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(Deux heures et demie de l'après-midi!
M. le Président: Qu'on ouvre les portes. Let the doors be
opened.
A l'ordre, messieursl Affaires courantes.
Présentation de pétitions.
Lecture et réception de pétitions.
Présentation de rapports de comités élus.
Vingtième rapport du comité des
règlements
M. Dionne: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
20e rapport du comité des règlements. Votre comité
recommande de prolonger le délai pour présentation des bills au
15, et au 22 pour la réception.
M. Johnson: Le reporter? On étend encore le délai?
M. Lesage: Non, non, ce sont les bills qui ont été
inscrits en temps utile, mais simplement qui n'ont pas encore été
imprimés et qui, par conséquent, n'ont pas pu être
présentés en première lecture. Ce sont surtout ce que nous
appelons des bills d'hôpitaux que j'ai mentionnés ce matin au
député de Missisquoi et au député de Saint-Jacques,
au comité.
M. Johnson: M. le Président, est-ce qu'on peut expliquer comment
il se fait que ces bills ne soient pas encore imprimés a ce moment-ci,
alors que le délai ultime pour présenter les bills, en vertu du
règlement, c'était trois semaines avant l'ouverture de la
session? Les bills auraient dû être déposés, on a
étendu le délai. En vertu du règlement...
M. Lesage: Non, non, ce sont les...
M. Johnson: En vertu du règlement, les bills doivent être
déposés trois semaines avant l'ouverture de la session.
M. Lesage: Ils l'ont été.
M. Johnson: Mais ça fait longtemps qu'ils ont été
déposés.
M. Lesage: Oui, je comprends, mais...
M. Johnson: Est-ce qu'on manque d'imprimeurs?
M. Lesage: Non. mais, simplement, ces bills d'hôpitaux sont
très nombreux, ont fait l'objet d'une étude approfondie de la
part des autorités du ministère de la Santé et l'on sait
que, durant la session, un nouveau sous-ministre a été
nommé, qui a été surchargé de travail, et un
comité d'étude a dû être mis sur pied pour tenter
d'en arriver à un certain degré d'uniformité dans ces
projets de loi. Le comité en question en est arrivé à une
conclusion et les projets de loi seront maintenant imprimés, mais il
faut, dans chaque cas, discuter avec les pétionnaires des termes du
projet de loi.
M. le Président: Ce rapport sera-t-il adopté?
Adopté.
M. Binette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
19e... Pardon?
M. Lesage: Ce n'est pas l'article.
M. le Président: Le rapport des comités élus.
M. Lesage: C'est ça.
M. le Président: Présentation de rapports de
comités élus.
Dix-neuvième rapport du comité des bills
privés
M. Binette: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
19e rapport du comité des bills privés.
M. le Président: Présentation de motions non
annoncées.
M. Lesage, parrain des bills du Revenu
M. Lesage: M. le Président, je fais motion pour que, aux articles
31 et 32 du feuilleton, le nom de M. Earl soit remplacé par le mien,
étant donné que j'ai été assermenté ce matin
comme ministre du Revenu.
M. le Président: La motion sera-t-elle adoptée?
M. Johnson: Qu'est-ce que c'est ça, M. le Président?
M. le Président: Adopté.
M. Johnson: Je vous demande pardon. M. le Président?
M. le Président: C'est pour remplacer
le nom de M. Earl par celui...
M. Lesage: Par le mien, étant donné que j'ai
été assermenté ce matin comme ministre du Revenu.
M. Johnson: Félicitations!
M. Lesage: Ce n'est pas la première fois que je le suis.
M. le Président: Adopté. Présentation de motions
non annoncées. Adopté. Présentation de bills
privés. Présentation de bills publics.
M. Bellemare: M. le Président, est-ce que je pourrais
intercéder, avec toute la chaleur dont je suis capable, auprès de
l'honorable ministre de la Jeunesse pour avoir une réponse quelconque
s'il le faut, mais d'en avoir une à ma question du 20 mars, qui figure
au numéro 1 du feuilleton?
M. Gérin-Lajoie: Étant donné que la question figure
au numéro 1, le député peut espérer avec une
réponse prochainement.
M. Bellemare: Merci. Alors, ça, c'était en temps et lieu,
comme votre voisin.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Délivrance des permis de conduire
M. Johnson: M. le Président, je crois qu'il est
d'intérêt public de demander au ministre des Transports et, en son
absence, au premier ministre, si toutes les mesures nécessaires ont
été prises afin que les conducteurs aient à temps pour le
1er juin leur permis de conduire. Il semble que plusieurs centaines de milliers
de ces permis n'ont pas encore été émis, pour une raison
ou pour une autre, et il y a beaucoup d'inquiétude dans le public au
moment où je vous parle.
M. Lesage: M. le Président, cette année, pour la
première fois, le ministère des Transports a adressé, par
la poste, à tous les détenteurs de permis de conduire de la
province, c'est-à-dire à 1,500,000 personnes, un avis leur disant
comment procéder pour obtenir le renouvellement de leur permis de
conduire valable à partir du 1er juin pour deux ans.
Une des raisons pour lesquelles ces avis ont été
envoyés par la poste - et ils l'ont été entre le 10 et le
20 avril - c'est que les forces policières se plaignent, depuis
longtemps, que sur un très grand nombre de permis de conduire il y a de
fausses adresses. Ainsi, par exemple, l'année dernière, dans la
ville de Montréal seulement, il a été imDossible de
signifier 40,000 plaintes...
M. Johnson: Hein!
M. Lesage: ... 40,000 plaintes dans la ville de Montréal
seulement. Et l'on peut s'imaginer un peu quel préjudice peut être
causé lorsque, a la suite d'un accident, une personne montre son permis
de conduire sur lequel il y a une fausse adresse et que celui qui veut
réclamer des dommages de cette personne par la suite ne peut retracer
son adresse. Sur les 1,500,000 avis qui ont été envoyés,
100,000 ont été retournés au ministère avec...
M. Blank: Hier après-midi, 150,000 à 200,000.
M. Lesaqe: Moi, j'ai la note du sous-ministre, je m'y fie. Au moins
100,000 avis ont été retournés avec la mention "adresse
inconnue". Tout le monde savait qu'on avait jusqu'au 1er juin pour obtenir son
permis. 1,500,000 avis ont été envoyés. Le
ministère a fait tout son devoir et il l'a fait en temps utile pour que
chacun soit détenteur de son permis à la date indiquée, le
1er juin.
Et, pour ma part, j'ai reçu, comme tout le monde, cet avis. J'ai
envoyé mon chèque. J'ai reçu mon permis de conduire en
temps utile. Et l'on pouvait non seulement envoyer son chèque et
recevoir son permis par la poste, mais on pouvait aussi, comme le dit l'avis -
j'en ai une copie ici - et l'on peut encore, jusqu'au 1er juin, s'adresser au
bureau d'émission des permis. Le ministère, encore une fois, a
fait tout son devoir et je ne vois pas ce qui peut être fait de plus pour
accommoder ceux qui n'ont pas cru devoir agir en temps utile.
M. Johnson: M. le Président, si vous me permettez une question
supplémentaire, il arrive que des gens, parmi ces 150,000 ou 100,000,
n'ont pas encore leur permis à cause d'un déménagement,
d'un manque de notification de nouvelle adresse...
M. Lesage: Et pour d'autres raisons aussi.
M. Johnson: Cela peut arriver pour ça. Mais je ne croirais pas
qu'il y ait 150,000 personnes qui veuillent se cacher. M. le Président,
il arrive que ces personnes, ayant déménagé, n'ayant pas
donné leur nouvelle adresse, s'adressent aujourd'hui au bureau
d'émission des permis et se font dire: Bien, on ne peut pas vous
remettre votre permis, il faut que ça vienne de Québec. Alors,
quelle est la formule la plus exDéditive pour obtenir de Québec
l'envoi de cette formule de demande? Deuxièmement, est-ce qu'on a pris
toutes les mesures nécessaires pour que ce soit fait rapidement?
M. Lesage: Je regrette. La façon la plus expéditive est de
s'adresser au bureau le plus proche ou encore d'écrire ici, à
Québec, en envoyant la carte, comme je l'ai fait, et j'ai reçu
mon permis dans les deux ou trois jours qui ont suivi.
M. Johnson: C'est très bien, M. le Président, je comprends
ça, mais l'information que j'ai, qui a été publiée
dans les journaux, d'ailleurs, c'est qu'à Montréal...
M. Lesage: Je ne l'ai pas lue dans les journaux.
M. Johnson: ... on se rend au bureau du ministère, rue
Crémazie, je crois, et puis on leur dit: C'est bien de valeur. On a
attendu en ligne pendant une demi-heure, une heure, deux heures, trois heures
pour se faire dire, rendu à la porte: On ne peut pas vous donner la
formule nécessaire. Il faut que vous ayez une formule qui vient de
Québec.
M. Lesage: C'est vrai, il faut donner sa bonne adresse.
M. Johnson: Oui, bien, supposons qu'on ait
déménagé, qu'on ait oublié de bonne foi de donner
sa bonne adresse, ça arrive chez des gens, qu'est-ce qu'il y a à
faire, quelle est la procédure la plus expéditive?
M. Lesage: C'est celle que je viens de mentionner, c'est celle qui
existe, il n'y en a pas d'autre.
M. Johnson: Téléphoner à Québec?
M. Lesage: Non, qu'on agisse normalement. Si on s'y était pris
à temps, on serait à temps.
M. Johnson: M. le Président, je comprends, si on s'y était
pris a temps, mais il y a 150,000 personnes, et ce ne sont pas 150,000
criminels, qui n'ont pas leur permis, qui en ont besoin à partir du 1er
juin. Si, au moins, le premier ministre voulait accommoder la population, il
donnerait les instructions nécessaires pour qu'à Montréal
et dans les principaux centres, l'émission qui est faite ici des
formules de demande soit également faite à ces
endroits-là.
M. Lesage: Je vais m'enquérir auprès du sous-ministre des
Transports pour savoir si la chose est possible tout en sauvegardant, tout en
obtenant les garanties qu'il est nécessaire d'obtenir dans les
circonstances.
M. Bellemare: M. le Président, est-ce que le premier ministre me
permettrait simplement une remarque sur quelque chose Qui m'est arrivé
personnellement ce matin?
M. Lesage: C'est rien qu'à vous que ça arrive,
ça!
M. Bellemare: Non, non, mais ça peut éclairer le
débat. Le type, sur son permis, c'était marqué 442, par
exemple, Deblois; c'était 424, c'est une erreur. Alors,
immédiatement, j'ai téléphoné, j'ai dit: C'est une
erreur, ce n'est pas 442, c'est 424. Mon cher M. Bellemare, on en a 50,000. On
ne fournit pas de les envoyer.
Là, il y a peut-être un manque de personnel pour
répondre aux demandes, parce que ça approche, le 1er juin. Ce
n'est pas une mauvaise volonté de la part du personnage; il ne
s'était jamais rendu compte que, sur son permis, c'était
marqué 442 au lieu de 424. Mais, quand il s'en est aperçu,
là, j'en ai parlé ici, au bureau. On m'a dit: Mon cher Bellemare,
on en a certainement 50,000, on ne fournit pas, on n'a pas le personnel qu'il
faut et c'est le 1er juin demain.
C'est ça qui est la cause. Est-ce que l'honorable premier
ministre ne pourrait pas, pour les cas qui sont de bonne foi, peut-être
accorder un délai d'une semaine? Peut-être qu'on pourrait accorder
encore 15 jours.
M. Lesage: C'est la loi.
M. Bellemare: Mais c'était la loi aussi le 1er mars.
M. Lesage: C'est la loi.
M. Bellemare: Bien, si ce n'est pas les employés...
M. Johnson: M. le Président, on l'a déjà
accordé. Je pense que c'est important, M. le Président, la
province est intéressée à ce problème.
M. le Président: A l'ordre! Je crois qu'il y avait des questions
posées. Le premier ministre a répondu et a éclairé
la situation une deuxième fois; finalement, il a dit qu'il va
s'enquérir auprès du sous-ministre concerné. Je crois que,
même si le règlement ne permet pas un débat, on a eu un
petit débat. Je crois que je devrais déclarer que l'incident est
clos.
M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez une question?
M. Lesage: M. le Président, j'ai dit que je vais voir M.
Verreault, le sous-ministre des Transports. C'est demain le 31 mai, je ferai
une déclaration. Évidemment, ce n'est pas mon ministère,
pour commencer, comme on le sait, et je ne suis pas très au courant. Je
n'ai même pas vu l'émission de télévision hier soir
où on a montré, paraît-il. des files de gens qui
attendaient aux portes. Ça avait
été rapporté ce matin. J'ai demandé un
rapport écrit au sous-ministre des Transports qui m'a donné les
renseignements que je viens de donner à la Chambre. Maintenant, pour ce
qui est des autres points soulevés par le chef de l'Opposition et le
député de Champlain, je ne puis faire mieux que de vous dire que
je vais communiquer avec le sous-ministre des Transports.
M. Johnson: M. le Président, pour faire taire...
M. Lesage: Je ne suis pas au courant de la technique.
M. Johnson: Pour faire taire nos scrupules...
M. Lesage: Pour ma part, j'ai envoyé mon chèque et j'ai eu
mon permis.
M. Johnson: Je vais faire ça sous forme de question. Le premier
ministre peut-il, imitant un précédent qu'il a posé
lui-même, faire une déclaration ou passer un arrêté
ministériel qui étendrait le délai à 10 jours ou 15
jours pour permettre aux gens de bonne foi et peut-être à son
personnel de corriqer certaines erreurs qui ont pu se glisser et qui sont de la
faute du personnel?
M. Lesage: Je ne puis que réitérer ce que j'ai dit: Je
vais consulter le sous-ministre des Transports, et même, pour ce qui est
de la suggestion du député de Bagot, les conseillers du
gouvernement pour savoir si la chose est légalement possible. Je ne
pense pas qu'on puisse passer un arrêté ministériel
à l'encontre des termes d'une loi. De toute façon, je vais
m'enquérir et je ferai une déclaration demain matin.
M. Johnson: Le député de Richmond dit que ça s'est
déjà fait, M. le Président. Je ne sais pas s'il se
réfèrer au passé, avant 1960.
M. Lafrance: Oui.
M. Johnson: Alors, je dirai au député de Richmond qu'en
vertu de la Loi des véhicules moteurs et en vertu de la Loi des liqueurs
et de bien d'autres lois, les arrêtés ministériels peuvent
amender certaines dispositions de la loi.
M. Lesage: Quand la loi le permet. M. le Président: Affaires du
jour. M. Lesage: No. 8.
Questions au feuilleton
M. Lapalme: De M. Johnson, lu et répondu.
M. Lesage: No 37.
M. Lapalme: De M. Johnson, document déposé.
M. Lesage: No 38. M. Lapalme: Document déposé. Bills nos
119, 120, 121 et 137
Deuxième lecture
Renvoi au comité des bills
privés
M. Lesage: M. le Président, je fais motion pour que les bills
privés mentionnés aux articles 55 à 58 inclusivement du
feuilleton de ce jour soient lus en deuxième lecture et
déférés au comité des bills privés.
M. le Président: La motion sera-t-elle adoptée?
Adopté. Deuxième lecture.
Le Greffier adjoint: Deuxième lecture de ce bill. Second reading
of this bill.
M. Lesage: No 22.
M. le Président: M. Lesage prppose que je quitte maintenant le
fauteuil pour que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.
La motion sera-t-elle adoptée? Adopté.
Comité des subsides
Étude des crédits du Procureur
général
M. Bédard (président du comité des subsides):
Procureur général, article 5, poursuites au criminel.
M. Johnson: M. le Président, est-ce que je comprends que le
Procureur général a fini son court exposé de trois
heures?
M. Lapalme: Je l'espère.
L'affaire des faux certificats (suite)
M. Johnson: M. le Président, je vais tâcher de
répondre, le plus brièvement possible, à quelques-uns
seulement des points soulevés par le Procureur général. Je
vais tâcher de corriger les erreurs qu'il a volontairement ou
involontairement commises et je vous demande votre indulgence, vous promettant
que je vais tâcher de garder un ton serein, aussi serein que celui que le
Procureur général a gardé, mais j'adopterai une
méthode qui est un peu moins discutable quand il s'agit d'exposer des
faits.
Le Procureur général disait lui-même, à un
moment donné: J'ai des as dans ma manche, moi aussi. Il s'est tout de
suite qualifié lui-même de magicien ou de prestidigitateur. Et on
sait ce qu'est un magicien ou un prestidigitateur. C'est un homme qui donne
l'apparence de la vérité, qui est tellement habile dans le
maniement des cartes, par exemple, tellement rapide dans ses mouvements qu'il
crée quelquefois l'illusion d'avoir produit un phénomène
exceptionnel. Quand on a entendu le Procureur général - et c'est
là l'avis de tous les journalistes - on est bien obligé de se
rendre compte que le Procureur général est rapide, qu'il est
habile et qu'il peut même donner un ton de plausibilité à
une situation extrêmement complexe que son allocution de trois heures et
demie n'a pas réussi à éclaircir. Au contraire, quand les
journalistes sont retournés a leur pupitre, ils en savaient moins long,
c'était moins clair que tout ce qu'ils avaient appris auparavant.
M. Lapalme: Je voudrais bien retourner le compliment au chef de
l'Opposition.
M. Johnson: M. le Président, je ne tiens pas à passer pour
un homme habile; je tiens plutôt à passer pour un homme qui dit la
vérité et qui donne des faits précis.
Je voudrais, M. le Président, avant d'entrer dans le vif du
sujet, bien comprendre une offre qui paraît généreuse de la
part du Procureur général. Le Procureur général a
déclaré - les journaux ont rapporté cette partie assez
clairement -qu'il était prêt à offrir à l'Union
Nationale de nommer elle-même les procureurs de la couronne, et s'il y
avait des croyances raisonnables que des gens sont protégés, de
les faire arrêter. M. le Président, je demande au Procureur
général si son offre tient encore.
M. Lapalme: Bien oui.
M. Johnson: Est-ce que son offre s'appliquerait, par exemple, dans les
causes déjà prises, entre autres, la cause de Marcel Poirier?
M. Lapalme: Bien, M. le Président, si je me souviens bien, j'ai
déclaré ceci: On a dit ou laissé entendre dans les
journaux qu'il y avait des personnes qui semblaient être
protégées ou cachées par la couronne, par le Procureur
général. J'ai dit, si on avait des accusations à porter
dans de tels cas, qu'on les porte et je laisserai le choix des procureurs de la
couronne à ceux qui les porteraient ou, disons, à l'Union
Nationale, si elle portait ces causes. Dans tout ce qui est commencé, je
n'ai pas envie de faire tout un chambardement, c'est déjà assez
compliqué comme c'est là.
M. Johnson: M. le Président, il n'y a pas de chambardement
à faire, aucun chambardement; la cause de Marcel Poirier n'en est qu'au
stade de la préenquête, et le jugement sur la
préenquête n'est pas encore rendu. C'est donc un avocat de la
partie privée qui occupe. Il n'y a aucun avocat de la couronne qui a un
statut là, sauf un statut que le juge a bien voulu accorder
peut-être à la couronne, même si ce n'est pas son
problème; c'est une plainte privée de M. Lagarde. Il n'y a donc
pas de chambardement à cet endroit-là. Quant à la cause
déjà commencée contre Jean-Paul Boisjoli, sur une plainte
de M. Lagarde, en date du 18 avril, il n'y a pas de chambardement puisqu'on
n'en est pas au stade du procès. C'est la partie privée qui a
mené l'enquête préliminaire et qui a occupé
même à l'examen volontaire.
Troisièmement, ça s'applique sans chambardement. Cette
offre pourrait s'appliquer dans les deux causes intentées contre Marcel
Sauvé et contre Jean-Paul Boisjoli relativement à une
conspiration pour utiliser des faux, fabriquer des faux, etc. Il n'y aura aucun
chambardement. Le Procureur général, qui veut passer pour
généreux, n'a qu'à déclarer aujourd'hui qu'il est
prêt à ce qu'un avocat désigné non pas par l'Union
Nationale, mais par la partie qui a été le plus
lésée là-dedans, M. André Lagarde, soit
nommé pour continuer ces causes. Et je crois que, dans l'opinion
publique, M. le Président, ca ferait du bien au Procureur
général et au gouvernement. L'opinion publique, les journalistes,
les éditorialistes, que le Procureur général ne s'est pas
gêné d'accuser, seraient très heureux de voir que le
Procureur général fait mener la cause par un avocat qui
connaît son affaire, qui connaît la cause et qui, lui, ne
prête aucune raison, aucun motif pour qu'on doute qu'il cache quelqu'un,
au contraire.
M. le Président, l'état de la question est tel que, dans
l'opinion publique - on l'a vu par la lecture des journaux, par des
éditoriaux auxquels le Procureur général s'est
référé lui-même - on se demande quel a
été exactement le rôle de la couronne relativement à
l'arrestation de M. Lagarde, de M. Gaston Archambault et dans toutes les autres
causes qui ont suivi. On se souvient, M. le Président, des accusations
que j'ai portées et que je serais bien prêt à renouveler si
je n'écoutais pas mes scrupules à prendre trop le temps de cette
Chambre. Alors, je demande au Procureur général: Est-ce que son
offre tient encore, est-ce qu'il veut l'appliquer à ces quatre
causes?
M. Lapalme: Dans les causes commencées, je ne suis pas prêt
à répondre. Jusqu'à maintenant, je sais que toutes les
causes commencées l'ont été alors que l'avocat de la
partie privée était à côté de
l'avocat de la couronne. Ça, je le sais.
M. Johnson: Qu'on le laisse continuer, M. le Président, et qu'on
lui fournisse toute la coopération et, de cette façon, dans
l'opinion publique, on sera tranquilisé.
M. Lapalme: Elle est toujours offerte et la présence de l'avocat
de la partie privée ne sera pas tolérée; elle sera
acceptée.
M. Johnson: Même au procès, M. le Président?
M. Lapalme: Oui.
M. Johnson: Avec un statut de conseil, s'il le faut, un statut qui lui
permettrait d'interroger?
M. Lapalme: Là, je ne sais pas.
M. Johnson: M. le Président, je voudrais bien que le Procureur
général, qui aime à passer pour libéral, dans le
sens de généreux, pas dans le mauvais sens de partisan
libéral, nous dise cet après-midi si, oui ou non, il est
sérieux et s'il veut accorder un mandat officiel a un avocat qui, lui,
ne sera pas soupçonné de protéger qui que ce soit parce
qu'il est l'avocat de la partie privée qui a été la plus
lésée dans cette affaire.
M. Lapalme: Non, non. J'ai parlé l'autre jour, comme le dit le
chef de l'Opposition, suffisamment longtemps. Ma pensée était
très claire. Dans le moment, on laisse planer dans le public que nous
cachons des personnes. J'ai dit: Si on a des noms, qu'on le dise; si on a des
accusations à porter, qu'on le fasse. La couronne, à ce
moment-là, laissera choisir l'accusateur, l'avocat qui deviendra
l'avocat de la couronne.
Il ne s'agit pas de choses cachées, il s'agit de personnages qui
sont bel et bien arrêtés, qui sont devant les cours, à la
suite d'enquêtes préliminaires ou de préenquêtes. Ce
ne sont pas des cachettes, ce ne sont pas des choses que l'on cherche à
masquer ou à voiler, ça, c'est connu. Mais quant au reste, comme
on l'a écrit, particulièrement dans un article de La Presse,
à savoir que s'il y avait des personnes dans l'entourage du ministre qui
devaient être démasquées, il appartenait au ministre de le
faire. Je dis, moi, que je ne suis pas pour inventer des accusés, je
n'ai pas d'autres renseignements que ceux qui apparaissent dans les dossiers.
Si on a des accusations à porter, qu'on en porte, et à ce
moment-là, nous laisserons le choix du procureur de la couronne à
ceux qui Dorteront les accusations.
M. Johnson: M. le Président, le ministre devrait se souvenir que
les accusés qui sont actuellement devant les tribunaux - Marcel
Sauvé, Jean-Paul Boisjoli et Poirier - le sont par suite non pas des
démarches du Procureur général, mais de la partie qui a
été lésée et qui, deux mois après ces
libérations, n'avait pas encore eu la satisfaction de voir la police
travailler pour l'aider. Donc, ces gens-là sont devant les tribunaux par
l'action personnelle, le travail personnel, les déboursés
personnels non pas de la police, mais de celui qui a été le plus
lésé, M. André Lagarde. Je ne vois pas pourquoi le
Procureur général refuserait que ce soit son avocat qui continue
les causes contre Marcel Sauvé, contre Jean-Paul Boisjoli et contre
Poirier. Autrement, M. le Président, il se trouvera des gens avec un
semblant de raison joliment solide pour penser qu'on ne veut pas faire mal
à Marcel Sauvé ou à Jean-Paul Boisjoli. S'il fallait que
ces gens-là fussent acquittés, M. le Président, le
Procureur général le sait, ce serait mauvais pour son
département, même s'ils avaient raison d'être
acquittés.
M. Lapalme: M. le Président, je soulève une question plus
que de règlement. Dans le moment, le chef de l'Opposition est à
préjuger d'une cause qui est devant les tribunaux. Il indique, par la
voie des journaux, aux tribunaux que, demain, si deux accusés qui sont
devant les cours ne sont pas trouvés coupables, ce sera le Procureur
général et son département qui porteront une partie de la
responsabilité. Si ce n'est pas le sub judice, je me demande ce que
c'est.
M. Johnson: M. le Président, je ne préjuge pas, je dis que
même s'ils étaient acquittés avec raison, il reste un fait,
c'est qu'il se trouverait dans la province des gens pour dire que le Procureur
général ne s'est pas forcé pour les faire condamner.
M. Lapalme: Oh! ça, il y en aura toujours.
M. Johnson: Et le Procureur général est prêt
à prendre ce risque-là?
M. Lapalme: Ce n'est pas ce qui m'inquiète.
M. Johnson: Qu'il ne prendrait pas, s'il voulait, donnant suite à
une offre qui paraissait gentille l'autre jour, appliquer à ces causes
l'offre en question et nommer un avocat, l'avocat de la partie privée,
pour prendre les causes jusqu'au bout. A ce moment-là, M. le
Président, le gouvernement serait libéré de tout
blâme dans l'opinion publique. Et s'il accordait la coopération de
sa Dolice. eh bien! personne ne pourrait, y compris celui oui vous parle,
blâmer le gouvernement. Ça, ce serait une belle façon
de régler le problème. Alors, je laisse au Procureur
général la responsabilité. Je voudrais lui dire ici que je
n'ai nullement l'intention de toucher aux causes sub judice. M. Boisjoli et M.
Sauvé sont actuellement devant les cours. Sont-ils coupables ou non
coupables, M. le Président? Ce sont les tribunaux qui décideront.
Je n'ai pas touché à ces causes dans cette Chambre; je n'y ai pas
touché à la TV et je n'y toucherai pas cet après-midi. Je
voudrais bien avertir publiquement M. Jean-Paul Boisjoli qu'il me lâche
la paix, qu'il me laisse la paix avec ses télégrammes
d'injures.
M. Lapalme: Moi aussi.
M. Johnson: Vous aussi? M. le Président, est-ce qu'on est dans le
même bateau, le Procureur général et moi? Je ne sais pas si
la teneur des télégrammes adressés au Procureur
général est aussi polie, aussi gentille, aussi délicate
que la teneur de ceux que je reçois, des Crois télégrammes
que j'ai reçus hier.
M. le Président, ce n'est pas une manière de régler
l'affaire. Je n'ai pas touché a M. Boisjoli relativement à ses
causes et M. Boisjoli comme M. Sauvé ont le droit, comme citoyens de
cette province, de se faire entendre devant les tribunaux. Ils ont droit a ce
qu'on respecte le sub judice et ils ont droit à la justice, comme on dit
avec raison. Ils ont droit à la justice comme tous les autres citoyens
de cette province. Ce que je discute, par exemple, c'est le rôle du
Procureur général dans toute cette affaire. Et je crois, M. le
Président, pour replacer les choses dans leur optique réelle, que
je devrais vous donner ici un résumé très court, qui ne
dure pas dix minutes, de la cause dont je voudrais discuter et qui m'a permis
de porter des accusations contre le Procureur général,
accusations qu'il n'a pas du tout réfutées, comme je le prouverai
tantôt.
M. le Président, comme je le disais d'ailleurs à la TV, le
3 novembre au matin, alors que la campagne électorale provinciale
atteignait son point décisif, tout a coup éclate une bombe. Dans
son édition du matin, La Presse, de Montréal, titre sur six
colonnes, en caractère d'affiche: "Fraude électorale, saisie de
4000 faux certificats d'électeurs." On représente, sur une photo
que l'on voit a gauche, le procureur de la couronne, M. Guy Desjardins,
assistant de M. Lapalme, flanqué d'un collaborateur, Me Bruno
Pathéras, manipulant tous les deux les faux certificats. La province
apprend ce qui suit et là, c'est un extrait de l'article de tête
de La Presse, article préparé la veille, complété
après un appel à 3 heures du matin de la part de l'avocat de la
couronne. Après un guet de 36 heures, qui n'avait pas été
abandonné pendant une seule minute, pendant une seule seconde, la police
a mis à jour, en fin de soirée hier, ce qui semble avoir
été les premiers jalons d'une fraude électorale
projetée pour le 14 novembre prochain dans deux comtés de
l'île de Montréal. Les mandats d'arrestations ont
été émis: l'un contre un dénommé Fontaine,
un récidiviste, arrêté à la gare Windsor comme il
allait réclamer un colis; un autre contre M. André Lagarde,
organisateur en chef de l'Union Nationale pour le district de Montréal,
et enfin un troisième contre M. Gaston Archambault, ex-sergent
détective de la police provinciale.
M. le Président, sur l'un des paquets, on avait une
étiquette libellée, on s'en souvient, clairement de façon
à impliquer le plus de monde possible, par sa simple publication, sous
des grosses manchettes, qu'on avait obtenue en réveillant un journaliste
à bonne heure, le matin: "Montréal-Saint-Jacques, M. Paul Dozois,
comité central, Union Nationale, Stadium Faucher, Delorimier-Ontario,
a/s d'André Lagarde, pour remettre à Augustin Bédard, 5000
à suivre". Une étiquette identique porte le nom de M.
Charbonneau, candidat de l'Union Nationale dans Montréal-Sainte-Marie,
son organisateur M. Médéric Gervais. Et toujours le nom
d'André Lagarde et l'adresse du comité central de l'Union
Nationale.
M. le Président, aussitôt, les orateurs libéraux, on
le sait, se sont déchaînés dans la province.
Déjà, même la veille, à Brassardville, le Procureur
général de la province annonçait: "On est en train de
procéder au vol de l'élection, avec la complicité
d'anciens bandits de la police provinciale." Et le reporter, Pierre Godin,
ajoute, sans nommer de façon explicite l'Union Nationale: "M. Lapalme a
donné l'avertissement suivant: Mais cette fois, ils se trompent car la
vraie police, ils ne l'ont pas; ils ne l'auront pas."
M. le Président, le simple rapprochement de ce titre du journal
La Presse, la photo des avocats de la couronne, la mention des trois mandats
d'arrestation et d'un en-tête qui se lit comme suit: "Lapalme l'a
prédit", c'était assez pour créer dans l'opinion publique
l'expression, à tort ou à raison, que le Procureur
général parlait la veille de la cause qui était
exposée ce matin et des mandats d'arrestations contre M. Lagarde et
d'autres et un ancien policier qui, d'après l'accusation, étaient
en train, comme le disait le Procureur général, de
procéder au vol de l'élection avec la complicité d'anciens
bandits de la police provinciale. M. le Président, c'est tellement
l'impression que ça a créé que le lendemain, 4 novembre, a
Sherbrooke, le premier ministre lui-même s'écriait: "Les
certificats d'électeurs, une manoeuvre qui sent l'Union Nationale
à plein nez". Et ça a été publié dans tous
les
journaux.
A Asbestos, le même jour, le premier ministre, profitant de
l'occasion pour sommer M. Jean-Jacques Bertrand de joindre les ranqs du Parti
libral, disait textuellement ceci: "On vient, dans ces derniers jours, de se
livrer, dans votre parti, a une tentative monstrueuse de fraude
électorale. Voilà, le véritable portrait de votre chef".
Paroles rapportées dans La Presse, L'Action catholique, Le Soleil, La
Tribune et d'autres journaux de la province de Québec.
M. le Président, c'est ainsi qu'on avait exploité, qu'on
avait compris le titre de La Presse et le discours du Procureur
général à Brassardville. C'était le temps, à
ce moment-là, comme je l'ai déjà dit dans cette Chambre,
pour le Procureur général, de donner un avertissement à La
Presse, d'avertir son chef, le premier ministre, de ne pas parler ainsi d'une
cause sub judice. On m'a rapporté, avant l'assemblée de
Québec, les propos du premier ministre avant que je n'adresse la parole,
et c'est après avoir entendu les propos du premier ministre qui
exploitait cette affaire, M. le Président, politiquement, que j'ai
déclaré moi-même à Québec: II s'agit d'une
machination politique, d'une machination machiavélique.
Et le Procureur général était tellement de cet
avis-là quand, à Brassardville, il parlait de la cause des faux
certificats, M. le Président, qu'il disait ceci, lors de son
assemblée de Québec (j'ai fait écouter la bobine et je
l'ai fait transcrire, je voudrais bien vous lire ça textuellement): "M.
Johnson, qui ne connaît rien à la cause, dit qu'il s'agit d'une
machination politique. On sait ce que ces gens-là ont dit, lorsqu'on a
commencé à accuser Bégin de subornation d'Honoré
Pelletier. On a entendu M. Johnson et les autres dire "machination", et vous
savez ce qui est arrivé par la suite."
Le Procureur général, à l'assemblée de
Québec, en tout cas c'est sur une bobine qui a été
reproduite et dont j'ai le texte ici quelque part, disait: "M. Johnson, chef de
l'Opposition, qualifie l'affaire des faux certificats de machination politique
machiavélique. Il n'en sait rien, mais il devrait se rappeler qu'il
avait dit la même chose au sujet de la cause d'Honoré Pelletier et
on sait comment elle a fini."
M. le Président, c'est moi qui avais raison en disant "la
machination politique". Je le savais, à ce moment-là, que
c'était une machination politique.
M. le Président, ce matin-là, le 3 novembre, j'ai appris,
en même temps que tout le monde, que M. Lagarde était
recherché. On sait que la couronne n'a pas osé, à ce
moment-là, procéder contre mes collègues Paul Dozois et
Edgar Charbonneau, respectivement député de Saint-Jacques et
député de Sainte-Marie, dont les noms étaient pourtant
mentionnés sur les étiquettes. On n'a pas procédé
non plus contre leurs organisateurs dont le nom était mentionné
sur les étiquettes. On sait que ces deux candidats de l'Union Nationale
ont fait une déclaration à la TV à Montréal qu'ils
ont répétée le lendemain à la radio, lors de
l'assemblée de Québec, et ils ont été bien
vengés, Dieu merci: par leurs électeurs qui les ont
réélus.
Quant à M. Lagarde, marié, père de deux enfants et
organisateur en chef pour le district de Montréal, vous vous imaginez un
peu dans quel état il se trouvait lorsqu'il a entendu à la radio
qu'il était recherché en exécution d'un mandat. M le
Président, le Procureur général, s'il voulait
réellement faire la lumière, s'informerait comment il se fait
qu'on disait aux nouvelles "recherché en exécution d'un mandat"
alors que le mandat n'a été siqné qu'à midi moins
cinq. A huit heures et demie on disait que M. Lagarde était
recherché, donnant partout l'impression, dans la province, que M.
Lagarde se cachait. Il est venu chez moi et il m'a offert sa démission
que j'ai refusée parce que je le savais innocent, parce que je croyais
qu'il n'avait pas été mêlé à cette affaire.
Et c'est sur mes conseils qu'il est allé se livrer au tribunal pour
constater que le mandat n'était même pas signé, pas
émis. Et c'était déjà annoncé dans les
journaux et c'était déjà publié. Je dis que
ça venait de M. Guy Desjardins ou de son bureau qui voulait faire
annoncer partout dans la province, par la presse, par les journaux, par la
radio, que l'organisateur en chef de l'Union Nationale avait été
mêlé à une affaire de faux certificats dont le Procureur
général avait parlé la veille.
Et pour rendre ça plus agréable, on donnait l'impression
qu'il se sauvait. M. le Président, le juge en chef de la Cour des
sessions de la paix avait fixé le procès à mercredi, le 7
novembre, mais c'est le Procureur général qui est intervenu. Il a
pris les procédures par un avocat spécialement nommé
à cette fin, Me John Ahern, un excellent avocat, d'ailleurs. C'est le
Procureur général qui est intervenu, qui a pris les
procédures qui ont empêché que la vérité soit
connue avant les élections, avant la tenue du scrutin.
Évidemment, M. le Président, s'il avait fallu que la
vérité soit connue avant les élections, cela aurait
privé le premier ministre, les ministres, tous les candidats
libéraux et tous les organisateurs libéraux de paroisses et de
rangs d'une arme dont ils se sont abondamment servis contre l'Union Nationale.
Chacun de nous ici peut se lever et dire que ça a été
exploité contre lui dans son comté, l'élection
passée.
Au mois de janvier 1963 s'ouvre l'enquête Dréliminaire de
M. André Lagarde. A l'issue de cette enquête, M. André
Lagarde et M. Gaston Archambault sont
libérés par le juge.
M. le Président, à ce stade-ci, vous me permettrez de
montrer, par un exemple très précis, comment le Procureur
général, par imprécision ou autrement, a induit les
journalistes et la population en erreur lorsqu'il a affirmé ceci - que
je tire de La Presse, 29 mai, page 17: "Mais heureusement qu'à un moment
donné ceux qui trompaient la police ont déclaré devant la
cour que ce qu'ils avaient dit n'était pas vrai, d'où
acquittement, dès l'enquête préliminaire, de deux
accusés".
M. le Président, c'est faux. M. Lagarde et M. Archambault ont
été acquittés à l'enquête préliminaire
avant que M. Moreau et M. Fontaine ne changent leur version devant les
tribunaux, comme le dit le Procureur général. J'ai
vérifié dans les transcriptions, ils ne changent pas leur
version. M. le Président, le Procureur général, je l'en
accuse formellement dans cette Chambre, a induit la province en erreur en
déclarant que c'est à cause du changement de version de M. Moreau
et de M. Fontaine que MM. Archambault et Lagarde ont été
libérés. M. le Président, ça c'est une erreur
impardonnable pour un Procureur général qui a tous les dossiers
devant lui.
M. le Président, il y a d'autres erreurs que je relèverai
tantôt. Le juge Blain a libéré M. Lagarde et M. Gaston
Archambault dans deux jugements séparés. L'un et l'autre
concluent substantiellement ceci, je cite celui concernant M. Lagarde, et c'est
substantiellement la même chose quant à M. Archambault: "En
conclusion, dit le juge Blain, il y a absence totale de preuves à
soumettre au jury, puisqu'il ne peut y avoir d'entente entre Fontaine et
Lagarde et que le témoignage de Moreau ne peut être accepté
comme preuve de conspiration. En conséquence, le prévenu
André Lagarde est libéré et le juge Blain en vient, comme
je l'ai dit tantôt, aux mêmes conclusions dans le cas de M. Gaston
Archambault.
M. le Président, à la place de M. André Lagarde,
beaucoup d'autres se seraient contentés de cette mise en liberté.
Et, encore là, je fais remarquer au Procureur général
qu'il commet une erreur impardonnable pour un avocat et davantage impardonnable
pour un Procureur général quand il parle de l'acquittement de M.
Lagarde alors qu'il a été libéré. On sait la
distinction, quand on est avocat, et on devrait le savoir davantage quand on
est le Procureur général.
M. Lagarde n'est pas satisfait. II veut que toute la lumière soit
faite sur cette machination dont il a été la victime et,
grâce a une enquête personnelle, une enquête personnelle, pas
une enquête par la police, sans aucune aide de la police à ce
stade, M. André Lagarde parvient à rassembler les indices et fait
porter des plaintes. C'est lui qui est la cause, c'est lui qui a porté
plainte contre Marcel Jolivet, Jean-Paul Boisjoli, Marcel Sauvé, Robert
Paquin, Robert Beaudoin, Orner Fontaine et Jean-Guy Moreau.
Jean-Paul Boisjoli et Marcel Sauvé, comme je l'ai dit
tantôt, étant devant les cours, je m'abstiendrai de commenter
leurs causes. On sait qu'à l'enquête préliminaire, ils ont
été envoyés au procès. Il y a eu examen volontaire
et ils attendent leur tour aux assises et la cause a été remise
aux assises de septembre parce que, à la session de septembre des
assises, le rôle était trop chargé, a dit le juge Sabourin,
pour le mois de juin. M. le Président, je m'abstiendrai donc de parler
de leurs causes.
Mais vous me permettrez, pour éclaircir ici le débat,
replacer les choses, de vous dire que, par suite du travail de M. Lagarde,
premièrement, Jean-Guy Moreau a plaidé coupable de s'être
parjuré lorsqu'il a témoigné à l'enquête
préliminaire de M. Lagarde et il a reçu une sentence de 18 mois
de prison. M. Orner Fontaine a admis qu'il avait été
engagé pour faire une fausse déclaration impliquant Gaston
Archambault et il a reçu une sentence de deux ans de prison. Marcel
Jolivet a admis avoir fait l'impression des étiquettes et avoir
confié la lithographie des faux certificats à Robert Beaudoin et
il a été condamné à deux ans de prison. Robert
Beaudoin a admis avoir fait la lithographie des faux certificats et il a
reçu une sentence de 18 mois de prison. Robert Paquin, qui avait
refusé d'aller chercher le colis à la gare, s'est reconnu
coupable de parjure lorsqu'il avait témoigné la première
fois à la préenquête et a reçu une sentence de 18
mois de prison.
M. le Président, à la suite de la préenquête,
Me Guy Desjardins, assistant du Procureur général, je le
répète dans cette Chambre, a été obligé
d'admettre et de proclamer publiquement l'innocence de M. André Lagarde
et la non-participation de l'Union Nationale dans cette machination. Ne
l'oublions pas, M. le Président, c'est là le point
névralgique de toute la cause. Le Procureur général dans
cette Chambre fait mine de croire Orner Fontaine ou les raqots qu'il aurait
dans son dossier venant des déclarations de Fontaine, alors que son
procureur adjoint en chef, Me Guy Desjardins, son assistant le plus direct dans
l'exécution des poursuites, avec l'autorisation - c'est admis par le
premier ministre lui-même - de l'honorable premier ministre agissant
à ce moment-là comme Procureur général, a
écrit, a donné aux journaux une déclaration, un
communiqué de presse en date du 19 mars 1963, communiqué de
presse qu'il a d'ailleurs incorporé dans une lettre adressée
à M. Lagarde, M. le Président.
Ce communiqué de presse se lit comme
suit: "Montréal, 19 mars - Vu les faits
révélés lors de la préenquête devant le juge
Marc-André Blain et au cours de l'enquête policière, il
n'est que juste qu'il soit dit que j'ai aujourd'hui la certitude morale que M.
André Lagarde n'a rien eu à faire dans ce qu'il est maintenant
convenu d'appeler "L'affaire des faux certificats".
Il est dit, au deuxième paragraphe: "Les témoignages
recueillis et les déclarations obtenues indiquent que certains individus
auraient induit la police en erreur en tentant d'impliquer M. Lagarde et
d'atteindre ainsi l'Union Nationale, dont il était l'organisateur en
chef. Il est évident que la même déclaration s'applique
dans le cas de M. Archambault". C'est signé: "Guy Desjardins, substitut
en chef du Procureur général".
M. le Président, voyez-vous la différence, même dans
cette Chambre, si une telle déclaration avait été
signée, disons, le 9 novembre 1962? Le 19 mars 1963, c'est moins grave,
les élections sont passées, mais quand on a voulu, M. le
Président, en arriver à ça avant les élections,
c'est le Procureur général qui nous a bloqués.
M. le Président, je veux tout simplement replacer les choses, je
ne veux pas me faire accuser de ne pas dire en Chambre ce que j'ai dit à
la télévision, et je suis mon texte de la
télévision de très près. On l'a reconnu.
M. le Président, les journaux se sont conformés à
ce texte mais, reflétant le sentiment de l'opinion publique, ils sont
allés beaucoup plus loin, à leur tour, comme je l'avais fait
moi-même en Chambre. Ils ont posé au gouvernement, a M. Lesage et
à M. Lapalme la question fatidique: "Par qui, quand, comment, au profit
de qui la police a-t-elle été trompée?
Aveu fait par M. Desjardins que la police a été
trompée, mais par qui, quand, comment, au profit de qui? On
connaît les comparses. D'autres accusations sont actuellement devant les
tribunaux. Mais qui a ourdi cette machination? Qui l'a financée? A qui
pouvait-elle rapporter? A qui a-t-elle été effectivement
rappprtée?
Depuis deux mois, la presse, écrite et parlée, demande au
premier ministre et au Procureur général de faire la
lumière. Dans le Devoir, M. Claude Ryan constate: "M. Lapalme, qui fut
si loquace à ce sujet lors de la dernière élection, est
demeuré étrangement silencieux depuis quelques semaines. Il est
pourtant Procureur général. C'est à lui qu'il appartient
de prendre les mesures qui permettront d'apporter une réponse
satisfaisante aux questions de M. Lagarde."
Dans la Presse, M. Roqer Champoux...
M. Lapalme: Le chef de l'Opposition me permettrait-il, parce que
là je n'ai plus le document devant moi, de lui demander la date de
l'article de M. Ryan?
M. Johnson: M. le Président, j'espère que je l'ai ici.
J'ai la coupure. Comme je le disais tantôt, je me sers du texte. Je
crains que ces articles ne soient dans un autre dossier qui a servi à
préparer... C'était celui de la Presse...
M. Lapalme: La Presse, je l'ai. Ah: qu'importe! Je sais le...
M. Bertrand (Missisquoi): C'est intitulé "Le ministère des
Affaires en suspens".
M. Johnson: Je crois, M. le Président, que c'est le Devoir du 9
avril.
M. Lapalme: Qu'importe, qu'importe; C'est à cet article que je me
suis référé moi-même la semaine dernière.
M. Johnson: C'est le 9 avril 1963. Le Devoir, dans Bloc-notes: "M.
Lapalme, qui fut si loquace à ce sujet lors de la dernière
campagne, etc.."
M. Lapalme: C'est cette phrase que j'attaquais.
M. Johnson: Le 9 avril 1963, bloc-notes du Devoir.
M. le Président, le Procureur général voudrait-il
avoir la date de l'article de la Presse?
M. Lapalme: Non, je crois que je l'ai ici.
M. Johnson: C'est le 27 mars 1963.
M. Lapalme: S'agit-il de l'article signé par M...
M. Johnson: L'article de M. Pelletier. Celui de M. Champoux, c'est le 8
avril 1963. Donc, dans la Presse, M. Champoux écrit: "Nous voulons toute
la lumière. Et au risque d'avoir l'air de nous acharner, nous la
réclamerons tant et aussi longtemps que la vérité, avec le
chat, ne sortira pas du sac".
Dans l'Action catholique, le Dr Philippe Roy conclut: "Cet organisateur
de l'Union Nationale fut la victime d'une odieuse machination montée
pour compromettre et discréditer un parti politique".
M. André Laurendeau, qui fut le premier à
s'inquiéter de cette affaire, écrivait, dans le Devoir du 19
février: "Quand on s'approche si peu que ce soit de cette affaire, on a
l'impression que les égouts de Montréal s'entrouvrent. Il en
parvient de sinqulières odeurs."
M. Gérard Pelletier déclare, dans la Presse: "M.
Georges-Emile Lapalme se trouve maintenant sur la sellette, lui qui n'a pas
craint, pendant la campagne électorale, d'utiliser cet incident
comme thème de son éloquence indignée. Il a maintenant le
devoir strict de tout mettre en oeuvre pour que les coupables soient punis,
lors même que ces coupables (ce n'est pas exclu) se trouveraient
aujourd'hui encore dans les rangs du parti ou dans l'entourage immédiat
du ministre."
M. le Président, je désire réitérer ici ce
que j'ai dit à la télévision: Je blâme M. Lapalme
d'avoir imprudemment utilisé cette machination pendant la lutte
électorale sur la seule foi des dénonciateurs dont il connaissait
le dossier judiciaire, dont il avait une connaissance évidemment
officielle par ses officiers, par son assistant, par ses adjoints et par tous
ses collaborateurs.
Deuxièmement, j'insiste pour que M. Laplame démissionne,
puisqu'il n'a pas eu le courage de faire éclater devant la justice toute
la vérité en faisant rechercher les vrais coupables, même
au risque d'atteindre les gens qui pourraient être près de lui au
gouvernement.
Je blâme le premier ministre d'avoir utilisé cette
machination comme argument électoral avec tant de hâte et
d'imprudence et de laisser encore attendre son intervention après sept
mois d'accumulation de preuves et en dépit de l'insistance de M.
Lagarde.
Je blâme Me Guy Desjardins, substitut en chef du Procureur
général, d'avoir imprudemment accepté, sans
vérification sérieuse, des accusations qui salissaient un parti
politique adverse pendant une campagne électorale et d'avoir
été plus libéral que représentant de la
justice.
Il faut que les véritables conspirateurs soient
démasqués, sinon n'importe quel citoyen risque d'être
compromis dans un "frame-up", sur la foi d'une simple étiquette
apposée sur un colis envoyé par des adversaires politiques.
Si M. Lapalme n'éclaircit pas cette affaire a la satisfaction de
la justice et de l'opinion publique, il sera accusé de masquer les
véritables coupables. Le silence du Procureur général et
de ses officiers ressemblerait étrangement a la complicité, tant
qu'on refusera de vider cette affaire. Nous avons réclamé, comme
les journaux, qu'il soit prévu dans la nouvelle Loi électorale
qu'une préenquête entre en vigueur dans le cas des causes
électorales, même si M. Lapalme n'a pas aimé cette
méthode qui a pourtant secoué l'inertie de ses collaborateurs et
de la police.
M. le Président, voilà ce que je disais à la
télévision, voilà ce qui, a mon sens, on l'admettra je
pense bien, situe le problème dans sa lumière
véritable.
M. Lagarde est accusé avec précipitation, M. Lagarde est
libéré. Mais, après libération, le Procureur
général et sa Dolice n'ont pas l'air de bouger assez vite. C'est
mon opinion, c'est l'opinion des journalistes et c'est l'opinion
répétée ce matin par M. André Laurendeau, dans le
journal Le Devoir, édition du 30 mai, article intitulé: "M.
Lapalme et l'affaire des faux certificats. M. Georges-Emile Lapalme, Procureur
général, a parlé avant-hier avec beaucoup
d'éloquence et à bâtons rompus. L'un de ses chemins de
traverse l'a conduit vers un journaliste du Devoir, Mario Cardinal. M. Lapalme
nous permettrait-il de lui rappeler qu'à un moment donné toute
l'affaire des faux certificats a rebondi, précisément grâce
à un article de M Cardinal dans le Devoir du 16 février dernier.
Cet article était fondé sur le témoignage de Guy Moreau et
non sur celui d'Orner Fontaine. A la suite de cette publication, la
préenquête fut rouverte et elle conduisit à des conclusions
bien différentes de la première. Or, si nous avons publié
cet article, c'est que l'affaire des faux certificats nous avait paru,
dès le début, étrange et quasi incroyable. Elle
prêtait à M. Lagarde une conduite maladroite et stupide.
L'accusation était imprudente. Elle frappait un adversaire politique en
pleine période électorale. Cela rappelait trop une vieille
tradition politicienne du Québec. Par la suite, continue M. Laurendeau,
il a paru qu'on n'avait pas tiré la question au clair..."
M. Lapalme: Je voudrais invoquer le règlement, non pas dans
l'intention d'arrêter le chef de l'Opposition dans la lecture d'un
article de journal, parce que c'est une règle élémentaire.
Voici un journaliste qui commente le discours que j'ai prononcé la
semaine dernière, et le chef de l'Opposition, à l'appui de son
argument, cite, à mon point de vue, en violant le règlement, un
article de journal qui commente un débat en cours. Bien oui, bien oui.
C'est correct. Je suis prêt à répondre.
M. Johnson: M. le Président, je serai obligé d'interrompre
l'article, mais je prends à mon compte certaines parties de cet article.
C'est moi qui les prends à mon compte. Exactement.
M. Lapalme: Ce n'est pas la même chose...
M. Johnson: Le "frame-up" contre M. Lagarde a été
monté, la justice est intervenue avec une imprudente
célérité, et les enquêtes qui ont suivi la
libération de M. Lagarde ont traîné et n'ont mené
nulle part, sauf dans la mesure où M. Lagarde s'en est occupé
lui-même et a poussé la couronne et la police a agir.
M. le Président, il y eut de l'incompétence ou des
complicités quelque part. Le moins qu'on puisse dire, c'est que certains
collaborateurs du Procureur général
ont cru trop vite à l'histoire des faux certificats, ils ont trop
vite et trop brutalement inculpé M. Lagarde. Simple naïveté
peut-être, mais on n'aime pas savoir que la justice repose entre des
mains trop naïves, on n'aime pas penser qu'une accusation imprudente
pourrait demain être portée contre un autre citoyen du
Québec, contre un autre adversaire du gouvernement.
M. le Président, puisque j'ai lu pratiquement tout l'article et
que je ne veux pas être accusé de sauter des paragraphes...
M. Lapalme: Est-ce que c'est bien l'expression utilisée, que j'ai
bien entendue plutôt, "des mains trop naïves?"
M. Johnson: C'est ça: On n'aime pas savoir que la justice repose
entre des mains trop naïves.
M. le Président, on voit la délicatesse de M. Laurendeau,
dans un paragraphe que je n'ai pas lu; voyez comme il est délicat, comme
il est prudent: "Nous croyons, faut-il le souligner, en la probité
personnelle de M. Lapalme, mais ne se hâte-t-il pas trop de couvrir tout
le monde?"
M. Lapalme: Cela fait toujours ça.
M. Bellemare: Mais c'est le dernier bout qui est bon.
M. Johnson: "Mais ne se hâte-t-il pas trop de couvrir tout le
monde?"
M. Lapalme: Je prends mes responsabilités.
M. Johnson: M. le Président, si le Procureur
général continue à affirmer qu'il couvre tout le monde,
moi, je serai à la veille d'affirmer que c'est tout le monde qui couvre
le Procureur général dans cette cause. M. le Président,
c'est à ce point-là grave, et si le Procureur
général est prêt a couvrir M. Desjardins, son imprudence
lors de l'arrestation de M. Lagarde, la police provinciale qui s'est
laissée traîner les pieds après la libération de M.
Lagarde, eh bien, ça commence à être grave. M. le
Président, il va falloir choisir entre le Procureur
général et ses représentants.
Le Procureur général avait à répondre
à des accusations très graves que j'avais portées l'autre
jour. J'avais dit que le Procureur général avait manqué a
son devoir au moment de l'arrestation, qu'il avait manqué à son
devoir en ne démentant pas certains titres de journaux, et en ne prenant
pas les précautions nécessaires pour que cette cause "sub judice"
ne soit pas exploitée, même par le premier ministre: et ensuite,
Qu'il manquait à son devoir ou que la police manauait à son
devoir, lorsqu'elle s'est traîné les pieds avant de porter des
accusations, puisqu'elle n'a marché que lorsqu'elle était
poussée à le faire, devant des preuves accablantes
accumulées par le travail de M. Lagarde et exposées dans la
préenquête.
M. le Président, vous pensez que le Procureur
général s'est défendu tout seul l'autre jour? Non, selon
sa méthode habituelle, M. le Président, il a pris un long
détour après nous avoir dit l'autre semaine... Parce que moi, je
lui avais donné une demi-heure à la fin de ma première
intervention, j'ai arrêté de parler à neuf heures et demie,
et tout le monde sait que j'aurais pu continuer jusqu'à dix heures. Le
Procureur général, a ce moment-là, a dit: "Je suis de
bonne foi, j'espère que j'aurai la grandeur d'âme de ne pas me
servir d'un document que j'ai ici". Or, mardi dernier, il s'est servi de ce
fameux document. Pourquoi? Une longueur de document, M. le Président,
juste pour en arriver à une phrase, dont il espérait une grande
diffusion; il n'a pas espéré en vain puisque tous les journaux
l'ont reproduite. Je ne sais pas si la radio et la TV en ont parlé.
C'était juste cette phrase où, d'après Orner Fontaine, un
nommé Lévesque, gendarme de la police provinciale, aurait dit:
"J'ai parlé à Daniel Johnson à sa maison privée,
direct."
M. le Président, ça c'est important pour le Procureur
général. Pour lui, ce n'est pas important de se défendre,
montrer qu'il avait fait son devoir, que Guy Desjardins, qu'il couvre, a fait
son devoir, que le président de la fédération
libérale, candidat dans Montréal, organisateur du candidat Guy
Gagnon dans Montréal-Saint-Jacques, adversaire du député
de Saint-Jacques actuel, M. Jean-Paul Cardinal n'avait pas été
imprudent. Jean-Paul Grégoire, dis-je, c'est un lapsus presque
impardonnable. M. le Président, vous pensez qu'en homme sérieux,
il a défendu ces hommes-là et démontré qu'ils
avaient fait leur devoir? Non, il a pris un placotage pour tâcher
d'accrocher le chef de l'Opposition afin que dans la province, on dise: Ah oui,
il doit être mêlé à ca, le chef de l'Opposition.
M. le Président, regardons la source et voyons comment est
sérieux le Procureur général quand il s'agit de la
réputation des membres de cette Chambre et de la réputation d'un
chef de parti. Il prend une supposée, je crois que c'est vrai,
déclaration faite par Orner Fontaine; une deuxième
déclaration, ledit Orner Fontaine rapportant des propos d'un gendarme du
nom de Lévesque, que je ne connais pas, de qui je n'ai jamais
reçu d'appel, je le nie; mais, le Procureur généra! selon
sa méthode habituelle pour jeter du doute dans la province sur le chef
d'un parti et sur tout le parti, se sert de qui? D'Omer Fontaine! Voyez le
sérieux de l'autorité citée par le Procureur
général. M. le Président. Qui est
Orner Fontaine? Détenu parce qu'il était allé
chercher les certificats à la gare. M. Omer Fontaine, à ce
moment-là, avait déjà purgé cinq sentences: en
1957, je vous demande pardon... $40 d'amende et frais pour flânage; 1958,
trois sentences, deux mois, six mois, trois mois, respectivement pour les
infractions suivantes: vol d'automobile, vol simple et avoir induit la police
en erreur; 1959, trois mois pour tentative de vol. Voilà l'homme que la
Procureur général appelle à sa rescousse pour tâcher
de jeter du discrédit sur le chef de l'Union Nationale. Ça, c'est
indigne d'un homme de cette Chambre, M. le Président. Ça, c'est
la source du Procureur général, c'est sa seule source, son unique
source. Si cela venait du député des Iles-de-la-Madeleine, M. le
Président, je ne serais pas surpris...
M. Lacroix: II est tout discrédité d'avance, le chef de
l'Opposition.
M. Johnson: Je vous demande pardon? Une voix: Laissez faire.
M. Johnson: Le député "champion-mâcheur-de-gomme",
M. le Président, pourrait peut-être répéter;
après avoir ôté sa gomme, on comprendrait mieux.
M. le Président, le Procureur général, au lieu de
prouver dans cette Chambre, comme c'était son devoir de le faire, que
ses représentants et lui ont fait leur devoir, à l'occasion de
l'arrestation de M. Lagarde, prend le témoignage d'un repris de justice
qui rapporte les ragots que lui aurait fait un policier provincial, pour
tâcher de jeter du discrédit. Et il pense s'en sauver ainsi. M. le
Président, non. J'irai à la télévision et
j'expliquerai combien est indigne la conduite du Procureur
général.
Le Procureur général a voulu se sortir de cette impasse en
attaquant un juge. D'abord, disons que ce n'est pas mon rôle de
défendre un juge plutôt qu'un autre. Deuxièmement, M. le
Président, on sait que ce n'est pas la première fois que le
Procureur général attaque des juges, toute la magistrature. Il a
déjà, en cette Chambre, tenu des propos tels que même les
avocats les plus férus en politique libérale en étaient
tout simplement scandalisés. Il est revenu à la charge, M. le
Président, en faisant planer des doutes quant à
l'intégrité du juge dont le travail à la
préenquête a non seulement fait éclater une partie de la
vérité, mais conduit à l'emprisonnement de cinq des
collaborateurs dans cette affaire des faux certificats, l'honorable juge Blain.
Il se sert de quoi pour ça? II se sert d'une lettre qu'aurait
écrite M. Jean-Guy Moreau qui est actuellement à purger une
sentence de 16 mois pour s'être parjuré, lettre interceptée
par la censure de Bordeaux. M. le Président. quand on lit les
débats, quand on lit ce qui est paru dans les journaux,
particulièrement dans le journal La Presse, on ne peut se retenir
d'avoir une espèce de haut-le-coeur de cette sortie intempestive contre
un juge, basée sur une lettre d'un homme qui est sous l'effet d'une
accusation, qui purge actuellement une sentence. Le juge Blain a fait une
déclaration.
M. Lapalme: II en a même fait une deuxième.
M. Johnson: Je ne sais pas, M. le Président.
M. Lapalme: II paraît qu'il y en a une cet après-midi.
M. Johnson: M. le Président, je ne suis pas chargé de
défendre particulièrement le juge Blain, mais je voudrais
protester contre la manière qu'a le Procureur général de
jeter du discrédit sur les juges. Correct, notre système
prévoit que les juges sont nommés par le gouvernement au pouvoir.
De notre temps, il s'est nommé des gens qui étaient de l'Union
Nationale, et du temps des libéraux, il s'est nommé des gens qui
étaient libéraux. Le Procureur général ne s'est pas
gêné pour nommer, en premier lieu, sauf erreur, son organisateur
depuis des années, Emile Trottier, juge des sessions de la paix. M. le
Président, admettons ça.
Les avocats de la couronne, cela a toujours été fait de
même, c'étaient des gens qui avaient fait de la politique, des
avocats en chef. C'est bien comme M. Desjardins, ça va peut-être
vous intéresser de savoir ça, le Procureur général
ne le sait peut-être pas. M. Desjardins a une espèce de motif
spécial d'être plus ardent et plus travailleur lorsque je suis
inclus dans une cause; c'est l'avocat orateur libéral qui a mangé
les pires rondes qu'un politicien ait jamais mangées sur une estrade,
quand il est venu parler contre moi à des assemblées
contradictoires, deux fois, M. le Président.
M. Lapalme: Ce n'était pas à la
télévision?
M. Johnson: Cet homme-là a été tout simplement
hué par les foules. Il a été ridiculisé par les
foules, alors qu'il venait se mesurer contre moi dans Baqot et ailleurs,
à deux endroits différents. Alors il a une espèce
d'ardeur, M. le Président, un enthousiasme spécial quand il
s'agit du député de Bagot. N'ayant pu m'atteindre sur les
tréteaux, il aurait été très heureux de m'atteindre
ailleurs.
M. le Président, moi je les connais, les juges. J'en connais
plusieurs qui ont siégé dans cette Chambre, qui étaient
des gros iouteurs dans l'Opposition, qui étaient des
anciens, qui ont été des ministres dans un cabinet
libéral. Et je vous déclare, comme avocat, depuis 23 ans, au
Barreau de Montréal, que je n'hésiterais pas à aller
plaider devant ces gens-la parce que je suis sûr qu'ils ont
l'étoffe morale nécessaire pour mettre de côté la
politique et préférer la justice en tout temps. Je dis ça
à l'acquis de juges qui ont été nommés par les
libéraux à la Cour supérieure comme à la Cour des
sessions de la paix, et à la Cour de magistrat. Je crois qu'on peut dire
la même chose de ceux qui ont été nommés du temps de
l'Union Nationale. A moins de preuves contraires, c'est ça qu'est la
situation, et c'est ça le statut des juges dans la province de
Québec. C'est le respect que j'ai pour eux quand ils restent juges.
Quand ils descendent comme commissaires, c'est une autre affaire. Nous en
parlerons en d'autres circonstances, M. le Président. Mais quand ils
restent dans le rôle de juges, opérant en vertu de nos lois,
surtout de nos lois criminelles, je suis, moi, un avocat parmi les avocats qui
respectent tous les juges, à moins d'une preuve très forte contre
un juge en particulier, M. le Président, le Procureur
général actuel passera à l'histoire comme étant le
Procureur général qui a le plus nui à la magistrature,
sans distinction, sans preuve suffisante, avec une
légèreté indigne d'un homme qui occupe un poste
pareil.
M. le Président, vous voyez la gravité de la sortie du
Procureur général, quand vous savez comment on a
procédé et quelles sont les erreurs que le Procureur
général, avocat, ministre de la Justice dans la province de
Québec, a commises en jugeant le cas du juge Blain. D'abord, le
Procureur général s'est placé tout de suite au niveau
d'une Cour d'appel. Il devrait savoir qu'il y a une distinction entre le
judiciaire et l'exécutif, et que c'est quelque chose qui ne marche pas,
au premier palier du judiciaire. La manière de le corriger, M. le
Président, c'est par le second palier du judiciaire et non pas
l'exécutif.
Deuxièmement, il base toute son affaire sur une lettre d'un
homme, gui est actuellement sous le coup d'une sentence, je l'ai dit, de
dix-huit mois, M. Moreau. Le Procureur général aurait pu se
demander si c'est réellement M. Moreau qui a dicté cette
lettre-là. Il aurait pu se demander ça, en homme prudent. Le
Procureur général devrait savoir que M. Moreau a écrit
cette lettre-là, il le dit lui-même dans sa lettre: "Au moment
où il vient d'être changé de cellule et qu'il a un
compagnon". Un compagnon qui a dicté, qui a aidé à dicter
la lettre, un compagnon qui a probablement été placé
là par les avocats qui sont assistants du Procureur
général, M. le Président. Un "stool", comme on appelle
ça et qui a dicté, influencé les lettres. M. Moreau l'a
dit lui-même. M. Moreau a été questionné par M.
Guy Desjardins et Me Bellemare. Et le Procureur général
nous a dit que c'était en vue de la cause de Boisjoli et Sauvé,
parce qu'il sera témoin dans la cause de Boisjoli et Sauvé. Je
dirai d'abord que le Procureur général ferait mieux de s'informer
auprès de M. Bellemare sur quel ton il a parlé au juge Blain et
sur quel ton se sont échangées les remarques entre le juge Blain
et lui sur cette histoire de voyage à Bordeaux: "C'est pas de tes
affaires, c'est pas de vos affaires". Il faudrait avoir le ton, mais quand
c'est donné avec la dramatisation du Procureur général,
ça a l'air d'une affaire grave.
Je dirai d'abord au Procureur général que Guy Desjardins
ne s'est jamais déplacé pour aller questionner qui que ce soit
à Bordeaux, M. le Président. C'est la première fois. Il
avouera ça, Guy Desjardins, lui. Deuxièmement, je déclare
dans cette Chambre, sur des renseignements dignes de foi, qu'il n'a pas
été question de la cause de Boisjoli ni de celle de Sauvé,
qui s'en vient, mais que Guy Desjardins est allé là pour, encore
une fois, essayer de savoir si M. Lagarde n'avait pas imprimé des faux
bulletins ou des bulletins illégaux pour l'élection provincale,
M. le Président. On cherchait encore quelque chose contre M. Lagarde,
à ce moment-là. Le Procureur général, avec un air
de sainteté, M. le Président, avec un de ses airs d'archange -mon
Dieu! que ça ne marche pas avec son physique! - avec ce ton d'archange,
dit: "M. Desjardins s'en va là-bas pour préparer ses causes
contre Boisjoli et Sauvé". Un juge a eu le malheur de lui dire: "Mais
qu'est-ce que vous faites là''" M. le Président, il n'est pas
allé là pour préparer ses causes; il est allé
là pour essayer encore de trouver quelque chose contre M. André
Lagarde. M. Desjardins s'acharne encore; non seulement Desjardins, mais
Jean-Paul Grégoire, président de la fédération
libérale, il y a quelques années, candidat, M. le
Président, dans Saint-Jacques, organisateur de Guy Gagnon contre M.
Dozois, député actuel de Saint-Jacques. M. Jean-Paul
Grégoire, M. Desjardins et d'autres dans l'entourage du Procureur
général, je le déclare de mon siège, ne collaborent
pas avec M. Lagarde, mais font tout leur possible pour trouver quelque chose
contre M. Lagarde, afin de le déprécier dans l'opinion publique.
C'est ça la collaboration de la police et de la couronne, M. le
Président.
M. le Président, le Procureur général dit: "Nous
savons qu'il est vrai que le juge Blain a téléphoné
à Moreau et je vais, dès que je serai sorti de ces apparitions en
Chambre, où je suis tenu depuis quatre semaines, écrire au
ministre de la Justice pour voir s'il est vrai que le juge qui a
condamné et celui qui n'a rien à faire dans la cause ont,
seulement quelques semaines
après cette affaire, demandé au ministère de la
Justice de libérer Moreau." M. le Président, le Procureur
général devrait savoir ça; tous ceux qui pratiquent le
droit savent ca, que du moment qu'un accusé a reçu sa sentence,
il commence déjà des démarches pour sa libération.
Il y a une commission spéciale à Ottawa, qui s'appelle la
Commission des pardons, dirigée par le bureau du Solliciteur
général, où siègent, entre autres, M. Godbout, je
pense, qui en est le secrétaire, M. Dion et d'autres. M. le
Président, c'est habituel. Le Procureur général devrait
savoir que c'est le devoir du juge qui connaît quelque chose à la
cause d'envoyer un rapport à Ottawa qui l'exige. Le juge Blain, s'il est
vrai qu'il a écrit à Ottawa, l'a fait, M. le Président, en
accomplissant son devoir. Même si ce n'est pas lui qui a condamné
M. Moreau, c'est lui qui connaissait toutes les circonstances dans lesquelles
M. Moreau s'est placé à un moment donné. C'est lui, le
juge Blain, qui était le mieux placé pour donner à la
Commission des pardons toutes les circonstances qu'il connaissait mieux que
n'importe quel juge, mieux que n'importe quel policier, et certainement mieux
que le Procureur général, concernant la cause de M. Moreau, M. le
Président.
Le Procureur généra! sait-il que son assistant à
lui, M. Bellemare, devant le juge Chevrette, a déclaré, en sa
qualité officielle d'avocat de la couronne, donc représentant le
Procureur général: "M. le juge, moi je serais satisfait du temps
passé en prison dans le cas de M. Moreau, parce que je connais les
circonstances de son parjure qu'il vient d'avouer et je sais les services qu'il
a rendus à la justice?" M. le Président, c'est le Procureur
général qui demande au juge Chevrette: "Donnez-lui le temps
passé en prison", et c'est le même Procureur général
qui s'en vient blâmer un juge qui, remplissant un devoir que lui impose
l'administration de la justice à Ottawa, l'administration du Code
criminel, est prêt à donner en faveur de Moreau les circonstances
qu'il connaît objectivement.
M. le Président, c'est indigne du Procureur général
d'avoir ainsi oublié son rôle. C'est indigne d'avoir
oublié. C'est inconcevable qu'un Procureur généra! ne
sache pas ca ou, le sachant, soit allé au point où il accuse un
juge et laisse planer des doutes sur l'intégrité du juge Blain.
M. le Président, ce n'est pas l'opinion de tout le monde sur le juge
Blain. J'aimerais lire ici un éditorial du Montreal Star, March 25th.
C'est intitulé: "Shameful Frame-Up - Two men originally charged in the
voting slip scandal of the last provincial election have been formally
exhonorated." Il s'agit de MM. Archambault et Laqarde. "The Crown prosecutor in
charge of the case for the Crown has had the grace to state publicly that
André Lagarde, the Union National Party chief organizer in Montreal, and
Gaston Archambault, former Head of the Provincial Police Homicide Squad, were
clear of any implication in the counterfeit case. In other words it was a
frame-up and one that might have succeeded, but a chain of circumstances
involving a man's conscience and the determination of a judge to make full
inquiry before loosely issuing warrants or allowing charges to be heard."
M. le Président, c'est l'éditorialiste qui dit que c'est
un cas de "frame-up" et c'en est un qui aurait réussi à moins
d'un concours de circonstances qui impliquent la conscience d'un homme et la
détermination d'un juge de faire une enquête complète avant
de permettre "loosely" l'émission d'un mandat ou avant de permettre que
des accusations soient portées.
M. le Président, voilà un compliment fait au juge qui
s'est servi de la préenquête. Est-il nécessaire d'entrer
dans cette discussion au sujet de la préenquête? C'est
drôle, M. le Président, pendant trois heures de temps, le
Procureur qénéral n'a pas trouvé un mot de reproche envers
ceux qui auraient trompé la police, mais il a trouvé des mots de
reproche et des insinuations malveillantes contre ceux qui ont fait
éclater une partie de la vérité, dont le juge Blain.
M. Moreau, je ne le connais pas. Je ne l'ai jamais vu. Mais le Procureur
général oublie-t-il que M. Moreau a été
interrogé par la police? Il doit avoir ca dans ses documents. Le 13
décembre, il a été interrogé par deux officiers de
la police. Ces officiers ont fait rapport que M. Moreau n'était pas un
témoin qu'on devait amener dans la cause de M. Lagarde. Trois jours plus
tard, M. Moreau aboutit au bureau de M. Desjardins et devient témoin
à l'enquête préliminaire de M. Lagarde.
M. le Président, le Procureur général nous a offert
de déposer des documents. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il les
dépose et tout ce qu'il a à déposer. Qu'il ajoute, par
exemple, parmi les documents, le rapport fait par les agents de la Police
provinciale à leurs supérieurs, à la suite de
l'interrogatoire de Moreau, le 13 décembre 1962. Là, la Chambre
et le public découvriront que deux agents disent à leurs
supérieurs: "Moreau, ca ne se peut pas". On verra ca dans les
enquêtes qui ont suivi et puis dans les témoignages
assermentés, dans les déclarations de Moreau au moment où
il s'en va s'ouvrir au juge Blain devant qui il s'était
parjuré.
M. le Président, M. Moreau, interrogé pendant une couple
d'heures par les deux policiers, avait en main ces certificats. Il dit: "Non,
je n'en ai jamais coupé, moi, de ces certificats d'électeurs." Il
avait le sien et celui de sa femme parce qu'il n'était pas allé
voter. Alors les policiers ont fait un
rapport disant: M. Moreau ne peut pas aller témoigner qu'il a
coupé des certificats. Il l'avait entre les mains ce certificat-la
pendant deux heures de temps. Il ne s'est pas rendu compte que c'était
ça.
M. le Président, trois jours après, M. Moreau aboutit au
bureau de M. Desjardins. Pourquoi? C'est Moreau qui nous donne la
réponse. "Parce que, dans l'intervalle, dit Moreau, Marcel Sauvé
et Jean-Paul Boisjoli l'ont recruté et l'ont sommé d'être
témoin et d'aller dire qu'il avait coupé ces certificats a
l'imprimerie de M. Lagarde ou ce serait le fleuve Saint-Laurent..."
M. Bellemare: C'est vrai.
M. Johnson: M. Moreau dit: "J'ai eu peur pour moi et ma famille et j'ai
consenti a aller témoigner que j'avais coupé, à
l'imprimerie de M. Lagarde, mon exemployeur, des faux certificats; j'ai eu peur
des menaces de Marcel Sauvé".
C'est ce rapport que j'aimerais voir, moi, ici. J'aimerais voir le
rapport des officiers Auclair et Healey qui sont allés à
Montréal, à l'hôtel Laurentien, pour interroger deux
personnes que Me Jean-Paul Grégoire leur a présentées sous
les noms de Soucy et de Beaulieu.
M. Lapalme: Ils ont témoigné tous les deux...
M. Johnson: Oui, mais qu'on dépose le rapport complet, tous les
autres documents et tous les autres rapports relatifs a cette affaire. M. le
Président, qu'on vide l'affaire. Et pendant qu'on y est, que M. Cantin
donne donc au Procureur général les transcriptions des
conversations téléphoniques sur les lignes "tapées", qu'il
déposera.
Ce n'est pas confortable, M. le Président, de se battre dans
cette affaire contre la police, la couronne, le gouvernement. Ce n'est pas
facile. Je donne l'avertissement solennel au Procureur général:
quand il s'agit de Marcel Sauvé, il faut y aller avec des
précautions. Jean-Paul Boisjoli nous envoie des
télégrammes. Ce n'est pas tellement grave. Mais le Procureur
général sait de quel bois se chauffe Marcel Sauvé. Je ne
parle pas de sa culpabilité dans cette affaire. C'est sub judice. Mais
je parle du personnage. J'avertis le Procureur général qu'il y a,
dans l'entourage de M. Lagarde, dans sa famille, sa femme, ses enfants et ses
parents, de l'inquiétude. Le Procureur général sait ce que
je veux dire, parce que le Procureur général a déjà
donné une opinion sur Marcel Sauvé et ses activités
passées. S'il arrivait un malheur à M. Lagarde ou a quelqu'un de
sa famille, ou même a quelqu'un de ma famille ou a celui qui vous parle,
M. le Président, en relation avec cette affaire, c'est le Procureur
général qui en porterait la responsabilité, après
l'avertissement que je lui donne cet après-midi.
M. Lalonde: Ah, ah:
M. Johnson: M. le Président, le député de
Saint-Henri peut rire de ça, peut-être qu'il s'entendrait bien
avec Marcel Sauvé.
M. Lalonde: Oui, très bien.
M. Johnson: Est-ce qu'il le connaît, M. le Président?
M. Lalonde: Je pense que vous le connaissez beaucoup mieux que moi. Moi,
je ne le connais pas du tout, je crois que le chef de l'Opposition le
connaît.
M. Johnson: Ce n'est pas le cas, M. le Président.
M. Lalonde: Je crois qu'il le connaît pareil.
M. Johnson: Je ne l'ai jamais vu, mais je sais quelle opinion le
Procureur général a de Marcel Sauvé et quelle opinion il a
exprimée en certains milieux.
M. Lalonde: D'accord.
M. Johnson: Le député de Saint-Henri est mieux de
s'informer avant de traiter ça à la légère. Marcel
Sauvé se dit le "bouncer" officiel du parti libéral. C'est
drôle que le député de Saint-Henri ne le connaisse pas,
hein!
M. Lalonde: Oui, certain.
M. Johnson: Peut-être qu'il lui a été
présenté par M. Grégoire sous le même nom, celui de
Beaulieu.
M. Lalonde: Non.
M. Johnson: Non, comme M. Boisjoli se dit le bras droit du Procureur
général.
M. Lapalme: C'est aussi bien que la citation d'un rapport que j'ai lu et
contre lequel s'est indigné le chef de l'Opposition.
M. Johnson: M. le Président, cela a été dit en
cour.
M. Lapalme: Cela a été ma réponse.
M. Johnson: Cela a été dit en cour, M. le
Président.
M. Lapalme: Eh bien oui!
M. Johnson: Publiquement...
M. Lapalme: L'autre a été dit sous serment.
M. Johnson: Cela a été rapporté par ouï-dire,
M. le Président.
M. Lapalme: Bien oui.
M. Johnson: Est-ce que M. Boisjoli a la même que M. Fontaine?
M. Lapalme: Est-ce que quoi?
M. Johnson: Est-ce que M. Boisjoli a la même feuille de route que
M. Fontaine? Est-ce qu'il a autant de condamnations que M. Fontaine en avait?
M. le Président, moi, je vais croire...
M. Lapalme: II y a eu une cause contre lui, un jugement.
M. Johnson: L'affaire du chemin de ferme. M. le Président, je
vais croire que le bras droit du Procureur général c'est
Jean-Paul Boisjoli; Non. J'aimerais que le Procureur général soit
assez gentilhomme pour dire qu'il ne croit pas que j'aie quelque chose à
faire avec M. Lévesque ou avec M. Fontaine dans cette cause.
M. Lapalme: Bien, tout à l'heure, je vais parler justement de
ça.
M. Johnson: M. le Président, ç'a été
publié, par exemple.
M. Lapalme: M. le Président, je n'ai pas plus aimé
l'allusion que j'aurais appelé les juges de la Cour d'appel que le chef
de l'Opposition n'a aimé la déposition que j'ai faite.
M. Johnson: M. le Président, si le Procureur
qénéral se sert des dispositions et de tout ce qu'il a dans ses
dossiers pour se venger des ennemis politiques, c'est exactement ce que je lui
reproche. Il oublie que le Procureur général doit avoir la fibre
morale et la grandeur d'âme d'appliquer la justice avant de faire de la
partisanerie. C'est justement l'inverse qu'il a donné avec ca.
M. le Président, Jean-Guy Moreau est allé devant le juge
devant lequel il s'était parjuré et a dit: "M. le juge, moi, je
me suis parjuré parce que j'avais peur de M. Sauvé". Il faut
prendre son aveu tel qu'il est, un aveu est indivisible, et il a reçu
une sentence de deux ans pour ca, M. le Président. Quand on lit les
journaux La Presse et Le Devoir - et je ne blâme aucun journal, comment
voulez-vous que ces qens là se débrouillent dans toute cette
affaire compliquée - quand on lit les journaux, on a l'impression que le
Procureur général a voulu dire que M. Moreau, c'était
l'instrument qui avait induit la police en erreur, alors que Jean-Guy Moreau
n'est pas entré dans le portrait, M. le Président, le soir
où... C'est là - et je rejoins ma première idée -
que, brièvement, je porte de nouveau l'accusation. Qu'avait-on pour
accuser M. André Lagarde, le 3 novembre?
M. Bellemare: Rien.
M. Johnson: Qu'avait-on pour accuser Gaston Archambault, le 3
novembre?
M. Bellemare: Rien.
M. Johnson: Quant à Lagarde, M. le Président - le
Procureur général pourrait vérifier ca - M. Fontaine,
recruté à 7 h 30, malgré l'annonce qu'en avait faite le
Procureur général à 6 heures que quelqu'un irait le soir,
a dit, lorsqu'il a été arrêté: "Je ne connais pas M.
Lagarde, je ne l'ai jamais vu". On a fait arrêter André Lagarde le
lendemain. Il a dit: "Je suis envoyé ici pour M. Gaston
Archambault."
Il y a une chose curieuse là-dedans, c'est pour ca que le
Procureur général doit comprendre pourquoi je m'acharne à
vouloir faire la lumière dans cette affaire. M. Archambault était
arrêté et se livrait le samedi matin le 3 novembre. A ce
moment-là, la police avait entre ses mains M. Fontaine, et jamais, on
n'a fait rencontrer les deux, on n'a confronté les deux, jamais on n'a
dit a Fontaine: "Viens donc voir si c'est l'Archambault en question" Jamais.
Pourquoi? Moi je suis justifié de dire qu'à ce moment-là
quelqu'un de la police provinciale savait que M. Fontaine était un homme
engagé pour faire ces choses-là, ce qu'il a admis d'ailleurs,
offense pour laquelle il est en prison pour deux ans.
M. le Président, qu'on m'explique ca, cette affaire-là.
Pourquoi pas de confrontation, pourquoi attendre juste à l'enquête
préliminaire?
Ah! le Procureur général est suave! Il dit: "On l'a
déménagé parce qu'à Montréal, on ne pouvait
pas, il y avait des gens qui s'introduisaient dans sa cellule". Cela
n'aurait-il pas été plus facile de changer quelques policiers, M.
le Président? Cela me fait penser à un bedeau, un bedeau de
l'histoire: le câble était trop long; on a haussé le
clocher plutôt que de couper le câble, M. le Président.
Plutôt que de changer les qars qui faisaient la garde des prisonniers, on
change le prisonnier de place. C'est bien moins compliqué de même.
On l'amène à Québec et là, le Procureur
général se lamente, il y a un dénommé Simard, que
je ne connais pas, oui est allé lui faire une proposition.
M. Bellemare: On monte encore le clocher.
M. Johnson: On monte encore le clocher, M. le Président.
Franchement, le Procureur général expliquera pourquoi il
était aux petits oignons, M. Fontaine, pourquoi il avait des
congés, lui, puis, pourquoi les officiers étaient obligés
de jouer aux cartes avec lui pour l'amuser, ce cher petit garçon. Il
fallait le garder de bonne humeur, il fallait le garder bien disposé.
Quelqu'un de la police savait qu'il fallait le garder de bonne humeur pour
qu'il témoigne comme il faut. M. le Président, malgré
ça, il a lâché, puis, parce qu'il a lâché, il
a été condamné. Moi, je suis porté à donner
plus de crédulité... Une voix: Crédibilité..
M. Johnson: ...crédibilité au témoignage qui
mène un homme en prison quand il plaide coupable qu'à celui qui
pourrait l'aider à rester en dehors de la prison. Le témoignage
de Moreau, qui dit qu'il s'est parjuré et s'expose ainsi à aller
en prison, moi, je trouve que c'est beau. Il faut que ce soit cru. Quand un
homme paie de sa personne, ça commence à être important.
Encore là, M. le Président, je ne veux pas faire dévier la
cause.
Pourquoi M. Fontaine a-t-il été baladé de
même? II est allé ailleurs, à part ça,
paraît-il, peut-être a Outremont? A ce moment-là, s'est-il
trouvé des policiers pour essayer de lui dire: Ecoute, Archambault n'est
pas mêlé à ça, et puis tu as besoin de ne pas
parler? Ça se peut, M. le Président. Je ne nie pas ça,
moi. Il n'y a pas que des gens zélés là-dedans. Mais je
pense qu'ils avaient fichument raison, moi, je ne sais pas, le reste de
l'histoire le prouve. Quand il s'est trouvé pour la première fois
confronté à M. Archambault, il a dit: "Je ne suis pas assez
sûr pour dire que c'est lui."
M. Lapalme: Et n'est-ce pas là que M. Archambault a
été acquitté? C'était à défaut
d'identification à l'enquête.
M. Johnson: M. le Président, ils auraient pu le confronter.
M. Lapalme: Non, mais c'est ce que j'ai dit. Le grand plaidoyer qu'a
fait le chef de l'Opposition, je ne veux pas l'interrompre. Lorsque je le
rejoins dans la première partie, si le chef de l'Opposition me le
permet, ça revient à ce que j'ai dit avant-hier, que le
défaut d'identification d'Archambault lors de l'enquête nous a
fait conduire à l'acquittement, à l'enquête.
M. Johnson: M. le Président, si, avant le 14 novembre, le samedi
3...
M. Lapalme: Non, non. Ce n'est pas ça que je veux dire.
M. Johnson: Si on avait présenté les deux, si Fontaine
avait dit à ce moment-là: Je ne le connais pas, ce n'est pas
lui...
M. Lapalme: Non, non.
M. Johnson: ... La cause tombait. Cela, ca faisait de la peine à
un nommé Jean-Paul Grégoire.
M. Lapalme: Ah oui! Cela ca lui faisait de la peine. La partie de
l'argument, le 3, je ne veux pas revenir là-dessus pour interrompre le
chef de l'Opposition, seulement je saisis au vol une de ses paroles, au moment
où, à l'enquête, Fontaine, regardant Archambault, dit qu'il
n'est pas certain que ce soit lui, je dis que ce que j'ai dit avant-hier,
c'était vrai, qu'à l'enquête ç'a été
le défaut d'identification d'Archambauit qui a fait acquitter
celui-ci.
M. Johnson: M. le Président, ce qu'il a dit hier, le Procureur
général, dans les journaux, je l'ai lu tantôt, parce qu'ils
ont changé leur version en cour; "Mais, heureusement qu'à un
moment donné, ceux qui trompaient la police ont déclaré
devant la cour ce qu'ils avaient dit n'était pas vrai, d'où
acquittement, à l'enquête préliminaire, de deux
accusés."
M. le Président, on laisse entendre Moreau et Fontaine. A ce
moment-là, Moreau a rendu un témoignage.
M. Lapalme: Ah oui, Fontaine, Moreau est arrivé longtemps
après.
M. Johnson: M. le Président, le Procureur général
nous expliquera pourquoi les policiers, les avocats de la couronne n'ont pas
fait rencontrer Archambault et Fontaine dès le samedi 3 novembre. Ils
les avaient tous les deux.
M. Lapalme: Je ne sais pas, moi, pourquoi ils ne l'ont pas fait. Je ne
sais pas pourquoi ils n'ont pas succédé à Lagarde, je ne
le sais pas, moi.
M. Johnson: M. le Président, c'est ca qui nous inquiète.
C'est pour ca que le Procureur général ne peut pas les
défendre quand il ne le sait pas. Et c'est pour ca qu'il faut avoir une
enquête plus complète. Tout le monde veut avoir la
vérité là-dessus.
M. Lapalme: Cela dépend de quelqu'un. Tant et aussi longtemps que
je n'aurai pas de preuve qu'il n'est pas propre et honnête..
M. Johnson: M. le Président, après la libération de
M. Lagarde.
M. Lapalme: Ah non, ah non! La confrontation!
M. Lesage: M. le Président, j'ai été procureur de
la couronne pendant 5 ans et jamais je n'ai confronté un témoin
avec un accusé le jour ou le lendemain de l'arrestation. On attend
l'enquête préliminaire. C'est la procédure normale.
Ç'aurait été anormal d'agir autrement.
M. Bertrand (Missisquoi): La police fait ça tout le temps,
voyons.
M. Lesage: Non...
M. Bertrand (Missisquoi): Bien, voyons donc!
M. Lesage: M. le Président, j'ai été procureur de
la couronne pendant 5 ans et jamais cette procédure n'a
été utilisée, à ma connaissance.
M. Bertrand (Missisquoi): Bien, voyons donc, M. le Président!
C'est élémentaire que, dans un cas comme celui-là, au
moment où on a, ni plus ni moins, le témoin principal...
M. Lesage: Bien oui...
M. Bertrand (Missisquoi): ...et celui qui est accusé et qui sont
dans une même salle, ou près l'une de l'autre, la police est
là pour faire la confrontation. C'est élémentaire.
M. Lesage: Non, jamais de la vie.
M. Bertrand (Missisquoi): Voyons donc! C'est
élémentaire:
M. Lesage: Cela se fait à l'enquête
préliminaire.
M. Johnson: M. le Président, tout le monde sait ça.
M. Lesage: Tout le monde sait ce que je viens de dire.
M. Bertrand (Missisquoi): Bien, voyons!
M. Johnson: M. le Président, il ne fallait pas ce jour-là
que Fontaine dise: "Ce n'est pas lui qui m'a engagé", parce qu'à
ce moment-là, toute l'affaire tombait. Qu'est-ce qu'on avait pour
arrêter Archambault, ce jour-là? Les témoignages de
Fontaine?
M. Lesage: Bien oui!
M. Bertrand (Missisquoi): II était là.
M. Johnson: Fontaine qui avait une feuille de route. Le premier ministre
n'y était pas tantôt?
M. Lesage: Non.
Une voix: II avait été condamné 5 fois avant.
M. Lesage: Non, moi, je ne connais pas les détails de cette
affaire, comme tout le monde le sait. Mais simplement, je ne pouvais pas
laisser le chef de l'Opposition accuser les procureurs de la couronne à
Montréal de négligence parce qu'ils n'avaient pas provoqué
une confrontation de Fontaine et de l'accusé.
Une voix: Cela relève de la police.
M. Lesage: M. le Président, ce que j'ai dit, c'est que c'est une
procédure qui à ma connaissance, et j'ai été cinq
ans procureur de la couronne, ne s'est jamais faite.
M. Johnson: M. le Président, il y a longtemps de ça, en
1945, les derniers temps, de 1939 à 1944, que le premier ministre a
été. Il y a déjà presque...
M. Lesage: Oui, mais je pense que j'ai fait mon devoir comme procureur
de la couronne...
M. Johnson: Je dis que ça fait longtemps, M. le
Président.
M. Lesage: Cela fait longtemps, mais le Code criminel est le même
et les procédures sont les mêmes.
M. Johnson: M. le Président, ça fait 20 ans de ça
et c'est dans ce temps-là que le député de Saint-Maurice
appelait le premier ministre le "crèchard".
M. Bellemare: C'est ça, oui, oui. Une voix: A Ottawa.
M. Lesage: Je regrette, ce n'est pas à ce moment-là. C'est
après 1945.
M. Bellemare: Non, non.
M. Johnson: Mais s'il se référait à ce
temps-là, le député de Saint-Maurice, Bloc populaire
à Ottawa, disait du député de Montmagny-L'Islet, "un
crèchard".
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre!
M. Johnson: M. le Président, je me laisse entraîner
à côté de la démonstration, je voudrais demander au
premier ministre: "s'il a autorisé M. Desjardins à poursuivre
là-dedans, s'il a donné son autorisation pour due
ces procédures soient prises contre Archambault et Lagarde? Le 3
novembre. Ou avant le 3 novembre.
M. Lesage: Évidemment, je ne suis pas procureur
général, mais j'ai été mis au courant quand j'ai
entendu... Cela fait déjà Quelque temps que ça s'est
passé et, si je comprends bien, à un moment donné,
l'arrestation a eu lieu et le chef de l'Opposition a déclaré
qu'il s'agissait de manigances.
Je me suis enquis des détails de l'affaire et j'ai dit, avec
raison, que ce n'était certainement pas. Est-ce que ça peut
être des manigances, qu'est-ce que ça sent? J'ai dit: L'Union
Nationale ou le Parti libéral en qui avez-vous confiance? En P.-P.
Archambault ou Josaphat Brunet? En qui avez-vous confiance, a un nommé
Lagarde ou au Procureur général, que tout le monde connaît
comme un homme honnête? C'est ça que j'ai dit.
M. Johnson: M. le Président, vous avez entendu le Procureur
général dire que c'est après qu'il m'a entendu dire ou
qu'il a entendu dire que j'avais dit que c'étaient des manigances qu'il
s'est prononcé, le premier ministre. M. le premier ministre, il est vrai
que j'ai dit que c'était une manigance.
M. Lesage: Oui, et c'est après ça que j'ai fait ma
déclaration.
M. Johnson: Le premier ministre n'a-t-il pas parlé à
Asbestos, ce dimanche-là, dans l'après-midi?
M. Lesage: Oui, mais j'avais entendu le chef de l'Opposition à la
radio.
M. Johnson: M. le Président, moi, j'ai déclaré ce
"manigance" et c'est le premier mot que j'ai prononcé; du moment que
c'est arrivé jusqu'au dimanche après-midi à
l'assemblée de Québec, je n'ai pas fait de déclaration. A
l'assemblée de Québec, j'ai fait une déclaration.
M. Lesage: Oui, mais avant de parler, j'avais entendu à la radio
le chef de l'Opposition; c'était radiodiffusé, son discours.
M. Johnson: M. le Président, ça c'est bon, là, on
l'a; le premier ministre, quand j'ai parlé à Québec, et
j'ai commencé à parler très tard, et même quand j'en
ai parlé, la radio était fermée.
M. Lesage: Non.
M. Johnson: Ah oui, c'est le Procureur général qui s'en
est plaint, à part ça. Avant de parler...
M. Lesage: M. le Président, je regrette, le chef de l'Opposition
a très bien dit et je l'ai entendu à la radio ce dimanche
après-midi: "Je vais parler un peu plus tard de la manigance des faux
billets". Cela, j'ai entendu ça, c'était avant Asbestos.
M. Johnson: M. le Président, je pense que... Ah non...
M. Lesage: Ah, oui!
M. Johnson: M. le Président... M. Bédard (président
du comité des subsides): A l'ordre!
M. Lesage: M. le Président, le ministre est ici à mes
côtés et nous avons parlé très tard à
Asbestos dans l'après-midi; j'avais, à ce moment-là,
écouté le chef de l'Opposition.
M. Johnson: M. le Président, j'ai parlé à Asbestos
après le député de Missisquoi; or, au moment où le
député de Missisquoi a parlé, il avait entendu le premier
ministre lui dire ceci...
M. Bertrand (Missisquoi): L'ultimatum.
M. Johnson: Le premier ministre avait dit... Ah oui, c'est trop bon pour
manquer ça, cette affaire-là, M. le Président...
M. Lesage: Certainement, il avait annoncé qu'il en parlerait, il
avait annoncé à l'avance qu'il parlerait de la manigance des faux
billets à Québec.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre, à ce
moment-là, a dit: "Votre chef, votre parti vient d'être
mêlé à la pire fraude électorale qu'on n'ait jamais
eue." Il accusait l'Union Nationale. Voilà le véritable visage de
votre chef, M. le Président; il accusait, à ce moment-là,
l'Union Nationale d'être mêlée à l'affaire des faux
certificats...
M. Lesage: M. le Président, je regrette; j'ai ici le rapport de
la Presse qui dit bien ce que j'ai bien dit, à ce moment-là:
"Ça sent l'Union Nationale." C'est ça que j'ai dit: "Ça
sent l'Union Nationale; ça ne sent pas le Parti libéral,
ça sent l'Union Nationale". C'est le titre d'ailleurs.
M. Johnson: M. le Président, très bien; ça sent
l'Union Nationale, c'est ce qu'il a dit à Sherbrooke le soir; mais
à Asbestos, l'après-midi, le premier ministre a
déclaré, la Presse encore, page 3; la Presse du 5 novembre
rapportant son discours à Asbestos, prononcé l'après-midi
avant que moi je ne parle, avant que je n'ouvre la bouche sur l'affaire des
faux certificats: Lesage somme
3.-3. Bertrand de se dissocier de Johnson et lui donnait jusqu'à
mercredi à six heures...
M. Lesage: Il regrette aussi aujourd'hui de ne pas l'avoir fait!
M. Bertrand (Missisquoi): Que le premier ministre exprime ses regrets
que je ne sois pas passé de son côté, ça le regarde;
mais qu'il ne parle pas pour moi, je suis ici pour répondre.
M. Johnson: M. le Président, on vient, en plus des paroles
attribuées au premier ministre en ces derniers jours, de se livrer dans
votre parti a une tentative monstrueuse de fraude électorale.
M. Lesage: C'est ça.
M. Johnson: M. le Président, on se référait...
Est-ce qu'il répéterait la même chose aujourd'hui, le
premier ministre?
M. Lesage: M. le Président, sur ce point, j'ai l'impression...
Évidemment, l'affaire est devant les tribunaux, c'est bien difficile
pour moi...
M. Bertrand (Missisquoi): Pas pour Lagarde.
M. Lesage: Non, pas pour Lagarde, mais comment puis-je dire que
Boisjoli, qui suis-je pour dire que Boisjoli ou Sauvé n'avait pas des
accointances avec des organisateurs de l'Union Nationale, qui suis-je? Je ne
suis pas le juge.
M. Bertrand (Missisquoi): Demandez-le à Jean-Paul
Grégoire.
M. Johnson: M. le Président, demandez-le à Jean-Paul
Grégoire, ex-président de la Fédération
libérale.
M. Lesage: J'en ai parlé à M. Grégoire.
M. Johnson: Grand ami du Procureur général. M. le
Président, quel est le rapport que M. Grégoire a fait au premier
ministre?
M. Lesage: M. Grégoire m'a dit, évidemment, qu'il avait
reçu des informations; c'est ce qu'il m'a dit et il m'a assuré
que c'était la vérité, toute la vérité,
qu'il avait reçu des informations et qu'il avait cru que c'était
son devoir - et ça l'était - de transmettre ces informations au
procureur de la couronne.
M. Johnson: M. le Président, il est temps que le ministre
choisisse entre Boisjoli et Sauvé, d'une part, et Jean-Paul
Gréqoire, d'autre part. Jean-Paul Grégoire dit: Les seules
informations Que j'ai, je les ai de
Jean-Paul Boisjoli et de Sauvé, et je les ai transportées
à l'avocat en chef de la couronne, M. Desjardins.
M. Lesage: Bien oui, c'est ce qu'il m'a dit.
M. Johnson: Et M. Boisjoli donne une déclaration
assermentée à la police, et M. Sauvé pareillement, disant:
Je ne connais rien à toute cette affaire des faux certificats; il y en a
un des deux qui ment, M. le Président, il y en a un des deux qui se
parjure.
M. Lesage: M. le Président, c'est justement cette affaire qui est
devant les tribunaux, si je ne me trompe.
M. Johnson: Non, M. le Président, le rôle de
Jean-Paul...
M. Lesage: Bien, évidemment, comme je le dis, je ne connais pas
aussi bien l'affaire que le Procureur général. Je dis ce que j'en
sais.
M. Johnson: M. le Président, Jean-Paul Grégoire...
Ça sent qui, aujourd'hui?
M. Lesage: Ça sent toujours l'Union Nationale quand on pense aux
méthodes électorales de l'Union Nationale.
M. Bellemare: Desjardins a-t-il dit ça?
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre!
M. Lesage: M. Desjardins a dit que M. Lagarde n'avait rien eu à
faire là-dedans, et M. Lagarde...
M. Bellemare: L'Union Nationale c'est marqué dans son
témoignage. Le premier ministre est injuste.
M. Lesage: On verra quand le procès viendra, c'est une affaire
qui est devant les tribunaux.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre!
M. Johnson: M. le Président, il y a un paragraphe, une
déclaration de Guy Desjardins, substitut en chef du Procureur
général, deuxième paragraphe: les témoignages
recueillis et les déclarations obtenues indiquent que certains individus
auraient induit la police en erreur, en tentant d'impliquer M. Lagarde et
d'atteindre ainsi l'Union Nationale dont il était l'organisateur en
chef. M. le Président, il faut choisir entre le premier ministre et Guy
Desjardins, maintenant.
M. Lesage: Non.
M. Johnson: Si l'Union Nationale n'a rien à faire la-dedans, la
police a été induite en erreur, M. le Président.
M. Lesage: M. le Président, je regrette, on ne peut certainement
pas déformer mes paroles. Il n'y a rien que j'ai dit qui soit contredit
par ce que M. Desjardins a déclaré.
M. Johnson: M. le Président, "vu les faits
révélés", dit M. Desjardins, lors de la
préenquête devant le juge Marc-André Blain et au cours de
l'enquête policière, "deuxièmement, au cours de
l'enquête policière, ce n'est pas moi qui dirige
l'enquête..."
M. Lesage: Oui, mais M. Desjardins, ce qu'il a déclaré,
c'est qu'on ne pouvait pas atteindre l'Union Nationale par Lagarde; ça
ne veut pas dire qu'on ne peut pas l'atteindre autrement...
M. Bellemare: Voyons donc!
M. Johnson: Le premier ministre espère-t-il encore
l'atteindre?
M. Lesage: M. le Président, je n'ai aucun espoir, sinon de voir
les coupables condamnés et punis, c'est mon seul espoir.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est ce qu'on veut.
M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition m'a
posé une question. Tout ce que je veux, c'est que justice soit faite.
L'affaire est devant les tribunaux, on va questionner les témoins devant
les tribunaux. Je suis convaincu, j'ai assez confiance pour croire que justice
pourra être faite. S'il y a d'autres personnes qui sont impliquées
dans l'affaire et si cela se découvre au cours des procès, il est
clair que le Procureur général verra à ce que ces
personnes soient poursuivies. Il est clair qu'il verra à ce qu'elles
soient poursuivies et qu'elles soient condamnées si elles sont
trouvées coupables. C'est clair. M. le Président, qu'il s'agisse
de libéraux, qu'il s'agisse de l'Union Nationale, de conservateurs, de
NPD, cela n'a aucune espèce d'importance, mais on ne me fera jamais
renier ce que j'ai dit: "Quand on connaît le passé
électoral de l'Union Nationale, ça sent toujours l'Union
Nationale.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre a montré
exactement sa mesure. D'un côté, il dit qu'il veut la justice et
que tout le monde soit poursuivi; tout le monde veut ça. Mais, d'un
autre côté, il veut exploiter ça contre le parti de l'Union
Nationale et il veut s'ancrer dans l'exoloitation qu'il en a faite pendant les
élections, et je déclare que le premier ministre, volontairement,
a exploité cette affaire pour gagner ses élections.
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
chef de l'Opposition ne peut m'imputer de motifs; la seule raison pour laquelle
j'en ai parlé deux fois, au cours de la campagne, c'est que je trouvais
l'affaire nauséabonde.
M. Johnson: M. le Président, il en a parlé en l'appliquant
à l'Union Nationale. S'il est vrai que ça sentait l'Union
Nationale, moi je peux dire aujourd'hui que ça pue le Parti
libéral. Le premier ministre veut avoir la vérité, nous
autres aussi, si on ne voulait pas la vérité, M. le
Président, on ne se serait pas donné tout ce mal.
M. Lesage: Laissez donc faire les tribunaux.
M. Johnson: M. le Président, laissons faire les tribunaux, mais
ne laissons pas Guy Desjardins et Jean-Paul Grégoire mener ça.
Ils ont trop d'intérêt politique, M. le Président, pour,
réellement, voir clair là-dedans.
M. Lesage: Cela c'est l'administration de la justice, on n'est
certainement pas pour...
M. Johnson: M. le Président, ce sont des
délégations du Procureur général. On va faire
justice en utilisant le président de la fédération
libérale, Jean-Paul Grégoire, qui est pris là-dedans
jusque-là...
M. Lesage: M. le Président, mais comment peut-on dire que M.
Grégoire est pris là-dedans jusque-là, alors que c'est lui
qui, faisant son devoir, a transmis, comme il devait le faire, une information
qu'il avait reçue au procureur de la couronne?
M. Johnson: M. le Président, c'est le seul qui a donné
à M. Desjardins, c'est l'aveu du Procureur général...
M. Lesage: Oui.
M. Johnson: ...les informations.
M. Lesage: Je l'ai confirmé tout à l'heure.
M. Johnson: M. le Président, c'est lui qui a
déclaré, sous serment, qu'il avait donné à M. Guy
Desjardins toutes les informations. Interrogé sous serment, c'est lui
qui a répondu: II n'était pas question d'une clé, il
n'était question que des certificats dans 5-T-7. Mais c'est lui qui est
le seul à avoir donné les renseignements à M. Desjardins.
Le Procureur général dit: M. Desjardins a reçu
tous ces renseignements de M. Jean-Paul Grégoire exclusivement.
M. Desjardins ne savait pas qui était le dénonciateur, seul M.
Grégoire le savait à ce moment-là. C'est M.
Grégoire, je le répète, président de la
fédération libérale, organisateur dans
Montréal-Saint-Jacques pour Guy Gagnon contre M. Dozois...
M. Lesage: Ancien président.
M. Johnson: M. le Président, exprésident, oui. C'est lui
qui dit, sous serment... tout ce que j'ai donné, c'est qu'il y avait des
certificats a 5-T-7, à la gare Windsor. Que le premier ministre
m'explique donc comment il se fait que le juge Emile Trottier a signé
deux mandats à être exécutés le vendredi, l'un
à la gare Windsor et l'autre pour une clé à 521 est,
appartement 9, de la rue Sherbrooke. Si Jean-Paul Grégoire n'a
donné qu'une information sur la localisation des certificats, qui a
donné l'information sur la clé, M. le Président, qui?
M. le Président, tout le monde en parlait le jeudi et le
vendredi. Dans l'entourage de M. Brunet, on parlait déjà de la
clé, et c'est Jean-Paul Grégoire qui a donné la seule
information. Si c'est vrai, Jean-Paul Grégoire s'est parjuré
à l'enquête préliminaire de Jean-Paul Boisjoli. On vient de
comprendre pourquoi Guy Desjardins a refusé de témoigner dans
l'enquête préliminaire, parce qu'il aurait confirmé le
parjure de Jean-Paul Grégoire. On va laisser entre les mains de ces
gens-là le soin de faire la lumière! M. le Président,
ça n'a pas de bon sens. Je pense qu'un comité parlementaire,
ça ferait plus plaisir à tous les députés, on
verrait plus clair...
M. Lesage: Devant les tribunaux... M. Johnson: Non.
M. Lapalme: Un comité parlementaire! M. Lesage: C'est d'un
ridicule!
M. Johnson: M. le Président, on va voir comment la politique
libérale a été mêlée à ça. Et
ça, ça fera mal aux libéraux. Cela, ça montrerait
leur véritable visage, comment ils ont exploité les tribunaux et
l'administration de la justice pour nous battre aux polls, le 14 novembre
dernier.
M. Lesage: M. le Président, sur une rectification, le chef de
l'Opposition sait fort bien que ce n'est pas l'affaire des faux certificats qui
a fait battre l'Union Nationale. L'Union Nationale s'est battue elle-même
à cause surtout de son chef.
M. Johnson: M. le Président, il y en a qui vont prétendre
avoir gagné surtout à cause du ministre des Richesses naturelles
et malgré le chef du Parti libéral. C'est le ministre des
Richesses naturelles qui a gagné pour les libéraux, pas le chef
du Parti libéral. M. le Président, non on ne peut pas traiter
ça à la légère...
M. Harvey: Même pas été capable de...
M. Johnson: J'aimerais en terminant demander au Procureur
général s'il considère que la couronne avait suffisamment
d'informations solides le 3 novembre pour faire émettre un mandat
d'arrestation contre M. Gaston Archambault et, deuxièmement, contre M.
André Lagarde. Est-ce que la couronne avait assez d'informations
à ce moment? Est-ce qu'elle avait d'autres choses que le
témoignage de M. Orner Fontaine, recruté à 7 heures et
demie, ramassé à 10 heures, 10 heures et demie? Fontaine, qui
avait cinq condamnations précédentes. Sur la base de quelles
informations a-t-on décidé d'émettre un mandat
d'arrestation contre M. Lagarde, le 3 novembre dernier? Moi, j'attends que M.
le Procureur général nous explique pourquoi. Trouve-t-il que M.
Desjardins a été prudent là-dedans? Trouve-t-il que M.
Grégoire a été prudent là-dedans? Lui qui
connaissait les antécédents de ces dénonciateurs. M. le
Président, personne ne va blâmer la police d'avoir saisi les faux
certificats à la gare Windsor; s'il y avait des faux certificats,
c'était son devoir de les saisir.
Pendant que j'y suis, M. le Président, le Procureur
général pourrait aussi trouver un dénommé - il
s'appelle Bob Meunier -Robert Meunier. La police ne trouve pas un
dénommé Robert Meunier, malgré la dénonciation que
M. Lagarde a faite au procureur de la couronne et à la police.
M. Lapalme: Robert Meunier?
M. Johnson: Robert "Bob" Meunier.
M. Lesage: On ne vit pas avec ce monde-là.
M. Johnson: Non, non, c'est rien que le frère d'un organisateur
en chef d'un député libéral de cette Chambre. Pas connu,
pas connu. Bien connu à Montréal. Robert "Bob" Meunier. La police
ne le trouve pas, M. le Président. C'est le frère de Maurice,
pardon le frère de Gustave.
M. Lesage: Gustave Meunier?
M. Johnson: Organisateur libéral. Vous savez ce n'est pas un
péché d'être organisateur libéral, organisateur dans
Westmount.
M. Lapalme: Moi, je n'en ai jamais entendu parler.
M. Johnson: Robert "Bob" Meunier, que la police ne trouve pas, est un
bonhomme qui vendait ou qui offrait en vente des faux certificats dans le
comté de Chambly, dans le comté de Laprairie-Napierville. Cela a
été rapporté à la police. Il n'a pas
été trouvé encore.
M. Laporte: M. le Président, je voudrais...
M. Johnson: Va-t-il falloir que M. Lagarde s'en mêle encore pour
le trouver, M. le Président?
M. Laporte: J'invoque le règlement. Jamais, à ma
connaissance, ni directement, ni indirectement, ni avec le genre de campagne
électorale que j'ai organisée dans le comté de Chambly
avec mes organisateurs, avec les précautions que j'ai prises, jamais ni
un dénommé Meunier, ni d'autres ne sont venus offrir, à ma
connaissance, des faux. Nous avions, comme d'autres, les renseignements qu'il y
avait un trafic sur ces certificats, mais jamais, à ma connaissance,
Meunier, ou un autre, n'est venu offrir à l'organisation libérale
ou à mes organisateurs, autour de moi, le moindre certificat.
M. Johnson: M. le Président, ils ont pu l'offrir aux
organisateurs du député, comme aux miens, comme à
d'autres, bien oui, puis on ne le saurait pas. Il reste que...
M. Baillargeon: M. le Président, la même chose s'applique
au comté de Laprairie-Napierville; d'ailleurs, chez nous, c'est un
comté rural et on n'a pas besoin de certificats pour voter.
M. Johnson: M. le Président, je ne sais pas s'ils en ont besoin
dans Chambly.
M. Laporte: ... non plus, ils n'en ont pas besoin, ils n'ont pas besoin
de ces certificats, c'est rural.
M. Johnson: On a donné l'information à la police sur ce M.
Meunier qui se promenait et qui offrait ça. A un moment donné,
des gens de l'Union Nationale ont essayé de se saisir de Meunier, puis
voir ce qui se passait là-dedans; ils ont rapporté ça
à un président d'élection.
M. Laporte: Cela doit au moins rendre le chef de l'Opposition plus
prudent. Il a eu un renseignement à l'effet que des gens vendaient ou
offraient des faux certificats dans le comté de Chambly, dans deux
comtés où ce n'est pas nécessaire.
M. Johnson: Si, si, si.
M. Laporte: Où ce n'est pas nécessaire, il devrait au
moins se rendre compte que...
M. Johnson: Si, si, M. le Président; ça n'empêche
pas ces gens-la d'offrir des choses, même si elles ne sont pas
nécessaires. D'ailleurs, le député le sait. Dans le
comté de Chambly comme dans Laprairie-Napierville, bien des gens
s'imaginent qu'il faut avoir ça pour aller voter, puis l'apportent pour
aller voter et s'identifier à part ça. Je ne parle pas à
Saint-Constant. Mais dans Jacques-Cartier, partout ailleurs, c'est bien utile
cette patente. Il y a des énumérateurs qui les ont donnés
partout, mais ce n'est pas là ma question.
Mme Kirkland-Casgrain: J'aurais une question à poser au
député de Bagot puisqu'il a...
M. Johnson: Si je le permets, oui.
Mme Kirkland-Casgrain: ... mentionné le comté de
Jacques-Cartier...
M. Johnson: Si je le permets, oui.
Mme Kirkland-Casgrain: Est-ce que le député de Bagot me
permettrait une question?
M. Johnson: M. le Président, il faut ma permission. Je vais
délibérer. M. le Président, le député de
Jacques-Cartier a été tellement, oui elle a été...
Justement parce qu'elle est encore crue, n'ayant pas eu l'occasion de la
démasquer - elle est encore crue dans le public, elle - je permets avec
plaisir une question au député de Jacques-Cartier.
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, étant donné
la remarque que le député de Bagot vient de faire, je suis
contente qu'il confirme l'opinion des gens de mon comté de la province
de Québec, que quand je parle ce n'est pas pour mentir et je le
remercie.
M. Johnson: M. le Président, est-ce la question?
Mme Kirkland-Casgrain: Maintenant, ma question, M. le Président.
Le député de Bagot prétend-il que, si j'ai obtenu 70,000
voix, c'est a cause de faux certificats?
M. Bellemare: Ce sont tous les hommes qui ont voté.
M. Johnson: M. le Président, il y en a qui ont dit qu'elle
était brillante, cette
avocate. Quand est-ce que j'ai dit ça, quand est-ce que j'ai
prétendu ça? Mais il y a plusieurs des électeurs du
député qui, à l'instigation du député, la
dame-député dans la Chambre, chez les anglophones surtout, ont
cru à la vertu du député et aux méfaits de l'Union
Nationale.
M. Lesage: Aie, il a perdu la tête, M. le Président!
Une voix: II n'a pas le droit d'attaquer...
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, je ne répondrai
pas à la question du député de Bagot, mais j'aurais une
remarque à faire...
M. Johnson: M. le Président.
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, le député
de Bagot et tellement malheureux que la première femme élue a
l'Assemblée législative soit une libérale qu'il ne sait
pas quoi inventer et quoi dire. D'ailleurs, il dit à qui veut
l'entendre, depuis quelque temps, qu'il est bien fâché contre le
député de Jacques-Cartier, depuis qu'elle a pris part au
débat sur la question de la Régie des alcools.
M. le Président, j'aurais un conseil à donner au
député de Bagot. Si vraiment...
M. Johnson: M. le Président, je ne suis pas obligé de
prendre la semonce de cette dame...
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, si vraiment le
député de Bagot...
M. Johnson: M. le Président, je ne suis pas marié à
cette dame...
Mme Kirkland-Casgrain: Non, mais vous feriez mieux de prendre mes...
M. Johnson: Je ne suis pas son enfant non plus M. le
Président...
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Alors
que le chef de l'Opposition est allé s'abaisser jusqu'à attaquer
la vertu du député de Jacques-Cartier...
M. Johnson: Bien voyons donc!
M. Lesage: Ah oui! exactement, textuellement, M. le Président. Il
ne sait pas ce qu'il dit. Je l'ai fort bien entendu. Il vient de le dire...
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre...
M. Lesage: Le chef de l'Opposition a déclaré...
M. Johnson: ... est-il mieux de sa grippe?
M. Lesage: Oui, il est mieux de sa grippe. Le chef de l'Opposition a
déclaré...
M. Johnson: M. le Président...
M. Lesage: M. le Président, j'ai invoqué le
règlement...
M. Johnson: M. le Président, c'est à moi la parole.
M. Lesage: Le chef de l'Opposition a textuellement dit que les
électeurs de Jacques-Cartier avaient cru à la vertu du
député de Jacques-Cartier...
M. Johnson: Et aux méfaits de l'Union Nationale.
M. Lesage: Oui, mais tout de même...
M. Johnson: Cela voulait dire, M. le Président, que le
député se présentait comme membre d'un parti vertueux et
que l'Union Nationale c'était un mauvais parti.
M. Lesage: Oui, mais ce n'est pas ça que vous avez dit...
M. Johnson: A ce moment il y a des gens de langue anglaise qui croient
que le député ne fait pas de patronage. Il est vrai, M. le
Président, que j'ai eu de...
Mme Kirkland-Casgrain: Ils ont raison.
M. Johnson: ... la peine qu'elle ne fût pas en Chambre, le
lendemain, parce que j'avais pour elle des réponses. J'aurais
démasqué son manque de patronage. La pire patroneuse de la
province de Québec, c'est le député de
Jacques-Cartier.
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, je répète
ce que j'ai dit tout à l'heure. Le député de Bagot est
bien ennuyé que la première femme élue à
l'Assemblée législative soit une libérale.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Il y
a tout de même une limite pour se laisser mener par une femme dans cette
Chambre. Il n'y en qu'une, M. le Président, mais elle doit respecter le
règlement comme les autres.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! Avant que le chef de l'Opposition n'invoque le règlement, je
tiens à souligner qu'il s'était passablement écarté
du sujet en parlant du député de Jacques-
Cartier. Je crois l'avoir rappelé à l'ordre d'une voix
assez forte pour qu'il m'entende et il feint de ne pas m'entendre, c'est clair.
Il s apporté des accusations directes contre le député.
Comment veut-il maintenant que je l'empêche de répondre au sujet
de cette question de patronage?
M. Johnson: C'est une "patronneuse", c'est vrai. Il y a les dames
patronnesses et puis les dames "patronneuses". C'est la première.
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, je répète
ce que j'ai dit. Le député de Bagot est bien ennuyé que
j'aie pris part au débat. Il dit à qui veut l'entendre depuis ce
temps qu'il va m'attaquer, qu'il va dire une foule de choses...
M. Johnson: Non.
Mme Kirkland-Casgrain: Mais je peux dire à cette Chambre, M. le
Président, que je n'ai pas peur du député de Bagot.
Seulement il y a une chose qui est bien choquante pour le député
de Bagot c'est de se faire dire ses vérités, de se faire dire son
fait par une femme et de se faire répondre. Cela le fatigue beaucoup, M.
le Président.
M. Johnson: C'est gentil, M. le Président, hein?
Mme Kirkland-Casgrain: II y a une chose qui me frappe dans tout
ça, c'est que si vraiment le député de Bagot était
pour les femmes, au lieu de présenter sa candidate dans
Notre-Dame-de-Grâce où il savait pertinemment qu'elle serait
battue, il aurait pu la présenter dans le comté de Bagot, M. le
Président, et là il aurait fait des heureux des deux
côtés de la Chambre.
M. Johnson: Devant le député de
Jacques-Cartier, vous savez, on n'a pas eu les indulgences qu'on a pour
les enfants. On dit: C'est bon, pour un premier compliment, que c'est donc bien
fait!
Mme Kirkland-Casgrain: Merci.
M. Johnson: Et puis on applaudit poliment, M. le Président.
Même la majorité de 50,000. Il y en a qui l'appellent madame 50...
Il faut qu'on "Labatt". M. le Président, je ne voudrais pas faire de
l'annonce pour une compagnie en particulier. Ce n'est peut-être pas celle
que patronise le député de Jacques-Cartier. Mais le
député de Jacques-Cartier, on en reparlera au crédit des
Affaires municipales. Là on parlera de ses activités municipales,
M. le Président, de ses organisateurs qui se promènent et oui
disent: Notre député a $15,000...
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! A l'ordre!
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, puisque vous mentionnez
tout de suite le nom, je pourrais dire que c'est vrai que M. Meloche est le
maire dans le comté de Jacques-Cartier, que des soumissions ont
été demandées et que, grâce justement à cette
compagnie de mon comté, la compagnie Meloche, le gouvernement a
sauvé $90,000 au moins parce qu'elle était le plus bas
soumissionnaire, en dessous de Miron & Frères. Est-ce que ça
vous satisfait, ça?
M. Johnson: M. le Président, on reparlera des relations du
député avec M. Meloche...
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, j'invoque le
règlement...
M. Johnson: ... dans les soumissions pour les contrats de toutes
sortes....
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! A l'ordre!
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président, évidemment, le
député de Bagot aime ça m'appeler patronnesse, dame
patronnesse, dame "patronneuse", parce qu'il sait que je m'occupe des
électeurs dans le comté de Jacques-Cartier, de mes
électeurs. Je ne leur demande pas s'ils sont de l'Union Nationale ou du
Parti libéral, mais je m'occupe de tous les gens dans mon
comté...
M. Johnson: Elle est en train de limoger tous les avocats qui ne sont
pas libéraux, M. le Président, ils se font couper le cou, de
même par le député...
Mme Kirkland-Casgrain: M. le Président...
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre!
M. Johnson: Elle a un bras de fer comme "patronneuse"...
M. Bédard (président du comité des subsides): Je
crois qu'il y aura d'autres occasions pour que le chef de l'Opposition et le
député de Jacques-Cartier croisent, le fer. Actuellement, nous
sommes à discuter les crédits du Procureur général,
article 5, Poursuites au criminel. Si on ne revient pas au sujet, je devrai
déclarer l'article adopté.
M. Johnson: M. le Président, comme dit Philippe Clay... Je pense
que c'est Philippe Clay qui dit ça: Pour être une bonne dame
patronnesse...
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! A l'ordre!
M. Johnson: Je ne parle plus du député de Jacques-Cartier.
M. le Président, c'est le député de Jacques-Cartier qui
m'a entraîné en dehors des sentiers...
M. Bédard (président du comité des subsides): On y
reviendra.
M. Johnson: ... réglementaires. C'est le député de
Jacques-Cartier qui m'a posé une question tendancieuse, une question
chargée d'explosifs, M. le Président...
M. Bédard (président du comité des subsides):
Poursuites au criminel, adopté?
M. Johnson: Non... Le député de Jacques-Cartier m'a
posé une question, je vais répondre maintenant. Maintenant que
j'ai une chance qu'elle ne m'interrompe pas, j'espère! Est-ce que je
pense que c'est à l'aide de faux certificats qu'elle a eu une
majorité de 50,000 sur 70,000 votants? Je dis: Non. Je dis que plusieurs
de ses électeurs ont eu une mauvaise opinion de l'Union Nationale
à cause de ça. M. le Président, l'Union Nationale a
été au pouvoir pendant 16 ans. Elle a été
dénigrée systématiquement par les journaux. Même des
moralistes ont publié un livre. Cela ne nous donnait pas un bon nom. On
nous a systématiquement dénigrés, quoique, en 16 ans, on
n'a jamais établi aucune fraude contre l'Union Nationale dans les
élections, jamais, pas une à venir jusqu'en juin 1960, et tout le
monde en parlait. De belles méthodes de salir du monde en disant: Bien,
c'est entendu que ce sont tous des croches. Alors dans cette ambiance,
quelqu'un qui a l'esprit diabolique et qui l'a mis au service du Parti
libéral a inventé l'affaire des faux certificats. Et quand c'est
sorti dans les journaux, grâce a l'enthousiasme de M. Guy Desjardins, qui
fait réveiller les journalistes à trois heures du matin, pour
être sûr d'avoir sa photo dans le journal La Presse, là, M.
le Président, il y a bien des électeurs du député
de Jacques-Cartier qui ont été influencés par cette
publicité, c'est indéniable, qui ont été
influencés par la déclaration du premier ministre sur le sujet,
par la déclaration du Procureur général, qu'il n'a pas
corrigée. Je ne voudrais pas enlever trop d'illusions au
député, mais qu'elle ne s'imagine pas que c'est pas amour pour
elle que ces 70,000 ont voté. Il y en a quelques-uns parmi
ceux-là qui ont voté parce qu'ils aimaient le minisitre des
Richesses naturelles, d'autres parce qu'ils admiraient le Procureur
général. Je ne voudrais pas lui enlever des illusions, c'est un
peu cruel de faire ça à une dame. D'autres, parce qu'ils ont cru
ce genre de publicité que l'on doit à des machinations de qens
qui ont travaillé pour les libéraux par l'intermédiaire de
Jean-Paul Grégoire, ex-président de la fédération
libérale. La, c'est assez clair, ça?
M. le Président, donc, l'accusation a été
portée contre M. Lagarde. L'a-t-elle été - j'attends que
le Procureur général me l'explique - avec la prudence qu'on
attend d'un avocat de la couronne? Deuxièmement, quand M. Lagarde fut
libéré, est-ce que la police a fait son devoir? Je dis: Non, elle
a traîné les pieds. Le député de Jacques-Cartier,
est avocat. Quand M. Lagarde a été libéré par le
juge, il y a eu une lettre. A ce moment, la police aurait dû rechercher
les vrais coupables. Comment se fait-il qu'elle ne soit entrée en action
qu'après les interventions en Chambre?
M. le Président, le Procureur général, à un
moment donné, à la suite d'une de mes interventions, a fait une
déclaration disant: M. Lagarde, vous pouvez avoir la coopération
de la police et de la couronne. M. Lagarde est allé
immédiatement, après cette déclaration faite en Chambre,
par le Procureur général, le 26 ou 27 février, au bureau
de M. Guy Desjardins, et la, il l'a mis au courant de tout ce qu'il savait, de
tout ce qu'il avait recueilli de renseignements entre le 14 novembre et le 26
février, particulièrement depuis sa libération. Vous
croyez qu'à ce moment, la police s'est lancée? Non, cela a
traîné encore.
C'est M. Lagarde qui, le 18 février... Ah, je voulais dire
incidemment que le Procureur général ne s'est pas
gêné pour se servir des conversations entre M. Lagarde et M.
Desjardins. Il a répandu ça en Chambre et en public, comme il
s'est servi des témoignages devant le juge Blain à la
préenquête, qui sont censés rester secrets. Le Procureur
général a répandu ça dans toute la province. Eh
bien moi, M. le Président, je vais dire rien qu'une chose au Procureur
général: c'est que Guy Desjardins affirme qu'il n'est pas
entré là-dedans de bon coeur, qu'il a reçu l'ordre du
Procureur général d'entrer là-dedans. M. le
Président, c'est ça que je veux savoir, si c'est vrai ou non.
Parce que je serais porté à être injuste envers Guy
Desjardins. S'il a reçu l'ordre du Procureur général, je
ne serai pas injuste envers lui; s'il n'a pas reçu l'ordre du Procureur
général, s'il a fait arrêter M. Lagarde avec les seules
indications disponibles à ce moment et s'est traîné les
pieds après la libération de M. Lagarde, je dis que Guy
Desjardins, à moins qu'il n'ait reçu les ordres du Procureur
général, est un homme qui est indigne de rester avocat de la
couronne. S'il a reçu des ordres du Procureur général, il
faut faire porter la responsabilité par le Procureur
général. Mais, s'il est vrai, comme a dit le Procureur
général, que M. Desjardins a carte blanche depuis le début
de cette affaire, moi, je dis que c'est imprudent et qu'il est temps qu'on lui
enlève carte blanche avant qu'il ait perdu
la carte totalement dans cette affaire. M. le Président, il est
tellement bon dans la coopération avec M. Lagarde que, depuis que M.
Lagarde pousse son enquête là-dedans, Guy Desjardins passe son
temps à le "jambetter", à lui barrer la route partout, à
faire faire des enquêtes sur toute la vie privée, professionnelle
de M. Lagarde, jusqu'à cinq, six, sept ans en arrière, à
tâcher de le prendre dans un piège. M. le Président, si
c'est ça qu'on appelle de la coopération, je ne comprends plus
rien et c'est mon devoir de démasquer ici ce qui se passe actuellement
à Montréal. M. le Président, si Guy Desjardins n'a pas
d'ordre du Procureur général de faire ce qu'il fait actuellement,
il est temps qu'on le déplace.
Coopération. M. Lagarde fait arrêter, demande une plainte,
dépose une plainte contre Marcel Poirier. Qu'est-ce que fait M.
Desjardins? Ce n'est pas de la coopération, le Procureur
général le sait. C'est lui qui décidera si on doit en
parler en Chambre, de ce qui se passe à la préenquête et du
rôle de Desjardins.
M. Lapalme: Quelle enquête?
M. Johnson: Celle qui est en cours. Je dis au Procureur
général que Guy Desjardins ne coopère pas dans l'affaire
Poirier; au contraire, il met des bâtons dans les roues. M. le
Président, après sa libération, M. Lagarde a donc fait une
enquête, a fait une préenquête et cela a amené
l'arrestation de cinq personnes qui ont plaidé coupables à
diverses offenses et deux autres qui sont devant les tribunaux. Pourquoi
ça n'a pas été fait par le Procureur général
et ses hommes? C'est ça que le public ne comprend pas. Et je
répète ce que je disais l'autre jour: Même si Jean-Paul
Boisjoli et Marcel Sauvé étaient trouvés coupables -
ça peut arriver qu'ils soient trouvés coupables et ça peut
arriver qu'ils soient trouvés non coupables. Il y a des appels de part
et d'autre; ça peut durer longtemps - d'avoir monté cette affaire
et d'avoir utilisé Jolivet, Moreau, Paquin, Beaudoin et Fontaine, je
dis, M. le Président, qu'il se posera des questions dans le public et
avec raison. Pourquoi, pour quelles considérations Jean-Paul Boisjoli et
Marcel Sauvé auraient-ils fait ça? En retour de quels services
déjà rendus ou de quels services espérés? Au profit
de qui, avec l'argent de qui? Sur les conseils de qui? Sous la direction de
qui? D'un tavernier que le Procureur général connaît bien,
au point que le tavernier l'appelle "patron"?
M. Lapalme: De quoi voulez-vous parler?
M. Johnson: Je parle de Deschamps. On verra dans les témoignages,
M. le Président, que c'est là que se manipulent toutes les
affaires de cartes de sécurité et toutes ces patentes. Il y a
quelque chose qui ne marche pas dans tout ça, M. le Président.
Même si c'est Jean-Paul Boisjoli et l'autre, personne ne va croire que
cela a été entrepris par eux tout simplement par vertu, M. le
Président. Cela a été pour une considération
passée ou future, une promesse, de l'argent comptant. Et avec la
connivence de qui? Oui a "induit la police en erreur", comme le dit Guy
Desjardins?
M. le Président, c'est ça qui est le problème
sérieux dans tout ça. Je ne dis pas que le député
de Jacques-Cartier a vu à ça, M. le Président, pas une
miette. Je ne dis pas que le député de Sherbrooke a vu à
ça. Il n'est pas question d'accuser un député en
particulier.
M. le Président, le Procureur général a fait du
grand drame avec l'affaire Bériault, l'autre jour. Il a dit: On a
crié dans sa causerie à Québec, dans son discours à
Québec, avant son accident. Il disait: Quand l'affaire Bériault
est arrivée, on a entendu Johnson crier "machination". Ce n'est pas
exact. L'affaire Bériault est arrivée le 22 juin 1960, la
journée de l'élection.
M. Lapalme: Pas l'affaire Bériault, c'est l'autre, l'affaire
Fortier.
M. Johnson: Non, non. L'affaire d'Honoré Pelletier? Mais aussi,
dans le même discours, il parle de l'affaire Bériault, M. le
Président.
M. Lapalme: Certainement. M. Johnson: Bien oui.
M. Lapalme: Certain. Ce n'est pas le chef de l'Opposition qui va en
parler.
M. Johnson: M. le Président, je vais en parler. C'est
arrivé le 22 juin 1960, dans l'après-midi. Pensez-vous qu'on a eu
le temps d'exploiter ça? Je ne le savais pas, moi. J'ai appris ça
quand il y a eu des poursuites après. Est-ce que le Procureur
général veut dire qu'on a exploité ça contre les
libéraux? Mais c'est arrivé la journée des
élections. L'élection était terminée, pratiquement.
Tandis que celle-là est arrivée à temps, l'accusation
contre nous, le 3 novembre, 11 jours avant l'élection, juste dans la
période critique. "Timing", journaux, radio, télévision;
premier ministre, déclarations; Procureur général,
déclarations; chacun des députés ici, des
déclarations ou des allusions.
Le Procureur général disait même à une
assemblée des Italiens: "Vous ne perdez rien pour attendre, vous allez
être servis", en référant à ça. Puis,
là, les gens voyaient déjà l'Union Nationale
déchiquetée devant les tribunaux, ayant trempé, par son
organisateur en chef, dans un complot. Comme le disait
le premier ministre, un des complots les plus monstrueux auxquels votre
parti vient de se livrer.
M. le Président, c'est contre ça que nous nous battons et
ce n'est pas facile de se battre contre, je ne dis pas le Procureur
général, mais contre toute la police, contre tous les moyens
qu'ont les avocats de la couronne, les avocats libéraux, les
députés libéraux et tous les autres de poser des
traquenards, de créer des difficultés, de taper des lignes, de
promettre des licences, de menacer d'en enlever. Ce n'est pas facile, M. le
Président.
Je dis que cette situation est tellement sérieuse que le
Procureur général et le premier ministre sont mieux d'y porter
attention, parce qu'il y a le un principe en jeu. Les personnes passent; je
peux disparaître demain. Je pourrais disparaître de la politique un
bon jour et, dans la province, quand arriveront d'autres élections,
quels que soient les gens, les partis en présence, quel que soit le
Procureur général, il ne faut pas que des gens qui sont propres
refusent de faire de la politique parce qu'il pourra arriver, encore une fois,
que, même innocent, ils se fassent salir dans l'opinion publique comme
s'est fait salir M. Lagarde au grand détriment de ses affaires, de sa
femme et de ses deux enfants. C'est ça qu'il faut éviter pour
l'avenir, M. le Président.
Il faut cesser de persécuter, de chercher la "bebite" noire dans
la vie de M. Lagarde. M. le Président, M. Lagarde n'a rien à
faire dans l'affaire des faux certificats. Il n'avait rien à faire dans
l'autre. Cela se réglera autrement. Mais j'avertis le Procureur
général que son équipe n'est pas dans l'autre, mais
travaille pour "jambetter", pour empêcher encore une fois et pour
"épeurer", pour faire des menaces dans certains coins. L'avocat de M.
Lagarde, M. Claude Gagné a été menacé. On lui a
demandé de se retirer, que ça serait mieux pour lui, pour ses
affaires et pour sa prospérité.
M. le Président, si le Procureur général insiste,
il va savoir de qui ça vient, ça.
M. Lapalme: M. le Président, je demanderais au chef de
l'Opposition de répéter la dernière phrase parce que je
n'ai pas saisi. J'ai demandé à M. Cantin... M. le Procureur,
quoi?
M. Johnson: M. le Président, c'est rendu à un point
où même Claude Gagné, l'avocat de M. Lagarde, reçoit
une bonne part des menaces qui se formulent à peu près comme
ceci: Ce serait mieux pour votre avenir, votre prospérité comme
avocat et votre tranquillité de vous retirer de ce
dossier-là.
Une voix: La dernière phrase?
M. Johnson: J'ai dit: Si le Procureur général insiste, je
lui dirai d'où ça vient, ça.
M. Lapalme: Très bien.
M. Johnson: Est-ce qu'il insiste, le Procureur
général?
M. Lapalme: Je vais en parler, je vais arriver à cette...
M. Johnson: Le Procureur général va m'en parler,
j'espère. Tantôt, je lui donnerai d'autres détails à
ce sujet.
M. Lapalme: M. le Président, dans les notes que j'ai prises, je
voudrais passer immédiatement à ce qui, à mon point de
vue, constitue un principe. Je ne dis pas que mes notes sont les paroles
exactes du chef de l'Opposition. D'ailleurs, j'espère le faire en
quelques minutes, j'espère qu'à six heures moins quart au moins
j'aurai terminé. Eh oui, je voudrais faire remarquer que, pour ma part -
c'est aujourd'hui jeudi - j'ai parlé mardi deux heures et demie, je
crois ou trois heures pour répondre au chef de l'Opposition qui avait
parlé approximativement deux heures et demie, trois heures.
M. Bellemare: Non, non.
M. Lapalme: Oui, et le chef de l'Opposition vient de parler de nouveau
pendant deux heures et dix minutes à peu près, ce qui veut dire
que, jusqu'à maintenant, le chef de l'Opposition a parlé
approximativement quatre heures et demie, cinq heures et que j'en ai
parlé trois. Sans vouloir minimiser ce qu'il a pu dire, je ne voudrais
pas faire ce qu'il a fait, c'est-à-dire reprendre pendant une
très longue période le mot à mot de ce qui a
déjà été dit. En effet, toute la première
partie du discours du chef de l'Opposition, c'est le mot à mot de ce qui
avait été dit la semaine dernière. Alors, pour faire le
même tour de force, il me faudrait parler encore pendant deux heures et
répéter à peu près, plus quelques détails
additionnels, tout ce que j'ai dit. A toute une partie de ce qui a
été dit par le chef de l'Opposition, partie qui est
composée de questions, il a été par la suite fait
réponse dans le discours que j'ai prononcé à mon tour.
Je vais être obligé, tout de même, de
répéter quelques-unes des choses que j'ai dites - et c'est
là que j'ai recours à mes notes - au début, parce que
c'est pour moi une question de principe, comme je l'ai dit au départ, il
y a un instant.
Je couvre tout le monde, ce qui veut dire que je prends toutes les
responsabilités. Le chef de l'Opposition a fait, je dirais même,
une sortie à ce sujet qu'il a terminée à peu près
comme ceci: Le Procureur
général, à force de dire qu'il couvre tout le
monde, va finir par se faire couvrir par les autres ou par les procureurs de la
couronne, ou enfin par les employés du département. J'ai assez
longuement expliqué l'autre jour comment je comprenais ma
responsabilité, que je ne me cachais pas. Je le répète en
deux ou trois phrases: Tout ce qui s'est passé dans le
département du Procureur général, soit pendant les 4 ou 5
jours où j'étais encore réellement en fonction, soit
durant les mois durant lesquels j'ai été à l'hôpital
ou en convalescence, c'est moi qui en suis responsable; que des actes aient
été commis par d'autres, c'est moi qui en suis responsable et
devant la Chambre, et devant la province. Je ne passe mes
responsabilités à personne.
C'est ce que j'appelle, M. le Président, me
répéter. C'est dans ce sens-là que je dis que je couvre
tout le monde ou bien je le dénonce. C'est ce que j'avais dit dans le
premier discours. Mon devoir, c'est de couvrir mes subordonnés ou de les
dénoncer; j'ai dit et je le répète que rien n'indique que
tout ceci a pu être fait, soit par la police, soit par les procureurs de
la couronne, de mauvaise foi. C'est un cas comme tant d'autres qui a eu le
malheur d'arriver pendant une élection, où la police fait une
cause et la perd à l'enquête préliminaire. M. André
Lagarde n'a pas été la victime d'une erreur judiciaire. Il a
été acquitté dès l'enquête
préliminaire et il est heureux qu'il y ait dans le droit des
enquêtes préliminaires parce que ça permet au Procureur
général d'être indépendant, en ce sens qu'il
n'appartient pas à la couronne elle-même de déterminer s'il
doit y avoir matière a procès. Ceci relève d'un juge
à l'enquête préliminaire. C'est lui qui doit prendre ce que
la couronne lui offre et décider si cet homme qui est devant lui doit
aller au procès ou s'il doit être libéré
automatiquement.
Je me répète encore une fois: Devant la seule preuve que
nous avions, alors que la chose serait sortie dans le public si nous n'avions
pas soumis le tout à un juge pour enquête préliminaire,
qu'est-ce qu'on aurait dit de nous? Il ne nous appartenait pas de juger, nous,
si André Lagarde était, oui ou non, coupable. Il appartenait
à un juge à l'enquête préliminaire de dire, d'abord,
s'il y avait matière à procès. S'il avait
déclaré qu'il y avait matière à procès, M.
Lagarde aurait subi son procès, mais c'est le juge lui-même et non
pas le Procureur général qui a le devoir dans ces cas de dire si
un homme doit aller à son procès, oui ou non. Il a
été honorablement acquitté.
M. Johnson: Libéré.
M. Lapalme: Libéré. M. le Président, à ce
sujet, je voudrais - c'est parce que j'y pense, je ne voudrais pas l'oublier;
où est ce dossier qui confirme ce que j'avais dit, le jugement du juge
Blain à l'enquête préliminaire? - montrer quels
étaient les témoins, les dernières conclusions. En
conclusion, il y a absence totale de preuve à soumettre aux jurés
puisqu'il ne peut y avoir entente entre Fontaine et Lagarde et que le
témoignage de Moreau ne peut être accepté comme preuve de
conspiration. C'est grâce à ça qu'ils ont été
acquittés, c'est grâce a ces témoignages-là,
Fontaine ne reconnaissait pas Archambault en cour.
M. Johnson: Le Procureur général, je ne voudrais pas
l'interrompre, j'ai parlé à mon goût moi aussi, mais il me
posait des questions de temps en temps; pourquoi, avant d'amener Moreau en cour
comme témoin, M. Desjardins n'a-t-il pas pris la peine de
vérifier les dires de Moreau? Pourquoi ne l'a-t-il pas fait? C'est
ça que je reproche à M. Desjardins.
M. Lapalme: Mais non, le chef de l'Opposition, il est comme moi, de
temps en temps, dans tout ce fouillis, tout à coup il perd un peu une
voie. Moreau n'apparaît pas dans le portrait au départ, le 1er
jour, le 2e jour ni le 3e jour, et...
M. Johnson: Oui, mais l'enquête préliminaire a eu lieu le
23 janvier.
M. Lapalme: Oui, mais à ce moment-là, les
procédures sont commencées et c'est là que Moreau
intervient.
M. Johnson: Je comprends, M. Moreau à ce moment-là avait
été interrogé par la police avant d'aller chez Desjardins.
C'est vrai ca, qu'on regarde ca.
M. Lapalme: Oui, oui, je vais arriver à ca.
M. Johnson: Puis, les policiers auraient fait rapport que Moreau ne
pouvait pas témoigner là-dedans, que ca n'avait pas d'allure. Il
ne savait rien de ca, et puis malgré ca, il s'en va chez Desjardins,
puis là Desjardins l'accepte comme témoin.
M. Lapalme: Alors, M. le Président, si le chef de l'Opposition me
le permet, je lui avais dit que je voulais finir à six heures moins
quart, je vais passer assez rapidement. Tout ce qui a été dit par
le chef de l'Opposition aujourd'hui sur Brossardville, tout ce qu'il a dit sur
l'exploitation de cette affaire en dehors de la Chambre, dans le public, il
l'avait dit dans son discours de la semaine passée. J'en ai parlé
longuement. Il s'est même chargé lui-même de citer une
conférence de presse dès le lundi dans laquelle le disais que
l'affaire était sub
judice.
M. Johnson: Ah non, pas le lundi.
M. Lapalme: Bien, c'est le lundi ou c'est tout près.
M. Johnson: Oh! non, pas le lundi.
M. Lapalme: C'est tout près, quelle date était-ce?
M. Johnson: Le Procureur général a tenu une
conférence de presse le mercredi, mardi ou mercredi...
M. Lapalme: Et avant ça, j'en avais déjà
parlé. Le premier endroit où j'ai parlé en dehors de
Montréal, le dimanche soir et le lundi, j'avais dit que l'affaire
était sub judice et qu'il n'appartenait pas aux orateurs d'en parler.
C'est lui-même qui a fourni une partie de la Presse dans laquelle il y a
des rapports de presse qui indiquent ça. Bon, on n'a plus parlé
de ça. Il parle de la machination politique dont j'avais parlé
dans mon discours de Québec. Mais j'ai dit exactement: L'élection
de 1960, quand est arrivée l'affaire Bégin, on a dit "machination
politique." J'ai dit: Vous savez ce qui est arrivé, c'est une affaire
qui est allée devant les tribunaux. En voici une, aujourd'hui, qui est
devant les tribunaux, et qui n'est pas jugée.
Le chef de l'Opposition a parlé encore de cette chose dont nous
avions discuté très longuement, le "certiorari" pris par Me John
Ahern et qui a été gagné en Cour supérieure. De
même que moi, j'avais parlé d'un bref de prohibition qui avait
été pris le vendredi par ceux qui représentaient l'Union
Nationale, pour empêcher que la cause n'en parle. Je veux revenir
encore...
M. Johnson: Encore là, M. le Président, le Procureur
général induit la province en erreur. Le bref de prohibition du
vendredi n'a pas été pris dans la cause de Lagarde et il n'a pas
eu pour effet d'empêcher la cause de Lagarde d'être entendue. C'est
le bref de "certiorari" pris par Me Ahern qui a eu pour effet d'empêcher
que M. Lagarde soit entendu en temps utile avant les élections.
M. Lapalme: Oui, il n'y a rien qui a précédé. Il y
a eu un " certiorari " de la part de la couronne mercredi. Il y a eu quelque
chose le vendredi, une procédure. Enfin, je procède vite parce
que je veux finir dans vingt minutes. Tout ce qui a été dit, sauf
trois ou quatre choses, c'est tout ce qui a été dit il y a une
semaine. C'est pour que ce soit encore tout reproduit. Moi je ne recommence
pas, j'en ai eu assez de la publicité. J'ai parlé une fois, j'ai
dit tout l'essentiel. Je vais essayer de prendre les points qui ont
été soulevés par le chef de l'Opposition, cette fois-ci,
développés beaucoup plus que dans son premier discours. Dans le
cas, cité textuellement par le chef de l'Opposition, de M. André
Lagarde n'ayant pas eu l'aide de la police, malgré tout ce qui a
été dit dans les discours précédents, je vais
être obligé de me répéter. La police s'est
trouvée avec une cause perdue où ses témoins
déclaraient finalement qu'ils s'étaient parjurés. Elle
s'est trouvée devant des gens qui avaient déclaré: Ce que
nous avons dit à la police, ce que nous avons dit à un juge,
enfin tout ça, ce n'était pas vrai. La loi était faite.
Où étaient ces témoins, elle n'en avait plus. C'est
à ce moment-là, et je le répète, que l'affaire
éclate, alors qu'un journaliste du Devoir se présente devant
Fontaine en disant qu'il fait partie de la pègre. Il n'était pas
possible à la police de s'infiltrer dans ce milieu et de faire croire
à Fontaine qu'elle faisait partie de la pègre. Mais ce que j'ai
expliqué l'autre jour, à cause des critiques qui avaient
été faites contre les méthodes employées par la
police, c'est qu'on trouve héroïque le fait qu'un journaliste se
soit présenté, lui, comme un membre de la pègre pour en
faire parler un autre, et que quand la police utilise ces méthodes
toutes simples, comme dans le cas qui avait été soulevé
par le chef de l'Opposition et qui sont les méthodes policières
du monde entier, on crie au scandale.
M. Johnson: Le Procureur général ne devrait pas être
injuste envers le journaliste. Le journaliste n'a pas arraché une
déclaration. Fontaine avait déjà fait une
déclaration et le journaliste a obtenu une copie de cette
déclaration de M. Fontaine.
M. Lapalme: A la suite, je crois que c'est M. Archambault qui signale
qu'il y a une imprimerie qui imprimait des billets de loterie et que les
imprimés de cette imprimerie ressemblent étrangement aux faux
certificats. A ce moment-là la police n'était pas capable de
savoir de M. Archambault de quelle imprimerie il voulait parler.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. Archambault est allé à la police. La police a dit:
Donnez-moi ça. Il est allé devant le juge, le juge n'a pas voulu
prendre de dénonciation. Il lui a dit: Allez à la police. Il est
allé à la police. C'était un vendredi, je crois, et il a
dit à la police: Je vous donnerai ça lundi, parce que j'ai peur
que quelqu'un dans votre entourage couvre ce gars-là, et c'est trop
important. Et cela a été le commencement de l'affaire, c'est
là qu'on a trouvé le nid.
M. Lapalme: II y a dans mon rapport,
un M. Aubut, qui est dans la cause, un avocat. M. Archambault parle
d'une imprimerie et on lui demande de donner le nom. Il dit qu'il ne la
connaît pas mais qu'il pourrait la désigner. M. Archambault
hésitait à un tel point que Me Aubut, prenant la parole, lui dit:
Écoute, Gaston, si tu connais quelque chose, donne-leur donc. Cela a
été très long. Finalement, une saisie a été
faite à cette imprimerie. Les caractères «ont
examinés par le Dr Fontaine et le Dr Roussel, et on ne trouve aucune
similitude entre les deux caractères d'imprimerie. Dans les journaux, M.
Archambault remercie la police de la collaboration qu'elle lui a donnée.
Mais a la suite de cette entrevue qu'il y a eu entre M. Lagarde et M. Cardinal,
Fontaine part après ça toute une série de nouvelles. La
police ne savait pas qu'il se parjurait. Elle l'a su quand il l'a dit en cour.
Et a un moment donné, après que l'affaire eut été
jetée dans le public par le journal Le Devoir, il y a eu une
préenquête devant le juge Blain. Or, au cours de cette
préenquête, Paquin s'est parjuré devant le juge Blain,
Jolivet s'est parjuré devant le juge Blain et je crois qu'il y en avait
un troisième dont j'ai oublié le nom. Si la police n'avait pas
fait son travail, rien n'aurait été su. C'est la police qui a
procédé elle-même aux confrontations par la suite et qui a
ramené ces témoins devant le juge Blain pour leur faire admettre
qu'ils s'étaient parjurés.
M. Johnson: Dans quels cas ça?
M. Lapalme: Je parle de Paquin, Jolivet, peut-être Beaudoin. Il y
en a trois, en tous cas, qui s'étaient parjurés devant le juge
Blain, qui ont passé devant la police par la suite et qui sont venus
dire qu'ils s'étaient parjurés. La police a fait ce qu'on lui a
demandé, et je ne voudrais pas venir aux menaces, je l'ai vers la
fin.
M. le Président, lorsque j'ai pénétré dans
les arcanes de cette affaire qui est, encore comme je l'ai dit, assez
embrouillée, j'ai refait l'histoire de cette cause comme je la vois,
à la lueur des dépositions ou à la lueur du dossier. Il
peut arriver encore, durant les minutes qui vont suivre, que je touche certains
aspects de la cause qui ont déjà été
touchés, soit par le chef de l'Opposition, soit par moi. Je voudrais
m'en tenir surtout et principalement à certaines questions qui
deviennent soit des questions de principes, soit des questions
extrêmement graves, subjectivement parlant.
Le chef de l'Opposition a dit que je me sers des ragots de Fontaine,
alors que Desjardins admet que Laqarde est innocent. Il n'y a pas seulement que
M. Desjardins qui admet que Lagarde est innocent, tout le monde le sait.
M. Bellemare: Comment?
M. Lapalme: Tout le monde sait que M. Lagarde est innocent. Seulement,
quand le chef de l'Opposition parle de confrontation, il sait que je me suis
servi de la déposition de Fontaine dans laquelle il disait
connaître très bien Gaston Archambault, pour avoir
été mêlé, lui, à des affaires criminelles au
sujet desquelles il avait été interrogé par
Archambault.
J'ai lu ça en Chambre, ici, et le chef de l'Opposition
s'étonne que la couronne ne se soit pas sentie dans l'obligation de
confronter Archambault avec Fontaine. Fontaine parlait de choses qu'il avait
connues en présence d'Archambault.
M. Johnson: M. le Président, le Procureur général
doit-il déposer les documents qu'il...
M. Lapalme: Ah! M. le Président, je ne voudrais pas que le chef
de l'Opposition laisse l'impression à la Chambre et au public que moi,
j'hésite à déposer. Il y a eu un vote, l'autre jour, pour
m'empêcher de déposer des documents, et à chaque document
que j'ai cité, j'ai offert de le déposer sur la table, y compris
un dossier complet de la police que j'avais. J'ai offert de tout déposer
sur la table, moi, je suis encore prêt à tout déposer.
M. Johnson: M. le Président, en vertu du règlement, il
faut le consentement. Quant à moi, je suis prêt à le
donner, mais je voudrais qu'on dépose tout.
M. Lapalme: Je vais déposer tout ce que j'ai.
M. Johnson: Le rapport que Healy et Auclair ont fait de leur entrevue
à Montréal avec Jean-Paul Grégoire, Soucy dit Boisjoli, et
puis Sauvé dit Beaulieu, et les autres déclarations aussi. Le
Procureur général sait bien qu'une des raisons pour lesquelles
Healy et Auclair ont été envoyés à Montréal,
c'est que la première identification n'avait pas été bien
faite dans la déclaration, il fallait aller compléter ça.
C'était juste mentionné Gaston Archambault, c'était pas
bien solide. 2e, le Procureur général sait...
M. Lapalme: Non, non, mais de quoi?
M. Johnson: Oui, oui, dans la première identification de M.
Fontaine, à sa première déclaration écrite, le
Procureur général pourrait vérifier ça. Cela a
été discuté dans les rapports de préenquête,
que j'ai moi aussi, évidemment. Je suis avocat-conseil de l'avocat de M.
Lagarde, ce qui me permet d'avoir accès à certains dossiers, M.
le Président. J'ai payé ma cotisation au
Barreau. J'ai, des fois, de la misère a distinguer entre ce que
je sais politiquement et ce que je sais comme avocat. Vous comprendrez
ça. C'est normal. C'est difficile d'avoir deux mandats, mais jamais je
n'ai oublié, par exemple, mon sens des responsabilités en
Chambre, M. le Président. Et j'espère que le Procureur
général n'oubliera pas non plus que, déposant un dossier,
il le dépose au complet, y inclus les documents que j'ai demandé
de déposer.
M. Lapalme: M. le Président, il dit: "Je me sers des ragots de
Fontaine, alors que M. Desjardins admet que Lagarde est innocent." Je me suis
servi de la seule partie des dépositions de Fontaine au sujet de
laquelle il a déclaré ne pas s'être parjuré, la
seule.
M. Johnson: Puis le seul qui croit Fontaine, c'est le Procureur
général.
M. Lapalme: Un instant, un instant: C'est que la déposition de
Fontaine a été corroborée pour partie dans les cas
où les policiers sont entrés dans sa cellule sans y être
autorisés et ç'a été prouvé, c'était
vrai. J'ai voulu expliquer le climat dans lequel ces choses se sont
passées et ont continué a se dérouler par la suite.
M. Johnson: Est-ce qu'ils ont été punis, ces
policiers-là?
M. Lapalme: Mais, j'en ai parlé, j'ai tout dit.
M. Johnson: Non, non.
M. Lapalme: Le chef de l'Opposition le sait.
M. Johnson: Non, non.
M. Lapalme: J'ai parlé sur le sujet, j'ai tout raconté,
j'ai tout lu, bon!
M. Johnson: Est-ce qu'ils ont été punis, ces
policiers-là?
M. Lapalme: Ils ont été destitués et j'ai
déclaré qu'ils avaient été destitués. Est-ce
que je l'ai dit, oui ou non? Je le demande à la Chambre.
M. le Président, si le chef de l'Opposition m'oblige à
parler et à remplir encore les pages des journaux et à en
ajouter, je suis prêt à le faire, mais c'est ça qui va
éclairer la justice.
M. Johnson: M. le Président, si le Procureur
général s'imagine que j'ai des choses à cacher et qu'il
peut me faire taire en disant qu'il a des as dans ses manches, je lui dis tout
de suite de tout sortir ce qu'il a, je n'ai peur de rien, M. le
Président, et je suis aussi innocent là-dedans que M. Lagarde l'a
été dans toute cette affaire.
M. Lapalme: Lorsque j'ai cité ce témoignage dont une
partie a été corroborée par la police d'une façon
troublante, en particulier lorsqu'elle a trouvé l'écrit d'un
policier à l'endroit désigné par Fontaine, j'ai
cité ça pour montrer ce qui a pu se passer dans ces causes de
part et d'autre, et je ne sais pas au juste ce qui s'est passé.
Mais, M. le Président, un matin, en cette Chambre, le chef de
l'Opposition s'en vient dire que Boisjoli se vantait que le Procureur
général avait appelé les juges de la Cour d'appel pour sa
cause. Je n'ai pas aimé ça.
M. Johnson: Moi non plus.
M. Lapalme: Non, je n'ai pas aimé ça. Je n'ai pas
aimé ça, inviter les journalistes même à aller voir
les juges, mais, au moment où cette déposition de Fontaine que
j'ai utilisée en cour, en Chambre, allait être utilisée
devant un juge, je crois devoir faire l'enquête préliminaire.
J'étais chez moi, j'étais malade à ce moment-là. Me
Desjardins m'appelle et dit: "II y a une chose que vous ne savez pas, c'est
que, dans une des informations que nous avons écrites, signée par
Fontaine, il y a un nom qui y apparaît et c'est le nom du chef de
l'Opposition." J'ai dit: "Comment est-il mentionné?" Puis il me dit:
"Fontaine dit qu'un policier est allé le voir dans sa cellule et qu'il
lui a fait des menaces et il ajoute à un moment donné qu'il a
communiqué la veille avec Daniel Johnson, à son domicile".
M. Johnson: J'ai dit...
M. Lapalme: J'ai dit: "On nous reproche tellement à l'heure
actuelle de faire de cette cause une cause non seulement à incidence
politique, mais une cause politique qu'il serait inadmissible que cette partie,
d'ailleurs, qui n'apporte rien, soit reproduite en cour, pouvez-vous vous
entendre avec le juge?" Le juge a pris connaissance de la déposition et,
quand M. Desjardins, la tenant dans sa main, interrogeait, je crois, Fontaine,
quand M. Desjardins, lisant la déposition, est arrivé à
cette phrase, il a dit au juge: "II y a une phrase ici, Votre Seigneurie, que
je ne crois pas nécessaire ni utile de lire." Et le juge a dit: "Non, je
ne crois pas."
M. Johnson: C'est une faveur que le député, que le
Procureur général me fait là?
M. Lapalme: Non. Seulement, j'aurais pu l'utiliser avant dans les
journaux, comme le chef de l'Opposition a utilisé une parole, un ragot,
pour dire que le Procureur général
appelait les juges de la Cour d'appel pour leur faire rendre des
jugements. Alors, aujourdhui, hier, avant-hier, j'ai lu la déposition en
entier, je l'ai lue, j'ai hésité, je l'avais avec moi, je ne
savais pas si je l'utiliserais. Devant la tournure des débats, je n'ai
pas cru devoir donner de traitement de faveur au chef de l'Opposition. Cette
médecine-là, il ne l'aime pas; la sienne non plus, je ne l'ai pas
aimée. Il m'a dit: "Je n'ai pas cru que le Procureur
général avait fait ça." Bien, c'est
précisément parce que je n'avais pas cru que le chef de
l'Opposition avait pu faire ça, qu'en premier, je n'avais pas voulu que
la chose passe devant les cours, il y a des mois.
M. le Président, je reviens toujours sur cette chose qui a surgi
à temps et à contretemps; j'y reviens principalement a la suite
des paroles qu'a prononcées le chef de l'Opposition: "Je blâme le
Procureur général pour avoir exploité ça en
période électorale."
Il sait fort bien que ce n'est pas vrai. M. le Président, le chef
de l'Opposition a commencé à citer un article de M. Laurendeau
malgré mon appel au règlement. Ce qu'il a dit par la suite
était quand même l'article en question, mais j'ai dit tout
ça l'autre après-midi ou l'autre soir. Au département du
Procureur général ou à la police, il se commet des
erreurs. Le chef de l'Opposition a, comme les journalistes, le droit de dire
à la police qu'elle a pu être imprudente ou qu'elle a
été d'une sévérité excessive, qu'elle a
été d'une grande naïveté. C'est leur droit, c'est le
droit du chef de l'Opposition. De la même façon que j'ai dit
l'autre soir que je n'attendais pas de lui un certificat de compétence,
ni même d'habileté, malgré tout ce qu'il a dit aujourd'hui.
La police s'est fait tromper dans une cause dont le caractère a
cependant été exceptionnel au point de vue publicité, mais
s'il ne s'était pas agi d'une cause pendant une période
électorale, ce caractère exceptionnel n'aurait pas existé.
On trouve que la police a été imprudente, qu'elle a agi avec
naïveté, avec trop de sévérité, c'est une
opinion. Je défends, moi, les procureurs de la couronne qui avaient
devant eux une cause dont les apparences étaient sérieuses et qui
n'avaient pas le droit, eux, pas plus que moi, de la mettre de
côté et d'en disposer sans qu'elle passât par les mains d'un
juge. C'est ce qui se passe à la douzaine dans tous les comtés et
dans tous les districts judiciaires de la province de Québec.
Aujourd'hui, il y a eu des plaintes de levées sans aucune
préenquête, parce que la couronne considérait qu'elle
n'avait pas le droit de juger ces causes qui avaient une apparence de droit en
faveur du plaignant. Aujourd'hui même. il se loge dans la province, je ne
sais pas combien de causes qui vont s'en aller à l'enquête
préliminaire.
Ce sera le juge, je le répète, qui décidera si oui
ou non on doit s'en aller au procès.
M. le Président, en répétant sa causerie à
la télévision, plus ou moins en relisant les journaux
aujourd'hui, le chef de l'Opposition parlait de ma démission à
cause de ce qui s'est passé ou de ce qui ne s'est pas passé.
Là, à ce moment-là, il défonce un peu une porte
ouverte. Je dois vous dire, M. le Président, que je ne
démissionnerais pas de mon poste de Procureur général si
je n'avais, depuis si longtemps, demandé à être
relevé de cette fonction et à m'en aller finir d'organiser ce qui
sera au moins le commencement du ministère des Affaires culturelles.
J'ai dit hier que depuis les élections, je suis resté à ce
poste-là précisément parce que je n'avais pas l'intention
de me faire traiter de type qui lâche tout ou de quelqu'un qui est
lâche ou de quelqu'un qui se sauve. Les demandes de démission du
chef de l'Opposition, il y a longtemps qu'elles ont été
devancées par moi au premier ministre lui-même.
M. le Président, le chef de l'Opposition dit qu'il ira à
la télévision expliquer la conduite du Procureur
général. Il est libre de le faire. Il y est déjà
allé à la télévision. Cela fait cinq ou six heures
qu'il en parle ici, en Chambre. Est-ce qu'il veut en parler encore pendant
toute la soirée, veut-il répéter tout ce qu'il a dit
presque mot pour mot pendant des heures et des heures? Qu'il y aille, à
la télévision, ca lui a déjà servi pour les
élections, pour dire que j'ai attaqué un juge...
M. Johnson: Le Procureur général veut-il venir avec
moi?
M. Lapalme: M. le Président, je n'ai pas la prétention
d'être photogénique. Ce n'est pas ma spécialité, la
télévision, j'aime mieux la Chambre.
M. Johnson: Vis-à-vis du premier ministre.
M. Lapalme: J'aime mieux ça quand il est en face de moi, le chef
de l'Opposition.
M. Johnson: Moi aussi.
M. Lapalme: J'aime mieux ca. Il a dit que j'avais attaqué un
juge.
M. Johnson: Ah oui!
M. Lapalme: Ah! je ne lui ai pas donné un grand certificat, ca,
c'est vrai. Non, je ne lui en ai pas donné un parce que, dans le droit
criminel du Canada, institution de droit britannique, il n'existe pas de juges
d'instruction, comme en France, qui font des procès et qui, quand
l'accusé est rendu devant les cours, se trouvent devant quelque
chose qui est exactement la même chose que ce qu'il a connu lors
de l'instruction. Je n'admettrai jamais que nous ayons ici des juges
d'instruction. Le juge chargé de la préenquête est
chargé de savoir s'il y a raisonnablement raison de croire qu'une
plainte peut être portée. Et j'ai dit, il y a déjà
deux semaines - ça fait quatre semaines que je suis devant la Chambre -
qu'afin que cette chose ne se perpétue pas, j'aurais dû faire
taire les procédures pour arrêter cette manière de
procéder au criminel afin que ça ne devienne pas une tradition.
Je ne veux pas dans la province de Québec de juges d'instruction qui
font la pluie et le beau temps comme on le fait en France à l'heure
actuelle. Je n'admets pas le système français. J'admets le droit
criminel d'origine britannique auquel nous sommes habitués et qui est
aujourd'hui dans nos traditions. A ce moment-là, évidemment,
j'indique que je ne partage pas du tout la manière de voir de celui qui
a procédé de la façon que j'ai décrite avec
détails, l'autre jour, et je ne la décrirai pas de nouveau. Mais
le chef de l'Opposition, parlant des pardons, dit que c'est le devoir des
juges.
M. le Président, j'ai envoyé un télégramme
au ministre de la Justice demandant si les demandes avaient été
faites. Il m'a répondu: "Votre télégramme Re: Moreau. La
pratique invariable est de considérer comme strictement confidentielle
toute demande reçue par la Commission nationale des libérations
conditionnelles.
M. Johnson: On savait ça, nous autres.
M. Lapalme: "On m'avise qu'il n'existe pas de précédent
où de pareils renseignements peuvent être rendus publics. La
commission ne saurait accéder à pareille demande sans trahir les
confidences reçues de ses correspondants." Or, je le dis, il est
d'intérêt public que le Procureur général du
Québec sache si oui ou non une telle demande a été
faite.
On se demande ce qui est arrivé, c'est que le juge
Chevrette...
M. Johnson: Tout le monde savait ça.
M. Lapalme: ... très ouvertement, a rencontré les
procureurs de la couronne et puis il a dit: "Voici la copie de la lettre que
j'ai envoyée et voici la copie de la lettre que le juge Blain a
envoyée à Ottawa." Je remercie le juge Chevrette qui était
le juge qui, lui, avait condammé.
M. le Président, Moreau, dans sa lettre, dit: "Dis à ma
mère de demander au juge Blain de m'appeler". Dans sa conférence
de presse, le juge Blain de dire que ce n'est pas lui qui a appelé
Moreau, c'est Moreau qui l'a appelé. D'après le rapport du
gouverneur, le 8 mai, vers 10 heures du matin, le juge
Blain a appelé le gouverneur en disant que la mère de
Moreau l'avait appelé et de demander a Moreau de le rappeler vers 12 h
30 à son bureau, parce qu'il s'en allait en cour. A 12 h 30, Moreau a
essayé d'appeler au bureau du juge, ça ne répond pas. Vers
2 heures, le gouverneur était de passage au palais de justice, le juge
était à la cour. Le gouverneur s'en est allé directement
à son banc et lui a dit que Moreau avait essayé de l'appeler mais
que ça ne répondait pas. Le juge a demandé de faire
rappeler Moreau à 4 h 30.
Or, Moreau dit dans sa lettre de demander d'écrire. Or, la lettre
est du 8 mai, celle du juge Blain. Il a été appelé au
téléphone à 4 h 30. La lettre du juge Chevrette est du 9
mai, M. le Président. Même dans la conférence de presse qui
vient d'être faite, les faits rapportés par le juge Blain ne sont
pas exacts. Et je ne répéterai pas ce que j'ai dit, sauf en une
phrase. Dans une cause à laquelle l'Union Nationale donne tellement
d'importance, dans laquelle elle voit tant de gens avoir commis des crimes, je
ne comprends pas une telle mansuétude alors que les opérations
sont au judiciaire, sont encore en cour et que les condamnés ne sont au
pénitencier ou en prison que seulement depuis quelques semaines. Si nous
sommes à un moment où la justice doit être
protégée, c'est bien celui-là. Et si les
condamnations...
M. Johnson: Le temps passé en prison... Des voix: A l'ordre! A
l'ordre!
M. Lapalme: Un instant, un instant! Et si les condamnations en cour ne
prouvent rien pour ceux qui, plus tard peut-être, seront
condamnés, pourquoi avoir fait tant de bruit et pourquoi être
allé devant les tribunaux?
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. Lapalme: M. le Président...
M. Johnson: J'invoque le règlement, M. le Président. Le
Procureur général n'a pas le droit de dire ce qu'il dit ici. M.
le Président, j'invoque le règlement.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! A l'ordre! Le député de l'Opposition, le chef de
l'Opposition a le droit d'invoquer le règlement suivant le
règlement lui-même, non pas pour contredire une assertion, pour
rectifier ou faire une mise au point, mais qu'il consulte l'article 296,
d'ailleurs, qui est très clair: Invoquer le règlement, c'est pour
des paroles antiparlementaires qui ont été prononcées et
non pas pour rectifier des faits. Cela se
passe malheureusement trop souvent. Si le chef de l'Opposition veut
répondre au Procureur général sur les affirmations qu'il
fait, il aura toute la latitude surtout en comité plénier.
M. Johnson: M. le Président, le Procureur général
insinue, à sa façon habile... M. le Président, attendez
que je m'explique, au moins.
Des voix: A l'ordre! A l'ordre!
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! Si le chef de l'Opposition veut faire appel au règlement, il
n'a pas le droit de le faire en commençant par dire: "Le chef de
l'Opposition insinue" pour expliquer les faits. Qu'il invoque le
règlement suivant le règlement et je le lui permettrai
certainement.
M. Johnson: M. le Président, le Procureur général -
ça va régler l'affaire -va me permettre une question. Pourquoi
son délégué, M. Bellemare, a-t-il demandé comme
sentence et s'est-il déclaré satisfait d'une peine moindre que
deux ans?
M. Lapalme: M. le Président, je dois vous dire que je n'ai pas
accepté la recommandation de M. Bellemare et je lui ai dit qu'il
n'était pas possible, dans une cause comme celle-là, que le
procureur de la couronne puisse faire une telle déclaration.
M. Johnson: Pas carte blanche pour faire le reste, mais pour faire
arrêter des gens de l'Union Nationale.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre!
M. Lapalme: M. le Président, voudriez-vous rappeler le chef de
l'Opposition à l'ordre? Lorsque la couronne fait des
représentations devant la cour, surtout dans des causes qui sont
importantes, elle demande l'avis du Procureur général ou de ses
assistants.
Lorsque j'ai entendu dire, après tout le tapage qui avait
été fait, après ces causes retentissantes, après la
découverte de tous ces parjures, que la couronne se contentait de
demander à la cour s'il était en prison, j'ai moi-même
déclaré que j'étais horrifié d'une telle prise de
position de la couronne.
M. Johnson: Moreau, c'est lui qui a aidé la couronne.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre!
Une voix: Ils sont bien nerveux.
M. Lapalme: Nous en étions à parler de Moreau. Le chef de
l'Opposition a dit: "Les avocats de la couronne sont allés voir Moreau
en prison pour lui parler encore de M. André Lagarde et des
certificats." Oui, ils sont allés. Parce qu'il y a une cause et pas
seulement ça, il y a une cause de la couronne et demain, Moreau sera
dans la boîte.
Une voix: Quelle cause?
M. Lapalme: II y a des causes qui traînent à l'heure
actuelle qui vont être dans les cours...
M. Johnson: Concernant M. Lagarde?
M. Lapalme: M. Boisjoli, M. Sauvé, tous les autres. Moreau va
être le témoin de la couronne. La défense va avoir le droit
de l'interroger sur ce qu'il a dit dans une préenquête ou dans une
enquête préliminaire. La défense va avoir le droit de
l'interroger. La couronne veut savoir ce que sait Moreau. Elle l'a
interrogé également pour savoir s'il est vulnérable au
point de vue de l'argent reçu parce que tout à l'heure, c'est
à d'autres qu'à la couronne qu'il aura à répondre.
Il aura à répondre aux avocats de la défense, devant les
assises ou ailleurs. La couronne est allée là pour savoir quel
avait été son rôle dans ces choses-là. Maintenant,
M. le Président, quand je vois le chef, le député, je ne
veux pas le minimiser en abandonnant son titre de député de
Bagot, de chef de l'Opposition, quand je vois le chef de l'Opposition avoir
aujourd'hui tant de véhémence dans la défense de la
vertu...
M. Johnson: ... député de Jacques-Cartier.
M. Lapalme: ... je me dis, évidemment, qu'en vieillissant, il y
en a qui deviennent ermites, parce que je ne l'ai jamais entendu protester
quand, dans cette Chambre, ici, M. Duplessis, Procureur général,
dénonçait les juges par leur nom à tour de bras...
C'étaient des juges qui ne faisaient pas son affaire.
M. Johnson: Jamais, jamais! M. Bellemare: Voyons, voyons!
M. Johnson: M. le Président, le
Procureur général sait que ce n'est pas exact. C'est faux.
C'est indigne de lui d'attaquer M. Duplessis.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! Encore une fois, M. le chef de l'Opposition, sans invoquer le
règlement, tel que le veut l'article 286, prend la parole et dit
textuellement que le
Procureur général est indigne. Non seulement il viole le
règlement en prenant la parole à ce moment-là, mais il
viole le règlement en employant des paroles antiparlementaires au sens
de l'article 285. Je lui demande de retirer ses paroles disant que le Procureur
général est indigne.
M. Lapalme: M. le Président, vous allez me laisser m'expliquer
comme le permet le règlement.
M. Bédard (président du comité des subsides): Je
demande tout simplement au chef de l'Opposition de retirer les paroles qu'il
prononçait alors qu'il enfreignait déjà le
règlement et non pas de faire un discours.
M. Johnson: M. le Président, je dis, je répète que
de la part...
Des voix: A l'ordre!
M. Johnson: ... du Procureur général, c'est indigne
d'attaquer M. Duplessis comme il vient de l'attaquer.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre! Pour une deuxième fois, je demande au chef de l'Opposition de
retirer les paroles qu'il vient de répéter, à savoir que
c'était indigne pour le Procureur général de dire ce qu'il
a dit au sujet de l'ancien premier ministre, M. Duplessis.
Le chef de l'Opposition sait qu'il n'a pas le droit, en Chambre, de dire
que les paroles prononcées par un député, quel qu'il soit,
sont indignes. C'est clair. C'est prévu d'ailleurs à l'article
285 du règlement. Je demande donc au chef de l'Opposition de retirer
purement et simplement ses paroles.
M. Johnson: M. le Président, comment voulez-vous
qualifier...?
M. Bédard (président du comité des subsides): Je
n'ai pas à qualifier qui que ce soit, je demande tout simplement de
retirer les paroles.
M. Johnson: II me semble, M. le Président, que je n'aurai
même pas le droit de parler. Le Procureur général a
affirmé une chose que je considère fausse, injuste. Si je n'ai
pas le droit de dire que c'est indigne du Procureur général, M.
le Président, je vais les retirer en espérant qu'il donne des
précisions sur ses accusations puisqu'il s'agit d'un homme qui est mort
depuis quatre ou...
M. Lapalme: M. Godbout l'a attaqué il y a un mois dans cette
Chambre.
M. Johnson: ... et qui ne peut pas se défendre, M. le
Président, puisqu'il s'agit d'un homme qui est mort et disparu. Je
trouve que ce n'est pas galant, que ce n'est pas d'un gentilhomme et que ce
n'est pas joli, M. le Président, de la part d'un Procureur
général.
M. Lapalme: Cela fait entre cinq et six heures que le chef de
l'Opposition parle là-dessus. Depuis que j'ai commencé à 5
h 15, ça n'a été qu'interruptions sur interruptions, M. le
Président. De grâce, je vous demande de lui faire observer les
règlements.
C'est la méthode du chef de l'Opposition de hacher chacune des
phrases. S'il n'y avait pas lieu que je l'arrête pour toutes les
accusations qu'il a lancées, et derrière lesquelles il se cache
sans rien dire de plus, il en aurait pour 20 jours à parler de
ça.
M. Johnson: Ce n'est pas exact. Je n'ai attaqué aucun...
M. Bédard (président du comité des subsides):
Est-ce une question de règlement ou une rectification?
M. Johnson: M. le Président, c'est une question de
règlement.
M. Bédard (président du comité des subsides): En
vertu de quoi?
M. Johnson: Le Procureur général n'a pas le droit
d'affirmer ce qu'il vient d'affirmer, que je me cache derrière...
M. Bédard (président du comité des subsides): Le
chef de l'Opposition sait fort bien qu'il enfreint le règlement en
invoquant une question de règlement pour faire une rectification. Encore
une fois, il a le droit, en comité plénier, de parler aussi
longtemps qu'il le veut et à dix reprises s'il le veut.
M. Johnson: D'accord, on le fera ce soir.
M. Lesage: M. le Président, j'attire votre attention sur le fait
qu'il est 6 heures.
(Suspension de la séance)
(Reprise de la séance à huit heures du soir)
M. Lapalme: Pendant l'ajournement, pendant quelques instants, j'ai
regardé mes notes et je me suis dit qu'il y aurait une chose bien simple
pour les journalistes aujourd'hui. Le chef de l'Opposition aurait pu leur dire:
Prenez la transcription de mon discours de la semaine dernière,
reproduisez-le et ajoutez quelques hors-d'oeuvres, plus l'échange entre
le premier ministre et moi. Je pourrais presque, à mon tour, dire la
même chose aux journalistes: Reprenez mon discours de mardi,
reproduisez-le et nous nous trouverons encore au même point, à
l'exception de quelques remarques
additionnelles. C'est en pensant à ça que je
répète les paroles que je disais à cinq heures et quart
quand j'ai cru que je pourrais finir à six heures moins le quart; je
répète de nouveau que je n'ai pas l'intention de redire toutes
les choses que j'ai dites, mais de m'en tenir à quelques points et
surtout a quelques principes. En même temps, à l'heure de
l'ajournement, j'ai appelé M. Bellemare -je viens de lui parler il y a
environ dix minutes - pour me faire remémorer les paroles exactes qu'il
avait prononcées devant le juge Chevrette au sujet de la condamnation
éventuelle de Moreau. Cette question du temps passé en prison, je
savais qu'elle avait surgi à un moment donné, mais je
n'étais pas sûr, exactement...
M. Johnson: Au sujet de la sentence?
M. Lapalme: ...au sujet de la sentence. Je savais qu'il en avait
été question entre M. Bellemare et moi, mais je n'étais
pas tellement certain; j'étais quelque peu surpris du fait que M.
Bellemare aurait dit devant le juge qu'il se contenterait, comme
représentant de la couronne, du temps passé en prison. M.
Bellemare me dit: J'ai encore le texte sténographié des paroles
que j'ai prononcées. J'ai dit: Nous laissons la sentence à la
discrétion de la cour pour qu'on ne nous accuse pas de vindicte." C'est
après ces revendications devant le juge Chevrette que M. Bellemare m'a
appelé pour me dire ce qui venait de se passer et quelle était la
position qu'avait prise la couronne, et c'est à ce moment que j'ai
absolument différé d'opinion avec lui. Je lui ai dit que la
couronne n'avait pas à se préoccuper de savoir si elle pouvait
être accusée ou non de vindicte, mais que si on se
préoccupait de l'opinion publique, je croyais que l'opinion publique ne
serait certainement pas satisfaite de la position que pourrait prendre la
couronne dans un cas comme celui-là, ce dont j'ai parlé et que
j'ai décrit avant l'ajournement. "Il suffirait, ai-je dit à M.
Bellemare, à ce moment-là, à n'importe qui, que ce soit
dans un "frame-up" ou non, de se parjurer en cour avec la certitude qu'on
aurait à revenir devant la cour et dire "je me suis parjuré",
pour se faire pardonner le parjure. C'est ce qui s'est passé. C'est le
témoignage au sujet des remarques que j'ai faites quant à la
sentence.
M. le Président, le chef de l'Opposition a parlé de Moreau
recevant la police et, par la suite, étant reçu chez M. Guy
Desjardins. Lorsque la police s'est rendue chez Moreau, Moreau a nié, il
a dit: Non, je ne me suis pas occupé de ça. Il a nié.
Évidemment, lorsque la police est revenue, elle a dit: Moreau dit qu'il
n'a absolument rien à faire dans tout ça.
M. Johnson: Est-ce que le rapport est lu?
M. Lapalme: Je ne me rappelle pas le rapport, qui avait fait ça,
Quésel, dans la masse des rapports. M. le Président, ce n'est
pas, comment dirais-je, pour apitoyer qui que ce soit, mais dans toute cette
affaire, sauf à l'exception de deux ou trois jours, je n'ai, quant
à moi, qu'un souvenir livresque de ces choses parce que je n'ai fait que
les lire. Je n'ai eu que quelques conversations téléphoniques
avec les procureurs de la couronne, plus tard, à la fin de
décembre, commencement de janvier. Ce que je raconte, par coeur, sans
presque jamais me référer au dossier, je le raconte le sachant
après l'avoir lu.
M. Johnson: Est-ce que le Procureur va déposer les rapports?
M. Lapalme: Oui, je ferai toute une liste et avant de tout
déposer, je le montrerai au chef de l'Opposition, mais,
évidemment, je ne veux pas prendre tous les documents que nous avons de
façon qu'il ne nous reste rien. Je veux faire faire des copies. Je ne
sais pas, par exemple, si je pourrai avoir toutes les transcriptions parce que
cela a pris des semaines et des semaines avant que nous ayons les
premières transcriptions. Les faits se déroulaient en cour, soit
en préenauête ou en enquête préliminaire et nous,
tout ce que nous avions, c'était à l'époque où je
n'y étais pas... Je présume que M. Cantin recevait des rapports
téléphoniques des avocats de la couronne, mais nous avons
été très longtemps sans avoir de rapports, les
sténographes étaient pris. Dans un cas, il a fallu un ordre
absolu à un sténo de dire de tout abandonner pour transcrire.
M. Johnson: Mais je ne parle pas des transcriptions au complet.
M. Lapalme: J'avais compris.
M. Johnson: Je parle des rapports.
M. Lapalme: Le chef de l'Opposition sait depuis combien de temps je suis
en Chambre. Le premier ministre a été absent pendant trois
semaines, depuis que je suis en Chambre. Mon secrétaire a
été malade pendant deux mois, ma sténo est absente depuis
15 jours, je corresponds par télégrammes. Je remplaçais le
premier ministre, j'étais en Chambre, je suis le Procureur
général et j'avais les Affaires culturelles. Il admettra que je
n'ai pas, pendant ce temps, pu faire tout ce que j'aurais voulu faire, y
compris ce qu'il y a dans ce dossier. Il nous faudra, nous, prendre les
pièces, les faire photographier, en faire des copies. Je ferai une liste
et le la
soumettrai au chef de l'Opposition qui me dira, oui ou non, sa
satisfaction.
M. Johnson: Très bien.
M. Lapalme: Quand j'ai offert de déposer des pièces,
l'autre jour, je le faisais avec la même sincérité que je
le fais à l'heure actuelle.
Alors, évidemment, la police de retour de chez Moreau, a un
rapport négatif en ce qui concerne Moreau. Par la suite, si je me
souviens bien, les témoignages indiquent que Moreau est amené au
bureau de Me Guy Desjardins par Boisjoli lui-même qui, lui, ne
pénètre pas dans le bureau. Là, Moreau est
interrogé. Est-il interrogé uniquement par M. Desjardins ou si la
police est là? Je ne me rappelle pas. Mais je sais que toute la
conversation, très longue, a été enregistrée sur
ruban magnétique et Moreau, à ce moment-là, parle,
après avoir refusé de parler à la police. Il ne dit pas:
J'ai reçu des menaces. Il parle. Pourquoi n'avez-vous pas parlé
à la police? Ah, la police! II ne voulait pas parler à la
police.
Pendant cette période du début où avait
éclaté l'affaire des faux certificats, dans un restaurant, dont
le propriétaire était un Français ou un Marseillais, je
crois, du nom de Fort, il avait parlé ouvertement devant des gens en
disant: Moi, j'en connais sur l'affaire des faux certificats. Et c'est de
même qu'apparemment il est arrivé dans cette cause. La police a
interrogé ce restaurateur, et là, Moreau donne sa première
version. C'est ça le cas de Moreau.
A un moment où la couronne se demandait où elle s'en
allait avec cette cause-là, parce que la certitude de la couronne
n'était pas la même à ce moment-là que 15 jours
avant et parce qu'il y avait des choses qui semblaient manquer ou qui
manquaient, tout à coup, voici ce témoin qui arrive, qui s'est
vanté, dans un restaurant, de connaître des choses et qui vient
dire à la couronne: Oui, c'est vrai, j'en ai coupé. Ce qui
rendait le témoignage de Moreau, je le répète, plausible,
c'est qu'il avait ajouté: II n'y avait pas que des certificats
d'électeurs, il y a, dans l'imprimerie - dont j'oublie le nom -
où était M. Laqarde, il y a encore là des feuilles de
bulletins de vote qui sont dans un sac sous un escalier. La police provinciale
confie le cas à la police montée qui...
M. Johnson: ...d'élections fédérales.
M. Lapalme: ... effectivement, se rend sur les lieux, trouve ces
papiers. Je ne voudrais pas qu'on me dise, encore une fois, que j'induis la
Chambre en erreur, mais si mon souvenir est fidèle, M. Lagarde. ou du
moins l'imprimerie, a en main un document établissant qu'elle a le droit
d'avoir ces papiers. Mais ça corroborait, pour une partie, le
témoignage de Moreau. Et quand on lui a demandé: Savez-vous ce
que c'est un certificat? Il dit: Certainement que je le sais, j'ai encore le
mien que je n'ai pas utilisé. C'est pour ça que j'attache
tellement d'importance à l'arrivée de Moreau en cette cause. S'il
n'y avait pas eu l'arrivée de Moreau, la cause aurait été
beaucoup plus simple con re celui qui était alors - à ce
moment-là, nous ne le savions pas, mais aujourd'hui, nous le savons -
injustement accusé.
M. le Président, le chef de l'Opposition, tout à l'heure,
a parlé d'une chose qui ne trouble pas mais qui est certainement de
nature à troubler bien des gens, cette chose que l'on désigne
d'un anglicisme et que l'on appelle les lignes téléphoniques
"tapées". Je dois vous cire, M. le Président, que depuis que je
suis Procureur général, j'ai souvent craint les lignes
téléphoniques "tapées". C'est le mot anglais "to tap" et
non pas "to tape", comme on le dit souvent. C'est "to tap, to tap a pipe, to
tap a wire". J'ai souvent porté plainte, en tant que mon domicile est
concerné, auprès des autorités qui sont
propriétaires des lignes téléphoniques, et j'ai des
raisons de croire qu'une fois en particulier, la mienne l'a été.
Mais enfin. Ce qu'on ne sait pas, dans le public, c'est que c'est
défendu par le Code criminel. Et la police n'a pas le droit de se
brancher sur une ligne téléphonique privée pour
écouter une conversation, pas plus qu'elle n'aurait le droit de se
servir de table tournante ou quoi que ce soit pour enregistrer les
conversations. C'est un acte criminel. A aucun moment, n'importe quelle ligne
téléphonique.
Je ne me souviens plus de l'accusation que l'on doit porter dans un cas
comme celui-là, l'expression me manque. Il est défendu par le
Code criminel de "taper" une ligne téléphonique et la police n'a
pas le droit de le faire. Quel que soit l'homme qui le ferait, que ce soit la
compagnie de téléphone, que ce soit le Procureur
général, que ce soit le directeur général de la
Sûreté, que ce soit le commissaire en chef de la police
montée, si l'un d'entre eux permettait, autorisait qu'une ligne soit
"tapée" ou que lui-même le fasse, il serait passible d'une
accusation en vertu du Code criminel.
Je dis au chef de l'Opposition ceci: nous avons eu, M. Cantin et moi,
l'assertion la plus formelle que la police n'a pas "tapé" de lignes
téléphoniques dans le cas de l'affaire des faux certificats. Et
si des hommes ont "tapé" des lignes téléphoniques, et si
on le sait, nous nous empresserons immédiatement de faire
procéder non seulement à l'enquête, mais si l'enquête
établit que c'est bien vrai, de faire procéder à une mise
en accusation, à une plainte.
M. Johnson: M. le Président, je veux remercier tout de suite le
Procureur général de cette assurance qu'il donne. Est-ce qu'il
dit aussi que ça s'applique à la table tournante, à
l'enregistrement des conversations?
M. Lapalme: A tout, mais ce n'est pas la même chose. Ah non!
M. Johnson: Table tournante, c'est quoi?
M. Lapalme: Non, je veux mettre la chose bien au clair en tant que les
lignes téléphoniques sont concernées, n'importe quelle
ligne téléphonique. C'est un droit absolu pour celui qui
reçoit une ligne téléphonique chez lui, c'est un droit
absolu d'avoir des conversations qui sont privées,
écoutées par personne, et celui qui "tape" une ligne commet une
sorte de viol ou de violation, je crois, de la propriété. C'est a
peu près le sens du Code criminel dans ses mots techniques. Mais
l'enregistrement d'une conversation au moyen de magnétophone,
l'enregistrement... Est-ce que le député de Missisquoi a
trouvé le terme exact? II y a eu une plainte de "wire taping" à
Montréal, malheureusement la cause ne nous renseignera pas parce qu'il y
a eu retrait de la plainte.
M. Johnson: Est-ce 273?
M. Lapalme: II n'y avait pas d'article là.
M. Bertrand (Missisquoi): On parle là d'un vol.
M. Lapalme: Mais c'est défendu, il n'y a pas de doute
là-dessus. Et la police n'a pas le droit de le faire. Aux
États-Unis, où le droit criminel est appliqué avec
peut-être, je ne dis pas peut-être, mais avec moins de rigueur que
nous l'appliquons nous-mêmes -ils ont le même droit criminel que
nous, du moins qui vient de la même source, on le sait, c'est du droit
anglo-saxon, c'est du droit criminel anglo-saxon - aux États-Unis, si je
me souviens bien, dans l'État de New-York, à un moment
donné il y a eu tout un scandale parce que la police avait
utilisé le "wire taping" ou le "telephone wire taping" dans une cause.
C'est criminellement défendu de faire une telle chose.
Passons au deuxième mode d'enregistrer une conversation. Ce
mode-là n'est pas défendu, du moins, je ne connais pas de loi qui
défende de se servir du magnétophone en recevant quelqu'un chez
soi et en causant avec lui. Un officier de police installe un
magnétophone avec un microphone qui capte une conversation alors que
l'individu ne le sait pas, cela a été, je crois, la même
chose au bureau de la couronne lorsqu'on a interrogé Moreau. A ce
moment-là il ne savait pas que ses paroles étaient
enregistrées. C'est une précaution que la police prend, c'est une
précaution que les avocats de la couronne, quelquefois, prennent. Au
lieu d'avoir un sténographe à côté d'eux, la
conversation est quelquefois enregistrée ostensiblement, d'autres fois
elle est enregistrée invisiblement. Mais je crois cependant qu'on n'a
pas le droit d'enregistrer une conversation téléphonique en
greffant un appareil au téléphone. Je ne suis pas certain, mais
je crois qu'on n'a pas le droit. Bon.
Maintenant, j'en arrive à la conversation, ça c'est la
même chose. Mais on sait, par exemple, que quand une conversation est
enregistrée et que la compagnie de téléphone le sait, il y
a un signal que l'on entend, un signal à intervalle régulier et
qui indique le bip. Quand la Presse ou le Devoir ou le Montreal Star ou Toronto
nous appelle et nous demande une entrevue par téléphone, on sait
immédiatement qu'elle est enregistrée parce qu'on entend le bip,
n'est-ce pas?
Maintenant, je ne suis pas tellement certain, j'aurais dû
m'informer mieux que ça, il y a, je crois, des endroits bien
spéciaux où les conversations téléphoniques sont
écoutées, au même titre que les lettres sont lues, c'est
dans les prisons et dans les pénitenciers. Les communications,
très souvent, je peux me tromper, j'affirme une chose dont je ne suis
pas certain, je crois que les conversations entre les prisonniers et les gens
de l'extérieur sont écoutées. Mais ça, il faudrait
que j'aille m'informer, disons, à 5aint-Vincent-de-Paul ou à
Bordeaux. Elles sont écoutées sur une ligne double, dit M.
Cantin, de la même façon que toutes les lettres doivent passer par
la censure.
J'ai maintenant fait le tour de ces différents systèmes et
dans le moment, à moins qu'on nous offre une preuve contraire, nous
sommes en mesure de dire qu'il n'y a pas eu de "taping" des lignes
téléphoniques. Mais je serais heureux, non pas heureux de prendre
un coupable, je serais heureux d'apprendre qu'une telle méthode est
utilisée par quelque corps policier que ce soit, parce qu'il faudrait
nous hâter de mettre ordre à cela. Nous tomberions non seulement
dans des exagérations, mais nous tomberions dans une situation
absolument impossible.
M. Johnson: Le Procureur général veut vider ce
point-là. Cela m'exemptera d'y revenir tantôt. Sur ce point
là, c'est clair, comme le Procureur général nous le dit,
que le "wire taping" est illégal, je pense que c'est 273. Les
enregistrements ne sont pas illégaux. Maintenant, au point de vue de
l'utilisation d'enregistrements par la police en cour, on se souvient d'une
cause...
M. Lapalme: Non, ça, les tribunaux, si je me souviens bien, ne
l'acceptent pas. Non, ce n'est pas accepté. Devant le tribunal, ce n'est
pas accepté, mais c'est très commode pour la police et surtout
pour les avocats de la couronne qui ont le témoignage de la police dans
ce rapport qui est habituellement beaucoup plus succinct. Alors, ils
écoutent la conversation et c'est comme s'ils avaient assisté
à l'entrevue. Mais devant la cour, ça ne sert à rien,
ça servira à la police et au procureur de la couronne pour se
diriger dans une voie ou dans une autre.
Bon, M. le Président, cet après-midi, évidemment,
on a sauté un peu à droite et à gauche. Je prends mes
notes que j'ai numérotées et elles semblent bien indiquer la
marche suivie par le chef de l'Opposition.
M. Johnson: J'ai été interrompu par le
député de Jacques-Cartier.
M. Lapalme: Non, mais, il y a eu... M. Johnson: Cela m'a
mêlé un peu.
M. Lapalme: ... dans la partie non répétée du
discours, des choses détachées. L'item suivant qu'a traité
le chef de l'Opposition, très brièvement, a été
celui concernant la protection de M. André Lagarde et de sa famille. Le
chef de l'Opposition a admis que, la semaine dernière ou cette semaine,
dès l'instant où la protection de la police nous avait
été demandée, nous la lui avons donnée. Je ne sais
pas s'il l'a encore, mais toute demande de sa part sera reçue de la
même façon qu'auparavant. Mais je voudrais bien, M. le
Président, que l'on ne se sente pas toujours en danqer. Celui qui vous
parle n'a pas de garde du corps, jamais.
M. Johnson: De corps.
M. Lapalme: De corps, non, garde du corps.
M. Lapalme: Je me promène seul. Bien, là, je ne fais plus
d'automobile depuis 6 mois, mais je me promène seul en taxi, avec le
chauffeur de taxi, dans Québec ou dans Montréal. Je fais
uniquement de l'avion. Il n'y a personne qui garde ma maison, chez moi. Les
menaces n'ont pas cessé depuis l'époque des faux certificats. Je
me demande lequel des deux, de M. Lagarde ou de moi-même, a reçu
le plus de menaces. Je ne suis pas un brave, en ce sens que...
M. Johnson: Vous êtes coriace.
M. Lapalme: ... sur la ligne de feu, si on me demandait d'avancer,
j'aurais peur. Mais tant qu'on ne me demande pas d'avancer, je n'ai pas peur.
En d'autres termes, je ne suis pas brave, mais je n'ai pas peur.
M. Johnson: Même les bombes, ça ne vous fait pas peur, le
FLQ, là?
M. Lapalme: Ah, de ce côté-là...
M.. Johnson: II y en a d'autres qui sont gardés.
M. Lapalme: ... du côté des bombes, j'ai remarqué
jusqu'à aujourd'hui que ce n'était pas encore dirigé vers
les gens de ma race, de ma langue et de ma religion. Je ne sais sas si c'est le
président qui est en danger, le président de l'Assemblée.
Moi, jusqu'à maintenant, je n'ai pas encore éprouvé ce
besoin de me terrer à cause de ça.
Les avocats de la défense, je crois, dans la cause de ceux qui
sont à l'heure actuelle en liberté, mais dont les actes seront
jugés par la cour - il me semble avoir lu ça dans les journaux -
s'étaient engagés à éloigner leurs clients de la
périphérie montréalaise. Mais, à tout
événement, s'il n'est pas protégé à l'heure
actuelle et qu'il a des raisons de croire qu'il doit l'être, je suis
à sa disposition, tout comme je l'ai été la
première fois que j'ai entendu dire qu'il voulait me voir, ou qu'il
aurait aimé me voir. Par la suite, malheureusement, je suis
retombé malade, je n'ai pas pu le voir de nouveau. Je me demande, si
nous nous étions rencontrés, si nous n'aurions pas
évité beaucoup de ces tracas que nous ressassons depuis tant
d'heures et tant de jours ici, en Chambre.
Le chef de l'Opposition a parlé de Fontaine qui avait
été traité aux petits oignons: c'était une chose
qui m'avait surpris. Je ne sais pas, il avait parlé de filet mignon ou
de patates frites ou peut-être de crème glacée. Je
considère M. Cantin comme un excellent policier; c'est un
témoignage que je lui rends parce que je ne connais pas dans le
département d'homme qui puisse décortiquer un dossier policier
comme lui. J'ai demandé à M. Cantin s'il y avait eu des ordres,
il a dit non. On a demandé à la police s'il avait eu un
traitement de faveur, elle a dit non. J'ai été très
surpris d'apprendre que quelqu'un avait dit - le chef de l'Opposition a
répété ces paroles - que Fontaine aurait eu des heures de
liberté. Bien, moi, je suis absolument renversé. C'est ici que
j'apprends ça et M. Cantin, non plus, n'en a pas entendu parler. Il ne
faut pas oublier que M. Cantin est sous-ministre, tout de même.
M. Johnson: Bien, qu'on se renseigne.
M. Lapalme: M. le Président, il y a une question de principe qui
a été soulevée par
le chef de l'Opposition et cette question-là, elle m'agace depuis
longtemps et c'est une des raisons pour lesquelles surtout j'ai
mentionné le nom du juge Blain.
Le chef de l'Opposition a dit: "Guy Desjardins a refusé de
témoigner - j'ai mis ça entre guillemets; j'espère que
ça correspond avec ce qui est transcrit - pour sauver Jean-Paul
Grégoire". Cette question du témoignage de l'inspecteur Houle
à la préenquête et d'un témoignage possible d'un
procureur de la couronne a la préenquête, c'est infiniment
plus...
M. Johnson: Bien, ce n'est pas de ça que je parlais.
M. Bédard (président du comité des subsides): A
l'ordre!
M. Johnson: C'est à l'enquête préliminaire de
Boisjoli dans la dernière...
M. Lapalme: Oui, bien, n'importe quelle, que ce soit la
préenquête...
M. Johnson: Ce n'est pas le juge Blain.
M. Lapalme: Non, mais ça s'est présenté dans le cas
de Houle et même dans le cas de Guy Desjardins...
M. Johnson: Dans le cas de Houle, oui.
M. Lapalme: ... qui n'a pas été interrogé a ce
moment-là mais qui a discuté avec le juge. Cette
question-là, elle est excessivement importante. Pas importante pour moi
qui, demain, ne serai plus Procureur général, pas importante pour
mon successeur qui ne le sera, tout de même, que quelques années,
Procureur général. On n'est pas Procureur général
toute sa vie. On disparaît et quelqu'un nous remplace. C'est tout le
système policier qui est en jeu, si on force les procureurs de la
couronne et les policiers a donner leurs sources d'information.
J'en ai parlé un peu l'autre jour; j'ai mentionné le cas
de M. Auclair. Dès l'instant où les gens sauront que leur nom
peut être dévoilé devant les cours parce qu'ils auront
donné une information, les sources d'information de la police ou des
procureurs de la couronne seront absolument taries.
Je ne peux pas empêcher physiquement en le tenant par les
épaules, un procureur de la couronne d'aller témoigner s'il veut
y aller, mais, quant à moi - et je le dis devant la Chambre et devant le
public par l'intermédiaire des journaux - je défendrai toujours
aux procureurs de la couronne d'aller dévoiler devant les cours la
source de leurs informations parce que demain, c'en sera fini de la police et
du système policier et ça, c'est dans tous les pays du monde la
même chose.
Je donnais un exemple l'autre soir. Supposons, M. le Président,
que quelqu'un aujourd'hui détienne un secret quant aux actions
terroristes du FLQ. Supposons que cette personne-là lise dans les
journaux qu'un procureur de la couronne peut être appelé en cour
et être forcé à dévoiler le nom de son informateur.
Croyez-vous que cet homme-là sera assez imbécile pour venir se
livrer dans la gueule du loup? Ce sera fini, les informations. Dans le monde de
la pègre, personne ne parlera parce qu'on se dira: L'officier
spécial Orner Auclair, j'avais confiance en lui, mais dorénavant,
d'après les décisions rendues, il va être obligé
d'aller me donner.
C'est ça qui est important. Si les procureurs de la couronne ne
sont plus capables de garder pour eux, dans le secret, le nom de leurs
informateurs, M. le Président, l'administration de la justice criminelle
s'arrangera comme elle le voudra. Les policiers ne sont pas des gens qui lisent
dans le ciel les noms des coupables. Il faut que ça leur vienne de
quelque part. Très peu souvent par des indices, mais très souvent
sur des dénonciations; c'est ainsi que la justice criminelle fonctionne
dans la plupart des cas. Question de principe que j'ai énoncée et
sur laquelle je reviens encore ce soir.
M. le Président, je dois dire, à ce moment-ci, que je ne
suis absolument pas capable de donner des informations au chef de l'Opposition
sur le cas Meunier. Je n'en connais pas le premier mot. Dès que j'aurai
une minute, j'essaierai de savoir tout au long de quoi il s'agit. M. le
Président, une phrase qui a été prononcée, l'autre
jour, par moi, a son écho aujourd'hui. Et l'écho est un peu
différent parce que ça se répercute d'une autre
façon. Cette phrase, c'est maintenant le chef de l'Opposition qui la
rapporte prononcée par M. Desjardins au sujet de la
responsabilité des plaintes logées contre M. Lagarde et
Archambault. L'autre jour, j'ai dit exactement comment les faits se sont
déroulés et je suis obligé de me répéter
encore une fois, pas en entier parce qu'enfin, si, d'une part, ça
m'ennuie d'entendre le chef de l'Opposition répéter toute une
partie d'un discours déjà prononcé, ça m'ennuie
encore plus de m'entendre répéter les choses que j'ai dites.
M. le Président, je l'ai établie, la responsabilité
générale du département, je l'ai prise sur mes
épaules. Les erreurs commises par mes subordonnés, même
pendant les mois où j'étais absent, je les ai prises sur mes
épaules. Je n'ai pas de preuve à l'heure actuelle de mauvaise foi
ni de la police, ni des procureurs de la couronne. Mais, quand il s'agit des
accusations logées contre les deux personnes dont nous avons si souvent
mentionné le nom ici, on me croira, j'en suis convaincu, quand je dirai
que,
n'ayant pas lu les dépositions de Fontaine et, naturellement,
n'ayant pas vu Fontaine, n'ayant pas interrogé la police, je ne pouvais
pas, en toute connaissance de cause, moi, le Procureur général,
décider s'il y avait matière à loger des plaintes et que,
dans les circonstances, je me devais de donner entière confiance a celui
qui était le procureur de la couronne auquel j'ai donné carte
blanche. Si, par ces mots, le procureur de la couronne a entendu ou compris que
ceci était un ordre du Procureur général eh bien j'en
porte encore la responsabilité. C'est clair. Je ne me cache pas.
M. le Président, l'autre jour, je fouillais dans ce long discours
qui suivait un autre long discours, je fouillais dans mes notes espérant
n'avoir rien oublié. Mais, quand on sort de la Chambre et qu'on est
seul, on se dit: J'ai oublié ceci, j'ai oublié cela. M. le
Président, je vois ici une note: le chef de l'Opposition a dit: Le
Procureur général croit-il qu'il va m'intimider (ou quelque chose
comme ça) en disant qu'il garde un as dans sa manche?
Mais, M. le Président, ce n'est pas ça. Accusé
comme je l'ai été alors que je ne pouvais pas raisonnablement me
défendre n'étant pas ici, j'ai essayé de faire tout le
tour du problème. J'en profite, pendant qu'il est peut-être en
haut dans les galeries, pour dire, surtout à cause du fait que M.
Lagarde a trop parlé un peu partout, que c'est le seul reproche à
l'heure actuelle que j'ai à lui faire. Je ne lui en veux pas, surtout je
ne peux pas en vouloir à un homme qui a été victime du
fait qu'il a trop parlé. Alors, en faisant le tour de ce dossier, en
colligeant ou en collectionnant des renseignements, j'avais entendu dire que le
chef de l'Opposition devait soulever un sujet, en soulever un autre. Eh bien,
ils n'ont pas été soulevés. Je n'ai pas à me
créer de tracas, encore moins, de troubles. Croyant que le chef de
l'Opposition arriverait avec ces choses qui n'étaient peut-être
que des rumeurs, c'est en face de cela que je disais au chef de l'Opposition
que je me gardais quelques as dans ma manche, ou un as dans ma manche au cas
où il traiterait de ces choses. Je n'ai pas l'intention de l'intimider.
Je n'ai jamais eu la prétention, M. le Président, pas à la
télévision surtout parce que moi, je n'aime pas y aller,
d'intimider le chef de l'Opposition. Je ne sais pas s'il a eu la
prétention, lui, de m'intimider, mais c'est hors de causre, ça ne
change rien au cours de la justice, ni au fond de la question.
M. le Président, il y a toujours l'éternelle question -
c'est à ce moment-ci que moi, j'accuse surtout le chef de l'Opposition -
qui revient, et c'est celle-là qui me heurte le plus, l'éternelle
question qui laisse entendre qu'enfin moi et des gens de mon entourage... A ce
moment-là, on ne sait plus ce que ça veut dire, parce que je me
flatte encore d'avoir quelques amis. Il y a cette éternelle question que
non seulement les journaux ont posée, mais que le chef de l'Opposition a
posée cet après-midi et à laquelle, me semble-t-il,
j'avais répondu: Toute cette affaire, mais par qui a-t-elle
été pensée, quand, comment? Comment toute cette affaire
a-t-elle été montée? Je crois ne pas trop trahir la
pensée et les phrases mêmes du chef de l'Opposition en parlant de
cette façon, parce que je crois bien que c'est ainsi qu'il a posé
le problème aujourd'hui, qu'il l'a posé l'autre semaine, qu'il a
été posé dans les journaux.
Surtout - je le répète, je m'excuse encore une fois -
quand je lis dans un journal: "Il est du devoir du ministre de démasquer
ceux qui ont monté cette affaire même s'ils sont dans le Parti
libéral ou dans son entourage", eh bien, moi, je suis heurté. Je
l'ai dit déjà longuement, ce que je pensais de tout ceci et,
à un moment donné, j'ai prononcé une phrase qui a fait
dans un journal les premières lignes du reportage: "S'il y en a qui,
à l'heure actuelle, croient connaître la vérité, je
ne sais pas si je pourrais les qualifier de chanceux, mais, quant à moi,
je ne la connais pas encore."
Par qui ceci a été monté? M. le Président,
je me pose cette question-là et le chef de l'Opposition me la pose
à moi. Au moment même où des hommes sont accusés
devant la cour d'avoir monté cette affaire-là, je n'ai pas
à dire que ce sont eux qui l'ont montée. Ils ne sont que des
accusés, je n'ai pas à les juger. Mais on voudrait absolument
qu'il y ait derrière ceci des hommes que je connais et que je cache.
C'est à ce moment-là, M. le Président, que, devant cette
Chambre, j'ai dit - chose que je répète ce soir - Si on croit
qu'il y en a dans mon entourage, qu'on me le dise. Et j'ai dit que, si l'on
arrivait avec quelque chose de sérieux, une accusation, nous
permettrions à l'Union Nationale de fournir, de désigner
elle-même le procureur qui deviendrait alors le procureur de la
couronne.
Pendant que toutes ces causes - je ne dirai pas toutes ces causes -
pendant que tous ces faits se déroulaient devant un ou des juges, il y a
toujours eu, à compter de M. Bellemare qui s'est occupé de la
cause après le départ de M. Desjardins, l'avocat de la partie
privée... Nous avons permis à l'avocat de la partie privée
de jouer un rôle plus grand qu'on ne le permet
généralement. Avons-nous quelque chose à cacher? M. le
Président, vous savez, le chef de l'Opposition a dit - je ne sais pas si
son affirmation sera meilleure que la mienne ou la mienne meilleure que la
sienne - mais cette chose-là, elle a fait un tort considérable
à l'Union Nationale. Eh bien, M. le Président, dans le peu de
jours qui me sont restés entre ce samedi ou vendredi fatidique et le
samedi suivant où j'ai failli partir pour un autre
monde, dans le peu de jours qui me sont restés, savez-vous ce que
j'ai récolté, moi, dans les comtés où j'allais? Je
récoltais précisément le contraire de ce qu'a dit le chef
de l'Opposition en tant que l'Union Nationale est concernée. On nous
disait: A nous, les organisateurs libéraux dans les comtés, cette
affaire de faux certificats fait énormément de tort, parce que,
à la suite des accusations portées par le chef de l'Opposition,
les gens croient que c'est le Parti libéral qui l'a montée.
Et aujourd'hui, M. le Président, l'opinion publique, c'est assez
curieux, soit par des conversations, soit par des lettres où elle se
révèle, se trahit quelque peu. Aujourd'hui, l'opinion publique,
à quoi pense-t-elle? Selon qu'on est d'un côté ou de
l'autre, on dit: C'est le Parti libéral ou, dans le fond, c'est encore
l'Union Nationale. C'est ça qui se dit dans le public, un journal l'a
dit. D'après les faits que j'avais démontrés, l'affaire
paraissait plus embrouillée qu'elle ne l'était encore et je suis
bien de l'avis de ce journal qui a écrit ça. Plus on
pénètre dans cette chose, moins, à mon point de vue, on
peut prétendre connaître la vérité. Qu'il y ait eu
une injustice, il y a eu une injustice, qu'il y ait eu crime, j'en suis bien
d'avis; il y en a qui ont plaidé coupables et qui ont été
condamnés. Il reste des causes à régler, mais ceci
n'empêche pas le chef de l'Opposition, tout comme M. Lagarde, je crois,
dans une lettre ou quelque chose comme ça, de dire: Même si ceux
qui sont arrêtés sont trouvés coupables, ça ne
résoudra pas le problème. Et pourquoi, pourquoi faut-il qu'il y
ait absolument des hommes politiques derrière des gens qui ont
monté une affaire? Pourquoi? Est-ce qu'il est absolument
nécessaire, si on regarde certaines parties en cause, qu'il y ait des
hommes politiques ou que de telles choses aient été faites?
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de remonter bien loin
dans le cas de l'un d'entre eux qui a eu une cause criminelle. Avait-il besoin
d'un homme politique pour cette affaire pour laquelle il avait
été condamné? II n'a eu besoin de personne et, à un
moment donné, il a été condamné.
M. le Président, j'ai la même crainte que l'autre jour,
d'en avoir passé. Je suis rendu à la note no 30, la note no 31,
je ne voudrais pas en oublier. Je suis très surpris d'entendre le chef
de l'Opposition dire qu'il se fait des enquêtes, à l'heure
actuelle, contre M. Lagarde.
M. Johnson: Ah oui!
M. Lapalme: Bien, je dirai au chef de l'Opposition - pas en Chambre,
ici, parce qu'il y a déjà assez de choses qui traînent -que
j'ai un renseiqnement qui va lui faire comprendre qu'il peut y avoir d'autres
gens que la police et le département du Procureur général
qui, à l'occasion de la curée, essaient de profiter de certaines
choses.
M. Johnson: M. le Président, le Procureur général
est-il sérieux dans son offre de?
M. Lapalme: De?
M. Johnson: II serait intéressé de savoir quelles sont les
enquêtes qui sont faites.
M. Lapalme: Oui, oui.
M. Johnson: Par des autorités provinciales dans d'autres
ministères?
M. Lapalme: Je voudrais savoir, mais...
M. Johnson: Alors je donnerai au chef de l'Opposition, je donnerai au
Procureur général... Je suis tellement habitué de
l'appeler le chef de l'Opposition, il a été sept ans ici! Je
donnerai au Procureur général ces différents
renseignements et je tiens pour acquis qu'il veut arrêter ces
choses-là si elles sont faites dans l'intention de nuire à M.
Lagarde.
M. Lapalme: M. le Président, j'ai été
également très surpris d'entendre le chef de l'Opposition dire
que M. Desjardins ne coopérait pas dans la préenquête
Poirier. Je ne sais pas si c'est M. Desjardins qui s'en occupe ou M. Bellemare.
Est-ce que c'est M. Bellemare qui s'en occupe? Dans la préenquête
Lagarde-Poirier?
M. Johnson: Les deux.
M. Lapalme: Mais j'ai été surpris de voir que lors d'une
plainte inscrite par M. Lagarde, au moment où le juge fait la
préenquête, le plaignant lui-même n'est pas là. J'ai
été très surpris, il n'était pas là. Et le
premier personnage qui est interrogé quand on fait une
préenquête ou qu'on porte une plainte, c'est le plaignant.
M. Johnson: M. le Président, le Procureur général,
encore, pourquoi avance-t-il ça?
Une voix: Parce qu'il y a un règlement.
M. Johnson: On n'a pas le droit, quand on est Procureur
général, d'avancer une affaire pareille. Le plaignant est celui
qui a signé une dénonciation sous serment.
M. Lapalme: Mais oui, mais oui, mais, alors, on va discuter en avocat
là.
M. Johnson: Non. Sous serment, le plaignant dit: J'ai lieu de croire que
j'ai été
accusé injustement par M. Poirier de telle et telle chose. Sous
serment, le bonhomme dit: Moi, je dis que c'est faux et je signe sous serment.
Ceux qu'il faut faire témoigner, ce sont les autres gens, concernant les
autres facteurs de la dénonciation, mais il faut l'avoir la
dénonciation.
M. Lapalme: Alors là, on va oublier...
M. Johnson: II faut l'avoir la dénonciation.
M. Lapalme: Un instant. Là, on va oublier pour un instant qu'on
est a la Chambre et on va s'imaginer qu'on est en cour, deux avocats. Un homme
veut faire arrêter un autre homme. Il lui faut un mandat d'arrestation.
Pour obtenir son mandat d'arrestation, il dépose une plainte.
M. Johnson: Ou une sommation.
M. Lapalme: Qu'est-ce qui nous arrive? Un moment donné, la
plainte est sur le point d'être assermentée devant le juge. Le
juge dit: Non, je veux voir le plaignant, je veux interroger le plaignant, je
veux savoir s'il y a au moins une apparence de droit. Et, à ce
moment-là, on fait venir le plaiqnant et même, quelquefois, on
fait venir un témoin pour voir si ce n'est pas une chose inventée
de toutes pièces. C'est ça qui arrive à ce
moment-là, quand un juge a des doutes. C'est ça. Bon ! Alors,
à tout événement...
M. Johnson: Là, on parle d'une affaire, une
préenquête, c'est l'article 440. Un juge de paix qui reçoit
une dénonciation doit: a) entendre et examiner ex parte - pas le
plaignant - les allégations du dénonciateur...
M. Lapalme: Mais oui, mais qui est le plaignant?
M. Johnson: Les allégations du dénonciateur...
M. Lapalme: mais oui.
M. Johnson: ...les dépositions des témoins s'il l'estime
opportun ou nécessaire; b) lancer, lorsqu'il estime qu'on a
établi une raison, une sommation ou un mandat, selon le cas,
contraignant le prévenu a comparaître devant lui. Aucun juge de
paix ne doit refuser de lancer une sommation ou un mandat pour le seul motif
que l'infraction alléguée en est une pour laguelle une personne
peut être arrêtée sans mandat. Un juge de paix qui entend
les dépositions d'un témoin, conformément au paragraphe
i), doit recueillir les dépositions sous serment, faire recueillir les
dépositions, etc. M. le Président, le Procureur
général fait une erreur, encore. Si je vais porter une plainte
contre le Procureur général, je signe, je suis assermenté,
c'est clair. J'ailègue d'autres affaires, par exemple, et là le
juge qui entend ça fait venir des témoins pour voir si ça
tient debout ces affaires-là. A part ça, pour l'information du
Procureur général, M. Lagarde était assis à la
porte de la chambre du juge Loranger et n'avait pas le droit d'entrer. C'est
pour ça qu'il n'était pas là.
M. Lapalme: Non, non. M. Johnson: En...
M. Blank: Quand vous déposez une plainte il faut aller devant le
juge.
M. Johnson: Nenni.
M. Blank: Et le juge vous demande: Quelles sont vos allégations?
Après ça, il vous donne un papier. Vous allez au greffier pour
faire la plainte et vous retournez au juge...
M. Johnson: M. le Président, on sait qu'il y a eu des discussions
quand la couronne voulait que ce ne soit pas public, que ce soit à huis
clos. Le juge a décidé que ce devait être à huis
clos et il a exclu M. Lagarde.
M. Lapalme: Mais oui, mais, quand il était à
Québec, il n'était pas...
M. Johnson: II était à la porte et il a attendu.
M. Lapalme: Non, quand il était à Québec, il
n'était pas...
M. Johnson: Non, non, il n'était pas à Québec ce
jour-là. Je l'ai manqué ce jour-là, j'aurais aimé
l'avoir autour, mais il était à Montréal, à la
porte du juge Loranger.
M. Lapalme: Quand une plainte est assermentée par un plaignant et
qu'on fait une préenquête, on interroge le plaignant aussi. On
interroge le plaignant parce qu'il faut partir de lui pour s'en aller à
d'autres choses. Bon, parce que, autrement, le plaignant assermente et, si
ça sert, si c'est bon, si c'est complet, on n'a plus besoin de faire la
préenquête.
Maintenant la non-coopération de M. Desjardins, je ne sais pas en
quoi elle consiste. J'ai l'impression que c'est M. Bellemare qui est l'avocat
là.
M. Johnson: Est-ce que le Procureur général...
M. Lapalme: J'ai oublié de lui en parler
aujourd'hui.
M. Johnson: Est-ce que le Procureur général veut savoir?
M. Desjardins s'est opposé à ce que la dénonciation soit
produite.
M. Lapalme: A ce que quoi?
M. Johnson: La dénonciation de Poirier, qui est pourtant
l'élément essentiel qui était allégué dans
la lettre du Procureur général...
M. Lapalme: Qui était alléguée?
M. Johnson: Dans la lettre du Procureur général, on citait
une soi-disant dénonciation. M. Desjardins s'est opposé à
ce que la dénonciation soit déposée. Finalement, le juge a
ordonné qu'elle soit déposée. Elle est datée du 9
janvier 1963, la dénonciation de Marcel Poirier par écrit. Il y a
donc une dénonciation verbale au mois d'octobre. Et M. Desjardins, au
lieu de coopérer avec M. Lagarde, son avocat a refusé de laisser
entendre le policier Houle ou un autre qui aurait reçu la
dénonciation verbale.
M. Lapalme: M. le Président, ça revient justement a ce que
je mentionnais tout a l'heure. Et c'est une branche de l'arbre. La nous en
sommes a la communication privilégiée.
M. Johnson: Non, pas pour une dénonciation.
M. Lapalme: Je n'ai pas assisté à la... Ah bien oui, c'est
une dénonciation écrite a la police, verbale et écrite
à la police et à ce moment le la police enquête sur la
dénonciation qui lui est faite... Ça c'est vrai...
M. Cantin me rappelle qu'il était entendu dans cette cause -
instruction du département - qu'il ne formulait les objections en vertu
de ce que je viens de mentionner que si le juge décidait que ça
devrait être produit, qu'on devrait obtempérer à l'ordre du
juge.
M. Johnson: Même la dénonciation verbale, qu'on fasse
rapport de la dénonciation verbale?
M. Lapalme: C'est quoi ça, la dénonciation verbale?
M. Johnson: Bien, voici. La dénonciation qui finalement a
été déposée est datée du 9 janvier 1963,
donc après l'enquête sur le Holiday Inn et tout ce qu'on veut. La
police se serait donc basée sur une dénonciation verbale. C'est
admis par la couronne. Alors le juge veut savoir quelle est la
dénonciation verbale. Comment s'est exprimé Marcel
Poirier au mois d'octobre lorsqu'il a fait une dénonciation
à la suite de laquelle tout l'appareil s'est mis en marche, l'appareil
judiciaire, l'appareil policier, dis-je. Et M. Desjardins s'oppose à ce
que M. Houle aille dire en quels termes la dénonciation verbale a
été faite, dénonciation qui a servi de point de depart
à tout un travail policier...
M. Lapalme: Ah oui: Mais ça, c'est justement. Cela a
été l'objection de principe. Ça va beaucoup plus loin que
ça la jurisprudence. La jurisprudence permet au Procureur
général de défendre à un procureur de la couronne
de produire un document qu'il considère, lui, d'intérêt
confidentiel. La jurisprudence va jusque-là. Il suffit que
j'écrive une lettre à un procureur de la couronne et qu'il dise:
J'ai reçu ordre et j'ai l'ordre du Procureur qénéral de ne
pas produire tel document, et la cour ne peut pas le forcer. Ce n'est pas ce
qui a été utilisé. Là, ça me rappelle
quelque chose. Ce n'est pas ce moyen qui a été utilisé.
Théoriquement, pas théoriquement, au point de vue du principe, le
procureur de la couronne devait formuler une objection à la
communication de ces documents, mais si le juge passait outre il devait les
produire. L'objection qui a été formulée, il est
nécessaire qu'elle soit formulée par le représentant du
ministère de la Justice, parce que, autrement ça sera
accepté, ça constituera un précédent dans nos cours
et, dans toutes les causes, en se basant là-dessus, on pourra permettre
la production de communications privilégiées ou autres en
alléguant que dans le passé, la couronne n'a jamais
formulé d'objections. C'est ça qui est le cas, là. Ce
n'est pas un cas de non-coopération. Il a attendu l'ordre du juge pour
le faire produire.
M. le Président, j'ai des notes qui à la fin ne me donnent
aucune idée de ce qu'avait dit... C'est un peu en style
télégraphique...
M. Johnson: Je peux les répéter.
M. Lapalme: ...le chef de l'Opposition.
M. le Président, il me semble que j'ai fait le tour pas mal. Je
n'ai pas autre chose à dire qu'à répéter les offres
que j'ai faites, ce que j'ai dit dans le discours prononcé l'autre jour.
Je n'ai pas d'autre chose à répéter. Je n'ai pas d'autre
offre à faire. J'ai offert tout au long de ce discours de déposer
les documents, et j'en déposerai. Je n'ai pas d'autre offre à
présenter que celles que j'ai présentées. Je n'aurai pas
d'autre document à déposer que ceux que j'avais offert de
déposer, qui ont été mentionnés et dont je
dresserai une liste. Dans le cas de Poirier j'avais d'ailleurs, sans utiliser
le style direct. reproduit entièrement toute la plainte. J'avais toute
la plainte qui avait été
faite par Poirier. J'avais, par conséquent, donné tous les
renseignements qu'il y avait au sujet de cette plainte. Je n'ai pas d'autre
chose à dire. L'offre demeure la même. Si on a simplement des
raisons de croire que M. X ou M. Y était derrière cette
machination, qu'on me le dise! La couronne, à ce moment-là,
deviendra une chose qui sera absolument, comment dirais-je, a-t-on le droit de
parler ainsi en parlant de justice bipartisane? Je ne peux pas aller plus
loin.
M. le Président, mes derniers mots là-dessus, ce soir, je
ne sais pas si c'est ce soir ou demain ou la semaine prochaine, mes derniers
mots là-dessus sont ceux que j'ai prononcés sept ou huit fois. Je
ne me cache derrière personne, absent ou présent, dans le
département où je suis responsable. Jusqu'à ce jour, rien
n'a ébranlé ma confiance dans l'honnêteté de ceux
qui avaient l'administration de la justice ou de la police. Je ne suis pas ici
pour décerner des certificats de compétence à la police ou
aux procureurs de la couronne. Que l'on prouve que la police s'est
trompée ou s'est fait tromper! Ou que l'on prouve que les procureurs de
la couronne se sont trompés ou se sont fait tromper'. Libre à
l'Opposition ou à qui que ce soit de le dire. C'est une expression
d'opinion. Nous vivons dans un pays de liberté.
Quant à moi, je le répète, je ne me cache pas. Je
resterai au poste tant et aussi longtemps que cette affaire aura à
traîner devant la Chambre. Cela fait déjà d'ailleurs pas
mal de semaines que je suis ici avec les problèmes du département
du Procureur général. Je ne me cache derrière personne, je
prends toutes mes responsabilités. Je prendrai même les
responsabilités des autres parce que je suis responsable des autres. Ces
paroles-là, je les ai prononcées l'autre jour et l'autre semaine
avant, je les répète ce soir. Je ne change pas de position. Nous
sommes encore à la recherche de la vérité entière.
Nous ne la connaissons pas d'abord entièrement parce qu'il y a des
causes qui n'ont pas encore été discutées et
jugées. A quel moment connaîtrons-nous les résultats? Je ne
le sais pas. A quel moment connaîtrons-nous les coupables tels que la
justice les aura nommés? Je répète les paroles du premier
ministre cet après-midi: "Nous voulons, autant que n'importe qui, que la
lumière soit faite". Et s'il en est qui veulent me lancer l'injure, ils
n'ont qu'à me dire que je cache quelqu'un.
M. Johnson: Très brièvement, le Procureur
général fait une très grande dissertation pour expliquer
pourquoi Me Desjardins a refusé de témoigner devant le juge qui a
entendu la dernière cause de M. Boisjoli, devant le juge Henri Masson
Loranger, le 25 avril.
M. Lapalme: Ah, si le chef de l'Opposition me le permet, je ne voudrais
pas qu'il y ait confusion. Tout à l'heure, je lui ai posé ma
question là-dessus en lui disant ma surprise. J'ai compris que M.
Desjardins avait formulé une objection quant à la production d'un
document et que, par la suite, sur l'ordre du juge, il l'avait
déposé. Je n'ai pas compris...
M. Johnson: C'est une autre affaire.
M. Lapalme: Je n'ai pas compris qu'il avait refusé de le
déposer.
M. Johnson: C'est une autre affaire. Comment voulez-vous que les
journalistes ne soient pas mêlés quand le Procureur
général, qui est chargé de l'affaire, est
mêlé?
M. le Président, il s'agit d'une autre affaire. M. Houle a
été requis, à un moment donné, devant le juge
Blain, pour témoigner. M. Houle était accompagné de Me Guy
Favreau, dépêché par les soins de M. Desjardins ou du
Procureur général, qui s'est opposé à ce que M.
Houle soit entendu. Le juge Blain, à la page 6 de son jugement sur la
préenquête, dit: "Malgré l'objection de Me Guy Favreau au
sujet des communications privilégiées, la cour ordonne à
l'inspecteur Houle de déclarer ses sources d'information."
M. Lapalme: Oui, moi, j'ai compris que le chef de l'Opposition avait
parlé de la non-coopération de M. Desjardins dans l'affaire de M.
Poirier.
M. Johnson: Oui, je m'en viens là, dans l'affaire de M. Poirier.
L'opinion de la cour était basée sur l'arrêt Regina versus
Blain, rapporté à 127, "Canadian Criminal Cases", page 267. "Dans
cette affaire, il a été décidé, lorsqu'il y a
conflit entre les règles d'ordre public, de ne pas divulguer le nom de
l'informateur. Cette règle doit être annulée lorsque
l'ordre public exige que le nom de l'informateur soit connu pour
démontrer l'innocence de l'accusé." - 127 - "Canadian Criminal
Cases", je crois que c'est une cause de la Cour suprême. Je ne suis pas
sûr. Qu'on le vérifie.
M. Lapalme: Oui, je connais ça, c'est ça.
M. Johnson: "Canadian Criminal Cases", page 267, Regina versus Blain,
coïncidence.
Donc le juge, à ce moment-là, a décidé que
M. Houle devait témoigner. Si M. Houle n'était pas satisfait, son
avocat, Me Guy Favreau, qui est un avocat compétent, pouvait, à
ce moment-là, aller en appel de la décision, tout de suite. La
même chose quant à Guy Desjardins, avocat de la couronne, quant
à Paul Papineau, avocat. Paul Papineau aurait pu dire: "Je refuse."
Le
juge aurait pu ordonner. Papineau aurait pu dire: "Je vais en appel" et
avoir l'aide du Barreau.
M. Lapalme: Si le chef de l'Opposition veut me le permettre, lorsque la
chose se passe comme ça en cour et qu'un homme est arrêté
sur l'ordre du juge, il s'en va immédiatement derrière les
barreaux. Il faut que les procédures en appel soient faites, ça
veut dire qu'il peut y passer la nuit. C'est arrivé d'ailleurs.
M. Johnson: Si M. Lagarde n'avait pas été un bon limier,
il aurait peut-être passé dix ans en prison pour la fausse
accusation qu'on portait contre lui, M. le Président. Cela aussi est
dangereux.
M. Lapalme: Ah là, ce n'est pas une réponse,
ça.
M. Johnson: Non, ce n'est pas une réponse. Je comprends que
ça ne fait pas l'affaire du Procureur général, mais c'est
exactement ce qui aurait pu arriver. M. le Président, dans cette
affaire, donc, les gens qui se plaignent peuvent aller en appel et ce n'est pas
au Procureur général, qui n'est pas du judiciaire mais qui est de
l'exécutif, de juger en appel quelque décision que ce soit d'un
juge de quelque juridiction que ce soit. Quand il y a un appel, on va en appel.
Mais quand on est Procureur général, on ne se prononce pas
publiquement sur la décision d'un juge. Quant à M. Desjardins,
dans la cause no 6192, le problème est différent. Vous allez
voir, M. le Président, que le Procureur général, encore
une fois, manque le bateau.
Cette cause 6192 est la cause de la reine, plaignante, versus Jean-Paul
Boisjoli, accusé, accusation de parjure, accusation portée par
André Lagarde, le 18 ou 17 avril, deux mois après que M. Boisjoli
eut donné une déclaration assermentée par M. Houle,
l'inspecteur général, disant qu'il ne connaissait rien aux faux
certificats. M. Lagarde sait, depuis la préenquête, la couronne
sait, depuis le 18 février à la préenquête et les
jours suivants, que Jean-Paul Grégoire a déclaré: "Les
seules informations me viennent de Jean-Paul Boisjoli". Donc, il y a, "prima
facie", un terrain suffisant pour porter une plainte de parjure, ce que la
police n'avait pas encore fait, le 18 avril, contre Jean-Paul Boisjoli. Alors,
a ce moment-là, M. le Président, Jean-Paul Gréqoire,
ex-président de la Fédération libérale,
organisateur de Guv Gagnon, candidat libéral dans le comté de
Saint-Jacques, avocat, conseiller de la reine, charmant garçon par
ailleurs, président du club de golf Islemere, marguillier de sa
paroisse... est-ce qu'on en veut d'autres?...ancien de Sherbrooke,
président du Centre
Paul Sauvé, avocat de plusieurs choses libérales, surtout
depuis 1960; ancien conseiller municipal, ancien président de la chambre
de commerce des jeunes, etc.. M. Grégoire, donc, témoigne. M.
Grégoire dit: "Les seuls renseignements que j'avais, moi, concernaient
les certificats et l'endroit où ils étaient, c'est ça que
j'ai transmis, rien d'autre, à M. Desjardins.
M. Grégoire confirmait à ce moment-là ce qu'il
avait dit a la préenquête dans la cause no 2848, soit que la seule
chose qu'il avait transmise, le seul renseignement qu'il avait transmis
à M. Guy Desjardins, l'assistant du Procureur général
à Montréal, c'était l'endroit où se trouvaient les
faux certificats, la présence dans le casier 5-T-7 des faux certificats,
le casier 5-T-7 à la gare Windsor.
Or, M. le Président, l'avocat de la couronne dit: "Moi, les seuls
renseignements me viennent de M. Grégoire". M. Grégoire dit: "Les
seuls renseignements que j'ai donnés concernaient les faux certificats."
Le Procureur général dit en Chambre: "Les seuls renseignements
qu'avait le Procureur général en la personne de M. Guy
Desjardins, ce sont ces renseignements concernant la localisation des faux
certificats."
Par ailleurs, dans cette enquête....
M. Lapalme: Un instant, je n'ai pas... Il me semble que le chef de
l'Opposition vient de faire une erreur. Sa dernière phrase, je voudrais
qu'il la reprenne. Je ne sais pas s'il a fait un lapsus, mais il me semble
qu'il y a quelque chose qui ne marche pas là.
M. Johnson: M. le Président... Une voix: Lisez-le.
M. Johnson: Non. Voici, ça ne concerne pas ça, j'y viens
tantôt. J'en ai des documents, un tas de même...
M. Lapalme: Bien oui, bien...
M. Johnson: Je n'ai pas de sous-ministre. Je n'ai pas un
excellent...
M. Lapalme: Ah oui, ah oui, le chef de l'Opposition a du personnel
autrement que j'en avais moi, dans mon temps.
M. Johnson: II me semble que ça doit paraître par la
longueur des sessions d'ailleurs. M. le Président, je n'ai pas
d'excellents policiers comme M. Auclair. Je voudrais bien en avoir un de
même. Je voudrais bien avoir une couple d'enquêteurs. Mais c'est
à côté de la question. Voici: Gréqoire
déclare à la préenquête et le répète a
l'enquête préliminaire dans une autre cause, la cause de parjure
portée par M. Lagarde contre M. Boisjoli: "Les seuls
renseignements que j'avais et que j'ai transmis à M. Desjardins,
c'est: il y a des certificats dans un casier 5-T-7 à la gare Windsor et
ça serait des faux certificats." Le Procureur général
confirme en Chambre, dis-je, que M. Desjardins a eu tous ces renseignements de
M. Grégoire. Or, au cours de cette enquête préliminaire,
après le témoignage de M. Grégoire, la preuve est faite -
ça a été publié dans tous les journaux - que le 3
novembre, samedi, le 2 novembre, vendredi, on avait deux mandats de
perquisition. L'un concernant les certificats à la gare, une boîte
de sûreté, un casier 5-T-7 à la gare Windsor, et l'autre
concernant une clé qui aurait été placée chez le
juge, l'ex-juge Roland Lamarre, 521 est, rue Sherbrooke, appartement 9.
M. le Président, il y a quelque chose qui ne marche pas.
M. Lapalme: Je dois dire au chef de l'Opposition - je ne sais pas si
ça l'intéresse - que la question du mandat, au sujet des
clés, moi j'en ai appris l'existence il y a très peu de temps,
lorsqu'il en a été question en cour. Je ne le savais pas, je n'en
ai jamais entendu parler.
M. Johnson: C'est le juge Trottier qui a signé les deux mandats
de perquisition, le juge Emile Trottier. Alors, comment la couronne
pouvait-elle, si elle a eu tous ses renseignements de M. Grégoire qui
dit: "Moi, je n'ai des renseignements que sur la localisation des certificats,"
avoir des renseignements sur la clé et faire émettre un mandat de
perquisition à 521 est? II y a quelque chose qui ne tourne pas rond, M.
le Président. Or, à ce moment-là, le procureur de la
partie privée veut mettre dans la boîte M. Guy Desjardins. M. Guy
Desjardins a refusé. Le juge a pris ça en
délibéré et, l'après-midi, cela a coupé
là, l'enquête préliminaire, il en avait assez, et M.
Desjardins n'a pas témoigné.
Le Procureur général dit: "M. Desjardins ne veut pas
témoigner parce qu'il faut protéger l'informateur." Cela ne
s'applique pas dans la présente cause puisque M. Grégoire venait
d'admettre dans la boîte que c'était lui, l'informateur. Alors, M.
Desjardins n'avait qu'à entrer dans le boîte et dire: "Oui, c'est
lui l'informateur." Il ne dévoilait rien que le public ne savait
déjà, puisque l'admission de l'informateur était
là, publique, assermentée, publiée dans les journaux.
Alors, ce n'est pas pour protéger l'informateur, ce n'est pas pour
observer cette règle publique dont j'admets l'utilité, pour
être exact, mais à laquelle il y a des exceptions formidables. On
l'a vu en Angleterre, M. le Président. Il y a des journalistes qui
sont... Il y en a un qui est pour 6 mois en prison. Je pense que c'est dans la
cause de Vassal, parce qu'il a refusé de dévoiler ses sources. Je
pense qu'il y en a un autre qui est actuellement en instance...
M. Lapalme: Ah, les journalistes! Ah oui, dans certains États
américains, on acquitte les journalistes, dans d'autres on les condamne,
en Angleterre aussi. Je ne crois pas qu'ici, à l'heure actuelle, ce soit
admis le secret professionnel, du côté des journalistes.
M. Johnson: Quant à moi, je trouve qu'on devrait l'admettre, M.
le Président. C'est une question d'opinion, de mentalité. Alors
Me Desjardins, M. le Président, a refusé de témoigner non
pas qu'il aurait dévoilé un informateur, puisque l'informateur
s'était déjà dévoilé lui-même, mais -
je l'ai dit cet après-midi et je le répète - parce que M.
Desjardins aurait été obligé de dire sous serment: "J'ai
eu de M. Grégoire d'autres informations que celle concernant le casier,
j'en ai eu également concernant la clé." Et M. Grégoire
aurait été pris, il y avait une corroboration parfaite pour une
cause de parjure.
C'est ça la véritable raison, M. le Président. Et
pourquoi avoir caché cette histoire de la clé? Je ne le sais pas.
Et c'est un autre point d'interrogation que je me pose.
M. le Président, je ne veux pas abuser de votre patience, surtout
de celle des députés de la gauche. Je sais que ceux de la droite
sont bien intéressés, M. le Président, puisque je leur
donne tous les détails. Mais il y a quand même des choses qu'il
faut mettre devant l'opinion publique. Et ce que je veux mettre devant
l'opinion publique, avant de m'asseoir, c'est que le Procureur
général n'a répondu à aucune de mes questions de
base.
Est-il d'opinion que M. Desjardins ou qui que ce soit qui est
responsable de l'émission d'un mandat d'arrestation contre M. Lagarde et
M. Archambault - c'est la même chose, M. le Président - est-il
d'opinion que cet homme-là, cet avocat ou ce fonctionnaire ou ce
Procureur général a agi avec la prudence qu'on doit attendre d'un
Procureur général ou d'un procureur de la couronne?
Deuxièmement, qu'est-ce qu'il avait comme base pour l'émission
d'un mandat, ' à ce moment-là? Troisièmement, après
la libération de M. Lagarde, est-ce que la police a fait son devoir avec
diligence pour trouver les véritables coupables? M. le Président,
je prétends que non et le Procureur général n'a
répondu à aucune de ces questions.
M. le Président, je dois dire aussi, pour l'information de cette
Chambre, puisque nous en avons parlé - et je le dis ici comme avocat et
le Procureur général comprendra pourquoi - pour l'information du
Procureur général, je dois lui dire que Me Desjardins a
refusé de témoigner dans l'enquête Poirier alors que
l'avocat de M. Lagarde le demandait. Ce qui dénote évidemment un
manque de collaboration. Comme on a refusé de laisser témoigner
M. Houle à qui on demandait, non pas de dévoiler le nom du
dénonciateur - c'est le Procureur général qui a
dénoncé le nom de M. Poirier dans sa lettre du 10 mai - mais
parce qu'on veut demander au policier Houle... Mais vous avez
procédé sur une dénonciation verbale puisque la
dénonciation produite n'est datée que du mois de janvier 1963.
Quelle était-elle, cette dénonciation verbale? M. le
Président, l'enquête n'a pas été faite à la
suite d'une dénonciation écrite le 9 janvier 1963...
M. Lapalme: Le chef de l'Opposition, s'il me le permet, il me semble que
mon intervention, à ce moment-ci, n'en est pas une qui a un
caractère d'interruption systématique, quelque chose comme
ça. Il me semble que nous sommes précisément dans une
préenquête. Bon, je ne sais pas ce qui s'est passé, s'il y
a eu quelque chose aujourd'hui. Nous sommes dans la préenquête.
D'abord, je n'en sais rien, je ne crois pas que nous puissions discuter le
cours actuel de la préenquête. Je ne sais pas ce qui se passe dans
la préenquête, moi. Elle est à huis clos.
M. Johnson: M. le Président, le Procureur général
le savait hier, il en a parlé, il en a lancé un mot,
c'est-à-dire mardi; oui, mardi, le Procureur général a
fait allusion à ce qui se passait.
M. Lapalme: A la préenquête?
M. Johnson: Oui, oui, oui, mardi soir.
M. Lapalme: Oui, ça c'est vrai.
M. Johnson: II en parlé cet après-midi, il en a
parlé tout à l'heure. Il a dit que M. Lagarde n'y était
pas, que c'était drôle que le plaignant ne soit pas là. Et
j'ai déclaré et je le répète: M. Lagarde
était à la porte du juge Loranger, sur les instructions du juge,
qui dit: "Vous, c'est dehors, monsieur. C'est à huis clos. Les
journalistes, les plaignants, tout le monde dehors, je garde juste l'avocat de
la coronne et l'avocat du plaignant."
M. Lapalme: C'est la meilleure preuve que je ne sais pas ce qui se passe
dans la préenquête présentement.
M. Johnson: Ah, c'est ça la difficulté, M. le
Président.
M. Lapalme: Non, non. J'invoque le règlement, M. le
Président. Premièrement, je ne crois pas que nous puissions
discuter de la préenquête elle-même, comment elle se fait
dans le moment. Ils sont devant la cour. Ils sont devant le juge. Alors, les
procédures qui ont lieu pendant la préenquête, je
considère qu'on ne peut pas en parler. D'abord, je ne peux pas en parler
parce que je ne sais pas ce qui s'y passe et, deuxièmement, même
si je savais ce qui s'y passait ou ce qui s'y est passé aujourd'hui, je
ne crois pas que nous devrions, nous, ce soir, le chef de l'Opposition et moi,
faire un débat sur les événements qui viennent de se
dérouler à la préenquête tenue à huis
clos.
M. Johnson: M. le Président, je n'en aurais pas parlé,
mais c'est le Procureur général qui en a parlé mardi
dernier. C'est le Procureur général qui y a fait allusion cet
après-midi et encore ce soir. C'est le
Procureur général qui ouvre la porte et ensuite, il dit:
"Je ne sais pas ce qui se passe là."
M. Lapalme: Je n'ai pas ouvert la préenquête.
M. Johnson: M. le Président, bien oui, c'est sur la
préenquête que tantôt le Procureur général a
dit: "C'est drôle que le plaignant ne soit pas là."
M. Lapalme: Bien oui, mais s'il n'y est pas, il n'est pas dans la
préenquête. Je ne parle pas de quelqu'un, de sa conduite dans une
préenquête, il n'y est pas. Je n'ai pas parlé des
témoignages rendus à la préenquête, je ne connais
pas les témoignages de la préenquête, je les
connaîtrai quand j'aurai le texte sténographié.
M. Johnson: M. le Président, j'ai le temps de
répéter au Procureur général la phrase qu'il disait
hier, mardi: "Quand on ne le sait pas, on n'en parle pas: quand on ne le sait
pas, on se ferme."
M. Lapalme: Bien oui, c'est ça, je ne veux pas en parler.
M. Johnson: C'est lui qui a parlé de l'absence de M. Lagarde
à la préenquête.
M. Lapalme: Bien oui, c'est vrai qu'il n'est pas à la
préenquête, il est dehors.
M. Johnson: M. le Président, il en faisait un reproche
tantôt à M. Lagarde, il posait des questions là-dessus.
Pourquoi n'était-il pas là? Cela aurait bien paru dans les
journaux. Le Procureur général dit: "Je ne le sais pas ce qui se
passe." Bien, c'est ca la tragédie dans toute cette affaire. Ça
fait au-delà d'un an que le Procureur général veut s'en
aller, dit qu'il s'en va. Et il a dit l'autre jour que c'est parce qu'il
n'avait pas encore de bureau. Il l'a dit à plusieurs reprises. Il a
répété l'autre jour: "parce qu'il
n'avait pas de bureau"? Et il s'est tourné une fois de plus vers
le ministre des Travaux publics pour lui dire: "J'espère que le ministre
des Travaux publics va finir mes bureaux au pavillon Monseigneur-Vachon." M. le
Président, du train que ça va la, je suis autorisé
pratiquement a dire que si, depuis un an, on a un Procureur
général qui ne fonctionne pas, c'est la faute du
député de Saint-Hyacinthe qui ne lui a pas trouvé de
bureau pour ses Affaires culturelles. M. le Président, c'est rendu
à ce point-là. C'est la qu'est tout le problème. Le
Procureur général, ça fait un an et demi, deux ans, qu'il
dit partout qu'il n'en veut pas. En pleine Chambre ici, le 28 mars 1962, il a
dit: "Je m'en vais. Je devrais être parti. Je n'aime pas ça. Il
faut que je m'en aille. Les Affaires culturelles, ça va m'accaparer." Il
ne s'occupe pas de son département, il n'aime pas ça, c'est
visible...
M. Lapalme: Cela, c'est vrai.
M. Johnson: Bon, M. le Président, c'est pour ça que je
trouve que le premier ministre aurait dû nommer, depuis au-delà
d'un an, un homme qui aimera ça. Il doit s'en trouver. Il y en a qui
sont tellement désireux d'arriver ministre. Je vois des
députés comme le député de Mercier; il aimerait
ça, M. le Président.
M. Crépeau: Essayez de convaincre le premier ministre.
M. Johnson: II aimerait ça, lui, être Procureur
général, M. le Président. Le Procureur
général, c'est un poste de prestige. C'est un poste
souverainement important, surtout dans l'atmosphère actuelle, à
la lumière des événements actuels. M. le Président,
c'est ça qui est mauvais et c'est pour cela que j'ai demandé - ce
qui n'est pas agréable à faire pour un député, un
chef d'Opposition - qu'il s'en aille comme Procureur général et
que j'ai demandé, souhaité que son départ soit même
rétroactif, si c'était possible, M. le Président, et je
pense que c'est ça qu'il souhaiterait lui aussi, que ce soit
rétroactif.
M. le Président, le Procureur général, qui a
d'autres qualités sans doute, comme tous les humains, est un homme qui,
pendant qu'il était dans l'Opposition, a dû faire comme moi,
porter parfois des coups, demander des démissions, mais je vous assure,
comme député de cette Chambre, que ce n'est pas la besogne la
plus agréable que j'aie eu à faire. Mais c'en est rendu dans la
province à un point tel que tout le monde se rend compte que le
Procureur général n'aime pas son poste depuis longtemps, ne s'en
occupe pas: évidemment, une partie du temps, c'est à cause de la
maladie, tout le monde comprend ça, mais, même quand il
était bien, il n'aimait pas ça. Il le disait et ça, c'est
mauvais pour l'administration de la province, dans un département aussi
important.
M. le Président, dans cette affaire des faux certificats, le
Procureur général devrait continuer ses efforts, ça c'est
pour être bien poli et, pour être encore plus poli, je devrais
dire, devrait intensifier ses efforts pour trouver les vrais coupables et pour
dire réellement toute la vérité; il devrait se faire
remplacer le plus tôt possible pour qu'il y ait de réels efforts
en vue de trouver les vrais coupables.
M. Lapalme: M. le Président, le chef de l'Opposition parle du
fait que je n'aime pas être Procureur général, et je l'ai
manifesté depuis longtemps, mais, M. le Président, quand on
n'aime pas une chose, ça ne nous empêche pas de la faire. Ne vous
imaginez pas, M. le Président, que j'aimais ça, moi, être
le chef de l'Opposition; j'ai fait mon ouvrage quand même.
M. Bellemare: Vous y avez déjà goûté pendant
un an à cause de ça.
M. Lapalme: J'ai été chef de l'Opposition pendant quelques
années ici, je n'aimais pas ça. J'avais en face de moi M.
Duplessis. Il y avait des soirs où non seulement je n'aimais pas
ça, mais où j'aurais aimé me voir à cent milles
d'ici. Mais enfin, je l'ai fait. Que ça fasse mal au coeur ou non, je
l'ai fait. Mais, M. le Président, il y a des choses... Je n'ai que
quelques mots à dire sur cette dernière sortie du chef de
l'Opposition, ce sont ceux-ci: le chef de l'Opposition, à un moment
donné, disait: C'est ça qui est inconcevable, il ne connaît
pas ça.
M. le Président, il y a une enquête à
Montréal qui est à huis clos. Je suis arrivé de
Montréal par avion ce matin parce qu'hier soir, on ne pouvait pas
atterrir à Dorval; je suis arrivé ce matin pour assister à
une séance du Conseil des ministres. De la séance du Conseil des
ministres, j'entre en Chambre à deux heures et demie, je passe
l'après-midi, comme on le sait, en écoutant une agréable
causerie du chef de l'Opposition, j'en sors à six heures, je repars de
mon bureau à sept heures moins le quart pour aller manger, je retourne
à mon bureau, j'entre à huit heures. Il veut que je sache, moi,
ce qui s'est passé à huis clos à Montréal
aujourd'hui; il veut que je sache ça et, à partir de ce
moment-là, eh bien, il fait un plaidoyer que j'appellerais d'ignorance
contre le Procureur général, des choses qui se passent dans son
département et termine en disant qu'enfin, il est temps que le Procureur
général s'en aille.
Je le sais, moi, qu'il est temps que je m'en aille et s'il y en a un qui
le sait, c'est
moi. Il y a un an que je veux m'en aller, je ne m'en suis jamais
caché à personne; c'est pour ça que j'ai dit au chef de
l'Opposition qu'il défonçait une porte ouverte quand il demandait
ma démission; ça fait longtemps que c'est réglé,
mon cas, que je dois m'en aller; ça fait longtemps. Si, l'an dernier,
à cette date-ci, en juin, c'est vrai, si on avait eu des locaux, je
serais parti à ce moment-là. A un moment donné, il est
arrivé une affaire, on sait laquelle; depuis ce temps-là, je suis
resté. Il n'y aura pas de danger, M. le Président, que je manque
ce plaisir discutable d'étudier les estimations budgétaires du
Procureur général cette année.
M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition sait que
j'ai, comme chef du gouvernement, la responsabilité de recommander les
nominations de ministres au lieutenant-gouverneur. Depuis un an, le Procureur
général m'a demandé de lui nommer un successeur; les
circonstances ont toujours été telles que, pensant à mon
devoir, en toute conscience, pensant au bien de la province, ayant la confiance
que j'ai en l'intégrité, la probité et le sens du devoir
du Procureur général, je me devais de le supplier de ne pas
laisser son poste. Il a accepté par sens du devoir, non pas parce qu'il
n'y avait pas de locaux; M. le Président, on connaît bien le
Procureur général, il aime bien s'amuser aux dépens du
chef de l'Opposition. S'il est resté, c'est par sens du devoir et, s'il
est resté après le terrible accident qui l'a retenu à
l'hôpital pendant des semaines, c'est justement à cause du bruit
que faisait le chef de l'Opposition autour de l'affaire des faux certificats.
Il n'a pas voulu, comme tout bon capitaine, laisser son bateau quand son bateau
était attaqué.
M. Johnson: Pendant qu'il coulait...
M. Lesage: Non, monsieur. M. le Président, je regrette, le chef
de l'Opposition pense naturellement au coulage des navires parce que le sien a
sombré à tout jamais. D'ailleurs, le chef de l'Opposition est en
train de sombrer dans le ridicule lui-même, parce que, M. le
Président, a-t-on jamais entendu un homme responsable vouloir imposer au
Procureur général les tâches de procureur de la couronne?
C'est ça que le chef de l'Opposition veut faire. Le Procureur
général a la direction générale de son
département. Il donne des instructions. Les procureurs de la couronne
doivent suivre ses instructions. Mais simplement, quand il s'agit du
détail, il ne s'agit plus de la responsabilité du Procureur
général, à moins que des erreurs ne soient fatales, auauel
cas, il doit intervenir. Mais on ne peut pas administrer une province où
il y a au-delà de 25,000 employés en suivant chacun d'eux
à la trace, dans chacune de ses paroles et dans chacune de ses actions.
Nous prenons la responsabilité de tous les employés de la
province. Nous donnons la direction générale. Si des erreurs sont
commises, nous en prenons la responsabilité. Le Procureur
général a dit, cet après-midi, qu'il prenait
l'entière responsabilité de tout ce qui s'était
passé et, comme chef du gouvernement, je la prends, moi aussi.
Le chef de l'Opposition, M. le Président, fait montre de peu de
sens des responsabilités quand, pendant des jours et des semaines, il
s'attaque à l'administration de la justice en basant ses arguments sur
des rêves qu'il fait.
Des voix: C'est ça. C'est ça.
M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition
rêve.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre vient de dire
que je manque du sens des responsabilités.
M. Lesage: J'ai dit que le chef de l'Opposition n'avait pas fait montre
de trop de sens des responsabilités.
M. Johnson: Ah bon! Ah bon!
M. Lesage: J'ai été d'une prudence extrême parce que
je savais qu'il n'était pas parlementaire de dire que le chef de
l'Opposition manquait du sens des responsabilités.
M. Johnson: Que le premier ministre, au lieu de m'accuser de ça,
réponde donc pourquoi il a exploité cette affaire-la pour gagner
ses élections?
M. Lesage: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire
comme le chef de l'Opposition et de me répéter 20 fois. J'ai
expliqué cet après-midi les circonstances dans lesquelles j'avais
parlé de cette affaire durant la campagne électorale à
deux reprises.
M. Johnson: II était sub judice, à part de ça.
M. Lesage: Ah, et je l'ai dit. M. Johnson: Ah non.
M. Lesage: Voulez-vous envoyer chercher mon dossier, s'il vous
plaît? Mon dossier dans mon bureau.
M. Johnson: II en parlait pareil.
M. Lesage: L'article de la Presse que
j'avais dans les mains cet après-midi se terminait exactement par
ces paroles: "Je n'en puis dire plus, car l'affaire est sub judice."
M. Johnson: II en a assez dit pour nuire à l'Union Nationale.
M. Lesage: Non, M. le Président. Tout ce que j'ai fait...
M. Johnson: II a montré la mesure de sa taille.
M. Lesage: ...c'est dire, M. le Président, que ça sentait
la manigance de l'Union Nationale.
M. Johnson: Non, non.
M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition a
prétendu que c'était une manigance libérale.
M. Johnson: Je ne l'avais pas dit encore.
M. Lesage: M. le Président, j'ai posé des questions...
M. Johnson: M. le Président, je soulève un point d'ordre.
Je n'avais pas encore prononcé ces mots quand le premier ministre a dit
dans son ultimatum à M. Bertrand: "Votre parti vient de tremper dans la
plus monstrueuse fraude électorale". Il a dit ça avant que je
parle et avant que M. Bertrand parle.
M. Lesage: Voici exactement comment se termine l'article de la Presse,
rapportant mon discours de Sherbrooke: "Je ne peux pas aller plus loin,
l'affaire est nettement sub judice". C'est le texte.
M. Bertrand (Missisquoi): Vous en aviez ajouté.
M. Lesage: J'ai dit ce que je croyais de mon devoir de dire comme
premier ministre de la province. Devant une affaire nauséabonde et qui
l'est encore - je l'ai dit cet après-midi - quel que soit...
M. Bellemare: Pourquoi des ultimatums au député de
Missisquoi?
M. Lesage: Au député de Missisquoi. Il était
tellement heureux de les recevoir. Est-ce que le député de
Champlain s'imagine que l'amour existe entre le député de
Missisquoi et le député de Bagot? Voyons donc!
M. Bellemare: Le premier ministre s'imagine-t-il que l'amitié
existe entre le député de Laurier, Duis lui-même?
M. Lesage: M. le Président, j'ai parfaite confiance au
député de Laurier. C'est un de mes ministres. Je m'entends
parfaitement avec lui. Nous nous entendons parfaitement sur les questions de la
politique provinciale et il est évident que, si un ministre ne s'entend
pas avec le premier ministre, il n'a qu'une chose à faire, tout le monde
le sait. Tandis que, quand on est dans l'Opposition, ce n'est pas
nécessaire. Il n'y a pas de solidarité ministérielle dans
l'Opposition. On peut tendre d'un côté, de l'autre et tout de
même, pour empêcher que le bateau ne sombre trop vite avec le
député de Champlain en queue, on s'accorde pour se taire
publiquement après, cependant, s'être ouvert et s'être
engueulé, comme on le sait, durant la campagne pour le choix du chef du
parti.
M. Bellemare: Les paroles du député de Saint-Maurice...
C'est effrayant!
M. Lesage: C'est épouvantable!
M. Bellemare: Le ministre des Affaires municipales a écrit contre
vous.
Une voix: C'est épouvantable!
M. Johnson: C'était malpropre, c'était malpropre.
M. Courcy: Contre l'Union Nationale.
M. Lesage: M. le Président, je suis tellement heureux que tous
ces gens aient écrit et parlé contre moi; je suis devenu premier
ministre de la province!
M. le Président, le député de Champlain est
tellement jaloux qu'il voudrait supplier les membres de la galerie de la Presse
d'écrire contre lui. Parlez de moi, donnez-moi de l'importance. Pardon?
Il y a longtemps que je sais que le député de Champlain se prend
pour Napoléon.
M. Bellemare: Le premier ministre veut essayer de me faire passer pour
un polisson. Je suis obligé de me forcer pour l'être, mais lui il
ne peut pas faire autrement. C'est dégradant. C'est la revalorisation du
Parlement, ça, imaginez-vous!
M. Lesage: M. le Président...
M. Bellemare: Après ça, il dira: Le député
de Champlain veut la barbe. Regardez-moi comme il faut: je n'en ai pas de
barbe, mais je ne la tire à personne, par exemple!
M. Lesage: M. le Président, je ne sais pas où le
député de Champlain a pris le mot "polisson". Je ne l'ai jamais
prononcé. J'ai vu le député de Champlain mettre sa main
là et
crier: Je suis Napoléon. Alors, je l'ai
répété et j'ai dit: Voici...
M. Bellemare: II s'est reconnu, le Roi-Soleil. C'est moi,
l'État.
M. Lesage: M. le Président, je ne vois pas pourquoi le
député de Champlain se fâche pour rien.
M. Bellemare: Parce que vous m'agacez pour rien.
M. Lesaqe: Tout ce que j'ai dit, c'est la vérité. Il
venait de dire: II se prend pour Napoléon.
M. Bellemare: Ce n'est pas moi qui ai dit ça, c'est vous. Je
suis, M. le Président, trop conscient de ce que je suis pour essayer de
me comparer même de loin, mon cher monsieur, à ces honorables
avocats.
M. Lesage: Non, non, M. le Président. Le député de
Champlain devrait être le dernier à penser pour un instant que je
fais allusion à quelque métier ou profession. J'ai beaucoup trop
de respect pour les membres de cette Chambre et pour lui en particulier,
d'ailleurs, qu'il devrait savoir que jamais...
M. Bellemare: D'ailleurs, je ne...
M. Lesage: M. le Président, j'avais terminé mon
intervention lors de l'intervention du député de Champlain. C'est
ce qui l'a prolongée. Mais je tiens à dire jusqu'à quel
point nous avons non seulement moi, mais mes collègues et les
députés de cette Chambre, confiance dans le Procureur
général, un homme propre, un homme intègre, un homme de
devoir. Personne plus que lui en cette Chambre n'est en mesure, à mon
sens, de remplir de façon plus adéquate les fonctions de
Procureur général. Si j'ai consenti à sa requête et
si, dans quelques semaines, il est remplacé comme Procureur
général, ce ne sera pas parce que je ne crois pas qu'il devrait y
rester.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, je sais que personne
plus que vous n'aimerait que ce débat se termine. Vous faites preuve de
beaucoup de patience en écoutant de part et d'autre les interventions et
je réalise la difficulté de votre tâche. Mais il y a des
silences qui condamnent et je ne voudrais pas, surtout après les
remarques du premier ministre, que mon silence soit interprété
comme une approbation des propos qu'il vient de tenir.
On conviendra tous qu'à certains moments le premier ministre
s'éloigne de l'attitude, entre autres, qu'il avait prise à
l'occasion de l'élection du premier Orateur de son premier Parlement. Il
arrive assez souvent que ses propos rejoignent de propos qu'il a souventefois
condamnés et que dés attitudes qu'il tient en cette Chambre
rejoignent également des attitudes qu'il a déjà
condamnées.
M. le Président, je n'ai pas l'intention de m'engager dans la
discussion ou dans la dispute au sujet de ce que j'appellerais les faits de
l'affaire des faux certificats. Je n'ai pas l'habitude de parler d'une cause
quand je n'ai pas tous les éléments de la preuve, des
dépositions de tous les dossiers en vue de risquer des
déclarations. Mais personne, M. le Président, ne pourra
blâmer, je le crois, le chef d'un parti politique qui a été
vilipendé et traîné sur la place publique de s'être
documenté, d'avoir lu les dépositions, d'y avoir consacré
des heures, un travail intense et un labeur soutenu en vue de tâcher
d'apporter au Parlement et à la Chambre, à l'occasion de ce
débat sur les crédits du Procureur général, les
réflexions qui sont les siennes et qui sont confirmées par des
éditorialistes de journaux et qui le sont chaque jour par des gens qu'on
ne peut pas taxer de partisanerie politique.
M. le Président, on peut discuter de la manière dont
quelqu'un exécute ses devoirs. On peut discuter de la façon dont
le Procureur général remplit son poste et exécute ses
fonctions. On peut discuter de la même manière la méthode
qu'utilise le chef de l'Opposition, mais je sais, dans cette affaire de faux
certificats - et il le sait le chef de l'Opposition - combien tous mes
collègues de ce côté-ci - et à plusieurs reprises,
je lui ai dit au Colisée de Québec, à la suite de
l'intervention du premier ministre à Asbestos, qui m'a lancé ses
ultimatums, dont il est accoutumé - le chef de l'Opposition sait que
dans cette affaire, ce que je veux, ce que le député de
Saint-Jacques, le député de Sainte-Marie et, je le sais, ce que
tous les députés de cette Chambre veulent, c'est la
vérité, la justice, la vérité.
Et le premier ministre, cet après-midi, durant quelques minutes,
m'a fait plaisir -mais grand Dieu que ça ne dure pas longtemps - quand
il a déclaré qu'il voulait que justice soit faite, que la
lumière soit faite. Mais pourquoi, comme premier ministre de la province
de Québec, avez-vous ajouté cette phrase qui est une insulte a
tout un groupe politique: Cela sent l'Union Nationale? Pourquoi? Pourquoi?
M. Lesage: Parce que c'est la vérité.
M. Bertrand (Missisquoi): Pourquoi? Et c'est vous qui auriez
autorisé le procureur de la couronne a Montréal, Guy Desjardins,
à déclarer, dans un communiqué remis à la Dresse,
que toute cette affaire, les témoignages recueillis et les
déclarations obtenues indiquent que certains individus
auraient induit la police en erreur en tentant d'impliquer M.
André Lagarde et d'atteindre ainsi l'Union Nationale...
M. Lesage: Ainsi, ainsi...
M. Bertrand (Missisquoi): ... dont il était l'organisateur en
chef. Et après cette lettre, le premier ministre a l'audace de venir
tenter de faire croire que l'Union Nationale peut encore avoir quelque chose
à faire...
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
regrette, le député de Missisquoi ne peut pas m'accuser d'avoir
tenté de faire croire que l'Union Nationale avait encore quelque chose
à faire avec cette affaire. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit,
d'ailleurs. Voici ce que j'ai dit cet après-midi, en réponse
à une question qui m'a été posée par quelqu'un de
l'autre côté, où l'on m'accusait d'avoir dit que ça
sentait l'Union Nationale. J'ai répondu purement et simplement ceci:
Quand on connaît le passé électoral de l'Union Nationale,
je ne puis dire autrement, ça sent encore l'Union Nationale. C'est
ça que j'ai dit.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, le Procureur
général, cet après-midi, disait que l'affaire des faux
certificats était devenue une affaire politique.
Quand elle a débuté, les seules nouvelles que j'avais lues
étaient celles parues dans le journal Le Samedi. La plainte aurait
été déposée le vendredi. Le dimanche, je parlais
chez nous dans mon comté, à 11 heures le matin, dans un village,
Sainte-Isabelle. Je suis parti en automobile pour me rendre à
Québec; quand je suis arrivé, je pense, il était environ 3
heures , 3 h 15 de l'après-midi. A mon arrivée à
Québec, je n'ai rien écouté à la radio, j'entre au
Cotisée et, environ une demi-heure après, l'on m'apporte un petit
papier. Quelqu'un était dehors dans ma voiture en train d'écouter
à la radio des discours. Sur cette note: Le premier ministre de la
province de Québec, le chef du Parti libéral t'a lancé un
ultimatum. Je tente d'obtenir plus de détails avant de répliquer
au premier ministre immédiatement. Son ultimatum, basé sur
l'affaire des faux certificats, est-ce qu'en entier...
M. Lesage: Ah non, M. le Président, il n'y avait pratiquement
qu'une phrase. Le député de Missisquoi, je lui demande de bien
vouloir être véridique. Je sortirai le texte de l'ultimatum et il
n'y avait qu'un passage au sujet des faux certificats.
M. Bertrand (Missisquoi): Un passage, M. le Président...
M. Lesage: L'ultimatum était basé, M. le Président,
sur le fait que j'avais confiance, dans le temps, dans le député
de Missisquoi - encore aujourd'hui - comme un honnête homme, un homme
franc et un homme qui ne pouvait pas s'associer avec des choses qui
s'étaient passées et qui se passaient encore. Et je suis
surpris...
M. Bertrand (Missisquoi): Et, M. le Président, dès ce
moment, ce problème est devenu un problème politique
traîné sur la place publique, non pas par celui qui parle, ni par
le chef de l'Opposition, mais par le premier ministre de la province de
Québec. Un problème politique partisan. Et vous...
Une voix: ... ultimatum ou si vous ne l'avez pas eu...
M. Bertrand (Missisquoi): Et vous savez, son ultimatum, il fallait y
répondre avant 6 heures, le mercredi soir. Je pense qu'il savait que mon
père, feu mon père, était un employé de chemin de
fer, mais je lui ai répliqué avant ça. Mais dans son
ultimatum, M. le Président, il y a une phrase qu'il faut conserver pour
les générations à venir, comme étant des propos
tenus en temps de campagne électorale par le premier ministre de la
province de Québec. D'après le compte rendu du Soleil, les
dernières phrases ou une des dernières phrases rapportées
en s'adressant à l'Union Nationale, globalement, cela a
été rapporté le 5 novembre 1962. Écoutez, M. le
Président, ce langage: Leur seul regret, c'est celui des rats qui ont
perdu leur fromage.
M. Lesage: C'est ça. Non, mais c'est vrai aussi.
Une voix: Le patronage...
M. Lesage: Dieu le sait que c'est vrai.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, les rats qui suivent
le fromage et le fromage c'est le pouvoir.
M. Lesage: II y a eu des rats pendant 16 ans de l'autre
côté.
M. Bertrand (Missisquoi): On a souvent dit que tout pouvoir corrompt. Le
chef de l'Opposition, l'honorable Procureur général, je l'ai
déjà entendu utiliser l'expression lorsqu'il était de ce
côté-ci, je pense qu'il réalise aujourd'hui, après
trois années d'exercice du pouvoir, que le pouvoir corrompt. Mais,
à ce coup-ci, il corrompt ceux-là qui auront l'obliqation, je
l'admets, de l'exercer, non parce qu'eux sont corrompus, mais parce qu'on voit
les sangsues qui veulent les entourer et tous ceux-là qui veulent tenter
de maintenir et qui, dans plusieurs domaines, peuvent réussir à
maintenir ce que l'on a
appelé le patronage, que le premier ministre a promis d'abolir
dans la province de Québec, mais qui, malheureusement, fleurit encore au
sein du...
M. le Président, quinze années de vie politique...
M. Lesage: Combien dans le fromage?
M. Bertrand (Missisquoi): ... m'ont appris qu'on est toujours mieux de
s'en tenir à faire la lutte pour des principes malgré qu'ils
soient souvent battus, combattus, écrasés, mais qu'on est mieux
d'employer son énergie, sa vigueur à aller crier constamment que
de tenter de jeter du discrédit sur les personnes ou de faire ce que
l'on appelle des personnalités.
M. Johnson: Très bien.
M. Courcy: II est meilleur que le chef.
Une voix: II est à la veille de remplacer le chef, là.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, c'est pourquoi dans la
réponse que j'ai donnée à l'honorable premier ministre,
à son ultimatum précis, je lui ai dit que la vertu, la
probité n'était pas, n'est pas, ne sera jamais une vertu
exclusivement libérale.
Une voix: Très bien, très bien.
M. Bertrand (Missisquoi): Vous n'apprendrez pas grand-chose aux membres
de cette Chambre qui ont tous, aujourd'hui, une certaine expérience dans
la politique. C'est presque une vérité de La Palice que de la
reprendre, que les partis valent ceux qui les composent, pas plus ni moins, M.
le Président. C'est pourquoi je trouve donc surprenant dans la bouche
d'un premier ministre, durant une campagne électorale, alors qu'il s'est
produit des faits que l'on veut rattacher immédiatement à l'Union
Nationale, d'englober dans une insulte collective, d'englober, dans des propos
vitriolés et à certains moments inqualifiables, des accusations
comme celles qu'il portait contre le parti dans l'ultimatum qu'il m'a
lancé.
M. le Président, je pourrais en parler encore bien longtemps. Une
affaire politique, l'affaire des faux certificats. Oui, malheureusement oui,
dès le début et depuis le début. A l'instar de mon
collègue, le député de Saint-Jacques, dont le nom
était traîné sur la place publique, puisque les faux
certificats étaient censés être adressés a son
organisateur et pour Paul Dozois, de même qu'au député de
Montréal-Sainte-Marie, avec eux et avec le chef de l'Opposition, j'ai
déclaré, au Colisée de Québec: Je lance un
ultimatum, moi aussi, au premier ministre de la province de Québec,
comme au Procureur général, et je leur demande de
démasquer les vrais coupables, à quelque parti qu'ils
appartiennent.
M. Courcy: Une autre répétition du discours du Procureur
général.
M. Bédard (président du comité des subsides): Le
comité rapporte progrès et demande de siéger de
nouveau.
M. le Président: Quand siégera-t-il? Prochaine
séance? A l'ordre!
Travaux de la Chambre
M. Lesage: Pour demain, M. le Président, d'abord l'article 28 au
feuilleton d'aujourd'hui, Loi de l'aménagement rural et du
développement agricole. Pardon?
M. Bellemare: Cela va prendre la matinée.
M. Lesage: Bien, j'espère que non. Ensuite, si le
Secrétaire de la province, c'est-à-dire le ministre, est ici, la
Loi de l'hôtellerie; c'est l'article 24. Ensuite, l'article 34, la loi
concernant McGill, et, ensuite, en comité sur les résolutions
pour la Loi de l'impôt sur la vente en détail.
M. Johnson: Ensuite les crédits du Procureur
général?
M. Lesage: Ensuite, nous retournons aux crédits du Procureur
général. Nous siégeons lundi, oui lundi, les
crédits du Procureur général.
M. Lapalme: De lundi à vendredi.
M. Lesage: Lundi, à deux heures et demie.
M. Johnson: M. le Président, sur la motion d'ajournement, je ne
voudrais pas créer de problèmes au Procureur
général, mais...
M. le Président: Ce n'est pas une motion discutable à
moins que...
M. Johnson: Ah oui.
M. le Président: Je comprends, mais il est dix heures, je
comprends qu'il y a une motion...
M. Johnson: Je ferai ma déclaration à la presse et on me
blâmera après, M. le Président. Je voulais demander une
permission au premier ministre publiquement.
M. le Président: A l'ordre!
M. Johnson: Alors, si ça crée un problème, je n'en
parlerai pas.
M. Lesage: De quoi s'agit-il?
M. le Président: A l'ordre: C'est bien évident que
ça prend une motion ce soir pour qu'on siège à dix heures
et demie demain matin, mais ça ne peut pas être discuté
après dix heures s'il n'y a pas le consentement unanime.
M. Johnson: Je ne veux pas le présenter non plus, il est
passé dix heures.
M. Lesage: On siégera demain matin et demain soir.
M. Johnson: Donc qu'on ne siège pas demain matin, si l'on veut
appliquer le règlement.
M. Lesage: Je ne comprends pas.
M. le Président: J'essaie de comprendre la pensée de
l'Assemblée, j'avais compris comme d'habitude... Je ne crois pas
même que le premier ministre avait à parler ou à proposer
une motion formelle, mais, d'après la coutume de cette Chambre, cela a
toujours été convenu qu'on siège le vendredi matin. Si je
comprends qu'il n'y a pas consentement unanime, je déclare que la
Chambre est ajournée à demain après-midi.
Évidemment, si les membres sont consentants à continuer à
discuter, mais c'était simplement pour attirer l'attention du chef de
l'Opposition que ce n'est pas discutable à ce stade-ci.
M. Johnson: M. le Président, c'est difficile de rendre un
jugement avant d'entendre la cause. Ce n'était pas du tout une motion
d'ajournement, je voulais poser, avec la permission de la Chambre, au premier
ministre, la question suivante: Est-ce que c'est contre l'intérêt
public que je lui pose des questions sur l'état du travail
vis-à-vis les arrestations possibles du FLQ ou est-ce mieux qu'on n'en
parle pas?
M. Lesage: J'ai déjà dit au chef de l'Opposition, et j'ai
pris la peine de le demander à mon bureau, que les opérations de
ce côté-là devaient être tenues strictement
secrètes.
M. Johnson: Je comprends par ailleurs qu'il est certaines rumeurs qui
circulent dans les milieux des nouvelles.
M. Lesage: Je ne les connais pas.
M. Johnson: Je voudrais bien que le premier ministre nous en fasse part
demain, ou le Procureur général, si ça doit être
communiqué dans le public; or, il y en a qui circulent ce soir.
M. Lesage: Je n'ai aucune idée.
M. Johnson: Tous les progrès qui auraient été faits
dans ce domaine...
M. Lapalme: M. Cantin a été en Chambre toute la
journée avec moi, et moi, j'ai été en Chambre toute la
soirée.
M. Lesage: D'ailleurs, je crois que ce n'est pas un sujet de discussion
en Chambre, nous avons assez à déplorer cette affaire; j'avais,
cet après-midi encore, un extrait d'un journal de l'Ouest où il y
avait une caricature, je ne sais pas si je l'ai ici, dans mon dossier, qui
constituait pour la province de Québec une réclame
épouvantable. "Welcome, la Belle Province", avec des bombes qui
éclatent. C'est dans un journal de la Saskatchewan, une scène
pastorale. Alors, imaginez-vous que l'affaire est rendue assez sérieuse,
au point de vue tourisme, au point de vue économique, qu'il me semble
que l'on doit, autant que faire se peut, éviter de donner suite à
des rumeurs de toutes sortes. L'on doit être extrêmement
sérieux dans cette affaire. Depuis la réunion qui a eu lieu mardi
dernier, il n'y a pas eu d'incident, les policiers ont continué leur
travail, je ne puis pas en dire plus, même si j'en sais plus, c'est tout
ce que je peux dire. Je manquerais à mon devoir si, par quelque
déclaration que ce soit, j'allais donner une nouvelle importance
à ces faits qui ne sont pas répétés depuis
au-delà d'une semaine, et si je faisais des déclarations qui
pourraient nuire au travail qui se fait présentement dans la recherche
des criminels.
Prenant mes responsabilités, je demande de nouveau aux
députés, à tous ceux qui sont responsables et à la
presse de bien prendre conscience chacun de la responsabilité qu'ils
portent comme citoyens de la province de Québec dans cette triste
affaire que nous déplorons tous.
M. Johnson: M. le Président, je remercie le premier ministre et
c'est précisément dans cette optique que je ne veux pas lancer
des rumeurs, ni donner foi à des rumeurs et je voudrais être
sûr que, quand il y aura de bonnes nouvelles, il nous les donnera le plus
tôt possible, car nous tous, nous voulons bien que se règle cette
histoire.
M. le Président: La Chambre est ajournée à demain
matin, dix heures et demie.