges): Ils démontrent tous deux qu’ils sont en faveur de l’élection des illettrés dans les conseils municipaux. (15 février)

 

Leçon de géographie politique

À la dernière séance de la session, le 10 mars, Duplessis fait ses habituels remerciements aux députés de l’Union nationale, à l’opposition et aux députés indépendants pour leur travail. Il souligne la courtoisie et la diligence du chef intérimaire des libéraux et reconnaît l’attitude de coopération qui a animé l’opposition au cours de la présente session. Il présente également ses hommages au député indépendant René Chaloult, déclarant qu’il est « nécessaire qu’il y ait dans la Législature un député indépendant qui puisse refléter les vues de l’électorat indépendant de la province. La présence du député du comté de Québec est de nature à améliorer et à bonifier la législation ».

Chaloult félicite Marler pour sa sincérité et son assiduité et remercie Duplessis pour ses bons mots. Se tournant alors vers le premier ministre, il rappelle l’importance des prochaines élections fédérales qui auront lieu à l’été 1949 : « J’espère que nous nous retrouverons bientôt pour accomplir une œuvre urgente dans l’intérêt de la province ». Duplessis, toujours très vif, lui répond en riant :

Je ne sais pas exactement à quoi le député du comté de Québec fait allusion, ni où il veut en venir. Tout ce que je puis lui dire, c'est que je représente une ville qui donne l'exemple. S’il venait chez nous, il constaterait que Trois-Rivières est entre Montréal et Québec et que d'un côté, nous avons le Saint-Laurent et de l'autre le Saint-Maurice. Mais jamais le Saint-Laurent n'a eu l'audace de déborder dans le Saint-Maurice.

 

Critique des sources

Par Marc-André Robert

Les membres de la Tribune de la Presse à Québec en 1949

Le 19 janvier 1949, à l’ouverture de la 1re session de la 23e Législature à Québec, les 18 membres accrédités de la Tribune de la Presse se réunissent pour élire leur nouveau conseil d’administration37. Charles-Eugène Pelletier, de L’Action catholique et du Droit, qui occupait précédemment les fonctions de vice-président, accède au poste de président. Il succède à Abel Vineberg, de la Gazette. William Stewart, de la Presse canadienne, est élu vice-président, et Henri Dutil, du Soleil, est maintenu dans ses fonctions de secrétaire-trésorier pour un troisième terme.

Les autres membres connus de la « galerie » de presse sont : Guy Beaudry, du Montréal-Matin; Paul Bouchard, de La Nation; Edward Chassé, du Canada; Ewart E. Donovan et Jack Dunn, du Quebec Chronicle Telegraph; Calixte Dumas et Jacques Verrault, de L’Action catholique; Fernand Gagnon, du Nouvelliste; Amédée Gaudreault, de La Tribune; Marcel Inkel, de L’Événement-Journal; Arthur Langlois, de La Presse; Pierre Laporte et Marcel Thivierge, du Devoir; Dostaler O’Leary, de La Patrie, et Henri Saint-Pierre, du Montreal Daily Star.

Les chroniques parlementaires des quotidiens et hebdomadaires suivants ont également été consultés pour effectuer la reconstitution des débats pour la session 1949 : le Joliette-Journal, L’Avenir du Nord, L’Éclaireur, La Bonne Parole La Chronique de Magog, La Feuille d'Érable, La Frontière, La Gazette de Maniwaki-Gatineau, La Gazette de Valleyfield, La Gazette des Campagnes, La Gazette du Nord, La Nouvelle Revue, La Parole, La Rive-Sud, La Terre de Chez Nous, La Tribune de Lévis, La Victoire de Deux-Montagnes, La Voix de Gaspé, La Voix de l'Est, La Voix de Shawinigan, La Voix des Bois-Francs, La Voix des Mille-Isles, La Voix du Peuple, L'Action populaire, L'Autorité, L'Avant-poste gaspésien, L'Avenir du Cap (nom à préciser), Le Berthelais, Le Bien Public, Le Bulletin des Agriculteurs, Le Canada Français, Le Canadien de Thetford, Le Clairon de Saint-Hyacinthe, Le Courrier de Bellechasse, Le Courrier de Berthierville, Le Courrier de Laviolette, Le Courrier de Montmagny, Le Courrier de Papineau, Le Courrier de Saint-Hyacinthe, Le Dorchester, Le Front Ouvrier, Le Guide, Le Journal de Waterloo, Le Messager de Verdun, Le Monde Ouvrier, Le Nicolétain, Le Petit Journal, Le Peuple (Montmagny), Le Progrès de L'Islet, Le Progrès de Valleyfield, Le Progrès du Golfe, Le Progrès du Richelieu, Le Progrès du Saguenay, Le Régional, Le Réveil, Le Saint-Laurent, Le Salaberry, L'Écho de Frontenac, L'Écho de Lotbinière, L'Écho de Louiseville, L'Écho de Portneuf-Presse, L'Écho des Laurentides, L'Écho du Bas-St-Laurent, L'Écho du Saint-Maurice, L'Étoile de l'Est, L'Étoile du Lac, L'Étoile du Nord, L'Homme libre, L'Opinion de Hull, L'Union des Cantons-de-l'Est, Sherbrooke Daily Record, Sherbrooke Telegram, The Canadian Labor Press, The Drummondville Spokesman, The Herald, The Lakeshore News , The Rouyn-Noranda Press, The Shawinigan Standard, The St.Maurice Valley Chronicle, The Standard et finalement The Stanstead Journal.

 

Les comptes rendus des débats38

À quelques reprises, on remarque que le travail des membres de la Tribune de la Presse est, à certains égards, non exhaustif, surtout lorsqu’il s’agit de débats entourant l’étude détaillée des crédits. Bien souvent, les courriéristes se contentent de résumer les interventions des libéraux qui interrogent le gouvernement à cet égard.

Le 22 février, par exemple, lors de la discussion d’un crédit alloué pour le service civil intérieur en agriculture, plutôt que de transcrire intégralement l’intervention des libéraux, les courriéristes parlementaires notent que « M. Marler (député de Westmount-Saint-Georges) et M. Dupré (député de Verchères) posent des questions sur le nombre d’employés du ministère de l’Agriculture ». Autre exemple : le 24 février, dans le cadre d’un débat sur l’ouverture d’un crédit d’octrois et de primes en Agriculture pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 1950, les journalistes écourtent l’intervention de Marler à ceci : « M. Marler interroge le ministre au sujet du projet de marché central à Montréal. » Fréquemment au cours de la session, on trouve d’autres exemples du genre.

Au demeurant, les courriéristes parlementaires se font parfois reprocher certains titres ou certaines manchettes. À la séance du 25 février, le premier ministre Duplessis, sur une question de privilège, se permet d’attirer l’attention de la Chambre sur un article publié dans L’Événement-Journal, intitulé « Chefs ouvriers qualifiés de saboteurs et de révolutionnaires ». En sous-titre, on peut y lire : « M. Duplessis stigmatise en ces termes les chefs ouvriers… ». Brandissant une copie du journal à bout de bras, Duplessis s’en défend avec véhémence :

Je n’ai pas accusé tous les chefs ouvriers, mais des chefs des syndicats catholiques. M. l'Orateur, j'ai déclaré et je répète que la grande majorité des chefs ouvriers et l'immense majorité des ouvriers sont respectueux des lois, de l'ordre et de l'autorité. Mais il reste que certains chefs ouvriers catholiques sont des saboteurs et des révolutionnaires, au lieu d’être de vrais chefs ouvriers.

Il est malheureux qu'un journal se permette de faire un titre général qui mette le public sous l'impression qu'il s'agit d'une situation générale, quand j'ai fait allusion à des cas particuliers. Il est malhonnête qu'une déclaration restreinte à certains cas seulement soit ainsi généralisée. Je crois à la liberté de la presse, mais je suis contre la licence. Liberté ne veut pas dire licence. Je constate que, depuis quelque temps, L'Événement-Journal et son frère jumeau, Le Soleil, publient des titres tendancieux et inexacts. Si L'Événement-Journal et Le Soleil veulent se faire les complices des saboteurs et des révolutionnaires, libre à eux, mais ils n'ont pas le droit de dénaturer les faits et la vérité.

 

À l’opposé, d’autres parlementaires tiennent plutôt à féliciter les journalistes de la Tribune. Lors de sa réponse au discours du trône, le 25 janvier, le chef intérimaire des libéraux, George Marler, souligne l’excellence de leur travail : « [Je] remercie les courriéristes parlementaires pour leur coopération. La presse a toujours fait la part très large aux débats de la Chambre et je sais qu’elle continuera. »

Un fait demeure : les membres de la Tribune de la presse rendent compte des débats parlementaires avec soin. Sauf exception, les titres des articles et leur contenu semblent neutres ou du moins exempts de jugements. À tel point qu’il est difficile de déceler l’allégeance politique des journaux à partir seulement de ces comptes rendus.

 

Notes de l’introduction historique et de la critique des sources

1. « Protestation contre le projet de Code du Travail », Bilan du siècle, Université de Sherbrooke, www.bilan.usherbrooke.ca.

2. Maurice Proulx (1902-1988) est prêtre, agronome et cinéaste, pionnier du cinéma documentaire québécois. Entre 1934 et 1968, il réalise et produit près d’une cinquantaine de documentaires pour le compte des gouvernements Godbout et Duplessis. Pour plus d’information, voir : Marc-André Robert, La société rurale québécoise dans l’après-guerre : un pont entre tradition et modernité. Le cinéma de l’abbé Maurice Proulx comme témoignage historique, 1946-1959, mémoire (histoire), Université de Sherbrooke, 2009, 130 p.; Marc-André Robert, « L’abbé Maurice Proulx : pionnier du film documentaire québécois. Portrait d’un cinéaste militant… opportuniste! », Séquences, no 262, septembre-octobre 2009.

3. Paul Cliche, Les élections provinciales dans la province de Québec, 1927-1956, mémoire (sciences politiques), Université Laval, 1960, p. 85.

4. Jean-Guy Genest, Godbout, Sillery (Québec), Septentrion, 1996, p.308.

5. Ibid., p. 309.

6. Ibid., p. 306.

7. P. Cliche, Les élections provinciales…, p. 86.

8. Georges Langlois, « Comparé à un raz de marée », La Presse, 29 juillet 1948, p. 1.

9. « M. Godbout dit qu’il ne peut que s’incliner », La Presse, 29 juillet 1948, p. 1.

10. « M. Godbout sénateur? », Le Devoir, 18 janvier 1949, p. 2.

11. The Gazette, 20 janvier 1949, p. 10.

12. René Chaloult, Mémoires politiques, Montréal, Éditions du jour, 1969, p. 180.

13. Ibid., p. 183.

14. Robert Rumilly, Maurice Duplessis et son temps, tome 2 (1944-1959), Montréal, Fides, 1973, p. 242.

15. Ibid., p. 241.

16. Georges-Émile Lapalme, Mémoires, tome 1, le bruit des choses réveillées, Ottawa, Leméac, 1969, p. 346.

17. René Chaloult, Mémoires politiques, Montréal, Éditions du jour, 1969, p. 178.

18. R. Rumilly, Maurice Duplessis…, p. 242.

19. Eugène Fiset (1874-1951) a occupé les fonctions de lieutenant-gouverneur de la province de Québec du 30 décembre 1939 au 3 octobre 1950.

20. Elizabeth Alexandra Mary Windsor (1926- ), fille de George VI, sera couronnée reine d’Angleterre et des États du Commonwealth le 6 février 1952. Elle deviendra la reine Elizabeth II.

21. « Les revenus atteindront $176,650,000 pour 1949-50 », L’Action catholique, vendredi 25 février 1949, p. 3.

22. André Laurendeau, « Blocs-Notes », Le Devoir, 19 janvier 1949, p. 1.

23. « Montréal aura 6 recorders au lieu de 5 », Montréal-Matin, 20 janvier 1949, p. 5.

24. L’Action catholique, 10 février 1949, p. 3.

25. Montréal-matin, 10 février 1949, p. 5.

26. Jacques Rouillard, Histoire du syndicalisme au Québec, pp. 279-280.

27. En 1971, John Thomas McDonough s’est inspiré de cet épisode pour écrire la pièce de théâtre Charbonneau et le chef, qui a connu à l’époque un retentissant succès.

28. R. Rumilly, Maurice Duplessis…, p. 249-285.

29. Paul-André Linteau, René Durocher, Jean-Claude Robert et François Ricard, Histoire du Québec contemporain, tome 2, le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal, 1989, p. 314.

30. R. Rumilly, Maurice Duplessis…, p. 243.

31. Pour une explication complète du système judiciaire canadien et québécois, voir : Louis Mercier, Histoire d’une cour, Montréal, Éditions Beau-ce-pays, 1983, pp. 102-103.

32. Statuts refondus de la province de Québec, 1941, chapitre 15.

33. Québec, province de, Statuts de Québec, 13 George VI, 1949, Québec, Rédempti Paradis, 1949, p. 91-92.

34. « Arrêté en conseil du gouvernement provincial prohibant la fabrication et la vente de l’oléo-margarine au Québec », Bilan du siècle, Université de Sherbrooke, www.bilan.usherb.ca (consulté le 20 août 2009).

35. C’est la seconde fois qu’un député de l’Assemblée législative réclame une ambassade canadienne au Vatican. Le 9 avril 1946, le député libéral de Montmorency Jacques Dumoulin présentait une motion réclamant une représentation diplomatique au Saint-Siège.

36. Québec, province de, Status de Québec, 9 George VI, 1945, Québec, Rédempti Paradis, 1945, chapitre 52.

37. Selon L’Action catholique du 19 janvier 1949, il y aurait 18 courriéristes accrédités par la Tribune de la presse cette session. « 18 courriéristes accrédités à la galerie de la Presse », L’Action catholique, 19 janvier, p. 11.

38. Sur la méthodologie relative à la reconstitution des débats, voir : Gilles Gallichan, « Le Parlement ‘‘rapaillé’’. La méthodologie de la reconstitution des débats », Les Cahiers des Dix, no 58 (2004), p. 275-296.