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(Onze heures de l'avant-midi)
M. LECHASSEUR (président): Qu'on ouvre les portes.
Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et
réception de pétitions. Présentation de rapports de
comités élus. Présentation de motions non
annoncées. Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics. Affaires du jour.
M. LESAGE: M. le Président, étant donné la
démission de l'honorable Jean Marchand comme membre du Conseil
d'orientation économique du Québec, le 17 novembre 1965, le
conseil des ministres a nommé, pour le remplacer, M. Robert Sauvé
de Montréal, secrétaire général de la
Confédération des syndicats nationaux, par un arrêté
en conseil, ce matin, arrêté en conseil dont je dépose
copie.
Subventions universitaires
M. LESAGE: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer
copie d'une correspondance échangée avec le premier ministre du
Canada; la lettre du premier ministre du Canada, adressée à celui
qui vous parle, est datée du 17 janvier, et ma réponse est
datée du 26.
M. JOHNSON: Concernant...
M. LESAGE: Comme l'indique la lettre du premier ministre du Canada, son
gouvernement a décidé, en ce qui concerne l'année
universitaire 1966-1967, de donner suite à certaines des recommandations
de la Commission Bladen en augmentant à $5 par habitant la subvention
annuelle, qui s'établit présentement à $2. M. Pearson
estime que le Québec recevrait ainsi, pour l'année 1966-1967, un
montant de l'ordre de $17,350,000. Toute la question des subventions
fédérales aux universités sera cependant examinée
de nouveau lors d'une conférence fédérale-provinciale
ultérieure afin de déterminer les arrangements qui devront
prévaloir de façon permanente par la suite. Pour nous, du
Québec, il s'agira évidemment d'établir
l'équivalence fiscale.
En recevant cette somme de quelque $17 millions, sous forme, et
j'insiste, sous forme de compensation inconditionnelle, pour la
première fois, M. le Président, le Québec ne s'engage
nullement à consacrer à telle ou telle fin,
déterminée par le gouvernement fédéral, ladite
somme.
Nous croyons que, dans les domaines de notre compétence, c'est
à nous et à personne d'autre qu'il appartient d'établir
les priorités et l'allocation des ressources. On verra par certaines
législations à venir, ainsi que par les estimations
budgétaires que je déposerai demain ou mardi, comment nous avons
décidé d'assumer nos responsabilités envers nos
institutions et nos citoyens dans le domaine de l'éducation comme dans
les autres qui relèvent de la compétence du Parlement du
Québec. C'est dire qu'au moment où les estimations
budgétaires ont été proposée et les
législations décidées, nous étions au courant de
cette lettre de M. Pearson.
Questions et réponses
M. LAFONTAINE: M. le Président, j'ai une question à poser
au ministre de la Voirie. Est-ce que le ministre de la Voirie est au courant
que des travaux ont été arrêtés sur une section de
l'autoroute des Cantons de l'Est à cause de la politique
d'austérité du gouvernement?
M. PINARD: M. le Président, en réponse à cette
question, je dois déclarer qu'il est vrai que sur une section, les
travaux qui étaient en cours sur l'autoroute des Cantons de l'Est, au
raccordement Rock Island, ont été momentanément
arrêtés par l'entreprise Fabi & Fils de Sherbrooke.
Il s'agit tout simplement d'une erreur d'interprétation de la
part de cette compagnie qui n'a pas compris certaines demandes de
renseignements qui lui ont été adressées. Et il arrive,
comme ce fut le cas à chaque année, à cette
période-ci de l'année, au ministère de la Voirie, à
l'Office des autoroutes et au comité de planification budgétaire,
qu'il y a une évaluation, un inventaire des priorités
gouvernementales et plus particulièrement du côté de la
voirie, du côté de l'office, pour être en mesure de
préparer le budget en conséquence, et c'est tout à fait
normal. Il semblerait qu'il y ait eu confusion dans les informations, ou
mauvaise interprétation de certaines directives qui ont
été données; personne n'a donné instruction
à l'entreprise en question d'arrêter ses travaux. Je pense que
quelqu'un a été pris de panique quelque part.
Et je voudrais rassurer la Chambre que, pour le moment, il n'y a rien
qui indique que pareille situation aurait dû se produire. Les discussions
se poursuivent aujourd'hui avec mes officiers du ministère de la Voirie,
du côté technique avec M. Branchaud, du côté
budgétaire, avec
M. Langevin, avec le sous-ministre des Finances, M. Cazavan, avec le
conseiller économique du gouvernement, M. Jacques Parlzeau, et je pense
qu'il est tout à fait normal que nous fassions le point, sur le plan de
l'inventaire, de nos besoins et des disponibilités budgétaires
affectées à des projets déjà commencés et
à d'autres initiatives que le gouvernement décidera cette
année ou non d'entreprendre. C'est tout.
M. LAFONTAINE: Question supplémentaire: Est-ce que je comprends
que les travaux qui étaient en cours se faisaient en vertu d'un contrat
signé avec le gouvernement par Fabi?
M. PINARD: C'est évident que c'était en vertu d'un contrat
déjà signé. Ce sont des travaux commencés,
passablement avancés, mais qui devaient se poursuivre sur une
période de deux ans.
M. LAFONTAINE: Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas les
prévisions budgétaires pour payer les frais des travaux
déjà en cours?
M. PINARD: Il n'est pas question de ne pas avoir de prévisions
budgétaires suffisantes pour permettre à Fabi & Fils de
continuer ses travaux. Je viens d'expliquer qu'il est absolument normal que
nous faisions l'inventaire de la situation pour savoir ce qu'il y a de fait, ou
nous allons et quelles seront les disponibilités budgétaires qui
seront affectées à un budget ou à un autre. C'est
absolument normal.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. JOHNSON: Sur l'autoroute de Montréal-Berthier, y a-t-il des
contrats qui ont été accordés et qui sont signés,
évidemment?
M. PINARD: Encore là, il est évident qu'il y a des
contrats déjà signés.
M. LESAGE: Signés la semaine dernière. Il y a quinze
jours.
M. PINARD: Il y a des travaux en cours, mais la situation que je viens
d'expliquer, en ce qui concerne les travaux sur la partie de l'autoroute des
Cantons de l'Est à Rock Island, prévaut également pour la
situation actuellement en cours du côté de
Montréal-Berthier.
M. LESAGE: On a approuvé des contrats au conseil des ministres la
semaine dernière, il y a quinze jours, il y a trois semaines, il y a
quatre semaines, constamment.
M. JOHNSON: Pour des travaux qui seraient exécutés pendant
l'année fiscale en cours et l'année...
M. LESAGE: Certainement, aussitôt... On va commencer par laisser
fondre la neige, si vous voulez.
M. JOHNSON: Est-ce qu'il est exact que des instructions ont
été données aux constructeurs de se hâter lentement,
que le gouvernement ne pourrait pas payer plus qu'une certaine proportion des
contrats?
M. LESAGE: Non, ce n'est pas exact.
M. JOHNSON: Le ministre des Finances doit le savoir.
M. LESAGE: Je le sais certainement. M. LE PRESIDENT: Affaires du
jour.
M. BELLEMARE: Au ministre du Travail. Est-ce qu'il a reçu un
télégramme de la Commission scolaire régionale de
l'Outaouais demandant de la recevoir? Le télégramme a
été envoyé hier, avant que la grève ne soit
déclenchée par les professeurs qui ont résigné, au
nombre de 300.
M. LESAGE: Ils n'ont pas résigné. Non, ils ont
menacé de résigner. J'ai bien lu les journaux, moi. Ils ont
menacé de résigner.
M. PARENT: Ils n'ont pas résigné.
M. FORTIN: J'ai reçu ce matin, vers 9 h 30, un
télégramme contenant une copie d'une résolution de la
Commission scolaire régionale de l'Outaouais, me demandant d'intervenir
dans ce différend. J'ai immédiatement
télégraphié ce matin à la partie syndicale,
l'invitant à venir à mon bureau demain après-midi,
à trois heures, lui demandant, et aux deux parties, si elles acceptaient
de venir demain à mon bureau.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. JOHNSON: Est-ce que j'ai bien compris? Le ministre va intervenir dans
une grève, ou une menace de grève, de commission scolaire?
M. PARENT: Ce n'est pas une menace, ils sont en grève.
M. FORTIN: Ils sont déjà en grève, et la
commission scolaire, la partie patronale, m'a demandé si je
n'interviendrais pas pour essayer d'accorder les parties, comme ça se
fait suivant le code du travail. Je vais convoquer les deux parties à
mon bureau, comme ça se fait dans n'importe quelle grève. Comme
les commissions scolaires relèvent du code du travail depuis l'an
dernier, je ne vois rien d'irrégulier dans ça.
M. JOHNSON: Ce n'était pas l'opinion du ministre de
l'Education...
M. FORTIN: Ce n'est pas le ministre de l'Education, c'est le ministre du
Travail.
M. LESAGE: Le ministre de l'Education n'intervenait pas, parce que
ça ne relevait pas de lui; ça relève du ministre du
Travail.
M. JOHNSON: Elle est bonne.
M. LESAGE: Elle est bien bonne, mais elle est vraie.
M. JOHNSON: A une semaine d'intervalle, le gouvernement change de
politique.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Je regrette infiniment. Le gouvernement n'a pas changé
de politique. Le ministre de l'Education a déclaré qu'il
n'intervenait pas; et il n'a pas à intervenir, pas plus que le premier
ministre; ce sont des fonctions qui sont dévolues au ministre du Travail
en vertu du code du travail. Or, le code du travail s'applique aux
différends entre les commissions scolaires et les instituteurs. Il est
normal, qu'à la demande des parties, le ministre du Travail intervienne,
et il remplit son devoir en ce faisant.
M. RENE LEVESQUE: De toute façon, le chef de l'Opposition
était préparé. D'une manière ou de l'autre, il se
faisait tomber sur le dos. Si elles ne venaient pas, ce serait effrayant.
M. LESAGE: You are damned if you do, you are damned if you do not.
M. GERIN-LAJOIE: The Opposition will be damned anyway.
M. JOHNSON: M. le Président, le bilinguisme fleurit dans cette
Chambre...
M. GERIN-LAJOIE: Des mots qui sont moins non-parlementaires en
anglais.
M. JOHNSON: Ah oui, oui! Une manière polie de contourner le
règlement et de parler d'abondance; mais cette année on peut
parler français avec l'Orateur qu'on a.
M. LESAGE: M. le Président,...
M. GERIN-LAJOIE: Une blague de mauvais goût qu'on a assez entendue
l'an dernier, il me semble.
M. LESAGE: Je sais que vous avez été obligé de
patiner joliment à votre émission de télévision
quand on vous a posé une question sur ce point-là; vous aviez
honte.
M. LAPORTE: Il y a quelqu'un qui vous a questionné sur
ça?
M. LESAGE: Dimanche après-midi à la
télévision.
M. JOHNSON: Je remercie le premier ministre, j'ai un auditeur
fidèle...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... qui a l'esprit critique très
développé.
M. LESAGE: Ah oui, oui! Et Dieu sait que c'est ennuyeux, M. le
Président, ce programme-là. Vous voyez un homme qui essaie de
faire son professeur d'école; ça vaut le prix que le chef de
l'Opposition ou ses amis payent pour le programme rien que de le voir,
monsieur, en professeur d'école, parler de parlementarisme. Lui, parler
de parlementarisme!
M. COURCY: Un homme et son péché.
M. JOHNSON: M. le Président, je fais une promesse au premier
ministre. J'en parlerai à mon émission, du premier ministre, s'il
est couronné le roi des cupidons, le plus joli garçon de la
province de Québec.
M. LESAGE: M. le Président c'est une situation fort embarrassante
pour moi qui rend évidemment le chef de l'Opposition, il me semble, un
peu jaloux. Mais que voulez-vous, M. le Président, c'est arrivé
un peu à tout le monde cette affaire-là dans sa vie. Moi, c'est
la deuxième fois que ça m'arrive. Cela m'est arrivé
d'être proclamé le plus bel enfant du monde à ma naissance
par ma mère. Par ma mère et cela a duré exactement seize
mois jusqu'à ce que mon frère, le deuxième, naisse.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre est bien
imprudent de comparer ces chroniqueuses féminines à sa
mère. Evidemment ou comprend qu'une mère ait des
préjugés envers son enfant
M. LESAGE: C'est sûr que la mère du chef de POpposition a
dit la même chose.
M. JOHNSON: On comprend mal que les dames journalistes aient de tels
préjugés...
M. LAPORTE: Au feuilleton, au feuilleton.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre et son cabinet
ont-ils décidé de changer le juge Smith comme commissaire...
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: ... relativement à la transaction...
M. JOHNSON: Je n'ai pas compris la question.
M. JOHNSON: ... le gouvernement a-t-il décidé de changer
de juge pour faire enquête dans les transactions de terrains à
Ville LaSalle entre Nobel Building...?
M. LESAGE: Non. Il n'est pas question de changer de juge. Ce que j'ai
dit demeure. C'est le juge Smith qui est le plus disponible dans les
circonstances. Ce qui s'est produit, cependant, c'est que Me François
Mercier s'est récusé. Etant donné que, de ses
associés, avant qu'il soit associé à eux, ont
incorporé certaines des compagnies dont les noms ont paru dans le
journal La Presse. De la même façon que l'ami intime du chef de
l'Opposition, Me Jean-Paul Cardinal a aussi incorporé ces
compagnies.
M. JOHNSON: Mais le gouvernement n'a pas nommé Me Jean-Paul
Cardinal.
M. LESAGE: Non. Mais nous ne le savions pas. Lorsque Me François
Mercier a communiqué avec nous pour se récuser, le gouvernement a
décidé de nommer Me Laurent Bélanger qui a commencé
son travail.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. JOHNSON: Quel est le tarif prévu pour les honoraires de Me
Bélanger?
M. LESAGE: M. le Président, je l'ignore.
M. Bélanger enverra son compte suivant le tarif d'un avocat de
très haute compétence, comme il vient de le prouver d'ailleurs
dans l'enquête du Coroner sur l'accident survenu à
l'échangeur Turcot.
M. PINARD: M. le Président, il me fait plaisir de déposer
le rapport des activités du ministère de la Voirie pour
l'exercice budgétaire 64/65.
Il me fait plaisir de déposer le rapport des états
financiers de la corporation du pont de Trois-Rivières au 31 mars
1965.
M. BINETTE: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le
rapport du ministère des Richesses naturelles, 64/65.
M. JOHNSON: Est-ce qu'on parle de l'école dans ce rapport?
M. LESAGE: Non, mais on va faire une motion bientôt pour que le
chef de l'Opposition retourne à l'école; cela va lui faire du
bien!
M. JOHNSON: Voyons donc, le premier ministre...
M. BERTRAND: Gros argument!
M. JOHNSON: ... a-t-il mangé du lion?
M. LESAGE: Non, non, je suis de bonne humeur ce matin. Tout va bien!
M. BERTRAND: Comment cela doit-il être quand il est de mauvaise
humeur?
M. GERIN-LAJOIE: Mais on n'aura pas besoin de motion. Je vais rassurer
le chef de l'Opposition. C'est le peuple qui va renvoyer le chef de
l'Opposition à l'école!
M. JOHNSON: Les écoles étatisées. M. le
Président, le ministre du Commerce et de l'Industrie doit maintenant
être au courant que les travaux relativement à
l'établissement de l'usine Irving sont retardés.
M. LEVESQUE (Bonaventure): A la suite de la parution dans les journaux
d'articles de nature à laisser croire à une remise duprojet en
question, j'ai voulu m'informer du bien-fondé de certaines rumeurs ainsi
que des propos que l'on attribuait à M. Irving lui-même.
M. JOHNSON: Alors vous avez appelé M. Ro-bichaud?
M. LESAGE: Non, M. Irving.
M. LEVESQUE: On m'a affirmé que les choses progressaient
normalement malgré certaines difficultés du côté de
titres de terrains, difficultés apparemment surmontées
aujourd'hui. Par souci de précision, j'ai rejoint hier, M. K. C. Irving,
le président de la société, à son bureau de St-
Jean, Nouveau-Brunswick, et au cours d'une conversation
téléphonique, M. Irving m'a confirmé que tout
procédait normalement, que les préparatifs étaient fort
avancés et qu'il n'était pas question de remettre le projet, que
la décision de sa compagnie d'établir une raffinerie au
Québec était définitive et que les travaux commenceraient
le plus tôt possible.
M. GABIAS: Au ministre de l'Education. Est-ce que le rapport du Conseil
supérieur de l'Education va être déposé dans les
délais fixés par la loi?
M. GERIN-LAJOIE: Va être déposé?
M. GABIAS: Va être déposé dans les
délais.
M. GERIN-LAJOIE: À temps! Il va être déposé
pendant la session, M. le Président. Je suis informé que le
rapport du Conseil supérieur est actuellement en préparation.
Seulement, je n'ai pas de renseignement sur la date précise à
laquelle il sera prêt.
M. GABIAS: Ce n'est pas dans les quinze jours du début de la
session?
M. GERIN-LAJOIE: Oui! Ce ne sera pas dans les quinze jours du
début de la session au point où on en est rendu. Elle n'est pas
commencée!
M. GABIAS: Au sujet du pont de Trois-Rivières,...
UNE VOIX: Celui qui est tombé?
M. GABIAS: Oui, justement, celui qui est tombé dans le
Saint-Laurent! M. le Ministre, est-il exact que les travaux au pont de
Trois-Rivières sont ralentis par suite d'instructions qui auraient
été données par le ministre de la Voirie de ralentir les
travaux afin que les dépenses ne soient pas trop élevées
au cours de 1966?
M. LESAGE: Il n'y a rien à faire avec ça.
M. PINARD: Il est absolument faux qu'en ma qualité de ministre de
la Voirie j'aurais don- né des directives à l'effet de ralentir
les travaux. C'est le contraire qui est arrivé; le ministre de la Voirie
veut que l'on procède avec diligence pour que le pont soit livré
à la date prévue de façon à ce qu'il puisse
desservir les besoins de la population et, plus spécifiquement, au
moment de l'ouverture de l'Exposition universelle de 1967. C'est la situation
que je dois décrire au député de Trois-Rivières
s'il est trop inquiet.
M. GABIAS: J'en suis fort heureux. Une question additionnelle sur le
pont.
M. LESAGE: Pas de commentaire, M. le Président.
M. GABIAS: M. le Ministre, est-ce que la cause de l'explosion ou de la
chute du pont a été connue par un rapport qui vous aurait
été transmis à la suite de l'enquête du coroner?
M. PINARD: Des enquêtes ont été faites. Des
spécialistes en la matière sont en train de colliger toutes les
informations recueillies, les témoignages d'experts, les analyses qui
ont été faites et le rapport doit être produit incessamment
au ministre de la Voirie, qui le transmettra au conseil des ministres pour
adjudication, comme il se doit.
M. GABIAS: Le ministre sait-il si les recherches se poursuivent pour les
six cadavres qui n'ont pas été retrouvés?
M. PINARD: Je dois déclarer que tous les moyens sont mis en
oeuvre, et sur le plan technique, et sur le plan financier, pour retracer les
cadavres qui n'ont pas encore été retrouvés et
j'espère que les recherches en cours donneront les résultats
espérés.
M. GABIAS: Il n'y a pas du d'instruction à l'effet de cesser les
recherches?
M. PINARD: Absolument pas. Enfin, j'espère que le
député de Trois-Rivières comprend qu'en ma qualité
de ministre de la Voirie, je dois être aussi humain, sinon davantage,
que, d'abord, le représentant du comté de Trois-Rivières
et que tous les citoyens de la province. Et ce sont des accidents malheureux
dont le ministre voudrait qu'ils ne se produisent jamais.
M. GABIAS: Très bien. C'est précisément ce à
quoi la population s'attendait...
M. LAPORTE: A l'ordre, à l'ordre, M. le Président!
M. GABIAS: Quoi?
M. LAPORTE: Bien, vous ne savez pas quoi. Voyons donc!
Comité des subsides
M. LE PRESIDENT: M. Lesage propose que je quitte maintenant le fauteuil
et que la Chambre se forme en comité des subsides. Cette motion
sera-t-elle adoptée? Adoptée.
Tourisme, Chasse et Pêche
M. BEDARD (président du comité des subsides): A l'ordre,
messieurs! Tourisme, Chasse et Pêche, article 2, « Service de
l'aménagement de la faune »: $10,000.
M. HARDY: M. le Président, il existe présentement, dans
les comtés dunord de Montréal, un problème dû aux
dommages causés aux chevreuils par les loups. Sans doute, la chasse au
chevreuil constitue-t-elle un élément très important pour
l'industrie touristique et il convient que des mesures soient prises pour
assurer la conservation de ce gibier. Alors, je voudrais demander au ministre
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche si son ministère envisage
des mesures concrètes pour apporter une solution à ce
problème causé par les loups dans les comtés du nord de
Montréal?
M. COUTURIER: M. le Président, je répondrai au
député de Terrebonne que toutes les précautions sont
prises pour protéger le chevreuil dans les comtés du nord de
Montréal.
M. LAFONTAINE: M. le Président, j'étais heureux d'entendre
le député de Terrebonne se lever en cette Chambre et prendre la
défense des intérêts régionaux économiques de
la région des Laurentides. La question qu'il a posée au ministre:
Est-ce que le ministre envisage de mettre sur pied un service de lutte contre
des déprédateurs, en l'occurence les loups. Le ministre a dit que
tout est sous contrôle, et ça s'en vient.
M. COUTURIER: M. le Président...
M. LAFONTAINE: Alors, M. le Président...
M. COUTURIER: ... ce n'est pas ce que j'ai répondu, j'ai
répondu que toutes les pré- cautions étaient prises. Je
n'ai pas dit que tout était sous contrôle.
M. LAFONTAINE: Alors, toutes les précautions sont prises, M. le
Président. Au mois de mars 1964, ici, en cette Chambre, nous avons
entendu le député de Compton, le député de Labelle,
le député de Champlain, demander au ministre du temps s'il avait
l'intention de remettre en vigueur la prime qui avait été
supprimée, ou abandonnée en 1960, et le ministre du temps disait,
à ce moment-là, qu'on faisait des études et qu'on allait
prendre bientôt les décisions appropriées pour que cette
question des loups ne fasse plus le sujet de controverses qui ont
été rapportées dans les journaux au cours des derniers
mois. Il y a deux ans, le gouvernement étudiait; dernièrement,
j'ai rencontré un biologiste du ministère, et le ministère
étudie encore. Le ministère n'est pas prêt à prendre
des décisions, ni à rétablir la prime pour l'abattage de
loups. Si le ministre suit, et je sais que le ministre doit suivre
l'actualité sportive, il doit se rendre compte que les articles
écrits dans la Presse, par le journaliste Serge Deyglun, dans le
Montréal-Matin, par un autre spécialiste de la Chasse et de la
Pêche, M. Jean Pagé, prient et supplient le ministère de
rétablir la prime.
Dans le comté de Labelle, des gens intéressés
à la survie du chevreuil ont formé un comité qu'ils ont
intitulé: le Comité pour la protection de la faune. Et ces gens
ont commencé à recueillir des fonds pour accorder,
eux-mêmes, une prime à ceux qui abattront des loups.
Présentement, je tiens à dire au ministre, au point de vue
statistique, qu'il y a eu six loups primés la semaine dernière,
et que je fus très heureux d'être celui qui a remis le premier
chèque de prime; mais ce n'était pas un chèque de prime du
gouvernement, c'était un chèque de prime d'un fonds
constitué par des oboles et des aumônes que nous avons
récoltées, tant dans la région de Montréal que dans
la région des Laurentides. Vu que le gouvernement, que nous avons
présentement, est des fois peut-être étatiste, il aime
ça nationaliser, j'aimerais, moi, que le gouvernement nationalise...
DES VOIX: Les loups.
M. LAFONTAINE: Non, pas les loups, la chasse contre les loups. Autrement
dit, que le gouvernement prenne ses responsabilités, dans ce
domaine-là. Le ministre n'a pas le droit, et j'ai ici des chiffres.,.
Ah! de l'autre côté de la Chambre, on fait des gorges chaudes.
Quand il est question de l'intérêt du public, on rit, on
trouve ça drôle; mais en 1960, 1,470 loups ont
été primés par le ministère de la Colonisation,
parce qu'avant 1960, c'était le ministère de la Colonisation qui
payait les primes. Il y a eu, 1,470 loups de primés en 1960, il y en a
eu 1,647 en 1959, il y en a eu 915 en 1958. Dans un volume que le ministre
connaît certainement, qui s'appelle « Tuktu » et qui a
été écrit par Fraser Symington, il est question de
survivance. Le ministre verra, à la page 41, que des études
faites en Alaska et des observations effectuées dans l'habitat du
caribou au Canada, indiquent qu'habituellement un loup tue en moyenne 16
caribous par année. Alors le ministre sait qu'un caribou, c'est
peut-être deux fois et demie, trois fois plus gros qu'un chevreuil. Mais
si on laissait simplement le même nombre qu'un loup tuerait par
année: 16 chevreuils, ça veut dire qu'en ayant primé 915
loups en 1958, 1,647 en 1959 et 1,470 en 1960, on arrive à un grand
total de 64,512 chevreuils qui auraient disparu sous la dent du loup.
Le plus grand déprédateur du chevreuil n'est pas l'homme,
c'est le loup; et pourtant on passe des lois de chasse pour empêcher les
gens de tuer du chevreuil en temps défendu. Evidemment, c'est bien que
ces lois-là existent. Mais pour l'amour, est-ce que le ministre ne
pourrait pas rétablir la prime? On va dire: « Bien ça
coûte cher ». Cela ne coûte pas cher. De 1941 a 1962
parce qu'en 1961-1962 on a continué à primer, je pense, au
ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, les ours et les
renards cela a coûté pour combattre les prédateurs,
les loups, les ours, les renards et, en plus de ça, pour des concours:
$1,061,999.50...
UNE VOIX: Au-dessus de 25 ans.
M. LAFONTAINE: ... pendant 25 ans quand on sait que le budget de 1962,
par exemple, était de $885 millions, seulement pour cette
année-là. Alors, M. le Président, je sais que le ministre
est peut-être conseillé par certains biologistes, mais, des fois,
je me demande si le ministre ne se sert pas des biologistes pour cacher
l'inaction et l'inertie du gouvernement. J'ai l'impression que, quand le
gouvernement a pris le pouvoir en 1960, dans sa rage de tout changer, il a dit;
« L'Union nationale payait des primes, nous autres, on n'en paiera pas.
» Cela c'était la nouvelle vie, la révolution tranquille,
il fallait que ça change; alors ç'a changé à tel
point, M. le Président, que présentement, quand on se
promène dans la région des Laurentides, dans le nord du
comté de Terrebonne, dans le comté de Labelle, on voit des
carcasses de chevreuils qui traînent le long des routes. Derniè-
rement, il y a une semaine à peu près, une semaine et demie, un
chevreuil en lambeaux, mais qui avait encore un souffle de vie, est allé
se réfugier dans la cour de l'hôtel Robert Painchaud au lac
Saguay.
M. MEUNIER: Ils ne lui ont pas donné de chance!
M. LAFONTAINE: Normalement à la Macaza on voyait, pendant
l'hiver, des troupeaux de 50 ou 60 chevreuils, des fois 100 chevreuils.
Aujourd'hui on ne voit plus ces troupeaux-là, on en voit 15, 20, 25,
mais assez rarement. Il y a seulement le ministre qui peut faire quelque chose,
M. le Président va peut-être dire qu'il n'avait rien de
prévu dans le budget. Mais devant l'opinion publique qui le
réclame, il devrait étudier cette question. En plus de ça,
le ministre a tous les pouvoirs en vertu de la loi, chapitre 202, article 64,
« Loi de la chasse » qui dit; « Le ministre peut payer
à même les montants votés chaque année à
cette fin par la Législature, une prime à toute personne habitant
la province qui lui prouvera de la manière ci-après
déterminée, avoir tué un ou plusieurs loups dans les
limites de cette province. Le montant de la prime pour chaque loup
exterminé sera fixé par le lieutenant-gouverneur en conseil. La
peau complète, y compris celle du crâne, devra être
nettoyée et envoyée au ministère aux frais de
l'expéditeur avec une déclaration suivant une formule prescrite
attestée sous serment devant un juge de Paix, pour déterminer le
lieu et la date où il aura tué ce loup ou ces loups. La peau,
après avoir été marquée de la façon
décidée par le ministre, sera retournée à
l'expéditeur aux frais du ministère. »
Alors, le ministre a tout entre les mains pour arriver ce matin en
Chambre et puis demander un crédit additionnel. Lorsqu'on sait qu'en
1961, ç'a coûté, pour toute l'année, $89,293. En
1960, M. le Président, où ç'a été la
dernière année où des loups ont été
primés, ç'a coûté $106,582. Nous sommes rendus au
mois de février, l'année fiscale finit bientôt. Il me
semble que le ministre, au lieu d'attendre à la prochaine année
fiscale pour incorporer à son budget pour l'année qui va venir,
un montant, je pense que le ministre, ce matin, dans un geste de
responsabilité, parce qu'il est responsable, le ministre, le ministre
devrait prendre une décision et demander aux Chambres de voter un
montant additionnel en plus des $10,000 qu'il demande, de telle sorte qu'il
rétablisse la prime.
Maintenant, je ne vous cache pas, M. le Président, que la prime
à $20, si jamais le ministre décidait de la rétablir, est
insuffisante. $20,
c'est ce que les colons, les cultivateurs, les hôteliers et les
commerçants du comté de Labelle ont décidé de payer
mais si c'était le gouvernement, pour encourager réellement la
disparation de ce prédateur, devrait reporter la prime à $40 ou
$50 pour encourager la chasse.
Maintenant, M. le Président, quand je parle de cette
façon-là, je suis en très bonne compagnie. Dans le
comté de Labelle, nous avons eu la ville de Mont-Laurier qui a
adopté une résolution à l'effet que le gouvernement
rétablisse la prime. Il y a eu le village de Labelle, il y a eu le
Lac-du-Cerf, le village de Ste-Anne-du-Lac, la municipalité de Canton
Décarie, La municipalité de Lac-St-Paul, la municipalité
de Lac-des-Iles, la municipalité de Lac-des-Ecorces paroisse, la
municipalité de Brunet, la municipalité de Lac-des-Ecorces
village, la municipalité de Mont-St-Michel, l'Ascension, L'Annonciation,
Notre-Dame-du-Lac, qui est dans le comté de Papineau, La Macaza,
Robertson et Pope, Val-Barrette, un groupe de cultivateurs de Labelle,
l'Association des éleveurs de moutons de Labelle, le Syndicat des
producteurs de bois du comté de Labelle, la Fédération de
l'UCC des Laurentides, l'Association de chasse et de pêche de Lac
St-Paul, le Club sportif de Kiamika, le Club des guides incorporé, le
Club Santa-Maria Inc., la Société d'agriculture de Labelle qui,
elle, dans sa résolution demande au ministre de porter la prime à
$50, la Chambre de commerce de Labelle, la Chambre de commerce de Nominingue,
les Chambres de commerce de l'Annonciation, de Ste-Véronique, de La
Macaza, la Chambre de commerce de La Minerve et beaucoup d'autres
mouvements.
M. le Président, il y a eu aussi l'Association de chasse et de
pêche des Laurentides dont le bureau est à St-Jérôme
et le président, Fernand Lauzon; je ne connais pas M. Lauzon, je ne sais
pas si le député le connaît.
M. HARDY: Oui.
M. LAFONTAINE: L'Association de chasse et pêche des Laurentides,
s'adressant au comité de la protection de la faune du comté de
Labelle, dit: « Monsieur, pour faire suite à votre lettre du 21
janvier 1966, une assemblée spéciale de notre bureau de direction
a été convoquée à cette fin. Nous tenons à
vous féliciter chaleureusement d'avoir formé ce nouveau
comité pour la protection de la faune du comté de Labelle.
Concernant l'augmentation du nombre de loups dans votre comté et par
toute la province, nous tenons à vous dire que vous avez parfaitement
raison quand vous dites dans votre lettre: « que le loup est beaucoup
plus rapide dans ses actions que le ministère de la Chasse et de la
Pêche dans ses études et ses décisions. »
Notre association, depuis 1963, a fait des représentations au
ministère afin qu'il prenne position et, surtout, assume sa
responsabilité devant une situation qui devenait des plus alarmantes.
Rien de concret n'a été fait depuis et on a toujours
répondu que le sujet était à l'étude. Cela en est
devenu ridicule et absurde de constater l'incompétence de certains
officiers du ministère qui persistent à ne pas se rendre à
l'évidence et à ne pas rétablir la prime que nous
demandons depuis trois ans après avoir fait des enquêtes
sérieuses dans les circonstances.
Vous trouverez ci-inclus copie d'une lettre qui a été
envoyée dernièrement au ministre, soit le 22 décembre
1965. Nous vous encourageons fortement à continuer le travail que vous
avez entrepris et soyez assuré de notre entier support. Votre tout
dévoué. »
La lettre est envoyée au ministère du Tourisme de la
Chasse et de la pêche, Hôtel du Gouvernement, Québec,
adressée le 22 décembre. Le ministre est certainement au courant.
Il y a au moins quelqu'un qui lui a écrit le 22 décembre. C'est
« re: gravité de l'augmentation des loups dans les Laurentides.
» Monsieur,
L'Association, qui a déjà fait une enquête
sérieuse concernant ce fléau, revient de nouveau à la
charge.
Il y a trois ans M. Serge Deyglun, chroniqueur sportif au journal La
Presse faisait une sortie dans le journal et mettait en garde les
autorités du ministère de la Chasse et de la Pêche du
Québec contre la croissance et les ravages des loups dans la
région de la Macaza, dans le comté de Labelle.
Les biologistes du ministère, qui sont les responsables de
l'enlèvement de la prime concernant l'abattage du loup, n'ont rien fait
de concret dans les criconstances. L'Association de chasse et de pêche
des Laurentides organisa l'année suivante un comité du foin pour
nourrir le chevreuil. Un groupe imposant d'amateurs se rendirent dans la
région de la Macaza et découvrirent une quantité
incroyable de chevreuils dévorés par les loups. Un vrai massacre,
il n'y a pas d'autre mot. L'Association nomma donc un comité qui fit une
enquête sérieuse dans les circonstances et découvrit de
plus en plus de chevreuils dévorés par les loups. Un photographe
a pris sur les lieux une cinquantaine de photos qui furent distribuées
à tous les journaux, donnant au public les preuves du dommage
causé.
Nous avons découvert par notre enquête, dans
le temps, que le seul moyen efficace d'exterminer une certaine
quantité de ces loups était de rétablir la prime de $20
par tête de loup; le tout fait avec un contrôle efficace.
Après avoir compilé un dossier sur la question, on l'a transmis
au ministre qui nous fit part que le tout serait remis aux officiers de son
ministère et qu'une décision avantageuse serait prise.
Dernièrement, une nouvelle enquête était faite et nous
avons constaté que le loup augmentait de plus en plus. Cette situation
est devenue des plus alarmantes et nous constatons que notre service de la
protection de la faune a lamentablement échoué dans ses
tentatives d'exterminer le loup avec ses équipes soi-disant
professionnelles.
C'est pouruqoi nous revenons à la charge et demandons au
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche de
rétablir la prime pour le loup, mais avec un système de
contrôle efficace. Ci-attachée une requête de quelques
membres de notre association. Espérant que vous prendrez notre demande
en considération. »
C'était le 22 décembre 1965. Le ministre, aujourd'hui,
présente un budget supplémentaire et il n'y est pas question du
rétablissement de la prime. Je pourrais continuer longuement dans cette
veine et citer, par exemple, si le ministre me permet, le Club de chasse et
pêche de Pointe-du-Lac: « Des touristes sont venus des Etats-Unis
pour la chasse aux chevreuils. Ils ont vu presque autant de pistes de loups que
de pistes de chevreuils. A quoi sert au gouvernement de faire de l'annonce pour
le tourisme aux Etats-Unis? Venez à la chasse au chevreuil, vous verrez
des loups. » Voici à peu près la critique de tous les gens
dans le comté de Labelle.
Le ministre devrait aussi se rendre compte que si la chasse au chevreuil
est un sport, s'il est synonyme de sport pour la région
métropolitaine et des villes, il est en plus chez nous, synonyme,
d'équilibre de l'économie régionale.
Vous savez que le comté de Labelle est un comté qui a une
économie marginale au point de vue agricole, forestier et au point de
vue du tourisme. Chacune ayant sa saison, parce que la quatrième saison,
l'hiver, il n'y a rien qui marche. Cela veut dire que, si le gouvernement ne
rétablit pas cette prime pour faire disparaître le loup, les
chasseurs ne viendront plus dans le comté de Labelle. Ils vont faire
comme ce chasseur de Montréal qui venait à chaque année
dans le comté de Labelle, un millionnaire qui dépensait de $3,000
à $4,000 par automne à la chasse dans le comté de Labelle,
devant 1'affluence des loups dans le comté de Labelle, il a
décidé, pour l'an prochain, d'aller chasser en Pensylvanie,
où il y a beaucoup plus de chevreuils que dans le comté de
Labelle.
Je pense que le ministre, pour rétablir la confiance du public
relativement à l'état de choses qui existe dans la région
des Laurentides, serait motivé de rétablir cette prime, pour la
santé économique de mon coin, mais je pense que le ministre ne
connaît pas trop ça, la santé.
De toute façon, je demanderais au ministre, dans un effort loyal,
ce matin, de demander des budgets additionnels à la Chambre et je pense
que toute l'Opposition sera parfaitement d'accord, il n'y aura plus de critique
et ça va arrêter là. Tout le monde va être
content.
M. COUTURIER: J'ai écouté avec beaucoup d'attention
l'exposé du député de Labelle, il dit que, depuis trois
ans, au ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche, on
étudie. C'est vrai qu'on étudie et qu'on continue
d'étudier parce que une personne peut vivre plusieurs années et
étudier toute sa vie. Par ailleurs, au ministère du Tourisme de
la Chasse et de la Pêche, il y a des réalisations actuellement. Il
y a dans le comté de Labelle et dans la région du Nord de
Montréal, un hélicoptère, un avion, trois biologistes, des
techniciens, sous la conduite de M. Bolduc, qui est un trappeur professionnel.
Actuellement, il se fait une campagne pour l'empoisonnement des loups.
Le député de Labelle a dit que le ministre devrait
être responsable et j'assure le député de Labelle que je
suis responsable et que je suis capable, en temps et lieu, de prendre mes
responsabilités et je les ai prises vis-à-vis des loups.
M. JOHNSON: Même vis-à-vis des loups.
M. COUTURIER: Oui. La responsabilité d'un homme s'étend
dans tous les domaines où sa responsabilité le demande.
M. JOHNSON: Quand on vient de Rivière-du-Loup, ça ne nous
fait pas peur, les loups.
M. COUTURIER: Il n'y a pas de loups à Rivière-du-Loup
parce que nous les avons envoyés dans le comté de Bagot et le
comté de Labelle.
Le député de Labelle base son argumentation...
M. LOUBIER: Avec ce discours-là, vous êtes ministre d'Etat,
ce ne sera pas long.
M. COUTURIER: Ce n'est pas un discours, c'est une mise au point. Parce
que je n'ai pas la prétention de faire des discours, parce que je ne
suis pas comme le député de Bellechasse:
je sais que. le bien ne fait pas de bruit et que le bruit ne fait pas de
bien.
M. LOUBIER: On a vu ça au ministère de la Santé,
c'est ce qu'on vous a reproché de ne rien faire.
M. COUTURIER: Je ne suis plus au ministère de la Santé, je
suis au ministère du Tourisme de la Chasse et de la pêche.
Maintenant, tout le discours du député de Labelle a tourné
autour du rétablissement de la prime. Il a cité d'autres exemples
des autres provinces et des Etats-Unis où il y avait des primes. Je
prendrai, par exemple, le cas de la province voisine, la province d'Ontario,
où autrefois il y avait une prime. On a enlevé la prime sour
l'abattage des loups, on l'a rétablie, et les renseignements que j'ai,
actuellement, c'est qu'on doit faire disparaître bientôt cette
prime, dans la province d'Ontario.
Nous avons au ministère du Tourisme de la Chasse et de la
Pêche des biologistes en qui nous avons parfaitement confiance. Si nous
ne nous fions par aux biologistes qui sont au service du ministère,
ça ne sert à rien de les payer pour renseigner le
ministère. Des biologistes sont au service du ministère du
Tourisme de la Chasse et de la pêche, comme ils sont au service du
ministère de l'Industrie et du Commerce; nous avons parfaitement
confiance en ces hommes, qui sont des hommes qualifiés et qui rendent
service par les renseignements qu'ils soumettent au ministre et au
sous-ministre.
Les biologistes de mon ministère disent qu'avant de songer
à établir un contrôle du loup, ils convient de se poser
plusieurs questions, puisque l'action sans enquête préalable
conduit souvent à un gaspillage et parfois même à une
catastrophe.
M. JOHNSON: Oui.
M. COUTURIER: Il faut se demander, entre autres, si le loup cause un
dommage réel au chevreuil.
M. JOHNSON: Cela coûterait moins cher qu'un seul avocat.
M. COUTURIER: Deuxièmement, il faut se demander si le loup est le
seul responsable de ces dommages ou si des causes plus profondes existent. Il
faut se rappeler que, cette année, alors qu'en février il y a
beaucoup de neige, les chevreuils se tiennent dans un ravage, et ce ravage est
assez restreint. C'est la même chose pour les loups qui se tiennent
autour des ravages de chevreuil.
M. LOUBIER: C'est clair, cela a toujours été.
M. COUTURIER: Maintenant, les chevreuils qui ont été
photographiés, que le député de Labelle a
mentionnés tout à l'heure, est-ce que ce sont des chevreuils qui
ont été tués par des loups ou si ce sont des chevreuils
qu'on a sortis pour priver les loups de leur nourriture?
On a sorti ces chevreuils-là, qui étaient supposés
être dévorés par les loups. Or, par conséquent, on a
enlevé aux loups...
M. LAFONTAINE: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. COUTURIER: Oui.
M. LAFONTAINE: Est-ce que son ministère est en train de
préparer de la nourriture...
M. COUTURIER: Non, ce n'est pas le ministère...
M. LAFONTAINE: ... pour assurer la survivance du loup? Est-ce que le
ministre pourrait me dire si le loup est nécessaire ou s'il n'est pas
nécessaire, dans les conditions actuelles?
M. COUTURIER: ... Le ministère n'est pas à préparer
de la nourriture pour les loups, mais il est à préparer de la
nourriture empoisonnée pour les loups.
M. LAFONTAINE: La nourriture empoisonnée empoisonne aussi tous
les animaux à fourrure.
M. COUTURIER: Non, parce que...
M. LAFONTAINE: Bien voyons donc, la martre, la loutre.
M. COUTURIER: ... le travail se fait sur les lacs, dans des endroits
spéciaux...
M. LAFONTAINE: On ne voit plus un écureuil dans le comté
de Labelle aujourd'hui.
M. COUTURIER: ... et les biologistes et les techniciens sont là
pour surveiller le travail et, actuellement, il y a cinq loups qui ont
été empoisonnés et qui ont été
ramassés, et empoisonnés par le poison qui a
été...
M. LAFONTAINE: Combien?
M. COUTURIER: ... cinq actuellement, depuis une semaine, et, si les
chevreuils qui étaient supposés être dévorés
par les loups, si ces chevreuils-là avaient été
laissés sur le terrain, les loups mangeraient cette nourriture-là
et puis ne seraient pas obligés, comme dit le député de
Labelle, de dévorer encore d'autres chevreuils pour se nourrir.
Alors, M. le Président, il faut se demander, entre autres, quelle
méthode de contrôle est susceptible d'apporter les meilleurs
résultats. Et l'on considère que l'établissement de la
prime n'est pas un moyen efficace.
UNE VOIX: Voyons dons!
M. COUTURIER: Je vais vous donner tout à l'heure des
témoignages prouvant que la prime n'est pas un moyen efficace pour la
destruction des loups. Parce que si on établit des primes pour les
destructions des loups, ce seront encore les braconniers, experts chasseurs,
qui vont tuer les loups et qui seront encore récompensés.
M. GABIAS: Ils seraient récompensés pour les beaux gestes
qu'ils feraient.
UNE VOIX: Pour autant que les loups soient morts...
M. LOUBIER: Au lieu de photographier les chevreuils, tuez donc les
loups, c'est ça qu'il demande!
M. COUTURIER: Pour le rétablissement de la prime, je dois dire au
député de Labelle qu'elle n'était pas payée par le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche mais bien par
le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.
M. LAFONTAINE: Je vous l'ai dit tout à l'heure, M. le
Président.
M. COUTURIER: Et il n'y a pas, au ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, de prévisions budgétaires pour le
rétablissement de la prime. De plus, au ministère, contre le
rétablissement de la prime, il n'y a pas que les biologistes. Je cite
ici...
M. LAFONTAINE: M. le Président, je ne voudrais pas que le
ministre induise la Chambre en erreur. Quand le ministre dit qu'il n'y a pas de
prévisions budgétaires, il peut en faire dans son budget
supplémentaire. Il peut le faire en vertu de la Loi de la chasse et de
la pêche, chapitre 202, article 64, qui dit: « Le ministre peut
payer, à même les montants votés chaque année
à cette fin. » Alors le ministre n'a simplement qu'à mettre
des montants dans son budget supplémentaire d'aujourd'hui et
l'Opposition va les voter, ces montants-là, et avec plaisir. Et on ne
chicanerait pas le ministre s'il proposait un montant.
M. COUTURIER: Voici, M. le Président, dans le budget
supplémentaire, au service de la protection de l'aménagement de
la faune, il n'y a que $10,000...
M. LAFONTAINE: Que le ministre en mette $50,000.
M. COUTURIER: Ces $10,000 serviront à payer la reclassification
accordée aux biologistes conformément à
l'arrêté en conseil numéro 1436 du 27 juillet 1965. On ne
demande pas de budget supplémentaire pour le rétablissement de la
prime et ce n'est pas notre intention de le demander non plus.
Et je me permets ici de citer quelques opinions émises sur le
sujet du rétablissement de la prime.
La Conservation Council of Ontario, dans un rapport fait au
ministère des Terres et Forêts de cette province de l'Ontario en
1956, dit ce qui suit: « Là où le contrôle des
prédateurs s'avère nécessaire, le système de la
prime n'est une méthode ni satisfaisante ni économique. »
Le même rapport cite le docteur Gabrielson, président de la Wild
Life Institute of North America. Le docteur Gabrielson dit ceci: « Je
suis d'avis que le paiement de la prime est une pure perte d'argent.
»
Le docteur Clark, directeur du Fish and Wild Life Branch of Ontario,
écrivait en 1962: « Un de ces jours, nous allons publier
l'histoire de la prime dans cette province. En attendant, je peux vous donner
quelques résultats de ce système. Le nombre de loups n'a pas
été affecté. Nous n'avons aucune indication qu'il y ait
moins de loups aujourd'hui qu'il y en aurait si nous n'avions jamais
payé de primes. La distribution du loup n'a pas été
affectée, il y a des loups partout où cette espèce est
susceptible de vivre. »
M. Stuart Allen, dans son ouvrage: « Our wild life legacy »,
déclare: « Nous n'avons ni l'espace ni le besoin de retracer en
détail la longue histoire de la prime. Même un regard rapide nous
démontre les raisons pour lesquelles le système de la prime est
à ce point mal vu de la part de tous ceux qui l'ont
étudié. D'une façon générale, ce fut un
moyen d'accorder un
subside pour l'élimination d'un surplus annuel de
prédateurs qui auraient été éliminés
naturellement de toute façon. » Ensuite, il y a M. Clayton Segar
qui dit ceci: « En résumé, il n'existe aucune
évidence à l'effet qu'un système de primes ne fasse autre
chose que d'accroître les revenus particuliers aux dépens des
contribuables ou du chasseur qui se procure un permis, suivant le cas.
»
Il déclare ensuite: « Malheureusement, la prime s'adapte
bien aux besoins de l'administrateur mal informé et enclin à la
politicaillerie ou à ces grands parleurs qu'on rencontre
fréquemment dans les réunions de sportifs. C'est une solution
populaire et, une fois en vigueur, les profits qu'elle entraîne lui
attirent de nombreuses et...
M. LAFONTAINE: M. le Président, le ministre n'a pas le
droit...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!
M. LAFONTAINE: ... d'insulter la population de Labelle. Ce ne sont pas
des politicailleurs.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! UNE VOIX: Il vous a
laissé parler, vous.
M. LAFONTAINE: C'est le ministre qui en fait de la politicaillerie avec
ça, à l'heure actuelle.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!
UNE VOIX: Il vous a laissé parler, laissez-le parler, lui
aussi.
M. LAFONTAINE: Bien oui, mais qu'il n'insulte pas la population de
Labelle, ni de Terrebonne!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande au député de
Labelle de retirer les paroles qu'il vient d'avoir à l'endroit du
ministre à l'effet qu'il faisait de la politicaillerie. Il sait que ce
n'est pas parlementaire, d'autant plus qu'il n'avait pas le droit d'intervenir
dans le débat, à ce stade-ci, à moins de demander la
permission au ministre de lui poser une question. Alors, je demande au
député de Labelle de retirer ses paroles.
M. LAFONTAINE: Bien, je retire « politicaillerie » pour le
remplacer par « partisanerie », M. le Président.
M. COUTURIER: M. le Président, quand j'ai cité le mot
« politicaillerie », ce n'était pas moi qui le disais,
c'était une parole de M. Allen qui déclare également dans
son ouvrage: « Malheureusement la prime s'adapte bien aux besoins de
l'administrateur mal informé et enclin à la politicaillerie.
» Cela, c'est M. Allen qui le déclare.
M. LAFONTAINE: Est-ce que le ministre me permet? Est-ce que le ministre
fait sienne cette déclaration?
M. COUTURIER: C'est la déclaration de M. Allen.
M. LAFONTAINE: Est-ce que vous la faites vôtre?
M. COUTURIER: C'est la déclaration de M. Allen.
M. LAFONTAINE: Très bien.
MM. PARENT ET HARVEY: C'est une citation.
M. LAFONTAINE: Alors, vous ne prenez pas vos responsabilités.
M. COUTURIER: Alors, tout ça pour dire que le
rétablissement de la prime n'est pas pratique d'autant plus que les gens
qui veulent tuer du loup ont la prime automatiquement, parce qu'ils n'ont
qu'à vendre leurs peaux au prix, actuellement, de $25 à $40. Ce
sera leur prime. Alors, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, se fiant sur les rapports des biologistes, n'a pas l'intention de
rétablir la prime, mais de travailler à la destruction du loup
là où il y en a, et de faire en sorte que les loups disparaissent
ou diminuent.
M. LAFONTAINE: M. le Président, le ministre dit qu'il se fie aux
biologistes. Moi, je me fie aux faits. Jusqu'en 1960, dans cette province, il y
avait une prime payée comme lutte préventive contre les loups. En
1961, je pense que le nombre de chevreuils abattus dans la région du
comté de Labelle était de 3,500; en 1962, de 3,700, je pense; en
1963, de 3,400; en 1965, cette année, M. le Président, le
ministre regardera dans ses dossieurs, .1,200 à 1,300. Et le ministre
attend des rapports des biologistes. Et puis il y a une chose, M. le
Président, qui est surprenante: depuis quatre ans, ça fait quatre
ministres du Tourisme, Chasse et de Pêche qui passent ici dans cette
Chambre. On les change,
on dirait, une fois par année; pourquoi? Je ne le sais pas...
M. LOUBIER: Il y a un loup qui les dévore.
M. LAFONTAINE: ... Puis c'est juste un peu avant qu'ils ne deviennent
ministres d'Etat.
M. LAPORTE: Ce n'est pas de la politicaillerie ça,
évidemment, ce n'est pas de la politicaillerie.
M. LAFONTAINE: Ah! ce n'est pas de la politicaillerie, ce sont des
faits.
M. LAPORTE: Ah non, ah non! ça, c'est de la haute politique.
M. LAFONTAINE: J'aimerais que le ministre prenne ses
responsabilités.
M. LAPORTE: Ah bon!
M. LAFONTAINE: J'ai dit, tout à l'heure... Je ne suis pas seul,
je suis heureux d'être en compagnie du député de Terrebonne
pour demander le rétablissement de la prime. Il a parlé un petit
peu moins longtemps que moi, mais je pense...
M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement. Je n'ai
pas demandé le rétablissement de la prime et
précisément je demande au député de Labelle s'il a
pris connaissance d'un rapport préparé par un comité de la
Chambre de commerce des Laurentides dans lequel on en vient à la
conclusion que le rétablissement de la prime n'est pas un moyen efficace
de combattre les dommages faits par les loups. Un mémoire
préparé par un comité spécial de la Chambre de
commerce des Laurentides qui a étudié cette question. Est-ce que
le député de Labelle a pris connaissance de ce
mémoire?
M. LAFONTAINE: Alors, je prends note que le député de
Terrebonne est contre le rétablissement de la prime. Deuxième des
choses, je prends note aussi que le député qui l'a
précédé dans le comté de Terrebonne, qui est
l'ancien ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, disait:
« Mais moi, j'ai l'impression que les études que nous avons
faites, les décisions que nous allons prendre bientôt, vont donner
entière satisfaction dans ce domaine. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de
paraître, depuis 3 mois, devant les meilleures associations, etc.
»
Alors, le ministre dit: Nous allons prendre bientôt des
décisions. Depuis deux ans, M. le Président, les seules
décisions qui ont été prises, c'est de laisser les loups
manger les chevreuils, de telle sorte que les troupeaux de chevreuils diminuent
énormément dans le comté de Labelle. Je me souviens aussi
qu'en 1963, le député de Champlain, dans un exposé,
disait: « M. le Président, je vais relire au ministre, pour qu'il
saisisse bien mon point. M. Guérin, qui est un vieux trappeur et un
vieux chasseur bien connu à La Tuque, dit que la recrudescence du nombre
de loups en Haute-Mauricie est une conséquence de la décision du
gouvernement provincial qui a enlevé la prime offerte à ceux qui
tuaient des loups ». Et il ajoute ceci: « On a découvert
à plusieurs endroits de nombreuses carcasses de chevreuils qui avaient
été abandonnées par les loups après leur festin.
Les résidants de ce secteur, c'est-à-dire de la Haute-Mauricie,
s'inquiètent de la situation au point qu'ils sont d'avis que le
chevreuil aura totalement disparu de la région de la
Rivière-aux-Rats, d'ici quelques années, si le gouvernement
n'intervient pas pour intéresser les chasseurs, les colons et les
trappeurs à pourchasser ces loups ». Et M. Guérin ajoute:
« On ne trouve pas de chevreuils dans les environs de La Tuque parce que
les loups les ont délogés. »
Alors, je continue de citer le député de Champlain qui
disait: « M. le Président, le ministre doit avoir un argument
sérieux, mais l'autre argument « trop fort ne casse pas »
devrait valoir. Pourquoi pas les deux? » Il n'y a rien qui puisse
interdire au ministre d'apporter à la protection du chevreuil et de la
faune, une attention particulière, même doublée. Alors, le
ministre dit: «J'ai confiance dans mes biologistes ». Je ne
chicanerai pas le ministre d'avoir confiance en ses employés, mais les
biologistes ont dit: « On ne doit pas payer une prime, on doit
réserver ça pour faire des petits voyages d'avion, en
hélicoptère, aller déposer des boulettes de viande
empoisonnées sur certains lacs ». Alors, à ce
moment-là, il y a une lutte qui se fait contre les loups, mais elle
n'est pas effective, et elle s'attaque non seulement aux loups, elle s'attaque
aussi aux animaux à fourrure, qui grignotent ces boulettes de viande. Et
le ministre dit: Ils ont sorti cinq chevreuils, la chasse est commencée
depuis deux mois par empoisonnement; vous avez, je pense, vingt stations
à peu près, puis vous avez tué cinq loups," vous avez
empoisonné cinq loups; cela a coûté combien à la
province cinq loups? Nous autres, nous en avons primé la
semaine dernière, six; cela a coûté $120 au
comité, $120 aux citoyens.
M. PARENT: Vous avez primé ceux qu'on avait
empoisonnés.
M. LAFONTAINE: M. le Président, je ne suis pas le seul, je suis
en bonne compagnie. Le ministre dit: « Les biologistes ont dit ».
Il y a un autre biologiste ici, qui s'appelle Fraser Symington qui dit
je vais donner la page ...
M. HARVEY: Il y a Jos Pageau, le biologiste.
M. LAFONTAINE: ... dans le volume « Tuktu », question de
survivance, publié avec l'autorisation de l'honorable Arthur Laing,
ministre du Nord canadien des Ressources naturelles, Roger Duhamel, imprimeur
de la Reine, contrôleur de papeterie, Ottawa, Canada 1965. A la page 91,
M. Symington dit ceci: « La lutte préventive contre les loups,
sans doute parce qu'elle est un moyen simple et direct, est la seule mesure
concrète qui ait été prise jusqu'ici pour aider les
caribous à survivre », changez le mot caribou et mettez le
mot chevreuil, vous avez exactement la réponse. « La lutte
préventive contre les loups, sans doute parce qu'elle est un moyen
simple et direct, est la seule mesure concrète qui ait été
prise jusqu'ici pour aider les chevreuils à survivre. »
M. le Président, si encore la biologie était une science
exacte, je m'inclinerais, mais la biologie n'est pas une science exacte. Vous
avez ici un article que je vais citer au ministre: L'équilibre dans la
nature. Voilà ce que pense Manley S. Miner, fils de Jack Miner, qui fut
reconnu comme l'un des plus grands naturalistes au monde. « Dieu
créa la bête à patate, le doryphore, mais en même
temps il créa la pomme de terre. Dieu créa le loup, en même
temps il fit le chevreuil. Dieu créa la corneille qui mange les oeufs
des canards et des autres oiseaux, en même temps il fit les canards.
»
M. PINARD: Dieu créa la femme...
M. LAFONTAINE: Si vous voulez me laisser continuer, M. le
Président...
UNE VOIX: Il a créé l'homme aussi...
M. LAFONTAINE: Je passe cette section-là. Je laisse ça au
ministre de la Voirie.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. PINARD: Vous n'avez pas une citation de B.B. là-dedans?
M. LAFONTAINE: Il fait le trottoir, le ministre de la Voirie.
M. PINARD: Elle, elle les tuerait les loups.
M. LAFONTAINE: En d'autres mots, comme il est mentionné au
chapitre 14 du Deutéronome: «Il créa les oiseaux et les
animaux pour servir de nourriture à l'homme et il créa des
prédateurs pour établir la balance jusqu'à ce que l'homme
fut créé et que le pouvoir lui fut donné de faire la
balance.» En d'autres mots, l'équilibre dans la nature
relève de l'homme, même dans les temps bibliques; lorsque
Jésus vivait sur notre terre, nous voyions des bergers qui surveillaient
leurs troupeaux la nuit pour éviter la destruction et les méfaits
des loups. Il y a deux écoles: a) La nature s'équilibre
d'elle-même...
M. LAPORTE: C'est une citation ça?
M. LAFONTAINE: ... c'est ce que les universités enseignent. C'est
très bien comme théorie, ce n'est pas fameux en pratique; les
biologistes devraient s'en rendre compte.
M. PINARD: A l'ordre!
M. LAFONTAINE : b) la théorie de Jack Miner, lorsque Christophe
Colomb posa le pied sur notre sol, lorsqu'il abattit...
M. LAPORTE: Il a voyagé, votre gars!
M. LAFONTAINE: M. le Président, vous allez demander à la
majorité libérale, dans cette Chambre, au moins, de me laisser
lire l'article, au moins de mettre un peu de sérieux, quand il s'agit de
l'équilibre économique d'une région.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LAPORTE: Est-ce que vous prenez l'assertion de Christophe Colomb
à votre compte?
M. PINARD: Moi, ce que je voudrais savoir, c'est combien de loups ont
été embarqués dans l'arche de Noé.
M. LAFONTAINE: «Il relève donc maintenant de l'homme de
rétablir l'ordre, car Dieu lui donna les pouvoirs lors de sa
création, il faut détruire les prédateurs, il n'y a pas de
mal pour
l'homme de prendre le surplus du cheptel sauvage, cette récolte
de gibier que nous connaissons à l'automne. De fait, c'était le
plan divin; car la première loi sur la chasse provient du paragraphe 6,
chapitre 22 du Deutéronome, lorsqu'il dit de ne pas prendre la
mère de l'oiseau, mais qu'il était bien de prendre sa
descendance. « Un tel exemple des temps modernes, que nous vous
présentons, sur l'Ile Peele du lac Erié. Il n'y a pas de
prédateur naturel, le faisan a augmenté à cet endroit
parmi une population humaine à un tel point que plus de 10,000 faisans
mâles et plus peuvent être abattus annuellement.
Dernièrement, des femelles ont été abattues pour
équilibrer. Si l'homme n'exerçait pas de contrôle à
l'Ile Peele, la population de faisans deviendrait si dense que le
Créateur prendrait un autre moyen pour rétablir la balance: la
maladie, ce qui se manifeste chez le lièvre.
Un autre exemple, il n'y a pas de loups à Anticosti: regardez la
population des chevreuils. Si nous avions un surplus de chevreuils chez nous,
je suis assuré que les chasseurs du Québec ne seraient pas contre
le principe d'en abattre deux, même trois par année. Jack Miner,
dans sa grande sagesse, possède de nombreux disciples, j'en suis un
fervent, de même que tous les membres du comité pour la protection
de la faune du comté de Labelle, même Marcel Prud'homme,
député fédéral du comté de St-Denis, partage
cette opinion. Cela, c'est dans le Montréal-Matin, par Jean
Pagé.
Il y a eu aussi l'article de Serge Deyglun, si le ministre le permet:
«La responsabilité incombe au gouvernement. Moi, j'accuse le
gouvernement d'avoir laissé la situation se détériorer au
point où nous en sommes à l'heure actuelle. L'élimination
partielle du loup que préconise il fait allusion à un
article de M. Pelletier a toujours fait partie de la politique
gouvernementale, du moins jusqu'en 1960. L'abolition de la prime d'abord, un
programme de contrôle des prédateurs, ensuite l'addition d'un
nombre sans cesse grandissant de chasseurs sportifs, ont porté à
la population de chevreuils un très dur coup. Je ne minimise pas non
plus la mauvaise exploitation forestière due au système des
coupes sélectives, adoptées par toutes les compagnies
concessionnaires; il y en a 23 qui se méritent le titre d'importantes
Le gouvernement est seul responsable de cette faillite dans
l'aménagement de notre faune. L'équilibre est rompu,
dangereusement rompu. Bien sûr, les concessionnaires devraient planifier
les coupes, abandonner l'invraisemblable politique des coupes
sélectives, faire de la sylviculture et comprendre que, dans les bois,
il y a autre chose que du bois...»
M. PINARD: A l'ordre!
M. LAPORTE: Que c'est beau de tout connaître comme ça!
M. LAFONTAINE: M. le Président, demandez au leader qu'il reste
tranquille.
M. LAPORTE: M. le Président, s'il est aussi renseigné sur
ce problème-là qu'il l'était sur les usines
d'épuration, c'est bien convaincant.
M. LAFONTAINE: On pourrait peut-être en parler en d'autres temps
des...
M. LAPORTE: Oui, j'ai donc hâte.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LAFONTAINE: On pourrait peut-être se rencontrer, le leader de
la Chambre et moi.
M. LAPORTE: Pardon?
M. LAFONTAINE: J'aurais peut-être des petites nouvelles à
lui donner.
M. LAPORTE: Oui, j'en ai des grosses, moi.
M. LAFONTAINE: Des grosses aussi. M. LAPORTE: D'accord.
M. LAFONTAINE: Mais avant que le ministre des Terres et Forêts ait
les reins assez solides pour forcer les compagnies à se plier aux lois
qui ne sontpas encore votées, les chevreuils auront le temps d'y
goûter au point de dégoûter profondément tous les
chasseurs de chevreuil du Québec et plus précisément ceux
qui fréquentent le comté de Labelle. C'est d'ailleurs
commencé. La récente création du comité de la faune
du comté de Labelle est un geste révélateur de la part des
résidants de Labelle. Pensons moins aux loups, dites-vous, je voudrais
bien, mais, en ce moment, on nepeutpas ne pas y penser. La seule chose directe,
concrète, efficace que nous puissions faire pour aider nos chevreuils en
danger, c'est de détruire le loup. Pas besoin de voter des lois ni de
parlementer avec toutes les puissantes compagnies pour aider maintenant le
chevreuil.
Je reprends cette phrase de Fraser Symington dans son livre «
Tuktu », imprimeur de la Reine: « La lutte préventive contre
les loups, sans doute parce qu'elle est un moyen simple et direct, est
la seule mesure concrète qui ait été prise
jusqu'ici pour aider les caribous à survivre ». Cette phrase va
comme un gant à nos problèmes actuels dans les Laurentides. Je
suis d'accord avec vous: le loup est nécessaire au bon équilibre
des cervidés. Je suis contre la destruction totale d'une espèce
animale, quelle qu'elle soit.
Mais l'équilibre étant rompu, par notre faute, ne
l'oublions pas, il nous appartient de le rétablir. Pour l'instant, on ne
peut que faire la guerre aux loups en attendant de la faire aux
concessionnaires forestiers. Demandez une destruction totale et vous aurez une
destruction partielle. D'ailleurs, vous devez savoir comme moi que nous ne
réussirons jamais à détruire le loup complètement.
Alors, allons-y et tâchons d'en tuer le plus possible en attendant
l'ère des coupes planifiées. En conclusion, bravo à M.
Pelletier, vous êtes un vrai sportman et vous avez les qualités
que nous aimerions trouver chez certains biologistes, le sens de la
pédagogie simple et logique qui n'est pas indigeste à la
majorité des chasseurs. »
M. LAPORTE: Merci.
M. LAFONTAINE: Maintenant, non seulement...
M. PINARD: Déposez.
M. LAFONTAINE: ... je l'appliquerais aux biologistes, mais je
l'appliquerais, cette phrase-là, aussi au ministre du Tourisme de la
Chasse et de la Pêche.
M. PINARD: Amen!
M. LAFONTAINE: M. le Président, vous allez peut-être penser
que c'est simplement la population du comté de Labelle qui demande le
rétablissement de la prime. M. Deyglun est allé à
St-Hyacinthe faire une causerie sur la chasse et la pêche et, dans sa
chronique du 2 février 1966, il dit merci pour le comité de
protection de la faune. Merci, oui, merci aux âmes
généreuses qui ont fait parvenir leur contribution au
comité de protection de la faune du comté de Labelle. Grâce
à vous, grâce à vos dollars et à vos cents...
M. LAPORTE: M. le Président, ce n'est pas...
M. LAFONTAINE: ... la fameuse prime et l'engagement de
spécialistes de la chasse vont se continuer...
M. LAPORTE: J'invoque le règlement, M. le Président.
M. PINARD: A l'ordre!
M. LAFONTAINE: ... peut-être que...?
M. PINARD: A l'ordre!
M. LAFONTAINE: ... du Québec s'en portera mieux, tout au
moins...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre que le député
est complètement sourd, M. le Président?
M. LOUBIER: Ah! ça, c'est gentil!
M. LAFONTAINE: Je n'ai pas compris, M. le Président.
M. LAPORTE: C'est ça, c'est ce que je voulais dire. Alors, M. le
Président, est-ce qu'on va permettre que sur ce problème on lise
tout ce que les journaux ont publié? Est-ce que le député
a une opinion personnelle à exposer? M. le Président, en vertu de
285 de nos règlements, il est interdit de lier des articles de
journaux.
M. LAFONTAINE: Le leader n'était pas en Chambre quand j'ai
expliqué mon opinion personnelle.
M. LAPORTE: Le leader n'était pas en Chambre non plus quand le
règlement a été adopté.
M. LAFONTAINE: M. le Président, le ministre de la chasse est
arrivé et a lu certains commentaires disant que c'était de la
« politicaillerie », cette lutte contre les loups et c'est
là-dessus que je raccroche toutes ces choses-là. Est-ce que Serge
Deyglun est un « politicialleur »? Est-ce que Jean Pagé est
un« politicailleur »? Est-ce que les gens qui ont entendu la
conférence de Serge Deyglun à St-Hyacinthe sont des «
politicailleurs »? C'est tout simplement ça que j'essaie
d'établir.
M. LAPORTE: Très bien.
M. LAFONTAINE: Jack Miner n'est certainement pas un «
politicailleur ». Symington n'est certainement pas un «
politicailleur », M. le Président. C'est simplement ce
fait-là
que j'essaie d'établir pour le bénéfice du
ministre. On ne peut pas en dire autant du leader.
UNE VOIX: Je n'ai pas compris.
M. LAPORTE: Les meilleures sont souvent celles que l'on ne comprend
pas.
M. PINARD: Il est meilleur penché debout.
M. LAFONTAINE: Peut-être que la manufacture de loups du
Québec s'en portera mieux, tout au moins...
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LAPORTE: Monsieur le sourd, j'invoque le règlement.
M. LAFONTAINE: Ce n'est pas gentil. M. LE PRESIDENT: A l'ordre,
messieurs!
M. LAFONTAINE: J'ai toujours respecté le leader de la Chambre
comme étant un gentilhomme, je pense bien qu'il peut continuer...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: Je retire « sourd ».
M. LAFONTAINE; Parce qu'on peut peut-être commencer...
M. PINARD: A l'ordre!
M. LAPORTE: M. le Président, il faudrait que le
député revienne à la discussion telle que prévu par
le règlement...
M. PINARD: Il est parti à la chasse aux loups, là.
M. LAPORTE: ... et cesse de lire à profusion des extraits, non
plus des extraits mais des articles complets de journaux. Ce n'est pas
autorisé par le règlement, M. le Président, puis on peut
peut-être passer encore une heure. Que le député invoque le
témoignage de Serge Deyglun, qu'il invoque le témoignage de Jack
Miner, qu'il invoque le témoignage...
M. PINARD: De Jack Monoloy.
M. LAPORTE: ... des citoyens qui sont allés écouter des
conférences, pas d'objection. Mais ça ne nous convaincra pas plus
qu'il lise toutes les conférences; mais ça peut faire perdre du
temps à la Chambre. C'est pour ça que le règlement
existe.
M. LAFONTAINE: Non, je n'ai pas l'intention de faire perdre du temps
à la Chambre.
M. LAPORTE: Vous allez bien.
M. LAFONTAINE: J'ai l'impression, en tentant de convaincre le ministre,
que, si le ministre dit oui, l'Opposition est toute prête à dire
oui, et on vient de régler un problème dans la province qui est
urgent pour la survivance d'une région, qui est urgent pour les gens de
la région métropolitaine au point de vue des loisirs. Il en est
question des loisirs, des sports, de l'équilibre de l'économie
régionale dans notre région. Ce n'est pas seulement dans notre
région. Il y a aussi, en haute Mauricie, le même problème
qui existe exactement. Or, c'est tout simplement Ça. Je tente de
convaincre le ministre et je sais que le ministre va venir à prendre ses
responsabilités et non pas toujours se fier aux biologistes.
Je suis sûr que le ministre de la Voirie, et je le vois le
ministre de la Voirie, ne prend pas n'importe quel rapport d'ingénieur
pour s'asseoir dessus. Quand il y a un rapport d'ingénieur qui arrive,
il le scrute. C'est normal. Le ministre a des biologistes autour de lui. Les
biologistes peuvent avoir leur opinion, d'accord. Les biologistes veulent
combattre le loup par de la viande, par des boulettes
empoisonnées» D'accord, je n'ai pas d'objection, bien que je
préviens le ministre qu'à ce moment-là, il fait
disparaître les animaux à fourrure. Mais tout de même, si
les biologistes veulent s'amuser en avion, je n'ai pas d'objection. S'ils
veulent se promener en jeep et en autoneige, je n'ai pas d'objection. Mais il
reste un fait, c'est que, dans mon comté, j'ai énormément
de trappeurs qui connaissent les bois et peut-être cent fois mieux que
n'importe quel biologiste et que le ministre. On a prétendu, en 1964
j'aurais pu lire ça au ministre tout à l'heure que
le ministère avait arrêté de payer des primes, parce qu'on
payait des oreilles de chiens. $1 millions pendant vingt-cinq ans de
dépensés, combien d'oreilles de chien ont-elles été
payées?
M. PINARD: Ils les ont croisés.
M. LAFONTAINE: Il y a un biologiste qui est venu dans mon comté,
dernièrement, et il a dit: En plus de payer les oreilles de chien,
on
payait des oreilles confectionnées à même la peau
des loups. J'ai dit: Ecoutez, M. le biologiste, pensez-vous que les gens sont
assez niaiseux pour commencer à confectionner des oreilles de loup pour
avoir $20, quand la peau se vend $25 ou $30. Les biologistes, ce sont les
conseillers techniques du ministre. Il y a peut-être une chose, il y
aurait peut-être les oreilles du député de Hull qui
pourraient parvenir au ministre.
M. LE PRESIDENT: Voyons!
M. PARENT: Le député de Labelle est assez mal pris dans
son comté, qu'il faut qu'il trouve une raison pour essayer de convaincre
l'électorat qu'il doit être réélu.
M. LAFONTAINE: Je demanderais au ministre de rétablir la prime.
Sur un budget, cette année, de $2 milliards, je pense bien que ce ne
serait pas exagéré de donner pour la protection de la faune,
protection du chevreuil, protection du caribou et même protection de
l'orignal, qui a parfois de la misère à se défendre contre
les loups. Je demanderais au ministre de rétablir la prime et de la
rétablir aujourd'hui. L'Opposition va voter avec le gouvernement. Le
ministre en a les pouvoirs, en vertu de l'article 64 du chapitre 202 de la Loi
de la chasse. Nous allons l'appuyer. Qu'il accorde pour l'année qui
finit, disons que $10,000 feraient l'affaire pour un mois, jusqu'au 31 mars.
L'Opposition va voter avec lui et je pense qu'à ce moment-là, le
ministre règle la question. Les biologistes du ministère vont
continuer à s'amuser en aéroplane. On n'a pas d'objection, mais
la population, qui paie des taxes, les chasseurs, qui paient des permis de
chasse, seront eux aussi protégés, et l'économie de toute
notre région sera équilibrée,
M. HARDY: M. le Président, pour corriger une fausse impression
qu'a pu laisser tantôt le député de Labelle je tiens
à dire que je suis aussi intéressé que lui à ce que
des mesures efficaces et concrètes soient prises pour corriger la
situation qui existe actuellement en ce qui a trait aux dommages causés
au chevreuil parles loups. Mais tout simplement, le fait de différer sur
les moyens à prendre ne veut pas dire qu'on s'intéresse moins
à la situation. Il y a actuellement différents moyens qui peuvent
être pris pour corriger cette situation et un grand nombre de
spécialistes et je vous rappelais tantôt le cas d'un
mémoire préparé par un comité spécial de la
Chambre de commerce des Laurentides, un grand nombre de personnes en arrivent
à la conclusion que le rétablissement de la prime n'est pas une
solution efficace au problème. Il y a une foule de moyens de corriger
cette situation et, personnellement, je suis intéressé à
ce que le ministère prenne tous les moyens pour y arriver. Le fait de ne
pas souscrire à l'opinion du député de Labelle, le fait de
ne pas croire que le rétablissement de la prime est un moyen efficace,
cela ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas au problème et
qu'on ne veut pas que la solution soit corrigée.
Il y a une foule de moyens pour corriger la situation et il serait
malheureux que, sur une question aussi importante que celle-ci, on en fasse une
question électorale et qu'on soulève un peu le sentiment des
gens. Parce que, quand on parle des loups, il est très facile, il y a un
atmosphère psychologique très facile à créer de
soulever une certaine crainte ou une certaine appréhension. C'est un
problème sérieux, c'est un problème qui doit être
étudié d'une façon sérieuse, d'une façon
objective. Je répète qu'en tant que député d'un
comté dont l'économie est largement tributaire de l'industrie
touristique, je suis très intéressé à ce que tous
les moyens efficaces soient pris pour corriger cette situation, mais le seul
moyen, ce n'est pas le rétablissement de la prime. Il ne faudrait pas
laisser croire à la population que parce qu'on est pas en faveur du
rétablissement de la prime, on se désintéresse du
problème.
M. LAFONTAINE: M. le Président, je veux simplement
répondre au député parce qu'il m'a mis en cause; ça
ne sera pas bien long. Si je dis que c'est le rétablissement de la
prime, évidemment, on peut différer d'opinion. J'ai mon opinion,
le député de Terrebonne a la sienne; je n'aime pas son passage de
politicaillerie ni en faire un ballon politique.
M. HARDY: Je n'ai pas parlé de politicaillerie, je n'ai
même pas prononcé le mot.
M. LAFONTAINE: Vous avez parlé d'en faire un ballon politique ou
quelque chose de la sorte.
M. HARDY: Je n'ai pas dit ça.
M. LAFONTAINE: Or, pour ma part, je n'en fait pas un ballon politique.
Oui, oui, il a parlé de quelque chose de même. De toute
façon M. le président c'est que je voudrais que le
député se rende compte, c'est vrai qu'il est arrivé en
1964 en cette Chambre.
M. HARDY: 1965.
M. LAFONTAINE: 1965. Alors il n'était pas ici en 1960...
M. HARDY: Mais je suivais de très près les travaux de la
Chambre.
M. LAFONTAINE: ... s'il avait été ici en 1960, M. le
Président, si le député de Terrebonne avait
été ici en cette Chambre en 1960, il aurait appris que le
gouvernement avait aboli la prime qu'on accordait pour combattre les loups, qui
était de $20 à ce moment-là.
M. HARDY: C'est ça.
M. LAFONTAINE: Jusqu'en... un gouvernement libéral. Un
gouvernement libéral en 1960. Jusqu'à ce moment-là, M. le
Président...
M. BRISSON: Adressez-vous au président.
M. LAFONTAINE: ... oui, je m'adresse au président aussi, mais je
peux en regarder un autre. Jusqu'en 1960, M. le Président, il n'y a pas
eu de problème aigu de loups dans la province de Québec. Depuis
l'abolition de la prime, le nombre de chevreuils abattus par année,
parce que cette politique-là a eu un effet peut-être un
petit peu à retardement, mais à partir de 1962 ou de 1963,
on a commencé à se rendre compte qu'il y avait
énormément de loups, que la population de loups augmentait
surtout dans ma région, comme corollaire à l'abotition de cette
prime faite en 1960 par le gouvernement libéral.
En 1963 les journaux ont commencé à demander au
gouvernement le rétablissement de cette prime. En 1964, le ministre du
temps, qui était le prédécesseur comme
député du comté de Terrebonne au député
actuel dit: « On étudie puis on va prendre des dispositions avant
longtemps, puis le problème va être réglé, puis tout
le monde va être satisfait. » Cela fait deux ans M. le
président, les moyens qu'on a pris à ce moment-là, ce sont
des voyages par héliroptère, des voyages par avion, trois quatre
biologistes peut-être frais émoulus d'une université avec
peut-être beaucoup de théorie mais pas beaucoup de tratique, qui
entrent dans les comtés, qui vont, se promènent un petit peu dans
le bois... Il y a quelqu'un de La Macaza qui me disait dernièrement: Il
y a un équipe qui vient en jeep, qui rentre dans le bois, va placer des
boulettes empoisonnées. » Et puis je demandais à la
personne; « Mais combien de loups avez-vous tués la semaine
passée? » Il dit: « Je ne le sais pas. » Mais je dis:
« Comment ça, vous ne saves pas? » puis il dit: « Le
loup, il s'en va dans le bois puis s'empoisonne. Mais si vous empoisonnez un
loup, le loup n'ira pas bien bien loin; j'ai simplement à suivre les
pistes, puis je vais finir par le trouver mort à quelque par. » De
toute façon il n'en avait pas tués. Lorsque le biologiste du
ministère est venu dans mon comté, il y a exactement deux
semaines, pour le programme de télévision « Aujourd'hui
».
A ce moment-là, il y avait un loup de pris par le service des
biologistes. Nous avons rétabli la prime dans le comté de Labelle
à même des dons publics, de gens qui se serrent la ceinture, comme
à la demande du premier ministre, mais qui donnent leur écot au
comité de la protection de la faune du comté de Labelle. Nous
avons primé six loups dans une fin de semaine. Tout ce qu'on demande, ce
n'est pas que les biologistes se fassent trappeurs. Ce qu'on demande, c'est
l'aide gouvernementale. Je pense que le ministre devrait admettre qu'il faut
que la population de loups baisse. Mais pour que la population de loups baisse,
il faut tout de même faire quelque chose pour encourager le «
trappage » du loup. La seule façon d'encouragement, c'est
d'accorder une prime. Et je pense que, si le ministre accordait une prime, cela
coûterait moins cher que son service de biologie. Beaucoup moins cher.
Qu'il économise sur les voyages en avion et puis qu'il redonne la prime.
Je dis que c'est la prime qui a été abolie en 1960 qui nous a
amené cette situation qui est désastreuse pour tout le monde.
M. COUTURIER: M. le Président, je dois féliciter le
député de Terrebonne qui semble avoir compris la situation et je
peux lui dire que le problème a été étudié
sous toutes ses faces et il a été jugé au ministère
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche que le rétablissement de
la prime n'était pas un moyen efficace pour la destruction des
loups.
Je pourrais féliciter aussi le député de Labelle
pour son exposé. Je pourrais lui dire, par exemple, qu'il est assez
facile de parler, de faire un exposé sur des textes qui ont
été écrits par d'autres. Et dans les citations qu'il a
faites, le nom du député de Labelle revient souvent à la
surface. Et quand il a parlé aussi que le gouvernement libéral
avait fait disparaître la prime, il a fait cette citation à
plusieurs reprises. Le gouvernement libéral a fait disparaître la
prime en 1960. Donc, c'est vrai.
M. JOHNSON: Bon!
M. COUTURIER: Mais le gouvernement libéral a fait
disparaître la prime parce qu'il
a jugé nécessaire de la faire disparaître. M.
JOHNSON: Oui.
M. COUTURIER: C'est donc dire que c'est une attaque de la part du
député de Labelle contre le parti libéral. Si le
député de Labelle veut préparer son élection, il
n'a qu'à...
DES VOIX; A l'ordre!
M. COUTURIER: ... se servir d'autres moyens que les loups.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER: Le ministre n'a pas le droit d'imputer des motifs au
député de Labelle, de vouloir se servir de son intervention pour
des fins électorales.
M. COUTURIER: Je ne lui prête pas de motifs. Je dis; Si le
député veut se servir... »
M. LOUBIER: Ah bon! Ah bon! Le ministre...
M. COUTURIER: Le député de Labelle... C'est une
hypothèse!
M. LAFONTAINE: C'est une hypothèse qui ne devrait pas avoir
lieu!
M. COUTURIER: Et je maintiens l'hypothèse. Alors, le
député de Labelle peut se servir d'autres moyens pour se faire
élire aux prochaines élections que de mettre ça sur le dos
des loups.
Maintenant, le député de Labelle dit que les biologistes
n'ont pas la science exacte. Tout peut être perfectionné. Partant
de ce principe, je pourrais dire au député de Labelle qu'il
pourrait se faire soigner par un charlatan, il pourrait se faire soigner par un
médecin vétérinaire.
M. LAFONTAINE: Cela ne serait certainement pas par le ministre du
Tourisme.
M. COUTURIER: Le biologiste est un homme qualifié qui a
reçu des diplômes et sur lequel on doit se fier.
M. LAFONTAINE: Le ministre n'a pas le droit de se faire de la
publicité en Chambre!
M. COUTURIER: Il n'y a pas que les biologistes du ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, il y a aussi des biologistes en
dehors du ministère qui disent que le rétablis- sement de la
prime n'est pas un moyen efficace pour faire disparaître les loups.
Le député me demande de prendre mes
responsabilités. Je les prends et je dis que nous ne rétablirons
pas la prime tant et aussi longtemps que le rétablissement de la prime
n'aura pas prouvé que c'est un moyen efficace pour la destruction des
loups.
M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais, très
brièvement moi aussi, plaider pour le rétablissement de la prime,
après avoir félicité le député de Labelle
qui ne fait que son devoir en Chambre quand il attire l'attention de la
députation sur ce problème. M. le Président, le
député de Labelle qui vit avec ses gens, qui vibre à
l'unisson des problèmes de son comté, qui connaît
l'économie du comté de Labelle, qui sait l'importance que la
chasse et la pêche représentent pour l'économie du
comté et pour le bien-être d'une partie de la population, depuis
trois ans, fait son devoir en cette Chambre en attirant l'attention du ministre
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche sur les ravages que font les
loups.
Je pense que toute cette Chambre a pu se rendre compte, comme les
journalistes d'ailleurs, que le député de Labelle connaît
son affaire; deuxièmement, que ses prétentions sont
établies sur des autorités induscutables. Par ailleurs, le
ministre, en réponse, n'a qu'une citation et c'est celle d'un biologiste
de l'Ontario. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais il y en a des
experts dans le domaine de la récréation par la chasse et la
pêche et l'un de ces experts, c'est celui qui signe depuis des
décennies, dans le journal The Gazette, des articles sous
l'en-tête de « Rob and Gun », sous le nom de Isaac Hunter. Il
dit ceci dans la Gazette, dans le supplément annuel et la revue
commerciale de la Gazette, datée du 22 janvier 1966, je cite le titre en
anglais: « Gazette Annuel Commercial Revue and Forecast, January 22,
1966. » Avec votre permission, je citerai d'abord un paragraphe de cet
article plutôt que d'élaborer évidemment sur les
mêmes thèmes.
Parlant de la situation désastreuse de la chasse et de la
pêche pour l'année 1965, après avoir rappelé qu'en
autant d'années on avait eu six ministres de la Chasse et de la
Pêche, M. Hunter, et je cite textuellement, dit: « True importance
not realized. It seems a pity that space should have to be given to the matters
that have been touched upon to this point, but in a nutshell, Quebec, already
far behind in the matter of fish and wild life management, could be dropping
further back in some cases to a point of no return or, at least, a frightening
expensive return.
The reason for this state of affairs appears to be failure of the powers
that be to recognize the true important to the Province of these renewable
natural resources represented by our fish and game. This is clearly pointed to
by the facts cited in the foregoing unpalatable though they may prove to some.
It is only to the facing of these facts and the dawing of realization as to
just what fish and wild life mean to Quebec on the part of those in power that
we can justifiably look forward for great deal of optimism to the future for
current and succeeding generations in this field. »
M. le Président, M. Hunter venait de dire plus tôt dans cet
article qu'il avait, en 1965, évoqué avec un peu d'enthousiasme
les changements qui étaient en train de s'accomplir au ministère.
Il avait félicité le gouvernement d'avoir donné,
semble-t-il, mais libres à des fonctionnaires qui voulaient
réellement s'occuper du problème d'une façon efficace.
Mais M. Hunter dit: « It is my humble opinion as a long time interested
observer of these affairs that the administration of fish and game in Quebec
remains in a state of flux. It seems apparent to me, at least, that the efforts
of some of the more vital figures had been largely nullified by reactionary and
unknowledgeable thinking closer to the seat of power. »
M. LAPORTE: M. le Président, ce n'est pas très pertinent,
surtout pour la politique du ministère.
M. JOHNSON: M. le Président, M. Hunter dit: En somme, on
n'attache pas assez d'importance à ce sujet. Le député de
Labelle dit qu'on est mal venu d'accuser de politicaillerie, quand il a
parlé de ce problème depuis 1961, dans cette Chambre...
M. COUTURIER: Le député de Labelle n'a pas
été accusé de politicaillerie.
M. JOHNSON: ... qui a protesté, M. le Président,
dès qu'on a aboli la prime, qui en a demandé le
rétablissement chaque année. Oh! je comprends le
député de Terrebonne, il ne voulait pas se faire damer le
pion...
M. PARENT: Cela ne regarde pas le ministère du Tourisme.
M. JOHNSON: ... qui saute ce matin sur la charette, avant le
député de Labelle, et qui veut se mettre en évidence, mais
qui ne peut pas, comme le député de Labelle, M. le
Président...
UNE VOIX: C'est de la politicaillerie, ça.
M. JOHNSON: Non, M. le Président, je constate les faits. Voici un
député qui, depuis quatre ans, proteste contre l'abolition de la
prime.
M. HARDY: C'est son monopole à lui, personne autre que lui n'a le
droit d'en parler.
M. JOHNSON: Si on n'avait pas eu le député de Labelle, on
n'en aurait jamais entendu parler de ça. Le député de
Terrebonne n'en aurait pas parlé dans cette Chambre.
M. PARENT: C'est une école de pensée, ça ne veut
pas dire que c'est la meilleure.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est une école de gens
pratiques. On a encore un exemple de la manière dont le ministre a
traité ce problème, on a encore un exemple de ce qui est en train
de rendre le gouvernement incompétent dans presque tous les domaines.
Des biologistes, des diplômés, des gens assis dans des fauteuils,
dans des bureaux tapissés, qui ont des tapis mur à mur. Et dans
ces bureaux capitonnés, M. le Président, on prend de grandes
décisions, des biologistes on en a besoin, mais les occupe donc à
examiner les oreilles qui rentrent, il doivent être au moins assez
compétents pour distinguer entre les oreilles de chien et les oreilles
de loup, si c'est ça, la grosse objection.
M. PARENT: Ils ne peuvent pas les différencier entre les
provinces.
M. JOHNSON: Pardon?
M. PARENT: Ils ne peuvent pas différencier entre les
provinces.
M. COUTURIER: S'ils viennent de la province d'Ontario ou d'ailleurs.
M. JOHNSON: Que vient de dire l'éternel adjoint? C'est le
cardinal Richelieu du ministère, M. le Président, c'est le
Talleyrand...
M. PINARD: Les ministres passent, mais l'adjoint demeure.
M. PARENT: La continuité.
M. PINARD: Apparemment, il y a des loups anglais et des loups
français.
M. BERTRAND: Il va être nommé ministre adjoint.
M. JOHNSON: On a un exemple de solution théorique à un
problème pratique. Moi, je préfère, à
première vue, la solution de bon sens, élaborée par des
gens qui s'y connaissent dans le domaine. Les biologistes peuvent avoir de
grandes théories. La grande théorie dont Jack Miner parlait, et
on sait qui est Jack Miner, il a fait ses preuves, lui, comme amant de la
nature, grande théorie que la nature est équilibrée; le
Créateur a vu à ce qu'il y ait des prédateurs. Mais, comme
l'a expliqué le député de Labelle, l'homme entre en
scène. Le gouvernement actuel dépense combien pour amener devant
le tribunal un braconnier, quand bien même ce serait un colon qui crevait
de faim et qui avait besoin de nourrir ses enfants: $75. $100, $150, $200,
$300, $400 par cause, M. le Président, pour arrêter un
braconnier.
Et on dépensera jusqu'à $1,000 en toutes sortes de frais
de transport de témoins pour gagner sa cause contre un braconnier
un humain et quand il s'agit des loups... C'est Symington qui disait
qu'un loup peut tuer jusqu'à seize caribous dans une année: seize
caribous. Cela, c'est un vrai braconnier, et puis on ne dépensera pas
$20 ou même $50, M. le Président? Le vrai braconnier, c'est le
loup; ce sont les gens de Labelle qui le savent, ce ne sont pas les gens de
Rivière-du-Loup. Ce sont les gens de Labelle qui le savent. Que vos
biologistes et vos théoriciens descendent donc dans le peuple, aillent
donc voir ce qui se passe, aillent donc interroger les gens, écoutent le
bon sens qu'on a entendu de la bouche de ce vieux trappeur qui parlait à
la télévision, des gens qui sont sans passion politique, mais
dont c'est toute la vie de trapper et de gagner leur vie à même
cette industrie du tourisme.
Je trouve que le gouvernement manque de réalisme, comme disent
les Anglais; c'est rendu à la mode de parler anglais en cette Chambre
depuis ce matin, le premier ministre et le ministre de l'Education m'en ont
donné un exemple. C'est un gouvernement qui est « penny wise and
pound foolish ». Pour faire des économies, on a enlevé
$80,000 qu'on affectait à la prime pour les loups $80,000 pour
toute la province mais on s'est lancé dans des dépenses de
millions. Mais ça coûterait moins cher que les honoraires d'un
seul avocat libéral.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. PINARD: A l'ordre!
M. JOHNSON: Et en supposant que ce ne serait pas aussi efficace qu'on
prétend que ce l'est, en supposant que ça n'aurait pas les effets
tels que le prétendent le député de Labelle et ses amis du
Comité de la protection de la faune du comté de Labelle, est-ce
que ça ne vaudrait pas la peine de tenter l'expérience? A 100%,
ça ne serait peut-être pas efficace, mais, encore une fois,
ça coûte moins cher que les honoraires d'un seul avocat
libéral devant une commission.
M. PINARD: A l'ordre! Le député de Bagot est comme le
loup, il ne peut pas résister à la tentation de se jeter sur la
victime qui n'est pas présente. S'il n'est pas là pour se
défendre...
M. JOHNSON: Pardon?
M. LOUBIER: Cela fait mal, il ne faut pas parler de ça.
M. JOHNSON: Moi, je m'attaque à une catégorie qui m'est
égale: les avocats. Je n'attaquerais pas les pauvres notaires, je
n'attaquerais pas les pauvres dentistes, mais les avocats sont capables de se
défendre.
M. PINARD: Ne vous attaquez pas à ceux qui sont absents!
M. JOHNSON: M. le Président, revenant aux loups, pas ceux qui
sont en Chambre, en face de moi...
M. PINARD: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... à ceux qui sont dans les bois...
M. PINARD: Mais les chiens-loups sont plus embêtants,
ceux-là; ils se déguisent.
M. JOHNSON: Quand je vais en invoquer un, je n'ai qu'à regarder
un peu en oblique, M. le Président, qu'à vous regarder par-dessus
la tête et puis je vais avoir un spécimen.
M. PINARD: Ils se déguisent.
M. JOHNSON: M. le Président, on ne demande pas une prime qui va
ruiner le gouvernement: $10,000 par mois, soit $120,000 pour un an. Le ministre
a le droit de proposer ça, oui; il pourrait, ce matin, nous arriver, se
lever et dire: « Le lieutenant-gouverneur avisé, etc., a bien
voulu... »
M. PINARD: Ce n'est pas l'objet de la discussion, M. le
Président.
M. JOHNSON: Ah! je sais qu'il va falloir en parler au premier ministre,
le premier ministre ne voudra pas qu'on affecte de l'argent à la
destruction des loups, instinct de conservation, M. le Président...
M. PINARD: A l'ordre! A l'ordre!
M. JOHNSON: A part ça, le premier ministre est probablement
contre la peine de mort. C'est un problème qui n'a pas l'air important.
Il y aura des journalistes pour dire: Il y a du temps de perdu en Chambre,
pourquoi tant de discours? Mais c'est de l'essence même du système
démocratique qu'un problème de cette nature, à un moment
donné...
M. PINARD: De dialoguer avec les loups.
M. JOHNSON: ... puisse être soulevé publiquement.
Autrement, comment voulez-vous que la voix du peuple de Labelle, que la voix du
peuple de Pontiac, que la voix du peuple de la haute Mauricie, de toutes ces
régions qui sont intéressées par ce problème,
puissent se faire entendre? Elle irait s'étouffer dans les bureaux
capitonnés des technocrates, et nous touchons ce matin du doigt le grand
avantage du système parlementaire, quand un homme peut se lever dans
cette Chambre et attirer l'attention du gouvernement et du public, par la voie
des journaux, sur un problème qui a son importance dans la région
du député de Labelle et dans plusieurs autres régions de
la province.
M. le Président, ce n'est pas de la politique que nous faisons.
Nous accomplissons notre devoir comme député de l'Opposition,
nous voulons saisir l'opinion publique de ce problème, les journalistes
spécialisés dans ces domaines ont déjà écrit
de merveilleux articles, et il n'y a pas de meilleure tribune que celle de
l'Assemblée législative, et nous félicitons le
député de Labelle de l'avoir utilisée ce matin en faveur
de ses gens.
M. le Président, à part ça, tout le monde n'est pas
bâti pour devenir avocat, notaire ou député. Il y a des
gens dont c'est la vie que de trapper. Il y a des colons, dans le comté
de Labelle, qui seraient heureux de s'occuper à quelque chose, de
supplémenter leurs revenus, déjà trop maigres, et
peut-être d'en sauver, M. le Président...
M. COUTURIER: S'ils veulent faire de l'ar- gent, ils n'ont qu'à
les tuer puis à vendre la peau qui se vend de $25 à $40.
M. JOHNSON: M. le Président... M. RUSSELL: Ce n'est pas
assez.
M. JOHNSON: ... l'expérience est faite, Jack Miner, qui s'y
connaissait, en a parlé; Symington, dont le volume a été
publié sous l'autorité du ministre des Ressources nationales
à Ottawa, en parle. C'est une méthode efficace. Ce n'est
peut-être pas aussi efficace que certains le prétendent, mais ce
n'est pas un gros risque, ni une grosse dépense que nous demandons au
gouvernement, $10,000 d'ici au 31 mars, et environ $120,000 pour l'année
prochaine. Pourquoi le ministre ne s'engage-t-il pas ce matin à demander
ça au ministre des Finances pour tenter de donner justice aux gens de
Labelle et pour prouver qu'enfin le gouvernement s'est réveillé
et qu'il se rend compte de l'importance de protéger notre faune dans la
province de Québec?
M. le Président, à l'occasion des crédits du
ministère, nous pourrons en parler plus longuement, mais pour le moment
nous demandons au ministre...
M. LAPORTE: On verra ça.
M. JOHNSON: ... de reviser sa décision. M. LAPORTE:
Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Quatre; « Service des parcs.
»
M. LAFONTAINE: J'attendais une réponse du ministre. Est-ce qu'il
accepte ou s'il n'accepte pas?
M. COUTURIER; J'ai rendu ma décision tout à l'heure.
M. LAFONTAINE: Le ministre n'accepte pas.
M. LAPORTE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: « Service des parcs », $160,500.
M. LAPORTE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté?
M. LOUBIER: Les réserves que le ministre fait pour les salaires,
est-ce que ça comprend des augmentations, des arrérages, de
nouveaux emplois?
M. COUTURIER: Les renseignements que j'ai c'est qu'à l'article
2-a, augmentation de $120,000: augmentation générale
accordée aux employés à compter du 5 novembre 1964 pour
laquelle les crédits n'avaient pas été prévus au
premier budget supplémentaire 1965-66. A l'item b, $16,000:
augmentations statutaires à 211 employés conformément
à l'arrêté en conseil no 1001 du 18 mai 1965. Le montant de
$4,000: on a créé la réserve de St-Maurice, dont la
juridiction a été transférée au Service des parcs,
et c'est pour l'engagement de nouveaux gardes dans cette réserve. Et les
$2,500; transfert de juridiction privée au gouvernement de la
rivière Moisie, une partie de la rivière Moisie; alors, nous
sommes obligés d'en faire le réaménagement. Ce montant est
pour le réaménagement et la surveillance de la réserve de
la rivière Moisie. De même que le montant de $5,000, pour la
surveillance d'une partie de la rivière St-Jean qui a été
récupérée, qui appartenait à un M. Harding, dans la
Gaspésie. Le ministère a repris possession d'une partie de la
rivière St-Jean, et c'est pour faire la surveillance de cette partie
reprise par le gouvernement.
M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté. Article 5; « Jardin
zoologique, $13,000. »
M. RUSSELL: Est-ce que ce sont seulement des augmentations de salaires
ou s'il y a de nouveaux employés?
M. COUTURIER: Au Jardin zoologique, c'est l'augmentation de salaires et
aussi le résultat de la décision du ministère d'ouvrir le
Jardin zoologique à l'année longue. Le Jardin zoologique est
ouvert l'hiver comme l'été, depuis l'an dernier. Alors, ce
montant de $13,000 est pour l'augmentation des salaires et la prolongation de
la période d'ouverture à l'année longue.
M. LOUBIER: Est-ce que le ministre trouve que c'est avantageux de
laisser le Jardin zoologique ouvert l'hiver?
M. COUTURIER: Les renseignements que j'ai, actuellement, c'est que le
Jardin zoologique est beaucoup visité cet hiver, depuis qu'on le laisse
ouvert.
M. LOUBIER: Etant donné que le ministre du Tourisme de la Chasse
et de la Pêche a évi- demment à sa dispositon, par son
mandat et par les structures de son ministère, le soin de faire de la
publicité pour attirer le tourisme, étant donné, d'autre
part, que durant l'hiver à Québec nous avons le carnaval d'hiver
qui draine des milliers et des milliers de touristes étrangers, est-ce
que le ministre a fait, dans le cadre du Jardin zoologique, une
publicité spécifique pour inviter les gens qui viennent visiter
le Carnaval de Québec à se rendre en même temps au jardin
zoologique de Québec? Et, si le ministre ne l'a pas fait, ne croit-il
pas que ce serait une bonne chose que d'attirer l'attention des touristes
étrangers...
M. COUTURIER: Cela a été fait par la section touristique
du ministère du Tourisme, Chasse et Pêche.
M. LOUBIER: Cela a été fait sur publications ou sur quoi?
De quelle façon?
M. COUTURIER: Cela a été fait auprès des
autorités du carnaval.
M. LOUBIER: Est-ce qu'il y a eu des effets concrets de ça? Est-ce
que le ministre a vu des...
M. COUTURIER: Le carnaval n'est pas ouvert officiellement.
M. LOUBIER: C'est le couronnement ce soir. Maintenant, j'espère
bien que la publicité arrivera avant la fin du carnaval.
M. COUTURIER: Je ne suis pas allé voir au Jardin zoologique s'il
y avait deux personnes de plus ou trois personnes de moins. Je ne suis pas au
Jardin zoologique.
M. LOUBIER: Ah! ce n'est pas ça...
M. COUTURIER: On aura le résultat lorsque le Carnaval sera
terminé.
M. LOUBIER: ... C'est une question sérieuse, pour
l'économie de Québec...
M. COUTURIER: On aura le résultat quand le carnaval sera
terminé.
M. LOUBIER: Bien oui, mais je demande au ministre s'il y a eu une
publicité spécifique de faite sur ça, qu'il me dise oui ou
non.
M. COUTURIER: Le calendrier qui paraît dans le carnaval...
M. LOUBIER: Sur le calendrier du temps du carnaval, où c'est
indiqué que le Jardin zoologique est ouvert durant l'hiver.
M. PINARD: C'est bien ça. Adopté. C'est très
cela.
M. LE PRESIDENT: Travaux publics, article 1, Administration:
$244,000.
M. RUSSELL: En quoi consiste cette dépense de $244,000 dans
l'administration? Est-ce que ce sont des augmentations de salaire?
M. COUTURIER: M. Saint-Pierre.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous me posez des questions?
UNE VOIX: Adopté.
M. RUSSELL: Est-ce pour des augmentations de salaires seulement?
M. SAINT-PIERRE: Pardon?
M. RUSSELL: Est-ce qu'il y a de nouveaux employés?
M. SAINT-PIERRE: Non. M. RUSSELL: $244,000.
M. SAINT-PIERRE: L'administration, attendez je vais regarder,
j'étais distrait un peu. Ces $250,000 là, c'est pour le
téléphone, les appels interurbains...
M. RUSSELL: $244,000.
M. LAPORTE: Si le ministre me permet une seconde. Je m'excuse, est-ce
que je pourrais proposer... Il reste le budget des Travaux publics, il reste le
budget de la Voirie, il reste le service de la dette. Est-ce que je pourrais
suggérer que les trois derniers budgets soient reportés à
l'étude du budget général, afin que ceux-ci puissent
être adoptés, envoyés au conseil législatif et qu'il
puisse y avoir sanction cet après-midi? Je pense que c'est une
proposition que je soumets au chef de l'Opposition.
M. PINARD: A moins qu'il veuille aller bien rapidement d'ici une
heure.
M. JOHNSON: M. le président, nous voulons coopérer
évidemment à la bonne marche de la session. Quant à moi,
à moins qu'il y ait des questions très urgentes de certains
collègues, je serais prêt à souscrire à la
proposition du ministre, leader de la Chambre. Si le ministre voulait
répondre dans cinq ou six minutes à deux de mes collègues
ici qui ont des questions très courtes à poser.
M. LAPORTE: Disons donc qu'à une heure, le budget sera
adopté.
M. JOHNSON: Bien, il ne faudrait pas dire ça tout de suite, parce
que le ministre...
M. BERTRAND: Bien en autant qu'il réponde!
M. JOHNSON: ... pourra remplir le temps jusqu'à une heure et puis
on ne pourra pas lui poser d'autres questions. Je le connais, il est «
ratoureux ».
M. BELLEMARE: On pourrait limiter... à une lettre qu'il a
dû recevoir au sujet du service du téléphone interurbain.
Pour les députés de l'Union nationale comme pour les
députés libéraux, le service arrête à 5h 20
tous les soirs maintenant. Alors je trouverais raisonnable qu'au moins durant
la période sessionnelle les députés qui sont dans le
parlement et qui ont besoin de renseignements puissent téléphoner
à quelque personne importante. Et puis le service interurbain est
arrêté. Comme il est question actuellement d'appels interurbains:
$300,000 et des remboursements, c'est-à-dire immobilisation, $56,000, ce
serait bien le temps, je pense, pour le ministre de nous dire s'il ne serait
possible que ce service soit maintenu, comme l'année dernière,
jusqu'à dix heures. Il ya certains ministres maintenant qui ont sur leur
appareil un numéro spécial dont ils peuvent se servir. Le
ministre sait que ça dépasse 5 heures et demie.
M. SAINT-PIERRE: Je ne m'en sers pas!
M. BELLEMARE: Non, vous ne vous en servez pas. Mais il y en a d'autres
députés qui en ont, qui existent, par exemple. Ce sont des
privilèges. Si c'est bon pour un député au pouvoir, cela
devrait être bon pour tout le monde. Et je demande au ministre...
DES VOIX; On ne l'a pas!
M. BELLEMARE: Je voudrais demander au ministre s'il y a
possibilité que, pour tout le monde, le service interurbain qui existait
l'an passé puisse se terminer à dix heures comme cela se
faisait.
M. SAINT-PIERRE: Actuellement, j'en ai parlé d'ailleurs au
responsable de ce service. Je lui ai fait part que c'était le
désir des députés. Plusieurs l'ont demandé:1e
député de Champlain l'a demandé, d'autres du
côté du gouvernement ont demandé le même service.
Nous essayons actuellement de trouver des standardistes qui pourraient
être capables de remplir cette fonction durant la session de façon
à ce que ces services-là soient rendus.
J'espère bien que dans un avenir assez rapproché que vous
aurez satisfaction sur ce point-là.
M. BELLEMARE: D'accord!
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que l'article est accepté par le fait
même?
M. BELLEMARE: Non, mais le...
M. BERTRAND: C'est très bien pour tous les députés
où le système Centrez joue, mais dans notre région de
Granby, toute une immense région, nous n'avons pas le système
Centrex.
M. SAINT-PIERRE: Non, mais vous avez l'interurbain.
M. BERTRAND: Alors que vous pouvez communiquer à St-Hyacinthe,
nous ne pouvons pas communiquer chez nous de la même manière.
Alors, je demanderais au ministre d'étendre les services du
système Centrex à toute notre région de Granby, toute une
partie des Cantons de l'Est, qui n'en jouit pas à l'heure actuelle.
M. SAINT-PIERRE: Le système, évidemment, le système
Télépak, le système qui permet de rejoindre certains
centres, c'est pour communiquer avec les employés qui sont dans ce
centre-là, Rimouski ou...
MM. BERTRAND ET RUSSELL: Il y en a à Granby.
M. SAINT-PIERRE: Oui, mais où il y en a suffisamment. Il y a des
centres dans la province où il y a plus d'employés et ça
vaut la peine que les ministères se joignent plutôt que de payer
des appels interurbains à la semaine, on paie des lignes. Mais on ne
peut pas appeler n'importe où, et ce n'est pas tout le monde qui peuvent
nous appeler, comme quelqu'un le croyait, et j'ai reçu une lettre hier
d'ailleurs d'une municipalité qui disait d'installer un système
comme ça, que la municipalité pourrait sauver beaucoup d'argent,
si on installait un système de communication avec notre
ministère, ils iraient téléphoner là pour appeler
ici à Québec ou ailleurs. Ce n'est pas le but ça, le but
c'est de communiquer avec les services gouvernementaux.
M. BERTRAND: C'est ça.
M. SAINT-PIERRE: ... entre les municipalités et Québec et
Montréal. Je ne crois pas que nous puissions installer ce
système-là à travers la province, parce que nous
l'installons seulement dans les endroits où il y a une concentration de
bureaux. Peut-être qu'avec les zones qui sont établies par le
ministère du Commerce, nous pourrons fixer quelque chose pour enfin
établir un système de communication qui serait dans le sens que
veut dire le député de Missisquoi. Mais, entre toutes les villes
de la province, je crois que c'est assez difficile.
M. BERTRAND: Non, mais Granby, d'après la division des
régions économiques, je pense que la ville de Granby et la
région deviennent un sous-centre économique, la région
d'ailleurs.
M. SAINT-PIERRE: Cela vaut la peine d'étudier ce que vient de
proposer le député de Missisquoi, et une attention très
sérieuse sera portée à la question.
M. BERTRAND: Merci. M. LAPORTE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Travaux publics, adopté?
M. RUSSELL: Les $300,000 sont pour de nouvelles lignes que le ministre
veut installer ou a installées?
M. SAINT-PIERRE: Non. Si vous me permettez de répondre, c'est que
le budget qui avait été voté l'an passé
était pour un certain montant et que les services d'interurbains, pour
chacun des ministères, dépassent les chiffres qui avaient
été fixés et qui avaient été
évidemment étudiés au début. Alors, dans chacun des
ministères, il y a des surplus; dans certains, il y en a un peu moins.
Alors, cette différence-là amène une dépense qui se
chiffre par ce que nous avons demandé, c'est-à-dire que la
dépense totale, du 1er avril au 9 décembre, pour le service
téléphonique, standard et appels interurbains, était de
$1,442,000.
Il restait un montant, jusqu'à la fin de l'année, de
$641,000, et des appels interurbains à
faire entre les ministères et autres, $200,000. Alors ce qui
porte le coût total prévu pour l'exercice à $2,283,800, et
le budget prévoit $1,950,000; ce qui fait une différence de
$333,800. Le solde à combler: une partie de cet excédent pouvant
être absorbée par des virements de crédits, $300,000;
remboursements et imputations, $56,000; il reste donc $244,000, et c'est le
montant que nous avons proposé: $244,000 plus les $56,000 exactement
comme ça.
M. LAPORTE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. La Voirie.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que j'ai bien expliqué l'affaire, vous
avez bien compris?
UNE VOIX: Oui, c'est bien expliqué. M. LAPORTE: La Voirie,
adopté.
M. LE PRESIDENT: La Voirie, adopté. Service de la dette,
adopté.
M. BELLEMARE: La Voirie, ce n'est pas important.
M. PINARD: Seulement, on avait eu le temps de se préparer.
M. BELLEMARE: Oh oui! oh oui!
M. BEDARD (président du comité des subsides): M. le
Président, le comité a adopté des résolutions, et
il demande la permission de siéger à nouveau.
M. LECHASSEUR (président): Qaund le comité
siégera-t-il? A la prochaine séance? A la prochaine
sécance.
M. LAPORTE: A la prochaine séance.
M. LE PRESIDENT: Pour M. Lesage, M. Laporte propose que maintenant les
résolutions soient lues et agréées. Cette motion
sera-t-elle adoptée?
M. LAPORTE: Adoptée.
M. LE PREISDENT: Adoptée.
M. LAPORTE: Le comité des voies et moyens. Alors peut-on faire
toute la procédure des voies et moyens, l'adoption du bill, etc. Il
s'agit de l'envoyer au Conseil législatif.
M. BERTRAND: Le lieutenant-gouverneur a-t-il accepté?
M. LAPORTE: Oui, informé de la teneur de ce bill, il a plu
à Son Excellence le lieutenant-gouverneur de recommander son
étude à cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: Pour M. Lesage, M. Laporte propose la première,
la deuxième et la troisième lecture du bill des subsides. Cette
motion sera-t-elle adoptée?
M. JOHNSON: Adoptée.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill,
deuxième lecture de ce bill, troisième lecture de ce bill. First
reading of this bill, second reading of this bill, third reading of this
bill.
M. LAPORTE: Alors 9e propose l'ajournement de la Chambre à 2 h
45.
M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à 2 h
45.
Reprise de la séance à 2 h 45 p. m.
Débat sur l'adresse
M. LAPORTE: Le numéro 4, c'est la reprise du débat, M.
Gabias.
M. LECHASSEUR (président): M. Gabias.
M. GABIAS: M. le Président, lors de l'ajournement, vendredi
dernier, à la suggestion du leader de la Chambre, j'ai remis la
poursuite de la discussion de la motion concernant la confusion qui existe dans
le ministère de l'Education et les inquiétudes des
étudiants, des enseignants et des institutions dans cette province. Mais
avant d'étudier si vraiment la confusion existe et si les
inquiétudes existent et persistent, je voudrais attirer l'attention de
cette Chambre sur des remarques qui ont été faites par le premier
ministre et par d'autres députés du côté du
gouvernement.
On a accusé l'Opposition de vouloir politiser la question de
l'éducation. On a profité de la circonstance pour accuser l'Union
nationale, alors qu'elle détenait les rênes du pouvoir, qu'elle
était à la tête du gouvernement, d'avoir été
d'un immobilisme consommé et d'avoir ainsi retardé le
progrès de l'éducation dans la province de Québec. Nous
devons donc nous demander qui a premièrement politisé la question
de l'éducation. Je vous réfère au programme libéral
de 1960, dans le volume publié par l'organisation libérale:
« Lesage s'engage ». Vous y verrez, M. le Président, qu'on
consacre 33 pages de cet engagement libéral à la question de
l'éducation.
Vous y trouverez également que l'on fait une charge à fond
de train contre l'Union nationale qui, à ce moment-là
détenait le pouvoir. Est-ce que l'on se préoccupait, dans ce
volume, de propagande, est-ce que l'on se préoccupait de donner des
structures nouvelles au système scolaire dans la province? Est-ce que
l'on se préoccupait du bien-être des enseignants? Est-ce que l'on
se préoccupait de l'avancement de nos institutions?
M. le Président, l'on ne se préoccupait que d'une chose:
c'était de politiser la question scolaire dans cette province et
c'était d'accuser l'Union nationale d'immobilisme. Voilà ceux qui
ont mis de la politique dans la question de l'éducation; ce sont les
gens d'en face qui, aujourd'hui nous accusent de vouloir faire de la politique
avec l'éducation.
Lors de la même campagne, M. le Président, qui a
politisé la question de l'éducation dans cette province? Je vous
réfère au programme politique de 1960 du parti libéral du
Québec où l'on annonce la gratuité scolaire à tous
les niveaux...
UNE VOIX: Cela s'en vient!
M. GABIAS: ... où l'on annonce la gratuité en 1960. Il y a
déjà pratiquement six ans que le parti libéral est au
pouvoir et nous attendons encore la gratuité scolaire dans cette
province; nous attendons encore la gratuité des manuels dans cette
province et pourtant c'était, ... je dis que nous attendons encore la
gratuité complète des manuels dans cette province.
DES VOIX: Ah, ah, ah! M. LAPORTE: Nuance.
M. GABIAS: Et vous n'avez qu'à demander aux étudiants pour
le savoir. Vous n'avez qu'à consulter les étudiants du primaire,
du secondaire, du spécialisé, de quelque institution que ce soit
et pas un seul va admettre qu'il y a la gratuité scolaire et la
gratuité des manuels dans cette province.
On promettait également, et ce n'était pas politiser la
question de l'éducation, on promettait également que la province
prendrait à sa charge toutes les dettes scolaires. On promettait
également qu'il y aurait une commission provinciale des
universités. On promettait également que la commission
provinciale des universités serait spécifiquement chargée,
entre autres choses, de déterminer les moyens d'établir un mode
d'allocation de soutien pour l'étudiant. Et le programme se continuait.
On faisait de la politique avec l'éducation en 1960, on en a fait en
1962 et encore aujourd'hui le parti libéral fait de la politique avec
l'éducation. Voilà les faits.
A ce moment-là, on disait: Le problème de
l'éducation ne peut être réglé à moins qu'il
ne soit placé bien au-dessus de la politique. Cela, c'était un
engagement du parti libéral. Il fallait que le problème de
l'éducation soit placé bien au-dessus de la politique. Et
pourtant, depuis cinq ans, nos amis d'en face ont fait de la politique avec
l'éducation dans cette province et continuent à en faire tous les
jours.
On disait également que rien ne s'était fait dans cette
province dans le domaine de l'éducation avant 1960. De l'immobilisme?
Mais quand on accuse le gouvernement de l'Union nationale d'immobilisme dans
cette province avant 1960, qui attaque-t-on? Est-ce qu'on attaque le parti de
l'Union nationale? pas du tout. A cause des structures scolaires qui, dans le
temps, exis-
taient, on s'attaque à nos institutions dans cette province. On
s'attaque surtout, aux corps enseignants et aux parents qui ont consenti
d'immenses sacrifices pour la question scolaire dans cette province. Cela fait
« beau dans le portrait » de mettre toute la faute sur l'Union
nationale. Mais on oublie que les principaux responsables dans cette province
avant 1960, les principaux responsables de l'éducation, c'étaient
nos institutions d'enseignement, c'étaient les corps enseignants et
c'étaient également les parents, les contribuables et les
commissions scolaires. Voilà la vérité et on ne veut pas
aujourd'hui reconnaître que ces gens ont donné de leur temps, on
ne veut pas reconnaître que ces gens ont donné de leur talent, on
ne veut pas reconnaître également que les enseignants ont consenti
d'immenses sacrifices pour faire progresser la question de l'éducation
dans la province.
Je dis qu'en attaquant uniquement l'Union nationale, on manque d'esprit
de justice envers ceux qui ont assuré le progrès de
l'éducation dans cette province jusqu'en 1960. Mais il y a plus.
Lorsqu'aujourd'hui, nos amis d'en face accusent l'Union nationale d'immobilisme
dans la question scolaire, ils oublient des déclarations qui ont
été faites avant 1960. Et il est intéressant de se
demander et de se rappeler quelles sont ces personnes qui ont fait des
déclarations concernant l'éducation dans cette province.
Au hasard, j'ai trouvé un article qui avait été
publié dans le Devoir, le samedi 23 décembre 1950,
intitulé « Le système scolaire de la province de
Québec ».
Et voici ce qu'on y lits « Or, dans les grands centres comme
Montréal et Québec, les parents n'ont à peu près
pas voix au chapitre. Des créatures du gouvernement, braves gens sans
doute, les remplacent. Elles deviennent du jour au lendemain, souvent sans
préparation, responsables de l'éducation de nos enfants au cours
primaire. On attend encore le jour où l'éducation sera
confiée à des éducateurs professionnels. C'est un
problème Il y en a d'autres: ceux des programmes, des finances et du
personnel. Tout cela, c'est le passif. « L'actif de notre système
scolaire reste quand même considérable. On peut le citer avec
orgueil dans nos relations avec les minorités anglo-protestantes. Nous
donnons l'exemple, non pas de la simple tolérance, mais de la parfaite
égalité de traitement. Les protestants ont tout ce que nous
avons, rien de plus, rien de moins. » Et, concernant l'enseignement
spécialisé, le même auteur continuait, dans le même
article: « Dans le domaine plus particulier de l'enseignement
spécialisé... » et je vous rappelle- rai, M. le
Président, que c'est le seul domaine dans lequel le gouvernement de
l'Union nationale avait l'entière compétence et agissait pour le
progrès de l'enseignement spécialisé, parce qu'il relevait
à ce moment-là du Secrétaire provincial, le seul domaine
de l'éducation dans lequel le gouvernement de l'Union nationale avait
l'entière responsabilité.
Et je continue: « Ce n'est pas seulement du Canada, mais du monde
entier, M. le Président, du monde entier que nous viennent les
félicitations ainsi que les observateurs qui veulent transporter chez
eux nos méthodes. » Savez-vous qui a écrit cet article? M.
Pierre Laporte qui, aujourd'hui, est ministre dans le cabinet
libéral.
Nous avions un actif, nous pouvions le citer au monde entier. Nous
avions le meilleur enseignement spécialisé du monde en 1950. Nous
devions en être fiers. Le seul responsable, avec les enseignants,
c'était le gouvernement de l'Union nationale. Et cela, c'était en
1950, à peine au début du progrès assuré par
l'Union nationale dans le domaine de l'éducation. Nous pouvions à
ce moment-là être cités comme exemple dans le monde entier
par le ministre des Affaires municipales et des Affaires culturelles du
gouvernement libéral d'aujourd'hui.
M. MEUNIER: Cela ne prouve rien.
M. GABIAS: Est-ce que c'était de l'immobilisme, M. le
Président?
M. MEUNIER: Cela ne prouve rien.
M. GABIAS: Est-ce que rien ne s'est fait en éducation avant 1960?
J'apporte un autre témoignage, M. le Président. Celui-ci concerne
également l'enseignement spécialisé. Ce témoignage
nous vient du directeur de l'école technique d'Athènes qui
était venu dans notre province, également en 1950, et qui disait,
au cours d'une conférence de presse, ce qui suit: « Ce que j'ai
vu, en visitant vos écoles spécialisées, m'a rempli
d'admiration; quelques-unes sont parmi les meilleures du monde. » Son
jugement ne se bornait pas uniquement aux constructions et à
l'équipement de ces écoles. Son jugement allait plus loin, M. le
Président, et il disait: « Vous êtes rendus, dans votre
enseignement spécialisé, à un point de maturité qui
ne prévoit pas de changement ». Voilà un témoignage
rendu en 1950 sur l'enseignement spécialisé qui relevait
strictement et uniquement du gouvernement de l'Union nationale. Nous voudrions
aujourd'hui, s'il faut en croire les déclarations des porte-
parole du gouvernement croire que rien ne s'est fait dans cette province
au point de vue de l'éducation.
M. le Président, je préfère le témoignage du
directeur de l'enseignement spécialisé d'Athènes et celui
de Pierre Laporte, alors qu'il était au Devoir, plutôt que le
témoignage que nous avons entendu ces jours derniers par les gens d'en
face.
M. MEUNIER: Dans le temps des fêtes!
M. GABIAS: Mais est-ce que ce sont là les seuls
témoignages que nous pouvons tirer de ce qui s'est fait dans
l'enseignement ou dans l'éducation avant 1960? Je vous
réfère à un volume qui a été publié
par le révérend Père Pierre Angers, Jésuite,
traitant de l'explosion scolaire. Volume publié en 1962 où le
révérend Père étudie ce qui s'est passé dans
le domaine de l'éducation jusqu'en 1960.
Et voici ce que l'auteur, le père Angers, déclare à
la page 5; « Jusqu'à la guerre, soit en 1940, l'augmentation de la
scolarité suivait la croissance de la population. Depuis quinze ans elle
la précède. Les élèves des écoles publiques
dans les secteurs catholiques sont passés de 493,000 en 1945 à
926,000 en 1960 accusant une hausse de 88% en quinze ans. »
Est-ce que c'est ça de l'immobilisme en éducation, M. le
Président?
M. MEUNIER: De l'histoire antique!
M. GABIAS: Et, de continuer l'auteur: « Durant la même
période, la population de la province de Québec n'augmentait que
de 40%. » L'augmentation de la fréquentation scolaire augmente, en
quinze ans, de 88% alors que l'augmentation de la population pour la même
période n'est que de 40%. Est-ce cela de l'immobilisme en
éducation, M. le Président? Depuis cinq ans, et de continuer
l'auteur...
M. BELLEMARE: A l'ordre! A l'ordre! Vous vous lèverez pour
parler!
M. GABIAS: « La croissance moyenne annuelle dans les écoles
de la province atteint 40,000 élèves. » 40,000 nouveaux
élèves par année et tout cela s'est accompli sans bruit.
Tout cela s'est accompli dans l'ordre et tout cela s'est accompli alors que
l'Union nationale était au pouvoir dans la province de
Québec.
Ces chiffres se rapportent à l'augmentation scolaire à
l'école primaire.
M. MEUNIER: Revenez donc en 1966, là!
M. GABIAS: Nous allons considérer ce qui s'est passé au
cours de la même période dans les écoles secondaires.
M. MEUNIER: En 1966!
M. BELLEMARE: Si ça force trop, sortez!
M. MEUNIER: En 1966!
M. BELLEMARE: Ah, c'est forçant, oui.
M. GABIAS: « En 1940 la fréquentation scolaire accusait...
» Toujours dans le volume du Père Angers qu'on ne peut pas taxer
de partisanerie en faveur de l'Union nationale, sûrement... « En
1940, la fréquentation scolaire accusait une baisse plus rapide des
élèves après la cinquième année. En
1948-1949, un changement s'était accompli. Dans la section
française de la commission, 87% des élèves se rendaient
à la fin de la septième année c'est-à-dire au terme
de l'enseignement élémentaire. En 1959-1960, ce chiffre
s'élevait à 95%. Au cours de la même période, la
population anglo-protestante de Montréal accusait les mêmes taux
d'augmentation. »
Et de continuer l'auteur: « Dans l'ensemble de la province,
l'augmentation rapide du taux de scolarisation au niveau du secondaire,
sections classique, scientifique ou commerciale, constitue le
phénomène scolaire le plus significatif des récentes
années. L'ampleur de cette augmentation subite a dépassé
les prévisions de la plupart des éducateurs et des hommes
politiques. Elle a été plus forte dans le Québec
j'attire votre attention, M. le Président elle a
été plus forte dans le Québec que dans toute autre
province du Canada. »
Les chiffres montrent que les effectifs d'élèves sont
passés de 80,000, en 1955-1956, à plus de 225,000, en 1961, soit
une augmentation de 218%, M. le Président. Et c'est cela, de
l'immobilisme! Tout cela s'est accompli dans l'ordre, dans le respect des
droits des institutions, dans le respect des droits des parents, dans le
respect des droits des étudiants, dans le respect des droits des
enseignants. Et sans grève, M. le Président. Voilà ce
qu'on appelle le progrès réel, le progrès véritable
et ça, c'est du temps de l'Union nationale.
M. MEUNIER: Le député a oublié la motion,
là.
M. BELLEMARE: Il a oublié les règlements, lui.
M. MEUNIER: Il a oublié la motion. M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. GABIAS: Peut-être que ces chiffres ne vous convainquent pas;
peut-être y en a-t-il qui ne sont pas encore convaincus. Je vous
réfère, M. le Président à l'Annuaire statistique
qui a été publié en 1961, alors que le ministère de
l'Industrie et du Commerce de la province était dirigé par
l'honorable André Rousseau. On ne pourra pas taxer à ce moment-ci
les membres de l'Union nationale de s'approvisionner à des sources qui
relèvent d'eux- mêmes. Je les prends de l'honorable Rousseau qui
était, dans le temps, en 1961, ministre de l'Industrie et du Commerce
dans le gouvernement qui dirige présentement la province. Et qu'est-ce
que j'y vois, M. le Président? De l'immobilisme avant 1960? Voici ce que
nous y voyons. Le développement de l'instruction dans la province de
Québec, des écoles catholiques etprotestantes, de 1948-1949
à 1959-1960. Alors qu'en 1948-1949, il y avait 788,615 étudiants,
en 1959-1960, il y en avait, 1,396,810 dans cette province. Et cela, ça
s'est accompli dans l'ordre, dans le respect des droits de chacun et sans
augmentation de taxes pour les contribuables.
Et quelle était la fréquentation des élèves,
proportionnellement à la population pour ceux qui étaient
âgés de 5 à 24 ans? Il y avait 61.9% de cette population
qui fréquentait nos institutions scolaires dans cette province. Il y en
avait 1,958,700, M. le Président, en 1960. Est-ce que ces chiffres ne
vous suffisent pas? Nous n'avons qu'à considérer les chiffres
publiés par le ministre du temps du gouvernement libéral et nous
y trouvons également que le nombre des professeurs, que le nombre des
enseignants a augmenté considérablement durant la même
période. Rien ne s'est fait, M. le Président? Le nombre de
certificats décernés par les écoles primaires catholiques
de l'Instruction publique, était passé de 48,146, qu'il
était en 1950 à 137,029 en 1960, M. le Président.
Pour ce qui est du personnel enseignant, il y avait 1,455 professeurs
futurs dans nos écoles normales en 1960 alors qu'en 1950, il n'y en
avait que 904. Si vous considérez les chiffres qui concernent le
secondaire, vous y verrez également que le nombre d'élèves
est passé de 15,000 en 1950, à 23,503 en 1959-1960, que les
dépenses pour les collèges classiques, versées par le
gouvernement, ont passé de $994,000 à $1,335,000 pour les
volumes, et que les subventions ont passé de $671,000 à
$4,405,500.
Et vous n'avez qu'à parcourir les chiffres publiés par le
ministère de l'Industrie et du Com- merce, en 1961, pour vous rendre
compte que, pendant toute cette période au cours de laquelle l'Union
nationale a dirigé les destinées de cette province, pas un seul
domaine n'a été plus progressif que celui de l'éducation,
M. le Président, et tout cela dans l'ordre, dans le respect des droits
et sans augmentation de taxes. Il ne s'est rien fait au point de vue
éducation, vous...
M. MEUNIER: En 1966.
M. GABIAS: ... n'avez qu'à continuer la lecture de cet annuaire
statistique et vous verrez qu'il est question de l'école polytechnique,
vous y verrez qu'il est question de l'école des hautes études
commerciales, qu'il est question de l'école de commerce de
l'université Laval. Toutes ces institutions ont été
subventionnées par le gouvernement, et le progrès de ces
institutions, a été rendu possible grâce à la
coopération du gouvernement du temps. Vous n'avez qu'à
considérer également les écoles supérieures
d'agriculture qui ont été subventionnées par le
gouvernement, un progrès constant, nombre d'élèves
augmenté à chaque année, subventions augmentées
à chaque année; il en est également de même dans les
écoles normales, il en est également de même dans les
instituts de technologie dans cette province, les instituts
spécialisés, les écoles des métiers, l'enseignement
professionnel spécialisé, les écoles d'agriculture,
l'école des laiteries, les écoles spécialisées
comme l'enseignement ménager.
Le coût de l'enseignement a été toujours
subventionné par le gouvernement et plus les années passaient,
plus le nombre des élèves augmentait, plus le nombre des
professeurs augmentait, plus les subventions du gouvernement étaient
généreuses, et c'est ça que l'on appelle de l'immobilisme,
M. le Président? Je ne veux pas citer plus longtemps les chiffres
tirés de l'annuaire statistique publié par l'ancien ministre du
Commerce et de l'Industrie dans le gouvernement libéral actuel. Mais
même si ces chiffres ne vous suffisent pas, pour convenir que dans
l'éducation l'union nationale n'a jamais rien négligé,
même si le témoignage du Père Angers ne vous suffit pas,
même si les témoignages de l'ancien journaliste Pierre Laporte ne
vous suffisent pas, même si le témoignage de l'ancien directeur de
l'école spécialisée d'Athènes ne vous suffit pas,
je vais vous citer un témoignage qui, je crois, rend
véritablement, pour une fois, justice à ce qui s'est passé
dans le domaine de l'Education dans cette province. Je vous cite un article qui
a paru dans le journal l'Action Catholique, le 9 décembre 1960,
où il est dit ceci: « Le premier ministre Jean Le-
sage a affirmé ce matin que le système d'éducation
en cette province, était excellent. » Voilà ce que le
premier ministre déclarait en 1960. J'aime mieux le témoignage du
premier ministre de la province, alors qu'il était devant le
comité protestant de l'Instruction publique, et cela au mois de
décembre 1960, j'aime mieux prendre le témoignage du premier
ministre à l'effet que notre système scolaire était
excellent, que les critiques non fondées qu'il a données à
cette Chambre lors de son discours.
M. le Président, de deux choses l'une, ou ces témoignages
et ces chiffres donnent une véritable image de ce qui s'est fait en 1960
et avant 1960, ou ces témoignages ne sont basés sur aucune
réalité, ou ces témoignages et ces chiffres sont faux.
Or, s'ils sont vrais, le gouvernement doit cesser, une fois pour toutes,
cette propagande qui est loin d'être vraie. Le gouvernement doit cesser
de tromper la population en laissant croire que rien ne s'est fait dans le
domaine scolaire et dans l'éducation dans cette province, avant 1960. Ce
sont ces déclarations répétées,
réitérées, des porte-parole du gouvernement libéral
d'aujourd'hui qui sont une cause de la confusion qui existe dans le domaine
scolaire dans cette province. Ce sont eux les responsables.
Tout le monde est d'accord, s'il y a un domaine où l'on ne doit
pas faire entrer de la petite politique, c'est bien le domaine de
l'éducation. Que les porte-parole du gouvernement cessent donc de faire
de la petite politique avec la question de l'éducation dans cette
province, et nous serons les premiers à reconnaître leur bon
exemple.
M. le Président, nous devons nous demander également
d'où vient cette confusion dans le domaine éducatif, dont nous
sommes témoins présentement dans cette province. Eh bien! de
ceci: dès le mois de juillet, et cela après la campagne
électorale de 1960, alors que nos amis d'en face ont politisé la
question scolaire, la question éducative, dès après les
élections de 1960, le ministre actuel de l'Education se faisait
autoriser, se faisait confier, en plus de la responsabilité qu'il avait
déjà dans l'enseignement spécialisé, se faisait
confier le rôle d'intermédiaire entre le gouvernement et le
département de l'Instruction publique. Aussitôt après
s'être vu confier cette mission ou cette charge, le ministre a
commencé à déclarer qu'il n'avait aucun pouvoir. Le
ministre a continué, en accusant le département de l'Instruction
publique, à dire que ce dernier avait tous les pouvoirs et que le
ministre n'en avait aucun, laissant croire ou voulant laisser croire à
la population que les responsables de ce qui n'était pas parfait,
étaient les membres du département de l'Instruction publique.
Après s'être fait confier cette charge, au début de
1961, pour laisser croire qu'il y avait des déficiences dans
l'organisation et le financement de l'éducation, il créait une
commission d'enquête dans ces deux domaines. Il créait
également une autre commission d'enquête qui était le
Comité de l'enseignement technique et professionnel, il créait un
autre comité qui était celui de l'enseignement agricole et
agronomique. Au printemps de 1961, il demandait aux Chambres de voter la grande
charte de l'éducation qui, suivant lui, garantissait le libre
accès à l'école de tous les jeunes de cette province. Les
jeunes ont cru, M. le Président, la jeunesse a cru que la grande charte
de l'éducation lui assurerait la fréquentation gratuite dans
toutes les institutions d'enseignement de notre province. D'ailleurs, la grande
charte de l'éducation a été présentée dans
ce sens et elle a été annoncée dans ce sens.
Mais une fois que la grande charte de l'éducation eût
été votée, les étudiants se sont rendu compte que
toutes leurs aspirations ne pouvaient être satisfaites par elle. C'est
une autre raison pourquoi il existe de la confusion dans le domaine de
l'éducation. D'une part, on annonce à la jeunesse
étudiante que la grande charte de l'éducation va rendre
accessible à tous et chacun, qu'il soit garçon ou fille, qu'il
soit du milieu rural ou du milieu urbain, que tous vont pouvoir
fréquenter les écoles et, croyant cela, ils se sont butés
à une réalité qui, malheureusement, était autre que
celle qu'on leur avait annoncée.
Mais ce n'était pas assez, M. le président, après
s'être fait investir de ces pouvoirs, après avoir fait voter la
grande charte et après avoir blâmé le département de
l'Instruction publique et nos structures scolaires, le ministre a dit: il y a
encore du malaise dans le domaine de l'éducation. Le malaise provient de
nos instituteurs, le malaise provient de nos institutions, le malaise provient
du fait qu'il n'y a pas de coordination, le malaise provient qu'il n'y a pas
libre accès dans toutes les maisons d'enseignement, le malaise provient
de ce qu'il y a des gens incompétents qui sont dans le domaine de
l'éducation, le malaise provient du fait que nous avons un
système bicéphale. Et est arrivée la grande propagande
concernant le bill 60, le bill du ministère de l'Education.
Personne dans cette province, M. le Président, est contre ou a
été contre le progrès de l'éducation. Quels que
soient les milieux, quelles
que soient les personnes, je n'ai jamais entendu une seule critique
contre le progrès que tout le monde veut, dans le domaine de
l'éducation. Pas une seule objection pour que notre jeunesse ait la
meilleure éducation et la meilleure formation dans cette province, que
tous fréquentent le plus longtemps possible les maisons d'enseignement
et, si possible, qu'ils finissent et terminent leurs études dans les
universités. Tout le monde veut cela. Malheureusement, il y aura
toujours des empêchements à ce qui pourrait rendre idéale
la situation dans le domaine éducationnel.
Mais, lorsque le ministre a fait sa tournée en 1963 pour
expliquer le bill 60, créant le ministère de l'Education, le
ministre a laissé entendre à la population, soit parce qu'il le
croyait, soit parce qu'il voulait laisser croire ou parce qu'il a voulu laisser
croire, que le bill 60 réglerait le problème des commissions
scolaires, que le bill 60 réglerait le problème des écoles
spécialisées, que le bill 60 réglerait le problème
des collèges classiques, que le bill 60 réglerait le
problème des écoles supérieures, que le bill 60
réglerait le problème des enseignants, que le bill 60
réglerait la question des taxes et l'augmentation des taxes scolaires,
que le bill 60 réglerait la fréquentation scolaire, que le bill
60 réglerait l'impossibilité qu'il y avait d'avoir des
écoles dans tous les endroits, afin que l'accessibilité aux
écoles soit rendue possible à tous les jeunes. Tout cela
était réglé, M. le Président.
Une tournée a été faite dans cette province avec le
bill 60 dans la main gauche, et la main droite sur le coeur, en disant: Le bill
60 va régler tous les problèmes de scolarité, tous les
problèmes de fréquentation qui existent dans cette province.
D'où la confusion aujourd'hui, parce que tous les problèmes n'ont
pas été réglés, parce qu'il était impossible
de régler tous les problèmes.
Aujourd'hui les gens disent: Qu'est-ce qui ne va pas? Comment se fait-il
maintenant, que le ministre a les pouvoirs qu'il demandait, maintenant que la
grande charte est votée, maintenant que le bill 60 est adopté,
maintenant qu'il a tous les pouvoirs dans le domaine de l'éducation,
qu'est-ce qui se passe? Comment se fait-il qu'il existe encore des
problèmes dans cette province? Comment se fait-il que les taxes ont
continué à augmenter? Qu'est-ce qui se passe? C'est cela qui
crée de la confusion dans l'esprit de la population de la province de
Québec. Et cette confusion est augmentée parce que les gens sont
inquiets de l'avenir, parce que tous les problèmes qui devaient
être réglés par une législation qui a
été votée à la demande du ministre... parce que des
promes- ses ont été faites que, si on leur confiait le pouvoir,
tous les problèmes seraient règlés. Il y en a encore des
problèmes dans le domaine scolaire, hélas! Il y en aura
toujours.
La population est confuse parce qu'on lui a fait croire au paradis alors
qu'on est toujours tenu d'être dans la réalité sur cette
terre. Voilà une des raisons pour lesquelles la confusion existe dans le
domaine scolaire dans cette province.
Il y a d'autres raisons. Avant l'arrivée en cette Chambre du
ministre de l'Education et de son sous-ministre, tous deux avaient
participé en 1954, à la rédaction d'un volume
intitulé « Les problèmes des commissions scolaires,
solutions proposées ». Tous deux disaient, dans ce volume qui
consistait en un mémoire présenté par la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
à la Commission royale d'enquête sur les problèmes
constitutionnels, tous deux, le ministre de l'Education et son sous-ministre,
M. Tremblay, tous deux se plaignaient, au nom des commissions scolaires, qu'il
n'y avait pas de liberté complète de nos commissions scolaires
dans l'emploi des subventions qui leur étaient faites. Tous deux
suggéraient, pour qu'il y ait une liberté d'action pour nos
commissions scolaires, que les octrois soient statutaires et que le rôle
du gouvernement se termine avec la remise de la subvention; qu'en ce qui
concerne la pédagogie, il ne fallait pas intervenir dans les commissions
scolaires; que des personnes qualifié es devaient préparer les
programmes; que ces programmes devaient relever uniquement des
pédagogues afin que nos jeunes puissent profiter d'une éducation
à la page, puissent profiter d'une éducation qui leur serait
profitable au moment où il la recevait et également pour les
préparer à entrer dans la vie.
Les commissions scolaires ont cru cela. Les commissions scolaires ont
cru que la solution, ou l'une des solutions à ce problème de la
liberté de l'enseignement et de la liberté administrative
dépendait de de qu'après la réception d'une subvention du
gouvernement, il n'y aurait plus d'autres interventions; nos commissions
scolaires garderaient leur liberté d'action. Or, que se passe-t-il
aujourd'hui? D'où vient la confusion? Non seulement on ne résume
pas l'action du gouvernement à verser des subventions suivant une
réglementation bien stricte mais on exige également des
commissions scolaires des programmes en pédagogie qui sont de beaucoup
supérieures à ce qu'ils étaient autrefois. On demande plus
aux commissions scolaires. On demande plus aux enseignants.
D'où la confusion, M. le Président, parce que une partie
de la liberté qui existait auparavant s'est encore envolée avec
l'intervention de l'Etat dans les affaires des commissions scolaires. C 'est
une autre raison pourquoi il y a de la confusion chez nous dans le domaine
scolaire. Mais il y en a d'autres aussi, M. le Président. Vous verrez,
et ce n'est pas moi qui l'invente. Je vous réfère, M. le
Président, à une allocution qui a été
présentée par l'honorable ministre de l'Education et, en son
absence, qui a été prononcée par M. Arthur Tremblay, son
sous-ministre, lors de la première réunion du Conseil
supérieur de l'éducation tenue à la salle des
réunions de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, le 31 août 1964. Voici ce que disait le ministre de
l'Education par le truchement de la voix de son sous-ministre. « A cause
de circonstances que vous connaissez, notre effort depuis quatre ans, oute la
mise en place des structures administratives supérieures, notre effort
et notre travail ont porté essentiellement sur ce que nous appelons
aujourd'hui, l'organisation scolaire, c'est-à-dire, la mise en place et
la mise en marche d'un réseau intégré et continu des
services scolaires. »
Après quatre ans, M. le Président, nous avons une
déclaration du ministre de l'Education à l'effet que, pendant
quatre ans, tous les efforts du ministère se sont concentrées sur
la mise en place des structures administratives supérieures,
c'est-à-dire quoi, M. le Président? C'est-à-dire qu'on a
fait un plan, qu'on a établi des structures supérieures et qu'on
s'est appliqué à faire entrer dans ce plan conçu dans des
bureaux capitonnés, conçus par des pédagogues qui ne
connaissaient pas le réel,qui ne connaissaient pas les problèmes
réels et on s'est appliqué, à faire en sorte que toutes
nos commissions scolaires, que toutes nos maisons, nos institutions
d'enseignement spécialisé, que nos institutions
indépendantes, que le corps enseignant entrent dans ce plan. On n'a pas
dialogué pour préparer ce plan. On l'a établi et ensuite
on a dialogué avec les représentants, pour que ces
représentants-là acceptent le plan tel que conçu par des
gens qui ont voulu donner une structure nouvelle au système scolaire en
cette province.
Personne ne s'objecte à ce que le progrès existe, mais
tout le monde, par exemple, s'objecte à ce qu'au nom du progrès
on sacrifie une génération d'étudiants. Tout le monde
s'objecte à ce que nos étudiants soient tout simplement l'objet
d'une expérience. Cela n'est pas basé sur le bon sens, cela n'est
pas basé sur la justice. Il n'est pas raisonnable que l'on sacrifie
toute une génération de jeunes étudiants pour dire que,
dans 15 ans, le plan qui sera établi et qui vient d'être
conçu, sera du progrès dans l'éducation. Voilà
d'où vient la confusion, et voilà d'où viennent les
inquiétudes de nos étudiants, de nos p arents, de nos enseignants
et de nos institutions. M. le Président, je vais vous donner des preuves
de ce que j'avance, à l'effet qu'on a conçu un plan et que tous
et tout doivent se plier devant ce plan. Dans un bulletin publié par
l'Hebdo-Education, le 13 novembre 1964, bulletin du ministère de
l'Education, on dit: « Par l'adoption du bill 60 et grâce aux
moyens nouveaux qu'il nous a donnés pour faire face à des
problèmes nouveaux, nous avons procédé à la mise en
place de structures nécessaires et à l'installation
méthodique d'une organisation rationnelle. »
Où parle-t-on des étudiants? OÙ parle-t-on des
enseignants? Où parle-t-on de nos institutions indépendantes? Ce
qui comptait, pour le ministère, c'était de mettre en place, et
uniquement cela, de mettre en place des structures nouvelles qui ont fait
surgir des problèmes nouveaux. Bien souvent on n'a pas
réglé les anciens qui existaient. Non seulement on n'a pas
réussi à régler les problèmes qui existaient, mais
on en a créé de nouveaux, et cela, c'est le ministère
lui-même qui nous l'affirme dans une circulaire du mois de novembre
1964.
Nos institutions, pourquoi ont-elles des inquiétudes? Nous
retrouvons également un élément de cette inquiétude
dans le bulletin Hebdo-Education du 2 juillet 1965 où il est dit
à la page 68; « Une étroite coordination sera
nécessaire entre les établissements et peut-être, pour la
faciliter, une modification du caractère privé de plusieurs
établissements d'enseignement classique s'imposera-t-elle. » Nos
institutions classiques privées sont inquiètes, pourquoi? Parce
que le ministre, dans une circulaire du mois de juillet 1965, déclare
qu'il y en a qui seront peut-être obligés de disparaître.
Lesquelles? Elles se sentent toutes visées. Pourquoi nos institutions
classiques indépendantes seraient-elles obligées de
disparaître? Et pourtant, dans une circulaire qui a été
publiée par le ministère, on les informe qu'il y en aura
peut-être qui seront appelées à disparaître, à
sortir du domaine privé, pour tomber dans le domaine public. C'est une
des raisons de l'inquiétude qui existe présentement dans les
institutions classiques. Il y a également le fait que l'on chambarde,
par des décisions...
M. COITEUX (Duplessis): C'est assez!
M. GABIAS: J'entends le mot; « C'est
assez ». Oui, M. le Président, la population en a assez de
ces chambardements dans l'éducation sans être consultée.
C'est ça! Oui, les étudiants en ont assez d'être
chambardés sans être consultés dans ce qu'on appelle leur
programme. Les enseignants en ont également assez d'être
chambardés sans être consultés. Les maisons d'enseignement
sont fatiguées, elles en ont assez d'être chambardées sans
être consultées. Et c'est pour cela que tout le monde est inquiet
dans cette province, M. le Président.
Les enseignants, on leur dit, dans un discours qui a été
prononcé également par le ministre de l'Education, le 28
août 1964: « La régionalisation favorisera, chez les
enseignants, l'éclosion d'équipes de travail en les sortant d'un
isolement, jusqu'ici inévitable, dont ils ont trop souffert. Elle
facilitera leur perfectionnement en les réunissant dans des centres
d'enseignement où les contacts pédagogiques seront
facilités.
Voilà des déclarations qui sont nécessairement
favorables aux enseignants et j'en suis, M. le Président. Mais, en
pratique, qu'est-ce qui se passe? Ce qui se passe, en pratique, c'est que les
enseignants ont été bafoués depuis quatre ans dans cette
province. On leur a lait des promesses de toutes sortes, que tous leurs
problèmes seraient réglés et aujourd'hui pourquoi sont-ils
en grève? Je ne dis pas qu'ils ont raison, M. le Président.
DES VOIX: Oh, oh!
M. GABIAS: Je ne suis pas de ceux qui, devant un fait, admettent... Je
ne dis pas que les enseignants ont raison d'être en grève, mais je
sais que, si les enseignants ont fait la grève et font la grève,
c'est à cause des promesses répétées du ministre de
l'Education et du gouvernement qu'ils auraient tout, alors qu'on essaie de tout
leur enlever. Voilà la raison pourquoi ces gens sont inquiets et sont
actuellement dans l'expectative.
Et il en est de même des étudiants. Les étudiants
sont inquiets et je ne favorise pas la grève des étudiants. Au
contraire, chaque fois que je peux leur dire: « Ne faites pas cela
», je le fais, M. le Président. Mais vous voulez savoir pourquoi
ils se mettent en grève? C'est parce qu'on leur a tout promis que la
réalité est tout autre et qu'on les a bafoués pendant
quatre ans, les étudiants. Voilà pourquoi ils pensent à
faire la grève.
C'est ainsi que Pon peut voir le même phénomène chez
les contribuables, le même phénomène dans les milieux
ouvriers comme dans les milieux ruraux.On leur a promis qu'il n'y aurait pas
d'augmentation de taxes à la suite des ré- formes que l'on
voulait apporter; on leur a promis que les problèmes de financement
étaient terminés avec le bill 60. On leur a promis qu'avec la
régionalisation, leurs problèmes étaient terminés.
Et la réalité, quelle est-elle, la réalité? M. le
Président, la réalité, c'est que les parents croulent; ils
croulent sous le poids des taxes qui augmentent chaque jour à cause de
l'éducation, le problème des taxes qui, au lieu d'être
réduites, commeon l'a promis, s'accentue de jour en jour et rend leur
situation intenable.
Voilà pourquoi il y a de l'inquiétude également
chez les parents. M. le Président, je voudrais vous donner des chiffres
pour confirmer cela, mais je vois que vous me faites signe... Il n'y a pas
tellement de temps d'autres orateurs les ont donnés ou vont les donner,
mais il existe de la confusion dans l'éducation. Comme le dit la motion
du chef de l'Opposition, il existe de la confusion dans la province; Il existe
de l'inquiétude chez les parents, chez les enseignants, chez les
étudiants, dans les institutions, et c'est peut-être parce que la
population sent que quelque chose de grave se passe. La population semble
sentir que quelque chose de grave se passe en matière d'éducation
et nous pouvons voir, dans le rapport d'une commission d'enquête à
l'Association des universités et collèges du Canada, le rapport
Bladen, qui a été publié en 1965, dans l'introduction,
ceci: « Gardons-nous de l'idée totalitaire qui consiste à
traiter les hommes comme des moyens à développer selon les
besoins de la collectivité. Considérons, au contraire, la
collectivité comme un moyen de développer les talents des
individus. » La confusion et les inquiétudes viennent de ce que
sent la population qui se demande s'il n'y a pas une idée qui ressemble
à l'idée totalitaire à l'effet que les individus soient au
service de la collectivité et non pas à l'effet que l'Etat doit
être au service des Individus.
Voilà une des considérations, M. le Président,
auxquelles le gouvernement devrait donner beaucoup d'attention. Je ne dis pas
que le gouvernement veut être totalitaire, mais je dis par exemple, qu'il
crée dans l'opinion publique, qu'il crée, dans la population,
l'idée qu'il veut être totalitaire, que l'individu se sent perdu
devant cette puissance de l'Etat, que les enseignants, même
groupés, se sentent petits, perdus, devant cette puissance de l'Etat,
que nos institutions indépendantes se sentent petites et faibles devant
cette puissance de l'Etat, que les parents se sentent faibles,
également, que les contribuables se sentent faibles devant la puissance
de l'Etat. ... Et c'est là, M. le Président, que l'Etat doit
être d'une prudence que je voudrais être
même excessive. Il vaut mieux être prudent, pour l'Etat, que
de vouloir, tout d'un coup, dans une période courte, imposer sa
volonté.
M. LE PRESIDENT: Le député a déjà
dépassé de quelques minutes l'heure qui lui était
accordée. Il a parlé quelques minutes la semaine
dernière.
M. GABIAS: M. le Président, je demande, je pense bien qu'on
ne me refusera pas...
M. LE PRESIDENT: A moins que ce soit le consentement unanime de la
Chambre.
M. GABIAS: ... je demande quelques minutes...
M. COITEUX (Duplessis): Refusé.
M. GABIAS: ... M. le Président
M. COITEUX: C'est assez, c'est assez, là!
M. LAFONTAINE: On a donné cinq heures.
M. GABIAS: Je dis, M. le Président,...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député a le consentement
unanime de la Chambre?
M. COITEUX (Duplessis): Non. DES VOIX: Non.
M. GABIAS: Alors, M. le Président, je remercie les
députés libéraux d'en face pour cette courtoisie, bien
libérale, d'enlever quelques minutes au député de
Trois-Rivières, alors que le ministre a eu...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordrel
M. GABIAS: ... des heures de temps pour donner son discours.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
Messages du Conseil législatif
M. LE PRESIDENT: Avec la permission de la Chambre, je voudrais lire un
message du Conseil législatif. « Conseil législatif,
février 1966.
M. JOHNSON: Pas de consentement
M. LE PRESIDENT: « Ordonné, que le greffier reporte
à l'Assemblée législative le bill No 17 intitulé:
« Loi octroyant à Sa Majesté des deniers requis pour les
dépenses du gouvernement pour l'année financière se
terminant le 31 mars 1966, et pour d'autres fins du service public » et
informe cette Chambre que le Conseil législatif l'a voté.
Attesté Henri Fiset
greffier du Conseil législatif.
Un autre message. « Conseil législatif, le 10
février 1966.
Ordonné, qu'un message soit transmis à l'Assemblée
législative à l'effet de l'informer que le Conseil
législatif consent à se joindre à elle, ainsi qu'il en a
été prié, pour constituer une commission mixte devant
avoir charge des impressions législatives, et qu'il a
désigné pour faire partie de cette commission mixte MM. Asselin,
Auger, Baribeau, Dupré, Grothé, Laferté, Marier, Messier,
O'Reilly, Renaud, Rowat et Tardif auxquels avait déjà
été confiée la surveillance des impressions du Conseil
législatif au cours de la présente session. Et que cette
résolution soit communiquée à l'Assemblée
législative.
Attesté Henri Fiset
greffier du Conseil législatif. »
M. Somerville
M. SOMERVILLE: Mr. Speaker, after having listened to members in both
sides of the House speak on the motion, now before the Legislative Assembly, I
feel that I should express my views on education. I can assure you, Mr.
Speaker, that I will be brief.
I have taken a great interest in education from many years. A member of
the Protestant Board of Commissioners and of High Schools for over 25 years,
and now in my tenth year as chairman of that Board, I have also served on the
executive committee of the Q.A.P.S.B. for six years. During my tenure of
office, I have seen many changes, mostly beneficial but not all.
I supported bill 60 because I felt that it was a forward step in
education. I hold that all citizens of the Province of Quebec should have the
best education possible. Statistics prove that those countries which have the
highest level of
education, also have the highest standard of living.
If the government of this Province intends to continue with confessional
schools, then it should follow alone the line dictated. Since the adoption of
bill 60, there has been a steady erosion of the rights of the Protestant
minority. The office of the Director of Protestant education has disappeared
and has been replaced as assistant deputy-minister. He no longer directs
Protestant education.
Until last year, 1965, the Protestant High School leaving certificates
for the pupils were signed by the director and the chief of examinations. In
1965, they were signed by the Minister of Education, the deputy-minister, and
the director general of curriculum and examinations, all not protestant.
I, certainly, do not wish to be considered than anti-Roman catholic or
anti any other religion, because I have friends of various religious beliefs.
But this example refers back to my opening sentence regarding confessional
schools. That if we are to have confessional schools, they should be truly so.
In fact, I would approve of neutral schools and would like to see some set up
in certain areas. Recently, the English Catholics voted 563 to 38 to join the
English Protestant in the Chateauguay Valley Regional School.
There has been a steady increase in school taxes throughout the province
in the last two years. The school Board, with which I am most familiar has had
to increase the average tax per taxpayer, from $67, in 1960 to $118, in 1965.
This year's budget has not been approved yet, but there will be another
increase. Farmers, small wage earners and pensioners need a revision in tax
structure.
School budgets have become so complicated that it requires a chartered
account to prepare them; and when they are forwarded to the Ministry, it takes
months before they are approved or disapproved. Too much theory and not enough
practicals experience has bogged down the department of Education.
I sincerely believe that the population of the Province of Quebec should
be bilingual, especially in some areas. Personally I regret that I did not
learn French when I was of school age, as it is much easier then to learn a
second language. The same problem exist today for an English speaking pupil,
regardless of religion, to learn French language. Our schools do not provide
for this essential subject. We have French specialists, in the English
Protestant schools, but this is not enough. The teacher may have 30 to 45
minutes per day, with each class, which can not give the desired results. Some
subjects should be taught entirely in French as had been done in some schools
or else some better method developed.
Some areas in the province will be suitable for regional schools,
Protestant and Catholic, French and English, and be built on the same campus.
The ChateauguayValley, which consists of the counties of Huntingdon,
Chateauguay and Beauharnois, is a good example. If the confessional system is
used, the Roman Catholic classes could be grouped together, the Protestant and
others in the same way. The same laboratories, recreation rooms and cafeteria
could be used for both classes. Vocational courses could also be given together
and this will reduce the capital cost of the building. In this way, the pupils
of each language would fraternize, thus promoting mutual understanding and good
will and giving each one the opportunity of learning the other's language.
There is another important fact due in this type of regional school. To
have the required number of pupils, the area from which they come would be much
smaller when pupils of all faiths attend the same regional school. The distance
travelled and the time involved would be considerably reduced. To all parents,
this is a very important factor. Also the cost of transportation would be
lower.
To summarize these remarks: 1o- The autonomy of the confessional schools
should be respected. 2o- I would support neutral schools. 3o- A new system of
school taxation is required. 4o- A new method should be established to teach
French in English schools and vice-versa. 5o- Regional schools, in some areas,
are being set up too rapidly with not enough thought being giving to utilising
the same site for all pupils of the district, thus benefiting the pupils,
lowering the capital cost and lessening the transportation problem.
Mr. Speaker, with these brief remarks, I have given my views as I see
education in the Province of Quebec at the present time and of the future. I
intend to support the amendment as proposed.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est prête à se
prononcer sur la motion d'amendement?
M. JOHNSON: Vote.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
M. JOHNSON: Le règlement est clair. Deux
minutes après la fin de la sonnerie des clocher, vous devrez
demander le vote.
M. BERTRAND: Cela fait cinq minutes. M. DOZOIS: Au moins vingt minutes.
DES VOIX: Vote. Vote.
M. BERTRAND: M. Lajoie ne veut pas venir voter.
M. BELLEMARE: Il vous approuve.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre désire que je lise la
motion?
M. JOHNSON: Non.
M. BERTRAND: On la connaît.
DES VOIX: Vote.
M. LE PRESIDENT: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion se
lèvent.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Johnson, Bertrand, Elie, Dozois, Bellemare,
Lizotte, Raymond, Ducharme, Johnston, Somerville, Boudreau, Loubier, Gabias,
Lafontaine, Russell, Gosselin, Gauthier, Lavoie (Wolfe), Gagnon, Charbonneau,
Allard, Cloutier, Gervais.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre la motion se
lèvent.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Lesage, Bédard, Pinard, Laporte,
Courcy, Lévesque (Laurier), Wagner, St-Pierre, Cliche, Dionne, Hyde,
Kierans, Lalonde, Couturier, Levesque (Bonaventure), Fortin, Beaupré,
Brown, Roy, Parent, Coiteux (Duplessis), Harvey, Fortier, Lavoie (Laval),
Meunier, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Coiteux (l'Assomption), Hamel,
Hardy, Fournier, Théberge, Baillargeon, Ouimet, Kennedy, Dallaire,
Brisson, Hébert, Mailloux, McGuire, Cadieux, O'Farrell, Bernier,
Maltais, Trépanier, Godbout, Dupré, Martin.
M. LE GREFFIER: Pour: 23, contre: 50. Yeas: 23, nays: 50.
M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement est rejetée. La motion
principale, M. Lesage.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, j'ai eu l'occasion, lors de
l'étude de l'amendement, il y a déjà quelque temps,
cela fera deux semaines très bientôt, de vous
présenter mes hommages, de féliciter le proposeur et le
secondeur. Aussi ai-je l'intention d'entrer dans le vil du sujet ou des sujets
que je désire traiter, le premier étant le moins vif de tous
puisqu'il s'agit du discours prononcé par le chef de l'Opposition.
Ce dernier a traité d'élections fédérales,
de patronage; il a mentionné le discours du Trône purement et
simplement. C'est tout ce qu'il a fait au sujet du discours du Trône, au
cours d'un débat sur l'adresse en réponse au discours du
Trône, il l'a mentionné. C'était à la page A 30. Il
a mentionné le discours du Trône pour dire que c'était
l'image du gouvernement et de ceux qui l'inspirent. Je suis d'accord. C'est un
excellent discours du Trône, bien charpenté. Et je suis sûr
qu'après les compliments qu'il a faits au sujet du discours du
Trône, il ne pourra faire autrement maintenant que de voter en faveur de
l'adresse, de la motion qui a été proposée approuvant
l'adresse.
Alors, je disais qu'il a traité d'élections
fédérales, de patronage, un mot du discours du Trône, pour
en faire compliment, de politique sociale, de politique économique et il
a fini en parlant du domaine constitutionnel, plutôt des relations
fédérales-provinciales, de certains aspects des relations
fédérales-provinciales. Je n'ai pas l'intention de le suivre sur
tous les sujets, mais il n'y a aucun doute, M. le Président, que j'ai
l'intention de lui toucher un mot des élections fédérales
en passant. J'ai l'intention d'exposer certains aspects de la politique du
gouvernement dans le domaine administratif dans le domaine social, dans le
domaine économique et dans le domaine des relations
fédérales-provinciales. Quel sera exactement l'ordre que je
suivrai? Je n'ai pas décidé encore. Tout dépendra beaucoup
de l'inspiration, comme ça arrive souvent, puisque, s'il est vrai que
j'ai certaines notes assez substantielles dans un domaine ou deux, pour le
reste, je n'ai que des documents épars.
Pour ce qui est de cet après-midi, dès cinq heures moins
dix, je devrai demander la suspension du débat à huit heures
quinze, parce qu'il y aura sanction de bills et comme je dois partir le
premier, je crois que si l'Opposition y consent, le leader de la Chambre
aimerait étudier avec l'Opposition la proposition qui apparaît
à son nom, quant au changement au règlement de la Chambre et,
cela, pendant mon
absence. Si, par hasard, ce n'était pas terminé, je n'ai
aucune objection à ce que l'on termine ce soir et que mon discours
continue d'être suspendu jusqu'à ce qu'on ait terminé cette
étude, et je recommencerai plus tard ce soir. Moi, ça ne me fait
rien de hacher mon discours, comme je vous l'ai dit, M. le Président; il
n'y à pas de texte et je puis m'accommoder aux circonstances.
Mais il ne faudrait pas ajouter le temps que l'on prendra pour discuter
sur cette motion concernant le règlement au temps que j'utilise,
malgré que j'aie un temps indéfini ceci est pour les fins de
statistiques du député de Champlain...
M. BELLEMARE: Je vais les ôter.
M. LESAGE: ... je voudrais bien que l'on compte seulement le temps
où je traiterai le sujet.
M. BELLEMARE: Certain.
M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition a
prétendu que les libéraux étaient beaucoup trop
occupés ailleurs, durant la dernière campagne
fédérale, pour s'occuper de suivre une politique de nature
à nous rendre maître chez nous. Et il a dit ceci; « Ils
étaient occupés à quoi? Demandez, M. le Président,
au député des Iles-de-la-Madeleine ce qu'il a fait pendant et
après la campagne fédérale. Demandez au Secrétaire
provincial, qui s'est vanté d'avoir prononcé dix-huit discours
à l'appui de ses amis fédéraux. Si c'est bien vrai que le
parti libéral provincial est indépendant du parti libéral
d'Ottawa ou si cette distinction que l'on a prétendu établir, il
y a quelque temps, n'était qu'une mauvaise comédie parmi tant
d'autres. »
M. le Président, l'Union nationale, donc le chef de l'Opposition,
a accusé des libéraux de cette Chambre d'avoir fait campagne avec
le parti libéral fédéral.
Je pense qu'il serait important de savoir ce qu'eux-mêmes, les
députés de l'Union nationale, nos amis d'en face, ont fait sur le
même plan.
Je comprends que ça peut avoir l'air un peu
réchauffé, parce que tout le monde a un peu oublié le
discours du chef de l'Opposition. J'ai hésité longuement à
relever ce qu'il avait dit, sachant que, comme d'habitude, ses paroles
étaient rapidement tombées dans l'oubli. Mais je pense qu'afin
que personne ne reste avec une fausse impression quant aux attitudes
présentes et passées de l'Union nationale et de son acoquinement
avec le parti tory de M. Diefenbaker, il est bon d'exposer certains faits
patents.
Alors qu'ont-ils fait, nos amis de l'Union nationale? Ils ont
délaissé le parti créditiste québécois. Le
chef de l'Union nationale avait des tendances, pour un bout de temps, à
s'approcher. Cela m'a l'air que ça ne marche plus.
Et aux dernières élections fédérales, eh
bien! ils ont décidé de supporter le parti le plus
centralisateur, le plus anticanadiens-français qu'on connaisse, qu'ont
ait jamais connu, celui de M. Diefenbaker. C'est ça qu'ils ont fait. Et
ils l'ont fait, M. le Président, sans vergogne, comme si c'était
pour la défense de la foi et des traditions et de la langue.
On accuse les députés libéraux d'avoir fait la
campagne pour les libéraux, mais j'ai des coupures de journaux.
M. JOHNSON: Nommez-les! Le premier ministre n'est pas sérieux,
hein? C'est du placotage.
M. LESAGE: Je suis aussi sérieux que le chef de l'Opposition
l'était.
M. JOHNSON: C'est du placotage, ça!
M. LESAGE: M. le Président, c'était bien l'horaire des
assemblées de Me Robert Lafrenière, candidat
conservateur tory de M. Diefenbaker, aux élections du 8 novembre dans le
comté de Montmagny-1'Islet, un des plus gros comtés de la
province, et qui a élu, par une très forte majorité, un
député libéral au fédéral. Et les grands
orateurs invités étaient M. Jean-Paul Cloutier,
député provincial de Montmagny...
DES VOIX: Ah! ah!
M. LESAGE: ... et le docteur Fernand Lizotte, député de
l'Islet.
DES VOIX: Ah! ah!
M. LESAGE: Ce sont des députés de l'Union nationale, en
cette Chambre, qui appuyaient; « Votons Lafrenière ». On ne
mentionnait pas le nom de M. Diefenbaker, je n'ai pas besoin de vous le dire,
mais M. Lafrenière était un candidat de M. Diefenbaker, et
c'était bien. Et ces messieurs y sont allés puisque j'ai vu les
rapports de journaux.
M. JOHNSON: Oui!
M. LESAGE: Certainement qu'ils y sont allés. Et d'ailleurs, M. le
Président...
M. JOHNSON: Que le premier ministre soit sérieux!
M. LESAGE: Non, mais on nous accuse, M. le Président, on accuse
des députés de cette Chambre de ne pas être fiers et
d'avoir des amitiés ou des intérêts avec des membres du
parti libéral à Ottawa. Mais j'ai bien le droit de
rétorquer en disant; « Où sont les amitiés de nos
amis d'en face? »
M. JOHNSON: Du placotage! M. BERTRAND: Du placotage!
M. LESAGE : Mais où étaient-ils? Ils n'étaient
certainement pas, à ce moment-là, en frais de défendre nos
traditions, notre langue et nos droits, quand ils parlaient pour M.
Diefenbaker. Le député de Bellechasse, M. Gabriel Loubier...
DES VOIX: Ah! ah!
M. LESAGE: ... à St-Jean-Port-Joli, le 24 octobre, à
côté de la photographie de Diefenbaker.
DES VOIX: Oh! oh!
M. LESAGE: Le journal Le Courrier de Montmagny-L'Islet, jeudi le 21
octobre 1963... Il n'a pas trop réussi, il allait toujours parler pour
M. Lafrenière, qui a déjà été
député conservateur de M. Diefenbaker dans le comté de
Québec. Mais comme il n'était plus présentable dans le
comté de Québec, il est allé s'essayer dans le
comté de Montmagny-L'Islet avec l'aide des députés
provinciaux de Bellechasse, de Montmagny...
M. LOUBIER: M. le Président, sur un point d'ordre,
premièrement parce que le candidat dont fait mention le premier ministre
est mon associé dans une étude légale ici à
Québec...
M. LESAGE: Bien oui, mais ça...
M. LOUBIER: ... et parce que M. Lafrenière est un homme... Le
premier ministre, lui qui, hier, disait qu'il était indigne et inhumain
d'attaquer les absents...
M. LESAGE: M. le Président, le député de
Bellechasse...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! M. LOUBIER: ... qu'il
aille donc attaquer
Robert Lafrenière dans son honnêteté et son
intégrité! C'est une lâcheté du premier ministre que
d'attaquer Robert Lafrenière en son absence.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LESAGE: Je n'ai pas besoin d'intervenir, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Premièrement, le
député de Bellechasse... A l'ordre, messieurs! Le
député de Bellechasse a invoqué le règlement. Alors
je devais le laisser parler. Mais je constate qu'au lieu d'invoquer le
règlement, une question de règlement, il avait plutôt
l'intention de répondre à sa façon au premier ministre.
Mais, dans cette réponse, il y a une chose que je ne peux admettre,
c'est qu'il a traité le premier ministre de lâche.
Lâcheté du premier ministre. Alors, je lui demanderais...
M. LESAGE: Ah! moi, ça ne me fait rien, M. le
Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: ... D'abord qu'il ne dira pas ça de mes
fonctionnaires, ni de mes députés...
M. LE PRESIDENT: Pour le bon renom de cette Chambre et le décorum
que je dois maintenir...
M. LESAGE: C'est pour protéger le règlement.
M. LE PRESIDENT: ... je demande au député de Bellechasse
de retirer cette expression.
M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le premier ministre a le
droit de dire que le candidat Robert Lafrenière n'était plus
montrable dans son comté...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! J'ai demandé au
député de Bellechasse...
M. LOUBIER: ... parce qu'il a été obligé de changer
de comté? Le premier ministre a déjà été
obligé de changer de comté, lui aussi.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre, messieurs!
M. LESAGE: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
UNE VOIX: Il a changé de comté.
M. LESAGE: Bien oui, mais j'ai démissionné par
exemple.
UNE VOIX: Excusez-moi.
M. LE PRESIDENT: Alors, je demande au député de
Bellechasse, pour la deuxième fois, de retirer l'expression «
lâcheté » qu'il a employée à l'égard du
premier ministre.
M. LOUBIER: Disons que ce n'est pas un acte de bravoure de la part du
premier ministre.
M. LESAGE: Non, M. le Président, je regrette.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait essayer de respecter le
règlement tel qu'il existe et tel que je dois l'appliquer? J'ai
demandé au député, et je lui demande pour la
troisième fois, de retirer le mot « lâcheté »
qu'il a employé directement à l'endroit du premier ministre.
M. LOUBIER: Le premier ministre pourrait nous donner l'exemple.
M. LESAGE: M. le Président, alors troisième fois puis
l'expulsion, et ce ne serapas long.
M. LOUBIER: Je retire l'expression, M. le Président, mais...
M. LESAGE: Pardon? J'aimerais que le député se lève
suivant le règlement de la Chambre pour retirer ce qu'il a dit, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre! Régions
ce point-là d'abord, si vous voulez, c'est une question de
règlement, après...
M. JOHNSON: Le député a déjà
retiré... DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre! M. LESAGE: L'Orateur
est debout.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Je voudrais bien
régler cette question et, s'il y en a d'autres, je serai prêt
à entendre les députés.
M. LOUBIER: Cela a été retiré, c'est
enregistré aux Débats.
M. LE PRESIDENT: Alors, est-ce que je comprends que le
député a retiré...
M. LESAGE: Bien oui, mais il faut qu'il se lève.
M. LOUBIER: Oui, oui.
M. LESAGE: M. le Président, je ne suis pas satisfait. Que le
député se lève pour parler, comme le règlement
exige qu'il le fasse et...
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: M. le Président, j'ai laparole.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre! Un à la
fois.
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LESAGE: Bien oui, je parle sur un point de règlement. Le
député de Bellechasse ne s'est pas levé et n'a pas
officiellement retiré les paroles qu'il a prononcées à mon
endroit alors qu'il était debout. Moi, personnellement, je m'en fous, M.
le Président, mais on doit respecter le décorum et le
règlement de cette Chambre. Lorsque, l'autre jour, vous m'avez
demandé de retirer une parole beaucoup moins offensante à
l'égard du chef de l'Opposition, je me suis levé
immédiatement et j'ai dit: « Je retire mes paroles. »
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Pour ce qui est de l'incident
présentement devant la Chambre, j'ai entendu le député de
Bellechasse retirer ses paroles sans toutefois qu'il le fasse debout comme le
règlement l'exige. Par ailleurs, à plusieurs reprises, d'un
côté comme de l'autre, des paroles ont été
retirées sans qu'on se lève. Alors, comme on le fait remarquer
à l'ordre, messieurs comme on le fait remarquer à
la Chambre et que c'est le règlement, à l'avenir je demanderai
aux députés, d'un côté comme de l'autre, lorsqu'ils
parlent, que ce soit pour retirer des paroles ou autre chose, de le faire
debout.
M. BERTRAND: Très bien. M. LESAGE: M. le Président...
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre va me
permettre...
M. LESAGE: Ah! je ne peux pas continuer...
M. JOHNSON: Le premier ministre veut me permettre une question?
M. LESAGE: Ah oui!
M. JOHNSON: Le premier ministre considère-t-il qu'il a, en la
personne du député libéral actuel de Montmagny-l'Islet, un
digne successeur comme député fédéral?
M. LESAGE: M. le Président, je vais certainement éviter de
faire des personnalités...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LOUBIER: C'est ce que vous avez fait avec Lafrenière.
M. LESAGE: M. Jean Berger est certainement aussi digne que celui qui
était... si on veut parler de dignité de l'individu, c'est
joliment embêtant dans cette Chambre.
M. JOHNSON: C'est le premier ministre qui parlait de M.
Lafrenière en termes péjoratifs.
M. LESAGE: Je regrette, j'ai accusé M. Lafrenière
d'être un candidat Diefenbaker.
M. LOUBIER: Non, « plus montrable » dans le comté de
Montmorency.
M. LESAGE: Pardon?
M. LOUBIER: « Plus montrable... »
M. LESAGE: Non, je regrette...
M. LOUBIER: ... dans son ancien comté.
M. LESAGE: ... j'ai dit qu'il ne pouvait plus se présenter.
M. JOHNSON: Non, non!
M. LOUBIER: Qu'il n'était « plus montrable », et les
Débats sont là.
M. LESAGE: C'est vrai, il n'est plus montrable...
M. LOUBIER: C'est absolument faux, M. le Président, le premier
ministre...
M. LESAGE: ... dans le comté de Montmorency. Et pas
conséquent, on a essayé de le représenter comme un visage
neuf dans Montmagny-l'Islet, puis on a manqué son coup. Merci pour la
province...
M. JOHNSON: Le premier ministre n'a pas osé se présenter
dans Montmagny-l'Islet.
M. LESAGE: ... parce que c'était un candidat de M. Diefenbaker.
Je n'en veux pas à M. Lafrenière, mais il n'était pas
montrable...
M. LOUBIER: Vous iriez bien.
M. LESAGE: ... parce qu'il avait été député
de Diefenbaker.
Je me demande quelle mouche a piqué le député de
Bellechasse, il est malade!
M. LOUBIER: M. le Président, c'est mon associé et il me
semble que M. Lafrenière n'étant pas en Chambre, je dois
répondre au premier ministre et lui dire que s'il veut attaquer M.
Lafrenière, qu'il aille donc sur le même plancher que M.
Lafrenière, au lieu de dire des injures en son absence. Quand on a vu la
crise qu'il a faite sur M. Pigeon hier...
M. LESAGE: Je ne l'ai pas injurié.
M. LOUBIER: ... qui n'était pas présent en Chambre et dont
on n'attaquait même pas la personnalité.
M. LESAGE: Je n'injurie pas M. Lafrenière, je me demande... au
contraire, c'est un de mes amis. Mais j'ai dit qu'il n'était plus
montrable comme candidat...
M. LOUBIER: Il doit préférer être parmi vos
ennemis.
M. LESAGE: ... ça arrice, ça, qu'un type ne soit plus
montrable comme candidat. On dit ça régulièrement.
D'ailleurs, le député de Bellechasse lui-même ne sera plus
montrable dans Bellechasse aux prochaines élections provinciales.
M. LOUBIER: Vous viendrez comme lors de la dernière campagne
électorale.
M. LESAGE: Oui, puis vous allez en manger une. Laissez faire!
M. LOUBIER: Chaque fois que le premier ministre est venu le
premier ministre n'est venu qu'une fois je n'ai pas été
élu avec une forte majorité. Qu'il vienne donc plusieurs fois,
que j'aie une bonne majorité et que mon adversaire perde son
dépôt.
M. LESAGE: Cela dérange le fil de mes idées, M. le
Président.
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LOUBIER: Peut-être le fil, mais pas les idées.
M. JOHNSON: J'invoque le règlement et je voudrais demander au
premier ministre de ne pas être, comme il vient de le faire, la cause
d'incidents qui donnent une mauvaise publicité à la Chambre.
C'est le premier ministre...
M. LESAGE: Comment?
M. JOHNSON: ... qui a dit des paroles antiparlementaires au sujet de M.
Lafrenière...
M. LESAGE: Je n'ai rien fait, je n'ai rien d'antiparlementaire.
M. JOHNSON: ... qui a provoqué cet incident, et c'est lui qui est
responsable que dans l'opinion publique, le parlementarisme baisse...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que c'est un point
d'ordre?
M. JOHNSON: ... est à la baisse parce qu'il se conduit comme un
gamin dans cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordrel M. PINARD: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, je regrette, je suis le chef de
l'Opposition exactement sur son terrain...
M. LOUBIER: Le premier ministre avait raison de dire que son discours
n'était pas prêt.
M. LESAGE: C'est lui, au soir de... Je ne suis pas prêt, attendez,
vous n'en avez pas fini avec moi.
M. LOUBIER: Vous aviez raison de dire que vous n'étiez pas
préparé.
M. LESAGE: Au soir de l'élection fédérale, c'est
lui qui a attaqué les députés libéraux de cette
Chambre, particulièrement, et il a attaqué très
sévèrement le député des Iles-de-la-Madeleine et le
secrétaire de la province pour...
M. JOHNSON: Oui.
M. LESAGE: ... avoir participé à la campagne
électorale fédérale et je lui dis que ce n'était
pas plus péché pour les députés de ce
côté-ci de la Chambre que pour les députés que je
viens de lui nommer et qui sont de ses députés et qui ont fait la
campagne dans Montmagny-l'Islet. D'ailleurs, M. le Président, est-ce
qu'on veut prétendre que l'Union nationale est indépendante du
parti tory, du parti conservateur d'Ottawa?
DES VOIX: Oui.
M. LESAGE: Oui, alors quels sont les députés conservateurs
fédéraux qui ont assisté au congrès, qui ont choisi
le chef de l'Opposition actuel et qui ont activement travaillé pour lui
afin qu'il soit choisi chef de l'Union nationale. M. Jean-Noël Tremblay,
alors député fédéral de Roberval...
M. JOHNSON: Pardon?
M. LESAGE: M. Emilien Morissette, alors député
fédéral de Rimouski, M. Roland English, alors
député fédéral, tous du Diefenbaker, le
député fédéral de Gaspé M. Joseph-Octave
Latour, député conservateur tory Diefenbaker
d'Argenteuil-Deux-Montagnes, M. Maurice Johnson, c'est normal, c'est son
frère. M. Roger Parizeau député conservateur du
Lac-St-Jean, M. Robert Lafrenière, encore , alors
député de Québec-Montmorency, M. Russell Keyes, alors
député des Iles-de-la-Madeleine, M. Théogène Ricard
ça se comprend, n'était son compère alors
député de St-Hyacinthe Bagot...
M. JOHNSON: Encore député.
M. LESAGE: Encore député, oui, il l'est encore.
M. JOHNSON: Quatre mille de majorité.
M. LESAGE: M. Rémi Paul, député de
Berthier-Maskinongé-Delanaudière, et le Dr J.-Eugène
Bissonnette...
M. JOHNSON: Est-ce qu'il est Diefenbaker, celui-là?
M. LESAGE: ... député de Québec-Ouest, et que
faisait là M. Benoît Parent, secrétaire particulier de M.
O'Hurley, qui travaillait nuit et jour pour le chef de l'Opposition actuel?
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre va me permettre
une question?
M. LESAGE: Certainement.
M. JOHNSON: Est-ce qu'on doit conclure que M. le Premier ministre actuel
de la province est rendu tory Diefenbaker, maintenant qu'il est appuyé
par M. Balcer?
M. LESAGE: Je n'ai pas l'impression que M. Balcer soit dans la liste de
ceux qui ont appuyé le chef de l'Opposition actuel?
M. JOHNSON: Non, non.
M. LESAGE: Non, non, c'étaient les vrais tories à tout
jamais qu'il appuyait. D'ailleurs, ce n'est pas surprenant...
M. JOHNSON: Rémi Paul...
M. LESAGE: ... c'est la vieille même tactique de l'Union
nationale. J'ai ici un volume extrêmement intéressant,
écrit par M. Pierre
Sévigny...
M. JOHNSON: Auteur réputé.
M. LESAGE: ... qui est intitulé: « Le grand jeu de la
politique ».
M. JOHNSON: Qu'est-ce qu'il dit? Lisez-nous donc ça!
M. LESAGE: C'est extrêmement intéressant, vous ne perdez
rien pour attendre.
M. BERTRAND: On n'a pas eu le temps de le lire.
M. LESAGE: Oui, à la page 78, ça va vous
intéresser, vous allez peut-être revivre... M. le
Président, il y a peut-être d'anciens ministres qui vont revivre
des heures qu'ils ont vécues eux-mêmes. En avril 1957, on se
souviendra que des élections fédérales avaient
été déclarées pour le 10 juin 1957, ce n'est pas
dans le livre ça, c'est ma mémoire, je m'en souviens très
bien d'ailleurs. Pour le 10 juin 1957, les élections avaient
été déclarées...
M. JOHNSON: Vous étiez particulièrement
intéressé.
M. LESAGE: ... en avril 1957, et, dans son livre M. Sévigny,
raconte une entrevue qu'il a eue dans le bureau que j'occupe maintenant avec
celui qui était alors le premier ministre de la province de
Québec, M. Duplessis...
M. DOZOIS: Qui est mort.
M. JOHNSON: Grand indiscret.
M. LESAGE: ... et trois de ses collègues qu'il ne nomme pas. Je
ne sais pas, peut-être que le député de St-Jacques,
peut-être que le chef de l'Opposition ou le député de
Missisquoi ou le député de Champlain étaient là,
mais...
M. BERTRAND: Il ne les nomme pas.
M. LESAGE: Attendez, vous allez vous reconnaître
peut-être.
M. BELLEMARE: Je n'avais pas été assermenté
à cette date-là, moi.
M. LESAGE: D'accord, Alors ce sont les trois autres, peut-être, je
ne le sais pas. Alors écoutons ce que M. Sévigny raconte de cette
entrevue d'avril 1957 avec M. Duplessis et trois de ses collègues non
identifiés. Il appelle M. Duplessis, Duplessis tout court, ce que je ne
fais pas. « Duplessis répéta alors quelle stratégie
et quelle tactique il croyait nécessaire d'employer. Il était
prêt à appuyer et même à aider tous les candidats
officiels du parti conservateur auxquels il concéderait quelques chances
de victoires. »
M. CADIEUX: Ah! vous n'avez pas lu ça?
M. LESAGE: « Il abondonnerait à leur sort les comtés
où les chances de battre les libéraux étaient à peu
près nulles. Lui-même ne participerait pas à la campagne et
quelques-uns seulement de ses ministres s'y engageraient activement. On
prendrait grand soin d'éviter toute apparence d'alliance entre l'Union
nationale et les conservateurs fédéraux. Ce genre d'alliance
aurait été efficace dans le Québec, mais aurait pu
être désastreuse dans le reste du Canada. Pour l'instant, tout ce
qui comptait, c'était d'arracher des sièges au parti
libéral, l'heure était au politicien Duplessis, les hommes d'Etat
viendraient plus tard. » Ils sont venus plus tard, les hommes d'Etat,
c'est ça qui est arrivé.
M. JOHNSON: En quelle année?
M. LESAGE: En 1960.
M. GABIAS: Sont venus, est-ce que c'est dans le livre?
M. LESAGE: Non. J'ai répondu au chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: Le premier ministre tronque les textes.
M. LESAGE: Je vous demande pardon, j'avais terminé la citation,
plus tard; et là, ma citation était finie. J'ai répondu au
chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: Dans trois ou quatre ans, ce sera M. Lapalme qui
écrira un livre pareil.
M. LESAGE: M. Lapalme peut écrire tout ce qu'il voudra.
M. JOHNSON: Cela, ce sera intéressant. M. BELLEMARE: Il est
commencé déjà. M. LESAGE: Mais, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: ... il n'y a aucun doute que la Chambre aimerait bien savoir,
la population aussi, qui étaient les trois ministres non
identifiés de l'Union nationale qui ont eu connaissance de cette
rencontre qui d'ailleurs s'est terminée par un dîner au
château Frontenac, dans la suite du premier ministre du temps, où
il avait reçu comme un grand seigneur. Tout allait très bien.
Alors à la page 82, M. Sévigny continue: « Sans le
savoir...
M. JOHNSON: C'est suave.
M. LESAGE: « ... les conservateurs avaient donc au Québec
un ami en même temps qu'un allié puissant. Très rapidement
l'influence de Maurice Duplessis se fit sentir dans la campagne
électorale. Dans plusieurs comtés des candidats surgirent et
commencèrent à se mettre au travail. Les journaux qui sentaient
tourner le vent firent allusion à la possibilité de victoire des
conservateurs en Gaspésie, dans la Beauce, dans la région de
Trois-Rivières et même dans celle de Montréal, que les
libéraux tenaient solidement en main. « Un nombre de plus en plus
grand de personnes assistaient à nos réunions. c'est M.
Sévigny qui parle Avec un optimisme extravagant, des
députés parlaient de trente comtés conservateurs dans le
Québec et rêvaient de voir se réaliser leurs ambitions
personnelles. Dans plusieurs comtés, de nombreuses personnes assistaient
aux réunions publiques. Certains ora- teurs qui avaient promis de
quitter le parti conservateur une fois pour toutes chantaient avec
éloquence les louanges de John Diefenbaker et citaient des extraits des
nombreux discours qu'il faisait de plus en plus fréquemment aux quatre
coins du Canada. « Le comité que nous avions formé se
réunit privément. Nous avions décidé de cacher au
public et aux journaux l'entente que nous avions convenue avec l'Union
nationale. Il nous semblait que la révélation d'un axe DD,
Diefenbaker-Duplessis, nuirait aux conservateurs à l'extérieur du
Québec. Duplessis c'est toujours M. Sévigny qui parle
Duplessis me rappelait sans cesse ce danger et je respectais son
opinion. Nous craignions aussi les lamentations du comité des bleus qui
ameuterait très certainement le quartier général d'Ottawa
s'il découvrait que nous entretenions avec le « cheuf » des
relations étroites et suivies. »
M. le Président, et c'est le chef de l'Opposition, ancien
ministre de l'Union nationale en 1957, qui vient accuser deux
députés libéraux...
M. JOHNSON: Non, non, 1958.
M. LESAGE: ... provinciaux d'avoir fait la campagne ouvertement, eux,
pour le parti libéral, qui me reproche, en sous-entendu, d'avoir
déclaré que mes préférences...
M. JOHNSON: Non.
M. LESAGE: ... au cours des dernières élections
générales du 8 novembre, allaient à M. Pearson et au parti
libéral. Mais je l'ai déclaré ouvertement à la face
du Canada, je n'ai pas eu un comité secret, moi, pour manoeuvrer
à l'intérieur de la province de Québec en tentant de
flatter hypocritement certains sentiments qui sont exclusifs au Québec
et cela en arrière de la couverte, pendant que l'on prêchait autre
chose ailleurs dans le reste du Canada. Non, M. le Président.
M. GABIAS: Est-ce que le premier ministre me permet une question?
M. LESAGE: Non, M. le président, je me suis toujours...
M. GABIAS: Est-ce que le premier ministre croit tout ce qui est
écrit dans ce livre-là?
M. LE PRESIDENT: Une question?
M. GABIAS: Est-ce que le premier ministre souscrit à tout ce qui
est écrit dans ce livre-là?
M. LESAGE: M. le Président, et pendant ce temps-là les
députés de l'Union nationale...
M. JOHNSON: Lisez la page 133.
M. LESAGE: ... appuyaient ouvertement, appuyaient les candidats bleus de
Diefenbaker les candidats du Parti conservateur, le parti le plus
anti-Québec, le plus anti-canadien français, le plus mange
« Canayens », comme disent nos gens.
Pour M. Diefenbaker, le chef de l'Opposition le sait et il devra avoir
la franchise de l'admettre. Il le sait.
M. JOHNSON: Cela est bien dit.
M. LESAGE: Pour M. Diefenbaker, un gouvernement central fort, c'est un
Canada unitaire. C'est le fond du coeur et de la pensée de M.
Diefenbaker. Et au lieu de le dénoncer, lui, son ancien chef...
M. JOHNSON: Des ragots.
M. LESAGE: ... son parti de l'Union nationale, les purs des purs, les
plus nationalistes des nationalistes, les défenseurs de la foi, de la
langue et de la relition et de nos traditions, s'enfermaient dans des chambres
d'hôtels pour avoir des comités secrets pour aider à
l'élection de ce parti, qui, s'il était au pouvoir le moindrement
longtemps, à moins d'avoir contre lui un gouvernement comme celui que je
dirige et qui, pendant les années qu'il a été au pouvoir,
s'est élevé contre lui avec toute la force dont il était
capable, un gouvernement qui tairait et permettrait la disparition des droits
du Québec.
M. JOHNSON: Quelle farce!
M. LESAGE: C'est lui, le chef de l'Opposition qui crie au scandale, qui,
comme ce personnage de Molière, se voile la face en accusant le
député des Iles-de-la-Madeleine et le secrétaire de la
province d'avoir fait ouvertement la lutte contre un chef...
M. JOHNSON: Avec le patronage provincial.
M. LESAGE: ... de parti reconnu anticanadian-français, il se
voile la face comme un personnage de Molière auquel je fais allusion
ici.
M. CADIEUX: Tartuffe.
M. LESAGE : Quand on sait que tout ce qu'a écrit M.
Sévigny là-dessus, ce que je viens de lire, quand on sait que
c'est vrai.
M. GABIAS: Vous souscrivez à tout ça?
M. LESAGE: Je sais que cette partie est vraie parce qu'elle m'a
été racontée tantôt.
M. GABIAS: Quelle preuve!
M. LESAGE: Je le sais parce qu'elle m'a été
racontée par d'autres qui n'étaient pas députés
fédéraux, qui ne sont plus de l'Union nationale, qui sont
ailleurs. Et j'en sais quelque chose.
M. GABIAS: Balcer?
M. LESAGE: Assez pour démasquer les accusations du chef de
l'Opposition. Nos députés libéraux étaient libres.
Ils ont agi suivant leur conscience. Je suis loin de le leur reprocher Ils ont
bien fait de faire ce qu'ils ont fait. Mais simplement, que le chef de l'Union
nationale regarde donc ce qui se passe chez lui et surtout ce qui s'est
passé chez lui et ce qui se passe encore peut-être chez lui avant
d'essayer de nous attaquer pour des actes qui ont été
posés au grand jour, sans hypocrisie!
M. JOHNSON: C'est moins sûr, ça.
M. LESAGE: Sans qu'il y ait des comités cachés.
Moi-même, au grand jour, à la face du Canada, j'ai
déclaré que je favorisais l'élection du parti
libéral à Ottawa le 8 novembre, le parti de M. Pearson. Je ne me
suis pas enfermé dans une chambre d'hôtel pour former un
comité caché Pearson-Lesage. Je l'ai dit à la face du
pays. C'est ça que j'ai fait.
M. JOHNSON: Qui étaient les ministres au bureau?
M. CADIEUX: Si le chef de l'Opposition veut parler, qu'il se
lève.
M. LESAGE: Je ne le sais pas, ces messieurs le savent mieux que moi.
M. JOHNSON: Non, nous n'étions pas ministres.
M. LESAGE: Moi, je n'avais pas été invité.
J'étais ministre fédéral à ce moment-là.
J'étais ministre libéral fédéral à ce
moment-là. Il est évident que je n'avais pas été
invité, que je ne peux pas le savoir. Mais une chose est certaine, c'est
que des personnes qui sont au courant de l'existence de ce comité m'ont
dit ce qu'était, en gros, la tâche dudit comité, puis
ça c'est fait. D'ailleurs, je le sais...
M. JOHNSON: Du « placotage ».
M. LESAGE: ... j'ai vécu l'expérience...
M. JOHNSON: ... Du « placotage », du «
mémérage. »
M. LESAGE: Ce n'est pas plus de « placotage » que celui que
le chef de l'Opposition a fait, M. le Président. Le chef de
l'Opposition...
M. JOHNSON: Du « mémérage. »
M. LESAGE: ... s'est mis le doigt dans une trappe à souris; il se
l'est fait prendre puis là, bien, il est obligé de crier
«Aie ». C'est tout. C'est tout.
M. JOHNSON: C'est comme l'histoire du chat, ça.
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: C'est comme le chat. Le petit gars, là...
M. LESAGE: Non, non, non, mais c'était une trappe à
souris, cette fois-ci.
M. CADIEUX: C'était un piège à ours.
M. LESAGE: C'est effrayant, le chef de l'Opposition devrait donc
être prudent.
M. JOHNSON: Des pièges à ours.
M. LESAGE: Il devrait donc être prudent. M. le Président,
j'en ai fini avec le discours du chef de l'Opposition; ça ne valait pas
plus que ça. Je me suis amusé là, pendant à peu
près une demi-heure, c'est à peu près tout ce que
ça valait, ça...
M. BERTRAND: Cinq heures moins dix, M. le Président, le
lieutenant-gouverneur...
M. LESAGE: Le discours du chef de l'Opposition, sur le débat sur
le discours du Trône... maintenant je vais... un instant, s'il vous
plaît...
M. BERTRAND: Cinq heures moins dix, c'est vous qui l'avez dit...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Est-ce que je pourrais dire cinq heures moins dix
moi-même et finir ma phrase?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAFONTAINE: Il va être moins cinq tout à l'heure, il ne
sera plus moins dix.
M. LESAGE: M. le Président, nous reprendrons...
M. JOHNSON: La comédie.
M. LESAGE: ... je propose la suspension du débat et nous
reprendrons...
M. LOUBIER: Deuxième acte.
M. LESAGE: ... Oui, et dans le deuxième acte, je parlerai de
l'administration actuelle.
M. JOHNSON: Aht bien là, on va parler sérieusement.
M. LESAGE: De l'administration actuelle. Oui, très
sérieusement, parce que je ferai des comparaisons entre les contrats
sans soumissions de l'Union nationale et ce qui se passe maintenant. Et
ça, c'est le chapitre de ce soir.
M. LOUBIER: Les chevaux de Petawawa.
M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue.
M. LESAGE: Bien oui, mais j'avais compris que ça se
discuterait.
M. LAPORTE: Je vais m'en assurer. Est-ce qu'on a le consentement
unanime?
M. LESAGE: Non, j'en ai parlé pendant l'absence du leader de la
Chambre et j'avais compris que ça allait. Alors je vais filer,
arrangez-vous.
M. JOHNSON: Tantôt le consentement unanime a été
refusé bien libéralement. Bien libéralement il a
été refusé, par le député de Duplessis entre
autres, avec une extrême gentillesse et sa délicatesse
habituelle.
M. LAPORTE: M. le Président...
M. GABIAS: M. le Président, je pourrais comme mes
collègues, refuser mon consentement mais je respecte les lois du jeu et
en toute libéralité, je donne mon consentement.
M. LAPORTE: C'est grand.
M. GABIAS: Même si on me l'a enlevé, même si on me
l'a enlevé. Oui. Certainement
M. LAPORTE: Qu'est-ce que vous pourriez faire?
M. GABIAS: Refuser mon consentement, comme on me l'a refusé
tantôt.
M. LAPORTE: Allez-y, refusez ou acceptez.
M. GABIAS: Non, parce que ça retarderait les travaux de la
Chambre et lorsque l'on a de bonnes raisons, il est agréable de
consentir aux demandes qui sont faites et je crois que tantôt, si on
m'avait accordé quelques minutes, ça aurait été
beaucoup plus simple...
M. LAPORTE: Vous êtes en train de les prendre.
M. GABIAS: Il est bon de noter...
M. LAPORTE: Ah oui, oui, au cas où les gens ne s'en rendraient
pas compte, c'est vrai.
M. GABIAS: Il est bon de noter, M. le Président, ces faits.
M. LAPORTE: C'est vrai, ça. Alors maintenant que la Chambre a
noté la générosité remarquable du
député de Trois-Rivières, on va discuter de la motion. Il
s'agit d'une motion qui va amender le règlement de l'Assemblée
législative afin d'accélérer les travaux de cette Chambre.
Très, très, très récemment, les journaux, je
pourrais mettre ça au singulier, ont souligné certaines
longueurs, je dois dire que...
M. JOHNSON: Qui provenaient d'une remarque faite par un ministre.
M. LAPORTE: Faite par un ministre? M. JOHNSON: Oui.
M. LAPORTE: Bien oui, ça me donne vingt chances...
M. JOHNSON: Quel était ce ministre? M. LAPORTE: ... pour le
trouver.
M. JOHNSON: Probablement le leader de la Chambre.
M. LAPORTE: Peut-être. Peut-être que non aussi. Mais en
fait, ce n'est pas le leader de la Chambre. M. le Président, des
remarques ont été faites sur certaines longueurs. Il est clair
que nous pourrions hâter les travaux ses-sionnels, nous acquitter de la
tâche très considérable que nous avons à remplir,
mais quand même sauver du temps.
Motion sur les comités des
crédits
M. LAPORTE: Je ne sais pas, M. le Président, si l'on me
permettrait, pendant deux ou trois minutes, de donner quelques impressions
personnelles sur les réactions que peuvent avoir des spectateurs qui
viennent pour la première fois ou rarement assister aux
délibérations de l'Assemblée législative.
Les remarques que l'on nous fait généralement, surtout
s'il s'agit de jeunes, sont des remarques qui confinent à la
déception. Nous n'imaginions jamais que ça pouvait se passer
comme ça à l'Assemblée législative. On n'aurait
jamais cru que le décorum fut si peu respecté. C'est une remarque
qui nous froisse, c'est une remarque qui nous déçoit. Nous
devons, je pense, chacun d'entre nous, accepter notre part de
responsabilités. Je dois ajouter que chaque fois que j'ai l'occasion de
parler à des gens qui me font ces remarques, je pense, qu'après
tout, députés ou non, nous sommes des humains et qu'il est tout
à fait impossible d'espérer que nous allons, heure après
heure, jour après jour, nous confiner dans une étude, absolument,
sans aucune digression des sujets souvent très importants que nous avons
à aborder.
Qu'est-ce que notre Parlement a de différent des autres? Qu'on
aille en France, qu'on aille aux Etats-Unis, qu'on se rende à Londres,
le « Mother of Parliament ». C'est là, prétend-on,
que nous devrions trouver le maximum de décorum chez ces messieurs
britanniques qui sont d'un caractère plus pondéré que nous
et qui ont inventé, dit-on, le système démocratique qui
est le nôtre, et pourtant, il suffit d'y être allé
très peu souvent. En fait, je n'y ai mis les pieds qu'une seule fois,
pour constater que loin d'être une leçon de décorum, c'est
exactement le contraire, la tradition parlementaire voulant que les
ministériels ne fassent aucun cas de ce que dit l'Opposition et vice
versa, pour donner l'impression au public qu'il n'y attache aucune importance.
C'est ainsi qu'on voit des ministres non seulement lire un journal face au chef
de l'Opposition ou à un oppositionniste qui parle, mais
également, scandale des scandales, se mettre les pieds sur la table du
greffier qui malheureusement ou heureusement pour nous, est moins
éloigné qu'ici.
M. BERTRAND: Il n'y a rien que M. Racine, ici, qui pourrait le
faire!
M. LAPORTE: Et ceci, M. le Président, ne signifie nullement que
d'un côté ou l'autre de la Chambre on ne porte pas attention
à ce qui fait la réalité. C'est qu'aussitôt que le
chef de l'Opposition va un peu loin ou que le premier ministre va un peu loin,
vous voyez les journaux qui se tassent et l'intervention qui arrive
immédiatement. Nous n'en sommes pas là. Nous avons un Parlement
où des gens doivent travailler. On se surprend de voir des
députés de l'Opposition, des ministres, des députés
ministériels signer leur correspondance. Mais quand allons-nous la
signer notre correspondance? Nous avons à siéger au conseil des
ministres, mardi matin, en Chambre, mardi après-midi et mardi soir, au
conseil des ministres, mercredi matin, en Chambre, mercredi après-midi,
au conseil des ministres, ce matin, en Chambre, cet après-midi et ce
soir.
Est-ce que c'est mieux de laisser l'administration s'en aller où
si l'on doit se résigner à cette chose essentielle qui est de
continuer dans des conditions peu agréables, continuer, le mieux
possible, l'administration de la province de Québec. Et cela vaut pour
les deux côtés.
On s'inquiète, on se surprend de ce que nous puissions, de temps
à autre, lire un journal. Quel crime abominable de prendre quelques
heures que nous avons ici en Chambre parfois pour se renseigner sur ce qui se
passe autour de nous!
Quelquefois les seules heures que nous ayons, parce qu'on saura
très bien que quels que soient, encore une fois, les
députés, qu'ils soient oppositionnistes ou ministériels,
ils ont des rendez-vous. Il y a un député, hier soir, qui,
à l'ajournement, estparti de l'Assemblée législative pour
s'en aller dans son comté, parce qu'il y avait quelqu'un d'important de
décédé dans son comté. Puis il est revenu tard
cette nuit. On ne peut lui reprocher, à ce
député-là, de lire pendant quelques minutes un journal. Je
dis que nous sommes des humains, je dis que le problème c'est,
qu'après quelques années, quelques mois, on oublie,
peut-être trop, on oublie toutes ces choses extérieures, ce manque
de décorum partiel pour constater le travail immense qui se fait ici et
il suffit de voir le nombre de projets de loi. Tout ce qui s'est passé
dans la province de Québec depuis quelques années apris naissance
dans des lois qui ont été étudiées par
l'Assemblée législative, devant les comités.
Je dis donc, M. le Président, qu'il se fait un travail
très considérable et que, si l'on a partiellement raison de
regretter la façon dont ça se passe parfois, on aurait encore
bien plus tort de limiter son jugement à ces choses qui sont quand
même secondaires.
M. le Président, je propose donc aujourd'hui une motion qui va
nous permettre d'accélérer le travail de la session. On se
souviendra que, l'an dernier, de consentement, nous avons créé
des comités spéciaux qui ont étudié un certain
nombre de budgets de l'Assemblée législative. C'était une
première expérience, fruit d'une recommandation unanime d'un
comité pour amender le règlement. Cette expérience a
été, selon les uns, très heureuse, selon les autres,
réussie partiellement; mais je crois que tous sont unanimes pour dire
que ce fut une amélioration sur le système qui était le
nôtre jusque-là. Malheureusement, c'était un peu de
l'improvisation; nous voulons, cette année, par la motion qui est
inscrite à mon nom, régulariser, institutionnaliser ces
comités spéciaux qui vont étudier le budget.
Nous voulons donc modifier certains articles du règlement. A
l'article 380, ajouter 380-A: « En comité des subsides, on peut
proposer qu'un comité des crédits soit chargé d'examiner
les articles du budget qui le concernent et de faire rapport à ce sujet.
» Vous vous souvenez que, l'an dernier, on lisait...
M. le Président, je demande que le débat soit
suspendu.
M. LE PRESIDENT: Le débat est suspendu. Faites entrer le
messager. Let the messenger in.
LE MESSAGER: M. l'Orateur, Son Honneur l'honorable lieutenant-gouverneur
désire la présence des membres de cette Chambre dans la salle du
Conseil législatif.
Mr. Speaker, it is His Honour the Honourable Lieutenant-Governor's
pleasure that the Members of this House do attend immediately in the
Legislative Council Chamber.
M. LAPORTE: ... Suspension de la Chambre jusqu'à huit heures et
quart, et il est entendu, je crois, que nous terminerons l'étude de
cette motion avant de revenir au débat sur le discours du
Trône.
M. JOHNSON: Est-ce que le ministre est prêt à prendre
l'amendement que je lui ai suggéré?
M. LAPORTE: Oui, oui. Je voudrais l'expliquer en deux minutes.
M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à huit
heures et quart.
Reprise de la séance à 8 h 15
p.m.
M. LECHASSEUR (président): A l'ordre, messieurs!
M. LAPORTE: M. le président, très brièvement, nous
avions commencé, cet après-midi, l'étude d'une motion qui
va modifier, si la Chambre l'accepte, le règlement de l'Assemblée
législative pour instituer, d'une façon permanente, ce que nous
appelons un comité des crédits pour étudier les
estimations budgétaires des divers ministères de l'administration
provinciale.
Nous proposons d'abord de modifier l'article 380 qui est celui qui
s'applique aux opérations des comités des subsides et des voies
et moyens. Nous voudrions ajouter l'article suivant: « En comité
des subsides on peut proposer qu'un comité des crédits soit
chargé d'examiner les articles du budget qui le concernent et de faire
rapport à ce sujet. »
Quatre conditions sont prévues. Cette motion n'est pas
susceptible de débat, parce que nous ne voulons pas que chaque fois que
le gouvernement propose qu'un comité des subsides siège, un
débat s'engage sur l'opportunité de faire siéger ou non.
Deuxièmement, que cette motion ne soit pas susceptible d'amendement.
Troisièmement, que cette motion soit mise aux voies
immédiatement, sans débat, et quatrièmement qu'il ne
puisse être interjeté appel de la décision que le
comité des subsides pourrait prendre à ce sujet.
Il est bien clair que, puisque nous songeons, par cet amendement,
à simplifier et à accélérer la procédure, si
nous ne prenons pas les précautions élémentaires pour
éviter la possibilité d'obstruction, nous n'aboutirons pas au
résultat que cette Chambre semble désirer. Je voudrais que l'on
remarque que le règlement modifié prévoit le renvoi
à un comité, c'est-à-dire qu'un des crédits
budgétaires pourra être étudié par le comité
plénier des subsides et un autre devant un comité des subsides,
mais un seul. Protection du gouvernement pour éviter l'obstruction,
ai-je dit tout à l'heure; maintenant protection de l'Opposition contre
le gouvernement qui pourrait bien décider je me rappelle les
sessions qui ont suivi l'élection de 1948, alors que l'Opposition
était représentée par huit députés de
faire siéger en même temps dix comités des subsides.
Il est évident que l'Opposition aurait été
complètement effacée, faute de combattants. Alors nous
protégeons les droits de l'Opposition. Un seul comité des
subsides pourra siéger en même temps en vertu du règlement,
sauf évidem- ment en faire siéger deux ou trois, si c'est le
consentement unanime de tous les députés de l'Assemblée
législative.
L'on a suggéré, pour rendre la chose plus claire, que l'on
modifie le paragraphe 3 de la motion qui se lit comme suit: «Le
comité des subsides ne peut, au cours d'une même séance,
ordonner le renvoi d'articles du budget qu'à un seul comité des
crédits.» Ceci peut paraître suffisamment clair et l'on a
prétendu qu'à une même séance, on pourrait utiliser
deux ou trois séances consécutives pour référer
à deux ou trois comités. Si l'on faisait disparaître
seulement les mots «au cours d'une même séance», je
pense qu'on réglerait définitivement le cas, puisqu'à ce
moment-là, ça se lirait comme suit: «Le comité des
subsides ne peut ordonner le renvoi d'articles du budget qu'à un seul
comité des crédits.» Ou alors l'amendement que me proposait
le chef de l'Opposition: «Le comité des subsides ne peut ordonner
le renvoi d'articles du budget à un comité des crédits si
un autre tel comité siège déjà et n'a pas encore
présenté son rapport.»
Je préfère, je l'avoue, cette deuxième
rédaction puisque ça protège de deuxfaçons.
D'abord, s'il y a un autre comité qui siège, on ne peut en
convoquer un deuxième et l'on nepeut convoquer de comité
silecomité qui a siégé ne fait pas rapport, puisque le
comité des subsides peut trouver curieux que l'on attende une, deux,
trois, quatre, cinq semaines pour présenter le rapport d'un
comité qui a déjà terminé son travail. Alors je
vais remettre au greffier, si l'Assemblée législative, si la
Chambre est d'accord sur cette modification: «Le comité des
subsides ne peut ordonner le renvoi d'articles du budget à un
comité des crédits si un autre tel comité siège
déjà et n'a pas encore présenté son
rapport.»
M. LESAGE: Est-ce que je pourrais suggérer que le mot
«son» avant le mot «rapport» soit remplacé par
le mot «de».
M. BELLEMARE: Le mot «de».
M. LESAGE: «de rapport», «n'a pas encore
présenté de rapport». Parce qu'on laisse entendre que le
comité des subsides, qu'un comité des subsides donné ne
ferait qu'un rapport et il pourrait y avoir plus d'un rapport. Supposons par
exemple qu'un ministre tombe malade...
M. JOHNSON: C'est ça.
M. LESAGE: ... qu'il faille suspendre l'étude des crédits
de son ministère pour aborder les crédits d'un autre
ministère, si l'on met
« son rapport », on laisse entendre qu'il ne peut y avoir
qu'un rapport pour le comité qui a été formé pour
étudier les subsides d'un ministère, en disant d'un rapport: Nous
avons étudié tels et tels item, le ministre devant s'absenter
pour une période indéfinie ou devant s'absenter pour une
période de..., nous faisons rapport que nous avons étudié
tels item et nous les avons approuvés. Et alors, il est loisible, pour
accélérer les travaux de la Chambre, de renvoyer pour
étude les estimations budgétaires d'un autre
ministère.
M. LAPORTE: Nous avons modifié 380 qui crée les
comités des subsides. Nous modifions 462; c'est l'article qui
prévoit la nomination de certains comités permanents, donc, au
début de chaque session, quinzièmement, le comité des onze
nommera des comités pour les crédits de chaque ministère
et pour la législation. Finalement, nous ajoutons, au chapitre des
comités, une section no 5 afin de prévoir la procédure des
séances de ces comités des subsides. Le comité
siège sans convocation. Le comité peut siéger pendant que
la Chambre est en séance, sans autorisation spéciale. Les
articles 381 et 382 s'appliquent à ces comités-là. Les
articles 381 et 382 prévoient la procédure d'étude des
budgets, article par article. Enfin, quatrièmement, un comité des
crédits fait rapport au comité des subsides et non à la
Chambre. Je prierais la Chambre de bien prendre note de la façon dont le
rapport va être présenté. C'est fait au comité des
subsides. Il est clair que, devant ce comité, si la Chambre ou le
comité le décide, la discussion peut reprendre sur tout ou partie
des prévisions budgétaires qui viennent d'être
scrutées par le comité ad hoc.
Enfin, quatrièmement, et c'est seulement pour la session en cours
et, si l'on était unanime, je demanderais que ce paragraphe soit
biffé. L'article 462 dit; « A la séance d'ouverture de
chaque session, la Chambre institue un comité permanent pour chacun des
objets suivants » et l'on ajoute les comités. Comme nous ne sommes
plus à la séance d'ouverture de chaque session, il sera
impossible de les créer cette année. C'est pour ça que
nous ajoutons le « quatrièremement » qui n'aura
d'application qu'en 1966. Si nous étions unanimes pour que le
comité des onze siège de nouveau, nomme les membres des
comités dont il est question, il ne serait pas nécessaire
d'ajouter, dans le règlement de l'Assemblée législative,
un paragraphe qui va être périmé immédiatement.
Alors si on est unanime, et je consigne au journal des Débats que
l'Assemblée législative consent unanimement à ce que le
comité des onze siège à nouveau pour nommer les membres
des comités des subsides pour les crédits de chaque
ministère et pour la législations. Ceci dit, je demande que le
paragraphe 4 de la motion inscrite à mon nom soit rayé. M. le
Président, je suis très heureux de présenter cette motion.
Je crois que c'est un pas dans la bonne direction. Nous allons pouvoir
hâter le travail sesslonnel. Nous allons pouvoir confier plus de travail
aux membres de l'Assemblée législative. Déjà l'an
dernier, plusieurs députés ont porté un bien plus grand
intérêt à l'étude des crédits. Quelques-uns
vont avoir, d'année en année, le loisir de se spécialiser,
de faire des études plus intéressantes, plus actives et, pour
toutes ces raisons, je crois que l'Assemblée législative devrait
être unanime à accepter cet amendement.
M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais d'abord dire
immédiatement au ministre que nous concourons pour enlever le paragraphe
4 qui n'était peut-être pas nécessaire, parce que le
comité des onze, de toute façon, a siégé mais s'est
ajourné à plus tard pour continuer son travail mais « trop
fort ne casse pas ». Nous voulons aussi consigner au journal des
Débats que nous sommes consentants à ce que ce paragraphe soit
enlevé parce que nous consentons à ce que le comité des
onze siège et nomme les membres de ces comités des
crédits.
M. le Président, je voudrais aussi remercier le ministre qui a
accepté un amendement que je suggérais à l'article 1 pour
remplacer le paragraphe 3 de l'article que nous ajoutons, soit l'article 380 A.
M. le Président, ces consentements sont donnés toujours dans le
même esprit, dans le but de hâter les travaux de la session, sans
toutefois négliger notre devoir essentiel. Vous me permettrez de toucher
brièvement le terrain couvert cet après-midi par le leader de la
Chambre lorsqu'il a fait état des impressions que retirent de leur
visite au parlement les visiteurs et particulièrement les jeunes.
M. le Président, le ministre a raison, les gens qui viennent pour
la première fois au parlement en repartent la plupart du temps
désabusés. Ils sont scandalisés, comme a dit le ministre,
de voir des députés, lire les journaux, signer de la
correspondance, faire semblant qu'ils ne sont pas intéressés
à ce qui se passe de l'autre côté de la Chambre, affecter
une indifférence réelle ou simulée envers les discours de
leurs collègues. Le ministre a bien couvert le terrain cet
après-midi, en rappelant que ces attitudes des députés en
Chambre ne sont pas le
fait seulement de l'Assemblée législative de la province
de Québec, mais qu'il a été en mesure lui-même de
constater qu'en France et même en Angleterre, « The mother of
Parliament », il y avait des attitudes semblables ou similaires aux
nôtres.
M. LESAGE: Pas besoin de traverser l'Atlantique.
M. JOHNSON: M. le Président, on peut aller à Ottawa...
M. LESAGE: Certainement.
M. JOHNSON: ... à Washington...
M. LESAGE: Même chose.
M. JOHNSON: ... et on se rendra compte que là comme ailleurs, il
y a de la part des députés et sénateurs une attitude qui
n'est pas toujours conforme à l'idéal que se font les jeunes d'un
parlement. Je me souviens d'avoir visité la Législature de
Québec quand j'étais étudiant, en première
année de droit, et à ce moment-là, M. le Président,
selon une vieille coutume, il y avait une porte entre votre salle de
réception et l'Assemblée législative. J'avais alors vu une
foule, toute une foule de députés alignés le long du mur
devenir de plus en plus gais vers la fin de la séance, M. le
Président, et à six heures moins le quart, je les trouvais comme
on dirait à Ottawa un peu « unruly ». Ils étaientun
gavroches à six heures moins le quart et dans ma naïveté, je
me demandais ce qui se passait. J'ai su plus tard quand je suis arrivé
dans cette Chambre, qu'il y avait bar ouvert à la journée longue
chez le président de l'Assemblée législative.
En 1944, nous avions un Orateur sévère, M. le
Président, qui limitait ses réceptions à trois ou quatre
par année...
M. BELLEMARE: Une demi-heure.
M. JOHNSON: Une demi-heure et du scotch canadien à part
ça.
UNE VOIX: Cela durait deux mois.
M. JOHNSON: Alors, je vous assure que le maintien des
députés, avec les années, s'est considérablement
amélioré. Et je voudrais dire tout de suite qu'après
dix-neuf ans complétés dans cette Chambre, je suis
extrêmement fier de proclamer que la députation d'aujourd'hui
s'est sensiblement améliorée au point de vue sérieux et au
point de vue qualité.
M. le Président, je suis très heureux de le dire, car il y
en a trop qui sont prêts à vanter les temps passés et
à ne pas se rendre compte du progrès réalisé. Les
députés d'aujourd'hui, de quelque côté qu'ils
soient, quelle que soit la proportion de libéraux et de non
libéraux, il reste qu'ils sont tous plus sérieux, plus à
l'ouvrage qu'autrefois, qu'il y a vingt, trente ou quarante ans. Et je pense
qu'il est temps de le dire.
Mais à ces jeunes qui sont scandalisés, je pose toujours
la même question. Qu'est-ce que vous faites pendant un sermon, vous
autres, au bout d'une demi-heure? Je vous vois à la messe le dimanche et
vous m'avez l'air joliment impatients. Mettez-vous donc à notre place et
écoutez pendant huit heures de temps des sermons ou des discours. Je
vous assure que vous seriez aussi des gens portés à vous laisser
affaler sur votre siège et peut-être vous occuper à
d'autres choses. Evidemment, ce n'est pas une excuse, mais c'est une
explication.
Nous devrions nous donner comme mot d'ordre de toujours maintenir dans
cette Chambre non seulement le décorum qu'impose le règlement et
que votre sagesse, M. le Président, nous fera suivre de plus en plus,
j'espère, mais également l'exemple de gens qui savent se bien
tenir. Et l'Opposition, je le déclare sans aucune hésitation, est
prête à coopérer pour que cette Chambre qui est
l'assemblée nationale de la nation canadienne-française donne un
exemple à toutes les Chambres du Canada et de l'Amérique, si
possible.
Nous avons donc, dans le passé, coopéré pour que
les travaux de la Chambre soient accélérés. Maintenant,
tout de suite, je voudrais faire une réserve, M. le Président.
Certains journalistes, de bonne foi sans doute, trouvent qu'il y a beaucoup de
temps perdu en Chambre. Je crois que c'est le prix je leur dis tout de
suite que c'est le prix qu'on doit payer pour un système comme la
démocratie.
Tous les jeunes députés et je fais appel à
ceux qui sont arrivés en 1962, pendant les premières
années de leur séjour dans cette Chambre passent par la
même crise que nous avons connue, jeunes députés, et que
les députés de toutes les législatures, j'en ai
rencontrés d'une cinquantaine de pays connaissent au début
de leur stage en Chambre. La première session, je l'ai passée
à la place du député de Kamouraska et je trouvais donc
qu'il y avait du temps perdu. J'étais démoralisé,
frustré de voir le peu de travail qui semblait s'accomplir.
M. LESAGE: Est-ce que le député de Bagot pense qu'il faut
être assis là pour trouver qu'il se perd du temps?
M. JOHNSON: Bien f avais un poste d'observation, M. le Président,
pour voir les deux côtés de la Chambre. Et à ce
moment-là, il y avait une quarantaine de députés dans
l'Opposition. Le député de Champlain vous donnera tantôt de
la jurisprudence. Mais j'ai entendu quarante discours d'une heure sur le
budget...
M. LAPORTE: C'était la semaine de quarante heures!
M. JOHNSON:... après en avoir entendu trente-sept sur l'Adresse
en réponse au discours du Trône.
M. CADIEUX: Etiez-vous aussi souvent interrompu que vous nous le faites
dans le moment?
M. JOHNSON: M. le Président, on l'était mais plus
intelligemment que je viens de l'être!
M. CADIEUX: Ah! C'est une question que je voulais vous poser!
M. LAPORTE: Le diable va prendre pour prouver qu'il y a du
décorum!
M. JOHNSON: Non, non! Je voudrais dire, M. le Président,
que...
M. CADIEUX: Ah votre plaidoyer, c'est formidable!
M. JOHNSON: Ces lenteurs, ces longueurs et quelquefois ces
répétitions sont le prix que nous devons payer pour vivre en
démocratie. L'exemple de ce matin, j'y réfère seulement
comme exemple d'actualité, prouve mon point. Sans cette institution qui
s'appelle la Chambre, sans cette étude en Chambre des crédits, un
problème dont on peut discuter de l'importance relative pour le bien
général de la province, le problème du
rétablissement des primes pour les loups...
M. LESAGE: Ah! on ne recommence pas, j'ai fait erreur.
M. JOHNSON: ... n'aura pu être soulevé, M. le
Président, et les...
M. LESAGE: OÙ sont les loups?
M. JOHNSON: ... protestations de l'électorat seraient
allées mourir dans des bureaux capitonnés,
exécutées par des technocrates ou des bureaucrates. M. le
président, c'est le système actuel, ce système
parlementaire, ce système de discussion ouverte qui permet d'amener de-
vant l'opinion publique des problèmes aigus. Maintenant, M. le
Président, il est un rouage essentiel au bon fonctionnement de ce
système, et c'est l'information objective; l'information la plus
complète possible et la plus objective possible. Or, il est
arrivé souvent que le premier ministre, le chef de l'Opposition et
quelques collègues de cette Chambre aient fait des reproches aux
journalistes. Il est vrai que nous ne sommes pas toujours satisfaits des
rapports qui paraissent dans les journaux... le premier ministre...
M. LESAGE: Si j'ai quelque chose à dire, je pourrai le dire.
M. JOHNSON: Le premier ministre, M. le Président, ne s'est pas
gêné pour le dire et il n'est pas..., mais je le dis avec des
termes...
M. LESAGE: Je regrette. Je pense que si je me suis levé une fois
ou deux sur des questions de privilège au sujet de rapports de journaux
depuis 1960, c'est tout. Alors, que le chef de l'Opposition parle pour lui, je
parlerai pour moi.
M. JOHNSON: J'ai lu, M. le Président, l'apostrophe du premier
ministre à un journaliste devant tous ses collègues à
Ottawa, devant tous ces confrères journalistes...
M. LESAGE: Je parle de la Chambre.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre s'arrangera avec
ses problèmes, parlant pour-moi-même, M. le président, je
dirai qu'il m'est arrivé...
M. CADIEUX: Vous avez assez des vôtres, vous, arrangez-vous avec
les vôtres.
M. JOHNSON: Si on pouvait rétablir la prime... M. le
président...
UNE VOIX: Cela ferait une belle paire d'oreilles.
M. JOHNSON: ... je dois dire publiquement qu'il arrive que les hommes
politiques soient injustes. On demande trop aux journalistes et les journaux
demandent trop à leurs employés de la tribune de la presse. On
leur demande d'écouter tout ce que nous disons ou de lire les
épreuves du journal des Débats et ensuite d'essayer de nous
résumer...
M. LESAGE: C'est toute une épreuve.
M. JOHNSON: M. le Président, on leur de-
mande d'en connaître aussi long que le député ou le
ministre qui vient de parler, même s'il a beaucoup d'expérience,
et je suggérerais, tout simplement c'est une suggestion en
passant, le ministre me la permettra qu'on donne aux journalistes des
facilités de travail, une bibliothèque, particulièrement,
et une ou deux personnes préposées aux recherches afin de fournir
toute la matière d'arrière-plan dont ils ont besoin pour
comprendre et interpréter les propos qui sont parfois tenus dans cette
Chambre. M. le Président, les journaux en demandent trop à leur
préposé à la tribune de la presse du Parlement et il me
semble qu'ils devraient donner un personnel suffisant, des aides à leur
journaliste afin que les journaux puissent jouer un rôle que je
considère essentiel dans le rouage démocratique, celui d'une
information complète et objective.
Donc, M. le Président, nous avons coopéré
l'année dernière quant à l'étude des
crédits. C'est à la suite d'une suggestion maintes fois faite par
le député de Missisquoi que le gouvernement s'est
décidé de faire siéger les comités pendant que la
Chambre siégeait. Tout de suite là, il y a un
inconvénient; des gens viennent dans les galeries et disent: «
Mais où sont-ils, les députés? » Ils ne se rendent
pas compte que nous sommes en comité quelque part, dans l'une ou l'autre
des pièces.
Et deuxièmement, les journaux qui n'ont pas un personnel
suffisant n'envolent pas de reporter dans ces comités et c'est là
un des inconvénients que nous avons notés l'année
dernière, les débats devant le comité « ad hoc
» que nous avions institué de consentement, pour étudier
les crédits de certains ministères. Ces
délibérations dis-je, n'ont pas reçu la publicité
à laquelle elles auraient dû s'attendre, pouvaient normalement
s'attendre, publicité qu'elles auraient eue, ces
délibérations, si elles avaient été tenues en
Chambre. Je pense que pour le bon rouage de la démocratie, en vue des
amendements que nous apportons au règlement, et nous allons concourir
à ces amendements, 11 faudrait espérer que la publicité
sera considérée aussi importante pour ces comités qu'on la
considère importante pour les délibérations de la
Chambre.
Je trouve, M. le Président, que ce n'est que le devoir des
journaux d'agir ainsi. Quant au texte qui nous a été soumis, je
l'ai examiné de bien près, avec mes collègues, je l'ai
fait étudier par certains amis qui s'y connaissent en procédure
parlementaire et nous en sommes venus à la conclusion que le leader de
la Chambre a lui-même fait sienne, en proposant tantôt un
amendement, amendement amélioré pour une fois, par une suggestion
du premier ministre. Je dois dire à cette Chambre et à la
population que la loyale opposition de Sa Majesté, le peuple souverain,
est prête à coopérer.
M. LAPORTE: L'opposition au peuple souverain, là.
M. JOHNSON: Du peuple, contre le gouvernement
M. LAPORTE: C'est une simple petite particule qui lui ferait tellement
mieux.
M. LESAGE: Une lettre, une lettre dans une particule.
M. JOHNSON: Je suis très heureux que le leader ait saisi la
nuance.
M. LAPORTE: Je l'ai saisie.
M. JOHNSON: Entre la loyale opposition au peuple...
M. LAPORTE: Au peuple de Sa Majesté.
M. JOHNSON: ... de Sa Majesté, le peuple souverain, sous-entendu;
contre le régime actuel.
M. le Président, non je ne voudrais pas employer des mots
qui ne sont pas parlementaires.
M. LAPORTE: Pas dans ce débat-là, tout à
l'heure.
M. JOHNSON: ... mais je voudrais me réjouir de l'entente qui
règne entre le gouvernement et l'Opposition, relativement à ce
problème, même si nous devons nous priver encore pendant quelques
minutes, du grand délice d'un discours que le premier ministre a sur
l'estomac et qu'il voudrait bien nous livrer. M. le Président, au nom de
mes collègues, il me fait plaisir non seulement de concourir à
cette proposition, mais également de remercier le leader de la Chambre
d'avoir bien voulu accepter l'amendement. Nous verrons au cours de la session
comment fonctionne en pratique ce système et nous serons prêts,
s'il y a lieu, de concourir dans des amendements, même au cours de la
session, car le but ultime que nous cherchons, c'est d'expédier les
affaires de la Chambre sans sacrifier cependant notre devoir essentiel qui est
celui de questionner les ministres, de surveiller la dépense publique et
de faire des suggestions pour que la population
se rende compte qu'il est grandement temps peut-être de changer de
gouvernement.
M. le Président, sur cette note nonpartisane, avec toute
l'objectivité dont je suis capable, sans aucune intention malveillante
envers un gouvernement fatigué, je dis M. le Président, que
l'Opposition...
M. LESAGE: Un gouvernement fatigué, c'est un gouvernement qui se
grouille.
M. JOHNSON: C'est un gouvernement fatigant, à part ça.
M. LESAGE: Ah! ça, c'est mieux. Cela, pas mal, c'est pas mal
mieux.
M. JOHNSON: Tous les contribuables me disent que c'est le gouvernement
le plus fatigant qu'ils n'ont jamais eu.
M. LAPORTE: Vous en rencontrez donc bien des contribuables, vous.
M. JOHNSON: Oh! oui, j'en rencontre.
M. LAPORTE: Ils ont un rendez-vous avec vous.
M. JOHNSON: C'est tellement plus facile de les rencontrer, autrefois il
y avait tout un secteur de la population qui n'était pas taxé,
mais tout le monde l'est aujourd'hui.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Même les revenus à partir de $600.
M. LESAGE: Est-ce que nous avons recommencé le débat sur
le discours du Trône, deuxième édition?
M. JOHNSON: Je n'aurai pas d'objection.
M. LAPORTE: Est-ce un autre amendement à la motion?
M. JOHNSON: Donc, M. le Président, dans l'espoir que les journaux
fourniront plus de personnel à la tribune de la presse, que le
gouvernement améliorera davantage les facilités,
réellement améliorées, déjà à la
disposition des journalistes, nous concourons dans cette proposition du
ministre.
M. BELLEMARE: Non, un instant, M. le Président.
M. LAPORTE: Leurs spécialistes.
M. BELLEMARE: Non, je ne voudrais pas que le leader de la Chambre prenne
ça sur ce ton-là.
M. LAPORTE : Vous connaissez vraiment ça.
M. BELLEMARE: Je veux être bien objectif et puis citer seulement
des faits puisque c'est une motion qui amende un point du règlement
très important. Je crois de mon devoir, M. le Président,
d'apporter mes remarques qui seront prises ou laissées de
côté comme bon semblera à l'Assemblée.
Mais je dis, M. le Président, que, tout dernièrement, un
spécialiste en questions parlementaires, Graham Cox, écrivait
dans la Presse canadienne que, partout, les sessions se prolongent à
travers tout le pays. Et il donnait là un résumé complet
des dix provinces et il disait; « Dans la Colombie-Britanique, autrefois,
les sessions duraient 30 jours et aujourd'hui elles durent trois mois ou quatre
mois. Dans la Nouvelle-Ecosse et dans le Nouveau-Brunswick, trois ou quatre
semaines; elles durent de six à huit semaines ». Il disait, dans
son article, qu'en Ontario, autrefois, les sessions duraient deux mois;
maintenant elles atteingnent cinq mois. Plusieurs disaient, à ce
moment-là, que le parlement devrait aujourd'hui, à cause des
législations et à cause des fonctions importantes qu'il est
appelé à jouer pour empêcher la bureaucratie de prendre
pied dans notre système parlementaire, que les sessions devraient, comme
disait le chef de l'Opposition, M. Robert Strachan, qu'à son avis, la
Législature ne devrait ajourner que pendant 30 jours au cours des mois
d'été et qu'elle devrait siéger
régulièrement, sauf les congés de fin de semaine et les
autres congés.
M. le Président, je dis que cette motion est très
importante parce que, d'abord, elle change un peu notre visage parlementaire et
elle amène, dans des comités formés par la Chambre, toute
une équipe de députés qui seront mis au travail et, comme
disait si bien le leader de la Chambre en 1954, le 9 décembre
1954...
M. LAPORTE: Une chance que ce n'était pas le 9 août.
M. BELLEMARE: ... il écrivait ceci, M. le Président, dans
un article que j'ai découvert tout dernièrement: «
L'Opposition doit avoir la liberté d'exprimer toute sa pensée et
le gouvernement doit avoir, lui, la patience, sinon d'écouter, du moins
d'attendre sans murmurer que ces messieurs de la gauche aient fini. »
M. LAPORTE: Ce n'est pas facile.
M. BELLEMARE: « Car c'est plus agréable d'encenser le
gouvernement que de le critiquer, disait M. Laporte, mais la critique est plus
nécessaire que les vapeurs d'encens. » C'est le leader du
gouvernement aujourd'hui, M. Pierre Laporte, qui écrivait ça dans
un article intitulé: « Quel est le rôle de l'Opposition?
»
M. LAPORTE: C'est ça.
M. BELLEMARE: M. le Président, il ajoutait une phrase un peu
caractéristique; « L'Opposition a le devoir de réclamer
tous ses privilèges, autrement, elle perdrait sa véritable raison
d'être. »
M. LAPORTE : C'est à peu près ça.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est pourquoi aujourd'hui, devant
cette motion qui nous est faite, nous apportons notre concours pour dire que
c'est utile parce que, plus que jamais, les sessions sont portées
à s'allonger, et il suffit de ne regarder que depuis 1960 les
statistiques que nous retrouvons, dans mon bureau, mais surtout dans les
journaux de l'Assemblée législative pour s'apercevoir que les
sessions sont très longues aujourd'hui.
M. LAPORTE: Elles sont plus longues; ça, on n'a pas besoin de
statistiques.
M. BELLEMARE: En 1960-1961, la session a duré 107 jours, la plus
longue session qu'on ait connue. En 1962, la session a commencé le 9
janvier et elle s'est terminée le 6 juillet. En 1963, elle a
commencé le 11 janvier, elle s'est terminée le 15 juillet. En
1964, elle a commencé le 14 janvier et puis elle s'est terminée
le 31 juillet. En 1965, elle a commencé le 21 janvier et puis elle s'est
terminée le 5 août. M. le Président, je dis que, dans ces
longues sessions, il y a aussi plusieurs aspects qu'il faut regarder.
Regardons, par exemple, une année en particulier parce que je ne
veux pas citer toutes les statistiques que j'ai ou que plusieurs autres ont
dans leurs dossiers seulement dans une année, dans une session
qui a duré 107 jours, 1961. Il y a eu, dans cette session de 107 jours,
14 jours pour le bill de Montréal et le bill de la corporation
métropolitaine. Il y a eu 23 jours de congé de Noel,
intermission, il y a eu 14 jours pour le bill 34 dans les comités, il y
a eu 21 jours pour le congé de Pâques...
M. LAPORTE: Pour siéger"?
M. BELLEMARE: Bon, non, je dis la longueur des sessions. Et sept jours,
M. le Président pour la conférence
fédérale-provinciale, où nous avons ajourné. Donc,
79 jours où nous n'avons pas siégé pour la période
du 9 janvier au 6 juillet. Et bien des gens viennent dans les galeries et sont
déçus.
C'est M. Pierre Laporte qui, lundi le 13 février 1961, alors
qu'il était rédacteur pour le Devoir, écrivait: «
Est-ce là le véritable visage de nos députés?
» Il nous regardait de là, dans ce temps-là. « Est-ce
là le véritable visage de nos députés? » et
il disait: « Une trentaine de membres d'une Chambre de commerce des
jeunes ont assisté aux délibérations de l'Assemblée
législative la semaine dernière. Ils ont accepté de donner
par écrit leurs impressions. On a presque honte de ce qu'ils ont dit.
Pas pour eux, pour nos députés ».
M. LAPORTE: C'est ça.
M. BELLEMARE: C'est le leader de la Chambre. C'était le
gouvernement libéral qui était au pouvoir dans le temps.
M. LAPORTE: Qu'est-ce que ça change, ça?
M. BELLEMARE: Une minute, on ne va pas déchirer ça, c'est
trop bien écrit. Je conserve ça comme la prunelle de mes
yeux.
Et, M. le Président, là les jeunes ont dit: « C'est
une grande déception. C'est une absence de décorum. Il semble
qu'on devrait écouter l'adversaire. Je trouve qu'il y a une manque
d'ordre quasi total. Personne n'écoute. Un grand nombre de jeunes ont
souligné le manque de sérieux. C'est ridicule. Je vous dirai que
j'ai trouvé ça enfantin. On a l'impression que les
députés s'amusent. Les débats aujourd'hui m'ont paru
simplement enfantins. Je croyais qu'une séance de la session,
c'était quelque chose de très sérieux. J'admets que nos
députés puissent se dérider, mais pas aux dépens
des contribuables » et le reste, et le reste. Et là, M. Laporte
dit tout ça dans son article sur ce que lui ont rapporté les
jeunes et il termine comme ceci... M. Laporte, M. le Président, c'est le
député de Chambly, le leader de la Chambre...
M. BERTRAND: Aujourd'hui.
M. BELLEMARE: ... « Voilà ce qu'on a pensé de vous,
messieurs, qui sigez au Salon de la Race. » Cela, c'était
écrit pour nous autres dans le temps. « Trente jeunes gens
à qui l'on
enseigne le civisme ont cessé de vous prendre au sérieux,
messieurs de la Chambre. Les milliers de personnes qui visitent chaque
année les tribunes réservées au public rapportent
probablement la même impression de manque de décorum, de petite
politique, d'impolitesse, d'absence de sérieux. Terminons quand
même sur la note optimiste d'un de ceux qui ont donné leurs
impressions, ses remarques sont sans malice. Je sais que vous essayez de
remédier à cet état de choses, il le faut, dit M. Laporte,
car c'est terrible de penser que l'on a vu votre vrai visage à
l'Assemblée législative, messieurs les députés.
» Pierre Laporte, le 13 février 1961.
M. le Président, est-ce que ça a bien changé depuis
que l'honorable leader est en Chambre? Est-ce que les jeunes ont
remarqué dans les galeries que ça s'est amélioré?
Bien non, c'est le leader qui disait cet après-midi: On siège au
comité, on siège en Chambre, on siège partout, on n'a
presque pas le temps de lire sa correspondance, on n'a pas le temps de lire ses
journaux. C'est le leader qui revenait cet après-midi sur son article et
qui s'excusait, lui, de travailler en Chambre, même si dans les galeries
les gens nous regardent faire. Quelques-uns lisent, d'autres travaillent,
d'autres s'occupent à faire de la correspondance, et le reste.
Je dis que si nous ne voulons pas que le véritable
parlementarisme soit répudié dans l'opinion publique, il faudra
qu'en Chambre toutes les questions soient traitées très
sérieusement, extrêmement sérieusement, et que les
banquettes que l'on voit et qui sont à $18,000 par année soient
remplies. Si nous avons accepté d'être mandatés par nos
électeurs, si nous avons accepté d'être leurs
représentants ici même dans cette Assemblée
législative pour partager les soucis de l'administration et apporter
notre concours à l'établissement d'un Québec meilleur par
sa législation, par l'étude de ses crédits et de ses
budgets et par l'étude que nous faisons dans les comités, je dis
que $18,000, c'est bien payé et que les députés devraient
être à leur siège et rester à leur siège pour
prendre part à la discussion et prendre part, surtout, à
l'administration de la province. Et c'est alors que l'on donnerait un bon
exemple à tout le monde. C'est alors que les visiteurs sortiraient de la
Chambre édifiés de la manière dont les parlementaires
travaillent et sont sérieux en Chambre.
Sinon, M. le Président, il faudra avant longtemps changer notre
système parlementaire. Il faudra administrer la province avec un conseil
exécutif uniquement, parce que le rôle que nous sommes venus jouer
ici dans cette enceinte ne comptera plus. Si nous perdons dans l'opinion
publique la confiance qu'ont mise en nous ceux qui nous ont
délégués, pas ceux qui viennent nous voir, mais ceux qui
nous ont délégués dans ce Parlement, eh bien! c'en sera
fini de la démocratie.
On rit. On trouvera ça drôle en certaines circonstances de
dire : On ira travailler dans nos bureaux, il y en a ici qui donnent des
exemples merveilleux d'assistance aux séances. J'ai un registre, depuis
vingt ans, des assistances dans le parlement. C'est fantastique de constater
combien il y a des députés sérieux des deux
côtés de la Chambre, qui siègent et qui remplissent
admirablement bienleur mandat. C'est pour ça qu'on est élu. On
gagne $18,000 par année pour s'occuper de quoi? De nos affaires? Non.
Pour s'occuper des choses de l'Etat. On est délégué, on
est mandaté, on est élu. On se fait élire dans une
élection pour venir siéger au parlement de la nation, pour
apporter notre concours, si faible soit-il.
En certaines classes, en certains milieux, on le trouve peut-être
ridicule notre concours. Mais qu'importe! Nous le faisons avec toute la
dextérité et surtout la bonne volonté et surtout le sens
pratique que nous pouvons apporter dans ces débats. Si nous voulons que
notre Chambre des députés reste l'Assemblée
législative digne, nous ne répéterons pas de ces actes de
folklore qui ne sont pas de mise dans ce parlement. Nous éviterons, ce
que disait un jour un grand auteur de parlementarisme, de faire des
personnalités. C'est M. Smallwood qui donnait les dix commandements d'un
bon parlementaire, M. Smallwood, le premier ministre de Terre-Neuve, disait que
nous ne devrions jamais en Chambre essayer de ridiculier le passé d'un
homme public, jamais. Je dis et je répète que, si nous voulons
être objectifs, si nous voulons véritablement accomplir notre
rôle, nous devons venir en cette Chambre pour écouter d'abord
l'énoncé des lois, les arguments sérieux que nous
présente le gouvernement, et, dans l'esprit de la fonction que nous
occupons, critiques ces lois-là, apporter nos suggestions, et je dis que
nous accomplirons véritablement notre tâche.
Il ne faut pas que les ministres qui viendront dans les comités
que nous allons former soient offensés parce que nous les questionnons.
C'est le rôle de la démocratie. Nous avons le devoir de les
questionner sur l'administration des budgets qui sont mis a leur disposition
par l'Assemblée législative, et c'est ça que certains
ministres ne peuvent pas concevoir, qu'ils soient interrogés. Ces
gens-là
qui règnent dans une espèce de bourgeoisie
administrative.
M. LESAGE: Voyons!
M. BELLEMARE: Je suis bien poli. Je pense que le terme est bien
choisi.
M. LESAGE: Est-ce que nous ne venons pas de recevoir une leçon de
dignité parlementaire quant à l'utilisation des termes?
M. BELLEMARE: Oui, mais j'ai dit: Bourgeoisie parlementaire.
M. LESAGE: Vous l'avez ajouté après coup.
M. BELLEMARE: Non, je le disais. Bon, je vais dire dans des bureaux bien
capitonnés.
M. LESAGE: C'est beaucoup mieux. Vous viendrez dans le mien, vous
chercherez le capitonnage dans mon bureau.
M. BELLEMARE: Je rends un témoignage au premier ministre que
c'est un grand travailleur lui-aussi. Je lui rends le témoignage que, si
tout le monde travaillait comme lui, ce serait beaucoup mieux, mais le premier
ministre en fait trop tout seul. Je lui rends ce témoignage-là ce
soir. Il répète les erreurs peut-être d'autres, mais je
continue et je termine...
M. LESAGE: Je regrette, je m'excuse. Est-ce que je pourrais demander au
député de Champlain, qui parle de parlementarisme, qui dit qu'il
faut édifier les gens qui sont dans les galeries, de ne pas essayer de
faire croire à ceux qui sont ici, à ceux qui nous écoutent
ou à ceux qui liront les journaux demain, que les ministres ont des
bureaux capitonnés, des bureaux luxueux. Le chef je l'appelle
toujours le chef, excusez-moi le député de Champlain sait
fort bien que les bureaux que j'occupe il y est venu ne sont pas
capitonnés, qu'ils sont très simples. Il me semble qu'il devrait
donner l'exemple, en ne soulevant pas les passions populaires, en
prétendant que les bureaux des ministres sont généralement
luxueux.
M. BELLEMARE: Si le premier ministre m'avait laissé terminer sans
m'accrocher au passage, j'aurais terminé cette affaire-là.
M. LESAGE: C'est parce que vous m'avez accroché en passant.
M. BELLEMARE: Je dis qu'il ne faut pas que les honorables ministres, qui
sont questionnés dans les comités, s'offensent des questions que
nous pouvons leur poser. ... Nous ne le faisons pas par vengeance, nous ne
cherchons pas la « bibite » noire. Mais nous avons un devoir, celui
d'examiner les fonds mis à la disposition de la province pour chaun des
ministères et c'est avec beaucoup...
M. LESAGE: D'accord.
M. BELLEMARE: ... d'amitié que nous le faisons et je dis, M. le
Président, que si en certaines circonstances, moi personnellement, je
puis élever le ton, la première à s'en plaindre c'est
certainement mon épouse dans ma maison. J'ai un verbe qui est
très fort et puis...
M. LESAGE: Cela ne fait rien.
M. BELLEMARE: ... je ne le changerai pas à la maison. M. le
Président, je m'en vais essayer d'être plus objectif et moins
fort.
M. le Président,...
M., LESAGE: Tant que vous ne serez pas bourgeois, ça va bien
aller.
M. BELLEMARE : ... revenant à la motion qui est devant nous, je
demande aujourd'hui, comme peut-être un des plus anciens de cette
Chambre, un des plus anciens, je commence ma vingt-cinquième session,
j'ai été fidèle...
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: ... comme peut-être pas un. Attaché à
mon bureau mais attaché aussi à mon pupitre, pour suivre, M. le
Président, toutes les délibérations, pour tâcher de
rendre le plus de service et à mon comté et à ma province.
Il y a là peut-être pour bien des députés dans cette
Chambre, bien des députés qui y gagneraient
énormément de rester en Chambre pour recevoir certaines
leçons qu'on apprend par l'expérience qu'on y prend. Ah! le
premier ministre va dire; « Vous avez été un « back
bencher » pendant tant d'années...
M. LESAGE: Oh non, non, non!
M. BELLEMARE: Oui, monsieur, j'ai appris par l'exemple et quand je suis
tombé sur la glace, quand je suis retombé sur la glace, j'ai fait
quelques bons points.
M. LESAGE: Ce n'est pas à ça que je pensais du tout. Je
pensais à ce que le député de
Champlain venait de dire, qu'il était attaché à son
pupitre; puis je pensais au genre de corde. J'ai dit: Ça ne peut pas
être une corde, il faut que ce soit un élastique. Je riais de mes
propres pensées.
M. BELLEMARE: Alors je continue en disant que si nous voulons que nos
électeurs, dans nos comtés personnels qui ont foi eux autres dans
la démocratie, qui y croient parce qu'il n'y en a peut-être pas
90% qui sont venus dans le parlement voir comment ça se passe. Tellement
que quand on vient leur montrer le parlement à quelques
délégations qui nous visitent, elles sont toutes ébahies.
Elles ont dit: C'est l'Assemblée législative. Puis là on
voit que dans leur visage s'imprègne une certaine
vénération des lieux. On voit qu'elles ont du respect, on voit
qu'elles sont attirées par ce décorum et c'est quand plusieurs
débats commencent que le décorum et le « salon de la race
» commencent à perdre de leur valeur. Quand il est surtout mal
meublé.
M. le Président, je termine, je suis bien heureux de voir que le
leader du gouvernement dans cette Chambre a accepté l'amendement qui a
été suggéré parce que je considère que cet
amendement est un amendement extrêmement sérieux et qui,
d'ailleurs, a toute sa raison d'être. S'il fallait qu'à un moment
donné le comité des bills publics par exemple siège, que
la Chambre siège, que le comité des bills privés
siège, que le comité de la santé siège, je vous
garantis, messieurs, que les forces de tout le monde seraient réellement
éparpillées. Ou supposons par exemple qu'un comité
siégerait en bas comme on l'annonce dans 382, on pourrait former un
comité et dire par exemple; C'est le ministère des Finances, on
descend en bas, le ministère, des Finances n'est pas
terminé...
M. LESAGE : On peut rester en haut.
M. BELLEMARE: Non, mais on n'a pas terminé l'étude des
crédits du ministère des Finances et, à l'autre
séance, on dit l'Agriculture. Alors on aurait pu faire ça. Ah
non! à cause de l'amendement qui a été apporté
là, on finira les Finances ou l'Agriculture. On fera le rapport
immédiatement au comité des subsides et là si on a
d'autres choses à dire sur ce comité-là, on le fera
immédiatement au lieu d'arriver à la fin de la session et puis
dire; Adopté, adopté sans aucune remarque concernant ce
ministère.
M. le Président, je suis très heureux d'avoir pris part
à cette présentation de motion pour dire à l'honorable
premier ministre que, si les sessions s'allongent, ce n'est pas de
l'obstruction de la part des membres de l'Opposition. Au contraire, nous avons
collaboré à toutes les années lorsqu'il s'est agi du code
du travail, nous avons passé enbas presque trois semaines, lorsqu'il
s'est agi des lois agricoles, des marchés agricoles et des autres, nous
avons passé trente-quatre heures en bas, dans les comités,
à siéger. Lorsqu'il s'est agi de la Loi des liqueurs, encore de
même toujours; l'Opposition collaborera sans obstruction, mais de
grâce revenons donc à ces cinq règlements que quelques
membres de la Chambre invoquent souvent.
M. LESAGE: Cinq ou saints?
M. BELLEMARE: Saints. Les saints règlements. La
sainteté.
M. LESAGE: C'est le saint règlement!
M. BELLEMARE: La sainteté du député. M. le
Président, si on suivait unpeu ces règlements-là, combien
le premier ministre serait heureux, le soir, pas fâché et nous non
plus.
M. LESAGE: Oui. Je ne suis pas fâché! M. le
Président, le député de Champlain et le chef de
l'Opposition ont tous deux approuvé, avec l'amendement apporté
par le député de Bagot, la proposition du leader du gouvernement
en Chambre. J'en suis très heureux. Je crois que nous pourrons
maintenant procéder d'une façon ordonnée et
démocratique et je veux me joindre au chef de l'Opposition pour bien
établir que si plusieurs banquettes sont souvent libres en Chambre,
c'est parce que des comités siègent.
Et je dois ajouter que si, à plusieurs reprises des banquettes de
ministres sont vides, c'est que pendant que la Chambre siège et
même pendant que des comités siègent en même temps
que la Chambre, des ministres doivent se réunir en comités
interministériels. Cela s'est produit hier. Cela s'est produit
aujourd'hui et cela se produit encore ce soir. Il y a un comité
interministériel qui siège, qui doit faire rapport à une
séance du conseil des ministres qui aura lieu demain matin à neuf
heures. Le conseil des ministres se réunit tous les matins, de ce
temps-ci, à neuf heures, avant la séance du matin. Et ce sont des
comités interministériels ou des comités de
haut-fonctionnaires présidés par un ministre qui préparent
le travail pour le lendemain. L'on est souvent porté, alors, à
critiquer l'absence des ministres. Evidemment, les ministres ont leur
ministère à administrer. C'est vrai. Mais il y a plus que cela.
C'est que le conseil des ministres, comme tel, doit souvent charger un ou
plusieurs ministres de l'étude d'une question particulièrement
difficile. Etces
questions particulièrement difficiles, elles pullulent. Alors il
faut être très prudent dans l'interprétation que l'on donne
à l'absence d'un ou de plusieurs ministres à certains moments en
Chambre.
Le député de Champlain a dit qu'il fallait être
attaché à son pupitre. Sans revenir sur la facétie que
j'ai faite à son sujet, je voudrais dire que moi aussi je tiens à
être ici le plus souvent possible. Mais il est clair qu'il m'arrive
d'être obligé de préparer des choses dans mon bureau, qui
peuvent paraître aussi insignifiantes que le budget, par exemple. Il faut
tout de même que ça se prépare.
M. JOHNSON: En d'autres termes, vous avez plusieurs pupitres.
M. LESAGE: Oui, j'ai plusieurs pupitres. Et j'ai plusieurs
interlocuteurs. C'est vrai pour les autres ministres et c'est souvent vrai pour
les députés aussi. Il n'y a pas de doute qu'il y a des
députés qui reçoivent des délégations de
leur comté ou de leur région et qui peuvent difficilement les
recevoir en dehors des heures où la Chambre siège quand nous
siégeons toute la journée. C'est assez difficile, à moins
de fermer sa porte. Et il n'est pas normal de fermer sa porte.
M. BELLEMARE: Non, non, on ne va pas fermer sa porte.
M. LESAGE: Il n'est pas normal de fermer sa porte. Alors il peut
arriver, et il arrive que des députés soient obligés de
recevoir des délétations. Le député de Champlain le
sait aussi bien que moi.
M. BELLEMARE: J'en reçois, mais pas pendant les heures de
séance.
M. LESAGE: Mais il peut arriver qu'il soit impossible de faire
autrement.
M. BELLEMARE: J'ai déjà été de l'autre
côté et je n'en recevais pas non plus.
M. LESAGE: Oui, mais il peut arriver qu'il soit impossible de faire
autrement.
M. BELLEMARE: Pas trois ou quatre députés en Chambre.
M. LESAGE: Cela m'est arrivé. Bien, ce serait injuste de dire
qu'il y a trois ou quatre députés en Chambre ce soir.
M. BELLEMARE: Ah non, c'est un peu mieux, là.
M. LESAGE: Oui, franchement.
M. BELLEMARE: Il n'y a pas de comité qui siège,
excepté le carnaval.
M. LESAGE: Oui, mais alors ça démontre le sérieux
des députés. S'il y a une grande manifestation du carnaval et que
les députés sont aussi nombreux en Chambre, ça
démontre bien le sérieux des députés qui font
partie de cette Législature, et j'en suis très heureux. Le
député de Champlain a parlé de la longueur des sessions.
Un journaliste m'a questionné au moment où j'allais souper ce
soir, à ce sujet-là, et il m'a demandé si je trouvais que
la session retardait beaucoup. J'ai dit; « Non, il n'y a rien d'anormal.
» Il y avait un débat sur l'adresse en réponse au discours
du Trône, on a procédé normalement. Nous siégerons
même le matin parce que les comités ne siègent pas tant que
l'adresse n'est pas adoptée. Il y a eu un amendement sur une question
importante qui est très vivante, si l'on veut, la question de
l'éducation dans la province. On a choisi de la discuter par un
amendement sur la motion pour l'adoption de l'adresse, il n'y a rien d'anormal
là-dedans.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: Le débat devait avoir lieu, de toute façon,
durant la session et il a eu lieu. C'est ce que j'ai expliqué au
journaliste qui m'a questionné. Il y avait des crédits, des
crédits supplémentaires. Ce n'étaient pas des
crédits supplémentaires ordinaires, c'étaient des
crédits supplémentaires de $54 millions, soit plus...
M. BELLEMARE: Six heures et dix minutes.
M. LESAGE: ... que le budget de la province il y a 30 ans...
M. BELLEMARE: C'est ça, six heures et dix minutes pour $54
millions.
M. LESAGE: ... oui, pour $54 millions, soit beaucoup plus que le budget
de la province il y a 30 ans.
M. BELLEMARE: Ce n'est que normal.
M. LESAGE: Et ça prenait des jours et des jours pour adopter un
budget de $35 millions. Et nous avons adopté, en deux jours...
M. BELLEMARE: Six heures et 22 minutes.
M. LESAGE: Oui, je n'ai pas calculé les heures... deux jours de
séances, un budget de $54 millions. Encore là, rien d'anormal.
Nous procédons donc normalement malgré quelques accrochages
depuis le début de la session. Mon Dieu, comme dit le chef de
l'Opposition, nous aurons toujours nos tempéraments latins et le
député de Bellechasse, le député de Champlain et
moi-même nous en débarrasserons difficilement. Je pense bien que
nous sommes nés avec et que nous mourrons avec; il faut bien nous
prendre tels que nous sommes, ne pas imaginer que nous pouvons corriger tous
nos élans ou les arrêter d'un coup sec et dire: «
Maintenant, c'est fini. »
M. BELLEMARE: C'est moins grave.
M. LESAGE: Je sais que le député de Champlain, comme moi,
a essayé de se convaincre de ça à plusieurs reprises, mais
chassez le naturel il revient au galop... Pardon?
M. ALLARD: C'est ce qu'on craint.
M. LESAGE: Ne craignez pas à ce moment-ci.
M. ALLARD: Cela va être terrible tantôt.
M. LESAGE: Bien, vous voyez, M. le président...
M. LAPORTE: Ils ont peur d'avoir peur.
M. LESAGE: C'est comme Micaéla. Le député de la
Beauce est comme Micaéla: « Et j'ai peur d'avoir peur. » Un
fameux aria, « J'ai peur d'avoir peur», dans Carmen. Je le
connais...
M. ALLARD: Le temps nous le dira.
M. LESAGE: Oui, c'est ça, hélas. Mais, quant à la
longueur des sessions, nous avons décidé et tous ensemble, nous
étions d'accord, au moment où le salaire a été
élevé à $18,000 par année, que nous
siégerions à l'année...
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: ... et nous avons commencé au mois de janvier, nous
continuerons jusqu'à...
M. BELLEMARE: Jusqu'au 2 avril.
M. LESAGE: ... j'ai l'intention de prononcer le discours du budget le 31
mars; nous aurons les vacances de Pâques, ce sera le 1er ou le 2 avril
que nous quitterons...
M. BELLEMARE: La prorogation, c'est le 2.
M. LESAGE: ... et nous reviendrons Pâques est le 10
nous reviendrons le 19 et nous siégerons jusque vers le 23 juin, je
suppose, la veille de la St-Jean-Baptiste, en même temps que les
élèves des écoles spécialisées, de
l'enseignement spécialisé.
Nous aurons comme eux les vacances d'été et puis nous
reviendrons en septembre pour siéger...
UNE VOIX: Jusqu'en décembre.
M. LESAGE: ... jusqu'aux vacances des fêtes...
M. JOHNSON: C'est ça.
M. LESAGE: ... et ce sera le régime régulier, tous les
ans. Evidemment, à un moment donné, il faudra que nous
décidions tous de déclarer une petite grève que quelque
cinquante jours pour faire les élections.
UNE VOIX: C'est ça.
M. LESAGE: Mais il faudra bien, et nous nous entendrons à ce
moment-là sur les services essentiels.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: Nous aurons notre petite grève de cinquante jours et
nous...
M. LOUBIER: Cela!
M. LESAGE: ... reviendrons travailler, ceux qui auront survécu
à la grève.
M. BERTRAND: Cela...
M. LESAGE: Mais à quel moment aura lieu cette grève? C'est
comme toutes les grèves, c'est très difficile de le
déterminer d'avance. La loi prévoit comme le code du travail, les
délais. Il faut un avis et l'avis sera donné. C'est un avis d'au
moins 49 jours ou 46 jours, je ne sais trop, ça me préoccupe peu
dans le moment, mais il faudra un avis, peut-être en 1967...
M. LOUBIER: Il faut attendre...
M. LESAGE: ... parce que nous pouvons fort bien, en 1966, faire tout ce
que nous voulons faire. Mais de toutes façons, maintenant, nous
siégerons à l'année.
M. BERTRAND: Cela aura lieu un dimanche? M. LESAGE: J'ai l'intention...
M. LAPORTE: La fin de la grève?
M. LESAGE: ... de faire ça un dimanche, que la grève se
termine un dimanche.
M. BELLEMARE: Cela ne peut pas être en octobre.
M. LESAGE: J'ai l'intention que la grève se termine un dimanche.
Franchement oui.
UNE VOIX: Le jour du Seigneur.
M. LESAGE: Mais ce qu'il y a, c'est que je n'ai pas choisi le dimanche,
c'est ça qui...
M. BELLEMARE: Vous ne dérangerez pas la grève de
Montréal en octobre.
M. LESAGE: C'est vrai, il va y avoir une petite grève à
Montréal en octobre. Eux, c'est fixé par la loi, leur date de
grève est fixée.
M. BELLEMARE: Le 23 octobre.
M. LESAGE: Mais je crois franchement qu'avec ce système, les
députés et tous les députés qui réellement
viennent en Chambre je ne parle pas de ceux qui sont malades
gagnent leurs $18,000 par année comme je l'ai dit l'an dernier, et
qu'ils justifient cette dépense des fonds publics. Les heures sont
longues ici, il faut qu'ils retournent dans leur comté en fin de semaine
et durant les sessions. Quand ils sont chez eux en fin de semaine, etpuisque
nous siégerons à l'année, ils n'ont pas grand temps de
voir leur famille parce que leurs électeurs veulent les voir.
C'était comme ça, c'est comme ça et ce sera comme
ça...
M. BELLEMARE: Surtout les listes... M. LESAGE: ... il n'y a pas
d'erreur.
M. BELLEMARE: L'apostolat de la présence.
M. LESAGE: Il est évident que le député de
Champlain a dit: Il faudrait peut-être changer le système
parlementaire. Non, je pense que c'est un système bien
éprouvé, que celui qui est le nôtre ici; un système
qui a prouvé qu'il pouvait fonctionner, et bien fonctionner, pour le
plus grand avantage et de la province et de ses citoyens. En plusieurs
circonstances, souvent graves, le parlementarisme a définitivement
joué un rôle majeur. Je n'ai pas l'intention de refaire l'histoire
depuis 1867 pour réciter les cas où ça s'est produit, et
ça s'est produit régulièrement, même il y a eu des
cas depuis 1960 où un sain parlementarisme a permis d'éclairer le
gouvernement, de faire voir au gouvernement des aspects de certaines questions
auxquelles il n'avait peut-être pas attaché suffisamment
d'importance, je le reconnais; je l'ai reconnu déjà d'ailleurs.
Et pour cela, il faut que les députés travaillent, il faut que
l'Opposition remplisse sérieusement son rôle, et il est certain
que nous avons nos défauts l'Opposition a ses défauts
mais que, dans le fond, quand nous examinons sérieusement la
situation, nous faisons notre possible...
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: ... avec nos défauts, avec, mon Dieu, nos incartades,
nos emportements...
M. BELLEMARE: Le matin surtout.
M. LESAGE: ... pas spécialement le matin...
M. BELLEMARE: Quand ça part.
M. LESAGE: On m'accusait autrefois de me fâcher le soir,
maintenant on m'accuse de me fâcher le matin. Ce qu'il y a, c'est que je
suis comme le député de Champlain, j'ai une grosse voix, et puis
les gens, quand je parle, s'imaginent que je suis fâché. Ce n'est
pas ma faute, j'ai une voix pleine, qui résonne et...
M. BELLEMARE: Vous avez le couteau plus coupant que le mien.
M. LESAGE: Pardon?
M. BELLEMARE: Vous avez un couteau plus coupant que le mien.
M. LESAGE: Bien, j'ai parfois le ton sec, oui.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: Mais le député de Champlain a
le ton peut-être moins sec, mais il a joliment de volume.
M. BELLEMARE: Ah! oui. C'est mon haut-parleur qui...
M. LESAGE: Il a joliment de volume, il n'a pas besoin de ça du
tout.
M. DOZOIS: N'ajustez pas votre appareil!
M. LESAGE: On parle de ne jamais ridiculiser personne en Chambre, c'est
bien important, mais il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que,
très souvent, comme lorsqu'il y a des enfants qui jouent ensemble, une
taquinerie en amène une autre, on rit au départ, d'une affaire
à l'autre, quelqu'un est blessé, et l'homme blessé, comme
l'animal blessé, rugit. Les choses s'enveniment, et c'est là que
se donnent des spectables plus ou moins agréables à voir. Comment
éviter ça complètement? Vous savez, moi, je n'ai pas
tellement foi dans la perfection humaine. Je ne pense pas que nous
réussirons jamais à éviter complètement les
scènes disgracieuses.
J'ai vu à la Chambre des communes à Ottawa où
l'atmosphère est généralement beaucoup plus froide qu'ici,
des scènes de tourmente auxquelles ont participé des hommes qui
avaient la réputation d'être des hommes très calmes, des
hommes pondérés, mais qui s'étaient laissés
emporter par des circonstances particulières. C'est presque un
défaut inévitable du système, et il ne faut pas s'imaginer
que, parce que parfois il y a en cette Chambre de ces scènes que l'on
pourrait appeler impoliment des engueulades, le parlementarisme est en danger.
Cela s'est toujours produit, non seulement ici, mais ailleurs. Que nous
fassions des efforts méritoires pour les éviter le plus souvent
possible, tant mieux; que nous fassions des efforts pour s'en tenir à la
question à l'étude; que nous fassions des efforts pour
expédier le travail, nous aurons déjà beaucoup
gagné. Si nous pouvions, par exemple, lors de l'étude de
modifications à nos règlements, apporter certains amendements
quant à la période de temps à laquelle un
député a droit, au cours d'un débat, d'un débat
formel, disons, ou encore au cours des discussions en comité... Je sais
qu'en comité à la Chambre des communes c'était vingt
minutes; je ne sais pas ce que c'est maintenant, mais c'était vingt
minutes sur un item, sur chaque item. Ici c'est une heure sur chaque item. Eh
bien! on pourrait peut-être essayer ça. Cela n'arrive pas souvent
qu'il y a plus que vingt minutes prises par un député sur un
item, mais enfin ça arrive et ça prolonge la session et c'est
souvent lorsquel'on discute trop longtemps un même item qui, pour de
nombreux députés, paraît insignifiant, que l'impatience
gagne les députés et que les scènes disgracieuses se
produisent.
Est-ce que nous ne devrions pas essayer le système de vingt
minutes en comité? Peut-être, enfin ce ne sont pas mes affaires.
Je ne fais pas partie du comité des règlements. Il y a un
comité qui est chargé de ça, c'est une chose que nous
pourrions essayer. L'amendement qui est proposé, qui est accepté
est de nature à hâter le travail sessionnel et c'est
nécessaire même si nous siégeons à l'année
parce qu'autrement nous ne pouvons pas arriver. Notre devoir et celui de ceux
qui siègent de ce côté-ci de la Chambre comme celui de ceux
qui siègent de l'autre côté de la Chambre, c'est de tenter
de couvrir tous les points de l'administration et de la politique provinciale
au cours d'une session, tous les points.
M. BELLEMARE: Oui, mais on n'en a pas assez.
M. LESAGE: Si on veut le faire, eh bien! avec les mêmes vacances
que les écoliers et en siégeant à l'année avec les
heures que nous suivons ici en Chambre, en siégeant le matin,
l'après-midi et le soir. Lorsque les comités siègent le
matin, et les comités en même temps que la Chambre, nous avons
juste le temps nécessaire pour couvrir tout le terrain, y compris la
législation qui souvent est difficile, complexe, de plus en plus
complexe...
M. BELLEMARE: Oui, les mines.
M. LESAGE: ... au fur et à mesure que nous progressons dans le
monde moderne. Alors nous avons besoin de tout le temps et les propositions du
genre de celle qui a été acceptée, une étude plus
fouillée, pas plus qu'elle ne l'a été, mais enfin une
étude fouillée... Je ne veux blâmer personne, du
règlement pour essayer de mettre certaines limites de consentement, tout
le monde, je ne voudrais pas...
M. BELLEMARE: C'est une résolution. M. LESAGE: ... imposer quoi
que ce soit... M. BELLEMARE: C'est une résolution.
M. LESAGE: ... je ne voudrais pas imposer quoi que ce soit, mais de
consentement, en homme raisonnable, ce serait certainement de nature
non pas à hâter, mais à rendre plus efficace et
à accélérer chacune des études de façon
à couvrir le plus d'études, le plus de points possibles, afin
qu'il ne soit pas dit ce qui arrive trop souvent: Eh bien! sur ce point
très important, pas un mot, alors que l'on a perdu son temps sur une
question de détail; alors, si nos règles étaient plus
sévères, nous pourrions perdre moins de temps sur des questions
de détail et couvrir tout le terrain. J'espère que le
comité du règlement, à l'étude du règlement,
pourra trouver des suggestions à nous faire et qui seront utiles, comme
la modification qui est proposée ce soir et qui a été
acceptée par tous.
M. LE PRESIDENT: La motion telle que modifiée est-elle
acceptée unaniment? Adoptée. Monsieur Lesage.
Débat sur l'adresse
M. LESAGE: M. le Président, les heures de ce débat
m'obligent très souvent, m'ont obligé à refaire, comme je
l'avais laissé entendre cet après-midi, l'ordre dans lequel j'ai
l'intention de traiter les divers sujets qui me préoccupent. J'avais dit
cet après-midi que j'avais l'intention de parler de l'administration, de
la politique sociale, de la politique économique. J'ajoute la politique
financière, j'aurais dû la mentionner cet après-midi. Je
voulais aussi traiter plus particulièrement de la situation
constitutionnelle à laquelle a fait allusion assez longuement le chef de
l'Opposition dans son intervention ou si l'on veut de certains aspects
importants des relations fédérales-provinciales.
Je crois que je devrais commencer par ce dernier quitte à revenir
ensuite à l'administratif, au social, à l'économique et au
financier, aux aspects administratif, social, économique et financier;
mais d'abord, je crois que je devrais traiter certains aspects, et assez
profondément, des relations fédérales-provinciales. Comme
je le disais, le chef de l'Opposition en a traité assez longuement
à la fin de son intervention.
Quelle est l'attitude que pouvait prendre le chef de l'Opposition devant
les succès que l'administration ou le gouvernement a remportés
dans le domaine des relations fédérales-provinciales. Evidemment,
il était bien mal placé pour admettre l'importance de ces
succès parce que, si lui et ses collègues de l'autre
côté font état des progrès que nous avons accomplis,
eh bien! ils reconnaissent du même coup qu'en ce secteur, la chose
publique au Québec est vraiment entre bonnes mains. D'autre part, il
leur est évidemment impossible, il leur est clairement impossible,
devrais-je dire, de nier l'évidence en prétendant que nous
n'avons rien réussi. Toute la population, d'ailleurs, sait trop bien
à quoi s'en tenir à ce sujet pour qu'ils puissent nier
l'évidence.
Dans ces circonstances, et je me mets à la place du chef de
l'Opposition et de ses collègues, je me demande quelle peut bien
être leur tactique. Ce n'est pas facile d'en trouver une. Je l'admets. Si
j'étais à leur place, je serais fort embarrassé.
Jusqu'à assez récemment, le chef de l'Opposition essayait
de s'en tirer en minimisant le résultat de notre action et en
s'efforçant de faire croire à tout le monde, sans succès
d'ailleurs ou peut-être avec quelques itimes, que lui, à notre
place, il aurait fait des prodiges. Mais il a, depuis quelque temps,
adopté une autre tactique, tactique d'ailleurs dont j'ai parlé un
peu cet après-midi dans des termes qui étaient peut-être...
qui ont été pris moins sérieusement que ceux que j'utilise
ce soir; malgré que, sous une forme que certains ont pu trouver
amusante, j'ai voulu démontrer la difficulté dans laquelle se
trouvait le chef de l'Opposition pour nous attaquer dans le domaine des
relations fédérales-provinciales et démontrer aussi
à quelle sorte de tactique, qui ne pouvait tenir, il avait dû
avoir recours.
Mais là, sa tactique depuis quelque temps et dernièrement
encore, elle est celle de son chef véritable, comme je l'ai
démontré cet après-midi, M. Diefenbaker. Remarquez que
tous les deux disent la même chose. Ils prétendent que les
conflits Ottawa-Québec sont un écran de fumée et qu'au
fond, les libéraux d'Ottawa et ceux de Québec, plus exactement,
comme le dit le chef de l'Opposition, Pearson et Lesage, s'entendent à
merveille en-dessous de la couverte. Et le chef de l'Opposition espère,
évidemment, de la sorte, détourner l'attention du public en
inventant, comme son ancien chef, M. Duplessis, de qui j'ai parlé cet
après-midi, Dieu sait quelle sorte d'obscurs complots.
Alors que lui complotait avec M. Sévigny, dans son bureau, pour
faire battre les libéraux à Ottawa pour porter M. Diefenbaker au
pouvoir, il inventait des complots, des mitraillettes de l'Abitibi, le tunnel
sur les plaines d'Abraham, et le chef de l'Opposition, prenant les mêmes
directions de pensée, entraîné pendant des années
dans cette direction, cherche des complots.
Mais, il devrait savoir que, de nos jours, avec les communications
rapides que nous avons, avec nos gens qui sont beaucoup plus modernes, plus
renseignés, que de telles tactiques sont vouées à
l'échec. Aussi, je n'ai pas l'intention de prouver qu'il y a ou qu'il
n'y a pas de conflit entre les libéraux d'Ottawa et ceux de
Québec ou entre
le premier ministre du Canada et moi-même. En fait, les
divergences d'opinions qui existent...
M. JOHNSON: Oui!
M. LESAGE: ... Oui, les divergences d'opinions qui existent...
M. JOHNSON: Ou des complots simulés.
M. LESAGE: Tiens encore. Que vous avais-je dit, M. le Président?
Que vous avais-je dit? Cela n'a pas été long.
M. JOHNSON: Ou des trahisons.
M. LESAGE: Hull, c'est les mitraillettes de la trahison. M. le
Président...
M. JOHNSON: Ou des trahisons.
M. LESAGE: ... les mots parlementaires, les leçons que nous
venons de recevoir de parlementarisme, les grands principes, ne jamais utiliser
de mots non parlementaires et s'il y a un mot qui n'est pas parlementaire,
c'est même un acte criminel monsieur punissable de mort que la
trahison.
M. JOHNSON: Je dénonce tout de suite le premier ministre qui a
trahi sa parole bien des fois.
M. LESAGE: Tiens, M. le Président, vous voyez les
personnalités.
M. JOHNSON: C'est parlementaire, ça.
M. LESAGE: Le chef de l'Opposition ne peut pas endurer que l'on fasse
allusion à son auguste personne. Et c'est le député de
Champlain qui prétendait tantôt que les ministres n'enduraient pas
qu'on les questionne. Tout de même.
M. BELLEMARE: Je ne parlerai pas.
M. LESAGE: ... Ah! je sais que le député de Champlain n'a
pas envie de mordre.
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: Non, non, je le connais, je me reprendrai.
M. LAPORTE: Cela c'est le ferme propos.
M. LESAGE: Evidemmemt le leader du gouvernement en Chambre a raison, il
me dit: Est-ce là la mesure de votre ferme propos?
Alors, oui, mais ça ne marche pas, parce que les divergences
d'opinions, je le répète, qui existent c'est clair que les
divergences d'opinions existent et qui se manifestent de temps à autre
ne sont pas des conflits de personnes, mais résultent du choc de
deux conceptions du Canada, celle que ne partage pas le premier ministre du
Canada, comme j'aurai l'occasion de le démontrer plus tard ce soir, ou
demain matin.
Mais, selon une conception, le Canada devrait devenir de plus en plus un
pays du type unitaire, avec centralisation accrue des pouvoirs à Ottawa
et, selon une autre conception, on veut qu'une répartition saine et
constructive des pouvoirs permette aux Canadiens de quelque origine qu'ils
soient et particulièrement aux Canadiens d'expression française
dont le Québec est le point d'appui, de s'épanouir selon leurs
aspirations propres dans un cadre politique qui leur convient.
Ce sont là les deux écoles de pensée, les deux
conceptions. L'immense majorité des Québécois partagent
comme nous, la seconde conception, alors qu'on trouve à Ottawa, dans
tous les partis politiques fédéraux, et vous voyez que je
ne cherche pas à être, je ne veux pas être partisan,
des champions de la conception centralisatrice qui n'ont rien appris au refus
catégorique que le Québec offre depuis toujours, depuis toujours,
à toutes les tentatives de « melting pot ».
Philosophie ethnique qui répugne oui, le « melting
pot » philosophie ethnique qui répugne tellement aux
Canadiens français qu'ils se refusent même à traduire le
mot « melting pot » par le vrai mot « creuset ». Et ces
centralisateurs, eh bien! ils relèvent la tête au jourd'hui. Ils
prétendent que le Québec va trop loin en voulant exercer
pleinement, lui-même, toutes les compétences qu'Ottawa a
réussi dans le passé à s'approprier en tout ou en
partie.
M. JOHNSON: De 1945 à 1957.
M. LESAGE: Nous sommes nous... je dis la vérité.
M. JOHNSON: C'est ça!
M. LESAGE: Je dis la vérité!
M. JOHNSON: Confession d'un enfant du siècle.
M. LESAGE: La franchise m'a l'air de fatiguer passablement le...
M. JOHNSON: Non, non. Je suis très heureux. Dommage que la
doctrine du premier mi-
nistre ne soit pas rétroactive au temps où il était
ministre à Ottawa!
M. LESAGE: Oui, mais j'ai toujours dit la même chose.
Toujours!
M. JOHNSON: Ce n'est pas ce que vous avez pratiqué!
M. LESAGE: J'ai toujours dit la même chose. Si l'on veut bien
relire ce que j'ai dit, on verra que j'ai toujours suivi la même ligne de
pensée au point de vue constitutionnel.
Comme responsables du gouvernement du Québec, évidemment
nous sommes en conflit avec ces centralisateurs et nous n'avons pas fini de
l'être, s'ils persistent à croire qu'en exigeant le respect de nos
droits, nous faisons preuve de mauvaise volonté. Eh bien! à leur
obstination bornée, nous opposerons toujours, et je suis certain que
tous les députés de cette Chambre sont d'accord, nous opposerons
toujours notre détermination et aussi notre dynamisme, parce que notre
autonomie, elle ne doit pas être négative, comme elle l'a
été trop longtemps, ce qui a donné les résultats
négatifs que l'on sait: mais elle doit être positive, elle doit
former une politique d'affirmation pour nous et c'est ce qu'elle a
été depuis 1960.
Aussi, il y en a qui prétendent que le respect de nos droits
serait une concession déférale au Québec. Est-ce que l'on
peut dire ça que le respect de nos droits est une concession
fédérale au Québec? On appelle ça des concessions?
Certains d'entre ceux-là semblent croire que les changements qui ont eu
lieu, au cours des dernières années, dans l'évolution des
relations fédérales-provinciales sont autant de concessions
si je ne l'avais pas tant entendu oui, sont autant de
concessions, plus ou moins légitimes, faites à unQuébec en
mal d'indépendance, par un gouvernement central timoré ou
parter-maliste.
Cela se dit actuellement à la Chambre des communes que cette
évolution dans le domaine des relations
fédérales-provinciales, ce sont autant de concessions que l'on
critique et qu'on appelle des concessions, faites à un Québec en
ami d'indépendance on le dit ça aussi par un
gouvernement central timoré, on le dit aussi. Et on va plus loin, on
prétend que c'est par un gouvernement central qui veut détruire
le Canada. On le lit sur les journaux. J'ai parlé du chef ottawin, du
chef de l'Opposition cet après-midi. Bien, qu'il relise ses
écrits, il retrouvera ce que je viens de dire. Et, d'après eux,
on aurait fait des faveurs au Québec. On lui aurait accordé plus
que son droit, on se serait montré bon prince. Oui, il conviendrait
maintenant, n'est-ce pas, que le Québec devienne plus raisonnable et
moins exigeant...
M. JOHNSON: C'est M. Pearson qui disait ça. M. LESAGE: Non...
M. JOHNSON: « Il me faut un gouvernement majoritaire pour tenir
contre les provinces. » Le premier ministre du Québec souhaitait
un gouvernement majoritaire.
M. LESAGE: M. le Président, je dis qu'il y en a qui
prétendent que le gouvernement actuel à Ottawa est allé
trop loin, que nous allons trop loin dans nos réclamations et que nous
devrions être plus raisonnables. Peut-être, cette conception des
choses a-t-elle été encouragée par la discussion qui a eu
lieu dans la province et, jusqu'à un certain point, dans le reste du
Canada, autour de la question d'un statut particulier pour le Québec.
Puisqu'on parlait de situation spéciale, des gens ont pu penser qu'il
s'agissait de revendications plus ou moins normales ou légitimes en
regard de la constitution. Or, il est bien important, M. le Président,
oui, il est bien important de remarquer que jamais, dans aucun document
officiel, sur les relations fédérales-provinciales, et, je le
sais, il y en a eu plusieurs, le Québec n'a demandé de statut
particulier dans le sens de faveurs spéciales...
M. JOHNSON: Bravo! M. LESAGE: Jamais. M. JOHNSON: Bravo!
M. LESAGE: Jamais, et toute la correspondance a été
déposée ici. Nous n'avons jamais quémandé. Au
contraire, nous n'avons toujours exigé que la reconnaissance de nos
droits constitutionnels. Ce que le Québec réclame au fond, ce
n'est pas tel ou tel statut juridique, mais par exemple la possibilité
et les moyens de remplir, par lui-même et d'une façon
satisfaisante, les tâches qui sont siennes en vertu de la constitution.
Le Québec, comme je viens de le dire, a toujours tenu à une
répartition claire des responsabilités entre les secteurs du
gouvernement au Canada, Ce n'est pas là une exigence nouvelle, non,
même si elle s'exprime aujourd'hui plus fortement et plus affirmativement
que jamais.
Comme je le disais aux citoyens de London, qui sont venus nous rendre
visite au début de la semaine, cette répartition des
tâches, eh bien! c'est l'essence même du
fédéralisme.
D'autres provinces sont moins pénétrées que le
Québec de cette nécessité que, nous, nous jugeons
fondamentale; c'est-à-dire que sur le plan d'une répartition
véritable des fonctions, on peut dire que le Québec tient
vraiment au fédéralisme, mais on ne peut pas en dire autant de
toutes les autres provinces du pays. Elles ont le droit strict de soutenir,
à ce propos, les opinions qui leur conviennent. Il n'en reste pas moins
cependant que l'émergence d'un statut particulier pour le Québec
provient beaucoup moins d'une prise de position juridique de notre part, que de
l'évolution actuelle de notre régime politique, où la
plupart des autres provinces ne rejettent pas l'idée d'une
centralisation plus grande des pouvoirs à Ottawa, alors que nous, au
contraire, nous tenons à une réelle décentralisation.
Et le gouvernement central, si on ne s'opposait pas à une
tendance qui semble naturelle chez lui, pourrait finir par voir son rôle
c'est là que c'est dangereux comme un rôle
d'initiative, de leadership dans des domaines qui ne relèvent pas de
lui. Ainsi, poussé par le Québec notamment, il semblerait
prêt à accepter à la rigueur, de ne plus centraliser
à Ottawa l'administration de certains programmes de compétence
provinciale, laissant cette administration, entièrement ou presque, aux
provinces. Mais il aimerait toutefois ne pas en faire autant pour ce qui est de
l'élaboration des diverses politiques et désirerait bien garder
là une influence déterminante. Et le gouvernement
fédéral donnerait de la sorte, à l'ensemble du pays,
l'impression de lancer des idées originales dans les secteurs
provinciaux, de mettre ses idées ensuite au point, avec les provinces,
quitte cependant à laisser les provinces se charger d'en assurer
l'exécution.
Mais il faut voir cependant jusqu'où pourrait nous conduire une
telle tendance à ce que j'appelle la pseudo-décentralisation,
c'est-à-dire celle où Ottawa a un rôle qu'il intitule un
rôle de leadership et où les provinces administrent suivant les
barèmes fixés par Ottawa. Cela c'est de la
pseudo-décentralisation.
Il n'est pas interdit de penser que si, pour une raison ou pour une
autre, tel ou tel programme ne donnait pas les résultats
escomptés, la faute d'abord en retomberait sur les diverses
administrations provinciales que la population finirait ainsi par croire
incapables de conduire à bonne fin des plans soigneusement mis de
l'avant par le gouvernement central. C'est un danger ça. Eh bien! le
Québec, pour sa part, ne veut pas d'un tel arrangement.
Nous n'avons aucunement l'intention de souffrir que, dans les domaines
qui relèvent de no- tre compétence, le gouvernement
fédéral agisse de telle façon qu'il nous trace directement
ou indirectement la voie à suivre. Si nous n'avions, depuis plusieurs
années, jamais été en mesure de concevoir nous-mêmes
des mesures économiques ou sociales originales, nous ne serions
peut-être pas aussi déterminés que nous le sommes. Il
arrive toutefois qu'il s'agisse de nouvelles institutions
économiques ou de mesures de sécurité sociale, comme notre
régime de rentes que nous avons manifesté un esprit de
création dont d'aucuns sont encore étonnés. Ce
phénomène, les journaux de langue anglaise du pays l'ont
qualifié de révolution tranquille.
Dans ces conditions et sans prétendre au monopole des
idées ou à l'infaillibilité administrative, loin de
là, nous ne voyons pas très bien et même pas du tout
pourquoi le Québec devrait consentir dans ses propres domaines d'action
à être sous la tutelle du gouvernement central. Nous sommes
prêts à collaborer avec ce gouvernement de même qu'avec ceux
des autres provinces. Nous sommes tout à fait disposés à
échanger des idées, mais nous ne pouvons pas nous comporter comme
si nous reconnaissions, implicitement ou explicitement, le droit au
gouvernement fédéral de s'introduire même avec la
meilleure volonté du monde, oui, même avec la meilleure
volonté du monde dans des domaines qui ne sont pas les siens et
où le Québec est mieux placé que lui pour agir.
Il ne s'agit pas là seulement d'une position
générale de principe, dont le gouvernement fédéral
pourrait toujours, en invoquant de temps à autre les
nécessités administratives et Dieu sait qu'on les invoque
suspendre ou remettre l'application à plus tard.
Depuis des années nous disons, nous répétons et
répétons que le Québec moderne veut assumer
l'entière responsabilité de la mise en valeur de ses richesses
naturelles et de ses politiques sociales. Si nous nous sommes retirés
d'un grand nombre de programmes conjoints, c'était justement dans cette
intention. Et puisque nous voulons être logiques avec nous-mêmes,
nous maintiendrons cette attitude. Oui, nous la maintiendrons.
Il semble toujours se trouver des personnes pour croire qu'une fois une
certaine crise passée, nous reviendrons à ce qu'elles imaginaient
être de meilleurs sentiments en abandonnant des positions qui leur
paraissent trop tranchées. C'est clair, c'est parce qu'elles n'en
conaissent pas suffisamment la raison d'être profonde. C'est pour cela.
Une fois pour toutes, nous croyons qu'il convient de souligner que notre
attitude ferme sur toutes ces questions n'est pas un accident, n'est pas un
mouvement d'im-
patience temporaire, mais que cette attitude elle est vraiment,
réellement fondamentale.
M. le Président, il est vrai qu'il reste trois ou quatre minutes,
mais d'un autre côté j'ai un texte assez lié et c'est un
endroit qui conviendrait pour suspendre. Puis-je suggérer l'ajournement
du débat, je pourrai continuer demain matin sur le même sujet.
M. LAPORTE: Alors, M. le Président, je propose l'ajournement de
la Chambre à demain matin à dix heures et demie.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adoptée. La Chambre est ajournée à demain matin à
dix heures et demie.