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Version finale

27e législature, 5e session
(22 octobre 1965 au 23 octobre 1965)

Le vendredi 22 octobre 1965 - Vol. 3 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

Vendredi, 22 octobre 1965.

(Dix heures et demie de l'avant-midi)

M. LE GREFFIER ADJOINT: A l'ordre, messieurs! Order, gentlemen!

LE MESSAGER: M. le Greffier, Son Honneur l'honorable lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette Chambre dans la salle du Conseil législatif.

Sir, it is his Honour the Honourable the Lieutenant-Governor's desire that the members of this House do attend immediately in the Legislative Council Chamber.

(Note de l'éditeur; Les membres de l'Assemblée législative se rendent alors à la salle du Conseil législatif. Ils font rapport au lieutenant-gouverneur qu'ils n'ont pas de président et reviennent à l'Assemblée élire un des leurs à la présidence.)

Election de l'Orateur

M. LESAGE: M. le greffier adjoint, par suite de la nomination de celui qui était, jusqu'à il y a peu de temps, le président de cette Chambre, le député de Westmount, qui est maintenant ministre du Revenu, la Chambre est sans Orateur.

Je voudrais, avant de faire une proposition, et avec, sans doute, le consentement de la Chambre et son approbation, exprimer notre reconnaissance au député de Westmount pour le travail qu'il a accompli alors qu'il présidait â nos délibérations dans des circonstances qui n'étaient pas toujours faciles, et personne ne le sait mieux que nous. Il a fait preuve, à mon sens, d'une grande impartialité et d'un contrôle de lui-même, qui sont véritablement admirables. Je ne veux pas raviver des plaies qui peuvent être encore vives, mais il est certain, et nous nous comprenons tous lorsque je dis ces mots, que le Président de la Chambre, député de Westmount, a eu à certaines occasions, occasions qui ont été assez nombreuses, il a eu une responsabilité énorme, celle de trancher des points difficiles dans une atmosphère qui n'était pas des plus agréables. Non seulement nous devons lui exprimer notre reconnaissance, mais nous devons aussi, je crois, le féliciter très sincèrement pour la façon magnifique dont il s'est acquitté de sa tâche dans les circonstances que je viens, non pas de résumer, mais de mentionner, simplement par des allusions que tout le monde comprend.

Et alors, M. le greffier adjoint, j'ai l'honneur de proposer, secondé par le chef de l'Opposition, l'élection du député de Verchères comme Président de cette Chambre.

Le député de Verchères est né à Québec où il a fait ses études.

C'est là que je l'ai connu, puisqu'il est de l'âge de l'un de mes frères avec qui il étudiait. J'étais passablement plus âgé et j'ai eu l'occasion de le connaître alors qu'il était écolier au séminaire de Québec,

Après avoir obtenu son baccalauréat ès-art, il s'est enrôlé dans l'armée canadienne. Il a fait la guerre au front. Il a été officier d'infanterie et d'état-major outre-mer, en Angleterre; il a fait les campagnes de France et de Hollande, après le jour D, et il a été licencié comme major. Il est retourné à l'université à la fin des hostilités pour poursuivre son cours de droit, et il a été reçu au Barreau en 1946. Dès ce moment-là il a accepté le poste de régistraire de l'arbitre canadien sous l'empire de la loi sur l'assurance-chômage à Ottawa.

Devenu par la suite conseiller juridique senior du bureau de l'arbitre, celui qu'on appelait « l'umpire » dans le temps, c'était le juge Alfred Savard de Québec, je m'en souviens. Il fut délégué par le gouvernement du Canada au Collège de la défense nationale, de septembre 1954 à août 1955, et il a participé, délégué au collège, à des seminars ici au pays, aux Etats-Unis, en Europe et en Orient.

En 1957 il laissa l'administration fédérale pour accepter le poste de directeur des relations extérieures de la firme Steinberg à Montréal jusqu'au moment où il fut choisi comme candidat libéral pour l'élection de juin 1960. Il fut alors élu député dans le comté de Lotbinière, dans le comté de Verchères, — je demande pardon au député de Lotbinière, — pour le comté de Verchères et en même temps il rouvrait son bureau d'avocat. Il a été réélu en 1962. Et justement à cause de son passé et de son expérience il a été délégué de la province de Québec, de la Législature comme question de fait, à la conférence des parlementaires du Commonwealth britannique tenue à Londres, en Angleterre, en 1961.

Il s'est occupé, comme d'ailleurs le chef de l'Opposition l'a fait, avec une attention particulière de cette association parlementaire du Commonwealth non seulement sur le plan québécois, sur le plan canadien, mais aussi sur le plan du Commonwealth lui-même, suivant en cela les traces du chef de l'Opposition. Il s'en est occupé alors qu'il était adjoint parlementaire et même simple député, je crois, lorsqu'il a commencé.

Il a été nommé conseiller de la Reine en 1961.

II a été, cela se comprend, délégué de la province de Québec, en 1962, aux cérémonies du Dieppe alors que l'on a commémoré le débarquement des Canadiens en France. Nommé adjoint parlementaire du ministre du Revenu en décembre 1962. Il a été délégué du gouvernement en Angleterre en 1963. Nommé adjoint parlementaire du Secrétaire de la province en 1963, il est revenu au Revenu, c'est le cas, excusez le jeu de mots, en 1964. Il est membre du Collège de la défense nationale, de la Légion canadienne, de la Chambre de commerce. Il est le président du Comité du centenaire de la Confédération pour la province de Québec.

M. le Greffier adjoint, je crois sincèrement, que le député de Verchères a accompli tellement, s'est tellement intéressé aux choses parlementaires, de plus nous l'avons vu à l'oeuvre comme président de comités importants où il a eu l'occasion de faire preuve de son impartialité, de sa connaissance des règlements de la Chambre. Il sait imposer une autorité sans brusquerie et avec bonne humeur et je suis certain que si la Chambre accepte la proposition que je viens de faire, secondé par le chef de l'Opposition, nous aurons en M. LeChasseur, député de Verchères, un président de la Chambre qui saura maintenir les hautes traditions des présidents de cette Chambre, sous quelque régime que nous ayons eu, pour tenter de maîtriser le caractère latin de plusieurs d'entre nous et de maintenir en Chambre le décorum, de faire observer avec une douce fermeté — une fermeté douce et suffisante ici — les règlements de la Chambre afin que nous procédions dans l'ordre à l'étude des sujets de plus en plus importants, de plus en plus divers, que nous avons à traiter autour de cette table et au pied de ce trône de l'Orateur.

M. le greffier adjoint, je renouvelle donc ma proposition, secondé par le député de Bagot, chef de l'Opposition, que le député de Verchères soit élu président de cette Chambre.

M. JOHNSON: M. le greffier adjoint, comme l'a dit le premier ministre, la proposition qui est devant la Chambre est devenue nécessaire à la suite de l'entrée au Cabinet de celui qui pendant plusieurs années a présidé aux destinées et aux délibérations de cette Chambre.

Le nouveau ministre du Revenu a été un Orateur de qui je puis dire que c'était un travailleur consciencieux. Je sais que c'est l'un des Orateurs qui a pris le plus au sérieux toute la charge de président et nous étions très édifiés par la façon dont il s'acquittait de son travail à son bureau. Quant à son travail en Chambre, il ne serait pas séant pour mol de ressasser des difficultés, sauf pour rappeler qu'en effet, il a eu à trancher des débats très difficiles qui étaient empreints d'une atmosphère extrêmement explosive. Mais je me console en disant au ministre du Revenu: II semble bien clair que plus l'Opposition donne au président du fil à retordre et plus vite il peut accéder au Cabinet.

M. le greffier adjoint, nous souhaitons au nouveau ministre du Revenu de gravir lentement les marches du Cabinet puisque ceux qui les gravissent trop vite sont exposés à culbuter aussi rapidement. J'ai secondé la proposition du premier ministre, comme c'est la tradition, proposition qui fera du député de Verchères, je n'en doute pas, le nouveau président de la Chambre.

Je voudrais tout de suite dire que j'ai vu à l'oeuvre le député de Verchères, oui, mais très peu souvent et pour très peu de temps dans des comités où, par tradition, nous ne soulevons que rarement des points de règlement. Je dois dire qu'il s'est bien acquitté de sa tâche lorsque, muni de son cigare, il a présidé ces comités avec dignité, bonne humeur et beaucoup de patience. Espérons que l'absence du cigare ne sera par la cause d'un changement d'attitude chez le nouveau président de la Chambre. Mais je dois dire tout de suite que j'aurais secondé avec plaisir, comme Orateur, un autre député de cette Chambre que j'ai vu à l'oeuvre très souvent et pendant très longtemps et qui a rendu des jugements que je trouvais extrêmement sages, le député de Québec-Comté, M. Bédard.

Mais, puisque c'est le privilège du premier ministre de faire des nominations, de jouer sur l'échec du Cabinet, de déplacer ses chevaliers, ses reines et ses rois, c'est...

M. LESAGE: Ce n'est pas un échec, c'est un échiquier.

M. JOHNSON: ... sur l'échiquier, le premier ministre a raison...

M. LESAGE: Evidemment, dans le Cabinet du chef de l'Opposition il y a peut-être des échecs.

M. JOHNSON: Je pensais à l'échec du gouvernement. C'est un échiquier. C'est une association d'idées, M. le Président, et puisque c'est le privilège du premier ministre de proposer le député de son choix, je seconde la proposition du député de Verchères dont nous connaissons la carrière, mais en partie seulement. Le premier ministre a fait ressortir l'aspect guerrier de cette carrière du député de Verchères. Moi je connais le député de Verchères sous un autre

aspect tout à fait. C'est l'ami des arts et l'ami des artistes et je vous avoue franchement que c'est celui-là que je préfère. Je souhaite donc, en secondant cette motion, que le député de Verchères soit comblé, dès qu'il mettra pour la première fois le tricorne, de toutes les grâces d'état dont il aura certainement besoin pour s'acquitter avec impartialité d'un poste, des responsabilités que lui imposera ce poste. Et j'ai un conseil à lui donner, bien amical, s'il veut résister ou avoir des promotions au sein du gouvernement actuel. Il est mieux d'imiter ou d'observer plutôt cette loi de base du Code de la route; qu'il protège sa droite. Ceux qui n'ont pas protégé leur droite depuis cinq ans ont eu de la difficulté à avancer sur le chemin du progrès et des promotions au sein du Cabinet et au sein du parti, mais je seconde...

M. GERIN-LAJOIE: C'est mieux que celles de l'Opposition.

M. JOHNSON: Ces restrictions étant faites, je seconde avec plaisir la proposition du premier ministre à l'effet que le député de Verchères devienne Orateur...

M. LESAGE: Vous ne faites pas ce que vous dites.

M. JOHNSON: ... d'ici aux prochaines élections.

M. HANLEY: Mr. Speaker, I would like to say a word on the point, in very brief words. Who should I address, Mr. Clerk? Mr. Prime Minister?

M. LESAGE: No.

M. HANLEY: ... Mr. Leader of the Opposition?

M. LAPORTE: You just speak. M. LESAGE: You just speak.

M. HANLEY: Very briefly, may I congratulate the Prime Minister of the province and the Leader of the Opposition for the nomination of the member of Verchères as Speaker of the House. The member for Verchères has distinguished himself as a French Canadian not only in the field of Law but on the battlefields of Europe.

Mr. Clerk, the nomination as minister of Revenue of the member for Westmount should be an example to all the English speaking ma- jorities in all governments of all other provinces within the Dominion of Canada that here, within the Province of Quebec predominantly French speaking province, the government has added another member of the minority language in our Province, an English speaking member of our Assembly into the Cabinet of this Province. I shall, Mr. Speaker, have a lot more to say next week when I address to Industrial Management Group of Canada concerning French Canada.

In conclusion my congratulations to the Government and the Members responsible for their consideration towards the minority race, groups, within the Province of Quebec.

M. LE GREFFIER ADJOINT: J'ai l'honneur de proclamer que l'honorable monsieur LeChasseur est élu Orateur.

I have the honor to declare the Honourable Mr. LeChasseur elected Speaker.

(Note de l'éditeur; Le premier ministre et le chef de l'Opposition conduisent alors le nouvel Orateur au fauteuil. Ce dernier fait mine de résister selon une coutume séculaire dans le parlementarisme britannique, parce que, à l'origine l'Orateur allait transmettre au roi ou à la reine les voeux, les demandes des députés et ce rôle ne fut pas toujours de toute sécurité.)

M. LeCHASSEUR (président): Messieurs, je remercie sincèrement la Chambre du grand honneur qu'elle vient de me faire en me choisissant pour son Orateur, et je la prie de croire que je m'efforcerai toujours de mériter sa confiance.

Je n'ignore pas que je suis peu qualifié pour occuper le poste important qui m'est assigné. Aussi, je compte sur la bienveillance et le concours de tous les membres de la Chambre pour remplir avec fermeté et impartialité les devoirs qui vont m'incomber. J'aime à espérer que la Chambre entière voudra bien, à l'occasion, m'aider à défendre nos droits et nos privilèges, à faire respecter notre règlement et à maintenir la liberté de discussion que nos usages ont consacrée.

Gentlemen, I wish to tender my grateful acknowledgments to the House for the honour it has conferred upon me in electing me to be its Speaker. It shall be always my desire to deserve the confidence reposed in me. I am sensible of my unfitness for the position but relying upon the kindness and co-operation of the Honourable gentlemen on both sides of the House, I will endeavour to do my duty to the best of my ability and to discharge the func-

tions of the Chair with firmness and impartiality. I hope the House will sustain me in vindicating all rights and privileges, in maintaining all Rules and Orders and in securing the freedom of debate according to our established usages.

M. LESAGE: M. le Président, je suggère la suspension de la séance jusqu'à ce que le lieutenant-gouverneur nous fasse rappeler pour nous lire le discours du Trône.

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue.

LE MESSAGER: M. le Président, Son Excellence le lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette Chambre à la salle du Conseil législatif.

Mr. Speaker, it is his Honour the Honourable Lieutenant-Governor's pleasure that the members of this House do attend immediately in the Legislative Council Chamber.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! J'ai l'honneur de faire rapport que cette Chambre vient de se rendre dans la salle des séances du Conseil législatif, que là j'ai informé l'honorable Monsieur le lieutenant-gouverneur que l'Assemblée législative m'avait choisi comme son Orateur.

I have the honour to report that the House has been to the Legislative Council Chamber and that I have informed the Honourable Lieu-tenant-Governor that the choice of his Speaker had fallen upon me.

M. LESAGE: M. le Président, je propose que la prise en considération du discours du Trône ait lieu à la présente séance.

M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?

M. JOHNSON: Adoptée. M. LAPORTE: Six.

M. LESAGE: M. le Président, je propose, secondé par le ministre de l'Education, la première lecture d'une loi modifiant la Loi de la Régie des transports. Tous les députés ont le projet de loi devant eux.

M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée? Adoptée.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LAPORTE: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer...

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture?

M. LESAGE: Même séance.

M. LE PRESIDENT: Même séance.

M. LAPORTE: J'ai l'honneur de proposer, secondé par...

M. JOHNSON: ... A moins que... M. LESAGE: Même séance.

M. LAPORTE: Oui, oui, enfin on va voir, on va attendre...

M. LESAGE: J'ai dit: même séance.

M. JOHNSON: M. l'Orateur, j'invoque le règlement. Je comprends que le leader du gouvernement doit proposer une motion dont il m'a soumis le texte tantôt et à laquelle nous concourrons avec plaisir moyennant un léger amendement. Mais Jusqu'à ce que cette motion soit agréée par la Chambre — et la règle est très simple — c'est que la prochaine lecture doit avoir lieu à la prochaine séance et non pas à la même séance.

M. LAPORTE: M. le Président, je propose que vous suspendiez votre décision quant à la deuxième lecture jusqu'après la lecture de la motion que je vais maintenant proposer à cette Chambre, secondé par le ministre de la Voirie: « Que vu qu'il est urgent de procéder rapidement à l'adoption du bill numéro 1 intitulé: « Loi modifiant la Loi de la Régie des transports », les articles du règlement ci-après mentionnés soient suspendus et inopérants durant le cours de la présente session; le paragraphe 12e de l'article 89 et l'article 462 en autant qu'ils concernent la formation des comités permanents et le choix de leurs membres, l'article 509 concernant la présentation des pétitions, l'article 531 qui exige que les trois lectures d'un bill se fassent dans des séances différentes et l'article 570 en autant seulement qu'il interdit plus d'une lecture d'un bill au cours d'une même séance, les articles 594 à 665 inclusivement concernant les bills privés, les articles 666 à 688 inclusivement concernant les questions, les articles 689 à 704 inclusivement concernant les rapports et les documents, que la Chambre au cours de la présente session tienne une séance par jour tous les jours de la semaine, excepté le dimanche,

de dix heures du matin jusqu'à minuit sans interruption, et qu'à chacune de ces séances l'ordre du jour soit celui qui est prévu par l'article 115 du règlement pour la journée du mardi ».

Je tiens à préciser immédiatement, M. le Président, quant aux questions, qu'il s'agit des questions par écrit devant être inscrites au feuilleton. S'il y a d'autres séances et si des députés ont des questions à poser en vertu de l'article 114 avant l'appel des affaires du jour, ceci n'est pas modifié.

M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?

M. JOHNSON: M. le Président, j'ai pris note, comme tous les autres députés, que relativement aux questions, il s'agirait par cette motion de prohiber seulement les questions écrites et que nous aurions...

M. LAPORTE: Evidemment.

M. JOHNSON: ... on le comprend bien, plusieurs questions verbales...

M. LESAGE: Demain.

M. JOHNSON: ... à poser aux ministres, à plusieurs ministres.

M. LESAGE: Por la manana. Demain. M. BELLEMARE: Ah oui!

M. JOHNSON: M. le Président, le leader de la Chambre propose une motion en tout point semblable à celle qui avait été proposée au début de la courte session en septembre 1960. A ce moment-là, il y avait eu un amendement de l'Opposition exprimant le regret qu'on ne réunisse pas le comité des bills privés et le comité des comptes publics. Je vous dis tout de suite que je n'ai pas l'intention de proposer un tel amendement. Nous serions prêts à coopérer avec le gouvernement pour l'expédition des affaires puisqu'il s'agit d'une question urgente. Deuxièmement, puisque le premier ministre et d'autres ministres sans doute, comme certains députés, d'un côté comme de l'autre, ont des engagements qu'ils doivent tenir la semaine prochaine...

Cependant, nous voyons mal pourquoi nous devrions siéger sans interruption de dix.heures du matin jusqu'à minuit. Il me semble que ce n'est pas nécessaire, il me semble que c'est pousser un peu fort et un peu vite. Nous venons de re- cevoir le bill officiellement, pour les députés en général. Je dois dire cependant qu'hier après-midi...

M. LAPORTE: Le chef de l'Opposition n'a pas à s'en faire, pour raccourcir le débat, il est entendu que nous suspendrons pour le déjeuner et pour le dîner; c'est simplement que ça s'est produit à la fin de la première session de respecter l'engagement que nous avions pris...

M. JOHNSON: Ah bon.

M. LAPORTE: C'est seulement si c'est nécessaire, à un moment donné, pour terminer l'étude de la question, mais il est entendu qu'il y aura suspension pour les heures des repas.

M. JOHNSON: II y aura suspension de midi et demi à...

M. LESAGE: Oh, suivant que ça conviendra. Supposons, par exemple, que je suis dans le milieu de mon exposé ou encore que ça ne vaut pas la peine de commencer...

M. JOHNSON: On donnera le consentement.

M. LAPORTE: Une durée d'une heure, une heure et demie.

M. LESAGE: Une suspension d'une heure et demie à deux heures, pour le midi et le soir.

UNE VOIX: Une heure et demie, deux heures.

M. LESAGE: Entre une heure et demie, une durée de une heure et demie à deux heures, suivant les circonstances.

M. JOHNSON: Mais pouvons-nous tenir pour acquis qu'à moins de...

M. BELLEMARE: On va être encore obligé de manger un sandwich!

M. JOHNSON: ... nécessité...

M. LESAGE: II n'y a pas besoin de session pour manger un sandwich.

M. JOHNSON: ... de la nature que celle que le premier ministre a mentionnée tantôt, et dans tel cas on donnera le consentement comme on le fait toujours. On ajournera disons à midi et demi ou à une heure et on ajournera ce soir à six heures, de six heures à sept heures et

demie ou à huit heures. Alors, à ces conditions, avec cette assurance de la part du gouvernement, nous serions prêts à consentir, mais ce serait tellement plus simple, M. le Président, d'enlever « sans interruption » et si le besoin s'en fait sentir, en invoquant la question d'urgence, le gouvernement pourrait quand même faire accepter la motion. Le ministre veut-il enlever le mot « sans interruption »?

M. LESAGE: Ce n'est pas nécessaire. On vient de vous le dire qu'on va suspendre.

M. JOHNSON: Alors encore une fois nous allons prendre un risque calculé...

M. LAPORTE: Prendre un risque et puis prendre vos repas aussi, ne vous inquiétez pasl

M. BELLEMARE: Le dernier jour de la session, on a été obligé d'aller manger par étapes.

M. JOHNSON: ... et tout le monde voudrait bien...

M. LESAGE: Pas par étapes.

M. BELLEMARE: Non, non, mais par groupes.

M. JOHNSON: On comprendra que tout le monde...

M. PINARD: Il y en a combien qui sont au régime de l'autre côté?

M. JOHNSON: ... voudrait bien suivre le débat...

M. PINARD: Vous ferez venir du Métrecal.

M. JOHNSON: ... et comme le dit le proverbe: « Ventre affamé n'a point d'oreilles »•..

M. LESAGE: C'est peut-être mieux.

M. JOHNSON: ... il serait inutile de siéger pendant que les députés ont faim et pendant que les journalistes ont faim. Je constate que certains députés suivent des régimes extrêmement sévères et le principe même des régimes, M. le Président, c'est d'avoir des repas à heures fixes.

M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté.

M. LAPORTE: Alors deuxième lecture à la même séance. Deuxième lecture du bill no 1.

M. LESAGE: Alors, M. le Président, je voudrais purement et simplement, au début de mes remarques, répéter, pour qu'elles soient consignées au journal des Débats, les explications que j'ai données mardi le 19 octobre, mardi de cette semaine, sur la convocation de la présente session.

La compagnie de la Traverse de Lévis a, il y a quelque temps déjà, informé les cités de Québec et de Lévis de sa décision de cesser ses activités le 15 novembre prochain. Les pourparlers qui ont eu lieu entre les autorités municipales et celles de la compagnie n'ont malheureusement abouti à aucun résultat.

De plus, hier matin, les capitaines et les seconds des traversiers de la compagnie ont refusé de poursuivre leur travail. Hier matin — c'était la déclaration de mardi — c'est lundi matin. Cette décision est la conséquence de l'échec des négociations entreprises avec la compagnie au mois de juillet dernier sur les conditions de travail de cette catégorie d'employés, particulièrement sur la question des salaires.

Le service de traversiers entre Québec et Lévis est donc interrompu depuis quatre heures lundi matin. Comme les employés qui ont cessé leur travail ne sont pas des salariés au sens du Code du travail, le gouvernement ne peut se prévaloir des dispositions de ce code pour provoquer la reprise du travail.

Il importe donc que le gouvernement et la Régie des transports soient habilités à prendre, lorsque le bien commun l'exige, toutes les mesures nécessaires pour empêcher la suspension du service d'une entreprise de transport par navigation et assurer, le cas échéant, le maintien de ce service.

Le Conseil exécutif, disais-je mardi, a été saisi de ce problème au cours de la séance de ce matin et étant donné l'urgence, il a décidé de recommander au lieutenant-gouverneur de convoquer la Législature en session spéciale pour vendredi matin, ce matin, à dix heures et demie, afin de considérer l'adoption des mesures législatives qui s'imposent dans les circonstances et il y a une mesure législative qui est le bill no 1 dont je propose la seconde lecture.

Comme la présentation de ce projet de loi, je viens de le dire, est provoquée par la suspension du service de traversiers de la Traverse de Lévis Ltée, que j'appellerai à partir de maintenant la compagnie pour ne pas être obligé de toujours répéter, il n'est peut-être pas inutile de rappeler d'abord brièvement quelques-unes des dispositions législatives qui ont été adoptées dans le passé afin de permet-

tre aux cités de Québec et de Lévis de régir le service de transport par eau entre Québec et Lévis.

J'ai l'intention, après avoir fait cet historique, de traiter la question du point de vue constitutionel, puis nous verrons ensuite quels sont les faits qui ont amené la suspension du service lundi matin, le 18 courant, à quatre heures de la matinée. Enfin nous examinerons la portée des dispositions du projet de loi.

Depuis longtemps déjà, la cité de Québec jouit de pouvoirs réglementaires en ce qui concerne le service de traversiers entre Québec et Lévis. Dès 1865, la charte de la cité de Québec, 29 Victoria, chapitre 57, contenait des dispositions à ce sujet. L'article 73 de cette loi permettait au Conseil de la cité de Québec de réglementer « les traverses ou passages et les passeurs sur le fleuve St-Laurent entre ladite cité et tout lieu situé dans un rayon de douze milles de ladite cité. »

La cité pouvait également exiger des licences de ceux qui exploiteraient un service de traverse et établir des droits de péage. L'article 74 de cette loi permettait de plus au conseil de ville d'accorder après encan public le droit exclusif « de traverser des passagers, marchandises, animaux et objets quelconques entre ladite cité et la ville de Lévis. »

La charte de la cité de Québec a été modifiée sur ce point à plusieurs reprises. La plupart des modifications n'offrent pas d'intérêt ou peu d'intérêt. Signalons cependant qu'en 1909, par la loi 9, Edouard VII, chapitre 80, la cité de Québec était autorisée à exploiter conjointement avec la ville de Lévis un service de bateaux pour la traversée du fleuve St-Laurent entre Québec et Lévis. En 1911, la cité de Québec était autorisée par la loi 1, George V, chapitre 59, à organiser seule ce service de transport « dans le cas de refus de la part de la ville de Lévis de concourir avec la cité de Québec au projet de municipaliser le service de la traverse. »

Le 20 avril 1923, le Conseil de la ville de la cité de Québec adoptait le règlement numéro 55 ayant pour objet d'autoriser la vente par enchère publique du droit exclusif d'exploiter le service de traversiers entre Québec et Lévis. A la suite de l'adoption de ce règlement la compagnie s'est portée adjudicataire de la franchise qui lui était confirmée par acte reçu devant Joseph Allaire, notaire, le 30 mai 1923. Ce contrat accordait à la compagnie la franchise pour une période de quinze ans à compter du 1er mai 1925 moyennant le paiement d'une somme de $4,000 par année. La compagnie s'engageait de plus à fournir le service de traversiers conformément aux dispositions du règlement no 55.

Par la loi 17 George V, chapitre 79, adoptée en 1927, la commission des services publics de Québec était autorisée à fixer à la demande de la cité de Québec, de la cité de Lévis ou de la compagnie, les horaires du service « dans l'intérêt du public voyageur et du public, indépendamment des contrats qui peuvent exister. »

Par acte reçu le 18 mars 1929 devant Charles Delagrave, notraire — j'ai des copies de ces actes ici — un nouveau contrat intervenait entre les cités de Québec et Lévis et la compagnie. Par ce nouveau contrat la convention du 30 mai 1923 était annulée. De plus les cités de Québec et de Lévis accordaient à la compagnie le privilège exclusif d'exploiter le service de transport par eau entre Québec et Lévis. En vertu de ce contrat la compagnie est tenue de payer à chacune des deux cités la somme de $2,000.50 par année avec en plus un loyer pour l'usage des quais, terrains et bâtiments à Québec et à Lévis qui sont occupés par la compagnie, mais qui sont la propriété des municipalités. Ainsi par exemple, la bâtisse du côté de Québec, je le sais, et le quai sont la propriété de la cité de Québec. La cité de Québec est propriétaire du quai, du terrain et de l'édifice où sont situés la salle d'attente et le buffet de la compagnie à Québec.

Le contrat que je viens de mentionner, signé devant le notaire Delagrave, un ancien député de cette Chambre d'ailleurs, détermine de plus dans le détail, les conditions du service qui sera fourni par la compagnie. Ce contrat a été ratifié dans la dernière refonte de la charte de la cité de Québec qui a été adoptée en 1929. Il s'agit de la loi 19, George V, chapitre 95, et l'article 378 de cette loi ratifie expressément le contrat précité.

M. JOHNSON: Quelle année?

M. LESAGE: 19, George V, chapitre 95, article 378. Cette loi contient également, aux articles 366 à 377, d'autre dispositions concernant la réglementation ou l'établissement du service des traversiers. Notons plus particulièrement que l'article 367 prévoit la création d'un comité conjoint formé des représentants âes cités de Québec et de Lévis, aux fins d'adopter des règlements concernant l'octroi de franchise et la fixation des taux.

En 1939, la Législature adoptait la loi 3, George VI, chapitre 16, qui créait la Régie provinciale des transports et communications. En vertu de cette loi, nul ne pouvait exploiter une entreprise publique sans y être autorisé par la Régie. Dans le cas d'entreprises publiques existantes, l'autorisation prescrite devait être obtenue dans les quatre mois de l'entére en vigueur

de la loi. L'article 51 de cette loi prévoyait qu'elle entrerait en vigueur trente jours après sa sanction et la loi a été sanctionnée le 28 avril 1939.

En vertu de cette loi, une entreprise de transport par navigation était une entreprise publique (voir article 2, paragraphe 3b). L'article 23 de la même loi édictait, et je cite, que « tout propriétaire d'entreprise publique doit obtenir l'autorisation préalable de la Régie pour cesser ou interrompre ses opérations ou pour étendre ou modifier son entreprise ». Cette loi, avec certains amendements qui avaient été apportés, est reproduite au chapitre 143 des Statuts Refondus en 1941.

Ce n'est qu'au début de 1950 — c'est la loi de la Régie des services publics, je me suis trompé, lorsque j'ai dit la loi de la Régie des transports — ce n'est qu'au début de 1950 que la compagnie demandait à la Régie des services publics l'autorisation de poursuivre l'exploitation de son service de transport par eau entre Québec et Lévis. En effet, à la suite d'une requête de la compagnie, la Régie des services publics émettait, le 17 février 1950, le permis No 10-N qui autorisait la compagnie à exploiter le service suivant, et je cite: « transport sur le fleuve St-Laurent au moyen de bateaux-passeurs, de voyageurs, marchandises et véhicules entre Lévis et Québec et à l'occasion, excursions dans le district. » Par la même décision, la Régie approuvait le tarif soumis par la compagnie.

On voit donc que, d'après l'historique de la traverse Québec-Lévis par bateaux-passeurs, cette question a toujours été considérée comme de nature essentiellement locale et laissée sous la juridiction soit de la Régie des services publics, soit de la Régie des transports, à l'initiative et au contrôle et à la participation de la cité de Québec et de la ville de Lévis qui est devenue la cité de Lévis.

Voyons donc, au point de vue du droit, quelle est la compétence provinciale sur le transport par eau. Evidemment, quand je parle de compétence provinciale, cela inclut la compétence des municipalités puisque la Législature provinciale a juridiction sur les municipalités et que ces dernières sont des créatures de la Législature et, en conséquence, ne peuvent détenir plus de pouvoir au point de vue constitutionnel que la Législature ne peut en avoir.

L'article 91 de l'Acte de l'Amérique duNord britannique énumère, parmi les matières de compétence fédérale — et c'est la traduction de Geoffrion que l'on trouve dans notre livre de règlement.

Dixièmement, la navigation.

Treizièmement le transport par eau entre une province et un pays britannique ou étranger ou entre deux provinces.

Il est évident que le paragraphe treize implique que le transport par eau entre deux points dans une même province est de compétence provinciale, et cette conclusion est renforcée par le paragraphe 10 de l'article 92 qui énumère parmi les matières de compétence provinciale, et c'est encore la traduction de M. Geoffrion que l'on trouve dans notre livre de règlements:

Dixièmement, les travaux et les ouvrages d'une nature locale, autres ceux qui sont énumérés dans les catégories qui suivent; a) les lignes de vapeur ou autres navires, les chemins de fer, les canaux, les lignes de télégraphe et autres travaux et ouvrages reliant la province à une autre ou à d'autres, ou s'é-tendant au-delà des frontières de la province; b) les lignes de vapeur entre la province et tous les pays britanniques ou étrangers; c) les travaux qui, bien qu'entièrement situés dans la province, seront, avant ou après leur exécution, déclarés, par le parlement du Canada, profiter au Canada en général ou à deux ou plusieurs provinces.

Par conséquent, on peut affirmer que le transport par eau à l'intérieur d'une province est une entreprise locale soumise à la compétence législative de la province. Toutefois, la navigation est tout entière soumise à la compétence fédérale, et cela oblige à tracer la ligne de démarcation entre la compétence sur la navigation et la compétence sur le transport par eau. Il semble clair que le transport par eau qui est du ressort provincial est le service de transport par opposition à la manoeuvre des navires qui servent à fournir le service, manoeuvre qui est évidemment du ressort fédéral: la manoeuvre des navires, c'est-à-dire les réglementations de navigation. Par exemple les bateaux-passeurs doivent donner préséance ici, je le sais, en vertu des règlements de navigation et des lois de navigation, aux vapeurs, aux transatlantiques qui montent ou descendent le Saint-Laurent. Les bateaux-passeurs doivent porter certaines lumières, il y a certains signaux; ça, ce sont les règlements de navigation, les manoeuvres des navires, qui sont du ressort du fédéral.

La nature de cette distinction entre la navigation elle-même et le transport par eau a été considérée par quelques juges de la Cour suprême dans le renvoi sur la Loi sur les relations industrielles et les enquêtes visant les différends du travail, Statuts revisés du Canada, chapitre 152, et la référence est à 1955, RCS, Rapport de la Cour suprême, page 529.

La principale question étudiée par les juges de la Cour suprême a été de savoir su les débardeurs étaient visés par cette loi, et si elle était constitutionnelle. Toutefois, certains juges ont cru devoir exprimer des vues sur cette question du transport par eau. Ainsi le juge Locke, à la page 580, ce sont évidemment des obiter dicta, mais quand même, a dit ceci: « The fact that ferries between a province and any British or Foreign Country or between two provinces are assigned to the legislative juridiction of parliament by head 13 of section 91, at least indicates that ferries operating between points entirely within one province are excludedfromthejuris-diction in relation to shipping inhead 10 ». Et le juge Abbott, à la page 591, et je cite; « I should add, however, that in my view, except in such aspects as may relate to the navigation of the vessel, the combined effect on heads 10, 13 and 29 of section 91, and head 10 of section 92 is to exclude from federal jurisdiction shipping which is purely local in character such as a ferry or a line of ships operating wholly within the limits of one province ».

Et à propos de cette décision de la Cour suprême, je voudrais signaler, toujours en étudiant la question de droit, que le juge Fauteux y approuve le procédé législatif qui consiste à limiter la portée de la loi à ce qui est suivant la compétence consitutionnelle. Vous verrez que dans le bill, on reproduit, à l'article 1, ce qui est un article de la Loi de la Régie des services publics et l'importance de cette énonciation de principe dans la Loi qui est proposée peut se trouver dans ce que disait justement le juge Fauteux à la page 587 du jugement sur la même référence. Et je cite: « The enunciation of the principle of limitation with a consquential duty for the Courts to pronounce as to the operation or the application of the Act in each of the cases as they may arise appears to be a prudent, practical and yet valid legisative technique to adopt, in a Federal state, in relation to such a wide embracing and complex matter. The possible difficulties there may be in the judicial determination of each case leave untouched the true character of the limitation the enactment of which clearly manifests the will of Parliament to legislate within its own field. »

C'est la raison de l'article ajouté, n'est-ce pas. Donc, par conséquent, pour ce qui est du transport par eau, de l'octroi des franchises, comme l'on dit communément, cela est du ressort provincial, clairement. Pour ce qui est du maintien des services, des conditions du service lui-même, en autant que le public voyageur est concerné, cela est du ressort de la Législature. Cela m'apparaît clairement à l'étude du texte des articles 91 et 92 des sous-paragraphes que je viens de citer et tel que confirmé par les extraits des opinions exprimées parles trois juges de la Cour suprême que je viens de mentionner. Ceci, à mon sens, est un point acquis, un point de base qu'il était nécessaire de faire valoir avant d'aller plus loin dans l'étude du principe de ce bill.

Il y a un autre aspect consitutionnel que je voudrais également tenter d'éclaircir avant que nous n'allions plus loin dans l'étude des faits qui entourent le bill ou qui ont été la cause du projet de loi, ou l'occasion du projet de loi, et l'étude du projet de loi lui-même.

La Compagnie de la traverse de Lévis a une charte fédérale et cela signifie que sa personnalité juridique échappe à la compétence de la Législature. L'on se souviendra que lorsque, par exemple, a eu lieu la nationalisation des compagnies d'électricité, c'était un problème qui se présentait à nous parce que plusieurs de ces compagnies avaient des chartes fédérales. Et lorsqu'il avait été question d'expropriation, il était clair que nous n'avions pas le pouvoir d'exproprier les compagnies, les actions des compagnies, parce qu'à notre sens il s'agissait de compagnies à charte fédérale et c'est l'une des raisons qui nous ont amenés à procéder de la façon dont nous avons procédé, c'est-à-dire par une offre faite sur le marché. Ce qui était d'ailleurs, de toute façon, la manière d'agir qui pouvait apporter le moins de conséquences fâcheuses. Mais ici, nous sommes devant le même problème.

Il s'agit d'une compagnie à charte fédérale et le principe est établi, bien établi par de nombreux arrêts, que les compagnies à charte fédérale sont assujetties aux lois provinciales d'application générale. Cela, c'est entendu; ce n'est pas parce qu'on a une charte fédérale qu'on est soustrait à l'application des lois provinciales d'application générale. Cela découle en particulier de la décision du Conseil privé portant que les compagnies à charte fédérale sont assujetties, par exemple, aux lois des valeurs mobilières comme dans la cause de Lymburn vs Mayland, 1932 Appeal cases, page 318. Et cette question a été très longuement discutée beaucoup plus récemment par le juge Lett dans B.C. Power Corporation nous l'avons vécu ce temps-là nous-mêmes, — vs A.G.B.C. 44 WWR, page 65. J'avise mes collègues que le jugement couvre près de 300 pages. C'est le fameux jugement dans l'affaire de B.C. Electric qui avait obligé le gouvernement de la Colombie-Britannique à changer son fusil d'épaule lors de l'expropriation des compagnies d'électricité en Colombie-Britannique.

Evidemment, le juge Lett, dans le jugement que je viens de mentionner, en est venu à la conclusion que la Loi d'expropriation des actions de B.C. Electric qui avait été adoptée par la Législature de la Colombie-Britannique n'était pas une loi d'application générale puisqu'elle ne s'appliquait qu'à une compagnie donnée. Et, par exemple, il en est tout autrement du projet de loi modifiant la Loi de la Régie des transports. Nous ne visons aucune compagnie dans le projet de loi qui est devant nous. Il s'agit d'une loi générale. C'est un texte qui est susceptible d'application à toutes les entreprises et de la catégorie visée, n'est-ce pas, au projet de loi, qu'elles soient propriétés individuelles d'une compagnie à charte provinciale ou fédérale. C'est une loi d'application générale.

S'il s'agissait cependant d'une loi qui aurait pour but soit d'exproprier les actions de la compagnie, soit de donner le pouvoir à la cité de Québec ou à la ville de Lévis séparément ou conjointement de ce faire, nous n'aurions pas la juridiction constitutionnelle de le faire. Donc, il n'est pas question d'exproprier la compagnie, ni peut-il être question de permettre à la cité de Québec, par une législation, ou à la cité de Lévis ou aux deux ensemble d'exproprier la compagnie. Nous n'en avons pas le pouvoir constitutionnel tel que la chose a été décidée aussi récemment que dans ce jugement de la Colombie-Britannique qui est bien connu de tous puisque nous l'avons vécu presque en même temps que nous procédions nous-mêmes par une autre façon à la nationalisation de nos compagnies d'électricité par ce qu'on appelle communément dans le langage du marché, qui est bien difficile à traduire, le « takeover bill ».

Maintenant, quels sont les faits? Les taux actuellement chargés par la compagnie sont ceux qui ont été approuvés par la Régie des services publics dans sa décision du 8 octobre 1957. Le 20 avril 1965, la compagnie soumettait à la Régie des transports qui avait juridiction en la matière depuis 1961, parce que c'est en 1961 que nous avons transporté la juridiction de la Régie des services publics à la Régie des transports sur le transport par eau, alors, dis-je, la compagnie soumettait à la Régie des. transports une requête pour l'augmentation des taux. Cette requête invoquait plus particulièrement trois moyens principaux; 1) Depuis la dernière augmentation, la compagnie ne réalise pas des profits suffisants. Ce sont les arguments de la requête n'est-ce pas. 2)les profits réalisés par la compagnie ne lui permettent pas de procéder à la construction de nouveaux traversiers qui sont nécessaires à l'amélioration de son service. 3) elle devra consentir des augmentations substantielles de salaires lors de l'expiration de la convention collective de travail, le 1er janvier 1965, pardon, le 1er juillet 1965.

A la suite d'une opposition formulée par la Chambre de commerce de Lévis, une enquête a été tenue devant la Régie et la décision de la Régie a été rendue le 16 août 1965. Dans cette ordonnance, la Régie a rejeté la requête de la compagnie parce que celle-ci était prématurée et la Régie a notamment jugé: a)que les profits de la compagnie étaient satisfaisants; b) qu'il ne pouvait être question d'accorder une augmentation de tarif avant de connaître le coût exact, pour la compagnie, des nouveaux traversiers et des augmentations de salaires qu'elle prétendait devoir accorder. Ce qui s'est passé, c'est que la compagnie a dit; eh bien, nous, nous ne sommes pas prêts à augmenter les salaires à moins d'avoir une augmentation de tarif au préalable et la Régie a dit: Votre requête est prématurée; négociez et quand vos salaires auront été établis, eh bien là, vous pourrez revenir devant nous et nous étudierons votre coût réel et si vous avez l'intention de construire de nouveaux bateaux, d'améliorer votre service, veuillez nous apporter des plans précis et alors nous serons en mesure de discuter d'une hausse de tarif. En attendant, il n'y a devant nous que des présomptions ou des suggestions et nous ne sommes pas en mesure de rendre un jugement sur des suggestions ou des présomptions. Il nous faut des faits. Alors, le jugement de la Régie des transports est à l'effet que la demande de la compagnie était prématurée.

Et il n'est peut-être pas sans intérêt de remarquer qu'au moment de l'audition devant la Régie, la compagnie n'avait même pas encore commencé à négocier avec les représentants de ses employés et qu'elle invoquait l'argument des augmentations de salaires. En effet, la convention collective de travail qui était alors en vigueur et qui se terminait le 5 juillet 1965 avait été conclue avec la section 14266 de « United Mine Workers of America », district no 50. Cette union détenait un certificat d'accréditation de la Commission des relations de travail du Québec depuis le 9 juillet 1957.

Le 19 mai 1965, le Syndicat des employés de la Traverse de Lévis, CSN, formulait une requête en accréditation pour représenter le groupe d'employés couverts par le certificat

détenu par « United Mine Workers of America ». Par décision du 13 octobre 1965, seulement, bien après la demande de la compagnie, la Commission des relations de travail décidait d'annuler le certificat du 9 juillet 1957 et d'émettre un nouveau certificat d'accréditation au nom du Syndicat des employés de la Traverse de Lévis, CSN, pour représenter tous les employés à l'exception des employés de bureaux, des capitaines, des seconds et de ceux exclus par la loi, à l'emploi de la Traverse de Lévis Ltée. Il y a une semaine, les demandes du syndicat nouvellement accrédité, et c'est bien compréhensible, puisque l'accréditation n'est venue que le 13 octobre, n'avaient pas encore été soumises à la compagnie. Cela s'explique, il y avait eu accréditation le 13 octobre seulement.

Le 13 septembre 1965, la compagnie informait, avant l'accréditation, un mois avant, jour pour jour, la compagnie informait la cité de Québec qu'étant donné la décision de la Régie des transports et les demandes d'augmentation de salaires de la part de ses employés, elle avait décidé de discontinuer, le 15 novembre 1965, le service de traversiers entre les villes de Québec et de Lévis.

Le 14 septembre 1965, le comité administratif de la cité de Québec adoptait une résolution par laquelle il référait la lettre reçue le même jour de la compagnie au comité conjoint de la traverse de Québec et de Lévis que j'ai mentionné tout à l'heure, qui est formé en vertu de la loi, du dernier amendement à la charte de la cité de Québec, le dernier amendement à ce sujet.

Le comité conjoint de la Traverse de Québec et de Lévis a tenu deux réunions, soit les 21 et 28 septembre. Au cours de la réunion du 28 septembre, il a été résolu d'offrir à la compagnie de renouveler son contrat pour une période de trois ans, à condition que celle-ci fasse connaître, et je cite; « Avant le 1er septembre 1966, ses plans pour l'amélioration du service de traversiers, faute de quoi le contrat serait résilié sur avis écrit de trois mois ». Cette offre a été refusée par la compagnie qui maintient toujours sa décision de cesser ses opérations le 15 novembre prochain.

Lundi matin, à quatre heures ou cinq heures, les capitaines et les seconds refusaient de poursuivre leur travail à la suite de l'échec de leurs négociations avec la compagnie sur leurs conditions de travail. Les employés concernés, les capitaines et les seconds, sont membres de la Canadian Merchant Service Guild. Cette association ne détient aucun certificat d'accréditation, soit en vertu du Code du tra- vail, soit en vertu de la Loi fédérale sur les relations de travail. Le représentant de cette association prétend que les capitaines et les seconds ne sont pas des salariés au sens du Code du travail ou de la Loi fédérale — ce que j e pense bien moi aussi puisqu'ils font partie de la gérance — et qu'en conséquence un certificat d'accréditation ne peut pas leur être délivré.

Le Conseil canadien des relations ouvrières aurait déjà, d'après les informations que j'ai, refusé un certificat à une association de capitaines de navire pour la raison que les capitaines représentent l'employeur dans ses relations avec les marins. C'est évident, le capitaine est le maître du vaisseau. Je suis informé que l'Association des maîtres et des seconds a soumis à la compagnie, au mois de juillet dernier, un projet d'entente concernant les conditions de travail des capitaines et des seconds. Deux rencontres ont eu lieu avec la compagnie, soit les 14 juillet et 13 octobre. Au cours de ces deux rencontres, les parties seraient tombées d'accord sur toutes les clauses de l'entente sauf celle relative aux heures de travail, aux fêtes chômées et payées, aux salaires et au paiement du temps supplémentaire. Et à ce sujet bien, je pense que la Chambre sera intéressée de le savoir, l'association demande les mêmes conditions de travail que celles qui ont été consenties à ses membres par la compagnie de la Traverse de Trois-Rivières.

A Trois-Rivières l'entente signée prévoit le paiement de huit fêtes chômées et les salaires sont les suivants: du 1er octobre 1965 au 30 septembre 1966, pour les capitaines, $125 par semaine; pour les seconds, $115; et du 1er octobre 1966 au 30 septembre 1967, pour les capitaines, $140 et, pour les seconds, $125. Ces salaires sont payés pour une semaine régulière de 42 heures de travail.

Effectivement, ces employés travaillent 48 heures par semaine et l'excédent de six heures leur est payé à taux simple, à Trois-Rivières. Au-delà de 48 heures, les employés sont rémunérés à taux et demi, pour la période du 1er octobre 1965 au 30 septembre 1966. Le taux simple, dans le cas des capitaines, est de $2.97 l'heure; et, dans le cas des seconds, $2.73 l'heure. Le taux et demi dans le cas des capitaines est de $4.45 et, dans le cas des seconds, de $4.10 et, pour la période 1966/67, bien c'est augmenté encore, évidemment, en relation avec l'augmentation du salaire hebdomadaire.

A la compagnie de la Traverse de Lévis, la semaine de travail est de 48 heures. Le salai-

re des capitaines est de $80 par semaine, comparativement, pour 48 heures, alors que c'est $125 pour 42 heures à Trois-Rivières.

Pour les seconds, c'est $60 par semaine pour 48 heures comparé à $115 à Trois-Rivières pour 42 heures. Bien, c'est énorme c'est le double, un peu plus que le double à Trois-Rivières qu'à Québec dans le cas des seconds.

M. BELLEMARE: Nous autres c'est l'administration publique qui le dirige, c'est la municipalité.

M. LESAGE: Oui, oui. Mais nous n'avons pas le droit, je l'ai dit tout à l'heure, c'est pour ça que j'ai tenu à faire le point, il n'y a pas moyen d'exproprier. S'il n'y a pas moyen d'exproprier, la ville n'a pas et le gouvernement provincial n'a pas ce qu'on appelle le pouvoir de marchandage lorsqu'il s'agit d'acquérir.

M. BELLEMARE: C'est basé sur la taxe munic ipale.

M. LESAGE: Oui, mais je dis que ce n'est pas du tout la même situation, c'est pour ça que j'ai donné tout l'historique pour dire comment le lit avait été fait ici, le lit avait été fait ici et ç'a été fait par l'octroi de franchise à une compagnie privée et je viens d'expliquer qu'au point de vue constitutionnel, étant donné qu'il s'agit d'une charte fédérale, nous ne pouvons pas exproprier les actions et nous ne pouvons pas permettre par législation à la cité d'exproprier les actions. C'est-à-dire que nous n'avons pas et la ville ne pourrait pas avoir, même si nous lui donnions, même si elle pouvait avoir, même si elle voulait le faire et qu'elle avait la permission législative de le faire, elle n'aurait pas de pouvoir de marchandage parce qu'elle n'aurait pas le droit d'expropriation. C'est ça la situation.

M. BELLEMARE: Oui, mais la compagnie n'a pas le droit de faire ça.

M. LESAGE: Oui, mais alors de là la solution que nous apportons. Mais il faut prendre les faits froidement, voir quelle est la situation et partir d'une situation bien établie pour voir ce que nous pouvons faire pour régler la question. Je dois, établir les limitations de notre action, les limitations constitutionnelles de notre action avant de voir ce que nous pouvons faire pour régler la question. Et je me dois d'attirer l'attention sur la situation quant aux salaires des capitaines et des seconds à Troi-

Rivières comparés à ceux de Québec. Ce qui nous met en face et nous fait mieux comprendre l'impatience des capitaines et des seconds de la traverse de Lévis qui sont payés moins que la moitié du salaire de leurs vis-à-vis de Trois-Rivières, pas de leurs vis-à-vis, mais des capitaines et des seconds à la traverse de Trois-Rivières.

Et d'après les renseignements qui m'ont été transmis par M. Bérubé,le chef négociateur au ministère du Travail, la compagnie n'a fait aucune offre monétaire à l'association des capitaines et des seconds.

M. BERTRAND: Combien y a-t-il de capitaines?

M. LESAGE: Quatorze.

M. DOZOIS: Combien de capitaines et combien de seconds?

M. LESAGE: Quatorze. M. JOHNSON: Sept — sept.

M. LESAGE: En tout. Je ne me suis pas informé pour chacun.

M. JOHNSON: Pour compléter nos renseignements, le premier ministre nous dirait-il quels sont les taux chargés aux passagers?

M. LESAGE: Bien je pense qu'il y a sept capitaines, sept seconds. Lex taux...

M. JOHNSON: Non, mais le coût du billet du piéton.

M. LESAGE: C'est parce qu'il y a tellement longtemps que je l'ai pris.

M. JOHNSON: Il paraît qu'à Lévis c'est dix cents, me dit-on, et à Trois-Rivières c'est vingt-cinq cents.

M. LESAGE: Bien oui, mais c'est ça. Mais évidemment, on revient à ce que j'expliquais tout à l'heure, c'est que la Régie des transports dit: Etablissez vos salaires et votre coût puis revenez devant nous et nous établirons vos tarifs en tenant compte de vos coûts et non de présomptions.

M. BERTRAND: Cela, c'est très bien.

M. LESAGE: Bon. De là les solutions, non. De là les... Douze billets pour $1, huit cent et tiers.

M. BELLEMARE: Vingt-cinq cent, nous autres.

M. LESAGE: Alors dans le fond ce que l'association des capitaines et des seconds, la Guild, demande, ce sont les mêmes conditions de travail que celles accordées par la corporation de la cité de Trois-Rivières pour leurs employés qui occupent les fonctions de capitaines et de seconds sur la traverse de Trois-Rivières. Et les conséquences de l'arrêt de travail depuis lundi matin qui se poursuit encore sont évidemment désastreuses et mettent en danger la sécurité publique. Evidemment s'il fallait qu'il y ait un accident au pont de Québec, qu'il y ait une urgence, qu'il y ait un incendie par exemple comme il y en a déjà eu un à St-Joseph-de-la-Délivrance à Lévis, qu'il faille que les pompiers de Québec se rendent d'urgence alors qu'à ce moment-là lorsque ça avait eu lieu on avait loué un bateau-passeur.

S'il y a une grève, si le service est interrompu, non seulement la sécurité publique, mais même la santé publique sont en danger, parce qu'il n'y a qu'un pont à l'heure actuelle et il faut une alternative absolument, à cause de la circulation intense, nécessaire, essentielle entre les deux rives au niveau de Québec. S'il ne fait pas de doute que la compagnie exerce un service public, il ne saurait être question ici de parler de grève illégale, même s'il s'agit d'un service public. Les employés qui ont arrêté le travail ne sont pas des salariés au sens du Code du travail. Donc, ils ne sont pas en grève. En effet, ils représentent l'employeur dans ses relations avec ses salariés. Cela tient beaucoup plus du « lockout » que de la grève. Et nous sommes, à toutes fins prstiques, dans le fond, en face d'un « lockout ». C'est ça, la situation. Pas une grève, c'est un « lockout » parce qu'il est évident que l'entente sera impossible avec la compagnie tant et aussi longtemps que celle-ci maintiendra sa décision de cesser ses opérations, dès le 15 novembre. Elle n'est pas intéressée, elle perd de l'argent l'hiver. Elle a décidé d'arrêter ses opérations le 15 novembre.

Ses biens, ses capitaux sont totalement dépréciés en vertu de nos lois de l'impôt, d'après la capitalisation de la compagnie. On voit la situation. La compagnie n'a pas d'intérêt. Elle a intérêt à abandonner le service.

M. BERTRAND: Pourquoi l'acheter si ça ne vaut plus rien?

M. LESAGE: Bien non! Mais simplement oui, mais il nous faut le pouvoir de marchandage dans les négociations avec la compagnie si on veut que les villes l'achètent. Or nous n'avons pas le droit d'exproprier et nous n'avons pas le droit de donner le pouvoir aux villes de l'exproprier. Alors, c'est la situation devant laquelle nous sommes et vous verrez, je crois, que nous avons trouvé la solution et c'est celle qui est proposée par le Bill No 1.

M. BELLEMARE: Oui!

M. LESAGE: Oui, c'est la solution, on verra. Alors, je reviens. Tant et aussi longtemps que la compagnie maintiendra sa décision de cesser ses opérations dès le 15 novembre prochain, l'entente est impossible. Pas besoin d'être bien brillantpour s'en apercevoir. Impossible avec les capitaines et les seconds et éventuellement avec les autres employés lorsqu'ils feront leur demande, puisque la compagnie, elle, son intérêt, c'est d'abandonner le service. Elle l'a dit et elle l'a répété. On ne voit pas bien, en effet, pourquoi la compagnie accéderait aux demandes de ses employés seulement trois semaines avant la date fixée par elle pour l'interruption définitive de son service. C'est elle qui l'a fixée. Cette situation qui existe à la compagnie peut évidemment se présenter ailleurs dans le cas d'un service de transport par navigation, par eau; le préjudice qui résulte d'une suspension ou d'une interruption de service est généralement plus sérieux que celui qui résulte de l'arrêt d'un service de transport routier, parce qu'il y a des alternatives dans le cas du transport routier. Il fallait donc prendre les mesures nécessaires pour, d'abord, empêcher — c'est ça qui est important — d'abord empêcher la compagnie de mettre à exécution cette décision de suspendre son service le 15 novembre prochain. Mais il fallait aller plus loin. Il était également nécessaire d'assurer, dans la mesure du possible et compte tenu des droits légitimes de toutes les parties en cause, le rétablissement du service. Le projet de loi qui est soumis vise donc d'abord à assujettir les entreprises de transport par eau à l'obligation d'obtenir la permission de la Régie des transports, avant de pouvoir interrompre ou suspendre leur service. Cela, c'est la première partie du projet de loi. Il vise ensuite à permettre au Lieutenant-gouverneur en conseil, lorsque ce dernier juge ou encore est d'avis que l'interruption du service met en danger la santé ou la sécurité publique, de nommer un administrateur, non pas de tous les biens du détenteur du permis, mais bien seulement des biens qui sont affectés par le propriétaire au service de transport dont il s'agit.

La raison de l'interruption des opérations du service de transport par navigation importe peu. Dès qu'il y a interruption et que cette interruption met en danger la santé et la sécurité publiques, le lieutenant-gouverneur en conseil peut nommer un administrateur. L'interruption peut résulter de la décision de la compagnie ou de l'opérateur de cesser ses opérations ou être la conséquence de la décision des employés de cesser le travail, qu'il s'agisse d'une grève ou non. Dans tous les cas, lelieutenant-gouverneur serait habilité non pas à forcer la compagnie à reprendre ses opérations ou les employés à reprendre leur travail, mais bien plutôt à nommer un administrateur du service de transport, afin que lui maintienne le service, négocie, en arrive à une entente et fasse ce que la compagnie n'est pas intéressée à faire, s'adresse ensuite à la Régie des transports pour demander l'augmentation des taux au lieu et place de la compagnie parce que cette dernière n'agit pas, parce qu'elle a décidé d'abandonner le service.

Alors, il s'agit de nommer un administrateur. Deux conditions existent donc pour que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse exercer le pouvoir prévu au projet de loi de nommer un administrateur. Le fait que les opérations du service sont interrompues et qu'en conséquence la santé ou la sécurité publique est mise en danger. Cette deuxième condition relative à la santé ou à la sécurité publique est celle qui a déjà été adoptée par la législature dans le cas de grève des employés des services publics, c'est l'article 99 du Code du travail. Ce même critère se retrouve à la loi américaine Taft-Hartley et dans d'autres lois américaines qui permettent la saisie de services publics dont les opérations sont interrompues. Cela s'est produit à plusieurs reprises aux Etats-Unis.

Si toute interruption d'un service public est préjudiciable à l'intérêt public, c'est seulement dans le cas où ce préjudice met en danger la sécurité ou la santé publique que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra exercer le pouvoir prévu au projet de loi. Il faut que les droits du lieutenant-gouverneur en conseil, ses pouvoirs soient restreints dans des cas bien déterminés et c'est ce que propose le projet de loi.

Pour pouvoir apprécier la portée de ces dispositions concernant les pouvoirs de l'administrateur ou encore les pouvoirs du conseil des ministres, il faut tenir compte des pouvoirs limités que possède la Législature en cette matière. Et je résume ce que j'ai dit tout à l'heure à ce sujet sur les pouvoirs limités de la Législature en cette matière. La Législature provinciale n'est pas compétente pour adopter une loi, je reviens encore, qui aurait pour objet de mettre à néant, et je me sers d'un terme qui a été employé par les juges de la Cour suprême « to sterilize » les pouvoirs d'une compagnie à charte fédérale. Si les compagnies à charte fédérale doivent se soumettre aux lois provinciales qui sont d'application générale, les provinces ne peuvent cependant, sous le prétexte de lois générales « stériliser » les pouvoirs des compagnies fédérales. Une province ne peut pas non plus modifier, directement ou indirectement, les pouvoirs corporatifs d'une compagnie à charte fédérale. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la Législature peut légiférer en ce qui concerne l'exploitation d'un service de traversiers à l'intérieur d'une province, je l'ai établi, je crois.

Pour ces raisons, les pouvoirs de l'administrateur sont limités aux biens affectés par le propriétaire à l'usage du service interrompu. L'administrateur n'a pas le droit de prendre possession et d'administrer tous les biens de l'entreprise, parce que ça peut être une vaste entreprise, non d'une partie seulement, et d'une entreprise de traversiers. Et l'administrateur peut gérer ceux qui sont affectés au service. L'administrateur, on le verra, n'est pas le mandataire de la compagnie, n'est pas le mandataire.

Les actes qu'il pose ne lient pas, en règle générale, la compagnie. Pour établir le service, il peut se servir des biens du propriétaire qui sont affectés à ce service mais tous ces actes ne lient pas automatiquement le propriétaire comme s'il en était le mandataire. Le propriétaire du service est responsable, cependant, des dettes encourues par l'administrateur et seulement dans la mesure où celles-ci ex-dèdent les revenus qu'il a perçus.

C'est donc que l'administrateur peut engager le crédit de la compagnie dans la mesure où les dépenses dépassent les revenus. Et, si le fait d'accorder des augmentations de salaires au cours de négociations aux capitaines, seconds, employés a pour effet d'augmenter, c'est-à-dire de créer un déficit d'opération pour la compagnie, il est du devoir de l'administrateur de s'adresser à la Régie des transports pour demander une augmentation de tarif, parce que d'ailleurs, le député de Champlain le faisait remarquer tout à l'heure, les salaires sont plus élevés à Trois-Rivières mais les tarifs aussi sont plus élevés.

M. BELLEMARE: $2.50 pour un camion.

M. LESAGE: Pardon?

M. BELLEMARE: $2,50 pour un camion.

M. LESAGE: Bien oui, c'est plus élevé à Trois-Rivières.

M. BELLEMARE: C'est $0.75 pour une automobile.

M. LESAGE: Bien oui, c'est beaucoup plus élevé à Trois-Rivières.

M. BELLEMARE: $0.25 pour un passager. M. LESAGE: Je sais.

M. BELLEMARE: II n'y a pas de tarif d'hiver.

M. LESAGE: Oui. Je sais. Alors, il ne s'agit pas d'une question d'expropriation, il ne peut pas être question d'exproprier. Les pouvoirs de l'administrateur sont limités à administrer les biens qui sont nécessaires au rétablissement du service dans le cas où une compatnie a décidé d'elle-même, a fait valoir et a rendu publique son intention de suspendre un service public que le Conseil des ministres considère essentiel au maintien de la sécurité publique. De là les propositions qui sont faites et qui sont de nature, premièrement, à éviter l'abandon du service, la possibilité de l'abandon du service sans l'approbation de la Régie des transports et deuxièmement, la nomination d'un administrateur dans le cas d'interruption de service afin de régler définitivement la question. Et, si je puis exprimer un voeu, c'est celui-ci, c'est que dès l'instant où cette loi sera passée, après qu'immédiatement le Conseil des ministres aura nommé un administrateur, eh bien! c'est que les capitaines et les seconds retournent au travail et qu'ils soient convaincus que l'administrateur sera immédiatement prêt à négocier avec eux leurs conditions de travail et surtout leur salaire. Dès que le bill sera sanctionné, le gouvernement agira immédiatement pour nommer un administrateur et j'espère que dès que l'administrateur aura été nommé, les capitaines et seconds et les autres employés qui doivent négocier auront assez confiance en l'administrateur pour que ce dernier négocie en toute bonne foi et qu'après que les salaires auront été établis sur des bases normales, eh bien! que cette administrateur puisse aller devant la Régie des transports pour faire fixer des taux adéquats suivant l'augmentation des dépenses par rapport aux revenus. Je propose donc...

M. LOUBIER: M. le Président, je vous demanderais l'ajournement de la séance, s'il vous plaît, à l'heure que...

M. LESAGE: Quelle heure voulez-vous, monsieur...?

M. LAPORTE: Deux heures et quart! DES VOIX: Deux heures et quart! M. JOHNSON: Deux heures et quart! M. LOUBIER: Deux heures et quart! M. LESAGE: Deux heures et quart! M. LE PRESIDENT: Suspension, . M. JOHNSON: Deux heures et trente. UNE VOIX: Deux heures et trente?

M. JOHNSON: Deux heures et trente, est-ce que ça va?

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à deux heures et trente.

Reprise de la séance a 2 h 36 p.m.

M. LOUBIER: M. le Président, comme représentant du comté de Bellechasse qui est un des comtés les plus profondément touchés par le problème des communications entre les deux rives, je me dois de participer à ce débat et de tenter d'en faire ressortir toutes les implications sociales et économiques que ça représente pour notre secteur géographique.

Pour convoquer une session spéciale et extraordinaire, il faut être aux prises avec un problème qui exige une solution, un problème d'envergure et qui exige une solution immédiate et la plus avantageuse possible. C'est un peu comme si c'était l'état d'urgence. Il est bien évident qu'un gouvernement ne mettrait pas en branle tout notre système législatif pour tenter de régler un imbroglio local et mineur. Un tel geste de la part de l'Exécutif provincial est motivé dans l'occurence par l'arrêt d'opération des bateaux-passeurs faisant la navette entre Lévis et Québec. Cet arrêt temporaire d'opération provient de la décision, comme le signalait le premier ministre, des capitaines et de leurs seconds de poursuivre des journées d'étude, mais il précède de quelques semaines à peine la suspension définitive de ce moyen de communication entre les deux rives, telle qu'annoncée par les autorités de La Traverse de Lévis Inc.

M. le Président, bien que les bateaux-passeurs actuels représentent un mode de transport qui était populaire au Moyen-Age, bien qu'ils ne répondent plus du tout aux exigences sociales et économiques de 1965 et bien que leur action retarde et paralyse pratiquement la promotion et le progrès économique d'un secteur géographique important, bien que leur vieille carcasse offre à peine un minimum de sécurité et bien qu'ils soient une source immense de controverses de tous genres, il n'en demeure pas moins que dans le présent contexte leur humble apport devienne essentiel et indispensable à toute la population de la rive sud-est et du grand Québec.

De fait, au moins 25 comtés de la province ont ou auraient intérêt à user de ce moyen de communication entre les deux rives. La capacité maximum, selon les chiffres qu'on m'a soumis, de transport annuel joue autour de 800,000 véhicules automobiles et atteint plus de 3 millions de piétons. D'autre part, d'après des analyses sérieuses sur les tendances constantes de provenance et de destination, il ressort •qu'actuellement près de 3,500,000 véhicules moteurs auraient profit à emprunter une voie directe Lévis-Québec. Cependant, à cause du de- gré de saturation atteint par ces bateaux-passeurs, il est prouvé que 9 fois sur 10 les automobilistes devant se rendre sur la rive sud-est vont se jeter dans le goulot du pont de Québec. Si, M. le Président, on regarde ou on constate que les navires actuels, ceux d'hiver par exemple, peuvent contenir environ 25 à 30 véhicules automobiles, que ceux d'été peuvent se rendre à 30 ou 40 véhicules dans le plus, quand il n'y a pas trop de camions-remorques.

Eh bien! on conçoit tout de suite que la capacité de ces navires est complètement insuffisante actuellement.

De toute façon, l'arrêt temporaire et à brève échéance, l'arrêt permanent des bateaux-passeurs vont plonger des milliers et des centaines de milliers de gagne-petit dans une situation intenable, préjudiciable et catastrophique dans plusieurs cas. Le gouvernement réalise l'ampleur du problème et vient d'être secoué par un autre choc. Le projet législatif soumis fait figure à mon sens d'un cataplasme sur une jambe de bois, c'est l'état d'urgence qui fait prendre conscience au gouvernement des implications sociales et économiques que signifie la suspension d'opérations des bateaux-passeurs. C'était, à mon sens, prévisible cet état de choses, et ça aurait été facile à prévenir si le gouvernement, il y a plusieurs mois, s'était mêlé de la question et avait apporté sa collaboration aux autorités municipales de Québec et de Lévis.

D'ailleurs le gouvernement a été invité, à quelques reprises et plus spécialement par une lettre du maire Hamel qui aurait été adressée au premier ministre au mois de janvier 1964, dans laquelle il invitait le gouvernement actuel à déléguer un observateur à la table des délibérations du comité conjoint, comité conjoint formé de membres, de conseillers et des maires des deux municipalités. Or, à l'époque, le premier ministre avait répondu qu'étant donné le projet d'un deuxième pont à Québec, il ne voyait pas l'utilité d'envoyer un tel délégué. Mais à tout événement c'était prévisible depuis longtemps puisqu'on savait que, par les amendements apportés, je crois en 1929, à la charte de ces cités, il était prévu que le contrat d'exploitation se terminait le 30 avril 1965. Eh bien! M. le Président, malgré plusieurs invitations, soit par le maire Hamel, le maire de Québec, soit par le maire de Lévis, soit par la Chambre de commerce de Lévis, soit par la CSN, soit par l'Association du camionnage, le gouvernement n'a jamais voulu intervenir de façon efficace et apporter sa pleine et entière collaboration. Et loin d'être un problème local, un lien direct entre les deux rives revêt un ca-

ractêre régional et rejoint d'une façon ou d'une autre un secteur important de notre démographie provinciale.

Voilà pourquoi je conçois mal que le gouvernement, acculé au mur par la conjoncture du présent immédiat et du futur immédiat, ne trouve qu'un moyen expéditif et sans lendemain pour régler, d'une façon inadéquate, insatisfaisante à tout point de vue, le problème des communications entre les deux rives. En adoptant la législation qui nous est soumise, mesure de dernière heure et transpirant l'improvisation, nous engourdissons simplement le malaise. Après avoir déclaré à maintes reprises que le problème des communications entre les deux rives était un problème local, et on m'avait informé que le premier ministre avait même écrit au maire de Lévis...

M. LESAGE: Est-ce que vous avezlalettre?

M. LOUBIER: Voici, je m'explique sur la question. Et qu'on était censé me remettre une copie de cette lettre le matin, comme je n'ai pas reçu cette copie et qu'on me dit qu'on ne la retrouve pas, évidemment je ne peux affirmer que le premier ministre a...

M. LESAGE: Non, ce qu'il y a d'écrit dans le texte que vous avez remis aux journalistes.

M. LOUBIER: Le texte était préparé depuis hier, alors c'était ce matin.

M. LESAGE: Vous l'avez remis aux journalistes en vous basant sur une lettre que vous n'avez pas.

M. LOUBIER: Je fais la rectification, M. le Président.

M. JOHNSON: Le premier ministre a déjà le texte.

M. LESAGE: Je l'ai trouvé sur mon pupitre.

M. LOUBIER: Je faisais la rectification à l'effet qu'on m'avait informé qu'il avait écrit une lettre à la cité de Lévis, l'informant que c'était un problème local devant...

M. LESAGE: Vous feriez mieux de lire la lettre au complet avant.

M. LOUBIER: ... être réglé par les autorités locales.

M. LESAGE: En tout cas, vous lirez la lettre avant.

M. BELLEMARE: ... il lui a parlé tout à l'heure.

M. JOHNSON: Le premier ministre va lire la lettre tantôt.

M. LOUBIER: Nonobstant l'insuffisance notoire de l'action des traversiers, nonobstant les mémoires et les enquêtes soumises au gouvernement depuis des années l'exhortant à intervenir et à collaborer à un projet adéquat, nonobstant l'imminence de la crise actuelle, le gouvernement n'a rien fait pour prévenir et pour remédier à cette situation inacceptable. Il attendait un fait de Dieu ou une explosion des hommes. II l'a eue dernièrement avec l'arrêt de travail concerté des capitaines et de leurs seconds.

L'heure a maintenant sonné pour le gouvernement de planifier non seulement sur papier, mais de traduire par son action dynamique et son souci, dis-je, de gouverner en fonction du bien commun et en tenant compte des impératifs présents et des besoins futurs. Comme impératif immédiat, la mesure législative soumise me paraît incomplète et irrationnelle. On forcera ainsi une corporation privée à continuer un contrat qui est expiré depuis le 30 avril 1965. Et ça tout le monde le savait, tout le monde pouvait le prévoir et, lorsqu'on avait l'occasion voulue et le temps de prévenir cette situation, eh bien! le gouvernement ne faisait absolument rien, attendait les événements.

En vertu des pouvoirs conférés par la Législature il y a au-delà d'une trentaine d'années par le bill 167 qui amendait la charte de la cité de Lévis, un comité conjoint formé de fait par les maires de Lévis et de Québec et quelques conseillers des deux conseils municipaux, jouissait du droit de voir au maintien et au bon fonctionnement des traversiers en plus d'avoir l'autorité voulue pour modifier le tarif. De plus, ce comité conjoint avait la responsabilité de négocier un nouveau contrat soit avec la compagnie actuelle, soit par voie de soumissions publiques et ce, je le répète, deux ans avant l'expiration du présent contrat au 30 avril 1965.

Pour différentes raisons, ce comité conjoint n'a pas exercé ce droit et n'a pas rencontré cette responsabilité et la raison majeure, raison qui s'explique facilement sur un plan psychologique, cette inaction vient particulièrement de la promesse du premier ministre qui, durant la campagne électorale de 1962, informait la population de Lévis et, par ricochet la population de la Rive sud en général, que le problème des communications entre les deux rives, à son sens, serait définitivement réglé par la construction d'un nouveau pont de Québec.

M. le Président, quatre ans se sont écoulés depuis, il n'y a pas encore de pont. On l'a annoncé en grandes manchettes à trois ou quatre reprises et encore sur le Soleil de mercredi dernier; mais on prévoit qu'il ne sera pas ouvert à la circulation avant la fin de 1967 ou au cours de 1968 et l'on peut prévoir, se servant de l'expérience du passé, que ça peut retarder encore d'un an ou deux.

Eh bien! M. le Président, en plus de cette promesse irréalisée à date, et qui ne le sera vraisemblablement que six, sept ou huit ans après sa formulation, les autorités de Lévis, de Lauzon et de Québec, les autorités de 54 autres municipalités de la Rive sud, de 28 Chambres de commerce ont présenté un mémoire exhortant le gouvernement à favoriser un projet, créant un trait d'union stable, permanent, adéquat, entre les rives et autre que le deuxième pont projeté.

On a cru que le gouvernement se rendrait de bonne grâce et spontanément à cette requête. A la stupéfaction générale, ce projet fut dédaigneusement rejeté.

Toutefois à l'époque le premier ministre laissa entrevoir la vague éventualité de construire un pont entre l'Ile d'Orléans et Beau-mont, en prenant bien soin, toutefois, de ne pas appuyer fortement sur son affirmation. Et à l'époque, le premier ministre avait prétendu qu'au point de vue technique, géologique et financier, cette entreprise s'avérait beaucoup plus acceptable que celle du projet de tunnel.

M. LESAGE: M. le Président, ai-je besoin d'abord d'invoquer le règlement? Nous avons à discuter cet après-midi d'un problème spécifique qui est l'arrêt d'un service public. J'attire votre attention, M. le Président, sur l'article 556: « Le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du bill pris dans son ensemble ou à toute autre méthode d'atteindre les fins du bill. »

Après que ce bill aura été adopté, nous aurons un débat sur le discours du trône. Si à ce moment-là, le député de Bellechasse désire participer au débat et parler d'autres sujets comme d'un tunnel, d'un pont, il le fera, il pourra le faire, c'est évident. Ce sera débat sur le discours du trône et il peut être sûr que je réitérerai, avec chiffres à l'appui, les objections extrêmement sérieuses à l'encon-tre d'un projet de tunnel entre Québec et Lévis que j'ai déjà exprimées publiquement et dont je n'ai rien à retirer. Mais qu'on s'en tienne, n'est-ce-pas, au principe du bill qui est devant nous et si on veut discuter d'autres sujets, bien qu'on garde ces discussions, n'est-ce-pas, pour le débat sur le discours du trône.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez. Il est bien évident que... il me semble que j'ai le droit d'exprimer des remarques à l'effet que la mesure qui nous est soumise me semble insatisfaisante, inadéquate et que j'ai le droit de dire pourquoi je la trouve insatisfaisante et inadéquate en expliquant qu'évidemment la législation soumise actuellement va régler dans l'immédiat une situation qui est déplorable pour tout le monde, mais qu'il serait temps pour le gouvernement de prévoir une mesure à long terme pouvant régler de façon satisfaisante et définitive un problème crucial de communication entre les deux rives.

M. LESAGE: Qu'on garde ça, M. le Président.

M. LOUBIER: Et ce ne sont que des remarques incidentes liées directement au projet qui nous est soumis. Et je soumets humblement, M. le Président, que je ne veux pas plonger dans le coeur même d'un projet de tunnel ou d'un projet de pont entre Beaumont et l'Ile d'Orléans, mais tout simplement rappeler par incidence que ce serait là des moyens évidemment beaucoup plus acceptables, qui feraient beaucoup plus plaisir à la population de la rive-sud, d'amorcer au moins aujourd'hui, puisque l'on aune session spéciale justement dans l'optique de remédier à un état de chose déplorable et en même temps de prévoir ce qui va arriver dans l'avenir.

Or, M. le Président, devant d'abord le refus du projet qui avait été soumis, du projet de tunnel, puis devant l'hésitation à émettre la possibilité d'un pont île d'Orléans-Beaumont pour on ne sait quand, le comité conjoint Lévis-Québec n'a plus su où donner la tête et je fais la même remarque que tout à l'heure, voulant être juste avec le premier ministre, c'est que la lettre en question ne m'a pas été remise et je ne voudrais pas l'invoquer.

Et après cet historique, je dois répéter que l'attitude actuelle du gouvernement ne me paraît pas logique, ni satisfaisante ni conséquente. Je dirais en argot légal que c'est une procédure illusoire et frivole à sa face même.

Et puisque la situation actuelle revêt une importance au point de convoquer les deux chambre, pourquoi, je le répète, ne pas explorer deux solutions: l'une pour les besoins immédiats et l'autre à long terme, pour régler de façon permanente ce dilemme? Pour le mo-

ment, et cela presse, il est primordial d'assurer le maintien du service actuel et là, le gouvernement a été forcément obligé d'agir et il a bien fait de convoquer cette session pour rétablir au plus tôt ce service public dont l'arrêt cause des préjudices énormes et aux piétons et aux automobilistes et aux industries et au commerce en général.

Il est bon de signaler toutefois que les navires en opération et j'aimerais le signaler d'une façon spéciale, d'après les informations que je détiens, les navires en opération actuellement ne sont même plus classés dans le registre des Lloyds, Conséquemment, leur degré de sécurité n'est pas édifiant, il ne semble pas conforme aux exigences de la sécurité publique et c'est à mon sens le devoir des gouvernements fédéral et provincial d'y voir au plus tôt et de ne pas attendre le choc d'une hécatombe.

Si l'on veut à tout prix maintenir ce moyen de transport, soit par sentimentalisme, soit par obstination, il est urgent de prendre les mesures requises pour que de nouveaux bateaux modernes et de capacité triplée ou quadruplée assurent d'ici peu le service en question. Qu'on le décide à une table ronde où seront conviés les gouvernements, municipaux, des représentants du gouvernement provincial, même des représentants de corps intermédiaires ou encore que le gouvernement provincial en prenne l'initiative lui-même s'il en a le droit ou s'il peut se donner ce droit.

D'autre part, même avec des traversiers modernes et plus volumineux, l'occasion nous est fournie de prévoir une mesure à long terme et de situer tout le problème dans ses véritables perspectives. Personne ne peut nier la nécessité de communication adéquate entre les deux rives, peu importe la nature ou la localisation de ce moyen. Que ce soit un tunnel, que ce soit un pont, que ce soit n'importe lequel moyen et qu'on décide de le localiser à l'endroit qui, au point de vue financier ou au point de vue de l'accomodation serait le plus acceptable, qu'on le fasse, mais ce n'est sûrement pas le deuxième pont siamois projeté qui va tout régler. Loint de là. Lorsqu'il sera terminé, dans x années, le volume de circulation à ces endroits aura augmenté de 30 à 40% au moins, de sorte que les deux ponts atteindront leur capacité normale de circulation. D'ailleurs, cette affirmation découle de projections statistiques que l'on retrouve dans le rapport du Bureau métropolitain de l'industrie et du commerce de Québec Inc. et qui veulent qu'en 1970, les deux ponts seront insuffisants pour assurer une circulation normale et dans les cadres d'une sécurité routière acceptable. D'ailleurs, que l'on considère que le volume de circulation en 1956 au pont de Québec était environ de 3 1/2 millions de véhicules, qu'en 1962, ce chiffre a passé à près de 6 millions ou un peu au-delà de 6 millions et qu'en 1972, il atteindra près de 17 millions selon ces mêmes projections.

C'est ainsi que ce deuxième pont siamois n'aide aucunement à résoudre le problème dans son entier et encore moins en ce qui concerne les citoyens de Québec, Lévis, de la rive sud-est ou nord-est, pour tout ce secteur important de la population, les complications sociales, économiques vont s'accentuer à chaque année. Il faut tenir compte que 50% de ce volume de circulation a comme lieu de provenance ou de destination, selon les études faites par le bureau de l'Industrie et du commerce métropolitain de Québec, qui a basé également son assertion sur d'autres témoignages recueillis, eh bien! il est évident qu'il faut tenir compte, dis-je, que 50% de ce volume de circulation a comme lieu de provenance et de destination Québec, Lévis, la rive sud-est ou nord-est, et vice-versa, donc des millions d'automobilistes qui n'ont aucun intérêt à faire un détour de 10, 15, 20 milles, à perdre une heure, une heure et demie, deux heures de leur temps, à également aller gonfler le flot de la circulation à la sortie des ponts de Québec et à causer ainsi, à provoquer un étranglement de la circulation. Or pourquoi ne pas résoudre toutes les équations de ce problème? Pourquoi attendre qu'une autre secousse sociale ou économique vienne sortir les autorités gouvernementales de leur léthargie?

Pourquoi ne pas profiter de cette session spéciale pour rassurer la population intéressée en lui faisant part de l'intention du gouvernement de permettre au moins à des entreprises privées responsables et solvables d'assurer, après des analyses techniques, géologiques, financières, etc...

M. LESAGE: Ne me dites pas que je dois me lever encore.

M. LOUBIER: ... la réalisation prochaine du projet d'un tunnel?

M. LESAGE: On s'écarte complètement du sujet.

M. LE PRESIDENT: Le premier ministre a souligné avec raison, n'est-ce pas, que les règlements, la règle 556 doit s'appliquer et s'en tenir aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du bill. J'ai laissé faire le député de Bellechasse mais je crois qu'il a pu exposer son point, alors s'il voulait revenir aux principes, nous pourrions sauver du temps.

M. LOUBIER: M. le Président... M. BELLEMARE: L'article le dit.

M. LOUBIER: Actuellement, je pense que l'on devrait profiter de la présente session pour donner espoir à la population d'un règlement, d'une solution à long terme également, en plus du projet soumis. Que risque la province à ce moment-là? Si le gouvernement veut s'en laver les mains, jouer au ponce-pilate, qu'il ait au moins la décence de ne pas paralyser ceux qui veulent agir à leur risque et péril!

C'est incroyable et fantastique de constater que le gouvernement ne mette même pas de l'avant un projet quelconque pour résoudre ce problème majeur. Peu importe encore une fois la nature ou la localisation de ce projet. La présente législation est du pur replâtrage et le peuple serait en droit d'attendre une mesure plus énergique et plus efficace, du moins il serait en droit d'exiger que le gouvernement ne refuse pas l'autorisation d'agir à ceux qui veulent agir.

Par l'incurie, l'insouciance, l'imprévoyance du gouvernement, Lévis, Québec, les rives sud-est et nord-est seront étouffées et isolées par des murs physiques qui empêcheront la promotion et le développement commercial et industriel et serviront à détériorer de façon déplorable les conditions sociales d'une partie fort appréciable de notre belle province.

Le gouvernement se fait ainsi le complice de l'appauvrissement et du ralentissement économique de 25 comtés de la province et frustre des centaines de milliers de citoyens, pour la plupart des gange-petit, c'est-à-dire des citoyens qui n'auraient pas le moyen de payer pour l'inaction et l'incompréhension du gouvernement. M. le Président, la législation qu'on nous soumet, évidemment, je suis le premier à la seconder et à la supporter puisqu'elle va régler momentanément le problème actuel de paralysie ou de manque, d'absence de communication entre les deux rives.

Il était urgent que le gouvernement intervienne, mais il est tout aussi urgent que le gouvernement agisse de façon et gouverne pour prévoir et prévenir et non pas attendre d'être sous le coup d'un choc ou d'une secousse sociale pour se déterminer à légiférer pour le plus grand bien-être de la population et afin que nous ayons entre les deux rives des communications qui répondent aux exigences et aux besoins de l'heure, de 1965.

M. ROY: M. le Président, comme repré- sentant du comté de Lévis à cette Assemblée, je puis assurer le gouvernement que, par le bill numéro 1 qui est devant nous, la population de la rive sud et de l'est du Québec est heureuse de la prise de position et de l'intervention du gouvernement dans le règlement du transport par eau entre les villes de Québec et de Lévis.

Depuis quelques semaines, les usagers et les employés des bateaux-passeurs sont inquiets en ce qui a trait à l'arrêt des services entre les deux rives. Aujourd'hui, la Législature est appelée à adopter une loi affectant les compagnies de transport par navigation, loi ayant pour but de maintenir un service par traversier entre Québec et Lévis. Le problème de circulation entre les rives nord et sud est crucial et d'extrême importance et peut, par un arrêt prolongé du service, compromettre, en plus de la santé et de la sécurité publiques, l'économie de la région de l'est du Québec et même celle de notre province, lorsque l'on constate que le seul lien par circulation rapide qui existe présentement entre les deux rives est l'actuel pont de Québec.

M. le Président, j'aimerais répondre à certaines considérations qui ont été apportées par le député de Bellechasse. Je crois qu'il aurait été préférable pour lui d'aller aux sources de renseignements au lieu de parler de « placotage » ou de nouvelles rapportées ici et là. Il a mentionné dans son exposé et laissé douter que les bateaux-passeurs n'étaient pas inspectés suffisamment et pouvaient être un danger pour la population.

M. LOUBIER: M. le Président, je regrette... sur un point d'ordre...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. LOUBIER: ... je regrette infiniment que le député de Lévis me prête de tels propos.

M. BERNATCHEZ: C'est un texte préparé.

M. LOUBIER: J'ai dit tout simplement que les bateaux-passeurs actuels avaient un minimum de sécurité. Je n'ai jamais parlé d'inspection... qu'ils n'étaient pas inspectés parce que je sais tout aussi bien que lui que ces bateaux doivent être inspectés annuellement ou à peu près par des inspecteurs du Fédéral. Mais ils peuvent se contenter, par exemple, d'une sécurité minimum alors que la sécurité publique devrait exiger une sécurité maximum dans de telles circonstances.

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. ROY: M. le Président, il aurait été assez facile, pour le député de Bellechasse de se rendre à l'évidence, soit en demandant à la Commission des transports du Fédéral les renseignements nécessaires à cette fin ou à l'administration de la compagnie la Traverse de Lévis.

Il a eu d'autres critiques à apporter sur les communications qui existent entre les deux rives. Cependant, j'aimerais attirer son attention sur le fait que, de 1944 à 1960, jamais le gouvernement qui a dirigé la province dans cette période ne s'est occupé de cette question qui intéresse la rive nord et la rive sud du Saint-Laurent.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, c'est absolument faux de prétendre...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LOUBIER: ... que le gouvernement, de 1944 à 1960, ne s'est jamais préoccupé de ce problème puisqu'en 1950 et 1952...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordrel M. PINARD: A l'ordre! Il faudrait...

M. LOUBIER: ... alors que le gouvernement du temps qui élargissait le pont de Québec actuel, alors qu'il...

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel A l'ordre! Le député de Bellechasse...

M. LOUBIER: ... n'y avait seulement que trois millions d'automobilistes, alors qu'aujourd'hui il y en a dix millions. Les problèmes ont changé...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER: Il y a 30 ans, c'était des chevaux aussi.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Bellechasse a un point d'ordre à soulever?

M. LOUBIER: Oui, j'avais un point d'ordre, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Quel point d'ordre?

M. LOUBIER: Le point d'ordre, c'est que le député de Lévis affirmait d'une façon très catégorique que jamais le gouvernement antérieur n'avait fait quoi que ce soit pour améliorer le service de communication entre les deux rives et c'est faux.

M. LE PRESIDENT: Que le député de Lévis fasse son discours. Le député de Bellechasse a eu l'occasion de faire le sien. Alors je demanderais qu'il le laisse faire.

M. LOUBIER: M. le Président, si les choses que le député de Lévis dit ne sont pas fondées, il ne faut tout de même pas le laisser aller.

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Il est admis depuis toujours que parce qu'on diffère d'opinion avec celle qu'exprime un autre député, ce n'est pas un point d'ordre ça. Ce n'est pas un point d'ordre...

M. LOUBIER: Ce n'est pas...

M. LAPORTE: Vous avez fait votre discours. Votre temps, M. le Président, est épuisé; d'autres députés auront l'occasion de répondre et c'est clair dans notre règlement que, différer d'opinion avec son collègue qui parle, ce n'est pas une raison pour susciter un point d'ordre.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, je ne diffère pas d'opinion, ce sont les faits qui sont là, il faut respecter au moins les faits. Ce n'est pas une question d'opinion, il a dit que rien ne s'était fait alors qu'il y a quelque chose qui s'est fait.

M. LAPORTE: C'est une question d'opinion ça.

M. LOUBIER: Ce n'est pas une opinion, c'est une question de fait.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre.

M. ROY: M. le Président, j'aimerais aussi apporter une nouvelle rectification aux avancés du député de Bellechasse, lorsqu'il a dit que le bill que nous avons devant nous, c'était la continuation d'un contrat. Cependant, j'aimerais plutôt qu'il comprenne que c'est la continuation d'un service public. M. le Président, faisant face à un arrêt de service par la Traverse de Lévis, le gouvernement a pris la décision rapide et énergique de convoquer les Chambres et de solutionner immédiatement ce problème d'intérêt commun et légiférer en même temps pour tout cas semblable qui pourra se présenter à l'avenir. J'espère, M. le Président, que

les députés discuteront objectivement ce problème qui nous est soumis pour le solutionner dans le meilleur intérêt de la population.

J'aimerais à vous lire, M. le Président, un communiqué de presse en date du 22 octobre 1965, provenant de la Canadian Merchants Service Guild Inc. Je cite: « Les capitaines et les seconds capitaines de La Traverse de Lévis Ltée viennent de prendre connaissance du projet de loi que le gouvernement a soumis ce matin à la Législature. Ce projet de loi vise entre autres à permettre au lieutenant-gouverneur en conseil de nommer un administrateur pour gérer les biens d'un service de transport par navigation qui est interrompu lorsque l'interruption de service met en danger la santé ou la sécurité publique. Il faut évidemment prévoir que le Lieutenant-gouverneur en conseil nommera un administrateur pour le service de traversiers entre Québec et Lévis dès que le projet de loi aura été adopté.

Nous sommes certains que cet administrateur sera disposé à reprendre sans délai et de bonne foi les négociations avec notre Association en vue d'en arriver à une entente équitable sur les conditions de travail des capitaines et des seconds capitaines. Dans les circonstances, les capitaines et les seconds capitaines, pleinement conscients de leur obligation à l'égard du public, ont unanimement décidé cet après-midi de mettre fin à leur arrêt de travail et de reprendre leur fonction dès la nomination d'un administrateur par le lieutenant-gouverneur en conseil ».

M. le Président, je puis vous assurer...

M. BELLEMARE: Du « timing ».

M. ROY: ... que lorsque cette nouvelle se répandra dans la région la population qui est affectée par ce transport sera très heureuse et remerciera le gouvernement de sa prise de position.

A la suite des considérations, je suis en faveur de l'adoption du bill no 1 en deuxième lecture.

M. BOUDREAU: M. le Président, je voudrais faire entendre la voix du comté de St-Sauveur et ajouter quelques mots au débat présent. Nous avons entendu ce matin le premier ministre nous faire l'historique de l'affaire, nous avons entendu aujourd'hui le député de Bellechasse et le député de Lévis parler tous les deux du côté économique et du côté technique. Je voudrais en quelques mots parler du côté pratique de l'affaire et représenter au gouvernement que pas un Québécois et pas un Lévisien ne doit res- ter insensible au malaise qui frappe la population des deux rives par l'arrêt du service de la Traverse de Lévis. On aura beau invoquer d'un côté et de l'autre les raisons qu'on voudra, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, il reste un fait brutal, c'est que les bateaux sont arrêtés et que le public souffre de cet arrêt de travail.

M. LESAGE: Arrêtez de parler...

M. BOUDREAU: Oui, attendez.

M. BERTRAND: Arrêtez de parler là-bas.

M. LESAGE: Arrêtez de parler et ça va être fini.

M. BERTRAND: Le député de Matane veut parler après.

M. LAPORTE: Le député de Matane? il n'est pas là, il n'est pas ici.

DES VOIX: A l'ordre.

M. BERNATCHEZ: ... nous parler des élections municipales.

M. BOUDREAU: M. le Président... M. LESAGE: Dorchester...

M. BOUDREAU: ... c'est moi qui ai demandé la parole.

M. LE PRESIDENT: Le député de St-Sauveur a la parole.

M. LAPORTE: Cela va retarder la séance.

M. BOUDREAU: Mais arrêtez de parler si vous voulez que je parle.

M. le Président, il y a des centaines de travailleurs de Lévis et de Québec qui prennent tous les jours le bateau pour se rendre à leur travail, il y a des centaines d'étudiants qui vont d'une rive à l'autre pour se rendre au collège, à l'université, aux écoles techniques et il y a aussi des camions, il y a des voyageurs qui arrivent régulièrement par les trains à Lévis, qui viennent pour prendre lebateau aussi et qui sont forcés par l'arrêt du service de se servir de la seule voie de circulation disponible qui est le pont de Québec.

M. le Président, il est urgent que le gouvernement tente par une loi de régler cette question-là. Si mes informations sont bonnes, le

contrat qui existe actuellement entre la Traverse de Lévis et le comité conjoint des deux villes expirait au mois d'avril dernier.

M. LESAGE: Je l»ai dit ce matin.

M. BOUDREAU: Oui, attendez. Et si mon information est bonne encore, ce contrat-là stipulait que deux ans avant la fin du contrat les parties intéressées étaient avisées, et j'ai en main l'information que le premier ministre a été prévenu par la ville de Québec qui lui demandait alors de considérer la Traverse de Lévis comme un tronçon du réseau routier et de voir immédiatement à régler le problème avant l'expiration du contrat.

Apparemment, rien n'a été fait encore et c'est par une loi qu'on nous apporte aujourd'hui qu'on tente de régler le problème. Je pense, M. le Président, que si cette loi avait été amenée devant le Parlement il y a deux ans et votée en prévision de ce qui arrive aujourd'hui, nous aurions un argument entre les mains qui ferait réfléchir les intéressés et ceux qui veulent l'arrêt des services de la Traverse de Lévis.

M. le Président, le premier ministre disait, ce matin, que le gouvernement se doit d'assurer la sécurité du public de la province de Québec.

Il a le devoir d'exiger qu'un règlement soit fait immédiatement. Le fédéral a déjà pris ses responsabilités et le gouvernement provincial, de concert avec les deux villes intéressées, prend aujourd'hui, même s'il est un peu tard, les moyens de garantir un service qui donnera satisfaction aux résidents et aux travailleurs des deux rives. En conséquence, M. le Président, je suis en faveur de cette mesure, je suis heureux de voir arriver cette mesure-là aujourd'hui et avec mon parti, évidemment, avec la Chambre, nous allons voter avec grand plaisir cette loi.

M. PINARD: Cela, c'est bien!

M. O'FARRELL: M. le Président, tout d'abord je dois vous féliciter de votre nomination comme président ou Orateur de cette Chambre. M. le Président, des centaines...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. O'FARRELL: Est-ce que le député de Missisquoi veut faire un discours maintenant? Je n'ai jamais interrompu le député de Missisquoi ni aucun autre député en Chambre...

M. JOHNSON: Non, non...

M. BERTRAND: Le premier ministre a dit qu'on retardait l'adoption de la loi, c'est le premier ministre qui a dit ça tantôt.

M. O'FARRELL: II n'a pas dit que c'était moi; il a dit que c'était vous! M. le Président, des centaines de citoyens de mon comté...

M. BERTRAND: C'est comme ça qu'il l'a compris.

M. O'FARRELL: ... de Dorchester ont été affectés très sérieusement depuis lundi par l'arrêt de la traverse de Lévis. Des gens de toutes les classes de la société ont souffert de l'arrêt des traversiers et en ce moment je dois vous dire qu'au nom de tous mes électeurs du comté de Dorchester, je veux féliciter le gouvernement d'avoir pris les mesures nécessaires pour assurer le service entre Québec et Lévis et pour ne pas retarder le débat, je dois vous dire que je voterai pour le bill no 1 avec grand plaisir.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres députés veulent exercer leur droit de parole?

M. JOHNSON: M. le Président, très brièvement, sans passion...

M. LAPORTE: Là, ça va retarder! M. BERNATCHEZ: Sans Pinard!

M. JOHNSON: ... sans « pinage, » sans trop d'accrochages, j'espère, M. le Président, avec la coopération des membres de votre droite...

M. LAPORTE: Je pense que vous pouvez être inquiet tout le tour, là.

M. JOHNSON: ... je voudrais faire quelques remarques, qui, je le crois, s'imposent à l'occasion de cette session spéciale et de la présentation de ce bill. Nous pourrons parler, évidemment, des motifs de convocation de la session lorsque nous prendrons en considération le discours du trône.

Je voudrais dire tout de suite au premier ministre publiquement ce que je lui ai dit privément. Nous sommes d'accord avec le gouvernement sur plusieurs points. D'abord sur la convocation d'une session. Aucun de nous n'a d'objection lorsque le gouvernement juge qu'il est d'intérêt public de réunir l'Assemblée législative, aucun de nous n'a d'objection à con-tremander ses engagements, à refaire sa feuil-

le de route pour venir accomplir son devoir comme législateur.

Le gouvernement a jugé que la situation qui prévaut depuis lundi dernier par suite de l'arrêt de travail qui a donné comme conséquence l'arrêt des bateaux entre Lévis et Québec, le gouvernement, dis-je, a jugé que c'était là une situation qui exigeait la réunion des Chambres afin d'amender certaines lois. Encore là, M. le Président, nous en sommes. A plus forte raison qu'à plusieurs reprises durant la dernière session régulière alors qu'un million de personnes par jour étaient incommodées par une grève à Montréal, nous avions tenté de faire intervenir le gouvernement pour que la grève se règle le plus tôt possible. Un million d'usagers des autobus de Montréal se trouvaient privés d'un service normal et pendant quatorze jours, sans qu'il n'y ait eu aucune intervention du gouvernement, ces gens ont dû subir des inconvénients majeurs. Mais dans le temps j'avais blâmé le gouvernement de ne pas agir, il est donc normal aujourd'hui que je le félicite d'avoir agi même si le problème est en termes absolus moins grave évidemment qu'en termes relatifs il est aussi grave.

Je voudrais féliciter le député de Bellechasse qui s'est donné la peine lui, contrairement au député de Lévis, de s'informer de recueillir des chiffres, des renseignements et certains documents publics afin d'établir que cette loi, si elle est bonne en principe, nous discuterons des détails en troisième lecture, est quand même insuffisante et sa thèse c'est qu'il s'agit d'un cataplasme sur une jambe de bois.

La population, demain, lorsque l'administrateur aura été nommé sera encore desservie par des bacs, des traversiers inadéquats qui ne sont pas, comme l'a démontré le député de Bellechasse, qui ne sont pas classés au point de vue sécurité par les Lloyds. C'est-à-dire des bateaux tellement peu équipés au point de vue sécurité que les Lloyds...

M. LESAGE: M. le Président...

M. JOHNSON: ... les Lloyds ne les ont pas classés, ce qui veut dire...

M. LESAGE: Ils sont en excellent état. M. JOHNSON: ... qu'il faut...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. PINARD: Hors d'ordre.

M. LAPORTE: Ce que l'on s'apprête à faire est d'abord hors d'ordre et deuxièmement c'est très dangereux.

M. LESAGE: Oui. C'est faux.

M. LAPORTE: Premièrement, on ne discute pas actuellement de savoir si les bateaux sont ou ne sont pas « seaworthy »...

M. LESAGE: C'est évident.

M. LAPORTE: ... ce n'est pas ça. Le bill ne se rapporte absolument pas à ça. Et deuxièmement, est-ce que le chef de l'Opposition qui, de son siège de chef de l'Opposition, croit qu'avec des renseignements fragmentaires c'est le moment, au moment où nous prenons les moyens pour rétablir le service, de jeter la panique dans le public. Je dis que c'est d'abord hors d'ordre ce qu'il fait actuellement et deuxièmement, je vous demande, M. le Président, de ne pas permettre de débat fait sans preuve, sans témoin, avec des demi-renseignements et qui peut être...

M. LESAGE: C'est épouvantable de la part d'un chef de l'Opposition de dire des choses comme ça alors que ce sont des bateaux qui ont leur licence, qui ont leur permis d'opérer. Il faut manquer de la responsabilité la plus élémentaire.

M. LOUBIER: Voyons donc!

M. JOHNSON: M. le Président, il faudrait dire ça au président de la Chambre de commerce de Lévis d'abord...

M. LESAGE: Non, c'est au chef de l'Opposition que je le dis.

M. JOHNSON: ... qui a fait cette cause devant la régie.

M. LESAGE: M. le Président, je proteste.

M. JOHNSON: Le procès de laTraverse de Lévis a été fait publiquement devant la Régie des services publics, la Régie des transports et communications.

M. LESAGE: J'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: J'ai ici l'ordonnance de la Ré-

gie des transports et la cause n'a pas été faite du tout sur la question de savoir si les navires étaient, pour se servir du terme usuel, « seaworthy », pas du tout. Si le chef de l'Opposition n'est pas au courant, moi je le suis et je suis au courant de plus que les navires sont en excellent état et encore pour plusieurs années à venir, dix, quinze et même vingt ans. Alors, le chef de l'opposition n'a pas le droit, avec la responsabilité de ses fonctions, de se lever sans renseignement, sans savoir ce qu'il dit et de risquer de jeter la panique dans la population surtout alors qu'il parle contrairement au règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: Est-ce que le premier ministre est au courant que les Lloyds n'ont pas voulu classer...

M. LESAGE: Peu importe les Lloyds. Ce sont les lois canadiennes quant au licenciement des navires et à leur permis d'opérer qui comptent et ces navires opèrent sous permis, permis qui sont émis en vertu de règlements extrêmement sévères.

M. JOHNSON: On sait ce que ça veut dire des navires classés. Il y a une sécurité minimum...

M. LESAGE: C'est hors d'ordre. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: Vous allez me donner la chance au moins de répondre au premier ministre.

M. LESAGE: Bien oui, je vous répondais...

M. JOHNSON: Le premier ministre est sorti un peu du règlement si toutefois tout ça est hors d'ordre.

M. LESAGE: Vous savez bien que des bateaux qui n'ont pas la permission d'opérer, s'ils ne sont pas « seaworthy », ne peuvent pas opérer.

M. JOHNSON: Ils ont la permission d'opérer comme un homme qui n'est pas complètement en santé peut se faire assurer mais doit payer une surprime. Est-ce que c'est clair, ça?

M. LESAGE: Cela n'a rien à faire dans le discours.

M. JOHNSON: C'est le cas des bateaux de la Traverse de Lévis.

M. LESAGE: Cela n'a rien à faire dans la discussion.

M. JOHNSON: Mais il y a une chose évidente, c'est que demain, malgré la loi, les gens vont se trouver avec le même service dont ils se plaignaient hier et dont l'insuffisance a été clairement établie par le député de Bellechasse et à l'aide de chiffres qu'il a donnés.

M. LESAGE: M. le Président, je regrette, j'invoque le règlement. Nous revenons toujours à la même objection. Cela n'a rien à faire avec le principe du bill.

M. LE PRESIDENT: J'ai rendu une décision tout à l'heure à l'occasion de digressions faites par le député de Bellechasse et la même décision tient en ce moment. Il faudrait parler du principe du bill.

M. JOHNSON: Je sais que vous allez me permettre au moins de répondre au député de Lévis. Le député de Lévis a dit, entre autres choses: « La population est heureuse de la prise de position du gouvernement. » Entendons-nous. La population est certainement heureuse et nous aussi de la reprise de la circulation entre la rive sud et la rive nord par bateaux. Magnifique!

M. GERIN-LAJOIE: C'est le seul objet du débat aujourd'hui.

M. BELLEMARE: Le premier ministre fait de l'allergie.

M. JOHNSON: Cependant, le député de Lévis, vous allez vous en souvenir, a dit tantôt qu'il ne s'était rien fait entre 1944 et 1960 pour l'amélioration de la circulation.

M. LESAGE: Il répondait au député de Bellechasse.

M. JOHNSON: Ce n'est pas exact. A ce moment-là, le leader de la Chambre a dit:« D'autres députés ont droit de parole et pourront répondre au député de Lévis. » C'est ce que je fais brièvement. En 1956, comme l'a dit le député de Bellechasse, le pont de Québec véhiculait 3 1/2 millions de véhicules moteur, en 1962, la circulation s'établissait à environ 6 millions et, d'après les projections des experts,

il devra recevoir une circulation, les deux ponts ensemble, de 17 millions. Donc, 8 1/2 millions par pont.

M. le Président, en 1952, et je donne des chiffres approximatifs cependant pour cette année-là, la circulation sur le pont était d'environ deux millions de véhicules. Or, c'est à ce moment-là que le gouvernement du temps, avec des budgets modestes, a donné une capacité additionnelle au pont de Québec d'environ 60% d'après les experts. Le ministre de la Voirie pourra donner des précisions, c'est peut-être 55. Mais on a quand même, à ce moment-là augmenté la capacité de circulation sur le pont de Québec. Mais de 1960, alors que la circulation en était rendue à cinq millions, à venir jusqu'en 1965 et même jusqu'en 1970, avant que le pont ne soit terminé, le gouvernement actuel n'aura rien fait pendant 9 ans pour améliorer les conditions entre la rive nord et la rive sud.

M. LESAGE: M. le Président... M. PINARD: A l'ordre, à l'ordre! M. JOHNSON: Devant l'inaction... M. PINARD: A l'ordre.

M. JOHNSON: Tout ce qu'on a, c'est un petit bill aujourd'hui et j'ai le droit de dire que ce bill est décevant. Quand le député de Lévis dit; la population de la rive sud est heureuse de la prise de position du gouvernement, je dis que non.

UNE VOIX: Deux ans en retard.

M. LESAGE: C'est bon, on va faire un référendum.

M. JOHNSON: La population de Lévis, M. le Président, comme la population de Québec et la population des comtés de Dorchester et de tous les comtés qui sont desservis par cette traverse de Lévis, est déçue de voir qu'on a aucun espoir de solution efficace et rapide pour de réelles bonnes communications entre la rive nord et la rive sud, que ce soit par un service de bacs ou de bateaux-traversiers améliorés, par un pont additionnel du côté est ou par un tunnel.

M. LESAGE: M. le Président, nous ne sommes pas...

M. JOHNSON: M. le Président, je dis et j'ai droit de dire — combien de fois ne l'a-t-on pas dit par toutes les oppositions qui nous ont précédés — que le bill est décevant en ce sens qu'il ne règle pas le problème dans son entier. M. le Président, ce bill est décevant parce qu'il ne donne aucun espoir d'amélioration entre la rive nord et la rive sud, sauf une amélioration par rapport à ce qui existe depuis lundi matin. C'est tout. Et si ce bill est nécessaire — c'est encore un aspect qu'on a toujours permis à l'opposition et même au pouvoir de discuter en deuxième lecture — si ce bill est nécessaire, comme l'a dit tantôt le député de Bellechasse, c'est à cause de l'incurie du gouvernement, de la négligence du député de Lévis...

M. PINARD: A l'ordre, à l'ordre. M. BELLEMARE: Ah, voyons donc

M. JOHNSON: ... du député de Dorchester, du ministre de la Voirie et du premier ministre, M. le Président.

M. BERNATCHEZ: Et du ministre d'Etat, tantôt.

M. LESAGE: Petit politicien! M. JOHNSON: M. le Président... M. PINARD: Petit politicien! M. JOHNSON: Non. M. LESAGE: petit politicien! M. JOHNSON: M. le Président...

M. BERNATCHEZ: Le ministre d'Etat serait calme.

M. JOHNSON: Je suis calme quand j'ai affaire à des gens polis, M. le Président.

M. LESAGE: Je parlais tout bonnement.

M. JOHNSON: Mais quand j'entends l'honorable ministre de la Couronne, comme le ministre de la Voirie, dire « petit politicien », je trouve, M. le Président, que ce n'est pas gentil. C'en est un autre qui va dégringoler.

M. LESAGE: II n'y a jamais personne qui pourra dégringoler aussi vite que le chef de l'Opposition dans l'opinion publique.

M. BELLEMARE: Ah, ça...

M. JOHNSON: Ah, ça va être dur de battre la dégringolade du premier ministre, à la vitesse où il dégringole dans certains milieux.

M. LESAGE: Si vous saviez combien je suis inquiet non pas pour moi mais pour l'Opposition. Je suis obligé de parler à mes amis pour qu'ils disent un bon mot de temps à autre pour qu'elle ne tombe pas.

M. BELLEMARE: pauvre toi! M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: Pour ne pas créer un vacuum. Pleurez sur vous-mêmes, mes frères.

M. BELLEMARE: Les terres du Far West.

M. JOHNSON: M. le Président, si ces choses sont vraies, je suis donc mal pris d'en être réduit à me faire recommander par le premier ministre.

M. LESAGE: On va voir!

M. BELLEMARE: Il y a du patronage jusque la!

M. JOHNSON: Cessez de faire du patronage. M. le Président, le gouvernement actuel a-t-il juridiction, oui ou non, pour améliorer le service de traversiers? Je dis oui. Et je donne des exemples. L'exemple de l'Ile du Prince-Edouard n'est pas un exemple qui s'applique exactement mais on peut dire que dans d'autres juridictions...

M. LESAGE: Non, mais c'est entre deux provinces. Je l'ai dit ce matin que nous avions juridiction.

M. JOHNSON: C'est évident! Entre deux provinces...

M. LESAGE: J'ai tout expliqué ça, ce matin.

M. JOHNSON: ... pour desservir une population de 100,000 âmes à l'Ile-du-Prince-Edouard, 100,000 de population, le gouvernement fédéral vient de décider, depuis 1958 — mais là les soumissions ont été demandées; l'approche des élections ça hâte un peu les...

UNE VOIX: Ah! ce n'est pas fait!

M. JOHNSON: ... ça hâte un petit peu les travaux — $145 millions pour faire une jetée. Je ne dis pas que le gouvernement fédéral a tort.

M. LESAGE: On n'est pas pour faire une jetée entre Québec et Lévis. Tout de même.

M. JOHNSON: M. le Président, je ne dis pas que le gouvernement fédéral...

M. LESAGE: Voyons donc! Il faut être sérieux!

M. JOHNSON: ... mais je dis, M. le Président,...

M. LESAGE: Voyez-vous les gens de Montréal!

M. JOHNSON; Au contraire, M. le Président,...

M. BERTRAND: Bien il y en a un. Le pont de la Concorde, entre l'Ile Ste-Hélène...

M. LESAGE: Oui, mais il n'y a pas de bateaux qui passent en dessous!

M. BERTRAND: Ils passent ailleurs.

M. JOHNSON; Je dis, M. le Président, que les citoyens...

UNE VOIX: Ici, ce serait différent!

M. LESAGE: C'est difficile de les faire ailleurs ici.

M. JOHNSON: ...de l'Ile-du-Prince-Edouard ont le droit, comme tous les autres Canadiens d'avoir légalité des services. Mais je dis que les gens de Québec et du grand Québec métropolitain comme des gens de la rive sud ont droit, eux aussi, comme tous les autres citoyens de la province de Québec et du Canada, d'avoir un service adéquat. Le pont actuel n'est pas adéquat. Le deuxième pont sera déjà insuffisant lorsqu'il sera terminé et nous serons encore, après le présent projet de loi, avec le même système désuet de bateaux-passeurs.

M. le Président, le premier ministre veut-il un exemple de juridiction provinciale? C'est celui de la Colombie-Britannique où il y avait un système d'entreprise privée, comme dans le présent cas, système opéré...

M. LESAGE: Entre l'île de Vancouver et Victoria.

M. JOHNSON: ... par le Pacifique Canadien entre Vancouver et l'île Victoria. Or, quand le service s'est avéré Insuffisant, M. le Président, quand il y eut une grève, précisément une grève des employés des bateaux-passeurs du C.P.R., entre Vancouver et Victoria, qu'a

fait le gouvernement de la Colombie-Britannique?

M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question sur ce point?

M. JOHNSON: Bien sûr!

M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait dire à la Chambre quel est le nombre de milles qu'il y a entre la ville de Victoria et le quai du bateau-passeur nouveau d'une part et le nombre de milles entre le quai du côté continental et le centre de la ville de Vancouver d'autre part?

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: N'est-il pas vrai que c'est environ trente à quarante milles?

M. JOHNSON: ... là n'est pas le problème. M. LESAGE: Ah! Oui, mais...

M. JOHNSON: C'est le principe que je veux illustrer.

M. LESAGE: Alors, par le pont de Québec c'est beaucoup moins long.

M. JOHNSON: Quand un gouvernement d'une autre province a constaté que les citoyens de cette province n'avaient pas un service adéquat par l'entreprise privée, il ne s'est pas contenté d'apporter un projet de loi dont nous discuterons de la nature en comité plénier et en troisième lecture, il ne s'est pas contenté d'apporter un projet de loi qui rétablirait un service insuffisant, mais il a créé un service suffisant qui a causé un énorme développement économique...

M. LESAGE: Est-ce que je pourrais poser une question?

M. JOHNSON: ... économique et touristique pour l'île de Vancouver. Pardon?

M. LESAGE: Est-ce que l'on traverse des piétons sur ce traversier?

M. JOHNSON: M. le Président, bien sûr qu'on...

M. LESAGE: Il n'y a aucune compraison possible. Je l'ai pris il y a trois semaines le bateau-passeur.

M. JOHNSON: M. le Président, on traverse les piétons, oui, on traverse les piétons.

M. LESAGE: Qui embarquent dans les automobiles, oui.

M. JOHNSON: Ah non, M. le Président, on les prend à l'intérieur, au centre de la ville de Vancouver, on les transporte en autobus...

M. LESAGE: Sur à peu près 15 à 20 milles.

M. JOHNSON: Us n'ont même pas, M. le Président, à se déranger, ils sont débarqués de l'autre côté et tout ça pour une somme très modique, M. le Président, une somme très modique et ça prend trè peu de temps à cause de bateaux-passeurs plus modernes. Mais je ne veux pas entrer dans les détails, là n'est pas le problème. C'est le principe d'un gouvernement qui agit et d'un autre qui fait semblant d'agir. M. le Président, un gouvernement qui fait semblant d'agir...

M. BERNATCHEZ: Cournoyer s'en va. Le Crédit social s'en vient, mais Cournoyer s'en va.

M. JOHNSON: M. le Président, un gouvernement qui fait semblant d'agir, en voulez-vous la preuve? Il y aura deux ans au mois de janvier que le gouvernement a été placé devant une invitation de s'occuper de ce problème. On a exposé devant, pas n'importe qui, on a exposé devant le premier ministre la situation exacte. Et j'aurais aimé ce matin entendre le premier ministre nous dire ce qu'il a fait depuis ce temps-là...

M. LESAGE: J'aurais violé le règlement, M, le Président.

M. BERNATCHEZ: Cela va être la première fois?

M. JOHNSON: Alors, sans viol, il pourra, M. le Président, tantôt dans sa réplique nous expliquer.

M. LESAGE: Non, non, je ne violerai pas le règlement.

M. JOHNSON: Le 28 janvier 1964, le premier ministre s'est vu adresser une lettre qui se lit comme suit:

« Honorable Jean Lesage, Premier ministre de la province, Hôtel du gouvernement, Québec 4.

Monsieur le Premier ministre, « Le comité conjoint institué par la charte de la cité de Québec pour étudier l'octroi du contrat de la traverse entre Québec et Lévis s'est réuni à mon bureau lundi, le 27 janvier. Comme le contrat actuel entre les villes de Québec et Lévis et la Compagnie de la Traverse de Lévis Ltée expire le 30 avril 1965, le comité est à se demander quelle attitude il devrait adopter quant au maintien du service de la traverse étant donné l'incertitude qui existe actuellement au sujet des mesures que le gouvernement de la province se propose de prendre pour améliorer les moyens de communications entre Québec et la rive sud du St- Laurent. « Depuis la conclusion du contrat actuel, il y a 35 ans, les conditions ont complètement changé. A cette époque-là, la traverse était en somme un service purement local appelé à desservir les populations des deux rives du St-Laurent, mais le comité estime qu'en raison surtout de l'expansion de l'automobile comme moyen de transport, il ne peut plus être considéré maintenant strictement comme une voie de communication entre Québec et Lévis, mais bien comme un tronçon de réseau routier provincial tombant ainsi, au moins partiellement, sous la juridiction de la province. « Comme il est urgent de décider ce qu'il adviendra du service de la traverse à l'expiration du contrat actuel, le comité m'a chargé de communiquer avec vous pour vous demander s'il vous serait possible de lui faire connaître les intentions prochaines du gouvernement en ce qui concerne l'amélioration des moyens de communications entre Québec et la rive sud du St-Laurent. Il y aura une autre réunion du comité le lundi, 17 février 1964, à 10.30 a.m. à mon bureau, à l'Hôtel de ville, et le comité vous serait infiniment reconnaissant si vous pouviez lui communiquer votre réponse avant cette réunion. Les membres du comité considèrent que la province a maintenant un intérêt direct à la solution de ce problème de la traverse entre Québec et Lévis. Us m'ont chargé en même temps de vous demander que le gouvernement délègue à cette réunion des représentants dûment mandatés pour étudier avec eux tous les aspects des communications entre Québec et la rive sud du St-Laurent et en particulier la situation à laquelle il faudra faire face lorsque prendra fin le contrat actuel de la traverse en 1965. « Avec mes remerciements, je vous prie, M. le Premier ministre, d'agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

Wilfrid Hamel, maire de Québec ».

M. le Président, voici le président du comité conjoint chargé par les statuts de la province d'administrer le contrat de la Traverse de Lévis qui dit le 28 janvier 1964, M. le premier ministre...

M. LESAGE: ... C'était sur les journaux dans le temps.

M. JOHNSON: ... c'est important ce problème-là.

M. LESAGE: C'était sur les journaux.

M. JOHNSON: Ce n'est plus un problème local, il y a une incertitude quant au plan du gouvernement et M. le maire Hamel disait: « Le comité est à se demander quelle attitude il devrait adopter quant au maintien du service de la Traverse étant donné l'incertitude qui existe actuellement au sujet des mesures que le gouvernement de la province se propose de prendre pour améliorer les moyens de communication entre Québec et la rive Sud du St-Lau-rent ». Il y avait de l'aveu de M. Hamel, en janvier 1964, et M. Hamel parlait, au nom du comité conjoint, de l'incertitude au sujet des mesures que le gouvernement de la province se propose de prendre.

Voici des gens au pouvoir depuis 1960, en 1964 il y avait encore de l'incertitude quant aux mesures que le gouvernement que j'ai devant moi devait entreprendre pour améliorer des relations, les communications essentielles et vitales entre la rive Nord et la rive Sud à la hauteur de Québec et des environs. Qu'a fait le gouvernement depuis le 28 janvier 1964?

M. BERTRAND: La politique de l'autruche. M. BELLEMARE: Une politique de grandeur.

M. JOHNSON: A-t-il répondu à cette lettre, s'il a répondu à cette lettre, quel est le sens de cette réponse? M. le Président, les gens de Lévis et de Québec ont entendu en 1960 le chef du parti libéral promettre que le problème serait réglé entre la rive Nord et la rive Sud. Les organismes comme les Chambres dé commerce, les corps intermédiaires comme le Québec métropolitain, le bureau du commerce et de l'industrie du Québec métropolitain ont fourni au gouvernement toutes les données né-

cessaires, toutes les statistiques nécessaires, tous les rapports de sociologues, de démographes, de géologues, d'économistes, d'experts en circulation routière, pour que le gouvernement prenne une décision et mette fin à l'incertitude qui existait encore au mois de janvier 1964.

M. le Président, le député de Lévis ose se lever dans cette Chambre et dire que la population de son comté est heureuse, M. le Président....

M. BERNATCHEZ: Il ne le répétera pas chez lui, ça.

M. JOHNSON: ... elle est heureuse comme quelqu'un qui est privé de l'essentiel et à qui on remet l'essentiel, mais un essentiel qui n'est qu'un minimum pour le confort, même des piétons, minimum pour le confort des automobilistes dont neuf sur dix, ça été établi, prennent le chemin du pont de Québec parce qu'il faut attendre un, deux, trois et des fois quatre bateaux à certains moments, minimum...

M. BERNATCHEZ: ... répétez ça dans le comté de Lévis.

M. JOHNSON: ... quant à la sécurité, on l'a établi; minimum quant à l'efficacité, quand on se rappelle que des passagers ont dû passer, trois quatre, cinq et six heures, et même toute une nuit sur les bateaux à la dérive. M. le Président,...

M. BERNATCHEZ: Qu'il aille dire ça dans le comté de Lévis.

M. JOHNSON: M. le Président, à force d'être dans la misère il y a des gens qui disent qu'on est bien dans la misère. On a pu, pendant peut-être un certain temps, faire croire ça à certains secteurs de la population mais c'est fini ça. Les communications entre deux groupes aussi importants numériquement et économiquement et socialement que les groupes de la rive nord et la rive sud, sont à un degré tellement bas que je ne connais pas d'exemple pareil à travers tout le Canada. Il y a de meilleures communications entre des agglomérations moins considérables et mois importantes dans des provinces moins riches, économiquement moins développées que la nôtre. M. le Président, le député de Missisquoi me cause une distraction en me suggérant de faire appel au nouveau ministre du Tourisme...

M. BELLEMARE: Il doit dormir. Est-il réveillé? Ah! oui, il est réveillé.

M. JOHNSON: ... pour améliorer le service entre Québec et Lévis. Je ne veux pas parler...

M. GERIN-LAJOIE: A l'ordre!

M. JOHNSON: ... de choses moins importantes au moment où nous voulons réellement contribuer, ne serait-ce qu'en attirant l'attention du public sur la situation réelle, nous voulons contribuer non seulement à la reprise du service qui est essentiel mais à l'amélioration du service qui est nécessaire pour le bien-être de la population, bien-être sous tous les aspects mais particulièrement sous l'aspect économique. C'est récemment, le mardi 19 octobre, on lisait dans l'Evénement le titre suivant: « Le réseau routier: un lourd handicap pour la rive sud », par Benoit Harvey. Selon le président du syndicat industriel de St-Romuald, les difficultés de la circulation forment actuellement le handicap le plus sérieux à surmonter quand on veut inciter les financiers à investir dans la région. M. Paul-Emile Dubé, qui est gérant du syndicat depuis vingt ans, a déclaré hier...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Est-ce qu'on peut, comme ça, en partant du traversier de Lévis, parler de la circulation? peut-être qu'à un moment donné on va dire qu'il y a également le danger d'incendie à Québec, — c'est un autre danger — et comme ça passer tous les services gouvernementaux, M. le Président.

M. JOHNSON: Je n'aurais pas parlé de Darabaner, c'est le ministre qui...

M. PINARD: A l'ordre!

M. LAPORTE: Bien la meilleure façon de ne pas en parler c'est de vous taire sur ce sujet-là, c'est encore la meilleure façon. Est-ce que je peux vous demander, M. le Président, d'inviter le chef de l'Opposition à s'en tenir à ce que nous étudions actuellement, c'est-à-dire le principe d'une loi modifiant une loi pour permettre au gouvernement de nommer un administrateur lorsqu'un service de transport par navigation veut cesser ses opérations s'il n'a pas obtenu la permission de la Régie des transports. C'est ça qu'on discute, M. le Président, il ne s'agit pas des moyens de circulation autour ou dans Québec, pas du tout.

M. BERNATCHEZ: Vous avez parlé d'incendies, c'est Darabaner.

M. JOHNSON: C'est le premier ministre,

ce matin, qui a parlé des dangers d'incendie. Il a donné un exemple qui est frais à la mémoire de tous les membres de cette Chambre. Mais vous savez, M. le Président, vous qui siégez dans cette Chambre depuis 1960,...

M. BERNATCHEZ: Pas tout le temps!

M. JOHNSON: ... quand vous n'étiez pas en voyage, service commandé comme représentant du gouvernement et de la Législature même, vous savez que nous avons le droit, à l'occasion de la deuxième lecture, de déclarer notre désappointement devant un projet de loi qui n'est pas assez complet. Si, ce matin, le premier ministre nous avait dit; « Bien c'est un premier pas, nous allons mettre au point pour la prochaine session régulière un projet de loi qui verra à développer, à donner à la population des deux rives un service adéquat, soit par tunnel, par pont additionnel ou par un meilleur service de traversiers ». Nous n'aurions pas soulevé le point mais le premier ministre n'a même donné aucun espoir qu'il y aurait d'autres choses que le rétablissement d'un service que tout le monde, à commencer par les Chambres de commerce, trouve inadéquat et c'est décevant. C'est décevant pour nous, comme c'est décevant pour la population de la rive sud.

Le premier ministre a parlé de juridiction ce matin et il a soulevé avec raison un aspect du problème extrêmement important, celui de la compétence respective du fédéral et du provincial, et je voudrais ici remercier le premier ministre d'avoir versé au dossier un historique objectif de tout le problème. Mais il me permettra peut-être de, compléter ce qu'il a dit ce matin et, deuxièmement, de faire quelques remarques qui découlent de la prise de position que le bill nous donne, nous demande de prendre.

Il y a tout de même quelque chose d'irrationnel dans la situation suivante. Il suffit qu'une compagnie s'incorpore à Ottawa, même pour des fins provinciales, pour que, du même coup, la province, selon l'aveu du premier ministre ce matin, selon l'opinion qu'il a exprimée; son opinion est basée...

M. LESAGE: Sur un jugement de la cour Suprême.

M. JOHNSON: ... sur un jugement de la cour Suprême, pour que la province perde des moyens...

M. LESAGE: Le droit d'exproprier...

M. JOHNSON: ... entre autres le droit d'exproprier...

M. LESAGE: Non, non, le droit d'exproprier des actions, c'est ce que j'ai dit ce matin.

M. JOHNSON: ... perde certains moyens efficaces de s'acquitter de son devoir.

M. LESAGE: Cela vient de se produire, ça vient d'être rendu ce jugement-là.

M. JOHNSON: M. le Président, c'est peut-être un argument, c'est très probablement même et très clairement, dans mon esprit à moi en tout cas, un autre argument en faveur d'une constitution nouvelle ou d'amendements majeurs. Je ne veux pas entrer là-dedans...

M. LESAGE: Non, je pense que non.

M. JOHNSON: Je n'ai pas d'objection, mais je sais que ce serait...

M. LESAGE: Je serais prêt à recommencer pendant cinq heures si vous voulez là-dessus.

M. JOHNSON: Le premier ministre a-t-il changé d'opinion incidemment depuis qu'il est allé dans l'Ouest?

M. LESAGE: Pardon?

M. JOHNSON: Est-ce qu'il a changé d'opinion?

M. LESAGE: Quelle opinion? M. BELLEMARE: Fulton.

M. LESAGE: Ah! c'est ça, ah bon! demain matin; les questions demain matin. La Gazette en a suggéré tout une série ce matin. Lisez la Gazette de ce matin, vous aurez votre série de questions.

M. BELLEMARE: II a copié ça du Nouvelliste.

M. LESAGE: Est-ce que le Nouvelliste a été inspiré par le député de Champlain?

M. BELLEMARE: Ah oui!

M. LESAGE: Ah bon! On sait où est le cerveau du parti maintenant.

M. GERIN-LAJOIE: II fait surtout bien des

détours pour atteindre son chef, il passe par les journaux.

M. LESAGE: Vous passez par le Nouvelliste, ça passe par la Gazette pour suggérer des questions à votre chef.

UNE VOIX: A l'ordre.

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: C'est ce qui arrive quand on est hors d'ordre.

M. JOHNSON: ... il est tout de même irrationnel que la province perde sa compétence parce que les promoteurs d'une compagnie décident de s'incorporer à Ottawa plutôt qu'à Québec. Il y a là un problème qui devrait être réglé d'une façon ou de l'autre. Restons dans le vague, afin de ne pas soulever de débat hors du sujet.

On le sait, cette Traverse de Lévis a été incorporée en 1910 par les lettres patentes fédérales, ce qui, d'après le premier ministre, nous empêcherait, nous priverait du droit d'exproprier. Cependant, M. le Président, la législature a donné au comité conjoint de la cité de Lévis et de la cité de Québec par le chapitre 110 des pouvoirs extrêmement larges.

L'article 16 du chapitre 110 de 1930 se lit comme suit: « L'article 367, chapitre 3, est remplacé par le suivant », il s'agit, comme on le sait, de la charte de la ville de Québec, 19 George V, chapitre 95 et je cite, 367: « Le droit d'adopter et préparer des règlements pour mettre à effet les pouvoirs conférés par la loi à la cité de Québec et la cité de Lévis relativement à la Traverse entre cette cité et la cité de Lévis sera exercé conjointement par leur conseil de la manière suivante et ce à compter de l'expiration de tout contrat existant pour la traverse entre les deux cités. Un comité conjoint composé de trois membres choisis par le conseil de la cité de Québec et de trois membres choisis par le conseil de la cité de Lévis, convoqué par le maire de la cité de Québec ou le maire de la cité de Lévis ou deux membres de ce comité dans la cité de Québec, dans un délai raisonnable d'au moins deux ans avant l'expiration du contrat actuel et l'octroi d'un nouveau contrat aura seul le pouvoir d'adopter des règlements concernant les conditions dudit contrat, l'octroi et le prix de la licence de la traverse, la fixation des taux de péage, du fret et des passagers et autres conditions que ce comité conjoint jugera à propos d'imposer. »

M. le Président, si la province a à ce mo- ment-là délégué de tels pouvoirs à un organisme qui s'appelle un comité conjoint de membres de la cité de Québec et de la cité de Lévis, la province, il y a lieu de le présumer, les a ces pouvoirs. Mais j'irai plus loin. En vertu d'un jugement de l'honorable juge Brossard alors qu'il était juge de la Cour supérieure — on sait qu'il est maintenant sur le banc de la Cour d'appel — en vertu d'un jugement du juge Brossard dans une cause de la compagnie de Téléphone Bell, il est statué que la province a juridiction sur les employés d'une compagnie à charte fédérale et ce jugement n'a pas été porté en appel. Je dis donc que depuis deux ans à compter du 30 avril 1965, donc, depuis le 30 avril 1963, la province savait que le contrat expirait, la province savait que la ville de Québec et la ville de Lévis par le comité conjoint, devaient renégocier un contrat avec la même compagnie ou demander des soumissions ou réorganiser toute l'affaire. Comme la province ne bougeait pas, le président du comité conjoint, le maire de la cité de Québec, comme je l'ai démontré tantôt, a, par lettre du 28 janvier, demandé au premier ministre de la province: « Quelle est votre attitude? Nous sommes dans l'incertitude dans le bail. » La province n'aurait pas répondu. Le premier ministre n'aurait pas répondu, le gouverne ment n'aurait rien fait, la cité de Lévis et la cité de Québec ont été laissées complètement dans le vague. Les administrateurs municipaux, considérant que le problème débordait les cadres de problèmes normalement municipaux, les administrateurs de la cité de Lévis et de la cité de Québec ont demandé en vain l'aide de Québec même d'observateurs, et nous sommes aujourd'hui devant une situation choc, comme l'a si bien dit le député de Bellechasse qui a enfin secoué le gouvernement et le gouvernement nous a réunis en session, nous a apporté un bill dont le seul effet, est de rétablir, pour une période de temps indéterminée, le service imparfait, inadéquat de traversiers entre la rive nord et la rive sud qui fait partie d'un réseau très simple: un pont et un système de traversiers.

Service inadéquat évidemment, service dont on ne sait pas comment et quand il sera amélioré, une loi, en somme, décevante au maximum, aussi décevante que les actes du gouvernement dans plusieurs autres domaines dont j'aimerais tant parler aujourd'hui.

M. LAPORTE: Ayez du « retiens bien »!

M. JOHNSON: Je suis habitué au « retiens bien »! M. le Président, je dis donc...

M. GERIN-LAJOIE: On ne demandera pas d'explication!

M. JOHNSON: ... que la loi est peut-être nécessaire. Je dis que la loi en principe même est nécessaire. Quant aux modalités, nous en discuterons après avoir recueilli, je l'espère, des explications additionnelles lors de l'étude en comité plénier, nous réservant évidemment de critiquer de nouveau la loi en troisième lecture, s'il y a lieu, mais j'aimerais que le premier ministre, au moment de sa réplique, nous dise qu'il va se faire quelque chose de plus que le rétablissement d'un service inadéquat.

M. LESAGE: Il y a un deuxième pont qui est en construction.

M. JOHNSON: Je pense qu'il serait peut-être bon...

M. LESAGE: Ma réplique est faite, il y a un deuxième pont en construction.

M. JOHNSON: Qui sera terminé quand?

M. LESAGE: Aussitôt que possible. Pensez-vous qu'un tunnel, ça va aller plus vite? Cela prendrait sept, huit ans.

M. JOHNSON: M. le Président...

UNE VOIX: Pourquoi ne l'avez-vous pas commencé?

M. JOHNSON: ... c'est le premier ministre qui dit: « Pensez-vous qu'un tunnel ça va aller plus vite » ?

M. LESAGE: Bien, évidemment que non, c'est impossible; il y a des failles dans le Saint-Laurent.

M. JOHNSON: Que le premier ministre nous explique donc pourquoi...

M. LESAGE: M. le Président, je serais hors d'ordre si je le faisais.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: Lui, qui a fait faire des études sur tous les problèmes imaginables, il veut se contenter de son opinion à lui...

M. LESAGE: M. le Président, je regrette infiniment. C'est hors d'ordre et puis ce n'est pas mon opinion, c'est l'opinion d'ingénieurs compétents. Je l'ai dit à plusieurs reprises, c'est complètement hors d'ordre. Je n'ai pas mon dossier ici, je vais l'envoyer chercher et puis quand viendra le temps, sur les crédits du ministère des Travaux publics ou de la voirie, à la prochaine session, de discuter de cette question-là, j'en discuterai pour la nième fois.

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: C'est d'un ridicule que d'essayer de faire penser aux gens qu'il peut y avoir un tunnel entre Québec et Lévis, mais d'une extrémité du tunnel à revenir à Lévis, ça va prendre plus de temps que faire le tour par le pont de Québec, à cause de la pente, du dénivellement, il me semble qu'il n'est pas nécessaire d'être un grand mathématicien ni un homme bien intelligent pour comprendre ça.

M. BELLEMARE: Bon, c'est très bien. UNE VOIX: Mais le pont n'avance pas.

M. JOHNSON: Le premier ministre vient de classer comme imbécile toute une série d'ingénieurs très sérieux...

M. LESAGE: Non, non, non, mais pensez à la pente...

M. JOHNSON: ... qui se sont prononcé en faveur d'un tunnel.

M. LESAGE: Il y a 180 pieds d'eau, puis il y a toute la falaise, puis il ne faut pas que vous ayez une pente de plus, un maximum absolu de 5%; pensez à la longueur, où ça va aboutir.

UNE VOIX: On va aller au ciel!

M. LESAGE: Vous n'êtes pas ici sur un terrain plat comme à l'Ile Charron, non, et vous n'êtes pas à un endroit où vous avez le minimum de profondeur pour la voie navigable. Vous avez 180 pieds d'eau plus des falaises de centaines de pieds. Voulez-vous penser au dénivellement nécessaire pour un tunnel, s'il vous plaît?

M. COURNOYER: Cela dépend où il veut aller.

M. JOHNSON: M. le Président, alors tous les ingénieurs qui disent qu'un tel tunnel est possible...

M. LESAGE: Mais oui, mais ça sortirait plus loin; ce serait aussi loin en automobile que de passer par le pont actuel...

M. JOHNSON: Mais voyons donc. Le premier ministre n'est pas sérieux?

M. LESAGE: Bien oui! ça irait de l'autre côté de la nouvelle route Transcanadienne.

M. BERTRAND: Bien oui, mais ce n'est pas dix milles.

M. JOHNSON: Ce n'est pas seize milles ça.

M. LESAGE: Non, mais du centre de Lévis par exemple, c'est autant; puis il faudrait d'abord que ça sorte dans le quartier Saint-Roch à Québec, en plein trafic, il faudrait détruire tout le vieux Saint-Roch pour construire des trèfles du côté de Québec; puis de l'autre côté il faudrait aller sortir en arrière de la nouvelle route transcanadienne. Qu'est-ce que ça va donner aux gens de Lévis qui travaillent au parlement, entre vous et moi?

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre a peut-être raison dans tout ce qu'il dit...

M. LESAGE: Bien tiens!

M. JOHNSON: ... mais ça serait tellement plus convaincant...

M. LESAGE: C'est moi le Québécois, vous, vous êtes de Saint-Pie, monsieur.

M. JOHNSON: Si c'était un rapport d'ingénieurs...

M. LESAGE: Je n'en ai pas besoin. Je n'ai pas besoin d'un rapport d'ingénieurs. Vous savez ce que...

M, JOHNSON: Un rapport sérieux préparé par des hommes sérieux et compétents en la matière qui contrediraient point par point, j'espère,...

M. LESAGE: Ce n'est pas tout le monde qui vient de St-Pie où il y a des terrains plats...

M. JOHNSON: ... les prétentions de ceux qui ont soumis des mémoires...

M. LESAGE: ... les terrains plats de St-Pie!

M. JOHNSON: ... à l'effet contraire, au soutien d'un tunnel. Mais à tout événement, le premier ministre, s'il est contre un tunnel, pourrait nous dire si oui ou non il envisage un pont, soit à la hauteur de Québec, soit à l'est de Québec...

M. LAPORTE: Ce n'est pas le moment.

M. JOHNSON: ... s'il envisage aussi la possibilité d'un service de traversiers améliorés. Le premier ministre a l'air de tenir pour acquis que le service actuel c'est un service qui ne pourrait pas être amélioré.

M. PINARD: Il n'a pas dit ça!

M. JOHNSON: M. le Président, on en a vu ailleurs, des services de traversiers tellement plus efficaces, plus rapides que le présent service que nous avons et que nous allons rétablir.

M. LESAGE: Si vous voulez parler du service...

M. JOHNSON: La province pourrait, M. le Président, entrer dans ce domaine-là...

M. LESAGE: Il est clair, monsieur le Président...

M. JOHNSON: ... le premier ministre a-t-il songé?

M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question?

M. JOHNSON: Le premier ministre répondra tantôt!

M. LESAGE: Est-ce qu'il me permet une question? Cela va être tellement plus simple, je n'aurai pas besoin de répondre tantôt.

M. JOHNSON: D'accord!

M. LESAGE: Est-ce qu'il s'imagine, pour un instant, que l'administrateur n'étudiera pas ce qui est justement à l'étude par la compagnie, ce qui était à l'étude par la compagnie: l'amélioration du service des traversiers? Il faudrait savoir, pour commencer, quelle pourrait être la contribution du gouvernement fédéral à la construction de nouveaux quais. Et puis ça, c'est tout un travail. Et puis avant le 8 novembre, je pense que c'est difficile, il me semble, de communiquer avec le gouvernement fédéral

pour savoir quel sorte de nouveau système d'installation on peut avoir. A savoir si c'est le chef de l'Opposition à qui je demanderai de communiquer ou bien si c'est moi qui communiquerai.

Il n'a pas compris!

M. JOHNSON: Le premier ministre a-t-il l'intention de faire des élections provinciales avant Noël?

M. LESAGE: Non, non. Je me servirais du chef de l'Opposition comme ami et suppor-teur d'un des partis détestés dans la province de Québec. Si par hasard le reste du pays élisait ce parti...

M. BERTRAND: C'est lui!

M. JOHNSON: Le premier ministre entrevoit-il même la possibilité que M. Pearson soit battu?

M. LESAGE: Non, je n'entrevois pas ça!

M. JOHNSON: Le premier ministre n'a pas l'air certain!

M. LESAGE: Non, mais j'ai voulu...

M. JOHNSON: Lepremier ministre branle!

M. LESAGE: Ah non! Mais j'ai voulu purement et simplement...

M. BERTRAND: Il n'a pas déclaré...

M. LESAGE: ... montrer la situation à un député...

M. BERTRAND: Vous n'avez pas déclaré votre appui.

M. LESAGE: Pardon?

M. BERTRAND: La dernière fois, vous l'aviez appuyé publiquement. Vous ne le faites pas cette fois-ci!

M. LESAGE: Est-ce que vous voulez que je le fasse?

M. BERTRAND: Ah ça, ça vous regarde!

M. LESAGE: Ce que j'ai dit, M. le Président, c'est que je ne pouvais pas participer à la campagne électorale, mais si on veut que de mon siège je déclare publiquement mon appui au meilleur gouvernement, à la meilleure alter- native qui existe, qui est l'alternative du parti de M. Pearson à Ottawa, je le fais avec grand plaisir en cette Chambre, mais je ne participe pas à la campagne électorale.

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre! M. BERTRAND: Un appui agonisant! M. LAPORTE: Pensez-y à cette...

M, GERIN-LAJOIE: Maintenant, faites votre choix!

M. LAPORTE: Mais vous, êtes-vous prêt à vous déclarer publiquement pour M. Diefenbaker?

M. LESAGE: Je retourne ma question. Est-ce que le chef de l'Opposition est prêt à donner le même appui public à monsieur Diefenbaker?

UNE VOIX: A la noirceurl

M. LESAGE: Publiquement, à la clarté!

M. BERTRAND: On n'écoute pas! C'est un parti provincial!

M. DOZOIS: Il n'y a pas de lien!

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre vient de faire un acte de foi..,, Le premier ministre a pris ses responsabilités...

M. LESAGE: Et vous, prenez-les!

M. JOHNSON: Cela va venir! Il a dit, M. le Président, « Le chef de l'Opposition...

UNE VOIX: ... le parti de l'Union nationale encore!

UNE VOIX: Répétez, on n'a pas comprisl

M. JOHNSON: ... pourrait peut-être m'aider... ou va-t-il appuyer le parti le plus détesté dans Québec? » C'est ça?

M. LESAGE: Oui, c'est ça!

M. JOHNSON: L'alternative qu'ont les gens, c'est peut-être d'appuyer un parti détesté, mais d'autre part, le parti de monsieur Pearson, c'est un parti joliment vicié.

DES VOIX: Oh, oh!

M. LESAGE: Vicié par qui?

M. JOHNSON: Banks, Bonanno, Rivard.

M. LESAGE: La cour Suprême a rejeté une certaine demande de permission d'appeler...

M. BELLEMARE: Dupuis, Asselin...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais, si on veut salir, pourrais-je souligner que la cour Suprême a rejeté une demande de permission d'appeler d'un certain M. Talbot, ce matin.

M. BELLEMARE: Asselin, lui?

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre compare des petites choses avec des grandes. Il le fait avec une indélicatesse qu'il va regretter d'ailleurs...

M. LESAGE: Vous êtes mieux de faire attention.

M. JOHNSON: Le premier ministre sait bien et toute la population, que...

M. BERTRAND: La colère vous conseille mal.

M. LESAGE: Non, je ne suis pas du tout... j'invoque une question de privilège, M. le Président: je ne suis pas du tout en colère. Mais si le chef de l'Opposition décide de faire du sa-lissage en Chambre, je suis en mesure de lui répondre en me servant d'exemples dans son propre parti. Je pense qu'il est mieux de faire attention à ce qu'il dit.

M. JOHNSON: M. le Président, si on veut parler de Darabaner, des souscriptions des faillis frauduleux à la caisse libérale...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement. Il n'y a jamais eu de preuve à l'effet qu'il y a eu des souscriptions électorales par des faillis frauduleux, même à l'Union nationale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Et Dieu sait que c'est là qu'elles seraient allées.

M. LE PRESIDENT: Je crois que la dis- cussion nous a entraînés un peu loin et j'insisterais pour que tous les membres de cette Chambre reviennent à l'étude du bill en deuxième lecture. Le chef de l'Opposition a la parole.

M. JOHNSON: M. le Président, je vais lâcher Banks, Bonanno...

M. LESAGE: Prenez donc le bateau.

M. JOHNSON: ... Rivard...

M. LAPORTE: Prenez le bateau.

M. JOHNSON: Comment ç'a débuté tout ça?

M. LAPORTE: Bien oui, bien on aimerait savoir comment ça va finir aussi, qu'on revienne au bill. C'est ça qui est le mieux dans les circonstances.

M. COURNOYER: Vous avez failli finir deux fois.

M. JOHNSON: M. le Président, je pense que le premier ministre regrettera d'avoir mis dans le même bateau l'honorable Antonio Talbot et Hal Banks...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. JOHNSON: ... et Bonanno, et d'autres que le ministre de la Justice connaît. Je pense qu'on...

M. LESAGE: Ce n'est pas moi qui les ai mis dans le bateau, c'est vous.

M. JOHNSON: ... s'entend, je pense que le premier ministre demain le regrettera; peut-être avant Mais le premier ministre parlait d'un parti détesté, j'ai parlé d'un parti vicié. On m'a demandé des détails, M. le Président et vous me connaissez, je suis toujours prêt a prouver, à appuyer par des détails. Si on n'en veut pas avoir, qu'on ne m'en demande point.

M. le Président, je disais donc que le premier ministre a atteint l'un des buts de la convocation de la session, c'était de réparer vis-à-vis M. Pearson...

M. BERTRAND: On le provoque, puis il tombe dans le panneau.

M. JOHNSON: ... de réparer son omission à ce jour. Dans tous les journaux du Canada, on a dit; « Mais c'est drôle, cette année le

premier ministre de la province de Québec est l'un des rares premiers ministres provinciaux qui n'appuie pas le chef fédéral. Alors que du côté conservateur, Robarts, Roblin, Stanfield, Shaw appuient...

M. LE PRESIDENT: Bill numéro 1.

M. JOHNSON: ... et du côté libéral..., voyez M. le Président, on ne veut pas que je réponde à la question du premier ministre, c'est vous là qui me coupez, et lorsqu'il m'a posé une question. Alors, le premier ministre qui n'a pas encore complètement abdiqué, malgré le succès relatif de sa visite dans l'Ouest, ses ambitions fédérales, voudrait bien réparer et il vient de le faire. J'espère que tous les journaux vont annoncer cela partout. Alors les libéraux de l'Ouest vont dire: « Well, maybe we could support him when comes a convention to choose a successor to Mr. Pearson ». Dans le fond, c'est ça, ça vient d'être réglé, je suis très heureux d'avoir fourni au premier ministre l'occasion de l'avoir réglé.

UNE VOIX: Et vous?

M. JOHNSON: Moi? Est-ce que je dois répondre, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Bill numéro 1.

M. JOHNSON: Mais est-ce que je dois répondre, M. le Président?

UNE VOIX: Bill No 1.

M. JOHNSON: Est-ce que je dois répondre?

M. LESAGE: Vous le savez, il va voter bleu comme d'habitude.

M. JOHNSON: Chef d'un parti exclusivement provincial...

UNE VOIX: C'est ça.

M. LESAGE: Qu'est-ce que le député de l'Islet faisait à côté de Diefenbaker?

M. JOHNSON: ... pas obligé de faire croire, M. le Président, qu'on fait chambre à part, parce qu'on le fait pour vrai nous autres, et on n'a pas de porte communicante.

M. BERTRAND: Oh non!

M. JOHNSON: La Fédération libérale fédé- rale et la Fédération libérale provinciale ont fait semblant de se séparer, sont dans des chambres communicantes, M. le Président. Alors ça se passe ça en-dessous de la porte et quand ça ne va pas assez vite, on ouvre la porte et on communique entre les deux chambres.

M. LAPORTE: Revenons donc au bill.

M. JOHNSON: Ils ont exactement la même salle de toilette.

M. PINARD: Avez-vous été stérilisés chez vous?

M. JOHNSON: Chambres communicantes, chambres communes, à tout événement, M. le Président. Chef d'un parti...

UNE VOIX: Elles sont toutes stérilisées, je crois bien.

M. JOHNSON: ...exclusivement provincial, je ne m'occupe pas de l'élection fédérale. Les collègues sont parfaitement libres d'appuyer, comme ils l'ont fait dans le passé, les candidats de leur choix, M. le Président. Il y en a qui ont des tendances à appuyer le candidat NPD, il paraît qu'effectivement ils les appuient.

M. LAPORTE: Ils ne résistent pas à leurs tendances.

M. JOHNSON: Ils ne résistent pas à leurs tendances. M. le Président, c'est de leur affaire. Mais il reste une chose certaine, c'est que le chef de l'Union nationale...

M. PINARD: II est neutre.

M. JOHNSON: ... n'a pas d'ordre à demander, n'a pas de permission à demander à Ottawa. Nous sommes un parti qui met au-dessus des intérêts du parti, les intérêts de la province et qui est prêt à appuyer le premier ministre, le parti libéral provincial, lorsqu'il s'agit des droits vitaux de la province, quel que soit le gouvernement à Ottawa. Et j'avertis tout de suite le premier ministre, que ce soit M. pear-son ou M. Diefenbaker qui forme le gouvernement, quand il s'agira des droits vitaux de la province, nous serons toujours, toujours derrière le gouvernement, et si le gouvernement actuel ne marche pas assez vite, nous le sti-actuel ne marche pas assez vite, nous le stimulerons, M. le Président, et nous verrons à ce qu'il protège les intérêts de la province. Il

pourra toujours à ce moment-là compter sur nous et il le sait, nous l'avons prouvé, alors qu'autrefois les libéraux sortaient, quand on posait un geste d'autonomie, ou votaient contre nous.

M. le Président, je reviens au bill.

DES VOIX: Ah!

M. JOHNSON: Donc...

M. PINARD: Il y a un bateau à la dérive là, qu'est-ce que vous faites?

M. JOHNSON: Cela m'a l'air qu'il y a six ans que le gouvernement ne fait rien.

M. BERTRAND: Le traversier a fait un long voyage.

M. JOHNSON: Je regrette, en terminant, qu'on n'ait pas trouvé moyen d'apporter autre chose qu'un cataplasme, comme dit le député de Bellechasse. Nous voterons pour le bill en principe, mais nous aurons plusieurs questions à poser en comité plénier, et nous allons coopérer pour que soit rétabli le plus tôt possible le service essentiel, fut-il un service inadéquat, entre Lévis et Québec.

M. LAPORTE: M. le Président, très brièvement, je vais tenter de participer au débat.

M. JOHNSON: Est-ce la réplique?

M. LAPORTE: Je vais peut-être avoir quelques problèmes, je vais tâcher de m'en tenir au bill. Cela va peut-être surprendre...

M. JOHNSON: Est-ce juste pour remplir du temps en attendant?

M. LAPORTE: Non, non, c'est pour remplir quelque chose de vide que le chef de l'Opposition a laissé en cours de route.

Je voudrais simplement...

M. JOHNSON: Cela prend du temps avec l'air du ministre, cela prend du temps à remplir quelque chose.

M. LAPORTE: Vous êtes encore pris dans votre chambre de toilette, vous êtes retourné dans votre chambre de toilette de tantôt, c'est dangereux.

M. JOHNSON: C'est une salle de bain.

M. LAPORTE: M. le Président, je vais résumer ou vous rappeler brièvement, on a pu oublier, pendant les digressions du chef de l'Opposition, le but de la loi. Essentiellement, c'est pour permettre au gouvernement de régler une situation de fait, c'est-à-dire l'interruption du service de bateaux-passeurs entre Lévis et Québec Non seulement à régler une situation dans l'immédiat, tout le monde s'entend sur la nécessité de la régler, et les journaux de Québec, et ceux qui ont participé aux débats, du côté de l'Opposition, tout le monde. Mais également prévoir dans nos lois le mécanisme qui nous empêchera de revenir en session spéciale s'il arrivait que d'autres situations analogues se présentent.

L'objet, c'est donc de modifier la loi. Le but, c'est-à-dire le moyen de remettre en service le traversier Lévis-Québec, c'est une modification en vertu de laquelle — et c'est là que sont les principes essentiels de la loi — pour abandonner un service public de transport par navigation comme c'est actuellement le cas pour d'autres choses; autobus, taxis et le reste, il faudra obtenir la permission de la Régie des transports. Et si l'on n'obtient pas la permission de la Régie des transports, le Conseil des ministres sera autorisé à nommer un administrateur, administrateur qui, en vertu de la loi, sera investi de pouvoirs suffisants à l'intérieur de la juridiction réservée à la province par la Constitution, pouvoirs suffisants pour lui permettre de répondre aux objectifs de la loi. Il a le pouvoir de gérer les biens, le pouvoir de percevoir les revenus, le pouvoir de conclure tout contrat ou engagement. L'on imaginera que dans le sujet plus particulier qui nous réunit aujourd'hui, le pouvoir de passer des contrats est évidemment l'un des plus fondamentaux que nous ayons à étudier puisque la traverse de Lévis ne fonctionne pas pour deux raisons: parce que les maîtres et les assistants ont décidé de quitter le travail pour des raisons qui, à moi, me paraissent pleinement justifiées et que, deuxièmement, la compagnie, pour des raisons qui lui sont propres, ne semble pas désireuse de vouloir reprendre les négociations mais semble au contraire satisfaite que les négociations ne reprennent pas.

On peut se demander quel va être l'effet de cette loi. Certaines gens, dans l'Opposition, ont félicité le gouvernement d'agir comme il le fait actuellement; d'autres ont dit que la loi était une déception. Mais si la loi avait été passée pour régler les problèmes de transport dans Québec et autour de Québec, encore serait-il possible de discuter si c'est ou si ce n'est pas

décevant! Mais ce n'est pas ça. Le bill no 1 qui est actuellement devant nous serait décevant si le service de traversiers entre Québec et Lévis ne reprenait pas à la suite de l'adoption de la loi. C'est ça qui serait décevant, puisque c'est son but. Or, qu'est-ce qui se produit? Le député de Lévis a précisément fait allusion à ce texte très précis: « les capitaines ont pris connaissance du projet de loi. Ce sont les premiers intéressés » et ils déclarent: « dans les circonstances, les capitaines et les seconds, pleinement conscients de leurs obligations à l'égard du public, ont unanimement décidé, cet après-midi... » Ce projet de loi a été déposé ce matin; ils ont siégé, ils en ont pris connaissance, ils ont décidé unanimement, les quatorze, cet après-midi, de mettre fin à leur arrêt de travail et de reprendre leurs fonctions dès la nomination d'un administrateur par le lieutenant-gouverneur en conseil. Est-ce qu'on peut demander exécution plus complète d'une loi qui a justement ce but-là?

M. le Président, la loi aura son effet puisque le service va reprendre dès la nomination de l'administrateur et le premier ministre a déjà dit qu'aussitôt la session terminée, le Conseil des ministres va siéger pour étudier la nomination de cet administrateur. On pourrait relever, c'est surtout ça que je voulais faire au cours de ce discours, certaines erreurs d'interprétation qui ont été faites à la suite de l'annonce de cette session.

Certaines personnes ont cru commenter la loi avant de l'avoir vue. Et je Us, par exemple, dans The Montreal Star du 20 octobre 1965 un article intitulé « National Union Chief fears blow to labour » — « Le chef de l'Union nationale craint qu'on ne porte un coup au travail organisé ». « A Montréal — si vous me permettez de traduire à mesure que je lis — A Montréal, le chef de l'Opposition, M. Daniel Johnson...

M. Johnson; Quel journal?

M. LAPORTE: The Montreal Star. « M. Johnson a prétendu que le gouvernement projette de proposer une législation qui va rendre illégal l'arrêt de travail dans un service public sans une permission spéciale. M. Johnson a ajouté que le gouvernement se prépare à amender le code du travail...

M. DOZOIS: Ce n'est pas à l'ordre. M. BERTRAND: Ce n'est pas à l'ordre.

M. DOZOIS: Ce n'est pas dans la deuxième lecture, ce n'est pas le principe du bill.

M. LAPORTE: Est-ce que j'ai le droit, M. le Président, au moins de rectifier des déclarations publiques qui vont justement à l'encon-tre du principe de la loi?

M. BERTRAND: Celles qui ont été faites ici, oui.

M. JOHNSON: M. le Président, je serai obligé tantôt — je n'ai pas lu cet article, je me souviens d'avoir eu une entrevue — mais si ça continue dans cette veine-là, je serai obligé de faire une mise au point. Ou on m'a mal compris ou le ministre lit mal ce qui est là ou il sort du contexte.

M. LAPORTE: Alors pour être bien sûr de lire comme il faut, M. le Président, je ne cite pas ça tellement pour contredire le chef de l'Opposition que pour faire la mise au point qui s'impose actuellement. Il ne faut pas que le monde ouvrier ait le moindrement l'impression que le projet de loi, actuellement, a pour but de limiter le moindre de leurs droits. C'est surtout ça que je veux dire...

M. JOHNSON: Bien voici...

M. LAPORTE: Et je vais citer d'ailleurs, qui n'est pas du chef de l'Opposition, un commentaire d'un éditorialiste.

M. JOHNSON: Si le ministre me le permet, ça va être très simple. Ce que j'ai déclaré à ce moment-là, je ne connaissait pas le projet de loi, j'ai déclaré qu'il s'agissait évidemment d'un arrêt de travail de personnes non syndi-cables. C'est ça, les capitaines et les seconds sont non syndicables. Mais tantôt je me réservais en comité plénier de discuter de 36b par exemple qui pourrait être interprété précisément dans ce sens-là, dans le sens où l'administrateur pourrait donner des ordres dans tenir compte des conventions collectives et ça, je pense que c'est une question de détail que je ne voulais pas en tout cas traiter en deuxième lecture.

M. LAPORTE: Alors, M. le Président, voici, Je vais le dire en anglais. Le chef de l'Opposition pourra faire les rectifications après coup. « In Montreal, Opposition Leader Daniel Johnson claimed that the Government is planning legislation that will make work stoppage by public service employees illegal without special permission. Mr. Johnson said that the Government was prepared to amend the Quebec Labour Code, so that no public transportation system can be halted ».

L'autre phrase est, disons moins importante, et la Presse Canadienne traduit en français; « Le gouvernement de Québec projette de voter une loi qui interdirait aux employés des services publics de faire la grève sans une permission spéciale ».

M. JOHNSON: M. le Président, je dois tout de suite, puisque j'ai épuisé mon droit de parole, je dois tout de suite faire la rectification. Le journaliste a mal compris, tout ce que je connaissait du projet de loi, c'est ce que le premier ministre a bien voulu m'en dire au téléphone. Il m'avait clairement expliqué le cas et je croyais avoir clairement expliqué la législation projetée à ce journaliste qui, évidemment, n'a pas fait la distinction entre la Commission des relations du travail et la Régie des transports. Ce que j'ai dit c'est que le gouvernement voulait passer une loi à l'effet qu'aucun service public de transport de passagers et de marchandises par eau ne pourrait cesser ses opérations sans permission de la Régie des transports. Et c'est exactement ce que le bill dit, d'ailleurs.

M. LAPORTE: Alors, M. le Président, je prends acte de la rectification du chef de l'Opposition et un quotidien de Montréal faisait le commentaire suivant, non pas sur les paroles du chef de l'Opposition, mais sur le projet de loi...

M. JOHNSON: Lequel celui-là?

M. LAPORTE: La Gazette de Montréal, le 22 octobre 1965: « This is the first step that has been taken to modify the rights given last year to all the public services to resort to stricke action ».

Alors, M. le Président, je tiens à déclarer très catégoriquement que le bill No 1 que nous sommes à étudier actuellement n'a ni pour but ni pour effet de modifier de quelque façon que ce soit les droits que peuvent avoir actuellement les employés et les employeurs dans leurs relations patronales syndicales. Le Code du travail n'est modifié d'aucune espèce de façon.

M. JOHNSON: Attendez un peu. Ce n'est pas tout à fait exact.

M. LAPORTE: Comme je le disais tout à l'heure le chef de l'Opposition a dû prendre sa grosse loupe pour tâcher de voir les virgules plus grosses qu'elles ne le sont, mais je dis que l'objet de la loi n'est d'aucune façon de modifier les relations ou la base légale des rela- tions entre le patron et l'ouvrier. La seule chose qui va changer c'est que l'interlocuteur patronal pourra être modifié. Je prends le cas actuellement qui nous intéresse; celui de la Traverse de Lévis à compter de demain, si un administrateur ou à compter de la minute où un administrateur sera nommé s'il l'est, les capitaines et les assistants-capitaines et les autres employés de la Traverse de Lévis ne s'adresseront plus à l'employeur actuel mais à une autre personne nommée administrateur qui sera investi de tous les pouvoirs de négociation. C'est ça le sens de la loi. Les droits qu'avaient les ouvriers face à l'employeur vont demeurer absolument intacts en face de l'administrateur; mais ça évidemment, c'est fondamental et dans le cas traverse Lévis-Québec, il est clair que la première discussion qu'il pourrait y avoir avec un administrateur va porter sur les salaires. Que des capitaines soient payés $125 à Trois-Rivières et qu'ils obtiennent $140 par semaine à compter du 1er octobre 1966 pour une semaine de 42 heures, que les seconds capitaines à Trois-Rivières soient payés $115 pour 42 heures et qu'ils aient $125 à compter du 30 septembre ou du 1er octobre 1966 et que ceux de Québec aient $80 pour une semaine de 48 heures au lieu de 42 et les assistants $60 par semaine, il est bien clair que ceci va faire l'objet de négociations immédiates, rapides et fructueuses, je l'espère. Et nous apprenions cet après-midi que le projet de convention collective des syndicats nationaux est arrivé et prêt pour être soumis à la discussion et que c'est l'administrateur, si un administrateur est nommé qui va charger de cette négociation.

Je dis donc, que nous réglons le problème. Première chose importante, fondamentale, c'est que les gens puissent recommencer à se servir du traversier. Deuxièmement, que les ouvriers, capitaines ou autres qui travaillent sur ces traversiers aient un interlocuteur capable ou désireux de les entendre. S'ils décident, à la fin de la négociation avec l'administrateur, de faire la grève, c'est un autre problème ça. Ce droit-là ne leur est nullement enlevé. D'ailleurs, ça ne s'adresse pas aux capitaines ou à leurs assistants parce qu'ils ne sont pas syndicables, tout le monde l'admet. Cela c'est le deuxième problème qu'il faut régler; redonner aux employés un interlocuteur qui est désireux de les entendre. Aucun espoir, termine le chef de l'Opposition. Oh!, je ne prétendrai pas que la législation que nous proposons actuellement fait des miracles. Elle n'a pas été préparée ni bâtie pour faire des miracles; elle a été préparée pour répondre à des situations de fait et

dans ce domaine-là, elle en donne des espoirs. Elle donne évidemment à la population l'espoir que le service va reprendre. Cela, c'est le premier espoir que la loi devait envisager. Elle va donner aux capitaines et à leurs assistants, un espoir précis, celui que des négociations qui ont été interrompues et qui ne devaient pas reprendre apparemment pourront être reprises.

Vous avez donc la population, les dix mille personnes qui utilisent chaque journée le bateau, elles ont l'espoir précis que le service va reprendre. Les capitaines ont un espoir précis qu'il va se réaliser, les autres employés ont également, avec le projet de loi qui est devant nous, l'espoir précis qu'ils pourront obtenir des négociations normales et probablement un meilleur traitement que celui qui est le leur actuellement.

Je dis donc, M. le Président, que pour toutes ces raisons, le projet de loi qui est actuellement devant nous répond très bien aux objectifs qu'il veut atteindre et que nous avons, chose qui ne se présente pas tous les jours dans l'administïation publique, nous avons la certitude, depuis la réunion des capitaines et des assistants-capitaines, qu'aussitôt que la loi aura été sanctionnée et que le lieutenant-gouverneur aura nommé un administrateur, la loi aura atteint pleinement son but. Je pense qu'on ne pouvait pas en demander plus, M. le Président.

M. BELLEMARE: M. le Président, vous me permettrez juste une courte intervention, d'abord pour vous présenter mes respectueux hommages, mes félicitations les mieux senties pour votre nomination qui réjouit tous les membres de cette Chambre, des deux côtés, et en particulier celui qui vous parle. Je n'ai pas besoin de vous dire que ça été long l'apprentissage avec votre prédécesseur et je ne lui fais pas de reproches, au contraire, je tiens à lui présenter l'expression de mes plus sincères remerciements d'avoir usé autant de commisération et de patience à l'endroit d'un député aussi turbulent. Mais je sais, M. le Président, comme dit la fable; « Le chasseur visant le blanc tue le noir », vous viserez plutôt au loin qu'au près. Je vous remercie, M. le Président, d'avance de toutes ces délicates attentions que vous aurez à l'endroit du député de Champlain et je vous présente...

M. LESAGE: Les indulgences...

M. BELLEMARE: ... les indulgences souventefois renouvellées et je vous promets d'avance, avec toute la sincérité que je suis capable d'avoir, lorsque j'ai le ferme propos de mes péchés, d'essayer de m'améliorer.

M. le Président, juste un mot du bill numéro 1. D'abord, il y a quelque chose, qui, à mon sens, est dans le peuple, lorsque nous avons l'occasion de causer de ces problèmes urgents, et ce midi par exemple, j'en causais autour d'une table avec quelques intéressés, il est surprenant de constater avec quelle précipitation la Régie des transports a renvoyé la requête des propriétaires du service de la traverse en la disant prématurée...

M. LESAGE: Bien non!

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais attirer l'attention d'abord de l'honorable premier ministre et du leader qui se sont servis de l'exemple des Trois-Rivières, à plusieurs reprises...

M. LAPORTE: C'était un bel exemple!

M. BELLEMARE: ... et la citant plusieurs fois dans leurs remarques. D'abord je dirai que le service de la traverse de Trois-Rivières est une traverse municipalisée et, lorsqu'il y a des déficits, le déficit est assumé par les contribuables. Je dirai ensuite que les tarifs qui sont la base de l'opération déficitaire avantageuse pour la municpalité est un tarif plus cher que celui qui se paie présentement à la traverse de Québec. $0.25 par passager, $0.75 par automobile et $2.50 du camion, hiver comme été. Quand on considère qu'ici à la traverse de Lévis il y a un billet de 8 pour $1., $0.40 l'automobile, le camion est en équipolent. M. le Président, pour les opérateurs de la traverse, c'est sûr et certain qu'ils avaient droit de se faire entendre devant la Régie pour dire: nous avons besoin d'une augmentation de tarifs si nous voulons répondre aux besoins et surtout à l'évidence du salaire que nous demandent nos fonctionnaires, nos employés. Comme, M. le Président, la Compagnie de transport provincial qui s'est présenté deux fois devant la Régie invoquait, elle aussi, à ce moment-là, des dépenses urgentes pour demander l'augmentation de ses tarifs, il n'avait pas immédiatement produit les dépenses, il devait les produire, il devait les faire.

Comme d'ailleurs, la compagnie de téléphone Bell s'est présentée trois fois devant la Régie des services publics et a demandé l'augmentation de ses tarifs en disant: « Voici, nous avons $10 millions, $25 millions, $30 millions que nous devons envisager pour donner un service régionalisé et pour étendre, surtout, le téléphone automatique. » Mais, M. le Président, ce matin, l'honorable premier ministre a dit; « Us se sont présentés devant la Régie et la Régie leur a répondu: « Mais allez régler vo-

tre problème avec vos employés et après ça vous viendrez nous voir et on rendra une décision en conséquence. » Mais pourquoi une décision comme celle-là dans un cas particulier, quand la Régie a déjà en maintes autres occasions, donné une réponse bien avant que les travaux ne soient faits, bien avant que les sommes n'aient été dépensées. Mais pourquoi?

M. LAPORTE: Cela, c'est le secret de la Régie...

M. BELLEMARE: M. le Président, je dis que là, et uniquement là est venu tout le trouble. Et c'est pour ça qu'il y a eu une lettre à Son Honneur le maire, adressée à l'honorable premier ministre pour lui dire: « Nous avons actuellement une situation difficile. Le contrat, celui de 1929, est précis il finira le 30 avril 1965. » Mais il est dit dans le contrat que deux ans avant la cessation, nous devrons prendre des dispositions pour reviser tout le contrat. Et c'est ce qui a été fait par Son Honneur le maire Hamel, président du comité conjoint, qui a averti l'honorable premier ministre qu'il devait adopter, quant au maintien du service de la traverse, étant donné l'incertitude qui existe actuellement au sujet des mesures que le gouvernement de la province se propose de prendre pour améliorer ce service...

M. le Président, l'incertitude, c'est que le gouvernement se devait, comme disait l'honorable premier ministre en 1960: « Donnez à Lévis et à Québec une facilité de communication. » 1960, disait-il. « Il faut qu'en 1960 il y ait entre Québec et Lévis une relation au point de vue économique, mais une relation aussi au point de vue communication. » C'est le premier ministre qui disait ça dans le temps. Chef d'un parti qui, à ce moment-là, voulait prendre le pouvoir, il l'a pris, le pouvoir. Est-ce que l'honorable premier ministre, dans cinq ans, a réalisé qu'un nouveau pont, complètement à l'autre bout de Québec, pouvait rendre plus faciles les communications économiques et les communications entre Québec et Lévis? Je dis non. L'intention de l'honorable premier ministre, c'était, à ce moment-là, de relier les deux grandes villes de Lévis et de Québec.

M. LESAGE: M. le Président, je vais être obligé de répondre. Je vais être hors... je vais violer le règlement...

M. BELLEMARE: M. le Président, je dirai ceci.

M. LESAGE: Je viole le règlement.

M. BELLEMARE: Je suis heureux de voir que le gouvernement de la province a garanti les obligations de la Corporation du pont de Trois-Rivières pour établir une communication entre Ste-Angèle et Trois-Rivières. Je suis heureux de constater qu'il y avait là une traverse qui donnait déjà un service merveilleux puisqu'il y avait trois bateaux-passeurs qui étaient presque neufs et donnant un service à toutes les demi-heures, mais bien meilleur que celui de Québec. L'honorable premier ministre a donné, à ce moment-là, avec son gouvernement, une garantie des obligations de la Corporation du pont de Trois-Rivières. Mais pourquoi pas pour Québec? Mais pourquoi pas pour Lévis? Elles sont ici deux grandes villes...

M. LESAGE: Mais à Québec, le pont nous le construisons nous-mêmes...

M. BELLEMARE: M. le Président, ne parlons pas du pont qui se trouve complètement à l'extrémité...

M. LESAGE: Bien, voyons donc!

M. BELLEMARE: Non, M. le Président. Ce n'est pas ça que voulait dire l'honorable premier ministre dans le temps. Ce n'est pas ça. Ce pont-là servira de pont provincial pour relier les vingt-cinq comtés du sud avec les comtés du nord. Mais ce qui est important, ce qui est économiquement important actuellement, c'est que Québec qui est la grande cité, la capitale du Québec doit avoir avec Lévis, sa ville jumelle et toutes les autres villes qui l'entourent, une communication directe.

M. LESAGE: Ce n'est pas Lévis sa ville jumelle, c'est Calgary!

M. BELLEMARE: M. le Président, le premier ministre pourra me reprendre sur certains allégués, mais je dis...

M. LESAGE: C'est Calgary!

M. BELLEMARE: ... M. le Président, qu'il faut qu'il y ait entre Québec et Lévis d'autre chose qu'un bill et un administrateur. Nous voterons en faveur du bill numéro 1 parce que c'est la base, il faut rétablir le système, c'est un point crucial. Il y a la un malaise. Le gouvernement fait bien de nous amener ce bill. Il y a dans le détail des choses que nous ferons valoir, mais ce n'est pas ça le problème.

Le problème, depuis deux ans le gouvernement l'a devant lui. Il l'étudie, peut-être!

Mais la solution vient par une session spéciale, devant un « must » qu'il faut accomplir. Non, M. le Président! Si la traverse de Trois-Rivières, qui est une traverse municipale, fonctionne admirablement bien avec, au point de vue financier, des résultats qui sont très enviables, il y a eu d'abord une revision des tarifs, il y a eu l'organisation par la cité de Trois-Rivières de nouveaux bateaux-passeurs; il y a eu la construction par la Corporation du pont de Trois-Rivières la garantie des obligations faites par le gouvernement. Mais ici, à Québec, on est aujourd'hui devant un impératif, pourquoi? Parce que, il y avait un contrat, contrat fait en 1929, et qui disait qu'il y aurait là un comité conjoint qui devrait prendre les dispositions pour que la traverse entre Lévis et Québec fonctionne. On leur a donné des pouvoirs qui se terminent en 1965, le 30 avril; le contrat, qui se terminait en 1965, le 30 avril, a été porté à l'attention de l'honorable premier ministre par une lettre de Son Honneur M. le maire Hamel, le 28 janvier 1964, et il le disait: « C'est impérieux qu'une décision soit prise ». Une décision a été prise en faveur de la construction d'un pont qui servira à la province, mais une traverse désuète restera ici pour servir les intérêts économiques de Québec.

Ce n'est pas ça, M. le Président! Il faut que le gouvernement prenne en main...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je dois invoquer de nouveau le règlement?

M. BELLEMARE: M. le Président, je vais baisser le ton.

M. LESAGE: pas le ton, c'est ce que vous dites. Tenez-vous en au bill.

M. BELLEMARE: Oui, l'article 556 c'est clair. Si je le comprends le moindrement « ou toute autre méthode d'atteindre les fins du bill », mais les fins du bill, M. le Président, c'est de donner à la ville de Québec et à la rive sud un service adéquat.

M. LAPORTE: M. le Président, j'Invoque le règlement. Je voudrais bien que le député nous explique s'il va rétablir le service des bateaux-passeurs en bâtissant un pont.

M. BELLEMARE: M. le Président, je dis que je serai en faveur du bill parce qu'on va aller à l'immédiat, mais je dis par exemple que ce n'est pas le règlement que devrait prendre le gouvernement avec un budget de $1,800,000,000.

M. LESAGE: C'est ça qui est hors d'ordre.

M. BELLEMARE: C'est ça qui est hors d'ordre? Mais c'est ça qui est vrai, par exemple. Vous qui vous basez, parce que vous êtes Québécois pour trouver la solution la plus immédiate au problème en disant; il faut un service; ajoutez donc: oui, il faut un service, mais je vous promets qu'il va y avoir une autre sorte de service plus rapide d'ici quelques années. Pardon?

M. LESAGE: Quelle sorte? M. BELLEMARE: Un pont. M. LESAGE: Un pont sur le cap Diamant?

M. BELLEMARE: Oui, pourquoi pas, M. le Président?

M, LESAGE: Ah bien! je vais vous répondre, par exemple, ah là! vous allez y goûter.

M. BELLEMARE: Voyons donc, M. le Président, le premier ministre va dire que ce n'est pas possible de bâtir un pont sur le cap Diamant...

M. LESAGE: C'est possible, mais voyez-vous détruire... mais savez-vous ce que vous dites?

M. BELLEMARE: Oui, je le sais parce que, M. le Président, il y a eu des ingénieurs qualifiés qui ont étudié les deux situations, celle d'un tunnel et celle d'un pont.

M. LESAGE: Mais il est fou ! Je m'excuse.

M. BELLEMARE: M. le Président, l'Evangile dit: « Si je dis à mon...

M. LESAGE: Non, je m'excuse.

M. BELLEMARE: Ah bon! parce qu'avant le coucher du soleil vous êtes...

M. LESAGE: Non, non, mais c'est sorti malgré moi, ça n'a tellement pas de bon sens.

M. BELLEMARE: Le dites-vous souvent de même à vos ministres? Il doit dire ça souvent à ses ministres. Alors, M. le Président, je suis assuré que si le premier ministre a donné un service pour l'amélioration de Trois-Rivières et de la rive sud, un service qui sera d'ici à quelques années meilleur avec le nouveau pont, en ajoutant la garantie du gouvernement. Je dis

que pour la cité de Québec, la capitale, il se devait là aussi d'apporter une garantie immédiate pour rétablir un service entre les deux villes.

Nous aurons tout à l'heure l'occasion d'envisager article par article et je ferai valoir certains arguments en ce qui touche les syndicats, c'est-à-dire les mouvements ouvriers. Mais je trouve d'ores et déjà que les pouvoirs de l'administrateur sont vastes, sont immenses, et sur ça, M. le Président, c'est le principe du bill quand je parle de la nomination d'un administrateur aux services multiples, aux obligations immenses, là je parle du principe du bill qui nomme un administrateur, ça c'est le principe. Alors, je trouve que dans aucune institution parlementaire, pas même quand il s'est agi de la grève des chemins de fer sous M. St-Laurent, on a donné au comité fondé à ce moment-là des pouvoirs aussi discrétionnaires, jamais.

M. LESAGE: M. le Président...

M. BELLEMARE: Non, M. le Président! le premier ministre me répondra.

M. LESAGE: En comité, en comité.

M. LAPORTE: En comité, si vous voulez.

M. BELLEMARE: Pas plus, M. le Président, quand il s'est agi de la loi pour la CIM.

M. LESAGE: Ah non.

M. BELLEMARE: Non, M. le Président.

M. LESAGE: 12, Elizabeth II, chapitre 17.

M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai lu ça, j'ai pris mes précautions, je sais ce que je dis, le premier ministre me traite de fou des fois, mais...

M. LESAGE: Oh non, non.

M. BELLEMARE: ... je ne suis pas si fou que ça, des fois je lis moi aussi, je comprends.

M. LESAGE: Non, non. Lisez comme il faut.

M. BELLEMARE: Ah oui, je le sais que ça existe, c'est pour ça que je le dis. M. le Président. Le premier ministre est instruit, nous autres on n'est pas instruits mais ça ne fait rien, on travaille quand même, on cherche, des fois on trouve. Je dis, M. le Président, que les pou- voirs qui sont insérés dans cette loi-là sont des pouvoirs nouveaux, sont des pouvoirs qui vont extrêmement loin, en portée et qui pourront peut-être s'appliquer dans d'autres institutions gouvernementales, quand il s'agira des services publics ou de la santé publique.

M. LESAGE: Sécurité.

M. BELLEMARE: Oui, oui, je la vois venir, moi aussi.

M. LESAGE: Sécurité.

M. BELLEMARE: Je la vois venir, moi aussi. Je sais que le premier ministre va se loger à cette adresse-là.

M. LESAGE: Quoi?

M. BELLEMARE: Et je dis, M. le Président, et je sais où le premier ministre va se loger avec ce bill-là. Je dis que ce qu'on a introduit aujourd'hui dans la législation, est, c'est du droit nouveau mais qui va extrêmement loin et qui est extrêmement dangereux quant à ses conséquences. Cela ne s'est jamais vu, M. le Président. C'est 'du dirigisme d'état, ça en est du pur et simple dirigisme d'état qu'on inscrit en toutes lettres dans un bill de la Législature. Je m'élève, et je dirai pourquoi tout à l'heure en comité plénier. Je dis donc, M. le Président, que le premier ministre s'en vient avec une arrière-pensée, et je la connais.

M. LESAGE: II n'a pas le droit de dire ça.

M. BELLEMARE: Non, non, je retire ça, mais je le sais quand même.

M. LESAGE: Au moins, j'ai retité sans condition.

M. BELLEMARE: Eh bien, sans condition, mais tout le monde le sait maintenant. Alors, M. le Président, je termine donc en disant à l'honorable premier ministre que l'essentiel, l'urgent, nous en sommes, que s'il voulait aller plus loin, rendre à sa ville québécoise qu'il aime, à la capitale de la province de Québec un plus grand service, ce serait de donner à Québec et à Lévis une facilité pour que la population, les populations puissent communiquer au point de vue économique, au point de vue de relations culturelles et en fin de compte pour toutes les autres relations industrielles et commerciales, plus facilement, et que, s'il a donné une garantie sur les obligations du pont de

Trois-Rivières, il aurait pu dans sa générosité donner à la ville de Québec une plus grande attention.

Donc, M. le Président, je suis satisfait, très heureux de voter en faveur de ce bill, moins certains arguments que je ferai valoir tout à l'heure en comité plénier.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai l'intention d'etre très bref. Le chef de l'Opposition a traité d'un grand nombre de sujet. Pour ce qui est du principe du bill lui-même, il s'est contenté de dire qu'il était favorable. Je n'ai pas l'intention de le suivre dans tous les domaines dans lesquels il est entré. Je voudrais simplement lui rappeler que le Lloyds of London est une société privée qui classifie les navires, oui, pour ses fins d'assurances et qu'il n'est nullement nécessaire d'être classé par les Lloyds pour pouvoir opérer un navire, que ce navire soit classé par les Lloyds pour pouvoir opérer un navire. Ce qui est essentiel, c'est d'obtenir un certificat de navigabilité « seaworthiness » du service canadien d'inspection des navires. Ce certificat est donné lorsque les inspecteurs de ce service, il y en a ici à Québec, il y a un bureau de ces inspecteurs ici à Québec. Lorsque ces inspecteurs, dis-je, sont satisfaits de ce que les navires remplissent toutes les exigences des règlements de sécurité, règlements de sécurité qui sont faits, édictés en vertu des dispositions de la loi de la marine marchande du Canada, alors l'affaire de Lloyds, ça n'a rien à y faire.

Il y a des inspecteurs de navires du ministère des Transports, ici à Québec, qui inspectent constamment les navires, qui sont très sévères et je sais des autorités de la compagnie que l'on exige constamment que des plaques d'acier de la coque des navires soient remplacées au fur et à mesure qu'il y a la moindre trace de faiblesse dans l'acier, traces que l'on décèle en faisant des trous dansl'acier et l'on fait cette inspection tous les ans. Alors les navires, les bateaux-passeurs sont en excellent ordre parce que les exigences des inspecteurs du ministère fédéral des transports, du service de la marine marchande, sont extrêmement sévères. Je suis personnellement au courant de cette situation.

Alors vous tentez de dresser des épouvan-tails à la population en prétendant que les bateaux sont dangereux par le fait qu'ils ne sont pas classifiés chez les Lloyds. Eh bien, je trouve que c'est un manque de responsabilité qui n'est pas digne du chef de l'Opposition. Ce qui est important, c'est que les certificats d'inspection et de navigabilité soient émis par ceux qui sont responsables de la sécurité des navires au Canada, c'est-à-dire les inspecteurs du service de la marine marchande du ministère des Transports.

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre peut bien défendre les inspecteurs du service des transports à Ottawa...

M. LESAGE: Je ne défends pas les inspecteurs, je donne les faits.

M. JOHNSON: ... mais je dis, M. le Président, me basant sur des témoignages de gens qui utilisent ces bateaux plus d'autres témoignages concernant celui des Lloyds, que ces bateaux-là ont le strict minimum et...

M. LESAGE: Bien oui, mais ce sont des cancans, ça, M. le Président. On vient ici en Chambre, on affirme alors qu'on a la responsabilité de chef de l'Opposition, on affirme des choses en disant: « On m'a dit que... on m'informe que ». On ne peut pas dire ça. Moi, au moins, j'ai la connaissance personnelle que ces navires sont inspectés régulièrement et qu'ils ont...

M. BELLEMARE: On ne conteste pas ça.

M. LESAGE: ... des certificats au point de vue de sécurité.

M. JOHNSON: Ils sont officiellement corrects.

M. LESAGE: Ils sont corrects, point parce qu'ils ne pourraient pas être officiellement corrects s'ils ne l'étaient pas...

M. JOHNSON: Réellement...

M. LESAGE: ... s'ils ne remplissaient pas toutes les conditions nécessaires de sécurité dans les faits. C'est aussi simple que ça et je sais pertinement que les inspecteurs de la marine marchande sont très sévères pour autant qu'il s'agisse de la navigabilité des navires. Cela je le sais pertinement, personnellement. J'en ai eu connaissance au cours des années et je sais aussi qu'année après année, en ce qui concerne les traversiers entre Québec et Lévis, la compagnie de la Traverse de Lévis a été obligée par les inspecteurs de faire remplacer à des coûts très élevés, chaque année, des plaques d'acier de coques de navires pour la moindre faille dans l'acier. Cela,- je sais ça personnellement. Alors qu'on ne vienne pas es-

sayer de faire des épouvantails aux gens. Il s'agit de batreaux qui remplissent toutes les conditions nécessaires non pas pour une sécurité strictement minimum, mais pour la sécurité des passagers, point.

Le député de Champlain a critiqué, je ne sais pas pourquoi — bien, il a donné une raison — la Régie des transports pour le jugement rendu le 16 août 1965, jugement qui, dit-il, a été rendu avec précipitation. Or, la cause a été entendue à partir du 13 juillet. Le jugement a été rendu un mois plus tard. Est-ce qu'un mois de délibéré est franchement de la précipitation?

Si ça avait pris plus qu'un mois, on aurait accusé la commission de lenteur, on aurait pu l'accuser de refuser de vouloir prendre ses responsabilités et de rendre jugement. M. le Président, il est clair que si un jour le député de Champlain pratique le droit, quand ça fera un mois qu'il attendra un jugement il commencera à trouver le temps long. Il saura qu'un mois de délibéré n'a jamais été considéré comme de la précipitation par des avocats. Ce n'est pas moi qui l'ai dit qu'il y avait eu précipitation...

M. BELLEMARE: Un instant, M. le premier ministre. Est-ce que le premier ministre me permet? D'abord je ne demanderai pas au premier ministre de me passer un bill pour me faire recevoir avocat.

M. LESAGE: Non, non, mais j'avais le droit de le prendre,..

M. BELLEMARE: Bien sûr. M. le Président, d'abord si j'ai dit avec précipitation...

M. LESAGE: Oui, vous avez dit...

M. BELLEMARE: ... je voudrais dire que la décision qu'a rendue la Régie à ce moment-là en disant que c'était prématuré laissait entrevoir de la part de la Régie un peu de précipitation dans son jugement.

M. LESAGE: Bien non.

M. BELLE MARD: Oui, oui, quand ils ont dit: c'est prématuré.

M. LESAGE: Je ne comprends pas votre raisonnement.

M. BELLEMARE: Bien voici mon raisonnement. C'est que c'est permissible quand il s'agit de l'augmentation des taux pour le Bell Telephone sans avoir... le travail.

M. LESAGE: Bien oui, mais...

M. BELLEMARE: C'est permissible pour la Compagnie de transport provincial...

M. LESAGE: Non...

M. BELLEMARE: ... sans avoir fait les achats, sans avoir répondu à...

M. LESAGE: Je vais lire le texte du jugement.

M. BELLEMARE: Je le sais, M. le Président...

M. LESAGE: Bien oui, mais c'est important...

M. BELLEMARE: ... ils finissent en disant: c'est prématuré.

M. LESAGE: Je regrette, mais c'est important que, je crois, il apparaisse au journal des Débats les raisons données par la Régie des transports parce qu'on verra que c'est loin d'être un jugement précipité et qu'il n'y avait pas lieu de s'attendre à d'autres preuves. La compagnie avait fait sa preuve le 13 juillet et voici ce que dit le jugement: « La requérante a spécifié tant dans sa réponse aux résolutions des cités de Québec et de Lévis que dans sa requête à la régie que l'augmentation de ses tarifs était nécessitée spécifiquement par les facteurs suivants: a) le contrat de travail existant entre la compagnie et ses employés s'est terminé le 1er juillet 1965 et la compagnie dit savoir qu'elle devra consentir des augmentations substantielles de salaire ».

Or, ce n'est qu'avant-hier, le 20 octobre, que les employés, je ne parle pas des capitaines et des seconds, mais tous les employés unis dans un syndicat de la CSN ont fait parvenir à la compagnie une proposition de contrat ou de convention collective de travail dont j'ai une copie dans les mains, et ça ce n'est qu'avant-hier. Alors il était clair qu'à ce moment-là, la compagnie ne pouvait pas faire la preuve de ce que lui coûteraient les augmentations de salaire puisque ça c'était au mois de juillet, ce n'est qu'avant-hier que l'union, pour me servir d'un terme commun, ou le syndicat, a fait parvenir, je ne sais même pas si la compagnie l'a reçu à date, un projet de convention collective dont on m'a remis une copie. On m'a remis cette copie, on me l'a envoyée porter cet après-midi. La

deuxième raison, c'est qu'il y aura augmentation dans les dépenses d'opération à cause de l'âge des navires.

Alors le jugement de laRégie continue comme suit: « Le fait que la requérante s'est déclarée prête à mettre à la disposition du public entre Québec et Lévis de nouveaux traversiers ne peut, dans l'opinion de la Régie, entrer en ligne de compte dans l'appréciation de la requête pour augmentation de tarifs. La requérante elle-même admet qu'il est impossible de faire construire de nouveaux traversiers avec les seules recettes lui provenant du public-voyageur et qu'il y a de fortes possibilités que les gouvernements supérieurs consentent à lui verser des subsides pour assurer la construction de ces navires. La Régie est cependant laissée dans l'ignorance totale des facteurs suivants: quel sera le coût de la construction de ces navires? quelle partie de ce coût sera payée par des subsides gouvernementaux? Quand les nouveaux navires pourront-ils être mis à la disposition du public-voyageur? La Régie estime qu'elle ne peut pas non plus dans l'appréciation de la requête de la requérante tenir compte du nouveau contrat de travail qui sera négocié entre la requérante et ses employés.

L'augmentation des salaires payés par la requérante à ses employés, résultant d'un nouveau contrat de travail est aléatoire ou pour le moins indéterminée. Quant aux états financiers ou états des revenus et des dépenses de la requérante, il en résulte certes que pour la dernière année d'exploitation, les opérations des traversiers eux-mêmes ont été déficitaires. Toutefois, si l'on tient compte de tous les revenus de la compagnie, c'est-à-dire ses revenus provenant de ses voyages spéciaux, de ses intérêts sur obligations et dividendes, puisqu'il y a des réserves, des kiosques ou comptoirs qu'elle exploite et ces kiosques ou comptoirs, elle les exploite comme partie intégrante de son service tant sur les quais que sur les bateaux eux-mêmes.

Il se trouve que la requérante a réalisé des profits raisonnables pour l'année terminée le 30 avril 1965. Alors, ce que la Régie dit, en a'au-tres mots: Apportez-nous votre plan. Qu'est-ce que vous avez l'intention de faire, vous, la compagnie, pour améliorer le service? Quand allez-vous acheter les nouveaux bateaux? Quand allez-vous les faire construire? Combien est-ce que ça va vous coûter réellement? Quelle va être la dépréciation que vous allez accorder? Quelles seront les réserves que vous allez être obligés de mettre de côté chaque année en vue du paiement de ces bateaux? Quels sont les subsides que vous recevrez, subsides de construction de navires qui varient souvent d'année en année, suivant les décisions du Parlement à Ottawa pour la construction de navires au Canada? Alors, apportez-nous des chiffres. Ayez un engagement de subsides gouvernemental. Le fédéral en donne des subsides pour la construction de navires au Canada. Il en a donné pour la traverse entre l'île de Vancouver et la Colombie-Britannique continentale. Il en a donné. Il en redonnerait, il n'y a aucun doute. Il a toujours, le gouvernement fédéral, accordé des subsides pour la construction de traversiers. Il en donnerait. Mais il faudrait que la compagnie dise d'abord quel genre de traversier. Il faudrait que la compagnie sache quelles sortes d'installations le gouvernement fédéral est prêt à établir sur chacune des deux rives pour le transbordement plus facile et plus rapide des automobiles. Il n'y a rien de ça qui est venu en preuve devant la Régie. C'est une étude qui va être faite par l'administrateur. C'est évident. C'est clair que l'administrateur va être obligé de faire ces études et d'avoir les tractations avec le gouvernement fédéral pour savoir combien ça coûterait puisque cela n'a pas été fait par la compagnie.

M. JOHNSON: Mais la Régie a le pouvoir de faire ces études?

M. LESAGE: Non! Oui, mais c'est la compagnie qui est propriétaire de ces bateaux actuels qui sont encore bons pour dix à quinze ans. Alors quelle est la meilleure façon d'améliorer le service? La compagnie, quand elle est venue, elle, devant la Régie, c'était à elle de faire sa preuve, non pas à la Régie de la faire pour elle. Elle ne l'a pas faite, sa preuve. Et quant aux salaires, elle n'a pas pu la faire, et quant aux augmentations de salaires puisqu'il n'y avait même pas de négociations entre les parties à ce moment-là en autant que les employés sont concernés autres que les capitaines et les seconds.

M. JOHNSON: Le premier ministre va me permettre...

M. LESAGE: Puisque ce n'est qu'avant-hier que le syndicat a fait parvenir son premier projet de convention collective à la compagnie.

M. JOHNSON: Le premier ministre va me permettre une question. Je lui en ai permis plusieurs.

M. LESAGE: Oui, oui.

M. JOHNSON: L'article 15 du chapitre 228, Loi de la Régie des transports, prévoit que la Régie ou que toute personne spécialisée ou autorisée par celle-ci et tout régisseur désigné par le président peuvent inventorier les biens des propriétaires de service de transport, de faire des enquêtes sur la structure financière, les méthodes de comptabilité, les taux, recettes, profits, salaires et en général les affaires de ces services. Toute enquête de cette nature prescrite par le Lieutenant-gouverneur en conseil a préséance sur les autres et doit être conduite avec toute la célérité possible.

M. LESAGE: Ce n'est pas de ça qu'il s'agit.

M. JOHNSON: Ma question est la suivante; est-ce que telle enquête a été faite?

M. LESAGE: D'ailleurs, ce n'est pas de ça qu'il est question ici.

M. JOHNSON: Est-ce que le lieutenant-gouverneur a demandé qu'une telle enquête soit faite?

M. LESAGE: Ce n'est pas nécessaire. C'est la compagnie qui s'est adressée elle-même à la Régie.

M. JOHNSON: On serait plus avancé si telle enquête avait été faite.

M. LESAGE: Non, pas du tout! Il n'est pas question là-dedans pour la Régie des transports d'enquêter sur l'établissement d'un nouveau service, sur le coût d'un nouveau service, sur les facilités nécessaires pour un nouveau service, pas du tout. Ce n'est pas cela.

Quant à l'enquête sur les états financiers, elle a été faite puisque... évidemment, je n'ai pas lu tout le jugement mais que l'on me permettre simplement de mentionner que parmi les documents qui ont été produits lors de l'audition de la cause, il y a eu l'exhibit R/10: état des revenus et dépenses de la requérante pour les années 1963, 1964, 1965; R/11: état financier du comptoir de la Traverse de Lévis Ltée pour l'année se terminant le 31 mars 1965; R/12: tableau statistique des passagers ou piétons transportés par les navires de la requérante pour les années 1963-1964 et 1964-1965; R/13: tableau statistique des automobiles et des camions transportés par les navires de la requérante pour les années 1963-1964 et 1964-65. Et c'est examiné en détail par la Régie, mais il n'y avait pas de preuves qu'il y avait augmentation de coût au moment où la requête a été faite. Si l'on avait dit: à partir de telle date nous serons obligés de payer tel salaire et nous serons obligés de le payer en vertu de telle ordonnance ou de telle décision ou de telle entente ou de telle convention collective, là la Régie aurait eu une preuve devant elle. Elle aurait été en mesure de rendre une décision quant àl'augmentation des tarifs. Si la compagnie était arrivée devant la Régie en disant; « Voici notre plan, voici le genre de navires que nous allons construire, voici les avantages qu'offre un tel système de navires, de bateaux-passeurs, voici le genre de quais qu'il faudrait des deux côtés pour activer, rendre plus rapide la circulation des deux rives, plus moderne si l'on veut. Voici ce que ça va coûter, voici la construction des navires, voici ce que le gouvernement va faire pour la construction des quais, voici le subside ou la subvention qui sera payée pour la construction des navires, voici ce que ça nous coûtera réellement, voici la façon dont nous allons établir des réserves pour prévoir la dépréciation de ces navires ».

Avec cette preuve-làf la Régie aurait été en mesure de prendre une décision sur l'augmentation de tarif demandée, mais elle ne l'était pas. Il n'y a pas eu de précipitation puisque ce n'est qu'avant-hier que le premier projet de convention collective...

M. JOHNSON: Mais oui, mais...

M. BELLEMARE: II y a déjà eu des discussions.

M. LESAGE: ... je n'ai même pas eu le temps de le lire.

M. BELLEMARE: Il y a déjà eu des discussions...

M. JOHNSON: Le premier ministre... M. BELLEMARE: ... avec la compagnie. M. LESAGE: Non, non, non.

M. JOHNSON: Le premier ministre me permet-il de lui poser une question?

M. LESAGE: Non, non, je regrette, il n'y en a pas eu parce que ce n'est que le 13 octobre que le syndicat a reçu sa certification. L'autre n'a pas négocié, la compagnie n'a pas négocié.

M. JOHNSON: Si le premier ministre permet une question?

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: Est-il au courant qu'en pareille matière, en d'autres domaines, comme l'a dit le député de Champlain, la Régie avait l'habitude, après avoir entendu la cause, de dire; en principe, ça va, négociez votre contrat et quand vous reviendrez on vous accorderaune augmentation proportionnelle et rétroactive à compter...

M. LESAGE: Mais oui, ce n'est pas...

M. JOHNSON: ... du moment de l'augmentation.

M. LESAGE: Mais c'est...

M. JOHNSON: C'est ce que la Régie a toujours fait dans le passé.

M. LESAGE: Oui, mais elle ne pouvait absolument rien dire parce qu'il n'y avait rien devant la Régie...

M. JOHNSON: Oui, oui.

M. LESAGE: ... sinon des profits...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LESAGE: ... faits par la compagnie. Oui. Et tout ce qu'il y avait, c'était des plans extrêmement vagues de la compagnie, sans chiffres, pour un nouveau service et la possibilité d'augmentation dans les traitements. C'est tout. Alors dans ces conditions-là, évidemment, la Régie... mais il n'y a rien qui empêche la compagnie de retourner devant la Régie en n'importe quel temps et comme question de fait, il n'y a aucun doute que l'administrateur va aller devant la Régie après avoir négocié une collective.

Il n'y a aucun doute qu'il va demander une augmentation des tarifs pour couvrir le coût de l'augmentation des salaires; c'est clair que ça va se faire. Cela ne change rien à la situation d'aujourd'hui, de toute façon, comme d'ailleurs pour le député de Champlain qui veut défigurer le Cap Diamant...

M. BELLEMARE: pas nécessairement là.

M. LESAGE: ... construire un pont entre le Cap Diament et Lévis! pensez-vous qu'il y a un Québécois qui est fier de sa ville qui va voir une structure d'acier arriver ici sur le Cap Diamant ou encore sur le parc des Champs de bataille?

M. le Président, on voit que le député de Champlain n'est pas un Québécois fier de sa ville.

M. BELLEMARE: Si vous étiez si fier que ça, pourquoi est-ce que vous n'avez pas...

M. LESAGE: M. le Président, quand on est fier de sa ville on ne va pas la massacrer avec un mastodonte d'acier; ne calculons pas que la beauté des lieux...

M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point d'ordre. Le premier ministre n'a pas le droit de faire une colère...

M. LESAGE: ... à côté de la construction en vue... Je ne fais pas de colère, mais c'est quand même...

M. BELLEMARE: Le premier ministre n'a pas le droit de faire une colère pour essayer de cacher ses turpitudes...

M. LESAGE: Qu'est-ce qu'il dit?

M. BELLEMARE: ... ses manquements d'agir quand c'était le temps.

UNE VOIX: On en reparlera!

M. BELLEMARE: Je ne veux pas dire, M. le Président, que c'est absolument sur le cap Diamant...

M. LESAGE: Bien c'est ce que vous avez dit tantôt!

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LESAGE: Vous avez montré le Château.

M. BELLEMARE: Non, qu'on fasse un pont. Qu'on améliore le service. Depuis cinq ans que le premier ministre..

M. LESAGE: Ah bon!

M. BELLEMARE: ... est Québécois... qu'est-ce qu'il a fait? Il a laissé faire. Il n'a rien fait. Et puis aujourd'hui, il est Québécois! Ah oui! ça presse. Ah oui! là, c'est arrêté. Il est temps qu'il s'en aperçoive qu'il est Québécois et puis qu'il fasse quelque chose parce que là il va le perdre son titre de Québécois et puis on va l'appeler le « faubouron ».

M. LESAGE: Le quoi?

M. BELLEMARE: Le « faubouron »! M. LESAGE: Un quoi? M. BELLEMARE: Le « faubouron »! M. JOHNSON: Un banlieusard! UNE VOIX: Un banlieusard!

M. LESAGE: Un banlieusard! Non, M. le Président, je ne demeure ni dans Sillery ni dans Sainte-Foy, je demeure dans les limites de la ville.

M. BELLEMARE: A Bougainville!

M. LESAGE: Oui. C'est dans les limites de la cité de Québec.

M. BELLEMARE: A Bougainville!

M. LESAGE: Bougainville. C'est le nom d'un grand général d'ailleurs... au Canada.

M. BELLEMARE: Ah oui! ah oui! et puis il s'est fait tuer.

M. LESAGE: Oui. Cela ne veut pas dire que j'envie son sort.

M. BELLEMARE: Non, non, non!

M. LESAGE: Mais il est certain, il est impensable pour un Québécois de bâtir une structure d'acier entre le cap Diamant et Lévis et de défigurer la ville de Québec. Il faut toujours avoir un peu de bon sens. Quant au tunnel, bien, j'ai dit au chef de l'Opposition ce que cela voulait dire tantôt, au point de vue génie. Cela n'avance pas! Les gens de Lévis, puisque c'est surtout d'eux qu'il s'agit, qui veulent traverser à Québec pour travailler tous les jours, ce sont eux qui sont les plus affectés. Qu'on comprenne bien ça! Les gens des régions ont le pont de Québec, eux.

M. BELLEMARE: Ceux qui arrivent par le train traversent!

M. LESAGE: Oui. N'importe qui! Ceux qui arrivent par le train, mon Dieu, bien on se sert de moins en moins des trains, vous savez. Ah oui! Cela prend une affection particulière.

M. BELLEMARE: Certainement!

M. LESAGE: Et de plus en plus les gens débarquent à Charny, d'ailleurs, de plus en plus. Ah oui! Comme d'ailleurs ceux qui prennent le train de... comment il s'appelle?

M. BELLEMARE: Champlain!

M. LESAGE: Le Champlain là, qui se rend à Montréal, ils prennent le train à Ste-Foy. Ils ne vont pas le prendre à la basse-ville. Ils le prennent à Sainte-Foy. Et de plus en plus les gens descendent à Charny. Pour ma part, moi, les dernières fois que j'ai voyagé par la rive sud en train, il y a déjà longtemps, je ne me rendais jamais à Lévis, je descendais à Charny. C'était plus rapide pour me rendre chez moi. Malgré que je demeure à quatre ou cinq minutes d'automobile des édifices du Parlement.

M. BELLEMARE: Pour voir arriver ceux...

M. LESAGE: Cinq minutes d'automobile des édifices du Parlement.

M. BERTRAND: Bill numéro 1.

M. LESAGE: Oui, oui. Oui, mais j'ai essayé de m'en tenir au bill numéro 1, mais là on veut me faire défigurer la ville de Québec.

M. BELLEMARE: Tiens, il va se choquer encore.

M. LESAGE: Non, non! J'ai dit que je ne serais pas partie à un pareil complot.

M. BERTRAND: Ah! ce n'est pas un complot, c'est une idée.

M. LESAGE: A un complot ou à une idée qui a germé dans la tête du député de Champlain de vouloir détruire Québec.

M. BELLEMARE: M. l'Orateur, vous allez rappeler le premier ministre à l'ordre parce qu'il voudrait essayer de me faire faire une sainte colère; je n'en ai ni legoûtni le temps.

UNE VOIX: Le Phipps du Cap-de-la-Madeleine!

M. LESAGE: M. le Président, qu'est-ce que le député dirait si j'allais massacrer son sanctuaire!

M. BELLEMARE: Ah! Vous verriez les gardes paroissiales se lever.

UNE VOIX: Derrière son général.

M. LESAGE: Bon bien! j'ai réussi à trouver le moyen de prouver au député de Champlain que je n'étais pas fâché, mais je lui demande simplement de comprendre que nous aussi, les Québécois, nous avons nos fiertés. Et puis c'est une fierté, ici, le point de vue à Québec et nous ne voulons pas le massacrer.

M. BELLEMARE: En pleine ville de Londres, il y en a un pont!

M. LESAGE: Mais ce n'est pas la même chose, pas du tout, monsieur. M. le Président, il y en a bien plus qu'un dans la ville de Londres, il y en a bien plus qu'un dans la ville de Paris aussi.

M. BELLEMARE: En face du Parlement!

M. LESAGE: Mais la beauté de Paris et la beauté de Londres ne résident pas dans le site même de la ville...

M. BELLEMARE: En plein en face du Parlement!

M. LESAGE: ... comme celui que nous avons ici. Ce n'est pas du tout la même chose. Je pense que l'esthétique de mon ami de Champlain aurait besoin d'un peu de vernissage.

M. BELLEMARE: Ah oui! ah oui! Et puis je me l'achèterai chez vos vendeurs.

M. JOHNSON: Cela fait six ans que l'on...

M. LESAGE: Je ne suis pas un expert en affaires culturelles, je m'en garde bien, je laisse ça à mon collègue de Chambly, mais mon Dieu si j'arrive, si je regarde Québec de l'île d'Orléans et que je vois un monstre d'acier entre le cap Diamant et puis Lévis, ça va changer totalement, totalement l'aspect de Québec; et le ministre du Tourisme, c'est clair,...

M. BELLEMARE: Ah! n'en parlez pas, il dort.

M. LESAGE: Non, il n'a pas l'habitude, non, je trouve que c'est absolument injuste...

M. BELLEMARE: Il est heureux...

M. LESAGE: C'est absolument injuste, M. le Président, de parler du ministre du Tourisme dans ces termes. Je pense que le ministre du Tourisme, je sais que le ministre du Tourisme, dans toutes les fonctions qu'il a occu- pées, a travaillé d'arrache-pied, a commencé à des heures beaucoup plus matinales que les heures de la plupart de ceux qui sont dans cette Chambre, y compris les heures de celui qui vous parle, et qu'il a travaillé d'arrache-pied et constamment à l'exécution de ses fonctions. C'est réellement une injustice...

M. JOHNSON: Mieux vaut tard que jamais.

M. LESAGE: ... de tenter de faire croire qu'il s'agit d'un homme qui n'a pris ses responsabilités qu'avec un grain de sel.

M. BELLEMARE: On dirait un éloge funéraire.

M. LESAGE: Non, au contraire, ce n'est pas funèbre parce que je parle du ministre du Tourisme actuellement en fonction comme ministre du Tourisme...

M. BELLEMARE: Il s'est éteint avec toutes ses médailles.

M. LESAGE: ... et qui a ses responsabilités.

M. BELLEMARE: Il s'est éteint avec toutes ses médailles.

M. LESAGE: M. le Président, je regrette infiniment que l'Opposition qui, je croyais, pourrait s'amender au moins pour quelques-heures, ça ne prend pas de temps, quelques heures pour passer un bill d'urgence, pour régler un problème d'urgence...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas moi qui ai parlé du ministre du Tourisme, c'est le premier ministre, parlez donc du bill numéro 1. Bien non, il s'en va faire l'éloge du ministre.

M. LESAGE: M. le Président, comment peut-on penser qu'un premier ministre doit réagir quand, de l'Opposition, vient l'accusation qu'un de ses ministres dort sur son travail. Bien oui, bien, M. le Président, le premier ministre...

M. BELLEMARE: Vous lirez les journaux, vous répondrez à tous les journaux.

M. LESAGE: ... le premier ministre sait que le ministre en question est loin de dormir sur son travail et c'est son devoir de le dire et d'en rendre témoignage.

M. BELLEMARE: Une mention de consolation.

M. LESAGE: Le député de Champlain peut m'attaquer personnellement tant qu'il voudra...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LESAGE: ... ça ne me fera absolument rien. Mais qu'il laisse mes ministres et mes députés tranquilles...

M. BELLEMARE: Ah bien! ils sont sujets à critique.

M. LESAGE: ... parce que je vais les défendre.

M. BELLEMARE: Ils sont sujets à critique, ce sont des hommes publics.

M. LESAGE: Oui, mais je vais les défendre, par exemple.

M. BELLEMARE: Vous n'avez seulement qu'à relire les Débats de l'Assemblée législative et vous remarquerez que c'est deux fois que je l'ai réveillé en pleine Chambre.

M. LESAGE: M. le Président, pourquoi, alors que nous avons le plaisir de nous revoir pour si peu d'heures...

M. BELLEMARE: C'est vrai!

M. LESAGE: ... parler de choses aussi désagréables.

M. BELLEMARE: Bien, vous avez été bien loin ce matin, vous.

M. LESAGE: Pourquoi vouloir massacrer ma ville? Franchement, M. le Président, le député de Champlain n'est pas raisonnable.

M. BELLEMARE: Non, mais je me suis fait traiter de fou.

M. LESAGE: Non, bien s'il vous plaît, c'était... comme on dit à un enfant, n'est-ce pas, qui se trompe: « Bien, es-tu fou »! Comme un enfant qui fait une erreur...

M. BELLEMARE: C'est encore pire.

M. LESAGE: Non, c'est un peu dans ce sens-là, c'est un cri du coeur. C'était tellement clair que le député s'était trompé. Et la comparai- son que je viens de faire, justement, prouve que je crois dans l'éternel jeunesse du député de Champlain. M. le Président, je pense que nous sommes bien loin des choses qui doivent nous préoccuper et puisque tout le monde est unanime, je ne demanderai pas le vote, et nous allons procéder en comité plénier à l'étude du projet de loi, article par article.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture du bill numéro 1 est-elle adoptée? Adoptée.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: M. Lesage propose que je quitte maintenant le fauteuil pour faire lecture en comité plénier du bill numéro 1.

M. BEDARD (président du comité plénier): Numéro 1.

Alors, bill No 1, article 1.

M. LESAGE: J'ai expliqué ce matin en citant le juge Fauteux, la raison pour laquelle je croyais essentiel que cet article que l'on trouve dans la loi de la Régie des services publics se retrouve dans la loi de la Régie des transports.

M. BERTRAND: Si le premier ministre me permet. Est-ce qu'on ne peut pas toujours présumer, est-ce que ce n'est pas toujours entendu, sans qu'on l'indique dans une loi, qu'un parlement quel qu'il soit adopte des lois dans la limite de sa compétence constitutionnelle?

M. LESAGE: II faudrait que je trouve, que je retrouve la loi de la Régie des services publics, je ne me rappelle pas.

M. BERTRAND: Même avec cet exemple-là? UNE VOIX: Ah oui, 228 c'est les transports. M. LESAGE: C'est le suivant. M. DOZOIS: 228, 229.

M. LESAGE: 229, alors l'article 1 du chapitre 229, et nous voulons qu'à la Régie des transports, ce soit la même chose et j'ai cité ce matin le jugement du juge Fauteux dans la cause. Je l'ai mentionné, à la page 187.

M. BERTRAND: J'ai noté tantôt, j'ai noté ce matin quand le premier ministre l'a cité...

M. LESAGE: J'ai attiré l'attention spécialement là-dessus.

M. BERTRAND: ... le jugement du juge Fau-teux.

M. LESAGE: Oui.

M. BERTRAND: Mais je me demande en quoi on ajoute...

M. LESAGE: Et il le dit.

M. BERTRAND: « A la valeur d'une loi adoptée par le parlement, n'importe lequel parlement, » lorsque l'on dit dans un des articles que la loi que nous adoptons s'applique aux matières énumérées dans l'article 2 qui relève de la compétence de la province, c'est clair qu'un parlement, on doit le présumer, quel qu'il soit, adopte des lois qui s'appliquent dans la limite des pouvoirs constitutionnels qui lui appartiennent. Si ses pouvoirs sont absolus, sa loi est absolue, si, comme dans un état fédéral, il y a partage d'autorité, il est clair qu'une législature lorsqu'elle adopte une loi, on doit le présumer sans le dire dans la loi, qu'elle adopte une loi qui s'applique dans la mesure et suivant la limite de ses pouvoirs constitutionnels. Quant à moi, M. le Président, je soumets qu'on n'a pas besoin du tout d'ajouter les mots: « qui relève de la compétence de la province. » Une loi est adoptée, une loi est votée, une loi est appliquée. Si des gens croient que le parlement a dépassé les limites de sa juridiction, il y a des tribunaux qui sont chargé s de le dire, et à ce moment-là la Législature pourra toujours corriger par une autre loi le défaut, le manque dans la législation qu'elle aura adoptée. Mais je ne vois pas du tout pourquoi, même en acceptant les propos du juge Fauteux, je ne vois pas pourquoi on mettrait dans notre loi que telle loi s'applique aux matières énumérées dans l'article 2 qui relève de la compétence de la province. Nous légiférons pour la province, nous légiférons dans la province et n'avons pas besoin de mettre dans une loi que c'est de la compétence de la province, ça l'est parce qu'on légifère dans ce domaine-là. On n'a pas besoin de le dire dans la loi.

M. LESAGE: M. le Président, c'est parce que plus particulièrement dans ce cas-ci, dans le cas des bateaux-passeurs, il s'agit d'un cas de juridicaion mixte, n'est-ce pas, où les deux gouvernements ont juridiction. J'ai expliqué ce matin quelle était la ligne pas très facile de démarcation entre la juridiction fédérale et la juridiction provinciale, mais c'est peut-être en- core plus difficile dans le cas de la juridiction sur les employés, malgré que là-dessus en fait, la Commission des relations de travail du Québec a émis des certificats.

Mais dans le passé un juge de la Commission des relations de travail a refusé d'émettre un certificat de reconnaissance syndicale dans un cas semblable en prétendant qu'il s'agissait d'une juridiction fédérale. Alors dans les circonstances je crois que le conseil qui est donné par le juge Fauteux dans l'extrait du jugement que j'ai cité ce matin est judicieux et je le répète il se lit comme suit: « The enunciation of the principle of limitation with a consequential duty for the courts to pronounce as to the operation for the application of the act in each of the cases as they may arise appears to be a prudent, practical and a valid legislative technique to adopt, a legislative technique to adopt in a federal state. »

M. BERTRAND: J'admets bien la difficulté des partages et surtout dans ce cas-ci. Il y a en vertu de l'article 91, le premier ministre l'a lu, où l'on parle de la navigation, il y a également dans l'article 92 qui parle de la navigation entre les provinces, les bateaux qui font le lien entre les provinces...

M. LESAGE: Non, à l'article 91.

M. BERTRAND: ... admis, j'admets tout cela, mais je ne vois pas en quoi...

M. LESAGE: A 10 de l'article 92 qui parle des travaux d'importance...

M. BERTRAND: D'ailleurs, le même principe peut s'appliquer là où les pouvoirs des provinces et du fédéral sont, je ne dirais pas conjoints, mais disons dans le domaine de l'agriculture...

M. LESAGE: Se complètent.

M. BERTRAND: ... c'en est un; le domaine de l'immigration c'en est un autre et je ne vois pas pourquoi on sera obligé de mettre dans des lois que nous adoptons où il peut y avoir exercice du pouvoir provincial et exercice du pouvoir central, je ne vois pas pourquoi on mettrait dans notre loi que c'est entendu que nous adoptons une loi mais seulement dans la limite de notre juridiction. Je trouve qu'on n'a pas besoin de mettre ça dans la loi. D'une manière ou d'une autre cette loi, son interprétation, sera appelée à être soumise aux tribunaux et je ne vois pas pourquoi on le mettrait dans la loi

du tout que nous légiférons dans la mesure où nous avons une juridiction, même après les propos qu'a lus le premier ministre, propos d'un juge de la cour Suprême. Je diffère d'opinion avec lui et nous n'avons pas besoin d'inscrire dans aucun de nos textes de loi que nous sommes limités dans l'adoption des lois par la juridiction constitutionnelle qui est la nôtre. Cela sinfère de la nature d'une constitution d'un état fédéral et on n'a pas besoin de le déclarer dans un texte de loi.

M. LESAGE: M. le Président, je ferai remarquer, je ne veux pas intervenir, je ne veux pas faire de politique partisane, mais ses prédécesseurs dans son parti, je pense, ne partageaient pas ses vues parce que la loi des services publics qui a introduit ce texte pour la première fois a été sanctionnée le 10 mars 1949.

M. JOHNSON: Est-ce que ça ne répétait pas une disposition semblable...

M. LESAGE: Non, non, c'est une disposition. La présente loi peut être citée sous le titre: « La Loi des services publics ». Elle s'applique aux matières énumérées dans l'article 2 qui relève de la juridiction de la province, mot à mot. C'est copié de l'Union nationale, c'est pour ça que les reproches me surprennent.

M. GODBOUT: M. le Président, me permettra-t-on une tentative d'explication à la remarque du député de Missisquoi? Je ne crois pas que les mots « après l'article 2 qui relèvent de la compétence de la province » veuillent signifier la limite des pouvoirs de la province. Ce n'est pas cela que l'on a voulu dire dans l'article. C'est une affirmation par le Parlement de la province de ses droits, affirmation que la province a souvent répétée et il n'est pas de mauvaise allure que la province affirme ses droits à l'occasion de la passation d'une loi.

Deuxièmement, la question la plus importante est celle-ci: c'est qu'à l'occasion d'un procès le juge, qui lirait l'article 1 de la façon suivante: « La présente loi s'applique aux matières énumérées dans l'article 2 », pourrait lui-même décider de la question de la validité. Mais si la loi continue par les mots: « qui relève de la compétence de la province », il s'ensuit un litige constitutionnel que le juge devra considérer comme tel. Par conséquent, je dis que les mots ne sont pas là inutilement, ils constituent une affirmation de nos droits, ils constituent une limite à la juridiction du tribunal qui au lieu d'avoir le champ absolument libre est en face d'un litige constitutionnel.

M. BERTRAND: Mon collègue de Québec admettra, que les mots y soient ou n'y soient pas, s'il y a un litige au sujet de l'interprétation de la loi, ce sera un litige constitutionnel; que les mots y soient ou n'y soient pas parce que la loi est adoptée par la législature de Québec, elle relève de la juridiction du Québec quant à l'adoption, elle fait partie des statuts de la province de Québec. Alors, à ce moment-là qu'on mette les mots, qu'on ne les mette pas c'est dans les statuts du Québec et le juge qui sera appelé, si quelqu'un voulait faire déclarer la loi inconstitutionnelle, ça deviendra un litige constitutionnel d'une manière ou de l'autre. Alors je ne vois pas en quoi les mots affirment plus la juridiction du Québec parce que le juge, même si on met les mots, le fait de déclarer dans une loi à Ottawa que tel domaine relève de la juridiction de l'Etat central ne lierait certainement pas un tribunal constitutionnel qui serait appelé à décider si le Parlement central a outrepassé ses pouvoirs en adoptant telle loi. Je pense que mon confrère de Québec conviendra avec moi qu'un tribunal constitutionnel quel qu'il soit ne serait pas lié par une déclaration du législateur, quel qu'il soit, insérée dans la loi quant à son interprétation.

M. GODBOUT: M. le Président, il ne s'agit pas d'un tribunal constitutionnel. Il s'agit d'un juge qui est assis sur son banc et qui va prendre la loi et la lire en s'arrêtant après les mots « article 2 ». A ce moment sont ouvertes à sa juridiction des décisions en rapport avec les matières énumérées et il pourrait de lui-même en décider, peut-être même sans que les avocats l'invoquent parce qu'il n'y aurait pas les mots « qui relève de la compétence de la province ». Mais prenons le même juge qui doit maintenant regarder cet article dans son entité et dans sa totalité. Eh bien, pour que le litige soit soumis à sa juridiction, il faudra que ce soit un litige précisément constitutionnel, il faudra que les avocats invoquent que cela ça ne relève pas de la compétence de la province. Il y a une légère distinction à faire.

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté?

M. JOHNSON: Non, non, je voudrais éclairer la lanterne du député de Québec-Est...

M. LESAGE: Encore, je pensais que f avais tout passé.

M. JOHNSON: ... et celle du député de Québec-Ouest.

M. LESAGE: Oui, oui, c'est la mienne, j'ai bien compris.

M. JOHNSON: Non, non.

M. LAPORTE: Expliquez nous... 1949 aujourd'hui.

M. JOHNSON: Toutefois, le premier ministre actuel copie...

M. BERTRAND: Non, non, c'est rien...

M. JOHNSON: ... dit-il, la législation de 1949 présumément rédigée par M. Duplessis.

M. LESAGE: Non, noa..

M. JOHNSON: Or, pour l'édification du député de Québec-Est, je dirai qu'à ce moment-là il ne fallait jamais manquer l'occasion de proclamer notre compétence parce qu'on avait à Ottawa un député de Montmagny-l'Islet qui essayait de tout prendre...

DES VOIX: Ah!

M. JOHNSON: ... d'enlever toutes les compétences du provincial...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.

M. JOHNSON: II ne manquait jamais une occasion de l'affirmer..

M. LESAGE: Dans le temps de l'Union nationale, du moment qu'ils mettaient ça dans une loi, l' autonomie était sauvée.

M. LE PRESIDENT: L'article 1 adopté?

M. JOHNSON: C'est la thèse du député de Québec-Est.

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté.

M. LESAGE: J'ai écouté le député de Québec-Est et ce n'est pas ça. Tout simplement que l'on fait d'autres choses pour affirmer l'autonomie qu'écrire ça dans des belles déclarations ou dans des textes de loi.

M. LE PRESIDENT: Adopté? Article 1 adopté. Article 2.

M. JOHNSON: Evidemment, c'est pour placer les entreprises de navigation de transport de passagers sur le même pied que les autres...

M. LESAGE: Autorisation préalable.

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 2 adopté. Article 3. D'abord l'article 36a.

M. LAPORTE: L'article 3, c'est très simple.

M. DOZOIS: Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire si le texte que nous retrouvons à 36a existe ailleurs, dans d'autres domaines ou dans d'autres lois?

M. LESAGE: Non. D'abord, c'est une chose originale...

UNE VOIX: Ah!

M. LESAGE: Mais les rédacteurs de 36 a, b et c se sont inspirés des principes de 12 Elizabeth II, chapitre 17, la loi fédérale 17, chapitre 17: « Loi ayant pour objet de placer les syndicats des transports maritimes du Canada sous la gestion et la direction d'un conseil d'administration. » Cela a été l'affaire du juge Lippé.

M. BERTRAND: On l'a lu hier.

M. LESAGE: Et les principes ont été tirés de cette loi, n'est-ce pas? Mais simplement que c'est mutatis mutandis...

M. BERTRAND: Joliment!

M. LESAGE: Oui, joliment mutatis mutandis, je suis d'accord, mais simplement qu'il fallait créer quelque chose d'original. C'est ce qui a été fait. Si l'on veut bien se rappeler les explications que j'ai données ce matin. Il ne s'agit pas de nommer un mandataire puisque dans ce cas-ci et dans le cas de l'Union des marins, il s'agit de nommer quelqu'un qui va agir au lieu et place et c'est la raison pour laquelle on a la rédaction que nous avons devant nous pour 36 a. Je l'ai expliqué ce matin. Si l'on veut bien me donner l'article 121 du Code du travail. C'est le dernier alinéa de 36 a: « Nulle action sous l'article 50 du Code de procédure civile, etc. » Alors, les pouvoirs de l'administrateur, je l'ai dit ce matin, n'est-ce pas, sont limités aux biens affectés par le propriétaire à l'usage du service interrompu. Cela apparaît clairement à 36 a; une limitation. Je viens de le dire, l'administrateur n'est pas le mandataire de la compagnie. Je l'ai dit ce matin. Les actes qu'il Dose ne lient pas en règle générale la compa-

gnie. Cependant pour rétablir le service, il peut se servir des biens du propriétaire qui sont affectés au service, mais seulement de ces biens-là: les bateaux, les quais, les comptoirs-lunch, les buffets, mais tous ses actes ne lient pas automatiquement le propriétaire comme s'il en était le mandataire. Tout ce qu'il a le droit de faire, c'est de le faire raisonnablement en bon père de famille, en administrateur, et le propriétaire est responsable du surplus des dettes encourues sur les revenus qui sont entrés.

J'ai dit ça ce matin, mais il n'y a rien qui empêche le propriétaire, même après la nomination de l'administrateur de disposer de ses biens, s'il le veut. Si la compagnie de la traverse de Lévis, même pendant que l'administrateur administre, veut vendre ses biens à des tiers, il les vend à des tiers.

M. BERTRAND: Lui aussi, l'administrateur peut le faire.

M. LESAGE: Pardon?

M. BERTRAND: Lui aussi l'administrateur il peut le faire.

M. LESAGE: Il peut vendre, il peut hypothéquer, certainement. Supposons que l'administrateur resterait en fonction pendant dix ans, supposons que ce serait lui qui préparerait le plan de réaménagement de tout le système avec de nouveaux bateaux...

M. BERTRAND: Les relations...

M. JOHNSON: Quelles sont les relations entre actionnaires, les directeurs et l'administrateur.

M. LESAGE: C'est l'administrateur qui administre, c'est un service public. Quand on est propriétaire d'un service public, on doit voir à l'administrer et à procéder, on prend des responsabilités...

M. DOZOIS: Vous faites une expropriation...

M. LESAGE: ... si on ne remplit pas les responsabilités, eh bien! évidemment il faut que le gouvernement, comme nous le demandons ici, soit en mesure de nommer un administrateur quand la sécurité publique est en danger ou la santé publique, pour voir à ce que ça procède normalement. Il n'y a pas d'autre solution, il faut que l'administrateur ait les pouvoirs nécessaires.

M. BERTRAND: Oui, mais vous dites que la compagnie durant le même temps possède les mêmes pouvoirs.

M. LESAGE: Mais si les actionnaires et puis les administrateurs de la compagnie n'ont qu'à prendre les dispositions nécessaires pour que nous congédiions en vertu de 36-C l'administration le plus tôt possible.

M. BERTRAND: Bien oui.

M. LESAGE: C'est aussi simple que ça.

M. JOHNSON: Si l'administrateur, si le premier ministre me permet...

M. LESAGE: Oui, bien oui, nous sommes en comité.

M. JOHNSON: Les relations entre le bureau de direction...

M. LESAGE: Le conseil d'administration.

M. JOHNSON: Le conseil d'administration, pardon, et les actionnaires...

M. LESAGE: Cela continue d'exister.

M. JOHNSON: ... ça demeure les mêmes, mais les pouvoirs des administrateurs du conseil d'administration de la compagnie, théoriquement, demeurent les mêmes.

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: Mais en pratique soyons réalistes. On donne à l'administrateur nommé par le gouvernement le pouvoir de vendre, d'hypothéquer, nantir, tout faire...

M. LESAGE: Certainement.

M. JOHNSON: ... sans l'autorisation du bureau d'administration...

M. LESAGE: Certainement.

M. JOHNSON: ... sans l'autorisation des actionnaires.

M. LESAGE: Clairement.

M. JOHNSON: Même si le premier ministre dit: les actionnaires pourront continuer quand même et le bureau d'administration...

M. LESAGE: Ils peuvent vendre, s'ils veulent.

M. JOHNSON: Mais si l'administrateur lui a décidé d'emprunter, d'hypothéquer, pour une raison valable, à son point de vue...

M. LESAGE: Bien oui.

M. JOHNSON: ... qu'est-ce qui restera de possibilité aux actionnaires et au bureau de direction, en somme, M. le Président...

M. LESAGE: Agir, d'agir.

M. JOHNSON: En somme, M. le Président...

M. LESAGE: Agir au lieu de ne pas agir.

M. JOHNSON: En somme, M. le Président, c'est une expropriation, un moyen détourné d'exproprier...

M. LESAGE: Pas du tout.

M. JOHNSON: ... et de le faire sans indemnité.

M. LESAGE: Pas du tout.

M. LAPORTE: Le bien commun doit prévaloir. C'est exactement ça. La Loi prévoit justement un mécanisme en vertu duquel cet administrateur, lorsque le bien commun le permettra, pourra être remercié de ses services.

M. JOHNSON: Non, voici. Ce n'est pas nécessaire tout ça.

M. LESAGE: Prenez, par exemple, le gardien d'une compagnie d'assurance qui est nommé séquestre. Il prend possession des biens.

M. BERTRAND: Oui, mais à ce moment-là, la compagnie ne peut plus rien faire.

M. LESAGE: II les administre.

M. JOHNSON: Mais il n'y a personne qui va prétendre, à ce moment-là, que les administrateurs ont encore des pouvoirs.

M. BERTRAND: Non, ils n'en ont plus.

M. JOHNSON: Non. M. le Président, il me semble que ce n'est pas nécessaire. Il y a une question de principe en jeu qui est extrêmement sérieuse, n'est-ce pas?

M. LESAGE: Bien c'est évident qu'il y a une question de principe.

M. JOHNSON: Extrêmement sérieuse et qui pourrait être dommageable au bien général de la province.

M. LESAGE: Non.

M. JOHNSON: A la réputation générale de la province.

M. LESAGE: Cela ne s'applique... M. JOHNSON: Elle peut atteindre le but... M. LESAGE: C'est pour ça que nous l'avons. M. JOHNSON: Oui.

M. LESAGE: C'est parce que justement, c'est tellement extraordinaire du droit commun,...

M. JOHNSON: On peut atteindre, si le premier ministre le permet...

M. LESAGE: ... que c'est pour ça que nous l'avons limité au cas où la sécurité publique ou la santé publique sont en danger, et puis seulement qu'aux navires.

M. JOHNSON: Oui, oui!

M. LESAGE: Seulement qu'aux navires.

M. BERTRAND: Oui, oui.

M. LESAGE: Or, dans le cas de la Traverse de Lévis, je comprends que là, c'est peut-être tous les biens...

M. JOHNSON: Non, mais si le premier ministre veut me laisser terminer...

M. LESAGE: ... mais s'il s'agissait d'une des traverses de la Clarke Steamship, cela pourrait être qu'une partie des biens de la Clarke.

M. JOHNSON: M. le Président, que le premier ministre me laisse terminer. Je crois qu'on peut atteindre le même but. On peut mettre d'avant, donner la priorité, dis-je, au bien commun sans poser ce précédent. On pourrait, par exemple, nommer un administrateur qui répondra au bureau de direction, mais...

M. LESAGE: Non, non. Non, mais c'est justement...

M. JOHNSON: ... en cas où le bureau de direction ne voudrait pas approuver ces décisions ou ces suggestions, ces recommandations, qu'on ait un appel rapidement fait à la Régie des services publics.

M. LESAGE: Ah bien non! Cela ne finira plus, M. le Président.

M. JOHNSON: Non, non, brièvement.

M. LESAGE: Mais non, mais ça ne peut pas marcher, même un jugement rendu après un mois sur une requête est trop précipité dit le député de Champlain.

M. JOHNSON: Non, non. Voyons donc!

M. BELLEMARE: Ecoutez un peu, vous déplacez la question un peu.

M. LESAGE: Non, mais ce n'est pas moi qui dit ça, c'est le député de Champlain.

M. JOHNSON: Théoriquement là, en vertu du texte, tel qu'il est rédigé, l'administrateur arrive demain matin, hypothèque toute l'affaire, le bureau d'administration n'a pas un mot à dire et les actionnaires non plus.

M. LESAGE: Evidemment, on va arriver...

M. JOHNSON: Ils ne sont pas du tout dédommagés.

M. LESAGE: On va nommer un homme irresponsable comme administrateur?

M. JOHNSON: Non. On sait ça.

M. LESAGE: ... qui va s'emparer de tout?

M. JOHNSON: Bon]

M. LESAGE: Bien vous savez que ça n'a pas de bon sens, voyons donc.

M. JOHNSON: Que ça n'a pas de bon sens, mais on présume que cet homme va être raisonnable. Est-ce qu'on ne doit pas présumer aussi que les directeurs de la Traverse de Lévis vont être raisonnables?

M. LESAGE: M. le Président,...

M. JOHNSON: Le premier ministre est renseigné, c'est à lui de nous le dire. Est-ce qu'on a affaire à un groupe d'irresponsables qui fatalement...

M. LESAGE: Non, non, non.

M. JOHNSON: Bon. Quand l'administrateur du gouvernement...

M. LESAGE: Non, non, il s'agit d'une loi générale, il ne s'agit pas d'une loi qui s'applique spécialement à la Traverse de Lévis, il s'agit d'une loi générale.

M. JOHNSON: A plus forte raison, le précédent est encore plus dangereux.

M. LESAGE: M. le Président, il y a une chose certaine, c'est que dans le cas qui nous préoccupe, s'il y a eu arrêt de travail, s'il y a eu arrêt des bateaux, cela est dû au fait qu'il y a des capitaines et des seconds qui ont quitté le navire, leur navire, parce qu'ils étaient payés la moitié de ce que gagnent les capitaines et les seconds qui occupent des fonctions semblables et que la compagnie a refusé de négocier. C'est ça le fait.

M. JOHNSON: A plus forte raison, le principe est encore plus dangereux...

M. LESAGE: J'ai tout dit ça.

M. JOHNSON: ... puisqu'on l'applique à n'importe quelle entreprise qui tombe sous l'article 2.

M. LESAGE: Oui, mais il faut qu'il y ait arrêt de service pour une raison quelconque et j'ai dit que ça peut être une grève, ça peut être un « lock-out »...

M. JOHNSON: Oui, on vient de...

M. LESAGE: ... ou ça peut être une décision unilatérale comme celle dont a fait part la compagnie à la ville de Québec...

M. JOHNSON: L'éditorialiste de la Gazette...

M. LESAGE: ... d'arrêter le 15 novembre.

M. JOHNSON: Non, non, écoutez, soyons raisonnables. La compagnie avait un contrat expiré depuis le 30 avril, vrai ou faux?

M. LESAGE: Je ne cherche pas à départager les responsabilités, je dis que nous sommes en face d'une situation, qu'il faut prendre les remèdes et nous les prenons.

M. JOHNSON: Bien oui, mais prenons un

remède qui ne tuera pas nécessairement le patient, si on peut prendre un remède qui va guérir le bobo sans tuer le patient...

M. LESAGE: Cela ne tuera personne. J'ai bien l'impression que l'administrateur ne sera pas en fonction longtemps.

M. JOHNSON: En somme, « it is a big stick to get things going. »

M. LESAGE: Enfin, M. le Président, le gouvernement prend les... c'est très limité.

M. LAPORTE: Si le chef de l'Opposition me permet. C'est limité d'abord à la navigation, dans tout ce qui existe de bien dans la province de Québec il y a seulement les transports par navigation, les bateaux-passeurs. Deuxièmement, il faut qu'il y ait arrêt de travail...

M. LESAGE: Arrêt de service.

M. LAPORTE: Oui, arrêt de service. Troisièmement, il faut que le Lieutenant-gouverneur en conseil en vienne à la conclusion que la santé ou la sécurité publique sont en danger. Il faut toutes ces conditions-là quand on limite d'abord le nombre des objets auxquels ça peut s'appliquer, deuxièmement on met des conditions très difficiles, mais quand toutes ces conditions-là se posent, c'est le bien commun qui est en jeu.

Il faut donner à l'administrateur le moyen de traiter le cas, et la loi prévoit également la cessation de cette fonction-là. Je pense que ce sont des garanties normales qu'on doit exiger, qu'on met dans la loi, au nom du bien commun.

M. JOHNSON: M. le Président, il reste quand même que le seul maître...

M. LAPORTE: A bord, après Dieu.

M. JOHNSON: ... après Dieu, ce n'est plus le capitaine du bateau, mais c'est le Lieutenant-gouverneur en conseil, qui, lui, décide si c'est une matière...

M. LESAGE: Oui, mais M. le Président...

M. JOHNSON: ... s'il y a danger pour la sécurité.

M. LESAGE: Dans ce cas-ci, j'ai demandé au commandant de la Sûreté provinciale et il m'a dit que oui. Les exemples que j'ai donnés ce matin m'ont été donnés par le commandant Des- cent, de la Sûreté provinciale. J'ai pris mes précautions.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

M. LESAGE: J'ai demandé l'opinion du commandant de la Sûreté pour la région, pour le district de Québec.

M. JOHNSON: 36-A, voici à ce propos-là. Je voudrais tout de suite, M. le Président, verser au dossier une communication des Chambres de commerce de la régionale Chaudière- Etchemin, qui m'ont envoyé le message suivant, daté de Lévis 21 octobre.

M. LESAGE: Elles n'avaient pas vu le bill.

M. JOHNSON: Chambre de commerce régionale, Chaudiêre-Etchemin, réunie en assemblée spéciale à Lévis est heureuse décision du gouvernement Québec, de convoquer parlement pour augmenter les pouvoirs de la Régie des transports en vue de trouver incidemment les éléments de solution aux problèmes des communications entre Lévis et Québec. Suggérons en plus Gouvernement prenne mesure immédiate en vue d'établir cette communication de façon permanente et adéquate...

M. LESAGE: Je l'ai, le texte.

M. JOHNSON: ... soit par municipalisation...

M. LESAGE: J'ai expliqué ce matin pourquoi.

M. JOHNSON: ... ou étatisation du service, sans pour autant exclure possibilité pont ou tunnel entre cités Québec et Lévis. Chambre de commerce régionale Chaudiêre-Etchemin. René Morency, président.

M. LESAGE: Ce n'est pas des discours de l'Opposition. Mais quant à la municipalisation ou l'étatisation, j'ai dit ce matin que nous n'avions pas le pouvoir et le chef de l'Opposition l'a admis, il l'a regretté lui-même, nous n'avions pas le pouvoir d'exproprier les actions de la compagnie, nous serions obligés de négocier. Or nous n'avons pas le pouvoir de marchandage, de « bargaining power ». C'est simple, moi je négocie pas sans pouvoir de marchandage.

Je regrette, je suis un homme pratique, M. le Président.

M. JOHNSON: Sans faire dévier le débat, une bonne manière de mettre fin au « bargaining power », ce serait de souscrire à la formule Fulton-Favreau.

M. LAPORTE: Ileureusement que c'est « sans faire dévier le débat ».

M. LESAGE: Je pense qu'on peut essayer ça, M. le Président, le chef de l'Opposition est convaincu, il n'y a pas de danger.

M. LAPORTE: Adopté?

M. LESAGE: Parce que je veux donner une chance au Conseil législatif.

M. BELLEMARE: Oui, oui, je vais lui en donner, une chance, mais je voudrais aussi être bien sûr que l'administrateur... M. le Président, l'honorable premier ministre a dit tout à l'heure que même les interruptions du service par une grève ou par un « lock out » appelleraient l'administrateur à jouer son rôle, dans l'intérêt public...

M. LESAGE: Non, non, justement, si la sécurité publique est en danger à ce moment-là...

M. BELLEMARE: Je voudrais savoir si...

M. LESAGE: ... mais n'oublions pas une chose, c'est que dans le cas de grève...

M. BELLEMARE: Une minute, je vais finir ma question, le premier ministre va me répondre. Supposons qu'il y a une grève légale, est-ce que l'administrateur a le pouvoir, lors de la suspension du service, de diriger toutes les personnes employées à cette fin vers le travail? Est-ce qu'il a le droit de faire ça?

M. LESAGE: Non, M. le Président, évidemment que non, parce que la direction de l'administrateur, les pouvoirs de direction sont les mêmes que les pouvoirs de direction du gérant général, si vous voulez.

M. BELLEMARE: Oui, mais supposons qu'il y a une grève...

M. LESAGE: Non, non, un instant là. Mais le gérant général, s'il y a une grève, bien qu'il ait le pouvoir de direction sur les hommes, n'a pas le droit de les obliger à revenir au travail si c'est une grève légale. Si c'est une grève légale, ça ne donne pas de pouvoirs spéciaux à l'administrateur.

M. BELLEMARE: A cause du Code du travail.

M. LESAGE: Non, parce que le Codedu travail n'est pas amendé...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: ... et tout ce qui peut arriver dans le cas d'une grève légale, le seul moyen de faire revenir les ouvriers au travail, c'est d'invoquer, c'est de prendre une injonction en vertu de l'article 99 en invoquant la sécurité et la santé publique. Mais ça, c'est une autre affaire complètement, c'est le Code du travail, là. On ne touche aucunement au Code du travail par le présent projet de loi. Les droits des ouvriers restent absolument sacrés dans cette affaire-là. Je suis sûr que le député de Champlain comprendra que puisque les capitaines et les seconds ont fait la déclaration qu'ils ont faite, on n'a pas besoin d'être grand devin pour comprendre que...

M. BELLEMARE: Oui, oui, mais seulement je pense aussi à ceux qui seront syndiqués dans un autre secteur, qui sont des employés appartenant à une centrale syndicale.

M. LESAGE: Si c'est dans un autre secteur, ça ne s'applique pas, il faut que ce soient les bateaux-passeurs.

M. BELLEMARE: Non, mais voici. Dans la Traverse, il y a aussi un autre secteur qui est syndiqué.

M. LESAGE: Bien oui...

M. BELLEMARE: Mais à ce moment-là si ce secteur-là est en grève légale, si je comprends bien le premier ministre, quand il dit; lors de la suspension du service, l'administrateur peut diriger toutes les personnes employées à cette fin, mais n'a pas le droit de juridiction de le renvoyer au travail s'il y a une grève légale.

M. LESAGE: Pas du tout.

M. BELLEMARE: Bon, très bien, pas d'explication.

M. LESAGE: On ne peut pas violer le code du travail.

M. BELLEMARE: C'est l'interprétation de de bout de phrase-là...

M. LESAGE: II faudrait le dire s'il avait la permission de violer le code du travail.

M. BELLEMARE: ... parce qu'en vertu de l'article 36b, il y a des peines assez rigoureuses...

M. LESAGE: Oui, oui, c'est évident.

M. LE PRESIDENT: Alors article 36a adopté? Adopté. Article 36b.

M. LESAGE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. JOHNSON: Un instant.

M. LESAGE: Article 36b, il n'y a rien de bien spécial.

M. JOHNSON: Voici comment s'établissent les précédents. On limite ça d'abord aux entreprises, aux services de transport par navigation et, quand il y aura d'autres domaines, d'autres services publics exploités par l'entreprise privée et que le conseil des ministres jugera qu'il y a danger pour la sécurité publique ou pour la santé publique, on fera à ce moment-là un autre bill en se basant sur ce précédent, et c'est ainsi que de précédent en précédent, on arrivera à une situation très évidente; personne ne voudra plus investir un seul sou dans aucun service public, aucun. C'est là le précédent grave sur lequel je crois de mon devoir d'insister. C'est le genre de législation qui ouvre la porte au dirigisme d'Etat et qui ferme la porte à des investissements de l'entreprise privée dans le domaine du secteur public. Maintenant si c'est ça la philosophie du gouvernement, qu'il le dise. Et duxièmement, il y a un danger et c'est ici qu'on le voit à l'article 36b, il y a un danger, on ferme la porte aussi au développement ou à l'éclosion du syndicalisme de cadre. Si les principaux d'écoles, les gérants de succursales de l'Hydro, les capitaines ou seconds de navires, réussissaient à obtenir ou à se former en union, c'est ce que l'on appelerait du syndicalisme de cadre.

Tout de suite, par une loi similaire à celle-ci, c'est là que repose la force du précédent: on barrerait la route au syndicat de cadres. C'est pour ça que le journal The Gazette disait dans un éditorial: « C'est le premier pas vers le rétablissement de l'ordre...

M. LESAGE: On n'avait pas vu le projet de loi, on se fiait à l'interprétation qu'en avait donnée le chef de l'Opposition alors qu'il voulait massacrer les unions ouvrières.

M. JOHNSON: Non, non. En l'absence du premier ministre, j'ai fait la correction qui a été acceptée, d'ailleurs...

M. LESAGE: Excusez-moi.

M. JOHNSON: ... l'interprétation que le journaliste a faite de mes propos, confusion à la base entre Régie des transports et Commission des relations de travail.

M. LESAGE: C'est la même confusion qui existe dans le moment. 36 b, après tout, ce n'est qu'une amende, c'est $10,000.

M. JOHNSON: Et le droit de grève évidemment...

M. LESAGE: Le droit de grève n'est pas touché.

M. JOHNSON: ... accordé dans les services publics comporte nécessairement en contrepartie — et c'est bon que les deux parties soient en état de tension, a dit un ministre récemment — comporte aussi le droit de « lock out », comme pendant.

M. LESAGE: Bien oui, puis après? Cela ne vient pas...

M. JOHNSON: Alors le danger que la sécurité du public...

M. LESAGE: Cela ne provient pas de ça, toute la difficulté. Tout ça provient du désir de la compagnie d'abandonner le service le 15 novembre. Comme les capitaines et les seconds ont quitté...

M. JOHNSON: Cela s'applique à la Traverse de Matane, cela s'applique à la Traverse de Rivière-du-Loup, cela s'applique à la Traverse de Trois-Rivières, cela s'applique à la Traverse de Tadoussac.

M. LESAGE: Ils font de l'argent l'été autant que l'hiver.

M. JOHNSON: Cela s'applique à la Traverse du Saguenay, Sorel, Rimouski, Laval-sur-le-Lac, St-Jacques-des-Piles, St-Pie-de-Bagot...

M. LESAGE: II est évident qu'il y a des services qui ne sont donnés que l'été. II y a suspension de service, tandis qu'ici c'est le désir nettement exprimé, la volonté nettement exprimée d'abandonner le service.

M. LE PRESIDENT: Alors, 36 b.

M. JOHNSON: Deuxièmement, je voudrais que le premier ministre nous donne l'assurance très catégorique que cet article ne permettrait pas à l'administrateur de mettre de côté les conventions collectives.

M. LESAGE: C'est clair.

M. JOHNSON: « Quiconque entrave, dit l'article, ou gêne un administrateur nommé en vertu de l'article 36a dans l'exercice d'un pouvoir ou d'une fonction que ledit article lui attribue ou fait défaut d'obéir à un ordre légitime d'un tel administrateur...

M. LESAGE: Vous savez bien que ce n'est pas pour les ouvriers.

M. JOHNSON: Admettons, pour les ans de la discussion, que ce n'est pas l'intention du gouvernement.

Mais l'interprétation stricte des mots utilisés permettrait d'en venir à la conclusion que l'administrateur peut dire à un ouvrier même syndiqué membre d'un syndicat qui a une convention collective: « Fais ça, toi! »

M. LESAGE: Vous pouvez le dire mais ça ne vaut rien.

M. JOHNSON: ... Si c'est légitime. M. LAPORTE: Ce qu'on peut penser.

M. JOHNSON: Or, M. le Président, légitime...

M. LESAGE: Mais il n'est pas légitime, le Syndicat.

M. JOHNSON: ... et si un ouvrier n'obéit pas, il sera passible des peines prévues, maximum $10,000...

M. LESAGE: Il faut que ce soit...

M. JOHNSON: ... emprisonnement deux ans.

M. LESAGE: II faut que ce soit un ordre légal.

M. JOHNSON: Bien, en anglais on dit, M. le Président: « Who does not obey a lawful order ». Et en français on dit un ordre légitime.

M. LESAGE: Bien oui, c'est ça.

M. JOHNSON: Pourquoi la distinction entre les deux? Est-ce qu'il y a mauvaise traduction?

M. LESAGE: Il n'y a pas de distinction. M. JOHNSON: Est-ce que ç'a été...

M. LESAGE: « Lawful » et « légitime » sont synonymes. Regardez dans le dictionnaire Harrap's ou dans n'importe quoi. Mais on pourrait être précis. Ce qui est permis en vertu de la loi c'est ça qui est légitime « lawful ». Qu'on consulte Harrap's et puis on verra.

M. JOHNSON: Mais est-ce que la loi a été conçue en français ou en anglais?

M. BERTRAND: Ils aimaient mieux consulter le premier ministre.

M. JOHNSON: En français?

M. LESAGE: L'administrateur ne peut jamais donner un ordre qui soit à l'encontre de la convention ou même à l'encontre des dispositions du Code du travail. Ce ne serait pas légitime, ce ne serait pas suivant la Loi.

M. JOHNSON: Cela serait illégal, mais ça serait...

M. LESAGE: Mais non...

M. JOHNSON: ... ça pourrait être légitime.

M. LESAGE: Mais non, je regrette, je regrette...

M. JOHNSON: Et puis en anglais...

M. LESAGE: ... je ne veux pas faire de sémantique.

M. JOHNSON: En anglais, il y a une traduction qui favoriserait précisément cette interprétation.

M. LESAGE: Mais oui, mais « legitimate » en anglais veut dire la même chose que « légitime » en français, si le chef de l'Opposition veut bien vouloir regarder dans le dictionnaire Harrap's; il le donne, même le Harrap's.

M. JOHNSON: M. le Président, comme me le fait remarquer le député de Bellechasse qui est bon avocat...

M. RENE LEVESQUE: De toute façon, la

traverse étant pas mal unilingue, ils prendront le texte français.

M. JOHNSON: II faut interpréter les articles les uns. à la lumière des autres et à 36-A, premier paragraphe, l'administrateur a des pouvoirs très larges, on voit à la fin du paragraphe deuxième qu'il a le pouvoir de diriger toutes les personnes employées à cette fin. Or, M. le Président, il a le droit de diriger toutes les personnes employées. Il a le droit strictement, si on s'en tient au texte, de dire à un employé quelconque: « Vous, monsieur, c'est là que vous allez travailler dorénavant, désormais ». Et, même si l'Union intervient, l'administrateur dira: « Je regrette, j'ai reçu de la Législature, par un vote unanime, le pouvoir absolu de diriger toutes les personnes employées à cette fin ». Et là on va se ramasser dans des difficultés.

Pourquoi ne pas éclaircir le texte?

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: 36 B, adopté. 36 C.

M. BELLEMARE: 36 C, M. le Président, c'est l'administrateur qui va faire rapport à la Régie sur la situation bonne ou mauvaise de la compagnie, pour reprendre ses activités? C'est l'administrateur seul qui va plaider de la bonne volonté ou non?

M. LAPORTE: Ah non! Le propriétaire va se présenter devant la Régie et va dire: voici ce qu'on a fait.

M. BELLEMARE: Mais si l'administrateur tient énormément à rester, il va trouver une foule d'arguments.

M. LESAGE: L'administrateur c'est le lieutenant-gouverneur en Conseil.

M. BELLEMARE: Le lieutenant-gouverneur en Conseil, l'administrateur? C'est nommé par le lieutenant-gouverneur en Conseil.

M. LESAGE: Bien oui. Mais alors.

M. BELLEMARE: Mais c'est une tout autre personne, qui lui, à ce moment-là, fera peut-être...

M. LESAGE: Non mais... Un instant, s'il vous plaît. Le lieutenant-gouverneur en Conseil ayant le pouvoir de nommer peut toujours révoquer.

M. BELLEMARE: Oui, mais c'est la Régie qui doit faire rapport au lieutenant-gouverneur sur l'administration.

M. LESAGE: Non, je regrette, cela n'enlève pas au lieutenant-gouverneur...

M. BELLEMARE: Sur le rapport de la Régie attestant que le propriétaire d'un service de navigation...

M. LESAGE: Non je regrette!

M. BELLEMARE: ... est en mesure de reprendre... Le lieutenant-gouverneur...

M. LESAGE: Oui, mais est-ce que le député de Champlain pourrait m'écouter un instant?

M. BELLEMARE: Oui, mais si le premier ministre commençait par m'écouter.

M. LESAGE: Mais non, mais je... c'est que si le député de Champlain voulait bien comprendre que...

M. BELLEMARE: Oui. Ah oui, ça, je fais un effort.

M. LESAGE: ... cet article-là n'enlève pas...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: ... au lieutenant-gouverneur en Conseil le pouvoir de révoquer la nomination de l'administrateur, proprio motu...

M. BELLEMARE: D'accord!

M. LESAGE: ... parce qu'en vertu des lois d'interprétation, celui qui nomme peut révoquer.

M. BELLEMARE: D'accord! M. LESAGE: Bon!

M. BELLEMARE: Bon! Mais voici, l'article commence par; « Sur la recommandation de la Régie... »

M. LESAGE: Garantie additionnelle.

M. BELLEMARE: Ah oui, d'accord. Vous, vous savez ça. Mais c'est marqué dans la Loi, demain matin: « Sur le rapport de la Régie attestant que... » Bon. Là, le lieutenant-gouver-

neur en Conseil peut, — pas « il doit », mais « il peut » — la révoquer. Alors, il peut. Il décidera ou non. Ce n'est pas il doit révoquer.

M. LAPORTE: On va le laisser finir.

M. BELLEMARE; Non, non, mais le premier ministre... peut-être que le ton de ma voix ne lui plaît pas.

M. LESAGE: Non, non, je souris!

M. BELLEMARE: Mais je vais lui dire ceci. Je regarde ça très objectivement.

M. LESAGE: Bien oui, mais je souris!

M. BELLEMARE: Et je dis que si la Régie qui recevra, de la part de l'administrateur ou de la compagnie, une demande pour reprendre ses affaires, c'est l'administrateur seul qui sera devant la Régie pour plaider, pour conserver son poste ou non. La Régie, elle, fera un rapport au lieutenant-gouverneur qui pourra, pas qui devra, qui pourra, elle, si elle le désire ou si elle consent à le retirer, parce que la Loi dit que c'est le lieutenant gouverneur en Conseil qui peut, mais pas qui doit.

M. LESAGE: Bien je crois bien!

M. BELLEMARE: Ah bien, c'est sûr!

M. LESAGE: Avez-vous fini là?

M. BELLEMARE: Mais c'est l'administrateur seul qui aura le droit de dire si ça doit finir ou non.

M. LESAGE: Pas du tout. Non, non. M. BELLEMARE: Bien voici...

M. LESAGE: Je viens exactement de dire le contraire.

M. BELLEMARE: Laissez-moi donc finir puis je vais vous donner...

M. LESAGE: Cela ne finit jamais. Je viens de vous expliquer le contraire puis vous m'avez dit...

M. BELLEMARE: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut révoquer la nomination de l'administrateur parce qu'il l'a nommé. Je suis sûr et certain que ça, c'est la loi, mais je sais aussi que l'article qui est dans la loi d'aujourd'hui c'est marqué sur la recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil.

M. LESAGE: Mais oui, mais c'est additionnel.

M. BELLEMARE: Mais oui, mais oui, c'est sûr, mais sur le rapport de la Régie attestant que le propriétaire...

M. LESAGE: Bien, mon Dieu, ah bien je suis découragé.

M. BELLEMARE: Bon, alors j'ai raison puis mon point de vue a bien du bon sens.

M. LESAGE: C'est décourageant.

M. LAPORTE: Juste un mot, M. le Président, pourquoi cet article-là a été mis dans la loi? C'est parce que nous voulons donner aux propriétaires de la compagnie, à ceux qui sont remplacés par l'administrateur, un recours. Je présume qu'un service de bateaux-passeurs a été interrompu; l'administrateur a été nommé, mais au bout d'un certain temps, les propriétaires de la compagnie croient que la situation est rétablie, ils vont s'adresser à la Régie des transports pour dire: voici quelle est la situation, ils vont expliquer ce qui a été fait, quels sont leurs projets pour que le service se continue de façon permanente et là la Régie va dire: à notre avis, c'est satisfaisant. Puis là un rapport va être envoyé au lieutenant-gouverneur en conseil...

M. BELLEMARE: S'il veut garder sa « job ».

M. LAPORTE: ... Mais le projet c'était notre loi, mais une Régie ne peut pas donner un ordre au Conseil des ministres, ça ne se fait pas...

DES VOIX: C'est la loi.

M. LAPORTE: Une minute, ce n'est pas là, c'est tout à l'heure ça, je vais finir si vous me permettez.

M. JOHNSON: Oui, oui, je n'ai pas d'objection.

M. LAPORTE: Bon, vous êtes bien bon, vous êtes bien bon. Alors, je dis que...

M. JOHNSON: Infiniment aimable.

M. LAPORTE: Bien ça, n'exagérons pas.

M. JOHNSON: Vous ne devez pas me croire.

M. LAPORTE: Alors, M. le Président, on met « peut » à cause de ça. On dit qu'une loi peut donner un ordre à un tribunal, une loi peut donner un ordre à une Régie, mais une loi ne peut pas donner un ordre au lieutenant-gouverneur en conseil qui devra poser tel geste. On dit « peut », puis là il y a la sanction de l'opinion publique, c'est pour ça qu'on a mis ça là. Si le propriétaire de la compagnie va devant la Régie qui émet un jugement à l'effet que la situation est rétablie et que lieutenant-gouverneur en conseil persiste à ne pas dénommer son administrateur, il devra répondre de ses actes devant l'opinion publique. C'est pour ça qu'on a mis ça là, tout simplement. C'est une protection... Pardon?

M. JOHNSON : La sanction tous les 4 ans, oui.

M. LAPORTE: Vous faites ça à tous les six mois, vous, dans vos déclarations.

M. JOHNSON: Que de dégâts, par exemple, pendant 4 ans!

M. LE PRESIDENT: Revenons à l'article.

M. LESAGE: Oui, c'est évident, tout est détruit dans la province, il n'y a rien qui se soit construit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. M. LAPORTE: Le peuple est inquiet. M. JOHNSON: On se comprend... M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.

UNE VOIX: Il n'y a plus de route, il n'y a plus de...

M. BELLEMARE: Vous avez été chanceux qu'on ait fait des hôpitaux puis des écoles.

M, LAPORTE: Je comprends!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.

M. BELLEMARE: Vous n'auriez pas fait l'assurance-hospitalisation.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.

M. BELLEMARE: Oui, les dégâts, je pense que vous les avez faits, les dégâts, vous.

M. JOHNSON: M. le Président, tout le monde s'est compris.

M. LESAGE: C'est vous autres qui avez fait la pluie.

M. JOHNSON: Que le gouvernement, posons une hypothèse, nomme demain un administrateur, il peut sans le concours de la Régie, sans rapport de la Régie, après-demain, révoquer la nomination de l'administrateur, ça c'est clair. Le premier ministre a expliqué ça tantôt au député de Champlain, il savait qu'il comprenait depuis longtemps. Mais là n'est pas le point en discussion et la suggestion du député de Champlain est très au point. Si la Régie trouve que tout est rétabli dans son jugement à elle, pourquoi le gouvernement se réserve-t-il encore cette discrétion.

M. LESAGE: C'est parce que c'est nous qui l'avons nommé.

M. JOHNSON: Pourquoi?

M. LESAGE: Mais oui, mais...

M. JOHNSON: Passer son...

M. LESAGE: ... c'est un principe élémentaire que c'est celui qui nomme qui révoque.

M, JOHNSON: Oui.

M. LESAGE: Bon, eh bien alors?

M. JOHNSON: Mais, M. le Président, il y a une situation d'urgence quant à la nomination.

M. LESAGE: Oui, mais c'est élémentaire.

M. JOHNSON: Tout le monde admet ça. Qu'on en nomme un, point. Mais les gens de la Traverse de Lévis, soyons bien clairs, bien francs, sont mieux d'aller s'arranger avec le premier ministre avant d'aller à la Régie, autrement ils risquent de perdre leur temps et leur argent en allant faire une preuve devant la Régie, c'est encore le bon vouloir du prince.

M. LESAGE: Quel prince? M. PINARD: Voyons donc.

M. JOHNSON: Il faudra être sûr que le premier ministre va être en faveur. Si le premier ministre n'est pas en faveur, même si tous les commissaires de la Régie, fussent-ils nommés par le gouvernement actuel, sont unanimes, ça

ne vaut rien; il faut s'assurer d'avance que le député de Québec-Ouest...

M. BERTRAND: Québécois!

M. LESAGE: Un qui aimerait ça que je me fâche.

M. JOHNSON: C»est là...

M. LESAGE: Non, mais je ne suis pas en air.

M. JOHNSON: ... c'est dans la loi, ça.

M. LESAGE: Cela ne me dit rien de me fâcher.

M. JOHNSON: C'est de la législation autour d'un homme...

M. LESAGE: Le temps de...

M. JOHNSON: C'est du gaullisme...

M. BERTRAND: Québécois!

M. JOHNSON: ... sous certains aspects, c'est du gaullisme.

M. LESAGE: C'est du duplessisme.

M. JOHNSON: C'est une faible réplique, une miniature du gaullisme, M. le Président.

M. LAPORTE: Non.

M. JOHNSON: Si ça ne plaît pas au premier ministre de la province, même si M. le Président de la Régie, lui, trouve que c'est correct, les commissaires, les comptables, les experts, l'union ouvrière, les contremaîtres...

M. LESAGE: Tout y est passé.

M. JOHNSON: ... les capitaines, les seconds, ah non, si le député de Québec-Ouest n'est pas d'accord, c'est bien dommage, mais...

M. LAPORTE: Mais il va être le seul...

M. JOHNSON: ... il y a la sanction au bout de quatre ans.

M. LAPORTE: C'est ça.

M. JOHNSON: Ah ça, c'est une grande sauvegarde, en attendant, tout le monde à genoux devant le prince, M. le Président.

M. BELLEMARE: Ceux qui n'écoutent pas, en bas de l'escalier!

M. JOHNSON: Ceux qui n'écoutent pas déboulent les marches...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Soyons sérieux!

M. JOHNSON: ... ou bien on leur fait monter les marches illusoires...

M. LAPORTE: Le bateau traverse pendant ce temps-là tout le temps.

M. LESAGE: En autant que ça ne sera pas tous les passagers toujours.

M. JOHNSON: M. le Président, vous vous savez que c'est vrai ce qu'on vient de dire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.

M. JOHNSON: M. le Président, vous vous savez que la discrétion du premier ministre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.

M. JOHNSON: ... qu'on est mieux de s'entendre avec lui si on veut avoir des promotions.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.

M. JOHNSON: M. le Président, je vous le demande. Soyez donc franc!

M. LAPORTE: M. le Président, c'est hors d'ordre. M. le Président, vous devriez tout de suite le rappeler à l'ordre.

M. BELLEMARE: C'est un chatouillement qui lui fait plaisir.

M. JOHNSON: M. le Président, j'accomplis mon devoir et je parle même en votre nom cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: Article 36-C...

M. BELLEMARE: Cela fait plaisir.

M. BERTRAND: II a tout pris en note.

M. BELLEMARE: Le ministre de la Voirie...

M. LE PRESIDENT: Adopté ? Article 4.

M. JOHNSON: Donc, c'est de la législation autour d'une personne encore, le prince, le ca-

price du prince. Allah! Allah! Adopté avec beaucoup de réserve...

M. LE PRESIDENT: Alors article 4. M. JOHNSON: ... beaucoup d'objections.

M. LE PRESIDENT: Article 4, est-ce qu'il y a commentaires?

M. JOHNSON: Un instant.

M. LOUBIER: J'aurais juste une question à poser au premier ministre étant donné que l'administrateur va continuer à agir avec le nom de la Traverse de Lévis Inc. et puis tout ça, qu'est-ce qui va arriver par exemple...

M. LESAGE: II n'est pas mandataire.

M. LOUBIER: Non, je comprends mais il va continuer à agir sous le nom corporatif de la Traverse de Lévis Inc. Alors à ce moment-là qu'est-ce qui arrive du livre des minutes qui est assujetti à des règlements de la charte et des lois de la compagnie...

M. LESAGE: Le bureau d'administration continue de siéger.

M. LOUBIER: Pardon?

M. LESAGE: Le bureau d'administration continue de siéger.

M. LOUBIER: Ah! le bureau d'administration va siéger à chaque année.

M. LESAGE: Tant qu'ils voudront, bien plus qu'à tous les ans. A tous les jours s'ils veulent.

M. LOUBIER: Assemblée générale annuelle, assemblée spéciale.

M. LESAGE: Tous les jours s'ils veulent.

M. LOUBIER: Mais ses décisions pourraient toujours être bloquées par l'administrateur.

M. LESAGE: L'administrateur qui administre, lui, cette partie des biens de la compagnie qui est affectée au service...

M. BELLEMARE: Avec une ligne directe avec le bureau du premier ministre.

M. LESAGE: ... qui est essentiel.

M. LOUBIER: Oui, mais à ce moment-là ça veut dire par exemple que le bureau de direction ou à l'assemblée générale annuelle on ne pourra pas choisir un autre président.

M. LESAGE: Mais certainement. On n'a pas le droit? J'ai pris la peine ce matin d'expliquer longuement que les pouvoirs de l'administrateur ne couvraient pas ce cas-là et que même si on voulait qu'ils le couvrent nous ne pourrions pas parce que, étant donné que dans le cas de la Traverse de Lévis, ici, dans le cas qui nous préoccupe il s'agit d'une compagnie à charte fédérale. On n'a pas le droit d'y toucher du tout.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LOUBIER: Alors qu'est-ce qui va arriver par exemple si...

M. LESAGE: La structure de la compagnie, on n'a pas le droit d'y toucher.

M. LOUBIER: ... qu'est-ce qui va arriver si, à la fin de l'année, le bureau de direction qui fait parvenir des formules...

M. LESAGE: Biep ils vont le faire.

M. LOUBIER: ... au Secrétariat provincial, si le bureau de direction dit: bien, écoutez un peu, on n'a rien administré, on ne peut pas donner les renseignements. Qu'est-ce qu'il arrivera à ce moment-là? Ils vont transgresser la loi?

M. LESAGE: Bien non, ils vont faire rapport qu'ils n'ont rien administré, qu'il y a eu un administrateur qui a administré en vertu d'une loi, c'est tout.

M. LOUBIER: La loi oblige à fournir des renseignements.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

M. JOHNSON: Est-ce qu'on ne devrait pas songer à donner suite aux suggestions du député de Bellechasse pour toutes les dispositions de la Loi des compagnies?

M. LESAGE: Bien non! Il s'agit souvent de compagnies fédérales, on n'a pas le droit d'y toucher.

M. JOHNSON: C'est clair, encore limité par...

M. LESAGE: Bien oui.

M. JOHNSON: Donc nécessité...

M. LESAGE: Je l'ai dit ce matin avec regret puis le chef de l'Opposition était d'accord.

M. LE PRESIDENT: Alors article 4 adopté? M. LESAGE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 4 adopté. Article 5 adopté?

M. LESAGE: Bien oui, c'est la même chose. M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LESAGE: On va reprendre le débat ce soir.

M. JOHNSON: Non, voici, je n'ai pas d'objection, moi, à moins que d'autres veuillent parler, à ce qu'on l'adopte sur division en troisième lecture.

M. LESAGE: C'est ça puis on va l'envoyer au Conseil puis on va continuer ce soir, à l'heure qui conviendra au chef de l'Opposition, le débat sur le discours du Trône. Huit heures et quart?

M. JOHNSON: Mettons huit heures et demie.

M. LESAGE: Iluit heures et demie, très bien.

M. BEDARD (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté le bill numéro 1.

M. LeCHASSEUR (président): Troisième lecture adoptée sur division.

M. LESAGE: Sur division. Alors la Chambre est suspendue jusqu'à huit heures et trente.

M. LE PRESIDENT: La Chambre est suspendue jusqu'à huit heures et trente.

Reprise de la séance à 8 h 37 p.m.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. M. LAPORTE: Numéro 8, M. le Président,

M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur de faire rapport que lorsque cette Chambre s'est rendue aujourd'hui auprès de l'honorable M. le lieutenant-gouverneur dans la salle des séances du Conseil législatif, il a plu à l'honorable M. le lieutenant-gouverneur de lire un discours à l'adresse des deux Chambres de la Législature de cette province et que, pour prévenir toute erreur, j'en ai obtenu une copie dont je vais donner lecture à la Chambre.

M. LAPORTE: Vous en êtes dispensé, M. le Président.

M. BERTRAND: Un autre discours comme celui-là, une fois suffit.

M. LAPORTE: Numéro 8, M. Roy.

M. ROYs M. le Président, permettez-moi de vous féliciter pour votre nomination de président de cette Chambre. Votre formation intellectuelle, professionnelle et militaire vous faciliteront la lourde tâche qui vous a été confiée. Tous les députés de cette Chambre apprécient vos qualités de gentilhomme et d'homme de devoir. Aussi, je profite de cette occasion pour présenter mes félicitations à votre prédécesseur, le député de Westmount pour sa récente nomination comme ministre du Revenu du Québec.

M. le Président, je propose que l'adresse suivante soit votée et présentée à l'honorable lieutenant-gouverneur de la province: A l'honorable le lieutenant-gouverneur de la province de Québec. « NOUS, les membres de l'Assemblée législative du Québec, réunis en session, vous prions de bien vouloir agréer avec l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté, nos humbles remerciements pour le discours qu'il vous a plu de prononcer afin de faire connaître les motifs de la convocation des Chambres ».

M. BEAUPRE: M. le Président, les membres de cette Chambre vous ont confié aujourd'hui une lourde responsabilité que vous avez acceptée de bonne grâce. Je vous en félicite, au-suré que vous apporterez, à cette tâche honorable, quoique parfois ingrate, non seulement la compétence juridique et l'Impartialité, mais encore une fermeté tempérée de compréhension et de diplomatie. Mes félicitations égale-

ment à l'ancien président de cette Chambre, l'honorable Richard Hyde, aujourd'hui ministre du Revenu.

Nous avons été convoqués en session spéciale pour adopter une législation qui permettra de mettre fin à l'arrêt d'un important service de transport en commun entre Québec et Lévis. L'arrêt de service est survenu le 18 octobre. Dès le lendemain, le Conseil exécutif était saisi de ce problème urgent et, conscient de ses responsabilités, intervenait pour recommander la convocation de la Législature. Quatre jours plus tard exactement un projet de loi nous était soumis et adopté. M. le Président, cette rapidité d'action mérite certainement d'être soulignée. Elle démontre d'une façon évidente la souplesse de notre système parlementaire, de même que l'esprit de décision et le souci de bien commun qui caractérisent les membres du Conseil exécutif de cette province.

M. le Président, ceux qui doutaient encore de la nécessité de communications directes entre Québec et Lévis n'ont eu qu'à emprunter la route du pont de Québec cette semaine, aux heures de pointe, pour chasser leurs derniers doutes. Déjà utilisée à son maximum par la circulation quotidienne de 22,000 véhicules, cette route a dû accomoder en plus les trois mille voitures qui d'ordinaire s'entassent chaque jour sur les traversiers et cela sans compter les dix mille usagers quotidiens de cette route fluviale, qui ont dû emprunter un autre moyen de transport plus lent et moins efficace, occasionnant...

M. BELLEMARE: A l'ordre, à l'ordre! cela se réfère à un débat antérieur.

M. BEAUPRE: ... de ce fait des pertes de temps et d'argent à de nombreux commerces, industries et services.

M. BELLEMARE: Il n'a pas le droit de refaire le même débat.

M. BEAUPRE: Si un économiste traduisait en dollars et en cents les déficiences actuelles de nos voies de transport entre Québec et Lévis, particulièrement l'absence des traversiers, nous serions certainement étonnés de l'ampleur des pertes qu'encourt en ce moment la région économique de Québec, région desservie par plus de deux cent mille véhicules-moteurs. En conséquence, inutile de dire toute ma satisfaction personnelle pour la législation adoptée aujourd'hui.

Il eut été inopportun d'étudier ici même, comme le demandaient plusieurs corps publics, l'intégration immédiate de la voie fluviale Québec-Lévis au réseau routier de la province. -Je n'en souhaite pas moins que cette suggestion soit reprise en temps et lieu et étudiée à son mérite en tenant compte de tous les facteurs économiques, sociaux et culturels, qui caractérisent la région métropolitaine de la vieille capitale.

M. le Président, la population de tout l'Est du Québec, et plus particulièrement celle des cités de Québec et Lévis, saura gré au gouvernement de cette province d'être intervenu avec célérité et efficacité dans le différend qui la prive d'un service de transport en commun absolument essentiel.

Aussi, suis-je très heureux, à titre de député de Québec-Centre, d'appuyer le député de Lévis et de seconder sa motion de remerciements à l'Adresse de l'honorable lieutenant-gouverneur.

UNE VOIX: Adopté.

M. JOHNSON: M. le Président, c'est assez évident que j'ai l'intention de parler. Ce qui l'est moins c'est que j'ai l'intention d'être bref et, deuxièmement, d'être le moins contentieux que possible. D'abord, sans préjuger des désirs de mes collègues, sans vouloir museler qui que ce soit, je crois pouvoir vous dire que nous pourrions terminer la session ce soir si le gouvernement, évidemment, se contente de répondre et peut-être d'accepter ce que j'aurai à proposer tantôt en amendement...

M. LESAGE: Avec le sourire!

M. BELLEMARE: Je n'en reviens pas.

M. LESAGE: Pardon?

M. BELLEMARE: Vous l'avez depuis ce matin, ne le perdez pas...

M. JOHNSON: Cependant, je dois vous dire, M. le Président, que moi-même et plusieurs de mes collègues, nous aurions aimé poser quelques questions et si tout finit, peut-être...

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: ... que dès que j'aurai fini ma motion, si on avait amené nos travaux, si on voulait nous accorder...

M. LESAGE: D'accord.

M. JOHNSON: ... une période de questions en attendant...

M. LESAGE: D'accord, d'accord. M. JOHNSON: Cela va, ça va? M. LESAGE: Oui. M. JOHNSON: Bon.

M. LAPORTE; Est-ce que vous allez nous accorder une période de réponses?

M. BERTRAND: Ah oui! Pas seulement les questions, les réponses.

M. JOHNSON: Non seulement on est prêt à l'accorder mais on espère qu'enfin, enfin, on va en avoir des réponses...

M. LESAGE: Enfin, est-ce qu'on va avoir des réponses!

M. JOHNSON: ... sur des sujets d'importance nationale.

UNE VOIX: ... au feuilleton

M. DOZOIS: Parce qu'il n'y en aura plus!

M. LESAGE: Verbalement!

M. JOHNSON: Nous avons été convoqués pour les fins que tout le monde connaît maintenant et nous avons coopéré avec le gouvernement pour que le bill passe aujourd'hui le stade ou les stades des première, deuxième et troisième lectures. Cependant, j'ai un mandat à accomplir qui me vient de mes collègues et d'un organisme du parti, plus exactement l'organisme du parti qui s'appelle le Bureau exécutif du conseil national car nous aussi, nous avons une structure démocratique dont nous sommes extrêmement fiers, structure complète.

M. le Président, mes collègues réunis en caucus chez le whip en chef ont unanimement déclaré ceci: « Quant à l'attitude à prendre au cours des présentes élections fédérales, le caucus a unanimement maintenu que l'Union nationale, parti totalement et exclusivement voué aux intérêts du Québec, devait demeurer fidèle à la mission qui a toujours été la sienne, celle de fournir à tous les citoyens du Québec, quelle que soit leur allégeance sur le plan fédéral, un instrument politique conforme aux besoins et aux aspirations profondes du peuple québécois. Quel que soit le parti qui sera porté au pouvoir à Ottawa, l'Union nationale combattra avec énergie pour le respect intégral des droits du Québec et de la nation canadienne- française. Elle continuera de réclamer le rejet de la formule Fulton-Favreau et l'adoption d'une constitution nouvelle fondée sur l'égalité-juridique et pratique des deux nations. Sa devise est et restera; « Québec d'abord ».

L'organisme habilité a parler au nom du parti, maintenant, ayant pris connaissance de cette déclaration du caucus des députés, m'a autorisé à déclarer ceci, plusieurs membres de cette Chambre ont lu la déclaration dans les journaux mais je crois à propos de la répéter ici pour bien situer le court débat. Je disais en partie, le 9 octobre 1965, ce qui suit: « Nos militants de toutes les régions du Québec sont littéralement scandalisés de voir les partis fédéraux multiplier des promesses qu'ils ne pourraient pas réaliser sans déchirer le pacte confédératif et violer ouvertement la Constitution actuelle.

L'éducation, la culture, le bien-être social, les richesses naturelles et les institutions municipales sont autant de domaines où le pouvoir de faire des lois et de les appliquer appartient en exclusivité aux provinces, en vertu de la Constitution actuelle.

Si le Québec réclame une constitution mieux appropriée à ses besoins d'aujourd'hui, ce n'est pas pour diminuer ses libertés et ses responsabilités, mais pour les augmenter. C'est pourquoi, tout en approuvant la déclaration émise récemment à la suite d'un caucus des députés de l'Union nationale, le bureau exécutif du Conseil national m'a chargé de dire publiquement ce qui suit: « Premièrement, quel que soit le parti politique sui sera appelé à former le prochain gouvernement d'Ottawa, que ce parti soit majoritaire ou minoritaire, l'Union nationale continuera de lutter avec énergie contre toute atteinte aux droits et aux libertés du Québec et de la nation canadienne-française. « Deuxièmement, tout en continuant de limiter son action à. la scène provinciale, l'Union nationale souhaite que le 8 novembre prochain, l'électorat du Québec n'élise que des candidats capables d'oublier, au besoin, les lignes de partis pour mettre au-dessus de tout les intérêts constitutionnels et économiques de la population québécoise. « Troisièmement, vu que l'adoption de la formule d'amendement constitutionnel, dite formule Fulton-Favreau, aurait pour effet de perpétuer à jamais la situation des minorités et de dépendance dans laquelle se trouvent présentement le Québec et la nation canadienne-française vis-à-vis le reste du pays, l'Union nationale demande à tous les partis et à tous les candidats en lice, dans la présente élec-

tion fédérale, de définir carrément leur attitude au sujet de cette formule. »

M. le Président, c'est en conformité avec ce mandat que je sens qu'il est de mon devoir de participer le plus brièvement possible à ce débat sur l'Adresse et j'y suis invité, M. le Président, par nul autre que le premier ministre du Canada qui, d'après l'Evénement du 13 octobre, déclarait ceci, et je cite; « Si Québec le désire, Ottawa reprendra l'étude de la formule Fulton-Favreau. » C'était le titre. « Le premier ministre Lester B. Pearson a choisi deux occasions différentes, » dit le journal, » au cours de sa visite-éclair dans la vieille capitale hier, pour s'entretenir de deux sujets d'intérêt pour les Québécois; la formule Fulton-Favreau et le programme de subsides de son gouvernement à l'industrie navale. Dans le premier cas, il a répondu à un reporter qui l'interrogeait au club de Réforme, en fin d'après-midi, " qu'un mot du Québec" pourrait inciter son gouvernement à reprendre l'étude de cette formule controversée dans le Québec touchant le rapatriement et la modification au Canada de la constitution canadienne. »

M. le Président, si M. Pearson a été cité correctement et interprété correctement, il aurait dit « qu'un mot du Québec » pourrait inciter son gouvernement à reprendre l'étude de cette formule controversée dans le Québec touchant le rapatriement et la modification au Canada de la constitution canadienne. Il y a évidemment un échappatoire dans le mot « pourrait »; c'est de prudence normale pour un homme racé comme M. Pearson, pour un diplomate de carrière. C'est le même M. Pearson, cependant, qui avait dit, qui avait écrit dans le Livre blanc intitulé « Modification de la constitution du Canada », livre publié sous l'autorité de l'honorable Guy Favreau, ministre de la Justice, février 1965, qui aurait dit en fin de préface, à la page VIII, la phrase suivante — je me permets de citer deux phrases, M. le Président, qui constituent le dernier paragraphe; « Le gouvernement du Canada est convaincu que grâce à l'esprit de tolérance et au sens politique dont le peuple canadien a toujours fait preuve, la formule proposée permettra au cours des années d'adapter nos structures gouvernementales aux transformations essentielles tout en sauvegardant les principes fondamentaux sur lesquels repose la Confédération. » Deuxième phrase; « C'est donc sans aucune hésitation que je recommande la formule au Parlement et au peuple canadien. Le premier ministre, Lester B. Pearson. »

Vous l'avez constaté, M. le Président, entre février 1965 et octobre 1965, le premier ministre du Canada aurait changé d'attitude ou du moins serait prêt à reconsidérer cette formule. On sait — c'est pour les besoins du dossier que je rappelle ces faits - que le chef du Ralliement des créditistes, M. Caouette, s'est prononcé contre la formule Fulton-Favreau; que M. Douglas, chef du Nouveau Parti Démocratique, s'est prononcé contre la formule Fulton-Favreau...

M. LESAGE: II faudrait avoir les raisons invoquées par chacun, qui sont toutes aux extrêmes de celles qui sont invoquées par le chef de l'Opposition...

M. JOHNSON: Troisièmement, M. John Diefenbaker, chef du parti conservateur...

M. LESAGE: Pourquoi?

M. JOHNSON: ... s'est prononcé contre la formule Fulton-Favreau.

M. LESAGE: Est-ce pour les mêmes raisons que le chef de l'Opposition?

M. JOHNSON: M. le Président, dans aucun des trois cas il ne s'agit des mêmes raisons.

M. LESAGE : Et dans le cas du chef de l'Opposition, c'est une quatrième raison.

M. JOHNSON: Cela commence à faire du monde qui ne l'aime pas la formule Fulton-Favreau.

M. LESAGE: Mais c'est pour des raisons diamétralement opposées.

M. JOHNSON: M. le Président, peut-être, admis!

M. LESAGE: Admis, merci.

M. JOHNSON: Les motifs peuvent aussi être discutés, mais je ne discute ni des motifs qui ont poussé M. Caouette à se prononcer contre la formule ni ceux qui ont poussé M. Douglas et M. Diefenbaker à se prononcer carrément contre la formule, comme je n'aimerais pas non plus à ce qu'on discute des motifs qui m'ont animé depuis que j'ai appris l'assentiment de Québec à cette formule, surtout depuis qu'elle est devenue officielle, cette attitude du gouvernement par son inscription au feuilleton de la Chambre, le 22 janvier 1965. Je crois qu'il est

clair que l'Union nationale est contre la for mule Fulton-Favreau. Je pense que je n'ai pas à rappeler ici les dizaines et les dizaines de discours que j'ai dû faire sur le sujet, les interventions de certains de mes collègues, je n'ai pas à rappeler non plus que ce n'est pas de l'Union nationale seulement qui est contre la formule, mais c'est en général le peuple de la province de Québec et que c'est en général la nation canadienne-française. par ailleurs, M. le Président, il y eut un rapport préliminaire d'une commission prestigieuse qui s'appelle la Commission Lauren-deau-Dunton et qui a déclaré en toutes lettres, oh, je cite la substance, je m'excuse d'employer le mot « toutes lettres », c'est la substance que je cite par coeur; « Que les commissaires n'avaient rencontré personne dans la province de Québec qui ne voulût du statu quo ». Je crois qu'en toute honnêteté, même le premier ministre de cette province, tous et chacun de ses collègues sont prêts à admettre que nous ne sommes pas satisfaits du statu quo.

M. LESAGE: Je l'ai dit quatorze fois dans l'Ouest.

M. JOHNSON: M. le Président, il y en a une proportion de notre population qui prône l'indépendance...

M. LESAGE: Les deux extrêmes.

M. JOHNSON: ... une proportion peut-être plus considérable que cette dernière catégorie que je viens de mentionner qui prône les états associés. Mais il y a indubitablement un très grand nombre de personnes en autorité, y inclus les ministres, les députés du gouvernement devant nous, qui réclament au moins un statut particulier pour la province de Québec, et sauf erreur, le premier ministre...

M. LAPORTE: Vous pouvez ajouter le premier ministre...

M. JOHNSON: ... est un de ceux qui, parlant même devant des sourds, a prêché...

M. BERNATCHEZ: Les non-instruits.

M. JOHNSON: ... le statut particulier ou a plaidé en faveur d'un statut particulier.

M. LESAGE: II n'y avait pas seulement des sourds.

M. JOHNSON: Non, mais disons en blaguant qu'il y en avait plusieurs.

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: M. le Président, il n'y a donc pas de doute que le minimum, le strict minimum que désire la presque totalité des Canadiens d'expression française, vivant dans la province de Québec, c'est un statut particulier pour la province de Québec.

C'est un statut particulier pour Québec, un statut particulier qui ne serait pas le résultat d'une tolérance fédérale, qui ne serait pas le résultat d'une délégation d'Ottawa, un statut particulier, si nous demeurons dans la Confédération qui doit être assise sur des bases solides, c'est-à-dire sur une constitution qu'on ne peut pas changer facilement au gré des caprices d'une majorité de quelque parti que ce soit.

Or, c'est le Livre blanc lui-même, ce livre publié, je le répète, sous l'autorité de l'honorable Guy Favreau, ministre de la Justice en février 1965, qui dit textuellement à la page 51 ce qui suit: — je citerai trois paragraphes dont voici le premier: « Finalement, certains ont exprimé la crainte que la disposition relative à la délégation puisse permettre à une province qui s'y emploierait d'acquérir au sein de la confédération un statut complètement différent de celui des autres. Une analyse rigoureuse de la disposition relative à la délégation démontre qu'elle n'offre pas une telle possibilité. »

Deuxième paragraphe: « Si une province veut édicter une loi qui ne relève pas de sa compétence, elle ne peut obtenir le droit de le faire seule. Elle ne peut non plus le faire de sa propre volonté avec le concours d'autres provinces. La formule ne permet pas au gouvernement d'octroyer un seul pouvoir législatif à une seule province. L'autorité ne peut être conférée à moins de quatre provinces. De plus, chaque délégation exige au préalable le consentement exprès du Parlement et chacune est sujette à révocation par le Parlement. » Entendons, évidemment, le Parlement fédéral. « Enfin — continue ce deuxième paragraphe — comme on l'a déjà indiqué il ne peut y avoir délégation de pouvoir comme telle, la délégation implique seulement le consentement à ce qu'une mesure législative en particulier soit édictée. »

Troisième paragraphe: « Une autre façon, du moins en théorie, pour une province d'en arriver à un statut spécial, serait de refuser d'autoriser le parlement — d'Ottawa sous-entendu — à édicter des lois du ressort provincial alors que les autres provinces y consentiraient. Ainsi, si neuf provinces étaient disposées à permettre au parlement d'exercer certains pouvoirs législatifs, il aurait le droit d'agir ainsi à leur égard et la dixième province pourrait, théoriquement, acquérir un sta-

tut spécial en refusant de suivre leur exemple. Le paragraphe continue: « Elle n'atteindrait pas — cette province qui n'aurait pas suivi les neuf autres — ce résultat par son action propre, mais par celle des autres provinces auxquelles elle refuserait de se joindre. L'aboutissement, même dans cette situation improbable, ne serait pas un statut constitutionnel spécial pour une seule province. Ce serait une situation, administrative différente. Un changement dans la position constitutionnelle d'une province ne pourrait s'accomplir que par des modifications de fond apportées à la constitution elle-même. » C'est-à-dire, en commençant par le troisième paragraphe, par cette dernière phrase, un changement dans la position constitutionnelle d'une province, donc pour obtenir un statut particulier pour Québec, ne pourrait s'accomplir que par des modifications de fond apportées à la constitution elle-même. Or, les modifications de fond requièrent, M. le Président, des majorités des provinces, sept des provinces dans certains cas, et l'unanimité dans les autres. J'y reviendrai.

M. le Président, il est à remarquer tout de suite que le texte intégral de ce Livre blanc a été approuvé spécifiquement, par le gouvernement de la province de Québec ou au nom du gouvernement de la province de Québec, par le premier ministre de cette province, qui a transmis, comme on l'a vu dans les documents déposés dans cette Chambre, l'approbation de son gouvernement contenue dans une lettre à laquelle il a joint un mémoire préparé par M. Pigeon.

Donc, j'ai raison de présumer que tout ce qui est écrit ici c'est l'opinion au moins du premier ministre; deuxièmement, certainement l'opinion officielle du gouvernement qu'il préside. Est-il nécessaire de vous rappeler que ce statut particulier dont le premier ministre parle et qui constitue, je le répète, un strict minimum auquel se rallierait la très grande majorité de la province de Québec comme stade intermédiaire ou comme stade final selon les groupes? Est-il nécessaire de vous rappeler que ce statut particulier n'est possible, ne serait pas possible si ia formule Fulton-Favreau était approuvée dans son texte actuel tel qu'il a apparu pendant très longtemps, pendant toute la session, au feuilleton de l'Assemblée législative, contenu dans une motion au nom du premier ministre. Est-il nécessaire de dire au premier ministre qu'il est tout à fait illusoire de s'attendre de recevoir le concours des neuf autres provinces et du fédéral pour élargir d'une façon permanente par un amendement de fond à la Constitution les pouvoirs de la province de Québec?

Le premier ministre de la province, a la lumière de l'expérience récente qu'il a vécue mais dont il n'avait pas besoin pour arriver à la même conclusion, doit nécessairement se lever ce soir et dire à cette Chambre qu'il est profondément convaincu que la formule Fulton-Favreau ne permettrait jamais un statut particulier puisque, d'après le Livre blanc qu'il a approuvé, d'après interpretation communément acceptée par tous les experts et tous les avocats qui ont étudié la question, un statut particulier exigerait le concours des neuf autres provinces et du fédéral et le concours, ça veut dire une loi de la Législature de toutes et chacune des neuf autres provinces et du Parlement fédéral. Cessons de rêverl Nous l'avons dit, dès le début, la formule Fulton-Favreau fera de nous des quémandeurs de droits alors que nous avons comme base à nos droits notre statut,- qu'il soit oui ou non accepté par M. Diefenbaker, M. Pearson ou M. Douglas ou n'importe quel autre...

M. LESAGE: Ne vous fâchez pas!

M. JOHNSON: Ce n'est pas contre le premier ministre que je me choque.

M. LESAGE: Ne vous fâchez pas contre vous surtout, pas contre vous.

M. JOHNSON: ... le droit naturel, deuxièmement des droits historiques et troisièmement notre détermination non seulement de vivre comme une nation, mais de nous épanouir comme une nation dans l'égalité si possible, dans l'égalité à travers tout le Canada et si c'est impossible, M. le Président, par le moyen le plus radical. Or, je l'ai dit plusieurs fois, l'adoption de la formule Fulton-Favreau aurait pour effet de nous « encarçaner »: l'expression de carcan constitutionnel, sauf erreur, a été d'abord employée par M. Jacques-Yvan Morin, qui a fait campagne contre cette formule. Les associations d'étudiants ont fait campagne contre cette formule, l'union générale des étudiants, l'AGEUM, l'AGEL et plusieurs autres groupes.

Sur le campus de Laval, on a tenu un référendum qui a été extrêmement éloquent dans le résultat qui a été publié où 4 contre 1 on s'est prononcé contre la formule. La formule Fulton-Favreau ne devrait jamais être acceptée. Je sais que dans son état actuel, je sais qu'en présentant la motion dont je vous ferai lecture tantôt, je demanderai au premier ministre de poser un geste extrêmement difficile pour un chef de parti, particulièrement pour un premier ministre, mais j'ai pris soin de présenter la formule, mon amendement, dis-je, dans une

forme telle qu'elle ne constitue pas, à mon sens, une motion de non-confiance.

M. LESAGE: Inévitablement. Vous ne pouvez pas rédiger un amendement à l'Adresse sans que ce ne soit une motion de non-confiance, quel que soit l'amendement.

M. JOHNSON: C'est discutable.

M. LESAGE: Ce n'est pas discutable, c'est la procédure reconnue.

M. JOHNSON: C'est discutable. Quand le premier ministre aura lu la formulation, je pense qu'il admettra avec moi...

M. LESAGE: II n'y a pas de formulation possible.

M. JOHNSON: ... que ça ne constitue pas une motion de non-confiance.

M. LESAGE: C'est inévitablement une motion de non-confiance...

M. JOHNSON: J'aurais, si nous avions eu plus de temps...

M. LESAGE: ... surtout à une adresse de remerciement au lieutenant-gouverneur. Du moment qu'il y a un amendement, c'est une motion de non-confiance.

M. BERTRAND: Non, on le remercie quand même.

M. JOHNSON: Si, malgré tout, le premier ministre veut prétendre qu'il s'agit d'une motion de non-confiance, qu'en votant pour mon amendement...

M. LESAGE: II ne me reste plus rien qu'à démissionner.

M. JOHNSON: II se voterait non-confiance. Je lui propose ici...

M. LESAGE: C'est comme ça que vous allez avoir des élections cet automne, en me faisant voter contre mon gouvernement.

M. LAPORTE: II veut nous sous-mariner.

M. JOHNSON: J'ai déjà des amis dans le Cabinet.

M. LESAGE: Oh déjà!

M. JOHNSON: Presque des alliés, les désillusionnés.

M. LESAGE: A ce compte-là, j'en ai plein votre parti.

M. JOHNSON: Je n'ai pas grand poste à distribuer. Mon patronage est limité.

M. LESAGE: Je n'en ai pas, moi.

M. JOHNSON: Je veux dire au premier ministre que s'il prétend que la motion d'amendement, telle que formulée, pourrait être interprétée comme une motion de non-confiance envers son gouvernement, je suis prêt à la retirer, cette motion d'amendement, pourvu qu'avec le consentement unanime de la Chambre, elle soit transformée en motion principale où il n'y aura plus de doute, qu'il ne s'agit que d'une expression d'opinion et non pas d'un vote de non-confiance. En somme, je répète ce soir un geste que nous avons déjà posé. A un moment donné, nous avions présenté une motion qui avait la formule d'une motion de non-confiance sur un sujet d'une très grande importance, je crois que c'est la caisse de retraite. Et, à la demande du ministre des Richesses naturelles du temps et pour un temps indéterminé, nous avions retiré cette motion et nous l'avions transformée en motion de fond afin que personne ne puisse être violenté dans son opinion, afin que tout le monde puisse s'exprimer librement. Or, je répète, si le premier ministre prétend, quand il aura terminé la lecture de ma motion, qu'il s'agit bien d'une motion de non-confiance, je la retirerai, à la condition qu'on la transforme par consentement unanime de cette Chambre, cette motion de fond et qu'on prenne le vote sur cette motion.

J'aurais pu, déposer une motion au feuilleton, mais il fallait que je consulte d'abord mes collègues, ce que j'ai fait hier soir. Si je la déposais aujourd'hui nous pourrions continuer le débat sur l'Adresse, Dieu sait si nous aurions de la matière pour faire un débat sur l'Adresse, car nous avons été bien déçus de voir qu'on n'en profitait pas pour régler certains problèmes aigus comme le domaine agricole, le domaine de l'éducation, le domaine de la santé, mais nous avons choisi cette méthode pour ne pas retarder les travaux de la Chambre. Nous aurons l'occasion, au début de la session régulière, d'exprimer les revendications de la population dans ces divers domaines. Nous aurions donc pu déposer une motion aujourd'hui, elle viendra en appendice demain et lundi nous aurions pu la discuter à fond. Au lieu de pro-

céder ainsi, j'ai formulé un amendement dont je fais parvenir tout de suite le texte au premier ministre, même si je ne l'ai pas encore lu.

M. LESAGE: Pas encore lu?

M. JOHNSON: C'est-à-dire même si je ne l'ai pas encore lu publiquement.

M. LESAGE: Ah!

M. LAPORTE: Excusez-moi, je pensais que c'était comme d'habitude.

M. JOHNSON: Le ministre est chanceux que je sois de bonne humeur.

M. LAPORTE: Bien, je choisis mes moments.

M. JOHNSON: M. le Président, si le premier ministre prétend qu'il s'agit là... qu'en votant pour cette motion, lui et ses députés, exprimeraient un vote non-confiance envers son propre gouvernement, je la retirerai à condition qu'on me donne le consentement unanime de la présenter comme motion de fond.

M. le Président, on invoquera peut-être, et je vais au devant des coups, que j'ai fait une motion devant le comité parlementaire de la Constitution. Cette motion déposée à la dernière réunion, le 18 juin, se lisait comme suit: « Proposé par M. Johnson, secondé par M. Bertrand, que le comité parlementaire de la Constitution présente un rapport intérimaire à l'Assemblée législative pour la prier de ne donner aucun acquiescement à la formule d'amendement de la Constitution du Canada, dite formule Fulton-Favreau, avant que ledit comité n'ait étudié les conséquences que l'adoption de cette formule pourrait avoir pour le Québec et n'ait fait rapport des conclusions de son étude ».

M. le Président, deux motifs m'amènent, malgré cette motion, à formuler ma motion d'amendement de ce soir. Premièrement le comité est trépassé depuis le début de la session de la présente session, celle qui a débuté ce matin, sous votre règne. Je le souhaite très heureux, même s'il doit être court, M. le Président, à moins qu'une décision de faire de vous, nous le verrons dans le temps, l'Orateur permanent de l'Assemblée législative, ce qui reste à étudier.

M. le Président, donc le comité est mort ce matin, et le député de Missisquoi a l'intention de demander à cette Chambre, car c'est lui qui s'occupe tout spécialement de ce problème, de le faire revivre...

M. LESAGE: Ah, oui, on va y voir.

M. JOHNSON: ... et je pense que personne n'aura d'objection.

M. LESAGE: On va faire ça.

M. JOHNSON: Et deuxièmement, comme je l'ai noté tantôt, il y a des faits nouveaux qui nous incitent à présenter cette motion, d'abord le mandat que j'ai reçu de mes collèques en caucus, le mandat que j'ai reçu de l'organe habilité à parler au nom du parti et enfin l'invitation de M. Pearson qui, dit-il, n'attend qu'un mot de Québec.

Le même monsieur Pearson, comme je l'ai dit tantôt, qui avait pourtant appuyé la formule de toute son autorité, de tout son prestige et sans aucune restriction, d'après le Livre blanc.

M. le Président, je sais que je demande au premier ministre de poser, ce soir, un acte de vertu un peu extraordinaire, car on sait avec quelle ardeur le premier ministre s'est lancé pour vendre cette formule au public, aux non-instruits. Le premier ministre s'est lancé et si je m'en rapporte au journal Le Devoir du 15 mars 1965, je lis ceci; « Appui unanime de la Fédération libérale du Québec à Lesage au sujet de la formule Favreau-Fulton. » Et au début de l'article, le « lead », comme on dit en bon français, même dans ces milieux journalistiques du Devoir: « Les membres du conseil général de la Fédération libérale du Québec, qui groupe quelque trois cents personnes réunies samedi à Montréal à la demande du premier ministre, ont donné leur appui unanime à la position de M. Lesage au sujet de la formule de rapatriement de la Constitution canadienne. Personne ne s'est opposé au cours d'un vote à mainlevée à une résolution qui, premièrement, déclare que la formule de rapatriement de la Constitution canadienne garantit les droits acquis du Québec et permet son évolution constitutionnelle. Deuxièmement, approuve la formule proposée qui « constitue une grande victoire constitutionnelle pour le Québec ». Troisièmement, endosse « l'attitude positive prise par le gouvernement libéral du Québec relativement au rapatriement de la constitution canadienne ».

M. le Président, on sait aussi que quelques mois plus tard, toujours selon le journal Le Devoir, dans son édition du 10 mai, le premier ministre aurait réussi à vendre l'idée de la formule aux jeunes libéraux et le Devoir, en

effet, titrait ce jour-là; « Lesage réussit à vendre l'idée de la formule F.F. aux jeunes libéraux » par Marcel Thivierge, Québec.

M. LESAGE: Je pensais que vous le connaissiez bien!

M. JOHNSON: Avant d'assister au caucus...

M. LESAGE: Vous lui avez remis votre texte assez tôt pour qu'il soit sur la première édition de son journal et vous vous arrangez pour que ma réponse n'y soit pas. Vous le connaissez assez bien.

M. JOHNSON: Pardon? Quoi? Moi, j'ai remis...

M. LESAGE: Vous vous êtes arrangé pour lui donner le texte de votre amendement pour qu'il soit...

M. JOHNSON: Moi, j'ai remis le texte de mon amendement à monsieur...?

M. LESAGE: Bien, je ne sais pas. Vous l'avez remis à la galerie de la presse parce que ces messieurs l'ont pour qu'il soit sur la première édition des journaux demain matin, mais pas ma réponse.

M. JOHNSON: Voyons donc! Je l'ai remis à un journaliste, M. le Président...

M. LESAGE: Bien oui, quand vous le remettez à un, vous le remettez à tous.

M. JOHNSON: ... avec l'entente que...

M. LESAGE: Avec l'entente qu'il serait remis à tous. C'est évident. C'est ce que je fais, moi aussi.

M. JOHNSON: Non, du tout. Au contraire, M. le Président.

M. LESAGE: Bien, il y a eu des indiscrétions.

M. JOHNSON: Québec. « Avant d'assister au caucus, nous étions contre la formule Fulton-Favreau, maintenant, nous y sommes favorables, ont déclaré, samedi, un grand nombre des quelque cinquante jeunes libéraux qui venaient de s'entretenir durant plus de trois heures avec le premier ministre. L'exécutif de la Fédération de la jeunesse libérale du Québec avait convoqué à un caucus les présidents et les secrétaires d'associations de comtés, la réunion s'est dé- roulée au Club de réforme de la capitale. »

M. le Président, je vous fais grâce du reste de l'article. D'ailleurs, le premier ministre se souvient très bien qu'il a été le vendeur de cette formule, qu'il a tenté de la faire accepter et ce n'est pas facile, je l'admets, de changer d'idée.

Je crois qu'il arrive des moments dans la vie d'un peuple où les hommes politiques doivent s'élever au-dessus des intérêts de partis et doivent, même si cela fait mal, poser certains gestes. Nous n'avons pas hésité, dans le passé, à mettre de côté l'esprit de parti pour appuyer le gouvernement lorsqu'il s'est agi de revendication en faveur de la province de Québec.

Nous avons proposé en 1962 une motion de fond pour laquelle le premier ministre a voté à tour de bras et avec enthousiasme, qui lui donnait un mandat, celui de travailler à la récupération de nos pouvoirs de taxation en commençant par le pouvoir de taxer les profits des corporations, surtout celles qui exploitent les richesses naturelles et en lui demandant d'obtenir l'exclusivité en matière de droits de successions. Malgré cette motion, le premier ministre n'a pas travaillé dans ce sens pour certaines raisons que je ne discute pas ce soir.

M. LESAGE: Pardon?

M. JOHNSON: Pour certaines raisons que je ne discute pas ce soir, malgré...

M. LESAGE: Qu'est-ce que je n'ai pas fait?

M. JOHNSON: La motion de 1962 que le premier ministre avait votée, que toute cette Chambre avait votée à l'unanimité...

M. LESAGE: Bien oui, mais j'ai travaillé dans ça.

M. JOHNSON: ... qui demandait au gouvernement de continuer sa lutte en vue de...

M. LESAGE: Oui, oui, vous pensez que je ne continue pas? C'est 20 heures par jour.

M. JOHNSON: Mais ça m'a l'air que le premier ministre n'a pas mis l'accent sur les domaines qui étalent spécifiés dans cette motion pour des raisons que je ne discute pas, mais dans un domaine, c'est clair, l'exclusivité en matière de droits de successions, le premier ministre a lâché là-dessus, disons qu'il était prêt à laisser 5% à Ottawa.

M. LESAGE: Non, non, je n'ai pas lâché, je n'ai jamais lâché.

M. JOHNSON: Mais je ne veux pas dévier le débat, je veux tout simplement dire ceci au premier ministre: je ne me fais pas d'illusions...

M. LESAGE: Moi non plus sur vous.

M. JOHNSON: ... une résolution de la Chambre, ça ne règle pas définitivement l'affaire...

M. LESAGE: C'est assez clair.

M. JOHNSON: ... mais quand le premier ministre du Canada, même s'il est en élections, et selon l'aveu même du premier ministre de la province de Québec qui ne sera peut-être pas premier ministre après le 8 novembre...

M. LESAGE: Ah! je pense bien, quand je vous aurai cité ce que votre chef à vous a dit, vous serez bien surpris que M. Pearson ne le soit pas.

M. JOHNSON: Ah! M. le Président, chef ou pas chef, moi je n'ai pas engagé la province de Québec dans ce cancan de la formule Fulton-Favreau, c'est le premier ministre de la province de Québec.

M. LESAGE: II n'y a pas de motion.

M. JOHNSON: Quels que soient les motifs de quelque chef que ce soit à Ottawa, il me semble que nous serions capables de nous élever au-dessus des intérêts de parti et, ce soir, à l'unanimité, M. le Président, voter cet amendement que j'ai l'honneur de soumettre ou une motion, le même texte que nous transformerons du censentement unanime en motion de fond car il est plus important, M. le Président, de garantir la liberté d'une nation que de sauver la face d'un gouvernement ou d'un premier ministre.

M. LESAGE: Je n'ai pas de face à sauver.

M. JOHNSON: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer, secondé par le député de Missisquoi, que la motion en discussion soit amendée en y ajoutant les mots suivants; « Nous vous soumettons respectueusement que le gouvernement devrait informer le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux que de l'avis de cette Chambre, la formule d'amendement à la constitution, dite formule Fulton-Favreau, est incompatible avec les intérêts et les aspirations du Québec et de la nation canadienne-française. »

M. LESAGE: M. le Président, je serai aussi bref qu'il est possible de l'être dans les circonstances. Je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur le fait que même si l'on ne considère pas cette, motion comme une motion de non-confiance, ce que je n'admets pas, elle constitue non pas un acte positif mais un acte strictement négatif comme nos prédécesseurs en ont toujours posé dans le passé. Remarquez la forme négative de cette motion d'amendement...

M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que le premier ministre invoque le règlement à l'encontre de la motion?

M. LESAGE: Non, pas du tout. Je parle quant au fond.

M, JOHNSON: Pas du tout? On la discute quant au fond?

M. LESAGE: Mais pourquoi pas?

M. JOHNSON: Très bien. Est-ce qu'il considère que c'est une motion de non-confiance?

M. LESAGE: Oui, mais j'ai dit: que ce spit ou que ce ne soit pas une motion de non-confiance, ça n'a pas d'importance, je parle de sa forme négative.

M. JOHNSON: Non, mais est-ce que le premier ministre...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que j'ai le droit de parler au fond sur l'amendement qui est proposé?

M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais, le premier ministre me permettra une question.

M. LESAGE: Vous êtes bien pressé. M. JOHNSON: Est-il prêt, s'il... M. LESAGE: Laissez-moi-parler.

M. JOHNSON: ... est d'accord sur le fond que cette Chambre exprime son opinion, est-ce qu'il est prêt à la convertir en motion de fond?

M. LESAGE: M. le Président, j'ai attendu jusqu'à la fin du discours du chef de l'Opposition pour qu'il nous récite sa motion. Est-ce qu'il pourrait patienter quelques minutes?

M. JOHNON: Je voudrais avoir le consentement.

M. LESAGE: Je pourrais développer mes idées, je comprends son impatience, sa nervosité. Mais enfin je discute de ces sujets constitutionnels, de ces sujets extrêmement importants, depuis des semaines avec des Canadiens de toutes les origines ethniques, j'ai vécu profondément dans le domaine constitutionnel dans la réalité canadienne, dans le bi-linguisme, dans le multiculturalisme depuis des semaines et il me semble que je pourrais faire certaines observations à la lumière de l'expérience que je viens de vivre, avant de me prononcer sur le caractère même et sur le fond de cette motion.

M. JOHNSON: Mais est-ce que...

M. LESAGE: Est-ce que le chef de l'Opposition ne pourrait pas être un...

M. JOHNSON: Non, mais est-ce que... M. LESAGE: ... peu moins impatient?

M. JOHNSON: Non, non, mais il faudrait que ce soit clair. Le premier ministre invo-que-t-il oui ou non...

M. LESAGE: Je n'invoque rien, M. le Président, je parle au fond sur ma motion, c'est la troisième fois que je le dis.

M. JOHNSON: Le premier ministre va-t-il tenter de la faire écarter sur une question de règlement?

M. LESAGE: M. le Président, mais j'ai la parole...

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

UNE VOIX: A l'ordre.

M. JOHNSON: S'i1 a l'intention, M. le Président, de la faire écarter sur une question de règlement...

M. LESAGE: Voulez-vous vous désénerver?

M. JOHNSON: ... ou interprétation de règlement, il doit le déclarer dès le début.

UNE VOIX: Comme vous deviez...

M. JOHNSON: Et c'est un débat qui pourrait s'ensuivre sur l'Interprétation du règlement. S'il en discute au fond, M. le Président, c'est un autre problème et il a toute liberté.

M. LESAGE: Je discute de la question au fond, c'est la quatrième fois que je le dis, quatrième fois.

M. JOHNSON: C'est bien.

M. LESAGE: C'est une motion d'amendement qui...

M. JOHNSON: C'est encore mieux que c'était.

M. LESAGE: ... est absolument régulière. Je n'ai pas à invoquer le règlement, je n'ai pas l'intention de l'invoquer.

M. JOHNSON: C'est bien.

M. LESAGE:' C'est aussi simple que ça, mais je dis que c'est une motion qui est de nature négative, ça fait partie de la politique d'autonomisme négatif, de l'Union nationale.

M. BELLEMARE: Voyons donc!

M. LESAGE: C'est bien le reflet de cette politique qui a fait que la province de Québec qui a été considérée ailleurs depuis toujours comme une espèce de réserve ou de ghetto, parce qu'on a toujours eu la théorie et on a toujours vécu du principe de l'autonomie négative dans l'Union nationale, on a toujours eu peur de faire face au restant du Canada et de s'ouvrir les yeux sur le monde. On a toujours à replier le Québec et le Canada français du Québec sur lui-même, ayant peur de s'ouvrir aux autres, et cette motion c'est du négativisme, c'est du patriotisme négatif qu'il faut rejeter à tout jamais, je l'ai prêché partout, j'ai tenu le même langage dans toutes les provinces, que je tiens ici ce soir, ce n'est rien de nouveau de ma part, on dit: tout de suite, disons non.

M. JOHNSON: D'abord.

M. LESAGE: M. le Président, pour étudier

en toute sérénité cette question de la formule Fulton-Favreau, il faudrait l'étudier sur un plan positif, et si le gouvernement décide de donner suite à une entente qui était intervenue, mais sur laquelle nous gardons la liberté, le chef de l'Opposition l'a lui-même dit, le gouvernement n'a qu'à ne pas présenter de motion proposant une adresse pour amender la constitution, pas besoin d'être négatif.

M. JOHNSON: Ce n'est pas ce que M. Pearson a dit.

M. LESAGE: Pas besoin d'être, mais ce que M. Pearson dit ou ce qu'il ne dit pas, je ne suis pas toujours d'accord avec lui, je ne suis pas comme le chef de l'Opposition, qui est d'accord...

M. JOHNSON: Mais en sortant du caucus... M. LESAGE: ... avec M. Diefenbaker...

M. JOHNSON: En sortant d'un petit caucus, dans un motel.

M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition est d'accord avec M. Caouette, il est d'accord avec M. Thompson, avec Monsieur, comment s'apelle-t-il, le chef de M. Cliche...

M. BERNATCHEZ: Il y a des élections qui s'en viennent!

M. LESAGE: M. Douglas... Il est d'accord avec M. Diefenbaker qui a déclaré ceci, d'après Métro-Express de mercredi, le 20 octobre 1965: « Dites-moi, a demandé M. Diefenbaker, quand un autre gouvernement libéral a-t-il révélé qu'il y avait deux nations au Canada? Quand un autre gouvernement libéral a-t-il admis que les provinces se retirent d'un programme national? Quand un autre gouvernement libéral a-t-il donné le droit à une province de faire des traités? Les libéraux, dit-il, sont en train de promouvoir chacune des provinces au statut d'état-associé et s'ils réussissent, la nation canadienne ne pourra demeurer unie ». C'est ça que le chef de l'Opposition appuie quand il appuie M. Diefenbaker? C'est ça qu'il appuie. C'est ça ses raisons d'opposition à la formule Fulton-Favreau. Ce sont des raisons qui sont données par M. Diefenbaker.

M. JOHNSON: C'est enfantin de la part du premier ministre. C'est un manque de sérieux.

M. BELLEMARE: II l'a déclaré toutàl'heu-re au début.

M. LESAGE: C'est ça, M. le Président, c'est ça le chef de l'Opposition. Nous sommes en pleine campagne électorale fédérale et...

M. BERNATCHEZ: C'est ça le premier ministre!

M. LESAGE: ... le chef de l'Opposition tente par tous les moyens possibles et c'est un des moyens négatifs qu'il emploie pour tenter de faire tort au seul parti, au fédéral, qui puisse assurer l'unité du Canada dans la diversité... Je dis, M. le Président, que non seulement cette motion...

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le premier ministre m'a imputé des motifs et il sait bien qu'il n'a pas le droit de m'imputer des motifs. Il a dit que j'étais, M. le Président, guidé, dans ma motion ce soir, par le désir d'aider à un parti politique, de nuire à un autre parti politique.

M. LESAGE: C'est de l'électoralisme ça. M. JOHNSON: M. le Président,...

M. BELLEMARE: Qu'est-ce que vous faites, vous?

M. JOHNSON: ... le premier ministre sait bien qu'il n'a pas le droit de m'imputer un tel motif, et il sait bien que j'ai fait cette motion parce que j'en ai le mandat de mon parti et deuxièmement que son chef à lui, son ancien patron, dont il était l'adjoint...

M. LESAGE: J'arrive.

M. JOHNSON: ... après un caucus de 45 minutes avec lui dans une suite d'hôtel a dit un mot de Québec. Or, qui mieux que l'Assemblée législative peut parler pour la province de Québec?

M. LESAGE: M. le Président, je pensais que le chef de l'Opposition...

M. BERNATCHEZ: II parle à la Choquette! M. LESAGE: Pardon?

M. BERNATCHEZ: Vous parlez à la Choquette!

M. LESAGE: Bien il ne parle pas si mal, c'est mieux que le député provincial de Lotbinière. Il aurait des leçons à prendre de son député fédéral.

M. BERNATCHEZ: On verrai M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERNATCHEZ: Est-ce que vous endossez toutes les déclarations qui ont été faites? Est-ce que vous endossez toutes les déclarations de M. Choquette?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, j'ai dit n'est-ce pas...

M. JOHNSON: Il est solidaire de tous les députés libéraux.

M. LESAGE: ... j'ai parlé du caractère négatif de la motion, je parle aussi de son caractère électoral, à cause de la période que l'on •a choisie pour proposer cette motion d'amendement.

M. JOHNSON: Nous sommes en Chambre.

M. LESAGE: Clairement on ne cherche qu'à diviser le pays en présentant cette motion, on cherche la même chose que le chef d'un certain parti conservateur d'Ottawa qui veut tenter d'isoler le Québec. C'est négatif, de l'autonomis-me négatif.

Pendant que moi à un bout du pays et dans le restant du pays j'ai prêché l'union, il veut isoler le Québec pour ses fins électorales. La réponse négative lui vient de cette Chambre et de l'autre côté de cette Chambre par une motion caractérisée d'électoralisme et d'autonomisme négatif. On s'entend comrne larrons en foire en essayant de se rejoindre par les extrêmes pour mieux tromper la population du Canada; c'est ça qu'on fait. Et l'on s'imagine qu'avec les communications qui existent présentement au Canada et dans le monde que cela va prendre encore ce petit jeu là? Non, M. le Président.

M. JOHNSON: Pourquoi avez-vous lié la province?

M. LESAGE: Non, ça ne prendra pas.

M. JOHNSON: Pourquoi avez-vous lié la province à la formule?

M. LESAGE: Quand le gouvernement décidera de demander à la Chambre...

M. JOHNSON: De changer d'idée.

M. LESAGE: ... si jamais il le décide, et je déclare de mon siège qu'aucune décision- définitive n'a été prise à ce sujet...

M. JOHNSON: Ah! Du progrès.

M. LESAGE: ... de représenter à nouveau les motions qui avaient été, qui apparaissaient au feuilleton au sujet de la formule Fulton-Fa-vreau lors de la prorogation des Chambres au mois d'août. Si jamais nous pensons devoir le faire, nous le ferons en posant un geste positif parce qu'il faut amender la Constitution. Pour amender la Constitution, il faut que la Chambre vote. Pour que la Chambre vote, il faut que le gouvernement propose une motion qui soit adoptée par la Chambre. Or, M. le Président, une telle motion n'apparaît pas au feuilleton et je dis que la période électorale n'est pas un temps propice pour l'étude approfondie de ce problème parce qu'il s'agit d'un problème profond et difficile.

M. JOHNSON: Le premier ministre a donné son consentement sans étudier, il a approuvé le Libre blanc sans étudier.

M. LESAGE: Je regrette, M. le Président, j'ai au moins une chose que le chef de l'Opposition n'a pas, c'est l'humilité de reconnaître que je ne suis pas omniscient. Et je pense que le chef de l'Opposition ferait bien de se retremper un peu de temps à autre dans des notions d'humilité. S'il avait fait l'expérience que je viens de faire, s'il avait fait les efforts inhumains que j'ai faits pour faire comprendre sa province...

M. JOHNSON: Mais est-ce que pour vivre on a besoin que l'on nous comprenne?

M. LESAGE: M. le Président, je n'ai pas interrompu le chef de l'Opposition.

M. JOHNSON: Je demande pardon.

M. LESAGE: II me semble que s'il avait fait les efforts inhumains que je viens de faire pendant trois semaines pour faire comprendre sa province comme moi j'ai essayé de la faire comprendre, pour essayer de faire connaître les droits des nôtres ailleurs... S'il savait jusqu'à quel point il peut être difficile de communiquer et combien il peut être difficile aux autres de communiquer avec les nôtres parce que ça ne marche par seulement sur un sens, ça.

M. JOHNSON: Je le sais.

M. LESAGE: S'il le sait...

M. JOHNSON: Cela fait longtemps.

M. LESAGE: ... il aurait dû savoir dans ce cas-là que ce n'était pas le temps de présenter cette motion, parce qu'il aurait'montré plus de sens de la responsabilité...

M. JOHNSON: Encore!

M. LESAGE: ... plutôt que d'être... Oui, il a besoin d'eau, c'est sûr.

M. JOHNSON: Portez-en au premier ministre pour qu'il réduise I

M. LESAGE: Ah! j'en ai de l'eau.

M. JOHNSON: II est temps que le premier ministre réduise!

M. LESAGE: M. le Président, je n'endurerai pas cette insulte de la part du chef de l'Opposition.

M. JOHNSON: Bien, j'en ai assez. Cela fait trois insultes de suite que le premier ministre me donne.

M. LESAGE: Le chef de l'Opposition sait fort bien ce que je veux dire et ses insultes gratuites et mensongères, j'en ai plein le dos.

M. JOHNSON: Cela fait trois fois de suite que le premier ministre m'impute des motifs, entre autres le manque de sens des responsabilités.

M. LESAGE: II n'a pas imputé des motifs...

M. JOHNSON: M. le Président, c'est la forme la plus clairement antiréglementaire, que celle que le premier ministre prend là, c'est contre le règlement, c'est clair. Il accuse le chef du parti adverse de manquer de sens des responsabilités.

M. LESAGE: C'est clair.

M. JOHNSON: Y a-t-il une insulte plus grande que puisse faire...

M. LESAGE: Oui il y en a une.

M. JOHNSON: Je dirai au premier ministre qu'ila trahi la nation quand il a donné son consentement sans nous consulter.

M. LESAGE: Je ne me fâcherai pas. Je me contenterai de dire que le chef de l'Opposition vient d'employer, il y a quelques instants, la forme la plus abjecte de l'insinuation mensongère, qu'il sait mensongère à part de ça. La forme la plus abjecte et qu'il sait mensongère.

M. BERNATCHEZ: Assoyez-vous.

M. BELLEMARE: Cela c'est parlementaire.

M. LESAGE: Dans ce cas-ci, ça l'est.

M. BELLEMARE: Cela ne l'est pas du tout. C'est polisson.

M. BERNATCHEZ: Assoyez-vous.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas digne d'un premier ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. LESAGE: Est-ce que le député de Lotbinière pourrait reprendre ses sens?

M. BERNATCHEZ: Reprenez votre siège, vous êtes en Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. LESAGE: Nous sommes à discuter d'une question extrêmement sérieuse. J'ai demandé au chef de l'Opposition de montrer un peu de sens de ses responsabilités, et c'est normal que je le lui demande. C'est normal que je le lui demande. Et quand je dis que soulever cette question-ci à ce moment-ci, en Chambre, de nous demander de poser un geste négatif.

M. BELLEMARE: Vous l'avez encarcanné, on ne pouvait pas en parler avant. Pendant six mois, vous l'avez encarcanné.

M. LESAGE: De nous demander de poser un geste négatif à ce moment-ci et de manquer du sens des responsabilités, c'est mon devoir d'en parler. C'est tout.

M. BELLEMARE: C'était encarcanné.

M. LESAGE: Oui, s'il avait, le chef de l'Opposition, peiné comme j'ai peiné pendant des semaines, pour tenter de faire comprendre le

Québec, les aspirations du Québec, s'il avait vu comme je l'ai vu. Il y en a qui, malgré tous nos efforts, nous ne pouvons réussir même à

mpressionner par les idées, ou les points de vue, que nous exprimons, parce qu'elles, elles adoptent une attitude qu'elles croient pratiques et réalistes. Il y a un tas de gens qui pensent que nous, les 5 millions de Canadiens de langue française, nous sommes une race en voie de nous éteindre, il y en a. Il y en a qui pensent que nous sommes les derniers rejetons d'une race qui s'éteint. Il y en a qui pensent ça, qui sont convaincus que l'unité nationale, ça veut dire l'unilinguisme et l'uniculturalisme. Et si vous les poussez au retranchement ultime de leur logique ou de la logique, c'est là qu'ils vont, pas ailleurs.. Prenez la logique du chef du parti conservateur, elle ne peut pas vous conduire ailleurs.

M. JOHNSON: Est-ce que ce n'est pas M. Pearson qui a soulevé la question?

M. LESAGE: Vous ne pouvez pas avoir l'unité au Canada sans la diversité et inévitable-ment, vous devez avoir un statut particulier pour le Québec et moi je parle le même langage à Québec que celui que j'ai utilisé à Victoria, Vancouver, Winnipeg et que j'utilise n'importe où au Canada.

M. BELLEMARE: Parliez-vous de même quand vous étiez ministre à Ottawa?

M. JOHNSON: Vous avez reculé en bibite? M. LESAGE: Je n'ai reculé nulle part. M. JOHNSON: A Toronto, oui.

M. LESAGE: Je n'ai reculé nulle part. J'ai ici mon discours de Toronto. Je vais en envoyer immédiatement une copie au chef de l'Opposition.

M. JOHNSON: Non mais après le discours de M. Robarts, hein?

M. LESAGE: Il est ici. Je vais lui en envoyer une copie. Je vais lui remettre, d'ailleurs. Tous mes discours sont ici. Si vous voulez aller porter ça au chef de l'Opposition.

Il y en a en anglais, il y en a en français mais ils sont tous du même langage, par exemple.

M. JOHNSON: Sauf...

M. LESAGE: C'est le langage de l'unité dans la diversité et je n'ai jamais bronché. Et j'ai dit, j'ai dit partout, et je redis ici, que cela veut dire inévitablement un statut particulier pour le Québec Point d'appui du Canada français tout entier. C'est le même thème.

M. JOHNSON: Vous l'avez changé après le discours de M. Robarts.

M. LESAGE: Je regrette infiniment... M. JOHNSON: Ah, oui.

M. LESAGE: ... je ne l'ai jamais changé ni après le discours de M. Robarts ni où que ce soit. Ce que j'ai fait, par exemple, c'est que j'ai reconnu que M. Robarts avait fait beaucoup, et c'est vrai, dans la voie de la reconnaissance des droits de notre minorité française en Ontario et ça, c'est vrai. J'ai dit qu'il restait encore beaucoup à faire mais j'ai souhaité que par osmose, cette compréhension qui était plus grande, beaucoup plus grande en Ontario qu' ailleurs, se dirige vers l'Ouest. C'est ça que j'ai dit à Toronto. Je n'ai pas reculé, mais j'ai donné à César ce qui appartenait à César sans m'occuper de la couleur politique de l'homme qui était à mes côtés, c'est ça que j'ai fait. Evidemment, il y a ce groupe qui ne comprendra jamais, qui ne comprendra pas mais qui disparaît tranquillement. Ce groupe qui s'imagine que c'est nous qui disparaîtrons, mais c'est eux qui disparaissent lentement. Et les patates frites, ça m'a l'air!

M. le Président, non, nous ne disparaîtrons pas mais eux disparaissent lentement, ceux qui s'imaginent que nous allons disparaître. Il y en a d'autres qui, lorsqu'on leur dit que nous croyons sincèrement que la province de Québec ne se séparera pas du reste du Canada, poussent un soupir de soulagement et disent « bon» et alors ils ne sont plus intéressés à nous écouter; nous les avons rassurés.

Mais entre le statu quo, comme le disait le chef de l'opposition d'ailleurs, il n'a pas à se fâcher, et le séparatisme, il y a des positions raisonnables, des positions qui veulent dire un statut particulier pour le Québec, c'est clair, à cause de sa composition ethnique et à cause du fait que Québec est le point d'appui du Canada français. C'est évident, je l'ai dit et je le répète que le Québec n'a pas de juridiction constitutionnelle sur les minorités françaises des autres provinces et pour illustrer ce point, je me suis servi de l'expression, c'est ça mon discours de Toronto que je vous répète, là, je me suis servi de l'exemple frappant que les minorités françaises des autres provinces ne pouvaient pas être considérées comme des colonies du Québec. C'est ça que j'ai dit à Toronto, c'est vrai, légalement et constitutionnellement,

c'est vrai, c'est ça que j'ai dit. Mais j'ai dit quand même, par exemple, que le Québec était le point d'appui du Canada français et ça aussi, c'est vrai. Et parce que le Québec est le point d'appui du Canada français, il n'a pas le droit d'oublier les minorités françaises des autres provinces. Ce que j'ai pris, M. le Président, ce que j'ai fait voir, partout, c'est la vue horizontale du Canada, contrairement à cette vue limitée yerticale qu'on a trop eue jusqu'à maintenant.

J'ai l'impression que je n'ai pas semé en vain, après avoir lu les comptes rendus de ce qu'a dit mon collègue, M. Roblin à Trois-Ri-rières, même si c'est sous forme de question qu'il a dit ce que j'ai affirmé, moi, comme un principe au sujet de la vue horizontale du Canada.

M. JOHNSON: II l'a aussi!

M. LESAGE: Et que, de toute cette expérience...

M. JOHNSON: Il a dit autre chose aussi,

M. LESAGE: ... je sois revenu un peu bouleversé, cette expérience humaine extrêmement riche et féconde que mes idées sur le Canada, que mes idées sur la rapidité possible de l'évolution du Canada et de ses deux principaux groupes fondateurs aient évoluées, c'est vrai. C'est vrai. On ne vît pas cette riche expérience que j'ai vécue si profondément sans qu'on en ressente profondément jusque dans ses entrail-les de patriote les effets les plus puissants. Et là, on se questionne, et on se demande: « Sommes-nous réellement mûrs pour nous asseoir? Nous connaissons-nous les uns les autres suffisamment? Croyons-nous que ceux que nous représentons se connaissent mutuellement d'une façon satisfaisante pour que lorsque nous discutons de textes compliqués autour d'une table, nous nous sentions suivis et appuyés par la masse, une masse qui connaît, une masse de population qui connaît; les aspirations, les traditions d'un autre groupe de la population et que ceux qui engagent le dialogue avec vous soient dans la même position que vous? Vous vous posez ces questions. Et vous vous demandez sincèrement si le temps est mûr au Canada, Et vous vous le demandez avec angoisse si le temps.est mûr, au Canada, de s'asseoir dès maintenant autour d'une table pour tenter de rédiger une constitution nouvelle, en prenant comme base l'aspect horizontal et non l'aspect vertical du Canada. Et lorsque vous en êtes rendu à ce point, vous ne voulez plus être négatif.

Vous ne pouvez pas voter pour une motion comme celle-là. Vous ne pouvez pas dire: « Non, jamais ». Vous ne pouvez pas non plus dire! On va réétudier la formule-Fulton-Favreau. » C'est peut-être non. C'est peut-1 être une mauvaise approche. Je ne suis pas mûr, M. le Président, malgré l'expérience que je viens de vivre personnellement. Je ne suis pas prêt à dire « non-». Je ne suis pas prêt à dire «oui ». Je veux mieux connaître, je veux que les autres connaissent mieux pour que nous nous assoyions et que nous dialoguions.

Je ne peux donc... je n'ai pas présenté de motion pour faire adopter la formule Eulton-Favreau.

Je ne suis pas prêt à demander à M. Pearson de réétudier la même formule, je ne suis même pas prêt a faire ça parce que je me demande si ce n'est pas autrement qu'il nous faudra procéder et je ne suis pas prêt non plus à être négatif. Je crois que, et, M. le Président, je vide mon, âme en cette Chambre, je crois que nous traversons au Canada une crise, une crise de canadianisme. Mais il faut vivre à travers cette crise. Il faut se questionner nous-mêmes, il faut que chacun d'entre nous, chaque Canadien qui sait penser repense l'idée qu'il se fait de son pays, quelle que soit sa langue ou son origine ethnique.

Et lorsqu'on est à repenser, il faut éviter de poser des gestes prématurés. On dit que les voyages, en souriant, assagissent la jeunesse. Eh bien, cet ancien jeune qui vous parle, M. le Président, vient de vivre une expérience qui lui a fait toucher du doigt la hauteur, la largeur, la grandeur et la profondeur du problème canadien.

Il faut nous mieux connaître. Inutile d'employer les deux mots vides de sens de se promener d'un bout à l'autre du pays en parlant d'entente cordiale ou de bonne entente. Ce sont des mots vides de sens. Il faut analyser, il faut peser, il faut chercher à comprendre les autres, il faut tenter de nous faire comprendre aux autres. Et c'est lorsque les Canadiens auront une connaissance meilleure les uns des autres que nous pourrons poser des gestes positifs ou négatifs. Je ne suis pas prêt, M. le Président, ça fait peut-être 100 ans que l'Union nationale dit ça, mais ça fait 100 ans qu'elle est négative. Moi, je dis qu'il faut repenser, mais je suis positif. Je pense en termes positifs, je pense aux moyens d'avoir pour le Québec un statut particulier, d'avoir pour nos minorités françaises des droits égaux à ceux qui sont accordés ici à la minorité de langue anglaise, je pense un Canada bilingue et multiculturel, je pense à un Canada uni dans

la diversité. Mais quand je pense à cela, M. le Président, je n'ai pas encore trouvé les mots, les phrases, les points et les virgules qui me permettront de m'asseoir avec d'autres et de m'entendre sur un texte qui consacrera les quatre principes que je viens d'énoncer. Aussi avant de poser quelque geste que ce soit, de nature négative ou positive, il me faut voir, il me faut prêcher aussi, il faut que chacun des membres de cette Chambre prêche, il faut que nous parlions tous le même langage. Nous, nous nous "comprenons; nous avons nos chicanes politiques, c'est évident, la vie serait tellement ennuyeuse, mais au fond nous pensons tous la même chose. Ecartons nos figures de nos visages, enlevons cette espèce d'enveloppe superficielle que j'appellerai une partisanerie politique que nous avons en nous, tous que nous en sommes, dans cette Chambre, que nous soyons de langue anglaise ou de lan gue française, nous, les Québécois.

Enlevons ça et nous pensons tous la même chose, nous pensons tous la même chose; c'est cela qu'il faut faire comprendre aux autres, et il faut essayer de comprendre aussi ce que les autres veulent, ce qu'ils désirent. Ce n'est pas mûr, non, M. le Président, ce n'est pas mûr. Je ne veux pas poser de geste, indépendamment du fait qu'il s'agisse ou qu'il ne s'agisse pas d'une motion de non-confiance, je n'accepte pas l'invitation du chef de l'Opposition à faire un signe au premier ministre Pearson pour lui demande de reprendre l'étude de la formule Fulton-Favreau; je ne suis pas prêt à faire ça, pas même prêt à aller là. J'ai l'impression bien nette que si je faisais ça, je me heurterais à des difficultés sans nombre autour d'une table de conférence, et peut-être que le manque de connaissances mutuelles étant ce qu'il est, je pourrais empirer la situation au lieu de l'améliorer.

Il faut être évidemment, peut-être ce que j'ai été déjà, quand j'étais plus jeune, naif et enthousiaste comme le candidat conservateur au fédéral dans mon comté, pour déclarer que, dès le soir de l'élection du gouvernement conservateur de M. Diefenbaker, ce dernier convoquera une conférence constitutionnelle pour reviser la constitution. Non, croyez-m'en, M. le Président, ce n'est pas possible en ce moment-ci. Impossible, nous ne sommes pas prêts à nous asseoir et à écrire; il nous faut penser, il nous faut étudier, il nous faut dialoguer. Ce n'est pas avec des textes que nous allons régler la situation, que ces textes soient des textes constitutionnels ou des textes comme celui de l'amendement, des textes d'un autonomisme négatif, qui ne fait qu'encourager chez les autres la vision du Québec comme celle d'une réserve qui est même prête à abandonner ses minorités des neufs autres provinces. Soyons prudents, M. le Président, craignons de poser les gestes pour lesquels paieront ce qui nous reste de minorités; et si nous avons, perdu, une partie de nos minorités qui se sont assimilées, c'est peut-être dû trop à notre égoisme québécois, à notre négativisme. Frappons-nous la poitrine, au lieu de chercher des avantages électoraux; je n'en cherche pas, ce soir, quand je donne mon âme à nu, M. le Président, à tous les membres de cette Chambre, quand je dis que je ne suis pas prêt à présenter à nouveau une motion demandant l'approbation de la formule Fulton-Favreau, quand je dis que je veux réfléchir sur le dialogue qu'il y a à entreprendre, qu'on ne s'imagine pas que je cherche un avantage politique.

Quand je dis que l'expérience que je viens de vivre m'a fait réfléchir, pas sur le sort d'un Québec devenu une réserve ou un ghetto mais sur le sort d'un Québec soutien d'un Canada français à la largeur et à la hauteur du Canada. Et cette vision du Canada, il nous faut, c'est notre responsabilité à tous, il nous faut la faire voir aux autres. Quelques-uns déjà l'entrevoient, grâce à Dieu. Soyons prudents, M. le Président, soyons prudents.

Il est vrai que j'ai dû parfois réveiller brusquement nos compatriotes de langue anglaise, j'ai dû prononcer évidemment des discours chocs, mais n'allons jamais poser des gestes qui ont l'air de ceux d'un homme qui veut abandonner le dialogue. Réfléchissons, posons, étudions, préparons-nous à l'action. Les autres ne sont pas prêts à l'action et nous non plus. Je ne puis dire que nous soyons prêts à l'action, à l'action positive, complète, totale, qui nous permettrait d'avoir une constitution canadienne basée sur une vue horizontale du Canada. Ce n'est pas mûr, mes amis, ce n'est pas mûr. Quels sont les moyens d'y arriver? Ce n'est peut-être pas la formule Fulton-Favreau. Je ne suis pas prêt à me prononcer mais je ne veux pas dire non. Je ne suis pas prêt, même, à demander la revision de cette formule. J'ai encore besoin des réactions des autres; j'ai besoin que le dialogue s'engage en dehors du feu des campagnes électorales. J'ai besoin que le dialogue s'engage dans la sérénité et la sérénité est impossible deux semaines à peine avant une élection générale dans un pays divers et aussi étendu que le Canada. Alors cette motion d'amendement, M. le Président, je ne puis l'accepter parce qu'elle est prématurée. Je ne veux pas répondre à la question parce que j'ai peur qu'en répondant non, comme on me demande de le faire, dans une période comme celle-ci, je

fasse plus de tort que de bien au Canada auquel je rêve, au Canada auquel je pense, ce Canada que Je viens de décrire à cette Chambre.

Alors que ceux qui ont confiance en moi, que ceux qui ont confiance, si ce n'est que par le fait de ce que je viens de dire alors que j'ai dit que c'est vrai que je voulais réfléchir, c'est vrai que je n'étais pas prêt même à poser l'acte positif de recommander à cette Chambre l'adoption de la formule Fulton-Favreau, que je n'étais même pas prêt à demander à M. Pearson de reconsidérer, de réunir pour reconsidérer, cette formule même ou une formule dans ce genre.

Tout cela, M. le Président, devrait être suffisant, il me semble, pour que le chef de l'Opposition, malgré sa mauvaise humeur du début — je sais qu'il regrette tout ce qu'il m'a dit parce qu'il le sait faux — pour que le chef de l'Opposition soit heureux que j'aie ainsi, à la lumière de l'expérience que je viens de vivre, ouvert à cette Çhambre les aspirations de mon coeur et de mon âme de Canadien français et de Canadien.

M. BERTRAND: M. le Président, je laisserai de côté les premiers propos du premier ministre à l'endroit du chef de l'Opposition. Je laisserai de côté l'accusation qu'il a portée contre nous d'autonomistes négatifs, je la laisse de côté.

La motion du chef de l'Opposition aura permis au premier ministre de la province de Québec d'indiquer à la Chambre d'abord et à toute la population qu'il hésite fortement, qu'il doute en son âme et conscience du bien fondé d'une formule qu'il demandait à la population d'appuyer affirmativement et c'est lui...

Le premier ministre devrait remercier le chef de l'Opposition de cette occasion unique, et je reviendrai tantôt sur les motifs qui nous ont incités à présenter cette motion à la session actuelle, M. le Président, ce n'est pas parce qu'il y a une élection fédérale au Canada que le Parlement de Québec, que l'Assemblée législative de Québec, que le Conseil législatif de Québec, que le Parlement de Québec se verra obligé de taire ses opinions, de faire connaf-tre dans la province et au Canada le point de vue et les aspirations du Québec et du Canada français, car, comme le disait le premier ministre tantôt, le Québec est le point d'appui du Canada français, des minorités canadiennes-françaises éparpillées à travers le pays. Une élection fédérale ou non, le Parlement de Québec réuni a le droit d'exprimer son opinion, il le fait ouvertement, publiquement, le Parlement de Québec ne doit pas se taire quand il doit parler. Et c'est la première fois qu'il peut parler sur la motion Fulton-Favreau.

Le premier ministre est revenu de son voyage dans l'Ouest angoissé. Le premier ministre, en terminant tantôt, nous disait qu'ii avait presque découvert le Canada et les problèmes de cette vie d'unité dans la diversité qui se posent, de cette crise canadienne dont a parlé la Commission Dunton-Laurendeau dans le premier rapport.

Mais le premier ministre a vécu dans la capitale de ce pays où il a connu les difficultés de gouvernement, de cette unité dans la diversité que nous voulons tenter de réaliser. Ce n'est pas la première fois qu'il visite ce Canada. Il a agi comme ministre de la Couronne à Ottawa. Il en a connu les problèmes, les difficultés, problèmes constitutionnels, problèmes de relations interethniques et ce n'est pas un néophyte qui est allé dans l'Ouest canadien. C'est un homme qui connaissait l'histoire de son pays. C'est un homme qui a vécu dans la politique fédérale. C'est un homme qui a suivi les discussions et les mémoires qui ont été présentés devant la commission Dunton-Laurendeau depuis au-delà d'un an. C'est un homme qui connaissait tous ces problèmes, les dif-dicultés de ces problèmes. Il nous revient et provoqué par la motion du chef de l'Opposition au sujet de la formule d'amendement Fulton-Favreau, il nous accuse de vouloir par cette motion, dire non et lui d'autre part dit qu'il n'est pas prêt à dire: « Oui ».

On nous accuse de dire: « Non » et le premier ministre n'est plus prêt à dire: « Oui ». On nous dit: « Pourquoi soulever ce problème le 22 octobre 1965? » II est bon que les députés s'en souviennent, il est bon que la population soit au courant pourquoi nous le faisons en ce moment. La session, la dernière, s'est ouverte dans le mois de janvier 1965. Il y a eu un discours du Trône. Il y a eu le discours du Trône lu par le lieutenant-gouverneur et à ce moment-là, au sujet de la même formule dont le premier ministre a parlé tantôt en disant qu'il n'était peut-être pas prêt à dire non mais que d'autre part, il n'était pas prêt à dire oui, à ce moment-là, le premier ministre nous annonçait officiellement dans le document le plus officiel de cette Chambre et je cite le discours du trône de janvier 1965: « Les deux conférences des procureurs généraux qui ont eu lieu l'automne dernier - cela voulait dire en octobre 1964 - ont permis de mettre au point une formule pour le rapatriement de la Constitution du Canada. Cette formule a été unanimement acceptée par la conférence des premiers ministres et le gouverne-

ment demandera à l'Assemblée législative d'adopter une résolution ratifiant cet accord « et il ajoutait, » pour éviter que ce rapatriement de la Constitution rende intangible les pouvoirs du Conseil législatif sur les projets de loi votés par l'Assemblée législative, vous serez aussi invités à restreindre ses pouvoirs. »

M. le Président, celui qui a parlé avant moi est le premier ministre d'une province. Il a une responsabilité terrible devant la Chambre et devant la population. Je veux comprendre les moments d'angoisse qu'un homme qui porte d'aussi lourdes responsabilités doit connaître, je veux les comprendre.

Je veux les expliquer, mais cet homme dont nous avons entendu tantôt les propos d'hésitation à l'endroit de la formule Fulton-Favreau, à ce moment-là, n'hésitait plus. Comme premier ministre de la province de Québec il a informé le lieutenant-gouverneur de la province d'inscrire dans son discours qu'il demanderait aux députés en cette Chambre de rectifier la formule Fulton-Favreau, laquelle formule, ce soir, il ne saurait dire si nous devons l'accepter ou la refuser.

M. le Président, c'était un geste officiel comme premier ministre de la province, comme chef de son Cabinet, ayant obtenu l'assentiment de tous et chacun de ses collègues, l'ayant fait insérer dans le discours du Trône. Or la motion est apparue au feuilleton dés la première séance; elle y est restée. En référant pour ne pas le reproduire au texte chaque fois, elle y est restée collée au feuilleton depuis la première heure de la dernière session jusqu'à la dernière heure au cours du mois d'août. A plusieurs reprises, le chef de l'Opposition a tenté d'en discuter. Il a été comme toujours tenace, persévérant. Ne pouvant en parler devant les collègues en Assemblée législative, il en a parlé en dehors de la Chambre et il aurait été dans la province de Québec celui-là qui a sonné l'alerte autour de la formule Fulton-Favreau.

Jamais, jamais il n'a voulu utiliser ce problème d'une manière négative mais au contraire, en tâchant de la faire comprendre au peuple de la province de Québec et de dialoguer avec lui partout où il est allé et je l'en félicite au nom de tous mes collègues.

M. le Président, nous n'avons pu en parler, c'est un fait absolument indéniable dans le Parlement; jamais il n'a pu être question d'une manière détaillée de la formule Fulton-Favreau, amendement à la Constitution canadienne.

Deuxièmement, M. le Président, maigre ce refus du gouvernement d'en discuter, nous avons suggéré au premier ministre, à plusieurs reprises, étant donné la complexité de tout ce problème admis des relations intergouvernementales au pays; étant donné que depuis des années au pays du Québec nous parlons d'une nouvelle Constitution canadienne, étant donné que le Parlement de Québec a voulu donner l'exemple à tous les autres parlements du Canada, Législatures et Etat central compris, de former un comité qui serait chargé d'une étude sérieuse et approfondie de tous les aspects de ce vaste problème. Ici, au Parlement, grâce aux activités d'un comité de la Constitution, qu'heureusement nous avons voté à l'unanimité, nous avons suggéré, avec persévérance, ténacité, patience, espérant que le premier ministre accepterait nos recommandations et nos suggestions.

Nous lui avons demandé, à combien de reprises, de référer la formule Fulton-Favreau, la motion qui apparaissait au feuilleton, de la référer au comité parlementaire de la Constitution qui lui, grâce aux experts qui l'entourent, grâce au travail des députés qui en font partie et qui s'intéressent d'une manière toute particulière au problème de la revision de la Constitution canadienne, nous lui avons demandé de référer cette motion dite Fulton-Favreau au comité parlementaire de la Constitution. Non. Il parle de gens qui ont des attitudes négatives. Le premier ministre en aura eu à l'endroit de la formule Fulton-Favreau. Il aura dit « non » aux demandes répétées, demandes du comité qui ont essayé, et j'ai le droit de le dire, dans l'étude, dans l'étude de tous ces problèmes constitutionnels, de me dégager totalement de tout esprit de parti, de rouge, de bleu, de caîlle. Je n'ai jamais participé aux élections fédérales. Je vote comme citoyen de mon pays mais je n'ai pas pris part aux luttes électorales fédérales voulant respecter intégralement le mandat de mes commettants d'aller les représenter au Parlement de Québec. Attitude négative du premier ministre de la province de Québec refusant que le comité parlementaire de la Constitution étudie d'une manière plus profonde cette formule.

M. le Président, voilà pourquoi cette réunion, cette session d'urgence convoquée par le premier ministre, son Cabinet, pour résoudre un problème urgent, c'est la seule occasion, l'unique occasion que nous avions d'en parler. Et pourquoi? Le premier ministre attaquait tantôt le chef de l'Opposition en disant que c'était de l'électoralisme. Mais c'est le premier ministre du Canada lui-même qui ouvre la porte au Québec. C'est le premier ministre du Canada qui doit être au courant, lui aussi, que nous sommes durant une campagne électorale fédérale, qui invite...

M. JOHNSON: II devrait l'être]

M. BERTRAND: ... d'une manière très diplomatique le Québec, lui qui a réalisé combien la population du Québec a manifesté par tous ses groupes que le chef de l'Opposition énumérait tantôt, son opposition, son « non », son non licet à cette formule. Il a dit un mot du Québec. Nous aurions voulu, M. le Président, que ce mot se manifeste par les élus du peuple, responsables devant le peuple, au courant de l'opposition du peuple. Négatifs? mais il y a des moments où il faut dire oui. Et il y a des moments où un chef d'état, un Parlement doit dire non. Et à la lumière des études qui ont été faites, sérieusement, nous disions « non » à la formule Fulton-Favreau. Et pourquoi disions-nous « non »? Pour des raisons anodines, sans importance mais « non ».

Depuis plusieurs mois, quant à moi depuis 5 ans, je parle d'un statut particulier pour le Québec. Mais justement au moment où nous recherchons, où nous rechercherons davantage la reconnaissance d'un tel statut particulier, nous disons: « N'allons pas nous lier à une formule qui, de l'aveu même des rédacteurs du mémoire qui accompagne la formule d'amendement à la constitution, empêche définitivement l'établissement d'un statut particulier pour le Québec dans une Confédération canadienne. Voilà, M. le Président, d'où vient notre position: statut particulier pour le Québec et deuxièmement, statut d'égalité pour les minorités canadiennes-françaises disséminées à travers le pays et que le premier ministre est allé saluer et desquelles il a reçu des hommages, des félicitations et des appuis lors de son voyage dans l'Ouest.

M. le Président, voilà notre position, voilà les raisons pour lesquelles nous avons apporté cette motion et le chef de l'Opposition l'a tellement dit, je n'ai pas besoin d'ajouter beaucoup plus que ce n'est pas une motion de non-confiance. La phraséologie d'une motion, mais grand Dieu, les mots! Ce qui importe, c'est la substance. Le premier ministre n'en veut pas, prétend que ce serait là poser un vote négatif, demande de réfléchir, déclare: « aucune décision définitive n'a été prise à ce sujet. » Mais, M. le Président, celui qui déclare à la face de la population du Québec de telles choses déclarait le 21 janvier par la bouche du lieutenant-gouverneur que sa position, sa décision était définitive. Définitive en janvier 1965, définitive jusqu'à la fin de la session. Depuis son voyage dans l'Ouest; hésitation, angoisse, problèmes cruciaux, mosaïque canadienne, problèmes de relations interraciales, crise canadienne, je ne suis plus prêt. « Oh, je veux que l'on me comprenne, dit-il, je veux que l'on comprenne que je livre ce soir mes aspirations les plus profondes. » Mais quand l'étaient-elles, profondes? Quand vous disiez oui ou quand vous hésitez à dire oui, après avoir parlé comme chef de gouvernement au sujet d'un même problème? M. le Président, dans les circonstances, étant donné tout ce qu'il a dit, aucune décision définitive n'a été prise à ce sujet; c'est tellement vrai, dit-il, je ne veux pas dire non, d'autre part je ne veux pas dire oui et pour confirmer cela, déclare-t-il, la motion n'apparaît pas au feuilleton de cette session d'urgence, session extraordinaire.

Je dis au chef de l'Opposition, M. le Président, que la présentation de sa motion, c'est un heureux moment.

Il aura permis d'abord à la province de réaliser que le premier ministre de la province ne pose pas toujours des actes prudents.

Le premier ministre de la province pose trop d'actes, lourds de conséquences, sous l'impulsion du moment, sous l'impulsion des hommages et des compliments...

M. LESAGE: Quoi?

M. BERTRAND: ... qu'il peut recevoir, et des éloges, dans l'atmosphère des conférences fédérales inter-provinciales comme à Charlottetown; sous l'impulsion du moment, il accepte d'entériner une formule dont il découvre par après certains vices et qu'il hésite, il l'a dit tantôt, et qu'il hésiterait de demander à la Chambre d'appuyer, pourtant lui qui nous demandait le 21 janvier, qui nous invitait et qui avait déclaré à tous les premiers ministres de toutes les autres provinces et le premier ministre du Canada, qu'il nous inviterait à la voter.

M. le Président, M. Pearson nous a dit un mot du Québec; nous aurions voulu que ce mot soit un mot unanime de la part du Parlement de Québec, de dire non, nous ne voulons pas nous lier à une formule qui est de nature à rendre davantage permanent le statu quo constitutionnel que nous vivons et que nous voulons mettre de côté. Et c'est en vue de mettre ce statu quo constitutionnel de côté que le Parlement de Québec, à l'unanimité, a formé un comité parlementaire de la constitution et c'est là où sérieusement nous étudions ces problèmes, dégagés de tout fanatisme, à l'endroit de nos compatriotes de langue anglaise, dégagés de toute partisanerie, dégagés de tout esprit de parti, réalisant combien il est difficile de trouver la formule qui s'avérerait magique pour

faire disparaître les nombreux problèmes ou points de conflit dans un pays comme le nôtre. Mais nous avons voulu au moins au Parlement de Québec, d'abord engager le dialogue entre nous, essayer de faire un front commun, au delà des considérations de partis politiques, et tenter de mettre par écrit ce que d'autres, il y a un siècle, ont pu faire dans des résolutions préparées à Charlottetown et réalisées dans cette cité de Champlain, des résolutions qui ont servi à l'élaboration de l'Acte de l'Amérique du Nord nous voulons, cent ans après, le premier ministre dit: je me demande si le moment est venu — et mon voyage dans l'Ouest m'aura convaincu des difficultés et des problèmes, de ce problème — de réaliser l'unité dans la diversité.

Mais, malgré cela, le Québec a voulu donner l'exemple à tout le pays, au moins d'engager le dialogue avec les nôtres et d'inviter les autres à faire la même chose de leur côté, leur permettant de réaliser, suivant ces mots que la reine Elisabeth prononçait lors de son voyage à Québec quand elle parlait, rappelant la constitution du Canada, qu'un protocole signé il y a cent ans, parlant de la constitution canadienne, qu'il était normal, raisonnable et naturel que l'on puisse remettre en question les fondements de ce protocole et rediscuter les termes d'une véritable association qui est le fondement de la vie du Canada.

M. le Président, voilà ce que j'avais à dire. Le premier ministre, et j'en suis, sous certains aspects, heureux, sans vouloir dire non, il aura dit non; sans vouloir déclarer, Dieu sait combien c'est difficile, pour un homme, tout homme, qui a déjà dit oui de dire non. Je comprends le dilemme qui est le sien, je comprends l'hésitation qui est la sienne, je comprends le combat qu'il se livre de renverser totalement la vapeur, mais il aura indiqué par ses propos angoissés, par son attitude d'hésitation, il aura démontré, M. le Président, par ce geste, ces propos qu'il aura tenus, qu'il n'est pas prêt à dire oui à la formule Fulton-Favreau.

De cela, de cette attitude mitigée que nous pouvons comprendre, je lui sais gré, mais combien davantage il aurait pu ce soir se grandir en acceptant cette motion corrigée, comme on l'a déjà fait pour d'autres motions adoptées unanimement par la Chambre, surtout au sujet des problèmes constitutionnels, combien il aurait pu se grandir davantage en appuyant la motion du chef de l'Opposition pour faire comprendre, car le Québec au Canada est à l'avant-garde. Le Québec au Canada doit continuer à être à l'avant-garde dans les combats constitutionnels, le Québec au Canada doit continuer à convaincre les autres qu'il y a lieu de changer les termes d'un accord qui n'a pas été respecté dans trop d'autres provinces du Canada, même si ailleurs, en 1965, on prétend avoir été de bonne foi et avoir respecté un pacte au sujet duquel Sir John A. McDonald déclarait qu'il n'y avait plus au Canada ni vainqueurs, ni vaincus et que nous serions sur un pied d'égalité à travers tout le pays.

Le premier ministre parlait d'égo'isme québécois, de réserve du Québec. On ne s'est peut-être pas, laissait-il entendre, occupé de nos minorités canadiennes-françaises. Le premier ministre conviendra avec moi que ce n'est pas l'égolsme québécois qui a fait disparaître d'un trait de plume les droits de la langue française dans la province du Manitoba.

Ce n'est pas non plus l'égoisme québécois qui a fait disparaître d'un trait de plume les droits des minorités dans les autres provinces canadiennes. Il a dit, il y avait beaucoup de variétés dans son discours, il a dit: ne parlons de cette bonne entente, de cette entente cordiale. J'en conviens avec lui. Mais après cent ans, il me semble que nous devrions être capables de mettre dans des textes et de réaliser dans les faits que, dans le domaine en particulier de l'éducation, les autres minorités canadiennes-françaises à travers le pays jouiront, une fois pour toutes, des mêmes droits que nous avons accordés sans cesse à la minorité anglo-canadienne au pays du Québec.

M. le Président, je conviens de la difficulté de tous ces problèmes. Si le premier ministre nous avait dit tantôt: je n'accepte pas la motion du chef de l'Opposition, mais je suis heureux de déclarer que la motion Fulton-Favreau sera référée au Comité parlementaire de la Constitution pour une étude plus approfondie, comme secondeur, j'aurais dit au chef de l'Opposition, nous obtenons exactement ce que nous recherchons, nous avons une opinion assez définitive sur la motion elle-même, nous disons; non. Mais s'il y en a d'autres qui hésitent, nous sommes prêts à l'étudier avec eux pour les convaincre davantage qu'ils doivent la refuser. J'aurais aimé que le premier ministre déclare cela. Je n'engage pas le chef de l'Opposition, mais j'aurais été prêt à dire au chef de l'Opposition; laissons faire la motion, le Comité parlementaire de la Constitution s'occupera du problème.

M. le Président, je termine. Le premier ministre a terminé son discours en faisant appel aux hommes de bonne volonté, un appel au sentiment. Je suis prêt, le chef de l'Opposition est prêt, tous nos collèges sont prêts à n'examiner le problème constitutionnel que sous l'angle du bien commun, du bien commun de l'en-

semble de la collectivité québécoise, les Canadiens français au Québec et les Canadiens français qui nous représentent aux quatre coins du Canada, dégagés de tout esprit de parti, sans vouloir donner d'appui à aucun des chefs politiques qui, à l'heure actuelle, parcourent la province de Québec demandant un appui de la population. Nous avons un mandat provincial comme le premier ministre, nous avons un mandat du peuple du Québec, et c'est dans cet esprit que j'ai secondé la motion du chef de l'Opposition, et je sais que c'est dans cet esprit, dégagé de toute partisanerie que l'a proposée le chef de l'Opposition.

M. LAPORTE: M. le Président, je constate comme vous qu'il est onze heures moins cinq, que nous avons commencé ce matin notre journée sessionnelle à dix heures et trente, je vais tenter d'être aussi bref que possible, mais je ne crois pas que le discours du député de Missisquoi, quel que soit l'esprit dans lequel il est prononcé, et je suis de ceux qui croient qu'il a fait abstraction de la partisanerie politique, mais je ne crois pas quand même que ce discours doive rester sans réponse.

A entendre le discours du chef de l'Opposi-tion et celui du député de Missisquoi, à avoir suivi dans la province de Québec, depuis plusieurs mois, cette campagne que l'on a organisée contre la formule Fulton-Favreau, contre le chef du gouvernement actuel, je me demande si l'Opposition souhaite' qu'elle disparaisse ou qu'elle me disparaisse pas cette formule Fulton-Favreau. Je me demande si l'Opposition...

M. JOHNSON: J'invoque le règlement. Vous savez, l'article 285 est clair, le ministre n'a pas le droit de m'imputer des motifs. D'ailleurs, c'est vite réglé. Nous avons une chance de la faire disparaître ce soir. On convertit la motion. Votez avec nous et elle disparaîtra.

M. LAPORTE: II y a une formule anglaise qui dit: « They love to hate formule Fulton-Favreau ». Ils aiment ça la détester.

M. ALLARD: Demandez le vote.

M. LAPORTE: Comme là, ils commencent à craindre que la formule Fulton-Favreau leur échappe, ils vont lui faire la respiration artificielle.

M. ALLARD: Demandez le vote et on va voter.

M. LAPORTE: Cela, c'est la première cho- se qui me frappe. La deuxième, que je trouve donc ça merveilleux pour un parti politique, composé de gens intelligents, je n'en doute pas, d'un parti politique composé de gens qui ont des vérités définitives. J'ai déjà entendu — ça c'est récemment - l'un d'entre eux dire; « J'ai dit ça il y a vingt ans et je n'ai pas changé d'idée. » Cela me fait penser au monsieur qui disait: « Ce n'est pas de ma faute si les idées ont changé, moi je n'ai pas changé. » Possession des idées définitives, ça m'inquiète en un sens.

M. BERNATCHEZ: Le Devoir a changé.

M. JOHNSON: Possession tranquille de la vérité, comme disait le premier ministre.

M. LAPORTE: Je lisais ces jours derniers dans le Figaro littéraire un extrait des « Nouveaux mémoires intérieurs » de François Mauriac qui vient d'avoir 80 ans.

M. BERNATCHEZ: On n'a pas hâte de voir les mémoires de Pierre Laporte.

M. LAPORTE: Est-ce que je peux demander ou au chef de l'Opposition ou au président de bien vouloir contrôler le député de Lotbinière? Il me semble que c'est...

M. JOHNSON: Les Mémoires intérieurs de François Mauriac et du premier ministre, ça se ressemble, ce soir.

M. LAPORTE: Je n'ai pas souvenance d'avoir interrompu le chef de l'Opposition. Je peux simplement lui dire que s'il m'interrompt, ça va être plus long,

M. JOHNSON: Pas d'objection.

M. LAPORTE; Il y a des fois qu'il a des objections. Et comme disait son ancien chef; « La meilleure façon de ne pas m'interrompre, c'est de se taire. »

M. le Président, je dis donc que dans ce texte de François Mauriac qui a 80 ans, vous savez ces blocs-notes dans le Figaro littéraire, toute la page est consacrée justement à cette étude, au cheminement de la pensée de François Mauriac en politique qui ne peut pas s'expliquer qu'on puisse un jour s'arrêter sur une pensée de façon définitive alors que le monde continue de tourner, de progresser, c'est ça qu'il appelle le vieillissement intellectuel. Il nous parle de la quatrième république, de la cinquième -république, du passage d'un premier ministre à l'autre. Il dit que pendant toute sa

vie, il a tenté d'être constant avec lui-même en évoluant.

M. JOHNSON: II a toujours été au pouvoir.

M. LAPORTE: Je comprends qu'on va ramener le débat à être au pouvoir, à être dans l'Opposition. C'est tout ce que le chef de l'Opposition voit dans la formule Fulton-Favreau. Je pense que je l'ai dit ici tout à l'heure. La peur de disparaître parce qu'il fait de ça une formule de pouvoir et d'opposition. Je pense qu'il y a plus que ça et le député de Missis-quoi a discuté sur la motion.

M. JOHNSON: Mauriac aurait été au Devoir.

M. LAPORTE: Je dis que face aux problèmes constitutionnels qui retiennent notre attention, je trouve ça extraordinaire, les gens qui sont capables de se lever dans cette assemblée pour porter des jugements définitifs.

Je dis au contraire que nous, nous sommes encore à la période des inventaires. Nous avons un comité qui siège depuis deux ans, qui a fait du travail et, à mesure que le travail du comité a progressé, nous avons vu combien c'était difficile, combien c'était une vérité qu'il était compliqué de cerner. On nous arrive avec un jugement définitif. L'an dernier ils nous demandaient de référer ça au comité de la Constitution, et cette année ils nous demandent de nous prononcer contre.

M. JOHNSON: Pas au même endroit.

M. LAPORTE: M. le Président, je dis que nous sommes à la période des inventaires. Ici dans la province de Québec surtout et de plus en plus on voit avec quelle rapidité l'Ontario commence à évoluer dans le sens de l'étude des problèmes. Est-ce qu'ils vont arriver aux mêmes conclusions que nous? Ce n'est pas du tout certain. Dans l'Ouest, beaucoup plus lentement, on commence à s'éveiller à la nécessité d'étudier ces problèmes-là. Qui sommes-nous au Canada? Est-ce que quelqu'un peut, ce soir, répondre à cette question-là d'une façon définitive? S'en aller chez lui et dire; ce que j'ai déclaré, cela c'est vraiment historique, c'est final. Nous sommes en train de nous interroger: qui sommes-nous au Canada? Est-ce que les Canadiens sont d'accord tous, qu'il y a une ou deux nations? Moi, je crois qu'il y a deux nations au Canada. Mais est-ce que ma vérité à moi est tellement petite que je dois la renfermer et ne pas tenter de la faire pénétrer chez les autres avec le temps que ça prendra, avec le sens de la conviction qu'on pourra y mettre. Je voudrais bien que quelqu'un ce soir puisse dire que cette vérité qu'il possède, lui, au Canada, c'est une science définitive qui n'est pas susceptible d'évoluer d'aucune façon. Que sommes-nous, Canadiens?

M. JOHNSON: Cela c'est du Sartre. M. LAPORTE: C'est du quoi?

M. JOHNSON: C'est du Sartre, ce n'est pas du Mauriac.

M. LAPORTE: Ah! je n'ai rien lu encore. M. JOHNSON: Non, non.

M. LAPORTE: Je vais lui faire dire, je ne sais pas s'il sera heureux ou non.

M. JOHNSON: Le ministre est versatile! M. LAPORTE: Le ministre est quoi?

M. JOHNSON: Versatile!

M. LAPORTE* Je ne pense pas que ça entre dans ce que nous étudions ce soir. Et où est-ce que nous allons, où est-ce que nous allons au Canada? On va admettre que depuis deux ans, depuis trois ans, depuis quatre ans, les notions politiques ont évolué de façon, je dirais dramatique dans notre pays. Lorsque le député de Missisquoi a proposé sa motion pour créer un comité de la Constitusion, je crois que j'ai été un des premiers à me lever dans cette Chambre, alors que je siégeais là, en arrière, pour dire qu'il fallait, pour la province de Québec, une formule qui soit différente de la formule qui vaudrait pour le reste du Canada. Je me souviens du beau chachut que ç'a fait, et dans les journaux de Montréal et dans les journaux de Toronto, et aujourd'hui de plus en plus, on semble accepter ça comme un minimum. Ce qui apparaissait à beaucoup de gens, il n'y a pas si longtemps, comme un maximum devient aujourd'hui une chose dont tout le monde parle. Des premiers ministres d'autres provinces, le premier ministre du Canada qui dit: « Nous devrions en effet songer à des formules ».

Et les faits eux-mêmes, nous poussent tranquillement vers des statuts particuliers dont nous avons parlé. Je serai évidemment accusé de faire de la politique partisane, malgré que l'on sache que je ne me mêle pas d'élections fédérales. Si je citais les paroles d'un chef de

parti qui est contre toutes ces choses-là, un chef d'un parti politique qui est contre toutes ces choses-là, qui, lui, loin de trouver que c'est un bienfait pour le Canada d'avoir reconnu certains besoins, certaines demandes de la province de Québec, est prêt à faire machine arrière. Cela c'est un fait. Si c'est faire de la partisanerie politique que de le dire, je l'affirme, que, par les comptes rendus des journaux, toute une campagne actuellement est centrée au Canada sur la nécessité de renverser la vapeur pour mettre fin à cette politique qu'on condamne, en vertu de laquelle un gouvernement canadien reconnaît de plus en plus à une province qui reste canadienne. Je racontais quelque part que je disais au curé d'une paroisse pas loin de chez nous: « Tiens, vous êtes Français ».

Il dit: « Non, monsieur, je suis Breton. » Pourtant, il sait fort bien qu'il est Français, mais son patriotisme, à lui, comme Français, passait par la Bretagne. Il ne se sentait pas moins Français que les autres, mais il tenait à s'appeler Breton comme tous les citoyens de la Bretagne. Ce sont d'abord des Bretons, mais ce sont d'excellents Français. Alors, pourquoi est-ce que ce serait une tragédie au Canada que les citoyens de la province de Québec, s'ils le veulent, et demain, s'ils l'exigent, aient un statut qui leur permette de rester Canadiens tout en étant pleinement Québécois? pas seulement de nom comme on a voulu le faire depuis cent ans, mais qu'ils contrôlent les moyens économiques, les moyens politiques et les moyens culturels qui vont leur permettre de se réaliser pleinement?

Où allons-nous, au Canada? Est-ce que quelqu'un est en mesure de nous fournir une réponse définitive ce soir? M. le Président, c'est trop facile de décerner des certificats de bonne et de mauvaise conduite en matière patriotique d'un côté ou de l'autre de la Chambre, comme si certains avaient, parce qu'ils s'opposent, le monopole du patriotisme et comme si ceux qui sont en face étaient un club chargé de mettre fin aux espoirs de la province de Québec. Je pense que les cinq dernières années ont été une réponse suffisante. Que les gens qui sont de ce côté-ci, loin de vouloir, le mot trahir me paraît déjà fantastique, mais loin de vouloir minimiser la présence de la province de Québec dans le Canada ont fait des gestes concrets, positifs, qui ont fait du Québec — il y a même des premiers ministres des provinces qui le lui reprochent à la province de Québec — qui ont fait de la province de Québec la première province du Canada pour son dynamisme et sa qualité.

M. JOHNSON: ... parlez du chômage...

M. LAPORTE: Nous nous interrogeons sur bien des questions. La formule Fulton-Favreau dont l'Opposition aurait été extérieurement très chagrinée que nous la votions l'an dernier, mais à certains autres points de vue, ça aurait fait son affaire. Je dis, M. le Président, que contrairement à ce qu'a dit, ou reprenant autrement la formule utilisée par le député de Missisquoi, qui a dit que la Chambre ne doit pas se taire quand elle peut parler, je dis, sachant ce dont je parle, que lorsqu'on veut vraiment atteindre un objectif, il est des fois où la Chambre ne devrait pas parler quand elle peut se taire.

Je dis que sur cette question, sur toutes les questions constitutionnelles, nous nous interrogeons. Je prétends, une fois de plus, que l'une des questions que nous nous posons — est-ce que c'est manquer de patriotisme que de se poser des questions — une des questions que nous nous posons, c'est: « Est-ce que c'eût été la meilleure formule que de référer le problème de la Constitution? C'est antipatriotique de prétendre qu'on s'interroge sur ça? Je me le demande.

M. BERTRAND: Non, non!

M. JOHNSON: Mais pourquoi s'engager à étudier...

M. BERTRAND: On ne dit pas ça.

M. LAPORTE: M. le Président, si on relit le discours du trône, si on relit tout le passé, c'est toujours facile de classer les problèmes. Pourquoi s'engager quand c'est si facile? Ce n'est pas aussi simple que ça.

M. JOHNSON: Pourquoi vous être engagés sans nous consulter?

M. LAPORTE: Je dis, M. le Président, que nous nous sommes interrogés et nous nous interrogeons encore pour savoir si c'est la meilleure formule de référer ça au Comité de la constitution. Est-ce qu'on veut en faire un beau débat politique entre deux partis?

M. BERTRAND: Mais non, on vous le demande.

M. LAPORTE: Et ça va régler le problème. Ah, les formules pieuses, en Chambre, disent, « Nous allons faire abstraction... » cinq minutes après avoir dit au premier ministre que

c'était un traître à sa province. C'est ça!

Je dis, M. le Président, que ça n'est pas le moment que la formule Fulton-Pavreau... c'est vrai qu'elle a été inscrite au feuilleton pendant toute la dernière session.

Les conditions ont été clairement posées, qu'une autre loi devait être adoptée et sanctionnée par le Parlement de Londres avant que nous n'abordions la formule Fulton-Favreau, mais ça ne l'est pas encore, et c'est évidemment une formule de style que de prétendre que le chef de l'Opposition n'a jamais pu en parler. On se demande plutôt les jours où il n'en a pas parlé.

M. BERTRAND: Voyons, soyez de bon compte!

M. LAPORTE: Je veux bien être de bon compte...

M. BERTRAND: II a demandé d'en parler et on a dit non,

M. LAPORTE: Je savais qu'il en parlait pour en parler.

M. BERTRAND: Non, non, il a demandé d'en parler, on a dit non, vous ne vouliez pas.

M. LAPORTE: II a posé des questions, il en a parlé sur le discours du Trône, cette partie de son discours qui était dans les journaux et qui a été, disons, interrompue par le président...

M. BERTRAND: II n'a pas pu le lire.

M. LAPORTE: Tous les jours, il a posé... Pardon?

M. DOZOIS: Vous n'ayez jamais voulu qu'il en parle.

M. LAPORTE: C'est vrai, mais il en a toujours parlé quand même.

M. BERTRAND: Non.

M. DOZOIS: II vous demandait d'en parler.

M.BERTRAND: En dehors, mais pas ici.

M. JOHNSON: Non, mais le ministre va me permettre une question?

M. LAPORTE: Certainement.

M. JOHNSON: Si je comprends son raisonnement...

M. LAPORTE: Ah! ce n'est pas une question ça! Si vous vous mettez à comprendre là!

M.BERTRAND: Non, mais c'est la question.

M. JOHNSON: Est-ce que c'est exact que le parti libéral, par le premier ministre, aurait donné la réponse quant à la formule Fulton-Favreau avant de s'être posé la question si c'était une bonne formule?

M. LAPORTE: Bon. Cela, c'est une des vérités définitives.

M. JOHNSON: Octobre 1964, Charlottetown, ministre de la Jeunesse et premier ministre.

M. LAPORTE: Octobre 1964! et puis s'il avait dit ça en octobre 1912, là, ç'aurait été absolument interdit de sinterroger après ça. Bien, je pense que le chef de l'Opposition se fait injure, le chef de l'Opposition se fait injure...

M. BERNATCHEZ: Vous n'étiez pas au monde.

M. LAPORTE: Le chef de l'Opposition en a parlé tellement souvent qu'il serait injurié si je lui disais que tous ses discours n'ont pas fini par causer au moins une petite impression. Je dis que sur ces questions-là nous sommes en devenir.

M. JOHNSON: Ah bon!

M. LAPORTE: Nous nous interrogeons.

M. JOHNSON: Rétroactivement...

M. LAPORTE: Si vous voulez, si ça peut vous faire plaisir...

M. LOUBIER: Ah bon!

M. LAPORTE: Si ça peut vous faire plaisir de dire rétroactivement, je pense que l'avenir politique est plus important que ces petits mots qui font un infini plaisir au chef de l'Opposition.' Je dis, M. le Président, qu'un des reproches les plus enfantins que le député de Missisquoi ait fait, c'est de dire que le premier ministre connaissait le Canada, qu'il a été ministre de la Couronne...

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. LAPORTE: ,., qu'il s'est promené dans le pays, mais je me dis au contraire que le Canada est en pleine évolution, que le député de Missisquoi aurait voulu que le jugement que le premier ministre porterait soit basé sur des opinions,' soit basé sur une connaissance qui remontait à 8 ou 10 ans en arrière...

M. JOHNSON: Voyons donc!

M. BERTRAND: Ah! voyons, il lit lui aussi.

M. JOHNSON: II nous a parlé comme une majorette qui fait un premier voyage en dehors de la province.

M. LAPORTE: Ah! si vous parlez des majorettes, vous attaquez directement le député de Champlain.

M. BERTRAND: Ce n'est pas une majorette, le député de Champlain.

M. LAPORTE: Il ne vous a pas contredit pourtant, pas ce soir. M. le Président,...

M. BERTRAND: II est dans les gardes paroissiaux, pas dans les majorettes:

M. JOHNSON: Une majorette, son premier voyage, qui découvre le Canada, mon Dieu, que c'est compliqué cette affaire-là.

M. LAPORTE: J'aimerais ça savoir l'opinion de tout le monde, quand ils pensent qu'on n'écoute pas, sur le voyage du premier ministre au Canada.

M. JOHNSON: Pardon?

M. LAPORTE: Ceux qui, publiquement, ont félicité le premier ministre d'être allé sur place, non seulement porter le message de la province de Québec, mais recevoir le message que ces gens-là avaient à lui donner, ramener ici une conception, une présence presque réelle de nos compatriotes canadiens des autres provinces qui sont pour quelques-uns aux antipodes de notre pensée. Mais est-ce qu'on doit à compter d'aujourd'hui les décompter ces gens-là? Dire qu'ils ne nous intéressent plus et que nous allons bâtir, nous isoler de nouveau, comme ç'a été le cas pendant si longtemps? Au contraire, nous cEoyons, nous, maintenant, que la province de Québec, la meilleure façon de faire respecter ses droits, de reconquérir ceux qu'elle veut avoir, c'est d'aller porter son message aux quatre coins du Canada pour convaincre les autres personnes. Mais, est-ce que c'est se rapetisser que de faire ça? Au contraire, je prétends que c'est se grandir. Il suffit d'aller au Nouveau-Brunswick, il suffit d'aller rencontrer nos compatriotes canadiens-français des autres provinces pour voir le changement considérable qui s'est opéré chez eux depuis cinq ans. Est-ce qu'il y a tellement de choses changées chez eux en particulier?.

Ils bénéficient et ils admettent, j'ai posé la question à une réunion récemment, ils bénéficient du dynamisme de-la province de Québec, le désir, de culture française de la province de Québec, les ! droits que nous avons reconquis depujs cinq ans, les gestes que nous avons posés dans le domaine économique et qui ont eu leur répercussion aux quatre... coins du pays, leur rend éminemment service .actuellement et ils sont en train de reprendre, heureusement, le complexe de relations normales avec les compatriotes de langue anglaise et on voit au Nouveau-Brunswick, et l'on voit en Ontario, et l'on voit dans d'autres provinces une évolution de la situation qui nous laisse espérer pour les groupes canadiens-français des autres provinces un avenir qui va êtr,e bien meilleur que le passé.

M..le Président, la formule Fulton-Favreau, l'Avenir nous le dira, nous nous posons des questions, nous n'avons aucune honte à le faire, au contraire, nous avons étudié, écouté ce qui s'est dit dans la province de Québec; nous avons entre nous, discuté très fréquemment de cette question et nous nous posons des questions, et ce serait un drame, ce serait presque honteux de la part du premier ministre qui, prétend-on aurait dit oui, il n'est pas absolument incertain...

UNE VOIX: C'est ça.

M. LAPORTE: ... qui prétend-on aurait dit oui, et qui. aujourd'hui dit, peut-être. Je trouve que si l'évolution de la pensée au Canada, l'évolution de sa propre pensée à lui, l'amène sur ces questions fondamentales à retarder afin de -décider dans le meilleur sens pour la province de Québec, je trouve que c'est tout à son honneur, et je voudrais en terminant, lui dire combien j'ai été impressionné par le ton, par le sens du discours qu'il a prononcé ce soir et que la province de Québec, plus que jamais peut se sentir en sécurité derrière lui.

M. LE PRESIDENT:, La motion, d'amendement sera-t-elle adoptée?

M. LESAGE: Non.

M. JOHNSON: Adoptée.

M. LESAGE: Vote.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés. Call in the members.

DES VOIX: Vote!

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont pour la motion d'amendement se lèvent.

M. LE GREFFIER: MM. Johnson, Elle, Dozois, Bertrand, Bellemare, Boudreau, Gabias, Bernatchez, Russell, Gosselin, Lizotte, Raymond, Allard, Loubier, Gauthier, Lavoie (Wolfe).

M, LE PRESIDENT: Que tous ceux qui sont contre la motion se lèvent.

M. LE GREFFIER: MM. Lesage, Lajoie, Pinard, Laporte, Wagner, Cliche, Dionne, Hyde, Kierans, Lafrance, Fortin, Morrissette, Binette, Beaupré, Turpin, Brown, Boulais, Roy, Coiteux (Duplessis), Harvey, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Laroche, Coiteux (L'Assomption), Hamel, Crépeau, Fournier, Théberge, Baillar-geon, Ouimet, Kennedy, Dallaire, Brisson, Hébert, Mailloux, McGuire, O'Farrell, Bernier, Lacroix, Godbout, Dupré, Hardy.

Pour 16, contre 44; yeas 16, nays 44.

M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement est rejetée. La motion principale?

M. LESAGE: Adoptée. M. JOHNSON: Adoptée.

Message du Conseil législatif

M. LE PRESIDENT: Message du Conseil législatif. « Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement le bill suivant:

Bill No 1 intitulé: « Loi modifiant la loi de la Régie des transports.

Attesté: Henri Fiset greffier du Conseil législatif. »

M. LAPORTE: M. le Président, si j'ai le consentement unanime de la Chambre, je voudrais proposer, secondé par M. Bertrand je suppose, je propose qu'afin de permettre au Comité parlementaire de terminer les travaux qui découlent du mandat qui lui a été confié le 3 février 1965, cette Chambre est d'avis que le Comité spécial institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de siéger même les jours où la Chambre ne tient pas de séance et après la prorogation en vue de la détermination des objectifs à poursuivre par le Canada français dans leur révision du régime constitutionnel canadien et des meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs, continue ses travaux et fasse rapport à la Chambre au cours de la prochaine session.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adoptée.

M. LAPORTE: M. le Président, je propose que la séance soit suspendue.

M. JOHNSON: Est-ce qu'on ne pourrait pas...

M. LAPORTE: Oui, oui.

M. JOHNSON: ... permettre quelques questions du député de Missisquoi?

M. BERTRAND: Bien, j'aurais une question à poser au ministre de l'Education. Combien de collèges classiques ont été reconnus comme des cas spéciaux, dont la situation financière devait faire l'objet d'une étude par le Comité spécial qui a été formé à la fin de la dernière session?

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je n'ai évidemment pas ces chiffres présents à l'esprit, mais je dirais comme ordre de grandeur qu'il y en a environ quinze à vingt.

M. BERTRAND: Est-ce que dans les quinze ou vingt cas des décisions ont été prises qui ont permis à ces collèges, et le ministre pourrait peut-être nous en nommer quelques-uns, qui ont permis de réduire les frais de scolarité qui avaient été augmentés au début de l'année scolaire?

M. GERIN-LAJOIE: Oui, M. le Président J'ai en vue, par exemple le Séminaire de Chicoutimi, où une augmentation très substantielle de frais de scolarité avait été annoncée aux parents et où elle a été complètement annulée à la suite des contacts établis avec le ministère de l'Education et d'étude de ce cas. Il y a le cas du Séminaire de Valleyfield où les frais de

scolarité qui avaient été annoncés ont été sensiblement réduits par la suite. Et je pense qu'il y a d'autres collèges où l'on considérait des hausses de frais de scolarité, où l'annonce n'en avait peut-être pas été faite et où on a pu s'abstenir d'une hausse de frais de scolarité à la suite des recommandations que le Comité a faites au ministre de l'Education et de la décision qui a été prise par le ministère en conséquence.

M. BERTRAND: Sous quelle forme les collèges ont-ils été aidés? Par des subventions spéciales?

M. GERIN-LAJOIE: De diverses formes, M. le Président, en particulier par des subventions spéciales qui ont pris deux formes différentes. Dans certains cas, on s'est rendu compte que les augmentations de frais de scolarité proposées par les institutions résultaient de certaines dépenses d'investissement. Dans ce cas, on a pu donner des subventions en vertu de la Loi du financement des investissements universitaires, dans d'autres cas, on a prévu une subvention spéciale budgétaire sans référence à la Loi du financement des investissements universitaires.

M. BERTRAND: Le ministre qui m'a déclaré qu'il y avait une quinzaine de cas, est-il au courant que d'autres cas de collèges classiques doivent être soumis au comité?

M. GERIN-LAJOIE: Non, je n'ai pas d'autres renseignements à la mémoire.

M. BERTRAND: Est-ce que le ministre pourrait nous faire connaître, ce soir, je comprends que ses officiers ne sont pas ici, mais dans un communiqué, il nous en envoie tellement souvent qu'il pourrait en ajouter un autre pour nous faire connaître la liste de ces collèges, la diminution des frais de scolarité dont chacun des collèges a bénéficié et sous quelle forme un collège en a bénéficié? Est-ce que le ministre pourrait me dire si le collège de Lévis a été l'objet d'une recommandation ou d'une décision de la part du comité chargé de l'étude de ces cas? Lévis?

M. GERIN-LAJOIE: De mémoire, je ne peux pas dire.

M. BERTRAND: Est-ce que le ministre accepte de nous faire parvenir un tel communiqué?

M. GERIN-LAJOIE: En principe, oui; en pra- tique, il y a une question de délai, parce que je sais que le comité n'a pas encore fini son travail, du moins je sais qu'il a encore siégé il y a quelques jours à peine. Alors, je ne suis pas au courant que les travaux du comité soient terminés, mais aussitôt que ce sera complet, je pense bien que ce sera le temps de faire un rapport général sur la situation.

M. BERTRAND: Deux comités.

M. JOHNSON: Le ministre a-t-il décidé de donner suite à la demande de l'Union générale des étudiants du Québec, particulièrement quant au gel des frais de scolarité? L'Union générale des étudiants, au mois de juillet, a écrit au ministre, n'ayant pas reçu de réponse au mois d'octobre, l'Union générale des étudiants a envoyé une autre lettre un peu plus forte demandant entres autres choses le gel des frais de scolarité, deuxièmement, des locaux pour les associations d'étudiants et pour leurs magasins coopératifs dans les écoles.

M. GERIN-LAJOIE: Sur la question au sujet des frais de scolarité, M. le Président, dans les institutions indépendantes, je crois bien que le chef de l'Opposition est au courant que cela n'est pas de la compétence du ministre de l'Education, non plus que de la compétence du gouvernement, les institutions étant privées et indépendantes, elles sont libres d'élever leurs frais de scolarité comme elles l'entendent, mais la politique annoncée par le gouvernement qui comporte, entre autres, l'étude des cas qu'on veut bien soumettre à un comité spécial formé par le ministère permet de limiter considérablement les augmentations de frais de scolarité qui sont compensés par des subventions de diverses natures auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure. Alors on obtient plus ou moins le même résultat mais il ne peut être question de gel pur et simple de frais de scolarité.

M. JOHNSON: Au ministre de la Justice. Maintenant que tout le contenu ou pratiquement tout le contenu de ladite lettre a été transmis au public, même si elle était libellée personnelle et confidentielle, pouvons-nous espérer avoir une copie de la lettre de démission de M. Bru-net?

M. WAGNER: Quant à moi, ça demeure toujours une lettre personnelle et confidentielle.

M. JOHNSON: En partie.

M. WAGNER: En partie, mais quant à cette partie-là ça demeure dans nos dossiers, je ne me crois pas justifié de la rendre publique.

M. JOHNSON: Quelle est la pension à laquelle M. Brunet aura droit par suite de ses cinq années de service à la province?

M. WAGNER: De mémoire, je pense qu'il n'y a pas de pension. Sujet à véréflcation, nous pourrons vérifier lors de l'étude de nos crédits à la prochaine session.

M. JOHNSON: Quel est... le salaire était de $22,000, si mes renseignements sont exacts.

M. WAGNER: Le salaire était de $14,000, plus $8,000 pour la réorganisation.

M. JOHNSON: Quel est le salaire du nouveau chef?

M. WAGNER: II sera connu lorsque les crédits seront discutés à la prochaine session.

M. JOHNSON: II ne sera pas payé avant ça? M. WAGNER: Eh, bien!

M. JOHNSON: Est-ce qu'il va travailler à crédit?

M. WAGNER: II faut toujours bien que vous lui donniez le temps d'entrer en fonction.

M. JOHNSON: Non, mais tout de même, je crois que la Chambre a le droit de savoir quel est le salaire qu'on va payer au nouveau chef...

M. WAGNER: Les détails seront dévoilés à la Chambre en temps et lieu.

M. JOHNSON: Alors le ministre refuse de répondre à une question aussi simple, quel intérêt y a-t-il à faire cachette de ce salaire?

M. WAGNER: II n'y a pas de cachette.

M. JOHNSON: ... alors que tous les salaires sont évidemment affaire à publication lorsqu'on travaille pour le gouvernement.

M. WAGNER: II n'y a pas de cachette, les précisions les plus complètes seront données à la Chambre; encore plus de...

M. JOHNSON: Est-ce que...

DES VOIX: A l'ordre! Le messager!

M. JOHNSON: Cela passe après nous autres! Il est temps que ça change, qu'on affirme son indépendance vis-a-vis de la Reine ou son représentant, en tout cas.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. PINARD: Allez donc faire un petit voyage à Londres pour lui dire ça!

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il reste beaucoup de questions?

M. JOHNSON: M. le Président, il y a un étranger dans la Chambre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il reste... M. BERTRAND: A part de ça, il a son épée!

(Note de l'éditeur: II s'agit de l'huissier de la verge noire qui vient convoquer les députés à assister à la prorogation de la session.)

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le chef de l'Opposition a encore beaucoup de questions à poser?

M. JOHNSON: Si on veut, après la prorogation... pardon?

M. LAPORTE: Le lieutenant-gouverneur nous attend là.

M. PINARD: Je pense qu'il va vous appeler.

M. JOHNSON: II n'a pas d'objection. Il comprend ça. Il a été en politique.

M. PINARD: II va vous en poser des questions.

M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice a pris connaissance de la motion de blâme passée par 1,000 libéraux de Matane concernant sa négligeance à nommer un avocat de la Couronne?

UNE VOIX: Next!

M. JOHNSON: Une autre question.

UNE VOIX: Faites ça vite!

M. JOHNSON: Où est-ce que cela en est rendu dans Sidbec?

DES VOIX: Cela va, cela va!

UNE VOIX: Le fer rougira bientôt à Sidbec! M. JOHNSON: Quant à Brinco, personne... DES VOIX: Cela marche.

M. BERTRAND: Winters est absent pour des raisons électorales!

UNE VOIX: M. Smallwood.

M. JOHNSON: Le leader de la Chambre pourrait peut-être nous dire où en est rendu l'Adresse à la Reine, et je parle, cette fois-ci, de l'Adresse de l'Assemblée législative?

M. GERIN-LAJOIE: Faites entrer le messager!

M. BERTRAND: Elle vole!

M. LAPORTE: Aux dernières nouvelles elle était à Londres!

M. JOHNSON: Quant à l'Adresse votée par le Conseil?

M. LAPORTE: Aux dernières nouvelles elle était revenue!

M. BERTRAND: Elle revient plus vite que l'autre!

M. JOHNSON: Est-ce que le gouvernement, le Cabinet a donné un accueil favorable...?

M. PINARD: C'était marqué « Collect ».

M. LAPORTE: On a hésité à payer et puis après ça on a dit: « Bien, allons-y donc. »

M. JOHNSON: Mais est-ce que le Cabinet a donné un avis favorable, oui ou non?

M. LAPORTE: A celle du Conseil législatif?

M. JOHNSON: Peut-être que le premier ministre aura changé d'avis, comme pour la formule Fulton-Favr eau.

M. LAPORTE: Bien, vous lui demanderez à la prochaine session. Il est absent temporairement.

M. BERTRAND: II à le temps de changer d'opinion d'ici là. Il va aller en Jordanie bientôt.

M. PINARD: On va en convoquer une autre! M. BERTRAND: II s'en va au Liban! M. LAPORTE: II s'en va au Liban!

M. JOHNSON: M. le Président, j'espère que c'est une dernière question,...

M. LAPORTE: Oui, dernière, si vous le voulez bien, M. le Président.

M. PINARD: Le chef du protocole vient d'arriver, vous êtes mieux d'être...

M. JOHNSON: Le ministre de la Justice sait que le ministre du Revenu du temps, maintenant ministre de la Santé, a blâmé Ottawa sur l'application de la Loi des faillites.

Par ailleurs, le premier ministre, dans un geste grandiose, a assumé la paternité pour'irrégulier dans ce domaine. C'est d'une grandeur d'âme formidable, impressionnante. Je voudrais savoir s'il y aura une enquête publique sur les faillites frauduleuses, tout spécialement par suite des accusations extrêmement graves portées par des gens sérieux comme les officiers supérieurs de la Canadian Lumbermen Association qui relient ces faillites aux feux, aux crimes d'incendiat et même aux caisses électorales. Est-ce qu'il y aura une enquête provinciale ou une enquête fédérale en collaboration avec le provincial?

M. WAGNER: Je n'ai pas besoin de rappeler au chef de l'Opposition, il a dû le constater depuis quelques mois particulièrement, que le temps n'est plus aux enquêtes, mais à l'action. Nous avons fait des enquêtes dans le passé, nous avons porté des plaintes, les accusés sont devant les tribunaux, particulièrement dans le domaine de la construction, nous attendons des jugements dans certains cas, et voilà pour le travail que nous faisons au ministère de la Justice.

M. JOHNSON: Pourquoi? Le ministre pourrait-il dire...

M. PINARD: On lit ça sur les journaux tous les jours, d'ailleurs.

M. JOHNSON: Le ministre pourrait-il nous dire pourquoi...

M. PINARD: A l'ordre, à l'ordre.

M. JOHNSON; ... pourquoi il n'a pas pris les mesures de protection élémentaire envers des témoins qui ont été l'objet de meurtre depuis qu'ils ont témoigné devant l'enquête Mercier?

M. PINARD: Ce sont eux qui ont décidé de se tuer!

M. WAGNER: A cela, je pense que le chef de l'Opposition serait peut-être en aussi bonne posture que moi pour nous dire comment se fait-il que certaines gens ont été éliminées par la pègre. Pourquoi? en quelles circonstances?

M. JOHNSON: Est-ce qu'ils avaient la protection, oui ou non, de la police et pourquoi pas?

M. WAGNER: On ne nous avertit pas quand on tue, monsieur.

M. JOHNSON: Et pourquoi pas, pourquoi n'avoir pas protégé les témoins-clé?

M. PINARD: A l'ordre, à l'ordre. M. JOHNSON: Pourquoi pas?

M. LAPORTE: M. le Président, il y a un messager de...

M. JOHNSON: M. le Président, une dernière question au ministre du Revenu. Le ministre du Revenu, ah non! l'ancien ministre.

M. HYDE: J'aurais un grand discours à faire, mais on pourrait admettre le messager.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. JOHNSON: M. le Président,...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre.

M. JOHNSON: ... le messager du Conseil doit avoir la permission pour entrer, je vous demande de la lui refuser tant que je n'aurai pas terminé mes questions.

M. LE PRESIDENT: Voici, le lieutenant-gouverneur attend déjà depuis quelques 15 minutes.

UNE VOIX: II peut attendre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le chef de l'Opposition a encore de longues questions à poser?

M. JOHNSON: Une seule question, M. le Président.

Combien de témoins qui avaient été entendus en relation avec les crimes d'incendiat ont reçus la protection de la police depuis le moment de leur témoignage jusqu'à aujourd'hui?

M.. WAGNER: Tous les témoins qui ont demandé la protection de la police l'ont reçue.

M. JOHNSON: II y en a combien?

M. WAGNER: Ce n'est pas dans l'intérêt public de le dévoiler.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

L'HUISSIER A LA VERGE NOIRE: M. le Président, Son Excellence le lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette Chambre à la salle du Conseil législatif.

Mr. Speaker, it is his Honour the Honourable the Lieutenant-Governor's desire that the Members of this Honourable House attend in the Legislative Council Chamber.

(Note de l'éditeur: Les députés ne reviendront plus à l'Assemblée. Ici prend fin pour eux la cinquième session de la vingt-septième Législature qui a été prorogée quelques instants après dans la salle du Conseil législatif.)

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