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(Onze heures du matin)
M. PAUL (Président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. JOHNSON: c), s'il vous plaît.
Bill no 25
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la
première lecture d'une Loi assurant le droit de l'enfant à
l'éducation et instituant un nouveau régime de convention
collective dans le secteur scolaire. La motion est-elle adoptée?
M. LESAGE: Explication.
M. BERTRAND: M. le Président, ce projet a pour but de mettre fin,
dans les 48 heures de sa sanction, aux grèves d'instituteurs qui
sévissent présentement au Québec et de prolonger, jusqu'au
30 juin 1968, certaines conventions collectives et de mettre en place un
mécanisme en vue de la négociation à l'échelle
provinciale. Aucun instituteur, visé par ce projet, ne subira une baisse
de traitement. Tous auront droit à une augmentation de
rémunération. Les organismes les plus représentatifs des
instituteurs et des commissions scolaires devront conseiller le gouvernement
sur les questions qui feront l'objet d'une négociation provinciale.
M. LESAGE: M. le Président, une question préalable.
Première question: est-ce que le projet de loi est prêt pour
distribution?
M. BERTRAND: Le premier ministre va répondre.
M. JOHNSON: M. le Président, on a remarqué l'absence du
ministre de l'Education des séances, hier et les jours
précédents...
M. LESAGE: La vôtre aussi, sans doute.
M. JOHNSON: ... et pour cause. Quant à la mécanique
d'impression et de distribution, voici: nous espérons avoir le bill pour
distribution dans quelques heures...
M. LESAGE: Dans quelques heures, ça veut dire quoi?
M. JOHNSON: Au plus tard vers trois heures, m'a-t-on assuré.
M. LESAGE: Est-ce que c'est l'intention du premier ministre de proposer
que la Chambre siège cet après-midi?
M. JOHNSON: Oui, M. le Président, et dès que le bill aura
été distribué, si tel est le désir de l'Opposition,
nous pourrons même ajourner la séance d'une heure, ou deux, ou
trois, s'il le faut, pour permettre aux députés de tenir des
caucus de part et d'autre et examiner le projet en groupes.
M. LESAGE: M. le Président, je reconnais la
générosité du premier ministre. Depuis des semaines et des
semaines, le gouvernement hésite...
M. JOHNSON: Est-ce une question?
M. BELLEMARE: Ce n'est pas un discours...
M. LESAGE: M. le Président, en vertu de l'article 114, il est
loisible de discuter de la marche des travaux de la Chambre. Le gouvernement
hésite depuis des semaines et des semaines, il ne sait pas comment
procéder et étudie...
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. LESAGE: ... toute la question à des consultations, et voici
que l'on veut forcer l'Opposition à prendre, à adopter une
attitude dans l'espace de quelques heures. C'est souverainement injuste. M. le
Président, nous examinerons le projet de loi aussitôt qu'il sera
distribué et nous serons alors en mesure d'avoir un caucus
préliminaire et, par la suite, l'Opposition pourra, à la
lumière de ce que contiendra le projet de loi, donner une réponse
au premier ministre.
Maintenant, il y a une question préliminaire à laquelle il
serait important, je crois, d'avoir une réponse. Est-ce que le projet de
loi prévoit l'arbitrage obligatoire ou non?
M. JOHNSON: Je vais répondre à ça, M. le
Président. D'abord, il n'est pas exact de dire que nous voulions forcer
l'Opposition. Si, au bout de quelques heures, tel est le désir de
l'Opposition, on ne se sent pas prêt à la discu-
ter, on nous le dira et on accordera un délai additionnel,
sans...
M. BERTRAND: C'est tout.
M. JOHNSON: ... difficulté. Il ne s'agit pas de faire avaler le
projet de loi de force...
M. LESAGE: Il y a le règlement.
M. JOHNSON: ... mais, s'il est possible au bout de quelques heures de
délibération, de s'entendre pour en attaquer l'étude tout
de suite, nous y verrons. Quant à ces délais additionnels, nous
sentons qu'il serait raisonnable de les accorder s'ils sont demandés par
l'Opposition, et là, nous n'aurons pas d'objection à les
accorder.
M. LESAGE: M. le Président, il ne s'agit pas d'accorder des
faveurs à l'Opposition. C'est l'opposition qui fera des faveurs au
gouvernement...
M. JOHNSON: Non, non...
M. LESAGE: ... parce que les règlements disent qu'il ne peut y
avoir qu'une lecture par séance...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: C'est donc l'Opposition qui consentira, non pas le
gouvernement qui consentira.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. BELLEMARE: On peut faire la deuxième lecture puis la
troisième lecture demain.
M. JOHNSON: ... je ne veux pas au départ envenimer le
débat, mais je dois répondre à certaines affirmations.
Nous ne voulons pas politiser ni envenimer le débat. Le chef de
l'Opposition a dit que nous ne savions pas quoi faire. Ce n'est pas tout
à fait exact. Nous voulions laisser exercer par les syndiqués les
droits prévus au code du travail et intervenir de la façon la
plus efficace, sans assommer, ni tuer, ni matraquer qui que soit.
M. LESAGE: Il n'est pas question de matraquer qui que soit, ce sont des
professeurs.
Je vous ferai remarquer, M. le Président, que la bouche parle de
l'abondance du coeur. Le premier ministre a donc pensé à faire
matraquer les professeurs.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. JOHNSON: Quand on parle avec sa tête, évidemment, on se
souvient de certaines choses qui sont arrivées dans d'autres
circonstances similaires.
M. LESAGE: Le premier ministre serait mieux de ne pas faire de menaces
indirectes. Est-ce que le premier ministre ou le ministre de l'Education
pourrait répondre à ma question? Est-ce que le projet de loi
prévoit l'arbitrage obligatoire?
M. BERTRAND: Le Président est debout.
M. LE PRESIDENT: Puis-je suggérer aux honorables
députés que nous adoptions la première lecture du bill,
quitte à faire face aux éventualités ou aux
possibilités au fur et à mesure qu'elles pourraient se
présenter? Ainsi, nous pourrions peut-être entre-temps progresser
dans les travaux de la Chambre.
M. LESAGE: Il me semble que la question que j'ai posée est
raisonnable. C'est une explication sur le projet de loi que f ai
demandée.
M. LE PRESIDENT: J'ai bien mentionné que ce n'était pas
une directive ou une décision, c'était une suggestion que je
faisais à la Chambre.
M. LESAGE: Bien respectueusement, M. le Président, je crois que,
pour faire avancer les travaux de la Chambre, il serait bon que le gouvernement
donne des réponses à certaines questions qui ont pour but
d'obtenir des précisions sur le projet de loi, étant donné
que nous ne l'aurons que dans quelques heures. Si nous savions quels sont les
principes en jeu dans le projet de loi, il serait plus facile pour nous de
prendre des décisions quant à l'attitude que nous prendrons.
M. JOHNSON: La réponse à la question du chef de
l'Opposition, c'est non. La loi ne prévoit pas un arbitrage obligatoire,
en d'autres termes.
M. LESAGE: Est-ce que la loi prévoit la nomination d'un
administrateur?
M. BERTRAND: Non. M. JOHNSON: Non.
M. BELLEMARE: Vous allez voir que c'est bien fait.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée?
M. JOHNSON: Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. JOHNSON: M. le Président,...
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill à une
séance subséquente ou à la même séance?
M. JOHNSON: Je proposerais que, sujet à une entente quant au
délai, ce soit à la même séance.
M. LESAGE: A la prochaine séance, quitte à obtenir le
consentement unanime plus tard, après que nous aurons vu le bill.
M. JOHNSON: Tout le monde sait que nous pourrions faire une motion non
annoncée à n'importe quel moment de la séance. Nous
pourrions faire une motion non annoncée, invoquer l'urgence...
M. LESAGE: Si on veut nous bâillonner, nous ne nous laisserons pas
faire.
M. BELLEMARE: Article 219.
M. JOHNSON: ... utiliser les arguments qu'on a utilisés pour
établir cette urgence, mais nous n'avons pas l'intention de le faire.
Nous avons l'intention d'obtenir, si possible, le consentement unanime de la
Chambre en négociant avec le chef de l'Opposition et les
représentants des indépendants.
M. LESAGE: Nous verrons le bill.
M. LE PRESIDENT: Peut-être que, pour garder une ouverture possible
de bonne entente et de conciliation, nous pourrions convenir que la seconde
lecture du bill aurait lieu à la prochaine séance ou à la
même séance, de consentement.
M. LESAGE: De consentement unanime, évidemment, c'est le
règlement.
M. JOHNSON: M. le Président..
M. LESAGE: Cela n'a pas besoin d'être dans le
procès-verbal, ce sont les règlements.
M. JOHNSON: ... sauf les dispositions du règlement qui nous
permettraient de faire une motion d'urgence.
M. LESAGE: Ah non, il n'y en a pas. M. BELLEMARE: L'article 219.
M. LAPORTE: S'il y a des dispositions dans le règlement, vous
pourrez les invoquer. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire au
procès-verbal.
M. JOHNSON: Sauf les dispositions du règlement qui nous
permettraient une...
M. LESAGE: Il n'est pas nécessaire d'inscrire ça au
procès-verbal, le règlement est toujours là.
M. JOHNSON: ... motion d'urgence. D'accord?
M. LESAGE: Oui, ça va.
M. LE PRESIDENT: Le tout sans préjudice aux dispositions
générales de notre règlement.
M. LESAGE: Pas besoin d'inscrire ça.
M. le Président, nous avions eu l'assurance, il y a deux
semaines, que les séances de la Chambre commenceraient à l'heure
convenue. Hier soir, la Chambre a ajourné ses travaux à 10 h 30
ce matin. M. le Président, je n'ai aucunement l'intention de viser la
présidence. Je sais que la présidence n'en est pas responsable,
mais ce n'est qu'à 11 h 5 exactement que vous avez fait votre
entrée en Chambre. Il est évident que c'est le premier ministre
qui n'était pas prêt Le moins que le premier ministre aurait pu
faire, s'il avait des travaux urgents, aurait été de se
présenter en Chambre à 10 h 30 et de demander une suspension de
la séance. Autrement, en agissant comme il a agi ce matin, il a fait
montre du plus souverain mépris pour les représentants du peuple
et pour l'Assemblée législative en nous obligeant à
attendre que sa majesté le député de Bagot soit
prête à venir rencontrer les représentants du peuple. C'est
de la dictature. C'est afficher un mépris souverain pour
l'Assemblée législative et les représentants du peuple, M.
le Président.
DES VOIX: Ah, ah!
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre! M. LESAGE: Et je n'ai pas fini... DES
VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je comprends que l'honorable chef de
l'Opposition soulève un rappel aux règlements, mais je suis
sûr que ce rappel pourra être fait suivant les expressions
parlementaires admises et reconnues par l'article 285 et le suivant.
M. LESAGE: M. le Président, mais je n'ai rien dit
d'antiparlementaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je n'ai pas reproché quoi
que ce soit à l'honorable chef de l'Opposition. Disons que c'est une
invitation générale que j'ai lancée à tous les
honorables députés.
M. LESAGE: Très bien. Alors, je me souviens très bien
qu'en une occasion il n'y a pas tellement longtemps alors qu'il
était nécessaire de tenir une séance du conseil des
ministres, lors des négociations avec les fonctionnaires du
gouvernement, j'avais demandé et obtenu une suspension de la
séance. Je comprends que ce n'était pas au début de la
séance, c'était durant la séance, mais ce sont des choses
qui se font. Et, si le premier ministre avait eu le moindre respect pour
l'Assemblée législative et les représentants du peuple qui
la composent, il aurait au moins fait une apparition en Chambre, et il est
sûr que les députés de cette Chambre auraient compris que,
dans la situation actuelle, le premier ministre avait besoin de rencontrer ses
collègues. Mais ce que je ne comprends pas c'est ce qui s'est
passé parce qu'il n'y a pas eu de séance du conseil des
ministres, il y avait des ministres ici en Chambre qui, comme nous,
attendaient, attendaient la venue du Messie.
UNE VOIX: On l'a déjà attendu, nous autres aussi.
M. LESAGE: Et le Messie retardait, M. le Président. Où
était-il? Ce n'était pas à une séance du cabinet,
il y en avait plusieurs membres du conseil des ministres ici. M. le
Président, il me semble que les représentants du peuple ont droit
à un peu plus de considération.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE : Et, lorsqu'une séance doit cornmencer à dix
heures trente, c'est une insulte à faire aux représentants du
peuple que de retarder jusqu'à onze heures cinq, c'est-à-dire
trente-cinq minutes. Mais pour racheter le temps perdu ce matin, à cause
du premier ministre, M. le Président, les députés de
l'Opposition se sont entendus pour ne poser aucune question afin de racheter le
premier ministre de ses erreurs et de ses fautes.
M. JOHNSON: M. le Président...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas lui qui va mener la Chambre, certain. On l'a
déjà attendu une heure au comité.
M. LESAGE: Non, non, non.
M. BELLEMARE: Ah oui! une heure au comité. Vous vous en foutiez
bien dans ce temps-là. Vos déclarations, vous les faisiez aux
journalistes au lieu de les faire en Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre.
M. BELLEMARE: La démocratie en brouette!
M. LESAGE: Les séances de la Chambre commençaient à
temps.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre. L'honorable premier
ministre a la parole.
M. JOHNSON: M. le Président, pour parler d'un retard de trente
minutes à trente-cinq minutes...
M. LESAGE: Trente-cinq.
M. JOHNSON: ... le chef de l'Opposition voudrait engager une discussion
de trente à trente-cinq minutes...
M. LESAGE: Non, non.
M. JOHNSON: ... en nous servant un sermon d'une drôle de nature,
un sermon d'injures, perlé évidemment d'expressions
antiparlementaires comme suivantes: « C'est de la dictature, c'est de la
part du premier ministre un mépris souverain de la Chambre ».
M. LESAGE: Ce n'est pas antiparlementaire!
M. JOHNSON: Toutes des expressions extrêmement populaires, M. le
Président, dans la bouche des parlementaires distingués.
M. LESAGE: Bien sûr!
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: Le mépris de la Chambre, c'est régulier. Nous
ne le dirons jamais assez, d'ailleurs.
UNE VOIX: On vous a laissé parler, laissez-le parler!
M. GOSSELIN: Allez donc vous reposer!
M. JOHNSON: L'imputation de motifs, l'utilisation d'expressions
antiparlementaires, M. le Président, disons que nous oublions cet
incident, vous rappelant cependant qu'un député de cette Chambre
a été expulsé pendant huit jours pour avoir employé
l'expression « dictature ».
M. BELLEMARE: C'est lui qui m'a fait ça.
M. JOHNSON: Et pour une vraie bonne raison, cette fois-là.
M. BELLEMARE: Oui.
M. JOHNSON: M. le Président, c 'est la jurisprudence, elle est
consignée dans les procès-verbaux, mais je n'insiste pas. Il faut
bien lui laissé faire ses crises du vendredi, même dans
l'Opposition.
M. le Président, je n'ai pas à rendre compte de tous mes
actes au chef de l'Opposition, ni aux députés, sauf en ce qui
concerne ce retard qui n'est pas du tout imputé à la
présidence. Le chef de l'Opposition a parfaitement raison, le
Président m'a même fait dire qu'il aimerait commencer à
temps, il me l'a fait dire quelques fois. M. le Président, d'accord,
mais pendant ce temps-là nous préparions, quelques
collègues et des conseillers juridiques, certaines précisions,
toujours dans le but de rendre la loi plus équitable, moins litigieuse,
donnant ainsiàcette Chambre l'occasion rêvée par toute la
population d'une entente entre les partis lorsqu'il s'agit du bien des enfants
et au sujet d'un bill que nous voulons faire équitable pour toutes les
parties.
M. le Président, c'est ça la raison du retard. Si nous
avions pu allonger la nuit, si nous avions pu faire siéger le Cabinet
jusqu'à six heures au lieu de trois heures, si les conseillers
juridiques n'avaient pas eu à dormir au moins une heure, si l'imprimeur
avait pu procéder un peu plus rapidement, cela nous aurait sauvé
une demi-heure.
Mais nous n'avons pas réussi. Le portrait change, les
circonstances changent d'heure en heure; les consultations que nous faisons
auprès des personnes impliquées sont autant de facteurs qui
expliquent que nous arrivons avec un projet qui est finalisé, je
l'espère, d'une telle façon que l'Opposition perdra même
tout prétexte de faire de la démagogie, tout prétexte de
faire de l'électoralisme et, M. le Président...
M. LESAGE: Cela commence bien.
M. JOHNSON: ... une loi qui va éviter précisément
ce dont le chef de l'Opposition m'a accusé dans sa colère...
M. LESAGE: Je n'ai pas fait de colère. M. JOHNSON: ... qui va
éviter une dictature... M. LESAGE: Je n'ai pas fait de
colère.
M. BELLEMARE: Non? Il va falloir un miroir.
M. LESAGE: J'ai dit au premier ministre ses faits.
M. JOHNSON: M. le Président... UNE VOIX: Il a juste parlé
fort.
M. JOHNSON: ... le stade voisin, c'est de l'hystérie. Donc, bien
calmement, comme vous le voyez, en oubliant les injures...
M. PINARD: Vous étiez encore au Château, à onze
heures moins quart.
M. JOHNSON: Ce n'est pas exact. Ecoutez, vos informateurs qui me suivent
ne sont pas tous honnêtes, apparemment.
M. PINARD: Vous étiez là quand même.
M. JOHNSON: Saviez-vous avec qui j'étais, là,
jusqu'à telle heure?
M. LAPORTE: Non, mais vous auriez dû être avec nous autres
ici.
M. LOUBIER: C'est malhonnête ça.
M. LAPORTE: Avec qui vous étiez, ça n'a pas d'importance.
Vous auriez dû être avec nous ici.
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. ALLARD: Vous n'êtes pas en mesure de dire des choses de
même, parce que...
M. JOHNSON: Le député de Chambly...
M. LAPORTE: Qui est-ce qui fait de l'hystérie, ce matin?
M. MASSE: C'est vous qui commencez.
M. JOHNSON: Le député de Chambly laisse entendre à
cette Chambre que j'étais au Château au lieu d'être ici.
C'est malhonnête...
M. LAPORTE: M. le Président, je n'ai jamais insinué, ni
affirmé, ni même parlé sur cette question-là.
Ecoutez donc comme il faut.
M. LOUBIER: Vous n'êtes pas capable de prendre la
responsabilité de vos paroles. Vous avez enchaîné sur
l'autre.
M. LAPORTE: Je n'ai pas dit un mot sur ça.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est évidemment une occasion
rêvée pour l'Opposition quelques membres de l'Opposition,
je veux être juste de faire une scène. Je leur demande de
se placer dans la perspective où une Chambre doit se placer au moment
où, dans la province, nous connaissons une crise dont je ne discute pas
les causes et au sujet de laquelle je n'impute des motifs ou des
responsabilités à qui que ce soit. Placé devant un
état de fait, le gouvernement fait son possible; il a
siégé jusqu'à trois heures, les conseillers juridiques ont
travaillé très fort, nous avons fait une dernière mise au
point nous espérons que c'est la dernière mais,
malgré tout ça, nous seront très ouverts pour accueillir
des amendements qui seraient de nature à rendre la loi encore plus
juste. C'est aussi simple que ça, M. le Président.
Je n'invoque pas le règlement pour des expressions
antiparlementaires et je n'invoquerai même pas la jurisprudence qui est
en train de s'établir par les propos du chef de l'Opposition.
M. LAPORTE: M. le Président, juste un mot. Le premier ministre a
apporté des arguments à l'effet qu'il a eu
énormément de travail et que le cabinet également a eu
beaucoup du travail quant à cette loi-là. Il faudrait aussi
rappeler que l'Assemblée législative est en session, qu'il y a
ici 108 députés dont le rôle essentiel est d'être des
législateurs et de voir à ce que le travail sessionnel progresse
le plus rapidement possible. Nous avions adopté, l'an dernier et il y a
deux ans, une pratique qui a porté des fruits. Sans consulter personne,
sans attendre d'avis de personne et sans en demander, le Président
occupait le fauteuil à l'heure prévue pour le début des
séances. Nous nous étions entendus là-dessus, et ça
commençait à l'heure, il faut présumer que le gouvernement
a été occupé continuellement puisqu'il n'est à peu
près pas arrivé, depuis le début de la session, que nous
ayons commencé à l'heure.
Ce matin, le premier ministre aurait du venir en Chambre à 10 h.
30 pour commencer la séance et dire ensuite: Messieurs, est-ce que nous
pourrions ajourner pendant une demi-heure, une heure, deux heures. Nous aurions
été parfaitement d'accord, mais au moins, les membres de cette
Chambre auraient été prévenus des intentions et des
attitudes du gouvernement. Est-ce que je pourrais suggérer qu'à
l'avenir nous priions une fois encore le Président d'occuper le fauteuil
à l'heure prévue pour la séance et que nous commencions?
Il est arrivé à quelques reprises l'an dernier que nous ayons
commencé des séances en l'absence dupremier ministre. Nous
pourrions faire la même chose cette année. Si le gouvernement a
des demandes particulières à faire aux membres de l'Opposition,
je pense que jusqu'ici nous n'avons jamais refusé notre collaboration.
Je pense que c'est essentiel que la Chambre siège à l'heure;
c'est une marque de respect pour les élus et c'est de l'ordre, à
part ça.
M. JOHNSON: M. le Président, je remercie l'autre
révérend père prédicateur...
M. HYDE: Pas moyen d'éviter les personnalités.
M. LOUBIER: Tiens, tiens, qu'est-ce que c'est ça?
M. JOHNSON: Voulez-vous que je remercie un rabbin, aussi?
M. BELLEMARE: Vous nous avez assez massacrés sur le banc.
M. JOHNSON: Il n'y aurait pas un ministre protestant pour nous faire un
sermon?
M. PINARD: En plus d'être séparatiste, il est devenu
raciste.
UNE VOIX: Grossier, grossier.
M. PINARD: Raciste.
M. JOHNSON: Une retraite fermée de 35 minutes. M. le
Président, ce sont des sermons qui n'ont pas leur place...
M. LAPORTE: Ah! vous trouvez justifié d'être en retard tous
les jours.
M. JOHNSON: M. le Président, ça ce n'est pas l'affaire du
député de Chambly...
M. LAPORTE: Très bien.
M. JOHNSON: Le député de Chambly, M. le
Président,...
M. LESAGE: L'aveu.
M. JOHNSON: ... va apprendre une chose, c'est que le gouvernement a
changé et que ce n'est plus à lui de mener le gouvernement, au
nom du Père.
M. LAPORTE: Alors, les droits de la Chambre, et le début des
séances sont entre les mains du premier ministre.
M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que j'ai la parole, oui ou
non?
M. LOUBIER: Vous les violez continuellement.
M. LAPORTE: Qui ça?
M. LOUBIER: Vous, c'est vous, là.
M. JOHNSON: M. le Président, le gouvernement veut bien respecter
les droits de la Chambre. La suggestion qui a été faite de
débuter et ensuite de demander la permission à l'Opposition de
consentir à une suspension...
M. LESAGE: Cela s'est déjà fait.
M. JOHNSON: ... en est une que je retiens. Cela s'est déjà
fait dans le passé. Quand je donnais ma parole, je pouvais la tenir et
tous mes collègues la tenaient.
M. LESAGE: Oui, oui, mais ici aussi.
M. JOHNSON: J'ai hâte d'avoir la même certitude de la part
de l'Opposition.
M. LESAGE: Bien oui, mais c'est la même chose de ce
côté-ci. Quand nous avons, M. le Président,... Le premier
ministre n'a pas le droit d'insinuer...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LOUBIER: Le Président est debout.
M. LESAGE: ... que nous n'avons pas tenu parole lorsque nous avons
donné notre consentement. Il n'a pas le droit de faire ça.
DES VOIX: Le Président est debout.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. J'ai écouté les remarques de
part et d'autre et je puis assurer tous les honorables députés
que je suis très sensible aux prières qui me seront
adressées de part et d'autre. Tous pourront comprendre la position
parfois difficile dans laquelle je suis placé. Je suis sûr qu'avec
une collaboration nous pourrons respecter le plus possible le règlement,
tout en tenant compte, peut-être en certaines circonstances, de
situations difficiles ou d'urgence qui peuvent peut-être retarder
l'entrée du Président, mais disons que ce sera par exception et
que nous pourrons, autant que possible, travailler de concert et avec
efficacité.
Affaires du jour.
M. JOHNSON: Quarante-huit, s'il vous plaît. M. LE PRESIDENT:
Quarante-huit? M. JOHNSON: Oui.
Heures des séances
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose qu'à
l'avenir, et jusqu'à nouvel ordre, la Chambre tienne une séance
tous les jours de la semaine, sauf le dimanche, de onze heures du matin
jusqu'à l'ajournement avec suspension des travaux de une heure à
trois heures de l'après-midi et de six heures à huit heures du
soir et qu'à toutes ces séances l'ordre des affaires du jour soit
celui qui est prévu pour le mardi par l'article 115 du règlement.
L'honorable premier ministre.
M. JOHNSON: M. le Président, la motion parle par elle-même.
Cependant, je voudrais immédiatement ici excuser quelqu'un que je ne
peux pas nommer. C'est par erreur qu'on a marqué pour le mardi par
l'article 115. Nous n'avons pas l'intention d'enlever les privilèges du
mercredi. Alors, j'amenderai la motion en conséquence. Et je m'excuse au
nom de cette personne, qui en était bien malheureuse. Ce
n'était pas la motion qui avait été
expédiée.
Donc le mercredi demeure, et cette motion aura effet jusqu'à
nouvel ordre. Jusqu'à nouvel ordre, c'est assez vague je l'admets, mais
on aura compris que cette motion était nécessaire afin que nous
puissions siéger ce soir, samedi et lundi.
C'est dans ce but uniquement que la motion a été
présentée. Je n'ai pas l'intention, je le déclare ici
aujourd'hui, de forcer les députés à siéger tous
les lundis, ni tous les samedis, au contraire. Il est possible cependant que
nous devions un peu plus tard dans la session accélérer les
travaux pour permettre que nous siégions le lundi et même le
samedi. Mais, je le répète, cette motion est
présentée uniquement en vue du bill, du bill qui sera
distribué cet après-midi.
M. LAPORTE: Vous avez le numéro? M. JOHNSON: Non.
M. LAPORTE: Non, non, le numéro, vous ne l'avez pas en
mémoire?
M. LESAGE: Le numéro du bill.
M. JOHNSON: Ce n'est certainement pas 99.
M. LESAGE: Bien non, c'est évident.
M. LAPORTE: Non, mais c'est sérieux, la question.
M. JOHNSON: Non, le numéro du bill?
M. LESAGE : Le numéro du bill sur l'éducation. Quel est le
numéro?
M. LAPORTE: Quel est le numéro? Vous ne le savez pas?
M. JOHNSON: Je n'ai même pas regardé le numéro,
ça ne m'Intéressait pas. Je pense...
M. LAPORTE: Très bien.
M. JOHNSON: ... qu'il n'était pas non plus sur la
galée.
M. LAPORTE: Alors, on... C'est pour la référence.
M. JOHNSON: Je crois que c'est le numéro 25. On me dit... Mais
à tout événement, pour le bill en question, il sera
nécessaire de siéger...
C'est le bill No 25.
M. LAPORTE: Numéro 25. Merci.
M. JOHNSON: Il y aura peut-être d'autres problèmes urgents
qui surgiront ces jours prochains et qui exigeront que nous siégions non
seulement le lundi et le samedi en plus des jours ordinaires, mais que nous
siégeons jusqu'à ajournement de la séance,
c'est-à-dire que nous ayons le droit de prolonger au-delà de
l'heure fixée dans les règlements, qui est de 11 heures encore.
Donc, M. le Président, c'est là le but de la motion. Il y a
plusieurs précédents à cette motion. On me dira: nous
pourrions consentir... L'Opposition pourrait consentir, les indépendants
pourraient concourir dans le consentement, mais je pense pas que nous ayons le
droit de nous fier à une telle procédure de consentement unanime.
J'ai tenté par exemple de lire un document très court, une
déclaration ministérielle à six heures du soir, il y a
quelques semaines, et le refus c'est le ministre de la Justice qui
devait lire une déclaration ministérielle c'est le chef de
l'Opposition lui-même qui à six heures exactement a refusé
de prolonger la séance de deux ou trois minutes pour permettre la
lecture de tel document.
Alors, on ne peut pas se fier au consentement, et j'ai le devoir de
prévoir ces circonstances où un député de quelque
côté que ce soit, de mauvaise humeur, sur un coup de sang, dise
non, ça peut être n'importe quel député, je le
répète, de n'importe quel côté de la Chambre. C'est
mon devoir de prévoir de telles circonstances.
Et c'est ainsi que nous avons prévu un amendement, une motion qui
amende le règlement. On a vu dans une autre juridiction que, par le
manque de concours d'un seul député, des inconvénients
qu'on a déclarés dans le temps être très
importants, très graves ont été causés
à tout un secteur de l'économie. Nous ne voudrions pas que telle
situation se répète. Aucun député ne voudrait dans
le calme être la cause de pareils inconvénients, mais il peut
arriver les hommes étant ce qu'ils sont que sur un coup de
sang, je le répète, on dise: Non, et la Chambre ne pourrait pas
procéder aussi rapidement que l'impose l'urgence du projet de loi qui
serait à l'étude à ce moment-là.
M. LAPORTE: Disons d'abord sans hésitation que l'Opposition n'a
aucune objection de principe, pendant l'étude du bill 25, à ce
que cette motion soit au feuilleton et qu'elle amende temporairement nos
règlements. Il est évident que devant une pareille loi d'urgence,
quelle que soit l'attitude que prendra l'Opposition, l'opinion publique a droit
à ce que nous procédions avec toute la
célérité compatible avec un travail bien fait. Nous
n'avons donc aucune objec-
tion à ce que cette motion soit votée ce matin quant au
bill 25.
En faire une motion d'ordre général qui resterait au
feuilleton indéfiniment et qui deviendrait à ce moment-là
une arme que le premier ministre ou un ministériel pourrait utiliser ou
ne pas utiliser, je pense que ce serait abuser des pouvoirs que l'on doit avoir
à l'Assemblée législative.
Si le premier ministre a d'autres problèmes urgents à nous
soumettre, il pourra réinscrire cette motion, mais non pas la mettre en
permanence au feuilleton. Il parlait tout à l'heure de saute d'humeur
qui ont empêché un jour à six heures que l'on puisse lire
un document. Il pourrait arriver en sens inverse que ce soit le premier
ministre ou un autre membre de cette Chambre, du moment qu'il aurait la
majorité, qui puisse nous faire siéger même quand ce n'est
pas urgent, simplement pour punir ou qui puisse accélérer
à ce point les travaux de la Chambre que les députés de
l'Opposition n'aient plus le temps de faire sérieusement leur
travail.
Je rappellerai au premier ministre que l'argument ou l'incident qu'il
évoquait tout à l'heure se rapportait à une
déclaration ministérielle et les déclarations
ministérielles sont normalement faites avant l'appel des affaires du
jour. C'est l'incident auquel s'est référé le premier
ministre.
Ce que je suggérerais comme amendement, c'est que nous disions
qu'à l'avenir « et jusqu'à l'adoption du bill 25, »
la Chambre siège... etc. Une fois le bill 25 adopté, la motion
deviendrait caduque. Nous recommencerions le rythme ordinaire de la session en
suggérant qu'on l'accélère. Si le gouvernement avait
d'autres mesures d'urgence, à nous proposer, il pourrait
réinscrire sa motion, et si les travaux sessionnels demandaient à
ce moment-là qu'une telle motion soit inscrite jusqu'à la fin de
la session, nous en discuterions. Mais pour une cause d'urgence que nous
acceptons volontiers, il ne serait pas raisonnable, je pense, que le
gouvernement nous fasse adopter une motion qui serait en vigueur jusqu'à
la fin de la session. Je propose, et j'espère que le premier ministre
sera d'accord, que la motion commence comme ceci: Qu'à l'avenir et
jusqu'à l'adoption du bill 25, la Chambre tienne une séance par
jour, et le reste...
M. BELLEMARE: Je voudrais simplement attirer l'attention de la Chambre
sur un fait très important. Ce n'est pas l'intention du gouvernement, Je
pense bien, d'imposer un règlement rigide pour toute la période
de la session.
Comme l'a dit l'honorable premier ministre, c'est une question
d'urgence. Mais voici, la session a commencé le 21 janvier 1965 et tout
de suite, le 3 février, le gouvernement en place dans ce temps-là
nous imposait une motion pour nous faire siéger tous les lundis et tous
les jours de la semaine, sauf le samedi, et je pense que nous avons
acquiescé. D'ailleurs, vous verrez ça dans les journaux de
l'Assemblée législative, vous verrez que nous avons
acquiescé à ça. Mais, actuellement, on n'a pas
demandé ça à la Chambre. Le premier ministre vient de dire
qu'il voulait respecter les lundis et les samedis. Actuellement, il est
question d'une motion très simple qui, je pense, n'aurait pas besoin de
sous-amendement.
Elle est claire. La parole du premier ministre est là, et Je
pense, M. le Président, que la motion ainsi conçue, «
jusqu'à nouvel ordre, » c'est clair, c'est définitif. La
parole du premier ministre en Chambre, qui est consignée dans les
journaux de l'Assemblée législative, est claire.
M. LAPORTE: C'est ce principe-là qu'il faut faire
disparaître. Ce n'est pas la parole du premier ministre, c'est tous les
députés en Chambre qui prennent une décision.
M. BELLEMARE: Pourquoi prendre aujourd'hui l'occasion pour faire un
amendement à une motion qui est complète?
M. LESAGE: Elle est trop complète.
M. BELLEMARE: Non, elle n'est pas abusive...
M. LESAGE: Non!
M. BELLEMARE: La parole d'un premier ministre qui dit qu'il y a une
question d'urgence.
MM. LESAGE et LAPORTE: D'accord.
M. BELLEMARE: M. le Président, qu'est-ce qui nous dit que dans
quatre Jours, cinq Jours d'ici, il n'y aura pas une autre question
d'urgence?
MM. LESAGE et LAPORTE: Il n'y a rien qui nous dit ça.
M. BELLEMARE: Ou dans deux jours?
M. LESAGE: Il n'y a rien qui empêche le premier ministre de
présenter une nouvelle motion.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je pense qu'actuellement
vous devriez concourir comme on a concouru l'année passée, le 3
février 1965, dans la motion qui avait été
présentée par l'honorable leader du gouvernement dans le temps,
M. Laporte; ce qu'on retrouve à la page 51, le 3 février.
M. GERIN-LAJOIE: Simplement un mot. Nous sommes aujourd'hui
évidemment dans une situation d'urgence que tous les membres de cette
Chambre doivent reconnaître: Ce bill 25, qui a été lu en
première lecture. C'est évidemment dans la perspective de
l'étude de ce bill par l'Assemblée législative que le
premier ministre propose la motion qui est actuellement à
l'étude. Le premier ministre nous l'a expliqué lui-
même.
Sur la question d'urgence, je pense qu'il ne doit y avoir aucune voix
dissidente dans cette Chambre. Seulement, je pense que le premier ministre
dépasse vraiment cette situation lorsqu'il présente une motion
comme celle qui est actuellement devant nous et que vient d'appuyer, par ses
paroles, le ministre du Travail et de l'Industrie et du Commerce. Je pense que
nous devons tous être en garde, M. le Président, comme membres
d'un parlement démocratique, nous devons tous être en garde contre
la tentation de profiter d'une situation d'urgence pour adopter des
dispositions d'ordre général qui pourraient être
invoquées et utilisées lorsque l'urgence n'existerait plus.
M. le Président, l'urgence pour cette Chambre, elle existe et
elle existera tant que cette Chambre n'aura pas définitivement
disposé du bill 25. Après que disposition aura été
faite du bill 25, la situation d'urgence sera disparue, à moins que le
gouvernement ne présente un nouveau projet.
Alors, M. le Président, je pense que le premier ministre et le
gouvernement auraient bien mauvaise grâce d'insister pour soumettre
à un vote de cette Chambre, une motion en termes aussi
généraux que celle que le gouvernement a proposée. C'est
pourquoi, M. le Président, quant à moi, je n'ai aucune
hésitation à appuyer l'amendement du député de
Chambly, et je crois que les membres de cette Chambre et le gouvernement en
particulier devrait faire l'unanimité autour de cet amendement pour
qu'en somme la motion du premier ministre prévoyant les séances
de cette Chambre à la semaine longue, sauf le dimanche, et 24 heures par
jour, devrait être modifiée pour être ajustée sur
l'urgence déterminée par le bill 25.
Je pense que le désir manifeste de l'Opposition de
coopérer avec le gouvernement sur le plan de la procédure, pour
qu'étude soit faite sans délai du bill 25, est une indication
suffisamment claire de notre disposition à considérer toute
situation d'urgence chaque fois qu'il en est une de soumise à
l'attention de cette Chambre. C'est pourquoi, M. le Président, je crois
très important, du point de vue de la marche démocratique des
travaux de cette Chambre, de ne pas faire adopter par cette Chambre une
résolution, quant à la tenue de ses séances, qui aille
au-delà de la période de temps pendant laquelle nous
étudierons le bill 25.
M. JOHNSON: M. le Président, on a raison et on a tort; on a
raison à certains points de vue de discuter comme on le fait là,
mais je pense qu'on a tort de ne pas tenir compte du fait que le gouvernement,
lui, est peut-être mieux renseigné sur l'opportunité
d'avoir une telle motion. Disons que, pour respecter à la fois le point
de vue et les scrupules de l'Opposition et l'intérêt public tel
que le gouvernement le voit, nous pourrions prévoir que cette motion
sera en vigueur jusqu'à vendredi le 17 et qu'elle tombera à ce
moment-là.
M. LESAGE: Pourquoi?
M. JOHNSON: Pour des raisons qu'il n'est pas d'intérêt
public de révéler pour le moment. On comprend, M. le
Président, que ça doit être fait par motion
annoncée; alors, j'ai dû faire poser au feuilleton hier...
M. LESAGE: Le 17, c'est vendredi prochain?
M. JOHNSON: Vendredi prochain. D'accord, là-bas?
M. LESAGE : Mais il y a une chose cependant; je ne voudrais pas que ce
qu'a dit le député de Champlain soit consigné au journal
des Débats sans qu'une explication ne soit donnée à propos
de la motion que la Chambre avait adoptée le 3 février 1965. Je
ferai remarquer que la motion qui est devant nous à l'heure actuelle
la motion du premier ministre aura pour effet, lorsqu'elle sera
adoptée, de permettre de siéger d'abord tous les jours de la
semaine excepté le dimanche, je veux dire y compris le samedi.
Première distinction avec la motion du 3 février.
M. BELLEMARE: Je l'ai dit.
M. LESAGE: Le ministre du Travail l'a dit. Maintenant, deuxième
distinction: c'est qu'il n'y a pas d'heure de fixée pour l'ajournement
le soir.
M. BELLEMARE: Oui, en vertu de l'amendement de 55.
M. LESAGE: Oui, mais en fait, c'est onze heures. Le but de la motion
adoptée le 3 février 1965 était très simple;
c'était purement et simplement pour changer les heures des
séances et cela avait été fait de consentement unanime
après consultation. C'est qu'au lieu de siéger de trois heures de
l'après-midi à onze heures le soir, la Chambre siégait de
deux heures et demie à dix heures le soir, avec suspension de six
à huit. C'était le seul but de la motion adoptée le 3
février 1965. Cela ne changeait aucunement les règlements, sauf
en ce qui concerne les heures de séance chaque jour. C'était de
deux heures et demie à dix heures le soir, avec suspension de deux
heures, au lieu d'être de trois heures à onze heures avec
suspension de deux heures. C'était le seul but de la motion.
Alors, ça ne ressemble pas du tout à la motion d'exception
qui nous est présentée par le premier ministre et que nous
sommes, quant à moi du moins, disposés à accepter du
moment qu'elle cessera d'avoir effet le 17 février.
M. JOHNSON: M. le Président, il est vrai que l'heure
d'ajournement n'est pas mentionnée; nous espérons que nous
n'aurons pas à répéter une expérience que nous
avons vécue alors que nous avons siégé
jusqu'à...
M. BELLEMARE: Cinq heures.
M. JOHNSON: ... cinq heures du matin.
M. LAPORTE: Oui, oui, mais, en vertu de cet amendement-là, on
peut siéger indéfiniment.
M. JOHNSON: C'est ça. M. LESAGE: Bien oui.
M. JOHNSON: Je suggère donc, afin que la motion soit
adoptée unanimement, qu'à l'avenir et jusqu'à vendredi, le
17 février inclusivement, la Chambre tienne une séance tous les
jours de la semaine, sauf le dimanche.
M. LAPORTE: Pas d'objection à mettre le vendredi, 17
février?
M. JOHNSON: Pardon?
M. LAPORTE: Le vendredi, 17 février.
M. JOHNSON: Oui, oui. Nous aurions pu aussi évidemment le
député de Chambly le sait prendre l'initiative de demander
de faire tomber la motion que je présente ce matin. Donc,
agréé?
M. LAPORTE: Agréé.
M. LE PRESIDENT: La motion telle qu'amendée et proposée
par l'honorable premier ministre est-elle adoptée? Adopté.
M. JOHNSON: 51.
Débat sur l'adresse
M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de M. Gardner
proposant une adresse en réponse au discours du Trône.
L'honorable député de Verdun.
M. Claude Wagner
M. WAGNER: M. le Président, alors que nous ajournions le
débat, hier soir, je vous disais que depuis quelques années,
à la faveur d'un climat de liberté retrouvée,
Québec se réveille, Québec s'ouvre au monde, prend
conscience de sa force, s'interroge sur son avenir, sur sa place dans la
société canadienne. Cette réflexion collective consiste
très souvent en d'amères constatations, mais elle provoque
également, tant sur la scène locale que sur la scène
fédérale, une volonté de rénovation.
Sur le plan provincial, grâce à la politique
énergique de l'équipe de celui qui fut le premier ministre de
cette province durant six ans, la province de Québec est aujourd'hui en
pleine transformation, en pleine révolution pourrait-on dire, mais,
comme on l'a déjà dit, en pleine révolution contre
elle-même. Nous vivons à l'heure de l'autocritique qui
déjà commence à opérer une complète
rénovation de la société québécoise,
fondée certes sur le respect de ses traditions, mais davantage
accordée aux exigences modernes du contexte nord-américain
où elle s'insère et aussi plus consciente de la valeur et de la
richesse de son patrimoine culturel.
Nous sommes ainsi en voie de repenser et de transformer le rôle de
l'Etat dans une société moderne. Nous voulons écarter une
fois pour toutes cette notion périmée de l'Etat, issue du
libéralisme économique, suivant laquelle « the State
governs best that governs least ». Dans une prise de conscience du sens
véritable de la démocratie, nous apprenons à
considérer que l'Etat n'est pas un élément dangereux,
n'est pas un dispensateur de privilèges, mais qu'il est
l'émanation directe du peuple et l'artisan du bien commun. On comprend
dès lors que l'Etat
doive assumer des responsabilités croissantes dans les divers
secteurs de la vie sociale: éducation, santé, services sociaux,
mise en valeur des richesses naturelles et développement
économique.
Nous sommes également en voie de repenser notre système
d'enseignement pour le mieux adapter aux exigences d'une société
moderne et permettre ainsi à nos jeunes de se préparer un
meilleur avenir. Cette politique de mise en valeur de notre capital humain doit
avoir pour nous une importance vitale. C'est là, à mon avis, la
clé de l'avènement d'un équilibre meilleur au Canada.
J'estime que nous pourrons ainsi, par la qualité des effectifs et par la
richesse des oeuvres, compenser l'état d'infériorité
numérique où nous sommes. On assiste donc en ce moment, au
Québec, à un immense effort de réflexion et de
rénovation.
Sur le plan fédéral, on ne saurait nier que le
Québec éprouve encore un sentiment de frustration à
l'égard du pouvoir central, il n'est pas exagéré de dire
que, malgré de sensibles améliorations en ces récentes
années, le climat fédéral actuel nous convient encore
très mal et cela pour des motifs variés.
Le Canadien français du Québec qui se tourne vers Ottawa a
en effet l'impression très nette qu'il n'est pas encore un partenaire
à part entière dans le régime fédéral. Il a
l'intime conviction de n'être pas encore chez lui à Ottawa. Il
estime qu'une participation à la vie fédérale
équivaut encore trop souvent à une aliénation de sa
personnalité.
Il est blessé dans son amour-propre d'avoir toujours l'air de
quémander lorsqu'il exige la connaissance des droits de sa langue et de
sa culture et qu'on les lui accorde au compte-gouttes, soit en se faisant tirer
l'oreille, soit trop souvent à des fins purement électorales. Il
comprend mal le triste sort réservé à ses frères
dans les autres provinces du Canada.
Il regrette enfin qu'Ottawa n'ait jamais réalisé la
promesse contenue implicitement dans l'entente de 1867: celle d'être
à l'Image même du Canada et de respecter, pour cela, la
dualité culturelle dans les lois, dans la conception et
l'exécution des décisions gouvernementales et, plus
généralement, dans l'administration du pays.
On peut, par ailleurs, se demander si Ottawa a réellement voulu
prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier la situation et
vraiment encourager la participation des Canadiens français à la
direction des grandes affaires de l'Etat fédéral. On doit
souhaiter que l'heureuse initiative de la Commission royale sur le bilinguisme
et le biculturallsme réussira à briser ce cercle vicieux qui
empoisonne l'atmosphère et qui tend à donner un caractère
de permanence au sentiment de frustration du Canadien français.
Mais un autre grief, essentiel celui-là, à l'égard
du pouvoir central, réside dans l'actuel système de
répartition des ressources financières du pays. En effet, la
tâche immense de rénovation sociale et de développement
économique, qui entre dans les attributions constitutionnelles des
provinces et à laquelle le Québec veut dorénavant se
consacrer, exige des ressources financières énormes et, en tout
cas, supérieures à celles dont la province de Québec peut
disposer selon l'actuel partage des sources de revenus.
Or, cette situation, qui met en cause le principe même de la
politique fiscale d'un pays à régime fédératif,
exige une nouvelle répartition des ressources financières en
fonction des besoins objectivement déterminés des parties
intéressées.
Si, dans le passé, les conditions résultant de la crise
économique, de la guerre mondiale et du rétablissement des
conditions normales ont pu objectivement exiger et même justifier une
concentration des sources de revenus entre les mains du pouvoir central, ces
conditions n'existent plus. Bien au contraire, de nouveaux impératifs
ont surgi: éducation, santé, bien-être, mise en valeur des
ressources naturelles, création d'un réseau routier moderne,
autant de domaines qui tombent sous la juridiction des provinces et pour
lesquels celles-ci ont impérieusement besoin de ressources
financières accrues, sans quoi elles ne peuvent faire face à
leurs responsabilités nouvelles.
Voilà donc, M. le Président, quelques-uns des griefs,
quelques-unes des sources du profond malaise qui sévit au Québec.
A coup sûr, l'équilibre de 1867 est sérieusement
menacé, gravement compromis.
M. BOUSQUET: Est-ce que M. le député me permettrait une
question?
M. WAGNER: Je préférerais que le député me
laisse continuer. Je suis certain que, dans les propos qui viendront, il
trouvera la réponse aux questions qu'il se pose actuellement.
M. BOUSQUET: C'est votre droit.
M. WAGNER: M. le Président, que devons-nous faire pour retrouver
un nouvel équilibre?
Il convient de souligner tout d'abord qu'une telle recherche n'est
vraiment susceptible d'être fructueuse que dans un climat de
réalisme et de
franchise, d'objectivité et de sérénité.
Voici véritablement un moment où, peut-être plus qu'en
aucun autre moment de notre histoire, il nous faut bannir les propos
irréfléchis, les Jugements sommaires et les gestes
inconsidérés; où il faut écarter toute haine,
dominer toute passion mesquine et ne se laisser guider que par celle de servir
son pays.
Et, à ce propos, M. le Président, est-il besoin de
rappeler que nous vivons en démocratie et que, dans un tel régime
politique, tous ont le droit, dans le respect de l'ordre public, d'exprimer
leurs opinions politiques: personne n'a le droit d'empêcher son voisin
d'exposer sans crainte ses vues, quelque désagréables qu'elles
puissent lui paraître. C'est là la règle
démocratique, c'est là la règle de justice qui est la
nôtre. Toute autre méthode qui tendrait à créer un
climat d'insécurité, à empêcher les voix de la
raison de se faire entendre, doit être exclue car elle répugne aux
traditions de liberté et de justice qui forment à juste titre la
pierre angulaire de notre société politique.
Quant aux solutions elles-mêmes, deux, essentiellement, s'offrent
à nous.
Pour certains, la cause est entendue, le charme est rompu. Le seul
moyen, à leurs yeux, pour le Québec, de sortir du marasme
où ils le croient tombé, le seul moyen de commander le respect et
de retrouver la dignité, c'est la rupture, c'est
l'indépendance.
En ce qui me concerne, M. le Président et c'est là
je crois le sentiment de l'immense majorité des Québécois
il ne saurait être en aucune manière question de
rupture.
Il ne saurait être question de réduire la conception que je
me fais de ma patrie aux seules limites territoriales de la province de
Québec.
Il ne saurait être question de rupture au moment même
où le Québec commence à exercer une influence de plus en
plus déterminante sur la politique canadienne.
Il ne saurait non plus être question d'abandonner à leur
sort nos frères qui vivent hors des frontières du Québec.
A-t-on jamais songé aux sacrifices que leurs parents, la plupart
provenant de Québec, se sont imposés pour aller dans quelque
autre coin du Canada chercher vie meilleure et y planter le verbe
français?
A-t-on jamais songé aux obstacles qu'ils ont dû surmonter
pour conserver notre langue et pour demeurer dans le courant de la culture
française?
Les abandonner aujourd'hui constituerait un acte de
lâcheté, un acte de trahison auquel un Canadien français de
coeur ne saurait se livrer.
Il ne saurait enfin être question de rupture alors que partout
dans le monde le mouvement est, au contraire, vers la concentration des forces
et le regroupement des énergies.
Non, il ne saurait être question de renier le passé.
Le sort des armes a voulu que les fils de deux grands peuples vivent
côte à côte sur cette terre d'Amérique.
La sagesse politique leur a commandé, au siècle dernier,
d'unir leur destinée politique dans un régime susceptible
d'assurer la protection de leurs intérêts communs et la sauvegarde
de leur individualité propre.
Le sens des réalités doit maintenant les inciter à
poursuivre cette commune entreprise humaine fondée sur
l'égalité des partenaires et la recherche constante et
sincère, en dehors des préoccupations partisanes, d'un
équilibre accordé aux exigences et aux besoins de chaque
époque.
Que, dans de telles circonstances, des structures politiques,
conçues il y a un siècle, dans un climat bien différent du
nôtre, doivent subir des modifications afin de s'adapter aux conditions
nouvelles de notre société, cela paraît tout à fait
normal, cela est même nécessaire.
Que des conceptions économiques ou des théories
constitutionnelles doivent être, de temps à autre, revisées
ou même abandonnées; que de nouvelles soient
élaborées pour mieux répondre aux réalités
d'une époque, rien encore de plus normal dans un
fédéralisme souple et dynamique.
Ces exigences nouvelles appelleront sans doute des modifications
constitutionnelles. Mais il ne faut pas oublier, M. le Président, que
des textes constitutionnels n'ont pas par eux-mêmes d'effets miraculeux.
Bien au contraire, des textes rédigés trop tôt, avant
qu'une question n'ait eu le temps de mûrir, avant qu'une solution n'ait
eu le temps de prendre corps, peuvent empêcher l'évolution normale
des problèmes et mal servir la cause même de ceux qui en furent
les auteurs.
La loi est-il besoin de le rappeler ici à ceux qui en sont
en cette Chambre les auteurs? la loi ne sert qu'à consacrer un
équilibre réalisé. Elle ne saurait l'établir de
toutes pièces.
En d'autres termes, le remède à nos maux ne viendra pas
nécessairement d'une nouvelle charte constitutionnelle. A ce propos, si
l'on considère objectivement l'histoire du Québec, et surtout en
ces dernières années, qui peut nier que les choses ont
changé au Canada depuis 1960? Qui peut nier que le Québec a pris
un visage nouveau, une nouvelle stature, une place accrue au Canada?
Et pourtant, ces changements sont intervenus sans qu'on ne touche
à la constitution. Ils sont survenus uniquement grâce à la
volonté, à la compétence, au dynanisme et au
réalisme des dirigeants du Québec.
A mon avis, le remède réside dans le dialogue que nous
avons voulu entretenir, quoiqu'il arrive, et qui nous permettra, dans un climat
de réalisme et d'objectivité, d'exposer nos vues, de justifier
nos positions et de réclamer nos droits.
Certes, il ne faut pas se faire d'illusion; il ne sera pas toujours
facile de nous entendre. Il ne sera pas toujours facile de trouver, au fur et
à mesure que surgiront les difficultés, des solutions
acceptables, satisfaisantes.
Mais le succès de cette entreprise ne saurait faire aucun doute.
J'estime en effet que la volonté d'entretenir un tel dialogue existe au
Canada. Je suis même persuadé que notre pays sortira plus fort et
plus uni de la crise actuelle qu'il traverse car, ayant pris pleinement
conscience du grave danger qui les menaçait, les Canadiens auront su
trouver les solutions qui s'imposent.
Oui, je crois au fédéralisme canadien qui, dans la
recherche constante et sérieuse d'un équilibre sans cesse
renouvelé, tiendra pleinement compte de la dualité culturelle des
deux communautés fondatrices du pays.
Je crois en l'avenir prestigieux de cette fructueuse association de nos
deux peuples. Je crois au Canada.
M. André Léveillé
M. LEVEILLE : M. le Président, permettez-moi de vous
féliciter à l'occasion de votre nomination, ainsi que vous, M. le
Vice-Président. J'aimerais aussi féliciter le proposeur et le
secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône. Je
voudrais enfin féliciter tous les citoyens du comté de
Maisonneuve qui, le 5 juin dernier, ont voté.
Je constate que nous apporterons au Code du travail et à d'autres
lois ouvrières des amendements qui auront notamment pour objet de
prévenir les conflits en agissant dès l'origine sur les causes
qui sont susceptibles de les provoquer, ce qui aura pour effet d'alléger
le fardeau des travailleurs en leur évitant des grèves
onéreuses dont l'origine est souvent due au manque de dialogue entre les
représentants de la classe ouvrière et le patronat. Changements
qui favoriseront aussi la collaboration patronale-ouvrière au sein de
l'entreprise.
Je constate que le ministère du Travail sera également
modernisé et adapté aux besoins de l'heure. Avec les
ministères concernés, il sera appelé à mettre en
valeur un programme dynamique de recyclage de la main-d'oeuvre afin de
permettre aux travailleurs qui perdent leur emploi à cause de
l'automatisation de trouver des débouchés en se réadaptant
aux techniques nouvelles. Entre autres exemples, la mécanographie
où les chiffres publiés récemment démontrent que
d'ici quatre ans, 60,000 travailleurs seront requis au Québec pour
répondre aux besoins dans ce domaine, soit des programmeurs, des
techniciens et des opérateurs d'ordinateurs électroniques.
Depuis environ quatre ans, ces ouvriers spécialisés sont
importés des autres provinces où de l'étranger, il y
aurait donc lieu de fonder au plus tôt, une école provinciale de
mécanographie et d'ouvrir ainsi aux nôtres un
débouché important dans un domaine nouveau et prometteur.
D'autres mesures seront aussi nécessaires pour pallier les
conséquences de l'automatisation et des autres progrès
technologiques de façon à mieux protéger les
intérêts des travailleurs affectés par ces changements et
à essayer d'atteindre le plein emploi réclamé par les
ouvriers qui ne demandent qu'à travailler pour assurer la subsistance
des leurs. L'Etat a donc un rôle social à remplir, et je m'y
emploierai dans la mesure de mes moyens.
Les travailleurs, victimes d'accident du travail, verront aussi leur
sort amélioré par la revision périodique des
indemnités pour les maintenir au niveau de l'économie. Je sais
que les premiers jalons seront posés en vue de la création d'un
ministère qui mettra en valeur une politique des loisirs et des sports.
Je sais aussi que des législations nous seront soumises à mesure
qu'avancera le travail de la Commission d'enquête sur la santé et
le bien-être social.
Donc, M. le Président, je crois qu'il est nécessaire
d'améliorer le niveau de vie et la santé des classes laborieuses.
Avec le concours de médecins conscients de leurs responsabilités
morales et sociales et des corps intermédiaires, il faut mettre sur pied
une équipe de santé dans le but de traiter les patients selon une
formule qui permettrait aux citoyens ordinaires de bénéficier des
bienfaits de la médecine sans avoir à redouter de grever leur
avenir. Je suggère l'idée et la possibilité d'installer un
organisme que l'on pourrait appeler polyclinique qui verrait à assurer
à tous les malades qui seraient traités les meilleurs soins
possibles aux taux d'honoraires basés sur la moyenne des taux des
compagnies d'assurance. Et, pour ceux qui ne seraient pas couverts par lesdits
taux, les hono-
ralres des médecins seraient des tarifs établis par le
ministère de la Santé de la province sous l'empire de la loi de
l'assistance médicale.
Une telle polyclinique fournirait au besoin les services qui se
rapportent aux diagnostics et aux traitements du patient en dehors de
l'hôpital telles que: radiologie, laboratoire, médecine
générale et spécialisée etc. Une polyclinique qui
serait au service non seulement des travailleurs, mais de toute la population
du grand Montréal et du Québec. Il serait logique que cette
polyclinique, sise dans l'un des secteurs les plus dépourvus de la
métropole, secteur défini comme l'un des plus
défavorisés.
Cette entreprise sans but lucratif aiderait les économiquement
faibles en acceptant les tarifs établis par l'assistance médicale
du ministère de la Santé. Ce projet, qui pourrait devenir
réalité très bientôt, je l'espère,
consisterait au début en une seule polyclinique qui pourrait se
développer et multiplier ses services par l'établissement
d'unités similaires dans d'autres secteurs, selon le besoin.
La congestion qui existe actuellement dans les hôpitaux est due,
en partie, au fait que c'est le seul moyen pour les économiquement
faibles de se faire donner les soins médicaux dont ils ont besoin. Mais
la province doit assumer le coût d'hospitalisation pour des cas de plus
en plus nombreux qui auraient avantage à être traités en
clinique externe. Le dépistage de maladies qui sont transmises de
génération en génération comme un héritage
dans les taudis, le traitement de certains cas de façon continue
replaceraient plus rapidement bon nombre de personnes sur le marché du
travail et feraient changement avec la politique d'improvisation de 1960 et
1966 dans le domaine de la Santé.
Les effectifs de la spécialisation dans tous les domaines, entre
autres dans le secteur médical, contribuent au coût astronomique
des frais médicaux, et les effets s'en font surtout sentir au niveau de
la classe la moins armée. Je me réjouis avec le peuple des
mesures de protection annoncées dans le discours du Trône, entre
autres l'élaboration d'une charte des droits de l'homme et surtout la
loi instituant un protecteur du peuple, ombudsman.
Je constate, M. le Président, que le présent gouvernement
entend aussi protéger les petits propriétaires contre les
injustices qu'ils doivent subir à l'occasion d'expropriation pour des
projets d'amélioration. Souvent, une vie d'éco- nomie est
sacrifiée au bien-être d'une population créant ainsi des
injustices, et ceux qui les subissent n'ont souvent pas les moyens de se
défendre, à l'instar des trusts qui semblent toujours
réaliser d'importants bénéfices dans ces occasions.
Avant de terminer, il y a certainement lieu de dire, M. le
Président, que, dans le comté de Maisonneuve, dont f ai l'honneur
de représenter tous les citoyens, tous ces citoyens espèrent
ardemment obtenir un centre communautaire culturel. Les citoyens du
comté de Maisonneuve ont souffert de l'immobilisme libéral
pendant six ans, soit de 1960 à 1966. Et je le prouve. Ce n'est pas de
la démagogie, c'est une réalité. Qu'est-ce que le parti
libéral a fait ou a pensé faire pour l'Est de Montréal
et en particulier dans le comté de Maisonneuve pendant ces
six dernières années? M. le Président, purement et
simplement de l'immobilisme. La preuve, voici ce que le régime
libéral a donné à l'Est de Montréal pendant ces six
années. Ils avaient pensé de transférer la Régie
des alcools dans l'Ouest de Montréal; c'est ça qu'on nous a
donné. Sauf, car il faut quand même être juste, je ne
voudrais pas enlever au parti libéral ce qu'il nous a donné. Ils
ne nous ont pas oublié au moment de l'augmentation des taxes. C'est le
seul cadeau que nous avons eu.
Eh bien, M. le Président, lorsque je regarde l'autre
côté de la Chambre, là où j'aurais aimé
apercevoir l'honorable chef de l'Opposition qui, malheureusement, n'est pas
présent en ce moment...
M. PINARD: Il est comme votre chef; il est au travail, le
nôtre.
M. LEVEILLE: Nous, nous pouvons prouver que notre chef est au travail
dans le moment. J'aurais bien aimé, M. le Président, pouvoir le
regarder en face pour lui dire: l'immobilisme et je le
répète, l'immobilisme je ne puis m'empêcher de dire
que le chef de l'Opposition, lui il connaît ça!
M. HARVEY: M. le Président, comme il est midi et trente, je
demande la suspension du débat.
M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à trois
heures cet après-midi, de consentement.
Reprise de la séance à 3 h 3 p.m.
M. PAUL (Président): A l'ordre.
M. Gérald Harvey
M. HARVEY: Alors, M. le Président, comme j'ai été
relativement bref ce matin et que vous étiez absent de votre fauteuil au
moment où il était occupé par le vice-Président,
j'allais dire que mes premiers mots seront des mots de félicitation
à votre endroit pour votre élection à la présidence
de cette Chambre. Je veux vous féliciter pour la façon dont vous
accomplissez votre travail, et je veux vous assurer de ma plus franche
collaboration. Au proposeur et au secondeur de l'adresse en réponse au
discours du Trône, mes félicitations également.
M. le Président, dans le discours du Trône, le gouvernement
a fait part de son intention, pour la session en cours, de restructurer le
Conseil d'orientation économique du Québec et de créer un
Office du plan. On ne peut que louer d'aussi bonnes intentions de la part du
gouvernement en attendant de connaître, dans la pratique, un peu mieux
comment se traduiront ces intentions.
N'étant pas membre du gouvernement actuel ou du comité
ministériel de la législation, il m'est impossible de
connaître les détails de la législation avant le jour
où le ministre concerné, ou le premier ministre, fera
connaître ce projet de loi au Parlement. Depuis son élection, le
gouvernement actuel a beaucoup parlé de la place
prépondérante que les corps intermédiaires et les groupes
de pression occuperont désormais dans l'élaboration des lois
gouvernementales ou des politiques économiques et sociales à
venir. Là encore, on doit louer les bonnes intentions du
gouvernement.
Dans l'élaboration des futures lois concernant le Conseil
d'orientation économique du Québec et le futur Office du plan,
quelle place le gouvernement réserver a-t-il aux conseils
économiques régionaux qui oeuvrent depuis quelques années
déjà dans leur milieu respectif, principalement ceux qui ont
reçu, au cours des dernières années, leur
accréditation du Conseil d'orientation économique du
Québec et du ministère de l'Industrie et du Commerce?
Cette question et les membres du gouvernement le savent
nombre de conseils économiques du Québec se la posent, dont les
membres du Conseil économique Saguenay-Lac-Saint-Jean et ceux des
comités qui oeuvrent depuis plusieurs années déjà
au relèvement économique de cette partie du Québec.
J'admets au départ que le seul fait d'avoir dans une région un
conseil économique ne confère pas à l'organis- me une
compétence ou une autorité qui obligent le gouvernement à
lui accorder sa confiance la plus entière.
Il existe, cependant, certains conseils économiques
régionaux dont celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui ont
fait leurs preuves dans le passé et qui méritent
véritablement la confiance du gouvernement. Ce sont d'ailleurs ces
conseils qui montrent actuellement une certaine inquiétude
vis-à-vis les réformes projetées, et cette
inquiétude me semble pleinement justifiée. Quelle place
occuperont-ils dans les nouvelles structures du Conseil d'orientation
économique du Québec? Quel rôle seront-ils appelés
à jouer dans l'avenir? Seront-ils représentés au sein du
futur Office du plan?
M. le Président, si le gouvernement sent la
nécessité d'avoir au niveau provincial un Office du plan,
comprenant un comité interministériel pour distribuer d'une
façon plus adéquate, selon les besoins de la population, un
budget global dépassant les deux milliards de dollars et, comme on le
sait, qui est attribué par le ministre des Finances aux
différents ministères de l'administration provinciale, comment
peut-on sincèrement mettre de côté ou oublier
volontairement d'avoir une présence indispensable des régions de
toute la province au sein du nouvel Office du plan? Les conseils
économiques régionaux accrédités et
répondant aux normes exigées demeurent l'outil, d'après
moi indispensable, au gouvernement pour l'élaboration des politiques et
la redistribution des sommes dans les régions pour le
développement intelligent et rationnel des territoires ou, si vous aimez
mieux, M. le Président, de l'aménagement régional, comme
se plaisent à le dire certains membres du cabinet actuel, depuis le mois
de juin dernier. J'ose croire, M. le Président, que l'on fera jouer
à ces conseils économiques régionaux leur véritable
rôle et j'ai des propositions concrètes à faire au
gouvernement en ce sens.
Au niveau provincial, il faut de toute nécessité que les
conseils économiques régionaux conservent leurs deux
représentants qu'ils ont présentement au niveau du Conseil
d'orientation économique du Québec qui deviendrait, dans le
nouvel organigramme, le Conseil économique et social, organisme qui
jouerait un rôle purement consultatif, c'est-à-dire
éloigné des centres de décisions.
A la lumière de l'expérience passée, il
conviendrait que les conseils économiques régionaux aient, dans
l'organisme du nouvel office du plan, une chambre de compensation ou organisme
ou bien un représentant qui assurerait la liaison entre le nouvel office
du plan et les conseils économiques régionaux eux-mêmes;
cela dans le but
d'éliminer les démarches inutiles et les
pèlerinages dans les différents ministères pour
l'obtention de renseignements indispensables à la préparation des
différents projets économiques au niveau des régions.
Pour expliciter ma pensée, disons que les conseils
économiques régionaux n'ont jamais eu ce lien direct avec le
Comité permanent de l'aménagement des ressources, bien que ce
dernier organisme ait collaboré dans la mesure du possible. Le CPAR
deviendrait dans le nouvel office du plan un comité
interministériel très près des décisions
administratives pouvant obtenir rapidement des différents
ministères les informations indispensables et nécessaires et
surtout l'assistance technique et financière dont ont souvent besoin nos
conseils économiques régionaux. C'est pourquoi, M. le
Président, il est indispensable qu'au moins une personne ou un
comité venant des conseils économiques régionaux oeuvre
à l'intérieur de cet organisme.
M. le Président, il est connu que des représentants de CER
ont dû passer plusieurs jours dans la vieille capitale à faire
antichambre auprès de certains ministères pour obtenir des
renseignements. On ne peut pas blâmer ici les technocrates ou les
fonctionnaires, car ceux-ci devaient avant tout voir d'abord au bon
fonctionnement de leur ministère. D'ailleurs, rien ne les obligeait
à agir autrement.
Cette restructuration au niveau gouvernemental m'amène à
formuler quelques suggestions relativement aux conseils économiques
régionaux eux-mêmes.
On me permettra de citer ici le cas du conseil économique
régional Saguenay-Lac-Saint-Jean qui groupe la presque totalité
des municipalités urbaines des cinq comtés de la région,
puisque 13 sur 14 en font partie ety contribuent financièrement.
Ce conseil économique régional Saguenay-Lac-Saint-Jean a
également une représentation de 70% des municipalités
rurales. Les grandes, les moyennes et les petites industries y sont
représentées ainsi que tous les syndicats ouvriers et agricoles
de même que les autres corps intermédiaires importants.
Bien avant d'avoir obtenu la collaboration financière du
gouvernement, la population de la région avait financièrement
contribué à la formation et au fonctionnement du conseil
économique régional pour une somme de $100,000 versée
jusqu'à ce jour par la population.
C'est en 1965 que le gouvernement a versé la première
subvention de $5,000 qui fut suivie, l'année suivante,
c'est-à-dire l'année fiscale en cours, d'une autre de $12,000.
Ajoutons en passant que plus de 100 personnes travaillent
bénévolement au sein des divers comités du CER. Une
subvention de $85,000 a été également accordée par
le gouvernement pour la bonne marche d'enquêtes participation dont les
résultats seront prochainement rendus publics.
M. BELLEMARE: Est-ce que le député me permet une
observation?
M. HARVEY: Certainement.
M. BELLEMARE: Cette politique établie dans tous les conseils
économiques de la province qui groupent un certain nombre de 12 ou 14
conseils économiques reçoivent tous les six mois un paiement et
lorsque les activités du conseil économique de la région
ont été jugées suffisantes par notre
délégué régional, immédiatement la
recommandation pour le deuxième paiement est faite. Nous avons
l'intention de maintenir cette politique de paiement de subventions aux
conseils économiques.
M. HARVEY: D'ailleurs, le ministre de l'Industrie et du Commerce me
comprendra très bien. Si j'ai parlé d'une subvention de $12,000
pour cette année, je savais que le premier paiement avait
été effectué et je n'avais aucun doute que le ministre
ferait suivre la deuxième subvention lorsque les normes et
critères auront été respectés.
M. BELLEMARE: D'ailleurs, le chèque est parti.
M. HARVEY: Je disais donc qu'une subvention de $85,000 également
a été accordée pour la bonne marche d'enquêtes
participation dont le ministre aura les résultats prochainement
puisqu'ils seront rendus publics. Tout cela pour vous démontrer
l'intérêt que la population du Saguenay-Lac Saint-Jean a à
l'endroit de son conseil économique régional, et surtout son
désir de participer au développement économique et social
de cette importante partie du Québec, que même un
député de cette Chambre, qui siège de l'autre
côté a appelé petite province dans la grande province en
raison du grand territoire que couvrent les cinq comtés du royaume du
Saguenay qui comprend le Lac Saint-Jean et les trois comtés du
Saguenay.
Pareille volonté, pareil désir de collaboration à
la solution de leurs problèmes ne peuvent être ignorés par
le gouvernement. C'est pourquoi je me permets de formuler certaines
recommandations de nature à renforcer l'autorité des conseils
économiques régionaux et surtout leur efficacité, soit par
une plus grande
utilisation des ressources intellectuelles et humaines du milieu. Une
enquête du CER de date récente nous a prouvé qu'il y avait
1,300 diplômés universitaires qui travaillent actuellement dans
notre région. Eh bien, ceci m'amène à faire quatre
suggestions applicables aux quatorze conseils économiques
régionaux de la province, là où ces conseils ont leur
accréditation, c'est-à-dire, répondant aux normes
exigées présentement par le ministère de l'Industrie et du
Commerce.
Première suggestion; actuellement le gouvernement verse aux
différents CER une subvention représentant le quart du montant
nécessaire à son administration, c'est-à-dire, 25%. Cette
subvention devrait être portée à 49% du budget annuel des
CER. Pourquoi 49%? Tout simplement pour conserver à ces organismes leur
caractère apolitique.
Ma deuxième suggestion est la suivante. Le gouvernement a
contribué à des enquêtes participation; il devrait financer
les comités de recherche, à l'exemple de ce qui a
été fait pour les enquêtes participation dans les
unités d'aménagement que je connais et je ne cite que celle de la
Basse-Péribonka, de la Shipshaw-Vallin et de la vallée de
Mistassini. Ces comités seraient naturellement administrés
individuellement.
La troisième suggestion est la suivante et je la crois
indispensable pour les deux parties en cause les conseils
économiques régionaux, le nouvel Office du plan lui-même et
le gouvernement. Les différents ministères gouvernementaux
devraient, au niveau des régions, autoriser « officiellement
» leurs fonctionnaires à collaborer étroitement avec les
divers comités du CER, donnant ainsi une assistance technique de
première valeur aux administrateurs du Conseil économique
régional. Indirectement, M. le Président, les différents
ministères gouvernementaux seraient constamment informés des
préoccupations du CER, donc beaucoup plus sensibles aux problèmes
régionaux eux-mêmes.
La quatrième suggestion au niveau régional à
l'exemple du comité patronal-ouvrier qui vient d'être mis sur pied
par le CER au Saguenay-Lac-Saint-Jean et que le ministre a bien voulu
reconnaître en y déléguant un représentant de son
secteur des relations de travail le CER pourrait servir de lien entre
les différentes municipalités qui le composent
déjà, en vue de l'unification des plans directeurs
d'urbanisme.
M. le Président, la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean
à prouvé dans le passé qu'elle voulait participer
activement au développement économique de son territoire. Tous
les sacri- fices consentis jusqu'à maintenant pour faire renaître
et fonctionner son Conseil économique régional en sont des
preuves irréfutables. Le gouvernement l'a reconnu d'ailleurs comme le
principal interlocuteur de la région au point de vue économique.
Il faut non seulement maintenir cette confiance dans ce partenaire, mais lui
fournir aussi les outils nécessaires pour ne pas décevoir les
espoirs de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
M. le Président, en formulant ces remarques d'une façon
bien objective et dénuée de partisanerie politique, je suis
sûr que cette chose est de nature à renforcer l'autorité
des conseils économiques régionaux et j'ai la nette conviction,
de traduire l'opinion de la majorité de la population des cinq
comtés de la région dont j'ai l'honneur de faire partie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. Jérôme Proulx
M. PROULX: M. le Président, depuis l'ouverture de la session, on
n'a pas cessé de vous féliciter pour votre impartialité,
pour votre esprit et pour le contrôle que vous exercez sur cette noble
assemblée. Tous ces compliments retombent sur nous, par ricochet,
puisque vous étiez, il y a quelque temps, l'un des nôtres. Vous
nous faites honneur, et nous sommes fiers de vous.
M. le Président, je représente le comté de
Saint-Jean, comté historique si jamais il en fut un. Samuel de Champlain
remonta le Richelieu jusqu'au lac Champlain. Dans le comté se sont
battus Iroquois et Français, Anglais et Français,
Américains et Canadiens. Il y a deux forts remarquables; le fort Lennox
et le fort Saint-Jean où se situe aujourd'hui le Collège
militaire royal de Saint-Jean. C'est à ce collège que j'ai
professé pendant dix années avant de venir ici.
Depuis 1867, le comté de Saint-Jean fut représenté
par deux hommes remarquables et distingués. L'honorable Paul Beaulieu
fut pendant vingt ans son digne et loyal serviteur et durant seize ans, il
brilla au ministère du Commerce et de l'Industrie. Et
Félix-Gabriel Marchand fut pendant 33 ans son représentant
libéral, il siéga de 1867 à 1900, fut premier ministre
pendant trois ans, et il mourut au poste. L'honorable Marchand était
aussi journaliste, romancier et auteur dramatique; et, comme nos illustres
collègues de l'Opposition ont quelques loisirs, ils pourraient
facilement monter deux de ses pièces de très brûlante
actualité dans lesquelles ils pourraient se faire valoir. La
première serait,
« Les faux brillants », et l'autre, « Nos gros
chagrins et nos petits malheurs ». Je pourrais voir facilement le
député de Gouin jouer un rôle important dans ces
pièces.
M. MICHAUD: On n'interrompt pas.
M. PROULX: Il y a chez nous, M. le Président, un problème
routier, pour atteindre Montréal, les gens d'Iberville et de Saint-Jean
et aussi d'autres comtés ont une alternative, s'engager sur l'autoroute
et cela coûte $0.50 ou prendre la route 9B de Saint-Jean
à Laprairie, route dangeureuse où il y eu en 1965, 175 accidents.
Je demande donc au gouvernement de baisser le taux de péage si possible
à l'entrée de l'autoroute des Cantons-de-1'Est à l'heure
de pointe avant que ne soit complétée la route 9B. Je suis
convaincu que le ministre de la Voirie construira cette route
bientôt.
Il y a aussi chez nous le problème hospitalier. L'hôpital
actuel ne fournit que 1.6 lit par mille de population. Alors qu'à
Montréal, la moyenne est de six lits par mille. Et le futur
hôpital sera régional puisqu'il devra servir au moins six
comtés environnants. J'ai confiance que le ministre actuel de la
Santé réglera, pour 1967, ce grave problème, et ce sera
nous qui couperons les fameux rubans dont parlait un certain
député de l'Opposition.
Le problème agricole nous touche aussi comme tous les autres
comtés. C'est le cas des producteurs laitiers qui survivent
difficilement. C'est le problème des récoltes qui se vendent
à peine, c'est la crise de la main-d'oeuvre rurale, ce sont enfin les
fermiers qui désertent leurs terres pour chercher ailleurs leurs moyens
de subsistance. J'ai confiance que le ministre actuel de l'Agriculture
apportera des solutions aux problèmes cruciaux de la classe
agricole.
Enfin, M. le Président, une quatrième chose m'angoisse,
parce que, nous aussi, nous avons des angoisses existentielles et non pas
seulement le député de Notre-Dame-de-Grâce,
spécialiste de l'existentialisme. Une quatrième chose m'angoisse,
M. le Président, il y a beaucoup de chômeurs dans notre
région, et je demande au ministre du Commerce et de l'Industrie de nous
envoyer le plus tôt possible une industrie dans notre comté.
M. BELLEMARE: Adopté.
M. PROULX: Si ces quatre points se réalisent pendant cette 28e
Législature, mon oeuvre sera accomplie.
M. DOZOIS: L'heure est arrivée!
M. PROULX: J'aimerais souligner ici une erreur qu'a commise le chef de
l'Opposition dans son discours du 6 décembre 1966. En voulant taquiner
amicalement le premier ministre au sujet du régime présidentiel,
il a affirmé:« Mais le grand malheur pour le premier ministre
actuel c'est que si les dernières élections avaient eu lieu sous
un régime présidentiel, ce n'est pas lui qui serait
Président, ce serait celui qui est en face de lui, parce que le
Président est élu, dans ce pays, au vote populaire ». Or,
ce n'est pas exact. Aux Etats-Unis, les présidents Polk, Buchanan,
Cleveland, Harrison, Wilson, Truman ont été élus avec
moins de 50% du vote populaire.
M. LESAGE: En France?
M. ROY: Je m'objecte, M. le Président. L'opposition nous a promis
quand c'était un jeune député parce que c'est son
expression de ne pas l'interrompre et je voudrais qu'on en tienne compte
et qu'on l'observe. Ils n'ont pas cessé de faire des commentaires,
à votre gauche naturellement.
M. LESAGE: M. le Président, l'engagement valait pour les
bébés comme le député de Joliette.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois qu'aux hommes bien nés la
valeur n'attend pas le nombre des années.
M. PROULX: M. le Président, on se guérit de sa jeunesse
avec le temps. Abraham Lincoln, lui, n'a reçu, en 1860, que 40% du vote
populaire. Ceci suppose un autre manque de mémoire de la part du chef de
l'Opposition. A la même occasion, ce dernier a affirmé que
j'aurais l'occasion de faire le jars. J'aime mieux faire le jars au pouvoir que
de faire le fanfaron dans l'Opposition.
Depuis l'été passé, plusieurs ont parlé du
rôle du député, soit en Chambre soit en dehors de la
Chambre. On veut, dit-on, revaloriser son rôle. On doit se demander si
vraiment la fonction du député a été
dévalorisée. Certains événements malheureux ont pu,
depuis quelques années, avoir une certaine influence, mais je crois que
le député, ou fédéral ou provincial, jouit d'un bon
prestige dans notre milieu. Le vrai problème est que nous cherchons
à nous définir et à nous trouver une place dans la
structure politique actuelle.
Présentement, nous sommes assis entre deux chaises; en Chambre
nous connaissons très bien notre rôle; on en a parlé
énormément ces derniers temps et dans le comté nous valons
pour autant que nous sommes rattachés au parlement.
Notre vraie situation, à l'heure actuelle, se place à
mi-chemin entre le parlement et notre comté.
Depuis quelques années, le rôle réel du
député est diminué dans le comté avec le nouveau
système de soumission, avec le service général des achats,
avec le Syndicat des fonctionnaires et avec les autres nouveautés qui
sont apparues. La population comprend très bien les impératifs
d'une structure modernisée. Autrefois, le député
était le représentant officiel ou occulte de différents
ministères; aujourd'hui, ceux-ci se sont développés et ont
poussé des ramifications dans chaque sphère d'une région,
libérant ainsi l'homme politique de certaines obligations parfois
délicates.
Certains de nos pouvoirs, dans notre comté, sont nets et clairs;
d'autres sont imprécis, d'autres seraient occultes. Ces pouvoirs sont
parfois des pouvoirs délégués ou des prolongations du
pouvoir central, d'où certains conflits existant entre nous et le
pouvoir administratif. On ne connaît pas toujours la limite de nos
pouvoirs dans l'administration. L'ennui que nous éprouvons parfois dans
cette Chambre se retrouve dans toutes les chambres d'assemblée, M. le
Président, surtout pour nous, les jeunes « back benchers »,
et il en est ainsi au congrès où la situation est certainement
plus accentuée. C'est la même chose à Londres ou à
Paris.
Notre rôle, pour le moment, au Parlement peut être efficace,
surtout dans les caucus. Je répète ce qui a été dit
précédemment. Le premier ministre étant plus près
de ses ministres, ceux-ci plus près des députés qui, eux,
sont près de la population, le premier ministre, dis-je pourra mieux
connaître la nation, ses besoins, ses exigences et préparer avec
le cabinet la législation qui s'impose.
Cette Chambre me rappelle singulièrement le temps de
collège. Ici tout est sombre et sérieux. Les corridors sont longs
et résonnants. Il y a des maîtres de discipline partout qui
contrôlent les présences. La cloche sonne
régulièrement. On s'amuse quelques très rares fois, comme
au collège. Et le règlement est très strict. Il y a ici
des jeunes nouveaux qui viennent d'entrer, qui écoutent et qui regardent
les grands. On les écoute avec admiration et ébahissement et il
ne faut pas rentrer dans « leur talle ».Il y a aussi ceux qui ne
suivent pas les cours et qui disparaissent subrepticement. Et surtout, M. le
Président, comme dans certains collèges, le cours ici ne dure que
six ans, pour les élèves brillants. Moi-même, je
proposerais, pour faire un bon cours, un recyclage de dix ou douze ans
certainement.
Depuis huit ans le député de Gouin s'en sou- vient
depuis huit ans on a continuellement parlé de patronage et depuis
le 5 juin on nous accuse frivolement d'en faire. Après avoir
condamné vertement l'équipe précédente,
l'équipe de 1960, pour pouvoir en faire, a trouvé l'heureuse
formule magique du bon et du mauvais patronage. Depuis 1960, le monde
québécois est devenu tout à coup manichéen: la
bonne équipe était la libérale et la mauvaise était
la nôtre.
Rappelons quelques expressions, quelques perles du respectable
député de Gouin: princes du patronage, fantômes du
patronage, députés patroneux, Babylone del'assiette au beurre,
jardins suspendus du patronage, paradis des tripoteurs et des coulisseurs,
imposture, étalage verbal, électoralisme...
M. MICHAUD: M. le Président, je suis mal cité: « des
coulissiers ».
M. PROULX: ... agitateurs triomphants, sommet de la collusion,
prébendes, grâces, faveurs, marais du conservatisme. Son discours,
ajouté à tous ses éditoriaux, formerait le dictionnaire le
plus complet des insultes si ce dictionnaire n'exixtait pas déjà.
Sa composition française pourrait être divisée en deux
parties: la première et la deuxième. Et tous les
députés, vous vous en souvenez messieurs, ont reçu
à leur bureau un recueil de poèmes. Ce recueil a un titre qui
décrit extrêmement bien les deux parties du discours du
député de Gouin; ce titre c'est « Flux et Reflux
».
M. MICHAUD: Il ne faut pas interrompre.
M. PROULX: Nous allons nous faire des ennemis, M. le Président.
Il me semble qu'on a beaucoup abusé du mot patronage. Abraham Lincoln
est considéré comme l'un des plus grands hommes d'Etat en
Amérique. Il a sauvé l'Union et il a émancipé les
noirs, mais il fut en même temps l'un des plus grands patroneux du 19e
siècle, patroneux dans notre sens à nous.
Il a accepté en 1862 l'Oregon, le 36e Etat, dans l'Union,
à condition que deux sénateurs votent pour lui pour le 13e
amendement. Lincoln échange postes, positions, contrats, sans aucun
problème, et il est considéré comme une des figures les
plus nobles et les plus pures de l'Amérique du Nord et de toute
l'humanité. Les Américains, peuple puritain par excellence s'il
en est un, partiquent un patronage organisé depuis le Président
Jackson en 1827. Non pas que je veuille... Pardon?
M. MICHAUD: Puis-je poser une question au député? Ce sont
les modèles que vous nous proposez?
M. PROULX: Le député a de l'intuition. Non pas que je
veuille, M. le Président, justifier ces formes de patronage, mais qu'on
cesse de répéter toujours ces mêmes rengaines et qui
d'ailleurs ne furent pas rentables pour l'Opposition pendant huit ans, car ils
ont commencé en 1958. Pourquoi y a-t-il au Québec tant de
patronage? De 1760 jusqu'à nos jours, M. le Président, l'un des
rares employeurs était le gouvernement. Le Québec a toujours
été sous-developpé industriellement, et l'on s'attachait
au gouvernement et au député pour vivre et survivre. Aujourd'hui
encore on s'accroche au gouvernement comme à une bouée de
sauvetage et, en même temps qu'on s'y attache comme un parasite, en
même temps on en abuse. Se jouer du gouvernement, tromper l'Etat,
établir de faux rapports d'impôt ou fausser des demandes de bourse
est pour plusieurs un bon coup. L'Etat est en même temps ami et ennemi.
Pour le Latin, pour le Français que nous sommes, l'Etat est un ennemi
dont il faut profiter, surtout quand cet Etat est fédéral et
même provincial.
En égard à la loi électorale, M. le
Président, serait-il possible que toutes les dépenses
électorales du candidat soient payées par le gouvernement? Dans
un comté de 25,000 électeurs, par exemple, le gouvernement paie
environ $8,000 sur un total de $12,000; il ne resterait qu'à payer, pour
le gouvernement, la somme de $4,000. Ainsi le candidat serait
libéré de tous les liens ou avec le fournisseur de la caisse ou
avec la caisse du parti. Dans l'ensemble des candidats, la somme ne serait pas
si importante pour l'Etat. De plus sera-t-il possible que l'agent officiel
c'est une proposition, je ne sais ce qu'elle vaut que l'agent
officiel, l'organisateur en chef, et que certains organisateurs puissent
être payés et que ces frais soient inscrits dans les
dépenses du candidat, puisque l'officier-rapporteur, le greffier, le
représentant, eux, sont payés eux aussi? Tout ceci parce que les
organisateurs d'élections de tous partis, de quelque côté
qu'ils soient, travaillent beaucoup pour faire élire leur candidat. Il y
a parmi eux des gens généreux, dévoués, qui
travaillent pour la cause. Il y a aussi même ceux qui dépensent
beaucoup de leur argent et de leur temps, il y a aussi les autres.
La nouvelle loi, établie depuis quelque temps, ne permet plus
à un député de manifester sa reconnaissance à
l'égard de ceux qui ont travaillé pour lui ou pour le parti.
C'est pourquoi je recommande que toutes les dépenses soient
payées par le gouvernement et que certains organisateurs soient aussi
rémunérés.
M. le Président, combien de conférences, d'études,
d'articles, n'ont pas été faits depuis un an sur le
problème de la constitution et de la nation canadienne-française?
Il est difficile ici de ne pas répéter ce qui a été
dit depuis quinze jours. Le Québec produit et crée aujourd'hui
comme jamais on ne l'a fait: les peintres, les poètes, les sculpteurs,
les musiciens, les chanteurs, les chansonniers, les auteurs dramatiques, les
romanciers atteignent un haut niveau de perfection et débordent sur la
scène mondiale. Citons seulement les deux cas de Réjean Ducharme
et Marie-Claire Blais qui furent dans toute la production littéraire
française les deux événements mondiaux. En ce moment
même où nous déléguons nos ambassadeurs culturels
à l'étranger, nous sentons la maison qui s'effondre et nous avons
le vertige. Alors que le Québec commence en adulte, à s'affirmer
et à s'exprimer, on se sent les pieds glisser sur le sable mouvant. Le
Québec est à un carrefour de sa destinée, à la
croisée des chemins. Où donc prendre notre courage et nos
lumières? Elles ne viendront certainement pas du député du
comté de Duplessis. Quand ce député et quelques autres
rendront l'âme, ils ne rendront certainement pas l'esprit...
M. LeCHASSEUR: Est-ce que ces lumières vont venir de son
adversaire de la campagne passée?
M. PROULX: Je ne comprends pas.
UNE VOIX: Il est moins sourd sur Bourgault. Bourgault, Pierre.
M. PROULX: Je ne connais pas Pierre.
Nous voyons d'une part les conservateurs d'extrême-droite qui
veulent à tout prix garder le statu quo et qui sont prêts à
toutes les compromissions. Ce sont ces marchands d'illusion qui,
maîtres-d'oeuvre d'Ottawa, se promènent à la grandeur de la
province et cherchent le salut dans la technologie et dans l'oubli total de nos
valeurs nationales et spirituelles. Ottawa nous lance ici et là des
pépins pour détourner l'attention des problèmes cruciaux
de la nation québécoise.
UNE VOIX: Il assomme Pépin.
M. PROULX: Il y a d'autre part ceux d'extrême-gauche qui,
semblables aux patriotes de 37 la plupart de la vallée du
Richelieu, donc de ma région sacrifient leur vie pour la nation.
Quelle angoisse les étreint-ils pour les pousser à de tels actes?
Quel désespoir les meut-
ils? Sont-ils les seuls sensibles à la tragédie qui va se
jouer? Je ne le crois pas. Qui donc peut comprendre ces gens, sinon nous qui
sommes à la direction du peuple du Québec? Le désespoir
est semblable à celui des Européens qui, dans les années
40, virent de toute part toutes les structures s'écrouler d'un seul
coup. D'où le salut peut-il venir? Une peut pas venir d'Ottawa. Le
gouvernement central se désagrège, se désintègre de
jour en jour, aucun grand parti ne peut obtenir la majorité absolue, il
n'y a pas de leadership, ils sont incapables de se restructurer, de se ranimer,
ils souffrent de sénilité avancée. Ils ne vivent que du
passé, pendant les deux dernières années environ, ils
n'ont vécu que d'un passé douteux et malheureux.
Les grands partis envoient des agitateurs politiques qui
réussissent à faire les manchettes tout au plus. Les quatre
grands chefs de parti parlent de fédéralisme, ils n'ont jamais pu
parler français alors que nous sommes ici depuis 350 ans. Apparaît
aussi à Ottawa ce symptôme extrêmement grave pour un pays,
le multipartisme. Ce multipartisme aboutit nécessairement à la
prépondérance de la Chambre. L'exécutif s'affaiblit de
plus en plus au détriment de l'Assemblée. Le cabinet à
Ottawa est à la remorque du gouvernement qui soumet ses actes à
un contrôle tatillon et peut le renverser à sa guise.
L'instabilité ministérielle est très grande, il est
impossible à l'exécutif d'appliquer une politique
cohérente et précise, c'est devenu un gouvernement inefficace.
Depuis les années 1957, 1958, les Canadiens ne sont plus dans le jeu, il
n'y a plus de contact direct entre le pouvoir et le peuple, contact qui est un
élément essentiel de la démocratie. Les Canadiens s'en
foutaient, ils avaient parfaitement conscience pendant les dernières
élections de ne pas désigner le chef suprême du
gouvernement, celui qui dirige effectivement la nation ou l'Etat canadien. En
votant pour les tiers partis, les électeurs avaient conscience qu'ils ne
votaient pas pour le chef du gouvernement. Ils sapaient consciemment
l'autorité de l'Etat. Ce multipartisme ira toujours en s'accroissant
puisque les deux grands partis ne peuvent se renouveler. Un
député dernièrement demandait: Est-ce ainsi qu'on envoie
à Ottawa des hommes sérieux? Mais personne ne semble s'y
intéresser. Les meilleurs hommes du Québec aiment mieux venir
travailler ici plutôt qued'aller à Ottawa. Ces remarques
s'appliquent aux deux côtés de la Chambre, cela pour faire oublier
les petites pointes de tout à l'heure.
Ce processus de désagrégation ne s'opérera pas
d'une façon constante, il se fera qu'en temps par spasmes
alternés, par crise, suivie d'un rétablissement, puis par une
autre crise. Le salut,
M. le Président, viendra d'en bas, des provinces. Toutes les
grandes réformes sont venues d'en bas, d'un mécontentement de la
population, de la masse révoltée ou insatisfaite.
Ce fut le cas, aux XIIIe et au XIVe siècles, de la grande
Réforme luthérienne et calviniste. Ce fut celui des treize
états rebelles, en 1776. Ce fut le cas de la Révolution
française, de la rébellion de 1837, du renversement de 1917 en
Russie et de l'Algérie dernièrement.
Le gouvernement central et les tenants du pouvoir ne peuvent accepter de
réformes. Ils s'attachent au pouvoir, aux traditions établies.
Ils s'agrippent aux structures en place, alors que tout s'effrite. Souvent, ils
ne peuvent voir venir les difficultés, car ils sont aveugles.
En 1864, la conférence de Charlottetown avait été
suggérée et organisée par les provinces maritimes, alors
que, huit ans auparavant, Galt, Ross et Cartier avaient proposé en vain
au gouvernement impérial la confédération de quatre
provinces.
La conférence de Québec, en octobre 1864, avait
été suggérée par les représentants du Canada
d'alors et, à la conférence de Londres en décembre 1866,
il a fallu forcer les deux chambres impériales pour qu'elles acceptent
la nouvelle constitution canadienne. Ce sont les colonies d'alors qui se sont
donné une nouvelle constitution et non le gouvernement impérial
qui s'en foutait royalement.
Il faut donc que les réformes couvent, mûrissent,
éclatent à la base pour que les gouvernements se décident
à se renouveler. Déjà le Québec a formé son
comité parlementaire sur la constitution. Déjà, M. Robarts
a proposé une conférence interprovinciale. L'initiative ne peut
venir que des provinces, et le Québec est à l'avant-garde de ces
demandes.
Les deux principaux soucis du gouvernement d'un état moderne sont
l'économie et la politique étrangère. Or, ces deux champs
d'action échappent largement, et presque totalement, au contrôle
d'Ottawa qui est devenu un état satellite dans l'orbite
américaine. Comment pourra-t-il régler ses problèmes de
constitution interne, alors qu'il ne peut contrôler ni son
économie, ni sa politique extérieure.
Plusieurs sont choqués et scandalisés quand on parle de
décolonisation ici, au Québec. Ce phénomène
apparaît partout, comme la fédération de certains pays
s'est réalisée autrefois. Dans les années 1860 et 1870,
des unions fédérales se sont faites partout dans le monde; aux
Etats-Unis, en Allemagne, en Australie, en Afrique du sud, au Brézil et
au Canada. Depuis 1945, est apparu, dans le monde entier,
unphénomène de décolonisation: dans toute l'Afrique, de
l'Al-
gérie à la Rhodésie, en Asie Mineure, en
Amérique Centrale, en Extrême-Orient, en Amérique du Sud et
même en Europe. Que la nation du Québec veuille s'affirmer, se
libérer de ses liens et de ses complexes, est un phénomène
généralisé; cela s'inscrit dans le grand éveil de
l'humanité. Se réalise, ici comme ailleurs, la montée du
pensant, selon l'expression de Theilard de Chardin; c'est le
phénomène de la libération d'un peuple.
Le problème majeur des démocraties modernes et donc de la
nôtre, est la conciliation du techniquement réalisable et du
pratiquement possible. Un gouvernement où les décisions seraient
prises uniquement par des techniciens ou par des technocrates ne serait plus
une démocratie. Et nous savons quelle oppression entraîne un
régime totalitaire. Ils sont menacés et par leurs excès et
par leurs erreurs. Qu'on se souvienne de l'échec de la politique
agricole et de l'industrie chimique sous le régime Khrouchtchev.
Celui-ci a été éliminé en partie à cause des
erreurs de ses technocrates. Ceux-ci peuvent facilement se tromper.
Clémenceau disait que la guerre était trop sérieuse pour
la laisser entre les mains des militaires. L'administration d'un Etat est une
chose trop grave pour la laisser entre les mains des grands administrateurs de
l'Etat.
Leur spécialisation qui les rend nécessaires et
indispensables fait qu'ils sont souvent aussi des gens redoutables par leur
manque de bon sens et de réalisme. Il faut donc qu'ils rencontrent une
opposition dans une opinion publique alerte et lucide, que leur conception soit
passée au crible d'une pensée différente et forte. Nos
cadres politiques actuels, nos institutions peuvent facilement réaliser
une confrontation heureuse entre le techniquement réalisable et le
politiquement possible.
La principale erreur du régime précédent fut
peut-être de ne pas réaliser cette conciliation de telle sorte que
les techniciens ont pris pas sur les politiciens qui n'ont pas su adapter leurs
législations à une politique pratique. Je dis peut-être.
Ils ont fui toute opposition, ils ont voulu appliquer une législation
conçue et élaborée dans des comités
spécialisés.
La vie politique de 1944 à 1960 s'est centrée uniquement
sur le politiquement possible; de 1960 à 1966, le techniquement
désirable a pris le pas, et nous avons assisté à une
coupure nette entre l'administration et la politique, entre les conceptions
parfois audacieuses et l'opinion politique. Les besoins du Québec
aujourd'hui ne sont pas l'exaltation déplacée, mais du bon sens;
non pas de l'extravagance, mais un retour à la normale; non par la
révolution, mais la restauration.
L'élaboration et l'application d'une politique reposent sur deux
colonnes: l'administration avec ses techniciens et le peuple avec ses
désirs, ses passions et son besoin de voir les choses clairement. Or,
qui fait le lien entre ces deux colonnes sinon le premier ministre avec son
Cabinet qui filtre, analyse et sent les besoins de la population? Il est
aidé de ses députés qui, eux, sont près de la
population. Il est aidé aussi de cette assemblée, par cette
opposition qui scrute et qui cherche les défauts d'une
législation. Le premier ministre est ici à la fois le chef des
technocrates, le chef du Cabinet, le chef du parti, d'où importance
capitale des caucus. Il est aussi le « floor leader » capable de
passer et expliquer sa législation. Il lui faut aussi convaincre et
persuader son parti et cette assemblée, et par conséquent,
l'opinion publique, car gouverner, M. le Président, c'est uniquement
persuader.
Ce fut peut-être l'erreur du régime précédent
de ne pas avoir su persuader. Pour qu'un Etat fonctionne bien, il faut trois
choses: une bonne administration, et nous l'avons en général; une
opinion publique éclairée et diversifiée, la nôtre
s'enrichit de plus en plus, les bons éditoriaux se multiplient je
ne parle pas de ceux du député de Gouin les bons
éditoriaux se multiplient à tous les jours et ils sont parfois
passionnés, différents et opposés; et nous avons aussi un
bon chef du gouvernement.
En somme, les technocrates proposent et le pouvoir dispose. En
terminant, rappelons les paroles rassurantes du grand historien Toynbee:
« Quel que soit l'avenir de l'humanité en Amérique du Nord,
je suis, pour ainsi dire, sûr que les Canadiens de langue
française, en tout état de cause, seront encore présents
au dénouement de l'aventure. » Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Taillon.
M. Guy Leduc
M. LEDUC (Taillon): M. le Président, vous me permettrez tout
d'abord de vous féliciter, non seulement de votre nomination au poste
que vous occupez, mais aussi et surtout pour la façon dont vous vous
acquittez de votre tâche depuis le début de la session. Vous
apportez à votre fonction une connaissance de la prodédure
parlementaire, un jugement sûr et un sens de l'humour et une
objectivité qui ne peuvent que rendre les délibérations de
cette Chambre plus faciles et plus efficaces et, du même coup,
améliorer la conception que le citoyen québécois se fait
de l'Assemblée législative.
M. le Président, nous avons appris récemment la nomination
du premier ministre au Conseil privé de Sa Majesté la Reine
Elizabeth II Comme j'aurais aimé être présent, M. le
Prési- dent, pour voir en quels termes chaleureux, le ministre des
Affaires culturelles et les ministres d'Etat à l'Education ont dû
féliciter le premier ministre.
Sa Majesté, en s'adjoignant un conseiller comme le
député de Bagot, ne savait évidemment pas qu'elle allait
plonger l'Union Nationale dans une autre contradiction et que la moitié
du cabinet allait brûler ce que l'autre moitié adorait.
M. le Président, au début de cette semaine la
majorité d'entre nous avons reçu la visite des
représentants de l'Ecole des Hautes Etudes commerciales. Cette
équipe de visiteurs a rencontré les députés pour
expliquer la situation qui existe aux HEC. Je suis sûrement, avec
d'autres membres de cette Chambre, un de ceux qui sont le plus sympathiques
à leur cause et j'aimerais lire quelques extraits de la lettre qu'ils
ont laissée à chacun d'entre nous; « L'école
renferme des locaux qui sont largement insuffisants pour le nombre sans cesse
croissant d'étudiants et pour les services que ce nombre exige. Pour
faire place aux quelque 1,200 étudiants de cette année, il a
fallu loger la majorité des professeurs àl'extérieur de
l'école ainsi que les services tels que secrétariat, librairie,
etc. Les classes sont inadéquates à l'enseignement en plus
d'être surpeuplées. L'horaire même des cours est
conçu de façon à utiliser continuellement les salles de
cours. Les étudiants s'asphyxient par suite de l'exiguïté
des locaux et du manque total d'aération. » Et ça continue,
M. le Président. Je me permets d'attirer l'attention du ministre de
l'Education et de souhaiter qu'on s'occupera du problème des Hautes
Etudes le plus rapidement possible.
M. le Président, au cours des six mois de l'Expo, des centaines
de milliers de visiteurs se rendront à Québec et visiteront les
édifices du gouvernement. Permettez-moi de vous suggérer
d'organiser un système de guides qui pourraient renseigner
adéquatement les visiteurs. Présentement, MM. Etienne Paré
et Philippe Langlois sont à ma connaissance les deux seuls guides
compétents qui peuvent accomplir cette tâche. Je crois et j'ose
espérer qu'un personnel plus nombreux sera à la disposition des
visiteurs au moment de l'Expo.
Je voudrais maintenant, M. le Président, dire un mot du
comté que je suis fier de représenter en cette Chambre et dont je
m'efforcerai de défendre les meilleurs intérêts au cours
des mois et des années à venir. Le comté de Taillon se
compose de trois municipalités, Jacques-Car- tier, Laflèche et
Saint-Hubert. Trois villes qui, depuis 1961, grâce aux initiatives
intelligentes et hardies du gouvernement précédent, connaissent
un essor qui leur assure de façon certaine le progrès et la
prospérité. Les administrations municipales de ces trois villes
ont démontré sans l'ombre d'un doute qu'elles savaient
administrer avec sagesse, qu'elles savaient établir une planification et
qu'elles désiraient se situer à l'avant-garde des
municipalités les plus progressives du Québec.
Toutefois, M. le Président, si mon comté affiche beaucoup
de dynamisme, il n'en reste pas moins qu'il compte encore plusieurs
problèmes. On me permettra d'en souligner un en particulier qui me
paraît assez urgent. Je veux parler du rond-point de Saint-Hubert qui
facilitera l'accès, non seulement à la ville de Saint-Hubert mais
aussi à plusieurs autres routes de la région. Les plans
préliminaires de ce rond-point ont déjà été
déposés mais la situation de la circulation à cet endroit
constitue actuellement un problème si grave que j'ose espérer que
le gouvernement jugera à propos d'autoriser sans plus de retard la
construction de ce complexe routier.
D'autre part, M. le Président, je sais qu'il sera difficile de
commencer véritablement la réalisation de ce projet avant la fin
de l'Expo. Aussi je suggère qu'on pourrait peut-être en attendant
ce moment, installer des feux de circulation adéquats afin
d'éviter le trop grand nombre d'accidents que nous déplorons
chaque fin de semaine. Un peu dans la même veine, M. le Président,
j'aimerais suggérer au ministre de la Voirie d'étudier la
possibilité d'installer le long des routes de cette région des
panneaux qui identifieraient plus adéquatement les trois villes de mon
comté.
Le comté de Taillon est composé d'une population de langue
française et de langue anglaise. La collaboration, l'entente et le
dialogue qui existent au sein de ces deux communautés pourraient
facilement, je crois, servir d'exemple au reste du pays.
Sans doute, ce voisinage comporte aussi sa part de petits
problèmes, mais la population de mon comté a fait preuve d'une
bonne volonté et d'une maturité telles que les difficultés
s'estompent rapidement devant le vouloir-vivre collectif dans la paix et dans
l'harmonie.
Et après ces quelques considérations sur mon comté,
j'en arrive, M. le Président, au sujet principal de mon intervention,
à savoir le cinéma et la censure dans le Québec. Au cours
de cette période qu'on a appelée « la révolution
tranquille », c'est-à-dire de 1960 à 1966, le gouvernement
a placé au tout premier rang
de ses priorités l'éducation et la culture. Or, la preuve
est faite depuis longtemps que le septième art, avec ses carences et
avec ses défauts, est encore l'un des instruments les plus efficaces que
l'homme se soit donné pour aider l'éducation et propager la
culture. C'est donc dire que, dans une société qui met l'accent
sur l'éducation et la culture, il devient impérieux de faire une
utilisation intelligente et planifiée du cinéma et que l'Etat,
à ce chapitre, a du même coup des obligations particulières
lorsqu'il préconise une politique d'échanges culturels.
Le cinéma se situe parmi les moyens artistiques les plus
populaires de notre siècle, parce que c'est un moyen d'expression qui
touche l'homme dans sa totalité. C'est André Malraux qui disait:
« L'importance du cinéma, c'est qu'il est le premier art
mondial». Devant l'évolution qu'a subie le septième art au
cours des dernières années, il est bien évident que les
critères que l'on doit employer pour juger une oeuvre
cinématographique ont dû, aussi, suivre cette évolution. En
conséquence, nous avons assisté, depuis quelques années,
à un assouplissement progressif du régime de la censure. Fort
heureusement, M. le Président, il n'est plus nécessaire,
aujourd'hui, pour voir certains grands films, d'être invité
à des séances privées du bureau de la censure ou de
certains ciné-clubs et l'époque est déjà bien loin
où, pour voir un chef-d'oeuvre comme les Enfants du paradis, il fallait
se réunir clandestinement.
Cette évolution correspond à l'évolution
éducative et culturelle que nous avons connue depuis 1960. Un des
éléments qui ont contribué d'une façon positive
à ouvrir nos horizons cinématographiques est sans contredit le
festival international du film de Montréal. Grâce au travail
acharné et continu d'une équipe dévouée, le
festival international du film de Montréal nous a donné
l'occasion de voir les chefs-d'oeuvre du monde entier et je voudrais profiter
de cette occasion, M. le Président, pour féliciter les directeurs
du festival et les encourager à continuer cette oeuvre qu'ils ont
commencée.
En 1963, le bureau du censure refaisait ses cadres administratifs, mais
nous en sommes encore à la loi des vues animées de 1925. Inutile
de dire que cette loi, qui était moderne au moment de sa
création, est maintenant dépassée. Je dirais même
qu'à la lumière de l'évolution qui s'est produite au
Québec, au cours des dernières années, la loi des vues
animées de 1925 est non seulement archaïque, mais qu'elle constitue
une atteinte à la liberté du citoyen et je n'en veux pour preuve
que cet extrait du rapport Régis, aux pages 28 et 29, qui, après
avoir énuméré les critères qui doivent
présider à la censure, déclare: « Si on applique ces
critères à la loi des vues animées, sa
généralité lui permet de respecter ces divers aspects de
la conscience personnelle et de ne pas se substituer à la fonction
éducatrice des parents et de ceux qui sont chargés de former les
consciences. Mais, dans les règlements et les directives d'application
de cette loi, elle prend alors un caractère immoral, car les censeurs
s'arrogent des pouvoirs aussi étendus que la loi positive divine et font
comme s'ils étaient chargés de sonder les reins et les coeurs.
Ils se substituent à la conscience personnelle des individus; ils se
substituent à la fonction éducatrice des parents et autres
éducateurs en exerçant un paternalisme qui dépasse les
prérogatives d'une loi positive humaine. Une telle interprétation
de la loi des vues animées la rend immorale, car elle
déséduque la liberté morale des individus. Au lieu d'en
être un précieux auxiliaire, elle en devient l'ennemi en
substituant à l'éducation de la liberté un dressage qui
entretient la population dans une perpétuelle enfance morale.
»
Sans doute, M. le Président, la censure a évolué
chez nous et, au cinéma comme à la télévision, on
ne mutile plus les films au point de vouloir éliminer d'un documentaire
sur l'Afrique les scènes de négresses aux seins nus, mais il
reste cependant que notre conception de la censure est encore largement
dictée par des règlements périmés qui n'ont plus
leur raison d'être en 1967.
Je parlais tout à l'heure, M. le Président,
d'échanges culturels et je voudrais maintenant ajouter que notre
politique de censure, encore aujourd'hui, nous prive d'un apport culturel
précieux que pourrait nous apporter le cinéma étranger et,
une fois de plus, je fais appel au rapport Régis qui explique avec
infinimnet plus d'autorité que je ne saurais le faire cette grave lacune
dans nos lois. « Notre gouvernement provincial aproclamé sur tous
les tons qu'il favorisait des échanges culturels. Cette proposition a
certaines conséquences auxquelles nous ne pouvons pas échapper.
Le cinéma, moins que la télévision, est encore un canal
d'échanges avec divers pays. A cause de la position singulière du
Canada, les communications auront tendance à être plus
considérables dans un sens que dans l'autre. A cela, nous ne pouvons
rien, du moins pour un long moment. Nous ne saurions produire davantage de
films que l'ensemble des pays occidentaux.
Il faut accepter cette situation de bon gré et en tirer partie.
L'attitude réfractaire qui domine
dans beaucoup de secteurs québécois a des résultats
néfastes. Nous gaspillons les ressources, nous sommes ridicules. Nous
retardons l'accession du peuple à des modes d'expérience dont il
nous reprochera bientôt de l'avoir privé. Nous résumerions
l'attitude en disant qu'une certaine révolution libérale doit
être assurée. Nous entendons par là la suppression
indirecte des féodalités culturelles qui s'opposent à la
libre circulation des oeuvres intellectuelles ou des oeuvres d'art. Si notre
gouvernement proclame une politique des échanges culturels, et bloque
par son bureau de censure les oeuvres contemporaines, notre situation devient
équivoque puisque nos partenaires dans les échanges n'arrivent
plus à comprendre notre conduite. Nous favorisons à tout prendre
l'entrée des oeuvres au lieu d'une attitude faite d'hésitation et
de tergiversation. Nous savons qu'il ya a là des échanges, mais
ils sont moins grands que ceux que comporte une attitude mesquine. Seule une
nouvelle optique éliminera ces tentatives ridicules par lesquelles nous
essayons de faire changer les titres de films ou de modifier leur contenu
».
Ainsi donc, M. le Président, je crois qu'il est incontestable que
nous devons le plus rapidement possible repenser la politique du gouvernement
vis-à-vis la censure dans le Québec. Après avoir lu une
importante documentation et avoir consulté des spécialistes dans
la matière, j'en suis arrivé aux conclusions suivantes que je
soumets respectueusement à l'attention du gouvernement.
Il faudrait à mon sens créer une régie du
cinéma au Québec qui comprendrait les éléments
suivants: premièrement un centre cinématographique qui assurerait
la production, la distribution et la conservation de tous les films requis pas
les ministères ou par les organismes qui en relèvent:
deuxièmement, une commission de surveillance dont la fonction serait de
visionner, identifier et viser les productions cinématographiques
étrangères avant qu'elles soient distribuées chez nous.
Sans doute, cette commission aurait la responsabilité d'attribuer ou de
refuser un visa à un film, mais les normes qui la guideraient dans ce
travail devraient s'inspirer de la morale chrétienne, mais dans ce
qu'elle a de moins restrictif.
J'entends par là que la commission de surveillance aurait tout
simplement la prérogative de refuser le visa à une oeuvre que le
bon sens le plus élémentaire jugerait comme dangereuse ou
même pornographique, mais n'aurait plus le droit d'interdire un film sous
prétexte qu'il comporte une scène indécente ou qu'il
traite d'un thème répréhensible. Je considère en
effet que le Québécois d'aujourd'hui est assez adulte pour
choisir ce qu'il doit ou ne doit pas voir et aucune loi positive ne peut se
substituer à la liberté individuelle. Puisqu'il faut tout de
même, M. le Président, étiqueter les films selon les
auditoires auxquels ils sont adressés, je crois que la commission de
surveillance aurait avantage à les cataloguer d'après les
catégories ou paliers d'âge suivants: catégorie A, six ans
et plus; catégorie B, 14 ans et plus; catégorie C, 18 ans et
plus; et catégorie D, auditoires spéciaux. De plus, le
gouvernement devrait considérer la possibilité de classifier les
maisons de cinéma. La classe A, par exemple, serait pour les films de
catégories A, B et C, et la classe B pour les films de catégorie
D.
Ainsi un cinéma d'art pourrait présenter une
catégorie de films qui ne serait pas nécessairement
présentée ailleurs et cela pour un auditoire spécial.
Cette régie du cinéma que je préconise, je crois qu'elle
devrait compter parmi ses responsabilités la direction de l'Office du
film comme elle devrait à son tour être sous la juridiction du
ministère des Affaires culturelles et travailler de façon
à peu près constante en collaboration étroite avec le
ministère de l'Education.
Toujours sur le sujet du cinéma, j'en viens à un point
délicat dont on évite trop souvent de parler ouvertement et sur
lequel, pourtant, la population tout entière du Québec s'est,
depuis longtemps, fait une opinion, je veux dire le cinéma en plein air.
Je reconnais, M. le Président, que l'Association des
propriétaires de cinémas du Québec a mené
là-dessus une enquête il y a quelque temps et que les
résultats de cette enquête paraissaient défavorables
puisque, sur 358 réponses possibles, 81 propriétaires
indépendants se prononçaient contre le cinéma en plein
air, 51 propriétaires de cinémas de circuit étaient
favorables et 222 propriétaires s'abstenaient de répondre tout
simplement. Mais cette enquête ne doit pas influencer la décision
du gouvernement, car il suffit, en effet, de consulter l'homme de la rue,
depuis Gaspé jusqu'à Rouyn, pour se rendre compte que les
Québécois aimeraient bénéficier du cinéma en
plein air. J'estime qu'il est grandement temps qu'on étudie un projet de
cinéma en plein air et qu'on cesse de se renvoyer la balle du
gouvernement à l'Association des propriétaires de cinémas
et vice versa, tandis que le Québécois attend un divertissement
auquel il aurait droit, mais qui ne vient pas.
Le cinéma en plein air, M. le Président, peut et doit
être un divertissement honnête et sain. De plus en plus, les
Québécois disposent d'un plus grand nombre d'heures de loisir et
passent ces heures à des divertissements familiaux. Le cinéma en
plein air est un de ces divertisse-
ments qui peuvent rendre ces heures agréables. Evidemment, il
faudra éviter que les cinémas en plein air poussent comme des
champignons, mais je crois qu'à l'aide d'une étude
démographique sérieuse, le gouvernement serait en mesure
d'octroyer les licences de façon équitable pour l'ouverture de
ces cinémas.
En terminant, M. le Président, j'aimerais faire une
dernière suggestion qui, elle aussi, comblerait une sérieuse
lacune au Québec et assurerait l'avenir de notre jeune industrie
cinématographique. Je suggère que le gouvernement crée un
fonds de production pour le cinéma afin d'assurer à nos
producteurs québécois l'assistance financière qui leur
manque, de les encourager à produire des films de plus en plus
méritants et du même coup, stimuler les talents nouveaux dans le
domaine du cinéma.
M. le Président, je n'ai fait qu'effleurer le sujet.
J'espère avoir l'occasion d'y revenir au cours de la présente
session, car c'est un sujet connexe à ma profession et qui me tient
à coeur. J'admets bien volontiers que le projet que je viens d'exposer
n'entre pas automatiquement dans le programme des priorités du
gouvernement, mais je voudrais rappeler à cette Chambre que dans
quelques mois nous vivrons au Québec à l'heure de la Terre des
Hommes, qu'à cette occasion des milliers d'étrangers viendront
chez nous se faire une image de notre façon de vivre. J'aimerais, M. le
Président nous aimerions tous, j'en suis certain que cette
multitude de visiteurs constate que le septième art est chez nous un
instrument d'éducation et de culture et qu'il nous aide à
parfaire notre connaissance de l'homme et de son univers. Nous aurions alors
une raison de plus de dire avec fierté: « Je suis
Québécois. »
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.
M. Marcel-R. Plamondon
M. PLAMONDON: M. le Président, ce n'est pas sans une certaine
émotion que je prends aujourd'hui la parole dans cette Chambre
où, depuis de nombreuses années, les représentants du
peuple québécois se sont assemblés pour présider
aux destinées de la province de Québec. Et, je dois l'avouer, je
comprends probablement beaucoup mieux en ce moment, ce que nos parlementaires
aguerris voulaient nous dire lorsqu'ils nous parlaient de ce qu'ils avaient
ressenti lors de leur premier discours.
Etant donné que c'est la première fois, M. le
Président, que j'ai l'honneur de m'adresser à cette Chambre,
permettez-moi de féliciter tous les députés élus le
5 juin, des deux côtés de la Chambre.
Nous avons su nous mériter la confiance des citoyens de nos
comtés dans nos comtés respectifs. Mais, après
l'élection, ce n'est pas tout.
Il faut nous montrer dignes de cette confiance, et l'un des moyens, je
crois, c'est, en premier lieu, que cette Chambre donne l'exemple de cette
dignité, de ce décorum, de cette élémentaire
politesse, que les représentants du peuple fassent preuve de
lucidité et d'honnêteté d'esprit dans les discussions,
chose, M. le Président, que tous les citoyens de cette province sont en
droit d'attendre de la part de leur représentant.
Et sur ce point, M. le Président, je relisais l'autre jour,
quelques notes que j'avais rédigées sous le coup de la forte
impression que m'avait laissée cette première visite que j'avais
faite à l'Assemblée législative, il y a de ça
quelques années. Je déplorais à ce moment ce qui
m'aparaissait comme un manque de sérieux des membres de cette
assemblée, un désintéressement de la part des
députés, une partisanerie politique souvent
exagérée et de même qu'une perte de temps énorme
dans des échanges de paroles pratiquement inutiles et combien d'autres
choses encore.
Je crois que les impressions qui étaient miennes, à ce
moment, sont, j'en suis sûr, celles de la plupart des personnes qui
viennent ici pour la première fois. C'est pourquoi je voudrais, M. le
Président, dire à tous ceux qui préconisent une
réforme, une adaptation de nos structures aux circonstances des besoins
actuels, que je leur donne mon entier appui. Mais, en attendant ces
réformes, j'estime que nous devons nous faire un point d'honneur de
donner l'exemple, de nous montrer dignes de respecter les règlements, de
respecter ceux qui ne pensent pas comme nous. Mais, pour avoir des
résultats, il faudra nécessairement que ce respect soit
réciproque des deux côtés de cette Chambre. Bien sûr,
nous sommes des humains, avec nos qualités et nos défauts, nous
serons portés à nous oublier, mais je sais, M. le
Président, que vous veillerez comme à l'habitude à
maintenir le décorum nécessaire, et je présume que tous
les membres de cette Chambre nous aideront à le faire.
Qu'il me soit permis de vous offrir mes plus sincères
félicitations pour la confiance que vous a manifestée cette
Chambre en vous choisissant à ce poste. La position que vous occupez
présentement, M. le Président, est à la base même de
notre démocratie et, sans le respect qui est dû à votre
fonction, ce serait le chaos indescriptible. Les orateurs qui m'ont
précédé ont énuméré longuement les
qualités que vous possédez et qui vous prédestinaient
à ce poste.
Je n'ai pas l'intention de les répéter, mais je me
joindrai à eux pour vous assurer de mon entière collaboration, de
même qu'au vice-prési- dent de l'Assemblée, l'honorable
député de Rivière-du-Loup. Je m'en voudrais aussi de ne
pas féliciter le proposeur et le secondeur de l'adresse en
réponse au discours du Trône, les honorables députés
d'Arthabaska et de Richelieu. Malgré leur jeune âge et le fait que
c'était aussi leur première expérience en Chambre, ils ont
tous deux très bien fait le travail qui leur était assigné
et ils ont attiré l'attention de cette Chambre sur des points tout
à fait pertinents.
Au cours de cet exposé, M. le Président, je voudrais tout
d'abord souligner quelques passages du discours du Trône et,
deuxièmement, faire quelques suggestions sur des questions qui
m'apparaissent très importantes.
Nous avons présentement devant nous ce document qu'on appelle le
discours du Trône, qui fait état, rapidement bien sûr, du
programme législatif du gouvernement. Ce plan de travail, si je puis
m'exprimer ainsi, couvre différents domaines, que ce soit sur le plan de
l'affirmation de la nation canadienne-française ou sur le plan social ou
économique, les différentes classes de la société y
trouvent leur profit.
L'honorable député de Chambly manifestait son
inquiétude lors d'une intervention au début de cette session
devant le discours du Trône de la première session de la 28e
Législature. Je crois, M. le Président, que cette
inquiétude est peut-être justifiée parce que l'honorable
député réalise peut-être que ce programme
législatif risque de le maintenir dans l'Opposition pour fort
longtemps.
Vous ne m'en voudrez pas, M. le Président, d'analyser quelques
passages de ce document en le reliant tout particulièrement aux besoins
du comté que je représente. L'agriculture, dans le comté
de Portneuf comme presque partout ailleurs dans la province, éprouve de
sérieuses difficultés. Aussi l'attention qu'apporte le
gouvernement à cette question permet à l'agriculteur
d'espérer qu'on lui donnera enfin les outils nécessaires pour
améliorer son sort.
Il est nécessaire qu'on mette enfin de côté les
mesures de cataplasmes qui ne règlent pas le problème, mais qui
contribuent trop souvent à maintenir l'agriculteur dans un état
de dépendance envers le gouvernement.
Un autre passage du discours du Trône qui me plaît
particulièrement est cette partie qui traite de cette politique
d'incitation financière que le gouvernement entend mettre de l'avant
pour aider la petite et la moyenne entreprise. Bien sûr, il ne s'agit pas
de minimiser l'importance de la grande industrie, mais je crois qu'il est
devenu nécessaire que le gouvernement attache une importance plus grande
à la petite et moyenne industrie et ce, pour plusieurs raisons. Tout
d'abord, toute petite industrie est une grosse industrie en puissance. De plus,
elle est généralement locale, impliquant automatiquement des
capitaux de chez nous. Avec une politique adéquate, ces petites
entreprises ont de bonnes chances de se développer et de grandir tout en
permettant de garder le contrôle de ces entreprises chez nous.
En second lieu, la petite et moyenne industrie diversifie
l'économie de la province, mais aussi celle de la région
où elle est implantée. Nous savons tous combien est
vulnérable l'économie d'une région qui, par exemple,
dépend d'un seul genre d'industrie, lorsque cette dernière
rencontre des difficultés.
Troisièmement, la petite industrie favorise davantage la
décentralisation industrielle. Elle permet de procurer du travail
à la population dans son milieu propre. Nous connaissons le haut niveau
de chômage dans notre province, mais ce qui est plus grave encore, c'est
que la fréquentation scolaire ayant été prolongée
considérablement depuis trois ou quatre ans, plusieurs jeunes qui,
normalement, auraient déjà commencé à travailler
sont encore aux études. Ce qui veut dire que, d'ici quelques
années, nous aurons à donner du travail à un nombre
considérable de ces jeunes qui seront devenus des spécialistes.
Nous avons donc là une grave responsabilité, et il ne faudrait
pas que les sacrifices que notre population s'est imposés, tant sur le
plan financier que sur le plan humain, soient perdus pour le Québec du
fait que nous n'ayons pas pris les moyens nécessaires pour
bénéficier des services de cette jeunesse, et qu'elle
émigre à l'étranger.
Voilà quelques raisons qui démontrent bien pourquoi le
gouvernement est justifié d'agir en ce domaine. Mais si nous voulons
obtenir des résultats valables, je crois qu'il deviendra de plus en plus
urgent que l'Etat mette sur pied un organisme de financement industriel
provincial.
Il est pour le moins inconcevable, en 1967, alors que le crédit
personnel est si facile à obtenir, que n'importe quel va-nu-pied peut
financer l'achat d'une automobile ou d'un autre appareil luxueux en un clin
d'oeil, que le crédit industriel soit si difficile à obtenir.
L'entreprise privée, n'ayant pas su combler cette lacune, j'estime qu'il
est du devoir de l'Etat d'intervenir. Même si un tel organisme effectuait
de temps à autre des mauvais prêts, le tout serait profitable
à l'ensemble de la province, par le nombre d'emplois qu'il
créerait et par les biens
de consommation additionnels qui seraient mis en circulation. Et
même le gouvernement en profiterait par la perception d'impôts sur
le revenu plus importants et probablement par des versements de
bénéfices sociaux moins élevés.
Ce sont là des problèmes qui méritent
considération, et le discours du Trône démontre bien
l'importance que le gouvernement actuel accorde à ces questions.
Un autre domaine qui touche de près les citoyens de mon
comté, c'est celui de la forêt. Il faut de toute urgence assurer
un aménagement rationnel de notre richesse forestière. C'est avec
satisfaction que nous avons vu, dans le discours du Trône, l'intention du
gouvernement de corriger les problèmes existants dans ce domaine. Je
pense ici à nos petites et moyennes industries qui existent, qui ont
besoin d'approvisionnement en matières premières, soit le bois.
Nous nous plaignons que notre produit est expédié à
l'étranger, mais pendant ce temps, ces industries pourraient transformer
notre produit brut en un produit secondaire et même en un produit fini,
mais ils n'ont aucune garantie quant à l'approvisionnement requis en
matière première pour alimenter leur industrie. C'est là
une situation à corriger.
Je me permettrai d'attirer maintenant l'attention de cette Chambre sur
un problème d'intérêt général qui à
mon sens est devenu très urgent. M. le Président, nous savons
tous le grave problème qui prévaut actuellement dans le domaine
de la sécurité routière. Une enquête conduite par le
club automobile auprès des chefs de police du Québec
démontre que les boissons alcooliques viennent au premier rang des
causes d'accidents. De plus, les résultats des expériences
scientifiques dont les conclusions ont fait l'objet d'un programme
télévisé pendant la période des fêtes,
confirme hors de tous doutes, les effets néfastes de l'alcool sur le
conducteur.
Aussi, M. le Président, je crois qu'il est devenu urgent de
fournir à ceux qui ont pour mission de protéger le public, en
l'occurence nos policiers, un moyen de contrôle en ce domaine. Je crois
qu'il est urgent de rendre légal et obligatoire le test de l'haleine ou
tout autre moyen pour mesurer le degré d'intoxication du conducteur.
Qu'on l'appelle ivressomètre ou autrement, je crois que profitant de
l'expérience de d'autres pays, profitant également de ces
résultats d'études scientifiques, mais considérant surtout
la situation grave qui prévaut dans notre province, nous serions
pleinement justifiés d'agir.
Bien sûr, la boisson alcoolique n'est pas la seule cause
d'accidents, même si tous s'accor- dent à dire que c'est la plus
importante. Il faut tout de même continuer la prévention sur tous
les plans. Pour ma part, j'estime qu'on doit intensifier l'éducation
à la sécurité routière au niveau scolaire. Il ne
s'agit pas seulement de connaître les moyens mécaniques pour faire
se mouvoir une automobile, pour devenir un bon conducteur; il faut surtout, en
plus de la connaissance des diverses lois de la route, faire prendre conscience
des responsabilités énormes que sont celles du conducteur, chose
qui manque peut-être le plus à notre jeunesse. C'est par des cours
appropriés au niveau scolaire qu'on y parviendra. L'automobile fait
maintenant partie intégrante de notre société; à
nous de prendre les mesures nécessaires pour en tirer le meilleur parti
possible.
Il y a certainement beaucoup d'autres moyens tels que: augmentation des
effectifs policiers, amélioration du système routier,
véhicules de meilleure fabrication, mais j'estime que ces deux mesures
que j'ai suggérées précédemment sont les plus
importantes et les plus urgentes.
Avant de terminer ma première intervention en cette Chambre, je
crois de mon devoir de dire quelques mots de la situation qui prévaut
présentement dans le comté que je représente.
Portneuf, quoique bien situé géographiquement, n'a pu
profiter d'un développement en rapport avec sa localisation avantageuse.
Le développement industriel y est difficile. La promotion du tourisme
est lente. La prospection minière qui peut pourtant permettre des
espoirs dans notre comté, a été concentrée dans
d'autres régions où les gisements étaient peut-être
plus faciles à découvrir.
Ces faits ont donc comme conséquence que nous avons un taux de
chômage élevé, et que les versements de
bénéfices sociaux sont également très
élevés.
Les statistiques nous démontrent que la proportion des paiements
de transfert par rapport au revenu personnel est plus élevé dans
le comté de Portneuf que pour l'ensemble de la région
économique de Québec, qui elle-même, a déjà
une proportion plus élevée que l'ensemble de la province. Et
pourtant, Portneuf est à proximité de la capitale, en banlieue
même.
Cette situation est pour le moins inquiétante, et lorsqu'on
travaille à améliorer la situation, soit par la promotion
industrielle, touristique ou autrement, le problème majeur est toujours
le manque de bonnes voies de communications. Chose qui a été de
plus en plus négligée ces dernières années.
C'est pourquoi, M. le Président, il est nécessaire pour
moi, de réclamer ici, au nom des citoyens du comté de Portneuf,
la construction
d'une voie de communication rapide, reliant notre comté aux
endroits stratégiques que sont Québec et Montréal. Qu'on
l'appelle autoroute ou autrement, peu importe, mais que l'on construise une
route à grand dégagement, voilà ce qui importe.
Il est vrai qu'une partie de cette voie rapide est en construction, mais
il ne faudrait pas que l'on s'arrête à mi-chemin, car la
circulation sera détournée par le pont de Trois-Rivières,
ce qui contribuera à « vider » notre comté.
Je sais, M. le Président, que l'honorable ministre de la Voirie
est bien conscient du problème et qu'il y apportera toute l'attention
voulue. Je comprends qu'il a, lui aussi, des objectifs à rencontrer et
des priorités à satisfaire, mais je crois que le fait de
compléter cette voie rapide côté nord, sera à
l'avantage, non seulement du comté de Portneuf mais de toute la province
de Québec.
Voilà, M. le Président, quelques observations qu'il me
plaisait de faire à cette Chambre, et je remercie les honorables
députés de leur bienveillante attention.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, il fut un temps où certains
d'entre nous désespéraient de l'avenir de la démocratie
chez nous. Les critiques à cet égard étalent souvent
concrétisées dans le comportement autocratique et dictatorial du
parti au pouvoir et la soumission du Prési- dent de la Chambre à
la volonté du chef du gouvernement, on m'a raconté qu'un de vos
prédécesseurs n'avait jamais rendu une décision adverse
à la position du gouvernement, il est manifeste que, depuis six ans
environ, notre province et notre peuple ont accompli des progrès
considérables dans leur conception de la démocratie, et votre
attitude judiciaire et impartiale au cours de nos débats en est un
vivant témoignage. Arrivant tard dans le débat sur l'adresse au
discours du Trône, il m'est donc permis, non seulement de vous
féliciter de votre élection à cette fonction majeure dans
notre système parlementaire, mais aussi et surtout de votre attitude
à la fois ferme et bienveillante envers tous les membres de cette
Chambre.
Qu'il me soit permis, M. le Président, de rappeler le souvenir de
celui dont j'occupe maintenant le siège. Je réfère
évidemment à Georges-Emile Lapalme, avocat et journaliste. Il n'a
jamais eu les défauts de l'une ou de l'autre profession. Jamais il n'est
tombé dans le juridisme comme avocat ni non plus dans le flou et
l'irréalisable comme journaliste. Il savait concilier les
qualités contradictoires de ces deux professions. Comme chef de
l'Opposition, et, chef du parti libéral, il a non seulement maintenu la
flamme de notre parti, mais il a eu une influence déterminante sur les
idées qui sont courantes aujourd'hui, mais qui se heurtaient à
l'époque à une résistance terrible de la part de son
adversaire et de la part d'une partie importante de notre société
qui refusait le progrès.
Indubitablement, sur le plan intellectuel, il fut le grand architecte de
notre victoire du 22 juin 1960, qui représente, suivant moi, le point
tournant de l'évolution récente de notre province et de notre
peuple, puis-je rappeler à cette Chambre qu'il fut élu dans le
comté d'Outremont à l'occasion d'une élection partielle
durement contestée? Le comté d'Outremont, dans sa
générosité traditionnelle, avait su accueillir celui qui
avait subi la défaite dans son comté natal de Joliette à
l'élection générale de 1952. Le comté d'Outremont
pourra se glorifier longtemps d'avoir offert un siège dans cette
Assemblée à l'un de ceux dont la contribution fut
déterminante dans le cours de l'évolution de notre province.
C'est donc avec beaucoup de modestie que j'ai accepté l'honneur
que m'ont fait les électeurs du comté d'Outremont de me choisir
comme leur représentant à l'Assemblée législative.
C'est également conscient des responsabilités qui me sont
dévolues que j'entends prendre part aux travaux de cette Chambre. Qu'il
me soit donc permis de remercier tous les groupes de mon comté,
français, anglais et juifs, qui m'ont exprimé leur confiance en
me donnant une majorité dans tous les bureaux de scrutin sans
exception.
En plus de ses fonctions traditionnelles de protecteur de l'ordre
public, la société industrielle contemporaine impose maintenant
à l'Etat des fonctions telles que sa présence est ressentie
directement dans la vie de tous les jours. Il est devenu banal de souligner le
rôle grandissant de l'Etat dans tous les domaines de la vie et sa
présence envahissante. Les exigences de la société
à l'égard de l'Etat, motivées par notre temps et notre
type de civilisation, expliquent pourquoi l'Etat est omniprésent dans
les domaines de l'éducation, de la sécurité sociale, de
l'économie et de l'emploi, et le rôle qu'il occupe comme arbitre
des revenus individuels. Le rôle actif de l'Etat dans ces nouvelles
fonctions s'exprime évidemment pas une législation ou une
réglementation beaucoup plus complexe et abondante et par l'expansion de
la classe des employés du secteur public.
Simultanément les individus cessent d'être
des atomes dans le vaste ensemble qu'est la société.
Ils donnent des structures à leurs intérêts de
classe. Agriculteurs, ouvriers, consommateurs, contribuables, entrepreneurs,
capitalistes forment maintenant des groupes compacts et organisés aux
intérêts bien définis qui cherchent à prendre une
part de plus en plus importante dans le revenu national ou simplement à
conserver leur position.
Ainsi l'Etat se voit donc maintenant confier la responsabilité
d'assurer un minimum de bien-être aux individus et d'agir comme arbitre
entre des groupes et des classes continuellement en état
d'ébullition et en conséquence le secteur public,
c'est-à-dire le secteur alimenté financièrement par les
impôts prend de plus en plus d'importance. Afin d'assurer les services
qui sont requis de l'Etat, les classes de fonctionnaires, des employés
d'hôpitaux, des employés du secteur scolaire, des employés
municipaux émargeant au budget de l'Etat augmentent en nombre.
Dans le Québec, la naissance de cette classe d'employés du
secteur public s'est faite dans un contexte particulier. D'abord, elle s'est
faite dans ces secteurs: gouvernement provincial, hôpitaux et
enseignement, où les conditions de travail étaient
particulièrement retardataires par rapport au secteur privé. Ces
secteurs en retard étaient caractérisés par le
paternalisme avec ses conséquences bien connues: bas salaires,
multiplication des emplois inutiles et absence de rendement. Ces mêmes
secteurs: gouvernement provincial, hôpitaux et enseignement, qui
étaient précédemment pas ou peu organisés
étaient, à ce moment, en pleine effervescence à cause des
campagnes syndicales particulièrement intenses qui étaient
déployées.
Dans ces secteurs, il s'est produit une prise de conscience collective
de la part des collets blancs. Au même moment, l'Etat
québécois a libéralisé notre législation du
travail en permettant le droit d'association et le droit de grève dans
les services publics, d'où un double défi: premièrement,
appliquer une législation du travail beaucoup plus libérale par
l'abolition de l'arbitrage obligatoire et le rétablissement du droit de
grève et deuxièmement, dans les secteurs peu ou pas
syndiqués et où les conditions de travail et en particulier les
salaires étaient en retard.
L'un des grands problèmes qui se posent à notre
gouvernement est celui des formules à adopter dans ses relations de
travail comme employeur à l'égard des employés du secteur
public. La crise actuelle de l'enseignement, celle des hôpitaux
l'été dernier, le règlement in- tervenu avec les
fonctionnaires au cours de l'année dernière ont posé d'une
façon dramatique la question du comportement de l'Etat comme employeur
à l'égard de ses serviteurs.
Dans le secteur périphérique de l'Etat,
l'établissement de relations stables et fructueuses entre employeurs et
employés est fondé sur un préalable: la revision des
mécanismes de la négociation collective, il s'agit ici
précisément des hôpitaux et des commissions scolaires
où l'Etat provincial n'est pas l'employeur mais ou il joue un rôle
sans cesse grandissant par suite de ses contributions financières
à ces organismes. Dans le secteur hospitalier on l'a
constaté lors de la récente grève l'Etat provincial
a joué un rôle de véritable partie à la table des
négociations malgré que le conflit n'impliquait juridiquement que
les hôpitaux et leurs employés. La raison en est évidemment
que l'Etat contribue pour la plus grande partie aux revenus courants des
hôpitaux par l'application de la loi de l'assurance-hospitalisation. Au
cours des derniers jours du conflit, la réaction des administrateurs
d'hôpitaux à certaines exigences syndicales relatives aux
promotions, sur lesquelles les administrateurs se sentaient sur le terrain
solide des droits de la direction, a été vite
étouffée par l'application de la tutelle collective
imposée par l'Etat en vertu de la loi des hôpitaux.
Le règlement de la grève et la signature de la convention
collective se sont effectués directement entre l'Etat et le syndicat en
passant par-dessus la tête des hôpitaux et de leurs
administrateurs. Le procédé était certes anormal, compte
tenu de ce que les hôpitaux ne sont pas des émanations de l'Etat
mais bien des institutions privées, il met en lumière, cependant,
le problème qui résulte de la situation confuse entre Etat,
employeurs et syndicats lorsque l'Etat joue un rôle stratégique de
par ses contributions à la gestion financière des employeurs.
Il est inutile pour nous d'insister sur le domaine de l'enseignement,
sauf pour dire que la situation actuelle a démontré
l'ambiguïté qui existe dans la situation de l'Etat, des commissions
scolaires et de leurs employés.
Dans ce cas, la difficulté que nous avons signalée pour
les hôpitaux se double ici de la multiplicité des unités de
négociation et de la politique autonome de taxation foncière que
chaque commission scolaire est libre de pratiquer.
Il est clair que, dans le secteur périphérique de l'Etat,
soit celui des hôpitaux et de l'enseignement, on se trouve devant un
imbroglio administratif résultant de ce que l'établissement des
salaires et autres conditions de travail
s'effectue en fait par le concours de trois parties: Etat, employeurs et
syndicats, sans que les nouvelles attributions respectives de l'Etat, des
hôpitaux ou des commissions scolaires ne soient encore clairement
établies. Afin d'assurer des relations de travail équitables et
fructueuses entre les parties, nous soumettons qu'il est impératif,
dès maintenant, de définir concrètement et
précisément quelles seront les fonctions de l'Etat dans
l'établissement de ces conditions de travail.
Je soumets que l'on ne doit se faire aucune illusion sur le fait que la
formule à déterminer doit tenir compte de ce que, en fait, l'Etat
est l'employeur dans ces secteurs et que les organismes scolaires et
hospitaliers ne sont plus en réalité que des entités
juridiques presque dénuées de toute autorité
réelle. Ainsi, sous l'aspect des relations de travail comme sous tant
d'autres: intérêt public, efficacité, économie des
moyens, se pose la question de l'autonomie de ces organismes.
Certes, ce n'est pas mon intention de proposer l'abolition pure et
simple de ces organismes. Une certaine décentralisation s'impose, sinon
on imposera un régime excessivement centralisateur.
Cependant, comme il est indubitable que l'Etat doit être
présent avec ces organismes à la table des négociations,
la question ne consiste en fait qu'à définir exactement les
prérogatives de l'Etat après l'examen de la question par un
comité de la Chambre, chose qui s'impose d'une façon urgente.
Quels sont les objectifs d'une politique des relations de travail dans
le secteur public? Je pense pouvoir les définir sommairement comme suit:
le premier objectif me semble d'assurer aux employés et aux travailleurs
du secteur public des conditions de travail égales à celles qui
prévalent dans le secteur privé chez des bons employeurs pour des
emplois similaires. C'est là, exprimé d'une façon
très générale, le principe adopté en Angleterre
pour la fonction publique anglaise.
Ce principe du « fair comparison » avec l'entreprise
privée a été consacré dans le « Report of the
Royal Commission on the Civil Service », appelé « Priestley
Report ». Le principe de la détermination des salaires des
employés de l'Etat par la méthode de la comparaison avec les
salaires payés par l'entreprise privée repose fondamentalement,
selon moi, sur le fait que la fonction publique, contrairement à
l'entreprise privée, ne saurait être appréciée sur
le plan du rendement de l'entreprise, puisque ses revenus ne proviennent pas
d'activités commerciales, mais du fruit des impôts.
De plus, comme le dit le rapport Priestley « fair comparison as
the primary principle is fair to the community at large for two reasons. First,
it looks after the ordinary citizen's interets as a taxpayer. If the Government
which represents him pays what other responsable employers pay for comparable
work, the citizen cannot reasonably complain that he is being exploited.
Equally, we consider that he would agree that he could not in the long run
obtain an efficient Civil Service by paying less. »
Le rapport Priestley émettait ce principe quant au Civil Service
anglais, mais les mêmes raisons militent en faveur de son application
à des domaines tels que ceux des hôpitaux et de l'enseignement,
qui sont financés exclusivement ou presque à même les
impôts des contribuables. Il est vrai que le principe peut paraître
difficile , sinon impossible, d'application pour des fonctions qui n'existent
qu'au niveau public. Cependant, la difficulté n'est pas
nécessairement insurmontable si l'on recherche des emplois offrant des
caractéristiques communes telles que le niveau d'instruction requis, les
responsabilités, la difficulté du travail, etc., et si l'on fait
jouer le second critère, émis par le rapport Priestley quant
à la détermination des conditions de travail dans le secteur
public, soit celui des « internal relativities »,
c'est-à-dire des comparaisons internes tant horizontalement que
verticalement.
De plus, rien n'empêche de faire des comparaisons avec des
régimes existant à l'étranger, malgré que les
comparaisons avec l'étranger soient toujours discutables, étant
en fonction de leur ordre social.
Nous admettons bien que la question n'est pas sans difficulté
pour les fonctions où il n'y a pas d'emploi comparable dans l'entreprise
privée, mais comment peut-on attaquer la question autrement, sinon de
façon arbitraire et irrationnelle, lorsqu'il s'agit d'emplois qui sont
payés à même les impôts et qu'il est impossible de se
fonder sur le critère du rendement de l'entreprise?
Le second objectif d'une politique de relations de travail, dans le
secteur public, me semble être d'instaurer la collaboration
patronale-ouvrière tant en vue du bien-être matériel de
l'employé et de son plein épanouissement au travail par son
intégration à l'entreprise que pour l'obtention d'un rendement
optimum. Je rejoins ici les préoccupations exprimées par M.
Marcel Pepin, dans son rapport moral au récent congrès de la CSN.
Il y soulignait la nécessité de l'intégration de
l'employé à l'entreprise; à cette fin, il insistait sur la
formation de comités mixtes entre employeurs et employés afin
d'établir des communications normales entre ces deux
éléments essentiels de l'entreprise. Il va sans dire que cette
proposition pourrait encore être plus facile à réaliser
dans le secteur public.
Partant de ces deux objectifs d'une politique de relations de travail
dans le secteur public, s'impose l'institution de comités bipartites
réunissant employeurs et employés de chaque sphère
d'activités: Etat provincial, enseignement, hôpitaux, qui seraient
chargés d'assurer la liaison entre les parties durant la vie de la
convention collective. Evidemment, de tels comités ne doivent pas
être créés dans le vide, mais doivent se voir confier des
tâches spécifiques relatives à l'application de la
convention collective en vigueur. A leurs fonctions relevant de la convention
même, il faudrait ajouter celle d'étudier toutes autres questions
prévues ou non à la convention collective et qui soient de
l'intérêt commun des parties. En un mot, faire de tels
comités permanents un forum régulier de discussions sur les
conditions de travail dans chaque sphère.
A ces fonctions, dans l'immédiat, c'est-à-dire durant
l'existence de la convention collective, je suggère d'ajouter celle de
recueillir, en vue des négociations futures, à l'expiration de la
convention, tous les renseignements, chiffres et statistiques, relatifs
à des emplois similaires dans le secteur privé ou d'autres
sphères du secteur public. Le dossier des négociations serait en
quelque sorte complet et connu des parties bien avant l'affrontement à
la table des négociations. Cette façon de procéder
permettrait évidemment des discussions beaucoup plus rationnelles
puisque l'établissement des conditions de travail et des salaires en
particulier, serait effectué par référence au secteur
privé et à d'autres sphères du secteur public, ainsi que
je l'ai suggéré.
C'est à la suite du rapport Priestley que l'on a institué
en Angleterre le « pay research unit ». Cet organisme fonctionne
sous l'autorité conjointe de l'Etat et des employés et est
chargé de préparer des rapports sur les salaires et conditions de
travail existant dans le secteur privé pour des emplois similaires
offerts par l'Etat aux fonctionnaires anglais.
La Commission du service civil d'Ottawa, qui est chargée, de par
la loi qui la constitue, de faire des recommandations relatives aux salaires et
conditions de travail des fonctionnaires et employés de l'Etat
fédéral, a insituté un « pay research bureau »
chargé de l'étude des conditions de travail et des salaires dans
le secteur privé pour des emplois similaires à ceux qu'offre
l'Etat à ses employés. Cet organisme émane de la
Commission, mais ses travaux sont à la disposition des deux parties.
De même il faudrait ici, au Québec, confier à ces
comités bipartites la responsabilité de faire un travail analogue
en mettant à leur disposition le personnel et les moyens financiers
nécessaires, les résultats de ces travaux appartiendraient
évidemment aux deux parties.
Un essai loyal d'une telle formule comporte un minimum de collaboration
dans la solution des problèmes courants, relatifs à l'application
de la convention collective, dans la discussion des conditions de travail en
général, même sous des aspects qui ne sont pas
prévus à la convention et finalement dans la préparation
et l'étude des renseignements obtenus de secteur privé comme
point de comparaison en vue des négociations futures. Cette
collaboration préparerait donc les esprits à une entente
ultérieure sur les conditions de la nouvelle convention collective. Elle
insérerait dans les négociations un élément
rationnel qui y est nécessaire, elle permettrait au moins de
circonscrire bien avant l'ouverture des négociations les questions sur
lesquelles il y a désaccord.
L'arbitrage volontaire. Le discrédit qui affecte l'arbitrage
obligatoire des conflits d'intérêt ne doit pas, selon moi,
rejaillir sur l'arbitrage volontaire. Si l'on ne veut pas soumettre toute la
convention collective à l'arbitrage, la formule des négociations
permanentes que je propose, ne permettrait-elle pas d'isoler ou de circonscrire
les aspects sur lesquesl n'ont pas réussi à s'entendre pour les
soumettre volontairement à l'arbitrage?
L'arbitrage volontaire représente des avantages certains sur la
grève. Premièrement absence d'interruption du service public,
deuxièmement absence de perte économique pour les deux partis,
troisièmement rétroactivité de la sentence, en particulier
sous l'aspect salaire. Les objections juridiques à ce que l'Etat se
soumette à la sentence d'un tiers ne correspondent plus à la
réalité de l'Etat employeur, surtout si l'on se souvient que
l'Etat se considère maintenant lié par les décisions des
tribunaux, c'est-à-dire qu'il se considère comme tout autre
justiciable. D'ailleurs, rien n'empêche l'Etat d'être parti
à un « gentlemen's agreement » à l'effet qu'il
s'engage à obtempérer à la sentence à être
rendue, il y aura donc des avantages certains à ce que l'Etat et les
services publics recherche l'arbitrage volontaire de leur conflit de
travail.
L'arbitrage social. L'abolition de l'arbitrage obligatoire dans les
services publics a fait naître un nouveau titre d'arbitrage, l'arbitrage
social. Lorsqu'un groupe de la société revendi-
que des conditions de travail plus avantageuses à son profit et
surtout lorsqu'il s'agit d'un groupe du secteur public, c'est-à-dire qui
émarge aux impôts, ces conditions de travail plus avantageuses
comportent évidemment un coût social qui doit être
acquitté par le reste de la société. L'arbitrage
obligatoire ayant été aboli, la détermination des
conditions de travail pour une telle classe, si elle ne veut pas accepter les
critères que j'ai proposés et la méthode de la
négociation permanente, il ne reste plus pour résoudre les
intérêts contradictoires des parties que l'arbitrage social.
C'est à ce moment qu'intervient la pression de l'opinion pour
faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Au sommet de cet
arbitrage social se trouve le parlement qui, à l'extrême, a le
droit et la responsabilité dans les cas de crise d'intervenir pour
régler, compte tenue des intérêts contradictoires, un
conflit qui devient irréductible. Evidemment, avant d'avoir recours
à cette solution extrême, toutes les méthodes de
règlement doivent être utilisées, négociations
à tous les échelons, médiation, etc.
Pour remplir pleinement et efficacement son rôle, le parlement
doit avoir les instruments d'information nécessaires. Un comité
de la Chambre par exemple, le comité des relations industrielles ou le
comité de la fonction publique, doit pouvoir se saisir ou être
saisi de tout conflit appréhendé ou en cours dans un des domaines
où l'Etat est intéressé.
Ce comité de la Chambre agirait alors comme « fact finding
Board ». Les décisions du parlement pourraient alors être
prises en toute connaissnce de cause et sur des informations objectives.
Création d'un ministère de la Fonction publique. L'action
de l'Etat comme employeur doit être placée dans des mains qui
soient responsables envers le parlement, il est certain que la dispersion de la
fonction de l'Etat employeur entre divers services ou divers ministères
ne correspond plus à la réalité.
Afin de juger l'action de l'Etat comme employeur, il est donc devenu
impératif de lui donner un service qui soit responsable devant le
Parlement. Cependant, il serait infiniment regrettable de laisser s'introduire,
dans l'action de l'Etat comme employeur, l'arbitraire quant aux conditions
d'embauchage, de classification et de promotion des fonctionnaires sur le plan
individuel. On sait jusqu'à quel point le favoritisme peut s'introduire
dans le système administratif ou gouvernemental. Il faudra donc, en
créant le ministère de la Fonction publique, prendre garde de ne
pas diminuer les fonctions essentielles de la Commission de la fonction
publique quant au règlement des cas individuels qui ne doivent pas
être laissés au jugement des hommes politiques.
Je conçois donc le ministère de la Fonction publique comme
ayant deux parties distinctes: d'une part, la Commission de la fonction
publique comme telle ayant, comme organisme indépendant, la fonction de
surveiller l'embauchage des meilleurs candidats possibles, leur classification
et leur promotion, selon des critères bien établis et objectifs
et, d'autre part, un service chargé de la négociation entre
l'Etat comme employeur et ses employés et également de
représenter l'Etat dans les secteurs périphériques de
l'Etat, c'est-à-dire dans le domaine de l'enseignement et dans le
domaine hospitalier.
Il serait impardonnable, et nous combattrons vigoureusement, toute
tentative de la part du gouvernement actuel de modifier sensiblement le
rôle actuel de la Commission de la fonction publique sous prétexte
de rendre responsable le gouvernement, devant la Chambre et l'opinion publique,
de son action comme employeur sur le plan des cas individuels. Nous
reconnaissons au contraire le rôle responsable de l'Etat et du
ministère à être créé sur le plan de la
politique globale de l'Etat comme employeur.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Gaspé-Nord.
M. François Gagnon
M. GAGNON: M. le Président, jusqu'à présent, vous
avez reçu de nombreuses félicitations et ça devient
gênant pour ceux qui ont à prendre la parole en ce moment de venir
se joindre aux autres pour présenter également des
félicitations. Je dois vous dire que, dans les dix premiers jours de la
session, vous avez conquis l'admiration de la Chambre. Et d'ailleurs, vous
aviez conquis également l'admiration des journalistes qui ne sont pas
les plus sentimentaux, lorsqu'il s'agit de les conquérir. Et nous de
l'Union Nationale, nous en savons quelque chose.
Vous avez démontré, durant les jours de session, une
grande maîtrise. Vous avez démontré également un
excellent jugement et vous avez démontré une assurance qui m'a
fait penser à des auteurs que je lisais, dont l'un s'appelait Paul,
l'autre Rémi, ce qui fait que ces Rémi et Paul réunis
permettront de vous considérer peut-être comme l'un des grands
présidents qui ont eu à accéder à la haute fonction
que vous occupez présentement. Je veux féliciter le proposeur et
le secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône. Ils
font partie de cette jeune et vaillante équipe qui démontre sans
aucun
doute le jeune visage de l'Union Nationale de 1966 et ce qu'il sera
également dans les années à venir. Nous avons tous
remarqué que les nouveaux venus dans cette Chambre, d'un
côté comme de l'autre, ont voulu participer à la politique
et aux débats. Je pense parfois aux journalistes lorsque, dans leurs
écrits, ils reprochent aux plus vieux de ne pas comprendre les plus
jeunes et j'ai été surpris d'entendre le député de
Gouin, lors de son discours en cette Chambre, qui semblait juger
extrêmement sévèrement les jeunes députés de
cette Chambre. Ceci m'a consolé, car j'ai pensé que, pour une
fois, un ex-journaliste faisait exception à la règle et qu'il se
montrait beaucoup plus sévère que les plus vieux qui
siègent en cette Chambre.
Pour ma part, je dirai aux nouveaux venus la plupart sont des
jeunes de moins de trente ans que leur présence ici est pour le
plus grand bien de la nation et de la démocratie. Je n'ai aucun doute
que tous tant que nous sommes, nous le reconnaissons avec beaucoup de joie.
Je félicite le premier ministre de sa victoire provinciale qui
n'a surpris aucun des députés qui ont siégé en
cette Chambre de 1962 à 1966.
M. MAILLOUX: C'est lui qui a été le plus surpris.
M. GAGNON: Surtout si l'on se rappelle que le député de
Louis-Hébert, chef actuel de l'Opposition, a souvent
répété cette phrase que nous avons tous présente
à la mémoire: « Je veux garder longtemps le
député de Bagot en face de moi. » Eh oui, tout s'est
réalisé, M. le Président, sauf que le député
de Bagot est à la droite du Président et que le chef de
l'Opposition actuel est à sa gauche M. Kierans, M. Lévesque, M.
Lajoie, alors que lorsqu'il était chef du gouvernement, il avait
à sa gauche seulement M. Kierans. Ce qui représente un changement
de climat considérable.
Félicitations à mes collègues qui ont reçu
de hautes charges, d'un et parfois de deux ministères et qui
s'acquittent admirablement bien de leur tâche, si l'on en juge par leur
facilité à répondre aux questions de nos amis d'en face,
lesquelles à certains moments sont bien dirigées. Mon admiration
vaut surtout pour l'avenir car je sais, M. le Président, qu'ils seront
appelés à conserver ces fonctions longtemps.
M. TREMBLAY (Bourassa): C'est pas sûr.
M. GAGNON: Nous avons eu un discours du Trône qui a fait mention
de plusieurs projets, tous aussi opportuns les uns que les autres.
On a traité des relations fédérales-provinciales,
de l'éducation, de la culture, de la justice, de l'évolution
sociale, de l'économie à tous les niveaux, tantôt pour les
classes ouvrières, tantôt pour la classe des cultivateurs,
tantôt pour celle des pêcheurs. En un mot, on s'est attaqué
au problème du Québec dans tout son entier et le jour même
de sa lecture, je me rappelle que le chef de l'Opposition trouvait qu'il n'y
avait rien, qu'il était mal écrit. Pourtant, d'autres de ses
collègues du même côté de la Chambre trouvaient qu'il
y avait dans le discours du Trône une législation telle qu'elle
pouvait être d'une durée de quatre ans, soit celle du gouvernement
actuel.
Le point capital qui se joue présentement, M. le
Président, est sans doute celui des relations
fédérales-provinciales. Depuis 21 ans, nous avons assisté
aux demandes répétées du Québec afin que le
gouvernement central puisse reconnaître les priorités qui sont
dues à l'Etat du Québec, soit qu'elles lui soient données
en vertu de la Constitution ou encore qu'elles lui soient dévolues parce
que l'Etat du Québec représente la nation
canadienne-française en cette terre d'Amérique avec sa langue, sa
foi, ses coutumes et qui est également la porte d'entrée du
Canada du côté de l'océan Atlantique, de la même
façon que le canal de Suez l'est pour l'Egypte. Je crois qu'elles
doivent être respectées et doivent également se
développer aussi bien sur le plan de sa culture que sur le plan de son
économie pour faire du Canada un pays plus grand, plus fort et qui sera
pour le monde un exemple d'entente et de collaboration entre deux races. En un
mot, faire une nation.
Je crois sincèrement, M. le Président, que le jour
où le gouvernement fédéral admettra les nombreuses
priorités des provinces, tant sociales, éducatives ou traitant de
santé ou de culture, ou encore au domaine de l'économie et ce
pour son épanouissement, enfin pour tous ces domaines extrêmement
importants, le jour où Ottawa reconnaîtra la
nécessité qu'il y a pour les provinces, ce qui est un des points
cruciaux, soit celui que par l'ensemble de leur budget réuni, le budget
des provinces égale au moins le budget fédéral, à
ce moment là j'ai l'impression très nette qu'on aura franchi une
étape importante dans les relations et c'est cela, M. le
Président, qu'Ottawa craint le plus, c'est qu'en redonnant aux provinces
les sources de taxation qui leur appartiennent et voyant que son budget serait
peut-être de nature un jour à devenir moins considérable
que celui des provinces, Ottawa croit qu'il ne pourrait pas imposer ses vues
aux provinces avec autant
de facilité qu'il l'a toujours fait et, aussi longtemps qu'il
n'apportera pas sa collaboration essentielle, on continuera de mettre dans le
coeur des citoyens que par l'attitude d'Ottawa, il devient essentiel que
Québec joue son rôle dans la Confédération.
Présentement, je ne pense pas que la population de l'Etat du
Québec croie en cette nécessité. Elle croit qu'il est
encore possible de s'entendre mais elle sent au-dedans d'elle-même ce
malaise qui couve. Si vous allez dans nos collèges, si vous allez dans
nos universités, vous rencontrerez de ces jeunes qui, demain, seront
ceux-là qui nous remplaceront et qui ont au-dedans d'eux-mêmes le
désir de trouver la solution, coûte que coûte, au
problème constitutionnel actuel.
Lorsque cette population entend dire que les financiers du Canada
tentent de s'éloigner du Québec, et qu'on voit les
événements qui se passent et qui pourtant peuvent être bien
compris du reste du Canada, eh bien, là on touche au sentiment de
fierté d'une nation et lorsqu'il est bien cultivé, lorsqu'il est
assez bien préparé par des événements que les
autres lui ont fait accepter bon gré mal gré, il se sent
prêt à consentir les sacrifices nécessaires pour atteindre
son idéal.
Espérons, avec une grande sincérité, qu'Ottawa
prendra ses responsabilités, puisque nous avons tous la conviction que
les dix prochaines années seront celles qui compteront le plus dans
l'avenir du Québec. Hier, M. le Président, j'entendais
l'ex-ministre de la Santé qui avait les discours du budget de
l'honorable Gagnon et je crois qu'à ce moment-là, ce qu'il avait
dans les mains n'était pas le document qu'il aurait dû avoir, il
aurait dû avoir les documents qui représentaient les états
budgétaires du gouvernement d'Ottawa alors que, depuis 1945, l'Etat du
Québec en particulier se battait pour obtenir ses droits de taxation et
qu'on voyait des surplus tellement considérables, M. le
Président, qu'il y a des années où le surplus du
gouvernement du Canada, le surplus seulement, a égalé tous les
budgets des provinces.
M. BELLEMARE: C'est vrai.
M. GAGNON: Et à ce moment-là, on se rappelle que M Ilsley,
ancien ministre des Finances, faisait des remarques très
désagréables sur la province de Québec et que le premier
ministre du temps déclarait: « Si monsieur Ilsley est
fatigué, qu'il aille prendre un repos. » Ce sont ces documents qui
devraient être produits à la Chambre et qui devraient
démontrer que si Québec s'est débattu dans un étau
économique pendant des années, c'est qu'Ottawa retenait les
sources de taxation qui lui étaient dévolues par la
Confédération, par les droits prioritaires du Québec et
qu'il ne voulait pour aucune considération... Même si on doit le
dire à regret, il y avait des députés de Québec qui
siégeaient et qui auraient dû, à ce moment-là,
demander au ministre des Finances de prendre les responsabilités de
remettre au Québec ce qu'il avait besoin pour son éducation, pour
son évolution économique.
M. le Président, quand aux discours du budget de l'honorable
Gagnon... On sait qu'il administrait le budget de la province; on sait que
pendant un certain temps la population du Québec s'est débattue
pour survivre. Aucune nation ne peut se développer si elle n'a pas les
instruments et les instruments d'un gouvernement c'est l'argent, qu'on le
veuille ou qu'on ne le veuille pas, ce sont les moyens financiers. Et ils
étaient là et ils dormaient et je me rappelle de certains
éditorialistes qui, à ce moment-là, se plaignaient
qu'Ottawa accumulait des surplus aussi énormes au détriment des
provinces qui, elles, gémissaient par un manque d'argent.
M. KIERANS: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question au député de Gaspé-Nord?
M. GAGNON: Certainement, certainement.
M. KIERANS: Oui, oui, pour le tranquiliser un peu. Est-ce que vous
justifiez en même temps la politique du gouvernement de M. Gagnon et de
M. Duplessis à ce moment? Votre propre politique d'emprunt n'a rien
à faire avec le gouvernement fédéral.
M. GAGNON: M. le Président, une politique d'emprunt a une
réussite dans la mesure où le peuple se sent les
possibilités financières de l'accepter. Comme on sent
actuellement que depuis six ans incontestablement on a fait une politique
d'emprunt monstre et, à ce moment-là, on a drainé des
économies qui auraient servi à l'industrie privée et au
développement économique de la province je le sais, je le
sais, M. le Président quand on sait que les individus
achètent les obligations des gouvernements et plus on rationne les
comptes de banque, plus à ce moment-là les banquiers disent
à l'industrie: on est obligé d'arrêter ou de diminuer les
crédits qui vont vous permettre d'évoluer dans votre avenir. Et
ce que je dis là, M. le Président, je l'affirme de mon
siège; c'est incontestable que, depuis deux ans, on sent le malaise
finan-
cier qu'il y a et il s'agit d'aller voir le rapport Primeau pour savoir
qu'en 60 l'encaisse du gouvernement était de $25 millions au trente mars
et, cette année, avec $55 millions de chèques en circulation, il
y a $25,000 en caisse au 30 mars.
Alors qu'on a un budget de $2.5 milliards. Pourquoi? Parce qu'il y a une
rareté d'argent et que le gouvernement a de la difficulté
même à percevoir ses comptes, parce que le rapport Primeau dit
qu'il y en a pour $105 millions à percevoir, alors qu'en 1960 il y en
avait $10 millions, soit dix fois moins. On peut l'analyser, le rapport
primeau, il est intéressant.
UNE VOIX: D'autres questions?
M. GAGNON: M. le Président, je voudrais maintenant approcher ou
du moins effleurer le problème financier de l'éducation, lequel
attire l'attention des législateurs et de la population. Je crois qu'un
petit peuple de six millions d'habitants doit régler le coût de
l'éducation devenir presque prohibitif en fonction je dis bien
en fonction de ses possibilités de paiement. Si nous regardons
les événements de ces derniers temps, nous avons une idée
que le problème se joue surtout au niveau financier, ceci est de nature
à nous rendre perplexes. Car si on se rappelle que le frère
Desbiens, officier au ministère de l'Education, déclarait tout
récemment: « Il n'y a encore rien eu de fait au niveau
pédagogique », la population se pose de nombreuses questions. S'il
n'y a rien eu de fait au niveau pédagogique et qu'il en coûte
aussi cher, quel en sera le coût?
Dans certains domaines on a précipité les choses et
c'est incontestable sans une planification pensée en fonction de
chaque région, compte tenu de ses besoins, de ses distances, des
topographies de terrain et de son économie, et, M. le Président,
surtout quand je pense à ces nombreux autobus j'appelle ça
le péril jaune qui circulent sur les routes du Québec et
qui enfouissent des millions et des millions de dollars, j'ai la certitude,
comme ex-secrétaire d'une commission scolaire, que si le
ministère de l'Education avait mis sur pied un comité afin
d'étudier toute la mise en place d'une chose aussi énorme, aussi
monstrueuse, on aurait épargné aux contribuables du Québec
des millions et des millions de dollars.
Voilà, M. le Président, un peu sous un aspect je
touche un problème comment on aurait pu, sans doute,
régler des problèmes financiers au domaine de l'éducation.
Devant cette hémorragie financière, je crois que le gouvernement
précédent aurait dû établir son financement par
l'application d'un programme d'au moins cinq ans et, par voie de
conséquence, il se serait penché, avec une planification plus
réaliste, sur les problèmes, pour mieux orienter sa politique
dans le concret, et ceci aurait permis de faire face aux problèmes
actuels. Est-ce que l'on savait que le coût de l'éducation,
demain, devrait être à un tel niveau? Je dis oui, et je cite un
passage dans le Devoir, daté du 7 août 1962, à la suite
d'une conférence des ministres provinciaux, et l'article s'intitule:
« Le coût de l'éducation casse-tête des chefs
provinciaux », et ici je cite M. Lesage qui parle: « Notre
échange de vues fut extrêmement intéressant, dit M. Lesage.
Après tout, le financement de l'éducation est l'un des
problèmes les plus épineux auxquels ont à faire face tous
les gouvernements provinciaux ». Cela fait près de cinq ans, et
pourtant le problème a plus d'acuité, le problème est
extrêmement plus grave aujourd'hui qu'il ne l'était en 1962.
Où ont été les solutions? Je crois qu'elles auraient
dû être à la mesure de l'application de la charte de
l'éducation et, à ce moment, on aurait prévu sagement que
tout le coût de l'éducation aurait pu être accepté,
dans les circonstances actuelles, sans avoir certains problèmes qui nous
portent à penser de quelle façon le financement de
l'éducation pourra être abordé.
J'ai beaucoup d'estime pour le premier ministre et le ministre des
Finances quand je les vois pris avec un problème aussi angoissant. Je me
rappelle qu'en 1962 alors qu'on faisait campagne politique, je disais à
la population de mon comté: Je vous le dis et je vous l'affirme, entre
1970 à 1972, le coût de l'éducation sera de $1 milliard. Je
n'étais pas expert, je n'avais pas fait des calculs qui auraient pu
durer deux, trois, cinq, six mois. Mon expérience de secrétaire
voyant cette boule, ce spoutnik lancé à une vitesse aussi
dangereuse sans qu'on ait mis en place tous les mécanismes pour
prévoir le paiement de la note, il était tout simplement normal
de prévoir que les circonstances financières seraient
extrêmement difficiles.
M. le Président, le peuple sait qu'il peut arriver de
connaître des économistes avec des ailes qui vont dans les nuages
chercher de l'argent. Qu'est-ce qu'ils rencontrent? Ce sont parfois des nuages
avec du nitrate d'argent. Mais on ne rencontre pas l'argent dans les nuages. On
le rencontre dans les goussets des propriétaires, de tous ceux qui
participent ou du moins qui reçoivent un revenu et qui, par voie de
conséquence, déversent dans tous les corps publics des montants
qui servent à administrer les services. Ceci faisait dire à un
cultivateur: Donnez-moi des ailes avec un salaire de 20 à 25 fois
supérieur à celui que j'ai et moi aussi j'irai en chercher
de l'argent.
Soyons réalistes, la situation financière actuelle de la
province est difficile, mais je crois que le gouvernement actuel ne
néglige rien pour la sortir des difficultés qu'elle rencontre
depuis près de deux ans. Dans le discours du Trône, on a
parlé également de l'établissement d'une chambre agricole,
on a parlé également de l'établissement d'une assurance
pour les cultivateurs. Ces mesures nécessaires à la classe
agricole s'insèrent, j'en suis convaincu, avec d'autres mesures qui
seront adoptées pour le plus grand bien de cette classe qui est
passablement abandonnée.
Je voudrais très brièvement traiter des problèmes
de la région où j'habite et en particulier du comté qui
m'a accordé un deuxième mandat, alors que, dans 36 ans
d'existence, Gaspé-Nord a fait tomber neuf députés. Neuf
députés sont morts au combat dans Gaspé-Nord dans 36
ans.
M. LAVOIE (Laval): Cela viendra.
M. LAPORTE: C'est ce qui vous attend.
M. GAGNON: Peut-être on croira que la région était
éloignée puis qu'elle a été oubliée. Ah non,
elle n'a pas été oubliée. Le chef de l'Opposition a fait
toutes les paroisses de mon comté. Le leader du gouvernement est venu
dans ma paroisse.
M. LAPORTE: Vous n'étiez pas là.
M. GAGNON: Le député de Laurier est venu à
Sainte-Anne.
M. LAPORTE: On allait vous dire bonjour.
M. GAGNON: L'ex-ministre de la Santé est venu promettre un
hôpital de $3,500,000 à Sainte-Anne. Cela, ce n'était pas
bien avant 1960.
M. JOHNSON: Ah non!
M. GAGNON: Ce n'était pas bien. Un hôpital de $3,500,000.
L'ex-ministre de la Justice est venu faire un tour dans mon comté.
M. BELLEMARE: Encore.
M. GAGNON: L'ancien ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, le Secrétaire de la province, le député de
Matane. Ah, j'en ai eu, M. le Président, j'étais seul. Quand on
sait que l'un des principaux organisateurs est un ancien député
fédéral de mon comté qui connaissait le problème
Et, suivant des informations de nos bons amis, les libéraux disaient
qu'ils étaient prêts à sacrifier deux comtés
à Montréal pour sauver Gaspé-Nord.
M. BERGERON: Ils ont manqué leur coup encore une fois.
M. GAGNON: Si Gaspé-Nord a eu foi en l'Union Nationale, c'est
parce qu'il a cru qu'il était le seul capable de lui donner place au
soleil de l'économie. Et je crois que d'ici quelque temps le ministre
des Richesses naturelles, qui est également le premier ministre, pourra
annoncer d'excellentes nouvelles pour la population de mon comté et de
la région. La région de la Gaspésie et de
Gaspé-Nord en particulier connaîtra très prochainement le
début du programme ARDA, après de nombreuses années
d'études. Mais, M. le Président, ce qui m'a le plus surpris en
référant au Soleil du 10 août 1966 c'est de constater que
Gaspé-Nord qui était considéré comme pilote avec
les Iles-de-la-Madeleine, le pilote de la région-pilote, venait en
arrière et de beaucoup dans les dépenses des travaux ARDA
comparativement aux autres comtés qui l'environnaient et qui
étaient économiquement un peu plus favorisés que le
comté de Gaspé-Nord.
Je cite, M. le Président, ce qui apparaît dans Le Soleil du
10 août 1966: « Voici les dépenses par comté dans la
région de la Gaspésie. Gaspé-Sud j'ignore les
quelques cents dollars, je donne ça en cent mille dollars
Gaspé-Sud: $867,000, mais je suis heureux que tous ces comtés
aient eu quelque chose. Matane: $2,088,000. Bonaventure: $539,000. Les
Iles-de-la-Madeleine: $785,000.
M. GRENIER: Cré Basile!
M. GAGNON: Gaspé-Nord: $221,000, qui est le pilote de la
région-pilote, en incluant les Iles-de-la-Madeleine. Et ici, M. le
Président, j'ai une lettre qui vient du comité de liaison du
Québec, qui dit qu'en 1961, les Iles-de-la-Madeleine, avaient un revenu
per capita de $504 et dans Gaspé-Nord, en excluant Murdochville, il y
avait un revenu de $600 per capita. Alors que dans Gaspé-Sud, il y avait
$830, dans Matane il y avait $743 de revenu. Alors, c'est dire et convenir...
Que voulez-vous, M. le Président, je ne peux pas faire mentir les
chiffres, je ne peux pas faire mentir les faits. Pourquoi Gaspé-Nord n'a
pas été favorisé? Probablement parce qu'il appartenait
à l'Union Nationale et il n'y avait aucune raison pour qu'il ne soit pas
favorisé...
M. GRENIER: Ah non, c'est impossible, les purs.
M. GAGNON: ... tout autant que les comtés voisins, mais je suis
très heureux qu'ils aient bénéficié...
M. BERGERON: Ils ne connaissent pas la justice distributive.
M. GAGNON: ... des travaux dans les cadres du plan ARDA, puisque la
Gaspésie est considérée comme une
région-pilote.
M. GRENIER: Ils sont bien trop purs pour ça, voyons!
M. LACROIX: Est-ce que le député me permettrait de poser
une question seulement?
M. GAGNON: Oui, certainement.
M. BERGERON: Lacroix des Iles-de-la-Madeleine.
M. LACROIX: Quand vous mentionnez $504 de revenu par habitant à
quelle année vous référez-vous?
M. GAGNON: C'est en 1961, comme je l'ai mentionné.
M. LACROIX: Merci.
M. GAGNON: Puisque le député m'a posé une question,
je lui donne les informations. En 1951, aux Iles-de-la-Madeleine, il
était de $325 per capita. En 1961, il était de $504 per
capita...
M. GRENIER: Il n'était pas au courant
M. GAGNON: ... et dans Gaspé-Nord, il était de $394 en
1951 et il était de $600 per capita en 1961.
M. LAVOIE (Laval): Après 16 ans d'Union Nationale.
M. GAGNON: Oui, mais n'oubliez pas que les budgets ont quadruplé;
multipliez ça par quatre et vous allez avoir un revenu égal
à celui de la province.
M. LACROIX: Pas en 1961.
M. LESAGE: Est-ce que le député pourrait nous donner le
chiffre per capita en 1961, en incluant Murdochville?
M. GAGNON: En incluant Murdochville, il est de $830. Ah oui,
Murdochville...
M. LESAGE: Plus gros que Matane, plus gros que tous les autres.
M. GAGNON: Oui, oui, mais je comprends que Murdochville et le
chef de l'Opposition le sait est une ville un peu à part, qui n'a
presque aucune influence sur l'économie et qu'il n'y a pas un
chômeur...
M. LACROIX: Vous n'enlevez pas Matane dans Matane non plus.
M. GAGNON: ... qu'il n'y a pas un vieillard, que tous sont
dirigés dans les autres parties du comté et qu'à ce
moment-là...
M. LESAGE: C'est dans le comté du député.
M. GAGNON: ... Oui, mais je ne peux pas tenir compte d'une paroisse qui
a 3,000 de population sur un ensemble de 40,000 dans le comté. C'est
parce que ça crée un problème tout à fait
différent.
Je dis en cette Chambre que cela doit être corrigé et que
Gaspé-Nord doit rattrapper tout le tort qui lui a été
causé, et je fais appel aux ministres qui sont au courant de cette
situation, afin que le comté soit favorisé non pas au
détriment des autres, ah non? ah non! je ne suis pas pour ça,
mais simplement favorisé de façon à faire le rattrapage
pour que le revenu per capita connaisse au moins une augmentation raisonnable
selon les besoins de la région. Nous n'avons certainement pas
l'impression, M. le Président, d'avoir été traités
selon nos besoins et je vois le leader du gouvernement qui pourrait
peut-être donner une solution au problème, comme il a fait partie
du gouvernement pendant quatre ans. Pourquoi n'avons-nous pas
bénéficié, de la mise en application du programme ARDA de
la même façon que les autres comtés qui ont...
M. LAPORTE: M. le Président, si on examinait tous les chiffres de
ce comté-là, en incluant tout ce que le député n'a
pas inclus, comme Murdochville, on aurait peut-être d'autres conclusions
que les siennes.
M. GAGNON: M. le Président, je peux donner une information
supplémentaire.
J'ai questionné celui qui s'occupe de toutes les dépenses
du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation; il m'a dit: En 1961
on avait un budget de $125,000 pour la colonisation dans Gaspé-Nord; en
1962, $120,000; il y a deux ans,
on en a eu $10,000; l'année dernière, on en a eu $30,000.
C'est aussi simple que ça. C'est celui qui s'occupe de la dépense
des montants qui le dit.
M. LACROIX: Combien avez-vous de colons?
M. GAGNON: Lorsque nous parlons de Gaspé-Nord, M. le
Président, nous parlons également d'un comté dont tous les
services sont exclus.
M. GRENIER: La justice, eux, ils connaissaient ça.
M. GAGNON: Il n'y a aucun centre d'accueil pour vieillards, il n'y a
aucun centre de réadaptation pour les jeunes. On a besoin d'un bureau de
district pour la voirie, d'un bureau de district pour les terres et
forêts... Je regrette, que, depuis 1962, on ait limité
Gaspé-Nord dans ses services pour pouvoir organiser des services dans
les comtés voisins. Cela était difficile; mais tout de même
nous avons accepté, parce qu'évidemment ça n'aurait pas
fait grand chose. Mais à ce moment-là, la population en subissait
le préjudice, et souffrait de tous ces services éloignés:
100 milles, 125 milles, le bureau de la voirie à Gaspé.
M. LACROIX: Avant ça, il était à Matane?
M. GAGNON: Non. A Matane, ils ont séparé le comté
en deux, ils ont donné la moitié à Matane, l'autre
moitié à Gaspé.
M. GRENIER: Vous n'en n'avez pas eu connaissance, vous écoutiez
« Cré Basile».
M. LACROIX: Je pensais que vous, vous écoutiez « Batman
».
M. GAGNON: Tous les vieillards qui sont obligés d'aller à
des distances de 150 milles...
UNE VOIX: Vous êtes la croix des Iles-de-la-Madeleine.
M. GAGNON: ... 200 milles. Je connais des pères de famille qui
ont placé des enfants sous-doués. Cela fait quatre ans qu'ils
sont placés, on n'est pas allé les voir. Pourquoi? Parce que la
famille n'a pas les moyens et que cet enfant-là a été
placé dans une institution près de Québec. Depuis quatre
ans, il n'a pas vu ses parents. Bien, on ne reste pas insensible devant ces
problèmes.
M. le Président, je suis convaincu que ç'a apporté
de bons objectifs...
M. LACROIX: C'est intéressant, continuez.
M. GAGNON: ... l'Expo mondiale, M. le Président, ouvrira
bientôt ses portes dans cette terre du Canada, au Québec. Nombreux
sont les pays du monde qui seront représentés. Nombreux sont les
différentes nationalités et les différents chefs de pays
qui viendront ici au Canada au cours de l'année 1967. Il s'agit d'une
unité, de coopération et de collaboration entre tous les pays, il
n'y a aucun doute que tous en tireront beaucoup profit, surtout chez nous, et
que les autorités du pays en tireront profit afin qu'ils puissent
considérer, je dis bien considérer, l'unité du Canada
comme primordiale, pour mieux comprendre que chacun doit vivre dans une justice
équitable et que chacun doit recevoir ce qui lui est dû. De cette
façon, nous verrons le Québec grandir, le Canada se fortifier par
le respect des droits de tous et de chacun, par l'autonomie des secteurs
respectifs des gouvernements qui composent le Canada. Voilà les voeux,
M. le Président, que je formule pour 1967.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Argenteuil.
M. Zoël Saindon
M. SAINDON: M. le Président, les sentiments qui m'animent en ce
moment ne surprendront personne, car ils sont sûrement partagés
par tous ceux qui siègent pour la première fois en cette auguste
assemblée. Je vous fais donc grâce des clichés qui seuls me
permettraient de vous exprimer ce que je ressens et je vous dirai tout
simplement que je suis fier de représenter ici le comté
d'Argenteuil et de faire partie de la valeureuse équipe que dirige
l'honorable député de Louis-Hébert.
Nouvel élu par un comté qui, me semble-t-il, n'a pas eu
dans le passé l'heur de se faire entendre aussi souvent qu'il le
méritait et, étant moi-même peu habitué au jeu de la
politique dans le sens qu'on l'entend d'ordinaire, je me sens quelque peu
intimidé par les exigences du rôle qui m'incombe.
J'ai cependant l'impression, M. le Président, que j'aurais plus
d'assurance si les circonstances avaient permis, comme il se devait pour le
plus grand bien du Québec, que je siège avec mon équipe
à votre droite plutôt qu'à votre gauche. Quoi qu'il en soit
et en attendant ce jour qui ne saurait tarder, en autant que la population du
Québec soit de nouveau appelée à se prononcer.
Je puis assurer cette Chambre qu'à l'instar de mon chef,
j'appuierai toute mesure qui me paraîtra conçue et
présentée dans l'intérêt de la
Province en général et de mon comté en particulier.
J'ajoute qu'étant moi-même originaire d'une province voisine
où l'élément acadien, donc canadien-français,
constitue un groupe minoritaire, je serai très sensible envers toute
mesure pouvant directement ou indirectement porter atteinte aux rapports
acceptables et acceptés qui entretiennent nos frères
d'outre-Québec avec leurs concitoyens du groupe majoritaire. Je serai
d'autant plus sensible à cet aspect de la gouverne provinciale que je
représente un comté où l'élément de langue
anglaise et de religion protestante compte pour 30% de la population
totale.
Je connais assez bien la générosité des
législateurs du Québec pour assurer à ce groupe important
de mon comté le respect de tous ses droits scolaires, sociaux et autres,
quelle que soit la situation qui prévaut dans les autres provinces.
Il me faut faire remarquer ici que dans mon comté comme dans
toute la province d'ailleurs, les résultats de l'élection du 5
juin ont apporté consternation et stupeur. L'on en a pu comprendre
comment les électeurs avaient pu céder à un caprice aussi
inexplicable en contribuant par leur vote à bloquer la voie au
progrès que le Québec avait connu dans tous les domaines sous le
régime libéral de 1960 à 1966.
Je n'osais croire à pareille punition des dieux. Vous connaissez
l'expression: Quand les dieux veulent perdre les hommes, ils commencent par les
rendre aveugles. Comment a-t-on pu à ce point fermer les yeux sur les
véritables problèmes en cause, se demande-t-on de toute part
depuis ce jour fatidique et la question demeure sans réponse. Mais il y
a pis que cela. Une fois les premiers jours de consternation passés,
voilà que la déception monte en selle. Déception
générale apportée par l'incertitude à peine
voilée, et les tâtonnements avoués de la nouvelle
administration. Déception générale causée par le
retour à la pratique du patronage à l'échelle d'un
régime que l'on croyait oublié. Déception alarmée
devant l'application d'une politique discrète s'apparentant
sournoisement aux traditions inacceptables d'une autre époque pourtant
bannie. Déception amère, enfin, justifiée par
l'immobilisation puérile dont fait preuve le régime actuel dans
presque tous les domaines, surtout dans ceux qui ne peuvent souffrir de
paralysie sans conséquences des plus funestes.
Si je reviens au comté d'Argenteuil, je puis affirmer que
l'inactivité de l'administration provinciale depuis le 5 juin est on ne
peut plus déconcertante. Ce comté, oublié de 1944 à
1960 et muet de 1960 à 1966, n'a rien à le faire en- vier par les
autres régions du Québec, même celles qui de l'aveu
général, accusent un recul prononcé sur le reste de la
province.
Dès mon arrivée à Lachute en 1961, j'ai
accepté comme impératif de travailler dans toute la mesure de mes
faibles moyens au relèvement socio-économique de ce petit coin de
notre province. C'est là toute la raison de mes activités sur le
plan municipal et surtout de mon entrée dans l'arène
provinciale.
Je précise. Le comté d'Argenteuil est ainsi
géographiquement peut-être devrais-je dire
géologiquement situé de telle sorte que la moitié
de son territoire, soit la partie sud, se prête à l'agriculture
mais d'un genre non spécialisé. La population qui l'habite
réussit tant bien que mal à tirer sa subsistance de la terre mais
ne peut contribuer en aucune façon au progrès économique
du comté en général. Il y a bien aussi dans cette partie
sud du comté, surtout à Lachute, quelques industries dont deux
d'ordre majeur et d'établissement quasi centenaire.
A prime abord, on serait tenté de voir en ces deux industries,
une source de progrès et de bien-être général. Mais
allez-y voir. Je crois que les journaux et la radio ont parlé
suffisamment à l'occasion d'une grève récente de l'empire
féodal, et je dis bien féodal, érigé par ces deux
industries et des salaires scandaleusement bas qu'elles offraient, moyenne
$1.05 l'heure, pour vous convaincre de leur indifférence et de leur
insuffisance en matière de progrès économique.
Le remède consiste à mon sens, dans l'établissement
de nouvelles industries, soucieuses du bien commun plutôt que des
intérêts particuliers, capable d'expansion et de concurrence au
niveau des exigences de la technique moderne. Je demande instamment à
l'administration provinciale, et en particulier au ministre de l'Industrie et
du Commerce, de se pencher sur ce problème en vue d'une solution
prochaine. Ce problème est d'autant plus urgent que vous en avez la
preuve dans les interventions concertées, de tous les médiums
d'information et ceci depuis quelques semaines. Il est impératif qu'une
solution soit apportée à très brève
échéance et ceci le gouvernement le fera, s'il est conscient et
soucieux du bien-être de la population de Lachute. Pour y arriver, M. le
Prési- dent, il peut compter sans réserve sur mon appui comme
maire de Lachute et député d'Argenteuil.
Quant au secteur nord du comté, il est dans sa majeure partie
inculte étant montagneux, couvert de forêt déjà
exploitée et parsemé de lacs. Pourtant il y a quand même
possibilité
d'en tirer partie. D'après les gens avisés, le sol et les
conditions du climat qu'on y trouve se prêteraient très bien
à l'élevage du mouton. Nous savons tous que la population ovine
est en baisse au Canada et surtout au Québec j'entends ici le
nombre de vrais moutons, ceux à 4 pattes.
M. LAVOIE (Laval): Ils sont de l'autre côté.
M. SAINDON: Pour satisfaire à nos besoins domestiques, en ce qui
comprend la laine et ses sous-produits, nous devons importer de plus en plus et
draîner ainsi notre capital argent. Naturellement, pour compléter
le cycle, l'établissement d'une filature à proximité
absorberait la production de la laine brute pour la transformer en tissus de
tous genres allant des tissus de fantaisie à texture très fine,
aux matériaux plus lourds et plus résistants, tels les uniformes
militaires et les produits destinés au travail et à l'industrie.
Les sous-produits qu'une telle filature pourrait tirer de la laine sont aussi
nombreux et non moins importants.
Puis-je révéler, ici, M. le Président, que
déjà certaines personnes de mon comté ont
étudié ce projet, et ont établi la rentabilité de
même que l'importance de son apport certain à l'économie
générale. Ils ont même fait plus en déterminant le
site désirable d'une telle filature, soit la région d'Huberdeau.
L'expert consulté était M. Firmin Dumortier, directeur fondateur
de la Société africaine de filature et tissage de Rabat, au
Maroc. Il est venu à Lachute; je l'ai rencontré, nous avons
étudié le projet et il s'est déclaré prêt
à procéder dès que les élément voulus lui
seront assurés.
Je fais donc appel de nouveau à l'honorable ministre de
l'Industrie et du Commerce et je le somme de seconder nos efforts de tous les
effectifs de son ministère.
Laissons-là, nos moutons pour considérer brièvement
les possibilités touristiques d'un comté sis à la porte
d'une clientèle des plus importante et par son nombre et par son
intérêt envers les divertissements qu'offrent le camping, la
chasse et la pêche, la clientèle que nous offre Montréal et
la région métropolitaine. Rien n'a été fait
jusqu'ici faute d'encouragement et de planification de la part du
ministère concerné. A preuve, pas un seul bureau de permis de
circulation en forêt et seulement trois gardes-chasse dans le
comté d'Argenteuil. L'Association de Chasse et de pêche
d'Argenteuil comptant 700 membres, vient d'épouser le problème et
va même jusqu'à formuler un programme dont les grandes lignes
s'établissent comme suit: 1- Rendre accessibles les forêts et les
terrains de la Couronne actuellement fermés au public parce que
réservés pour droit de coupe. 2- Convertir en parc provincial un
territoire qui s'étend entre le rang 7 du canton Wentworth et le rang 12
inclusivement, soit du lac Louisa à Saint-Adolphe d'Howard, direction
sud-nord. 3- Assurer l'entretien et la protection de la forêt et des eaux
dans le comté. 4- Profiter de la coopération bienveillante des
quelques 700 membres de l'Association de chasse et pêche
d'Argenteuil.
L'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche, qui me semble
animé d'un zèle prometteur qui me réjouit, comprendra
sûrement la justesse de mes revendications et ira même, je
l'espère, jusqu'à y donner suite. Je l'en remercie d'avance.
Il y a dans le comté d'Argenteuil, M. le Président, une
autre situation déplorable que je voudrais exposer brièvement, du
moins pour le moment. C'est celle que nous impose l'état des routes,
tant principales que secondaires. Des 148 milles de routes principales, 50%
sont en mauvais état. Les routes secondaires, comprenant 162 milles en
surface bitumineuse et 90 milles en gravier, accusent un pourcentage encore
plus élevé, soit 70% en mauvais état. Il y a en outre deux
ponts, les principaux du comté, qui ne sont plus que des vestiges d'une
époque depuis longtemps dépassée. Situés à
proximité l'un de l'autre, ces deux ponts sont traversés par un
tronçon de route, formé de la réunion des routes 41 et 8.
Ces deux ponts sont désuets au point de constituer un véritable
danger pour la circulation. A ma demande, et avant même que je sois
député du comté d'Argenteuil, l'administration provinciale
d'avant le 5 juin avait reconnu le besoin de reconstruire ces deux ponts en
tenant compte des besoins pressants et présents. Cette administration
avait même assuré que les sommes requises à cette fin, soit
$82,000 et $255,000 figuraient dans le budget des ministères de la
Voirie et des Travaux publics pour l'année 1966. Depuis cette date du 5
juin, ce projet de réfection est tombé dans l'oubli. Mon aimable
voisin, l'honorable ministre de la Voirie et des Travaux publics, aurait-il
l'obligeance de le tirer de l'oubli pour le réaliser sans tarder? En
attendant son bon plaisir, le groupe ministériel me saura gré, vu
la faible majorité dont il dispose, de recommander à l'honorable
ministre d'éviter le comté d'Argenteuil dans ses
déplacements, soit en auto mobile, à cheval ou à pied car,
qu'il veuille bien me croire, le réseau routier de ce comté, y
compris le pont Baron et le pont McGibbon,
constitue un véritable casse-gueule qui n'a de respect pour
personne, pas même pour un ministre de l'Union Nationale.
Un dernier point, M. le Président, je termine. Il m'est
inspiré par une difficulté stupide que j'ai rencontrée
comme maire de Lachute. Récemment le conseil municipal soumettait au
référendum un pauvre petit règlement d'emprunt de $32,000,
somme destinée à la préparation d'un plan directeur
jugé nécessaire pour favoriser le développement de la
ville, selon des normes établies par une technique avertie. Ce
règlement d'emprunt, la population de Lachute, par un vote majoritaire
considérable, l'acceptait, mais un seul homme, je dis bien un seul
homme, vraisemblablement motivé par des intérêts politiques
et personnels, a réussi à la bloquer par le truchement de son
évaluation municipale. Est-ce bien là, M. le Président, un
effet acceptable de la démocratie bien comprise? Je pose la question
à l'honorable ministre des Affaires Municipales en le priant
d'étudier de très près la loi régissant la tenue
des référendums et son application pour fins municipales, dans le
but d'en proposer l'amendement dans un sens plus démocratique. .
Pourquoi, dans certains cas, tel celui de Lachute, soumettre un
règlement d'emprunt au test de l'évaluation municipale? Il
semblerait, M. le Président, que la sanction de la Commission municipale
devrait suffire pour donner suite à un vote favorable de la population,
exprimé à l'occasion d'un référendum d'abord
consenti par le conseil municipal.
Pour ma part, M. le Président, il m'est encore plus difficile
d'accepter que, dans une municipalité, quelle qu'elle soit, un seul
homme puisse mettre en échec une mesure voulue par la majorité de
ses concitoyens, qu'il, m'est loisible de comprendre que, dans une province, un
parti puisse accéder au pouvoir avec l'appui de seulement 42% du vote
populaire, alors qu'un autre parti, ayant reçu 47% de ce même vote
doive passer dans l'Opposition . Qu'il soit dit en passant que toute allusion
apparente ou autre à un événement encore souvent
commenté, parce que bien récent, est purement accidentelle.
Je termine en réitérant à cette Chambre mes
sentiments de fierté envers mon chef, le parti qu'il dirige, envers mon
comté et la province toute entière. Comme député,
je désire fermement travailler à assurer le bien-être de
toute la population du Québec et, à cette fin, je lui offre la
contribution de tous mes efforts si humbles soient-ils.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Témiscouata.
M. Montcalm Simard
M. SIMARD: M. le Président, ce n'est pas sans une certaine
appréhension que, pour la première fois, je prends la parole en
cette Chambre comme représentant du comté de Témiscouata.
Mes premières paroles seront pour vous féliciter de vote
nomination comme Président de cette assemblée
délibérante dont les travaux auront une influence capitale sur
l'évolution de notre province à divers points de vue, notamment
politique, économique et culturelle. Votre expérience
parlementaire dans une autre juridiction et vos talents reconnus et bien
prouvés seront d'un grand secours pour les nouveaux arrivés en
cette Chambre et contribueront largement à maintenir le décorum
indispensable à l'avancement normal de la législation.
M. BELLEMARE: Très bien!
M. SIMARD: Dieu veuille que le chef de l'Opposition, qui vous institue
le pondérateur des délibérations, conserve un esprit de
collaboration constructive dont malheureusement nous devons déjà
douter. C'est aussi un devoir pour moi, et un plaisir, de féliciter le
député de Rivière-du-Loup, mon voisin de comté et
excellent ami, pour sa nomination comme Président des comités
pléniers et vice-Président de cette Chambre. Là encore, la
nomination est heureuse car nous sommes sûrs que le talent et les
connaissances légales qui lui ont acquis l'estime de la magistrature
sont une garantie qu'il remplira avec efficacité la lourde tâche
qui lui incombe. Je veux aussi féliciter bien sincèrement le
proposeur et le secondeur de l'adresse en réponse au discours du
Trône. Car, à leur première intervention en cette Chambre,
ils ont largement prouvé leur valeur et justifié le choix du
gouvernement pour une telle procédure traditionnelle. Je me dois aussi
de rappeler, particulièrement pour les aînés de cette
Chambre, qui l'ont connu et apprécié, mon
prédécesseur à ce siège, le docteur Antoine
Raymond, le bon père de famille, le député fidèle,
le travailleur consciencieux et efficace qui, pendant quatorze ans, a
représenté le comté de Témiscouata. Il a droit
à la reconnaissance des électeurs de mon comté, et j'ai
été moi-même en mesure d'apprécier ses loyaux
services. C'est un devoir pour moi de marcher sur ses brisées, de suivre
l'exemple qu'il a donné et, ce faisant, c'est une garantie que mon
comté continuera à être bien servi.
C'est aussi l'occasion pour moi de rendre un hommage public à la
clairvoyance des électeurs de mon comté qui depuis si longtemps
apprécient sans défaillance la politique de l'U-
nion Nationale. Ils sont beaucoup plus sensibles aux réalisations
pratiques et tangibles qu'à un flot de promesses douteuses. Avec la
fatuité qu'on leur connaît, nos adversaires avaient
espéré, à la faveur d'un changement de candidat, emporter
d'emblée le comté de Témiscouata. On y a mis le prix et
les efforts. A preuve, quatre ministres de l'ancien gouvernement, et non les
moindres, ont paradé et pétaradé dans mon comté,
notamment le premier ministre du temps et les autres. Tous ces gens qui
tremblotent maintenant dans la région froide en face de nous sont venus
à la rescousse de leur candidat.
Les gens de chez nous ont appelé cette parade, la parade des Rois
Mages. Les non instruits de chez nous, doués cependant de gros bon sens
et d'un jugement sûr, n'ont pas été dupes des
exposés grandiloquents, mais combien poreux de ces
pseudo-lumières. Ils ont senti que bien que venant de haut, à
travers les nuages, ils n'étaient pas le Saint-Esprit. Mes
électeurs ont même observé que leurs propos
n'étaient pas tout à fait au diapason. Ils ont facilement
constaté que l'idéologie libérale était devenue
opportuniste et bien peu cohérente. Cela s'est largement prouvé
lors du dernier congrès libéral.
Le chef de l'Opposition est plusieurs fois devenu perplexe lors de ces
assises et a dû faire la constatation que ses organisateurs prenaient
trop au sérieux ses grandes déclarations démocratiques
ostensiblement déclamées. Il aurait dû avertir en caucus
son état-major qu'il parle souvent pour endormir le menu peuple qu'il a
qualifié comme on le sait. Enfermé dans sa tour d'ivoire, il ne
pouvait se douter, le pauvre homme, que ses collègues commettraient tant
d'indiscrétions, exposeraient devant le grand public des principes
diamétralement opposés. Je le comprends très bien. Dans sa
suffisance, il ne pouvait se douter que ces hommes en qui il avait mis toute sa
confiance se dirigeraient publiquement l'un à droite, l'autre à
gauche et un troisième encore plus à gauche.
Lors de cette télé mission, il était évident
que malgré ses talents incontestables d'acteur, il faisait chaud et la
mise au point fut pour le moins laborieuse. Serait-ce que la
télévision, à l'instar de certains journaux, aurait fini
de l'encenser en fermant les yeux? J'aimerais demander au chef de l'Opposition
ce qu'il pense de l'opération peuple. On peut peut-être l'appeler
l'opération 56. Une chose me semble certaine, et le seul fait que l'on
parle de l'opération peuple est un aveu que le gouvernement
précédent l'avait oublié, ce bon peuple. Quel
réveil pour le beau chef! Je le verrais bien à la tête d'un
organisme consultatif sans responsabilité administrative et qui n'aurait
pas de répercussion économique, où il serait de mise de
lancer des ballons d'essai, car il a énormément de voile et bien
peu de gouvernail. C'est pourquoi le bateau a chaviré le 5 juin
dernier.
Les gens de chez nous détestent facilement les notes discordantes
d'une musique qui se voudrait bien d'accord, mais dont les instruments
faussent. Serait-ce que le chef d'orchestre manquerait encore de
maîtrise? Alors, c'est un cas désespéré. Si la faute
en est aux instrumentistes, je leur recommande d'accorder leurs violons.
Heureusement, le gouvernement actuel, en place pour longtemps, n'a rien
à voir avec cette galère. Il peut, lui, dont le parti est
homogène, travailler dans la paix et la concorde.
M. le Président, le comté de Témiscouata que je
représente et où j'ai passé ma vie, par sa situation
géographique n'est pas classé comme l'une des plus riches
régions de la province et fait partie du territoire à
économie plutôt faible étudié par l'organisation
ARDA. Pourquoi le gouvernement précédent l'a-t-il presque
totalement oublié pendant les six années de son administration?
Serait-ce parce qu'il n'a pas voulu se ranger sous la bannière
claquante?
On appelle communément chez nous ces années, celles de la
grande noirceur. Comment se fait-il qu'avec un budget pour le moins
quadruplé, si on le compare à ceux des années avant 1960,
un comté où il y a tant à faire ait été
négligé à ce point? Serait-il possible que les
crédits votés par la Législature précédente
aient été répartis en rapport avec des mérites
politiques plutôt que suivant les besoins réels?
Après seulement six mois d'administration de l'Union Nationale,
les témoignages de satisfaction nous arrivent spontanément, et la
population de chez nous entrevoit des jours meilleurs. C'est l'occasion pour
moi de remercier bien sincèrement les ministres de la présente
administration qui ont fait droit déjà à une partie
importante de mes demandes et remis sur la carte de la province le comté
de Témiscouata.
Je me permets de vous avertir, M. le Président, que je
continuerai à plaider en faveur de mes administrés et
tâcherai de récupérer les arrérages.
L'économie du comté de Témiscouata est presque totalement
basée sur les revenus de l'agriculture et de l'industrie
forestière. A cause d'un sol de qualité souvent médiocre
et de la négligence coupable du gouvernement précédent
envers l'agriculture, les cultivateurs en général ont
l'obligation de demander à l'industrie forestière de compenser
pour le faible rendement des fermes, et ceci est un cercle vicieux. Lorsque le
cultivateur est en forêt, nécessairement l'exploitation agricole
en souffre. Je dois dire que nombre de fermes sont négli-
gées, voire même abandonnées. Les cultivateurs
vieillissent et leurs successeurs, la relève sur laquelle ils devraient
normalement compter, s'avère bien faible et souvent inexistante. Les
études déjà faites et les rapports publiés par le
BAEQ et le comité de liaison font bien le point de la situation, et il y
a énormément à faire; mais il y a lieu d'espérer
que, sous l'égide de l'honorable ministre de l'Agriculture, dont
personne ne met en doute les qualifications, nos agriculteurs verront sous peu
des jours meilleurs.
L'industrie laitière, en raison de notre climat plutôt
froid, est et demeurera la base du revenu agricole. Il est intéressant
de constater que la production du beurre, qui fut longtemps plus forte que la
consommation, est devenue depuis peu déficitaire, et il est
intéressant de constater que cette production est en augmentation
constante depuis quelques mois. Nos producteurs apprécient la
décision du ministère de l'Agriculture de continuer à
payer une prime de $0.35 le cent livres de lait pendant la saison hivernale.
Espérons que cette prime atteindra en totalité le producteur. Il
semble bien qu'à la suite d'ententes entre la province et le
gouvernement fédéral, la province sera libérée en
grande partie de l'obligation qu'elle assume quant au prix payé aux
producteurs de lait de transformation. Et je ne doute pas que les montants
ainsi libérés seront totalement appliqués à
promouvoir une situation agricole de plus en plus progressive.
Je suis en faveur d'usines de transformation centralisées et bien
équipées afin d'en retirer les bénéfices possibles.
Je crois devoir attirer l'attention de l'honorable ministre de l'Agriculture
sur le fait que mon comté est un genre de circuit fermé. Je veux
dire par là qu'il est séparé des autres régions
agricoles par de grandes régions uniquement forestières.
M. LE PRESIDENT: Je demande l'ajournement de la Chambre.
M. LESAGE: Est-ce qu'il a terminé?
M. JOHNSON: Non, non, il a demandé l'ajournement.
M. LESAGE: Pardon, j'étais plongé dans la lecture du
projet de loi.
M. JOHNSON: Je comprends que, selon le désir exprimé par
l'Opposition, nous pourrions siéger à 7 h 30...
M. LESAGE: 7 h 30 jusqu'à 9 heures.
M. JOHNSON: ... jusqu'à 9 heures, pour permettre...
M. LESAGE: Pour que nous puissions avoir un caucus à neuf
heures.
M. JOHNSON: ... un caucus des partis, ce que nous ferons d'ailleurs nous
aussi. Mais on aurait pu théoriquement inverser l'ordre et tenir le
caucus à 7 h 30 et siéger à 9 heures.
M. LESAGE: Bien voici, je comprends que le premier ministre et les
ministres ont déjà eu l'occasion de discuter ce bill, de le
triturer, de le changer, de le rapiécer, d'ajouter, de retrancher.
M. JOHNSON: Même l'imprimeur s'est mêlé de le
triturer.
M. LESAGE: Oui, j'ai compris ça.
M. GERIN-LAJOIE: On comprend que le travail du Conseil des ministres
était compliqué.
M. LESAGE: Mais, d'un autre côté, je pense bien que c'est
la première fois et, ne l'oublions pas...
M. JOHNSON: Alors, disons sept heures et demie.
M. LESAGE: ... il y a en annexe un tableau extrêmement
compliqué qu'il faudra examiner en tenant compte des chiffres.
M. JOHNSON: Qu'on a dans le cahier depuis longtemps.
M. LESAGE: Mais enfin, il va falloir l'examiner...
M. JOHNSON: On l'a depuis le 13 janvier.
M. LESAGE: Bien, tout de même, il va falloir l'examiner,
M. JOHNSON: Depuis le 13 janvier.
M. LESAGE: Alors, avant de tenir le caucus...
M. JOHNSON: L'ancien ministre de l'Education connaît ça par
coeur.
M. LESAGE: Avant de tenir notre caucus, il nous faudra examiner le bill
pour en voir toutes
les implications, alors que le premier ministre et ses collègues
sont en mesure de renseigner leurs députés, étant
donné qu'ils ont déjà non seulement étudié,
mais préparé ce bill.
M. JOHNSON: Alors, M. le Président, nous pourrions, après
le caucus si tel était le désir de cette Chambre ou si
nous voulions l'imposer revenir en Chambre, même s'il était
dix heures et demie ou onze heures. On pourrait s'attaquer à la
deuxième lecture. Le ministre de l'Education serait prêt à
faire son discours en deuxième lecture, dès ce soir, ce qui
fournirait plus de renseignements, peut-être, pour entreprendre demain
une étude en profondeur, si l'on veut, du bill lui-même, en
comité plénier ou autrement. Alors, si on voulait revenir
à dix heures et demie pour une période raisonnable, disons
jusqu'à...
M. LESAGE: Oui, un instant là...
M. JOHNSON: Ou demain, s'il en est ainsi.
M. LESAGE: Si on propose que le ministre de l'Education parle ce soir,
il y aurait peut-être avantage à ce que nous l'écoutions
à sept heures et demie, avant le caucus.
M. JOHNSON: Disons que j'avais communiqué avec le ministre pour
lui demander s'il était prêt à onze heures. Je ne le sais
pas s'il le sera à sept heures et demie.
M. LESAGE: Bien oui, mais il y aurait avantage à l'entendre avant
le caucus.
M. JOHNSON: Oui, oui, mais même le caucus pourrait se
réunir demain matin, s'il veut; je n'ai pas d'objection. Un
deuxième caucus. M. LESAGE: A nouveau, un deuxième.
M. JOHNSON: Je n'ai aucune objection, mais disons qu'on laissera les
députés aller se coucher après le caucus et on reviendra
demain. A quelle heure?
M. LESAGE: Nous sommes à la disposition de la population.
M. JOHNSON: On avait proposé dix heures. Je sais que plusieurs
députés, le chef de l'Opposition et le premier ministre sont pris
à midi et demi.
M. LESAGE: Nous pouvons commencer à bonne heure demain matin.
M. LAPORTE: Neuf heures ou neuf heures et demie.
M. HANLEY: A sept heures.
M. LAPORTE: Les Indépendants siégeront à sept
heures et nous commencerons...
M. SEGUIN: Le député de Sainte-Anne parle pour
lui-même.
M. HANLEY: You better believe it.
M. LESAGE: La zizanie dans le parti des Indépendants.
M. LE PRESIDENT: De consentement, la Chambre suspend ses travaux
jusqu'à sept heures trente.
Reprise de la séance à 7 h 30 p.
m.
M. Montcalm Simard
M. SIMARD: M. le Président, j'étais à dire que le
Témiscouata était un espèce de circuit fermé. Je
verrais d'un bon oeil une certaine centralisation qui se limiterait
approximativement au comté de Témiscouata afin d'éliminer
le risque que le retour net du prix du lait au producteur ne soit pas
grignoté par des coûts de transport trop élevés afin
que nos cultivateurs ne soient pas pénalisés par une situation
géographique plus ou moins favorable.
M. le Président, je crois savoir que le plan ARDA suggère
et préconise dans notre région l'élevage du bétail
à boucherie. J'ai constaté qu'un bon nombre de nos cultivateurs
s'intéressent à cette production. Quelques-uns seulement sont en
mesure de se financer eux-mêmes, soit pour l'agrandissement de leurs
terres ou pour l'achat de bétail de race appropriée. En vue du
succès de cette transformation d'un élevage à l'autre, il
y aurait probablement lieu de prévoir là encore, un programme
d'aide aux éleveurs, du moins dans le cas de ceux qui en ont
réellement besoin.
Mon comté a l'avantage de posséder une division du
ministère de la Colonisation. A cause de ses sols en grande partie
montagneux et souvent rocheux, il est d'une importance capitale que les
crédits attribués à cette division soient augmentés
en vue de poursuivre des travaux mécanisés et
subventionnés dont la demande est en augmentation constante. Il y aurait
lieu de promouvoir l'organisation de centres de production
spécialisée et d'installer dans le comté des
propagandistes, techniciens adéquats.
Un incendie désastreux a détruit totalement au cours de la
saison dernière, la scierie de la compagnie Fraser installée
à Cabano. Je veux ici en passant rendre un témoignage de
gratitude au gouvernement qui s'est penché avec sollicitude sur la
situation désastreuse qui a été faite à nos
travailleurs à la suite de ce désastre, et je ne doute pas que
des efforts constants seront faits pour conserver à mon comté une
de ses rares industries.
Je suis d'opinion que la forêt qui couvre la majeure partie du
comté de Témiscouata peut encore fournir la matière
première nécessaire à la transformation de ses bois en
produits finis. Le marché est encore excellent, la main-d'oeuvre
compétente et disponible en quantité. Il faut donner à ces
ouvriers l'occasion de transformer complètement nos matières
premières dans la province.
Il y aurait aussi possibilité d'établir de petites
industries dont la forêt serait la source d'approvisionnement et qui
pourraient convertir les bois locaux en de nombreux articles d'usage courant.
Certaines municipalités, et particulièrement certaines chambres
de commerces alertes ont déjà, à l'heure actuelle, obtenu
des succès en amenant chez nous de petites industries réellement
prometteuses. Je ne doute pas que le gouvernement actuel continuera à
encourager d'une façon constante le développement de petites
industries qui peuvent s'implanter chez nous dans des conditions relativement
favorables.
C'est à mon avis ce qui manque le plus à notre
région, ce qui pourrait maintenir et augmenter notre population et
relever son niveau de vie. En feuilletant récemment d'une façon
encore bien incomplète l'atlas régional du Bas Saint-Laurent,
préparé par le bureau d'aménagement de l'Est du
Québec, j'ai été surpris de constater que, sauf erreur,
l'attention accordée par le BAEQ aux activités minières se
limite à une carte désignant les endroits du territoire pilote
où il y a quelques mines en activité et des indices de
minéralisation.
Ce qui m'a le plus frappé, c'est qu'il n'y a pratiquement pas
d'indice que le comté de Témiscouata ait été
l'objet de recherches, même les plus superficielles. Je sais que cette
remarque a déjà été faite à des
représentants du comité de liaison. La réponse a
été que la découverte de mines était une question
de chance. Je suis d'avis, M. le Président, que la chance peut
être provoquée. Lorsqu'on ne cherche pas, les découvertes
sont bien aléatoires. Je regrette de dire que, dans ce domaine, les
perspectives qui peuvent en découler ont été
complètement négligées par la BAEQ et surtout, aucune
suggestion n'a été faite. Je puis difficilement croire que notre
région montagneuse soit complètement dépourvue de
possibilités minières, et je me permets de demander que des
relevés techniques méticuleux soient exécutés dans
mon comté afin de se rendre compte des dernières
possibilités. M. le Président, j'ai été heureux de
constater que la région du lac Témiscouata est
désignée comme l'une des zones prioritaires de
développement touristique, et c'est à juste titre. Nous savons
que le ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche a fait
préparé un plan d'aménagement par la firme Richard R.
Wilkinson, laquelle étude s'occupe d'une façon bien
spéciale des possibilités du lac Témiscouata.
Veuillez croire, M. le Président, que je ferai les efforts
nécessaires pour que les développements préconisés
par ce plan débutent sans délai. Les municipalités de
Cabano et de Notre-
Dame-du-Lac semblent légèrement favorisées, parce
que les mieux placées, pour profiter du développement touristique
éventuel du lac Témiscouata.
C'est là que les efforts doivent porter en premier lieu, et j'en
suis heureux. Loin de moi l'idée de critiquer mais je ne puis cependant
m'empêcher de remarquer que la municipalité de
Sainte-Rose-du-Dégelé, la plus populeuse de mon comté,
n'est pratiquement pas touchée par le plan Wilkinson. Ce plan, tel qu'il
est dit plus haut, axe ses projets d'amélioration et de
développement sur le lac Témiscouata. Je crois qu'il y a
là des possibilités excellentes au point de vue camping, plages,
et canotage, lesquelles feront naître la construction d'hôtels, de
motels et d'autres commerces se rattachant au tourisme et favoriseront nombre
d'activités sportives.
Mais il ne faut pas oublier ni même négliger ce que je
considère une richesses naturelle et un sport majeur; la pêche sur
le lac Témiscouata qui contient de nombreuses variétés de
poissons et particulièrement le touladi, poisson de haute
qualité, bien caractérisé, ressemblant à la
ouananiche du lac Staint-Jean. Qu'il soit saumon blanc ou truite grise, c'est
un batailleur formidable qui peut atteindre une taille fort respectable. Or, la
population de ce poisson est en régression; il se fait bien encore ici
et là un peu de braconnage qu'il est difficile d'empêcher
totalement, mais ce n'est pas là la raison principale de sa diminution.
La compagnie Fraser a édifié un barrage sur la rivière
Madawaska, décharge du lac Témiscouata. Le touladi, comme la
truite, aime voyager et ne reste pas constamment dans le lac qui l'a vu
naître, quelque vaste soit-il. Une quantité de poissons sautent le
barrage chaque année et quel que soit leur désir, leur instinct,
ne peuvent jamais y revenir.
Il faudrait, de toute nécessité, construire à
côté du barrage une échelle afin de permettre aux poissons,
du moins aux meilleurs, de voyager librement, et de revenir frayer sur les
sites où ils sont nés. Cette amélioration est
demandée depuis longtemps et l'a été à maintes
reprises. Je crois que le plan devrait inclure dès le début ce
projet.
Je constate que le plan dit Wilkinson entrevoit la possibilité
d'étendre son action sur le côté sud-est du lac et englobe
les municipalités de Saint-Juste, Auclair, Lejeune, etc.. la
rivière et le lac Touladi et les grands lacs du Squatteck. C'est
là un territoire de chasse et de pêche déjà
très apprécié et encore susceptible d'améliorations
avec un meilleur réseau de chemins de pénétration.
Je crois de mon devoir de travailler sur le plan du comté entier,
dont je suis le mandataire. Si une semence vivifiante est jetée sur une
partie, il faut nécessairement qu'elle s'étende à toutes
les parties.
Le développement de la route 2 et de ses alentours
immédiats, laquelle est une sortie des Etats-Unis et du Nouveau
Brunswick, est importante et je suggère avec non moins d'insistance que
le plan Wilkinson soit étendu. Il existe une autre route venant de Fort
Ken, Maine, route très fréquentée passant par Les Etroits,
Rivière-Bleue, Sully, Escourt. C'est un autre territoire très
riche en possibilités, les lacs poissonneux y sont très nombreux.
Je n'en mentionnerai que les principaux; le Sutherland, le Beaulac, le lac
Long, le lac Gerry, le lac Poliénégamouk et combien d'autres
qu'entourent des sites pitoresques.
M. le Président, je ne m'attends pas à ce que toutes ces
suggestions se réalisent au complet dès l'an prochain, mais je,
serais heureux que l'attention des autorités compétentes se
tourne d'une façon bien spéciale vers mon comté qui, s'il
a été depuis quelques années totalement oublié, est
par ailleurs favorisé par la nature de magnifiques possibilités.
Si mon comté a été classifié comme pauvre, je me
crois particulièrement justifié de réclamer sa part avec
instance car la prospérité de la province que nous
désirons tous deviendra un fait lorsque toutes ses parties seront en
mesure d'y contribuer. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Charlevoix.
M. Raymond Mailloux
M. MAILLOUX: M. le Président, à l'instar de ceux qui m'ont
précédé, je voudrais unir mon témoignage de
félicitation et de respect pour votre nomination comme Président
de cette Assemblée et du respect que votre attitude commande à
ses débats. Ces témoignages de félicitation vont
également au vice-Président de cette Chambre, au proposeur et au
secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône.
M. le Président, alors que les membres de cette Assemblée
se réuniront dans quelques minutes afin d'étudier une mesure qui,
de par sa nature, serait susceptible d'apporter une solution mettant fin aux
conflits scolaires qui sévissent dans trop de parties du Québec,
alors que chacun d'entre nous subissons actuellement une tension qui n'a
d'égale que l'importance de la crise en cours et son dénouement,
je voudrais, afin d'atténuer cette anxiété,
transporter
ces honorables messieurs sur nos lacs et nos rivières et traiter
de chasse et de pêche.
C'est donc mon intention, durant les quelques minutes qui vont suivre,
de traiter d'un sujet qui, depuis juillet 1966, a fait la manchette des
journaux, soit la disparition de tous les clubs privés de chasse et
pêche dans la province. Décision annoncée par l'actuel
titulaire du ministère, l'honorable député de
Bellechasse.
Dois-je préciser immédiatement, M. le Prési- dent,
que représentant d'une circonscription où se situent un grand
nombre de ces clubs, je ne contesterai jamais à un gouvernement le droit
ou un désir louable de rendre accessible à un plus grand nombre
l'accès à ces richesses naturelles qui sont ou devraient
être la propriété de la collectivité.
Il n'en demeure pas moins, M. le Président, qu'avant de mettre en
vigueur une telle politique, il y avait un ensemble de mesures qui auraient
dû être prises ou étudiées, mesures qui, à mon
sens, mises en pratique graduellement, auraient évité certains
dangers, qu'un libre accès en forêt entraînera, pour notre
faune aquatique ou terrestre. Et je constate que l'ensemble de ces mesures
n'ont pas été prises.
Est-il également nécessaire, M. le Président...
M. LOUBIER: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. MAILLOUX: Oui.
M. LOUBIER: Quelles sont ces mesures qu'il préconise ou qu'il
pressent qui auraient dû être prises déjà?
M. COITEUX: Il va les donner là.
M. MAILLOUX: M. le Président, si l'honorable député
de Bellechasse, que d'ailleurs j'ai pressenti de mon intervention sur le sujet,
veut bien attendre quelques minutes; ce n'est pas mon intention de chicaner la
politique qu'il préconise, mais je crois évidemment que dans les
modalités nous avons des divergences d'opinions que je voudrais exposer
devant cette Chambre.
M. LOUBIER: Très bien.
M. MAILLOUX: Je disais donc, M. le Prési- dent, que je
désirais souligner qu'à mon arrivée en politique en 1962,
pas un pouce de terrain n'était disponible dans mon comté, sur
ces territoires, et que tous ceux qui avaient obtenu des privilèges sous
les administrations antérieures les ont conservés
intégralement, sauf un qui exerçait un monopole qui a
été brisé. C'est donc dire que mes paroles n'ont pas pour
but de faire conserver des privilèges que j'aurais demandé
d'accorder à des amis.
M. le Président, avant le renouvellement des baux, au printemps
1966, les fonctionnaires du ministère de Chasse et de Pêche
avertissaient tous ces détenteurs de se conformer à l'article 5
du règlement, article 5 qui se lit comme suit: « Surveillance du
territoire. Le locataire s'engage: a) à prendre les mesures
nécessaires pour assurer une surveillance efficace et continue du
territoire et, notamment, b) à employer à l'année au moins
un gardien et ce gardien doit résider sur le territoire du 1er avril au
1er décembre, ou à adopter un système spécial de
surveillance qui doit être approuvé par le ministre ».
A cette période, soit février ou mars, sous le
gouvernement antérieur, je dois confesser que je me suis objecté
avec vigueur à ce que le ministère fasse respecter
intégralement ces règlements, qu'aucun gouvernement, d'ailleurs,
n'avait fait respecter à la lettre dans le passé, et l'on verra
pourquoi tantôt.
M. le Président, il est indéniablement facile à
tous les propriétaires de clubs importants de se conformer à la
lettre à toutes les exigences des règlements qui sont
stipulés sur tous les baux émis par le ministère. Ces
clubs, souvent de très vastes étendues, sont la
propriété d'organisations, de compagnies ou de personnes dont les
moyens financiers sont très vastes, et la majeure partie de ces clubs
importants peuvent multiplier les dépenses d'aménagement,
d'améliorations et de salaires pour assurer l'entretien et la
protection.
Ces organisations peuvent coucher sur leur rapport d'impôt
l'ensemble des dépenses encourues pour la bonne marche de ces clubs et
il est indéniable que, pour ceux-là, il y a un profit à
retirer de l'exploitation de ces clubs.
La seconde catégorie de clubs trois, quatre ou cinq lacs
appartient à des concessionnaires financièrement capables
de se permettre de telles dépenses ou à des individus
groupés afin de se partager les dépenses auxquelles la loi les
oblige.
La troisième catégorie du clubs et, dans cette
catégorie, on en dénombrait, en février ou mars 1966,
presque un millier appartenant à des groupes minimums de cinq personnes
ceux-là, en grande partie, sont la propriété en
location de modestes travailleurs.
La superficie de ces derniers clubs est presque toujours très
restreinte un ou deux lacs, partie de rivière, infime partie de
rivière et, la plupart de ces concessions sont disponibles parce
que c'étaient des lacs délaissés par
les grosses organisations ou en raison de l'absence de poissons ou des
difficultés d'accès, etc. Dans d'autres cas ils ont
été organisés sous des pressions politiques sous
tous les gouvernements, antérieurs ou autres et soustraits
à des clubs déjà organisés.
M. le Président, on pourra avancer immédiatement que ceux
qui n'ont pas les moyens fassent comme ceux qui n'ont pas de club et attendent
des invitations. C'est peut-être vrai, mais d'après le
régime de concession qui a toujours existé, ceux-là
avaient également le droit de tenter de s'organiser et de se
récréer, ainsi que leur famille et leurs invités. J'ai
été élevé dans un comté riche en territoires
de chasse et de pêche et l'expérience que nous avons vécue,
nous indique que le braconnage et les violations des lois de la chasse et de la
pêche et l'expérience que nous avons vécue, nous indique
que le braconnage et les violations des lois de la chasse et de la pêche
ont été beaucoup moins apparents dans les clubs bien
gardés, et, quoique existant également dans ces clubs importants,
l'umpunité était assurée par des propriétaires
possédant de solide appuis qui les mettaient à l'abri des
pénalités prévues par la loi.
Je conviens que dans les clubs réduits, il s'est commis des
infractions, presque toujours signalées aux autorités du
ministère par des voisins plus puissants, et le ministère avait
toute la latitude voulue pour évincer les indésirables. S'il ne
l'a pas fait et c'est arrivé c'est qu'il a voulu que la
situation persiste. En exigeant des petits clubs l'obligation de poster un
gardien sur ce territoire du 1er avril au 1er décembre et c'est
à cet article que je me suis objecté avec une
dépense minimum de $2,500 à $3,000, l'on disait simplement
à un millier de clubs dans le temps ou presque; Evacuez nos
forêts. Si l'on voulait permettre au plus grand nombre l'accès des
forêts, à ce moment, on le faisait sur le dos des travailleurs aux
revenus les plus modestes, sujets qui n'avaient nullement les moyens d'absorber
une telle dépense.
Afin que ces gens ne soient pas évincés les premiers, on a
offert au ministère, et ce sous l'ancien gouvernement, première
suggestion: forcer les membres d'un club à assurer la protection de leur
territoire à tour de rôle. Cela a été refusé.
La deuxième suggestion qui fut faite au ministère était
celle-ci: faire l'engagement de quelques gardes-chasses supplémentaires
qui auraient fait la navette entre des groupes de territoires dans un milieu
donné, sans résider sur aucun des territoires en particulier et
le salaire de ces gardes-chasses aurait été chargé
à tous ces clubs protégés au prorata de la grandeur des
clubs en question. Cela aurait coûté environ $200, $300 ou $400
à chacun des petits clubs qui étaient visés. L'on a
répondu dans le temps qu'à l'instant où des gardes-chasses
supplémentaires seraient embauchés, tous les territoires de la
province seraient ouverts au public.
L'Action Catholique, dont j'ai la copie du 6 juillet dernier, nous donne
une déclaration du député de Bellechasse après son
assermentation comme ministre de la Chasse et de la Pêche,
déclaration qui se lit comme suit... Je voudrais évidemment faire
grâce à la Chambre de la lecture de cet article du 6 juillet 1966
où l'honorable député de Bellechasse annonce son intention
d'évincer du territoire de la province tous les clubs qui ne se sont pas
conformés à l'article 5. On remarque donc qu'au moment de cette
déclaration, l'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche
stipule qu'environ 500 clubs ne se sont pas conformés aux
responsabilités qu'ils doivent assumer.
C'est donc dire que, de février 1966 à juillet, un grand
nombre de ces clubs se sont conformés à la loi afin de garder
leurs privilèges. Mais quel danger le ministère a-t-il fait
planer sur chacun des territoires! Pour tâcher de se conformer aux
exigences du ministère de la Chasse et de la Pêche, un grand
nombre de ces clubs ont engagé qui? Un pensionnaire de 70 ans et plus
qui ne marche presque pas, un invalide; dans ce cas on comprendra que la garde
du territoire se limite à arpenter le camp et qu'aucune protection n'est
accordée contre les braconniers.
M. LOUBIER: C'est absolument faux.
M. GRENIER: Chez nous c'est la Voirie qui les a engagés, ces
vétérans-là.
M. MAILLOUX: L'honorable député de Bellechasse me dit que
quand je dis un invalide, c'est faux. Je voudrais donner un exemple
précis, que j'ai vécu. Deux clubs se sont groupés...
M. LOUBIER: Lesquels? Les noms?
M. MAILLOUX: Je donnerai au ministre le nom des clubs en question.
M. LAPORTE: A l'ordre! A l'ordre!
M. LOUBIER: Le nom des clubs. C'est précis. Un exemple qu'il a
vécu. Quel est le nom des clubs?
M. MAILLOUX: Je ne me suis pas caché. J'ai averti l'honorable
député de Bellechasse que je parlerais des clubs privés de
chasse et de pêche.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me le permettez, je
soulève un point d'ordre. Le député s'apprête
à nous rappeler un exemple qu'il a lui-même vécu. Or,
j'aimerais bien avoir tous les détails inhérents à cet
exemple, le nom des clubs, pour que j'aie la possibilité de
vérifier.
M. LESAGE: Oui, mais laissez-le parler.
M. LOUBIER: Parce que c'est bien facile de dire à un moment
donné: J'ai vécu telle expérience, mais en plongeant dans
le vague, de telle sorte que je ne pourrai jamais vérifier et apporter
une réponse au député de Charlevoix.
M. LESAGE: Bon, il va faire un discours.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Justement, peut-être que d'un
côté l'attente se fait attendre et que de l'autre
côté, l'anxiété prime sur l'attente. Alors je suis
sûr que l'honorable député de Charlevoix comblera les
désirs bien légitimes de l'honorable ministre.
M. MAILLOUX: Je pense que le problème dont il est question n'est
pas le problème de l'éducation, mais c'est quand même un
problème très important dans la province parce qu'il est synonyme
de notre industrie touristique dans la plupart des comtés
sous-développés de la province. J'ai voulu être objectif.
Je ne tiens pas à chicaner le ministre de la Chasse et de la
Pêche, je lui signale que ce que nous avons vécu là
dépend aussi bien des réglementations qui ont été
faites avant le changement de gouvernement.
M. LOUBIER: Si le député me le permet, je lui demande bien
amicalement, il voulait me citer un exemple frappant à l'effet qu'il y
aurait eu d'engager... Et voulant dans son esprit généraliser cet
état de choses comme quoi on avait obligé les locataires à
engager des gardiens qui n'avaient aucune compétence au point de vue
physique ou autrement, et, pour illustrer sa thèse, le
député arrive avec un exemple frappant...
M. MAILLOUX: M. le Président...
M. LOUBIER: ... qu'il a vécu lui-même...
M. MAILLOUX: M. le Président...
M. LOUBIER: Qu'il me donne le nom du club en question...
M. MAILLOUX: ... je pense que l'honorable député de
Bellechasse...
M. LOUBIER: ... et je vérifierai...
M. MAILLOUX: ... n'a pas à faire de discours dans mon
intervention.
M. LOUBIER: C'est bien simple. M. PINARD: A l'ordre!
M. MAILLOUX: C'est mon droit de donner des exemples que j'ai vu...
M. LOUBIER: Très bien.
M. MAILLOUX: Alors, je disais donc, pour citer un exemple, que deux
clubs qui ont voulu se conformer à la loi...
M. LOUBIER: Quels sont les noms de ces clubs-là?
M. MAILLOUX: Deux clubs qui ont voulu se conformer à la loi du
ministère de la Chasse et de la Pêche, que je pourrai nommer au
ministre en temps et lieu...
M. LOUBIER: M. le Président, je ne peux pas laisser le
député de Charlevoix, par insinuations ou en plongeant
capricieusement ou de façon fantaisiste, nous dire qu'il a vécu
un exemple alors qu'il ne veut même pas nous donner le nom de ces deux
clubs-là.
M. MAILLOUX: M. le Président, je ne suis pas ici en cette Chambre
pour dénoncer les clubs privés de chasse et de pêche. J'ai
constaté, étant à la pêche au mois de septembre,
alors que les clubs devaient s'organiser pour protéger leur
territoire...
M. LOUBIER: L'exemple, l'exemple.
M. MAILLOUX: ... il y a deux clubs qui se sont...
M. LOUBIER: L'exemple.
M. MAILLOUX: ... Joints afin d'éviter que le salaire de $3,000
qu'ils devaient donner...
M. LOUBIER: Le nom de ces clubs-là.
M. MAILLOUX: ... ne soit trop onéreux pour le même
club.
M. LOUBIER: Le nom de ces clubs-là.
M. MAILLOUX: Je le donnerai en temps et lieu au ministre...
M. LOUBIER: Voyons donc, c'est ridicule. M. FLAMAND: Ce sont des
insinuations.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Si j'ai bien suivi les remarques de
l'honorable député de Charlevoix, c'est qu'en aucune façon
il n'a voulu insinuer une négligence de la part, soit de l'honorable
ministre ou des fonctionnaires compétents de son ministère. D'un
autre côté, l'honorable député de Charlevoix expose
une situation de fait. Il donne comme raison qu'il préfère taire
les noms de ces clubs, et je suis sûr que l'honorable ministre sera
entièrement satisfait de la réponse, ou de l'invitation, ou de
l'engagement pris par l'honorable député de Charlevoix de lui
fournir, disons in camera, le nom de ces clubs qui auraient enfreint l'article
5.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous permettez, sur les
instructions que vous venez de donner à cette Chambre et plus
particulièrement s'adressant à moi ou au député de
Charlevoix, c'est que, comme titulaire du ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, j'ai pris la responsabilité des
instructions que j'avais données aux fonctionnaires. Or, s'il
s'avère que les instructions données non pas été
respectées par les fonctionnaires du ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, je voudrais le savoir premièrement, et si
elles ont été respectées je voudrais défendre les
fonctionnaires de mon ministère comme il se doit, parce que
jusqu'à maintenant, je n'ai pas eu d'insinuation...
M. MAILLOUX: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER: ... sur un manque au devoir des employés du
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la pêche...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable
député de Charlevoix ne met en aucune façon en doute, la
sincérité et la compétence et le dévouement
apportés par l'honorable ministre et ses fonctionnaires pour le respect
intégral de la loi.
D'un autre côté, l'honorable député de Char-
levoix signale au ministre une situation qui, d'après lui, aurait
entraîné une infraction à la loi, et je suis sûr que
l'honorable ministre conviendra que l'honorable député de
Charlevoix préfère garder sous silence le nom de ces clubs; mais,
en ce faisant, en aucune façon, il veut s'en reporter à la
politique administrative de l'honorable ministre.
M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, si le
député de Charlevoix...
M. MAILLOUX: M. le Président, est-ce que c'est le
député de Charlevoix qui a la parole ou le député
de Bellechasse?
M. LOUBIER: ... veut porter une accusation sur un cas bien
précis, qu'il ait au moins le courage et le sens des
responsabilités...
M. LESAGE: Non, non, non.
M. LOUBIER: ... pour nous dire à qui ça s'adresse, quels
clubs sont impliqués...
M. MAILLOUX: M. le Président...
M. LOUBIER: ... pour que le ministère sache si réellement
on a manqué aux instructions données. Autrement...
M. MAILLOUX: M. le Président...
M. LOUBIER: ... ce sont des insinuations malveillantes, capricieuses,
qui ne supportent pas du tout la thèse du député de
Charlevoix.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable ministre
se rappelle, vu son expérience connue, les dispositions de l'article 286
de notre règlement...
UNE VOIX: Il oublie ça vite.
M. LE PRESIDENT: ... qui donne toujours complète et
entière liberté à un opinant de répondre à
toute invitation ou à toute question qui peut lui être
posée et, avec déférence, un député peut
toujours refuser de répondre à une invitation, si aimable
soit-elle.
M. MAILLOUX: M. le Président, je comprends difficilement
l'argumentation de l'honorable député de Bellechasse. J'ai pris
la peine, au tout début de mes remarques, de préciser que, sous
l'ancien gouvernement, je m'étais objecté en février et
mars auprès de ses officiers que je respecte, que ce soit M.
Bédard ou d'au-
tres, j'ai pleine confiance dans les officiers du ministère. Je
me suis objecté dans ce temps-là, parce que
précisément l'on croyait que ces clubs-là trop restreints
si on les forçait à faire des dépenses de $2,000 et $3,000
cela serait évidemment des individus qui seraient engagés comme
gardiens qu'on ne pourrait pas payer décemment. C'est à cet
effet-là que je me suis objecté en février, mars. Ce n'est
pas une chicane contre l'honorable député de Bellechasse.
M. LOUBIER: Vous venez de nommer M. Bédard, nommez donc deux
clubs. Vous ne voulez nommer personne...
DES VOIX; A l'ordre.
M. MAILLOUX: M. le Président, je dis que je respecte
évidemment le témoignage de M. Bédard et le travail de M.
Bédard. Je me demande évidemment quelle insulte s'adresse au
ministre de la Chasse et de la Pêche dans de telles paroles. Et l'exemple
que j'ai signalé tantôt.
M. LACROIX: Vous n'avez pas la conscience en paix, comment?
M. MAILLOUX: Deux clubs évidemment se sont groupés, deux
clubs, M. le Président.
M. LOUBIER: Ah! bien, petit Louis, on va se revoir, nous autres!
UNE VOIX: Ce n'est pas Cré Basile, là. M. LOUBIER: Ah!
Cré Basile!
M. MAILLOUX: Deux clubs se sont groupés afin de pouvoir payer le
salaire d'un gardien, et ce personnage-là avait presque 70 ans. Bien
évidemment au bout d'un mois ce qui s'est produit c'est qu'un homme de
cet âge a accepté évidemment un salaire moindre qu'un homme
ordinaire mais tout ce qu'il a fait comme surveillance contre le braconnage...
Il n'est pas sorti du camp, en aucune façon, à telle fin qu'il
n'a même pas fait le bois de chauffage pour le camp.
M. LOUBIER: Quel club, ça?
M. MAILLOUX: C'est la protection évidemment qui sera
accordée au territoire donné.
M. LOUBIER: Quel club? Le nom du club. DES VOIX: A l'ordre.
M. MAILLOUX: Si le député de Bellechasse veut me
répondre par la suite il n'a pas encore usé de son droit de
parole, et cela serait son privilège de le faire, en temps voulu.
M. LOUBIER: Quel est le nom du club?
M. MAILLOUX: Et dans d'autres cas que je ne signalerai pas...
DES VOIX: Ah bon!
M. MAILLOUX: ... dans d'autres cas des personnes normales ont
accepté des salaires de $500, $600 et $1,000...
M. LOUBIER: Nommez-les.
M. MAILLOUX: ... pour sept longs mois en forêt...
M. LOUBIER: Nommez-les.
M. MAILLOUX: ... et à ce moment, sur chacun de ces territoires,
ce n'est pas un gardien mais un braconnier en puissance qui voudra
compléter son salaire en vendant le produit de son braconnage, chasse ou
pêche. Et j'affirme que jamais...
M. GRENIER: Le nom.
M. MAILLOUX: ... et j'affirme que jamais a-t-on vu autant de truites et
de fourrure vendues dans nos régions par des supposés gardiens
mal payés. Cela n'est pas arrivé dans tous les cas. C'est
arrivé dans de trop nombreux cas et j'ajoute qu'avec la meilleure
volonté du monde les officiers du ministère ont
systématiquement souvent refusé des gardiens qu'ils ne croyaient
pas aptes à faire le travail, mais il était impossible à
ce moment-là que les officiers du ministère puissent avoir
l'assurance que toutes les personnes engagées par ces clubs-là
seraient des gens capables de protéger adéquatement le
territoire.
M. le Président, le ministre de la Chasse et de la Pêche a
fait de nombreuses déclarations pour expliquer et défendre la
politique qu'il préconise. On a parlé d'un système
féodal qu'il fallait évidemment faire disparaître, on a
parlé de privilèges excessifs accordés à des
Américains, on a parlé d'heures de travail toujours plus courtes,
de loisirs sains qu'il fallait assurer à la population. C'est une
réalité qu'il faut envisager et dans les délais les plus
courts. D'accord, mais plutôt que d'évincer en premier lieu les
plus humbles, pourquoi ne pas s'attaquer à des
exemples, tel le « 31 milles », pour lequel je
félicite le ministre. Dans toutes les régions de chasse et
pêche, il se trouve de ces monopoles de clubs possédant 25, 30, 40
et 50 lacs. Ce sont ces monopoles qu'il faut d'abord viser et, s'il est
critiqué en ce faisant, qu'il soit assuré du concours du plus
grand nombre dans la province de Québec. M. le Président, je
considère que le ministère serait logique de briser ces monopoles
qui existent et, d'abord, ceux qui sont dans les territoires de pêche et
de chasse les plus près des centres urbains où il y a un manque
de disponibilité.
Je considère que la politique de création de
réserves doit être amplifiée, peu importe les
intérêts privés en cause, autant que ces réserves
sont nécessaires pour un accès facile. Il serait cependant
souhaitable que les clubs qui ont reçu un plus grand nombre de visiteurs
que tous les territoires publics et ce suivant les rapports de leurs
activités aient une attention spéciale dans cet ordre
d'évincement graduel.
Cette élimination graduelle devra, je crois, être
précédée de leçons et c'est peut-être,
évidemment, gênant de le dire de civisme. L'ensemble de la
population québécoise, moi, le premier, nous devons,
évidemment, faire notre mea culpa. Les privilèges de chasse et de
pêche, nous les désirons pour le plus grand nombre de personnes,
mais nous sommes les premiers, évidemment, à user de ces
privilèges-là. Je pense que le ministère devra faire
l'éducation du grand public afin que cette richesse naturelle soit
protégée.
Le gouvernement devra également prévoir l'engagement de
nombreux autres gardes-chasse qualifiés et il serait peut-être
avantageux, ici, que ceux-ci soient autorisés à se servir des
mêmes privilèges qui sont détenus par les gardes-chasse des
états américains voisins, tel le Maine, il y aurait avantage,
pour le ministère, d'étudier les méthodes dont on se sert
là-bas et qui semblent donner de bien meilleurs résultats que les
nôtres.
M. LOUBIER: Où?
M. MAILLOUX: Dans le Maine.
M. LOUBIER: C'est nouveau, cette politique-là.
M. MAILLOUX: Comment, c'est nouveau?
M. LOUBIER: La politique dans le Vermont et dans le Maine; ce sont de
nouvelles politiques qui viennent d'être appliquées.
M. MAILLOUX: Oui, mais je pense que le ministre...
M. LOUBIER: Bien on commence; ça fait six mois qu'on est au
pouvoir.
M. MAILLOUX: Est-ce que le ministre peut me chicaner s'il y a une
politique qui semble donner d'heureux résultats là-bas?
M. LOUBIER: C'est d'accord, je m'excuse.
M. MAILLOUX: Est-ce que cela ne pourrait pas être
étudié?
M. LOUBIER: D'accord!
M. MAILLOUX: Une autre anomalie qui devra être
corrigée si on ne veut pas soumettre nos lacs à une pression
qu'ils n'ont jamais subie aussi fortement se situe dans la
possibilité de remplacement des espèces qui seront
pêchées. Si l'on se reporte aux rapports qui nous sont fournis par
le ministère, on se demande si l'action du ministère n'est pas
prématurée et si certaines précautions
élémentaires n'auraient pas dû précéder cette
action. Et ici je renvoie les membres de cette Chambre et l'honorable ministre
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche aux statistiques de 1963-64 qui
concernent l'ensemencement des lacs et celui-ci constatera qu'en 1963-64
alors que l'ancienne politique des clubs privés existait il y
avait dans les quatre piscicultures gouvernementales en oeufs rendus, alevins,
fretins, peu importe le total, 7,435,000 oeufs ou truites. Alors qu'on
s'apprête, évidemment, à soumettre nos lacs à une
pression extraordinaire, l'on constate qu'une année après, en
1965, au lieu de fournir les mêmes sommes, il y a eu une réduction
de trois millions et demi dans la valeur de remplacement. Ici, il est possible,
évidemment, que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche vienne me répondre: Ce que les piscicultures
gouvernementales ne fourniront pas, nous irons le chercher dans les
piscicultures privées. Je voudrais dire immédiatement à
l'honorable député de Bellechasse que, si l'on compte comme
valeur de remplacement pour la province sur ce qui peut venir des piscicultures
privées, la plupart des propriétaires de lacs artificiels
attendent encore leur commande après deux ans.
Alors, c'est dire qu'actuellement le ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche devra accentuer son effort dans la valeur de
remplacement s'il veut soustraire nos lacs à une pression jamais subie.
Et il y a également
la loi des prises journalières, qui devra être
amendée si l'on désire, évidemment, que ceux qui vont nous
suivre puissent avoir également la possibilité de pêcher
dans nos lacs. Je vais donner ici au ministre un exemple qu'il a connu je
pense. La loi actuelle de prises journalières permet à un
pêcheur de prendre 25 truites, c'est un fait. On a ouvert, l'an
passé, un nouveau territoire dans le parc des Laurentides; je pense
surtout à un lac dont on pouvait approcher à cinq milles,
à pied, auparavant, le lac à Jack.
M. LOUBIER: Pardon?
M. MAILLOUX: Le lac à Jack.
M. LOUBIER: Celui-là, vous le nommez; les deux clubs de
tantôt vous ne voulez pas les nommer.
M. MAILLOUX: Je vous parle d'un territoire public actuellement.
M. LOUBIER: Je me reprendrai.
M. MAILLOUX: Alors, le ministère l'an passé a fait un
chemin conduisant au lac à Jack. C'était une réserve
évidemment qui n'avait pas été pêchée ou
près de laquelle on avait envoyé à peu près
personne. Je me rappelle avoir pêché sur le lac à Jack au
mois de juin et, pour prendre 25 ou 50 truites, il fallait être sur le
lac environ 10 ou 15 minutes. Au mois de juillet, j'y suis
retourné...
M. LOUBIER: Pour prendre dans la même journée 50 truites?
Vous n'avez pas le droit.
M. MAILLOUX: On va dire qu'on était deux.
M. LOUBIER: Ce n'est pas correct ça, vous n'avez pas le droit de
faire ça.
M. MAILLOUX: Je n'ai pas dit que j'étais seul. J'ai dit. pour
prendre 25 ou 50 truites. Est-ce que le ministre voudrait me faire avouer que
j'ai pris 100 truites dans la journée? Ce que je désirais
connaître dans ce temps-là...
M. HARVEY: Je te donne la permission de nommer le gars qui était
avec toi.
M. LAVOIE (Laval): Ce n'est pas Maltais, en tous cas.
M. MAILLOUX: ... comme on parlait déjà de mettre plus de
clubs à la disponibilité du public, je désirais
connaître les répercussions sur un lac lorsque beaucoup de gens y
sont envoyés. Alors, au mois de juin pour prendre 25 truites, disons que
ça prenait dix minutes. Au mois d'août, il fallait pêcher
beaucoup plus longtemps pour se rendre au maximum permis par la loi. Je m'en
tiens au maximum permis par la loi. Et disons à l'automne, au mois de
septembre, ou à l'approche du 1er septembre. A ce moment-là, il y
avait bien des journées où c'était zéro. Bien,
ça veut dire quoi ça? Cela veut dire que le ministère a eu
des demandes évidemment en nombre plus considérable. Il a mis 16
Verchères sur un lac de cinq milles de long. Bien, la loi des prises
journalières, elle dit: vingt-cinq. Mais ça dit: vingt-cinq quand
; vous sortez à la barrière. Et, si je conteste ce nombre de
prises, c'est pour cette raison-là, c'est que l'individu qui a
payé $3, $5 ou $10 pour pêcher et qui a droit de sortir
journellement 25 prises, va prendre 10, 25, 50 et 100 truites et, quand il
vient à la barrière, qu'est-ce qu'il a fait? Ou il a caché
la différence, mais normalement il a gardé les 25 meilleures
prises et les autres vont dans le fond du lac.
On a déclaré, à vingt Verchères de quatre
personnes, 125,000 truites sorties du lac à Jack, si mes chiffres ne
sont pas exacts, le ministre pourra vérifier. Mais je sais qu'une
quantité aussi considérable a été vers le fond du
lac, ce qui veut dire que, si le ministre veut ouvrir un ensemble de
territoires nouveaux pour l'ensemble des gens qui sont amateurs de sports, de
chasse et de pêche, je pense que sur la quantité des prises, il va
falloir mettre le nombre de 25 de côté, donner une pesanteur
normale; mais obliger par contre celui qui a blessé un poisson à
le garder. Et je ne sache pas que les gens, dans la majeure partie des cas,
soient assez habiles pour prendre des poissons, les retourner vers un lac avec
des chances de survie.
Je pense que le ministère devra repenser à la formule des
prises journalières parce qu'actuellement c'est un désastre dans
chacun des lacs de la province avec le maximum de 25 que peut atteindre un
pêcheur dans plusieurs heures.
N'y aurait-il pas lieu également, avant de donner un libre
accès à l'ensemble du public de la province de Québec,
qu'on soit plus sévère au sujet de l'attirail des pêcheurs?
Je ne voudrais pas être offensant, mais on voit certains pêcheurs
arriver sur des territoires gouvernementaux et ça prendrait presque une
camionnette pour amener l'attirail du pêcheur, des vers, des cuillers,
des hameçons simples, doubles, triples...
UNE VOIX: C'est une histoire de pêche.
M. MAILLOUX: Non, sans histoire de pêche, il demeure un fait,
c'est que ces honorables messieurs doivent quand même comprendre que la
plupart des territoires de chasse et de pêche dans la province de
Québec sont situés dans les régions les plus
économiquement faibles.
Quand l'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche voudra que
tous ces territoires soient mis en disponibilité publique, je pense
qu'à ce moment-là il est logique qu'il change certains
règlements avant de procéder à ce que tous les clubs
soient mis à la disposition du public.
M. le Président, les compagnies forestières devront
être amenées à respecter les lois de la chasse et de la
pêche également, et ici je veux parler des « passe-truites
» je ne sais pas s'il y a un autre mot dans la langue
française, mais je pense que le ministre me comprend dans la
construction des barrages. La loi oblige les constructeurs à organiser
des facilités pour la migration des espèces et les gardiens des
clubs du ministère et tous les pêcheurs d'expérience vous
diront que la loi est systématiquement violée par toutes les
compagnies, ce qui occasionne un tort immense. Et ici, je pense que le ministre
sait que je suis sérieux. Il y a une action fondamentale sur laquelle le
ministère devra se pencher. Le ministère devra faire attention
quand il dit que les abords des lacs dans maints endroits seront offerts au
public pour la construction de chalets de villégiature. Si les
intéressés veulent faire du canotage ou du sport aquatique,
d'accord; mais qu'on ne leur laisse pas miroiter également qu'ils
pourront jouir de la pêche car à ce moment-là, ils auront
une triste déception. Et ici je veux parler des lacs dont le ministre a
parlé et qui pourraient servir d'endroits de villégiature dans
des bois résineux. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable de faire des
constructions aux abords des lacs près des grandes routes, parmi les
bois résineux, ni que ce soit un avantage pour la collectivité,
parce que, connaissant les piqûres de toutes sortes qu'infligent les
mouches qui fréquentent ces bois-là, je pense qu'à ce
moment-là c'est une triste invitation qu'on fait à nos familles.
Je pense que l'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche qui a
construit au lac Deschênes sait fort bien que ces lacs-là qui sont
aux abords des routes sont systématiquement mis à sac par les
braconniers et qu'il ne reste à peu près aucun poisson dans ces
territoires-là.
Avant de terminer sur ce sujet, je dois dire qu'une autre affirmation du
ministre m'a rendu perplexe et c'est celle-ci: Tous ceux qui seront
évincés pourront jouir de leur construction pour les seules fins
de villégiature. M. le Président, sous tous les gouvernements
antérieurs, on a permis des constructions de chalets pour fins de chasse
et de pêche, constructions souvent modestes et, dans d'autres milieux,
constructions plus vastes. Mais à quelles conditions les gouvernements
antérieurs ont-ils permis ces constructions-là? A la condition
que les droits de chasse et de pêche soient accordés à des
individus ou à des corporations. Et je comprends mal le ministre quand
il dit que le ministère de la Chasse et de la Pêche donnera une
largeur de terrain déterminée aux alentours d'une construction
donnée, que ce sera transporté au ministère des Terres et
Forêts et que les propriétaires pourront jouir, pour fins de
villégiature, des constructions qui leur appartiennent. Evidemment, M.
le Président, le ministre a nuancé un peu son opinion depuis les
quelques derniers mois, disons nuancé, ce n'est pas un terme impoli,
nuancé...
M. LOUBIER: Non, non, ça ne fait rien.
M. MAILLOUX: Je voudrais simplement reporter le ministre à
l'article 18 de la Loi de la chasse et de la pêche qui dit je
voudrais faire grâce à la Chambre de la lecture de l'article
qui dit quand même que: « Suite à une violation d'un
privilège de la Loi de la chasse et de la pêche, il est toutefois
loisible au ministre d'accorder le remboursement ou indemnité qu'il
trouve juste et équitable. «Disons que, dans la politique
d'évincement graduel que le ministre tente actuellement, il y a des
individus qui sont pauvres, qui vont être lésés dans les
investissements qu'ils ont faits en forêt. Il y en a d'autres qui sont
plus riches. Mais il y a quand même un droit fondamental; ces
investissements-là ont été faits conditionnellement aux
droits de chasse et de pêche qu'on leur retire actuellement. Je pense que
le ministère devrait organiser une commission d'expropriation, pas entre
les mains du ministre, ça deviendrait discrétionnaire, même
si j'aurais confiance en l'honorable député de Bellechasse.
Commission d'expropriation qui donnerait une valeur d'expropriation minimum et
commission gouvernementale qui pourrait évidemment fixer un prix
à payer pour des constructions dont, éventuellement, le
ministère pourra se servir.
C'est une suggestion, que je fais au ministre, et je prends la peine de
lui redire une deuxième fois que je ne voudrais pas qu'une telle action
puisse être centralisée entre les mains du ministre.
Je considère qu'une commission d'expropriation devrait exiger un
prix minimum des gens
qui, quand même, n'ont pas construit pour des fins de
villégiature. M. le Président, dois-je également ajouter
que de trop nombreux clubs de « outfitters » ne rencontrent pas les
exigences que le touriste est en droit d'exiger et qu'ils créent une
bien mauvaise renommée à notre notion de l'hospitalité.
L'association des «outfitters » aurait avantage à faire un
travail d'épuration nécessaire, je crois. Puis-je, en terminant
sur ce sujet, demander au ministre s'il ne croit pas qu'il serait souhaitable
que quelques camps des parcs nationaux soient réorganisés et
ouverts aux pêcheurs en hiver?
M. LOUBIER: C'est fait, ça.
M. MAILLOUX: Oui, vous l'avez fait évidemment dans le but
d'excursion en « skidoo », je pense, sur le boulevard...
M. LOUBIER: On l'a commencée, cette politique-là.
M. MAILLOUX: ... est-ce pour fin d'excursion ou pour la pêche
également?
M. LOUBIER: Les trois: camping, excursion et pêche.
M. MAILLOUX: Et pêche? M. LOUBIER: Bien oui.
M. MAILLOUX: Alors d'accord, je passe sur cet article-là.
Maintenant...
M. BELLEMARE: Deux pages.
M. MAILLOUX: ... M. le Président, avec les nuances que j'ai
établies et les précautions signalées, je souscrirais
volontiers à un évincement graduel et raisonné des clubs
privés. Quand j'ai parlé tantôt d'une éducation
qu'il sera nécessaire de faire dans le public, à ce
moment-là je n'ai voulu insulter qui que ce soit. J'ai dit d'abord que,
moi-même, j'étais prêt à faire mon mea culpa. Je
pense que si l'ensemble du public veut conserver une des richesses naturelles,
qui ont été les plus importantes pour nous, il est quand
même nécessaire qu'on prenne les précautions
nécessaires pour que ceux qui voudront aller à la pêche
dans les années à venir ne voient pas la richesse naturelle qui a
été notre meilleur apport touristique complètement
ruinée. Je souscrirais volontiers aux conseils qui ont été
donnés par le sous-ministre, M. Brown, devant le club de Saint-Raymond
je pense en fin de semaine dernière, où celui-ci attire l'atten-
tion de la population sportive sur des règlements qu'on voudrait voir
observés, mais toujours par les voisins.
Alors je pense que des conseils comme le sous-ministre M. Brown en a
donné sont des conseils judicieux.
M. le Président, avant de terminer, je voudrais
également au même ministère attirer l'attention de
l'honorable député de Bellechasse sur sa politique de
camping.
M. BELLEMARE: De quoi?
M. MAILLOUX: Camping. Est-ce qu'il marche, ce micro-là?
M. BELLEMARE: Je ne comprends rien. M. MAILLOUX: ... Durant...
M. BELLEMARE: L'avez-vous vu sortir de là déjà? Il
marche...
M. MAILLOUX: Pardon?
M. BELLEMARE: Vous avez demandé s'il marche; l'avez-vous vu
sortir de là?
M. MAILLOUX: Des fois. Quand le député de Champlain se
choque.
M. BELLEMARE: Cela fonctionne.
M. MAILLOUX: Evidemment à son asser-mentation.
M. HARVEY: Regardez le ministre des Affaires culturelles qui veut vous
gronder.
M. LOUBIER: Vous subissez l'influence du député de
Chicoutimi.
M. BELLEMARE: Mon dictionnaire. M. MAILLOUX: M. le
Président,..
M. LAVOIE (Laval): L'Office de la langue française.
M. MAILLOUX: ... à son assermentation, le ministre du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche, l'honorable député de
Bellechasse, a dit, partout dans la province de Québec, que le ministre
qui l'a précédé n'avait aucun plan concret, aucun plan de
terrain de camping dans la province de Québec, absolument rien de
prêt pour l'Exposition de 1967.
Et, par la suite, le ministre a annoncé en
plus, pour la région urbaine du Québec, des montants
substantiels (il ne marche pas souvent) des montants substantiels pour
l'île d'Orléans, ou la région urbaine de Québec.
Tant mieux pour eux. Je voyais également un autre article où il
est question que toute la rive sud verra plusieurs terrains de camping
organisés de Lévis à Gaspé; ce coin-là de la
province en a également besoin. Mais s'il y avait eu immobilisme de
l'ancien ministre...
DES VOIX: Voyons donc! Vous êtes fatigué.
M. MAILLOUX: M. le Président, il semble que, pour les membres de
l'Opposition, il ne soit pas possible de faire une faute de langage sans que
ça devienne une farce.
UNE VOIX: La croix des Iles-de-la-Madeleine!
Si l'ancien titulaire du ministère a été
accusé d'immobilisme, disons que chez nous, sur la Côte-Nord, il y
avait un projet qui avait été préparé, non pas pour
des fins politiques.
M. LOUBIER: Lequel ça?
M. MAILLOUX: Le projet de Saint-Siméon qui a été
proposé devant les officiers des ministères concernés dans
le temps, Chasse et Pêche, Tourisme et Voirie.
M. LOUBIER: A quelle date? Quand ça? L'an passé?
M. MAILLOUX: Il a été annoncé non pas par le
député de Charlevoix mais par le Conseil d'orientation
économique de la Côte-Nord le 9 mars 1966 et l'élection
n'étaitpas déclarée dans ce temps.
M. LOUBIER: Si le député me permet je ne veux pas
être disgracieux à son endroit mais cette annonce a
été faite par le Conseil d'orientation économique, mais ce
n'est pas une autorité directement liée avec la
responsabilité gouvernementale. Cela ne relève pas du
ministère du Tourisme, pour dégager mes
prédécesseurs qui ne s'étaient pas engagés, parce
que c'est un comité indépendant et paragouvernemental.
M. MAILLOUX: Je voudrais tout simplement dire que des projets
étaient très concrétisés et le projet qui avait
été amené par le Conseil d'orientation économique
de Charlevoix et d'une partie de la Côte-Nord, il avait été
situé sur Saint-Siméon pour la raison suivante.
C 'est que Saint-Siméon est le carrefour de plusieurs routes.
C'est à l'arrivée de la traverse qui vient de la rive Sud,
Rivière-du-Loup-Saint-Siméon. C'est à l'arrivée de
la route 16 qui vient du comté de Dubuc. C'est à l'arrivée
de la nouvelle route qui vient de Sacré-Coeur, de la route qui vient de
la Côte-Nord et de la route 15 qui va de La Malbaie-Québec, et en
montant. Je pense qu'il n'y avait aucune action politique dans l'organisation
et dans la localisation de ce terrain de camping. Le ministère qui a
fait prendre des procédures sur les lots 51, 52 et 53, a fait consentir
au propriétaire, qui n'est pas un de mes amis politiques parce
que je sais que c'est un de mes adversaires celui-ci a consenti à
vendre le terrain à un prix minima afin que le gouvernement puisse y
organiser le terrain de camping en question.
Je ne blâme pas le ministre de vouloir favoriser ses amis
politiques de la rive sud ou de la région de Québec, c'est son
droit, mais je pense que les gens de Charlevoix payent également des
taxes et que c'est leur droit, dans une des régions les plus
touristiques de la province de Québec d'espérer également
avoir les facilités qu'on annonce pour d'autres régions. En
terminant, je voudrais simplement attirer l'attention du gouvernement sur une
dernière lacune dont souffrira notre région dans quelques
jours.
La compagnie des chemins de fer nationaux vient d'annoncer une
décision qui n'est pas de nature à relever l'économie de
Charlevoix et de la région. En l'an 1965, je crois, la compagnie Canada
Steamship retirait ses navires du Saint-Laurent et de fait créait un
tort immense à la région de Charlevoix, Chicoutimi, Tadoussac et
les environs. Nous pensions évidemment que d'autres moyens de transport
n'en souffriraient pas, et, il y a quelques jours, la compagnie des chemins de
fer nationaux a annoncé que dans un avenir prochain, les chemins de fer
nationaux voulaient retirer le train de passagers La Malbaie-Québec. Je
pense que le gouvernement devra attirer l'attention du gouvernement
fédéral sur les subsides qui sont payés dans certaines
régions de l'Ouest canadien. Il est certain que le chemin de fer
Québec-Malbaie pour les passagers est déficitaire. C'est un fait
indéniable. Mais, par contre, les Chemins de fer nationaux retirent un
profit abondant du trafic des marchandises. Je sollicite de la part du
gouvernement provincial une action auprès des autorités
gouvernementales pour que la situation soit étudiée et qu'avant
qu'un tel geste soit posé, l'on sache que c'est encore une autre des
régions économiquement faibles du Québec qui sera
définitivement défavorisée.
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER: M. le Président, évidemment, je n'avais pas
l'intention d'intervenir dans le débat, mais, étant donné
que le député de Charlevoix a émis certains doutes, a
posé certains points d'interrogation quant à la politique que
nous entendions suivre au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, étant donné qu'il s'est permis même certaines
allusions que je qualifierais bien gentiment d'insidieuses et, étant
donné qu'il a soulevé une foule de points qui, à mon sens,
tracassent plusieurs députés de cette Chambre, il m'incombe de
tracer très succinctement la philosophie du ministère du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, les projets que nous avons
déjà amorcés et ceux que nous nous proposons de mettre de
l'avant au cours des prochains mois.
Evidemment, M. le Président, il faudrait reprendre le tableau
d'avant le 5 juin 1966 et celui d'après le 5 juin 1966. Evidemment,
à ce moment-là, M. le Président, il y a certains de mes
amis d'en face qui verront tout de suite mon désir de me rallier sur le
plan politicailleur de la question. Je pense que, pour la bonne
compréhension du problème et également étant
donné la surprise générale qu'a pu causer l'attitude de
notre ministère, il faut évidemment, à ce
moment-là, M. le Président, faire montre des deux portraits.
En 1959, M. le Président, il y avait dans la province de
Québec environ 1,200 clubs privés. En 1965, au-delà de
2,200 clubs privés, dans l'espace de cinq ou six ans, donc pratiquement
le double. Et je me souviens, par exemple, de la campagne menée par le
premier ministre du temps, par celui qui vient de m'interrompre, le
député de 282 voix, de Drummond, qui se promenait dans la
province pour abolir un régime seigneurial de grands seigneurs, de
grands maîtres, de favoritisme, un régime qui favorisait
simplement quelques amis, quelques grands potentats du parti. Or,
c'était non seulement le vent mais la bourasque de la démocratie
qui déferlait sur le Québec avec nos amis d'en face.
Dans ce secteur des richesses naturelles, richesses naturelles qui, en
définitive, appartiennent au peuple, en propre, dans ce
domaine-là, au lieu de se conduire en grand démocrate, au lieu de
rendre accessibles au peuple les richesses naturelles qui appartiennent au
peuple, on a multiplié partout, de façon souterraine, et pour
favoriser certains amis du régime et que j'en vois un seul de
l'autre côté dire que ce n'est pas vrai, qu'il vienne à mon
ministère, il aura les dossiers pour favoriser des amis du
régime en place. On a même déplacé des gens qui
s'étaient conduits de façon très honnête dans le
passé, simplement pour faire du favoritisme politique et on a pris les
clubs à 1,200 dans la province, on les a mis à 2,200, et on nous
disait qu'on faisait de la grande démocratie et qu'on rendait accessible
au peuple, sans patronage, sans aucun favoritisme ce qui appartenait au
peuple.
M. VAILLANCOURT: Cela a été des subdivisions de
territoires.
M. LOUBIER: Ah! ça c'est suave, ça, évidemment...
M. le Président, quand j'entends le député de Stanstead,
je me souviens, l'an passé, je pense que c'était le
député de Champlain qui V avait interrompu, et le
député de Stanstead avait dû, à un moment
donné parler de la gratuité scolaire et il nous avait dit
à ce moment-là: La gratuité scolaire, cela ne veut pas
dire que ça coûte rien. Or, gratuit cela ne voulait pas dire que
cela ne coûtait rien. Or, je comprends qu'aujourd'hui, il ne peut pas se
rentrer dans la tête que le patronage, subdivision, et puis tout
ça, ce n'était pas pour lui; il ne comprenait pas ça, il
ne comprend pas la définition des termes dans ce domaine-là. Tout
dépend de sa place en Chambre.
M. PINARD: A l'ordre!
M. LOUBIER: Mais quand on parle de subdivisions, est-il normal, par
exemple, que l'on ait accordé à un membre de cette Chambre qui
n'est pas de ce côté-ci de la Chambre, un territoire assez vaste
et qu'on ait été obligé d'aller gruger sur des clubs
voisins pour faire plaisir au monsieur? Ce n'est pas de la subdivision,
ça?
M. VAILLANCOURT: Nommez-le.
M. LOUBIER: Est-il normal à ce moment-là que dans d'autres
territoires on ait enlevé des locataires de clubs qui étaient
là depuis 10, 12 et 15 ans, qui avaient deux ou trois lacs et que pour
faire plaisir à un organisateur du parti ou pour faire plaisir à
un ami du député, quand ce n'était pas directement au
député, comme je l'ai retrouvé dans les dossiers, un de
nos charmants collègues de la Chambre s'est fait accorder un club de
pêche dans le parc national, et ce n'est pas un député de
ce côté-ci. Vous appelez ça de la subdivision? Vous appelez
ça de l'honnêteté distributive? Eh bien! M. le
Président, dans ce domaine-là alors qu'il y avait...
M. MAILLOUX: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question au député de Bellechasse?
M. LOUBER: Pardon?
M. MAILLOUX: Est-ce que je pourrais vous poser une question?
M. LOUBER: Oui, évidemment.
M. MAILLOUX: L'honorable député de Bellechasse vient de
déclarer que depuis 1960 certains membres de l'Opposition se sont fait
donner des territoires de chasse et de pêche.
M. LOUBER: Oui.
M. MAILLOUX: Est-ce que l'honorable député de Bellechasse
serait prêt à donner les noms...
M. LOUBER: Oui.
M. MAILLOUX: ... de tous les membres de cette Chambre...
M. LOUBER: Oui.
M. MAILLOUX: ... qui ont des territoires de chasse et de
pêche?
M. LOUBER: Oui.
M., MAILLOUX: ... et à en fournir une documentation
précise à cette Chambre?
M. LOUBER: Oui. Est-ce que vous voulez les noms de ceux que je viens de
mentionner?
M. MAILLOUX: De tous les membres de cette Chambre.
M. LOUBER: Les voulez-vous tout de suite?
DES VOIX: Oui, oui.
M. PINARD: Des deux côtés.
M. LOUBER: Voici, on m'a demandé les deux noms que je viens de
mentionner. Il s'agissait premièrement...
DES VOIX: Non, non, des deux côtés.
M. LOUBER: ... dans le premier cas, M. le Président,...
UNE VOIX: De tous les membres de cette Chambre.
M. LOUBER: ... dans le premier cas, M. le Président, il
s'agissait du député de Portneuf, M. Marcellin Laroche, qui s'est
fait donner un club dans le parc national, dans le parc, ce qui est encore
pire...
M. MAILLOUX: D'accord.
M. LOUBER: ... dans ce qu'on appelle un sanctuaire où on ne doit
pas tolérer, ou le moins possible, de clubs privés.
Deuxièmement..,
M. MAILLOUX: Est-ce que je pourrais suggérer au
député que, dans ce cas-là, je n'insiste pas?
M. LOUBER: ... vous voulez l'autre nom. Il s'agit du frère du
député de Duplessis qui était député de
l'Assomption, qui est allé gruger...
M. PINARD: A l'ordre!
M. LOUBER: ... on m'a demandé les noms, je vais les donner.
M. PINARD: Donnez tous les noms.
M. LOUBER: ... qui est allé gruger sur un club voisin d'autres
lacs. En voulez-vous d'autres? Evidemment, je ne voudrais pas parler des lacs,
épinards ou Popeye, fils de...
M. MAILLOUX: Les honorables ministres...
M. LOUBER: ... mais il y a d'autres noms. Si vous les voulez, je vous
les donnerai, parce que depuis que nous sommes au ministère, depuis que
nous sommes au gouvernement, il n'y a eu aucune pression...
M. PINARD: Je n'ai pas de club, moi.
M. LOUBER: ... de la part du premier ministre actuel pour essayer
d'enrayer la démocratisation des loisirs, de rendre accessibles toutes
les richesses naturelles au peuple et d'avoir une politique rationnelle, une
élimination rationnelle et graduelle des clubs privés,
contrairement à l'ancien premier ministre de la province de
Québec. Et s'il veut des preuves, je lui en donnerai à lui
aussi.
M. MAILLOUX: M. le Président, l'honorable député de
Bellechasse remarquera l'ensemble des clubs privés de la province qui
ont été donnés de 1936 à 1945.
M. LOUBIER: M. le Président...
M. MICHAUD: Est-ce que le ministre me permet une question, M. le
Président? Est-ce que le ministre me permet une question?
M. LOUBIER: A vous, je ne le sais pas. M. MICHAUD: Prenez ça en
délibéré. M. LOUBIER: Non, mais parlez-moi. M. MICHAUD:
Prenez ça en délibéré, là.
M. LOUBIER: Ne me parlez pas avec des mots de trois verges; dites-moi
ça facilement.
M. MICHAUD: Est-ce que le ministre peut affirmer que lorsqu'il a
annulé les 219 baux, d'ailleurs il a assez fait de publicité
alentour de ça...
M. LOUBIER: La question est mal posée: 290.
M. MICHAUD: ... qu'il n'a reçu aucune espèce de pression
de la part de ses collègues du cabinet ou de la part de ses
collègues députés de l'Union Nationale? Il peut affirmer
ça en Chambre?
M. LOUBIER: M. le Président, aucun de mes collègues du
cabinet n'a exercé des pressions pour me faire changer d'idée. Il
y a eu des collègues des deux côtés de la Chambre,
députés de l'Opposition comme députés du pouvoir
qui m'ont fait des remarques, qui m'ont fait des suggestions, qui m'ont fait
des recommandations, qui m'ont fait des mises en garde mais aucun de mes
collègues du cabinet n'a fait de pression au point d'aller jusqu'aux
menaces; aucun de mes collègues du cabinet. Et je leur en rends hommage
aujourd'hui.
Plusieurs m'ont fait des suggestions, des recommandations; certains,
gentiment, m'ont mis en garde contre certains risques, contre certains dangers,
mais aucun, de façon directe ou indirecte, n'a exercé son
influence ou n'a voulu faire du chantage auprès de moi pour me faire
changer de politique ou essayé de faire changer une décision que
le ministère avait prise.
M. le Président, quand on parle des clubs privés, je sais
que le député de Charlevoix l'a fait de bonne foi tout à
l'heure, mais est-ce qu'on s'est déjà entré dans la
tête que cette formule archaïque, que cette formule que je qualifie
encore de régime féodal, d'anachronisme au 20e siècle,
dans cette civilisation des loisirs, n'existe pas telle quelle nulle part
ailleurs au Canada, n'existe pas aux Etats-Unis, est disparue même en
Europe, mais au Québec on a voulu conserver ce vestige de colonialisme
poussiéreux, détestable, qui fait que dans le peuple, pour le
gros peuple, toutes ces richesses naturelles ne sont pas accessibles. Quand on
parle de 1,200, 1,500 ou de 2,000 clubs privés, a-t-on
déjà songé que ces clubs-là, ces
territoires-là, devenaient les fiefs d'au plus 15,000 à 20,000
citoyens privilégiés du Québec, alors que, dans le
Québec, il y a actuellement de façon pratique et active,
au-delà de 600,000 sportifs qui pratiquent ou qui voudraient pratiquer
le sport de la chasse et de la pêche, et l'on continuerait,
décemment et en toute quiétude, de maintenir ce régime
injuste, inéquitable, condamnable dans tous ses aspects, pour satisfaire
qui? Une vingtaine de mille personnes. Admettons que, parmi ce volume de 12,000
ou 15,000 personnes, 20,000 personnes, admettons que, parmi ce
groupe-là, il y en a 4,000 ou 5,000, 3,000 peut-être, qui sont des
petits bourgeois ou des collets blancs ou des ouvriers; mais à 80% ce
sont des gens qui sont favorisés par la fortune, à 80% et...
M. MAILLOUX: M. le Président...
M. LOUBIER: ... à ce moment-là, évidemment, 3,000
ou 4,000 ouvriers ou collets blancs qui se voient enlever leur club
privé; mais c'est justement pour le petit peuple, pour les gagne-petit,
pour les ouvriers, pour les collets blancs, pour ceux qui ont un revenu moyen
que nous voulons...
M. MAILLOUX: Est-ce que le député de Bellechasse me permet
une question?
M. LOUBIER: ... rendre accessibles les lacs, les rivières du
Québec qui appartiennent au peuple et à ce
moment-là...
M. MAILLOUX: Est-ce que l'honorable député me permettrait
une question?
M. PROULX: Evidemment! M. LOUBIER: Evidemment.
M. MAILLOUX: Il m'en a posé des questions pendant une demi-heure
de temps.
M. LOUBIER: Evidemment.
M. MAILLOUX: Est-ce que l'honorable député est conscient
que, des 300 clubs qui ont
été évincés les premiers, ce sont les plus
pauvres qu'on a évincés de la forêt et non pas les plus
riches? Il y a dix exceptions.
M. LOUBIER: M. le Président, je trouve même malheureux
qu'il y en ait deux, dont le député de Gouin, qui est le plus mal
placé pour applaudir à l'affirmation gratuite, fausse et
malhonnête qu'on vient de faire, parce que, dans l'élimination des
clubs privés qu'on a faite, il y a même, si vous voulez un exemple
frappant. M. le Président, on parle de pauvres, on parle d'ouvriers
qu'on a évincés au début, il y a même un personnage,
un de mes amis qui occupe un poste assez important et prestigieux dans...
M. MAILLOUX: D'accord.
M. LOUBIER: ... la province, qui peut avantageusement se comparer au
point de vue financier à chacun de nous, un homme qui est un de mes amis
depuis plusieurs années et lié de façon très
intime, et ç'a été un des premiers clubs à sauter.
Celui-là, c'est le propre chef du Cabinet du premier ministre, M. Mario
Beaulieu.
M. MAILLOUX: Est-ce qu'il a suivi la loi?
M. LOUBIER: Ce fut un des premiers clubs à sauter, il y a eu
également des clubs privés qui ont sauté, et le
député...
M. MAILLOUX: Oui.
M. LOUBIER: ... que le député sache bien, et il pourra
aller faire sa petite vérification auprès des employés de
mon ministère...
M. MAILLOUX: Je ne suis pas intéressé.
M. LOUBIER: ... mes sous-ministres. Je demandais même que tous
ceux qui répondent pas aux exigences ou qui vont tomber sous l'emprise
géographique d'une réserve, ne m'en donnez même pas les
noms. Vous seriez curieux de savoir combien d'amis du régime, combien
des puissants de ce monde, ont été évincés parmi
ces petits clubs.
M. MICHAUD: M. le Président, le ministre me permettrait-il une
question d'information?
M. LOUBIER: Et vous comprendrez aussi qu'il y a même eu des
personnages...
M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que le ministre me
permettrait une question d'information?
M. LOUBIER: ... qui occupent dans le monde de la finance des postes
souverainement importants dans le Québec qui ont sauté, et je
trouve que l'affirmation du député de Charlevoix est faite de
mauvaise foi, de façon insidieuse et qu'elle est contraire au fait.
M. PINARD: A l'ordre.
M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que le ministre peut me
permettre une question d'information?
M. MAILLOUX: J'ai l'impression évidemment que l'affirmation que
vient de faire le député de Bellechasse n'est pas honnête.
Les exemples que nous avons dans le comté de Charlevoix et qui ont
été évincés définitivement, ce sont les
clubs les plus pauvres qui ont été évincés. Que ce
soit le Sans-Pareil, le...
M. LOUBIER: M. le Président...
M. MAILLOUX: ... je peux tous vous les nommer.
M. LOUBIER: Est-ce que le député veut un petit exemple des
clubs les plus pauvres? Mon bon ami Martial Asselin, député
fédéral conservateur...
M. MAILLOUX: En violation de chasse et pêche.
M. LOUBIER: ... j'ai vu sauter son club un des premiers.
M. MAILLOUX: Des orignaux quinze jours avant le temps.
M. LOUBIER: J'ai vu même, si vous en voulez des exemples, on n'a
rien à cacher...
M. MAILLOUX: Ce n'est pas parce qu'il est ministre ou
député qu'il a droit de violer le règlement.
M. LOUBIER: Un autre exemple, un des premiers qui a sauté,
ç'a été le club de mon beau-frère, François
Labbé, de Thetford-Mines, dans le bout de Rimouski. Alors, je pense que
les insinuations et les affirmations gratuites...
M. MAILLOUX: Ce sont les plus pauvres.
M. LOUBIER: ... du député de Charlevoix devraient
être retirées.
M. MICHAUD: La question des baux va permettre à combien de
personnes de fréquenter ces territoires qui ont été
annulés?
M. LOUBIER: Pardon?
M. MICHAUD: Les 290 baux que vous avez annulés, vont permettre au
petit peuple dont vous parlez, à combien de personnes l'accès
à ces territoires-là?
M. LOUBIER: J'y vais, patientez. Le député de Charlevoix a
également parlé des parcs de la province. Or, à cause de
l'immobilisme complet du gouvernement précédent dans ce secteur,
à cause du manque de planification total, à cause d'une absence
de pensée complète dans ce secteur si important pour la vie d'un
peuple, le Parc National, par exemple, des Laurentides, était
exploité lors de la prise du pouvoir par le gouvernement de l'Union
Nationale, à 10% de son rendement.
M. MAILLOUX: Il n'y a pas de chemin d'accès.
M. LOUBIER: Durant six ans, trouvez-moi les investissements qu'on a
faits pour rendre accessible le Parc national des Laurentides à la
population limitrophe de Québec ou aux gens qui auraient voulu s'y
rendre, rien.
M. MAILLOUX: C'est comme au lac à Jack.
M. LOUBIER: Deuxièmement, M. le Président, des clubs
privés, élimination, on l'a dit, de façon rationnelle et
de façon graduelle. De façon rationnelle, nous ne voulons pas de
façon insensée, brutale, du jour au lendemain, faire sauter tous
les clubs privés de la province de Québec parce que c'est
absolument impensable. Ce serait indécent à tous les points de
vue, et le gouvernement ne pourrait jamais, d'une façon aussi brusque,
accorder la surveillance, la protection et assurer la perpétuation du
gibier. Nous le ferons de façon graduelle, et avec quelle
modalité? Graduelle, d'abord ceux qui n'ont jamais respecté leurs
baux, ceux qui n'ont jamais respecté la clause 5 qui les obligeait
à avoir un gardien durant une période de six mois et ceux qui
également se sont rendus coupables d'infractions à
répétition. Vous seriez surpris de voir combien de nos amis des
clubs privés se sont rendus coupables d'infractions sur les territoires
qui étaient en location. Mais ici, M. le Président, vous me
permettrez une petite parenthèse.
Evidemment durant un demi-siècle les clubs privés et les
locataires en grande partie ont rendu un immense service à la population
du Québec, parce qu'en général ces gens-là ont fait
en sorte de se conduire de façon honnête pour assurer la
protection de la faune aquatique et terrestre. On doit leur rendre hommage
d'avoir pour le peuple, pour la province, en un temps autre que celui où
nous vivons étant donné que les circonstances ont
changé agi de façon efficace, de façon
honnête. Mais, M. le Président, de façon graduelle, ceci
veut dire également que nous devrons respecter les besoins sociologiques
et les besoins touristiques du Québec; besoins sociologiques à
cause des heures de travail qui il y a 5 ou 10 ans, étaient de 50, 60
heures par semaine de travail normal. Aujourd'hui, elle est rendue à 40
heures et on prétend, avec la projection qu'on a pour le futur, que,
d'ici 4 ou 5 ans, la semaine de travail ira chercher 30 à 32 heures
d'occupation pour l'ouvrier.
Or, l'ouvrier moyen, le petit bourgeois, le collet blanc, aura 50 heures
par semaine à faire quoi? Cela allait bien il y a quelques
années, lorsqu'il travaillait 50 ou 60 heures; il était
ruiné physiquement à la fin de la semaine. Il arrivait chez lui
le samedi soir et le seul divertissement qu'il pouvait se payer, c'était
d'aller se chercher une caisse de bière au coin ou à
l'hôtel, de prendre sa caisse de bière, de se coucher pour essayer
de se reposer, à demi-gris, et, le dimanche matin, d'aller à la
messe, une petite balade dans l'après-midi avec sa famille et il se
recouchait le dimanche, pas trop tard, parce que le lundi matin, il fallait
qu'il retourne à l'ouvrage à six heures. Mais, en 1966, cet
ouvrier-là finit de travailler très tôt le vendredi, il ne
recommence que le lundi à huit heures. Est-ce qu'il doit aller chercher
dix caisses ou vingt caisses de bière pour passer sa semaine?
Or, nous voulons lui procurer du divertissement, de l'évasion; il
en a besoin sur le plan physique, il en a besoin sur le plan physiologique, il
en a besoin sur le plan familial aussi. Et c'est justement en rendant
accessible, en assurant une élimination graduelle, à la mesure
des besoins sociologiques de la population du Québec, que nous pourrons
répondre à cet impératif et remettre au peuple de
façon graduelle ce qui appartient au peuple.
M. le Président...
M. MAILLOUX: Est-ce que le député de Bellechasse me
permettrait de poser une question?
M. LOUBIER: Evidemment.
M. MAILLOUX: Vous avez parlé tantôt d'ordre graduel
d'évincement. Dans les 300 clubs ou presque...
M. LOUBIER: Pardon?
M. MAILLOUX: Dans les 300 clubs ou presque qui ont été
évincés jusqu'à présent, est-ce que le ministre du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche voudrait affirmer en cette Chambre
que, ce printemps, le ministère est en mesure de mettre 50% de ces clubs
à la disposition du public?
M. LOUBIER: J'y viens, M. le Président. M. MAILLOUX: Cinquante
pour cent?
M. LOUBIER: J'y viens, M. le Président. Je suis rendu dans le
graduel; je m'en viens au rationnel. Dans le graduel, le député
va peut-être comprendre plus; dans le rationnel, je ne le sais pas, mais
je m'en viens là.
M. le Président, nous allons procéder de façon
rationnelle; ceci veut dire que nous voulons au fur et à mesure que
l'élimination graduelle des clubs privés se fait, les rendre
accessibles au public; nous voulons en assurer la surveillance, le
contrôle, et, M. le Président, àce moment-là, je
m'incline publiquement et je fais amende honorable devant mon cher
collègue, le ministre des Finances, c'est que je suis en mesure
d'affirmer que nous pourrons avoir, par notre budget de cette année,
au-delà de 61 gardes-chasse de plus qu'il y en avait l'an passé.
Vous me permettrez ici une autre petite parenthèse bien juteuse...
M. MAILLOUX: On vérifiera.
M. LOUBIER: ... c'est qu'il n'y a pas plus de gardes-chasse en 1967,
dans le Québec, qu'il y en avait en 1960.
M. MAILLOUX: C'est normal.
M. LOUBIER: Qu'il y en avait en 1960.
M. MAILLOUX: C'est le même nombre de parcs.
M. LOUBIER: Voilà le plus crapuleux immobilisme que nous n'ayons
jamais connu dans ce domaine, et par l'incurie...
M. MAILLOUX: Il y a plus de poissons qu'il y en aura dans cinq ans, par
exemple.
M. LOUBIER: ... l'inertie, l'inconséquence, l'ignorance, du
gouvernement précédent dans ce domaine-là, le
Québec a rétrogradé, a reculé de dix ans
vis-à-vis toutes les autres provinces, puisqu'on n'a même pas eu
le sens des responsabilités, la prudence de pouvoir au moins assurer de
façon décente la protection, la conservation de la faune
aquatique et terrestre depuis six ans dans le Québec. Et nous, nous
prenons nos responsabilités, nous allons prendre les bouchées
doubles et nous allons assurer la protection et le perpétuation du
gibier dans le Québec, mais au service du peuple, non pas à la
disposition de certains privilégiés ou favoris du parti au
pouvoir.
M. le Président, de façon rationnelle, en plus des
gardes-chasse que nous allons multiplier et parsemer partout dans la province,
nous allons créer, dès cette année, trois ou quatre
réserves, trois ou quatre réserves qui vont comprendre ou
circonscrire sur un territoire donné, 50, 75, 100, 125 lacs qui,
préalablement, étaient la possession et sous le contrôle
seigneurial de quelques familles privilégiées. Vous avez, par
exemple, dans une région où nous allons créer une
réserve, 11 familles, pas du Québec, qui contrôlaient un
territoire de 150 milles carrés et qui pouvaient jouir de tous les
privilèges imaginables sur 126 lacs. Or, nous avons fait sauter ces
clubs privés-là, et ce n'étaient pas des petits, veuillez
m'en croire. Ce n'étaient pas des petits, c'étaient des
millionnaires en partie. Nous avons fait sauter ces clubs-là. Nous
allons faire une réserve avec quatre barrières pour
contrôler les entrées et les sorties. Nous allons mettre sur ce
territoire-là pour le patrouiller, le surveiller, vingt à
vingt-deux personnes. Nous allons avoir un biologiste qui va s'occuper
d'assurer l'aspect scientifique de la reproduction ou de la perpétuation
du gibier, et ceci va permettre, dans le district de Pontiac, à 6,000 ou
7,000 citoyens du Québec ou à des touristes d'aller pratiquer ce
sport, ce qui aura des répercussions économiques bienfaisantes
pour tout ce petit secteur au lieu de favoriser de façon excessive 10
à 11 familles qui y allaient deux ou trois fois par année.
Nous allons avoir une autre réserve...
M. FOURNIER: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. LOUBIER: Bien, écoutez là, vous me demanderez ça
tantôt à la queu-leu-leu. Or, nous allons avoir une autre
réserve dans la région de
Québec, nous allons en avoir une autre dans le bout de Gatineau,
c'est en marche.
M. LESAGE: Réservons-le pour la prochaine séance.
M. LOUBIER: Et nous aurons, M. le Président, nous voulons faire,
dans toutes les régions de la province de Québec, des
réserves ou des endroits où le peuple pourra se rendre à
prix modique pour pratiquer le sport de la pêche ou de la chasse, et
même là, M. le Président, le député de
Charlevoix semble s'attarder de façon maladive à la grosse prise
ou au volume, au nombre des poissons...
M. MAILLOUX: En aucune façon.
M. LOUBIER: ... 25, 50, 75. Il y a deux facteurs qui font que les gens
du Québec, que les ouvriers, que les gagne-petit ont besoin d'y aller.
Evidemment il y a la satisfaction de prendre du gibier, mais il y a aussi ce
besoin psychologique, psychique, de la détente, de la
récréation, de se voir en contact avec la grande nature, de se
savoir détendu, c'est ça que nous voulons.
M. LESAGE: C'est également un besoin physique, ce n'est pas
seulement un besoin psychologique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce qu'il a dit, cher ami.
M. LESAGE: C'est donc fin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est comme avoir un chalet au lac
Beauport.
M. LOUBIER: Le chef de l'Opposition, pour moi, ses batteries sont
à terre, il faudrait qu'il augmente son acoustique, il n'a pas compris
tantôt.
Mais, M. le Président, il y a également ce besoin qu'il
faut satisfaire et, à ce moment-là, il y a les tenants des deux
thèses, aux antipodes, ceux qui s'alarment par exemple et disent: C'est
l'élimination subite.
M. LESAGE: Ce serait excellent pour continuer à la prochaine
séance. Il est neuf heures.
M. LOUBIER: Bien, ça aurait pris cinq minutes.
M. LESAGE: Il est neuf heures.
M. LOUBIER: Moi, ça ne me fait rien. J'aime ça que le chef
de l'Opposition insiste, parce qu'il reprochait justement au premier ministre
à un moment donné d'arriver en retard et là on lui demande
cinq ou dix minutes pour avancer les travaux de la Chambre, il ne veut pas.
M. LESAGE: Il a été convenu que nous ajournions à
neuf heures ce soir afin que le parti de l'Opposition et le parti
ministériel puissent tenir des caucus respectifs de leur parti. Cela a
été entendu à six heures.
M. LOUBIER: Très bien, on ajourne.
M. LESAGE: Je m'excuse. J'aimais fort entendre le député
de Bellechasse, c'est un excellent orateur, toujours agréable.
M. LOUBIER: Très bien, ça me fait plaisir, ce sont des
vérités qui sont belles à entendre.
M. LESAGE: C'est une entente que je voudrais voir respecter.
M. LOUBIER: Je demande l'ajournement du débat.
M. JOHNSON: Dix heures, M. le Président, si tel est le bon
vouloir de ces messieurs.
M. LESAGE: Très bien.
M. JOHNSON: L'ordre évidemment, c'est le bill 25. De consentement
unanime, ou par motion d'urgence.
M. LESAGE: Le bill 25.
M. PINARD: Ne bougez pas, c'est le bill 25!
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, la Chambre ajourne ses travaux
à demain matin, dix heures.