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Version finale

27e législature, 6e session
(25 janvier 1966 au 18 avril 1966)

Le jeudi 10 février 1966 - Vol. 4 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Onze heures de l'avant-midi)

M. LECHASSEUR (président): Qu'on ouvre les portes.

Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics. Affaires du jour.

M. LESAGE: M. le Président, étant donné la démission de l'honorable Jean Marchand comme membre du Conseil d'orientation économique du Québec, le 17 novembre 1965, le conseil des ministres a nommé, pour le remplacer, M. Robert Sauvé de Montréal, secrétaire général de la Confédération des syndicats nationaux, par un arrêté en conseil, ce matin, arrêté en conseil dont je dépose copie.

Subventions universitaires

M. LESAGE: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer copie d'une correspondance échangée avec le premier ministre du Canada; la lettre du premier ministre du Canada, adressée à celui qui vous parle, est datée du 17 janvier, et ma réponse est datée du 26.

M. JOHNSON: Concernant...

M. LESAGE: Comme l'indique la lettre du premier ministre du Canada, son gouvernement a décidé, en ce qui concerne l'année universitaire 1966-1967, de donner suite à certaines des recommandations de la Commission Bladen en augmentant à $5 par habitant la subvention annuelle, qui s'établit présentement à $2. M. Pearson estime que le Québec recevrait ainsi, pour l'année 1966-1967, un montant de l'ordre de $17,350,000. Toute la question des subventions fédérales aux universités sera cependant examinée de nouveau lors d'une conférence fédérale-provinciale ultérieure afin de déterminer les arrangements qui devront prévaloir de façon permanente par la suite. Pour nous, du Québec, il s'agira évidemment d'établir l'équivalence fiscale.

En recevant cette somme de quelque $17 millions, sous forme, — et j'insiste, — sous forme de compensation inconditionnelle, pour la première fois, M. le Président, le Québec ne s'engage nullement à consacrer à telle ou telle fin, déterminée par le gouvernement fédéral, ladite somme.

Nous croyons que, dans les domaines de notre compétence, c'est à nous et à personne d'autre qu'il appartient d'établir les priorités et l'allocation des ressources. On verra par certaines législations à venir, ainsi que par les estimations budgétaires que je déposerai demain ou mardi, comment nous avons décidé d'assumer nos responsabilités envers nos institutions et nos citoyens dans le domaine de l'éducation comme dans les autres qui relèvent de la compétence du Parlement du Québec. C'est dire qu'au moment où les estimations budgétaires ont été proposée et les législations décidées, nous étions au courant de cette lettre de M. Pearson.

Questions et réponses

M. LAFONTAINE: M. le Président, j'ai une question à poser au ministre de la Voirie. Est-ce que le ministre de la Voirie est au courant que des travaux ont été arrêtés sur une section de l'autoroute des Cantons de l'Est à cause de la politique d'austérité du gouvernement?

M. PINARD: M. le Président, en réponse à cette question, je dois déclarer qu'il est vrai que sur une section, les travaux qui étaient en cours sur l'autoroute des Cantons de l'Est, au raccordement Rock Island, ont été momentanément arrêtés par l'entreprise Fabi & Fils de Sherbrooke.

Il s'agit tout simplement d'une erreur d'interprétation de la part de cette compagnie qui n'a pas compris certaines demandes de renseignements qui lui ont été adressées. Et il arrive, comme ce fut le cas à chaque année, à cette période-ci de l'année, au ministère de la Voirie, à l'Office des autoroutes et au comité de planification budgétaire, qu'il y a une évaluation, un inventaire des priorités gouvernementales et plus particulièrement du côté de la voirie, du côté de l'office, pour être en mesure de préparer le budget en conséquence, et c'est tout à fait normal. Il semblerait qu'il y ait eu confusion dans les informations, ou mauvaise interprétation de certaines directives qui ont été données; personne n'a donné instruction à l'entreprise en question d'arrêter ses travaux. Je pense que quelqu'un a été pris de panique quelque part.

Et je voudrais rassurer la Chambre que, pour le moment, il n'y a rien qui indique que pareille situation aurait dû se produire. Les discussions se poursuivent aujourd'hui avec mes officiers du ministère de la Voirie, du côté technique avec M. Branchaud, du côté budgétaire, avec

M. Langevin, avec le sous-ministre des Finances, M. Cazavan, avec le conseiller économique du gouvernement, M. Jacques Parlzeau, et je pense qu'il est tout à fait normal que nous fassions le point, sur le plan de l'inventaire, de nos besoins et des disponibilités budgétaires affectées à des projets déjà commencés et à d'autres initiatives que le gouvernement décidera cette année ou non d'entreprendre. C'est tout.

M. LAFONTAINE: Question supplémentaire: Est-ce que je comprends que les travaux qui étaient en cours se faisaient en vertu d'un contrat signé avec le gouvernement par Fabi?

M. PINARD: C'est évident que c'était en vertu d'un contrat déjà signé. Ce sont des travaux commencés, passablement avancés, mais qui devaient se poursuivre sur une période de deux ans.

M. LAFONTAINE: Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas les prévisions budgétaires pour payer les frais des travaux déjà en cours?

M. PINARD: Il n'est pas question de ne pas avoir de prévisions budgétaires suffisantes pour permettre à Fabi & Fils de continuer ses travaux. Je viens d'expliquer qu'il est absolument normal que nous faisions l'inventaire de la situation pour savoir ce qu'il y a de fait, ou nous allons et quelles seront les disponibilités budgétaires qui seront affectées à un budget ou à un autre. C'est absolument normal.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. JOHNSON: Sur l'autoroute de Montréal-Berthier, y a-t-il des contrats qui ont été accordés et qui sont signés, évidemment?

M. PINARD: Encore là, il est évident qu'il y a des contrats déjà signés.

M. LESAGE: Signés la semaine dernière. Il y a quinze jours.

M. PINARD: Il y a des travaux en cours, mais la situation que je viens d'expliquer, en ce qui concerne les travaux sur la partie de l'autoroute des Cantons de l'Est à Rock Island, prévaut également pour la situation actuellement en cours du côté de Montréal-Berthier.

M. LESAGE: On a approuvé des contrats au conseil des ministres la semaine dernière, il y a quinze jours, il y a trois semaines, il y a quatre semaines, constamment.

M. JOHNSON: Pour des travaux qui seraient exécutés pendant l'année fiscale en cours et l'année...

M. LESAGE: Certainement, aussitôt... On va commencer par laisser fondre la neige, si vous voulez.

M. JOHNSON: Est-ce qu'il est exact que des instructions ont été données aux constructeurs de se hâter lentement, que le gouvernement ne pourrait pas payer plus qu'une certaine proportion des contrats?

M. LESAGE: Non, ce n'est pas exact.

M. JOHNSON: Le ministre des Finances doit le savoir.

M. LESAGE: Je le sais certainement. M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. BELLEMARE: Au ministre du Travail. Est-ce qu'il a reçu un télégramme de la Commission scolaire régionale de l'Outaouais demandant de la recevoir? Le télégramme a été envoyé hier, avant que la grève ne soit déclenchée par les professeurs qui ont résigné, au nombre de 300.

M. LESAGE: Ils n'ont pas résigné. Non, ils ont menacé de résigner. J'ai bien lu les journaux, moi. Ils ont menacé de résigner.

M. PARENT: Ils n'ont pas résigné.

M. FORTIN: J'ai reçu ce matin, vers 9 h 30, un télégramme contenant une copie d'une résolution de la Commission scolaire régionale de l'Outaouais, me demandant d'intervenir dans ce différend. J'ai immédiatement télégraphié ce matin à la partie syndicale, l'invitant à venir à mon bureau demain après-midi, à trois heures, lui demandant, et aux deux parties, si elles acceptaient de venir demain à mon bureau.

M. BELLEMARE: Très bien.

M. JOHNSON: Est-ce que j'ai bien compris? Le ministre va intervenir dans une grève, ou une menace de grève, de commission scolaire?

M. PARENT: Ce n'est pas une menace, ils sont en grève.

M. FORTIN: Ils sont déjà en grève, et la

commission scolaire, la partie patronale, m'a demandé si je n'interviendrais pas pour essayer d'accorder les parties, comme ça se fait suivant le code du travail. Je vais convoquer les deux parties à mon bureau, comme ça se fait dans n'importe quelle grève. Comme les commissions scolaires relèvent du code du travail depuis l'an dernier, je ne vois rien d'irrégulier dans ça.

M. JOHNSON: Ce n'était pas l'opinion du ministre de l'Education...

M. FORTIN: Ce n'est pas le ministre de l'Education, c'est le ministre du Travail.

M. LESAGE: Le ministre de l'Education n'intervenait pas, parce que ça ne relevait pas de lui; ça relève du ministre du Travail.

M. JOHNSON: Elle est bonne.

M. LESAGE: Elle est bien bonne, mais elle est vraie.

M. JOHNSON: A une semaine d'intervalle, le gouvernement change de politique.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Je regrette infiniment. Le gouvernement n'a pas changé de politique. Le ministre de l'Education a déclaré qu'il n'intervenait pas; et il n'a pas à intervenir, pas plus que le premier ministre; ce sont des fonctions qui sont dévolues au ministre du Travail en vertu du code du travail. Or, le code du travail s'applique aux différends entre les commissions scolaires et les instituteurs. Il est normal, qu'à la demande des parties, le ministre du Travail intervienne, et il remplit son devoir en ce faisant.

M. RENE LEVESQUE: De toute façon, le chef de l'Opposition était préparé. D'une manière ou de l'autre, il se faisait tomber sur le dos. Si elles ne venaient pas, ce serait effrayant.

M. LESAGE: You are damned if you do, you are damned if you do not.

M. GERIN-LAJOIE: The Opposition will be damned anyway.

M. JOHNSON: M. le Président, le bilinguisme fleurit dans cette Chambre...

M. GERIN-LAJOIE: Des mots qui sont moins non-parlementaires en anglais.

M. JOHNSON: Ah oui, oui! Une manière polie de contourner le règlement et de parler d'abondance; mais cette année on peut parler français avec l'Orateur qu'on a.

M. LESAGE: M. le Président,...

M. GERIN-LAJOIE: Une blague de mauvais goût qu'on a assez entendue l'an dernier, il me semble.

M. LESAGE: Je sais que vous avez été obligé de patiner joliment à votre émission de télévision quand on vous a posé une question sur ce point-là; vous aviez honte.

M. LAPORTE: Il y a quelqu'un qui vous a questionné sur ça?

M. LESAGE: Dimanche après-midi à la télévision.

M. JOHNSON: Je remercie le premier ministre, j'ai un auditeur fidèle...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: ... qui a l'esprit critique très développé.

M. LESAGE: Ah oui, oui! Et Dieu sait que c'est ennuyeux, M. le Président, ce programme-là. Vous voyez un homme qui essaie de faire son professeur d'école; ça vaut le prix que le chef de l'Opposition ou ses amis payent pour le programme rien que de le voir, monsieur, en professeur d'école, parler de parlementarisme. Lui, parler de parlementarisme!

M. COURCY: Un homme et son péché.

M. JOHNSON: M. le Président, je fais une promesse au premier ministre. J'en parlerai à mon émission, du premier ministre, s'il est couronné le roi des cupidons, le plus joli garçon de la province de Québec.

M. LESAGE: M. le Président c'est une situation fort embarrassante pour moi qui rend évidemment le chef de l'Opposition, il me semble, un peu jaloux. Mais que voulez-vous, M. le Président, c'est arrivé un peu à tout le monde cette affaire-là dans sa vie. Moi, c'est la deuxième fois que ça m'arrive. Cela m'est arrivé d'être proclamé le plus bel enfant du monde à ma naissance par ma mère. Par ma mère et cela a duré exactement seize mois jusqu'à ce que mon frère, le deuxième, naisse.

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre est bien imprudent de comparer ces chroniqueuses féminines à sa mère. Evidemment ou comprend qu'une mère ait des préjugés envers son enfant

M. LESAGE: C'est sûr que la mère du chef de POpposition a dit la même chose.

M. JOHNSON: On comprend mal que les dames journalistes aient de tels préjugés...

M. LAPORTE: Au feuilleton, au feuilleton.

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre et son cabinet ont-ils décidé de changer le juge Smith comme commissaire...

M. LESAGE: Pardon?

M. JOHNSON: ... relativement à la transaction...

M. JOHNSON: Je n'ai pas compris la question.

M. JOHNSON: ... le gouvernement a-t-il décidé de changer de juge pour faire enquête dans les transactions de terrains à Ville LaSalle entre Nobel Building...?

M. LESAGE: Non. Il n'est pas question de changer de juge. Ce que j'ai dit demeure. C'est le juge Smith qui est le plus disponible dans les circonstances. Ce qui s'est produit, cependant, c'est que Me François Mercier s'est récusé. Etant donné que, de ses associés, avant qu'il soit associé à eux, ont incorporé certaines des compagnies dont les noms ont paru dans le journal La Presse. De la même façon que l'ami intime du chef de l'Opposition, Me Jean-Paul Cardinal a aussi incorporé ces compagnies.

M. JOHNSON: Mais le gouvernement n'a pas nommé Me Jean-Paul Cardinal.

M. LESAGE: Non. Mais nous ne le savions pas. Lorsque Me François Mercier a communiqué avec nous pour se récuser, le gouvernement a décidé de nommer Me Laurent Bélanger qui a commencé son travail.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. JOHNSON: Quel est le tarif prévu pour les honoraires de Me Bélanger?

M. LESAGE: M. le Président, je l'ignore.

M. Bélanger enverra son compte suivant le tarif d'un avocat de très haute compétence, comme il vient de le prouver d'ailleurs dans l'enquête du Coroner sur l'accident survenu à l'échangeur Turcot.

M. PINARD: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport des activités du ministère de la Voirie pour l'exercice budgétaire 64/65.

Il me fait plaisir de déposer le rapport des états financiers de la corporation du pont de Trois-Rivières au 31 mars 1965.

M. BINETTE: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport du ministère des Richesses naturelles, 64/65.

M. JOHNSON: Est-ce qu'on parle de l'école dans ce rapport?

M. LESAGE: Non, mais on va faire une motion bientôt pour que le chef de l'Opposition retourne à l'école; cela va lui faire du bien!

M. JOHNSON: Voyons donc, le premier ministre...

M. BERTRAND: Gros argument!

M. JOHNSON: ... a-t-il mangé du lion?

M. LESAGE: Non, non, je suis de bonne humeur ce matin. Tout va bien!

M. BERTRAND: Comment cela doit-il être quand il est de mauvaise humeur?

M. GERIN-LAJOIE: Mais on n'aura pas besoin de motion. Je vais rassurer le chef de l'Opposition. C'est le peuple qui va renvoyer le chef de l'Opposition à l'école!

M. JOHNSON: Les écoles étatisées. M. le Président, le ministre du Commerce et de l'Industrie doit maintenant être au courant que les travaux relativement à l'établissement de l'usine Irving sont retardés.

M. LEVESQUE (Bonaventure): A la suite de la parution dans les journaux d'articles de nature à laisser croire à une remise duprojet en question, j'ai voulu m'informer du bien-fondé de certaines rumeurs ainsi que des propos que l'on attribuait à M. Irving lui-même.

M. JOHNSON: Alors vous avez appelé M. Ro-bichaud?

M. LESAGE: Non, M. Irving.

M. LEVESQUE: On m'a affirmé que les choses progressaient normalement malgré certaines difficultés du côté de titres de terrains, difficultés apparemment surmontées aujourd'hui. Par souci de précision, j'ai rejoint hier, M. K. C. Irving, le président de la société, à son bureau de St- Jean, Nouveau-Brunswick, et au cours d'une conversation téléphonique, M. Irving m'a confirmé que tout procédait normalement, que les préparatifs étaient fort avancés et qu'il n'était pas question de remettre le projet, que la décision de sa compagnie d'établir une raffinerie au Québec était définitive et que les travaux commenceraient le plus tôt possible.

M. GABIAS: Au ministre de l'Education. Est-ce que le rapport du Conseil supérieur de l'Education va être déposé dans les délais fixés par la loi?

M. GERIN-LAJOIE: Va être déposé?

M. GABIAS: Va être déposé dans les délais.

M. GERIN-LAJOIE: À temps! Il va être déposé pendant la session, M. le Président. Je suis informé que le rapport du Conseil supérieur est actuellement en préparation. Seulement, je n'ai pas de renseignement sur la date précise à laquelle il sera prêt.

M. GABIAS: Ce n'est pas dans les quinze jours du début de la session?

M. GERIN-LAJOIE: Oui! Ce ne sera pas dans les quinze jours du début de la session au point où on en est rendu. Elle n'est pas commencée!

M. GABIAS: Au sujet du pont de Trois-Rivières,...

UNE VOIX: Celui qui est tombé?

M. GABIAS: Oui, justement, celui qui est tombé dans le Saint-Laurent! M. le Ministre, est-il exact que les travaux au pont de Trois-Rivières sont ralentis par suite d'instructions qui auraient été données par le ministre de la Voirie de ralentir les travaux afin que les dépenses ne soient pas trop élevées au cours de 1966?

M. LESAGE: Il n'y a rien à faire avec ça.

M. PINARD: Il est absolument faux qu'en ma qualité de ministre de la Voirie j'aurais don- né des directives à l'effet de ralentir les travaux. C'est le contraire qui est arrivé; le ministre de la Voirie veut que l'on procède avec diligence pour que le pont soit livré à la date prévue de façon à ce qu'il puisse desservir les besoins de la population et, plus spécifiquement, au moment de l'ouverture de l'Exposition universelle de 1967. C'est la situation que je dois décrire au député de Trois-Rivières s'il est trop inquiet.

M. GABIAS: J'en suis fort heureux. Une question additionnelle sur le pont.

M. LESAGE: Pas de commentaire, M. le Président.

M. GABIAS: M. le Ministre, est-ce que la cause de l'explosion ou de la chute du pont a été connue par un rapport qui vous aurait été transmis à la suite de l'enquête du coroner?

M. PINARD: Des enquêtes ont été faites. Des spécialistes en la matière sont en train de colliger toutes les informations recueillies, les témoignages d'experts, les analyses qui ont été faites et le rapport doit être produit incessamment au ministre de la Voirie, qui le transmettra au conseil des ministres pour adjudication, comme il se doit.

M. GABIAS: Le ministre sait-il si les recherches se poursuivent pour les six cadavres qui n'ont pas été retrouvés?

M. PINARD: Je dois déclarer que tous les moyens sont mis en oeuvre, et sur le plan technique, et sur le plan financier, pour retracer les cadavres qui n'ont pas encore été retrouvés et j'espère que les recherches en cours donneront les résultats espérés.

M. GABIAS: Il n'y a pas du d'instruction à l'effet de cesser les recherches?

M. PINARD: Absolument pas. Enfin, j'espère que le député de Trois-Rivières comprend qu'en ma qualité de ministre de la Voirie, je dois être aussi humain, sinon davantage, que, d'abord, le représentant du comté de Trois-Rivières et que tous les citoyens de la province. Et ce sont des accidents malheureux dont le ministre voudrait qu'ils ne se produisent jamais.

M. GABIAS: Très bien. C'est précisément ce à quoi la population s'attendait...

M. LAPORTE: A l'ordre, à l'ordre, M. le Président!

M. GABIAS: Quoi?

M. LAPORTE: Bien, vous ne savez pas quoi. Voyons donc!

Comité des subsides

M. LE PRESIDENT: M. Lesage propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des subsides. Cette motion sera-t-elle adoptée? Adoptée.

Tourisme, Chasse et Pêche

M. BEDARD (président du comité des subsides): A l'ordre, messieurs! Tourisme, Chasse et Pêche, article 2, « Service de l'aménagement de la faune »: $10,000.

M. HARDY: M. le Président, il existe présentement, dans les comtés dunord de Montréal, un problème dû aux dommages causés aux chevreuils par les loups. Sans doute, la chasse au chevreuil constitue-t-elle un élément très important pour l'industrie touristique et il convient que des mesures soient prises pour assurer la conservation de ce gibier. Alors, je voudrais demander au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche si son ministère envisage des mesures concrètes pour apporter une solution à ce problème causé par les loups dans les comtés du nord de Montréal?

M. COUTURIER: M. le Président, je répondrai au député de Terrebonne que toutes les précautions sont prises pour protéger le chevreuil dans les comtés du nord de Montréal.

M. LAFONTAINE: M. le Président, j'étais heureux d'entendre le député de Terrebonne se lever en cette Chambre et prendre la défense des intérêts régionaux économiques de la région des Laurentides. La question qu'il a posée au ministre: Est-ce que le ministre envisage de mettre sur pied un service de lutte contre des déprédateurs, en l'occurence les loups. Le ministre a dit que tout est sous contrôle, et ça s'en vient.

M. COUTURIER: M. le Président...

M. LAFONTAINE: Alors, M. le Président...

M. COUTURIER: ... ce n'est pas ce que j'ai répondu, j'ai répondu que toutes les pré- cautions étaient prises. Je n'ai pas dit que tout était sous contrôle.

M. LAFONTAINE: Alors, toutes les précautions sont prises, M. le Président. Au mois de mars 1964, ici, en cette Chambre, nous avons entendu le député de Compton, le député de Labelle, le député de Champlain, demander au ministre du temps s'il avait l'intention de remettre en vigueur la prime qui avait été supprimée, ou abandonnée en 1960, et le ministre du temps disait, à ce moment-là, qu'on faisait des études et qu'on allait prendre bientôt les décisions appropriées pour que cette question des loups ne fasse plus le sujet de controverses qui ont été rapportées dans les journaux au cours des derniers mois. Il y a deux ans, le gouvernement étudiait; dernièrement, j'ai rencontré un biologiste du ministère, et le ministère étudie encore. Le ministère n'est pas prêt à prendre des décisions, ni à rétablir la prime pour l'abattage de loups. Si le ministre suit, et je sais que le ministre doit suivre l'actualité sportive, il doit se rendre compte que les articles écrits dans la Presse, par le journaliste Serge Deyglun, dans le Montréal-Matin, par un autre spécialiste de la Chasse et de la Pêche, M. Jean Pagé, prient et supplient le ministère de rétablir la prime.

Dans le comté de Labelle, des gens intéressés à la survie du chevreuil ont formé un comité qu'ils ont intitulé: le Comité pour la protection de la faune. Et ces gens ont commencé à recueillir des fonds pour accorder, eux-mêmes, une prime à ceux qui abattront des loups. Présentement, je tiens à dire au ministre, au point de vue statistique, qu'il y a eu six loups primés la semaine dernière, et que je fus très heureux d'être celui qui a remis le premier chèque de prime; mais ce n'était pas un chèque de prime du gouvernement, c'était un chèque de prime d'un fonds constitué par des oboles et des aumônes que nous avons récoltées, tant dans la région de Montréal que dans la région des Laurentides. Vu que le gouvernement, que nous avons présentement, est des fois peut-être étatiste, il aime ça nationaliser, j'aimerais, moi, que le gouvernement nationalise...

DES VOIX: Les loups.

M. LAFONTAINE: Non, pas les loups, la chasse contre les loups. Autrement dit, que le gouvernement prenne ses responsabilités, dans ce domaine-là. Le ministre n'a pas le droit, et j'ai ici des chiffres.,. Ah! de l'autre côté de la Chambre, on fait des gorges chaudes. Quand il est question de l'intérêt du public, on rit, on

trouve ça drôle; mais en 1960, 1,470 loups ont été primés par le ministère de la Colonisation, parce qu'avant 1960, c'était le ministère de la Colonisation qui payait les primes. Il y a eu, 1,470 loups de primés en 1960, il y en a eu 1,647 en 1959, il y en a eu 915 en 1958. Dans un volume que le ministre connaît certainement, qui s'appelle « Tuktu » et qui a été écrit par Fraser Symington, il est question de survivance. Le ministre verra, à la page 41, que des études faites en Alaska et des observations effectuées dans l'habitat du caribou au Canada, indiquent qu'habituellement un loup tue en moyenne 16 caribous par année. Alors le ministre sait qu'un caribou, c'est peut-être deux fois et demie, trois fois plus gros qu'un chevreuil. Mais si on laissait simplement le même nombre qu'un loup tuerait par année: 16 chevreuils, ça veut dire qu'en ayant primé 915 loups en 1958, 1,647 en 1959 et 1,470 en 1960, on arrive à un grand total de 64,512 chevreuils qui auraient disparu sous la dent du loup.

Le plus grand déprédateur du chevreuil n'est pas l'homme, c'est le loup; et pourtant on passe des lois de chasse pour empêcher les gens de tuer du chevreuil en temps défendu. Evidemment, c'est bien que ces lois-là existent. Mais pour l'amour, est-ce que le ministre ne pourrait pas rétablir la prime? On va dire: « Bien ça coûte cher ». Cela ne coûte pas cher. De 1941 a 1962 — parce qu'en 1961-1962 on a continué à primer, je pense, au ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, les ours et les renards — cela a coûté pour combattre les prédateurs, les loups, les ours, les renards et, en plus de ça, pour des concours: $1,061,999.50...

UNE VOIX: Au-dessus de 25 ans.

M. LAFONTAINE: ... pendant 25 ans quand on sait que le budget de 1962, par exemple, était de $885 millions, seulement pour cette année-là. Alors, M. le Président, je sais que le ministre est peut-être conseillé par certains biologistes, mais, des fois, je me demande si le ministre ne se sert pas des biologistes pour cacher l'inaction et l'inertie du gouvernement. J'ai l'impression que, quand le gouvernement a pris le pouvoir en 1960, dans sa rage de tout changer, il a dit; « L'Union nationale payait des primes, nous autres, on n'en paiera pas. » Cela c'était la nouvelle vie, la révolution tranquille, il fallait que ça change; alors ç'a changé à tel point, M. le Président, que présentement, quand on se promène dans la région des Laurentides, dans le nord du comté de Terrebonne, dans le comté de Labelle, on voit des carcasses de chevreuils qui traînent le long des routes. Derniè- rement, il y a une semaine à peu près, une semaine et demie, un chevreuil en lambeaux, mais qui avait encore un souffle de vie, est allé se réfugier dans la cour de l'hôtel Robert Painchaud au lac Saguay.

M. MEUNIER: Ils ne lui ont pas donné de chance!

M. LAFONTAINE: Normalement à la Macaza on voyait, pendant l'hiver, des troupeaux de 50 ou 60 chevreuils, des fois 100 chevreuils. Aujourd'hui on ne voit plus ces troupeaux-là, on en voit 15, 20, 25, mais assez rarement. Il y a seulement le ministre qui peut faire quelque chose, M. le Président va peut-être dire qu'il n'avait rien de prévu dans le budget. Mais devant l'opinion publique qui le réclame, il devrait étudier cette question. En plus de ça, le ministre a tous les pouvoirs en vertu de la loi, chapitre 202, article 64, « Loi de la chasse » qui dit; « Le ministre peut payer à même les montants votés chaque année à cette fin par la Législature, une prime à toute personne habitant la province qui lui prouvera de la manière ci-après déterminée, avoir tué un ou plusieurs loups dans les limites de cette province. Le montant de la prime pour chaque loup exterminé sera fixé par le lieutenant-gouverneur en conseil. La peau complète, y compris celle du crâne, devra être nettoyée et envoyée au ministère aux frais de l'expéditeur avec une déclaration suivant une formule prescrite attestée sous serment devant un juge de Paix, pour déterminer le lieu et la date où il aura tué ce loup ou ces loups. La peau, après avoir été marquée de la façon décidée par le ministre, sera retournée à l'expéditeur aux frais du ministère. »

Alors, le ministre a tout entre les mains pour arriver ce matin en Chambre et puis demander un crédit additionnel. Lorsqu'on sait qu'en 1961, ç'a coûté, pour toute l'année, $89,293. En 1960, M. le Président, où ç'a été la dernière année où des loups ont été primés, ç'a coûté $106,582. Nous sommes rendus au mois de février, l'année fiscale finit bientôt. Il me semble que le ministre, au lieu d'attendre à la prochaine année fiscale pour incorporer à son budget pour l'année qui va venir, un montant, je pense que le ministre, ce matin, dans un geste de responsabilité, parce qu'il est responsable, le ministre, le ministre devrait prendre une décision et demander aux Chambres de voter un montant additionnel en plus des $10,000 qu'il demande, de telle sorte qu'il rétablisse la prime.

Maintenant, je ne vous cache pas, M. le Président, que la prime à $20, si jamais le ministre décidait de la rétablir, est insuffisante. $20,

c'est ce que les colons, les cultivateurs, les hôteliers et les commerçants du comté de Labelle ont décidé de payer mais si c'était le gouvernement, pour encourager réellement la disparation de ce prédateur, devrait reporter la prime à $40 ou $50 pour encourager la chasse.

Maintenant, M. le Président, quand je parle de cette façon-là, je suis en très bonne compagnie. Dans le comté de Labelle, nous avons eu la ville de Mont-Laurier qui a adopté une résolution à l'effet que le gouvernement rétablisse la prime. Il y a eu le village de Labelle, il y a eu le Lac-du-Cerf, le village de Ste-Anne-du-Lac, la municipalité de Canton Décarie, La municipalité de Lac-St-Paul, la municipalité de Lac-des-Iles, la municipalité de Lac-des-Ecorces paroisse, la municipalité de Brunet, la municipalité de Lac-des-Ecorces village, la municipalité de Mont-St-Michel, l'Ascension, L'Annonciation, Notre-Dame-du-Lac, qui est dans le comté de Papineau, La Macaza, Robertson et Pope, Val-Barrette, un groupe de cultivateurs de Labelle, l'Association des éleveurs de moutons de Labelle, le Syndicat des producteurs de bois du comté de Labelle, la Fédération de l'UCC des Laurentides, l'Association de chasse et de pêche de Lac St-Paul, le Club sportif de Kiamika, le Club des guides incorporé, le Club Santa-Maria Inc., la Société d'agriculture de Labelle qui, elle, dans sa résolution demande au ministre de porter la prime à $50, la Chambre de commerce de Labelle, la Chambre de commerce de Nominingue, les Chambres de commerce de l'Annonciation, de Ste-Véronique, de La Macaza, la Chambre de commerce de La Minerve et beaucoup d'autres mouvements.

M. le Président, il y a eu aussi l'Association de chasse et de pêche des Laurentides dont le bureau est à St-Jérôme et le président, Fernand Lauzon; je ne connais pas M. Lauzon, je ne sais pas si le député le connaît.

M. HARDY: Oui.

M. LAFONTAINE: L'Association de chasse et pêche des Laurentides, s'adressant au comité de la protection de la faune du comté de Labelle, dit: « Monsieur, pour faire suite à votre lettre du 21 janvier 1966, une assemblée spéciale de notre bureau de direction a été convoquée à cette fin. Nous tenons à vous féliciter chaleureusement d'avoir formé ce nouveau comité pour la protection de la faune du comté de Labelle. Concernant l'augmentation du nombre de loups dans votre comté et par toute la province, nous tenons à vous dire que vous avez parfaitement raison quand vous dites dans votre lettre: « que le loup est beaucoup plus rapide dans ses actions que le ministère de la Chasse et de la Pêche dans ses études et ses décisions. »

Notre association, depuis 1963, a fait des représentations au ministère afin qu'il prenne position et, surtout, assume sa responsabilité devant une situation qui devenait des plus alarmantes. Rien de concret n'a été fait depuis et on a toujours répondu que le sujet était à l'étude. Cela en est devenu ridicule et absurde de constater l'incompétence de certains officiers du ministère qui persistent à ne pas se rendre à l'évidence et à ne pas rétablir la prime que nous demandons depuis trois ans après avoir fait des enquêtes sérieuses dans les circonstances.

Vous trouverez ci-inclus copie d'une lettre qui a été envoyée dernièrement au ministre, soit le 22 décembre 1965. Nous vous encourageons fortement à continuer le travail que vous avez entrepris et soyez assuré de notre entier support. Votre tout dévoué. »

La lettre est envoyée au ministère du Tourisme de la Chasse et de la pêche, Hôtel du Gouvernement, Québec, adressée le 22 décembre. Le ministre est certainement au courant. Il y a au moins quelqu'un qui lui a écrit le 22 décembre. C'est « re: gravité de l'augmentation des loups dans les Laurentides. » Monsieur,

L'Association, qui a déjà fait une enquête sérieuse concernant ce fléau, revient de nouveau à la charge.

Il y a trois ans M. Serge Deyglun, chroniqueur sportif au journal La Presse faisait une sortie dans le journal et mettait en garde les autorités du ministère de la Chasse et de la Pêche du Québec contre la croissance et les ravages des loups dans la région de la Macaza, dans le comté de Labelle.

Les biologistes du ministère, qui sont les responsables de l'enlèvement de la prime concernant l'abattage du loup, n'ont rien fait de concret dans les criconstances. L'Association de chasse et de pêche des Laurentides organisa l'année suivante un comité du foin pour nourrir le chevreuil. Un groupe imposant d'amateurs se rendirent dans la région de la Macaza et découvrirent une quantité incroyable de chevreuils dévorés par les loups. Un vrai massacre, il n'y a pas d'autre mot. L'Association nomma donc un comité qui fit une enquête sérieuse dans les circonstances et découvrit de plus en plus de chevreuils dévorés par les loups. Un photographe a pris sur les lieux une cinquantaine de photos qui furent distribuées à tous les journaux, donnant au public les preuves du dommage causé.

Nous avons découvert par notre enquête, dans

le temps, que le seul moyen efficace d'exterminer une certaine quantité de ces loups était de rétablir la prime de $20 par tête de loup; le tout fait avec un contrôle efficace. Après avoir compilé un dossier sur la question, on l'a transmis au ministre qui nous fit part que le tout serait remis aux officiers de son ministère et qu'une décision avantageuse serait prise. Dernièrement, une nouvelle enquête était faite et nous avons constaté que le loup augmentait de plus en plus. Cette situation est devenue des plus alarmantes et nous constatons que notre service de la protection de la faune a lamentablement échoué dans ses tentatives d'exterminer le loup avec ses équipes soi-disant professionnelles.

C'est pouruqoi nous revenons à la charge et demandons au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche de rétablir la prime pour le loup, mais avec un système de contrôle efficace. Ci-attachée une requête de quelques membres de notre association. Espérant que vous prendrez notre demande en considération. »

C'était le 22 décembre 1965. Le ministre, aujourd'hui, présente un budget supplémentaire et il n'y est pas question du rétablissement de la prime. Je pourrais continuer longuement dans cette veine et citer, par exemple, si le ministre me permet, le Club de chasse et pêche de Pointe-du-Lac: « Des touristes sont venus des Etats-Unis pour la chasse aux chevreuils. Ils ont vu presque autant de pistes de loups que de pistes de chevreuils. A quoi sert au gouvernement de faire de l'annonce pour le tourisme aux Etats-Unis? Venez à la chasse au chevreuil, vous verrez des loups. » Voici à peu près la critique de tous les gens dans le comté de Labelle.

Le ministre devrait aussi se rendre compte que si la chasse au chevreuil est un sport, s'il est synonyme de sport pour la région métropolitaine et des villes, il est en plus chez nous, synonyme, d'équilibre de l'économie régionale.

Vous savez que le comté de Labelle est un comté qui a une économie marginale au point de vue agricole, forestier et au point de vue du tourisme. Chacune ayant sa saison, parce que la quatrième saison, l'hiver, il n'y a rien qui marche. Cela veut dire que, si le gouvernement ne rétablit pas cette prime pour faire disparaître le loup, les chasseurs ne viendront plus dans le comté de Labelle. Ils vont faire comme ce chasseur de Montréal qui venait à chaque année dans le comté de Labelle, un millionnaire qui dépensait de $3,000 à $4,000 par automne à la chasse dans le comté de Labelle, devant 1'affluence des loups dans le comté de Labelle, il a décidé, pour l'an prochain, d'aller chasser en Pensylvanie, où il y a beaucoup plus de chevreuils que dans le comté de Labelle.

Je pense que le ministre, pour rétablir la confiance du public relativement à l'état de choses qui existe dans la région des Laurentides, serait motivé de rétablir cette prime, pour la santé économique de mon coin, mais je pense que le ministre ne connaît pas trop ça, la santé.

De toute façon, je demanderais au ministre, dans un effort loyal, ce matin, de demander des budgets additionnels à la Chambre et je pense que toute l'Opposition sera parfaitement d'accord, il n'y aura plus de critique et ça va arrêter là. Tout le monde va être content.

M. COUTURIER: J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé du député de Labelle, il dit que, depuis trois ans, au ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche, on étudie. C'est vrai qu'on étudie et qu'on continue d'étudier parce que une personne peut vivre plusieurs années et étudier toute sa vie. Par ailleurs, au ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche, il y a des réalisations actuellement. Il y a dans le comté de Labelle et dans la région du Nord de Montréal, un hélicoptère, un avion, trois biologistes, des techniciens, sous la conduite de M. Bolduc, qui est un trappeur professionnel. Actuellement, il se fait une campagne pour l'empoisonnement des loups.

Le député de Labelle a dit que le ministre devrait être responsable et j'assure le député de Labelle que je suis responsable et que je suis capable, en temps et lieu, de prendre mes responsabilités et je les ai prises vis-à-vis des loups.

M. JOHNSON: Même vis-à-vis des loups.

M. COUTURIER: Oui. La responsabilité d'un homme s'étend dans tous les domaines où sa responsabilité le demande.

M. JOHNSON: Quand on vient de Rivière-du-Loup, ça ne nous fait pas peur, les loups.

M. COUTURIER: Il n'y a pas de loups à Rivière-du-Loup parce que nous les avons envoyés dans le comté de Bagot et le comté de Labelle.

Le député de Labelle base son argumentation...

M. LOUBIER: Avec ce discours-là, vous êtes ministre d'Etat, ce ne sera pas long.

M. COUTURIER: Ce n'est pas un discours, c'est une mise au point. Parce que je n'ai pas la prétention de faire des discours, parce que je ne suis pas comme le député de Bellechasse:

je sais que. le bien ne fait pas de bruit et que le bruit ne fait pas de bien.

M. LOUBIER: On a vu ça au ministère de la Santé, c'est ce qu'on vous a reproché de ne rien faire.

M. COUTURIER: Je ne suis plus au ministère de la Santé, je suis au ministère du Tourisme de la Chasse et de la pêche. Maintenant, tout le discours du député de Labelle a tourné autour du rétablissement de la prime. Il a cité d'autres exemples des autres provinces et des Etats-Unis où il y avait des primes. Je prendrai, par exemple, le cas de la province voisine, la province d'Ontario, où autrefois il y avait une prime. On a enlevé la prime sour l'abattage des loups, on l'a rétablie, et les renseignements que j'ai, actuellement, c'est qu'on doit faire disparaître bientôt cette prime, dans la province d'Ontario.

Nous avons au ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche des biologistes en qui nous avons parfaitement confiance. Si nous ne nous fions par aux biologistes qui sont au service du ministère, ça ne sert à rien de les payer pour renseigner le ministère. Des biologistes sont au service du ministère du Tourisme de la Chasse et de la pêche, comme ils sont au service du ministère de l'Industrie et du Commerce; nous avons parfaitement confiance en ces hommes, qui sont des hommes qualifiés et qui rendent service par les renseignements qu'ils soumettent au ministre et au sous-ministre.

Les biologistes de mon ministère disent qu'avant de songer à établir un contrôle du loup, ils convient de se poser plusieurs questions, puisque l'action sans enquête préalable conduit souvent à un gaspillage et parfois même à une catastrophe.

M. JOHNSON: Oui.

M. COUTURIER: Il faut se demander, entre autres, si le loup cause un dommage réel au chevreuil.

M. JOHNSON: Cela coûterait moins cher qu'un seul avocat.

M. COUTURIER: Deuxièmement, il faut se demander si le loup est le seul responsable de ces dommages ou si des causes plus profondes existent. Il faut se rappeler que, cette année, alors qu'en février il y a beaucoup de neige, les chevreuils se tiennent dans un ravage, et ce ravage est assez restreint. C'est la même chose pour les loups qui se tiennent autour des ravages de chevreuil.

M. LOUBIER: C'est clair, cela a toujours été.

M. COUTURIER: Maintenant, les chevreuils qui ont été photographiés, que le député de Labelle a mentionnés tout à l'heure, est-ce que ce sont des chevreuils qui ont été tués par des loups ou si ce sont des chevreuils qu'on a sortis pour priver les loups de leur nourriture?

On a sorti ces chevreuils-là, qui étaient supposés être dévorés par les loups. Or, par conséquent, on a enlevé aux loups...

M. LAFONTAINE: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. COUTURIER: Oui.

M. LAFONTAINE: Est-ce que son ministère est en train de préparer de la nourriture...

M. COUTURIER: Non, ce n'est pas le ministère...

M. LAFONTAINE: ... pour assurer la survivance du loup? Est-ce que le ministre pourrait me dire si le loup est nécessaire ou s'il n'est pas nécessaire, dans les conditions actuelles?

M. COUTURIER: ... Le ministère n'est pas à préparer de la nourriture pour les loups, mais il est à préparer de la nourriture empoisonnée pour les loups.

M. LAFONTAINE: La nourriture empoisonnée empoisonne aussi tous les animaux à fourrure.

M. COUTURIER: Non, parce que...

M. LAFONTAINE: Bien voyons donc, la martre, la loutre.

M. COUTURIER: ... le travail se fait sur les lacs, dans des endroits spéciaux...

M. LAFONTAINE: On ne voit plus un écureuil dans le comté de Labelle aujourd'hui.

M. COUTURIER: ... et les biologistes et les techniciens sont là pour surveiller le travail et, actuellement, il y a cinq loups qui ont été empoisonnés et qui ont été ramassés, et empoisonnés par le poison qui a été...

M. LAFONTAINE: Combien?

M. COUTURIER: ... cinq actuellement, depuis une semaine, et, si les chevreuils qui étaient supposés être dévorés par les loups, si ces chevreuils-là avaient été laissés sur le terrain, les loups mangeraient cette nourriture-là et puis ne seraient pas obligés, comme dit le député de Labelle, de dévorer encore d'autres chevreuils pour se nourrir.

Alors, M. le Président, il faut se demander, entre autres, quelle méthode de contrôle est susceptible d'apporter les meilleurs résultats. Et l'on considère que l'établissement de la prime n'est pas un moyen efficace.

UNE VOIX: Voyons dons!

M. COUTURIER: Je vais vous donner tout à l'heure des témoignages prouvant que la prime n'est pas un moyen efficace pour la destruction des loups. Parce que si on établit des primes pour les destructions des loups, ce seront encore les braconniers, experts chasseurs, qui vont tuer les loups et qui seront encore récompensés.

M. GABIAS: Ils seraient récompensés pour les beaux gestes qu'ils feraient.

UNE VOIX: Pour autant que les loups soient morts...

M. LOUBIER: Au lieu de photographier les chevreuils, tuez donc les loups, c'est ça qu'il demande!

M. COUTURIER: Pour le rétablissement de la prime, je dois dire au député de Labelle qu'elle n'était pas payée par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche mais bien par le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. LAFONTAINE: Je vous l'ai dit tout à l'heure, M. le Président.

M. COUTURIER: Et il n'y a pas, au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, de prévisions budgétaires pour le rétablissement de la prime. De plus, au ministère, contre le rétablissement de la prime, il n'y a pas que les biologistes. Je cite ici...

M. LAFONTAINE: M. le Président, je ne voudrais pas que le ministre induise la Chambre en erreur. Quand le ministre dit qu'il n'y a pas de prévisions budgétaires, il peut en faire dans son budget supplémentaire. Il peut le faire en vertu de la Loi de la chasse et de la pêche, chapitre 202, article 64, qui dit: « Le ministre peut payer, à même les montants votés chaque année à cette fin. » Alors le ministre n'a simplement qu'à mettre des montants dans son budget supplémentaire d'aujourd'hui et l'Opposition va les voter, ces montants-là, et avec plaisir. Et on ne chicanerait pas le ministre s'il proposait un montant.

M. COUTURIER: Voici, M. le Président, dans le budget supplémentaire, au service de la protection de l'aménagement de la faune, il n'y a que $10,000...

M. LAFONTAINE: Que le ministre en mette $50,000.

M. COUTURIER: Ces $10,000 serviront à payer la reclassification accordée aux biologistes conformément à l'arrêté en conseil numéro 1436 du 27 juillet 1965. On ne demande pas de budget supplémentaire pour le rétablissement de la prime et ce n'est pas notre intention de le demander non plus.

Et je me permets ici de citer quelques opinions émises sur le sujet du rétablissement de la prime.

La Conservation Council of Ontario, dans un rapport fait au ministère des Terres et Forêts de cette province de l'Ontario en 1956, dit ce qui suit: « Là où le contrôle des prédateurs s'avère nécessaire, le système de la prime n'est une méthode ni satisfaisante ni économique. » Le même rapport cite le docteur Gabrielson, président de la Wild Life Institute of North America. Le docteur Gabrielson dit ceci: « Je suis d'avis que le paiement de la prime est une pure perte d'argent. »

Le docteur Clark, directeur du Fish and Wild Life Branch of Ontario, écrivait en 1962: « Un de ces jours, nous allons publier l'histoire de la prime dans cette province. En attendant, je peux vous donner quelques résultats de ce système. Le nombre de loups n'a pas été affecté. Nous n'avons aucune indication qu'il y ait moins de loups aujourd'hui qu'il y en aurait si nous n'avions jamais payé de primes. La distribution du loup n'a pas été affectée, il y a des loups partout où cette espèce est susceptible de vivre. »

M. Stuart Allen, dans son ouvrage: « Our wild life legacy », déclare: « Nous n'avons ni l'espace ni le besoin de retracer en détail la longue histoire de la prime. Même un regard rapide nous démontre les raisons pour lesquelles le système de la prime est à ce point mal vu de la part de tous ceux qui l'ont étudié. D'une façon générale, ce fut un moyen d'accorder un

subside pour l'élimination d'un surplus annuel de prédateurs qui auraient été éliminés naturellement de toute façon. » Ensuite, il y a M. Clayton Segar qui dit ceci: « En résumé, il n'existe aucune évidence à l'effet qu'un système de primes ne fasse autre chose que d'accroître les revenus particuliers aux dépens des contribuables ou du chasseur qui se procure un permis, suivant le cas. »

Il déclare ensuite: « Malheureusement, la prime s'adapte bien aux besoins de l'administrateur mal informé et enclin à la politicaillerie ou à ces grands parleurs qu'on rencontre fréquemment dans les réunions de sportifs. C'est une solution populaire et, une fois en vigueur, les profits qu'elle entraîne lui attirent de nombreuses et...

M. LAFONTAINE: M. le Président, le ministre n'a pas le droit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. LAFONTAINE: ... d'insulter la population de Labelle. Ce ne sont pas des politicailleurs.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! UNE VOIX: Il vous a laissé parler, vous.

M. LAFONTAINE: C'est le ministre qui en fait de la politicaillerie avec ça, à l'heure actuelle.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

UNE VOIX: Il vous a laissé parler, laissez-le parler, lui aussi.

M. LAFONTAINE: Bien oui, mais qu'il n'insulte pas la population de Labelle, ni de Terrebonne!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande au député de Labelle de retirer les paroles qu'il vient d'avoir à l'endroit du ministre à l'effet qu'il faisait de la politicaillerie. Il sait que ce n'est pas parlementaire, d'autant plus qu'il n'avait pas le droit d'intervenir dans le débat, à ce stade-ci, à moins de demander la permission au ministre de lui poser une question. Alors, je demande au député de Labelle de retirer ses paroles.

M. LAFONTAINE: Bien, je retire « politicaillerie » pour le remplacer par « partisanerie », M. le Président.

M. COUTURIER: M. le Président, quand j'ai cité le mot « politicaillerie », ce n'était pas moi qui le disais, c'était une parole de M. Allen qui déclare également dans son ouvrage: « Malheureusement la prime s'adapte bien aux besoins de l'administrateur mal informé et enclin à la politicaillerie. » Cela, c'est M. Allen qui le déclare.

M. LAFONTAINE: Est-ce que le ministre me permet? Est-ce que le ministre fait sienne cette déclaration?

M. COUTURIER: C'est la déclaration de M. Allen.

M. LAFONTAINE: Est-ce que vous la faites vôtre?

M. COUTURIER: C'est la déclaration de M. Allen.

M. LAFONTAINE: Très bien.

MM. PARENT ET HARVEY: C'est une citation.

M. LAFONTAINE: Alors, vous ne prenez pas vos responsabilités.

M. COUTURIER: Alors, tout ça pour dire que le rétablissement de la prime n'est pas pratique d'autant plus que les gens qui veulent tuer du loup ont la prime automatiquement, parce qu'ils n'ont qu'à vendre leurs peaux au prix, actuellement, de $25 à $40. Ce sera leur prime. Alors, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, se fiant sur les rapports des biologistes, n'a pas l'intention de rétablir la prime, mais de travailler à la destruction du loup là où il y en a, et de faire en sorte que les loups disparaissent ou diminuent.

M. LAFONTAINE: M. le Président, le ministre dit qu'il se fie aux biologistes. Moi, je me fie aux faits. Jusqu'en 1960, dans cette province, il y avait une prime payée comme lutte préventive contre les loups. En 1961, je pense que le nombre de chevreuils abattus dans la région du comté de Labelle était de 3,500; en 1962, de 3,700, je pense; en 1963, de 3,400; en 1965, cette année, M. le Président, le ministre regardera dans ses dossieurs, .1,200 à 1,300. Et le ministre attend des rapports des biologistes. Et puis il y a une chose, M. le Président, qui est surprenante: depuis quatre ans, ça fait quatre ministres du Tourisme, Chasse et de Pêche qui passent ici dans cette Chambre. On les change,

on dirait, une fois par année; pourquoi? Je ne le sais pas...

M. LOUBIER: Il y a un loup qui les dévore.

M. LAFONTAINE: ... Puis c'est juste un peu avant qu'ils ne deviennent ministres d'Etat.

M. LAPORTE: Ce n'est pas de la politicaillerie ça, évidemment, ce n'est pas de la politicaillerie.

M. LAFONTAINE: Ah! ce n'est pas de la politicaillerie, ce sont des faits.

M. LAPORTE: Ah non, ah non! ça, c'est de la haute politique.

M. LAFONTAINE: J'aimerais que le ministre prenne ses responsabilités.

M. LAPORTE: Ah bon!

M. LAFONTAINE: J'ai dit, tout à l'heure... Je ne suis pas seul, je suis heureux d'être en compagnie du député de Terrebonne pour demander le rétablissement de la prime. Il a parlé un petit peu moins longtemps que moi, mais je pense...

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Je n'ai pas demandé le rétablissement de la prime et précisément je demande au député de Labelle s'il a pris connaissance d'un rapport préparé par un comité de la Chambre de commerce des Laurentides dans lequel on en vient à la conclusion que le rétablissement de la prime n'est pas un moyen efficace de combattre les dommages faits par les loups. Un mémoire préparé par un comité spécial de la Chambre de commerce des Laurentides qui a étudié cette question. Est-ce que le député de Labelle a pris connaissance de ce mémoire?

M. LAFONTAINE: Alors, je prends note que le député de Terrebonne est contre le rétablissement de la prime. Deuxième des choses, je prends note aussi que le député qui l'a précédé dans le comté de Terrebonne, qui est l'ancien ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, disait: « Mais moi, j'ai l'impression que les études que nous avons faites, les décisions que nous allons prendre bientôt, vont donner entière satisfaction dans ce domaine. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de paraître, depuis 3 mois, devant les meilleures associations, etc. »

Alors, le ministre dit: Nous allons prendre bientôt des décisions. Depuis deux ans, M. le Président, les seules décisions qui ont été prises, c'est de laisser les loups manger les chevreuils, de telle sorte que les troupeaux de chevreuils diminuent énormément dans le comté de Labelle. Je me souviens aussi qu'en 1963, le député de Champlain, dans un exposé, disait: « M. le Président, je vais relire au ministre, pour qu'il saisisse bien mon point. M. Guérin, qui est un vieux trappeur et un vieux chasseur bien connu à La Tuque, dit que la recrudescence du nombre de loups en Haute-Mauricie est une conséquence de la décision du gouvernement provincial qui a enlevé la prime offerte à ceux qui tuaient des loups ». Et il ajoute ceci: « On a découvert à plusieurs endroits de nombreuses carcasses de chevreuils qui avaient été abandonnées par les loups après leur festin. Les résidants de ce secteur, c'est-à-dire de la Haute-Mauricie, s'inquiètent de la situation au point qu'ils sont d'avis que le chevreuil aura totalement disparu de la région de la Rivière-aux-Rats, d'ici quelques années, si le gouvernement n'intervient pas pour intéresser les chasseurs, les colons et les trappeurs à pourchasser ces loups ». Et M. Guérin ajoute: « On ne trouve pas de chevreuils dans les environs de La Tuque parce que les loups les ont délogés. »

Alors, je continue de citer le député de Champlain qui disait: « M. le Président, le ministre doit avoir un argument sérieux, mais l'autre argument « trop fort ne casse pas » devrait valoir. Pourquoi pas les deux? » Il n'y a rien qui puisse interdire au ministre d'apporter à la protection du chevreuil et de la faune, une attention particulière, même doublée. Alors, le ministre dit: «J'ai confiance dans mes biologistes ». Je ne chicanerai pas le ministre d'avoir confiance en ses employés, mais les biologistes ont dit: « On ne doit pas payer une prime, on doit réserver ça pour faire des petits voyages d'avion, en hélicoptère, aller déposer des boulettes de viande empoisonnées sur certains lacs ». Alors, à ce moment-là, il y a une lutte qui se fait contre les loups, mais elle n'est pas effective, et elle s'attaque non seulement aux loups, elle s'attaque aussi aux animaux à fourrure, qui grignotent ces boulettes de viande. Et le ministre dit: Ils ont sorti cinq chevreuils, la chasse est commencée depuis deux mois par empoisonnement; vous avez, je pense, vingt stations à peu près, puis vous avez tué cinq loups," vous avez empoisonné cinq loups; cela a coûté combien à la province cinq loups? Nous autres, nous en avons primé la

semaine dernière, six; cela a coûté $120 au comité, $120 aux citoyens.

M. PARENT: Vous avez primé ceux qu'on avait empoisonnés.

M. LAFONTAINE: M. le Président, je ne suis pas le seul, je suis en bonne compagnie. Le ministre dit: « Les biologistes ont dit ». Il y a un autre biologiste ici, qui s'appelle Fraser Symington qui dit — je vais donner la page —...

M. HARVEY: Il y a Jos Pageau, le biologiste.

M. LAFONTAINE: ... dans le volume « Tuktu », question de survivance, publié avec l'autorisation de l'honorable Arthur Laing, ministre du Nord canadien des Ressources naturelles, Roger Duhamel, imprimeur de la Reine, contrôleur de papeterie, Ottawa, Canada 1965. A la page 91, M. Symington dit ceci: « La lutte préventive contre les loups, sans doute parce qu'elle est un moyen simple et direct, est la seule mesure concrète qui ait été prise jusqu'ici pour aider les caribous à survivre », — changez le mot caribou et mettez le mot chevreuil, vous avez exactement la réponse. — « La lutte préventive contre les loups, sans doute parce qu'elle est un moyen simple et direct, est la seule mesure concrète qui ait été prise jusqu'ici pour aider les chevreuils à survivre. »

M. le Président, si encore la biologie était une science exacte, je m'inclinerais, mais la biologie n'est pas une science exacte. Vous avez ici un article que je vais citer au ministre: L'équilibre dans la nature. Voilà ce que pense Manley S. Miner, fils de Jack Miner, qui fut reconnu comme l'un des plus grands naturalistes au monde. « Dieu créa la bête à patate, le doryphore, mais en même temps il créa la pomme de terre. Dieu créa le loup, en même temps il fit le chevreuil. Dieu créa la corneille qui mange les oeufs des canards et des autres oiseaux, en même temps il fit les canards. »

M. PINARD: Dieu créa la femme...

M. LAFONTAINE: Si vous voulez me laisser continuer, M. le Président...

UNE VOIX: Il a créé l'homme aussi...

M. LAFONTAINE: Je passe cette section-là. Je laisse ça au ministre de la Voirie.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. PINARD: Vous n'avez pas une citation de B.B. là-dedans?

M. LAFONTAINE: Il fait le trottoir, le ministre de la Voirie.

M. PINARD: Elle, elle les tuerait les loups.

M. LAFONTAINE: En d'autres mots, comme il est mentionné au chapitre 14 du Deutéronome: «Il créa les oiseaux et les animaux pour servir de nourriture à l'homme et il créa des prédateurs pour établir la balance jusqu'à ce que l'homme fut créé et que le pouvoir lui fut donné de faire la balance.» En d'autres mots, l'équilibre dans la nature relève de l'homme, même dans les temps bibliques; lorsque Jésus vivait sur notre terre, nous voyions des bergers qui surveillaient leurs troupeaux la nuit pour éviter la destruction et les méfaits des loups. Il y a deux écoles: a) La nature s'équilibre d'elle-même...

M. LAPORTE: C'est une citation ça?

M. LAFONTAINE: ... c'est ce que les universités enseignent. C'est très bien comme théorie, ce n'est pas fameux en pratique; les biologistes devraient s'en rendre compte.

M. PINARD: A l'ordre!

M. LAFONTAINE : b) la théorie de Jack Miner, lorsque Christophe Colomb posa le pied sur notre sol, lorsqu'il abattit...

M. LAPORTE: Il a voyagé, votre gars!

M. LAFONTAINE: M. le Président, vous allez demander à la majorité libérale, dans cette Chambre, au moins, de me laisser lire l'article, au moins de mettre un peu de sérieux, quand il s'agit de l'équilibre économique d'une région.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LAPORTE: Est-ce que vous prenez l'assertion de Christophe Colomb à votre compte?

M. PINARD: Moi, ce que je voudrais savoir, c'est combien de loups ont été embarqués dans l'arche de Noé.

M. LAFONTAINE: «Il relève donc maintenant de l'homme de rétablir l'ordre, car Dieu lui donna les pouvoirs lors de sa création, il faut détruire les prédateurs, il n'y a pas de mal pour

l'homme de prendre le surplus du cheptel sauvage, cette récolte de gibier que nous connaissons à l'automne. De fait, c'était le plan divin; car la première loi sur la chasse provient du paragraphe 6, chapitre 22 du Deutéronome, lorsqu'il dit de ne pas prendre la mère de l'oiseau, mais qu'il était bien de prendre sa descendance. « Un tel exemple des temps modernes, que nous vous présentons, sur l'Ile Peele du lac Erié. Il n'y a pas de prédateur naturel, le faisan a augmenté à cet endroit parmi une population humaine à un tel point que plus de 10,000 faisans mâles et plus peuvent être abattus annuellement. Dernièrement, des femelles ont été abattues pour équilibrer. Si l'homme n'exerçait pas de contrôle à l'Ile Peele, la population de faisans deviendrait si dense que le Créateur prendrait un autre moyen pour rétablir la balance: la maladie, ce qui se manifeste chez le lièvre.

Un autre exemple, il n'y a pas de loups à Anticosti: regardez la population des chevreuils. Si nous avions un surplus de chevreuils chez nous, je suis assuré que les chasseurs du Québec ne seraient pas contre le principe d'en abattre deux, même trois par année. Jack Miner, dans sa grande sagesse, possède de nombreux disciples, j'en suis un fervent, de même que tous les membres du comité pour la protection de la faune du comté de Labelle, même Marcel Prud'homme, député fédéral du comté de St-Denis, partage cette opinion. Cela, c'est dans le Montréal-Matin, par Jean Pagé.

Il y a eu aussi l'article de Serge Deyglun, si le ministre le permet: «La responsabilité incombe au gouvernement. Moi, j'accuse le gouvernement d'avoir laissé la situation se détériorer au point où nous en sommes à l'heure actuelle. L'élimination partielle du loup que préconise — il fait allusion à un article de M. Pelletier — a toujours fait partie de la politique gouvernementale, du moins jusqu'en 1960. L'abolition de la prime d'abord, un programme de contrôle des prédateurs, ensuite l'addition d'un nombre sans cesse grandissant de chasseurs sportifs, ont porté à la population de chevreuils un très dur coup. Je ne minimise pas non plus la mauvaise exploitation forestière due au système des coupes sélectives, adoptées par toutes les compagnies concessionnaires; il y en a 23 qui se méritent le titre d'importantes — Le gouvernement est seul responsable de cette faillite dans l'aménagement de notre faune. L'équilibre est rompu, dangereusement rompu. Bien sûr, les concessionnaires devraient planifier les coupes, abandonner l'invraisemblable politique des coupes sélectives, faire de la sylviculture et comprendre que, dans les bois, il y a autre chose que du bois...»

M. PINARD: A l'ordre!

M. LAPORTE: Que c'est beau de tout connaître comme ça!

M. LAFONTAINE: M. le Président, demandez au leader qu'il reste tranquille.

M. LAPORTE: M. le Président, s'il est aussi renseigné sur ce problème-là qu'il l'était sur les usines d'épuration, c'est bien convaincant.

M. LAFONTAINE: On pourrait peut-être en parler en d'autres temps des...

M. LAPORTE: Oui, j'ai donc hâte.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LAFONTAINE: On pourrait peut-être se rencontrer, le leader de la Chambre et moi.

M. LAPORTE: Pardon?

M. LAFONTAINE: J'aurais peut-être des petites nouvelles à lui donner.

M. LAPORTE: Oui, j'en ai des grosses, moi.

M. LAFONTAINE: Des grosses aussi. M. LAPORTE: D'accord.

M. LAFONTAINE: Mais avant que le ministre des Terres et Forêts ait les reins assez solides pour forcer les compagnies à se plier aux lois qui ne sontpas encore votées, les chevreuils auront le temps d'y goûter au point de dégoûter profondément tous les chasseurs de chevreuil du Québec et plus précisément ceux qui fréquentent le comté de Labelle. C'est d'ailleurs commencé. La récente création du comité de la faune du comté de Labelle est un geste révélateur de la part des résidants de Labelle. Pensons moins aux loups, dites-vous, je voudrais bien, mais, en ce moment, on nepeutpas ne pas y penser. La seule chose directe, concrète, efficace que nous puissions faire pour aider nos chevreuils en danger, c'est de détruire le loup. Pas besoin de voter des lois ni de parlementer avec toutes les puissantes compagnies pour aider maintenant le chevreuil.

Je reprends cette phrase de Fraser Symington dans son livre « Tuktu », imprimeur de la Reine: « La lutte préventive contre les loups, sans doute parce qu'elle est un moyen simple et direct, est

la seule mesure concrète qui ait été prise jusqu'ici pour aider les caribous à survivre ». Cette phrase va comme un gant à nos problèmes actuels dans les Laurentides. Je suis d'accord avec vous: le loup est nécessaire au bon équilibre des cervidés. Je suis contre la destruction totale d'une espèce animale, quelle qu'elle soit.

Mais l'équilibre étant rompu, par notre faute, ne l'oublions pas, il nous appartient de le rétablir. Pour l'instant, on ne peut que faire la guerre aux loups en attendant de la faire aux concessionnaires forestiers. Demandez une destruction totale et vous aurez une destruction partielle. D'ailleurs, vous devez savoir comme moi que nous ne réussirons jamais à détruire le loup complètement. Alors, allons-y et tâchons d'en tuer le plus possible en attendant l'ère des coupes planifiées. En conclusion, bravo à M. Pelletier, vous êtes un vrai sportman et vous avez les qualités que nous aimerions trouver chez certains biologistes, le sens de la pédagogie simple et logique qui n'est pas indigeste à la majorité des chasseurs. »

M. LAPORTE: Merci.

M. LAFONTAINE: Maintenant, non seulement...

M. PINARD: Déposez.

M. LAFONTAINE: ... je l'appliquerais aux biologistes, mais je l'appliquerais, cette phrase-là, aussi au ministre du Tourisme de la Chasse et de la Pêche.

M. PINARD: Amen!

M. LAFONTAINE: M. le Président, vous allez peut-être penser que c'est simplement la population du comté de Labelle qui demande le rétablissement de la prime. M. Deyglun est allé à St-Hyacinthe faire une causerie sur la chasse et la pêche et, dans sa chronique du 2 février 1966, il dit merci pour le comité de protection de la faune. Merci, oui, merci aux âmes généreuses qui ont fait parvenir leur contribution au comité de protection de la faune du comté de Labelle. Grâce à vous, grâce à vos dollars et à vos cents...

M. LAPORTE: M. le Président, ce n'est pas...

M. LAFONTAINE: ... la fameuse prime et l'engagement de spécialistes de la chasse vont se continuer...

M. LAPORTE: J'invoque le règlement, M. le Président.

M. PINARD: A l'ordre!

M. LAFONTAINE: ... peut-être que...?

M. PINARD: A l'ordre!

M. LAFONTAINE: ... du Québec s'en portera mieux, tout au moins...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre que le député est complètement sourd, M. le Président?

M. LOUBIER: Ah! ça, c'est gentil!

M. LAFONTAINE: Je n'ai pas compris, M. le Président.

M. LAPORTE: C'est ça, c'est ce que je voulais dire. Alors, M. le Président, est-ce qu'on va permettre que sur ce problème on lise tout ce que les journaux ont publié? Est-ce que le député a une opinion personnelle à exposer? M. le Président, en vertu de 285 de nos règlements, il est interdit de lier des articles de journaux.

M. LAFONTAINE: Le leader n'était pas en Chambre quand j'ai expliqué mon opinion personnelle.

M. LAPORTE: Le leader n'était pas en Chambre non plus quand le règlement a été adopté.

M. LAFONTAINE: M. le Président, le ministre de la chasse est arrivé et a lu certains commentaires disant que c'était de la « politicaillerie », cette lutte contre les loups et c'est là-dessus que je raccroche toutes ces choses-là. Est-ce que Serge Deyglun est un « politicialleur »? Est-ce que Jean Pagé est un« politicailleur »? Est-ce que les gens qui ont entendu la conférence de Serge Deyglun à St-Hyacinthe sont des « politicailleurs »? C'est tout simplement ça que j'essaie d'établir.

M. LAPORTE: Très bien.

M. LAFONTAINE: Jack Miner n'est certainement pas un « politicailleur ». Symington n'est certainement pas un « politicailleur », M. le Président. C'est simplement ce fait-là

que j'essaie d'établir pour le bénéfice du ministre. On ne peut pas en dire autant du leader.

UNE VOIX: Je n'ai pas compris.

M. LAPORTE: Les meilleures sont souvent celles que l'on ne comprend pas.

M. PINARD: Il est meilleur penché debout.

M. LAFONTAINE: Peut-être que la manufacture de loups du Québec s'en portera mieux, tout au moins...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LAPORTE: Monsieur le sourd, j'invoque le règlement.

M. LAFONTAINE: Ce n'est pas gentil. M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LAFONTAINE: J'ai toujours respecté le leader de la Chambre comme étant un gentilhomme, je pense bien qu'il peut continuer...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: Je retire « sourd ».

M. LAFONTAINE; Parce qu'on peut peut-être commencer...

M. PINARD: A l'ordre!

M. LAPORTE: M. le Président, il faudrait que le député revienne à la discussion telle que prévu par le règlement...

M. PINARD: Il est parti à la chasse aux loups, là.

M. LAPORTE: ... et cesse de lire à profusion des extraits, non plus des extraits mais des articles complets de journaux. Ce n'est pas autorisé par le règlement, M. le Président, puis on peut peut-être passer encore une heure. Que le député invoque le témoignage de Serge Deyglun, qu'il invoque le témoignage de Jack Miner, qu'il invoque le témoignage...

M. PINARD: De Jack Monoloy.

M. LAPORTE: ... des citoyens qui sont allés écouter des conférences, pas d'objection. Mais ça ne nous convaincra pas plus qu'il lise toutes les conférences; mais ça peut faire perdre du temps à la Chambre. C'est pour ça que le règlement existe.

M. LAFONTAINE: Non, je n'ai pas l'intention de faire perdre du temps à la Chambre.

M. LAPORTE: Vous allez bien.

M. LAFONTAINE: J'ai l'impression, en tentant de convaincre le ministre, que, si le ministre dit oui, l'Opposition est toute prête à dire oui, et on vient de régler un problème dans la province qui est urgent pour la survivance d'une région, qui est urgent pour les gens de la région métropolitaine au point de vue des loisirs. Il en est question des loisirs, des sports, de l'équilibre de l'économie régionale dans notre région. Ce n'est pas seulement dans notre région. Il y a aussi, en haute Mauricie, le même problème qui existe exactement. Or, c'est tout simplement Ça. Je tente de convaincre le ministre et je sais que le ministre va venir à prendre ses responsabilités et non pas toujours se fier aux biologistes.

Je suis sûr que le ministre de la Voirie, et je le vois le ministre de la Voirie, ne prend pas n'importe quel rapport d'ingénieur pour s'asseoir dessus. Quand il y a un rapport d'ingénieur qui arrive, il le scrute. C'est normal. Le ministre a des biologistes autour de lui. Les biologistes peuvent avoir leur opinion, d'accord. Les biologistes veulent combattre le loup par de la viande, par des boulettes empoisonnées» D'accord, je n'ai pas d'objection, bien que je préviens le ministre qu'à ce moment-là, il fait disparaître les animaux à fourrure. Mais tout de même, si les biologistes veulent s'amuser en avion, je n'ai pas d'objection. S'ils veulent se promener en jeep et en autoneige, je n'ai pas d'objection. Mais il reste un fait, c'est que, dans mon comté, j'ai énormément de trappeurs qui connaissent les bois et peut-être cent fois mieux que n'importe quel biologiste et que le ministre. On a prétendu, en 1964 — j'aurais pu lire ça au ministre tout à l'heure — que le ministère avait arrêté de payer des primes, parce qu'on payait des oreilles de chiens. $1 millions pendant vingt-cinq ans de dépensés, combien d'oreilles de chien ont-elles été payées?

M. PINARD: Ils les ont croisés.

M. LAFONTAINE: Il y a un biologiste qui est venu dans mon comté, dernièrement, et il a dit: En plus de payer les oreilles de chien, on

payait des oreilles confectionnées à même la peau des loups. J'ai dit: Ecoutez, M. le biologiste, pensez-vous que les gens sont assez niaiseux pour commencer à confectionner des oreilles de loup pour avoir $20, quand la peau se vend $25 ou $30. Les biologistes, ce sont les conseillers techniques du ministre. Il y a peut-être une chose, il y aurait peut-être les oreilles du député de Hull qui pourraient parvenir au ministre.

M. LE PRESIDENT: Voyons!

M. PARENT: Le député de Labelle est assez mal pris dans son comté, qu'il faut qu'il trouve une raison pour essayer de convaincre l'électorat qu'il doit être réélu.

M. LAFONTAINE: Je demanderais au ministre de rétablir la prime. Sur un budget, cette année, de $2 milliards, je pense bien que ce ne serait pas exagéré de donner pour la protection de la faune, protection du chevreuil, protection du caribou et même protection de l'orignal, qui a parfois de la misère à se défendre contre les loups. Je demanderais au ministre de rétablir la prime et de la rétablir aujourd'hui. L'Opposition va voter avec le gouvernement. Le ministre en a les pouvoirs, en vertu de l'article 64 du chapitre 202 de la Loi de la chasse. Nous allons l'appuyer. Qu'il accorde pour l'année qui finit, disons que $10,000 feraient l'affaire pour un mois, jusqu'au 31 mars. L'Opposition va voter avec lui et je pense qu'à ce moment-là, le ministre règle la question. Les biologistes du ministère vont continuer à s'amuser en aéroplane. On n'a pas d'objection, mais la population, qui paie des taxes, les chasseurs, qui paient des permis de chasse, seront eux aussi protégés, et l'économie de toute notre région sera équilibrée,

M. HARDY: M. le Président, pour corriger une fausse impression qu'a pu laisser tantôt le député de Labelle je tiens à dire que je suis aussi intéressé que lui à ce que des mesures efficaces et concrètes soient prises pour corriger la situation qui existe actuellement en ce qui a trait aux dommages causés au chevreuil parles loups. Mais tout simplement, le fait de différer sur les moyens à prendre ne veut pas dire qu'on s'intéresse moins à la situation. Il y a actuellement différents moyens qui peuvent être pris pour corriger cette situation et un grand nombre de spécialistes et je vous rappelais tantôt le cas d'un mémoire préparé par un comité spécial de la Chambre de commerce des Laurentides, un grand nombre de personnes en arrivent à la conclusion que le rétablissement de la prime n'est pas une solution efficace au problème. Il y a une foule de moyens de corriger cette situation et, personnellement, je suis intéressé à ce que le ministère prenne tous les moyens pour y arriver. Le fait de ne pas souscrire à l'opinion du député de Labelle, le fait de ne pas croire que le rétablissement de la prime est un moyen efficace, cela ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas au problème et qu'on ne veut pas que la solution soit corrigée.

Il y a une foule de moyens pour corriger la situation et il serait malheureux que, sur une question aussi importante que celle-ci, on en fasse une question électorale et qu'on soulève un peu le sentiment des gens. Parce que, quand on parle des loups, il est très facile, il y a un atmosphère psychologique très facile à créer de soulever une certaine crainte ou une certaine appréhension. C'est un problème sérieux, c'est un problème qui doit être étudié d'une façon sérieuse, d'une façon objective. Je répète qu'en tant que député d'un comté dont l'économie est largement tributaire de l'industrie touristique, je suis très intéressé à ce que tous les moyens efficaces soient pris pour corriger cette situation, mais le seul moyen, ce n'est pas le rétablissement de la prime. Il ne faudrait pas laisser croire à la population que parce qu'on est pas en faveur du rétablissement de la prime, on se désintéresse du problème.

M. LAFONTAINE: M. le Président, je veux simplement répondre au député parce qu'il m'a mis en cause; ça ne sera pas bien long. Si je dis que c'est le rétablissement de la prime, évidemment, on peut différer d'opinion. J'ai mon opinion, le député de Terrebonne a la sienne; je n'aime pas son passage de politicaillerie ni en faire un ballon politique.

M. HARDY: Je n'ai pas parlé de politicaillerie, je n'ai même pas prononcé le mot.

M. LAFONTAINE: Vous avez parlé d'en faire un ballon politique ou quelque chose de la sorte.

M. HARDY: Je n'ai pas dit ça.

M. LAFONTAINE: Or, pour ma part, je n'en fait pas un ballon politique. Oui, oui, il a parlé de quelque chose de même. De toute façon M. le président c'est que je voudrais que le député se rende compte, c'est vrai qu'il est arrivé en 1964 en cette Chambre.

M. HARDY: 1965.

M. LAFONTAINE: 1965. Alors il n'était pas ici en 1960...

M. HARDY: Mais je suivais de très près les travaux de la Chambre.

M. LAFONTAINE: ... s'il avait été ici en 1960, M. le Président, si le député de Terrebonne avait été ici en cette Chambre en 1960, il aurait appris que le gouvernement avait aboli la prime qu'on accordait pour combattre les loups, qui était de $20 à ce moment-là.

M. HARDY: C'est ça.

M. LAFONTAINE: Jusqu'en... un gouvernement libéral. Un gouvernement libéral en 1960. Jusqu'à ce moment-là, M. le Président...

M. BRISSON: Adressez-vous au président.

M. LAFONTAINE: ... oui, je m'adresse au président aussi, mais je peux en regarder un autre. Jusqu'en 1960, M. le Président, il n'y a pas eu de problème aigu de loups dans la province de Québec. Depuis l'abolition de la prime, le nombre de chevreuils abattus par année, — parce que cette politique-là a eu un effet peut-être un petit peu à retardement, — mais à partir de 1962 ou de 1963, on a commencé à se rendre compte qu'il y avait énormément de loups, que la population de loups augmentait surtout dans ma région, comme corollaire à l'abotition de cette prime faite en 1960 par le gouvernement libéral.

En 1963 les journaux ont commencé à demander au gouvernement le rétablissement de cette prime. En 1964, le ministre du temps, qui était le prédécesseur comme député du comté de Terrebonne au député actuel dit: « On étudie puis on va prendre des dispositions avant longtemps, puis le problème va être réglé, puis tout le monde va être satisfait. » Cela fait deux ans M. le président, les moyens qu'on a pris à ce moment-là, ce sont des voyages par héliroptère, des voyages par avion, trois quatre biologistes peut-être frais émoulus d'une université avec peut-être beaucoup de théorie mais pas beaucoup de tratique, qui entrent dans les comtés, qui vont, se promènent un petit peu dans le bois... Il y a quelqu'un de La Macaza qui me disait dernièrement: Il y a un équipe qui vient en jeep, qui rentre dans le bois, va placer des boulettes empoisonnées. » Et puis je demandais à la personne; « Mais combien de loups avez-vous tués la semaine passée? » Il dit: « Je ne le sais pas. » Mais je dis: « Comment ça, vous ne saves pas? » puis il dit: « Le loup, il s'en va dans le bois puis s'empoisonne. Mais si vous empoisonnez un loup, le loup n'ira pas bien bien loin; j'ai simplement à suivre les pistes, puis je vais finir par le trouver mort à quelque par. » De toute façon il n'en avait pas tués. Lorsque le biologiste du ministère est venu dans mon comté, il y a exactement deux semaines, pour le programme de télévision « Aujourd'hui ».

A ce moment-là, il y avait un loup de pris par le service des biologistes. Nous avons rétabli la prime dans le comté de Labelle à même des dons publics, de gens qui se serrent la ceinture, comme à la demande du premier ministre, mais qui donnent leur écot au comité de la protection de la faune du comté de Labelle. Nous avons primé six loups dans une fin de semaine. Tout ce qu'on demande, ce n'est pas que les biologistes se fassent trappeurs. Ce qu'on demande, c'est l'aide gouvernementale. Je pense que le ministre devrait admettre qu'il faut que la population de loups baisse. Mais pour que la population de loups baisse, il faut tout de même faire quelque chose pour encourager le « trappage » du loup. La seule façon d'encouragement, c'est d'accorder une prime. Et je pense que, si le ministre accordait une prime, cela coûterait moins cher que son service de biologie. Beaucoup moins cher. Qu'il économise sur les voyages en avion et puis qu'il redonne la prime. Je dis que c'est la prime qui a été abolie en 1960 qui nous a amené cette situation qui est désastreuse pour tout le monde.

M. COUTURIER: M. le Président, je dois féliciter le député de Terrebonne qui semble avoir compris la situation et je peux lui dire que le problème a été étudié sous toutes ses faces et il a été jugé au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche que le rétablissement de la prime n'était pas un moyen efficace pour la destruction des loups.

Je pourrais féliciter aussi le député de Labelle pour son exposé. Je pourrais lui dire, par exemple, qu'il est assez facile de parler, de faire un exposé sur des textes qui ont été écrits par d'autres. Et dans les citations qu'il a faites, le nom du député de Labelle revient souvent à la surface. Et quand il a parlé aussi que le gouvernement libéral avait fait disparaître la prime, il a fait cette citation à plusieurs reprises. Le gouvernement libéral a fait disparaître la prime en 1960. Donc, c'est vrai.

M. JOHNSON: Bon!

M. COUTURIER: Mais le gouvernement libéral a fait disparaître la prime parce qu'il

a jugé nécessaire de la faire disparaître. M. JOHNSON: Oui.

M. COUTURIER: C'est donc dire que c'est une attaque de la part du député de Labelle contre le parti libéral. Si le député de Labelle veut préparer son élection, il n'a qu'à...

DES VOIX; A l'ordre!

M. COUTURIER: ... se servir d'autres moyens que les loups.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER: Le ministre n'a pas le droit d'imputer des motifs au député de Labelle, de vouloir se servir de son intervention pour des fins électorales.

M. COUTURIER: Je ne lui prête pas de motifs. Je dis; Si le député veut se servir... »

M. LOUBIER: Ah bon! Ah bon! Le ministre...

M. COUTURIER: Le député de Labelle... C'est une hypothèse!

M. LAFONTAINE: C'est une hypothèse qui ne devrait pas avoir lieu!

M. COUTURIER: Et je maintiens l'hypothèse. Alors, le député de Labelle peut se servir d'autres moyens pour se faire élire aux prochaines élections que de mettre ça sur le dos des loups.

Maintenant, le député de Labelle dit que les biologistes n'ont pas la science exacte. Tout peut être perfectionné. Partant de ce principe, je pourrais dire au député de Labelle qu'il pourrait se faire soigner par un charlatan, il pourrait se faire soigner par un médecin vétérinaire.

M. LAFONTAINE: Cela ne serait certainement pas par le ministre du Tourisme.

M. COUTURIER: Le biologiste est un homme qualifié qui a reçu des diplômes et sur lequel on doit se fier.

M. LAFONTAINE: Le ministre n'a pas le droit de se faire de la publicité en Chambre!

M. COUTURIER: Il n'y a pas que les biologistes du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, il y a aussi des biologistes en dehors du ministère qui disent que le rétablis- sement de la prime n'est pas un moyen efficace pour faire disparaître les loups.

Le député me demande de prendre mes responsabilités. Je les prends et je dis que nous ne rétablirons pas la prime tant et aussi longtemps que le rétablissement de la prime n'aura pas prouvé que c'est un moyen efficace pour la destruction des loups.

M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais, très brièvement moi aussi, plaider pour le rétablissement de la prime, après avoir félicité le député de Labelle qui ne fait que son devoir en Chambre quand il attire l'attention de la députation sur ce problème. M. le Président, le député de Labelle qui vit avec ses gens, qui vibre à l'unisson des problèmes de son comté, qui connaît l'économie du comté de Labelle, qui sait l'importance que la chasse et la pêche représentent pour l'économie du comté et pour le bien-être d'une partie de la population, depuis trois ans, fait son devoir en cette Chambre en attirant l'attention du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche sur les ravages que font les loups.

Je pense que toute cette Chambre a pu se rendre compte, comme les journalistes d'ailleurs, que le député de Labelle connaît son affaire; deuxièmement, que ses prétentions sont établies sur des autorités induscutables. Par ailleurs, le ministre, en réponse, n'a qu'une citation et c'est celle d'un biologiste de l'Ontario. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais il y en a des experts dans le domaine de la récréation par la chasse et la pêche et l'un de ces experts, c'est celui qui signe depuis des décennies, dans le journal The Gazette, des articles sous l'en-tête de « Rob and Gun », sous le nom de Isaac Hunter. Il dit ceci dans la Gazette, dans le supplément annuel et la revue commerciale de la Gazette, datée du 22 janvier 1966, je cite le titre en anglais: « Gazette Annuel Commercial Revue and Forecast, January 22, 1966. » Avec votre permission, je citerai d'abord un paragraphe de cet article plutôt que d'élaborer évidemment sur les mêmes thèmes.

Parlant de la situation désastreuse de la chasse et de la pêche pour l'année 1965, après avoir rappelé qu'en autant d'années on avait eu six ministres de la Chasse et de la Pêche, M. Hunter, et je cite textuellement, dit: « True importance not realized. It seems a pity that space should have to be given to the matters that have been touched upon to this point, but in a nutshell, Quebec, already far behind in the matter of fish and wild life management, could be dropping further back in some cases to a point of no return or, at least, a frightening expensive return.

The reason for this state of affairs appears to be failure of the powers that be to recognize the true important to the Province of these renewable natural resources represented by our fish and game. This is clearly pointed to by the facts cited in the foregoing unpalatable though they may prove to some. It is only to the facing of these facts and the dawing of realization as to just what fish and wild life mean to Quebec on the part of those in power that we can justifiably look forward for great deal of optimism to the future for current and succeeding generations in this field. »

M. le Président, M. Hunter venait de dire plus tôt dans cet article qu'il avait, en 1965, évoqué avec un peu d'enthousiasme les changements qui étaient en train de s'accomplir au ministère. Il avait félicité le gouvernement d'avoir donné, semble-t-il, mais libres à des fonctionnaires qui voulaient réellement s'occuper du problème d'une façon efficace. Mais M. Hunter dit: « It is my humble opinion as a long time interested observer of these affairs that the administration of fish and game in Quebec remains in a state of flux. It seems apparent to me, at least, that the efforts of some of the more vital figures had been largely nullified by reactionary and unknowledgeable thinking closer to the seat of power. »

M. LAPORTE: M. le Président, ce n'est pas très pertinent, surtout pour la politique du ministère.

M. JOHNSON: M. le Président, M. Hunter dit: En somme, on n'attache pas assez d'importance à ce sujet. Le député de Labelle dit qu'on est mal venu d'accuser de politicaillerie, quand il a parlé de ce problème depuis 1961, dans cette Chambre...

M. COUTURIER: Le député de Labelle n'a pas été accusé de politicaillerie.

M. JOHNSON: ... qui a protesté, M. le Président, dès qu'on a aboli la prime, qui en a demandé le rétablissement chaque année. Oh! je comprends le député de Terrebonne, il ne voulait pas se faire damer le pion...

M. PARENT: Cela ne regarde pas le ministère du Tourisme.

M. JOHNSON: ... qui saute ce matin sur la charette, avant le député de Labelle, et qui veut se mettre en évidence, mais qui ne peut pas, comme le député de Labelle, M. le Président...

UNE VOIX: C'est de la politicaillerie, ça.

M. JOHNSON: Non, M. le Président, je constate les faits. Voici un député qui, depuis quatre ans, proteste contre l'abolition de la prime.

M. HARDY: C'est son monopole à lui, personne autre que lui n'a le droit d'en parler.

M. JOHNSON: Si on n'avait pas eu le député de Labelle, on n'en aurait jamais entendu parler de ça. Le député de Terrebonne n'en aurait pas parlé dans cette Chambre.

M. PARENT: C'est une école de pensée, ça ne veut pas dire que c'est la meilleure.

M. JOHNSON: M. le Président, c'est une école de gens pratiques. On a encore un exemple de la manière dont le ministre a traité ce problème, on a encore un exemple de ce qui est en train de rendre le gouvernement incompétent dans presque tous les domaines. Des biologistes, des diplômés, des gens assis dans des fauteuils, dans des bureaux tapissés, qui ont des tapis mur à mur. Et dans ces bureaux capitonnés, M. le Président, on prend de grandes décisions, des biologistes on en a besoin, mais les occupe donc à examiner les oreilles qui rentrent, il doivent être au moins assez compétents pour distinguer entre les oreilles de chien et les oreilles de loup, si c'est ça, la grosse objection.

M. PARENT: Ils ne peuvent pas les différencier entre les provinces.

M. JOHNSON: Pardon?

M. PARENT: Ils ne peuvent pas différencier entre les provinces.

M. COUTURIER: S'ils viennent de la province d'Ontario ou d'ailleurs.

M. JOHNSON: Que vient de dire l'éternel adjoint? C'est le cardinal Richelieu du ministère, M. le Président, c'est le Talleyrand...

M. PINARD: Les ministres passent, mais l'adjoint demeure.

M. PARENT: La continuité.

M. PINARD: Apparemment, il y a des loups anglais et des loups français.

M. BERTRAND: Il va être nommé ministre adjoint.

M. JOHNSON: On a un exemple de solution théorique à un problème pratique. Moi, je préfère, à première vue, la solution de bon sens, élaborée par des gens qui s'y connaissent dans le domaine. Les biologistes peuvent avoir de grandes théories. La grande théorie dont Jack Miner parlait, et on sait qui est Jack Miner, il a fait ses preuves, lui, comme amant de la nature, grande théorie que la nature est équilibrée; le Créateur a vu à ce qu'il y ait des prédateurs. Mais, comme l'a expliqué le député de Labelle, l'homme entre en scène. Le gouvernement actuel dépense combien pour amener devant le tribunal un braconnier, quand bien même ce serait un colon qui crevait de faim et qui avait besoin de nourrir ses enfants: $75. $100, $150, $200, $300, $400 par cause, M. le Président, pour arrêter un braconnier.

Et on dépensera jusqu'à $1,000 en toutes sortes de frais de transport de témoins pour gagner sa cause contre un braconnier — un humain — et quand il s'agit des loups... C'est Symington qui disait qu'un loup peut tuer jusqu'à seize caribous dans une année: seize caribous. Cela, c'est un vrai braconnier, et puis on ne dépensera pas $20 ou même $50, M. le Président? Le vrai braconnier, c'est le loup; ce sont les gens de Labelle qui le savent, ce ne sont pas les gens de Rivière-du-Loup. Ce sont les gens de Labelle qui le savent. Que vos biologistes et vos théoriciens descendent donc dans le peuple, aillent donc voir ce qui se passe, aillent donc interroger les gens, écoutent le bon sens qu'on a entendu de la bouche de ce vieux trappeur qui parlait à la télévision, des gens qui sont sans passion politique, mais dont c'est toute la vie de trapper et de gagner leur vie à même cette industrie du tourisme.

Je trouve que le gouvernement manque de réalisme, comme disent les Anglais; c'est rendu à la mode de parler anglais en cette Chambre depuis ce matin, le premier ministre et le ministre de l'Education m'en ont donné un exemple. C'est un gouvernement qui est « penny wise and pound foolish ». Pour faire des économies, on a enlevé $80,000 qu'on affectait à la prime pour les loups — $80,000 pour toute la province — mais on s'est lancé dans des dépenses de millions. Mais ça coûterait moins cher que les honoraires d'un seul avocat libéral.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. PINARD: A l'ordre!

M. JOHNSON: Et en supposant que ce ne serait pas aussi efficace qu'on prétend que ce l'est, en supposant que ça n'aurait pas les effets tels que le prétendent le député de Labelle et ses amis du Comité de la protection de la faune du comté de Labelle, est-ce que ça ne vaudrait pas la peine de tenter l'expérience? A 100%, ça ne serait peut-être pas efficace, mais, encore une fois, ça coûte moins cher que les honoraires d'un seul avocat libéral devant une commission.

M. PINARD: A l'ordre! Le député de Bagot est comme le loup, il ne peut pas résister à la tentation de se jeter sur la victime qui n'est pas présente. S'il n'est pas là pour se défendre...

M. JOHNSON: Pardon?

M. LOUBIER: Cela fait mal, il ne faut pas parler de ça.

M. JOHNSON: Moi, je m'attaque à une catégorie qui m'est égale: les avocats. Je n'attaquerais pas les pauvres notaires, je n'attaquerais pas les pauvres dentistes, mais les avocats sont capables de se défendre.

M. PINARD: Ne vous attaquez pas à ceux qui sont absents!

M. JOHNSON: M. le Président, revenant aux loups, pas ceux qui sont en Chambre, en face de moi...

M. PINARD: A l'ordre!

M. JOHNSON: ... à ceux qui sont dans les bois...

M. PINARD: Mais les chiens-loups sont plus embêtants, ceux-là; ils se déguisent.

M. JOHNSON: Quand je vais en invoquer un, je n'ai qu'à regarder un peu en oblique, M. le Président, qu'à vous regarder par-dessus la tête et puis je vais avoir un spécimen.

M. PINARD: Ils se déguisent.

M. JOHNSON: M. le Président, on ne demande pas une prime qui va ruiner le gouvernement: $10,000 par mois, soit $120,000 pour un an. Le ministre a le droit de proposer ça, oui; il pourrait, ce matin, nous arriver, se lever et dire: « Le lieutenant-gouverneur avisé, etc., a bien voulu... »

M. PINARD: Ce n'est pas l'objet de la discussion, M. le Président.

M. JOHNSON: Ah! je sais qu'il va falloir en parler au premier ministre, le premier ministre ne voudra pas qu'on affecte de l'argent à la destruction des loups, instinct de conservation, M. le Président...

M. PINARD: A l'ordre! A l'ordre!

M. JOHNSON: A part ça, le premier ministre est probablement contre la peine de mort. C'est un problème qui n'a pas l'air important. Il y aura des journalistes pour dire: Il y a du temps de perdu en Chambre, pourquoi tant de discours? Mais c'est de l'essence même du système démocratique qu'un problème de cette nature, à un moment donné...

M. PINARD: De dialoguer avec les loups.

M. JOHNSON: ... puisse être soulevé publiquement. Autrement, comment voulez-vous que la voix du peuple de Labelle, que la voix du peuple de Pontiac, que la voix du peuple de la haute Mauricie, de toutes ces régions qui sont intéressées par ce problème, puissent se faire entendre? Elle irait s'étouffer dans les bureaux capitonnés des technocrates, et nous touchons ce matin du doigt le grand avantage du système parlementaire, quand un homme peut se lever dans cette Chambre et attirer l'attention du gouvernement et du public, par la voie des journaux, sur un problème qui a son importance dans la région du député de Labelle et dans plusieurs autres régions de la province.

M. le Président, ce n'est pas de la politique que nous faisons. Nous accomplissons notre devoir comme député de l'Opposition, nous voulons saisir l'opinion publique de ce problème, les journalistes spécialisés dans ces domaines ont déjà écrit de merveilleux articles, et il n'y a pas de meilleure tribune que celle de l'Assemblée législative, et nous félicitons le député de Labelle de l'avoir utilisée ce matin en faveur de ses gens.

M. le Président, à part ça, tout le monde n'est pas bâti pour devenir avocat, notaire ou député. Il y a des gens dont c'est la vie que de trapper. Il y a des colons, dans le comté de Labelle, qui seraient heureux de s'occuper à quelque chose, de supplémenter leurs revenus, déjà trop maigres, et peut-être d'en sauver, M. le Président...

M. COUTURIER: S'ils veulent faire de l'ar- gent, ils n'ont qu'à les tuer puis à vendre la peau qui se vend de $25 à $40.

M. JOHNSON: M. le Président... M. RUSSELL: Ce n'est pas assez.

M. JOHNSON: ... l'expérience est faite, Jack Miner, qui s'y connaissait, en a parlé; Symington, dont le volume a été publié sous l'autorité du ministre des Ressources nationales à Ottawa, en parle. C'est une méthode efficace. Ce n'est peut-être pas aussi efficace que certains le prétendent, mais ce n'est pas un gros risque, ni une grosse dépense que nous demandons au gouvernement, $10,000 d'ici au 31 mars, et environ $120,000 pour l'année prochaine. Pourquoi le ministre ne s'engage-t-il pas ce matin à demander ça au ministre des Finances pour tenter de donner justice aux gens de Labelle et pour prouver qu'enfin le gouvernement s'est réveillé et qu'il se rend compte de l'importance de protéger notre faune dans la province de Québec?

M. le Président, à l'occasion des crédits du ministère, nous pourrons en parler plus longuement, mais pour le moment nous demandons au ministre...

M. LAPORTE: On verra ça.

M. JOHNSON: ... de reviser sa décision. M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Quatre; « Service des parcs. »

M. LAFONTAINE: J'attendais une réponse du ministre. Est-ce qu'il accepte ou s'il n'accepte pas?

M. COUTURIER; J'ai rendu ma décision tout à l'heure.

M. LAFONTAINE: Le ministre n'accepte pas.

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: « Service des parcs », $160,500.

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté?

M. LOUBIER: Les réserves que le ministre fait pour les salaires, est-ce que ça comprend des augmentations, des arrérages, de nouveaux emplois?

M. COUTURIER: Les renseignements que j'ai c'est qu'à l'article 2-a, augmentation de $120,000: augmentation générale accordée aux employés à compter du 5 novembre 1964 pour laquelle les crédits n'avaient pas été prévus au premier budget supplémentaire 1965-66. A l'item b, $16,000: augmentations statutaires à 211 employés conformément à l'arrêté en conseil no 1001 du 18 mai 1965. Le montant de $4,000: on a créé la réserve de St-Maurice, dont la juridiction a été transférée au Service des parcs, et c'est pour l'engagement de nouveaux gardes dans cette réserve. Et les $2,500; transfert de juridiction privée au gouvernement de la rivière Moisie, une partie de la rivière Moisie; alors, nous sommes obligés d'en faire le réaménagement. Ce montant est pour le réaménagement et la surveillance de la réserve de la rivière Moisie. De même que le montant de $5,000, pour la surveillance d'une partie de la rivière St-Jean qui a été récupérée, qui appartenait à un M. Harding, dans la Gaspésie. Le ministère a repris possession d'une partie de la rivière St-Jean, et c'est pour faire la surveillance de cette partie reprise par le gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté. Article 5; « Jardin zoologique, $13,000. »

M. RUSSELL: Est-ce que ce sont seulement des augmentations de salaires ou s'il y a de nouveaux employés?

M. COUTURIER: Au Jardin zoologique, c'est l'augmentation de salaires et aussi le résultat de la décision du ministère d'ouvrir le Jardin zoologique à l'année longue. Le Jardin zoologique est ouvert l'hiver comme l'été, depuis l'an dernier. Alors, ce montant de $13,000 est pour l'augmentation des salaires et la prolongation de la période d'ouverture à l'année longue.

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre trouve que c'est avantageux de laisser le Jardin zoologique ouvert l'hiver?

M. COUTURIER: Les renseignements que j'ai, actuellement, c'est que le Jardin zoologique est beaucoup visité cet hiver, depuis qu'on le laisse ouvert.

M. LOUBIER: Etant donné que le ministre du Tourisme de la Chasse et de la Pêche a évi- demment à sa dispositon, par son mandat et par les structures de son ministère, le soin de faire de la publicité pour attirer le tourisme, étant donné, d'autre part, que durant l'hiver à Québec nous avons le carnaval d'hiver qui draine des milliers et des milliers de touristes étrangers, est-ce que le ministre a fait, dans le cadre du Jardin zoologique, une publicité spécifique pour inviter les gens qui viennent visiter le Carnaval de Québec à se rendre en même temps au jardin zoologique de Québec? Et, si le ministre ne l'a pas fait, ne croit-il pas que ce serait une bonne chose que d'attirer l'attention des touristes étrangers...

M. COUTURIER: Cela a été fait par la section touristique du ministère du Tourisme, Chasse et Pêche.

M. LOUBIER: Cela a été fait sur publications ou sur quoi? De quelle façon?

M. COUTURIER: Cela a été fait auprès des autorités du carnaval.

M. LOUBIER: Est-ce qu'il y a eu des effets concrets de ça? Est-ce que le ministre a vu des...

M. COUTURIER: Le carnaval n'est pas ouvert officiellement.

M. LOUBIER: C'est le couronnement ce soir. Maintenant, j'espère bien que la publicité arrivera avant la fin du carnaval.

M. COUTURIER: Je ne suis pas allé voir au Jardin zoologique s'il y avait deux personnes de plus ou trois personnes de moins. Je ne suis pas au Jardin zoologique.

M. LOUBIER: Ah! ce n'est pas ça...

M. COUTURIER: On aura le résultat lorsque le Carnaval sera terminé.

M. LOUBIER: ... C'est une question sérieuse, pour l'économie de Québec...

M. COUTURIER: On aura le résultat quand le carnaval sera terminé.

M. LOUBIER: Bien oui, mais je demande au ministre s'il y a eu une publicité spécifique de faite sur ça, qu'il me dise oui ou non.

M. COUTURIER: Le calendrier qui paraît dans le carnaval...

M. LOUBIER: Sur le calendrier du temps du carnaval, où c'est indiqué que le Jardin zoologique est ouvert durant l'hiver.

M. PINARD: C'est bien ça. Adopté. C'est très cela.

M. LE PRESIDENT: Travaux publics, article 1, Administration: $244,000.

M. RUSSELL: En quoi consiste cette dépense de $244,000 dans l'administration? Est-ce que ce sont des augmentations de salaire?

M. COUTURIER: M. Saint-Pierre.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous me posez des questions?

UNE VOIX: Adopté.

M. RUSSELL: Est-ce pour des augmentations de salaires seulement?

M. SAINT-PIERRE: Pardon?

M. RUSSELL: Est-ce qu'il y a de nouveaux employés?

M. SAINT-PIERRE: Non. M. RUSSELL: $244,000.

M. SAINT-PIERRE: L'administration, attendez je vais regarder, j'étais distrait un peu. Ces $250,000 là, c'est pour le téléphone, les appels interurbains...

M. RUSSELL: $244,000.

M. LAPORTE: Si le ministre me permet une seconde. Je m'excuse, est-ce que je pourrais proposer... Il reste le budget des Travaux publics, il reste le budget de la Voirie, il reste le service de la dette. Est-ce que je pourrais suggérer que les trois derniers budgets soient reportés à l'étude du budget général, afin que ceux-ci puissent être adoptés, envoyés au conseil législatif et qu'il puisse y avoir sanction cet après-midi? Je pense que c'est une proposition que je soumets au chef de l'Opposition.

M. PINARD: A moins qu'il veuille aller bien rapidement d'ici une heure.

M. JOHNSON: M. le président, nous voulons coopérer évidemment à la bonne marche de la session. Quant à moi, à moins qu'il y ait des questions très urgentes de certains collègues, je serais prêt à souscrire à la proposition du ministre, leader de la Chambre. Si le ministre voulait répondre dans cinq ou six minutes à deux de mes collègues ici qui ont des questions très courtes à poser.

M. LAPORTE: Disons donc qu'à une heure, le budget sera adopté.

M. JOHNSON: Bien, il ne faudrait pas dire ça tout de suite, parce que le ministre...

M. BERTRAND: Bien en autant qu'il réponde!

M. JOHNSON: ... pourra remplir le temps jusqu'à une heure et puis on ne pourra pas lui poser d'autres questions. Je le connais, il est « ratoureux ».

M. BELLEMARE: On pourrait limiter... à une lettre qu'il a dû recevoir au sujet du service du téléphone interurbain. Pour les députés de l'Union nationale comme pour les députés libéraux, le service arrête à 5h 20 tous les soirs maintenant. Alors je trouverais raisonnable qu'au moins durant la période sessionnelle les députés qui sont dans le parlement et qui ont besoin de renseignements puissent téléphoner à quelque personne importante. Et puis le service interurbain est arrêté. Comme il est question actuellement d'appels interurbains: $300,000 et des remboursements, c'est-à-dire immobilisation, $56,000, ce serait bien le temps, je pense, pour le ministre de nous dire s'il ne serait possible que ce service soit maintenu, comme l'année dernière, jusqu'à dix heures. Il ya certains ministres maintenant qui ont sur leur appareil un numéro spécial dont ils peuvent se servir. Le ministre sait que ça dépasse 5 heures et demie.

M. SAINT-PIERRE: Je ne m'en sers pas!

M. BELLEMARE: Non, vous ne vous en servez pas. Mais il y en a d'autres députés qui en ont, qui existent, par exemple. Ce sont des privilèges. Si c'est bon pour un député au pouvoir, cela devrait être bon pour tout le monde. Et je demande au ministre...

DES VOIX; On ne l'a pas!

M. BELLEMARE: Je voudrais demander au ministre s'il y a possibilité que, pour tout le monde, le service interurbain qui existait l'an passé puisse se terminer à dix heures comme cela se faisait.

M. SAINT-PIERRE: Actuellement, j'en ai parlé d'ailleurs au responsable de ce service. Je lui ai fait part que c'était le désir des députés. Plusieurs l'ont demandé:1e député de Champlain l'a demandé, d'autres du côté du gouvernement ont demandé le même service. Nous essayons actuellement de trouver des standardistes qui pourraient être capables de remplir cette fonction durant la session de façon à ce que ces services-là soient rendus.

J'espère bien que dans un avenir assez rapproché que vous aurez satisfaction sur ce point-là.

M. BELLEMARE: D'accord!

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que l'article est accepté par le fait même?

M. BELLEMARE: Non, mais le...

M. BERTRAND: C'est très bien pour tous les députés où le système Centrez joue, mais dans notre région de Granby, toute une immense région, nous n'avons pas le système Centrex.

M. SAINT-PIERRE: Non, mais vous avez l'interurbain.

M. BERTRAND: Alors que vous pouvez communiquer à St-Hyacinthe, nous ne pouvons pas communiquer chez nous de la même manière. Alors, je demanderais au ministre d'étendre les services du système Centrex à toute notre région de Granby, toute une partie des Cantons de l'Est, qui n'en jouit pas à l'heure actuelle.

M. SAINT-PIERRE: Le système, évidemment, le système Télépak, le système qui permet de rejoindre certains centres, c'est pour communiquer avec les employés qui sont dans ce centre-là, Rimouski ou...

MM. BERTRAND ET RUSSELL: Il y en a à Granby.

M. SAINT-PIERRE: Oui, mais où il y en a suffisamment. Il y a des centres dans la province où il y a plus d'employés et ça vaut la peine que les ministères se joignent plutôt que de payer des appels interurbains à la semaine, on paie des lignes. Mais on ne peut pas appeler n'importe où, et ce n'est pas tout le monde qui peuvent nous appeler, comme quelqu'un le croyait, et j'ai reçu une lettre hier d'ailleurs d'une municipalité qui disait d'installer un système comme ça, que la municipalité pourrait sauver beaucoup d'argent, si on installait un système de communication avec notre ministère, ils iraient téléphoner là pour appeler ici à Québec ou ailleurs. Ce n'est pas le but ça, le but c'est de communiquer avec les services gouvernementaux.

M. BERTRAND: C'est ça.

M. SAINT-PIERRE: ... entre les municipalités et Québec et Montréal. Je ne crois pas que nous puissions installer ce système-là à travers la province, parce que nous l'installons seulement dans les endroits où il y a une concentration de bureaux. Peut-être qu'avec les zones qui sont établies par le ministère du Commerce, nous pourrons fixer quelque chose pour enfin établir un système de communication qui serait dans le sens que veut dire le député de Missisquoi. Mais, entre toutes les villes de la province, je crois que c'est assez difficile.

M. BERTRAND: Non, mais Granby, d'après la division des régions économiques, je pense que la ville de Granby et la région deviennent un sous-centre économique, la région d'ailleurs.

M. SAINT-PIERRE: Cela vaut la peine d'étudier ce que vient de proposer le député de Missisquoi, et une attention très sérieuse sera portée à la question.

M. BERTRAND: Merci. M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Travaux publics, adopté?

M. RUSSELL: Les $300,000 sont pour de nouvelles lignes que le ministre veut installer ou a installées?

M. SAINT-PIERRE: Non. Si vous me permettez de répondre, c'est que le budget qui avait été voté l'an passé était pour un certain montant et que les services d'interurbains, pour chacun des ministères, dépassent les chiffres qui avaient été fixés et qui avaient été évidemment étudiés au début. Alors, dans chacun des ministères, il y a des surplus; dans certains, il y en a un peu moins. Alors, cette différence-là amène une dépense qui se chiffre par ce que nous avons demandé, c'est-à-dire que la dépense totale, du 1er avril au 9 décembre, pour le service téléphonique, standard et appels interurbains, était de $1,442,000.

Il restait un montant, jusqu'à la fin de l'année, de $641,000, et des appels interurbains à

faire entre les ministères et autres, $200,000. Alors ce qui porte le coût total prévu pour l'exercice à $2,283,800, et le budget prévoit $1,950,000; ce qui fait une différence de $333,800. Le solde à combler: une partie de cet excédent pouvant être absorbée par des virements de crédits, $300,000; remboursements et imputations, $56,000; il reste donc $244,000, et c'est le montant que nous avons proposé: $244,000 plus les $56,000 exactement comme ça.

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. La Voirie.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que j'ai bien expliqué l'affaire, vous avez bien compris?

UNE VOIX: Oui, c'est bien expliqué. M. LAPORTE: La Voirie, adopté.

M. LE PRESIDENT: La Voirie, adopté. Service de la dette, adopté.

M. BELLEMARE: La Voirie, ce n'est pas important.

M. PINARD: Seulement, on avait eu le temps de se préparer.

M. BELLEMARE: Oh oui! oh oui!

M. BEDARD (président du comité des subsides): M. le Président, le comité a adopté des résolutions, et il demande la permission de siéger à nouveau.

M. LECHASSEUR (président): Qaund le comité siégera-t-il? A la prochaine séance? A la prochaine sécance.

M. LAPORTE: A la prochaine séance.

M. LE PRESIDENT: Pour M. Lesage, M. Laporte propose que maintenant les résolutions soient lues et agréées. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. LAPORTE: Adoptée.

M. LE PREISDENT: Adoptée.

M. LAPORTE: Le comité des voies et moyens. Alors peut-on faire toute la procédure des voies et moyens, l'adoption du bill, etc. Il s'agit de l'envoyer au Conseil législatif.

M. BERTRAND: Le lieutenant-gouverneur a-t-il accepté?

M. LAPORTE: Oui, informé de la teneur de ce bill, il a plu à Son Excellence le lieutenant-gouverneur de recommander son étude à cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: Pour M. Lesage, M. Laporte propose la première, la deuxième et la troisième lecture du bill des subsides. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. JOHNSON: Adoptée.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill, deuxième lecture de ce bill, troisième lecture de ce bill. First reading of this bill, second reading of this bill, third reading of this bill.

M. LAPORTE: Alors 9e propose l'ajournement de la Chambre à 2 h 45.

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à 2 h 45.

Reprise de la séance à 2 h 45 p. m. Débat sur l'adresse

M. LAPORTE: Le numéro 4, c'est la reprise du débat, M. Gabias.

M. LECHASSEUR (président): M. Gabias.

M. GABIAS: M. le Président, lors de l'ajournement, vendredi dernier, à la suggestion du leader de la Chambre, j'ai remis la poursuite de la discussion de la motion concernant la confusion qui existe dans le ministère de l'Education et les inquiétudes des étudiants, des enseignants et des institutions dans cette province. Mais avant d'étudier si vraiment la confusion existe et si les inquiétudes existent et persistent, je voudrais attirer l'attention de cette Chambre sur des remarques qui ont été faites par le premier ministre et par d'autres députés du côté du gouvernement.

On a accusé l'Opposition de vouloir politiser la question de l'éducation. On a profité de la circonstance pour accuser l'Union nationale, alors qu'elle détenait les rênes du pouvoir, qu'elle était à la tête du gouvernement, d'avoir été d'un immobilisme consommé et d'avoir ainsi retardé le progrès de l'éducation dans la province de Québec. Nous devons donc nous demander qui a premièrement politisé la question de l'éducation. Je vous réfère au programme libéral de 1960, dans le volume publié par l'organisation libérale: « Lesage s'engage ». Vous y verrez, M. le Président, qu'on consacre 33 pages de cet engagement libéral à la question de l'éducation.

Vous y trouverez également que l'on fait une charge à fond de train contre l'Union nationale qui, à ce moment-là détenait le pouvoir. Est-ce que l'on se préoccupait, dans ce volume, de propagande, est-ce que l'on se préoccupait de donner des structures nouvelles au système scolaire dans la province? Est-ce que l'on se préoccupait du bien-être des enseignants? Est-ce que l'on se préoccupait de l'avancement de nos institutions?

M. le Président, l'on ne se préoccupait que d'une chose: c'était de politiser la question scolaire dans cette province et c'était d'accuser l'Union nationale d'immobilisme. Voilà ceux qui ont mis de la politique dans la question de l'éducation; ce sont les gens d'en face qui, aujourd'hui nous accusent de vouloir faire de la politique avec l'éducation.

Lors de la même campagne, M. le Président, qui a politisé la question de l'éducation dans cette province? Je vous réfère au programme politique de 1960 du parti libéral du Québec où l'on annonce la gratuité scolaire à tous les niveaux...

UNE VOIX: Cela s'en vient!

M. GABIAS: ... où l'on annonce la gratuité en 1960. Il y a déjà pratiquement six ans que le parti libéral est au pouvoir et nous attendons encore la gratuité scolaire dans cette province; nous attendons encore la gratuité des manuels dans cette province et pourtant c'était, ... je dis que nous attendons encore la gratuité complète des manuels dans cette province.

DES VOIX: Ah, ah, ah! M. LAPORTE: Nuance.

M. GABIAS: Et vous n'avez qu'à demander aux étudiants pour le savoir. Vous n'avez qu'à consulter les étudiants du primaire, du secondaire, du spécialisé, de quelque institution que ce soit et pas un seul va admettre qu'il y a la gratuité scolaire et la gratuité des manuels dans cette province.

On promettait également, et ce n'était pas politiser la question de l'éducation, on promettait également que la province prendrait à sa charge toutes les dettes scolaires. On promettait également qu'il y aurait une commission provinciale des universités. On promettait également que la commission provinciale des universités serait spécifiquement chargée, entre autres choses, de déterminer les moyens d'établir un mode d'allocation de soutien pour l'étudiant. Et le programme se continuait. On faisait de la politique avec l'éducation en 1960, on en a fait en 1962 et encore aujourd'hui le parti libéral fait de la politique avec l'éducation. Voilà les faits.

A ce moment-là, on disait: Le problème de l'éducation ne peut être réglé à moins qu'il ne soit placé bien au-dessus de la politique. Cela, c'était un engagement du parti libéral. Il fallait que le problème de l'éducation soit placé bien au-dessus de la politique. Et pourtant, depuis cinq ans, nos amis d'en face ont fait de la politique avec l'éducation dans cette province et continuent à en faire tous les jours.

On disait également que rien ne s'était fait dans cette province dans le domaine de l'éducation avant 1960. De l'immobilisme? Mais quand on accuse le gouvernement de l'Union nationale d'immobilisme dans cette province avant 1960, qui attaque-t-on? Est-ce qu'on attaque le parti de l'Union nationale? pas du tout. A cause des structures scolaires qui, dans le temps, exis-

taient, on s'attaque à nos institutions dans cette province. On s'attaque surtout, aux corps enseignants et aux parents qui ont consenti d'immenses sacrifices pour la question scolaire dans cette province. Cela fait « beau dans le portrait » de mettre toute la faute sur l'Union nationale. Mais on oublie que les principaux responsables dans cette province avant 1960, les principaux responsables de l'éducation, c'étaient nos institutions d'enseignement, c'étaient les corps enseignants et c'étaient également les parents, les contribuables et les commissions scolaires. Voilà la vérité et on ne veut pas aujourd'hui reconnaître que ces gens ont donné de leur temps, on ne veut pas reconnaître que ces gens ont donné de leur talent, on ne veut pas reconnaître également que les enseignants ont consenti d'immenses sacrifices pour faire progresser la question de l'éducation dans la province.

Je dis qu'en attaquant uniquement l'Union nationale, on manque d'esprit de justice envers ceux qui ont assuré le progrès de l'éducation dans cette province jusqu'en 1960. Mais il y a plus. Lorsqu'aujourd'hui, nos amis d'en face accusent l'Union nationale d'immobilisme dans la question scolaire, ils oublient des déclarations qui ont été faites avant 1960. Et il est intéressant de se demander et de se rappeler quelles sont ces personnes qui ont fait des déclarations concernant l'éducation dans cette province.

Au hasard, j'ai trouvé un article qui avait été publié dans le Devoir, le samedi 23 décembre 1950, intitulé « Le système scolaire de la province de Québec ».

Et voici ce qu'on y lits « Or, dans les grands centres comme Montréal et Québec, les parents n'ont à peu près pas voix au chapitre. Des créatures du gouvernement, braves gens sans doute, les remplacent. Elles deviennent du jour au lendemain, souvent sans préparation, responsables de l'éducation de nos enfants au cours primaire. On attend encore le jour où l'éducation sera confiée à des éducateurs professionnels. C'est un problème Il y en a d'autres: ceux des programmes, des finances et du personnel. Tout cela, c'est le passif. « L'actif de notre système scolaire reste quand même considérable. On peut le citer avec orgueil dans nos relations avec les minorités anglo-protestantes. Nous donnons l'exemple, non pas de la simple tolérance, mais de la parfaite égalité de traitement. Les protestants ont tout ce que nous avons, rien de plus, rien de moins. » Et, concernant l'enseignement spécialisé, le même auteur continuait, dans le même article: « Dans le domaine plus particulier de l'enseignement spécialisé... » — et je vous rappelle- rai, M. le Président, que c'est le seul domaine dans lequel le gouvernement de l'Union nationale avait l'entière compétence et agissait pour le progrès de l'enseignement spécialisé, parce qu'il relevait à ce moment-là du Secrétaire provincial, le seul domaine de l'éducation dans lequel le gouvernement de l'Union nationale avait l'entière responsabilité.

Et je continue: « Ce n'est pas seulement du Canada, mais du monde entier, M. le Président, du monde entier que nous viennent les félicitations ainsi que les observateurs qui veulent transporter chez eux nos méthodes. » Savez-vous qui a écrit cet article? M. Pierre Laporte qui, aujourd'hui, est ministre dans le cabinet libéral.

Nous avions un actif, nous pouvions le citer au monde entier. Nous avions le meilleur enseignement spécialisé du monde en 1950. Nous devions en être fiers. Le seul responsable, avec les enseignants, c'était le gouvernement de l'Union nationale. Et cela, c'était en 1950, à peine au début du progrès assuré par l'Union nationale dans le domaine de l'éducation. Nous pouvions à ce moment-là être cités comme exemple dans le monde entier par le ministre des Affaires municipales et des Affaires culturelles du gouvernement libéral d'aujourd'hui.

M. MEUNIER: Cela ne prouve rien.

M. GABIAS: Est-ce que c'était de l'immobilisme, M. le Président?

M. MEUNIER: Cela ne prouve rien.

M. GABIAS: Est-ce que rien ne s'est fait en éducation avant 1960? J'apporte un autre témoignage, M. le Président. Celui-ci concerne également l'enseignement spécialisé. Ce témoignage nous vient du directeur de l'école technique d'Athènes qui était venu dans notre province, également en 1950, et qui disait, au cours d'une conférence de presse, ce qui suit: « Ce que j'ai vu, en visitant vos écoles spécialisées, m'a rempli d'admiration; quelques-unes sont parmi les meilleures du monde. » Son jugement ne se bornait pas uniquement aux constructions et à l'équipement de ces écoles. Son jugement allait plus loin, M. le Président, et il disait: « Vous êtes rendus, dans votre enseignement spécialisé, à un point de maturité qui ne prévoit pas de changement ». Voilà un témoignage rendu en 1950 sur l'enseignement spécialisé qui relevait strictement et uniquement du gouvernement de l'Union nationale. Nous voudrions aujourd'hui, s'il faut en croire les déclarations des porte-

parole du gouvernement croire que rien ne s'est fait dans cette province au point de vue de l'éducation.

M. le Président, je préfère le témoignage du directeur de l'enseignement spécialisé d'Athènes et celui de Pierre Laporte, alors qu'il était au Devoir, plutôt que le témoignage que nous avons entendu ces jours derniers par les gens d'en face.

M. MEUNIER: Dans le temps des fêtes!

M. GABIAS: Mais est-ce que ce sont là les seuls témoignages que nous pouvons tirer de ce qui s'est fait dans l'enseignement ou dans l'éducation avant 1960? Je vous réfère à un volume qui a été publié par le révérend Père Pierre Angers, Jésuite, traitant de l'explosion scolaire. Volume publié en 1962 où le révérend Père étudie ce qui s'est passé dans le domaine de l'éducation jusqu'en 1960.

Et voici ce que l'auteur, le père Angers, déclare à la page 5; « Jusqu'à la guerre, soit en 1940, l'augmentation de la scolarité suivait la croissance de la population. Depuis quinze ans elle la précède. Les élèves des écoles publiques dans les secteurs catholiques sont passés de 493,000 en 1945 à 926,000 en 1960 accusant une hausse de 88% en quinze ans. »

Est-ce que c'est ça de l'immobilisme en éducation, M. le Président?

M. MEUNIER: De l'histoire antique!

M. GABIAS: Et, de continuer l'auteur: « Durant la même période, la population de la province de Québec n'augmentait que de 40%. » L'augmentation de la fréquentation scolaire augmente, en quinze ans, de 88% alors que l'augmentation de la population pour la même période n'est que de 40%. Est-ce cela de l'immobilisme en éducation, M. le Président? Depuis cinq ans, et de continuer l'auteur...

M. BELLEMARE: A l'ordre! A l'ordre! Vous vous lèverez pour parler!

M. GABIAS: « La croissance moyenne annuelle dans les écoles de la province atteint 40,000 élèves. » 40,000 nouveaux élèves par année et tout cela s'est accompli sans bruit. Tout cela s'est accompli dans l'ordre et tout cela s'est accompli alors que l'Union nationale était au pouvoir dans la province de Québec.

Ces chiffres se rapportent à l'augmentation scolaire à l'école primaire.

M. MEUNIER: Revenez donc en 1966, là!

M. GABIAS: Nous allons considérer ce qui s'est passé au cours de la même période dans les écoles secondaires.

M. MEUNIER: En 1966!

M. BELLEMARE: Si ça force trop, sortez!

M. MEUNIER: En 1966!

M. BELLEMARE: Ah, c'est forçant, oui.

M. GABIAS: « En 1940 la fréquentation scolaire accusait... » Toujours dans le volume du Père Angers qu'on ne peut pas taxer de partisanerie en faveur de l'Union nationale, sûrement... « En 1940, la fréquentation scolaire accusait une baisse plus rapide des élèves après la cinquième année. En 1948-1949, un changement s'était accompli. Dans la section française de la commission, 87% des élèves se rendaient à la fin de la septième année c'est-à-dire au terme de l'enseignement élémentaire. En 1959-1960, ce chiffre s'élevait à 95%. Au cours de la même période, la population anglo-protestante de Montréal accusait les mêmes taux d'augmentation. »

Et de continuer l'auteur: « Dans l'ensemble de la province, l'augmentation rapide du taux de scolarisation au niveau du secondaire, sections classique, scientifique ou commerciale, constitue le phénomène scolaire le plus significatif des récentes années. L'ampleur de cette augmentation subite a dépassé les prévisions de la plupart des éducateurs et des hommes politiques. Elle a été plus forte dans le Québec — j'attire votre attention, M. le Président — elle a été plus forte dans le Québec que dans toute autre province du Canada. »

Les chiffres montrent que les effectifs d'élèves sont passés de 80,000, en 1955-1956, à plus de 225,000, en 1961, soit une augmentation de 218%, M. le Président. Et c'est cela, de l'immobilisme! Tout cela s'est accompli dans l'ordre, dans le respect des droits des institutions, dans le respect des droits des parents, dans le respect des droits des étudiants, dans le respect des droits des enseignants. Et sans grève, M. le Président. Voilà ce qu'on appelle le progrès réel, le progrès véritable et ça, c'est du temps de l'Union nationale.

M. MEUNIER: Le député a oublié la motion, là.

M. BELLEMARE: Il a oublié les règlements, lui.

M. MEUNIER: Il a oublié la motion. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GABIAS: Peut-être que ces chiffres ne vous convainquent pas; peut-être y en a-t-il qui ne sont pas encore convaincus. Je vous réfère, M. le Président à l'Annuaire statistique qui a été publié en 1961, alors que le ministère de l'Industrie et du Commerce de la province était dirigé par l'honorable André Rousseau. On ne pourra pas taxer à ce moment-ci les membres de l'Union nationale de s'approvisionner à des sources qui relèvent d'eux- mêmes. Je les prends de l'honorable Rousseau qui était, dans le temps, en 1961, ministre de l'Industrie et du Commerce dans le gouvernement qui dirige présentement la province. Et qu'est-ce que j'y vois, M. le Président? De l'immobilisme avant 1960? Voici ce que nous y voyons. Le développement de l'instruction dans la province de Québec, des écoles catholiques etprotestantes, de 1948-1949 à 1959-1960. Alors qu'en 1948-1949, il y avait 788,615 étudiants, en 1959-1960, il y en avait, 1,396,810 dans cette province. Et cela, ça s'est accompli dans l'ordre, dans le respect des droits de chacun et sans augmentation de taxes pour les contribuables.

Et quelle était la fréquentation des élèves, proportionnellement à la population pour ceux qui étaient âgés de 5 à 24 ans? Il y avait 61.9% de cette population qui fréquentait nos institutions scolaires dans cette province. Il y en avait 1,958,700, M. le Président, en 1960. Est-ce que ces chiffres ne vous suffisent pas? Nous n'avons qu'à considérer les chiffres publiés par le ministre du temps du gouvernement libéral et nous y trouvons également que le nombre des professeurs, que le nombre des enseignants a augmenté considérablement durant la même période. Rien ne s'est fait, M. le Président? Le nombre de certificats décernés par les écoles primaires catholiques de l'Instruction publique, était passé de 48,146, qu'il était en 1950 à 137,029 en 1960, M. le Président.

Pour ce qui est du personnel enseignant, il y avait 1,455 professeurs futurs dans nos écoles normales en 1960 alors qu'en 1950, il n'y en avait que 904. Si vous considérez les chiffres qui concernent le secondaire, vous y verrez également que le nombre d'élèves est passé de 15,000 en 1950, à 23,503 en 1959-1960, que les dépenses pour les collèges classiques, versées par le gouvernement, ont passé de $994,000 à $1,335,000 pour les volumes, et que les subventions ont passé de $671,000 à $4,405,500.

Et vous n'avez qu'à parcourir les chiffres publiés par le ministère de l'Industrie et du Com- merce, en 1961, pour vous rendre compte que, pendant toute cette période au cours de laquelle l'Union nationale a dirigé les destinées de cette province, pas un seul domaine n'a été plus progressif que celui de l'éducation, M. le Président, et tout cela dans l'ordre, dans le respect des droits et sans augmentation de taxes. Il ne s'est rien fait au point de vue éducation, vous...

M. MEUNIER: En 1966.

M. GABIAS: ... n'avez qu'à continuer la lecture de cet annuaire statistique et vous verrez qu'il est question de l'école polytechnique, vous y verrez qu'il est question de l'école des hautes études commerciales, qu'il est question de l'école de commerce de l'université Laval. Toutes ces institutions ont été subventionnées par le gouvernement, et le progrès de ces institutions, a été rendu possible grâce à la coopération du gouvernement du temps. Vous n'avez qu'à considérer également les écoles supérieures d'agriculture qui ont été subventionnées par le gouvernement, un progrès constant, nombre d'élèves augmenté à chaque année, subventions augmentées à chaque année; il en est également de même dans les écoles normales, il en est également de même dans les instituts de technologie dans cette province, les instituts spécialisés, les écoles des métiers, l'enseignement professionnel spécialisé, les écoles d'agriculture, l'école des laiteries, les écoles spécialisées comme l'enseignement ménager.

Le coût de l'enseignement a été toujours subventionné par le gouvernement et plus les années passaient, plus le nombre des élèves augmentait, plus le nombre des professeurs augmentait, plus les subventions du gouvernement étaient généreuses, et c'est ça que l'on appelle de l'immobilisme, M. le Président? Je ne veux pas citer plus longtemps les chiffres tirés de l'annuaire statistique publié par l'ancien ministre du Commerce et de l'Industrie dans le gouvernement libéral actuel. Mais même si ces chiffres ne vous suffisent pas, pour convenir que dans l'éducation l'union nationale n'a jamais rien négligé, même si le témoignage du Père Angers ne vous suffit pas, même si les témoignages de l'ancien journaliste Pierre Laporte ne vous suffisent pas, même si le témoignage de l'ancien directeur de l'école spécialisée d'Athènes ne vous suffit pas, je vais vous citer un témoignage qui, je crois, rend véritablement, pour une fois, justice à ce qui s'est passé dans le domaine de l'Education dans cette province. Je vous cite un article qui a paru dans le journal l'Action Catholique, le 9 décembre 1960, où il est dit ceci: « Le premier ministre Jean Le-

sage a affirmé ce matin que le système d'éducation en cette province, était excellent. » Voilà ce que le premier ministre déclarait en 1960. J'aime mieux le témoignage du premier ministre de la province, alors qu'il était devant le comité protestant de l'Instruction publique, et cela au mois de décembre 1960, j'aime mieux prendre le témoignage du premier ministre à l'effet que notre système scolaire était excellent, que les critiques non fondées qu'il a données à cette Chambre lors de son discours.

M. le Président, de deux choses l'une, ou ces témoignages et ces chiffres donnent une véritable image de ce qui s'est fait en 1960 et avant 1960, ou ces témoignages ne sont basés sur aucune réalité, ou ces témoignages et ces chiffres sont faux.

Or, s'ils sont vrais, le gouvernement doit cesser, une fois pour toutes, cette propagande qui est loin d'être vraie. Le gouvernement doit cesser de tromper la population en laissant croire que rien ne s'est fait dans le domaine scolaire et dans l'éducation dans cette province, avant 1960. Ce sont ces déclarations répétées, réitérées, des porte-parole du gouvernement libéral d'aujourd'hui qui sont une cause de la confusion qui existe dans le domaine scolaire dans cette province. Ce sont eux les responsables.

Tout le monde est d'accord, s'il y a un domaine où l'on ne doit pas faire entrer de la petite politique, c'est bien le domaine de l'éducation. Que les porte-parole du gouvernement cessent donc de faire de la petite politique avec la question de l'éducation dans cette province, et nous serons les premiers à reconnaître leur bon exemple.

M. le Président, nous devons nous demander également d'où vient cette confusion dans le domaine éducatif, dont nous sommes témoins présentement dans cette province. Eh bien! de ceci: dès le mois de juillet, et cela après la campagne électorale de 1960, alors que nos amis d'en face ont politisé la question scolaire, la question éducative, dès après les élections de 1960, le ministre actuel de l'Education se faisait autoriser, se faisait confier, en plus de la responsabilité qu'il avait déjà dans l'enseignement spécialisé, se faisait confier le rôle d'intermédiaire entre le gouvernement et le département de l'Instruction publique. Aussitôt après s'être vu confier cette mission ou cette charge, le ministre a commencé à déclarer qu'il n'avait aucun pouvoir. Le ministre a continué, en accusant le département de l'Instruction publique, à dire que ce dernier avait tous les pouvoirs et que le ministre n'en avait aucun, laissant croire ou voulant laisser croire à la population que les responsables de ce qui n'était pas parfait, étaient les membres du département de l'Instruction publique.

Après s'être fait confier cette charge, au début de 1961, pour laisser croire qu'il y avait des déficiences dans l'organisation et le financement de l'éducation, il créait une commission d'enquête dans ces deux domaines. Il créait également une autre commission d'enquête qui était le Comité de l'enseignement technique et professionnel, il créait un autre comité qui était celui de l'enseignement agricole et agronomique. Au printemps de 1961, il demandait aux Chambres de voter la grande charte de l'éducation qui, suivant lui, garantissait le libre accès à l'école de tous les jeunes de cette province. Les jeunes ont cru, M. le Président, la jeunesse a cru que la grande charte de l'éducation lui assurerait la fréquentation gratuite dans toutes les institutions d'enseignement de notre province. D'ailleurs, la grande charte de l'éducation a été présentée dans ce sens et elle a été annoncée dans ce sens.

Mais une fois que la grande charte de l'éducation eût été votée, les étudiants se sont rendu compte que toutes leurs aspirations ne pouvaient être satisfaites par elle. C'est une autre raison pourquoi il existe de la confusion dans le domaine de l'éducation. D'une part, on annonce à la jeunesse étudiante que la grande charte de l'éducation va rendre accessible à tous et chacun, qu'il soit garçon ou fille, qu'il soit du milieu rural ou du milieu urbain, que tous vont pouvoir fréquenter les écoles et, croyant cela, ils se sont butés à une réalité qui, malheureusement, était autre que celle qu'on leur avait annoncée.

Mais ce n'était pas assez, M. le président, après s'être fait investir de ces pouvoirs, après avoir fait voter la grande charte et après avoir blâmé le département de l'Instruction publique et nos structures scolaires, le ministre a dit: il y a encore du malaise dans le domaine de l'éducation. Le malaise provient de nos instituteurs, le malaise provient de nos institutions, le malaise provient du fait qu'il n'y a pas de coordination, le malaise provient qu'il n'y a pas libre accès dans toutes les maisons d'enseignement, le malaise provient de ce qu'il y a des gens incompétents qui sont dans le domaine de l'éducation, le malaise provient du fait que nous avons un système bicéphale. Et est arrivée la grande propagande concernant le bill 60, le bill du ministère de l'Education.

Personne dans cette province, M. le Président, est contre ou a été contre le progrès de l'éducation. Quels que soient les milieux, quelles

que soient les personnes, je n'ai jamais entendu une seule critique contre le progrès que tout le monde veut, dans le domaine de l'éducation. Pas une seule objection pour que notre jeunesse ait la meilleure éducation et la meilleure formation dans cette province, que tous fréquentent le plus longtemps possible les maisons d'enseignement et, si possible, qu'ils finissent et terminent leurs études dans les universités. Tout le monde veut cela. Malheureusement, il y aura toujours des empêchements à ce qui pourrait rendre idéale la situation dans le domaine éducationnel.

Mais, lorsque le ministre a fait sa tournée en 1963 pour expliquer le bill 60, créant le ministère de l'Education, le ministre a laissé entendre à la population, soit parce qu'il le croyait, soit parce qu'il voulait laisser croire ou parce qu'il a voulu laisser croire, que le bill 60 réglerait le problème des commissions scolaires, que le bill 60 réglerait le problème des écoles spécialisées, que le bill 60 réglerait le problème des collèges classiques, que le bill 60 réglerait le problème des écoles supérieures, que le bill 60 réglerait le problème des enseignants, que le bill 60 réglerait la question des taxes et l'augmentation des taxes scolaires, que le bill 60 réglerait la fréquentation scolaire, que le bill 60 réglerait l'impossibilité qu'il y avait d'avoir des écoles dans tous les endroits, afin que l'accessibilité aux écoles soit rendue possible à tous les jeunes. Tout cela était réglé, M. le Président.

Une tournée a été faite dans cette province avec le bill 60 dans la main gauche, et la main droite sur le coeur, en disant: Le bill 60 va régler tous les problèmes de scolarité, tous les problèmes de fréquentation qui existent dans cette province. D'où la confusion aujourd'hui, parce que tous les problèmes n'ont pas été réglés, parce qu'il était impossible de régler tous les problèmes.

Aujourd'hui les gens disent: Qu'est-ce qui ne va pas? Comment se fait-il maintenant, que le ministre a les pouvoirs qu'il demandait, maintenant que la grande charte est votée, maintenant que le bill 60 est adopté, maintenant qu'il a tous les pouvoirs dans le domaine de l'éducation, qu'est-ce qui se passe? Comment se fait-il qu'il existe encore des problèmes dans cette province? Comment se fait-il que les taxes ont continué à augmenter? Qu'est-ce qui se passe? C'est cela qui crée de la confusion dans l'esprit de la population de la province de Québec. Et cette confusion est augmentée parce que les gens sont inquiets de l'avenir, parce que tous les problèmes qui devaient être réglés par une législation qui a été votée à la demande du ministre... parce que des promes- ses ont été faites que, si on leur confiait le pouvoir, tous les problèmes seraient règlés. Il y en a encore des problèmes dans le domaine scolaire, hélas! Il y en aura toujours.

La population est confuse parce qu'on lui a fait croire au paradis alors qu'on est toujours tenu d'être dans la réalité sur cette terre. Voilà une des raisons pour lesquelles la confusion existe dans le domaine scolaire dans cette province.

Il y a d'autres raisons. Avant l'arrivée en cette Chambre du ministre de l'Education et de son sous-ministre, tous deux avaient participé en 1954, à la rédaction d'un volume intitulé « Les problèmes des commissions scolaires, solutions proposées ». Tous deux disaient, dans ce volume qui consistait en un mémoire présenté par la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec à la Commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels, tous deux, le ministre de l'Education et son sous-ministre, M. Tremblay, tous deux se plaignaient, au nom des commissions scolaires, qu'il n'y avait pas de liberté complète de nos commissions scolaires dans l'emploi des subventions qui leur étaient faites. Tous deux suggéraient, pour qu'il y ait une liberté d'action pour nos commissions scolaires, que les octrois soient statutaires et que le rôle du gouvernement se termine avec la remise de la subvention; qu'en ce qui concerne la pédagogie, il ne fallait pas intervenir dans les commissions scolaires; que des personnes qualifié es devaient préparer les programmes; que ces programmes devaient relever uniquement des pédagogues afin que nos jeunes puissent profiter d'une éducation à la page, puissent profiter d'une éducation qui leur serait profitable au moment où il la recevait et également pour les préparer à entrer dans la vie.

Les commissions scolaires ont cru cela. Les commissions scolaires ont cru que la solution, ou l'une des solutions à ce problème de la liberté de l'enseignement et de la liberté administrative dépendait de de qu'après la réception d'une subvention du gouvernement, il n'y aurait plus d'autres interventions; nos commissions scolaires garderaient leur liberté d'action. Or, que se passe-t-il aujourd'hui? D'où vient la confusion? Non seulement on ne résume pas l'action du gouvernement à verser des subventions suivant une réglementation bien stricte mais on exige également des commissions scolaires des programmes en pédagogie qui sont de beaucoup supérieures à ce qu'ils étaient autrefois. On demande plus aux commissions scolaires. On demande plus aux enseignants.

D'où la confusion, M. le Président, parce que une partie de la liberté qui existait auparavant s'est encore envolée avec l'intervention de l'Etat dans les affaires des commissions scolaires. C 'est une autre raison pourquoi il y a de la confusion chez nous dans le domaine scolaire. Mais il y en a d'autres aussi, M. le Président. Vous verrez, — et ce n'est pas moi qui l'invente. Je vous réfère, M. le Président, à une allocution qui a été présentée par l'honorable ministre de l'Education et, en son absence, qui a été prononcée par M. Arthur Tremblay, son sous-ministre, lors de la première réunion du Conseil supérieur de l'éducation tenue à la salle des réunions de la Commission des écoles catholiques de Montréal, le 31 août 1964. Voici ce que disait le ministre de l'Education par le truchement de la voix de son sous-ministre. « A cause de circonstances que vous connaissez, notre effort depuis quatre ans, oute la mise en place des structures administratives supérieures, notre effort et notre travail ont porté essentiellement sur ce que nous appelons aujourd'hui, l'organisation scolaire, c'est-à-dire, la mise en place et la mise en marche d'un réseau intégré et continu des services scolaires. »

Après quatre ans, M. le Président, nous avons une déclaration du ministre de l'Education à l'effet que, pendant quatre ans, tous les efforts du ministère se sont concentrées sur la mise en place des structures administratives supérieures, c'est-à-dire quoi, M. le Président? C'est-à-dire qu'on a fait un plan, qu'on a établi des structures supérieures et qu'on s'est appliqué à faire entrer dans ce plan conçu dans des bureaux capitonnés, conçus par des pédagogues qui ne connaissaient pas le réel,qui ne connaissaient pas les problèmes réels et on s'est appliqué, à faire en sorte que toutes nos commissions scolaires, que toutes nos maisons, nos institutions d'enseignement spécialisé, que nos institutions indépendantes, que le corps enseignant entrent dans ce plan. On n'a pas dialogué pour préparer ce plan. On l'a établi et ensuite on a dialogué avec les représentants, pour que ces représentants-là acceptent le plan tel que conçu par des gens qui ont voulu donner une structure nouvelle au système scolaire en cette province.

Personne ne s'objecte à ce que le progrès existe, mais tout le monde, par exemple, s'objecte à ce qu'au nom du progrès on sacrifie une génération d'étudiants. Tout le monde s'objecte à ce que nos étudiants soient tout simplement l'objet d'une expérience. Cela n'est pas basé sur le bon sens, cela n'est pas basé sur la justice. Il n'est pas raisonnable que l'on sacrifie toute une génération de jeunes étudiants pour dire que, dans 15 ans, le plan qui sera établi et qui vient d'être conçu, sera du progrès dans l'éducation. Voilà d'où vient la confusion, et voilà d'où viennent les inquiétudes de nos étudiants, de nos p arents, de nos enseignants et de nos institutions. M. le Président, je vais vous donner des preuves de ce que j'avance, à l'effet qu'on a conçu un plan et que tous et tout doivent se plier devant ce plan. Dans un bulletin publié par l'Hebdo-Education, le 13 novembre 1964, bulletin du ministère de l'Education, on dit: « Par l'adoption du bill 60 et grâce aux moyens nouveaux qu'il nous a donnés pour faire face à des problèmes nouveaux, nous avons procédé à la mise en place de structures nécessaires et à l'installation méthodique d'une organisation rationnelle. »

Où parle-t-on des étudiants? OÙ parle-t-on des enseignants? Où parle-t-on de nos institutions indépendantes? Ce qui comptait, pour le ministère, c'était de mettre en place, et uniquement cela, de mettre en place des structures nouvelles qui ont fait surgir des problèmes nouveaux. Bien souvent on n'a pas réglé les anciens qui existaient. Non seulement on n'a pas réussi à régler les problèmes qui existaient, mais on en a créé de nouveaux, et cela, c'est le ministère lui-même qui nous l'affirme dans une circulaire du mois de novembre 1964.

Nos institutions, pourquoi ont-elles des inquiétudes? Nous retrouvons également un élément de cette inquiétude dans le bulletin Hebdo-Education du 2 juillet 1965 où il est dit à la page 68; « Une étroite coordination sera nécessaire entre les établissements et peut-être, pour la faciliter, une modification du caractère privé de plusieurs établissements d'enseignement classique s'imposera-t-elle. » Nos institutions classiques privées sont inquiètes, pourquoi? Parce que le ministre, dans une circulaire du mois de juillet 1965, déclare qu'il y en a qui seront peut-être obligés de disparaître. Lesquelles? Elles se sentent toutes visées. Pourquoi nos institutions classiques indépendantes seraient-elles obligées de disparaître? Et pourtant, dans une circulaire qui a été publiée par le ministère, on les informe qu'il y en aura peut-être qui seront appelées à disparaître, à sortir du domaine privé, pour tomber dans le domaine public. C'est une des raisons de l'inquiétude qui existe présentement dans les institutions classiques. Il y a également le fait que l'on chambarde, par des décisions...

M. COITEUX (Duplessis): C'est assez!

M. GABIAS: J'entends le mot; « C'est

assez ». Oui, M. le Président, la population en a assez de ces chambardements dans l'éducation sans être consultée. C'est ça! Oui, les étudiants en ont assez d'être chambardés sans être consultés dans ce qu'on appelle leur programme. Les enseignants en ont également assez d'être chambardés sans être consultés. Les maisons d'enseignement sont fatiguées, elles en ont assez d'être chambardées sans être consultées. Et c'est pour cela que tout le monde est inquiet dans cette province, M. le Président.

Les enseignants, on leur dit, dans un discours qui a été prononcé également par le ministre de l'Education, le 28 août 1964: « La régionalisation favorisera, chez les enseignants, l'éclosion d'équipes de travail en les sortant d'un isolement, jusqu'ici inévitable, dont ils ont trop souffert. Elle facilitera leur perfectionnement en les réunissant dans des centres d'enseignement où les contacts pédagogiques seront facilités.

Voilà des déclarations qui sont nécessairement favorables aux enseignants et j'en suis, M. le Président. Mais, en pratique, qu'est-ce qui se passe? Ce qui se passe, en pratique, c'est que les enseignants ont été bafoués depuis quatre ans dans cette province. On leur a lait des promesses de toutes sortes, que tous leurs problèmes seraient réglés et aujourd'hui pourquoi sont-ils en grève? Je ne dis pas qu'ils ont raison, M. le Président.

DES VOIX: Oh, oh!

M. GABIAS: Je ne suis pas de ceux qui, devant un fait, admettent... Je ne dis pas que les enseignants ont raison d'être en grève, mais je sais que, si les enseignants ont fait la grève et font la grève, c'est à cause des promesses répétées du ministre de l'Education et du gouvernement qu'ils auraient tout, alors qu'on essaie de tout leur enlever. Voilà la raison pourquoi ces gens sont inquiets et sont actuellement dans l'expectative.

Et il en est de même des étudiants. Les étudiants sont inquiets et je ne favorise pas la grève des étudiants. Au contraire, chaque fois que je peux leur dire: « Ne faites pas cela », je le fais, M. le Président. Mais vous voulez savoir pourquoi ils se mettent en grève? C'est parce qu'on leur a tout promis que la réalité est tout autre et qu'on les a bafoués pendant quatre ans, les étudiants. Voilà pourquoi ils pensent à faire la grève.

C'est ainsi que Pon peut voir le même phénomène chez les contribuables, le même phénomène dans les milieux ouvriers comme dans les milieux ruraux.On leur a promis qu'il n'y aurait pas d'augmentation de taxes à la suite des ré- formes que l'on voulait apporter; on leur a promis que les problèmes de financement étaient terminés avec le bill 60. On leur a promis qu'avec la régionalisation, leurs problèmes étaient terminés. Et la réalité, quelle est-elle, la réalité? M. le Président, la réalité, c'est que les parents croulent; ils croulent sous le poids des taxes qui augmentent chaque jour à cause de l'éducation, le problème des taxes qui, au lieu d'être réduites, commeon l'a promis, s'accentue de jour en jour et rend leur situation intenable.

Voilà pourquoi il y a de l'inquiétude également chez les parents. M. le Président, je voudrais vous donner des chiffres pour confirmer cela, mais je vois que vous me faites signe... Il n'y a pas tellement de temps d'autres orateurs les ont donnés ou vont les donner, mais il existe de la confusion dans l'éducation. Comme le dit la motion du chef de l'Opposition, il existe de la confusion dans la province; Il existe de l'inquiétude chez les parents, chez les enseignants, chez les étudiants, dans les institutions, et c'est peut-être parce que la population sent que quelque chose de grave se passe. La population semble sentir que quelque chose de grave se passe en matière d'éducation et nous pouvons voir, dans le rapport d'une commission d'enquête à l'Association des universités et collèges du Canada, le rapport Bladen, qui a été publié en 1965, dans l'introduction, ceci: « Gardons-nous de l'idée totalitaire qui consiste à traiter les hommes comme des moyens à développer selon les besoins de la collectivité. Considérons, au contraire, la collectivité comme un moyen de développer les talents des individus. » La confusion et les inquiétudes viennent de ce que sent la population qui se demande s'il n'y a pas une idée qui ressemble à l'idée totalitaire à l'effet que les individus soient au service de la collectivité et non pas à l'effet que l'Etat doit être au service des Individus.

Voilà une des considérations, M. le Président, auxquelles le gouvernement devrait donner beaucoup d'attention. Je ne dis pas que le gouvernement veut être totalitaire, mais je dis par exemple, qu'il crée dans l'opinion publique, qu'il crée, dans la population, l'idée qu'il veut être totalitaire, que l'individu se sent perdu devant cette puissance de l'Etat, que les enseignants, même groupés, se sentent petits, perdus, devant cette puissance de l'Etat, que nos institutions indépendantes se sentent petites et faibles devant cette puissance de l'Etat, que les parents se sentent faibles, également, que les contribuables se sentent faibles devant la puissance de l'Etat. ... Et c'est là, M. le Président, que l'Etat doit être d'une prudence que je voudrais être

même excessive. Il vaut mieux être prudent, pour l'Etat, que de vouloir, tout d'un coup, dans une période courte, imposer sa volonté.

M. LE PRESIDENT: Le député a déjà dépassé de quelques minutes l'heure qui lui était accordée. Il a parlé quelques minutes la semaine dernière.

M. GABIAS: M. le Président, je demande,— je pense bien qu'on ne me refusera pas...

M. LE PRESIDENT: A moins que ce soit le consentement unanime de la Chambre.

M. GABIAS: ... je demande quelques minutes...

M. COITEUX (Duplessis): Refusé.

M. GABIAS: ... M. le Président

M. COITEUX: C'est assez, c'est assez, là!

M. LAFONTAINE: On a donné cinq heures.

M. GABIAS: Je dis, M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député a le consentement unanime de la Chambre?

M. COITEUX (Duplessis): Non. DES VOIX: Non.

M. GABIAS: Alors, M. le Président, je remercie les députés libéraux d'en face pour cette courtoisie, bien libérale, d'enlever quelques minutes au député de Trois-Rivières, alors que le ministre a eu...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordrel

M. GABIAS: ... des heures de temps pour donner son discours.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Messages du Conseil législatif

M. LE PRESIDENT: Avec la permission de la Chambre, je voudrais lire un message du Conseil législatif. « Conseil législatif, février 1966.

M. JOHNSON: Pas de consentement

M. LE PRESIDENT: « Ordonné, que le greffier reporte à l'Assemblée législative le bill No 17 intitulé: « Loi octroyant à Sa Majesté des deniers requis pour les dépenses du gouvernement pour l'année financière se terminant le 31 mars 1966, et pour d'autres fins du service public » et informe cette Chambre que le Conseil législatif l'a voté.

Attesté Henri Fiset

greffier du Conseil législatif.

Un autre message. « Conseil législatif, le 10 février 1966.

Ordonné, qu'un message soit transmis à l'Assemblée législative à l'effet de l'informer que le Conseil législatif consent à se joindre à elle, ainsi qu'il en a été prié, pour constituer une commission mixte devant avoir charge des impressions législatives, et qu'il a désigné pour faire partie de cette commission mixte MM. Asselin, Auger, Baribeau, Dupré, Grothé, Laferté, Marier, Messier, O'Reilly, Renaud, Rowat et Tardif auxquels avait déjà été confiée la surveillance des impressions du Conseil législatif au cours de la présente session. Et que cette résolution soit communiquée à l'Assemblée législative.

Attesté Henri Fiset

greffier du Conseil législatif. »

M. Somerville

M. SOMERVILLE: Mr. Speaker, after having listened to members in both sides of the House speak on the motion, now before the Legislative Assembly, I feel that I should express my views on education. I can assure you, Mr. Speaker, that I will be brief.

I have taken a great interest in education from many years. A member of the Protestant Board of Commissioners and of High Schools for over 25 years, and now in my tenth year as chairman of that Board, I have also served on the executive committee of the Q.A.P.S.B. for six years. During my tenure of office, I have seen many changes, mostly beneficial but not all.

I supported bill 60 because I felt that it was a forward step in education. I hold that all citizens of the Province of Quebec should have the best education possible. Statistics prove that those countries which have the highest level of

education, also have the highest standard of living.

If the government of this Province intends to continue with confessional schools, then it should follow alone the line dictated. Since the adoption of bill 60, there has been a steady erosion of the rights of the Protestant minority. The office of the Director of Protestant education has disappeared and has been replaced as assistant deputy-minister. He no longer directs Protestant education.

Until last year, 1965, the Protestant High School leaving certificates for the pupils were signed by the director and the chief of examinations. In 1965, they were signed by the Minister of Education, the deputy-minister, and the director general of curriculum and examinations, all not protestant.

I, certainly, do not wish to be considered than anti-Roman catholic or anti any other religion, because I have friends of various religious beliefs. But this example refers back to my opening sentence regarding confessional schools. That if we are to have confessional schools, they should be truly so. In fact, I would approve of neutral schools and would like to see some set up in certain areas. Recently, the English Catholics voted 563 to 38 to join the English Protestant in the Chateauguay Valley Regional School.

There has been a steady increase in school taxes throughout the province in the last two years. The school Board, with which I am most familiar has had to increase the average tax per taxpayer, from $67, in 1960 to $118, in 1965. This year's budget has not been approved yet, but there will be another increase. Farmers, small wage earners and pensioners need a revision in tax structure.

School budgets have become so complicated that it requires a chartered account to prepare them; and when they are forwarded to the Ministry, it takes months before they are approved or disapproved. Too much theory and not enough practicals experience has bogged down the department of Education.

I sincerely believe that the population of the Province of Quebec should be bilingual, especially in some areas. Personally I regret that I did not learn French when I was of school age, as it is much easier then to learn a second language. The same problem exist today for an English speaking pupil, regardless of religion, to learn French language. Our schools do not provide for this essential subject. We have French specialists, in the English Protestant schools, but this is not enough. The teacher may have 30 to 45 minutes per day, with each class, which can not give the desired results. Some subjects should be taught entirely in French as had been done in some schools or else some better method developed.

Some areas in the province will be suitable for regional schools, Protestant and Catholic, French and English, and be built on the same campus. The ChateauguayValley, which consists of the counties of Huntingdon, Chateauguay and Beauharnois, is a good example. If the confessional system is used, the Roman Catholic classes could be grouped together, the Protestant and others in the same way. The same laboratories, recreation rooms and cafeteria could be used for both classes. Vocational courses could also be given together and this will reduce the capital cost of the building. In this way, the pupils of each language would fraternize, thus promoting mutual understanding and good will and giving each one the opportunity of learning the other's language.

There is another important fact due in this type of regional school. To have the required number of pupils, the area from which they come would be much smaller when pupils of all faiths attend the same regional school. The distance travelled and the time involved would be considerably reduced. To all parents, this is a very important factor. Also the cost of transportation would be lower.

To summarize these remarks: 1o- The autonomy of the confessional schools should be respected. 2o- I would support neutral schools. 3o- A new system of school taxation is required. 4o- A new method should be established to teach French in English schools and vice-versa. 5o- Regional schools, in some areas, are being set up too rapidly with not enough thought being giving to utilising the same site for all pupils of the district, thus benefiting the pupils, lowering the capital cost and lessening the transportation problem.

Mr. Speaker, with these brief remarks, I have given my views as I see education in the Province of Quebec at the present time and of the future. I intend to support the amendment as proposed.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer sur la motion d'amendement?

M. JOHNSON: Vote.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

M. JOHNSON: Le règlement est clair. Deux

minutes après la fin de la sonnerie des clocher, vous devrez demander le vote.

M. BERTRAND: Cela fait cinq minutes. M. DOZOIS: Au moins vingt minutes. DES VOIX: Vote. Vote.

M. BERTRAND: M. Lajoie ne veut pas venir voter.

M. BELLEMARE: Il vous approuve.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre désire que je lise la motion?

M. JOHNSON: Non.

M. BERTRAND: On la connaît.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion se lèvent.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Johnson, Bertrand, Elie, Dozois, Bellemare, Lizotte, Raymond, Ducharme, Johnston, Somerville, Boudreau, Loubier, Gabias, Lafontaine, Russell, Gosselin, Gauthier, Lavoie (Wolfe), Gagnon, Charbonneau, Allard, Cloutier, Gervais.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre la motion se lèvent.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Lesage, Bédard, Pinard, Laporte, Courcy, Lévesque (Laurier), Wagner, St-Pierre, Cliche, Dionne, Hyde, Kierans, Lalonde, Couturier, Levesque (Bonaventure), Fortin, Beaupré, Brown, Roy, Parent, Coiteux (Duplessis), Harvey, Fortier, Lavoie (Laval), Meunier, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Coiteux (l'Assomption), Hamel, Hardy, Fournier, Théberge, Baillargeon, Ouimet, Kennedy, Dallaire, Brisson, Hébert, Mailloux, McGuire, Cadieux, O'Farrell, Bernier, Maltais, Trépanier, Godbout, Dupré, Martin.

M. LE GREFFIER: Pour: 23, contre: 50. Yeas: 23, nays: 50.

M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement est rejetée. La motion principale, M. Lesage.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, j'ai eu l'occasion, lors de l'étude de l'amendement, il y a déjà quelque temps, — cela fera deux semaines très bientôt, — de vous présenter mes hommages, de féliciter le proposeur et le secondeur. Aussi ai-je l'intention d'entrer dans le vil du sujet ou des sujets que je désire traiter, le premier étant le moins vif de tous puisqu'il s'agit du discours prononcé par le chef de l'Opposition.

Ce dernier a traité d'élections fédérales, de patronage; il a mentionné le discours du Trône purement et simplement. C'est tout ce qu'il a fait au sujet du discours du Trône, au cours d'un débat sur l'adresse en réponse au discours du Trône, il l'a mentionné. C'était à la page A 30. Il a mentionné le discours du Trône pour dire que c'était l'image du gouvernement et de ceux qui l'inspirent. Je suis d'accord. C'est un excellent discours du Trône, bien charpenté. Et je suis sûr qu'après les compliments qu'il a faits au sujet du discours du Trône, il ne pourra faire autrement maintenant que de voter en faveur de l'adresse, de la motion qui a été proposée approuvant l'adresse.

Alors, je disais qu'il a traité d'élections fédérales, de patronage, un mot du discours du Trône, pour en faire compliment, de politique sociale, de politique économique et il a fini en parlant du domaine constitutionnel, plutôt des relations fédérales-provinciales, de certains aspects des relations fédérales-provinciales. Je n'ai pas l'intention de le suivre sur tous les sujets, mais il n'y a aucun doute, M. le Président, que j'ai l'intention de lui toucher un mot des élections fédérales en passant. J'ai l'intention d'exposer certains aspects de la politique du gouvernement dans le domaine administratif dans le domaine social, dans le domaine économique et dans le domaine des relations fédérales-provinciales. Quel sera exactement l'ordre que je suivrai? Je n'ai pas décidé encore. Tout dépendra beaucoup de l'inspiration, comme ça arrive souvent, puisque, s'il est vrai que j'ai certaines notes assez substantielles dans un domaine ou deux, pour le reste, je n'ai que des documents épars.

Pour ce qui est de cet après-midi, dès cinq heures moins dix, je devrai demander la suspension du débat à huit heures quinze, parce qu'il y aura sanction de bills et comme je dois partir le premier, je crois que si l'Opposition y consent, le leader de la Chambre aimerait étudier avec l'Opposition la proposition qui apparaît à son nom, quant au changement au règlement de la Chambre et, cela, pendant mon

absence. Si, par hasard, ce n'était pas terminé, je n'ai aucune objection à ce que l'on termine ce soir et que mon discours continue d'être suspendu jusqu'à ce qu'on ait terminé cette étude, et je recommencerai plus tard ce soir. Moi, ça ne me fait rien de hacher mon discours, comme je vous l'ai dit, M. le Président; il n'y à pas de texte et je puis m'accommoder aux circonstances.

Mais il ne faudrait pas ajouter le temps que l'on prendra pour discuter sur cette motion concernant le règlement au temps que j'utilise, malgré que j'aie un temps indéfini ceci est pour les fins de statistiques du député de Champlain...

M. BELLEMARE: Je vais les ôter.

M. LESAGE: ... je voudrais bien que l'on compte seulement le temps où je traiterai le sujet.

M. BELLEMARE: Certain.

M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition a prétendu que les libéraux étaient beaucoup trop occupés ailleurs, durant la dernière campagne fédérale, pour s'occuper de suivre une politique de nature à nous rendre maître chez nous. Et il a dit ceci; « Ils étaient occupés à quoi? Demandez, M. le Président, au député des Iles-de-la-Madeleine ce qu'il a fait pendant et après la campagne fédérale. Demandez au Secrétaire provincial, qui s'est vanté d'avoir prononcé dix-huit discours à l'appui de ses amis fédéraux. Si c'est bien vrai que le parti libéral provincial est indépendant du parti libéral d'Ottawa ou si cette distinction que l'on a prétendu établir, il y a quelque temps, n'était qu'une mauvaise comédie parmi tant d'autres. »

M. le Président, l'Union nationale, donc le chef de l'Opposition, a accusé des libéraux de cette Chambre d'avoir fait campagne avec le parti libéral fédéral.

Je pense qu'il serait important de savoir ce qu'eux-mêmes, les députés de l'Union nationale, nos amis d'en face, ont fait sur le même plan.

Je comprends que ça peut avoir l'air un peu réchauffé, parce que tout le monde a un peu oublié le discours du chef de l'Opposition. J'ai hésité longuement à relever ce qu'il avait dit, sachant que, comme d'habitude, ses paroles étaient rapidement tombées dans l'oubli. Mais je pense qu'afin que personne ne reste avec une fausse impression quant aux attitudes présentes et passées de l'Union nationale et de son acoquinement avec le parti tory de M. Diefenbaker, il est bon d'exposer certains faits patents.

Alors qu'ont-ils fait, nos amis de l'Union nationale? Ils ont délaissé le parti créditiste québécois. Le chef de l'Union nationale avait des tendances, pour un bout de temps, à s'approcher. Cela m'a l'air que ça ne marche plus.

Et aux dernières élections fédérales, eh bien! ils ont décidé de supporter le parti le plus centralisateur, le plus anticanadiens-français qu'on connaisse, qu'ont ait jamais connu, celui de M. Diefenbaker. C'est ça qu'ils ont fait. Et ils l'ont fait, M. le Président, sans vergogne, comme si c'était pour la défense de la foi et des traditions et de la langue.

On accuse les députés libéraux d'avoir fait la campagne pour les libéraux, mais j'ai des coupures de journaux.

M. JOHNSON: Nommez-les! Le premier ministre n'est pas sérieux, hein? C'est du placotage.

M. LESAGE: Je suis aussi sérieux que le chef de l'Opposition l'était.

M. JOHNSON: C'est du placotage, ça!

M. LESAGE: M. le Président, c'était bien l'horaire des assemblées de Me Robert Lafrenière, candidat conservateur tory de M. Diefenbaker, aux élections du 8 novembre dans le comté de Montmagny-1'Islet, un des plus gros comtés de la province, et qui a élu, par une très forte majorité, un député libéral au fédéral. Et les grands orateurs invités étaient M. Jean-Paul Cloutier, député provincial de Montmagny...

DES VOIX: Ah! ah!

M. LESAGE: ... et le docteur Fernand Lizotte, député de l'Islet.

DES VOIX: Ah! ah!

M. LESAGE: Ce sont des députés de l'Union nationale, en cette Chambre, qui appuyaient; « Votons Lafrenière ». On ne mentionnait pas le nom de M. Diefenbaker, je n'ai pas besoin de vous le dire, mais M. Lafrenière était un candidat de M. Diefenbaker, et c'était bien. Et ces messieurs y sont allés puisque j'ai vu les rapports de journaux.

M. JOHNSON: Oui!

M. LESAGE: Certainement qu'ils y sont allés. Et d'ailleurs, M. le Président...

M. JOHNSON: Que le premier ministre soit sérieux!

M. LESAGE: Non, mais on nous accuse, M. le Président, on accuse des députés de cette Chambre de ne pas être fiers et d'avoir des amitiés ou des intérêts avec des membres du parti libéral à Ottawa. Mais j'ai bien le droit de rétorquer en disant; « Où sont les amitiés de nos amis d'en face? »

M. JOHNSON: Du placotage! M. BERTRAND: Du placotage!

M. LESAGE : Mais où étaient-ils? Ils n'étaient certainement pas, à ce moment-là, en frais de défendre nos traditions, notre langue et nos droits, quand ils parlaient pour M. Diefenbaker. Le député de Bellechasse, M. Gabriel Loubier...

DES VOIX: Ah! ah!

M. LESAGE: ... à St-Jean-Port-Joli, le 24 octobre, à côté de la photographie de Diefenbaker.

DES VOIX: Oh! oh!

M. LESAGE: Le journal Le Courrier de Montmagny-L'Islet, jeudi le 21 octobre 1963... Il n'a pas trop réussi, il allait toujours parler pour M. Lafrenière, qui a déjà été député conservateur de M. Diefenbaker dans le comté de Québec. Mais comme il n'était plus présentable dans le comté de Québec, il est allé s'essayer dans le comté de Montmagny-L'Islet avec l'aide des députés provinciaux de Bellechasse, de Montmagny...

M. LOUBIER: M. le Président, sur un point d'ordre, premièrement parce que le candidat dont fait mention le premier ministre est mon associé dans une étude légale ici à Québec...

M. LESAGE: Bien oui, mais ça...

M. LOUBIER: ... et parce que M. Lafrenière est un homme... Le premier ministre, lui qui, hier, disait qu'il était indigne et inhumain d'attaquer les absents...

M. LESAGE: M. le Président, le député de Bellechasse...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! M. LOUBIER: ... qu'il aille donc attaquer

Robert Lafrenière dans son honnêteté et son intégrité! C'est une lâcheté du premier ministre que d'attaquer Robert Lafrenière en son absence.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LESAGE: Je n'ai pas besoin d'intervenir, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Premièrement, le député de Bellechasse... A l'ordre, messieurs! Le député de Bellechasse a invoqué le règlement. Alors je devais le laisser parler. Mais je constate qu'au lieu d'invoquer le règlement, une question de règlement, il avait plutôt l'intention de répondre à sa façon au premier ministre. Mais, dans cette réponse, il y a une chose que je ne peux admettre, c'est qu'il a traité le premier ministre de lâche. Lâcheté du premier ministre. Alors, je lui demanderais...

M. LESAGE: Ah! moi, ça ne me fait rien, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: ... D'abord qu'il ne dira pas ça de mes fonctionnaires, ni de mes députés...

M. LE PRESIDENT: Pour le bon renom de cette Chambre et le décorum que je dois maintenir...

M. LESAGE: C'est pour protéger le règlement.

M. LE PRESIDENT: ... je demande au député de Bellechasse de retirer cette expression.

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le premier ministre a le droit de dire que le candidat Robert Lafrenière n'était plus montrable dans son comté...

DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! J'ai demandé au député de Bellechasse...

M. LOUBIER: ... parce qu'il a été obligé de changer de comté? Le premier ministre a déjà été obligé de changer de comté, lui aussi.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre, messieurs!

M. LESAGE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

UNE VOIX: Il a changé de comté.

M. LESAGE: Bien oui, mais j'ai démissionné par exemple.

UNE VOIX: Excusez-moi.

M. LE PRESIDENT: Alors, je demande au député de Bellechasse, pour la deuxième fois, de retirer l'expression « lâcheté » qu'il a employée à l'égard du premier ministre.

M. LOUBIER: Disons que ce n'est pas un acte de bravoure de la part du premier ministre.

M. LESAGE: Non, M. le Président, je regrette.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait essayer de respecter le règlement tel qu'il existe et tel que je dois l'appliquer? J'ai demandé au député, et je lui demande pour la troisième fois, de retirer le mot « lâcheté » qu'il a employé directement à l'endroit du premier ministre.

M. LOUBIER: Le premier ministre pourrait nous donner l'exemple.

M. LESAGE: M. le Président, alors troisième fois puis l'expulsion, et ce ne serapas long.

M. LOUBIER: Je retire l'expression, M. le Président, mais...

M. LESAGE: Pardon? J'aimerais que le député se lève suivant le règlement de la Chambre pour retirer ce qu'il a dit, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre! Régions ce point-là d'abord, si vous voulez, c'est une question de règlement, après...

M. JOHNSON: Le député a déjà retiré... DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre! M. LESAGE: L'Orateur est debout.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Je voudrais bien régler cette question et, s'il y en a d'autres, je serai prêt à entendre les députés.

M. LOUBIER: Cela a été retiré, c'est enregistré aux Débats.

M. LE PRESIDENT: Alors, est-ce que je comprends que le député a retiré...

M. LESAGE: Bien oui, mais il faut qu'il se lève.

M. LOUBIER: Oui, oui.

M. LESAGE: M. le Président, je ne suis pas satisfait. Que le député se lève pour parler, comme le règlement exige qu'il le fasse et...

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: M. le Président, j'ai laparole.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre! Un à la fois.

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LESAGE: Bien oui, je parle sur un point de règlement. Le député de Bellechasse ne s'est pas levé et n'a pas officiellement retiré les paroles qu'il a prononcées à mon endroit alors qu'il était debout. Moi, personnellement, je m'en fous, M. le Président, mais on doit respecter le décorum et le règlement de cette Chambre. Lorsque, l'autre jour, vous m'avez demandé de retirer une parole beaucoup moins offensante à l'égard du chef de l'Opposition, je me suis levé immédiatement et j'ai dit: « Je retire mes paroles. »

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Pour ce qui est de l'incident présentement devant la Chambre, j'ai entendu le député de Bellechasse retirer ses paroles sans toutefois qu'il le fasse debout comme le règlement l'exige. Par ailleurs, à plusieurs reprises, d'un côté comme de l'autre, des paroles ont été retirées sans qu'on se lève. Alors, comme on le fait remarquer — à l'ordre, messieurs — comme on le fait remarquer à la Chambre et que c'est le règlement, à l'avenir je demanderai aux députés, d'un côté comme de l'autre, lorsqu'ils parlent, que ce soit pour retirer des paroles ou autre chose, de le faire debout.

M. BERTRAND: Très bien. M. LESAGE: M. le Président...

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre va me permettre...

M. LESAGE: Ah! je ne peux pas continuer...

M. JOHNSON: Le premier ministre veut me permettre une question?

M. LESAGE: Ah oui!

M. JOHNSON: Le premier ministre considère-t-il qu'il a, en la personne du député libéral actuel de Montmagny-l'Islet, un digne successeur comme député fédéral?

M. LESAGE: M. le Président, je vais certainement éviter de faire des personnalités...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LOUBIER: C'est ce que vous avez fait avec Lafrenière.

M. LESAGE: M. Jean Berger est certainement aussi digne que celui qui était... si on veut parler de dignité de l'individu, c'est joliment embêtant dans cette Chambre.

M. JOHNSON: C'est le premier ministre qui parlait de M. Lafrenière en termes péjoratifs.

M. LESAGE: Je regrette, j'ai accusé M. Lafrenière d'être un candidat Diefenbaker.

M. LOUBIER: Non, « plus montrable » dans le comté de Montmorency.

M. LESAGE: Pardon?

M. LOUBIER: « Plus montrable... »

M. LESAGE: Non, je regrette...

M. LOUBIER: ... dans son ancien comté.

M. LESAGE: ... j'ai dit qu'il ne pouvait plus se présenter.

M. JOHNSON: Non, non!

M. LOUBIER: Qu'il n'était « plus montrable », et les Débats sont là.

M. LESAGE: C'est vrai, il n'est plus montrable...

M. LOUBIER: C'est absolument faux, M. le Président, le premier ministre...

M. LESAGE: ... dans le comté de Montmorency. Et pas conséquent, on a essayé de le représenter comme un visage neuf dans Montmagny-l'Islet, puis on a manqué son coup. Merci pour la province...

M. JOHNSON: Le premier ministre n'a pas osé se présenter dans Montmagny-l'Islet.

M. LESAGE: ... parce que c'était un candidat de M. Diefenbaker. Je n'en veux pas à M. Lafrenière, mais il n'était pas montrable...

M. LOUBIER: Vous iriez bien.

M. LESAGE: ... parce qu'il avait été député de Diefenbaker.

Je me demande quelle mouche a piqué le député de Bellechasse, il est malade!

M. LOUBIER: M. le Président, c'est mon associé et il me semble que M. Lafrenière n'étant pas en Chambre, je dois répondre au premier ministre et lui dire que s'il veut attaquer M. Lafrenière, qu'il aille donc sur le même plancher que M. Lafrenière, au lieu de dire des injures en son absence. Quand on a vu la crise qu'il a faite sur M. Pigeon hier...

M. LESAGE: Je ne l'ai pas injurié.

M. LOUBIER: ... qui n'était pas présent en Chambre et dont on n'attaquait même pas la personnalité.

M. LESAGE: Je n'injurie pas M. Lafrenière, je me demande... au contraire, c'est un de mes amis. Mais j'ai dit qu'il n'était plus montrable comme candidat...

M. LOUBIER: Il doit préférer être parmi vos ennemis.

M. LESAGE: ... ça arrice, ça, qu'un type ne soit plus montrable comme candidat. On dit ça régulièrement. D'ailleurs, le député de Bellechasse lui-même ne sera plus montrable dans Bellechasse aux prochaines élections provinciales.

M. LOUBIER: Vous viendrez comme lors de la dernière campagne électorale.

M. LESAGE: Oui, puis vous allez en manger une. Laissez faire!

M. LOUBIER: Chaque fois que le premier ministre est venu — le premier ministre n'est venu qu'une fois — je n'ai pas été élu avec une forte majorité. Qu'il vienne donc plusieurs fois, que j'aie une bonne majorité et que mon adversaire perde son dépôt.

M. LESAGE: Cela dérange le fil de mes idées, M. le Président.

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LOUBIER: Peut-être le fil, mais pas les idées.

M. JOHNSON: J'invoque le règlement et je voudrais demander au premier ministre de ne pas être, comme il vient de le faire, la cause d'incidents qui donnent une mauvaise publicité à la Chambre. C'est le premier ministre...

M. LESAGE: Comment?

M. JOHNSON: ... qui a dit des paroles antiparlementaires au sujet de M. Lafrenière...

M. LESAGE: Je n'ai rien fait, je n'ai rien d'antiparlementaire.

M. JOHNSON: ... qui a provoqué cet incident, et c'est lui qui est responsable que dans l'opinion publique, le parlementarisme baisse...

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que c'est un point d'ordre?

M. JOHNSON: ... est à la baisse parce qu'il se conduit comme un gamin dans cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordrel M. PINARD: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, je regrette, je suis le chef de l'Opposition exactement sur son terrain...

M. LOUBIER: Le premier ministre avait raison de dire que son discours n'était pas prêt.

M. LESAGE: C'est lui, au soir de... Je ne suis pas prêt, attendez, vous n'en avez pas fini avec moi.

M. LOUBIER: Vous aviez raison de dire que vous n'étiez pas préparé.

M. LESAGE: Au soir de l'élection fédérale, c'est lui qui a attaqué les députés libéraux de cette Chambre, particulièrement, et il a attaqué très sévèrement le député des Iles-de-la-Madeleine et le secrétaire de la province pour...

M. JOHNSON: Oui.

M. LESAGE: ... avoir participé à la campagne électorale fédérale et je lui dis que ce n'était pas plus péché pour les députés de ce côté-ci de la Chambre que pour les députés que je viens de lui nommer et qui sont de ses députés et qui ont fait la campagne dans Montmagny-l'Islet. D'ailleurs, M. le Président, est-ce qu'on veut prétendre que l'Union nationale est indépendante du parti tory, du parti conservateur d'Ottawa?

DES VOIX: Oui.

M. LESAGE: Oui, alors quels sont les députés conservateurs fédéraux qui ont assisté au congrès, qui ont choisi le chef de l'Opposition actuel et qui ont activement travaillé pour lui afin qu'il soit choisi chef de l'Union nationale. M. Jean-Noël Tremblay, alors député fédéral de Roberval...

M. JOHNSON: Pardon?

M. LESAGE: M. Emilien Morissette, alors député fédéral de Rimouski, M. Roland English, alors député fédéral, tous du Diefenbaker, le député fédéral de Gaspé M. Joseph-Octave Latour, député conservateur tory Diefenbaker d'Argenteuil-Deux-Montagnes, M. Maurice Johnson, c'est normal, c'est son frère. M. Roger Parizeau député conservateur du Lac-St-Jean, M. Robert Lafrenière, — encore —, alors député de Québec-Montmorency, M. Russell Keyes, alors député des Iles-de-la-Madeleine, M. Théogène Ricard — ça se comprend, n'était son compère — alors député de St-Hyacinthe Bagot...

M. JOHNSON: Encore député.

M. LESAGE: Encore député, oui, il l'est encore.

M. JOHNSON: Quatre mille de majorité.

M. LESAGE: M. Rémi Paul, député de Berthier-Maskinongé-Delanaudière, et le Dr J.-Eugène Bissonnette...

M. JOHNSON: Est-ce qu'il est Diefenbaker, celui-là?

M. LESAGE: ... député de Québec-Ouest, et que faisait là M. Benoît Parent, secrétaire particulier de M. O'Hurley, qui travaillait nuit et jour pour le chef de l'Opposition actuel?

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre va me permettre une question?

M. LESAGE: Certainement.

M. JOHNSON: Est-ce qu'on doit conclure que M. le Premier ministre actuel de la province est rendu tory Diefenbaker, maintenant qu'il est appuyé par M. Balcer?

M. LESAGE: Je n'ai pas l'impression que M. Balcer soit dans la liste de ceux qui ont appuyé le chef de l'Opposition actuel?

M. JOHNSON: Non, non.

M. LESAGE: Non, non, c'étaient les vrais tories à tout jamais qu'il appuyait. D'ailleurs, ce n'est pas surprenant...

M. JOHNSON: Rémi Paul...

M. LESAGE: ... c'est la vieille même tactique de l'Union nationale. J'ai ici un volume extrêmement intéressant, écrit par M. Pierre

Sévigny...

M. JOHNSON: Auteur réputé.

M. LESAGE: ... qui est intitulé: « Le grand jeu de la politique ».

M. JOHNSON: Qu'est-ce qu'il dit? Lisez-nous donc ça!

M. LESAGE: C'est extrêmement intéressant, vous ne perdez rien pour attendre.

M. BERTRAND: On n'a pas eu le temps de le lire.

M. LESAGE: Oui, à la page 78, ça va vous intéresser, vous allez peut-être revivre... M. le Président, il y a peut-être d'anciens ministres qui vont revivre des heures qu'ils ont vécues eux-mêmes. En avril 1957, on se souviendra que des élections fédérales avaient été déclarées pour le 10 juin 1957, ce n'est pas dans le livre ça, c'est ma mémoire, je m'en souviens très bien d'ailleurs. Pour le 10 juin 1957, les élections avaient été déclarées...

M. JOHNSON: Vous étiez particulièrement intéressé.

M. LESAGE: ... en avril 1957, et, dans son livre M. Sévigny, raconte une entrevue qu'il a eue dans le bureau que j'occupe maintenant avec celui qui était alors le premier ministre de la province de Québec, M. Duplessis...

M. DOZOIS: Qui est mort.

M. JOHNSON: Grand indiscret.

M. LESAGE: ... et trois de ses collègues qu'il ne nomme pas. Je ne sais pas, peut-être que le député de St-Jacques, peut-être que le chef de l'Opposition ou le député de Missisquoi ou le député de Champlain étaient là, mais...

M. BERTRAND: Il ne les nomme pas.

M. LESAGE: Attendez, vous allez vous reconnaître peut-être.

M. BELLEMARE: Je n'avais pas été assermenté à cette date-là, moi.

M. LESAGE: D'accord, Alors ce sont les trois autres, peut-être, je ne le sais pas. Alors écoutons ce que M. Sévigny raconte de cette entrevue d'avril 1957 avec M. Duplessis et trois de ses collègues non identifiés. Il appelle M. Duplessis, Duplessis tout court, ce que je ne fais pas. « Duplessis répéta alors quelle stratégie et quelle tactique il croyait nécessaire d'employer. Il était prêt à appuyer et même à aider tous les candidats officiels du parti conservateur auxquels il concéderait quelques chances de victoires. »

M. CADIEUX: Ah! vous n'avez pas lu ça?

M. LESAGE: « Il abondonnerait à leur sort les comtés où les chances de battre les libéraux étaient à peu près nulles. Lui-même ne participerait pas à la campagne et quelques-uns seulement de ses ministres s'y engageraient activement. On prendrait grand soin d'éviter toute apparence d'alliance entre l'Union nationale et les conservateurs fédéraux. Ce genre d'alliance aurait été efficace dans le Québec, mais aurait pu être désastreuse dans le reste du Canada. Pour l'instant, tout ce qui comptait, c'était d'arracher des sièges au parti libéral, l'heure était au politicien Duplessis, les hommes d'Etat viendraient plus tard. » Ils sont venus plus tard, les hommes d'Etat, c'est ça qui est arrivé.

M. JOHNSON: En quelle année?

M. LESAGE: En 1960.

M. GABIAS: Sont venus, est-ce que c'est dans le livre?

M. LESAGE: Non. J'ai répondu au chef de l'Opposition.

M. JOHNSON: Le premier ministre tronque les textes.

M. LESAGE: Je vous demande pardon, j'avais terminé la citation, plus tard; et là, ma citation était finie. J'ai répondu au chef de l'Opposition.

M. JOHNSON: Dans trois ou quatre ans, ce sera M. Lapalme qui écrira un livre pareil.

M. LESAGE: M. Lapalme peut écrire tout ce qu'il voudra.

M. JOHNSON: Cela, ce sera intéressant. M. BELLEMARE: Il est commencé déjà. M. LESAGE: Mais, M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: ... il n'y a aucun doute que la Chambre aimerait bien savoir, la population aussi, qui étaient les trois ministres non identifiés de l'Union nationale qui ont eu connaissance de cette rencontre qui d'ailleurs s'est terminée par un dîner au château Frontenac, dans la suite du premier ministre du temps, où il avait reçu comme un grand seigneur. Tout allait très bien.

Alors à la page 82, M. Sévigny continue: « Sans le savoir...

M. JOHNSON: C'est suave.

M. LESAGE: « ... les conservateurs avaient donc au Québec un ami en même temps qu'un allié puissant. Très rapidement l'influence de Maurice Duplessis se fit sentir dans la campagne électorale. Dans plusieurs comtés des candidats surgirent et commencèrent à se mettre au travail. Les journaux qui sentaient tourner le vent firent allusion à la possibilité de victoire des conservateurs en Gaspésie, dans la Beauce, dans la région de Trois-Rivières et même dans celle de Montréal, que les libéraux tenaient solidement en main. « Un nombre de plus en plus grand de personnes assistaient à nos réunions. — c'est M. Sévigny qui parle — Avec un optimisme extravagant, des députés parlaient de trente comtés conservateurs dans le Québec et rêvaient de voir se réaliser leurs ambitions personnelles. Dans plusieurs comtés, de nombreuses personnes assistaient aux réunions publiques. Certains ora- teurs qui avaient promis de quitter le parti conservateur une fois pour toutes chantaient avec éloquence les louanges de John Diefenbaker et citaient des extraits des nombreux discours qu'il faisait de plus en plus fréquemment aux quatre coins du Canada. « Le comité que nous avions formé se réunit privément. Nous avions décidé de cacher au public et aux journaux l'entente que nous avions convenue avec l'Union nationale. Il nous semblait que la révélation d'un axe DD, Diefenbaker-Duplessis, nuirait aux conservateurs à l'extérieur du Québec. Duplessis — c'est toujours M. Sévigny qui parle — Duplessis me rappelait sans cesse ce danger et je respectais son opinion. Nous craignions aussi les lamentations du comité des bleus qui ameuterait très certainement le quartier général d'Ottawa s'il découvrait que nous entretenions avec le « cheuf » des relations étroites et suivies. »

M. le Président, et c'est le chef de l'Opposition, ancien ministre de l'Union nationale en 1957, qui vient accuser deux députés libéraux...

M. JOHNSON: Non, non, 1958.

M. LESAGE: ... provinciaux d'avoir fait la campagne ouvertement, eux, pour le parti libéral, qui me reproche, en sous-entendu, d'avoir déclaré que mes préférences...

M. JOHNSON: Non.

M. LESAGE: ... au cours des dernières élections générales du 8 novembre, allaient à M. Pearson et au parti libéral. Mais je l'ai déclaré ouvertement à la face du Canada, je n'ai pas eu un comité secret, moi, pour manoeuvrer à l'intérieur de la province de Québec en tentant de flatter hypocritement certains sentiments qui sont exclusifs au Québec et cela en arrière de la couverte, pendant que l'on prêchait autre chose ailleurs dans le reste du Canada. Non, M. le Président.

M. GABIAS: Est-ce que le premier ministre me permet une question?

M. LESAGE: Non, M. le président, je me suis toujours...

M. GABIAS: Est-ce que le premier ministre croit tout ce qui est écrit dans ce livre-là?

M. LE PRESIDENT: Une question?

M. GABIAS: Est-ce que le premier ministre souscrit à tout ce qui est écrit dans ce livre-là?

M. LESAGE: M. le Président, et pendant ce temps-là les députés de l'Union nationale...

M. JOHNSON: Lisez la page 133.

M. LESAGE: ... appuyaient ouvertement, appuyaient les candidats bleus de Diefenbaker les candidats du Parti conservateur, le parti le plus anti-Québec, le plus anti-canadien français, le plus mange « Canayens », comme disent nos gens.

Pour M. Diefenbaker, le chef de l'Opposition le sait et il devra avoir la franchise de l'admettre. Il le sait.

M. JOHNSON: Cela est bien dit.

M. LESAGE: Pour M. Diefenbaker, un gouvernement central fort, c'est un Canada unitaire. C'est le fond du coeur et de la pensée de M. Diefenbaker. Et au lieu de le dénoncer, lui, son ancien chef...

M. JOHNSON: Des ragots.

M. LESAGE: ... son parti de l'Union nationale, les purs des purs, les plus nationalistes des nationalistes, les défenseurs de la foi, de la langue et de la relition et de nos traditions, s'enfermaient dans des chambres d'hôtels pour avoir des comités secrets pour aider à l'élection de ce parti, qui, s'il était au pouvoir le moindrement longtemps, à moins d'avoir contre lui un gouvernement comme celui que je dirige et qui, pendant les années qu'il a été au pouvoir, s'est élevé contre lui avec toute la force dont il était capable, un gouvernement qui tairait et permettrait la disparition des droits du Québec.

M. JOHNSON: Quelle farce!

M. LESAGE: C'est lui, le chef de l'Opposition qui crie au scandale, qui, comme ce personnage de Molière, se voile la face en accusant le député des Iles-de-la-Madeleine et le secrétaire de la province d'avoir fait ouvertement la lutte contre un chef...

M. JOHNSON: Avec le patronage provincial.

M. LESAGE: ... de parti reconnu anticanadian-français, il se voile la face comme un personnage de Molière auquel je fais allusion ici.

M. CADIEUX: Tartuffe.

M. LESAGE : Quand on sait que tout ce qu'a écrit M. Sévigny là-dessus, ce que je viens de lire, quand on sait que c'est vrai.

M. GABIAS: Vous souscrivez à tout ça?

M. LESAGE: Je sais que cette partie est vraie parce qu'elle m'a été racontée tantôt.

M. GABIAS: Quelle preuve!

M. LESAGE: Je le sais parce qu'elle m'a été racontée par d'autres qui n'étaient pas députés fédéraux, qui ne sont plus de l'Union nationale, qui sont ailleurs. Et j'en sais quelque chose.

M. GABIAS: Balcer?

M. LESAGE: Assez pour démasquer les accusations du chef de l'Opposition. Nos députés libéraux étaient libres. Ils ont agi suivant leur conscience. Je suis loin de le leur reprocher Ils ont bien fait de faire ce qu'ils ont fait. Mais simplement, que le chef de l'Union nationale regarde donc ce qui se passe chez lui et surtout ce qui s'est passé chez lui et ce qui se passe encore peut-être chez lui avant d'essayer de nous attaquer pour des actes qui ont été posés au grand jour, sans hypocrisie!

M. JOHNSON: C'est moins sûr, ça.

M. LESAGE: Sans qu'il y ait des comités cachés. Moi-même, au grand jour, à la face du Canada, j'ai déclaré que je favorisais l'élection du parti libéral à Ottawa le 8 novembre, le parti de M. Pearson. Je ne me suis pas enfermé dans une chambre d'hôtel pour former un comité caché Pearson-Lesage. Je l'ai dit à la face du pays. C'est ça que j'ai fait.

M. JOHNSON: Qui étaient les ministres au bureau?

M. CADIEUX: Si le chef de l'Opposition veut parler, qu'il se lève.

M. LESAGE: Je ne le sais pas, ces messieurs le savent mieux que moi.

M. JOHNSON: Non, nous n'étions pas ministres.

M. LESAGE: Moi, je n'avais pas été invité. J'étais ministre fédéral à ce moment-là. J'étais ministre libéral fédéral à ce moment-là. Il est évident que je n'avais pas été invité, que je ne peux pas le savoir. Mais une chose est certaine, c'est que des personnes qui sont au courant de l'existence de ce comité m'ont dit ce qu'était, en gros, la tâche dudit comité, puis ça c'est fait. D'ailleurs, je le sais...

M. JOHNSON: Du « placotage ».

M. LESAGE: ... j'ai vécu l'expérience...

M. JOHNSON: ... Du « placotage », du « mémérage. »

M. LESAGE: Ce n'est pas plus de « placotage » que celui que le chef de l'Opposition a fait, M. le Président. Le chef de l'Opposition...

M. JOHNSON: Du « mémérage. »

M. LESAGE: ... s'est mis le doigt dans une trappe à souris; il se l'est fait prendre puis là, bien, il est obligé de crier «Aie ». C'est tout. C'est tout.

M. JOHNSON: C'est comme l'histoire du chat, ça.

M. LESAGE: Pardon?

M. JOHNSON: C'est comme le chat. Le petit gars, là...

M. LESAGE: Non, non, non, mais c'était une trappe à souris, cette fois-ci.

M. CADIEUX: C'était un piège à ours.

M. LESAGE: C'est effrayant, le chef de l'Opposition devrait donc être prudent.

M. JOHNSON: Des pièges à ours.

M. LESAGE: Il devrait donc être prudent. M. le Président, j'en ai fini avec le discours du chef de l'Opposition; ça ne valait pas plus que ça. Je me suis amusé là, pendant à peu près une demi-heure, c'est à peu près tout ce que ça valait, ça...

M. BERTRAND: Cinq heures moins dix, M. le Président, le lieutenant-gouverneur...

M. LESAGE: Le discours du chef de l'Opposition, sur le débat sur le discours du Trône... maintenant je vais... un instant, s'il vous plaît...

M. BERTRAND: Cinq heures moins dix, c'est vous qui l'avez dit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Est-ce que je pourrais dire cinq heures moins dix moi-même et finir ma phrase?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAFONTAINE: Il va être moins cinq tout à l'heure, il ne sera plus moins dix.

M. LESAGE: M. le Président, nous reprendrons...

M. JOHNSON: La comédie.

M. LESAGE: ... je propose la suspension du débat et nous reprendrons...

M. LOUBIER: Deuxième acte.

M. LESAGE: ... Oui, et dans le deuxième acte, je parlerai de l'administration actuelle.

M. JOHNSON: Aht bien là, on va parler sérieusement.

M. LESAGE: De l'administration actuelle. Oui, très sérieusement, parce que je ferai des comparaisons entre les contrats sans soumissions de l'Union nationale et ce qui se passe maintenant. Et ça, c'est le chapitre de ce soir.

M. LOUBIER: Les chevaux de Petawawa.

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue.

M. LESAGE: Bien oui, mais j'avais compris que ça se discuterait.

M. LAPORTE: Je vais m'en assurer. Est-ce qu'on a le consentement unanime?

M. LESAGE: Non, j'en ai parlé pendant l'absence du leader de la Chambre et j'avais compris que ça allait. Alors je vais filer, arrangez-vous.

M. JOHNSON: Tantôt le consentement unanime a été refusé bien libéralement. Bien libéralement il a été refusé, par le député de Duplessis entre autres, avec une extrême gentillesse et sa délicatesse habituelle.

M. LAPORTE: M. le Président...

M. GABIAS: M. le Président, je pourrais comme mes collègues, refuser mon consentement mais je respecte les lois du jeu et en toute libéralité, je donne mon consentement.

M. LAPORTE: C'est grand.

M. GABIAS: Même si on me l'a enlevé, même si on me l'a enlevé. Oui. Certainement

M. LAPORTE: Qu'est-ce que vous pourriez faire?

M. GABIAS: Refuser mon consentement, comme on me l'a refusé tantôt.

M. LAPORTE: Allez-y, refusez ou acceptez.

M. GABIAS: Non, parce que ça retarderait les travaux de la Chambre et lorsque l'on a de bonnes raisons, il est agréable de consentir aux demandes qui sont faites et je crois que tantôt, si on m'avait accordé quelques minutes, ça aurait été beaucoup plus simple...

M. LAPORTE: Vous êtes en train de les prendre.

M. GABIAS: Il est bon de noter...

M. LAPORTE: Ah oui, oui, au cas où les gens ne s'en rendraient pas compte, c'est vrai.

M. GABIAS: Il est bon de noter, M. le Président, ces faits.

M. LAPORTE: C'est vrai, ça. Alors maintenant que la Chambre a noté la générosité remarquable du député de Trois-Rivières, on va discuter de la motion. Il s'agit d'une motion qui va amender le règlement de l'Assemblée législative afin d'accélérer les travaux de cette Chambre. Très, très, très récemment, les journaux, je pourrais mettre ça au singulier, ont souligné certaines longueurs, je dois dire que...

M. JOHNSON: Qui provenaient d'une remarque faite par un ministre.

M. LAPORTE: Faite par un ministre? M. JOHNSON: Oui.

M. LAPORTE: Bien oui, ça me donne vingt chances...

M. JOHNSON: Quel était ce ministre? M. LAPORTE: ... pour le trouver.

M. JOHNSON: Probablement le leader de la Chambre.

M. LAPORTE: Peut-être. Peut-être que non aussi. Mais en fait, ce n'est pas le leader de la Chambre. M. le Président, des remarques ont été faites sur certaines longueurs. Il est clair que nous pourrions hâter les travaux ses-sionnels, nous acquitter de la tâche très considérable que nous avons à remplir, mais quand même sauver du temps.

Motion sur les comités des crédits

M. LAPORTE: Je ne sais pas, M. le Président, si l'on me permettrait, pendant deux ou trois minutes, de donner quelques impressions personnelles sur les réactions que peuvent avoir des spectateurs qui viennent pour la première fois ou rarement assister aux délibérations de l'Assemblée législative.

Les remarques que l'on nous fait généralement, surtout s'il s'agit de jeunes, sont des remarques qui confinent à la déception. Nous n'imaginions jamais que ça pouvait se passer comme ça à l'Assemblée législative. On n'aurait jamais cru que le décorum fut si peu respecté. C'est une remarque qui nous froisse, c'est une remarque qui nous déçoit. Nous devons, je pense, chacun d'entre nous, accepter notre part de responsabilités. Je dois ajouter que chaque fois que j'ai l'occasion de parler à des gens qui me font ces remarques, je pense, qu'après tout, députés ou non, nous sommes des humains et qu'il est tout à fait impossible d'espérer que nous allons, heure après heure, jour après jour, nous confiner dans une étude, absolument, sans aucune digression des sujets souvent très importants que nous avons à aborder.

Qu'est-ce que notre Parlement a de différent des autres? Qu'on aille en France, qu'on aille aux Etats-Unis, qu'on se rende à Londres, le « Mother of Parliament ». C'est là, prétend-on, que nous devrions trouver le maximum de décorum chez ces messieurs britanniques qui sont d'un caractère plus pondéré que nous et qui ont inventé, dit-on, le système démocratique qui est le nôtre, et pourtant, il suffit d'y être allé très peu souvent. En fait, je n'y ai mis les pieds qu'une seule fois, pour constater que loin d'être une leçon de décorum, c'est exactement le contraire, la tradition parlementaire voulant que les ministériels ne fassent aucun cas de ce que dit l'Opposition et vice versa, pour donner l'impression au public qu'il n'y attache aucune importance. C'est ainsi qu'on voit des ministres non seulement lire un journal face au chef de l'Opposition ou à un oppositionniste qui parle, mais également, scandale des scandales, se mettre les pieds sur la table du greffier qui malheureusement ou heureusement pour nous, est moins éloigné qu'ici.

M. BERTRAND: Il n'y a rien que M. Racine, ici, qui pourrait le faire!

M. LAPORTE: Et ceci, M. le Président, ne signifie nullement que d'un côté ou l'autre de la Chambre on ne porte pas attention à ce qui fait la réalité. C'est qu'aussitôt que le chef de l'Opposition va un peu loin ou que le premier ministre va un peu loin, vous voyez les journaux qui se tassent et l'intervention qui arrive immédiatement. Nous n'en sommes pas là. Nous avons un Parlement où des gens doivent travailler. On se surprend de voir des députés de l'Opposition, des ministres, des députés ministériels signer leur correspondance. Mais quand allons-nous la signer notre correspondance? Nous avons à siéger au conseil des ministres, mardi matin, en Chambre, mardi après-midi et mardi soir, au conseil des ministres, mercredi matin, en Chambre, mercredi après-midi, au conseil des ministres, ce matin, en Chambre, cet après-midi et ce soir.

Est-ce que c'est mieux de laisser l'administration s'en aller où si l'on doit se résigner à cette chose essentielle qui est de continuer dans des conditions peu agréables, continuer, le mieux possible, l'administration de la province de Québec. Et cela vaut pour les deux côtés.

On s'inquiète, on se surprend de ce que nous puissions, de temps à autre, lire un journal. Quel crime abominable de prendre quelques heures que nous avons ici en Chambre parfois pour se renseigner sur ce qui se passe autour de nous!

Quelquefois les seules heures que nous ayons, parce qu'on saura très bien que quels que soient, encore une fois, les députés, qu'ils soient oppositionnistes ou ministériels, ils ont des rendez-vous. Il y a un député, hier soir, qui, à l'ajournement, estparti de l'Assemblée législative pour s'en aller dans son comté, parce qu'il y avait quelqu'un d'important de décédé dans son comté. Puis il est revenu tard cette nuit. On ne peut lui reprocher, à ce député-là, de lire pendant quelques minutes un journal. Je dis que nous sommes des humains, je dis que le problème c'est, qu'après quelques années, quelques mois, on oublie, peut-être trop, on oublie toutes ces choses extérieures, ce manque de décorum partiel pour constater le travail immense qui se fait ici et il suffit de voir le nombre de projets de loi. Tout ce qui s'est passé dans la province de Québec depuis quelques années apris naissance dans des lois qui ont été étudiées par l'Assemblée législative, devant les comités.

Je dis donc, M. le Président, qu'il se fait un travail très considérable et que, si l'on a partiellement raison de regretter la façon dont ça se passe parfois, on aurait encore bien plus tort de limiter son jugement à ces choses qui sont quand même secondaires.

M. le Président, je propose donc aujourd'hui une motion qui va nous permettre d'accélérer le travail de la session. On se souviendra que, l'an dernier, de consentement, nous avons créé des comités spéciaux qui ont étudié un certain nombre de budgets de l'Assemblée législative. C'était une première expérience, fruit d'une recommandation unanime d'un comité pour amender le règlement. Cette expérience a été, selon les uns, très heureuse, selon les autres, réussie partiellement; mais je crois que tous sont unanimes pour dire que ce fut une amélioration sur le système qui était le nôtre jusque-là. Malheureusement, c'était un peu de l'improvisation; nous voulons, cette année, par la motion qui est inscrite à mon nom, régulariser, institutionnaliser ces comités spéciaux qui vont étudier le budget.

Nous voulons donc modifier certains articles du règlement. A l'article 380, ajouter 380-A: « En comité des subsides, on peut proposer qu'un comité des crédits soit chargé d'examiner les articles du budget qui le concernent et de faire rapport à ce sujet. » Vous vous souvenez que, l'an dernier, on lisait...

M. le Président, je demande que le débat soit suspendu.

M. LE PRESIDENT: Le débat est suspendu. Faites entrer le messager. Let the messenger in.

LE MESSAGER: M. l'Orateur, Son Honneur l'honorable lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette Chambre dans la salle du Conseil législatif.

Mr. Speaker, it is His Honour the Honourable Lieutenant-Governor's pleasure that the Members of this House do attend immediately in the Legislative Council Chamber.

M. LAPORTE: ... Suspension de la Chambre jusqu'à huit heures et quart, et il est entendu, je crois, que nous terminerons l'étude de cette motion avant de revenir au débat sur le discours du Trône.

M. JOHNSON: Est-ce que le ministre est prêt à prendre l'amendement que je lui ai suggéré?

M. LAPORTE: Oui, oui. Je voudrais l'expliquer en deux minutes.

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à huit heures et quart.

Reprise de la séance à 8 h 15 p.m.

M. LECHASSEUR (président): A l'ordre, messieurs!

M. LAPORTE: M. le président, très brièvement, nous avions commencé, cet après-midi, l'étude d'une motion qui va modifier, si la Chambre l'accepte, le règlement de l'Assemblée législative pour instituer, d'une façon permanente, ce que nous appelons un comité des crédits pour étudier les estimations budgétaires des divers ministères de l'administration provinciale.

Nous proposons d'abord de modifier l'article 380 qui est celui qui s'applique aux opérations des comités des subsides et des voies et moyens. Nous voudrions ajouter l'article suivant: « En comité des subsides on peut proposer qu'un comité des crédits soit chargé d'examiner les articles du budget qui le concernent et de faire rapport à ce sujet. »

Quatre conditions sont prévues. Cette motion n'est pas susceptible de débat, parce que nous ne voulons pas que chaque fois que le gouvernement propose qu'un comité des subsides siège, un débat s'engage sur l'opportunité de faire siéger ou non. Deuxièmement, que cette motion ne soit pas susceptible d'amendement. Troisièmement, que cette motion soit mise aux voies immédiatement, sans débat, et quatrièmement qu'il ne puisse être interjeté appel de la décision que le comité des subsides pourrait prendre à ce sujet.

Il est bien clair que, puisque nous songeons, par cet amendement, à simplifier et à accélérer la procédure, si nous ne prenons pas les précautions élémentaires pour éviter la possibilité d'obstruction, nous n'aboutirons pas au résultat que cette Chambre semble désirer. Je voudrais que l'on remarque que le règlement modifié prévoit le renvoi à un comité, c'est-à-dire qu'un des crédits budgétaires pourra être étudié par le comité plénier des subsides et un autre devant un comité des subsides, mais un seul. Protection du gouvernement pour éviter l'obstruction, ai-je dit tout à l'heure; maintenant protection de l'Opposition contre le gouvernement qui pourrait bien décider — je me rappelle les sessions qui ont suivi l'élection de 1948, alors que l'Opposition était représentée par huit députés — de faire siéger en même temps dix comités des subsides.

Il est évident que l'Opposition aurait été complètement effacée, faute de combattants. Alors nous protégeons les droits de l'Opposition. Un seul comité des subsides pourra siéger en même temps en vertu du règlement, sauf évidem- ment en faire siéger deux ou trois, si c'est le consentement unanime de tous les députés de l'Assemblée législative.

L'on a suggéré, pour rendre la chose plus claire, que l'on modifie le paragraphe 3 de la motion qui se lit comme suit: «Le comité des subsides ne peut, au cours d'une même séance, ordonner le renvoi d'articles du budget qu'à un seul comité des crédits.» Ceci peut paraître suffisamment clair et l'on a prétendu qu'à une même séance, on pourrait utiliser deux ou trois séances consécutives pour référer à deux ou trois comités. Si l'on faisait disparaître seulement les mots «au cours d'une même séance», je pense qu'on réglerait définitivement le cas, puisqu'à ce moment-là, ça se lirait comme suit: «Le comité des subsides ne peut ordonner le renvoi d'articles du budget qu'à un seul comité des crédits.» Ou alors l'amendement que me proposait le chef de l'Opposition: «Le comité des subsides ne peut ordonner le renvoi d'articles du budget à un comité des crédits si un autre tel comité siège déjà et n'a pas encore présenté son rapport.»

Je préfère, je l'avoue, cette deuxième rédaction puisque ça protège de deuxfaçons. D'abord, s'il y a un autre comité qui siège, on ne peut en convoquer un deuxième et l'on nepeut convoquer de comité silecomité qui a siégé ne fait pas rapport, puisque le comité des subsides peut trouver curieux que l'on attende une, deux, trois, quatre, cinq semaines pour présenter le rapport d'un comité qui a déjà terminé son travail. Alors je vais remettre au greffier, si l'Assemblée législative, si la Chambre est d'accord sur cette modification: «Le comité des subsides ne peut ordonner le renvoi d'articles du budget à un comité des crédits si un autre tel comité siège déjà et n'a pas encore présenté son rapport.»

M. LESAGE: Est-ce que je pourrais suggérer que le mot «son» avant le mot «rapport» soit remplacé par le mot «de».

M. BELLEMARE: Le mot «de».

M. LESAGE: «de rapport», «n'a pas encore présenté de rapport». Parce qu'on laisse entendre que le comité des subsides, qu'un comité des subsides donné ne ferait qu'un rapport et il pourrait y avoir plus d'un rapport. Supposons par exemple qu'un ministre tombe malade...

M. JOHNSON: C'est ça.

M. LESAGE: ... qu'il faille suspendre l'étude des crédits de son ministère pour aborder les crédits d'un autre ministère, si l'on met

« son rapport », on laisse entendre qu'il ne peut y avoir qu'un rapport pour le comité qui a été formé pour étudier les subsides d'un ministère, en disant d'un rapport: Nous avons étudié tels et tels item, le ministre devant s'absenter pour une période indéfinie ou devant s'absenter pour une période de..., nous faisons rapport que nous avons étudié tels item et nous les avons approuvés. Et alors, il est loisible, pour accélérer les travaux de la Chambre, de renvoyer pour étude les estimations budgétaires d'un autre ministère.

M. LAPORTE: Nous avons modifié 380 qui crée les comités des subsides. Nous modifions 462; c'est l'article qui prévoit la nomination de certains comités permanents, donc, au début de chaque session, quinzièmement, le comité des onze nommera des comités pour les crédits de chaque ministère et pour la législation. Finalement, nous ajoutons, au chapitre des comités, une section no 5 afin de prévoir la procédure des séances de ces comités des subsides. Le comité siège sans convocation. Le comité peut siéger pendant que la Chambre est en séance, sans autorisation spéciale. Les articles 381 et 382 s'appliquent à ces comités-là. Les articles 381 et 382 prévoient la procédure d'étude des budgets, article par article. Enfin, quatrièmement, un comité des crédits fait rapport au comité des subsides et non à la Chambre. Je prierais la Chambre de bien prendre note de la façon dont le rapport va être présenté. C'est fait au comité des subsides. Il est clair que, devant ce comité, si la Chambre ou le comité le décide, la discussion peut reprendre sur tout ou partie des prévisions budgétaires qui viennent d'être scrutées par le comité ad hoc.

Enfin, quatrièmement, et c'est seulement pour la session en cours et, si l'on était unanime, je demanderais que ce paragraphe soit biffé. L'article 462 dit; « A la séance d'ouverture de chaque session, la Chambre institue un comité permanent pour chacun des objets suivants » et l'on ajoute les comités. Comme nous ne sommes plus à la séance d'ouverture de chaque session, il sera impossible de les créer cette année. C'est pour ça que nous ajoutons le « quatrièremement » qui n'aura d'application qu'en 1966. Si nous étions unanimes pour que le comité des onze siège de nouveau, nomme les membres des comités dont il est question, il ne serait pas nécessaire d'ajouter, dans le règlement de l'Assemblée législative, un paragraphe qui va être périmé immédiatement. Alors si on est unanime, et je consigne au journal des Débats que l'Assemblée législative consent unanimement à ce que le comité des onze siège à nouveau pour nommer les membres des comités des subsides pour les crédits de chaque ministère et pour la législations. Ceci dit, je demande que le paragraphe 4 de la motion inscrite à mon nom soit rayé. M. le Président, je suis très heureux de présenter cette motion. Je crois que c'est un pas dans la bonne direction. Nous allons pouvoir hâter le travail sesslonnel. Nous allons pouvoir confier plus de travail aux membres de l'Assemblée législative. Déjà l'an dernier, plusieurs députés ont porté un bien plus grand intérêt à l'étude des crédits. Quelques-uns vont avoir, d'année en année, le loisir de se spécialiser, de faire des études plus intéressantes, plus actives et, pour toutes ces raisons, je crois que l'Assemblée législative devrait être unanime à accepter cet amendement.

M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais d'abord dire immédiatement au ministre que nous concourons pour enlever le paragraphe 4 qui n'était peut-être pas nécessaire, parce que le comité des onze, de toute façon, a siégé mais s'est ajourné à plus tard pour continuer son travail mais « trop fort ne casse pas ». Nous voulons aussi consigner au journal des Débats que nous sommes consentants à ce que ce paragraphe soit enlevé parce que nous consentons à ce que le comité des onze siège et nomme les membres de ces comités des crédits.

M. le Président, je voudrais aussi remercier le ministre qui a accepté un amendement que je suggérais à l'article 1 pour remplacer le paragraphe 3 de l'article que nous ajoutons, soit l'article 380 A. M. le Président, ces consentements sont donnés toujours dans le même esprit, dans le but de hâter les travaux de la session, sans toutefois négliger notre devoir essentiel. Vous me permettrez de toucher brièvement le terrain couvert cet après-midi par le leader de la Chambre lorsqu'il a fait état des impressions que retirent de leur visite au parlement les visiteurs et particulièrement les jeunes.

M. le Président, le ministre a raison, les gens qui viennent pour la première fois au parlement en repartent la plupart du temps désabusés. Ils sont scandalisés, comme a dit le ministre, de voir des députés, lire les journaux, signer de la correspondance, faire semblant qu'ils ne sont pas intéressés à ce qui se passe de l'autre côté de la Chambre, affecter une indifférence réelle ou simulée envers les discours de leurs collègues. Le ministre a bien couvert le terrain cet après-midi, en rappelant que ces attitudes des députés en Chambre ne sont pas le

fait seulement de l'Assemblée législative de la province de Québec, mais qu'il a été en mesure lui-même de constater qu'en France et même en Angleterre, « The mother of Parliament », il y avait des attitudes semblables ou similaires aux nôtres.

M. LESAGE: Pas besoin de traverser l'Atlantique.

M. JOHNSON: M. le Président, on peut aller à Ottawa...

M. LESAGE: Certainement.

M. JOHNSON: ... à Washington...

M. LESAGE: Même chose.

M. JOHNSON: ... et on se rendra compte que là comme ailleurs, il y a de la part des députés et sénateurs une attitude qui n'est pas toujours conforme à l'idéal que se font les jeunes d'un parlement. Je me souviens d'avoir visité la Législature de Québec quand j'étais étudiant, en première année de droit, et à ce moment-là, M. le Président, selon une vieille coutume, il y avait une porte entre votre salle de réception et l'Assemblée législative. J'avais alors vu une foule, toute une foule de députés alignés le long du mur devenir de plus en plus gais vers la fin de la séance, M. le Président, et à six heures moins le quart, je les trouvais comme on dirait à Ottawa un peu « unruly ». Ils étaientun gavroches à six heures moins le quart et dans ma naïveté, je me demandais ce qui se passait. J'ai su plus tard quand je suis arrivé dans cette Chambre, qu'il y avait bar ouvert à la journée longue chez le président de l'Assemblée législative.

En 1944, nous avions un Orateur sévère, M. le Président, qui limitait ses réceptions à trois ou quatre par année...

M. BELLEMARE: Une demi-heure.

M. JOHNSON: Une demi-heure et du scotch canadien à part ça.

UNE VOIX: Cela durait deux mois.

M. JOHNSON: Alors, je vous assure que le maintien des députés, avec les années, s'est considérablement amélioré. Et je voudrais dire tout de suite qu'après dix-neuf ans complétés dans cette Chambre, je suis extrêmement fier de proclamer que la députation d'aujourd'hui s'est sensiblement améliorée au point de vue sérieux et au point de vue qualité.

M. le Président, je suis très heureux de le dire, car il y en a trop qui sont prêts à vanter les temps passés et à ne pas se rendre compte du progrès réalisé. Les députés d'aujourd'hui, de quelque côté qu'ils soient, quelle que soit la proportion de libéraux et de non libéraux, il reste qu'ils sont tous plus sérieux, plus à l'ouvrage qu'autrefois, qu'il y a vingt, trente ou quarante ans. Et je pense qu'il est temps de le dire.

Mais à ces jeunes qui sont scandalisés, je pose toujours la même question. Qu'est-ce que vous faites pendant un sermon, vous autres, au bout d'une demi-heure? Je vous vois à la messe le dimanche et vous m'avez l'air joliment impatients. Mettez-vous donc à notre place et écoutez pendant huit heures de temps des sermons ou des discours. Je vous assure que vous seriez aussi des gens portés à vous laisser affaler sur votre siège et peut-être vous occuper à d'autres choses. Evidemment, ce n'est pas une excuse, mais c'est une explication.

Nous devrions nous donner comme mot d'ordre de toujours maintenir dans cette Chambre non seulement le décorum qu'impose le règlement et que votre sagesse, M. le Président, nous fera suivre de plus en plus, j'espère, mais également l'exemple de gens qui savent se bien tenir. Et l'Opposition, je le déclare sans aucune hésitation, est prête à coopérer pour que cette Chambre qui est l'assemblée nationale de la nation canadienne-française donne un exemple à toutes les Chambres du Canada et de l'Amérique, si possible.

Nous avons donc, dans le passé, coopéré pour que les travaux de la Chambre soient accélérés. Maintenant, tout de suite, je voudrais faire une réserve, M. le Président. Certains journalistes, de bonne foi sans doute, trouvent qu'il y a beaucoup de temps perdu en Chambre. Je crois que c'est le prix — je leur dis tout de suite — que c'est le prix qu'on doit payer pour un système comme la démocratie.

Tous les jeunes députés — et je fais appel à ceux qui sont arrivés en 1962, pendant les premières années de leur séjour dans cette Chambre — passent par la même crise que nous avons connue, jeunes députés, et que les députés de toutes les législatures, — j'en ai rencontrés d'une cinquantaine de pays — connaissent au début de leur stage en Chambre. La première session, je l'ai passée à la place du député de Kamouraska et je trouvais donc qu'il y avait du temps perdu. J'étais démoralisé, frustré de voir le peu de travail qui semblait s'accomplir.

M. LESAGE: Est-ce que le député de Bagot pense qu'il faut être assis là pour trouver qu'il se perd du temps?

M. JOHNSON: Bien f avais un poste d'observation, M. le Président, pour voir les deux côtés de la Chambre. Et à ce moment-là, il y avait une quarantaine de députés dans l'Opposition. Le député de Champlain vous donnera tantôt de la jurisprudence. Mais j'ai entendu quarante discours d'une heure sur le budget...

M. LAPORTE: C'était la semaine de quarante heures!

M. JOHNSON:... après en avoir entendu trente-sept sur l'Adresse en réponse au discours du Trône.

M. CADIEUX: Etiez-vous aussi souvent interrompu que vous nous le faites dans le moment?

M. JOHNSON: M. le Président, on l'était mais plus intelligemment que je viens de l'être!

M. CADIEUX: Ah! C'est une question que je voulais vous poser!

M. LAPORTE: Le diable va prendre pour prouver qu'il y a du décorum!

M. JOHNSON: Non, non! Je voudrais dire, M. le Président, que...

M. CADIEUX: Ah votre plaidoyer, c'est formidable!

M. JOHNSON: Ces lenteurs, ces longueurs et quelquefois ces répétitions sont le prix que nous devons payer pour vivre en démocratie. L'exemple de ce matin, j'y réfère seulement comme exemple d'actualité, prouve mon point. Sans cette institution qui s'appelle la Chambre, sans cette étude en Chambre des crédits, un problème dont on peut discuter de l'importance relative pour le bien général de la province, le problème du rétablissement des primes pour les loups...

M. LESAGE: Ah! on ne recommence pas, j'ai fait erreur.

M. JOHNSON: ... n'aura pu être soulevé, M. le Président, et les...

M. LESAGE: OÙ sont les loups?

M. JOHNSON: ... protestations de l'électorat seraient allées mourir dans des bureaux capitonnés, exécutées par des technocrates ou des bureaucrates. M. le président, c'est le système actuel, ce système parlementaire, ce système de discussion ouverte qui permet d'amener de- vant l'opinion publique des problèmes aigus. Maintenant, M. le Président, il est un rouage essentiel au bon fonctionnement de ce système, et c'est l'information objective; l'information la plus complète possible et la plus objective possible. Or, il est arrivé souvent que le premier ministre, le chef de l'Opposition et quelques collègues de cette Chambre aient fait des reproches aux journalistes. Il est vrai que nous ne sommes pas toujours satisfaits des rapports qui paraissent dans les journaux... le premier ministre...

M. LESAGE: Si j'ai quelque chose à dire, je pourrai le dire.

M. JOHNSON: Le premier ministre, M. le Président, ne s'est pas gêné pour le dire et il n'est pas..., mais je le dis avec des termes...

M. LESAGE: Je regrette. Je pense que si je me suis levé une fois ou deux sur des questions de privilège au sujet de rapports de journaux depuis 1960, c'est tout. Alors, que le chef de l'Opposition parle pour lui, je parlerai pour moi.

M. JOHNSON: J'ai lu, M. le Président, l'apostrophe du premier ministre à un journaliste devant tous ses collègues à Ottawa, devant tous ces confrères journalistes...

M. LESAGE: Je parle de la Chambre.

M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre s'arrangera avec ses problèmes, parlant pour-moi-même, M. le président, je dirai qu'il m'est arrivé...

M. CADIEUX: Vous avez assez des vôtres, vous, arrangez-vous avec les vôtres.

M. JOHNSON: Si on pouvait rétablir la prime... M. le président...

UNE VOIX: Cela ferait une belle paire d'oreilles.

M. JOHNSON: ... je dois dire publiquement qu'il arrive que les hommes politiques soient injustes. On demande trop aux journalistes et les journaux demandent trop à leurs employés de la tribune de la presse. On leur demande d'écouter tout ce que nous disons ou de lire les épreuves du journal des Débats et ensuite d'essayer de nous résumer...

M. LESAGE: C'est toute une épreuve.

M. JOHNSON: M. le Président, on leur de-

mande d'en connaître aussi long que le député ou le ministre qui vient de parler, même s'il a beaucoup d'expérience, et je suggérerais, tout simplement — c'est une suggestion en passant, le ministre me la permettra — qu'on donne aux journalistes des facilités de travail, une bibliothèque, particulièrement, et une ou deux personnes préposées aux recherches afin de fournir toute la matière d'arrière-plan dont ils ont besoin pour comprendre et interpréter les propos qui sont parfois tenus dans cette Chambre. M. le Président, les journaux en demandent trop à leur préposé à la tribune de la presse du Parlement et il me semble qu'ils devraient donner un personnel suffisant, des aides à leur journaliste afin que les journaux puissent jouer un rôle que je considère essentiel dans le rouage démocratique, celui d'une information complète et objective.

Donc, M. le Président, nous avons coopéré l'année dernière quant à l'étude des crédits. C'est à la suite d'une suggestion maintes fois faite par le député de Missisquoi que le gouvernement s'est décidé de faire siéger les comités pendant que la Chambre siégeait. Tout de suite là, il y a un inconvénient; des gens viennent dans les galeries et disent: « Mais où sont-ils, les députés? » Ils ne se rendent pas compte que nous sommes en comité quelque part, dans l'une ou l'autre des pièces.

Et deuxièmement, les journaux qui n'ont pas un personnel suffisant n'envolent pas de reporter dans ces comités et c'est là un des inconvénients que nous avons notés l'année dernière, les débats devant le comité « ad hoc » que nous avions institué de consentement, pour étudier les crédits de certains ministères. Ces délibérations dis-je, n'ont pas reçu la publicité à laquelle elles auraient dû s'attendre, pouvaient normalement s'attendre, publicité qu'elles auraient eue, ces délibérations, si elles avaient été tenues en Chambre. Je pense que pour le bon rouage de la démocratie, en vue des amendements que nous apportons au règlement, et nous allons concourir à ces amendements, 11 faudrait espérer que la publicité sera considérée aussi importante pour ces comités qu'on la considère importante pour les délibérations de la Chambre.

Je trouve, M. le Président, que ce n'est que le devoir des journaux d'agir ainsi. Quant au texte qui nous a été soumis, je l'ai examiné de bien près, avec mes collègues, je l'ai fait étudier par certains amis qui s'y connaissent en procédure parlementaire et nous en sommes venus à la conclusion que le leader de la Chambre a lui-même fait sienne, en proposant tantôt un amendement, amendement amélioré pour une fois, par une suggestion du premier ministre. Je dois dire à cette Chambre et à la population que la loyale opposition de Sa Majesté, le peuple souverain, est prête à coopérer.

M. LAPORTE: L'opposition au peuple souverain, là.

M. JOHNSON: Du peuple, — contre le gouvernement —

M. LAPORTE: C'est une simple petite particule qui lui ferait tellement mieux.

M. LESAGE: Une lettre, une lettre dans une particule.

M. JOHNSON: Je suis très heureux que le leader ait saisi la nuance.

M. LAPORTE: Je l'ai saisie.

M. JOHNSON: Entre la loyale opposition au peuple...

M. LAPORTE: Au peuple de Sa Majesté.

M. JOHNSON: ... de Sa Majesté, le peuple souverain, sous-entendu; contre le régime actuel.

M. le Président, — non je ne voudrais pas employer des mots qui ne sont pas parlementaires.

M. LAPORTE: Pas dans ce débat-là, tout à l'heure.

M. JOHNSON: ... mais je voudrais me réjouir de l'entente qui règne entre le gouvernement et l'Opposition, relativement à ce problème, même si nous devons nous priver encore pendant quelques minutes, du grand délice d'un discours que le premier ministre a sur l'estomac et qu'il voudrait bien nous livrer. M. le Président, au nom de mes collègues, il me fait plaisir non seulement de concourir à cette proposition, mais également de remercier le leader de la Chambre d'avoir bien voulu accepter l'amendement. Nous verrons au cours de la session comment fonctionne en pratique ce système et nous serons prêts, s'il y a lieu, de concourir dans des amendements, même au cours de la session, car le but ultime que nous cherchons, c'est d'expédier les affaires de la Chambre sans sacrifier cependant notre devoir essentiel qui est celui de questionner les ministres, de surveiller la dépense publique et de faire des suggestions pour que la population

se rende compte qu'il est grandement temps peut-être de changer de gouvernement.

M. le Président, sur cette note nonpartisane, avec toute l'objectivité dont je suis capable, sans aucune intention malveillante envers un gouvernement fatigué, je dis M. le Président, que l'Opposition...

M. LESAGE: Un gouvernement fatigué, c'est un gouvernement qui se grouille.

M. JOHNSON: C'est un gouvernement fatigant, à part ça.

M. LESAGE: Ah! ça, c'est mieux. Cela, pas mal, c'est pas mal mieux.

M. JOHNSON: Tous les contribuables me disent que c'est le gouvernement le plus fatigant qu'ils n'ont jamais eu.

M. LAPORTE: Vous en rencontrez donc bien des contribuables, vous.

M. JOHNSON: Oh! oui, j'en rencontre.

M. LAPORTE: Ils ont un rendez-vous avec vous.

M. JOHNSON: C'est tellement plus facile de les rencontrer, autrefois il y avait tout un secteur de la population qui n'était pas taxé, mais tout le monde l'est aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: Même les revenus à partir de $600.

M. LESAGE: Est-ce que nous avons recommencé le débat sur le discours du Trône, deuxième édition?

M. JOHNSON: Je n'aurai pas d'objection.

M. LAPORTE: Est-ce un autre amendement à la motion?

M. JOHNSON: Donc, M. le Président, dans l'espoir que les journaux fourniront plus de personnel à la tribune de la presse, que le gouvernement améliorera davantage les facilités, réellement améliorées, déjà à la disposition des journalistes, nous concourons dans cette proposition du ministre.

M. BELLEMARE: Non, un instant, M. le Président.

M. LAPORTE: Leurs spécialistes.

M. BELLEMARE: Non, je ne voudrais pas que le leader de la Chambre prenne ça sur ce ton-là.

M. LAPORTE : Vous connaissez vraiment ça.

M. BELLEMARE: Je veux être bien objectif et puis citer seulement des faits puisque c'est une motion qui amende un point du règlement très important. Je crois de mon devoir, M. le Président, d'apporter mes remarques qui seront prises ou laissées de côté comme bon semblera à l'Assemblée.

Mais je dis, M. le Président, que, tout dernièrement, un spécialiste en questions parlementaires, Graham Cox, écrivait dans la Presse canadienne que, partout, les sessions se prolongent à travers tout le pays. Et il donnait là un résumé complet des dix provinces et il disait; « Dans la Colombie-Britanique, autrefois, les sessions duraient 30 jours et aujourd'hui elles durent trois mois ou quatre mois. Dans la Nouvelle-Ecosse et dans le Nouveau-Brunswick, trois ou quatre semaines; elles durent de six à huit semaines ». Il disait, dans son article, qu'en Ontario, autrefois, les sessions duraient deux mois; maintenant elles atteingnent cinq mois. Plusieurs disaient, à ce moment-là, que le parlement devrait aujourd'hui, à cause des législations et à cause des fonctions importantes qu'il est appelé à jouer pour empêcher la bureaucratie de prendre pied dans notre système parlementaire, que les sessions devraient, comme disait le chef de l'Opposition, M. Robert Strachan, qu'à son avis, la Législature ne devrait ajourner que pendant 30 jours au cours des mois d'été et qu'elle devrait siéger régulièrement, sauf les congés de fin de semaine et les autres congés.

M. le Président, je dis que cette motion est très importante parce que, d'abord, elle change un peu notre visage parlementaire et elle amène, dans des comités formés par la Chambre, toute une équipe de députés qui seront mis au travail et, comme disait si bien le leader de la Chambre en 1954, le 9 décembre 1954...

M. LAPORTE: Une chance que ce n'était pas le 9 août.

M. BELLEMARE: ... il écrivait ceci, M. le Président, dans un article que j'ai découvert tout dernièrement: « L'Opposition doit avoir la liberté d'exprimer toute sa pensée et le gouvernement doit avoir, lui, la patience, sinon d'écouter, du moins d'attendre sans murmurer que ces messieurs de la gauche aient fini. »

M. LAPORTE: Ce n'est pas facile.

M. BELLEMARE: « Car c'est plus agréable d'encenser le gouvernement que de le critiquer, disait M. Laporte, mais la critique est plus nécessaire que les vapeurs d'encens. » C'est le leader du gouvernement aujourd'hui, M. Pierre Laporte, qui écrivait ça dans un article intitulé: « Quel est le rôle de l'Opposition? »

M. LAPORTE: C'est ça.

M. BELLEMARE: M. le Président, il ajoutait une phrase un peu caractéristique; « L'Opposition a le devoir de réclamer tous ses privilèges, autrement, elle perdrait sa véritable raison d'être. »

M. LAPORTE : C'est à peu près ça.

M. BELLEMARE: M. le Président, c'est pourquoi aujourd'hui, devant cette motion qui nous est faite, nous apportons notre concours pour dire que c'est utile parce que, plus que jamais, les sessions sont portées à s'allonger, et il suffit de ne regarder que depuis 1960 les statistiques que nous retrouvons, dans mon bureau, mais surtout dans les journaux de l'Assemblée législative pour s'apercevoir que les sessions sont très longues aujourd'hui.

M. LAPORTE: Elles sont plus longues; ça, on n'a pas besoin de statistiques.

M. BELLEMARE: En 1960-1961, la session a duré 107 jours, la plus longue session qu'on ait connue. En 1962, la session a commencé le 9 janvier et elle s'est terminée le 6 juillet. En 1963, elle a commencé le 11 janvier, elle s'est terminée le 15 juillet. En 1964, elle a commencé le 14 janvier et puis elle s'est terminée le 31 juillet. En 1965, elle a commencé le 21 janvier et puis elle s'est terminée le 5 août. M. le Président, je dis que, dans ces longues sessions, il y a aussi plusieurs aspects qu'il faut regarder. Regardons, par exemple, une année en particulier — parce que je ne veux pas citer toutes les statistiques que j'ai ou que plusieurs autres ont dans leurs dossiers — seulement dans une année, dans une session qui a duré 107 jours, 1961. Il y a eu, dans cette session de 107 jours, 14 jours pour le bill de Montréal et le bill de la corporation métropolitaine. Il y a eu 23 jours de congé de Noel, intermission, il y a eu 14 jours pour le bill 34 dans les comités, il y a eu 21 jours pour le congé de Pâques...

M. LAPORTE: Pour siéger"?

M. BELLEMARE: Bon, non, je dis la longueur des sessions. Et sept jours, M. le Président pour la conférence fédérale-provinciale, où nous avons ajourné. Donc, 79 jours où nous n'avons pas siégé pour la période du 9 janvier au 6 juillet. Et bien des gens viennent dans les galeries et sont déçus.

C'est M. Pierre Laporte qui, lundi le 13 février 1961, alors qu'il était rédacteur pour le Devoir, écrivait: « Est-ce là le véritable visage de nos députés? » Il nous regardait de là, dans ce temps-là. « Est-ce là le véritable visage de nos députés? » et il disait: « Une trentaine de membres d'une Chambre de commerce des jeunes ont assisté aux délibérations de l'Assemblée législative la semaine dernière. Ils ont accepté de donner par écrit leurs impressions. On a presque honte de ce qu'ils ont dit. Pas pour eux, pour nos députés ».

M. LAPORTE: C'est ça.

M. BELLEMARE: C'est le leader de la Chambre. C'était le gouvernement libéral qui était au pouvoir dans le temps.

M. LAPORTE: Qu'est-ce que ça change, ça?

M. BELLEMARE: Une minute, on ne va pas déchirer ça, c'est trop bien écrit. Je conserve ça comme la prunelle de mes yeux.

Et, M. le Président, là les jeunes ont dit: « C'est une grande déception. C'est une absence de décorum. Il semble qu'on devrait écouter l'adversaire. Je trouve qu'il y a une manque d'ordre quasi total. Personne n'écoute. Un grand nombre de jeunes ont souligné le manque de sérieux. C'est ridicule. Je vous dirai que j'ai trouvé ça enfantin. On a l'impression que les députés s'amusent. Les débats aujourd'hui m'ont paru simplement enfantins. Je croyais qu'une séance de la session, c'était quelque chose de très sérieux. J'admets que nos députés puissent se dérider, mais pas aux dépens des contribuables » et le reste, et le reste. Et là, M. Laporte dit tout ça dans son article sur ce que lui ont rapporté les jeunes et il termine comme ceci... M. Laporte, M. le Président, c'est le député de Chambly, le leader de la Chambre...

M. BERTRAND: Aujourd'hui.

M. BELLEMARE: ... « Voilà ce qu'on a pensé de vous, messieurs, qui sigez au Salon de la Race. » Cela, c'était écrit pour nous autres dans le temps. « Trente jeunes gens à qui l'on

enseigne le civisme ont cessé de vous prendre au sérieux, messieurs de la Chambre. Les milliers de personnes qui visitent chaque année les tribunes réservées au public rapportent probablement la même impression de manque de décorum, de petite politique, d'impolitesse, d'absence de sérieux. Terminons quand même sur la note optimiste d'un de ceux qui ont donné leurs impressions, ses remarques sont sans malice. Je sais que vous essayez de remédier à cet état de choses, il le faut, dit M. Laporte, car c'est terrible de penser que l'on a vu votre vrai visage à l'Assemblée législative, messieurs les députés. » Pierre Laporte, le 13 février 1961.

M. le Président, est-ce que ça a bien changé depuis que l'honorable leader est en Chambre? Est-ce que les jeunes ont remarqué dans les galeries que ça s'est amélioré? Bien non, c'est le leader qui disait cet après-midi: On siège au comité, on siège en Chambre, on siège partout, on n'a presque pas le temps de lire sa correspondance, on n'a pas le temps de lire ses journaux. C'est le leader qui revenait cet après-midi sur son article et qui s'excusait, lui, de travailler en Chambre, même si dans les galeries les gens nous regardent faire. Quelques-uns lisent, d'autres travaillent, d'autres s'occupent à faire de la correspondance, et le reste.

Je dis que si nous ne voulons pas que le véritable parlementarisme soit répudié dans l'opinion publique, il faudra qu'en Chambre toutes les questions soient traitées très sérieusement, extrêmement sérieusement, et que les banquettes que l'on voit et qui sont à $18,000 par année soient remplies. Si nous avons accepté d'être mandatés par nos électeurs, si nous avons accepté d'être leurs représentants ici même dans cette Assemblée législative pour partager les soucis de l'administration et apporter notre concours à l'établissement d'un Québec meilleur par sa législation, par l'étude de ses crédits et de ses budgets et par l'étude que nous faisons dans les comités, je dis que $18,000, c'est bien payé et que les députés devraient être à leur siège et rester à leur siège pour prendre part à la discussion et prendre part, surtout, à l'administration de la province. Et c'est alors que l'on donnerait un bon exemple à tout le monde. C'est alors que les visiteurs sortiraient de la Chambre édifiés de la manière dont les parlementaires travaillent et sont sérieux en Chambre.

Sinon, M. le Président, il faudra avant longtemps changer notre système parlementaire. Il faudra administrer la province avec un conseil exécutif uniquement, parce que le rôle que nous sommes venus jouer ici dans cette enceinte ne comptera plus. Si nous perdons dans l'opinion publique la confiance qu'ont mise en nous ceux qui nous ont délégués, pas ceux qui viennent nous voir, mais ceux qui nous ont délégués dans ce Parlement, eh bien! c'en sera fini de la démocratie.

On rit. On trouvera ça drôle en certaines circonstances de dire : On ira travailler dans nos bureaux, il y en a ici qui donnent des exemples merveilleux d'assistance aux séances. J'ai un registre, depuis vingt ans, des assistances dans le parlement. C'est fantastique de constater combien il y a des députés sérieux des deux côtés de la Chambre, qui siègent et qui remplissent admirablement bienleur mandat. C'est pour ça qu'on est élu. On gagne $18,000 par année pour s'occuper de quoi? De nos affaires? Non. Pour s'occuper des choses de l'Etat. On est délégué, on est mandaté, on est élu. On se fait élire dans une élection pour venir siéger au parlement de la nation, pour apporter notre concours, si faible soit-il.

En certaines classes, en certains milieux, on le trouve peut-être ridicule notre concours. Mais qu'importe! Nous le faisons avec toute la dextérité et surtout la bonne volonté et surtout le sens pratique que nous pouvons apporter dans ces débats. Si nous voulons que notre Chambre des députés reste l'Assemblée législative digne, nous ne répéterons pas de ces actes de folklore qui ne sont pas de mise dans ce parlement. Nous éviterons, ce que disait un jour un grand auteur de parlementarisme, de faire des personnalités. C'est M. Smallwood qui donnait les dix commandements d'un bon parlementaire, M. Smallwood, le premier ministre de Terre-Neuve, disait que nous ne devrions jamais en Chambre essayer de ridiculier le passé d'un homme public, jamais. Je dis et je répète que, si nous voulons être objectifs, si nous voulons véritablement accomplir notre rôle, nous devons venir en cette Chambre pour écouter d'abord l'énoncé des lois, les arguments sérieux que nous présente le gouvernement, et, dans l'esprit de la fonction que nous occupons, critiques ces lois-là, apporter nos suggestions, et je dis que nous accomplirons véritablement notre tâche.

Il ne faut pas que les ministres qui viendront dans les comités que nous allons former soient offensés parce que nous les questionnons. C'est le rôle de la démocratie. Nous avons le devoir de les questionner sur l'administration des budgets qui sont mis a leur disposition par l'Assemblée législative, et c'est ça que certains ministres ne peuvent pas concevoir, qu'ils soient interrogés. Ces gens-là

qui règnent dans une espèce de bourgeoisie administrative.

M. LESAGE: Voyons!

M. BELLEMARE: Je suis bien poli. Je pense que le terme est bien choisi.

M. LESAGE: Est-ce que nous ne venons pas de recevoir une leçon de dignité parlementaire quant à l'utilisation des termes?

M. BELLEMARE: Oui, mais j'ai dit: Bourgeoisie parlementaire.

M. LESAGE: Vous l'avez ajouté après coup.

M. BELLEMARE: Non, je le disais. Bon, je vais dire dans des bureaux bien capitonnés.

M. LESAGE: C'est beaucoup mieux. Vous viendrez dans le mien, vous chercherez le capitonnage dans mon bureau.

M. BELLEMARE: Je rends un témoignage au premier ministre que c'est un grand travailleur lui-aussi. Je lui rends le témoignage que, si tout le monde travaillait comme lui, ce serait beaucoup mieux, mais le premier ministre en fait trop tout seul. Je lui rends ce témoignage-là ce soir. Il répète les erreurs peut-être d'autres, mais je continue et je termine...

M. LESAGE: Je regrette, je m'excuse. Est-ce que je pourrais demander au député de Champlain, qui parle de parlementarisme, qui dit qu'il faut édifier les gens qui sont dans les galeries, de ne pas essayer de faire croire à ceux qui sont ici, à ceux qui nous écoutent ou à ceux qui liront les journaux demain, que les ministres ont des bureaux capitonnés, des bureaux luxueux. Le chef — je l'appelle toujours le chef, excusez-moi — le député de Champlain sait fort bien que les bureaux que j'occupe — il y est venu — ne sont pas capitonnés, qu'ils sont très simples. Il me semble qu'il devrait donner l'exemple, en ne soulevant pas les passions populaires, en prétendant que les bureaux des ministres sont généralement luxueux.

M. BELLEMARE: Si le premier ministre m'avait laissé terminer sans m'accrocher au passage, j'aurais terminé cette affaire-là.

M. LESAGE: C'est parce que vous m'avez accroché en passant.

M. BELLEMARE: Je dis qu'il ne faut pas que les honorables ministres, qui sont questionnés dans les comités, s'offensent des questions que nous pouvons leur poser. ... Nous ne le faisons pas par vengeance, nous ne cherchons pas la « bibite » noire. Mais nous avons un devoir, celui d'examiner les fonds mis à la disposition de la province pour chaun des ministères et c'est avec beaucoup...

M. LESAGE: D'accord.

M. BELLEMARE: ... d'amitié que nous le faisons et je dis, M. le Président, que si en certaines circonstances, moi personnellement, je puis élever le ton, la première à s'en plaindre c'est certainement mon épouse dans ma maison. J'ai un verbe qui est très fort et puis...

M. LESAGE: Cela ne fait rien.

M. BELLEMARE: ... je ne le changerai pas à la maison. M. le Président, je m'en vais essayer d'être plus objectif et moins fort.

M. le Président,...

M., LESAGE: Tant que vous ne serez pas bourgeois, ça va bien aller.

M. BELLEMARE : ... revenant à la motion qui est devant nous, je demande aujourd'hui, comme peut-être un des plus anciens de cette Chambre, un des plus anciens, je commence ma vingt-cinquième session, j'ai été fidèle...

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: ... comme peut-être pas un. Attaché à mon bureau mais attaché aussi à mon pupitre, pour suivre, M. le Président, toutes les délibérations, pour tâcher de rendre le plus de service et à mon comté et à ma province. Il y a là peut-être pour bien des députés dans cette Chambre, bien des députés qui y gagneraient énormément de rester en Chambre pour recevoir certaines leçons qu'on apprend par l'expérience qu'on y prend. Ah! le premier ministre va dire; « Vous avez été un « back bencher » pendant tant d'années...

M. LESAGE: Oh non, non, non!

M. BELLEMARE: Oui, monsieur, j'ai appris par l'exemple et quand je suis tombé sur la glace, quand je suis retombé sur la glace, j'ai fait quelques bons points.

M. LESAGE: Ce n'est pas à ça que je pensais du tout. Je pensais à ce que le député de

Champlain venait de dire, qu'il était attaché à son pupitre; puis je pensais au genre de corde. J'ai dit: Ça ne peut pas être une corde, il faut que ce soit un élastique. Je riais de mes propres pensées.

M. BELLEMARE: Alors je continue en disant que si nous voulons que nos électeurs, dans nos comtés personnels qui ont foi eux autres dans la démocratie, qui y croient parce qu'il n'y en a peut-être pas 90% qui sont venus dans le parlement voir comment ça se passe. Tellement que quand on vient leur montrer le parlement à quelques délégations qui nous visitent, elles sont toutes ébahies. Elles ont dit: C'est l'Assemblée législative. Puis là on voit que dans leur visage s'imprègne une certaine vénération des lieux. On voit qu'elles ont du respect, on voit qu'elles sont attirées par ce décorum et c'est quand plusieurs débats commencent que le décorum et le « salon de la race » commencent à perdre de leur valeur. Quand il est surtout mal meublé.

M. le Président, je termine, je suis bien heureux de voir que le leader du gouvernement dans cette Chambre a accepté l'amendement qui a été suggéré parce que je considère que cet amendement est un amendement extrêmement sérieux et qui, d'ailleurs, a toute sa raison d'être. S'il fallait qu'à un moment donné le comité des bills publics par exemple siège, que la Chambre siège, que le comité des bills privés siège, que le comité de la santé siège, je vous garantis, messieurs, que les forces de tout le monde seraient réellement éparpillées. Ou supposons par exemple qu'un comité siégerait en bas comme on l'annonce dans 382, on pourrait former un comité et dire par exemple; C'est le ministère des Finances, on descend en bas, le ministère, des Finances n'est pas terminé...

M. LESAGE : On peut rester en haut.

M. BELLEMARE: Non, mais on n'a pas terminé l'étude des crédits du ministère des Finances et, à l'autre séance, on dit l'Agriculture. Alors on aurait pu faire ça. Ah non! à cause de l'amendement qui a été apporté là, on finira les Finances ou l'Agriculture. On fera le rapport immédiatement au comité des subsides et là si on a d'autres choses à dire sur ce comité-là, on le fera immédiatement au lieu d'arriver à la fin de la session et puis dire; Adopté, adopté sans aucune remarque concernant ce ministère.

M. le Président, je suis très heureux d'avoir pris part à cette présentation de motion pour dire à l'honorable premier ministre que, si les sessions s'allongent, ce n'est pas de l'obstruction de la part des membres de l'Opposition. Au contraire, nous avons collaboré à toutes les années lorsqu'il s'est agi du code du travail, nous avons passé enbas presque trois semaines, lorsqu'il s'est agi des lois agricoles, des marchés agricoles et des autres, nous avons passé trente-quatre heures en bas, dans les comités, à siéger. Lorsqu'il s'est agi de la Loi des liqueurs, encore de même toujours; l'Opposition collaborera sans obstruction, mais de grâce revenons donc à ces cinq règlements que quelques membres de la Chambre invoquent souvent.

M. LESAGE: Cinq ou saints?

M. BELLEMARE: Saints. Les saints règlements. La sainteté.

M. LESAGE: C'est le saint règlement!

M. BELLEMARE: La sainteté du député. M. le Président, si on suivait unpeu ces règlements-là, combien le premier ministre serait heureux, le soir, pas fâché et nous non plus.

M. LESAGE: Oui. Je ne suis pas fâché! M. le Président, le député de Champlain et le chef de l'Opposition ont tous deux approuvé, avec l'amendement apporté par le député de Bagot, la proposition du leader du gouvernement en Chambre. J'en suis très heureux. Je crois que nous pourrons maintenant procéder d'une façon ordonnée et démocratique et je veux me joindre au chef de l'Opposition pour bien établir que si plusieurs banquettes sont souvent libres en Chambre, c'est parce que des comités siègent.

Et je dois ajouter que si, à plusieurs reprises des banquettes de ministres sont vides, c'est que pendant que la Chambre siège et même pendant que des comités siègent en même temps que la Chambre, des ministres doivent se réunir en comités interministériels. Cela s'est produit hier. Cela s'est produit aujourd'hui et cela se produit encore ce soir. Il y a un comité interministériel qui siège, qui doit faire rapport à une séance du conseil des ministres qui aura lieu demain matin à neuf heures. Le conseil des ministres se réunit tous les matins, de ce temps-ci, à neuf heures, avant la séance du matin. Et ce sont des comités interministériels ou des comités de haut-fonctionnaires présidés par un ministre qui préparent le travail pour le lendemain. L'on est souvent porté, alors, à critiquer l'absence des ministres. Evidemment, les ministres ont leur ministère à administrer. C'est vrai. Mais il y a plus que cela. C'est que le conseil des ministres, comme tel, doit souvent charger un ou plusieurs ministres de l'étude d'une question particulièrement difficile. Etces

questions particulièrement difficiles, elles pullulent. Alors il faut être très prudent dans l'interprétation que l'on donne à l'absence d'un ou de plusieurs ministres à certains moments en Chambre.

Le député de Champlain a dit qu'il fallait être attaché à son pupitre. Sans revenir sur la facétie que j'ai faite à son sujet, je voudrais dire que moi aussi je tiens à être ici le plus souvent possible. Mais il est clair qu'il m'arrive d'être obligé de préparer des choses dans mon bureau, qui peuvent paraître aussi insignifiantes que le budget, par exemple. Il faut tout de même que ça se prépare.

M. JOHNSON: En d'autres termes, vous avez plusieurs pupitres.

M. LESAGE: Oui, j'ai plusieurs pupitres. Et j'ai plusieurs interlocuteurs. C'est vrai pour les autres ministres et c'est souvent vrai pour les députés aussi. Il n'y a pas de doute qu'il y a des députés qui reçoivent des délégations de leur comté ou de leur région et qui peuvent difficilement les recevoir en dehors des heures où la Chambre siège quand nous siégeons toute la journée. C'est assez difficile, à moins de fermer sa porte. Et il n'est pas normal de fermer sa porte.

M. BELLEMARE: Non, non, on ne va pas fermer sa porte.

M. LESAGE: Il n'est pas normal de fermer sa porte. Alors il peut arriver, et il arrive que des députés soient obligés de recevoir des délétations. Le député de Champlain le sait aussi bien que moi.

M. BELLEMARE: J'en reçois, mais pas pendant les heures de séance.

M. LESAGE: Mais il peut arriver qu'il soit impossible de faire autrement.

M. BELLEMARE: J'ai déjà été de l'autre côté et je n'en recevais pas non plus.

M. LESAGE: Oui, mais il peut arriver qu'il soit impossible de faire autrement.

M. BELLEMARE: Pas trois ou quatre députés en Chambre.

M. LESAGE: Cela m'est arrivé. Bien, ce serait injuste de dire qu'il y a trois ou quatre députés en Chambre ce soir.

M. BELLEMARE: Ah non, c'est un peu mieux, là.

M. LESAGE: Oui, franchement.

M. BELLEMARE: Il n'y a pas de comité qui siège, excepté le carnaval.

M. LESAGE: Oui, mais alors ça démontre le sérieux des députés. S'il y a une grande manifestation du carnaval et que les députés sont aussi nombreux en Chambre, ça démontre bien le sérieux des députés qui font partie de cette Législature, et j'en suis très heureux. Le député de Champlain a parlé de la longueur des sessions. Un journaliste m'a questionné au moment où j'allais souper ce soir, à ce sujet-là, et il m'a demandé si je trouvais que la session retardait beaucoup. J'ai dit; « Non, il n'y a rien d'anormal. » Il y avait un débat sur l'adresse en réponse au discours du Trône, on a procédé normalement. Nous siégerons même le matin parce que les comités ne siègent pas tant que l'adresse n'est pas adoptée. Il y a eu un amendement sur une question importante qui est très vivante, si l'on veut, la question de l'éducation dans la province. On a choisi de la discuter par un amendement sur la motion pour l'adoption de l'adresse, il n'y a rien d'anormal là-dedans.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: Le débat devait avoir lieu, de toute façon, durant la session et il a eu lieu. C'est ce que j'ai expliqué au journaliste qui m'a questionné. Il y avait des crédits, des crédits supplémentaires. Ce n'étaient pas des crédits supplémentaires ordinaires, c'étaient des crédits supplémentaires de $54 millions, soit plus...

M. BELLEMARE: Six heures et dix minutes.

M. LESAGE: ... que le budget de la province il y a 30 ans...

M. BELLEMARE: C'est ça, six heures et dix minutes pour $54 millions.

M. LESAGE: ... oui, pour $54 millions, soit beaucoup plus que le budget de la province il y a 30 ans.

M. BELLEMARE: Ce n'est que normal.

M. LESAGE: Et ça prenait des jours et des jours pour adopter un budget de $35 millions. Et nous avons adopté, en deux jours...

M. BELLEMARE: Six heures et 22 minutes.

M. LESAGE: Oui, je n'ai pas calculé les heures... deux jours de séances, un budget de $54 millions. Encore là, rien d'anormal. Nous procédons donc normalement malgré quelques accrochages depuis le début de la session. Mon Dieu, comme dit le chef de l'Opposition, nous aurons toujours nos tempéraments latins et le député de Bellechasse, le député de Champlain et moi-même nous en débarrasserons difficilement. Je pense bien que nous sommes nés avec et que nous mourrons avec; il faut bien nous prendre tels que nous sommes, ne pas imaginer que nous pouvons corriger tous nos élans ou les arrêter d'un coup sec et dire: « Maintenant, c'est fini. »

M. BELLEMARE: C'est moins grave.

M. LESAGE: Je sais que le député de Champlain, comme moi, a essayé de se convaincre de ça à plusieurs reprises, mais chassez le naturel il revient au galop... Pardon?

M. ALLARD: C'est ce qu'on craint.

M. LESAGE: Ne craignez pas à ce moment-ci.

M. ALLARD: Cela va être terrible tantôt.

M. LESAGE: Bien, vous voyez, M. le président...

M. LAPORTE: Ils ont peur d'avoir peur.

M. LESAGE: C'est comme Micaéla. Le député de la Beauce est comme Micaéla: « Et j'ai peur d'avoir peur. » Un fameux aria, « J'ai peur d'avoir peur», dans Carmen. Je le connais...

M. ALLARD: Le temps nous le dira.

M. LESAGE: Oui, c'est ça, hélas. Mais, quant à la longueur des sessions, nous avons décidé et tous ensemble, nous étions d'accord, au moment où le salaire a été élevé à $18,000 par année, que nous siégerions à l'année...

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: ... et nous avons commencé au mois de janvier, nous continuerons jusqu'à...

M. BELLEMARE: Jusqu'au 2 avril.

M. LESAGE: ... j'ai l'intention de prononcer le discours du budget le 31 mars; nous aurons les vacances de Pâques, ce sera le 1er ou le 2 avril que nous quitterons...

M. BELLEMARE: La prorogation, c'est le 2.

M. LESAGE: ... et nous reviendrons — Pâques est le 10 — nous reviendrons le 19 et nous siégerons jusque vers le 23 juin, je suppose, la veille de la St-Jean-Baptiste, en même temps que les élèves des écoles spécialisées, de l'enseignement spécialisé.

Nous aurons comme eux les vacances d'été et puis nous reviendrons en septembre pour siéger...

UNE VOIX: Jusqu'en décembre.

M. LESAGE: ... jusqu'aux vacances des fêtes...

M. JOHNSON: C'est ça.

M. LESAGE: ... et ce sera le régime régulier, tous les ans. Evidemment, à un moment donné, il faudra que nous décidions tous de déclarer une petite grève que quelque cinquante jours pour faire les élections.

UNE VOIX: C'est ça.

M. LESAGE: Mais il faudra bien, et nous nous entendrons à ce moment-là sur les services essentiels.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: Nous aurons notre petite grève de cinquante jours et nous...

M. LOUBIER: Cela!

M. LESAGE: ... reviendrons travailler, ceux qui auront survécu à la grève.

M. BERTRAND: Cela...

M. LESAGE: Mais à quel moment aura lieu cette grève? C'est comme toutes les grèves, c'est très difficile de le déterminer d'avance. La loi prévoit comme le code du travail, les délais. Il faut un avis et l'avis sera donné. C'est un avis d'au moins 49 jours ou 46 jours, je ne sais trop, ça me préoccupe peu dans le moment, mais il faudra un avis, peut-être en 1967...

M. LOUBIER: Il faut attendre...

M. LESAGE: ... parce que nous pouvons fort bien, en 1966, faire tout ce que nous voulons faire. Mais de toutes façons, maintenant, nous siégerons à l'année.

M. BERTRAND: Cela aura lieu un dimanche? M. LESAGE: J'ai l'intention... M. LAPORTE: La fin de la grève?

M. LESAGE: ... de faire ça un dimanche, que la grève se termine un dimanche.

M. BELLEMARE: Cela ne peut pas être en octobre.

M. LESAGE: J'ai l'intention que la grève se termine un dimanche. Franchement oui.

UNE VOIX: Le jour du Seigneur.

M. LESAGE: Mais ce qu'il y a, c'est que je n'ai pas choisi le dimanche, c'est ça qui...

M. BELLEMARE: Vous ne dérangerez pas la grève de Montréal en octobre.

M. LESAGE: C'est vrai, il va y avoir une petite grève à Montréal en octobre. Eux, c'est fixé par la loi, leur date de grève est fixée.

M. BELLEMARE: Le 23 octobre.

M. LESAGE: Mais je crois franchement qu'avec ce système, les députés et tous les députés qui réellement viennent en Chambre — je ne parle pas de ceux qui sont malades — gagnent leurs $18,000 par année comme je l'ai dit l'an dernier, et qu'ils justifient cette dépense des fonds publics. Les heures sont longues ici, il faut qu'ils retournent dans leur comté en fin de semaine et durant les sessions. Quand ils sont chez eux en fin de semaine, etpuisque nous siégerons à l'année, ils n'ont pas grand temps de voir leur famille parce que leurs électeurs veulent les voir. C'était comme ça, c'est comme ça et ce sera comme ça...

M. BELLEMARE: Surtout les listes... M. LESAGE: ... il n'y a pas d'erreur.

M. BELLEMARE: L'apostolat de la présence.

M. LESAGE: Il est évident que le député de Champlain a dit: Il faudrait peut-être changer le système parlementaire. Non, je pense que c'est un système bien éprouvé, que celui qui est le nôtre ici; un système qui a prouvé qu'il pouvait fonctionner, et bien fonctionner, pour le plus grand avantage et de la province et de ses citoyens. En plusieurs circonstances, souvent graves, le parlementarisme a définitivement joué un rôle majeur. Je n'ai pas l'intention de refaire l'histoire depuis 1867 pour réciter les cas où ça s'est produit, et ça s'est produit régulièrement, même il y a eu des cas depuis 1960 où un sain parlementarisme a permis d'éclairer le gouvernement, de faire voir au gouvernement des aspects de certaines questions auxquelles il n'avait peut-être pas attaché suffisamment d'importance, je le reconnais; je l'ai reconnu déjà d'ailleurs. Et pour cela, il faut que les députés travaillent, il faut que l'Opposition remplisse sérieusement son rôle, et il est certain que nous avons nos défauts — l'Opposition a ses défauts — mais que, dans le fond, quand nous examinons sérieusement la situation, nous faisons notre possible...

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: ... avec nos défauts, avec, mon Dieu, nos incartades, nos emportements...

M. BELLEMARE: Le matin surtout.

M. LESAGE: ... pas spécialement le matin...

M. BELLEMARE: Quand ça part.

M. LESAGE: On m'accusait autrefois de me fâcher le soir, maintenant on m'accuse de me fâcher le matin. Ce qu'il y a, c'est que je suis comme le député de Champlain, j'ai une grosse voix, et puis les gens, quand je parle, s'imaginent que je suis fâché. Ce n'est pas ma faute, j'ai une voix pleine, qui résonne et...

M. BELLEMARE: Vous avez le couteau plus coupant que le mien.

M. LESAGE: Pardon?

M. BELLEMARE: Vous avez un couteau plus coupant que le mien.

M. LESAGE: Bien, j'ai parfois le ton sec, oui.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: Mais le député de Champlain a

le ton peut-être moins sec, mais il a joliment de volume.

M. BELLEMARE: Ah! oui. C'est mon haut-parleur qui...

M. LESAGE: Il a joliment de volume, il n'a pas besoin de ça du tout.

M. DOZOIS: N'ajustez pas votre appareil!

M. LESAGE: On parle de ne jamais ridiculiser personne en Chambre, c'est bien important, mais il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que, très souvent, comme lorsqu'il y a des enfants qui jouent ensemble, une taquinerie en amène une autre, on rit au départ, d'une affaire à l'autre, quelqu'un est blessé, et l'homme blessé, comme l'animal blessé, rugit. Les choses s'enveniment, et c'est là que se donnent des spectables plus ou moins agréables à voir. Comment éviter ça complètement? Vous savez, moi, je n'ai pas tellement foi dans la perfection humaine. Je ne pense pas que nous réussirons jamais à éviter complètement les scènes disgracieuses.

J'ai vu à la Chambre des communes à Ottawa où l'atmosphère est généralement beaucoup plus froide qu'ici, des scènes de tourmente auxquelles ont participé des hommes qui avaient la réputation d'être des hommes très calmes, des hommes pondérés, mais qui s'étaient laissés emporter par des circonstances particulières. C'est presque un défaut inévitable du système, et il ne faut pas s'imaginer que, parce que parfois il y a en cette Chambre de ces scènes que l'on pourrait appeler impoliment des engueulades, le parlementarisme est en danger. Cela s'est toujours produit, non seulement ici, mais ailleurs. Que nous fassions des efforts méritoires pour les éviter le plus souvent possible, tant mieux; que nous fassions des efforts pour s'en tenir à la question à l'étude; que nous fassions des efforts pour expédier le travail, nous aurons déjà beaucoup gagné. Si nous pouvions, par exemple, lors de l'étude de modifications à nos règlements, apporter certains amendements quant à la période de temps à laquelle un député a droit, au cours d'un débat, d'un débat formel, disons, ou encore au cours des discussions en comité... Je sais qu'en comité à la Chambre des communes c'était vingt minutes; je ne sais pas ce que c'est maintenant, mais c'était vingt minutes sur un item, sur chaque item. Ici c'est une heure sur chaque item. Eh bien! on pourrait peut-être essayer ça. Cela n'arrive pas souvent qu'il y a plus que vingt minutes prises par un député sur un item, mais enfin ça arrive et ça prolonge la session et c'est souvent lorsquel'on discute trop longtemps un même item qui, pour de nombreux députés, paraît insignifiant, que l'impatience gagne les députés et que les scènes disgracieuses se produisent.

Est-ce que nous ne devrions pas essayer le système de vingt minutes en comité? Peut-être, enfin ce ne sont pas mes affaires. Je ne fais pas partie du comité des règlements. Il y a un comité qui est chargé de ça, c'est une chose que nous pourrions essayer. L'amendement qui est proposé, qui est accepté est de nature à hâter le travail sessionnel et c'est nécessaire même si nous siégeons à l'année parce qu'autrement nous ne pouvons pas arriver. Notre devoir et celui de ceux qui siègent de ce côté-ci de la Chambre comme celui de ceux qui siègent de l'autre côté de la Chambre, c'est de tenter de couvrir tous les points de l'administration et de la politique provinciale au cours d'une session, tous les points.

M. BELLEMARE: Oui, mais on n'en a pas assez.

M. LESAGE: Si on veut le faire, eh bien! avec les mêmes vacances que les écoliers et en siégeant à l'année avec les heures que nous suivons ici en Chambre, en siégeant le matin, l'après-midi et le soir. Lorsque les comités siègent le matin, et les comités en même temps que la Chambre, nous avons juste le temps nécessaire pour couvrir tout le terrain, y compris la législation qui souvent est difficile, complexe, de plus en plus complexe...

M. BELLEMARE: Oui, les mines.

M. LESAGE: ... au fur et à mesure que nous progressons dans le monde moderne. Alors nous avons besoin de tout le temps et les propositions du genre de celle qui a été acceptée, une étude plus fouillée, pas plus qu'elle ne l'a été, mais enfin une étude fouillée... Je ne veux blâmer personne, du règlement pour essayer de mettre certaines limites de consentement, tout le monde, je ne voudrais pas...

M. BELLEMARE: C'est une résolution. M. LESAGE: ... imposer quoi que ce soit... M. BELLEMARE: C'est une résolution.

M. LESAGE: ... je ne voudrais pas imposer quoi que ce soit, mais de consentement, en homme raisonnable, ce serait certainement de nature

non pas à hâter, mais à rendre plus efficace et à accélérer chacune des études de façon à couvrir le plus d'études, le plus de points possibles, afin qu'il ne soit pas dit ce qui arrive trop souvent: Eh bien! sur ce point très important, pas un mot, alors que l'on a perdu son temps sur une question de détail; alors, si nos règles étaient plus sévères, nous pourrions perdre moins de temps sur des questions de détail et couvrir tout le terrain. J'espère que le comité du règlement, à l'étude du règlement, pourra trouver des suggestions à nous faire et qui seront utiles, comme la modification qui est proposée ce soir et qui a été acceptée par tous.

M. LE PRESIDENT: La motion telle que modifiée est-elle acceptée unaniment? Adoptée. Monsieur Lesage.

Débat sur l'adresse

M. LESAGE: M. le Président, les heures de ce débat m'obligent très souvent, m'ont obligé à refaire, comme je l'avais laissé entendre cet après-midi, l'ordre dans lequel j'ai l'intention de traiter les divers sujets qui me préoccupent. J'avais dit cet après-midi que j'avais l'intention de parler de l'administration, de la politique sociale, de la politique économique. J'ajoute la politique financière, j'aurais dû la mentionner cet après-midi. Je voulais aussi traiter plus particulièrement de la situation constitutionnelle à laquelle a fait allusion assez longuement le chef de l'Opposition dans son intervention ou si l'on veut de certains aspects importants des relations fédérales-provinciales.

Je crois que je devrais commencer par ce dernier quitte à revenir ensuite à l'administratif, au social, à l'économique et au financier, aux aspects administratif, social, économique et financier; mais d'abord, je crois que je devrais traiter certains aspects, et assez profondément, des relations fédérales-provinciales. Comme je le disais, le chef de l'Opposition en a traité assez longuement à la fin de son intervention.

Quelle est l'attitude que pouvait prendre le chef de l'Opposition devant les succès que l'administration ou le gouvernement a remportés dans le domaine des relations fédérales-provinciales. Evidemment, il était bien mal placé pour admettre l'importance de ces succès parce que, si lui et ses collègues de l'autre côté font état des progrès que nous avons accomplis, eh bien! ils reconnaissent du même coup qu'en ce secteur, la chose publique au Québec est vraiment entre bonnes mains. D'autre part, il leur est évidemment impossible, il leur est clairement impossible, devrais-je dire, de nier l'évidence en prétendant que nous n'avons rien réussi. Toute la population, d'ailleurs, sait trop bien à quoi s'en tenir à ce sujet pour qu'ils puissent nier l'évidence.

Dans ces circonstances, et je me mets à la place du chef de l'Opposition et de ses collègues, je me demande quelle peut bien être leur tactique. Ce n'est pas facile d'en trouver une. Je l'admets. Si j'étais à leur place, je serais fort embarrassé.

Jusqu'à assez récemment, le chef de l'Opposition essayait de s'en tirer en minimisant le résultat de notre action et en s'efforçant de faire croire à tout le monde, sans succès d'ailleurs ou peut-être avec quelques itimes, que lui, à notre place, il aurait fait des prodiges. Mais il a, depuis quelque temps, adopté une autre tactique, tactique d'ailleurs dont j'ai parlé un peu cet après-midi dans des termes qui étaient peut-être... qui ont été pris moins sérieusement que ceux que j'utilise ce soir; malgré que, sous une forme que certains ont pu trouver amusante, j'ai voulu démontrer la difficulté dans laquelle se trouvait le chef de l'Opposition pour nous attaquer dans le domaine des relations fédérales-provinciales et démontrer aussi à quelle sorte de tactique, qui ne pouvait tenir, il avait dû avoir recours.

Mais là, sa tactique depuis quelque temps et dernièrement encore, elle est celle de son chef véritable, comme je l'ai démontré cet après-midi, M. Diefenbaker. Remarquez que tous les deux disent la même chose. Ils prétendent que les conflits Ottawa-Québec sont un écran de fumée et qu'au fond, les libéraux d'Ottawa et ceux de Québec, plus exactement, comme le dit le chef de l'Opposition, Pearson et Lesage, s'entendent à merveille en-dessous de la couverte. Et le chef de l'Opposition espère, évidemment, de la sorte, détourner l'attention du public en inventant, comme son ancien chef, M. Duplessis, de qui j'ai parlé cet après-midi, Dieu sait quelle sorte d'obscurs complots.

Alors que lui complotait avec M. Sévigny, dans son bureau, pour faire battre les libéraux à Ottawa pour porter M. Diefenbaker au pouvoir, il inventait des complots, des mitraillettes de l'Abitibi, le tunnel sur les plaines d'Abraham, et le chef de l'Opposition, prenant les mêmes directions de pensée, entraîné pendant des années dans cette direction, cherche des complots.

Mais, il devrait savoir que, de nos jours, avec les communications rapides que nous avons, avec nos gens qui sont beaucoup plus modernes, plus renseignés, que de telles tactiques sont vouées à l'échec. Aussi, je n'ai pas l'intention de prouver qu'il y a ou qu'il n'y a pas de conflit entre les libéraux d'Ottawa et ceux de Québec ou entre

le premier ministre du Canada et moi-même. En fait, les divergences d'opinions qui existent...

M. JOHNSON: Oui!

M. LESAGE: ... Oui, les divergences d'opinions qui existent...

M. JOHNSON: Ou des complots simulés.

M. LESAGE: Tiens encore. Que vous avais-je dit, M. le Président? Que vous avais-je dit? Cela n'a pas été long.

M. JOHNSON: Ou des trahisons.

M. LESAGE: Hull, c'est les mitraillettes de la trahison. M. le Président...

M. JOHNSON: Ou des trahisons.

M. LESAGE: ... les mots parlementaires, les leçons que nous venons de recevoir de parlementarisme, les grands principes, ne jamais utiliser de mots non parlementaires et s'il y a un mot qui n'est pas parlementaire, c'est même un acte criminel monsieur punissable de mort que la trahison.

M. JOHNSON: Je dénonce tout de suite le premier ministre qui a trahi sa parole bien des fois.

M. LESAGE: Tiens, M. le Président, vous voyez les personnalités.

M. JOHNSON: C'est parlementaire, ça.

M. LESAGE: Le chef de l'Opposition ne peut pas endurer que l'on fasse allusion à son auguste personne. Et c'est le député de Champlain qui prétendait tantôt que les ministres n'enduraient pas qu'on les questionne. Tout de même.

M. BELLEMARE: Je ne parlerai pas.

M. LESAGE: ... Ah! je sais que le député de Champlain n'a pas envie de mordre.

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LESAGE: Non, non, je le connais, je me reprendrai.

M. LAPORTE: Cela c'est le ferme propos.

M. LESAGE: Evidemmemt le leader du gouvernement en Chambre a raison, il me dit: Est-ce là la mesure de votre ferme propos?

Alors, oui, mais ça ne marche pas, parce que les divergences d'opinions, je le répète, qui existent — c'est clair que les divergences d'opinions existent et qui se manifestent de temps à autre — ne sont pas des conflits de personnes, mais résultent du choc de deux conceptions du Canada, celle que ne partage pas le premier ministre du Canada, comme j'aurai l'occasion de le démontrer plus tard ce soir, ou demain matin.

Mais, selon une conception, le Canada devrait devenir de plus en plus un pays du type unitaire, avec centralisation accrue des pouvoirs à Ottawa et, selon une autre conception, on veut qu'une répartition saine et constructive des pouvoirs permette aux Canadiens de quelque origine qu'ils soient et particulièrement aux Canadiens d'expression française dont le Québec est le point d'appui, de s'épanouir selon leurs aspirations propres dans un cadre politique qui leur convient.

Ce sont là les deux écoles de pensée, les deux conceptions. L'immense majorité des Québécois partagent comme nous, la seconde conception, alors qu'on trouve à Ottawa, dans tous les partis politiques fédéraux, — et vous voyez que je ne cherche pas à être, je ne veux pas être partisan, — des champions de la conception centralisatrice qui n'ont rien appris au refus catégorique que le Québec offre depuis toujours, depuis toujours, à toutes les tentatives de « melting pot ».

Philosophie ethnique qui répugne — oui, le « melting pot » — philosophie ethnique qui répugne tellement aux Canadiens français qu'ils se refusent même à traduire le mot « melting pot » par le vrai mot « creuset ». Et ces centralisateurs, eh bien! ils relèvent la tête au jourd'hui. Ils prétendent que le Québec va trop loin en voulant exercer pleinement, lui-même, toutes les compétences qu'Ottawa a réussi dans le passé à s'approprier en tout ou en partie.

M. JOHNSON: De 1945 à 1957.

M. LESAGE: Nous sommes nous... je dis la vérité.

M. JOHNSON: C'est ça!

M. LESAGE: Je dis la vérité!

M. JOHNSON: Confession d'un enfant du siècle.

M. LESAGE: La franchise m'a l'air de fatiguer passablement le...

M. JOHNSON: Non, non. Je suis très heureux. Dommage que la doctrine du premier mi-

nistre ne soit pas rétroactive au temps où il était ministre à Ottawa!

M. LESAGE: Oui, mais j'ai toujours dit la même chose. Toujours!

M. JOHNSON: Ce n'est pas ce que vous avez pratiqué!

M. LESAGE: J'ai toujours dit la même chose. Si l'on veut bien relire ce que j'ai dit, on verra que j'ai toujours suivi la même ligne de pensée au point de vue constitutionnel.

Comme responsables du gouvernement du Québec, évidemment nous sommes en conflit avec ces centralisateurs et nous n'avons pas fini de l'être, s'ils persistent à croire qu'en exigeant le respect de nos droits, nous faisons preuve de mauvaise volonté. Eh bien! à leur obstination bornée, nous opposerons toujours, et je suis certain que tous les députés de cette Chambre sont d'accord, nous opposerons toujours notre détermination et aussi notre dynamisme, parce que notre autonomie, elle ne doit pas être négative, comme elle l'a été trop longtemps, ce qui a donné les résultats négatifs que l'on sait: mais elle doit être positive, elle doit former une politique d'affirmation pour nous et c'est ce qu'elle a été depuis 1960.

Aussi, il y en a qui prétendent que le respect de nos droits serait une concession déférale au Québec. Est-ce que l'on peut dire ça que le respect de nos droits est une concession fédérale au Québec? On appelle ça des concessions? Certains d'entre ceux-là semblent croire que les changements qui ont eu lieu, au cours des dernières années, dans l'évolution des relations fédérales-provinciales sont autant de concessions — si je ne l'avais pas tant entendu — oui, sont autant de concessions, plus ou moins légitimes, faites à unQuébec en mal d'indépendance, par un gouvernement central timoré ou parter-maliste.

Cela se dit actuellement à la Chambre des communes que cette évolution dans le domaine des relations fédérales-provinciales, ce sont autant de concessions que l'on critique et qu'on appelle des concessions, faites à un Québec en ami d'indépendance — on le dit ça aussi — par un gouvernement central timoré, on le dit aussi. Et on va plus loin, on prétend que c'est par un gouvernement central qui veut détruire le Canada. On le lit sur les journaux. J'ai parlé du chef ottawin, du chef de l'Opposition cet après-midi. Bien, qu'il relise ses écrits, il retrouvera ce que je viens de dire. Et, d'après eux, on aurait fait des faveurs au Québec. On lui aurait accordé plus que son droit, on se serait montré bon prince. Oui, il conviendrait maintenant, n'est-ce pas, que le Québec devienne plus raisonnable et moins exigeant...

M. JOHNSON: C'est M. Pearson qui disait ça. M. LESAGE: Non...

M. JOHNSON: « Il me faut un gouvernement majoritaire pour tenir contre les provinces. » Le premier ministre du Québec souhaitait un gouvernement majoritaire.

M. LESAGE: M. le Président, je dis qu'il y en a qui prétendent que le gouvernement actuel à Ottawa est allé trop loin, que nous allons trop loin dans nos réclamations et que nous devrions être plus raisonnables. Peut-être, cette conception des choses a-t-elle été encouragée par la discussion qui a eu lieu dans la province et, jusqu'à un certain point, dans le reste du Canada, autour de la question d'un statut particulier pour le Québec. Puisqu'on parlait de situation spéciale, des gens ont pu penser qu'il s'agissait de revendications plus ou moins normales ou légitimes en regard de la constitution. Or, il est bien important, M. le Président, oui, il est bien important de remarquer que jamais, dans aucun document officiel, sur les relations fédérales-provinciales, et, je le sais, il y en a eu plusieurs, le Québec n'a demandé de statut particulier dans le sens de faveurs spéciales...

M. JOHNSON: Bravo! M. LESAGE: Jamais. M. JOHNSON: Bravo!

M. LESAGE: Jamais, et toute la correspondance a été déposée ici. Nous n'avons jamais quémandé. Au contraire, nous n'avons toujours exigé que la reconnaissance de nos droits constitutionnels. Ce que le Québec réclame au fond, ce n'est pas tel ou tel statut juridique, mais par exemple la possibilité et les moyens de remplir, par lui-même et d'une façon satisfaisante, les tâches qui sont siennes en vertu de la constitution. Le Québec, comme je viens de le dire, a toujours tenu à une répartition claire des responsabilités entre les secteurs du gouvernement au Canada, Ce n'est pas là une exigence nouvelle, non, même si elle s'exprime aujourd'hui plus fortement et plus affirmativement que jamais.

Comme je le disais aux citoyens de London, qui sont venus nous rendre visite au début de la semaine, cette répartition des tâches, eh bien! c'est l'essence même du fédéralisme.

D'autres provinces sont moins pénétrées que le Québec de cette nécessité que, nous, nous jugeons fondamentale; c'est-à-dire que sur le plan d'une répartition véritable des fonctions, on peut dire que le Québec tient vraiment au fédéralisme, mais on ne peut pas en dire autant de toutes les autres provinces du pays. Elles ont le droit strict de soutenir, à ce propos, les opinions qui leur conviennent. Il n'en reste pas moins cependant que l'émergence d'un statut particulier pour le Québec provient beaucoup moins d'une prise de position juridique de notre part, que de l'évolution actuelle de notre régime politique, où la plupart des autres provinces ne rejettent pas l'idée d'une centralisation plus grande des pouvoirs à Ottawa, alors que nous, au contraire, nous tenons à une réelle décentralisation.

Et le gouvernement central, si on ne s'opposait pas à une tendance qui semble naturelle chez lui, pourrait finir par voir son rôle — c'est là que c'est dangereux — comme un rôle d'initiative, de leadership dans des domaines qui ne relèvent pas de lui. Ainsi, poussé par le Québec notamment, il semblerait prêt à accepter à la rigueur, de ne plus centraliser à Ottawa l'administration de certains programmes de compétence provinciale, laissant cette administration, entièrement ou presque, aux provinces. Mais il aimerait toutefois ne pas en faire autant pour ce qui est de l'élaboration des diverses politiques et désirerait bien garder là une influence déterminante. Et le gouvernement fédéral donnerait de la sorte, à l'ensemble du pays, l'impression de lancer des idées originales dans les secteurs provinciaux, de mettre ses idées ensuite au point, avec les provinces, quitte cependant à laisser les provinces se charger d'en assurer l'exécution.

Mais il faut voir cependant jusqu'où pourrait nous conduire une telle tendance à ce que j'appelle la pseudo-décentralisation, c'est-à-dire celle où Ottawa a un rôle qu'il intitule un rôle de leadership et où les provinces administrent suivant les barèmes fixés par Ottawa. Cela c'est de la pseudo-décentralisation.

Il n'est pas interdit de penser que si, pour une raison ou pour une autre, tel ou tel programme ne donnait pas les résultats escomptés, la faute d'abord en retomberait sur les diverses administrations provinciales que la population finirait ainsi par croire incapables de conduire à bonne fin des plans soigneusement mis de l'avant par le gouvernement central. C'est un danger ça. Eh bien! le Québec, pour sa part, ne veut pas d'un tel arrangement.

Nous n'avons aucunement l'intention de souffrir que, dans les domaines qui relèvent de no- tre compétence, le gouvernement fédéral agisse de telle façon qu'il nous trace directement ou indirectement la voie à suivre. Si nous n'avions, depuis plusieurs années, jamais été en mesure de concevoir nous-mêmes des mesures économiques ou sociales originales, nous ne serions peut-être pas aussi déterminés que nous le sommes. Il arrive toutefois — qu'il s'agisse de nouvelles institutions économiques ou de mesures de sécurité sociale, comme notre régime de rentes — que nous avons manifesté un esprit de création dont d'aucuns sont encore étonnés. Ce phénomène, les journaux de langue anglaise du pays l'ont qualifié de révolution tranquille.

Dans ces conditions et sans prétendre au monopole des idées ou à l'infaillibilité administrative, loin de là, nous ne voyons pas très bien et même pas du tout pourquoi le Québec devrait consentir dans ses propres domaines d'action à être sous la tutelle du gouvernement central. Nous sommes prêts à collaborer avec ce gouvernement de même qu'avec ceux des autres provinces. Nous sommes tout à fait disposés à échanger des idées, mais nous ne pouvons pas nous comporter comme si nous reconnaissions, implicitement ou explicitement, le droit au gouvernement fédéral de s'introduire — même avec la meilleure volonté du monde, oui, même avec la meilleure volonté du monde — dans des domaines qui ne sont pas les siens et où le Québec est mieux placé que lui pour agir.

Il ne s'agit pas là seulement d'une position générale de principe, dont le gouvernement fédéral pourrait toujours, en invoquant de temps à autre les nécessités administratives — et Dieu sait qu'on les invoque — suspendre ou remettre l'application à plus tard.

Depuis des années nous disons, nous répétons et répétons que le Québec moderne veut assumer l'entière responsabilité de la mise en valeur de ses richesses naturelles et de ses politiques sociales. Si nous nous sommes retirés d'un grand nombre de programmes conjoints, c'était justement dans cette intention. Et puisque nous voulons être logiques avec nous-mêmes, nous maintiendrons cette attitude. Oui, nous la maintiendrons.

Il semble toujours se trouver des personnes pour croire qu'une fois une certaine crise passée, nous reviendrons à ce qu'elles imaginaient être de meilleurs sentiments en abandonnant des positions qui leur paraissent trop tranchées. C'est clair, c'est parce qu'elles n'en conaissent pas suffisamment la raison d'être profonde. C'est pour cela. Une fois pour toutes, nous croyons qu'il convient de souligner que notre attitude ferme sur toutes ces questions n'est pas un accident, n'est pas un mouvement d'im-

patience temporaire, mais que cette attitude elle est vraiment, réellement fondamentale.

M. le Président, il est vrai qu'il reste trois ou quatre minutes, mais d'un autre côté j'ai un texte assez lié et c'est un endroit qui conviendrait pour suspendre. Puis-je suggérer l'ajournement du débat, je pourrai continuer demain matin sur le même sujet.

M. LAPORTE: Alors, M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain matin à dix heures et demie.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adoptée. La Chambre est ajournée à demain matin à dix heures et demie.

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