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(Deux heures et demie de l'après-midi)
M. LeCHASSEUR (président): Qu'on ouvre les portes.
Affaires courantes, présentation de pétitions. Lecture et
réception de pétitions, présentation de rapports de
comités élus. Présentation de motions non
annoncées. Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics.
Affaires du jour.
Questions et motions des députés
M. LAPORTE: M. le Président, numéro 1 du feuilleton
d'aujourd'hui, question, réponse en préparation.
Numéro 2, la réponse est prête.
M. BERTRAND: Numéro 1? M. LAPORTE: En préparation. M.
BERTRAND: En préparation!
M. LAPORTE: Je vais appeler tous les numéros, et la Chambre saura
ce qui est prêt et ce qui ne l'est pas.
Numéro 2, réponse: un original et une copie.
Numéro 3, par M. Pinard, lu et répondu.
M. PINARD: Lu et répondu.
M. LAPORTE: Numéro 4. Numéro 3, lu et répondu.
M. PINARD: Lu et répondu.
M. LAPORTE: La question qui apparaît à l'item numéro
5 du feuilleton, c'est en préparation, mais c'est un travail qui va
être très long à cause de ce qui est demandé.
Numéro 6, lu et répondu.
M. PINARD: Lu et répondu.
M. LAPORTE: Numéros, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 1G, 17,
18,19,20,21, en préparation.
Numéro 22, pour M. Binette, l'Hydro, lu et répondu.
Numéro 23, jusqu'à la fin des questions, sont actuellement
en préparation. Quant aux motions pour production de documents, motion
numéro 39, par M. Pinard: documents déposés. Alors, pour
le ministre de l'Agriculture, il y a ici des copies de contrats. Dans tous les
autres cas, il y a un original et une copie, mais dans ce cas-ci, il aurait
été beaucoup plus long de préparer une copie. Alors, il
n'y a qu'un exemplaire.
M. BELLEMARE: Cela c'est le numéro 39? M. LAPORTE: C'est le
numéro 39. UNE VOIX: C'est ça!
M. LAPORTE: Numéro 40, pour M. Saint-Pierre, le document est
déposé.
Numéros 41, 42, 43, 44 et 45, en préparation.
M. LESAGE: Motions acceptées.
M. LAPORTE: Motions acceptées. Les documents seront
déposés aussitôt qu'il seront prêts.
Le numéro 46 et le numéro 47, M. le Président,
à la lecture de cette motion, il nous apparaît clairement qu'elle
est trop vague...
M. LESAGE: C'est ça.
M. LAPORTE: ... qu'il serait excessivement long de préparer la
réponse à ces deux demandes de production de documents. On n'a
qu'à en prendre connaissance; « Qu'il soit déposé
sur le bureau de la Chambre un état donnant les noms et adresses des
entrepreneurs, manufacturiers et autres fournisseurs avec, en regard de chaque
nom, le montant payé à chacun d'eux, la nature des travaux
effectués, des services rendus et des marchandises achetées et
cela depuis le 1er janvier 1961 jusqu'à ce jour, relativement aux
travaux effectués sur la route transcanadienne ». Et la motion
numéro 47 demande la même chose depuis le 1er janvier 1961
à ce jour, relativement à l'autoroute
Montréal-Laurentides. On comprend facilement que ce serait
extrêmement volumineux, extrêmement long à préparer.
Alors si le député voulait retirer ses motions, les
réinscrire de façon plus précise, nous nous empresserions
de donner suite à sa demande.
M. LAFONTAINE: On va les formuler, de nouveau.
M. LAPORTE: Numéro 48. M. PINARD: Document
déposé.
M. LAPORTE: Numéro 49; motion acceptée. Les documents
seront produits quand ils seront prêts. La motion numéro 50 pour
M. Cliche: le
document est produit. De même que la motion numéro 51 et
pour M. Courcy, document, la motion numéro 52. Les motions
numéros 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59 sont agréées.
Numéro 60, M. le Président.
M. WAGNER: M. le Président, aux questions numéros 60, 61
et 62 nous ne pouvons répondre parce que ce serait contraire à
l'intérêt public, conformément à l'article 690 des
règlements.
M. LESAGE: Les dossiers judiciaires...
M. JOHNSON: Evidemment, le règlement est clair. Lorsque le
ministre déclare que ce n'est pas d'Intérêt public...
M. LESAGE: Même s'il ne le déclarait pas.
M. JOHNSON: ... nous devons nous contenter de cette affirmation, sauf
que..,
M. LESAGE: Non, il n'est pas obligé de...
M. JOHNSON: ... que c'est une motion, comme on le sait, et si le
député en a le goût, il peut, à l'appel de la
motion, faire un débat pour exposer les raisons qui l'ont amené
à poser cette question. Alors, je ne sais pas si le député
de Gaspé a des représentations à faire au sujet de cette
question.
M. GAGNON: M. le Président, je serai bref. S'il a
été jugé bon de présenter ces motions,
c'était précisément dans l'intérêt public et
suivant les informations qui nous avaient été données. Je
sais qu'il y avait des choses au dossier qui, à certains moments,
empêchaient des procédures de suivre leur cours, puisqu'il s'agit
de l'intérêt même du gouvernement, il s'agit de la
propriété gouvernementale.
M. LESAGE: Mais, il y a des dossiers non classés; on peut les
consulter au palais de justice, c'est public.
M. GAGNON: Oui. Les dossiers pour lesquels le jugement a
été rendu et ceux qui ont été retirés.
M. LESAGE: Oui, mais ils sont au palais de justice, ces
dossiers-là.
M. GAGNON: Alors, j'imagine...
M. LESAGE: On peut les consulter, mais on n'a pas le droit d'avoir le
dossier du ministère, par exemple.
M. GAGNON: Non, mais tout de même, si ce sont les mêmes
dossiers pour un député...
M. LESAGE: Non, ce n'est pas le même dossier. Il y a le dossier de
la partie, c'est comme si vous demandiez à un avocat de déposer
son dossier, de rendre son dossier public. Le dossier de la Cour est public et
n'importe qui peut aller le consulter.
M. GAGNON: Voici, M. le Président...
M. LESAGE: Mais une partie ne peut pas être obligée de
déposer son dossier.
M. GAGNON: ... les raisons sont majeures, il s'agit d'une
propriété qui appartient au gouvernement, un terrain...
UNE VOIX: Pas de débat.
M. LESAGE: Eh bien oui, mais on ne peut pas, M. le Président, on
ne peut pas aller au fond de la question...
UNE VOIX: Non, non, non.
M. LESAGE: ... et de commencer à discuter de cette cause en
Chambre.
M. JOHNSON: M. le Président, si le député de
Gaspé-Nord...
M. LESAGE: Il y a des dossiers, que l'on aille les consulter.
M. JOHNSON: Il s'agit d'une motion prévoyant une adresse au
lieutenant-gouverneur afin qu'il consente au dépôt de certains
documents. Or, on ne peut pas, à l'occasion d'une adresse, tout
simplement se retrancher derrière cette phrase: ce n'est pas de
l'intérêt public que je le produise. On peut faire un débat
sur cette question, je ne veux pas faire une incursion dans un autre domaine,
mais les seules ou la seule raison que l'on peut objecter à la
souveraineté de la Chambre quand il s'agit d'administration publique, y
inclus l'administration de la justice, c'est la sécurité
nationale et encore on confie ça, après plusieurs jours de
débats, à une commission mais quant au reste, on a le
droit d'en parler, on a le droit de faire des discours, on a le droit de donner
les motifs qui nous ont poussés à demander la production de tels
documents, et je pense que l'article étant appelé, si le
député de Gaspé-Nord a des représentations à
faire, il a le droit de les faire en toute liberté, s'il croit que c'est
dans l'intérêt public.
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais attirer votre
attention sur la rédaction de l'article 690? « La Chambre peut,
sur une motion annoncée, demander par adresse au lieutenant-gouverneur
ou par ordre la communication de tout rapport ou document qui se
réfère à quelque matière d'intérêt
public, rentrant dans les attributions de la Législature ou du
gouvernement, à moins que le gouvernement n'ait déclaré
que le rapport ou document est privé ou confidentiel ou qu'il est
contraire à l'intérêt public de le déposer. »
Alors, je dis M. le Président, qu'évidemment les dossiers sont
compris dans le paragraphe 2, il est clair que dans ce cas, ils sont
privés et confidentiels en vertu du paragraphe 2, que, de plus, le
ministre de la Justice au nom du gouvernement a invoqué
l'intérêt public, et par conséquent la Chambre ne peut pas,
parce que l'exception s'applique. Alors il n'y a pas de débat, du moment
que l'exception s'applique, le débat n'est plus possible. J'ai vu la
règle interprétée de cette façon, dans une autre
juridiction. Du moment que l'intérêt public est invoqué, au
nom du gouvernement, ou qu'il s'agit d'un document confidentiel, et il l'est
à la face même de la question, eh bien, le débat n'est pas
possible.
M. JOHNSON: Ah non, non, non.
M. LESAGE: Le débat n'est pas possible. Du moment qu'un ministre
déclare que ce n'est pas dans l'intérêt public, la question
est absolument réglée...
M. JOHNSON: Je regrette, mais...
M. LESAGE: ... et, d'ailleurs, il s'agit d'un document judiciaire.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: Il s'agit d'un dossier du ministère de la Justice.
Pour ce qui est du dossier de la cause, il est au Palais de justice, il est
public, et là le député de Gaspé-Nord peut le
consulter.
M. JOHNSON: M. le Président, je regrette, le gouvernement pourra,
pour refuser de produire le dossier, invoquer les motifs dont il est question
là...
M. LESAGE: C'est fini.
M. JOHNSON: ... et que le premier ministre a donnés. Mais
ça n'empêche pas le député au nom de qui la motion
est inscrite et tous les au- tres députés qui voudraient le
faire, de parler sur le sujet, quitte au gouvernement à se retrancher
derrière de pareilles allégations mentionnées à
l'article 690. Mais cet article n'a pas pour but d'empêcher un
député d'expliquer à cette Chambre les motifs qui, selon
son opinion, justifient la demande de production de tels documents. Je crois
que c'est clair et que le député de Gaspé-Nord dans ce
cas-ci, a le droit strict d'exposer pourquoi il a fait sa motion.
M. LESAGE: M. le Président, il aurait dû le faire avant que
le ministre de la Justice se lève. S'il avait fait sa déclaration
avant, en vertu de l'article 690, il aurait évidemment pu parler, mais
du moment que le gouvernement a fait une déclaration à l'effet
que ce n'est pas dans l'intérêt public, il n'y a plus de
débat possible, parce que l'on ne peut plus...
M. JOHNSON: Voyons donc!
M. LESAGE: ... à la lecture de 690 on voit que la Chambre ne peut
pas demander, donc la motion n'est pas recevable à sa face
même.
M. BERTRAND: Cela c'est du bâillon.
M. LESAGE: Il ne peut pas y avoir de débat.
M. LE PRESIDENT: J'ai écouté les arguments de part et
d'autre et l'article 690, à mon sens, est très clair. Le ministre
de la Justice ayant déclaré qu'il était contraire à
l'intérêt public de déposer les documents demandés
alors la discussion doit être close.
M. JOHNSON : J'en appelle de votre décision, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
DES VOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont pour le maintien de la
décision se lèvent.
M. LE GREFFIER-CONJOINT: MM. Lesage, Lajoie, Bédard, Pinard,
Laporte, Lévesque (Laurier), Wagner, Arsenault, Saint-pierre, Cliche,
Dionne, Hyde, Kierans, Lafrance, Lalonde, Cournoyer, Couturier, Lévesque
(Bonaventure), Fortin, Mme Kirkland-Casgrain, Morrissette, Binette,
Beaupré, Turpin, Brown, Boulais, Roy, Coiteux (Duplessis), Fortier,
Lavoie (Laval), Meunier, Blank, Maheux, Vaillancourt, Coiteux (L'Assomption),
Hamel, Hardy, Four-
nier, Théberge, Baillargeon, Kennedy, Dallaire, Brisson,
Hébert, Mailloux, Cadieux, Trépanier, Lacroix, Godbout,
Dupré, Martin, Hanley.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre la décision se
lèvent.
M. LE GREFFIER-CONJOINT: MM. Johnson, Bertrand, Dozois, Elie, Bellemare,
Lizotte, Raymond, Ducharme, Johnston, Sommerville, Gabias, Bernatchez,
Lafontaine, Russell, Gauthier, Lavoie (Wolfe), Gagnon, Majeau, Cloutier. Pour
52; contre 19. Yeas 52; nays 19. La décision est maintenue.
M. JOHNSON: La motion numéro 60, M. le Président.
M. LESAGE: Soixante? C'est quoi, ça? Même chose. Le
ministre de la Justice a fait sa déclaration en se
référant aux motions 60 et...
M. JOHNSON: Non.
M. LESAGE: Oui, en effet. Je demande qu'on relève le journal des
Débats. J'ai bien entendu le ministre de la Justice dire que pour ce qui
est des motions du député de Gaspé-Nord aux numéros
60, 61 et 62, il n'est pas dans l'intérêt public, d'en discuter.
Et la déclaration était faite pour les trois.
M. JOHNSON: M. le Président, si nous devons suivre le
règlement, nous allons le suivre et vous aurez l'obligeance, je n'en
doute pas, de nous dire en vertu de quel article on peut voter sur trois
motions à la fois, globalement. Alors, je vous demande, si on doit
appliquer le règlement, de l'appliquer. Il nous reste si peu de
liberté que nous allons insister pour le minimum,
M. LALONDE: Vous avez le courage de parler comme ça?
M. JOHNSON: Alors, M. le Président, nous considérons que
le vote a été donné sur la motion inscrite sous le
numéro 60 et nous attendons que vous appeliez 61 et que vous suiviez le
règlement qui exige entre autres que vous lisiez la dite motion et on
verra.
M. LESAGE: M. le Président, cela a été
réglé pour 60, 61 et 62, c'est évident.
M. JOHNSON: Non.
M. LESAGE: Comme d'habitude.
M. LALONDE: C'est assez facile, ça.
M. LESAGE: C'est la même décision, c'est le même
genre de motion.
M. LAPORTE: Soixante-quatorze, M. le Président.
M. JOHNSON: Soixante et un. M. le Président, nous ne pouvons pas
avoir voté sur trois motions en même temps. C'est la motion
portant le numéro 60, je ne vois pas comment vous pouvez en sortir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. JOHNSON: Si vous voulez appeler 61, M. le Président, nous
verrons.
M. LE PRESIDENT: J'avais compris que le vote était pour les trois
motions.
M. LESAGE: Certainement.
M. LE PRESIDENT: Maintenant si le chef de l'Opposition se
plaint.».
M. JOHNSON: Non, il fallait qu'il s'objecte à temps.
DES VOIX: A l'ordre.
M. LALONDE: Il a demandé le vote.
M. LESAGE: Le chef de l'Opposition a demandé le vote...
M. BERTRAND: Le président est debout. M. BELLEMARE: A l'ordre,
à l'ordre. M. LESAGE: Le chef de l'Opposition... M. BELLEMARE: Voyons
donc.
M. GABIAS: Et ça veut revaloriser la fonction publique!
M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition a
demandé le vote après que le ministre de la Justice eût
fait une déclaration s'appliquant aux trois motions. Par
conséquent, à moins qu'à ce moment-là le chef de
l'Opposition ou un autre membre de la Chambre ait demandé que le vote ne
s'applique qu'à une des motions, il s'appliquait nécessairement
aux trois. Or, aucun membre de la Chambre, à commencer par le chef de
l'Opposition, n'a demandé qu'il y ait vote
séparé. Par conséquent, il est clair que le vote
s'appliquait aux trois, de la même façon que la déclaration
du ministre de la Justice s'appliquait aux trois motions. C'est clair, il
aurait fallu à ce moment-là... il est trop tard maintenant pour
s'en plaindre...
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: On a été satisfait du lit tel qu'il avait
été fait et on n'a qu'à suivre la procédure telle
qu'elle est prévue. On a appelé ensemble trois motions, il n'y a
pas eu d'objection, on a déclaré objection à ces trois
motions en vertu de l'article 690. Le chef de l'Opposition, sur les trois
motions, sur la seule déclaration couvrant les trois motions du ministre
de la Justice et sur votre décision s'appliquant à la
déclaration du ministre de la Justice quant aux trois motions, en a
appelé de votre décision quant aux trois motions, M. le
Président. Il n'a pas dit: J'en appelle de votre décision sur la
motion qui apparaît au numéro 60. Il en a appelé de votre
décision et votre décision couvrait les trois motions.
Alors, il est trop tard maintenant pour se plaindre de la
procédure suivie.
M. JOHNSON: D'abord, je voudrais dire que c'est la première fois
que je vois un Orateur s'asseoir à la demande du premier ministre, alors
que c'est le premier ministre qui aurait dû rester assis.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je nommerai tout député dans
cette Chambre qui voudra blâmer la conduite de l'Orateur.
M. JOHNSON: Quand c'est le premier ministre...
M. LE PRESIDENT: L'Orateur est debout. A l'ordre! Je rappelle le
député de Bagot à l'ordre.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre s'est bien
gardé de dire en vertu de quel article il peut plaider ce qu'il vient de
plaider. M. le Président, vous savez, vous, qu'on ne peut pas voter sur
une série de motions en vrac, d'abord. L'habitude a été
prise grâce à l'esprit de coopération qui anime
l'Opposition de ne pas faire de débat sur chacune des motions où
nous pourrions en faire. Deuxièmement, le gouvernement, par le leader de
la Chambre, a pris l'habitude d'appeler deux ou trois articles de suite et
dire; Voici les documents. Nous ne savions pas, lorsqu'il a appelé les
articles 60, 61 et 62, s'il allait consentir à faire adopter ces
adresses ou s'il allait s'y opposer.
Alors, nous avons, comme d'habitude, attendu que le gouvernement prenne
position et maintenant on veut plaider retard de l'Opposition à se
servir de son droit de parole lorsqu'un article est appelé. Je veux
bien, si le gouvernement a décidé maintenant de jouer dur,
d'appliquer à la lettre le règlement. S'il a changé sa
manière de concevoir les débats et l'atmosphère qui doit
régner dans cette Chambre, c'est son affaire et c'est son droit. Mais
c'est aussi notre droit à nous de nous en tenir au règlement. Or,
le règlement dit que vous devez appeler les articles un après
l'autre. Deuxièmement, le règlement dit; Lorsqu'une motion est
appelée, vous devez la lire et dorénavant, nous vous avertissons,
nous vous demanderons de la lire. Et vous ne pourriez pas les lire toutes les
trois à la fois. Je pense bien que malgré votre talent, vous ne
pourriez pas simultanément lire les trois motions qui concernent trois
dossiers différents, vous le voyez à la lecture même de ces
motions. Nous allons vous demander, nous allons admettre que vous avez rendu
une décision sur 60. Nous en avons appelé de votre
décision, comme c'était notre droit, et nous vous demandons
respectueusement de déclarer que la décision est rendue sur 60.
Nous allons demander au leader de la Chambre, s'il veut procéder,
d'appeler 61, et s'il veut appeler ensuite 62, il appellera 62. Nous ne voulons
pas retarder les travaux de la Chambre. S'il doit y avoir une décision
similaire sur 62, nous n'insisterons pas pour qu'il y ait de nouveau un vote.
Nous consentirons à ce que le vote déjà enregistré
quitte à le modifier si quelques collègues sont
arrivés nous consentirons à ce que le vote
enregistré soit le même, et de même sur 62. Mais, au moins,
vous allez donner l'exemple à cette province, je l'espère, que
vous traitez l'Opposition avec justice, que vous appliquez le
règlement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... avec la même intensité pour un
côté que pour l'autre.
M. LALONDE: On va en parlera Diefenbaker. M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. JOHNSON: On va en parler à M. Pearson pour qui vous avez tous
voté et demandé à la population de voter.
M. LAPORTE: Etant donné qu'on n'a pas de téléphone
ici, on pourrait peut-être s'en tenir...
M. JOHNSON: Je vous demande de déclarer que la décision
qui vient d'être rendue, et dont on a appelé, concernait un
article seulement. Les deux autres motions concernent des dossiers
différents et théoriquement il pourrait y avoir des raisons pour
le gouvernement de ne pas donner la même réponse quant aux deux
autres dossiers. Et de plus quand prendrait-on en vrac, M. le Président,
des décisions alors que l'on sait qu'en pratique dans le
procès-verbal même si nous consentons à ce que trois
questions soient traitées exactement de la même façon ou
trois motions exactement de la même façon, dans le
procès-verbal vous n'avez qu'à le consulter on
traite séparément chacun des articles et c'est normal, c'est le
bon sens même et vous ne voudrez pas, M. le Président, prendre le
risque de passer aux yeux de cette Chambre et de la population pour un homme
qui mêle toutes les questions...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. JOHNSON: ... aveuglement des diktats d'un membre de cette Chambre
quelle que soit sa qualité et sa fonction.
M. DOZOIS: M. le Président, si vous permettez, je
voudrais attirer votre attention sur l'article 115 tout d'abord qui dit...
M. LAPORTE: L'article quoi?
M. DOZOIS: ... Premièrement, « A moins que la Chambre n'en
ait décidé autrement, les affaires du jour sont appelées
dans l'ordre suivant et, deuxièmement, le mercredi et le vendredi les
questions aux ministres, les motions annoncées par les
députés ». De plus à l'article 126 l'on dit: «
Toutes les affaires inscrites au feuilleton du jour sont appelées dans
l'ordre qui leur est assigné ». Et je vous réfère
à la note 2 qui dit: « Les ministres n'ont pas de contrôle
sur l'ordre à suivre dans les affaires inscrites au nom des simples
députés. Celles-ci doivent être appelées dans
l'ordre qui leur est assigné au feuilleton à moins que la Chambre
n'en décide autrement, suivant le règlement ». Or, il
était évident qu'il n'appartenait ni au ministre de la Justice,
ni à d'autres, ni à vous, M. le Président, d'appeler
l'ordre du jour 60 et je ne pense pas que vous auriez appelé à ce
moment-là 60, 61,62 en vrac.
M. LAPORTE: M. le Président, je trouve que la journée est
particulièrement mal choisie pour prétendre que le gouvernement
veut limiter les droits des députés ou qu'il veut ne pas donner
à l'opinion publique tous les renseignements nécessaires sur la
conduite des travaux de la Chambre. Journée particulièrement mal
choisie parce que c'est la première fois, de mémoire d'homme,
qu'on appelle intégralement toutes les questions inscrites au nom des
députés et toutes les motions. Les questions sur lesquelles le
gouvernement n'était pas prêt il a répondu: En
préparation, pour que l'opinion publique et les députés
puissent savoir de semaine en semaine quelles sont les questions auxquelles
nous n'apportons pas de réponses et pourquoi. C'est la première
fois que ça se fait dans l'Assemblée législative depuis
les quelques années que j'y suis, première fois.
Deuxièmement, je trouve étonnante l'attitude du chef de
l'Opposition devant la procédure qui s'est faite cet après-midi.
Nous avons appelé rigoureusement les articles dans l'ordre où ils
étaient inscrits au feuilleton de l'Assemblée législative.
Le député de St-Jacques a invoqué l'article 115 et 126.
Nous avons rigoureusement respecté ces articles en appelant les articles
les uns après les autres à compter du 1er jusqu'au numéro
62.
M. DOZOIS: Vous en avez appelé trois en même temps.
M. LAPORTE: Et ce qui m'étonne, M. le Président, c'est que
le chef de l'Opposition semble avoir deux attitudes. Il est permis de voter
deux motions ou vingt-cinq motions en même temps quand cela fait son
affaire mais lorsque ça ne fait pas son affaire...
M. DOZOIS: Du consentement unanime.
M. LAPORTE: .. on ne peut plus. Exemple aujourd'hui même,
tout de suite. Le leader de la Chambre...
M. DOZOIS: Du consentement unanime.
M. LAPORTE: Merci. J'y viens justement au consentement unanime. Les
motions, numéros 41 à 45 ont été votées en
bloc. Nous sommes arrivés à 46 et 47, deux motions inscrites au
nom du député de Labelle. Nous avons fait des
représentations pour les deux motions en même temps, le
député de Labelle et le chef de l'Opposition ont jugé que
nos représentations étaient normales, ils nous ont dit oui. Nous
continuons l'ordre du jour, nous votons en bloc
un certain nombre d'autres motions, sans discussion et nous arrivons au
trois dernières, nous suivons exactement la même procédure,
le ministre de la Justice se lève, appelle les motions 60, 61 et 62
exactement la procédure qui s'était passée pour les autres
motions, il y a une discussion, il n'y a pas d'objection, c'est le consentement
unanime de la Chambre, il y a une discussion, il y a un vote qui est pris,
ça ne fait pas l'affaire de l'Opposition, ça c'est son
privilège.
Mais pourquoi l'Opposition, M. le Président, voudrait-elle, elle,
nous imposer quand ça fait son affaire une procédure
différente que celle qui a respectée pour toutes les autres
motions inscrites au nom des députés?
Je lis en terminant ce qu'on a lu tout à l'heure, la note 2
à l'article 126: « Doivent être appelées dans l'ordre
qui leur est assigné », cela a été fait, « ...
à moins que la Chambre n'en décide autrement suivant les
règlement. » Or, M. le Président, nous n'avons pas
changé l'ordre, nous avons simplement appelé trois motions du
consentement de tout le monde et je maintiens, respectueusement, M. le
Président, que le vote qui a été pris sur la motion 60
vaut pour les trois et que la décision s'appliquait aux trois et que
nous avons en bloc disposés des motions 60, 61 et 62.
UNE VOIX: Très bien!
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais simplement rappeler
à cette Chambre que l'article 296 est bien formel. Quand le
règlement prescrit qu'une chose peut se faire avec la permission ou la
tolérance de la Chambre, il faut au moins le consentement unanime de
celle-ci.
M. LESAGE: Bien nous l'avons eu.
M. BELLEMARE: Et si je me réfère, M. le Président,
à l'article 300, il est bien dit que « lorsque les sonneries
d'appel ont cessé de sonner l'Orateur peut, s'il le juge à
propos, attendre ces deux minutes avant de continuer les procédures de
vote. Mais à l'expiration de ces deux minutes il doit mettre de nouveau
la motion aux voix selon les prescriptions de l'article 293 et... »
M. LESAGE: Oui, mais sa motion c'était sa décision.
M. BELLEMARE: « ... et inviter successivement à se lever
ceux qui sont en faveur de la motion pas des motions de la
motion... »
M. LESAGE: Une motion.
M. LAPORTE: Est-ce que je peux poser une question au
député?
M. BELLEMARE: « ... et ceux qui ne le sont pas. » Le
député se lève et je pense que si dans cette Chambre nous
avons procédé par le consentement unanime en maintes
circonstances, nous avons aujourd'hui le droit de demander que l'article 293
s'applique et si l'honorable leader de la Chambre a introduit une nouvelle
procédure quant aux questions et aux réponses, nous ne nous
objectons pas. Mais seulement quand il s'agit d'une demande de l'Opposition...
c'est chercher, M. le Président, de la chicane pour rien. Ce serait si
facile au gouvernement de dire; oui. Et ce serait réglé.
M. LAPORTE: Est-ce que vous me permettez...?
M. BELLEMARE: Mais c'est un entêtement pour ne pas dire que
l'Opposition gagne son point. Un entêtement pur et simple.
M. LAPORTE: Est-ce que vous me permettez une question?
M. BELLEMARE: Certainement!
M. LAPORTE: J'aimerais simplement vous demander a quel moment depuis le
début de la séance cette motion ou ces motions dont vous parlez
ont été mises aux voix?
M. BELLEMARE: M. le Président, la preuve c'est que les autres ne
l'ont pas été. Mais seulement c'est l'Opposition qui a
demandé le vote. Et en vertu du règlement quand il y a au moins
cinq députés qui exigent le vote la motion doit être
accordée. Et c'était la motion pour voter sur la
présentation du document 60. Mais c'est un entêtement fou de la
part du gouvernement. On ne peut pas trouver pire, M. le Président,
comme document la!
DES VOIX: Ah oui!
M. LE PRESIDENT: Je croyais avoir rendu ma dévision sur les trois
motions; mais l'argument du chef de l'Opposition est recevable et si la Chambre
insiste je vais lire la motion 61 et nous allons procéder au vote, sinon
on pourra utiliser le même vote inscrit au feuilleton.
M. JOHNSON: Alors, 61.
M. BERTRAND: 61.
M. JOHNSON: M. le Président, voulez-vous lire la motion
numéro 61?
M. LE PRESIDENT: M. Gagnon propose qu'il soit présenté
à l'honorable lieutenant-gouverneur une adresse le priant de faire
déposer sur le bureau de cette Chambre une copie du dossier du
ministère de la Justice dans la cause numéro 7,047 cour
Supérieure du district de Gaspé, le procureur
général versus Maurice Gagné.
M. WAGNER: M. le Président, en vertu de l'article 690 des
règlements de cette Chambre, il est contraire à
l'intérêt public de...
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: Non, non, c'est lui qui est le parrain.
M. JOHNSON: M. le Président, en vertu du règlement, le
député au nom duquel est inscrit la motion est celui qui a le
droit de parole le premier de tous. ,M. BERTRAND: C'est le parrain.
M. JOHNSON: Et ça c'est clair, vous ne pouvez pas en sortir. Le
premier ministre est obligé, malheureusement pour lui....
M. LESAGE: La déclaration a été faite!
M. JOHNSON: ... de suivre le règlement comme les autres et le
ministre de la Justice surtout devrait donner l'exemple. C'est le
député de Gaspé-Nord qui a la parole puisque la motion est
inscrite à son nom.
M. WAGNER: Ce n'est pas le chef de l'Opposition qui peut donner des
leçons d'exemple!
M. LESAGE: La déclaration a été faite!
M. WAGNER: Le chef de l'Opposition est le dernier homme à pouvoir
donner des leçons a la population!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GAGNON: Je ne sais pas, M. le Prési- dent, si c'est un
marathon pour se lever, celui qui se lèverait le premier...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! J'ai vu le ministre de la Justice
se lever et dire qu'il ne répondait pas à cette motion.
Maintenant, c'est évident que ce sera un marathon, comme dit le
député de Gaspé-Nord, pour disposer de la troisième
motion. Alors, pour les bonnes et cordiales relations de cette Chambre, je
crois que nous devrions permettre au député d'expliquer
brièvement sa question.
M. GAGNON: Vous admettrez avec moi, M. le Président que, pour un
nouveau venu dans la Chambre, il arrive parfois, qu'il puisse s'agir de
quelques instants, pour que certains députés prétendent
qu'on a joué le tour et enlève le droit de parole à un
député. Mais à ce moment-là il y a une certaine
justice à observer...
M. LESAGE: Qu'il discute de la motion.
M. GAGNON: Alors, je remercie le Président de sa décision.
Concernant la motion 61, si j'ai cru de mon devoir de la présenter,
c'est parce qu'on avait porté à mon attention qu'il y avait de
graves irrégularités et qu'il était bon que les
députés prennent connaissance de ce dossier, afin que la justice
se fasse pour l'opinion en général. J'ai cru de mon devoir, en
tant que député, indépendamment de questions politiques;
non, je dis indépendamment...
UNE VOIX: Ce n'est pas sûr.
M. GAGNON: C'est mon devoir de député de prier la Chambre,
de prier le lieutenant-gouverneur de déposer en Chambre le
dossier...
M. LESAGE: M. le Président est-ce que nous sommes sur une
question d'ordre ou sur une question de fonds?
M. GAGNON: ... le dossier qui est inscrit au feuilleton sous le
numéro 61. On avait attiré mon attention sur la gravité.
Aujourd'hui, d'après les événements qui se passent, j'en
ai presque la certitude, et je crois qu'il est de mon devoir de demander au
ministre de la Justice, pour la bonne cause, pour la cause de la justice, de
déposer le dossier puisqu'il s'agit d'un dossier entre un individu et
que cela concerne le bien d'une corporation municipale et, d'autre part, le
gouvernement par l'entremise du ministère de la Justice. Je crois qu'il
est tout simplement normal de produire...
UNE VOIX: De quoi s'agit-il?
M. GAGNON: Il s'agit des injonctions qui ont été prises
par le ministère de la Justice qui dépendait alors du procureur
général. Le gouvernement possédait un chemin public qu'un
citoyen a décidé de fermer, de barricader, à Madeleine,
comté de Gaspé-Nord. Alors, j'étais allé
moi-même rencontrer les officiers du procureur-général,
pour leur demander de faire simplement justice. Si le bien appartenait au
gouvernement, cela devait lui revenir, mais on devait éclaircir la chose
de façon que la muninicpalité et les citoyens en soient parties
quittes. Depuis trois ans que les procédures de poursuivent, et j'ai
été informé qu'il y avait précisément
ce que je disais tout à l'heure je dirais de la gravité au
dossier, et c'est ce qui m'a porté à demander au ministre de la
Justice, de produire en cette Chambre les dossiers, afin qu'ils soeint
étudiés pour connaître si la procédure avait
été suivie dans la légalité.
M. LESAGE: La légalité de la cour.
M. WAGNER: En réponse à ces affirmations du
député de l'autre côté de la Chambre, je dois dire,
pour le bon maintien du respect des tribunaux et pour la bonne administration
de la justice, qu'il serait contraire à l'intérêt public de
déposer en Chambre les documents demandés. Lorsque le
député mentionne qu'il y a trois ans que cette cause est en
marche, je lui rappelle que le jugement a été rendu le 31
décembre 1965. Cela ne fait pas trois ans. Je dois lui rappeler
également que deux autres causes sont encore sur les rôles de la
cour Supérieure, elles sont inscrites et n'ont pas encore
été entendues. Je pense que ce serait créer un
précédent pour le moins extraordinaire que d'exiger que l'on
dépose d'abord des documents confidentiels du ministère, alors
que des causes sont actuellement en suspens devant les tribunaux.
M. JOHNSON: Vous aurez remarqué que le ministre a choisi d'en
parler de ce dossier.
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: ... que le ministre a choisi de donner quelques
renseignements sur ce dossier.
M. WAGNER: Dossier officiel de la cour.
M. JOHNSON: Le ministre se trouve à avoir renoncé à
ce privilège que lui donne le gouvernement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: J'invoque le règlement.
M. WAGNER: Quel ridicule!
M. LESAGE: J'invoque le règlement. Le ministre de la Justice n'a
renoncé à aucun privilège, il a purement et simplement
référé à des faits publics, non pas au dossier,
mais à des faits publics, le fait qu'un jugement a été
rendu dans une des causes au mois de décembre 1965 et le fait que les
deux autres causes soient sub judice, ce sont des faits publics.
Il a dit: Quant au dossier, il n'est pas dans l'intérêt
public de le produire. Et ce que je viens de dire est une raison additionnelle,
ces deux faits publics, puis les faits publics que je viens de mentionner sont
une raison additionnelle pour que j'invoque l'intérêt public et
que je refuse. Alors, M. le Président, j'invoque le règlement et
j'invoque le précédent qui vient d'être créé.
Je dis que, dans les circonstances, il ne peut y avoir de débat, que le
chef de l'Opposition ne peut continuer le débat sur la motion et la
seule chose qu'il peut faire, c'est d'en appeler de votre décision
lorsque vous rendrez votre décision sur le point que la motion doit
être rejetée, après la déclaration du ministre de la
Justice. Le précédent vient d'être créé il y
a à peine quelques minutes.
M. JOHNSON: M. le Président, nous avons droit, comme
députés de cette Chambre, et ça s'applique même aux
députés de la droite... c'est en notre qualité de
représentants du peuple que nous avons le droit de faire des motions, de
poser des questions, et quand il s'agit de demander la production de documents,
M. le Président, nous avons le droit d'argumenter dans cette Chambre,
publiquement, au vu et au su de tous les médias d'information, que nous
avons des motifs sérieux d'intérêt général de
demander la production de tels documents. Il est vrai que le
règlement...
M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. JOHNSON: Je réponds au premier ministre. Il est vrai...
M. LEVESQUE (Bonaventure): Je peux soulever un point d'ordre?
M. JOHNSON: ... M. le Président, que le gouvernement a le droit
d'invoquer qu'il n'est
pas dans l'intérêt public que tel document soit produit.
C'est la défense que le gouvernement, qu'un ministre peut opposer
à une demande d'un député de cette Chambre. Mais je
soutiens que le député au nom de qui la motion est faite a le
droit d'exposer, et pendant tout le temps que lui permet le règlement,
soit une heure, les motifs, deuxièmement les faits qu'il connaît,
relativement à ce dossier. Et je soumets respectueusement que les autres
députés de cette Chambre ont tous le droit, dans les limites du
règlement, c'est-à-dire les limites de temps imposées par
le règlement, de parler sur la motion en question, tant et aussi
longtemps que le débat n'est pas épuisé ou tant et aussi
longtemps qu'on n'a pas posé la question au préalable.
M. LESAGE: Je pensais que vous étiez en campagne
électorale pour les élections du 24 avril.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre...
M. LESAGE: Cela ne vous donnera pas beaucoup de votes si c'est votre
campagne électorale.
M. JOHNSON: ... selon sa tactique habituelle, veut créer une
diversion parce que les propos que je tiens sont des propos qui ne sont pas de
nature à démontrer qu'il est un grand démocrate et qu'il
est bien respectueux du règlement de cette Chambre et des droits des
députés, les élus de chacun des comtés.
M. le Président, je soutiens donc que nous avons le droit de
parler sur cette motion. Nous avons le droit de poser des questions. Le
ministre se retranchera derrière cette couverture; c'est lui qui sera
juge de l'opportunité d'utiliser cette excuse que prévoit le
règlement, mais c'est le public qui jugera si le ministre a eu raison ou
non d'agir ainsi.
M. le Président, le premier ministre dit vous venez de
l'entendre que cette question a été jugée. Ce n'est
pas exact. La motion no 60 concernait un dossier dans la cause no 7043, Cour
Supérieure, district de Gaspé, cause intentée par le
procureur général contre un dénommé Maurice
Gagné, tandis que la motion 61, qui est actuellement en discussion,
concerne un dossier du ministère de la Justice dans une autre cause,
soit la cause no 7047, Cour Supérieure district de Gaspé, entre
les mêmes parties.
M. LESAGE: Cela ne change pas les règles de procédure.
M. JOHNSON: M. le Président, est-ce qu'il s'agit des mêmes
faits...
M. LESAGE: Cela n'a pas d'importance.
M. JOHNSON: Est-ce qu'il s'agit, M. le Président, exactement des
mêmes parties? Est-ce qu'il s'agit d'une reprise d'une action qui aurait
été mal prise? Est-ce qu'il s'agit d'un désistement dans
7043 et d'une reprise dans 7047? Et nous voyons par la motion suivante qu'il y
a aussi une autre cause portant le no 7215 à la cour Supérieure
du même district de Gaspé. M. le Président, le
député de Gaspé-Nord l'a dit tantôt, il croit qu'il
est dans l'intérêt public d'éclaircir une situation qui
date de 1961, d'une situation qui est à l'encontre de
l'intérêt général à la Madeleine, d'une
situation qui cause...
M. LESAGE: M. le Président, on est au fond de la question
à ce moment-ci.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Le chef de l'Opposition ne discute plus le point d'ordre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: J'ai invoqué le règlement, M. le
Président, et il m'a répondu assez longuement et lorsque l'on
s'adresse à vous avec toute la déférence que je vous dois
on doit être bref et au point en invoquant le règlement et s'en
tenir à la question de règlement. Or, le chef de l'Opposition est
rendu maintenant au fond de la question. J'attire votre attention.
M. JOHNSON: M. le Président, disons que j'étais...
M. LESAGE: Quand vous avez rendu une décision tout à
l'heure, nous nous sommes conformés de ce côté-ci de la
Chambre. Nous aurions pu faire comme le chef de l'Opposition et en appeler mais
nous, nous nous sommes conformés.
M. HARVEY: ... à Diefenbaker.
M. JOHNSON: M. le Président, j'admets que j'étais à
la frontière de la forme et du fond mais revenant à
l'intérieur de la frontière...
M. GERIN-LAJOIE: Pardon, il y avait ni forme et ni fond dans ce que vous
avez dit.
M. JOHNSON: M. le Président, il y avait un petit peu moins de
gâchis que dans le domaine qui
est administré par le ministre de l'Education. M. le
Président, qu'est-ce que le gouvernement a à cacher
là-dedans? Pourquoi le gouvernement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... se retranche-t-il derrière...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette... M. JOHNSON: ... cette
excuse trop facile? M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque de nouveau le
règlement. Le chef de l'Opposition va au fond de la question. Il
prétend que le gouvernement a quelque chose à cacher. Je ne sais
même pas de quoi il s'agit, mais il s'agit par exemple de respecter les
règlements de cette Chambre et puis de ne pas faire perdre le temps de
la Chambre comme le fait présentement le chef de l'Opposition sur des
niaiseries, absolument des niaiseries de bout de chemin qui ne veulent
absolument rien dire.
M. JOHNSON: Prenez les dossiers d'abord...
M. LESAGE: Et il s'imagine qu'il peut faire son petit Diefenbaker...
M. JOHNSON: ...prenez les informations.
M. LESAGE: ... ce n'est pas l'affaire Spencer.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Le nouveau Pearson!
M. LESAGE: La voix de son maître.
M. JOHNSON: Est-ce que nous aurions un nouveau Pearson dans cette
Chambre?
M. LESAGE: Essayez! Vous allez voir ce qui va vous arriver.
M. JOHNSON: Est-ce que nous avons un nouveau Pearson dans cette
Chambre?
M. LESAGE: M. le Président, il n'est pas question de M. Pearson
et celui qui vous parle ne laissera certainement pas celui qui est en face de
lui être la voix de son maître.
M. JOHNSON: M. le Président, à l'exemple de M. Pearson, le
premier ministre a brûlé deux ministres de la Justice jusqu'ici et
il est en train de brûler le troisième.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Je n'ai brûlé personne.
M. JOHNSON: Demandez ça au député d'Outremont et au
député de St-Maurice qui se sont fait brûler par le premier
ministre...
M. LESAGE: Le député d'Outremont est toujours
député d'Outremont et le député de St-Maurice,
malgré les...
M. JOHNSON: Cela m'a l'air que c'est la spécialité des
chefs libéraux de brûler leurs ministres de la Justice.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. PINARD: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... J'avertis le député de Verdun qu'il est
sur un siège extrêmement dangereux. Il peut se faire...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... « Pearsoné » du jour au lendemain, M.
le Président.
M. LE PRESIDENT: Je rappelle le député de Bagot à
l'ordre.
M. LESAGE: Mettez-le donc dehors!
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est prête à se
prononcer sur la motion? Est-ce que nous acceptons le premier vote?
M. JOHNSON: M. le Président, j'argumentais donc sur le point
d'ordre. Vous avez entendu le premier ministre demander; « Qu'onle mette
donc dehors ». M. le Président, mettez moi dehors et le peuple va
mettre les rouges dehors...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: ... dès que les élections sont
proclamées.
M. LESAGE: M. le Président, il n'a même pas besoin de notre
aide. Il est en train de se mettre dehors tout seul de la politique.
M. JOHNSON: Bien ça me donnera un repos. Je pourrais...
M. LESAGE: Malgré vous aux prochaines élections...
M. LAPORTE: Vous pourrez vous reposer.
M. JOHNSON: Je pourrais envisager peut-être des gens plus
civilisés...
M. LESAGE: C'est ça.
M. JOHNSON: ... plus agréables, des gens...
M. LESAGE: Et nous nous allons être bien
débarrassés.
M. JOHNSON: ... qui auraient un vocabulaire un peu moins vulgaire, qui
sauraient se comporter...
M. LESAGE: Je n'ai pas été vulgaire, M. le
Président.
M. JOHNSON: ... comme des gentilshommes en toutes circonstances, ce
serait peut-être un repos pour moi de n'avoir pas à envisager le
premier ministre. Je voudrais dire que...
M. LESAGE: Si vous ne voulez pas l'envisager, il n'y a qu'un moyen,
c'est de vous en aller fair votre tournée électorale.
M. JOHNSON: ... aujourd'hui se pose une question de principe. Le
député de Gaspé-Nord, en instance, demande la production
de documents, il fait son devoir, le gouvernement...
M. LESAGE: Vous parlez.
M. JOHNSON; ... se retranche derrière ce que lui permet le
règlement, c'est son affaire...
M. LESAGE: Bon, c'est tout.
M. JOHNSON: ... il a le droit de le faire, mais nous avons le droit,
nous, de parler sur cette motion, nous avons le droit d'argumenter, à
l'encontre...
M. PINARD: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai déjà rendu ma
décision sur ce point. Nous étions à la deuxième
motion; le ministre de la Justice ne répond pas. Il n'a pas auparavant
discuté le mérite de la question, il a tout simplement rap-
porté le fait qu'un jugement avait été rendu en 1965.
Alors, je mets au vote la deuxième motion.
M. LESAGE: C'est-à-dire qu'elle n'est pas recevable, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Ah oui! j'ai décidé qu'elle
n'était pas recevable. Est-ce que ma première décision sur
la motion 60 est maintenue pour la motion 61? C'est là qu'est la
question.
M. JOHNSON: Ce n'est pas le même problème, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: C'est là qu'est la question.
M. JOHNSON: Nous causons...
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.
Est-ce qu'on va commencer, maintenant que vous avez rendu une décision,
on va discuter votre décision?
M. LE PRESIDENT; J'ai rendu ma décision à l'effet que la
motion 60 n'était pas recevable, j'avais crû, à ce
moment-là, que ça s'appliquait aux trois motions. Alors, j'ai
admis l'argument du chef de l'Opposition de procéder
séparément pour chaque motion. Je maintiens ma première
décision, et si l'on demande le vote, nous allons procéder au
vote pour la motion 61.
M. JOHNSON: Même vote, M. le Président. M. LE PRESIDENT:
Motion 62.
M. JOHNSON: M. le Président, voulez-vous la lire?
DES VOIX: Même vote.
M. JOHNSON: Non, M. le Président, je vous demande d'observer le
règlement et de lire la motion et de donner la parole au
député de Gaspé.
M. LE PRESIDENT; « M. Gagnon propose qu'il soit
présenté à l'honorable lieutenant-gouverneur une adresse
le priant de faire déposer sur le bureau de cette Chambre une copie du
dossier du ministère de la Justice dans la cause numéro 7215,
cour Supérieure, district de Gaspé, le Procureur
général vs Maurice Gagné. »
M. GAGNON: M. le Président, si j'ai crû
utile de demander la production de ces dossiers, c'est à la
suite...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GAGNON: ... des intérêts publics qui étaient en
cause, soit l'intérêt public de la municipalité de
Madeleine. On m'avait assuré qu'il y avait des forces occultes
qui...
M. LESAGE: Pardon?
M. GAGNON: ... procédaient de façon à ce que la
justice ne soit pas faite.
M. LESAGE: C'est sub judice, M. le Président, tout de
même...
M. GAGNON: J'ai l'impression également que le ministre de la
Justice a pris connaissance du dossier. En prenant connaissance, s'il y va de
l'intérêt public, s'il y va de l'intérêt d'une
municipalité, s'il y va de la justice, je crois qu'il est tout
simplement normal que la production des dossiers soit faite en cette Chambre,
afin d'en connaître la teneur et de savoir que le ministère a
accompli son devoir et que les parties en cause en ont reçu pleine et
entière satisfaction. Et c'est pour cette raison que je dis au ministre
de la Justice qu'il est extrêmement important, afin que la lumière
soit faite dans l'esprit de celui qui parle, que les dos-sieurs soient
déposés.
M. WAGNER: M. le Président, tout en réitérant mon
respect pour les tribunaux, je dis, selon l'article 690, qu'il serait contraire
à l'intérêt public de déposer en Chambre les
documents demandés.
M. JOHNSON: Cachez-vous derrière ça.
M. WAGNER: Il n'y a personne qui se cache.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition vient
d'attribuer des motifs au ministre de la Justice, et je trouve l'accusation
extrêmement grave. Il vient de dire au ministre de la Justice; «
Cachez-vous derrière ça. » C'est absolument
antiparlementaire, il s'agit de causes sub judice. Le chef de l'Opposition sait
fort bien qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il vient de faire et qu'en se
faisant il manque du sens le plus élémentaire de la
responsabilité qu'il doit attacher au moins à sa fonction, le
respect de sa fonction, s'il n'a pas le respect de sa personne.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande donc au chef de l'Opposition de
retirer l'expression qu'il a employée à l'endroit du ministre de
la Justice. Et je rappelerais aussi, que selon l'article 680, toute question
susceptible de préjudicier à un procès pendant est
interdite.
Je demanderais au chef de l'Opposition de retirer cette expression.
M. JOHNSON: J'ai le droit de m'expliquer. On n'est pas encore sous une
dictature, même si on a un gouvernement qui essaie de l'imposer.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Je demanderais au chef de l'Opposition de
retirer cette deuxième expression qui a été bannie de
cette Chambre et ce depuis plusieurs années.
M. JOHNSON: Je le dirai en dehors, mais je le retire en dedans.
M. le Président, le ministre de la Justice pouvait se lever et
invoquer comme raison à la non production, au non agrément de
cette adresse, que les causes étant sub judice qu'il n'était pas
dans l'intérêt public de verser ici les dossiers. Ce n'est pas ce
qu'il a dit. Il a dit: J'invoque l'article 696 qui dit que le ministre a le
droit de refuser de répondre à une question...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le chef de l'Opposition soulève un
autre point d'ordre?
M. JOHNSON: Non, je m'explique.
M. LE PRESIDENT: Parce que j'ai demandé au chef de l'Opposition
de retirer l'expression qu'il avait employée à l'endroit du
ministre de la Justice à l'effet qu'il se cachait ou se dérobait
pour ne pas produire un dossier. Est-ce que le chef de l'Opposition retire
cette expression?
M. JOHNSON: Je voudrais m'expliquer. Le règlement me le
permet.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Est-ce que le chef de l'Opposition retire
cette expression?
M. JOHNSON: Je veux m'expliquer.
M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition pourra s'expliquer sur une
autre matière, mais l'expression est nettement antiparlementaire et je
lui demanderais de retirer cette expression: « Se cacher ou se
dérober en arrière de cette attitude pour ne pas produire des
documents. »
M. LALONDE: Une fois, deux fois, trois fois, dehors.
M. JOHNSON: Vous ne me refuserez pas le droit de m'expliquer,
j'espère, avant de m'exécuter ou de refuser de m'exécuter.
L'article 690 dit ceci et je le lis pour la compréhension de ceux qui
peuvent encore comprendre, malgré l'esprit qui les anime.
M. LAPORTE: J'invoque le règlement, il y a des limites. Vous
allez voir que les explications que vous lui avez interdites, il y a quelques
secondes, le chef de l'Opposition va les faire. Il va en profiter, avant de les
retirer, pour imputer la moitié de la Chambre.
M. DOZOIS: Il prête des motifs.
M. LAPORTE: Il n'a pas prêté de motif. Quelles que soient
les raisons que le chef de l'Opposition puisse invoquer, l'expression reste
antiparlementaire, c'est clair. Mais s'il veut s'expliquer sur les raisons qui
l'ont amené à enlever ça... Mais commencer en disant qu'on
ne vit pas encore dans une dictature et que ceux qui peuvent encore comprendre
en dépit de l'esprit de parti, il faudra au moins qu'il évite
ça. Ce n'est pas une façon de s'expliquer. Cela fait
déjà, si je peux faire appel à la bonne volonté du
chef de l'Opposition, une heure que la Chambre a commencé à
discuter sur trois motions.
M. LAFONTAINE: Accordez-nous un peu de liberté dans la province.
Le chef de l'Opposition représente quelque chose...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LAPORTE: Je dis simplement qu'il serait facile de régler ce
problème, si le chef de l'Opposition voulait retirer ses paroles et de
toute façon, il va les retirer, pour qu'on passe au travail que nous
avons à faire. Il y a des crédits à voter, il y a des lois
qui sont urgentes. Il me semble qu'avec un petit peu de bonne volonté...
Le chef de l'Opposition voulait faire valoir devant l'opinion publique son
opposition à la procédure que nous avons adoptée. C'est
fait, il a réussi, les journalistes l'on vu, ça va être
devant l'opinion publique. Pourquoi insister, maintenant, pour provoquer des
querelles inutiles et qu'on perde le temps de la Chambre?
M. LAFONTAINE: Vous êtes mieux de faire attention aux boulettes de
viande du ministre de la Chasse et de la Pêche. Les boulettes
Couturier.
M. JOHNSON: .. L'article 690 dit donc: « La Chambre peut,
sur une motion non annon- cée, demander par adresse au
lieutenant-gouverneur ou par ordre la communication de tous rapports ou
documents qui se réfèrent à quelque matière
d'intérêt public rentrant dans les attributions de la
législature ou du gouvernement, à moins que le gouvernement n'ai
déclaré que le rapport ou domunent est privé », (ce
qui n'est pas le cas) « ou confidentiel » (ce qui n'est pas le cas)
« ou qu'il est contraire à l'intérêt public de le
déposer... »
M. PINARD: Retirez vos paroles antiparlementaires d'abord.
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai dit que le gouvernement, le
ministre se cachait derrière cette excuse que lui donne le
règlement. Je soutiens, M. le Président, qu'il n'y a rien
d'antiparlementaire dans le fait de dire à un ministre qu'il invoque en
somme un prétexte prévu dans les règlements pour ne
pas...
DES VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. LESAGE: On n'a pas le droit de parler de prétexte.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Le chef de l'Opposition a
considérablement amoindri les termes qu'il avait utilisés en
disant que le ministre de la Justice s'était servi de l'article
mentionné pour ne pas répondre. Alors, si c'est simplement ce que
le chef de l'Opposition avait l'intention de dire, je ne crois pas que ce soit
antiparlementaire.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est ça que je voulais
dire.
M. LE PRESIDENT: Alors, même vote, troisième motion,
62.
M. LAPORTE: Soixante et quatorze, M. le Président.
M. PINARD: Empoisonnons les loups.
Bill no 18
M. LE PRESIDENT: M. Laporte propose la deuxième lecture du bill
18 intitulé: « Loi concernant la cité de Jacques Cartier
». Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. CADIEUX: Adoptée.
M. LAPORTE: M. le Président, informé de la teneur de cette
loi, il a plu à Son Excellence
le lieutenant-gouverneur d'en recommander l'étude à cette
Chambre. M. le Président, en 1951, cette Chambre votait une loi qui a
été sanctionnée le 14 février autorisant le
ministre des Finances de la province de Québec, qui à
l'époque s'appelait le Trésorier de laprovince, à
garantir, pour une période 40 ans, un emprunt obligataire de $5 millions
que la cité de Jacques-Cartier s'apprêtait à contracter
pour des travaux publics. Effectivement, des emprunts ont été
effectués en juin 1951, pour $2,750,000 le terme n'étant pas de
40 ans, mais de 15 ans, ce qui amenait une échéance le 1er
février 1966.
Il y avait un deuxième emprunt, en avril 1962, pour $2,250,000,
emprunt venant lui aussi à échéance le 1er février
1966. Pendant la durée de cet emprunt, il est évident que des
sommes d'argent ont pu être remboursées, tel que prévu dans
la loi, par la cité de Jacques-Cartier, si bien que la dette qui
était $5 millions est maintenant de $3,861,000. Il nous apparaît
que la cité de Jacques-Cartier ne saurait, bien que sa situation
financière se soit améliorée, emprunter cette somme de
$3,861,000 à des conditions raisonnables à moins que le
gouvernement n'accorde sa garantie. La loi a donc pour but d'autoriser le
ministre des Finances à garantir cet emprunt de $3,861,000, de le
garantir pour une période de vingt-cinq ans et d'autoriser la
cité de Jacques-Cartier à emprunter à un taux
d'intérêt maximum de 6%, au lieu de 4% comme le prévoyait
la loi de 1951. La raison fondamentale de la présentation de la loi,
c'est qu'en dépit du fait que la loi de 1951 ait prévu une
durée de quarante ans, étant donné que la province a
accordé sa garantie pour une période de quinze ans seulement, la
province s'est trouvée à épuiser son pouvoir de garantie,
en vertu de cette loi de 1951.
Même si nous voulions aujourd'hui, terminer le terme de quarante
ans, en garantissant pour un nouveau 25 ans, c'est impossible de le faire, en
vertu de la loi de 1951, et c'est pour cette raison que nous vous
présentons cette loi.
M. LE PRESIDENT: Motion de deuxième lecture adoptée?
Adoptée.
M. LE GREFFIER-ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: M. Laporte propose que je quitte maintenant le fauteuil
pour que la Chambre se forme en comité plénier. Cette motion
sera-t-elle adoptée? Adoptée.
M. BEDARD (président du comité plénier): Bill 18,
article 1. Article 1, adopté. Article 2.
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais juste poser une
question à l'honorable ministre sur la situation financière de la
ville de Jacques-Cartier, présentement. Dans quelle situation
financière est-elle vis-à-vis de ses obligations
contractées en 1951? Est-ce qu'elle a rencontré, jusqu'à
présent, tous ses paiements?
M. LAPORTE: Oui, elle a rencontré tous ses paiements, mais la
situation de Jacques-Cartier face à sa dette est la suivante:
l'évaluation imposable est de $117,500,000. Il y a une dette obligataire
de $33,518,316.66, ce qui fait 26.85% au 31 décembre 1965. Mais l'on
doit tenir compte du fait que l'emprunt qui est prévu au présent
projet de loi ne modifiera en rien la situation de la dette de Jacques-Cartier,
puisque nous remplaçons $3,800,000 de dettes par une dette de $3
millions. Nous rachetons les $3,800,000 pour les remplacer. D s'agit de
continuer. Ils ont emprunté $5 millions. Ils doivent $3,800,000, et puis
il faut aller sur le marché des obligations pour les payer. Ils ont un
emprunt temporaire actuellement à la banque. Alors, ça ne
changera pas la situation de Jacques-Cartier quant à sa dette, la
situation de fait.
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté. Article 2, adopté.
M. JOHNSON: Six pour cent, évidemment, on pourrait les
émettre à 98 ou 97 ou 96.
M. LAPORTE: On prévoit un taux net de 6 1/2%.
M. LESAGE: Cela veut dire 93... M. BELLEMARE: 92. M. LESAGE: 93.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 3, adopté. Article 4,
adopté. Article 5, adopté.
M. BEDARD (président du comité plénier): M. le
Président, le comité a adopté le bill numéro
18.
M. LeCHASSEUR (président): Troisième lecture.
M. JOHNSON: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. JOHNSON: Cela prend le consentement de la Chambre, M. le
Président...
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Troisième lecture.
M. JOHNSON: ... vous savez qu'en vertu du règlement, nous
pourrions attendre à une autre séance. Mais, selon la politique
que nous suivons depuis plusieurs années, de coopérer avec le
gouvernement pour l'expédition des affaires, nous sommes prêts, M.
le Président, malgré que le gouvernement soit loin d'être
aussi chic, nous sommes prêts à coopérer, à
faciliter la bonne marche des procédures...
M. LAPORTE: En dépit de l'heure, comme d'habitude, vous...
M. JOHNSON: ... et vous remarquerez, M. le Président, que si
j'avais le même caractère que le premier ministre je bouderais le
reste de la journée, parce qu'il a imposé strictement le
règlement et que je tiendrais à ce que...
M. LESAGE: Bien nous pourrions retirer la motion de troisième
lecture si vous voulez faire le fin!
M. LAPORTE: Vous avez au moins l'impression que c'est vous qui avez fait
perdre le temps de la Chambre tout à l'heure!
M. JOHNSON: M. le Président, il n'est pas question de ça.
Je ne veux pas agir en enfant. Il y a assez du premier ministre...
M. LESAGE: Non, non, mais c'est pour vous montrer jusqu'à quel
point vous êtes bébé là!
M. JOHNSON: Il y a assez du premier ministre, M. le Président,
qui agit en enfant malcommode, contrarié...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. JOHNSON: ... et qui...
M. LE PRESIDENT: Troisième lecture adoptée?
M. LESAGE: Prochaine séance, M. le Président.
M. JOHNSON: Adoptée, M. le Président. M. LE PRESIDENT:
Adoptée.
M. LE GREFFIER-ADJOINT: Troisième lecture de ce bill. Third
reading of this bill.
Comité des subsides
M. LE PRESIDENT: M. Lesage propose que je quitte maintenant le fauteuil
et que la Chambre se forme en comité des subsides. Cette motion
sera-t-elle adoptée? Adoptée.
M. LAPORTE: M. le Président, je propose que le comité des
crédits de la Voirie se réunisse immédiatement au
comité des bills privés de l'Assemblée
législative.
M. BEDARD (président du comité des subsides): Cette motion
sera-t-elle adoptée? Adoptée.
Affaires fédérales-provinciales?
M. LESAGE: Adoptée.
M. LE PRESIDENT: Tout le monde est d'accord? L'article 1 est-il
adopté?
M. LESAGE: Adopté.
M. JOHNSON: Non, non. J'attendais que le sous-ministre arrive. Le
premier ministre voudra sans doute donner à la province des explications
sur ses culbutes au sujet de la formule Fulton-Favreau. Je pense que le temps
est maintenant arrivé de connaître toute la vérité
sur cette affaire. Le premier ministre a assisté à une
conférence où il avait comme conseillers l'honorable
Paul-Gérin Lajoie, Me Louis-Philippe Pigeon, M. Claude Morin, le
sous-ministre des Affaires fédérales-provinciales, et M. Louis
Bernard, expert en droit constitutionnel attaché au ministère des
Affaires fédérales-provinciales. C'est la réponse que
donnait le premier ministre le 22 juin à la question du
député de Missisquoi qui était ainsi formulée:
« Je demanderais au premier ministre quels étaient les conseillers
juridiques ou les conseillers constitutionnels qui l'accompagnaient à la
conférence du mois d'octobre 1964? » Car on sait, que c'est lors
de cette conférence que le premier ministre de la province de
Québec s'est engagé envers les autres premiers ministres de faire
adopter par la Législature ou l'Assemblée législative de
la province de Québec la formule, dite de rapatriement, formule connue
sous le nom de Fulton-Favreau pour les raisons que l'on sait.
M. le Président, interrogé à la
télévision, même si je n'en ai pas la transcription, je
ne
suis pas organisé mécaniquement comme le premier
ministre...
M. LESAGE: Ah, ça ne coûte pas bien cher.
M. JOHNSON: ... interrogé à la télévision le
premier ministre a dit, j'espère le citer substantivement sinon mot
à mot, a dit en réponse à une question: « Oui,
j'avais posé une restriction. »
M. LESAGE: A mon interprétation!
M. JOHNSON: Mais la restriction à laquelle faisait allusion le
journaliste, c'est la restriction concernant le gel, disons, des pouvoirs et
notamment de la formation et de l'existence même du Conseil
législatif. On sait que...
M. LESAGE: Non, non, je n'ai jamais parlé du Conseil
législatif à la conférence du 14 octobre, non.
M. JOHNSON: ... le premier ministre dans le discours du Trône,
prononcé à l'ouverture de la session de 1965...
M. LESAGE: C'est le lieutenant-gouverneur.
M. JOHNSON: ... a fait dire au lieutenant-gouverneur qu'il fallait
d'abord que soit amendée la constitution relativement aux pouvoirs du
Conseil législatif afin qu'une formule de rapatriement n'ait pas comme
conséquence de geler en quelque sorte, les pouvoirs de ce Conseil et de
les rendre intangibles selon l'expression même qui était
utilisée.
M. LESAGE: Oui, c'est bien, puis?
M. JOHNSON: Je cite, M. le Président...
M. LESAGE: C'est exactement ça, c'est substantivement ce que
vient de dire le chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: Je vous cite, M. le Président, le mot à mot
contenu dans le discours du Trône, prononcé le 21 janvier 1965:
« Pour éviter que ce rapatriement de la constitution rende
intangible les pouvoirs du Conseil législatif sur les projets de loi
votés par l'Assemblée législative, vous serez aussi
invités à restreindre ces pouvoirs. » C'est un paragraphe
qui suit, celui que je vais maintenant vous citer: « Les deux
conférences des procureurs généraux qui ont eu lieu
l'automne dernier ont permis de mettre au point une formule pour le
rapatriement de la constitution du Canada. Cette formule a été
unanimement acceptée par la conférence des premiers ministres, et
le gouvernement demandera à l'Assemblée législative
d'adopter une résolution ratifiant cet accord. » M. le
Président, une formule de rapatriement a donc été
unanimement acceptée par la conférence des premiers ministres.
Nous savons, par ailleurs, que le premier ministre de la province de
Québec assistait à cette conférence et nous sommes donc
justifiés de croire que le premier ministre a donné son
assentiment à la formule, cette même formule qui a
été placée au feuilleton le 22 janvier et qui y est
restée jusqu'à la fin de la session, pour y mourir, selon les
prescriptions du règlement de l'Assemblée législative.
M. le Président, je voudrais poser des questions très
simples au premier ministre qui se doit j'espère que c'est
là sa notion de son devoir de donner des réponses claires.
A-t-il, oui ou non, posé des restrictions à l'acceptation de
cette formule lorsqu'il a donné son consentement en même temps que
tous les autres premiers ministres du Canada?
M. LESAGE: M. le Président, je réfère le chef de
l'Opposition, à ma lettre au premier ministre du Canada, datée du
20 janvier 1966, lettre qui a été déposée en cette
Chambre.
M. JOHNSON: M. le Président, dans le discours du Trône, il
n'est pas question de la lettre, d'abord c'est impossible, deuxièmement,
la lettre du 20 janvier n'explique pas si, oui ou non, il y avait des
restrictions dans le consentement qu'a donné le premier ministre lors de
cette conférence du mois d'octobre 1964.
M. LESAGE: Ma lettre du 20 janvier est complète...
M. JOHNSON: Ce n'est pas une réponse, M. le Président.
Voici un document public qui établit clairement que tous les premiers
ministres du Canada ont donné leur consentement à une formule de
rapatriement, formule que nous connaissons sous le nom de formule
Fulton-Favreau, formule dont le texte a été sur le feuilleton de
l'Assemblée législative pendant toute la dernière
session.
Le premier ministre, en répondant à un journaliste lors
d'une émission télévisée, a laissé entendre
qu'il aurait fait une restriction, c'est peut-être une restriction
mentale, remarquez bien, une restriction non formulée, au moment
où il a donné son consentement. Vous comprendrez, M. le
Président, que c'est sou-
verainement important d'établir ce fait, parce que de deux choses
l'une, ou le premier ministre a donné un consentement sans aucune
restriction, ou il a donné un consentement avec restrictions. S'il a
donné un consentement avec restrictions, ces restrictions étaient
formulées ou elles ne l'étaient pas; si elles étaient
formulées, je demande au premier ministre quelle était la
formulation de cette restriction vis-à-vis les premiers ministres du
Canada.
M. LESAGE: Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai
écrit, à la correspondance échangée avec le premier
ministre du Canada.
M. JOHNSON: M. le Président, vous comprendrez que je
déduise des réponses du premier ministre qu'il n'a pas
formulé de restriction au moment où il a donné son
consentement. Quelle autre conclusion, d'ailleurs, pourrais-je tirer à
la lumière de ce que vient de dire le premier ministre et à la
lumière des faits que la population connaît et que je rappellerai?
Le premier ministre a donné le consentement au nom de la province de
Québec, sans formuler aucune restriction. De deux choses l'une: ou le
premier ministre savait que cette formule nous encarcannait, bloquait la voie
à l'évolution constitutionnelle ou il ne le savait pas. M. le
Président; s'il ne le savait pas, ce serait déjà grave ;
il était accompagné d'un ministre, l'honorable ministre de
l'Education qui a la réputation d'être un expert en droit
constitutionnel et qui a d'ailleurs écrit une thèse, lors de son
séjour à Oxford, précisément sur les amendements
à la constitution. Le premier ministre était également
accompagné d'hommes aussi brillants et aussi bien ferrés en la
matière que son sous-ministre et le conseiller juridique du
ministère.
M. le Président, ce serait grave d'avoir un premier ministre,
avocat, député à Ottawa pendant des années, adjoint
parlementaire et ensuite ministre, et premier ministre de sa province, qui
n'aurait pas saisi les implications que comportait l'acceptation de cette
formule. S'il le savait, s'il connaissait la portée de cette formule
d'amendement, nous avons deux reproches à faire au premier ministre:
d'abord d'avoir induit en erreur les premiers ministres des autres provinces et
le premier ministre du Canada, et deuxièmement, d'avoir tenté, ce
qui est encore plus grave, d'avoir tenté de bloquer l'évolution
constitutionnelle de la province de Québec.
C'est grave que le premier ministre d'une province, ayant donné
sa parole, décide ensuite de ne pas la respecter. Ah! je sais que
certains publicistes ont dit qu'on devrait féliciter le premier ministre
d'avoir changé d'attitude.
M. LESAGE: Les raisons sont contenues dans ma lettre du 20
janvier...
M. JOHNSON: M. le Président, je sais...
M. LESAGE: ... au premier ministre du Canada, si le chef de l'Opposition
veut bien la relire, la copie de cette lettre qu'il a en main, il sera moins
injuste dans ses commentaires.
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai lu attentivement la lettre du
20 janvier...
M. LESAGE: Vous allez trouver des réponses à toutes vos
questions, et les réponses sont excellentes et expliquent tout pour un
esprit qui veut comprendre.
M. JOHNSON: M. le Président, au moment où le premier
ministre a pris une décision, au mois d'octobre 1964, au moment
où il s'est engagé solennellement envers les premiers ministres
des autres provinces...
M. LESAGE: Non, non, j'ai ma lettre du 20 janvier.,,.
M. JOHNSON: ... sa lettre du 20 janvier n'était pas
écrite.
M. LESAGE: Non, non, mais ma lettre du 20 janvier explique tout, le chef
de l'Opposition n'a qu'à la lire et à la méditer.
M. JOHNSON: Le débat public n'avait pas eu lieu, M. le
Président.
M. LESAGE: ... il n'a qu'à la méditer.
M. JOHNSON: Le débat public n'avait pas eu lieu. J'essaie
d'étudier, d'analyser la situation chronologiquement.
M. LESAGE: Etudiez là dedans. Où est-ce que cela vous
amène?
M. JOHNSON: Le premier ministre, au mois d'octobre, savait ou ne savait
pas que cette formule était mauvaise. S'il ne le savait pas, c'est
grave; s'il le savait, il s'ent engagé envers les premiers ministres des
autres provinces à la faire accepter, je dis que c'est encore plus
grave.
M. LESAGE: Lisez ma lettre...
M. JOHNSON: Car à ce moment-là...
M. LESAGE: ... du 20 janvier.
M. JOHNSON: ... lui, le premier ministre, chef de l'Etat du
Québec...
M. LESAGE: Bien qu'il la lise!
M. JOHNSON: ... donnant sa parole non seulement au nom de la province,
mais également en quelque sorte au nom de la nation
canadienne-française, posait là un geste extrêmement grave
de conséquences. Et si, à ce moment-là, il avait
l'intention de retraiter, je dis qu'il mérite la censure de cette
Chambre parce qu'il a donné sa parole vis-à-vis d'autres
gouvernements, un gouvernement à un autre palier et le fait d'y avoir
manqué subséquemment peut contribuer à faire perdre le
prestige de toute la province de Québec et dans une certaine mesure, de
la nation canadienne-française.
M. le Président, peut-on s'imaginer pour un moment que le premier
ministre, avocat comme je l'ai dit tantôt, accompagné d'un
expert...
M. LESAGE: La motion de censure, vous vous êtes bien gardé
de la proposer parce que vous étiez sûr qu'il y avait de vos
députés qui voteraient contre vous, par exemple.
M. JOHNSON: Voyons donc.
M. LESAGE: Voyons, vous saviez fort bien que le député de
Missisquoi aurait voté contre vous.
M. JOHNSON: Pourquoi donc?
M. LESAGE: C'est pour ça que vous n'avez pas
présenté la motion de censure sur la motion pour aller en subside
tantôt. Je vous attendais.
M. JOHNSON: Quelle motion de censure?
M. LESAGE: C'est vous qui venez de parler que le premier ministre doit
être censuré, alors le chef de l'Opposition a
négligé deproposer une motion de censure, je sais pourquoi, parce
que le député de Missisquoi aurait voté contre lui.
M. JOHNSON: Bon, regardez moi ça, M. le Président, si
c'est fin cet enfant-là.
M. LESAGE: Ah oui, bien plus fin que vous pensez.
M. JOHNSON: C'est-y fin à cet âge-là.
M. LESAGE: Je sens dans votre jeu, moi. Je sais ce qui se passe dans
votre parti.
M. JOHNSON: M. le Président, il n'est pas rien que beau, il est
fin cet enfant-là.
M. LESAGE: Je sais ce qui se passe dans votre parti, moi.
M. JOHNSON: Sa maman doit être fière, concours de
beauté, concours de finesse, gagnés tous les deux.
M. LESAGE: Non, ne vous occupez pas des concours de beauté, mais
moi je vous sens d'ici, par exemple.
M. JOHNSON: M. le Président, je vais dire comme l'histoire que le
premier ministre connaît bien: qu'il fasse comme moi, qu'il s'habitue. Je
suis obligé de vivre avec la senteur des rouges, à partir des
scandales de Lucien Rivard et des faillites de tout ce que vous voulez.
M. LESAGE: Bon! Le voilà parti en orbite.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre vient de
m'imputer des motifs, vient de dire...
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: ... que je n'ai pasprésenté de motion de
censure...
M. LESAGE: Ce n'est pas moi qui ai parlé de motion de censure,
c'est le chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: D'abord est-ce que j'avais l'intention d'en présenter
une sur ce sujet?
M. LESAGE: C'est le chef de l'Opposition qui a dit: il faut que le
premier ministre soit censuré.
M. JOHNSON: Ah oui.
M. LESAGE: Bien le moyen de censurer...
M. JOHNSON: Il y a des manières de censurer le premier ministre.
Il y a la manière la plus radicale, c'est celle de l'électorat et
en temps et lieu on y verra.
M. LESAGE: Ah mon Dieu, c'est, « it is a dead duck, you know it.
»
M. JOHNSON: M. le Président, la formule Fulton-Favreau est un
« dead duck », c'est le premier ministre qui dit ça.
M. LESAGE: Certainement, lisez ma lettre au premier ministre du Canada
datée du 17 février 1966.
M. BELLEMARE: L'article 242.
M. JOHNSON: Nous sommes d'accord, c'est une formule qu'on peut appeler
aujourd'hui « dead duck ».
M. BELLEMARE: Il y a toujours des limites.
M. JOHNSON: ... mais je dis que le premier ministre a eu tort de mettre
au monde ce « duck », le premier ministre a eu tort de donner le
consentement de la province, de s'engager à avoir le consentement de
l'Assemblée législative, de s'engager envers lespremiers
ministres du reste du Canada et le premier ministre fédéral, car
s'il le savait à ce moment-là qu'il devait se retirer, si
à ce moment-là il savait ou soupçonnait qu'il ne pourrait
pas la faire pas- ser, s'il avait à ce moment-là le moindre doute
sur la valeur de la formule et qu'il ait quand même donné son
consentement, je dis que c'est de la duperie vis-à-vis des autres
provinces et vis-à-vis le gouvernement fédéral.
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LESAGE: Le chef de l'Opposition n'apas le droit premièrement
de m'accuser de duperie et, de plus, je crois qu'il serait important dans ce
contexte de ce point de règlement que je soulève qu'il lise cette
lettre du 20 janvier, qu'il voit l'explication qui y est donnée sur
l'interprétation qui a été donnée à la
formule, mais je crois qu'il n'a pas le droit d'accuser le premier ministre de
duperie. C'est un mot antiparlementaire...
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: Et avant d'accuser de duperie, qu'il lise donc les
explications contenues dans la lettre du 20 janvier quant à
l'interprétation donnée à la formule.
Il l'a sa réponse, là. Ce n'est pas difficile.
M. JOHNSON: J'ai posé la question hypothétiquement.
M. LESAGE: Vous avez parlé de duperie, je voudrais bien que ce
soit retiré, alors.
M. JOHNSON: Oui, j'ai employé le mot « duperie »,
mais j'ai dit: Si le premier ministre à ce moment-là savait qu'il
devait retirer ultérieurement le consentement qu'il donnait, ce serait
de la duperie.
M. LESAGE: Non, mais l'explication est dans la lettre du 20
janvier...
M. BELLEMARE: Ayez donc la patience d'écouter.
M. LESAGE: Il me pose des questions et je lui réponds.
M. BELLEMARE: L'article 242, c'est fait pour le premier ministre.
M. LESAGE: Et 243 aussi.
M. BELLEMARE: Ecoutez donc unpeu. Cela fait mal, mais endurez un
peu.
M. JOHNSON: On sait cequ'afaitle premier ministre par la suite. Il ne
peut pas soutenir aujourd'hui qu'il a été pris par surprise, que
c'est un moment de distraction ou d'oubli comme faisait un de ses
prédécesseurs. Mais le premier ministre a eu le temps de
réfléchir. Le premier ministre a reçu un livre blanc
d'Ottawa, livre qu'il a fait étudier, qu'il a approuvé. Le
premier ministre a écrit subséquemment au premier ministre du
Canada avant le 20 janvier 1966. Il avait écrit au premier ministre, M.
Pearson, au mois de décembre 1964.
Il avait écrit, le 13 novembre 1964, à M. Pearson et il
vaut la peine que je vous lise cette lettre:
Cabinet du premier ministre Province deQuébec le 13
novembre 1964.
Le très honorable Leaster B. Pearson, C.P., Premier ministre du
Canada, Hôtel du Gouvernement, Ottawa.
Mon cher premier ministre, « Après quelques semaines
d'absence, je prends connaissance de votre lettre du 3 novembre et du projet de
loi prévoyant la modification au Canada de la constitution du Canada.
« Je suis très heureux d'apprendre que le bureau du haut
commissaire britannique vous a avisé que l'on ne voyait aucune objection
à
l'article 14 concernant la version française. « L'addition
apportée au préambule pour indiquer que le Canada a
demandé l'établissement d'une telle loi et y a consenti, en plus
du fait que les deux Chambres du parlement canadien ont soumis des adresses, me
semble également tout à fait désirable. En effet, elle est
en harmonie avec l'attitude traditionnelle du Québec, suivant laquelle
une modification essentielle de la constitution canadienne exige l'assentiment
des provinces et non seulement celui des deux Chambres du parlement
fédéral. « J'ai pris note des corrections mineures qui ont
été apportées au texte et selon votre demande, je vous
informe que le gouvernement du Québec ça c'est le premier
ministre et tout son cabinet reconnaît que le texte
réflète exactement la décision prise le 14 octobre 1964
par la conférence des premiers ministres sur la recommandation de la
conférence des procureurs généraux. »
M. LESAGE: C'est ça, aussi. C'est bien ça.
M. JOHNSON: « Comme notre Législature ne siégera
qu'en janvier, ce n'est qu'à ce moment qu'il me sera possible de
proposer à l'Assemblée législative une résolution
aux fins d'accorder l'assentiment de la province. « J'ai confiance qu'une
décision favorable sera prise dès le début de la nouvelle
année, de sorte que j'espère que vous serez en mesure de
transmettre les adresses à Sa Majesté à l'époque
prévue. « Veuillez agréer, mon cher premier mimistre,
l'expression de mes meilleurs sentiments.
Jean Lesage
M. JOHNSON: M. le Président, c'était une réponse
à une lettre de M. Pearson en date du 3 novembre, dans laquelle M.
Pearson demandait, dans son dernier paragraphe, ce qui suit: « De notre
côté, nous procéderons à la préparation d'une
résolution soumettant le projet de loi au parlement dès que nous
aurons reçu la confirmation de toutes les provinces concernant
l'authenticité du texte ainsi que leur assentiment relativement à
la substance de la loi proposée.
Nous espérons qu'un tel assentiment aura été acquis
vers le début de l'année nouvelle. Les adresses à la Reine
seront transmises à Londres dès que le Parlement aura
donné son approbation de sorte que l'on pourrait raisonnablement
s'attendre que la législation requise pourrait être adoptée
par le gouvernement britannique au cours du printemps. « Veuillez
agréer M. le premier ministre l'assurance de ma haute
considération. »
Donc, le 3 novembre 1964, M. Pearson formulait l'espoir que le
rapatriement serait chose faite, que la loi serait votée au Parlement
britannique au cours du printemps 1965. Et le premier ministre de la province
de Québec après avoir dit que son gouvernement,
c'est-à-dire lui et ses ministres, son cabinet en entier reconnaissait
que le texte reflète exactement la décision prise le 14 octobre
à la conférence des premiers ministres et le premier ministre
exprimait l'espoir que dès le début de la nouvelle année,
soit l'année 1965, l'Assemblée législative aurait
donné son assentiment à cette formule de rapatriement.
M. le Président, nous sommes donc au mois de novembre. Au mois de
janvier je vous ai cité tantôt le texte du discours du
Trône qui on le sait est préparé par le premier ministre.
Le premier ministre, quand l'opinion publique a commencé à
s'agiter sur ce problème, a réuni la Fédération
libérale. Je crois que c'était au mois de mai 1965. Et au sortir
d'une séance qui a duré trois heures et je vois encore les
photos aux nouvelles le premier ministre déclarait: « A
l'unanimité, j'ai eu l'appui de la Fédération
libérale qui voit comme moi dans cette formule, un point de
départ d'un statut particulier pour la province de Québec.
» C'était au mois de mai 1965. Un peu plus tard, le premier
ministre a tenu un caucus, dis-je, avec la Jeunesse libérale.
Apparemment, ç'a été moins enthousiaste là. Les
jeunes qui étaient entrés là avec la détermination
de s'opposer à cette formule quelques-uns des officiers de la
Fédération des jeunes l'avaient déclaré en
sont sortis en moutons, en garçons obéissants et on a compris
dans l'opinion publique que même les jeunes libéraux avaient
acheté cette formule.
On est rendu, M. le Président, je pense au mois de juin. A ce
moment-là, le premier ministre dépêche deux de ses
vendeurs, le ministre actuel de la Famille et du Bien-Etre social, le
député de Laurier, qui était dans le temps ministre des
Richesses naturelles, et le ministre des Affaires municipales, le
député de Chambly qui tous deux sont allés à
l'invitation des étudiants de l'université de Montréal,
devant un auditoire composé d'étudiants en très grande
partie du moins, et ils sont allés essayer de vendre cette formule. Les
étudiants ou les auditeurs qui ne sont pas étudiants, je n'ai pas
de détails, ont accordé au ministre des Richesses naturelles et
au ministre des Affaires municipales un accueil sel et poivre, un petit peu
vi-
naigré même, et les joureaux rapportaient je n'y
étais pas que ces ministres avaient été
chahutés par l'auditoire. M. le Président, nous sommes
pratiquement au mois de juin 1965. Le premier ministre s'obstine encore. Le
premier ministre prétend à ce moment-là que c'est
excellent, que c'est une bonne formule, le premier ministre, I ce
moment-là, se fait le propagandiste de cette formule de rapatriement, il
embrigade tout son gouvernement en vertu du principe de la solidarité
ministérielle ou ce qui en reste chez les libéraux, la seule
inclusion de cette motion au feuilleton de la Chambre le 22 janvier 1965
constituait un endossement solidaire de tout le cabinet envers cette
formule.
Aucun des ministres n'a démissionné. Au contraire,
à la demande du premier ministre, ils ont tenté d'aller vendre la
substance de cette formule à des auditoires comme celui de
l'université de Montréal. Et tout à coup, M. le
Président, le premier ministre retire son consentement. Oh, je devrais
vous dire que dans l'intervalle M. Pigeon a étudié la formule. Et
le premier ministre écrivait, le 19 janvier 1965, au très
honorable Lester B. Pearson la lettre qui suit. « De retour au bureau,
j'ai pris connaissance de votre lettre du 5 janvier avec laquelle vous m'avez
transmis deux exemplaires du livre blanc intitulé: « The
amendement of the Constitution of Canada. » Je me suis empressé
d'en discuter avec mon conseiller juridique, Me Louis-Philippe Pigeon, qui m'a
adressé le rapport dont vous trouverez sous pli une photocopie.
Veuillez agréer, mon cher premier ministre, l'expression de mes
meilleurs sentiments. »
Que disait le rapport de M. Pigeon? Bien des choses. Je vais vous faire
grâce de la lecture de tout ce mémoire, mais je dois en donner au
moins un extrait, peut-être deux. Ce mémoire est
rédigé sur de la papeterie qui provient du bureau de Germain,
Pigeon, Thibodeau et Le-sage, avocats.
Le 18 janvier 1965.
M. Jean Lesage, premier ministre,
Hôtel du gouvernement,
Québec.
Cher monsieur Lesage, « Selon votre demande, j'ai examiné
le livre blanc intitulé: « The amendment of the Constitution of
Canada » que le premier ministre du Canada vous a transmis avec sa lettre
du 5 janvier. « Je dois vous dire que ce projet m'apparaît
très objectif et les observations que je dois faire portent uniquement
sur des petits détails de rédaction. « A la première
page de l'introduction, au début de la quatrième phrase, le mot
« omission » me semblerait plus exact que « oversight
». En effet, M. Gérin-Lajoie cite dans son ouvrage, à la
page 34, la phrase suivante prononcée par D'Arcy McGee au cours des
débats sur la Confédération. « We hope that having
that charter that can be only amended by the authority that made it, that we
will lay the basis of permanency for our future government. »
M. JOHNSON: M. le Président, ce qui est plus grave, c'est que M.
Pigeon a contribué à resserrer le texte, à le clarifier de
façon à rapatrier au Canada non seulement le texte écrit
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, mais également les
conventions et coutumes qui, dans l'optique des juristes et des
consti-tutionnalistes, particulièrement anglais, en font partie
intégrante. Et je cite le paragraphe suivant de la lettre de M. Pigeon.
« A la fin du premier alinéa de la page 1, il me semble que l'on
devrait dire: « They may include both written and unwritten laws as well
as conventions » car on est, je pense, unanime à reconnaître
que notre constitution renferme encore certains principes de droit
non-écrit. Voyez, par exemple, Dicey, « Law of Constitution
» huitième édition, page 23.
Pour la bonne compréhension de cette affirmation de M. Pigeon, M.
le Président, je pense qu'il faut référer au livre blanc
publié par Ottawa. Dans la rédaction définitive dont nous
avons reçu une copie, on constate que les remarques de M. Pigeon ont
été non seulement prises en considération, mais ont
réellement été acceptées, agréées par
les conseillers juridiques du gouvernement fédéral, puisqu'on
peut lire maintenant dans le livre blanc au chapitre 1, premier paragraphe, la
phrase qui suit: « Une constitution est l'ensemble des principes
fondamentaux, des lois, et des usages en vertu desquels un pays est
gouverné. Ceux-ci peuvent être explicitement exprimés,
comme aux Etat-Unis, où le mot « constitution » se rapporte
à un texte particulier, ou encore comprendre à la fois des lois
écrites et non écrites ainsi que divers usages comme au
Royaume-Uni ».
C'est M. Pigeon qui, le 18 janvier disait: « Il faudrait noter
spécialement que le rapatriement de la constitution, cela veut dire non
seulement le rapatriement des textes de 1867 et autres qui ont suivi, mais
également des
lois non écrites des conventions et coutumes qui servent de
constitution en Angleterre ». C'est donc dire que la formule
Futon-Favreau tendait non seulement à rapatrier ici l'Acte de 1867, mais
tendait également à rapatrier ici des us et coutumes, des
conventions constitutionnelles qui sont la base du droit en
Grande-Bretagne.
On importait donc, non seulement notre constitution mais tout un plan
d'institutions juridiques britanniques. Et c'est ça que le premier
ministre de la province de Québec, le premier ministre de l'Etat du
Québec, comme il aime à le dire, consentait à rapatrier,
puisque, le 19 janvier, il transmettait le mémoire de M. Pigeon sans y
apporter aucune restriction, ni mentale, ni écrite, ni de quelque nature
que ce soit.
Allez-vous me blâmer de me faire ici l'écho de la
population?
M. LESAGE: De quoi?
M. JOHNSON: De la population en général, de la
majorité de la population.
M. LESAGE: Ah diable! vous n'aviez pas ce mandat-là.
M. JOHNSON: De la majorité de la population.
M. LESAGE: Vous n'avez pas le mandat.
M. JOHNSON: C'est toute la province, ce n'est pas rien que l'Opposition
qui s'est objectée au rapatriement de la constitution selon la formule
Fulton-Favreau.
M. LESAGE: Ah! vous êtes sur le « dead duck » encore.
Je pensais que vous parliez de choses du présent. Excusez-moi, vous
êtes tellement habitué à vivre dans le passé, vous.
Les événements passés, vous vous y complaisez, vous
êtes comme un poisson dans l'eau là-dedans. Parlez donc des faits
actuels.
M. JOHNSON: C'est ça, oubliez donc mes gaffes. Oubliez
donc...
M. LESAGE: Non, non, je n'ai pas fait de gaffe.
M. JOHNSON: Oublions donc les gaffes du premier ministre. Oubliez donc
les reniements, oubliez donc les complots pour nous enfermer dans une formule
constitutionnelle qui allait bloquer l'évolution de la province de
Québec.
M. LESAGE: Le mot complot est antiparlementaire.
M. JOHNSON: Le premier ministre aimerait ça...
M. LESAGE: Que le chef de l'Opposition se crève tout seul, il
peut revenir au présent puis sur un ton calme.
M. JOHNSON: Allez-vous me blâmer de me faire ici l'écho de
la population et de dire que, dans mon opinion, le premier ministre savait ce
qu'il faisait au mois d'octobre 1964? Le premier ministre savait la
portée de cette formule. Oh! il va argumenter tantôt en partant de
sa lettre du 20 janvier, qu'à la suite de cette conférence,
diverses interprétations sont nées selon les milieux; mais
même en prenant l'interprétation la plus libérale,
même en prenant l'interprétation qui constituait un carcan moindre
pour la province de Québec, je dis que la formule Fulton-Favreau, de
toute façon, était un cadenas qui fermait la porte à
l'évolution constitutionnelle de la province de Québec. Le
premier ministre de la province se doit d'expliquer à la population de
l'Etat du Québec, comme il doit expliquer à la population de tout
le Canada pourquoi il a changé d'opinion?
Pourquoi il a donné son consentement s'il avait l'intention de le
retirer plus tard? Il doit expliquer, peut-être à d'autres pays,
où les gens ont suivi la lutte constitutionnelle qui s'est
déroulée ici, son revirement d'attitude. Quant à moi, je
suis heureux que cette formule soit sur le point de mourir ou qu'elle soit
morte, même si elle n'est pas enterrée définitivement. Je
suis heureux! C'est ce que j'ai demandé au premier ministre, ici dans
cette Chambre, dans la mesure où je pouvais me faufiler entre des
articles du règlement qui m'empêchaient de toucher à un
sujet qui était déjà sur le feuilleton, et dans de
nombreuses interventions hors de cette Chambre. J'avais, au mois de mars 1965,
demandé publiquement au premier ministre, lors d'une occasion qui a
reçu beaucoup de publicité, de reculer en disant qu'il
était préférable que le premier ministre de la province
perde la face plutôt que de risquer de bloquer l'évolution
constitutionnelle de la province de Québec.
M. le Président, j'ai ma théorie, moi, c'est que si le
premier ministre avait pu passer cette formule, il l'aurait fait: il aurait
accompli un rêve et une ambition que son chef avait formulés un
jour, son ancien chef, le premier ministre du Canada, Québec une
province comme les autres, leitmotiv de toute la politique libérale
à Ottawa pendant que le député de Montmagny-
l'Islet y siégeait, notre premier ministre d'aujourd'hui.
Québec, province comme les autres, phrase-clé, phrase
thème, leitmotiv de toute une politique que le premier ministre que j'ai
devant moi a contribué à instaurer et a contribué à
vendre à la popu;ation, d'une politique qui aujourd'hui s'avère
clairement comme ayant été au détriment de la population
de la province de Québec, si on se fie par exemple au jugement qu'a
donné récemment le ministre de la Famille et du Bien-Etre
social.
M. le Président, Québec, province comme les autres, c'est
la mission que le député de Montmagny-l'Islet est venue accomplir
dans Québec, c'est lui qui est venu au provincial, les
événements l'on favorisé, il a pris la tête du
gouvernement, et rendu là il s'est mis à nous aligner sur Ottawa
et sur les autres provinces. Il s'est mis à nous décalquer les
lois d'Ottawa dans les statuts de la province de Québec, il s'est mis
dans la tête, et il a donné suite à ses projets, de nous
rendre juridiquement et dans nos institutions, parfaitement semblables aux gens
des autres provinces, et parfaitement semblables aux gouvernements des autres
provinces.
M. le Président, j'avais en 1960, lors de ma campagne
électorale, souvent dit que le rôle du premier ministre, du chef
du parti libéral et son ambition, c'était de se faire
élire, évidemment, mais que c'était surtout de rendre
Québec semblable aux autres provinces selon le leitmotiv du parti
libéral fédéral, afin qu'un jour, retournant à
Ottawa, le député de Québec-Ouest, premier ministre actuel
de la province de Québec, n'ait pas de difficulté avec la
province de Québec, et ça approche, M. le Président.
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: Cela approche, avec les branlements de M. Pearson, les
observateurs prévoient déjà que le premier ministre de la
province de Québec va s'en aller à Ottawa.
M. BELLEMARE: Il en a été question ce matin.
M. LESAGE: Oui, étiez-vous là?
M. BELLEMARE: Non, mais on me l'a dit.
M. LESAGE: Alors, vous savez ce qui se passe dans les caucus du parti
libéral à Ottawa?
M. BELLEMARE: En sortant à midi, j'ai eu un
téléphone.
M. LESAGE: Il est mieux renseigné que moi, c'est vous qui
êtes de l'avance, là.
M. BELLEMARE: J'ai eu un téléphone ce midi de quelqu'un
qui est sorti, puis qui a dit: il a été grandement question de
Jean Lesage.
M. LESAGE: Ah!
M. BELLEMARE: Il m'a dit ça.
M. LESAGE: C'est un grand compliment. Cela me surprend qu'il n'ait pas
été question de vous.
M. BELLEMARE: Non, non, je ne suis pas de cette couleur-là,
moi.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: C'est vous qui le savez.
M. JOHNSON: Le premier ministre prétend être au courant
même de ce qui se passe entre un collègue, un collaborateur et
moi.
M. LESAGE: Entre M. Diefenbaker et vous?
M. JOHNSON: Non, non, entre mes collègues...
M. LESAGE: Oui, on le sait. Vous prenez des leçons du soir.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre de la province
de Québec, et j'y reviens sans passion doit aujourd'hui...
M. LESAGE: La passion n'a rien donné tantôt.
M. JOHNSON: ... dire à la province, doit dire aujourd'hui
à la face de toute la province si oui ou non il savait ce qu'il faisait
au moment où il a donné le consentement de son gouvernement, de
dire à la province si oui ou non il savait ce qu*il écrivait
quand il a écrit cette lettre du mois de novembre 1964, s'il savait ce
qu'il faisait et disait lorsqu'il a réuni, lorsqu'il a mis cette phrase
dans le discours du Trône et lorsqu'il a placé au feuilleton la
formule Fulton-Favreau. Le premier ministre doit dire à la province s'il
savait ce qu'il disait et ce qu'il faisait lorsqu'il a réuni la
Fédération libérale pour tenter de convaincre, et
apparemment avec succès, qu'il s'agissait là d'une formule qui
servirait de point de départ à un statut particulier et à
une évolution constitutionnelle
toute dans l'intérêt des citoyens de la province de
Québec malgré que le Livre blanc qu'il avait approuvé
disait en toutes lettres que ceux qui raisonnaient ainsi se trompaient. C'est
en toutes lettres dans le Livre blanc, et le premier ministre devrait l'avoir
lu, ce Livre blanc.
M. LESAGE: Adopté.
M. JOHNSON: En fait, M. le Président, à la page 51 du
Livre blanc. Livre blanc approuvé ligne par ligne et modifié par
M. Pigeon, $30 l'heure. « Finalement, dit ce paragraphe, certains ont
exprimé la crainte que la disposition relative à la
délégation puisse permettre à une province qui s'y
emploierait d'acquérir au sein de la confédération un
statut complètement différent de celui des autres. Une analyse
rigoureuse de la disposition relative à la délégation
démontre qu'elle n'offre pas une telle possibilité ».
M. le Président, en toutes lettres, le Livre blanc,
approuvé par monsieur le premier ministre de la province de
Québec, approuvé à la suite d'un rapport de M. Pigeon,
rapport transmis à Ottawa le 19 janvier 1965, le Livre blanc disait en
toutes lettres qu'il n'y avait pas place pour un statut particulier ou un
statut complètement différent de celui des autres et c'est le
premier ministre, chef du parti libéral, qui disait devant la
Fédération libérale et devant les jeunes libéraux
que ça ouvrait la porte à un statut particulier pour la province
de Québec.
M. le Président, où est la bonne foi dans tout ça?
Où est la bonne foi d'un chef d'Etat qui donne sa parole à
d'autres chefs d'Etat et qui la retire? Où est la bonne foi d'un chef de
la province de Québec qui tente d'embrigader non seulement cette
Chambre, ses députés et ses ministres, ce qu'il a réussi,
dans le cas de ses ministres au moins, mais qui embrigade même
l'organisme central du parti dont il est le chef, soit la
Fédération libérale du Québec.
Non, je pense, M. le Président, que le chef du gouvernement
devrait aujourd'hui profiter de l'étude du budget des dépenses de
son ministère pour nous expliquer franchement, honnêtement et
clairement ce qui est arrivé et quels sont les motifs, les vrais motifs
qui l'ont induit à changer d'opinion, et tout en perdant la face
vis-à-vis la province de Québec, l'a induit, à manquer
à sa parole envers les autres provinces et les autres gouvernements.
Je pense que nous sommes assez éprouvés comme groupe
actuellement dans toutes ces choses que je lis dans les journaux de langue
anglaise. Ce n'est pas avec un coeur allègre que je prends connaissance
de tout ce qui se publie sur des hommes politiques de langue française,
mais c'est encore avec moins de joie que je constate que, dans le reste du
Canada, on dira du premier ministre de la province de Québec ou il ne
savait pas à quoi il s'engageait ou s'il le savait, il a manqué
à sa parole. Cela, c'est grave, M. le Prési- dent. J'aimerais que
le premier ministre en profite aujourd'hui pour nous donner la
vérité vraie, la vérité toute nue, la
vérité qui le libérera et qui lui attirera les compliments
même du chef de l'Opposition si le premier ministre veut bien pour une
fois ne pas utiliser les subterfuges, mais y aller carrément.
M. LESAGE: M. le Président, c'est contraire aux règlements
de m'accuser d'utiliser des subterfuges. Ma correspondance avec le premier
ministre du Canada n'est pas un subterfuge. J'ai écrit ma lettre du 20
janvier avec le consentement et l'approbation de mes collègues en toute
connaissance de cause, elle contient l'entière vérité, je
n'ai pas un mot à ajouter, pas un mot à retirer, et elle
constitue une réponse aux questions du chef de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
M. JOHNSON: Non, le premier ministre ne voudrait pas se satisfaire d'une
pareille réponse.
M. LESAGE: Certainement, c'est la vérité.
M. JOHNSON: Il ne voudrait pas donner à la face de tout le Canada
le spectacle d'un homme qui ne peut pas prendre ses responsabilités et
dire clairement pourquoi il a changé d'opinion ou pourquoi il a
donné son consentement. Sa lettre n'est pas suffisante comme
explication, sa lettre n'est pas une lettre qui va suffire à enlever de
l'esprit des hommes publics du reste du Canada une impression...
M. LESAGE: Ma lettre, ce n'est pas une lettre comme les autres.
M. JOHNSON: Il n'y a pas d'erreur, M. le Président, qu'elle a
quelque chose de bien spécial, c'est celle d'un homme qui retraite sans
vouloir donner l'impression qu'il retraite, c'est celle d'un homme qui cache,
qui couvre sa retraite ou tente de la couvrir...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette... M. JOHNSON: ... en
invoquant des motifs...
M. LESAGE: ... je suis prêt à endurer n'importe quoi du
chef de l'Opposition, mais au moins
qu'il se satisfasse dans un langage parlementaire.
M. JOHNSON: Oui, mais ce n'est pas antiparlementaire de dire que le
gouvernement retraite.
M. LESAGE: Non, je n'ai rien dit non plus, c'est quand vous dites que je
me cache, je ne me cache pas. Au contraire, ma correspondance a
été rendue publique. Je n'ai rien à retirer, rien à
ajouter, ça contient tout.
M. JOHNSON: Le premier ministre voudrait-il nous dire si oui ou non, au
moment où il a donné le consentement ou il s'est engagé au
mois d'octobre 1964, si à ce moment-là il était
sincère?
M. LESAGE: J'ai toujours été sincère, M. le
Président.
M. JOHNSON: Oui, des sincérités successives et
contradictoires.
M. LESAGE: Non, M. le Président, je suis un homme sincère,
naturellement sincère.
M. JOHNSON: Ah oui, la sincérité du moment. Si la
sincérité c'est...
M. LESAGE: Je suis toujours sincère.
M. JOHNSON: ... la qualité qu'on peut accorder à un
sentiment à un moment donné...
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: Avec le premier ministre je suis prêt à
admettre qu'il est toujours sincère, mais ça ne dure pas
longtemps, ça change, des sincérités successives et
contradictoires. Quand il est choqué, il est sincèrement
choqué.
M. LESAGE: Il y a des fois que ce n'est pas tout à fait vrai
ça.
M. JOHNSON: Ah bon, on commence déjà. Alors quand le
premier ministre a donné sa parole aux autres premiers ministres du
Canada...
M. LESAGE: Non, M. le Président, on ne peut pas
inférer...
M. JOHNSON: ... était-il sincère à ce
moment-là?
M. LESAGE: Je n'ai pas manqué à ma parole, qu'on se
réfère purement et simplement à ma lettre du 20 janvier
1966.
M. JOHNSON: Etait-il sincère à ce moment-là? Le
premier ministre voudrait-il nous répondre à cette question?
M. LESAGE: Oui, d'ailleurs ma correspondance avec le premier ministre du
Canada le prouve.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre voudrait-il nous
dire quelle est l'interprétation qu'il accordait lui à la formule
lorsqu'il a donné le consentement, comme il a dû l'examiner avant
d'y consentir, quelle est l'interprétation qu'il accordait disons
relativement à ces provisions concernant l'extension des pouvoirs de la
province de Québec?
M. LESAGE: Je réfère le chef de l'Opposition à ma
lettre du 20 janvier 1966.
M. JOHNSON: La lettre du 20 janvier n'esi pas satisfaisante à ce
point de vue là. Le premier ministre devrait...
M. LESAGE: C'est le quatrième paragraphe de la lettre.
M. JOHNSON: Oui, je l'ai lu, souligné, analysé,
subdivisé.
M. LESAGE: Alors, c'est bien. Vous avez analysé, subdivisé
la réponse, je l'avais fait avant de l'écrire, moi.
M. JOHNSON: Voici ce que dit le premier ministre: « Vous savez
également que la formule proposée par l'amendement de notre
constitution a provoqué au Québec une certaine inquiétude.
» Tiens, tiens, le premier ministre qui emploie le mot «
inquiétude ». Est-ce que c'est communicatif?
M. LESAGE: Cela doit être à force de l'entendre dire par le
chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: Est-ce que c'est contagieux? M. LESAGE: Peut-être.
M. JOHNSON: Le premier ministre continuait: « Quelle que soit la
cause de ce sentiment, c'est un facteur que l'on ne saurait ignorer. J'ai,
d'ailleurs, moi-même été frappé par exemple de
constater dès le printemps dernier que cette formule ne recevait pas
partout la même interprétation. Ainsi, j'avais toujours pris pour
acquis qu'en ce qui concerne la mo-
dification des pouvoirs législatifs, toute diminution des
pouvoirs des provinces tombait sur la règle de l'unanimité tandis
qu'une augmentation de ces pouvoirs n'exigeait le concours que des deux tiers
des provinces représentant la moitié de la population. Or, cette
manière de voir n'est pas partagée par tout le monde, même
chez les spécialistes. On prétend en effet qu'en vertu de la
formule, n'importe quelle province pourrait empêcher l'augmentation des
pouvoirs d'une autre province. Il va sans dire que si cette
interprétation devrait prévaloir, l'évolution de notre
régime constitutionnel dans le sens souhaité par le Québec
risquerait d'être très difficile. »
Alors, c'est ça toute la cause du changement d'attitude?
M. LESAGE: M. Pearson n'a pas répondu à cette partie de ma
lettre.
M. JOHNSON; Est-ce que c'est ça toute la cause du changement
d'attitude?
M. LESAGE: Il faut prendre la lettre dans son ensemble.
M. JOHNSON: Alors, le premier ministre voudrait-il nous dire quels sont
les autres motis? je parle des motifs d'interprétation juridique.
M. LESAGE: L'ensemble de la lettre. Je n'ai rien à ajouter, rien
à retrancher. C'est complet.
M. JOHNSON: Pourquoi étudions-nous d'abord les crédits?
Pourquoi nous réunissons-nous ici en Chambre en comité des
subsides, si on doit se contenter d'une réponse déjà
donnée et qui n'est pas claire?
M. LESAGE: Si elle n'est pas claire pour vous, elle est claire pour moi,
je regrette.
M. JOHNSON: Si on prend la lettre du premier ministre, puisqu'il ne veut
pas répondre...
M. LESAGE: Qu'est-ce que vous cherchez? Des renforts?
M. JOHNSON: Non, c'est une entente.
M. BELLEMARE: Le voilà qu'il se fourre le nez dans nos
affaires.
M. LESAGE: Ce n'est pas difficile.
M. BELLEMARE: Il se fourre le nez partout, partout, partout.
M. JOHNSON: Mon gouvernement, mes ministres, mes fonctions, mes
fonctionnaires, mon Opposition, comme il a déjà dit. Il a dit
à Ottawa: Mon Opposition à un moment donné.
M. LESAGE: Tout le monde sait fort bien sur quel ton je l'ai dit,
d'ailleurs.
M. JOHNSON: Le premier ministre s'est bâti des chimères.
S'il n'a pas eu de motion de non confiance cet après-midi, c'est pour
une raison tellement plus simple, c'est que je dois m'absenter.
M. LESAGE: Alors, bon voyage. Je comprends, vous partez pour votre
campagne, bien oui. Alors c'était une pratique cet après-midi.
Bon voyage.
M. JOHNSON: Et deuxièmement l'objet de la motion de non confiance
qui viendra trop vite au gré du premier ministre ne portait pas
là-dessus. En temps et lieu.
M. LESAGE: Bien, en temps et lieu. Mais, si les élections ont eu
lieu, vous allez être en retard, vos élections le 24 avril.
M. JOHNSON: C'est ce qui m'embête, je ne sais pas encore la date
des élections.
M. LESAGE: Bien, le 24 avril, c'est...
M. JOHNSON: Ce qu'il y a de plus embêtant c'est que le premier
ministre ne la connaît pas non plus.
M. LESAGE: C'est vrai que je ne la connais pas, je l'ai dit.
M. JOHNSON: Le premier ministre ne la connaît pas non plus. Depuis
l'imbroglio avec les fonctionnaires, le premier ministre est tellement
mêlé...
M. LESAGE: Non, ça n'a rien à faire, je n'ai jamais
déterminé...
M. JOHNSON: Depuis la culbute des titres de la province sur le
marché des valeurs...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. M. JOHNSON: Le premier ministre
est joli-
ment mêlé, même s'il a obtenu que le ministre de la
Santé...
M. LESAGE: J'invoque le règlement. Les crédits qui seront
étudiés, après ces crédits-ci, ce sont les
crédits du ministère des Finances, il y a le service de la dette,
le chef de l'Opposition pourra dire tout ce qu'il voudra au sujet de la dette
de la province, j'aurai devant moi les chiffres pour lui répondre. Pour
le moment nous étudions les crédits de l'ordre de cent et
quelques mille dollars pour l'administration du ministère des Affaires
fédérales-provinciales.
M. LALONDE: Adopté.
M. JOHNSON: M. le Président, les députés sont
occupés dans d'autres comités, entre autres à la
Voirie...
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: ...plusieurs députés sont occupés
à la Voirie, entre autres...
M. LESAGE: Bien oui, mais les miens aussi.
M. JOHNSON: Le député de Missisquoi était pris au
comité de la Voirie, pour discuter de la voirie pendant quelque
temps...
M. LESAGE: Bien oui, mais il est ici. M. BERTRAND: Je vais me
reprendre.
M. LESAGE: Reprenez-vous tant que vous voudrez.
M. JOHNSON: Le premier ministre ne perd rien pour attendre.
M. LESAGE: Ah, je vais...
M. JOHNSON: Donc M. le Président, le premier ministre vient de
déclarer que la raison, les motifs de son changement d'attitude, sont
tous contenus dans la lettre...
M. LESAGE: Non. Les motifs de mon attitude, de mes attitudes si vous
voulez, sont bien expliqués dans ma correspondance avec le premier
ministre du Canada.
M. JOHNSON: C'est ça. Dans la lettre du 20 janvier...
M. LESAGE: Dans ma lettre du 20 janvier et dans celle du 17... la
dernière.
M. JOHNSON: ... du 17 février.
M. LESAGE: ... mais elle a elle-même été
déposée en Chambre.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est donc dans cette lettre que le
premier ministre...
M. LESAGE: Dans ces deux lettres.
M. JOHNSON: ...déclare, dans la lettre du 20 janvier, que le
premier ministre déclare ce que je viens de citer tantôt.
La raison pour laquelle il aurait changé d'avis, c'est qu'on
interprète en certains milieux ladite formule comme exigeant le
consentement unanime lorsqu'il s'agit d'élargir les pouvoirs, alors que
lui croyait que pour obtenir un tel élargissement des pouvoirs de la
province de Québec, il ne fallait que le concours des deux tiers des
provinces représentant la moitié de la population. M. le
Président, je pose au premier ministre une question très simple.
Si c'était clair dans la formule Fulton-Favreau, ou dans toute autre
formule qu'on apportera, que le consentement nécessaire dans le cas
d'élargissement des pouvoirs d'une province donnée,
particulièrement la province de Québec... qu'il faut le
consentement des deux tiers seulement des provinces représentant 50%, le
premier ministre serait-il d'accord pour le rapatriement?
M. LESAGE: M. le Président, je ne réponds pas à des
questions hypothétiques. Ma correspondance est là, je n'ai rien
à ajouter.
M JOHNSON: M. le Président, me basant sur la correspondance, je
dis ceci. Le premier ministre aurait été prêt à
soumettre l'évolution constitutionnelle de laprovince,
l'élargissement des pouvoirs dont nous avons besoin, comme siège
principal d'une nation, à l'approbation et au concours des deux tiers
des gouvernements représentant 50% de la population du Canada. M. le
Président, je dis que c'est, contrairement à l'escalade au
Vietnam, une escalade en retraite, celle-là. Le premier ministre serait
prêt, donc, à nous lier à une formule, ou il aurait
été prêt à maintenir son consentement à une
formule...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette, on m'attribue des motifs
et j'ai dit de lire toute la lettre.
M. JOHNSON: M. le Président, pourquoi un parlement? Tout le monde
peut lire la lettre. Le parlement, c'est précisément...
M. LESAGE: Bien oui, lisez-la.
M. JOHNSON: ...pour permettre aux hommes qui ont la
responsabilité de l'administration de répondre publiquement
à des questions qui leur sont posées.
M. LESAGE: J'ai répondu.
M. JOHNSON: ...et non pas seulement de référer à
des lettres.
M. LESAGE: Bien oui, mais je ne peux pas être plus précis
que ça, je réfère à ma correspondance.
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre dans cette
lettre déclare donc que le véritable motif a été
l'interprétation qu'on a donnée...
M. LESAGE: Non, je ne parle pas, M. le Président, de
véritables motifs. On n'a pas le droit de déformer le sens de la
lettre. La lettre est un tout, elle doit être prise comme un tout, elle
est indivisible.
M. JOHNSON: M. le Président, elle n'est pas indivisible. Il faut
la relier à part ça aux autres lettres. Le premier ministre de la
province pourra évidemment cet après-midi résister
à ma demande et donner un spectacle... et il se trouvera des gens pour
dire qu'il est habile, comme l'a écrit un éditorialiste... mais
je veux savoir cet après-midi, oui ou non, et la population a le droit
de le savoir, si le premier ministre est prêt comme il le déclare
dans sa lettre, à étudier une nouvelle formule de rapatriement de
la constitution. Je pense que c'est clair ça. Et sa lettre du 20 janvier
démontre clairement...
M. LESAGE: M. le Président, mes lettres sont complètes,
parlent d'elles-mêmes et je n'ai rien à retirer ni à l'une
ni à l'autre.
M. JOHNSON: ... s'il faut s'en tenir seulement à cet
échange de correspondance entre lui et le premier ministre du Canada, il
démontre clairement qu'il aurait accepté la formule
Fulton-Favreau, qu'il n'aurait pas reculé, qu'il aurait tenté de
la faire passer par l'Assemblée législative si
l'interprétation avait été unanime sur cet
élargissement des pouvoirs, M. le Président.
M. LESAGE: M. le Président, je regrette, il faut prendre la
lettre...
M. JOHNSON: C'est la seule conclusion qu'on peut tirer de la lecture
attentive de cette correspondance, et le premier ministre...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette. M. le Président,
combien de fois devrais-je demander au chef de l'Opposition de ne pas m'imputer
de motifs que je n'ai pas. Je lui ai dit peut-être dix fois, douze fois,
que ma lettre devrait être prise dans son ensemble, qu'elle était
indivisible, et je lui demande de la traiter comme telle.
M. JOHNSON: M. le Président, à la lecture de la
correspondance échangée entre le premier ministre du
Québec et le premier ministre du Canada, il ressort, d'abord et
premièrement, que le premier ministre de la province de Québec
était prêt à lier l'évolution constitutionnelle,
à la conditionner au consentement et au concours, cela veut dire
l'adoption d'une loi, de deux-tiers des gouvernements du pays,
représentant 50% de la population du pays. Cela veut dire que pour
obtenir par exemple un pouvoir dont nous avons besoin, si nous voulons
réellement que la nation canadienne-française
s'épanouisse, il aurait fallu attendre le concours des six autres
gouvernements et le concours, en vertu des définitions données
dans la formule, c'est l'adoption d'une loi. Et vous voyez ça, M. le
Président, attendre que six autres premiers ministres, six autres
parlements du Canada votent une loi pour donner plus de pouvoir à
Québec. Et le premier ministre était prêt à accepter
la formule si on en était venu à cette interprétation. Ce
qui l'a empêché d'accepter la formule, dit-il, dans sa
correspondance, c'est qu'on a interprété en certains milieux
qu'il fallait le consentement unanime et le concours unanime des provinces, de
tous les parlements, donc des parlements des dix provinces...
M. LESAGE: C'est ce qu'il faut...
M. JOHNSON: ... et du parlement fédéral pour
l'élargissement des pouvoirs d'une province.
M. LESAGE: C'est ce qu'il faut à l'heure actuelle!
M. JOHNSON: M. le Président, il ressort, deuxièmement, de
cette correspondance que le premier ministre est en faveur du rapatriement.
C'est là que je ne m'entends pas avec les gens qui siègent
à votre droite. Rapatrier le pouvoir constitutionnel, j'en suis. Mais
le
rapatrier pour le confier au gouvernement fédéral et aux
gouvernements provinciaux ou au gouvernement fédéral seulement,
je n'en suis pas.
M. LESAGE: Il n'y a personne qui soit pour
ça!
M. JOHNSON: M. le Président, notre attitude est claire. Nous
avons déclaré, en plusieurs circonstances, qu'on laisse mourir
à Londres la vieille constitution.
M. LESAGE: On dit que je suispour...
M. JOHNSON: Qu'on la laisse mourir. Elle n'a jamais appris, en 98 ans,
ou 99 ans, à parler l'une des langues officielles du pays.
M. LESAGE: Cela, c'est ce qui s'appelle se payer de mots!
M. JOHNSON: Pardon?
M. LESAGE: C'est ce qui s'appelle sepayer de mots qui ne veulent rien
dire. Ce sont des mots qui ne veulent rien dire, M. le Président.
M. JOHNSON: Deuxièmement, M. le Président. Ah! cela veut
dire bien des choses.
M. LESAGE: Cela ne veut rien dire.
M. JOHNSON: Cela veut dire qu'en 1966, on ne doit pas raisonner comme le
premier ministre raisonne. Le ministre raisonne encore en colonial. Il raisonne
encore comme un gars d'Ottawa. Il ne peut pas, le premier ministre de notre
province, de l'Etat du Québec, raisonner en véritable
démocrate. Le premier ministre de la province de Québec devrait
se lever dans cette Chambre et dire que, lui aussi, il est d'accord qu'une
constitution nouvelle devrait être édictée et qu'elle
devrait l'être au nom du peuple.
M. LESAGE: M. le Président, il y a une chose que je ne dirai pas.
C'est que le thème de ma campagne sera le séparatisme comme l'a
dit hier soir le chef de l'Opposition, à la fin de la séance.
Cela, je ne dirai pas ça!
M. JOHNSON: Je n'ai jamais dit ça hier soir!
M. LESAGE: Ah! M. le Président, j'ai ici le journal des
Débats.
M. JOHNSON: Je n'ai jamais dit ça! M. LESAGE: M. le
Président...
M. JOHNSON: Une autre pirouette du premier ministre. Une autre
méthode de diversion.
M. LESAGE: ... je regrette. « M. Lesage: Est-ce que c'est vrai que
vous avez dit dimanche que vous êtes un séparatiste? Vous vous
êtes organisé. Montrez votre couleur maintenant.
M. Johnson: Cela va être le thème de ma campagne.
»
DES VOIX: Ah, ah!
M. BERTRAND: Ah non!
M. JOHNSON: Ah non!
M. LALONDE: C'est épouvantable!
M. LESAGE: A la page R/1159, à 10.01 heures P.M.
M. JOHNSON: Ce n'est pas étonnant que le premier ministre n'ait
pas compris la formule Fulton-Favreau, M. le Président, s'il
interprète ainsi des choses aussi simple que celles qui ont
été dites hier soir.
M. LESAGE: Oui, mais c'est simple à interpréter. C'est le
séparatisme qui va être le thème de votre campagne. Vous
l'avez dit en toutes lettres hier soir.
DES VOIX: Ah! ah!
M. BELLEMARE: Mais cela ne veut pas dire...
M. JOHNSON: Le premier ministre de cette province, évidemment,
qui a besoin de courtiser de ce temps-ci la haute finance, qui vient de lui
faire un bon coup de Jarnac avec sa dernière émission, qui a
besoin de faire oublier les propos racistes d'un nationalisme infantile...
M. LESAGE: Hein?
M. JOHNSON: ... du député de Laurier, qui voudrait faire
oublier les sorties intempestives et nuisibles à notre climat
économique faites par le ministre de la Santé, le premier mi-
nistre a besoin de se faire pardonner bien des choses dans les milieux
de la haute finance. Le premier ministre a besoin d'eux parce qu'il est rendu
à bout de ressources...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette infiniment le
ministère des Finances... Ah! puis après!
M. JOHNSON: ... il est à genoux devant les pouvoirs d'argent et
voudrait bien...
M. LESAGE: Qu'est-ce que vous voulez? Voulez-vous que je vous passe
trente sous?
M. JOHNSON: ... créer une diversion. Et il ira sur la rue
St-James, dire: « Bien, regardez-moi, avec mon Lévesque, je ne
suis pas pire que le chef de l'Opposition avec ses théories ».
M. LESAGE: On voit bien qu'il est dans... C'est un séparatiste,
on le voit bien!
M. JOHNSON: ... et je vous donne ma parole qu'après les
élections, je ne nommerai pas Lévesque ministre, et alors, vous
ne serez plus embarassés. » Pour remplir sa caisse, il va
promettre elle est déjà pleine, mais pour la faire
déborder il promettra à la haute finance, de ne plus
nommer des malcommodes comme le député de Laurier dans son
cabinet...
M. LESAGE: Là, il est parti.
M. JOHNSON: C'est juste la moitié de ce que le premier ministre
peut faire pour gagner des élections. Alors, là, son plan, c'est
d'essayer...
M. LESAGE: Nous autres, on sait que vous faites tout pour les perdre.
Cela va bien! Alors, on n'a pas besoin de faire grand chose. Rien qu'à
continuer comme vous avez fait hier soir et cet après-midi.
M. JOHNSON: Si dire la vérité à la population,
c'est un moyen de perdre...
M. LESAGE: C'est bien possible que vous les perdiez, vous.
M. JOHNSON: ... les élections, je le déclare dans cette
Chambre...
M. LESAGE: Vous faites l'impossible pour les perdre les
vôtres.
M. JOHNSON: ... je n'ai pas d'objection à les perdre.
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: S'il faut mentir pour arriver...
M. LESAGE: Ah! vous avez dit la vérité alors, quand vous
avez dit que le séparatisme serait le thème de votre
campagne.
M. JOHNSON: S'il faut mentir, s'il faut dire qu'on n'augmentera pas les
taxes quand on a l'intention de les augmenter...
M. LESAGE: Non, non, ce n'est pas de ça qu'il est question.
M. JOHNSON: ... s'il faut répéter les serments solennels
de 1960, s'il faut induire la population en erreur, comme le premier ministre
l'a fait en 1960, je préférerais ne pas occuper ce poste, car le
premier ministre le sait bien, c'est la façon la moins confortable de
gouverner, quand on a prêché ce qu'il a prêché et
quand on est obligé de pratiquer ce qu'il pratique comme premier
ministre et chef de l'administration.
M. LESAGE: Comment, qu'est-ce que je pratique?
M. JOHNSON: Le premier ministre, évidemment, voudrait bien
divertir l'attention de la presse sur cette question fondamentale...
M. LESAGE: Non, non, c'est vous qui avez dit ça.
M. JOHNSON: ... mais il reste qu'il est en faveur du rapatriement de la
constitution, alors que nous sommes...
M. LESAGE : Mais c'est vous qui l'avez dit que vous êtes
séparatiste, je ne suis pas d'accord avec vous.
M. JOHNSON: ... contre le rapatriement de la constitution. Nous sommes
en faveur...
M. LESAGE: Du séparatisme, vous l'avez dit.
M. JOHNSON: ... d'un pouvoir constituant qui repose dans le peuple et
non pas...
M. LESAGE: Séparatiste!
M. JOHNSON: ... dans le gouvernement. Nous sommes en faveur de la
théorie des deux nations...
M. LESAGE: Mais vous êtes séparatiste!
M. JOHNSON: Nous sommes en faveur de la théorie des deux nations
avec tout ce que cela comporte. Et je vous dis que ce n'est pas un chef de
l'Union nationale qui aurait donné...
M. LESAGE: Vous ne vous rappelez pas, vous avez dit hier que ça
comportait le séparatisme.
M. JOHNSON: ... le 14 octobre 1964, son consentement à la formule
Fulton-Favreau.
M. LESAGE: Mais vous êtes séparatiste.
M. JOHNSON: ... cela ne pouvait venir que d'un homme qui voulait
encarcaner la province de Québec, qui voulait l'empêcher
d'évoluer...
M. LESAGE: C'est vous!
M. JOHNSON: ... qui voulait enfermer la nation
canadienne-française dans un carcan dont elle n'aurait pu jamais sortir;
c'est un homme qui recherche, même s'il ne l'avoue pas,
l'intégration lucide. C'est un homme qui, centralisateur comme il l'a
été et l'est encore, cache sa peau d'ours sous une peau de
mouton. C'est le geste d'un homme qui joue au nationaliste, c'est le geste d'un
homme qui exploite le nationalisme...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette, mais j'invoque le
règlement.
M. JOHNSON: ... pour des fins électorales, mais qui n'ose pas le
pratiquer quand il est à la tête du gouvernement.
M. LESAGE: J'invoque le règlement, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: J'invoque le règlement. Le chef de l'Opposition sait
fort bien qu'il n'a pas le droit de me prêter des motifs et de dire que
j'exploite le nationalisme; ce n'est pas moi qui, après tout, veux
mettre la province de Québec dans le carcan du séparatisme, c'est
le chef de l'Opposition qui a déclaré ça, hier soir.
M. JOHNSON: M. le Président, selon son habitude, le premier
ministre interprète les textes en en sortant...
M. LESAGE: Ah, je n'en sors pas, M. le Président...
UNE VOIX: C'est hors de la question. M. LESAGE: ... J'invoque le
règlement.
M. JOHNSON: Le premier ministre évidemment...
M. LESAGE: Je ne puis pas être accusé de torturer les
textes: « M. LESAGE: Est-ce que c'est vrai ce que vous avez dit dimanche,
que vous êtes un séparatiste? Vous vous êtes organisé
en voulant dire, vous vous êtes arrangé, n'est-ce pas
montrez votre couleur maintenant. M. Johnson: Cela va être
le thème de la campagne, le séparatisme. »
UNE VOIX: Québec d'abord.
M. LALONDE: Il me semble être séparé de tous ses
semblables, de l'autre côté, il n'y a plus personne!
M. JOHNSON: M. le Président, le premier ministre a certainement
réussi à créer une diversion cet après-midi parce
qu'il n'avait pas parlé de cette trahison...
M. LESAGE: Je n'ai pas fait de diversion du tout, ce n'est pas moi, M.
le Président, c'est le chef de l'Opposition...
M. JOHNSON: ... de cette trahison qu'il a tenté de
perpétrer vis-à-vis de la nation
canadienne-française...
M. LESAGE: M. le Président, c'est absolument...
M. JOHNSON: ... en voulant nous asservir à cette formule de
rapatriement.
M. LESAGE: M. le Président, le chef de l'Opposition, je vous le
soumets bien respectueusement, doit retirer le mot trahison. D'ailleurs,
personne ne le croit; jamais les Canadiens français n'ont aussi
progressé que depuis 1960. Mais il n'a pas le droit de m'accuser de
trahison et je demande respectueusement qu'il retire ces paroles.
M. JOHNSON: Est-ce qu'ils auraient trop progressé?
M. LESAGE: Je demande qu'il retire ces paroles, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Je crois que le mot trahison est de trop. Je demanderai
au chef de l'Opposition de le retirer.
M. JOHNSON: Je cherche un synonyme, vous accepteriez, M. le
Président?
M. LESAGE: Voyons donc. Reprenez donc vos sens.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: Retirez le mot trahison, purement et simplement, ça va
être bien plus simple. Cessez de dire des bêtises.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre. M. JOHNSON: M. le
Président...
M. LESAGE: Cessez de dire des bêtises, retirez le mot
trahison.
M. JOHNSON: ... le premier ministre sait bien...
M. LESAGE: Je ne me suis pas fâché, je vous ai
laissé aller tant que vous avez voulu. Retirez le mot trahison.
M. JOHNSON: ... que je n'ai pas envie de demander au ministre de la
Justice de le poursuivre pour trahison...
M. LESAGE: M. le Président, ce n'est pas...
M. JOHNSON: ... ce n'est pas du tout mon intention.
M. LESAGE: Ce n'est pas du tout ça, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Je demande au chef de l'Opposition de retirer le mot
trahison.
M. JOHNSON: M. le Président, je remplace alors le mot trahison
par: une erreur qui aurait pu être fatale pour la nation
canadienne-française.
M. le Président...
M. LESAGE: Ce doit être le retrait des plans conjoints,
l'affirmation du Québec. Tout ça, ce sont des erreurs, il n'y a
pas de doute.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: Mais c'est l'erreur qu'a commise hier soir le chef de
l'Opposition qui est importante.
M. JOHNSON: Non, non. Encore une fois, le premier ministre n'a pas
interprété mes paroles, n'a pas compris.
M. LESAGE: Ah bon, bon, bon.
M. JOHNSON: Le thème de la campagne des libéraux contre
l'Union nationale auprès de l'élément anglophone,
ça va être de tenter de nous montrer comme...
M. LESAGE: Ce n'est pas ça que le chef de l'Opposition a dit; il
n'était pas question des anglophones...
M. JOHNSON: ... de nous faire voir comme des séparatistes.
M. LESAGE: ... il n'était pas question des anglophones. Pas du
tout. Il était question du thème de la campagne de l'Union
nationale.
M. JOHNSON: C'est évident que c'est ça que ça veut
dire, M. lePrésident, c'est clair...
UNE VOIX: Nous sommes aux Affaires
fédérales-provinciales.
M. LESAGE: Mais non, il n'était pas question des Anglais
là-dedans, pas du tout.
M. JOHNSON: Ah, c'est le thème que les libéraux ont
adopté, M. le Président...
M. LESAGE: Il était question de la vraie couleur du chef de
l'Opposition.
M. JOHNSON: ... c'est cousu de fil blanc, la campagne que le premier
ministre amorce de ce temps-ci en se servant de la Chambre et en se servant
évidemment du sujet en discussion. Le premier ministre voudrait, et
ça fait son affaire, surtout à la veille...
M. LESAGE: A la veille de quoi, à la veille de votre campagne? Je
m'en fiche de votre campagne.
M. JOHNSON: ...d'un poste ouvert à Ottawa... M. LE PRESIDENT: A
l'ordre, à l'ordre.
M. JOHNSON: Il faut bien, M. le Président, qu'il se montre
très antiséparatiste en ce moment-ci, même artificiellement
afin de pouvoir...
M. LESAGE: Non, je ne me montre pas antiséparatiste. Je dis que
le chef de l'Opposition
a déclaré hier soir que le thème de sa
campagne...
M. JOHNSON: Non.
M. LESAGE: ... qui commence serait le séparatisme. Il l'a dit en
toutes lettres, je l'ai devant moi, hier soir, en cette Chambre, à dix
heures et une. Il était fatigué, évidemment.
M. JOHNSON: Le premier ministre...
M. LESAGE: ... mais c'est là quand même, la
vérité est sortie.
M. JOHNSON: Je ne plaide jamais fatigue ni absence de mémoire, ni
mauvaise interprétation, M. le Président, mais le texte, je
l'aurais étudié avec des spécialistes. Ce n'est pas moi,
ni aucun chef de l'Union nationale qui aurait donné l'engagement du
gouvernement à accepter une formule comme la formule Fulton-Favreau.
M. LESAGE: Il n'est pas question de ça, il est question de votre
déclaration...
M. JOHNSON: Ce n'est pas, M. le Président, un gouvernement de
l'Union nationale qui aurait tenté « d'encarcaner » la
nation canadienne-française dans cette formule qui bloque
l'évolution constitutionnelle. Ce n'est pas un gouvernement de l'Union
nationale qui aurait écrit les lettres qu'a écrites au mois de
novembre 1964 le premier ministre de la province de Québec à M.
Pearson. Ce n'est pas un gouvernement de l'Union nationale qui aurait
approuvé le mémoire de M. Pigeon et l'inclusion dans le livre
blanc, pour que ce soit encore plus clair, de l'importation...
M. LESAGE: Il est le séparatiste...
M. JOHNSON: ... ici, et non seulement des textes de la constitution mais
également des coutumes constitutionnelles anglaises. Ce n'est pas
à un gouvernement de l'Union nationale ni à un chef de l'Union
nationale qui aurait tenté de vendre cette formule à la
fédération de son parti, aux jeunes, qui auraient tenté de
vendre cette formule ou de la faire vendre par ses ministres dans des divers
milieux comme le milieu universitaire, ce n'est pas un gouvernement de l'Union
nationale qui nous aurait amené sur le bord d'une trahison. Je n'ai pas
accusé le premier ministre de nous avoir trahi, vous remarquerez bien,
de nous avoir amené au bord du précipice où on aurait
enseveli une fois pour toutes les rêves de souveraineté, les
rêves lé- gitimes de souveraineté. M. le Président,
au moment où nous étions pour l'autonomie des provinces, le
premier ministre de la province était celui qui à Ottawa
bloquait...
M. LESAGE: Tiens! Cela repart!
M. JOHNSON: ...l'évolution constitutionnelle de la province de
Québec et tentait de nous affamer et au moment...
M. LESAGE: Vous avez perdu votre élection avec ça, vous
avez passé...
M. JOHNSON: ... où suivant l'évolution normale dans la vie
d'une nation, nous sommes en faveur d'une souveraineté de plus en plus
grande, le premier ministre est 25 ans en arrière et parle d'autonomie
et parle des textes de 1867. C'est là la différence entre l'Union
nationale et les libéraux; les libéraux sont autonomistes dans la
mesure où c'est bon pour se faire élire tandis que l'Union
nationale va de l'avant et même au prix de grands sacrifices, commeonle
sait, elle fait avancer cette cause de l'autonomie et de la souveraineté
de la province de Québec.
M. LE PRESIDENT: Adopté article 1. Article 2.
M. BERTRAND: M. le Président, non. M. LE PRESIDENT: Sur l'article
1?
M. BERTRAND: Bien il n'y en a pas beaucoup, je pense qu'il y en a deux
ou trois.
M. LE PRESIDENT: Hyena trois.
M. BELLEMARE: Vous êtes au courant de ce qu'on discute, vous?
M. BERTRAND: Le premier ministre, pendant mon absence, alors que
j'étais à l'étude des crédits de la Voirie aurait
déclaré que si le chef de l'Opposition avait
présenté aujourd'hui une motion de censure à l'endroit du
gouvernement pour avoir accepté la formule Fulton-Favreau comme formule
de rapatriement de la constitution et formule d'amendement à la
constitution...
M. LESAGE: Non, je regrette. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. BERTRAND: ... que le député de Missisquoi n'aurait pas
voté pour la motion du chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, je regrette. J'invoque le
règlement. M. le Président, je regrette, ce n'est pas ce que j'ai
dit. J'ai dit que si on avait censuré le premier ministre...
M. JOHNSON: Non, non.
M. LESAGE: ... pour une motion de censure sur sa façon d'agir,
c'est-à-dire qu'on blâmait le premier ministre d'avoir
écrit sa lettre du 20 janvier au premier ministre du Canada...
M. JOHNSON: Bien voyons donc!
M. LESAGE: ... que le député de Missisquoi aurait
voté contre.
M. BERTRAND: Le premier ministre donne des nauances...
M. LESAGE: C'est ça que j'ai dit.
M. BERTRAND: ... aux propos qu'il a tenus tantôt qui changent
totalement ses propos.
M. LESAGE: Bien vous n'y étiez pas, vous ne le savez pas.
M. BERTRAND: Le premier ministre vient de dire: « Si on avait
présenté une motion de censure...
M. LESAGE: Contre lui.
M. BERTRAND: ... à l'encontre du premier ministre actuel sur sa
façon d'agir »...
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: ... et il en vient à une lettre.
M. LESAGE: C'est ça, c'est ce que nous discutions à ce
moment-là.
M. BERTRAND: Or, je connais assez le chef de l'Opposition...
M. LESAGE: Bien non, mais vous lirez d'abord le journal des
Débats.
M. BERTRAND: ... qui ne blâmera pas un homme de retraiter quand
les intérêts fondamentaux d'un peuple sont en jeu. Au contraire,
je viens d'entendre le chef de l'Opposition le dire. Il ne blâme pas le
chef du gouvernement d'avoir retraité, c'est ce que le chef du
gouvernement a fait.
M. LESAGE: Bien oui, il a fait ça tout l'après-midi.
M. BERTRAND: Le gouvernement, le chef du gouvernement a retraité.
Je lui ai dit au mois d'octobre dernier: C'est sûr que c'est mettre un
homme dans une position excessivement délicate, j'en conviens, mais
même si la position du premier ministre était délicate de
retraiter en une circonstance aussi publique, aussi solennelle que celle qui
lui avait fait accepter la formule Fulton-Favreau je lui dis qu'il a fait son
devoir en retraitant.
M. LESAGE: C'est pour ça que j'ai dit que vous voteriez contre la
motion de censure, justement.
M. BERTRAND: Mais qu'il ne nous empêche pas...
M. LESAGE: Je me souvenais de ce que vous aviez dit au mois
d'octobre.
M. BERTRAND: ... d'expliquer à la population les dangers d'un
homme qui a accepté.
Je ne veux pas reprendre tous les propos du chef de l'Opposition, qui a
accepté officiellement comme chef de gouvernement, qui a lié tous
ses collègues par la solidarité ministérielle, qui l'a
publié dans le document le plus officiel du parlement de Québec
lors de la présentation du discours du Trône par le
lieutenant-gouverneur en 1965, qu'il ne nous blâme pas de dire à
la population que c'est dangereux d'avoir à la tête du
gouvernement un homme qui après avoir, devant tous les premiers
ministres des provinces et le premier ministre du Canada, affirmé
publiquement, officiellement et solennellement son appui à une telle
formule, de retraiter par la suite.
M. LESAGE: Je n'ai pas retraité, lisez ma lettre.
M. BERTRAND: M. le Président, c'est là qu'est tout le
problème.
M. LESAGE: Lisez ma lettre du 20 janvier, vous allez voir que ce n'est
pas une retraite.
M. BERTRAND: M. le Président, si on lit... Le premier ministre
parle de ses façons d'agir, si le premier ministre veut en parler...
M. LESAGE: Je ne veux pas en parler.
M. BERTRAND: Je sais qu'il aime mieux ne pas en parler.
M. JOHNSON: Ah oui!
M. BERTRAND: Mais nous sommes... C'est notre devoir, nous parlons au
premier ministre qui est en même temps le ministre des Affaires
fédérales-provinciales. Or, lorsque durant près d'une
année en dehors de la Chambre, le chef de l'Opposition a attiré
l'attention du public, de tous les groupes sur les dangers d'une telle formule,
au même moment nous étions ici en Chambre et nous avons
essayé par tous les moyens imaginables d'utiliser d'abord, le moyen du
comité parlementaire de la constitution. Or, il est surprenant pour
nous, même à la Législature, de lire dans la lettre du 20
janvier 1966 du ministre des Affaires fédérales-provinciales
à l'adresse du très honorable Lester B. Pearson, le paragraphe
suivant; « Bien des choses se sont produites depuis que cette formule a
été mise au point et il ne conviendrait pas de ne pas en tenir
compte. Parmi ces événements, il faut mentionner la discussion
qui a eu lieu à travers le pays sur la formule elle-même, la
poursuite du dialogue entre le Québec et le reste du pays,
l'évolution constante et soutenue vers des relations d'un nouveau genre
entre le Québec, les autres provinces et le gouvernement du Canada, la
progression des études et discussions entreprises par le comité
du régime fiscal, la commission royale d'enquête sur le
bilinguisme et le biculturalisme et notre propre comité spécial
de la Constitution. »
M. LESAGE: C'est ça, c'est la progression des études.
M. BERTRAND: Or, M. le Président, dès l'an dernier,
lorsque nous avons vu la motion au feuilleton, nous avons demandé, mes
collègues ont fait des motions demandant au premier ministre de
référer la formule pour une étude plus complète,
pour en connaître tous les dangers toutes les conséquences, tous
les effets. Nous avons demandé de référer cela au
comité parlementaire de la constitution. Il a dit: « Non »,
M. le Président, Est-ce l'Opposition ou si ce n'est pas plutôt le
premier ministre, ministre des Affaires fédérales-provinciales,
qui pourtant, un an après dans une lettre à l'honorable Lester B.
Pearson pour expliquer sa retraite, pour expliquer son changement
d'opinion...
M. LESAGE: Non.
M. BERTRAND: ... dit « Bien des événements se sont
produits... » et le comité parlementaire de la constitution
existait l'an dernier.
M. LESAGE: Non, « la progression des discussions », si on
veut bien lire.
M. BERTRAND: M. le Président, le premier ministre, je lui al
demandé une journée, je pense que c'est au mois d'octobre, j'ai
demandé au premier ministre d'admettre tout simplement qu'il s'est
trompé.
M. LESAGE: Je n'ai pas admis, je n'admets pas.
M. BERTRAND: Il ne veut pas l'admettre. C'est son droit. Mais d'autre
part, il ne peut pas empêcher les hommes politiques de juger ses actes
publics, de juger ses reculs, de juger ses retraites, non pas pour le
blâmer d'avoir retraité, mais pour le blâmer de ne pas avoir
accepté une manière de procéder qui aurait
évité que le premier ministre, non seulement représentant
d'un parti politique, mais chef d'une province, donne l'image qu'il a
donnée à tous les premiers ministres des autres provinces
canadiennes et à tout le pays. Voilà ce que nous avions à
dire là-dessus. D'ailleurs, dans ce domaine-là, domaine des
relations fédérales-provinciales, j'ai déjà
personnellement, lorsque j'ai présenté la motion qui a
été acceptée à l'unanimité, j'ai
déjà établi personnellement dans quel état d'esprit
et d'ailleurs tous mes collègues avaient travaillé au
comité par-lementaie de la constitution.
J'ai déclaré alors, je ne crains pas de le redire que ce
que nous voulions, ce que le comité a accepté en fait, ç'a
été d'examiner l'ensemble du problème constitutionnel afin
de trouver des moyens qui permettraient, premièrement à l'Etat du
Québec, d'assumer pleinement son rôle comme responsable de
l'existence nationale et du rayonnement culturel des Canadiens français,
deuxièmement, de garantir les droits essentiels de la minorité
à mentalité anglaise du Québec et des minorités
françaises des autres provinces, troisièmement, assurer dans
toute la mesure du possible l'égalité juridique et pratique des
deux nations sur le plan fédéral.
En certains milieux, le premier ministre taquine pour essayer de faire
croire que nous serions séparatistes. Il m'est arrivé en
plusieurs circonstances...
M. LESAGE: C'est le chef de l'Opposition qui l'a dit, hier soir.
M. BERTRAND: ...d'aller devant des étudiants où parfois,
les étudiants, sous l'enthousiasme du moment, nous pressent de questions
directes et veulent obtenir une réponse directe. Je leur ai toujours dit
à la question: Etes-vous séparatiste? J'ai dit non.
M. LESAGE: Votre chef a dit oui.
M. BERTRAND: Mon collègue, le député de Bagot, chef
de l'Opposition...
M. LESAGE: ... a dit oui, hier soir,
M. BERTRAND: ...porte en toutes ses manifestations publiques, il l'a
d'ailleurs déjà dit. Il Il .a jamais dit que l'Union nationale
était un parti séparatiste. Jamais, jamais.
M. LESAGE: Non mais il a dit que c'était le thème de sa
campagne.
M. BERTRAND: Le premier ministre veut taquiner avec des bouts de phrase
à la fin d'une séance. Le chef de l'Opposition en a ri
tantôt et il avait raison.
M. LESAGE: Je ne les invente pas, les bouts de phrase.
M. BERTRAND: Le premier ministre voudrait essayer de faire jouer, comme
le chef de l'Opposition disait tantôt la corde du nationalisme.
M. LESAGE: Il ne faut pas imputer de motifs, n'est-ce pas?
M. BERTRAND: Ce sont des problèmes trop importants. J'ai souvent
déclaré que j'étais fier d'être Canadien
français. Deuxièmement, que je réalisais que nous devions
vivre non seulement en Amérique du Nord, mais que nous devions vivre au
Canada. L'on sait qu' il y a à l'heure actuelle des problèmes
graves qui se posent au pays et c'est pourquoi, nous du parlement de
Québec, nous avons voulu former un comité chargé
spécifiquement d'examiner l'ensemble du problème canadien, du
problème du Canada français.
M. LESAGE: C'est le domaine de la Législature, pas des Affaires
fédérales-provinciales.
M. BERTRAND: C'est en plein dans les relations
fédérales-provinciales.
M. LESAGE: Oui mais voici un comité qui siège. On ne peut
pas discuter.
M. BERTRAND: Non, je parle d'une manière générale
du rôle...
M. LESAGE: Quand même, ça ne relève pas des affaires
fédérales-provinciales.
M. BERTRAND: D'ailleurs, je sais que le premier ministre n'aime pas
ça. Il n'a même pas voulu l'utiliser pour l'examen de laformule
Fulton-Favreau.
M. LESAGE: Je n'en fait pas partie.
M. BERTRAND: Mais le premier ministre est heureux de l'utiliser comme
argument par exemple, quand il s'agit de répondre à l'honorable
M. Pearson pour expliquer sa volte-face et sa retraite.
M. LESAGE: M. le Président, on peut qualifier...
répéter ces mots-là ad nauseam. Je me demande
jusqu'à quel point c'est parlementaire. Ma lettre est là, du 20
janvier, on peut la qualifier comme on voudra; mol je n'ai rien à
retrancher ni à ajouter, elle est là puis tout ça.
M. BERTRAND: M. le Président, on sait que votre lettre est
là, mais on peut se permettre de l'analyser. On peut se permettre
d'expliquer à la population les raisons de la retraite du premier
ministre...
M. LESAGE: Bien, d'abord, il s'agit de savoir si c'est une retraite.
M. BERTRAND: On sait que le premier ministre n'aime pas ça quand
on parle de la formule Fulton-Favreau...
M. LESAGE: Non, mais toute l'affaire est là, j'ai de l'ouvrage
à faire, vous pouvez en parler tant que vous voudrez.
M. BERTRAND Il aime mieux sa lettre, se lever pour expliquer...
M. LESAGE: Non, ce ne sont pas des lettres, ce sont des
arrêtés ministériels que je signe.
M. BERTRAND: ... exactement ce qu'il y a dans sa lettre. Non, non...
M. LESAGE: Ce ne sont pas des lettres ce sont des arrêtés
ministériels que je signe.
M. BERTRAND Il est lié à sa lettre, il ne veut pas tenter
d'expliquer d'aucune manière en dehors du texte qu'il a écrit que
des conseillers lui ont aidé à préparer sans aucun
doute...
M. LESAGE: Certainement,
M. BERTRAND: Il ne veut pas du tout sortir du texte. M. le
Président, nous ne craignons pas, dans ce domaine-là, d'exprimer
publiquement nos idées sur le problème constitutionnel, sur la
formule Fulton-Favreau, sur le problème du rapatriement de la
Constitution; mais nous aurons d'autres occasions d'y revenir, et je tenais
à rétablir les faits et à déclarer que, s'il y
avait eu une motion de censure à l'endroit du premier ministre actuel
pour avoir accepté à l'époque la formule de rapatriement
dite formule Fulton-Favreau, le député de Missisquoi aurait
voté avec le chef de l'Opposition, contre l'acte imprudent, grave,
qu'avait posé le premier ministre de la province de Québec
à l'époque.
M. GODBOUT: Si l'on veut bien me le permettre, j'aurais quelques
remarques qui seront comme des conclusions à cet intéressant
débat. Quelles que soient les circonstances de la naissance, de la vie,
de la maladie et peut-être du décès de la formule
Fulton-Favreau, il faut bien se rappeler qu'à un moment donné
tous les hommes de bonne volonté au Canada considéraient
qu'après trente ans de recherches, il était à
espérer qu'on découvrit une nouvelle formule pour rapatrier la
Constitution. La Reine est venue nous visiter pour nous dire ceci: « Mes
loyaux sujets peuvent revendiquer leurs droits ». Franchement, elle
était plus généreuse dans son discours que
l'étaient certains de nos concitoyens des autres provinces.
Alors, M. le Président, il reste ceci, c'est que si l'on
écrivait à la manière des Romains aujourd'hui et que si
nous dressions une plaque commémorative, nous pourrions y inscrire ceci;
« Sous le gouvernement de Jean Lesage, premier ministre, le peuple du
Québec eut le dernier mot en Constitution ». Et ce serait la
vérité et ce serait heureux que ce soient les Canadiens
français qui présentement, sous le règne du premier
ministre, quels que soient ses actes passés, le peuple du Québec
ait le dernier mot en matière constitutionnelle. Et qui peut
prétendre que ce ne sont pas les gestes successifs et progressifs du
premier ministre qui ont amené le peuple du Québec à avoir
le dernier mot sur la constitution?
Je ne puis parler de ce qui est dans l'esprit de l'honorable premier
ministre, mais je prends les résultats, je prends les faits, je regarde
la réalité, telle qu'elle existe aujourd'hui, et aujourd'hui, ces
faits, cette réalité nous démontrent que, sous la conduite
de l'honorable Jean Lesage, sous la conduite de notre premier mi- nistre, sous
la conduite d'un gouvernement libéral, celui qui va se prononcer en fin
de compte sur le sort des Canadiens français, sur les amendements
possibles à la constitution, ce n'est pas le premier ministre, ce ne
sont pas les premiers ministres des autres provinces, ce ne sont pas les
partis, c'est le peuple du Québec qui, actuellement, détient la
clé de la solution.
M. le Président, je crois qu'il faut dire à notre peuple
ceci: En 1760, nous avons perdu le Canada, nous l'avons perdu par
défaite militaire. Il ne faudrait pas perdre le Canada de nouveau en
1966. Deux cents ans après, il ne faudrait pas reperdre le Canada, car
ce Canada, par les traités, par les conventions, il nous a
été redonné. On nous a remis le Canada. On a fait une
province de la province de Québec. On a fait un Haut et un Bas Canada.
On a tenté une union du Haut et Bas-Canada. Mais, en fin de compte,
aujourd'hui, juridiquement et légitimement, nous sommes des citoyens
d'origine française, mais nous sommes aussi des citoyens du Canada. Par
conséquent, prêcher le séparatisme, je crois que c'est
spolier la nation canadienne-française. Je crois que c'est lui enlever
la majeure partie de son territoire, que c'est la renfermer dans une seule
province, c'est la mettre dans un ghetto au milieu de 300 millions de
Canadiens-anglais, pardon d'Anglo-Saxons, d'Américains et de Canadiens
anglais. Par conséquent, n'allons pas prêcher à nos gens le
séparatisme. N'allons pas leur offrir cette solution car alors nous les
priverions de droits acquis, nous les priverions d'une conquête qu'ils
ont faite petit à petit par leurs vertus, par leurs sacrifices, par leur
travail, par leurs conventions, par leurs ententes avec leurs compatriotes
anglais. Non. Ce qu'il faut leur prêcher c'est ceci: Notre
première ligne de défense, c'est la lutte pour la culture
canadienne-française, non seulement dans la province de Québec
mais dans tout le Canada. C'est la reconnaissance de deux cultures, de deux
richesses nationales, des deux plus belles langues qui existent dans l'univers
et de deux nationalités qui peuvent s'entendre, se comprendre parce
qu'elles viennent toutes deux de l'Occident, toutes deux de l'Europe, parce
qu'elles sont toutes deux soeurs par l'origine et par les ancêtres et
parce qu'il est possible pour des gens de même qualité de se
comprendre et de s'apporter mutuellement l'apport qu'elles peuvents se
donner.
M. le Président, il faut revendiquer et obtenir justice quant
à l'application intégrale de la Constitution
confédérative qui nous régit. Cela c'est important. Cela,
c'est capital. Il faut que la loi actuelle, tant qu'elle ne sera pas
changée,
ni modifiée, soit respectée religieusement et
consciencieusement par tous, par les Canadiens français comme par les
Canadiens anglais, par les gouvernements provinciaux comme par le gouvernement
fédéral, par le gouvernement du Canada. Il faut revendiquer nos
droits. Nous en avons. Ils nous viennent des traités. Nous avons
été vaincus, mais nous n'avons jamais été de
véritables vaincus. Nos conquérants nous ont reconnu des droits.
Il faut les réclamer. Il faut y tenir, mais il faut le faire en
gentilshommes et suivant les règles établies dans un
régime véritablement démocratique, véritablement
parlementaire.
Et surtout, il ne faudrait jamais oublier que notre ligne de combat
c'est la culture. Quand nous aurons convaincu les Canadiens anglais que ce que
nous leur apportons c'est une richesse, qu'ils sont bien heureux de pouvoir la
posséder avec ce que leur donnent les traditions anglaises, eh bien,
quand ils auront compris ce que le Canada est véritablement dans un
monde moderne, pays bilingue autant que possible, pays biculturel, eh bien, ils
seront heureux de nous donner la main et que nous conti- nuiions ensemble le
chemin.
Je voudrais dire un mot des institutions parlementaires britanniques. On
a reproché, tout à l'heure d'ajouter des us et coutumes de
l'Angleterre.
Mais, depuis la Grande Charte, depuis le treizième siècle,
depuis la lutte de barons contre le despotisme royal, depuis les
conquêtes, petit à petit, des corps intermédiaires, des
corporations de métiers, des groupes syndicaux, contre la puissance
royale, y a-t-il quelque chose de plus beau que le parlementarisme?
Et cette forme de gouvernement, ces coutumes qu'a innové
l'Angleterre. Eh bien! il n'y a pas de honte à dire que c'est cette
procédure parlementaire qui a fait les Etats civilisés. Et les
Etats civilisés d'aujourd'hui sont gouvernés suivant la forme
parlementaire, et la forme parlementaire qui dérive de celle
d'Angleterre. Par conséquent, il ne faut pas être injuste, dans
son nationalisme, il ne faut pas être d'un zèle qui tourne
à l'incompréhension, au refus de reconnaître ce qu'on a
reçu de l'histoire, n'est-ce pas.
Par conséquent, je dis ceci, je répète ceci, et
j'en suis convaincu: Le parlementarisme dont nous avons hérité
est une richesse du monde anglo-saxon. Il a été copié, il
a été imité, il a été mitigé par les
plus grands peuples de l'univers, et ce parlementarisme est celui qui a fait
les nations civilisées. Regardez comment l'Angleterre a détruit
son empire, par la force des circonstances. Regardez comment elle s'est
retirée des pays ou des colonies qu'elle avait conquis. Alors que
d'autres pays, et non pas les moindres, des pays aussi intelligents et
brillants que la France, laissaient leur colonies dans un état de
désordre, d'émeutes, d'insurrection, l'Angleterre se retirait de
ses colonies en laissant des institutions gouvernementales qui
opéraient, en laissant des parlements qui existent encore et qui rendent
service.
Par conséquent, elle avait trouvé une formule, formule
politique qui engendrait la paix, l'ordre et souvent la
prospérité et le progrès. J'en suis pour le modernisme. Je
veux marcher avec mes contemporains, mais il y a des traditions, des souvenirs,
des histoires de la grande Histoire que l'on ne peut oublier, et quand on les
oublie, on risque de se déraciner, de s'égarer et peut être
de se perdre définitivement. Par conséquent, si la marche des
individus se calcule par cinquantenaires, la marche des peuples se calcule par
des milliers d'années et des civilisations, par des cent mille
années et peut être des millions d'années. Donc, ces
traditions, il faut y tenir, il faut les regarder avec attention et les
conserver dans ce qu'elles ont de bon, d'acquis et de parfait, le plus
longtemps possible. Et je ne suis pas seul. Lorsque Homère nous raconte
le voyage des Argonautes, après que ceux-ci ont pris tous les moyens
pour réussir contre des peuples, quelles défenses les peuples
vont-ils leur opposer? Quelles défenses les peuples qui vont se faire
conquérir vont-ils jeter contre les envahisseurs grecs, contre ces
Barbares qui viennent du Nord et qui, par le Pont-Euxin, sont en train de leur
ravir les biens qu'ils possèdent et leurs civilisations? Ils vont leur
jeter une chose qui va les vaincre, une chose qui va faire d'alexandre un
Asiatique, qui va faire de bien d'autres Grecs, ceux du temps d'Homère
des vaincus. Ils vont leur jeter à la face les traditions. Comment le
grand auteur grec représente-t-il cela? Il représente cela par le
geste du grand prêtre jetant à terre un os qui fait sortir des
squelettes. Et ces squelettes ce sont les traditions d'un peuple, qui vont se
battre pour lui, avec lui, lui conserver ses droits et sa place.
M. GABIAS: A l'occasion de l'étude du budget des Affaires
fédérales-provinciales, je voudrais, comme il s'agit du
ministère le plus important pour la province de Québec, non pas
au point de vue de la somme qu'on y consacre, mais au point de vue des droits
qui y sont touchés et également au point de vue de l'attitude que
la
province de Québec doit prendre en ce qui a trait aux relations
fédérales-provinciales, attitude qui doit être basée
uniquement sur les droits de la population et uniquement sur les traditions, et
uniquement sur la volonté de la population... Le texte de loi qui
prévoit la formation du ministère des Affaires
fédérales-provinciales, loi qui a été
adoptée le 24 mars 1961, charge le ministre responsable de ce
ministère de veiller à toutes les relations qui doivent exister
entre le gouvernement de la province et celui du Canada ou ceux des autres
provinces. Mais il doit spécialement favoriser le plein
épanouissement de l'autonomie provinciale et faciliter la collaboration
intergouvernementale dans le respect de la constitution.
J'attire votre attention, M. le Président, sur cet article 2 de
la loi parce que le ministre chargé, qui est nommé pour faire
appliquer cette loi, n'a pas le choix, il est obligé de se conformer
à tout instant et en toute circonstance, il est obligé de se
conformer à la volonté du Parlement. Il est obligé,
quelles que soient ses idées personnelles, sur les questions de
relations fédérales-provinciales, il est obligé, lorsqu'il
se prononce, de tenir compte de la volonté du Parlement et il n'a pas le
droit de faire de ce ministère sa chose à lui. Il est le
mandataire du parlement et le parlement c'est l'expression de toute une
population. Trop souvent, depuis quelques années, trop souvent, depuis
quelques années...
M. LESAGE: Ce que vous venez de dire est constitutionnellement faux.
M. GABIAS: M. le Président, si le premier ministre veut soulever
un point d'ordre, il le fera.
M. LESAGE: Non, non, je voulais dire que ce que vous venez de dire est
constitutionnellement faux, c'est tout.
M. GABIAS: Si le premier ministre veut intervenir dans le débat,
il le fera.
M. LESAGE: Non, non, je suis occupé.
M. GABIAS: Ce qui surprend, M. le Président, c'est lorsque des
questions sérieuses lui sont posées sur son attitude, il n'a rien
à répondre. Tout ce qu'il fait, c'est de nous
référer à une lettre qu'il a écrite le 20 janvier.
Toutes les questions sérieuses qui lui ont été
posées concernant son attitude à l'égard de la formule
Fulton-Favreau, ses seules réponses ont été: Relisez la
lettre du 20 janvier 1966. Et, lors- qu'on ne lui pose pas de questions il
trouve moyen de répondre. Voyez la logique du premier ministre. Dans une
question aussi importante que cette question des relations
fédérales-provinciales, le premier ministre a trouvé moyen
cet après-midi de vouloir ridiculiser l'attitude que prend un parti, a
voulu faire croire, avec deux ou trois phrases relevées dans le journal
des Débats, a voulu faire croire à toute une population que
l'Union nationale, parti de l'Opposition, était séparatiste, et
que ce serait, le thème de la campagne de l'Union nationale.
M. LESAGE: Ce n'est pas moi qui l'ai dit. C'est votre chef qui l'a dit,
hier soir.
M. GABIAS: M. le Président, lorsqu'un premier ministre est rendu
à employer...
M. CLICHE: Ce n'est pas son chef. M. LESAGE: Ah, ce n'est pas son
chef?
M. GABIAS: ... de telles tactiques, dans le Parlement de la province de
Québec, au sujet de relations fédérales-provinciales, je
dis qu'il défend à ce moment-là une cause que lui, il sait
désespérée entre ses mains.
M. LESAGE: Ne me dites pas!
M. GABIAS: Il sait que la cause qui lui a été
confiée, il réalise qu'il n'est pas capable de la mener à
bonne fin, que le mandat qui lui a été confié par la loi
que lui-même a demandé au parlement de voter, le 24 mars 1961, le
premier ministre réalise, après cinq ans, qu'il n'est pas
capable, à cause de ses longs séjours à Ottawa, de se
faire l'écho de la population du Québec et, dans toute cette
question de relations fédérales-provinciales, de toutes les
questions qui sont débattues dans ce parlement, c'est la question
primordiale, c'est la question qui passionne, et avec raison, la population.
C'est la question qui va nous assurer si vraiment Québec a la place qui
lui revient dans la confédération et si vraiment Québec
doit avoir le statut qui lui a été concédé et
accordé de droit en 1867.
On essaie, M. le Président, depuis quelques années; le
parti libéral provincial, avec le premier ministre en tête, essaie
de convaincre la population du Québec que cette question
fédérale-provinciale n'est pas plus importante que les autres,
que cette question de relations fédérales-provinciales n'a pas
plus d'importance que lorsqu'il s'agit de passer un contrat concernant
l'aménagement rural. On est allé même jusqu'à
affirmer qu'il fallait, avant tout, être pragmati-
que dans toutes nos relations avec le fédéral. Jamais,
dans cette province, un premier ministre a traité la question des
relations fédérales-provinciales d'une façon pragmatique.
Tout le monde s'est accordé, jusqu'au premier ministre actuel,
jusqu'à son avènement à la tête du gouvernement de
la province, tout le monde s'est bien gardé de discuter de ces relations
fédérales-provinciales d'un point de vue pragmatique. On s'est
bien gardé, parce que tous les premiers ministres qui ont
précédé étaient convaincus qu'ils n'avaient pas le
droit de traiter de ces questions d'une façon personnelle, qu'ils
étaient obligés d'écouter la voix du peuple, que le peuple
entend bien que le gouvernement du Québec soit celui qui va faire
respecter ses droits en toutes circonstances et en toutes occasions.
Qu'il y ait, M. le Président, de la coopération entre
Québec et Ottawa, qu'il y ait de la coopération entre
Québec et les autres provinces, nous en sommes tous dans Québec,
mais ce dont nous ne sommes pas et nous ne pouvons pas être, c'est que
nous allions sacrifier les droits de toute une population, nous allions
sacrifier les luttes de toute une nation, nous allions sacrifier un pacte qui a
été obtenu dignement en 1867. On essaie de leurrer la population
et de lui faire croire que le sujet des relations
fédérales-provinciales n'est pas plus important que les autres,
qu'il doit être traité de la même façon que les
autres questions, pragmatiques!
Mais où allons-nous aller, M. le Président? Et vous voulez
un exemple de la façon dont on a traité cette grave question? Ce
n'est pas moi qui l'invente. Je ne me réfère pas non plus
à des coupures de journaux. Je m'en rapporte à un texte officiel.
Comment lepremier ministre a-t-il traité la question des relations
fédérales-provinciales concernant la formule Fulton-Favreau?
C'est le premier ministre du Canada lui-même qui nous le dit dans sa
lettre du 26 janvier 1966, alors qu'il écrit au premier ministre de la
province de Québec, troisième paragraphe: « Au premier rang
de ces indications, il y a évidemment le fait que la formule de
modification de notre Constitution fut acceptée à
l'unanimité par les chefs du gouvernement fédéral et des
dix gouvernements provinciaux lors de la conférence
fédérale-provinciale, le 14 octobre 1964. Nous nous sommes alors
tous engagés à soumettre la procédure de modification
proposée à nos gouvernements respectifs pour leur approbation
formelle, selon les formalités internes que chacun jugerait
appropriées. En second lieu, le libre Blanc que le gouvernement
fédéral publia sur la question en mars 1965 avait reçu
l'accord sans réserve des dix gouvernements provinciaux. »
M. le Président, il y a eu un premier ministre dans le
passé, un premier ministre libéral, en 1940, qui a
également engagé le gouvernement de la province par une seule
signature sur des questions importantes qui concernaient les droits de la
province et on sait ce qui est arrivé de ce premier ministre dans le
temps. On sait comment la population l'a jugé. Aujourd'hui, nous sommes
en présence d'un second premier ministre libéral qui, sans
l'autorisation de la Chambre, sans l'autorisation du peuple du Québec,
s'est engagé formellement, le 14 octobre 1964, à faire en sorte
que la formule Fulton-Favreau soit soumise parce qu'elle était
acceptée.
Est-ce que le témoignage du premier ministre du Canada est
suffisant pour bien se convaincre que le premier ministre actuel a
accepté formellement la formule Fulton-Favreau sans y être
autorisé, sans qu'elle soit même soumise à cette Chambre?
Il l'a soumise à son conseil des ministres et à son conseil des
ministres au moins un, l'honorable ministre de la Santé, l'a
acceptée également sans réserve.
Dans une conférence qu'il prononçait, le 30 mars 1965, au
club Rotary de Montréal, le ministre de la Santé disait, et cela
je le cite au cas où on voudrait mettre en doute la parole du premier
ministre du Canada, alors qu'il dit que la formule avait été
formellement acceptée; j'Invoque le témoignage du ministre de la
Santé qui dit ceci: « Le 14 octobre 1964, à la suite d'une
conférence qui réunissait le premier ministre du Canada et les
premiers ministres des provinces, une formule de rapatriement de la
constitution canadienne était approuvée, ainsi que le
déclarait le communiqué préparé à l'issue de
la conférence.
Et je cite: « Notre constitution sera devenue, pour la
première fois dans l'histoire du Canada, vraiment et complètement
canadienne ».
Voici un ministre qui se faisait le porte-parole du gouvernement
québécois et, au mois de mars, le 30 mars 1965, il
n'hésitait pas à déclarer formellement que, pour la
première fois, parce qu'il prenait pour acquis que la formule
Fulton-Favreau était acceptée par le gouvernement: « Notre
constitution sera devenue, pour la première fois dans l'histoire du
Canada, vraiment et complètement canadienne ». Et il ajoutait
ceci: « J'accepte cette formule d'amendement, conscient du fait que tous
nos efforts ont tendu vers quelque chose de meilleur tout en nous rendant
compte de la vanité de vouloir construire une société
canadienne vigoureuse et créatrice, avec un équilibre et une
harmonie convenables entre nos deux peuples, tant que nous ne serions pas
maîtres chez nous
et d'ajouter le ministre de la Santé, qui dans le temps
était ministre du Revenu, dans le cabinet provincial actuel
comment, disait-il, une nation peut-elle être confiante et sûre
d'elle-même, libre et fière, dynamique et vigoureuse si elle doit
chercher à obtenir l'accord d'une autre nation, lorsqu'il s'agit
d'amender sa constitution pour des questions aussi simples que la modification
des fonctions d'un juge de la Cour supérieure ou la distribution de
prestations supplémentaires au titre des pensions de vieillesse
»?
Le ministre acceptait la formule Fulton-Favreau. Il était heureux
de constater que, pour une première fois, le Canada avait une
constitution bien à lui et il ajoutait, pour bien faire voir et faire
bien comprendre qu'il n'était pas seul à raisonner ainsi dans le
conseil des ministres québécois.
Il le savait qu'il n'était pas seul à penser ainsi, et il
le disait à son auditoire, parce qu'il en avait parlé
sûrement au cabinet des ministres et il savait qu'il avait l'autorisation
de pouvoir dire qu'il était fier que, pour une fois, il y ait une
constitution bien canadienne et il disait; « Voilà le défi
auquel ont fait face mes collègues, en octobre dernier ». Et il se
référait à la réunion du 14 octobre 1964 où
le premier ministre québécois a accepté, au nom de la
province, la formule Fulton-Favreau pour la soumettre à
l'Assemblée législative du Québec. Le ministre savait tout
cela et il s'empressait de le dire à son auditoire: « Voilà
le défi auquel ont fait face mes collègues en octobre dernier, en
particulier l'honorable Jean Lesage et l'honorable Paul Gérin-Lajoie. A
une époque où la pensée politique du peuple du
Québec passe, tel une pendule, d'un extrême à l'autre, il
n'est pas facile, disait le ministre, lorsqu'on est un chef politique et
je pense bien qu'il se référait au premier ministre actuel de la
province il n'est pas facile, lorsqu'on est un chef politique, de
déclarer que les droits d'un peuple ne peuvent pas être
préservés en les figeant dans des formes statiques, et que la
révision est nécessaire si le Québec veut obtenir une
liberté suffisante de mouvement. » Le ministre est pratique, il
veut, tel un pendule, que la province de Québec puisse avoir une
constitution; lorsque le pendule est au haut et vers l'ouest, que Québec
ait un genre de constitution et, lorsque le pendule est en haut vers l'est, que
Québec ait un autre genre de constitution. C'est du pragmatisme, M. le
Président, et c'est cela...
M. LESAGE: Est-ce contre vous que vous êtes
fâché?
M. GABIAS: Pas du tout, M. le Président, je ne suis pas
fâché, mais, lorsqu'il s'agit par exemple de défendre les
droits de la province de Québec, il n'y a pas d'autre moyen surtout si
l'on veut faire comprendre les gens d'en face, il n'y a pas d'autres moyens que
de prendre celui du ton élevé, parce que, peut-être au
moins, on croit qu'ils vont être capables de saisir l'importance de ces
questions. Et autrement...
M. LAPORTE: Le ton élevé n'apparaîtra pas dans le
journal.
M. GABIAS: ... le premier ministre est bien mal venu...
M. LESAGE: Non, mais il n'imprime pas en grosses lettres, parce que vous
élevez la voix, vous.
M. GABIAS: Le premier ministre est bien mal venu de se plaindre, M. le
Président, je regrette beaucoup.
Le député de Bourget vient de me dire que je ne savais ce
que je disais. Ce n'est pas un compliment qu'il fait au ministre du Revenu. Je
suis en train de lire le texte du ministre du Revenu...
UNE VOIX: Cela doit être pas mal...
M. GABIAS: Je suis d'accord avec le député de Bourget.
UNE VOIX: Tiens, tiens, tiens!
M. GABIAS: C'est pour cela que j'élève la voix. C'est pour
cela que j'attire l'attention de cette Chambre sur un texte qui voulait lier la
province de Québec qui nous assurait, qui nous confirmait ce que nous
pensions et ressentions, que le gouvernement du Québec acceptait
d'emblée la formule Fulton-Favreau.
M. LAPORTE: Cela vous désappointe qu'on ne l'accepte plus hein?
Ah Seigneur!
M. GABIAS: Non, M. le Président.
M. LAPORTE: Que ça vous désappointe donc!
M. GABIAS: Ce n'est pas ça qui me désappointe. Ce qui me
désappointe, M. le Président, c'est qu'on n'y a pas
renoncé encore à cette formule.
M. LAPORTE: Ah tiens!
M. GABIAS: C'est cela qui me désappointe. Si on nous disait
franchement que la formule Fulton-Favreau est enterrée
définitivement et qu'il n'y a aucun danger pour qu'elle ressuscite dans
sa formule actuelle. Que le premier ministre nous le dise et en donne
l'assurance à la province. Que le ministre de la Santé se
lève et qu'il nous dise qu'il ne croyait pas sa conférence du
mois de mars 1965. Qu'il nous dise cela et on pourra à ce
moment-là penser...
M. KIERANS: Ce ne sont pas mes estimations budgétaires que vous
traitez et que vous discutez. Ce sont les estimations du ministre des Finances.
Je ne peux pas me lever pour répondre à vos paroles.
M. LAPORTE: Elucubrations.
M. GABIAS: Evidemment, je n'ai pas invité le ministre à se
lever pendant mon discours. Mais il pourra se lever après.
DES VOIX: Est-ce un discours?
M. GABIAS: Demain, il pourra informer la population de cette province si
vraiment il croyait ce qu'il lisait le 30 mars 1965. Il pourra nous dire s'il
était le porte-parole du premier ministre et du ministre de l'Education
lorsqu'il a prononcé cette causerie. Il pourra nous le dire demain. Il
va en avoir l'occasion. Et c'est cela que la province attend. C'est cela que la
population attend du ministre. Qu'est-ce qu'ils vont faire à l'avenir?
Est-ce que la formule Fulton-Favreau est définitivement enterrée,
oui ou non?
M. LESAGE: Bien lisez ma correspondance!
M. GABIAS: C'est cela que l'on veut! Même en lisant... C'est
très bien de dire, M. le Président,... c'est très bien
d'entendre le premier ministre dire: « Lisez ma lettre ». Mais il y
a également la lettre de son chef. Il y a la lettre du premier ministre
libéralprovincial,... le chef libéral
fédéral...
M. LESAGE: Eh bien, êtes-vous pour la formule Fulton-Favreau,
vous?
M. GABIAS: ... son chef à Ottawa.
M. LESAGE: Je n'ai pas de chef à Ottawa!
M. GABIAS: Il ne dit pas la même chose, M. le
Président.
M. LESAGE: Oui, mais est-ce que le député de
Trois-Rivières a lu ma réponse à M. Pearson? ...
février...
M. GABIAS: Le chef dupremier ministre...
M. LESAGE: Franchement il parle à travers son chapeau!
M. GABIAS: ...libéral québécois a demandé,
au mois d'octobre 1965, alors que les élections fédérales
approchaient, le 8 novembre 1965, mois d'octobre 1965, le chef du parti
libéral fédéral demandait au chef du parti libéral
provincial de ne pas annoncer en ce moment qu'il avait renoncé à
la formule Fulton-Favreau, et le chef...
M. LESAGE: J'invoque le règlement, je comprends que le
député de Trois-Rivières a beaucoup d'imagination, mais ce
qu'il vient de dire est totalement faux et je le nie de mon siège.
M. GABIAS: Il y a des faits que l'on ne peut pas omettre.
M. LESAGE: Comment, qu'on ne peut pas omettre?
M. GABIAS: Il y a des faits que l'on ne peut pas oublier, et nous
savons...
M. LESAGE: N'oubliez donc pas de dire la vérité des
fois.
M. LAPORTE: N'oubliez pas qu'il est six heures.
M. GABIAS: Alors je demande l'ajournement.
M. LESAGE: Alors, c'est à regret qu'on va se priver.
M. GABIAS: Oui, oui, j'espère.
M. LESAGE: Ah, voyons ça me fait de la peine. Voyez nos
larmes.
M. GABIAS: Non, non gardez ça pour faire du show ailleurs.
M. LE PRESIDENT: Quand le comité siège-ra-t-il?
M. LAPORTE: Prochaine séance. Nous autres, quand on a fini de
discuter, on s'entend, on a hâte qu'on sorte.
M. BERTRAND: On a hâte que vous nous disiez...
M. LAPORTE: On siège demain. A deux heures et demie.
M. BERTRAND: Demain après-midi.
M. LAPORTE: Deuxièmement, nous aurons la période des
questions comme d'habitude...
M. BERTRAND: Ah! comme d'habitude.
M. LESAGE: Il y a des fois qu'ils en oublient. Ils en ont oublié
aujourd'hui.
M. LAPORTE: Ensuite nous étudierons le projet de loi sur la ville
de Bécancour, parce qu'il faut que ce soit sanctionné autant que
possible bientôt et ensuite nous reviendrons aux crédits du
ministère des Affaires fédérales-provinciales et des
Finances.
M. BERTRAND: La Voirie en bas?
M. LAPORTE: La Voirie continuera en bas si ça n'est pas
terminé.
M. LESAGE: Ici en haut?
M. BELLEMARE: Si le bill des Infirmières n'est pas fini
demain?
M. LESAGE: Oui. Le bill des Infirmières s'il n'est pas fini
demain midi, je n'arrête pas la Chambre de siéger pour les bills
privés.
M. BELLEMARE: Non, non, il sera remis à une autre semaine, la
semaine prochaine.
M. LESAGE: Il sera remis si ce n'est pas remis sine die. Alors, on va
voir ce qui va se passer.
M. LAPORTE: Si on terminait...
M. LESAGE: Je ne pense pas qu'on finisse ça demain, de la
façon dont les choses vont ici.
M. BELLEMARE: J'ai compris sine die.
M. LAPORTE: Si nous terminons les Finances, les Affaires
fédérales-provinciales demain, en Chambre les Affaires
municipales et au comité en bas, les Terres et Forêts. Cela
ça vaut pour demain seulement. Encore une fois, M. le Président,
je propose l'ajournement de la Chambre à demain après-midi
à deux heures et trente.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? La Chambre est
ajournée à demain après-midi à deux heures et
trente.