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Version finale

28e législature, 1re session
(1 décembre 1966 au 12 août 1967)

Le vendredi 10 février 1967 - Vol. 5 N° 22

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Onze heures du matin)

M. PAUL (Président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. JOHNSON: c), s'il vous plaît.

Bill no 25

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la première lecture d'une Loi assurant le droit de l'enfant à l'éducation et instituant un nouveau régime de convention collective dans le secteur scolaire. La motion est-elle adoptée?

M. LESAGE: Explication.

M. BERTRAND: M. le Président, ce projet a pour but de mettre fin, dans les 48 heures de sa sanction, aux grèves d'instituteurs qui sévissent présentement au Québec et de prolonger, jusqu'au 30 juin 1968, certaines conventions collectives et de mettre en place un mécanisme en vue de la négociation à l'échelle provinciale. Aucun instituteur, visé par ce projet, ne subira une baisse de traitement. Tous auront droit à une augmentation de rémunération. Les organismes les plus représentatifs des instituteurs et des commissions scolaires devront conseiller le gouvernement sur les questions qui feront l'objet d'une négociation provinciale.

M. LESAGE: M. le Président, une question préalable. Première question: est-ce que le projet de loi est prêt pour distribution?

M. BERTRAND: Le premier ministre va répondre.

M. JOHNSON: M. le Président, on a remarqué l'absence du ministre de l'Education des séances, hier et les jours précédents...

M. LESAGE: La vôtre aussi, sans doute.

M. JOHNSON: ... et pour cause. Quant à la mécanique d'impression et de distribution, voici: nous espérons avoir le bill pour distribution dans quelques heures...

M. LESAGE: Dans quelques heures, ça veut dire quoi?

M. JOHNSON: Au plus tard vers trois heures, m'a-t-on assuré.

M. LESAGE: Est-ce que c'est l'intention du premier ministre de proposer que la Chambre siège cet après-midi?

M. JOHNSON: Oui, M. le Président, et dès que le bill aura été distribué, si tel est le désir de l'Opposition, nous pourrons même ajourner la séance d'une heure, ou deux, ou trois, s'il le faut, pour permettre aux députés de tenir des caucus de part et d'autre et examiner le projet en groupes.

M. LESAGE: M. le Président, je reconnais la générosité du premier ministre. Depuis des semaines et des semaines, le gouvernement hésite...

M. JOHNSON: Est-ce une question?

M. BELLEMARE: Ce n'est pas un discours...

M. LESAGE: M. le Président, en vertu de l'article 114, il est loisible de discuter de la marche des travaux de la Chambre. Le gouvernement hésite depuis des semaines et des semaines, il ne sait pas comment procéder et étudie...

M. BELLEMARE: A l'ordre!

M. LESAGE: ... toute la question à des consultations, et voici que l'on veut forcer l'Opposition à prendre, à adopter une attitude dans l'espace de quelques heures. C'est souverainement injuste. M. le Président, nous examinerons le projet de loi aussitôt qu'il sera distribué et nous serons alors en mesure d'avoir un caucus préliminaire et, par la suite, l'Opposition pourra, à la lumière de ce que contiendra le projet de loi, donner une réponse au premier ministre.

Maintenant, il y a une question préliminaire à laquelle il serait important, je crois, d'avoir une réponse. Est-ce que le projet de loi prévoit l'arbitrage obligatoire ou non?

M. JOHNSON: Je vais répondre à ça, M. le Président. D'abord, il n'est pas exact de dire que nous voulions forcer l'Opposition. Si, au bout de quelques heures, tel est le désir de l'Opposition, on ne se sent pas prêt à la discu-

ter, on nous le dira et on accordera un délai additionnel, sans...

M. BERTRAND: C'est tout.

M. JOHNSON: ... difficulté. Il ne s'agit pas de faire avaler le projet de loi de force...

M. LESAGE: Il y a le règlement.

M. JOHNSON: ... mais, s'il est possible au bout de quelques heures de délibération, de s'entendre pour en attaquer l'étude tout de suite, nous y verrons. Quant à ces délais additionnels, nous sentons qu'il serait raisonnable de les accorder s'ils sont demandés par l'Opposition, et là, nous n'aurons pas d'objection à les accorder.

M. LESAGE: M. le Président, il ne s'agit pas d'accorder des faveurs à l'Opposition. C'est l'opposition qui fera des faveurs au gouvernement...

M. JOHNSON: Non, non...

M. LESAGE: ... parce que les règlements disent qu'il ne peut y avoir qu'une lecture par séance...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: C'est donc l'Opposition qui consentira, non pas le gouvernement qui consentira.

M. JOHNSON: M. le Président...

M. BELLEMARE: On peut faire la deuxième lecture puis la troisième lecture demain.

M. JOHNSON: ... je ne veux pas au départ envenimer le débat, mais je dois répondre à certaines affirmations. Nous ne voulons pas politiser ni envenimer le débat. Le chef de l'Opposition a dit que nous ne savions pas quoi faire. Ce n'est pas tout à fait exact. Nous voulions laisser exercer par les syndiqués les droits prévus au code du travail et intervenir de la façon la plus efficace, sans assommer, ni tuer, ni matraquer qui que soit.

M. LESAGE: Il n'est pas question de matraquer qui que soit, ce sont des professeurs.

Je vous ferai remarquer, M. le Président, que la bouche parle de l'abondance du coeur. Le premier ministre a donc pensé à faire matraquer les professeurs.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. JOHNSON: Quand on parle avec sa tête, évidemment, on se souvient de certaines choses qui sont arrivées dans d'autres circonstances similaires.

M. LESAGE: Le premier ministre serait mieux de ne pas faire de menaces indirectes. Est-ce que le premier ministre ou le ministre de l'Education pourrait répondre à ma question? Est-ce que le projet de loi prévoit l'arbitrage obligatoire?

M. BERTRAND: Le Président est debout.

M. LE PRESIDENT: Puis-je suggérer aux honorables députés que nous adoptions la première lecture du bill, quitte à faire face aux éventualités ou aux possibilités au fur et à mesure qu'elles pourraient se présenter? Ainsi, nous pourrions peut-être entre-temps progresser dans les travaux de la Chambre.

M. LESAGE: Il me semble que la question que j'ai posée est raisonnable. C'est une explication sur le projet de loi que f ai demandée.

M. LE PRESIDENT: J'ai bien mentionné que ce n'était pas une directive ou une décision, c'était une suggestion que je faisais à la Chambre.

M. LESAGE: Bien respectueusement, M. le Président, je crois que, pour faire avancer les travaux de la Chambre, il serait bon que le gouvernement donne des réponses à certaines questions qui ont pour but d'obtenir des précisions sur le projet de loi, étant donné que nous ne l'aurons que dans quelques heures. Si nous savions quels sont les principes en jeu dans le projet de loi, il serait plus facile pour nous de prendre des décisions quant à l'attitude que nous prendrons.

M. JOHNSON: La réponse à la question du chef de l'Opposition, c'est non. La loi ne prévoit pas un arbitrage obligatoire, en d'autres termes.

M. LESAGE: Est-ce que la loi prévoit la nomination d'un administrateur?

M. BERTRAND: Non. M. JOHNSON: Non.

M. BELLEMARE: Vous allez voir que c'est bien fait.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée?

M. JOHNSON: Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. JOHNSON: M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill à une séance subséquente ou à la même séance?

M. JOHNSON: Je proposerais que, sujet à une entente quant au délai, ce soit à la même séance.

M. LESAGE: A la prochaine séance, quitte à obtenir le consentement unanime plus tard, après que nous aurons vu le bill.

M. JOHNSON: Tout le monde sait que nous pourrions faire une motion non annoncée à n'importe quel moment de la séance. Nous pourrions faire une motion non annoncée, invoquer l'urgence...

M. LESAGE: Si on veut nous bâillonner, nous ne nous laisserons pas faire.

M. BELLEMARE: Article 219.

M. JOHNSON: ... utiliser les arguments qu'on a utilisés pour établir cette urgence, mais nous n'avons pas l'intention de le faire. Nous avons l'intention d'obtenir, si possible, le consentement unanime de la Chambre en négociant avec le chef de l'Opposition et les représentants des indépendants.

M. LESAGE: Nous verrons le bill.

M. LE PRESIDENT: Peut-être que, pour garder une ouverture possible de bonne entente et de conciliation, nous pourrions convenir que la seconde lecture du bill aurait lieu à la prochaine séance ou à la même séance, de consentement.

M. LESAGE: De consentement unanime, évidemment, c'est le règlement.

M. JOHNSON: M. le Président..

M. LESAGE: Cela n'a pas besoin d'être dans le procès-verbal, ce sont les règlements.

M. JOHNSON: ... sauf les dispositions du règlement qui nous permettraient de faire une motion d'urgence.

M. LESAGE: Ah non, il n'y en a pas. M. BELLEMARE: L'article 219.

M. LAPORTE: S'il y a des dispositions dans le règlement, vous pourrez les invoquer. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire au procès-verbal.

M. JOHNSON: Sauf les dispositions du règlement qui nous permettraient une...

M. LESAGE: Il n'est pas nécessaire d'inscrire ça au procès-verbal, le règlement est toujours là.

M. JOHNSON: ... motion d'urgence. D'accord?

M. LESAGE: Oui, ça va.

M. LE PRESIDENT: Le tout sans préjudice aux dispositions générales de notre règlement.

M. LESAGE: Pas besoin d'inscrire ça.

M. le Président, nous avions eu l'assurance, il y a deux semaines, que les séances de la Chambre commenceraient à l'heure convenue. Hier soir, la Chambre a ajourné ses travaux à 10 h 30 ce matin. M. le Président, je n'ai aucunement l'intention de viser la présidence. Je sais que la présidence n'en est pas responsable, mais ce n'est qu'à 11 h 5 exactement que vous avez fait votre entrée en Chambre. Il est évident que c'est le premier ministre qui n'était pas prêt Le moins que le premier ministre aurait pu faire, s'il avait des travaux urgents, aurait été de se présenter en Chambre à 10 h 30 et de demander une suspension de la séance. Autrement, en agissant comme il a agi ce matin, il a fait montre du plus souverain mépris pour les représentants du peuple et pour l'Assemblée législative en nous obligeant à attendre que sa majesté le député de Bagot soit prête à venir rencontrer les représentants du peuple. C'est de la dictature. C'est afficher un mépris souverain pour l'Assemblée législative et les représentants du peuple, M. le Président.

DES VOIX: Ah, ah!

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre! M. LESAGE: Et je n'ai pas fini... DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je comprends que l'honorable chef de l'Opposition soulève un rappel aux règlements, mais je suis sûr que ce rappel pourra être fait suivant les expressions parlementaires admises et reconnues par l'article 285 et le suivant.

M. LESAGE: M. le Président, mais je n'ai rien dit d'antiparlementaire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je n'ai pas reproché quoi que ce soit à l'honorable chef de l'Opposition. Disons que c'est une invitation générale que j'ai lancée à tous les honorables députés.

M. LESAGE: Très bien. Alors, je me souviens très bien qu'en une occasion — il n'y a pas tellement longtemps — alors qu'il était nécessaire de tenir une séance du conseil des ministres, lors des négociations avec les fonctionnaires du gouvernement, j'avais demandé et obtenu une suspension de la séance. Je comprends que ce n'était pas au début de la séance, c'était durant la séance, mais ce sont des choses qui se font. Et, si le premier ministre avait eu le moindre respect pour l'Assemblée législative et les représentants du peuple qui la composent, il aurait au moins fait une apparition en Chambre, et il est sûr que les députés de cette Chambre auraient compris que, dans la situation actuelle, le premier ministre avait besoin de rencontrer ses collègues. Mais ce que je ne comprends pas c'est ce qui s'est passé parce qu'il n'y a pas eu de séance du conseil des ministres, il y avait des ministres ici en Chambre qui, comme nous, attendaient, attendaient la venue du Messie.

UNE VOIX: On l'a déjà attendu, nous autres aussi.

M. LESAGE: Et le Messie retardait, M. le Président. Où était-il? Ce n'était pas à une séance du cabinet, il y en avait plusieurs membres du conseil des ministres ici. M. le Président, il me semble que les représentants du peuple ont droit à un peu plus de considération.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE : Et, lorsqu'une séance doit cornmencer à dix heures trente, c'est une insulte à faire aux représentants du peuple que de retarder jusqu'à onze heures cinq, c'est-à-dire trente-cinq minutes. Mais pour racheter le temps perdu ce matin, à cause du premier ministre, M. le Président, les députés de l'Opposition se sont entendus pour ne poser aucune question afin de racheter le premier ministre de ses erreurs et de ses fautes.

M. JOHNSON: M. le Président...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas lui qui va mener la Chambre, certain. On l'a déjà attendu une heure au comité.

M. LESAGE: Non, non, non.

M. BELLEMARE: Ah oui! une heure au comité. Vous vous en foutiez bien dans ce temps-là. Vos déclarations, vous les faisiez aux journalistes au lieu de les faire en Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre.

M. BELLEMARE: La démocratie en brouette!

M. LESAGE: Les séances de la Chambre commençaient à temps.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre. L'honorable premier ministre a la parole.

M. JOHNSON: M. le Président, pour parler d'un retard de trente minutes à trente-cinq minutes...

M. LESAGE: Trente-cinq.

M. JOHNSON: ... le chef de l'Opposition voudrait engager une discussion de trente à trente-cinq minutes...

M. LESAGE: Non, non.

M. JOHNSON: ... en nous servant un sermon d'une drôle de nature, un sermon d'injures, perlé évidemment d'expressions antiparlementaires comme suivantes: « C'est de la dictature, c'est de la part du premier ministre un mépris souverain de la Chambre ».

M. LESAGE: Ce n'est pas antiparlementaire!

M. JOHNSON: Toutes des expressions extrêmement populaires, M. le Président, dans la bouche des parlementaires distingués.

M. LESAGE: Bien sûr!

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: Le mépris de la Chambre, c'est régulier. Nous ne le dirons jamais assez, d'ailleurs.

UNE VOIX: On vous a laissé parler, laissez-le parler!

M. GOSSELIN: Allez donc vous reposer!

M. JOHNSON: L'imputation de motifs, l'utilisation d'expressions antiparlementaires, M. le Président, disons que nous oublions cet incident, vous rappelant cependant qu'un député de cette Chambre a été expulsé pendant huit jours pour avoir employé l'expression « dictature ».

M. BELLEMARE: C'est lui qui m'a fait ça.

M. JOHNSON: Et pour une vraie bonne raison, cette fois-là.

M. BELLEMARE: Oui.

M. JOHNSON: M. le Président, c 'est la jurisprudence, elle est consignée dans les procès-verbaux, mais je n'insiste pas. Il faut bien lui laissé faire ses crises du vendredi, même dans l'Opposition.

M. le Président, je n'ai pas à rendre compte de tous mes actes au chef de l'Opposition, ni aux députés, sauf en ce qui concerne ce retard qui n'est pas du tout imputé à la présidence. Le chef de l'Opposition a parfaitement raison, le Président m'a même fait dire qu'il aimerait commencer à temps, il me l'a fait dire quelques fois. M. le Président, d'accord, mais pendant ce temps-là nous préparions, quelques collègues et des conseillers juridiques, certaines précisions, toujours dans le but de rendre la loi plus équitable, moins litigieuse, donnant ainsiàcette Chambre l'occasion rêvée par toute la population d'une entente entre les partis lorsqu'il s'agit du bien des enfants et au sujet d'un bill que nous voulons faire équitable pour toutes les parties.

M. le Président, c'est ça la raison du retard. Si nous avions pu allonger la nuit, si nous avions pu faire siéger le Cabinet jusqu'à six heures au lieu de trois heures, si les conseillers juridiques n'avaient pas eu à dormir au moins une heure, si l'imprimeur avait pu procéder un peu plus rapidement, cela nous aurait sauvé une demi-heure.

Mais nous n'avons pas réussi. Le portrait change, les circonstances changent d'heure en heure; les consultations que nous faisons auprès des personnes impliquées sont autant de facteurs qui expliquent que nous arrivons avec un projet qui est finalisé, je l'espère, d'une telle façon que l'Opposition perdra même tout prétexte de faire de la démagogie, tout prétexte de faire de l'électoralisme et, M. le Président...

M. LESAGE: Cela commence bien.

M. JOHNSON: ... une loi qui va éviter précisément ce dont le chef de l'Opposition m'a accusé dans sa colère...

M. LESAGE: Je n'ai pas fait de colère. M. JOHNSON: ... qui va éviter une dictature... M. LESAGE: Je n'ai pas fait de colère.

M. BELLEMARE: Non? Il va falloir un miroir.

M. LESAGE: J'ai dit au premier ministre ses faits.

M. JOHNSON: M. le Président... UNE VOIX: Il a juste parlé fort.

M. JOHNSON: ... le stade voisin, c'est de l'hystérie. Donc, bien calmement, comme vous le voyez, en oubliant les injures...

M. PINARD: Vous étiez encore au Château, à onze heures moins quart.

M. JOHNSON: Ce n'est pas exact. Ecoutez, vos informateurs qui me suivent ne sont pas tous honnêtes, apparemment.

M. PINARD: Vous étiez là quand même.

M. JOHNSON: Saviez-vous avec qui j'étais, là, jusqu'à telle heure?

M. LAPORTE: Non, mais vous auriez dû être avec nous autres ici.

M. LOUBIER: C'est malhonnête ça.

M. LAPORTE: Avec qui vous étiez, ça n'a pas d'importance. Vous auriez dû être avec nous ici.

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. ALLARD: Vous n'êtes pas en mesure de dire des choses de même, parce que...

M. JOHNSON: Le député de Chambly...

M. LAPORTE: Qui est-ce qui fait de l'hystérie, ce matin?

M. MASSE: C'est vous qui commencez.

M. JOHNSON: Le député de Chambly laisse entendre à cette Chambre que j'étais au Château au lieu d'être ici. C'est malhonnête...

M. LAPORTE: M. le Président, je n'ai jamais insinué, ni affirmé, ni même parlé sur cette question-là. Ecoutez donc comme il faut.

M. LOUBIER: Vous n'êtes pas capable de prendre la responsabilité de vos paroles. Vous avez enchaîné sur l'autre.

M. LAPORTE: Je n'ai pas dit un mot sur ça.

M. JOHNSON: M. le Président, c'est évidemment une occasion rêvée pour l'Opposition — quelques membres de l'Opposition, je veux être juste — de faire une scène. Je leur demande de se placer dans la perspective où une Chambre doit se placer au moment où, dans la province, nous connaissons une crise dont je ne discute pas les causes et au sujet de laquelle je n'impute des motifs ou des responsabilités à qui que ce soit. Placé devant un état de fait, le gouvernement fait son possible; il a siégé jusqu'à trois heures, les conseillers juridiques ont travaillé très fort, nous avons fait une dernière mise au point — nous espérons que c'est la dernière — mais, malgré tout ça, nous seront très ouverts pour accueillir des amendements qui seraient de nature à rendre la loi encore plus juste. C'est aussi simple que ça, M. le Président.

Je n'invoque pas le règlement pour des expressions antiparlementaires et je n'invoquerai même pas la jurisprudence qui est en train de s'établir par les propos du chef de l'Opposition.

M. LAPORTE: M. le Président, juste un mot. Le premier ministre a apporté des arguments à l'effet qu'il a eu énormément de travail et que le cabinet également a eu beaucoup du travail quant à cette loi-là. Il faudrait aussi rappeler que l'Assemblée législative est en session, qu'il y a ici 108 députés dont le rôle essentiel est d'être des législateurs et de voir à ce que le travail sessionnel progresse le plus rapidement possible. Nous avions adopté, l'an dernier et il y a deux ans, une pratique qui a porté des fruits. Sans consulter personne, sans attendre d'avis de personne et sans en demander, le Président occupait le fauteuil à l'heure prévue pour le début des séances. Nous nous étions entendus là-dessus, et ça commençait à l'heure, il faut présumer que le gouvernement a été occupé continuellement puisqu'il n'est à peu près pas arrivé, depuis le début de la session, que nous ayons commencé à l'heure.

Ce matin, le premier ministre aurait du venir en Chambre à 10 h. 30 pour commencer la séance et dire ensuite: Messieurs, est-ce que nous pourrions ajourner pendant une demi-heure, une heure, deux heures. Nous aurions été parfaitement d'accord, mais au moins, les membres de cette Chambre auraient été prévenus des intentions et des attitudes du gouvernement. Est-ce que je pourrais suggérer qu'à l'avenir nous priions une fois encore le Président d'occuper le fauteuil à l'heure prévue pour la séance et que nous commencions? Il est arrivé à quelques reprises l'an dernier que nous ayons commencé des séances en l'absence dupremier ministre. Nous pourrions faire la même chose cette année. Si le gouvernement a des demandes particulières à faire aux membres de l'Opposition, je pense que jusqu'ici nous n'avons jamais refusé notre collaboration. Je pense que c'est essentiel que la Chambre siège à l'heure; c'est une marque de respect pour les élus et c'est de l'ordre, à part ça.

M. JOHNSON: M. le Président, je remercie l'autre révérend père prédicateur...

M. HYDE: Pas moyen d'éviter les personnalités.

M. LOUBIER: Tiens, tiens, qu'est-ce que c'est ça?

M. JOHNSON: Voulez-vous que je remercie un rabbin, aussi?

M. BELLEMARE: Vous nous avez assez massacrés sur le banc.

M. JOHNSON: Il n'y aurait pas un ministre protestant pour nous faire un sermon?

M. PINARD: En plus d'être séparatiste, il est devenu raciste.

UNE VOIX: Grossier, grossier.

M. PINARD: Raciste.

M. JOHNSON: Une retraite fermée de 35 minutes. M. le Président, ce sont des sermons qui n'ont pas leur place...

M. LAPORTE: Ah! vous trouvez justifié d'être en retard tous les jours.

M. JOHNSON: M. le Président, ça ce n'est pas l'affaire du député de Chambly...

M. LAPORTE: Très bien.

M. JOHNSON: Le député de Chambly, M. le Président,...

M. LESAGE: L'aveu.

M. JOHNSON: ... va apprendre une chose, c'est que le gouvernement a changé et que ce n'est plus à lui de mener le gouvernement, au nom du Père.

M. LAPORTE: Alors, les droits de la Chambre, et le début des séances sont entre les mains du premier ministre.

M. JOHNSON: M. le Président, est-ce que j'ai la parole, oui ou non?

M. LOUBIER: Vous les violez continuellement.

M. LAPORTE: Qui ça?

M. LOUBIER: Vous, c'est vous, là.

M. JOHNSON: M. le Président, le gouvernement veut bien respecter les droits de la Chambre. La suggestion qui a été faite de débuter et ensuite de demander la permission à l'Opposition de consentir à une suspension...

M. LESAGE: Cela s'est déjà fait.

M. JOHNSON: ... en est une que je retiens. Cela s'est déjà fait dans le passé. Quand je donnais ma parole, je pouvais la tenir et tous mes collègues la tenaient.

M. LESAGE: Oui, oui, mais ici aussi.

M. JOHNSON: J'ai hâte d'avoir la même certitude de la part de l'Opposition.

M. LESAGE: Bien oui, mais c'est la même chose de ce côté-ci. Quand nous avons, M. le Président,... Le premier ministre n'a pas le droit d'insinuer...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. LOUBIER: Le Président est debout.

M. LESAGE: ... que nous n'avons pas tenu parole lorsque nous avons donné notre consentement. Il n'a pas le droit de faire ça.

DES VOIX: Le Président est debout.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre. J'ai écouté les remarques de part et d'autre et je puis assurer tous les honorables députés que je suis très sensible aux prières qui me seront adressées de part et d'autre. Tous pourront comprendre la position parfois difficile dans laquelle je suis placé. Je suis sûr qu'avec une collaboration nous pourrons respecter le plus possible le règlement, tout en tenant compte, peut-être en certaines circonstances, de situations difficiles ou d'urgence qui peuvent peut-être retarder l'entrée du Président, mais disons que ce sera par exception et que nous pourrons, autant que possible, travailler de concert et avec efficacité.

Affaires du jour.

M. JOHNSON: Quarante-huit, s'il vous plaît. M. LE PRESIDENT: Quarante-huit? M. JOHNSON: Oui.

Heures des séances

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose qu'à l'avenir, et jusqu'à nouvel ordre, la Chambre tienne une séance tous les jours de la semaine, sauf le dimanche, de onze heures du matin jusqu'à l'ajournement avec suspension des travaux de une heure à trois heures de l'après-midi et de six heures à huit heures du soir et qu'à toutes ces séances l'ordre des affaires du jour soit celui qui est prévu pour le mardi par l'article 115 du règlement. L'honorable premier ministre.

M. JOHNSON: M. le Président, la motion parle par elle-même. Cependant, je voudrais immédiatement ici excuser quelqu'un que je ne peux pas nommer. C'est par erreur qu'on a marqué pour le mardi par l'article 115. Nous n'avons pas l'intention d'enlever les privilèges du mercredi. Alors, j'amenderai la motion en conséquence. Et je m'excuse au nom de cette personne, qui en était bien malheureuse. Ce

n'était pas la motion qui avait été expédiée.

Donc le mercredi demeure, et cette motion aura effet jusqu'à nouvel ordre. Jusqu'à nouvel ordre, c'est assez vague je l'admets, mais on aura compris que cette motion était nécessaire afin que nous puissions siéger ce soir, samedi et lundi.

C'est dans ce but uniquement que la motion a été présentée. Je n'ai pas l'intention, je le déclare ici aujourd'hui, de forcer les députés à siéger tous les lundis, ni tous les samedis, au contraire. Il est possible cependant que nous devions un peu plus tard dans la session accélérer les travaux pour permettre que nous siégions le lundi et même le samedi. Mais, je le répète, cette motion est présentée uniquement en vue du bill, du bill qui sera distribué cet après-midi.

M. LAPORTE: Vous avez le numéro? M. JOHNSON: Non.

M. LAPORTE: Non, non, le numéro, vous ne l'avez pas en mémoire?

M. LESAGE: Le numéro du bill.

M. JOHNSON: Ce n'est certainement pas 99.

M. LESAGE: Bien non, c'est évident.

M. LAPORTE: Non, mais c'est sérieux, la question.

M. JOHNSON: Non, le numéro du bill?

M. LESAGE : Le numéro du bill sur l'éducation. Quel est le numéro?

M. LAPORTE: Quel est le numéro? Vous ne le savez pas?

M. JOHNSON: Je n'ai même pas regardé le numéro, ça ne m'Intéressait pas. Je pense...

M. LAPORTE: Très bien.

M. JOHNSON: ... qu'il n'était pas non plus sur la galée.

M. LAPORTE: Alors, on... C'est pour la référence.

M. JOHNSON: Je crois que c'est le numéro 25. On me dit... Mais à tout événement, pour le bill en question, il sera nécessaire de siéger...

C'est le bill No 25.

M. LAPORTE: Numéro 25. Merci.

M. JOHNSON: Il y aura peut-être d'autres problèmes urgents qui surgiront ces jours prochains et qui exigeront que nous siégions non seulement le lundi et le samedi en plus des jours ordinaires, mais que nous siégeons jusqu'à ajournement de la séance, c'est-à-dire que nous ayons le droit de prolonger au-delà de l'heure fixée dans les règlements, qui est de 11 heures encore. Donc, M. le Président, c'est là le but de la motion. Il y a plusieurs précédents à cette motion. On me dira: nous pourrions consentir... L'Opposition pourrait consentir, les indépendants pourraient concourir dans le consentement, mais je pense pas que nous ayons le droit de nous fier à une telle procédure de consentement unanime. J'ai tenté par exemple de lire un document très court, une déclaration ministérielle à six heures du soir, il y a quelques semaines, et le refus — c'est le ministre de la Justice qui devait lire une déclaration ministérielle — c'est le chef de l'Opposition lui-même qui à six heures exactement a refusé de prolonger la séance de deux ou trois minutes pour permettre la lecture de tel document.

Alors, on ne peut pas se fier au consentement, et j'ai le devoir de prévoir ces circonstances où un député de quelque côté que ce soit, de mauvaise humeur, sur un coup de sang, dise non, ça peut être n'importe quel député, je le répète, de n'importe quel côté de la Chambre. C'est mon devoir de prévoir de telles circonstances.

Et c'est ainsi que nous avons prévu un amendement, une motion qui amende le règlement. On a vu dans une autre juridiction que, par le manque de concours d'un seul député, des inconvénients — qu'on a déclarés dans le temps être très importants, très graves — ont été causés à tout un secteur de l'économie. Nous ne voudrions pas que telle situation se répète. Aucun député ne voudrait dans le calme être la cause de pareils inconvénients, mais il peut arriver — les hommes étant ce qu'ils sont — que sur un coup de sang, je le répète, on dise: Non, et la Chambre ne pourrait pas procéder aussi rapidement que l'impose l'urgence du projet de loi qui serait à l'étude à ce moment-là.

M. LAPORTE: Disons d'abord sans hésitation que l'Opposition n'a aucune objection de principe, pendant l'étude du bill 25, à ce que cette motion soit au feuilleton et qu'elle amende temporairement nos règlements. Il est évident que devant une pareille loi d'urgence, quelle que soit l'attitude que prendra l'Opposition, l'opinion publique a droit à ce que nous procédions avec toute la célérité compatible avec un travail bien fait. Nous n'avons donc aucune objec-

tion à ce que cette motion soit votée ce matin quant au bill 25.

En faire une motion d'ordre général qui resterait au feuilleton indéfiniment et qui deviendrait à ce moment-là une arme que le premier ministre ou un ministériel pourrait utiliser ou ne pas utiliser, je pense que ce serait abuser des pouvoirs que l'on doit avoir à l'Assemblée législative.

Si le premier ministre a d'autres problèmes urgents à nous soumettre, il pourra réinscrire cette motion, mais non pas la mettre en permanence au feuilleton. Il parlait tout à l'heure de saute d'humeur qui ont empêché un jour à six heures que l'on puisse lire un document. Il pourrait arriver en sens inverse que ce soit le premier ministre ou un autre membre de cette Chambre, du moment qu'il aurait la majorité, qui puisse nous faire siéger même quand ce n'est pas urgent, simplement pour punir ou qui puisse accélérer à ce point les travaux de la Chambre que les députés de l'Opposition n'aient plus le temps de faire sérieusement leur travail.

Je rappellerai au premier ministre que l'argument ou l'incident qu'il évoquait tout à l'heure se rapportait à une déclaration ministérielle et les déclarations ministérielles sont normalement faites avant l'appel des affaires du jour. C'est l'incident auquel s'est référé le premier ministre.

Ce que je suggérerais comme amendement, c'est que nous disions qu'à l'avenir « et jusqu'à l'adoption du bill 25, » la Chambre siège... etc. Une fois le bill 25 adopté, la motion deviendrait caduque. Nous recommencerions le rythme ordinaire de la session en suggérant qu'on l'accélère. Si le gouvernement avait d'autres mesures d'urgence, à nous proposer, il pourrait réinscrire sa motion, et si les travaux sessionnels demandaient à ce moment-là qu'une telle motion soit inscrite jusqu'à la fin de la session, nous en discuterions. Mais pour une cause d'urgence que nous acceptons volontiers, il ne serait pas raisonnable, je pense, que le gouvernement nous fasse adopter une motion qui serait en vigueur jusqu'à la fin de la session. Je propose, et j'espère que le premier ministre sera d'accord, que la motion commence comme ceci: Qu'à l'avenir et jusqu'à l'adoption du bill 25, la Chambre tienne une séance par jour, et le reste...

M. BELLEMARE: Je voudrais simplement attirer l'attention de la Chambre sur un fait très important. Ce n'est pas l'intention du gouvernement, Je pense bien, d'imposer un règlement rigide pour toute la période de la session.

Comme l'a dit l'honorable premier ministre, c'est une question d'urgence. Mais voici, la session a commencé le 21 janvier 1965 et tout de suite, le 3 février, le gouvernement en place dans ce temps-là nous imposait une motion pour nous faire siéger tous les lundis et tous les jours de la semaine, sauf le samedi, et je pense que nous avons acquiescé. D'ailleurs, vous verrez ça dans les journaux de l'Assemblée législative, vous verrez que nous avons acquiescé à ça. Mais, actuellement, on n'a pas demandé ça à la Chambre. Le premier ministre vient de dire qu'il voulait respecter les lundis et les samedis. Actuellement, il est question d'une motion très simple qui, je pense, n'aurait pas besoin de sous-amendement.

Elle est claire. La parole du premier ministre est là, et Je pense, M. le Président, que la motion ainsi conçue, « jusqu'à nouvel ordre, » c'est clair, c'est définitif. La parole du premier ministre en Chambre, qui est consignée dans les journaux de l'Assemblée législative, est claire.

M. LAPORTE: C'est ce principe-là qu'il faut faire disparaître. Ce n'est pas la parole du premier ministre, c'est tous les députés en Chambre qui prennent une décision.

M. BELLEMARE: Pourquoi prendre aujourd'hui l'occasion pour faire un amendement à une motion qui est complète?

M. LESAGE: Elle est trop complète.

M. BELLEMARE: Non, elle n'est pas abusive...

M. LESAGE: Non!

M. BELLEMARE: La parole d'un premier ministre qui dit qu'il y a une question d'urgence.

MM. LESAGE et LAPORTE: D'accord.

M. BELLEMARE: M. le Président, qu'est-ce qui nous dit que dans quatre Jours, cinq Jours d'ici, il n'y aura pas une autre question d'urgence?

MM. LESAGE et LAPORTE: Il n'y a rien qui nous dit ça.

M. BELLEMARE: Ou dans deux jours?

M. LESAGE: Il n'y a rien qui empêche le premier ministre de présenter une nouvelle motion.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je pense qu'actuellement vous devriez concourir comme on a concouru l'année passée, le 3 février 1965, dans la motion qui avait été présentée par l'honorable leader du gouvernement dans le temps, M. Laporte; ce qu'on retrouve à la page 51, le 3 février.

M. GERIN-LAJOIE: Simplement un mot. Nous sommes aujourd'hui évidemment dans une situation d'urgence que tous les membres de cette Chambre doivent reconnaître: Ce bill 25, qui a été lu en première lecture. C'est évidemment dans la perspective de l'étude de ce bill par l'Assemblée législative que le premier ministre propose la motion qui est actuellement à l'étude. Le premier ministre nous l'a expliqué lui- même.

Sur la question d'urgence, je pense qu'il ne doit y avoir aucune voix dissidente dans cette Chambre. Seulement, je pense que le premier ministre dépasse vraiment cette situation lorsqu'il présente une motion comme celle qui est actuellement devant nous et que vient d'appuyer, par ses paroles, le ministre du Travail et de l'Industrie et du Commerce. Je pense que nous devons tous être en garde, M. le Président, comme membres d'un parlement démocratique, nous devons tous être en garde contre la tentation de profiter d'une situation d'urgence pour adopter des dispositions d'ordre général qui pourraient être invoquées et utilisées lorsque l'urgence n'existerait plus.

M. le Président, l'urgence pour cette Chambre, elle existe et elle existera tant que cette Chambre n'aura pas définitivement disposé du bill 25. Après que disposition aura été faite du bill 25, la situation d'urgence sera disparue, à moins que le gouvernement ne présente un nouveau projet.

Alors, M. le Président, je pense que le premier ministre et le gouvernement auraient bien mauvaise grâce d'insister pour soumettre à un vote de cette Chambre, une motion en termes aussi généraux que celle que le gouvernement a proposée. C'est pourquoi, M. le Président, quant à moi, je n'ai aucune hésitation à appuyer l'amendement du député de Chambly, et je crois que les membres de cette Chambre et le gouvernement en particulier devrait faire l'unanimité autour de cet amendement pour qu'en somme la motion du premier ministre prévoyant les séances de cette Chambre à la semaine longue, sauf le dimanche, et 24 heures par jour, devrait être modifiée pour être ajustée sur l'urgence déterminée par le bill 25.

Je pense que le désir manifeste de l'Opposition de coopérer avec le gouvernement sur le plan de la procédure, pour qu'étude soit faite sans délai du bill 25, est une indication suffisamment claire de notre disposition à considérer toute situation d'urgence chaque fois qu'il en est une de soumise à l'attention de cette Chambre. C'est pourquoi, M. le Président, je crois très important, du point de vue de la marche démocratique des travaux de cette Chambre, de ne pas faire adopter par cette Chambre une résolution, quant à la tenue de ses séances, qui aille au-delà de la période de temps pendant laquelle nous étudierons le bill 25.

M. JOHNSON: M. le Président, on a raison et on a tort; on a raison à certains points de vue de discuter comme on le fait là, mais je pense qu'on a tort de ne pas tenir compte du fait que le gouvernement, lui, est peut-être mieux renseigné sur l'opportunité d'avoir une telle motion. Disons que, pour respecter à la fois le point de vue et les scrupules de l'Opposition et l'intérêt public tel que le gouvernement le voit, nous pourrions prévoir que cette motion sera en vigueur jusqu'à vendredi le 17 et qu'elle tombera à ce moment-là.

M. LESAGE: Pourquoi?

M. JOHNSON: Pour des raisons qu'il n'est pas d'intérêt public de révéler pour le moment. On comprend, M. le Président, que ça doit être fait par motion annoncée; alors, j'ai dû faire poser au feuilleton hier...

M. LESAGE: Le 17, c'est vendredi prochain?

M. JOHNSON: Vendredi prochain. D'accord, là-bas?

M. LESAGE : Mais il y a une chose cependant; je ne voudrais pas que ce qu'a dit le député de Champlain soit consigné au journal des Débats sans qu'une explication ne soit donnée à propos de la motion que la Chambre avait adoptée le 3 février 1965. Je ferai remarquer que la motion qui est devant nous à l'heure actuelle — la motion du premier ministre — aura pour effet, lorsqu'elle sera adoptée, de permettre de siéger d'abord tous les jours de la semaine excepté le dimanche, je veux dire y compris le samedi. Première distinction avec la motion du 3 février.

M. BELLEMARE: Je l'ai dit.

M. LESAGE: Le ministre du Travail l'a dit. Maintenant, deuxième distinction: c'est qu'il n'y a pas d'heure de fixée pour l'ajournement le soir.

M. BELLEMARE: Oui, en vertu de l'amendement de 55.

M. LESAGE: Oui, mais en fait, c'est onze heures. Le but de la motion adoptée le 3 février 1965 était très simple; c'était purement et simplement pour changer les heures des séances et cela avait été fait de consentement unanime après consultation. C'est qu'au lieu de siéger de trois heures de l'après-midi à onze heures le soir, la Chambre siégait de deux heures et demie à dix heures le soir, avec suspension de six à huit. C'était le seul but de la motion adoptée le 3 février 1965. Cela ne changeait aucunement les règlements, sauf en ce qui concerne les heures de séance chaque jour. C'était de deux heures et demie à dix heures le soir, avec suspension de deux heures, au lieu d'être de trois heures à onze heures avec suspension de deux heures. C'était le seul but de la motion.

Alors, ça ne ressemble pas du tout à la motion d'exception qui nous est présentée par le premier ministre et que nous sommes, quant à moi du moins, disposés à accepter du moment qu'elle cessera d'avoir effet le 17 février.

M. JOHNSON: M. le Président, il est vrai que l'heure d'ajournement n'est pas mentionnée; nous espérons que nous n'aurons pas à répéter une expérience que nous avons vécue alors que nous avons siégé jusqu'à...

M. BELLEMARE: Cinq heures.

M. JOHNSON: ... cinq heures du matin.

M. LAPORTE: Oui, oui, mais, en vertu de cet amendement-là, on peut siéger indéfiniment.

M. JOHNSON: C'est ça. M. LESAGE: Bien oui.

M. JOHNSON: Je suggère donc, afin que la motion soit adoptée unanimement, qu'à l'avenir et jusqu'à vendredi, le 17 février inclusivement, la Chambre tienne une séance tous les jours de la semaine, sauf le dimanche.

M. LAPORTE: Pas d'objection à mettre le vendredi, 17 février?

M. JOHNSON: Pardon?

M. LAPORTE: Le vendredi, 17 février.

M. JOHNSON: Oui, oui. Nous aurions pu aussi évidemment — le député de Chambly le sait — prendre l'initiative de demander de faire tomber la motion que je présente ce matin. Donc, agréé?

M. LAPORTE: Agréé.

M. LE PRESIDENT: La motion telle qu'amendée et proposée par l'honorable premier ministre est-elle adoptée? Adopté.

M. JOHNSON: 51.

Débat sur l'adresse

M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de M. Gardner proposant une adresse en réponse au discours du Trône.

L'honorable député de Verdun.

M. Claude Wagner

M. WAGNER: M. le Président, alors que nous ajournions le débat, hier soir, je vous disais que depuis quelques années, à la faveur d'un climat de liberté retrouvée, Québec se réveille, Québec s'ouvre au monde, prend conscience de sa force, s'interroge sur son avenir, sur sa place dans la société canadienne. Cette réflexion collective consiste très souvent en d'amères constatations, mais elle provoque également, tant sur la scène locale que sur la scène fédérale, une volonté de rénovation.

Sur le plan provincial, grâce à la politique énergique de l'équipe de celui qui fut le premier ministre de cette province durant six ans, la province de Québec est aujourd'hui en pleine transformation, en pleine révolution pourrait-on dire, mais, comme on l'a déjà dit, en pleine révolution contre elle-même. Nous vivons à l'heure de l'autocritique qui déjà commence à opérer une complète rénovation de la société québécoise, fondée certes sur le respect de ses traditions, mais davantage accordée aux exigences modernes du contexte nord-américain où elle s'insère et aussi plus consciente de la valeur et de la richesse de son patrimoine culturel.

Nous sommes ainsi en voie de repenser et de transformer le rôle de l'Etat dans une société moderne. Nous voulons écarter une fois pour toutes cette notion périmée de l'Etat, issue du libéralisme économique, suivant laquelle « the State governs best that governs least ». Dans une prise de conscience du sens véritable de la démocratie, nous apprenons à considérer que l'Etat n'est pas un élément dangereux, n'est pas un dispensateur de privilèges, mais qu'il est l'émanation directe du peuple et l'artisan du bien commun. On comprend dès lors que l'Etat

doive assumer des responsabilités croissantes dans les divers secteurs de la vie sociale: éducation, santé, services sociaux, mise en valeur des richesses naturelles et développement économique.

Nous sommes également en voie de repenser notre système d'enseignement pour le mieux adapter aux exigences d'une société moderne et permettre ainsi à nos jeunes de se préparer un meilleur avenir. Cette politique de mise en valeur de notre capital humain doit avoir pour nous une importance vitale. C'est là, à mon avis, la clé de l'avènement d'un équilibre meilleur au Canada. J'estime que nous pourrons ainsi, par la qualité des effectifs et par la richesse des oeuvres, compenser l'état d'infériorité numérique où nous sommes. On assiste donc en ce moment, au Québec, à un immense effort de réflexion et de rénovation.

Sur le plan fédéral, on ne saurait nier que le Québec éprouve encore un sentiment de frustration à l'égard du pouvoir central, il n'est pas exagéré de dire que, malgré de sensibles améliorations en ces récentes années, le climat fédéral actuel nous convient encore très mal et cela pour des motifs variés.

Le Canadien français du Québec qui se tourne vers Ottawa a en effet l'impression très nette qu'il n'est pas encore un partenaire à part entière dans le régime fédéral. Il a l'intime conviction de n'être pas encore chez lui à Ottawa. Il estime qu'une participation à la vie fédérale équivaut encore trop souvent à une aliénation de sa personnalité.

Il est blessé dans son amour-propre d'avoir toujours l'air de quémander lorsqu'il exige la connaissance des droits de sa langue et de sa culture et qu'on les lui accorde au compte-gouttes, soit en se faisant tirer l'oreille, soit trop souvent à des fins purement électorales. Il comprend mal le triste sort réservé à ses frères dans les autres provinces du Canada.

Il regrette enfin qu'Ottawa n'ait jamais réalisé la promesse contenue implicitement dans l'entente de 1867: celle d'être à l'Image même du Canada et de respecter, pour cela, la dualité culturelle dans les lois, dans la conception et l'exécution des décisions gouvernementales et, plus généralement, dans l'administration du pays.

On peut, par ailleurs, se demander si Ottawa a réellement voulu prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier la situation et vraiment encourager la participation des Canadiens français à la direction des grandes affaires de l'Etat fédéral. On doit souhaiter que l'heureuse initiative de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturallsme réussira à briser ce cercle vicieux qui empoisonne l'atmosphère et qui tend à donner un caractère de permanence au sentiment de frustration du Canadien français.

Mais un autre grief, essentiel celui-là, à l'égard du pouvoir central, réside dans l'actuel système de répartition des ressources financières du pays. En effet, la tâche immense de rénovation sociale et de développement économique, qui entre dans les attributions constitutionnelles des provinces et à laquelle le Québec veut dorénavant se consacrer, exige des ressources financières énormes et, en tout cas, supérieures à celles dont la province de Québec peut disposer selon l'actuel partage des sources de revenus.

Or, cette situation, qui met en cause le principe même de la politique fiscale d'un pays à régime fédératif, exige une nouvelle répartition des ressources financières en fonction des besoins objectivement déterminés des parties intéressées.

Si, dans le passé, les conditions résultant de la crise économique, de la guerre mondiale et du rétablissement des conditions normales ont pu objectivement exiger et même justifier une concentration des sources de revenus entre les mains du pouvoir central, ces conditions n'existent plus. Bien au contraire, de nouveaux impératifs ont surgi: éducation, santé, bien-être, mise en valeur des ressources naturelles, création d'un réseau routier moderne, autant de domaines qui tombent sous la juridiction des provinces et pour lesquels celles-ci ont impérieusement besoin de ressources financières accrues, sans quoi elles ne peuvent faire face à leurs responsabilités nouvelles.

Voilà donc, M. le Président, quelques-uns des griefs, quelques-unes des sources du profond malaise qui sévit au Québec. A coup sûr, l'équilibre de 1867 est sérieusement menacé, gravement compromis.

M. BOUSQUET: Est-ce que M. le député me permettrait une question?

M. WAGNER: Je préférerais que le député me laisse continuer. Je suis certain que, dans les propos qui viendront, il trouvera la réponse aux questions qu'il se pose actuellement.

M. BOUSQUET: C'est votre droit.

M. WAGNER: M. le Président, que devons-nous faire pour retrouver un nouvel équilibre?

Il convient de souligner tout d'abord qu'une telle recherche n'est vraiment susceptible d'être fructueuse que dans un climat de réalisme et de

franchise, d'objectivité et de sérénité. Voici véritablement un moment où, peut-être plus qu'en aucun autre moment de notre histoire, il nous faut bannir les propos irréfléchis, les Jugements sommaires et les gestes inconsidérés; où il faut écarter toute haine, dominer toute passion mesquine et ne se laisser guider que par celle de servir son pays.

Et, à ce propos, M. le Président, est-il besoin de rappeler que nous vivons en démocratie et que, dans un tel régime politique, tous ont le droit, dans le respect de l'ordre public, d'exprimer leurs opinions politiques: personne n'a le droit d'empêcher son voisin d'exposer sans crainte ses vues, quelque désagréables qu'elles puissent lui paraître. C'est là la règle démocratique, c'est là la règle de justice qui est la nôtre. Toute autre méthode qui tendrait à créer un climat d'insécurité, à empêcher les voix de la raison de se faire entendre, doit être exclue car elle répugne aux traditions de liberté et de justice qui forment à juste titre la pierre angulaire de notre société politique.

Quant aux solutions elles-mêmes, deux, essentiellement, s'offrent à nous.

Pour certains, la cause est entendue, le charme est rompu. Le seul moyen, à leurs yeux, pour le Québec, de sortir du marasme où ils le croient tombé, le seul moyen de commander le respect et de retrouver la dignité, c'est la rupture, c'est l'indépendance.

En ce qui me concerne, M. le Président — et c'est là je crois le sentiment de l'immense majorité des Québécois — il ne saurait être en aucune manière question de rupture.

Il ne saurait être question de réduire la conception que je me fais de ma patrie aux seules limites territoriales de la province de Québec.

Il ne saurait être question de rupture au moment même où le Québec commence à exercer une influence de plus en plus déterminante sur la politique canadienne.

Il ne saurait non plus être question d'abandonner à leur sort nos frères qui vivent hors des frontières du Québec. A-t-on jamais songé aux sacrifices que leurs parents, la plupart provenant de Québec, se sont imposés pour aller dans quelque autre coin du Canada chercher vie meilleure et y planter le verbe français?

A-t-on jamais songé aux obstacles qu'ils ont dû surmonter pour conserver notre langue et pour demeurer dans le courant de la culture française?

Les abandonner aujourd'hui constituerait un acte de lâcheté, un acte de trahison auquel un Canadien français de coeur ne saurait se livrer.

Il ne saurait enfin être question de rupture alors que partout dans le monde le mouvement est, au contraire, vers la concentration des forces et le regroupement des énergies.

Non, il ne saurait être question de renier le passé.

Le sort des armes a voulu que les fils de deux grands peuples vivent côte à côte sur cette terre d'Amérique.

La sagesse politique leur a commandé, au siècle dernier, d'unir leur destinée politique dans un régime susceptible d'assurer la protection de leurs intérêts communs et la sauvegarde de leur individualité propre.

Le sens des réalités doit maintenant les inciter à poursuivre cette commune entreprise humaine fondée sur l'égalité des partenaires et la recherche constante et sincère, en dehors des préoccupations partisanes, d'un équilibre accordé aux exigences et aux besoins de chaque époque.

Que, dans de telles circonstances, des structures politiques, conçues il y a un siècle, dans un climat bien différent du nôtre, doivent subir des modifications afin de s'adapter aux conditions nouvelles de notre société, cela paraît tout à fait normal, cela est même nécessaire.

Que des conceptions économiques ou des théories constitutionnelles doivent être, de temps à autre, revisées ou même abandonnées; que de nouvelles soient élaborées pour mieux répondre aux réalités d'une époque, rien encore de plus normal dans un fédéralisme souple et dynamique.

Ces exigences nouvelles appelleront sans doute des modifications constitutionnelles. Mais il ne faut pas oublier, M. le Président, que des textes constitutionnels n'ont pas par eux-mêmes d'effets miraculeux. Bien au contraire, des textes rédigés trop tôt, avant qu'une question n'ait eu le temps de mûrir, avant qu'une solution n'ait eu le temps de prendre corps, peuvent empêcher l'évolution normale des problèmes et mal servir la cause même de ceux qui en furent les auteurs.

La loi — est-il besoin de le rappeler ici à ceux qui en sont en cette Chambre les auteurs? — la loi ne sert qu'à consacrer un équilibre réalisé. Elle ne saurait l'établir de toutes pièces.

En d'autres termes, le remède à nos maux ne viendra pas nécessairement d'une nouvelle charte constitutionnelle. A ce propos, si l'on considère objectivement l'histoire du Québec, et surtout en ces dernières années, qui peut nier que les choses ont changé au Canada depuis 1960? Qui peut nier que le Québec a pris un visage nouveau, une nouvelle stature, une place accrue au Canada?

Et pourtant, ces changements sont intervenus sans qu'on ne touche à la constitution. Ils sont survenus uniquement grâce à la volonté, à la compétence, au dynanisme et au réalisme des dirigeants du Québec.

A mon avis, le remède réside dans le dialogue que nous avons voulu entretenir, quoiqu'il arrive, et qui nous permettra, dans un climat de réalisme et d'objectivité, d'exposer nos vues, de justifier nos positions et de réclamer nos droits.

Certes, il ne faut pas se faire d'illusion; il ne sera pas toujours facile de nous entendre. Il ne sera pas toujours facile de trouver, au fur et à mesure que surgiront les difficultés, des solutions acceptables, satisfaisantes.

Mais le succès de cette entreprise ne saurait faire aucun doute. J'estime en effet que la volonté d'entretenir un tel dialogue existe au Canada. Je suis même persuadé que notre pays sortira plus fort et plus uni de la crise actuelle qu'il traverse car, ayant pris pleinement conscience du grave danger qui les menaçait, les Canadiens auront su trouver les solutions qui s'imposent.

Oui, je crois au fédéralisme canadien qui, dans la recherche constante et sérieuse d'un équilibre sans cesse renouvelé, tiendra pleinement compte de la dualité culturelle des deux communautés fondatrices du pays.

Je crois en l'avenir prestigieux de cette fructueuse association de nos deux peuples. Je crois au Canada.

M. André Léveillé

M. LEVEILLE : M. le Président, permettez-moi de vous féliciter à l'occasion de votre nomination, ainsi que vous, M. le Vice-Président. J'aimerais aussi féliciter le proposeur et le secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône. Je voudrais enfin féliciter tous les citoyens du comté de Maisonneuve qui, le 5 juin dernier, ont voté.

Je constate que nous apporterons au Code du travail et à d'autres lois ouvrières des amendements qui auront notamment pour objet de prévenir les conflits en agissant dès l'origine sur les causes qui sont susceptibles de les provoquer, ce qui aura pour effet d'alléger le fardeau des travailleurs en leur évitant des grèves onéreuses dont l'origine est souvent due au manque de dialogue entre les représentants de la classe ouvrière et le patronat. Changements qui favoriseront aussi la collaboration patronale-ouvrière au sein de l'entreprise.

Je constate que le ministère du Travail sera également modernisé et adapté aux besoins de l'heure. Avec les ministères concernés, il sera appelé à mettre en valeur un programme dynamique de recyclage de la main-d'oeuvre afin de permettre aux travailleurs qui perdent leur emploi à cause de l'automatisation de trouver des débouchés en se réadaptant aux techniques nouvelles. Entre autres exemples, la mécanographie où les chiffres publiés récemment démontrent que d'ici quatre ans, 60,000 travailleurs seront requis au Québec pour répondre aux besoins dans ce domaine, soit des programmeurs, des techniciens et des opérateurs d'ordinateurs électroniques.

Depuis environ quatre ans, ces ouvriers spécialisés sont importés des autres provinces où de l'étranger, il y aurait donc lieu de fonder au plus tôt, une école provinciale de mécanographie et d'ouvrir ainsi aux nôtres un débouché important dans un domaine nouveau et prometteur.

D'autres mesures seront aussi nécessaires pour pallier les conséquences de l'automatisation et des autres progrès technologiques de façon à mieux protéger les intérêts des travailleurs affectés par ces changements et à essayer d'atteindre le plein emploi réclamé par les ouvriers qui ne demandent qu'à travailler pour assurer la subsistance des leurs. L'Etat a donc un rôle social à remplir, et je m'y emploierai dans la mesure de mes moyens.

Les travailleurs, victimes d'accident du travail, verront aussi leur sort amélioré par la revision périodique des indemnités pour les maintenir au niveau de l'économie. Je sais que les premiers jalons seront posés en vue de la création d'un ministère qui mettra en valeur une politique des loisirs et des sports. Je sais aussi que des législations nous seront soumises à mesure qu'avancera le travail de la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social.

Donc, M. le Président, je crois qu'il est nécessaire d'améliorer le niveau de vie et la santé des classes laborieuses. Avec le concours de médecins conscients de leurs responsabilités morales et sociales et des corps intermédiaires, il faut mettre sur pied une équipe de santé dans le but de traiter les patients selon une formule qui permettrait aux citoyens ordinaires de bénéficier des bienfaits de la médecine sans avoir à redouter de grever leur avenir. Je suggère l'idée et la possibilité d'installer un organisme que l'on pourrait appeler polyclinique qui verrait à assurer à tous les malades qui seraient traités les meilleurs soins possibles aux taux d'honoraires basés sur la moyenne des taux des compagnies d'assurance. Et, pour ceux qui ne seraient pas couverts par lesdits taux, les hono-

ralres des médecins seraient des tarifs établis par le ministère de la Santé de la province sous l'empire de la loi de l'assistance médicale.

Une telle polyclinique fournirait au besoin les services qui se rapportent aux diagnostics et aux traitements du patient en dehors de l'hôpital telles que: radiologie, laboratoire, médecine générale et spécialisée etc. Une polyclinique qui serait au service non seulement des travailleurs, mais de toute la population du grand Montréal et du Québec. Il serait logique que cette polyclinique, sise dans l'un des secteurs les plus dépourvus de la métropole, secteur défini comme l'un des plus défavorisés.

Cette entreprise sans but lucratif aiderait les économiquement faibles en acceptant les tarifs établis par l'assistance médicale du ministère de la Santé. Ce projet, qui pourrait devenir réalité très bientôt, je l'espère, consisterait au début en une seule polyclinique qui pourrait se développer et multiplier ses services par l'établissement d'unités similaires dans d'autres secteurs, selon le besoin.

La congestion qui existe actuellement dans les hôpitaux est due, en partie, au fait que c'est le seul moyen pour les économiquement faibles de se faire donner les soins médicaux dont ils ont besoin. Mais la province doit assumer le coût d'hospitalisation pour des cas de plus en plus nombreux qui auraient avantage à être traités en clinique externe. Le dépistage de maladies qui sont transmises de génération en génération comme un héritage dans les taudis, le traitement de certains cas de façon continue replaceraient plus rapidement bon nombre de personnes sur le marché du travail et feraient changement avec la politique d'improvisation de 1960 et 1966 dans le domaine de la Santé.

Les effectifs de la spécialisation dans tous les domaines, entre autres dans le secteur médical, contribuent au coût astronomique des frais médicaux, et les effets s'en font surtout sentir au niveau de la classe la moins armée. Je me réjouis avec le peuple des mesures de protection annoncées dans le discours du Trône, entre autres l'élaboration d'une charte des droits de l'homme et surtout la loi instituant un protecteur du peuple, ombudsman.

Je constate, M. le Président, que le présent gouvernement entend aussi protéger les petits propriétaires contre les injustices qu'ils doivent subir à l'occasion d'expropriation pour des projets d'amélioration. Souvent, une vie d'éco- nomie est sacrifiée au bien-être d'une population créant ainsi des injustices, et ceux qui les subissent n'ont souvent pas les moyens de se défendre, à l'instar des trusts qui semblent toujours réaliser d'importants bénéfices dans ces occasions.

Avant de terminer, il y a certainement lieu de dire, M. le Président, que, dans le comté de Maisonneuve, dont f ai l'honneur de représenter tous les citoyens, tous ces citoyens espèrent ardemment obtenir un centre communautaire culturel. Les citoyens du comté de Maisonneuve ont souffert de l'immobilisme libéral pendant six ans, soit de 1960 à 1966. Et je le prouve. Ce n'est pas de la démagogie, c'est une réalité. Qu'est-ce que le parti libéral a fait ou a pensé faire pour l'Est de Montréal — et en particulier dans le comté de Maisonneuve — pendant ces six dernières années? M. le Président, purement et simplement de l'immobilisme. La preuve, voici ce que le régime libéral a donné à l'Est de Montréal pendant ces six années. Ils avaient pensé de transférer la Régie des alcools dans l'Ouest de Montréal; c'est ça qu'on nous a donné. Sauf, car il faut quand même être juste, je ne voudrais pas enlever au parti libéral ce qu'il nous a donné. Ils ne nous ont pas oublié au moment de l'augmentation des taxes. C'est le seul cadeau que nous avons eu.

Eh bien, M. le Président, lorsque je regarde l'autre côté de la Chambre, là où j'aurais aimé apercevoir l'honorable chef de l'Opposition qui, malheureusement, n'est pas présent en ce moment...

M. PINARD: Il est comme votre chef; il est au travail, le nôtre.

M. LEVEILLE: Nous, nous pouvons prouver que notre chef est au travail dans le moment. J'aurais bien aimé, M. le Président, pouvoir le regarder en face pour lui dire: l'immobilisme — et je le répète, l'immobilisme — je ne puis m'empêcher de dire que le chef de l'Opposition, lui il connaît ça!

M. HARVEY: M. le Président, comme il est midi et trente, je demande la suspension du débat.

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à trois heures cet après-midi, de consentement.

Reprise de la séance à 3 h 3 p.m.

M. PAUL (Président): A l'ordre.

M. Gérald Harvey

M. HARVEY: Alors, M. le Président, comme j'ai été relativement bref ce matin et que vous étiez absent de votre fauteuil au moment où il était occupé par le vice-Président, j'allais dire que mes premiers mots seront des mots de félicitation à votre endroit pour votre élection à la présidence de cette Chambre. Je veux vous féliciter pour la façon dont vous accomplissez votre travail, et je veux vous assurer de ma plus franche collaboration. Au proposeur et au secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône, mes félicitations également.

M. le Président, dans le discours du Trône, le gouvernement a fait part de son intention, pour la session en cours, de restructurer le Conseil d'orientation économique du Québec et de créer un Office du plan. On ne peut que louer d'aussi bonnes intentions de la part du gouvernement en attendant de connaître, dans la pratique, un peu mieux comment se traduiront ces intentions.

N'étant pas membre du gouvernement actuel ou du comité ministériel de la législation, il m'est impossible de connaître les détails de la législation avant le jour où le ministre concerné, ou le premier ministre, fera connaître ce projet de loi au Parlement. Depuis son élection, le gouvernement actuel a beaucoup parlé de la place prépondérante que les corps intermédiaires et les groupes de pression occuperont désormais dans l'élaboration des lois gouvernementales ou des politiques économiques et sociales à venir. Là encore, on doit louer les bonnes intentions du gouvernement.

Dans l'élaboration des futures lois concernant le Conseil d'orientation économique du Québec et le futur Office du plan, quelle place le gouvernement réserver a-t-il aux conseils économiques régionaux qui oeuvrent depuis quelques années déjà dans leur milieu respectif, principalement ceux qui ont reçu, au cours des dernières années, leur accréditation du Conseil d'orientation économique du Québec et du ministère de l'Industrie et du Commerce?

Cette question — et les membres du gouvernement le savent — nombre de conseils économiques du Québec se la posent, dont les membres du Conseil économique Saguenay-Lac-Saint-Jean et ceux des comités qui oeuvrent depuis plusieurs années déjà au relèvement économique de cette partie du Québec. J'admets au départ que le seul fait d'avoir dans une région un conseil économique ne confère pas à l'organis- me une compétence ou une autorité qui obligent le gouvernement à lui accorder sa confiance la plus entière.

Il existe, cependant, certains conseils économiques régionaux — dont celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean — qui ont fait leurs preuves dans le passé et qui méritent véritablement la confiance du gouvernement. Ce sont d'ailleurs ces conseils qui montrent actuellement une certaine inquiétude vis-à-vis les réformes projetées, et cette inquiétude me semble pleinement justifiée. Quelle place occuperont-ils dans les nouvelles structures du Conseil d'orientation économique du Québec? Quel rôle seront-ils appelés à jouer dans l'avenir? Seront-ils représentés au sein du futur Office du plan?

M. le Président, si le gouvernement sent la nécessité d'avoir au niveau provincial un Office du plan, comprenant un comité interministériel pour distribuer d'une façon plus adéquate, selon les besoins de la population, un budget global dépassant les deux milliards de dollars et, comme on le sait, qui est attribué par le ministre des Finances aux différents ministères de l'administration provinciale, comment peut-on sincèrement mettre de côté ou oublier volontairement d'avoir une présence indispensable des régions de toute la province au sein du nouvel Office du plan? Les conseils économiques régionaux accrédités et répondant aux normes exigées demeurent l'outil, d'après moi indispensable, au gouvernement pour l'élaboration des politiques et la redistribution des sommes dans les régions pour le développement intelligent et rationnel des territoires ou, si vous aimez mieux, M. le Président, de l'aménagement régional, comme se plaisent à le dire certains membres du cabinet actuel, depuis le mois de juin dernier. J'ose croire, M. le Président, que l'on fera jouer à ces conseils économiques régionaux leur véritable rôle et j'ai des propositions concrètes à faire au gouvernement en ce sens.

Au niveau provincial, il faut de toute nécessité que les conseils économiques régionaux conservent leurs deux représentants qu'ils ont présentement au niveau du Conseil d'orientation économique du Québec qui deviendrait, dans le nouvel organigramme, le Conseil économique et social, organisme qui jouerait un rôle purement consultatif, c'est-à-dire éloigné des centres de décisions.

A la lumière de l'expérience passée, il conviendrait que les conseils économiques régionaux aient, dans l'organisme du nouvel office du plan, une chambre de compensation ou organisme ou bien un représentant qui assurerait la liaison entre le nouvel office du plan et les conseils économiques régionaux eux-mêmes; cela dans le but

d'éliminer les démarches inutiles et les pèlerinages dans les différents ministères pour l'obtention de renseignements indispensables à la préparation des différents projets économiques au niveau des régions.

Pour expliciter ma pensée, disons que les conseils économiques régionaux n'ont jamais eu ce lien direct avec le Comité permanent de l'aménagement des ressources, bien que ce dernier organisme ait collaboré dans la mesure du possible. Le CPAR deviendrait dans le nouvel office du plan un comité interministériel très près des décisions administratives pouvant obtenir rapidement des différents ministères les informations indispensables et nécessaires et surtout l'assistance technique et financière dont ont souvent besoin nos conseils économiques régionaux. C'est pourquoi, M. le Président, il est indispensable qu'au moins une personne ou un comité venant des conseils économiques régionaux oeuvre à l'intérieur de cet organisme.

M. le Président, il est connu que des représentants de CER ont dû passer plusieurs jours dans la vieille capitale à faire antichambre auprès de certains ministères pour obtenir des renseignements. On ne peut pas blâmer ici les technocrates ou les fonctionnaires, car ceux-ci devaient avant tout voir d'abord au bon fonctionnement de leur ministère. D'ailleurs, rien ne les obligeait à agir autrement.

Cette restructuration au niveau gouvernemental m'amène à formuler quelques suggestions relativement aux conseils économiques régionaux eux-mêmes.

On me permettra de citer ici le cas du conseil économique régional Saguenay-Lac-Saint-Jean qui groupe la presque totalité des municipalités urbaines des cinq comtés de la région, puisque 13 sur 14 en font partie ety contribuent financièrement.

Ce conseil économique régional Saguenay-Lac-Saint-Jean a également une représentation de 70% des municipalités rurales. Les grandes, les moyennes et les petites industries y sont représentées ainsi que tous les syndicats ouvriers et agricoles de même que les autres corps intermédiaires importants.

Bien avant d'avoir obtenu la collaboration financière du gouvernement, la population de la région avait financièrement contribué à la formation et au fonctionnement du conseil économique régional pour une somme de $100,000 versée jusqu'à ce jour par la population.

C'est en 1965 que le gouvernement a versé la première subvention de $5,000 qui fut suivie, l'année suivante, c'est-à-dire l'année fiscale en cours, d'une autre de $12,000. Ajoutons en passant que plus de 100 personnes travaillent bénévolement au sein des divers comités du CER. Une subvention de $85,000 a été également accordée par le gouvernement pour la bonne marche d'enquêtes participation dont les résultats seront prochainement rendus publics.

M. BELLEMARE: Est-ce que le député me permet une observation?

M. HARVEY: Certainement.

M. BELLEMARE: Cette politique établie dans tous les conseils économiques de la province qui groupent un certain nombre de 12 ou 14 conseils économiques reçoivent tous les six mois un paiement et lorsque les activités du conseil économique de la région ont été jugées suffisantes par notre délégué régional, immédiatement la recommandation pour le deuxième paiement est faite. Nous avons l'intention de maintenir cette politique de paiement de subventions aux conseils économiques.

M. HARVEY: D'ailleurs, le ministre de l'Industrie et du Commerce me comprendra très bien. Si j'ai parlé d'une subvention de $12,000 pour cette année, je savais que le premier paiement avait été effectué et je n'avais aucun doute que le ministre ferait suivre la deuxième subvention lorsque les normes et critères auront été respectés.

M. BELLEMARE: D'ailleurs, le chèque est parti.

M. HARVEY: Je disais donc qu'une subvention de $85,000 également a été accordée pour la bonne marche d'enquêtes participation dont le ministre aura les résultats prochainement puisqu'ils seront rendus publics. Tout cela pour vous démontrer l'intérêt que la population du Saguenay-Lac Saint-Jean a à l'endroit de son conseil économique régional, et surtout son désir de participer au développement économique et social de cette importante partie du Québec, que même un député de cette Chambre, qui siège de l'autre côté a appelé petite province dans la grande province en raison du grand territoire que couvrent les cinq comtés du royaume du Saguenay qui comprend le Lac Saint-Jean et les trois comtés du Saguenay.

Pareille volonté, pareil désir de collaboration à la solution de leurs problèmes ne peuvent être ignorés par le gouvernement. C'est pourquoi je me permets de formuler certaines recommandations de nature à renforcer l'autorité des conseils économiques régionaux et surtout leur efficacité, soit par une plus grande

utilisation des ressources intellectuelles et humaines du milieu. Une enquête du CER de date récente nous a prouvé qu'il y avait 1,300 diplômés universitaires qui travaillent actuellement dans notre région. Eh bien, ceci m'amène à faire quatre suggestions applicables aux quatorze conseils économiques régionaux de la province, là où ces conseils ont leur accréditation, c'est-à-dire, répondant aux normes exigées présentement par le ministère de l'Industrie et du Commerce.

Première suggestion; actuellement le gouvernement verse aux différents CER une subvention représentant le quart du montant nécessaire à son administration, c'est-à-dire, 25%. Cette subvention devrait être portée à 49% du budget annuel des CER. Pourquoi 49%? Tout simplement pour conserver à ces organismes leur caractère apolitique.

Ma deuxième suggestion est la suivante. Le gouvernement a contribué à des enquêtes participation; il devrait financer les comités de recherche, à l'exemple de ce qui a été fait pour les enquêtes participation dans les unités d'aménagement que je connais et je ne cite que celle de la Basse-Péribonka, de la Shipshaw-Vallin et de la vallée de Mistassini. Ces comités seraient naturellement administrés individuellement.

La troisième suggestion est la suivante — et je la crois indispensable pour les deux parties en cause — les conseils économiques régionaux, le nouvel Office du plan lui-même et le gouvernement. Les différents ministères gouvernementaux devraient, au niveau des régions, autoriser « officiellement » leurs fonctionnaires à collaborer étroitement avec les divers comités du CER, donnant ainsi une assistance technique de première valeur aux administrateurs du Conseil économique régional. Indirectement, M. le Président, les différents ministères gouvernementaux seraient constamment informés des préoccupations du CER, donc beaucoup plus sensibles aux problèmes régionaux eux-mêmes.

La quatrième suggestion au niveau régional — à l'exemple du comité patronal-ouvrier qui vient d'être mis sur pied par le CER au Saguenay-Lac-Saint-Jean et que le ministre a bien voulu reconnaître en y déléguant un représentant de son secteur des relations de travail — le CER pourrait servir de lien entre les différentes municipalités qui le composent déjà, en vue de l'unification des plans directeurs d'urbanisme.

M. le Président, la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean à prouvé dans le passé qu'elle voulait participer activement au développement économique de son territoire. Tous les sacri- fices consentis jusqu'à maintenant pour faire renaître et fonctionner son Conseil économique régional en sont des preuves irréfutables. Le gouvernement l'a reconnu d'ailleurs comme le principal interlocuteur de la région au point de vue économique. Il faut non seulement maintenir cette confiance dans ce partenaire, mais lui fournir aussi les outils nécessaires pour ne pas décevoir les espoirs de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

M. le Président, en formulant ces remarques d'une façon bien objective et dénuée de partisanerie politique, je suis sûr que cette chose est de nature à renforcer l'autorité des conseils économiques régionaux et j'ai la nette conviction, de traduire l'opinion de la majorité de la population des cinq comtés de la région dont j'ai l'honneur de faire partie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jérôme Proulx

M. PROULX: M. le Président, depuis l'ouverture de la session, on n'a pas cessé de vous féliciter pour votre impartialité, pour votre esprit et pour le contrôle que vous exercez sur cette noble assemblée. Tous ces compliments retombent sur nous, par ricochet, puisque vous étiez, il y a quelque temps, l'un des nôtres. Vous nous faites honneur, et nous sommes fiers de vous.

M. le Président, je représente le comté de Saint-Jean, comté historique si jamais il en fut un. Samuel de Champlain remonta le Richelieu jusqu'au lac Champlain. Dans le comté se sont battus Iroquois et Français, Anglais et Français, Américains et Canadiens. Il y a deux forts remarquables; le fort Lennox et le fort Saint-Jean où se situe aujourd'hui le Collège militaire royal de Saint-Jean. C'est à ce collège que j'ai professé pendant dix années avant de venir ici.

Depuis 1867, le comté de Saint-Jean fut représenté par deux hommes remarquables et distingués. L'honorable Paul Beaulieu fut pendant vingt ans son digne et loyal serviteur et durant seize ans, il brilla au ministère du Commerce et de l'Industrie. Et Félix-Gabriel Marchand fut pendant 33 ans son représentant libéral, il siéga de 1867 à 1900, fut premier ministre pendant trois ans, et il mourut au poste. L'honorable Marchand était aussi journaliste, romancier et auteur dramatique; et, comme nos illustres collègues de l'Opposition ont quelques loisirs, ils pourraient facilement monter deux de ses pièces de très brûlante actualité dans lesquelles ils pourraient se faire valoir. La première serait,

« Les faux brillants », et l'autre, « Nos gros chagrins et nos petits malheurs ». Je pourrais voir facilement le député de Gouin jouer un rôle important dans ces pièces.

M. MICHAUD: On n'interrompt pas.

M. PROULX: Il y a chez nous, M. le Président, un problème routier, pour atteindre Montréal, les gens d'Iberville et de Saint-Jean et aussi d'autres comtés ont une alternative, s'engager sur l'autoroute — et cela coûte $0.50 — ou prendre la route 9B de Saint-Jean à Laprairie, route dangeureuse où il y eu en 1965, 175 accidents. Je demande donc au gouvernement de baisser le taux de péage si possible à l'entrée de l'autoroute des Cantons-de-1'Est à l'heure de pointe avant que ne soit complétée la route 9B. Je suis convaincu que le ministre de la Voirie construira cette route bientôt.

Il y a aussi chez nous le problème hospitalier. L'hôpital actuel ne fournit que 1.6 lit par mille de population. Alors qu'à Montréal, la moyenne est de six lits par mille. Et le futur hôpital sera régional puisqu'il devra servir au moins six comtés environnants. J'ai confiance que le ministre actuel de la Santé réglera, pour 1967, ce grave problème, et ce sera nous qui couperons les fameux rubans dont parlait un certain député de l'Opposition.

Le problème agricole nous touche aussi comme tous les autres comtés. C'est le cas des producteurs laitiers qui survivent difficilement. C'est le problème des récoltes qui se vendent à peine, c'est la crise de la main-d'oeuvre rurale, ce sont enfin les fermiers qui désertent leurs terres pour chercher ailleurs leurs moyens de subsistance. J'ai confiance que le ministre actuel de l'Agriculture apportera des solutions aux problèmes cruciaux de la classe agricole.

Enfin, M. le Président, une quatrième chose m'angoisse, parce que, nous aussi, nous avons des angoisses existentielles et non pas seulement le député de Notre-Dame-de-Grâce, spécialiste de l'existentialisme. Une quatrième chose m'angoisse, M. le Président, il y a beaucoup de chômeurs dans notre région, et je demande au ministre du Commerce et de l'Industrie de nous envoyer le plus tôt possible une industrie dans notre comté.

M. BELLEMARE: Adopté.

M. PROULX: Si ces quatre points se réalisent pendant cette 28e Législature, mon oeuvre sera accomplie.

M. DOZOIS: L'heure est arrivée!

M. PROULX: J'aimerais souligner ici une erreur qu'a commise le chef de l'Opposition dans son discours du 6 décembre 1966. En voulant taquiner amicalement le premier ministre au sujet du régime présidentiel, il a affirmé:« Mais le grand malheur pour le premier ministre actuel c'est que si les dernières élections avaient eu lieu sous un régime présidentiel, ce n'est pas lui qui serait Président, ce serait celui qui est en face de lui, parce que le Président est élu, dans ce pays, au vote populaire ». Or, ce n'est pas exact. Aux Etats-Unis, les présidents Polk, Buchanan, Cleveland, Harrison, Wilson, Truman ont été élus avec moins de 50% du vote populaire.

M. LESAGE: En France?

M. ROY: Je m'objecte, M. le Président. L'opposition nous a promis quand c'était un jeune député — parce que c'est son expression — de ne pas l'interrompre et je voudrais qu'on en tienne compte et qu'on l'observe. Ils n'ont pas cessé de faire des commentaires, à votre gauche naturellement.

M. LESAGE: M. le Président, l'engagement valait pour les bébés comme le député de Joliette.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois qu'aux hommes bien nés la valeur n'attend pas le nombre des années.

M. PROULX: M. le Président, on se guérit de sa jeunesse avec le temps. Abraham Lincoln, lui, n'a reçu, en 1860, que 40% du vote populaire. Ceci suppose un autre manque de mémoire de la part du chef de l'Opposition. A la même occasion, ce dernier a affirmé que j'aurais l'occasion de faire le jars. J'aime mieux faire le jars au pouvoir que de faire le fanfaron dans l'Opposition.

Depuis l'été passé, plusieurs ont parlé du rôle du député, soit en Chambre soit en dehors de la Chambre. On veut, dit-on, revaloriser son rôle. On doit se demander si vraiment la fonction du député a été dévalorisée. Certains événements malheureux ont pu, depuis quelques années, avoir une certaine influence, mais je crois que le député, ou fédéral ou provincial, jouit d'un bon prestige dans notre milieu. Le vrai problème est que nous cherchons à nous définir et à nous trouver une place dans la structure politique actuelle.

Présentement, nous sommes assis entre deux chaises; en Chambre nous connaissons très bien notre rôle; on en a parlé énormément ces derniers temps et dans le comté nous valons pour autant que nous sommes rattachés au parlement.

Notre vraie situation, à l'heure actuelle, se place à mi-chemin entre le parlement et notre comté.

Depuis quelques années, le rôle réel du député est diminué dans le comté avec le nouveau système de soumission, avec le service général des achats, avec le Syndicat des fonctionnaires et avec les autres nouveautés qui sont apparues. La population comprend très bien les impératifs d'une structure modernisée. Autrefois, le député était le représentant officiel ou occulte de différents ministères; aujourd'hui, ceux-ci se sont développés et ont poussé des ramifications dans chaque sphère d'une région, libérant ainsi l'homme politique de certaines obligations parfois délicates.

Certains de nos pouvoirs, dans notre comté, sont nets et clairs; d'autres sont imprécis, d'autres seraient occultes. Ces pouvoirs sont parfois des pouvoirs délégués ou des prolongations du pouvoir central, d'où certains conflits existant entre nous et le pouvoir administratif. On ne connaît pas toujours la limite de nos pouvoirs dans l'administration. L'ennui que nous éprouvons parfois dans cette Chambre se retrouve dans toutes les chambres d'assemblée, M. le Président, surtout pour nous, les jeunes « back benchers », et il en est ainsi au congrès où la situation est certainement plus accentuée. C'est la même chose à Londres ou à Paris.

Notre rôle, pour le moment, au Parlement peut être efficace, surtout dans les caucus. Je répète ce qui a été dit précédemment. Le premier ministre étant plus près de ses ministres, ceux-ci plus près des députés qui, eux, sont près de la population, le premier ministre, dis-je pourra mieux connaître la nation, ses besoins, ses exigences et préparer avec le cabinet la législation qui s'impose.

Cette Chambre me rappelle singulièrement le temps de collège. Ici tout est sombre et sérieux. Les corridors sont longs et résonnants. Il y a des maîtres de discipline partout qui contrôlent les présences. La cloche sonne régulièrement. On s'amuse quelques très rares fois, comme au collège. Et le règlement est très strict. Il y a ici des jeunes nouveaux qui viennent d'entrer, qui écoutent et qui regardent les grands. On les écoute avec admiration et ébahissement et il ne faut pas rentrer dans « leur talle ».Il y a aussi ceux qui ne suivent pas les cours et qui disparaissent subrepticement. Et surtout, M. le Président, comme dans certains collèges, le cours ici ne dure que six ans, pour les élèves brillants. Moi-même, je proposerais, pour faire un bon cours, un recyclage de dix ou douze ans certainement.

Depuis huit ans — le député de Gouin s'en sou- vient — depuis huit ans on a continuellement parlé de patronage et depuis le 5 juin on nous accuse frivolement d'en faire. Après avoir condamné vertement l'équipe précédente, l'équipe de 1960, pour pouvoir en faire, a trouvé l'heureuse formule magique du bon et du mauvais patronage. Depuis 1960, le monde québécois est devenu tout à coup manichéen: la bonne équipe était la libérale et la mauvaise était la nôtre.

Rappelons quelques expressions, quelques perles du respectable député de Gouin: princes du patronage, fantômes du patronage, députés patroneux, Babylone del'assiette au beurre, jardins suspendus du patronage, paradis des tripoteurs et des coulisseurs, imposture, étalage verbal, électoralisme...

M. MICHAUD: M. le Président, je suis mal cité: « des coulissiers ».

M. PROULX: ... agitateurs triomphants, sommet de la collusion, prébendes, grâces, faveurs, marais du conservatisme. Son discours, ajouté à tous ses éditoriaux, formerait le dictionnaire le plus complet des insultes si ce dictionnaire n'exixtait pas déjà. Sa composition française pourrait être divisée en deux parties: la première et la deuxième. Et tous les députés, vous vous en souvenez messieurs, ont reçu à leur bureau un recueil de poèmes. Ce recueil a un titre qui décrit extrêmement bien les deux parties du discours du député de Gouin; ce titre c'est « Flux et Reflux ».

M. MICHAUD: Il ne faut pas interrompre.

M. PROULX: Nous allons nous faire des ennemis, M. le Président. Il me semble qu'on a beaucoup abusé du mot patronage. Abraham Lincoln est considéré comme l'un des plus grands hommes d'Etat en Amérique. Il a sauvé l'Union et il a émancipé les noirs, mais il fut en même temps l'un des plus grands patroneux du 19e siècle, patroneux dans notre sens à nous.

Il a accepté en 1862 l'Oregon, le 36e Etat, dans l'Union, à condition que deux sénateurs votent pour lui pour le 13e amendement. Lincoln échange postes, positions, contrats, sans aucun problème, et il est considéré comme une des figures les plus nobles et les plus pures de l'Amérique du Nord et de toute l'humanité. Les Américains, peuple puritain par excellence s'il en est un, partiquent un patronage organisé depuis le Président Jackson en 1827. Non pas que je veuille... Pardon?

M. MICHAUD: Puis-je poser une question au député? Ce sont les modèles que vous nous proposez?

M. PROULX: Le député a de l'intuition. Non pas que je veuille, M. le Président, justifier ces formes de patronage, mais qu'on cesse de répéter toujours ces mêmes rengaines et qui d'ailleurs ne furent pas rentables pour l'Opposition pendant huit ans, car ils ont commencé en 1958. Pourquoi y a-t-il au Québec tant de patronage? De 1760 jusqu'à nos jours, M. le Président, l'un des rares employeurs était le gouvernement. Le Québec a toujours été sous-developpé industriellement, et l'on s'attachait au gouvernement et au député pour vivre et survivre. Aujourd'hui encore on s'accroche au gouvernement comme à une bouée de sauvetage et, en même temps qu'on s'y attache comme un parasite, en même temps on en abuse. Se jouer du gouvernement, tromper l'Etat, établir de faux rapports d'impôt ou fausser des demandes de bourse est pour plusieurs un bon coup. L'Etat est en même temps ami et ennemi. Pour le Latin, pour le Français que nous sommes, l'Etat est un ennemi dont il faut profiter, surtout quand cet Etat est fédéral et même provincial.

En égard à la loi électorale, M. le Président, serait-il possible que toutes les dépenses électorales du candidat soient payées par le gouvernement? Dans un comté de 25,000 électeurs, par exemple, le gouvernement paie environ $8,000 sur un total de $12,000; il ne resterait qu'à payer, pour le gouvernement, la somme de $4,000. Ainsi le candidat serait libéré de tous les liens ou avec le fournisseur de la caisse ou avec la caisse du parti. Dans l'ensemble des candidats, la somme ne serait pas si importante pour l'Etat. De plus sera-t-il possible que l'agent officiel — c'est une proposition, je ne sais ce qu'elle vaut — que l'agent officiel, l'organisateur en chef, et que certains organisateurs puissent être payés et que ces frais soient inscrits dans les dépenses du candidat, puisque l'officier-rapporteur, le greffier, le représentant, eux, sont payés eux aussi? Tout ceci parce que les organisateurs d'élections de tous partis, de quelque côté qu'ils soient, travaillent beaucoup pour faire élire leur candidat. Il y a parmi eux des gens généreux, dévoués, qui travaillent pour la cause. Il y a aussi même ceux qui dépensent beaucoup de leur argent et de leur temps, il y a aussi les autres.

La nouvelle loi, établie depuis quelque temps, ne permet plus à un député de manifester sa reconnaissance à l'égard de ceux qui ont travaillé pour lui ou pour le parti. C'est pourquoi je recommande que toutes les dépenses soient payées par le gouvernement et que certains organisateurs soient aussi rémunérés.

M. le Président, combien de conférences, d'études, d'articles, n'ont pas été faits depuis un an sur le problème de la constitution et de la nation canadienne-française? Il est difficile ici de ne pas répéter ce qui a été dit depuis quinze jours. Le Québec produit et crée aujourd'hui comme jamais on ne l'a fait: les peintres, les poètes, les sculpteurs, les musiciens, les chanteurs, les chansonniers, les auteurs dramatiques, les romanciers atteignent un haut niveau de perfection et débordent sur la scène mondiale. Citons seulement les deux cas de Réjean Ducharme et Marie-Claire Blais qui furent dans toute la production littéraire française les deux événements mondiaux. En ce moment même où nous déléguons nos ambassadeurs culturels à l'étranger, nous sentons la maison qui s'effondre et nous avons le vertige. Alors que le Québec commence en adulte, à s'affirmer et à s'exprimer, on se sent les pieds glisser sur le sable mouvant. Le Québec est à un carrefour de sa destinée, à la croisée des chemins. Où donc prendre notre courage et nos lumières? Elles ne viendront certainement pas du député du comté de Duplessis. Quand ce député et quelques autres rendront l'âme, ils ne rendront certainement pas l'esprit...

M. LeCHASSEUR: Est-ce que ces lumières vont venir de son adversaire de la campagne passée?

M. PROULX: Je ne comprends pas.

UNE VOIX: Il est moins sourd sur Bourgault. Bourgault, Pierre.

M. PROULX: Je ne connais pas Pierre.

Nous voyons d'une part les conservateurs d'extrême-droite qui veulent à tout prix garder le statu quo et qui sont prêts à toutes les compromissions. Ce sont ces marchands d'illusion qui, maîtres-d'oeuvre d'Ottawa, se promènent à la grandeur de la province et cherchent le salut dans la technologie et dans l'oubli total de nos valeurs nationales et spirituelles. Ottawa nous lance ici et là des pépins pour détourner l'attention des problèmes cruciaux de la nation québécoise.

UNE VOIX: Il assomme Pépin.

M. PROULX: Il y a d'autre part ceux d'extrême-gauche qui, semblables aux patriotes de 37 — la plupart de la vallée du Richelieu, donc de ma région — sacrifient leur vie pour la nation. Quelle angoisse les étreint-ils pour les pousser à de tels actes? Quel désespoir les meut-

ils? Sont-ils les seuls sensibles à la tragédie qui va se jouer? Je ne le crois pas. Qui donc peut comprendre ces gens, sinon nous qui sommes à la direction du peuple du Québec? Le désespoir est semblable à celui des Européens qui, dans les années 40, virent de toute part toutes les structures s'écrouler d'un seul coup. D'où le salut peut-il venir? Une peut pas venir d'Ottawa. Le gouvernement central se désagrège, se désintègre de jour en jour, aucun grand parti ne peut obtenir la majorité absolue, il n'y a pas de leadership, ils sont incapables de se restructurer, de se ranimer, ils souffrent de sénilité avancée. Ils ne vivent que du passé, pendant les deux dernières années environ, ils n'ont vécu que d'un passé douteux et malheureux.

Les grands partis envoient des agitateurs politiques qui réussissent à faire les manchettes tout au plus. Les quatre grands chefs de parti parlent de fédéralisme, ils n'ont jamais pu parler français alors que nous sommes ici depuis 350 ans. Apparaît aussi à Ottawa ce symptôme extrêmement grave pour un pays, le multipartisme. Ce multipartisme aboutit nécessairement à la prépondérance de la Chambre. L'exécutif s'affaiblit de plus en plus au détriment de l'Assemblée. Le cabinet à Ottawa est à la remorque du gouvernement qui soumet ses actes à un contrôle tatillon et peut le renverser à sa guise.

L'instabilité ministérielle est très grande, il est impossible à l'exécutif d'appliquer une politique cohérente et précise, c'est devenu un gouvernement inefficace. Depuis les années 1957, 1958, les Canadiens ne sont plus dans le jeu, il n'y a plus de contact direct entre le pouvoir et le peuple, contact qui est un élément essentiel de la démocratie. Les Canadiens s'en foutaient, ils avaient parfaitement conscience pendant les dernières élections de ne pas désigner le chef suprême du gouvernement, celui qui dirige effectivement la nation ou l'Etat canadien. En votant pour les tiers partis, les électeurs avaient conscience qu'ils ne votaient pas pour le chef du gouvernement. Ils sapaient consciemment l'autorité de l'Etat. Ce multipartisme ira toujours en s'accroissant puisque les deux grands partis ne peuvent se renouveler. Un député dernièrement demandait: Est-ce ainsi qu'on envoie à Ottawa des hommes sérieux? Mais personne ne semble s'y intéresser. Les meilleurs hommes du Québec aiment mieux venir travailler ici plutôt qued'aller à Ottawa. Ces remarques s'appliquent aux deux côtés de la Chambre, cela pour faire oublier les petites pointes de tout à l'heure.

Ce processus de désagrégation ne s'opérera pas d'une façon constante, il se fera qu'en temps par spasmes alternés, par crise, suivie d'un rétablissement, puis par une autre crise. Le salut,

M. le Président, viendra d'en bas, des provinces. Toutes les grandes réformes sont venues d'en bas, d'un mécontentement de la population, de la masse révoltée ou insatisfaite.

Ce fut le cas, aux XIIIe et au XIVe siècles, de la grande Réforme luthérienne et calviniste. Ce fut celui des treize états rebelles, en 1776. Ce fut le cas de la Révolution française, de la rébellion de 1837, du renversement de 1917 en Russie et de l'Algérie dernièrement.

Le gouvernement central et les tenants du pouvoir ne peuvent accepter de réformes. Ils s'attachent au pouvoir, aux traditions établies. Ils s'agrippent aux structures en place, alors que tout s'effrite. Souvent, ils ne peuvent voir venir les difficultés, car ils sont aveugles.

En 1864, la conférence de Charlottetown avait été suggérée et organisée par les provinces maritimes, alors que, huit ans auparavant, Galt, Ross et Cartier avaient proposé en vain au gouvernement impérial la confédération de quatre provinces.

La conférence de Québec, en octobre 1864, avait été suggérée par les représentants du Canada d'alors et, à la conférence de Londres en décembre 1866, il a fallu forcer les deux chambres impériales pour qu'elles acceptent la nouvelle constitution canadienne. Ce sont les colonies d'alors qui se sont donné une nouvelle constitution et non le gouvernement impérial qui s'en foutait royalement.

Il faut donc que les réformes couvent, mûrissent, éclatent à la base pour que les gouvernements se décident à se renouveler. Déjà le Québec a formé son comité parlementaire sur la constitution. Déjà, M. Robarts a proposé une conférence interprovinciale. L'initiative ne peut venir que des provinces, et le Québec est à l'avant-garde de ces demandes.

Les deux principaux soucis du gouvernement d'un état moderne sont l'économie et la politique étrangère. Or, ces deux champs d'action échappent largement, et presque totalement, au contrôle d'Ottawa qui est devenu un état satellite dans l'orbite américaine. Comment pourra-t-il régler ses problèmes de constitution interne, alors qu'il ne peut contrôler ni son économie, ni sa politique extérieure.

Plusieurs sont choqués et scandalisés quand on parle de décolonisation ici, au Québec. Ce phénomène apparaît partout, comme la fédération de certains pays s'est réalisée autrefois. Dans les années 1860 et 1870, des unions fédérales se sont faites partout dans le monde; aux Etats-Unis, en Allemagne, en Australie, en Afrique du sud, au Brézil et au Canada. Depuis 1945, est apparu, dans le monde entier, unphénomène de décolonisation: dans toute l'Afrique, de l'Al-

gérie à la Rhodésie, en Asie Mineure, en Amérique Centrale, en Extrême-Orient, en Amérique du Sud et même en Europe. Que la nation du Québec veuille s'affirmer, se libérer de ses liens et de ses complexes, est un phénomène généralisé; cela s'inscrit dans le grand éveil de l'humanité. Se réalise, ici comme ailleurs, la montée du pensant, selon l'expression de Theilard de Chardin; c'est le phénomène de la libération d'un peuple.

Le problème majeur des démocraties modernes et donc de la nôtre, est la conciliation du techniquement réalisable et du pratiquement possible. Un gouvernement où les décisions seraient prises uniquement par des techniciens ou par des technocrates ne serait plus une démocratie. Et nous savons quelle oppression entraîne un régime totalitaire. Ils sont menacés et par leurs excès et par leurs erreurs. Qu'on se souvienne de l'échec de la politique agricole et de l'industrie chimique sous le régime Khrouchtchev. Celui-ci a été éliminé en partie à cause des erreurs de ses technocrates. Ceux-ci peuvent facilement se tromper. Clémenceau disait que la guerre était trop sérieuse pour la laisser entre les mains des militaires. L'administration d'un Etat est une chose trop grave pour la laisser entre les mains des grands administrateurs de l'Etat.

Leur spécialisation qui les rend nécessaires et indispensables fait qu'ils sont souvent aussi des gens redoutables par leur manque de bon sens et de réalisme. Il faut donc qu'ils rencontrent une opposition dans une opinion publique alerte et lucide, que leur conception soit passée au crible d'une pensée différente et forte. Nos cadres politiques actuels, nos institutions peuvent facilement réaliser une confrontation heureuse entre le techniquement réalisable et le politiquement possible.

La principale erreur du régime précédent fut peut-être de ne pas réaliser cette conciliation de telle sorte que les techniciens ont pris pas sur les politiciens qui n'ont pas su adapter leurs législations à une politique pratique. Je dis peut-être. Ils ont fui toute opposition, ils ont voulu appliquer une législation conçue et élaborée dans des comités spécialisés.

La vie politique de 1944 à 1960 s'est centrée uniquement sur le politiquement possible; de 1960 à 1966, le techniquement désirable a pris le pas, et nous avons assisté à une coupure nette entre l'administration et la politique, entre les conceptions parfois audacieuses et l'opinion politique. Les besoins du Québec aujourd'hui ne sont pas l'exaltation déplacée, mais du bon sens; non pas de l'extravagance, mais un retour à la normale; non par la révolution, mais la restauration.

L'élaboration et l'application d'une politique reposent sur deux colonnes: l'administration avec ses techniciens et le peuple avec ses désirs, ses passions et son besoin de voir les choses clairement. Or, qui fait le lien entre ces deux colonnes sinon le premier ministre avec son Cabinet qui filtre, analyse et sent les besoins de la population? Il est aidé de ses députés qui, eux, sont près de la population. Il est aidé aussi de cette assemblée, par cette opposition qui scrute et qui cherche les défauts d'une législation. Le premier ministre est ici à la fois le chef des technocrates, le chef du Cabinet, le chef du parti, d'où importance capitale des caucus. Il est aussi le « floor leader » capable de passer et expliquer sa législation. Il lui faut aussi convaincre et persuader son parti et cette assemblée, et par conséquent, l'opinion publique, car gouverner, M. le Président, c'est uniquement persuader.

Ce fut peut-être l'erreur du régime précédent de ne pas avoir su persuader. Pour qu'un Etat fonctionne bien, il faut trois choses: une bonne administration, et nous l'avons en général; une opinion publique éclairée et diversifiée, la nôtre s'enrichit de plus en plus, les bons éditoriaux se multiplient — je ne parle pas de ceux du député de Gouin — les bons éditoriaux se multiplient à tous les jours et ils sont parfois passionnés, différents et opposés; et nous avons aussi un bon chef du gouvernement.

En somme, les technocrates proposent et le pouvoir dispose. En terminant, rappelons les paroles rassurantes du grand historien Toynbee: « Quel que soit l'avenir de l'humanité en Amérique du Nord, je suis, pour ainsi dire, sûr que les Canadiens de langue française, en tout état de cause, seront encore présents au dénouement de l'aventure. » Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Taillon.

M. Guy Leduc

M. LEDUC (Taillon): M. le Président, vous me permettrez tout d'abord de vous féliciter, non seulement de votre nomination au poste que vous occupez, mais aussi et surtout pour la façon dont vous vous acquittez de votre tâche depuis le début de la session. Vous apportez à votre fonction une connaissance de la prodédure parlementaire, un jugement sûr et un sens de l'humour et une objectivité qui ne peuvent que rendre les délibérations de cette Chambre plus faciles et plus efficaces et, du même coup, améliorer la conception que le citoyen québécois se fait de l'Assemblée législative.

M. le Président, nous avons appris récemment la nomination du premier ministre au Conseil privé de Sa Majesté la Reine Elizabeth II Comme j'aurais aimé être présent, M. le Prési- dent, pour voir en quels termes chaleureux, le ministre des Affaires culturelles et les ministres d'Etat à l'Education ont dû féliciter le premier ministre.

Sa Majesté, en s'adjoignant un conseiller comme le député de Bagot, ne savait évidemment pas qu'elle allait plonger l'Union Nationale dans une autre contradiction et que la moitié du cabinet allait brûler ce que l'autre moitié adorait.

M. le Président, au début de cette semaine la majorité d'entre nous avons reçu la visite des représentants de l'Ecole des Hautes Etudes commerciales. Cette équipe de visiteurs a rencontré les députés pour expliquer la situation qui existe aux HEC. Je suis sûrement, avec d'autres membres de cette Chambre, un de ceux qui sont le plus sympathiques à leur cause et j'aimerais lire quelques extraits de la lettre qu'ils ont laissée à chacun d'entre nous; « L'école renferme des locaux qui sont largement insuffisants pour le nombre sans cesse croissant d'étudiants et pour les services que ce nombre exige. Pour faire place aux quelque 1,200 étudiants de cette année, il a fallu loger la majorité des professeurs àl'extérieur de l'école ainsi que les services tels que secrétariat, librairie, etc. Les classes sont inadéquates à l'enseignement en plus d'être surpeuplées. L'horaire même des cours est conçu de façon à utiliser continuellement les salles de cours. Les étudiants s'asphyxient par suite de l'exiguïté des locaux et du manque total d'aération. » Et ça continue, M. le Président. Je me permets d'attirer l'attention du ministre de l'Education et de souhaiter qu'on s'occupera du problème des Hautes Etudes le plus rapidement possible.

M. le Président, au cours des six mois de l'Expo, des centaines de milliers de visiteurs se rendront à Québec et visiteront les édifices du gouvernement. Permettez-moi de vous suggérer d'organiser un système de guides qui pourraient renseigner adéquatement les visiteurs. Présentement, MM. Etienne Paré et Philippe Langlois sont à ma connaissance les deux seuls guides compétents qui peuvent accomplir cette tâche. Je crois et j'ose espérer qu'un personnel plus nombreux sera à la disposition des visiteurs au moment de l'Expo.

Je voudrais maintenant, M. le Président, dire un mot du comté que je suis fier de représenter en cette Chambre et dont je m'efforcerai de défendre les meilleurs intérêts au cours des mois et des années à venir. Le comté de Taillon se compose de trois municipalités, Jacques-Car- tier, Laflèche et Saint-Hubert. Trois villes qui, depuis 1961, grâce aux initiatives intelligentes et hardies du gouvernement précédent, connaissent un essor qui leur assure de façon certaine le progrès et la prospérité. Les administrations municipales de ces trois villes ont démontré sans l'ombre d'un doute qu'elles savaient administrer avec sagesse, qu'elles savaient établir une planification et qu'elles désiraient se situer à l'avant-garde des municipalités les plus progressives du Québec.

Toutefois, M. le Président, si mon comté affiche beaucoup de dynamisme, il n'en reste pas moins qu'il compte encore plusieurs problèmes. On me permettra d'en souligner un en particulier qui me paraît assez urgent. Je veux parler du rond-point de Saint-Hubert qui facilitera l'accès, non seulement à la ville de Saint-Hubert mais aussi à plusieurs autres routes de la région. Les plans préliminaires de ce rond-point ont déjà été déposés mais la situation de la circulation à cet endroit constitue actuellement un problème si grave que j'ose espérer que le gouvernement jugera à propos d'autoriser sans plus de retard la construction de ce complexe routier.

D'autre part, M. le Président, je sais qu'il sera difficile de commencer véritablement la réalisation de ce projet avant la fin de l'Expo. Aussi je suggère qu'on pourrait peut-être en attendant ce moment, installer des feux de circulation adéquats afin d'éviter le trop grand nombre d'accidents que nous déplorons chaque fin de semaine. Un peu dans la même veine, M. le Président, j'aimerais suggérer au ministre de la Voirie d'étudier la possibilité d'installer le long des routes de cette région des panneaux qui identifieraient plus adéquatement les trois villes de mon comté.

Le comté de Taillon est composé d'une population de langue française et de langue anglaise. La collaboration, l'entente et le dialogue qui existent au sein de ces deux communautés pourraient facilement, je crois, servir d'exemple au reste du pays.

Sans doute, ce voisinage comporte aussi sa part de petits problèmes, mais la population de mon comté a fait preuve d'une bonne volonté et d'une maturité telles que les difficultés s'estompent rapidement devant le vouloir-vivre collectif dans la paix et dans l'harmonie.

Et après ces quelques considérations sur mon comté, j'en arrive, M. le Président, au sujet principal de mon intervention, à savoir le cinéma et la censure dans le Québec. Au cours de cette période qu'on a appelée « la révolution tranquille », c'est-à-dire de 1960 à 1966, le gouvernement a placé au tout premier rang

de ses priorités l'éducation et la culture. Or, la preuve est faite depuis longtemps que le septième art, avec ses carences et avec ses défauts, est encore l'un des instruments les plus efficaces que l'homme se soit donné pour aider l'éducation et propager la culture. C'est donc dire que, dans une société qui met l'accent sur l'éducation et la culture, il devient impérieux de faire une utilisation intelligente et planifiée du cinéma et que l'Etat, à ce chapitre, a du même coup des obligations particulières lorsqu'il préconise une politique d'échanges culturels.

Le cinéma se situe parmi les moyens artistiques les plus populaires de notre siècle, parce que c'est un moyen d'expression qui touche l'homme dans sa totalité. C'est André Malraux qui disait: « L'importance du cinéma, c'est qu'il est le premier art mondial». Devant l'évolution qu'a subie le septième art au cours des dernières années, il est bien évident que les critères que l'on doit employer pour juger une oeuvre cinématographique ont dû, aussi, suivre cette évolution. En conséquence, nous avons assisté, depuis quelques années, à un assouplissement progressif du régime de la censure. Fort heureusement, M. le Président, il n'est plus nécessaire, aujourd'hui, pour voir certains grands films, d'être invité à des séances privées du bureau de la censure ou de certains ciné-clubs et l'époque est déjà bien loin où, pour voir un chef-d'oeuvre comme les Enfants du paradis, il fallait se réunir clandestinement.

Cette évolution correspond à l'évolution éducative et culturelle que nous avons connue depuis 1960. Un des éléments qui ont contribué d'une façon positive à ouvrir nos horizons cinématographiques est sans contredit le festival international du film de Montréal. Grâce au travail acharné et continu d'une équipe dévouée, le festival international du film de Montréal nous a donné l'occasion de voir les chefs-d'oeuvre du monde entier et je voudrais profiter de cette occasion, M. le Président, pour féliciter les directeurs du festival et les encourager à continuer cette oeuvre qu'ils ont commencée.

En 1963, le bureau du censure refaisait ses cadres administratifs, mais nous en sommes encore à la loi des vues animées de 1925. Inutile de dire que cette loi, qui était moderne au moment de sa création, est maintenant dépassée. Je dirais même qu'à la lumière de l'évolution qui s'est produite au Québec, au cours des dernières années, la loi des vues animées de 1925 est non seulement archaïque, mais qu'elle constitue une atteinte à la liberté du citoyen et je n'en veux pour preuve que cet extrait du rapport Régis, aux pages 28 et 29, qui, après avoir énuméré les critères qui doivent présider à la censure, déclare: « Si on applique ces critères à la loi des vues animées, sa généralité lui permet de respecter ces divers aspects de la conscience personnelle et de ne pas se substituer à la fonction éducatrice des parents et de ceux qui sont chargés de former les consciences. Mais, dans les règlements et les directives d'application de cette loi, elle prend alors un caractère immoral, car les censeurs s'arrogent des pouvoirs aussi étendus que la loi positive divine et font comme s'ils étaient chargés de sonder les reins et les coeurs. Ils se substituent à la conscience personnelle des individus; ils se substituent à la fonction éducatrice des parents et autres éducateurs en exerçant un paternalisme qui dépasse les prérogatives d'une loi positive humaine. Une telle interprétation de la loi des vues animées la rend immorale, car elle déséduque la liberté morale des individus. Au lieu d'en être un précieux auxiliaire, elle en devient l'ennemi en substituant à l'éducation de la liberté un dressage qui entretient la population dans une perpétuelle enfance morale. »

Sans doute, M. le Président, la censure a évolué chez nous et, au cinéma comme à la télévision, on ne mutile plus les films au point de vouloir éliminer d'un documentaire sur l'Afrique les scènes de négresses aux seins nus, mais il reste cependant que notre conception de la censure est encore largement dictée par des règlements périmés qui n'ont plus leur raison d'être en 1967.

Je parlais tout à l'heure, M. le Président, d'échanges culturels et je voudrais maintenant ajouter que notre politique de censure, encore aujourd'hui, nous prive d'un apport culturel précieux que pourrait nous apporter le cinéma étranger et, une fois de plus, je fais appel au rapport Régis qui explique avec infinimnet plus d'autorité que je ne saurais le faire cette grave lacune dans nos lois. « Notre gouvernement provincial aproclamé sur tous les tons qu'il favorisait des échanges culturels. Cette proposition a certaines conséquences auxquelles nous ne pouvons pas échapper. Le cinéma, moins que la télévision, est encore un canal d'échanges avec divers pays. A cause de la position singulière du Canada, les communications auront tendance à être plus considérables dans un sens que dans l'autre. A cela, nous ne pouvons rien, du moins pour un long moment. Nous ne saurions produire davantage de films que l'ensemble des pays occidentaux.

Il faut accepter cette situation de bon gré et en tirer partie. L'attitude réfractaire qui domine

dans beaucoup de secteurs québécois a des résultats néfastes. Nous gaspillons les ressources, nous sommes ridicules. Nous retardons l'accession du peuple à des modes d'expérience dont il nous reprochera bientôt de l'avoir privé. Nous résumerions l'attitude en disant qu'une certaine révolution libérale doit être assurée. Nous entendons par là la suppression indirecte des féodalités culturelles qui s'opposent à la libre circulation des oeuvres intellectuelles ou des oeuvres d'art. Si notre gouvernement proclame une politique des échanges culturels, et bloque par son bureau de censure les oeuvres contemporaines, notre situation devient équivoque puisque nos partenaires dans les échanges n'arrivent plus à comprendre notre conduite. Nous favorisons à tout prendre l'entrée des oeuvres au lieu d'une attitude faite d'hésitation et de tergiversation. Nous savons qu'il ya a là des échanges, mais ils sont moins grands que ceux que comporte une attitude mesquine. Seule une nouvelle optique éliminera ces tentatives ridicules par lesquelles nous essayons de faire changer les titres de films ou de modifier leur contenu ».

Ainsi donc, M. le Président, je crois qu'il est incontestable que nous devons le plus rapidement possible repenser la politique du gouvernement vis-à-vis la censure dans le Québec. Après avoir lu une importante documentation et avoir consulté des spécialistes dans la matière, j'en suis arrivé aux conclusions suivantes que je soumets respectueusement à l'attention du gouvernement.

Il faudrait à mon sens créer une régie du cinéma au Québec qui comprendrait les éléments suivants: premièrement un centre cinématographique qui assurerait la production, la distribution et la conservation de tous les films requis pas les ministères ou par les organismes qui en relèvent: deuxièmement, une commission de surveillance dont la fonction serait de visionner, identifier et viser les productions cinématographiques étrangères avant qu'elles soient distribuées chez nous. Sans doute, cette commission aurait la responsabilité d'attribuer ou de refuser un visa à un film, mais les normes qui la guideraient dans ce travail devraient s'inspirer de la morale chrétienne, mais dans ce qu'elle a de moins restrictif.

J'entends par là que la commission de surveillance aurait tout simplement la prérogative de refuser le visa à une oeuvre que le bon sens le plus élémentaire jugerait comme dangereuse ou même pornographique, mais n'aurait plus le droit d'interdire un film sous prétexte qu'il comporte une scène indécente ou qu'il traite d'un thème répréhensible. Je considère en effet que le Québécois d'aujourd'hui est assez adulte pour choisir ce qu'il doit ou ne doit pas voir et aucune loi positive ne peut se substituer à la liberté individuelle. Puisqu'il faut tout de même, M. le Président, étiqueter les films selon les auditoires auxquels ils sont adressés, je crois que la commission de surveillance aurait avantage à les cataloguer d'après les catégories ou paliers d'âge suivants: catégorie A, six ans et plus; catégorie B, 14 ans et plus; catégorie C, 18 ans et plus; et catégorie D, auditoires spéciaux. De plus, le gouvernement devrait considérer la possibilité de classifier les maisons de cinéma. La classe A, par exemple, serait pour les films de catégories A, B et C, et la classe B pour les films de catégorie D.

Ainsi un cinéma d'art pourrait présenter une catégorie de films qui ne serait pas nécessairement présentée ailleurs et cela pour un auditoire spécial. Cette régie du cinéma que je préconise, je crois qu'elle devrait compter parmi ses responsabilités la direction de l'Office du film comme elle devrait à son tour être sous la juridiction du ministère des Affaires culturelles et travailler de façon à peu près constante en collaboration étroite avec le ministère de l'Education.

Toujours sur le sujet du cinéma, j'en viens à un point délicat dont on évite trop souvent de parler ouvertement et sur lequel, pourtant, la population tout entière du Québec s'est, depuis longtemps, fait une opinion, je veux dire le cinéma en plein air. Je reconnais, M. le Président, que l'Association des propriétaires de cinémas du Québec a mené là-dessus une enquête il y a quelque temps et que les résultats de cette enquête paraissaient défavorables puisque, sur 358 réponses possibles, 81 propriétaires indépendants se prononçaient contre le cinéma en plein air, 51 propriétaires de cinémas de circuit étaient favorables et 222 propriétaires s'abstenaient de répondre tout simplement. Mais cette enquête ne doit pas influencer la décision du gouvernement, car il suffit, en effet, de consulter l'homme de la rue, depuis Gaspé jusqu'à Rouyn, pour se rendre compte que les Québécois aimeraient bénéficier du cinéma en plein air. J'estime qu'il est grandement temps qu'on étudie un projet de cinéma en plein air et qu'on cesse de se renvoyer la balle du gouvernement à l'Association des propriétaires de cinémas et vice versa, tandis que le Québécois attend un divertissement auquel il aurait droit, mais qui ne vient pas.

Le cinéma en plein air, M. le Président, peut et doit être un divertissement honnête et sain. De plus en plus, les Québécois disposent d'un plus grand nombre d'heures de loisir et passent ces heures à des divertissements familiaux. Le cinéma en plein air est un de ces divertisse-

ments qui peuvent rendre ces heures agréables. Evidemment, il faudra éviter que les cinémas en plein air poussent comme des champignons, mais je crois qu'à l'aide d'une étude démographique sérieuse, le gouvernement serait en mesure d'octroyer les licences de façon équitable pour l'ouverture de ces cinémas.

En terminant, M. le Président, j'aimerais faire une dernière suggestion qui, elle aussi, comblerait une sérieuse lacune au Québec et assurerait l'avenir de notre jeune industrie cinématographique. Je suggère que le gouvernement crée un fonds de production pour le cinéma afin d'assurer à nos producteurs québécois l'assistance financière qui leur manque, de les encourager à produire des films de plus en plus méritants et du même coup, stimuler les talents nouveaux dans le domaine du cinéma.

M. le Président, je n'ai fait qu'effleurer le sujet. J'espère avoir l'occasion d'y revenir au cours de la présente session, car c'est un sujet connexe à ma profession et qui me tient à coeur. J'admets bien volontiers que le projet que je viens d'exposer n'entre pas automatiquement dans le programme des priorités du gouvernement, mais je voudrais rappeler à cette Chambre que dans quelques mois nous vivrons au Québec à l'heure de la Terre des Hommes, qu'à cette occasion des milliers d'étrangers viendront chez nous se faire une image de notre façon de vivre. J'aimerais, M. le Président — nous aimerions tous, j'en suis certain — que cette multitude de visiteurs constate que le septième art est chez nous un instrument d'éducation et de culture et qu'il nous aide à parfaire notre connaissance de l'homme et de son univers. Nous aurions alors une raison de plus de dire avec fierté: « Je suis Québécois. »

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

M. Marcel-R. Plamondon

M. PLAMONDON: M. le Président, ce n'est pas sans une certaine émotion que je prends aujourd'hui la parole dans cette Chambre où, depuis de nombreuses années, les représentants du peuple québécois se sont assemblés pour présider aux destinées de la province de Québec. Et, je dois l'avouer, je comprends probablement beaucoup mieux en ce moment, ce que nos parlementaires aguerris voulaient nous dire lorsqu'ils nous parlaient de ce qu'ils avaient ressenti lors de leur premier discours.

Etant donné que c'est la première fois, M. le Président, que j'ai l'honneur de m'adresser à cette Chambre, permettez-moi de féliciter tous les députés élus le 5 juin, des deux côtés de la Chambre.

Nous avons su nous mériter la confiance des citoyens de nos comtés dans nos comtés respectifs. Mais, après l'élection, ce n'est pas tout.

Il faut nous montrer dignes de cette confiance, et l'un des moyens, je crois, c'est, en premier lieu, que cette Chambre donne l'exemple de cette dignité, de ce décorum, de cette élémentaire politesse, que les représentants du peuple fassent preuve de lucidité et d'honnêteté d'esprit dans les discussions, chose, M. le Président, que tous les citoyens de cette province sont en droit d'attendre de la part de leur représentant.

Et sur ce point, M. le Président, je relisais l'autre jour, quelques notes que j'avais rédigées sous le coup de la forte impression que m'avait laissée cette première visite que j'avais faite à l'Assemblée législative, il y a de ça quelques années. Je déplorais à ce moment ce qui m'aparaissait comme un manque de sérieux des membres de cette assemblée, un désintéressement de la part des députés, une partisanerie politique souvent exagérée et de même qu'une perte de temps énorme dans des échanges de paroles pratiquement inutiles et combien d'autres choses encore.

Je crois que les impressions qui étaient miennes, à ce moment, sont, j'en suis sûr, celles de la plupart des personnes qui viennent ici pour la première fois. C'est pourquoi je voudrais, M. le Président, dire à tous ceux qui préconisent une réforme, une adaptation de nos structures aux circonstances des besoins actuels, que je leur donne mon entier appui. Mais, en attendant ces réformes, j'estime que nous devons nous faire un point d'honneur de donner l'exemple, de nous montrer dignes de respecter les règlements, de respecter ceux qui ne pensent pas comme nous. Mais, pour avoir des résultats, il faudra nécessairement que ce respect soit réciproque des deux côtés de cette Chambre. Bien sûr, nous sommes des humains, avec nos qualités et nos défauts, nous serons portés à nous oublier, mais je sais, M. le Président, que vous veillerez comme à l'habitude à maintenir le décorum nécessaire, et je présume que tous les membres de cette Chambre nous aideront à le faire.

Qu'il me soit permis de vous offrir mes plus sincères félicitations pour la confiance que vous a manifestée cette Chambre en vous choisissant à ce poste. La position que vous occupez présentement, M. le Président, est à la base même de notre démocratie et, sans le respect qui est dû à votre fonction, ce serait le chaos indescriptible. Les orateurs qui m'ont précédé ont énuméré longuement les qualités que vous possédez et qui vous prédestinaient à ce poste.

Je n'ai pas l'intention de les répéter, mais je me joindrai à eux pour vous assurer de mon entière collaboration, de même qu'au vice-prési- dent de l'Assemblée, l'honorable député de Rivière-du-Loup. Je m'en voudrais aussi de ne pas féliciter le proposeur et le secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône, les honorables députés d'Arthabaska et de Richelieu. Malgré leur jeune âge et le fait que c'était aussi leur première expérience en Chambre, ils ont tous deux très bien fait le travail qui leur était assigné et ils ont attiré l'attention de cette Chambre sur des points tout à fait pertinents.

Au cours de cet exposé, M. le Président, je voudrais tout d'abord souligner quelques passages du discours du Trône et, deuxièmement, faire quelques suggestions sur des questions qui m'apparaissent très importantes.

Nous avons présentement devant nous ce document qu'on appelle le discours du Trône, qui fait état, rapidement bien sûr, du programme législatif du gouvernement. Ce plan de travail, si je puis m'exprimer ainsi, couvre différents domaines, que ce soit sur le plan de l'affirmation de la nation canadienne-française ou sur le plan social ou économique, les différentes classes de la société y trouvent leur profit.

L'honorable député de Chambly manifestait son inquiétude lors d'une intervention au début de cette session devant le discours du Trône de la première session de la 28e Législature. Je crois, M. le Président, que cette inquiétude est peut-être justifiée parce que l'honorable député réalise peut-être que ce programme législatif risque de le maintenir dans l'Opposition pour fort longtemps.

Vous ne m'en voudrez pas, M. le Président, d'analyser quelques passages de ce document en le reliant tout particulièrement aux besoins du comté que je représente. L'agriculture, dans le comté de Portneuf comme presque partout ailleurs dans la province, éprouve de sérieuses difficultés. Aussi l'attention qu'apporte le gouvernement à cette question permet à l'agriculteur d'espérer qu'on lui donnera enfin les outils nécessaires pour améliorer son sort.

Il est nécessaire qu'on mette enfin de côté les mesures de cataplasmes qui ne règlent pas le problème, mais qui contribuent trop souvent à maintenir l'agriculteur dans un état de dépendance envers le gouvernement.

Un autre passage du discours du Trône qui me plaît particulièrement est cette partie qui traite de cette politique d'incitation financière que le gouvernement entend mettre de l'avant pour aider la petite et la moyenne entreprise. Bien sûr, il ne s'agit pas de minimiser l'importance de la grande industrie, mais je crois qu'il est devenu nécessaire que le gouvernement attache une importance plus grande à la petite et moyenne industrie et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, toute petite industrie est une grosse industrie en puissance. De plus, elle est généralement locale, impliquant automatiquement des capitaux de chez nous. Avec une politique adéquate, ces petites entreprises ont de bonnes chances de se développer et de grandir tout en permettant de garder le contrôle de ces entreprises chez nous.

En second lieu, la petite et moyenne industrie diversifie l'économie de la province, mais aussi celle de la région où elle est implantée. Nous savons tous combien est vulnérable l'économie d'une région qui, par exemple, dépend d'un seul genre d'industrie, lorsque cette dernière rencontre des difficultés.

Troisièmement, la petite industrie favorise davantage la décentralisation industrielle. Elle permet de procurer du travail à la population dans son milieu propre. Nous connaissons le haut niveau de chômage dans notre province, mais ce qui est plus grave encore, c'est que la fréquentation scolaire ayant été prolongée considérablement depuis trois ou quatre ans, plusieurs jeunes qui, normalement, auraient déjà commencé à travailler sont encore aux études. Ce qui veut dire que, d'ici quelques années, nous aurons à donner du travail à un nombre considérable de ces jeunes qui seront devenus des spécialistes. Nous avons donc là une grave responsabilité, et il ne faudrait pas que les sacrifices que notre population s'est imposés, tant sur le plan financier que sur le plan humain, soient perdus pour le Québec du fait que nous n'ayons pas pris les moyens nécessaires pour bénéficier des services de cette jeunesse, et qu'elle émigre à l'étranger.

Voilà quelques raisons qui démontrent bien pourquoi le gouvernement est justifié d'agir en ce domaine. Mais si nous voulons obtenir des résultats valables, je crois qu'il deviendra de plus en plus urgent que l'Etat mette sur pied un organisme de financement industriel provincial.

Il est pour le moins inconcevable, en 1967, alors que le crédit personnel est si facile à obtenir, que n'importe quel va-nu-pied peut financer l'achat d'une automobile ou d'un autre appareil luxueux en un clin d'oeil, que le crédit industriel soit si difficile à obtenir. L'entreprise privée, n'ayant pas su combler cette lacune, j'estime qu'il est du devoir de l'Etat d'intervenir. Même si un tel organisme effectuait de temps à autre des mauvais prêts, le tout serait profitable à l'ensemble de la province, par le nombre d'emplois qu'il créerait et par les biens

de consommation additionnels qui seraient mis en circulation. Et même le gouvernement en profiterait par la perception d'impôts sur le revenu plus importants et probablement par des versements de bénéfices sociaux moins élevés.

Ce sont là des problèmes qui méritent considération, et le discours du Trône démontre bien l'importance que le gouvernement actuel accorde à ces questions.

Un autre domaine qui touche de près les citoyens de mon comté, c'est celui de la forêt. Il faut de toute urgence assurer un aménagement rationnel de notre richesse forestière. C'est avec satisfaction que nous avons vu, dans le discours du Trône, l'intention du gouvernement de corriger les problèmes existants dans ce domaine. Je pense ici à nos petites et moyennes industries qui existent, qui ont besoin d'approvisionnement en matières premières, soit le bois. Nous nous plaignons que notre produit est expédié à l'étranger, mais pendant ce temps, ces industries pourraient transformer notre produit brut en un produit secondaire et même en un produit fini, mais ils n'ont aucune garantie quant à l'approvisionnement requis en matière première pour alimenter leur industrie. C'est là une situation à corriger.

Je me permettrai d'attirer maintenant l'attention de cette Chambre sur un problème d'intérêt général qui à mon sens est devenu très urgent. M. le Président, nous savons tous le grave problème qui prévaut actuellement dans le domaine de la sécurité routière. Une enquête conduite par le club automobile auprès des chefs de police du Québec démontre que les boissons alcooliques viennent au premier rang des causes d'accidents. De plus, les résultats des expériences scientifiques dont les conclusions ont fait l'objet d'un programme télévisé pendant la période des fêtes, confirme hors de tous doutes, les effets néfastes de l'alcool sur le conducteur.

Aussi, M. le Président, je crois qu'il est devenu urgent de fournir à ceux qui ont pour mission de protéger le public, en l'occurence nos policiers, un moyen de contrôle en ce domaine. Je crois qu'il est urgent de rendre légal et obligatoire le test de l'haleine ou tout autre moyen pour mesurer le degré d'intoxication du conducteur. Qu'on l'appelle ivressomètre ou autrement, je crois que profitant de l'expérience de d'autres pays, profitant également de ces résultats d'études scientifiques, mais considérant surtout la situation grave qui prévaut dans notre province, nous serions pleinement justifiés d'agir.

Bien sûr, la boisson alcoolique n'est pas la seule cause d'accidents, même si tous s'accor- dent à dire que c'est la plus importante. Il faut tout de même continuer la prévention sur tous les plans. Pour ma part, j'estime qu'on doit intensifier l'éducation à la sécurité routière au niveau scolaire. Il ne s'agit pas seulement de connaître les moyens mécaniques pour faire se mouvoir une automobile, pour devenir un bon conducteur; il faut surtout, en plus de la connaissance des diverses lois de la route, faire prendre conscience des responsabilités énormes que sont celles du conducteur, chose qui manque peut-être le plus à notre jeunesse. C'est par des cours appropriés au niveau scolaire qu'on y parviendra. L'automobile fait maintenant partie intégrante de notre société; à nous de prendre les mesures nécessaires pour en tirer le meilleur parti possible.

Il y a certainement beaucoup d'autres moyens tels que: augmentation des effectifs policiers, amélioration du système routier, véhicules de meilleure fabrication, mais j'estime que ces deux mesures que j'ai suggérées précédemment sont les plus importantes et les plus urgentes.

Avant de terminer ma première intervention en cette Chambre, je crois de mon devoir de dire quelques mots de la situation qui prévaut présentement dans le comté que je représente.

Portneuf, quoique bien situé géographiquement, n'a pu profiter d'un développement en rapport avec sa localisation avantageuse. Le développement industriel y est difficile. La promotion du tourisme est lente. La prospection minière qui peut pourtant permettre des espoirs dans notre comté, a été concentrée dans d'autres régions où les gisements étaient peut-être plus faciles à découvrir.

Ces faits ont donc comme conséquence que nous avons un taux de chômage élevé, et que les versements de bénéfices sociaux sont également très élevés.

Les statistiques nous démontrent que la proportion des paiements de transfert par rapport au revenu personnel est plus élevé dans le comté de Portneuf que pour l'ensemble de la région économique de Québec, qui elle-même, a déjà une proportion plus élevée que l'ensemble de la province. Et pourtant, Portneuf est à proximité de la capitale, en banlieue même.

Cette situation est pour le moins inquiétante, et lorsqu'on travaille à améliorer la situation, soit par la promotion industrielle, touristique ou autrement, le problème majeur est toujours le manque de bonnes voies de communications. Chose qui a été de plus en plus négligée ces dernières années.

C'est pourquoi, M. le Président, il est nécessaire pour moi, de réclamer ici, au nom des citoyens du comté de Portneuf, la construction

d'une voie de communication rapide, reliant notre comté aux endroits stratégiques que sont Québec et Montréal. Qu'on l'appelle autoroute ou autrement, peu importe, mais que l'on construise une route à grand dégagement, voilà ce qui importe.

Il est vrai qu'une partie de cette voie rapide est en construction, mais il ne faudrait pas que l'on s'arrête à mi-chemin, car la circulation sera détournée par le pont de Trois-Rivières, ce qui contribuera à « vider » notre comté.

Je sais, M. le Président, que l'honorable ministre de la Voirie est bien conscient du problème et qu'il y apportera toute l'attention voulue. Je comprends qu'il a, lui aussi, des objectifs à rencontrer et des priorités à satisfaire, mais je crois que le fait de compléter cette voie rapide côté nord, sera à l'avantage, non seulement du comté de Portneuf mais de toute la province de Québec.

Voilà, M. le Président, quelques observations qu'il me plaisait de faire à cette Chambre, et je remercie les honorables députés de leur bienveillante attention.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, il fut un temps où certains d'entre nous désespéraient de l'avenir de la démocratie chez nous. Les critiques à cet égard étalent souvent concrétisées dans le comportement autocratique et dictatorial du parti au pouvoir et la soumission du Prési- dent de la Chambre à la volonté du chef du gouvernement, on m'a raconté qu'un de vos prédécesseurs n'avait jamais rendu une décision adverse à la position du gouvernement, il est manifeste que, depuis six ans environ, notre province et notre peuple ont accompli des progrès considérables dans leur conception de la démocratie, et votre attitude judiciaire et impartiale au cours de nos débats en est un vivant témoignage. Arrivant tard dans le débat sur l'adresse au discours du Trône, il m'est donc permis, non seulement de vous féliciter de votre élection à cette fonction majeure dans notre système parlementaire, mais aussi et surtout de votre attitude à la fois ferme et bienveillante envers tous les membres de cette Chambre.

Qu'il me soit permis, M. le Président, de rappeler le souvenir de celui dont j'occupe maintenant le siège. Je réfère évidemment à Georges-Emile Lapalme, avocat et journaliste. Il n'a jamais eu les défauts de l'une ou de l'autre profession. Jamais il n'est tombé dans le juridisme comme avocat ni non plus dans le flou et l'irréalisable comme journaliste. Il savait concilier les qualités contradictoires de ces deux professions. Comme chef de l'Opposition, et, chef du parti libéral, il a non seulement maintenu la flamme de notre parti, mais il a eu une influence déterminante sur les idées qui sont courantes aujourd'hui, mais qui se heurtaient à l'époque à une résistance terrible de la part de son adversaire et de la part d'une partie importante de notre société qui refusait le progrès.

Indubitablement, sur le plan intellectuel, il fut le grand architecte de notre victoire du 22 juin 1960, qui représente, suivant moi, le point tournant de l'évolution récente de notre province et de notre peuple, puis-je rappeler à cette Chambre qu'il fut élu dans le comté d'Outremont à l'occasion d'une élection partielle durement contestée? Le comté d'Outremont, dans sa générosité traditionnelle, avait su accueillir celui qui avait subi la défaite dans son comté natal de Joliette à l'élection générale de 1952. Le comté d'Outremont pourra se glorifier longtemps d'avoir offert un siège dans cette Assemblée à l'un de ceux dont la contribution fut déterminante dans le cours de l'évolution de notre province.

C'est donc avec beaucoup de modestie que j'ai accepté l'honneur que m'ont fait les électeurs du comté d'Outremont de me choisir comme leur représentant à l'Assemblée législative. C'est également conscient des responsabilités qui me sont dévolues que j'entends prendre part aux travaux de cette Chambre. Qu'il me soit donc permis de remercier tous les groupes de mon comté, français, anglais et juifs, qui m'ont exprimé leur confiance en me donnant une majorité dans tous les bureaux de scrutin sans exception.

En plus de ses fonctions traditionnelles de protecteur de l'ordre public, la société industrielle contemporaine impose maintenant à l'Etat des fonctions telles que sa présence est ressentie directement dans la vie de tous les jours. Il est devenu banal de souligner le rôle grandissant de l'Etat dans tous les domaines de la vie et sa présence envahissante. Les exigences de la société à l'égard de l'Etat, motivées par notre temps et notre type de civilisation, expliquent pourquoi l'Etat est omniprésent dans les domaines de l'éducation, de la sécurité sociale, de l'économie et de l'emploi, et le rôle qu'il occupe comme arbitre des revenus individuels. Le rôle actif de l'Etat dans ces nouvelles fonctions s'exprime évidemment pas une législation ou une réglementation beaucoup plus complexe et abondante et par l'expansion de la classe des employés du secteur public.

Simultanément les individus cessent d'être

des atomes dans le vaste ensemble qu'est la société.

Ils donnent des structures à leurs intérêts de classe. Agriculteurs, ouvriers, consommateurs, contribuables, entrepreneurs, capitalistes forment maintenant des groupes compacts et organisés aux intérêts bien définis qui cherchent à prendre une part de plus en plus importante dans le revenu national ou simplement à conserver leur position.

Ainsi l'Etat se voit donc maintenant confier la responsabilité d'assurer un minimum de bien-être aux individus et d'agir comme arbitre entre des groupes et des classes continuellement en état d'ébullition et en conséquence le secteur public, c'est-à-dire le secteur alimenté financièrement par les impôts prend de plus en plus d'importance. Afin d'assurer les services qui sont requis de l'Etat, les classes de fonctionnaires, des employés d'hôpitaux, des employés du secteur scolaire, des employés municipaux émargeant au budget de l'Etat augmentent en nombre.

Dans le Québec, la naissance de cette classe d'employés du secteur public s'est faite dans un contexte particulier. D'abord, elle s'est faite dans ces secteurs: gouvernement provincial, hôpitaux et enseignement, où les conditions de travail étaient particulièrement retardataires par rapport au secteur privé. Ces secteurs en retard étaient caractérisés par le paternalisme avec ses conséquences bien connues: bas salaires, multiplication des emplois inutiles et absence de rendement. Ces mêmes secteurs: gouvernement provincial, hôpitaux et enseignement, qui étaient précédemment pas ou peu organisés étaient, à ce moment, en pleine effervescence à cause des campagnes syndicales particulièrement intenses qui étaient déployées.

Dans ces secteurs, il s'est produit une prise de conscience collective de la part des collets blancs. Au même moment, l'Etat québécois a libéralisé notre législation du travail en permettant le droit d'association et le droit de grève dans les services publics, d'où un double défi: premièrement, appliquer une législation du travail beaucoup plus libérale par l'abolition de l'arbitrage obligatoire et le rétablissement du droit de grève et deuxièmement, dans les secteurs peu ou pas syndiqués et où les conditions de travail et en particulier les salaires étaient en retard.

L'un des grands problèmes qui se posent à notre gouvernement est celui des formules à adopter dans ses relations de travail comme employeur à l'égard des employés du secteur public. La crise actuelle de l'enseignement, celle des hôpitaux l'été dernier, le règlement in- tervenu avec les fonctionnaires au cours de l'année dernière ont posé d'une façon dramatique la question du comportement de l'Etat comme employeur à l'égard de ses serviteurs.

Dans le secteur périphérique de l'Etat, l'établissement de relations stables et fructueuses entre employeurs et employés est fondé sur un préalable: la revision des mécanismes de la négociation collective, il s'agit ici précisément des hôpitaux et des commissions scolaires où l'Etat provincial n'est pas l'employeur mais ou il joue un rôle sans cesse grandissant par suite de ses contributions financières à ces organismes. Dans le secteur hospitalier — on l'a constaté lors de la récente grève — l'Etat provincial a joué un rôle de véritable partie à la table des négociations malgré que le conflit n'impliquait juridiquement que les hôpitaux et leurs employés. La raison en est évidemment que l'Etat contribue pour la plus grande partie aux revenus courants des hôpitaux par l'application de la loi de l'assurance-hospitalisation. Au cours des derniers jours du conflit, la réaction des administrateurs d'hôpitaux à certaines exigences syndicales relatives aux promotions, sur lesquelles les administrateurs se sentaient sur le terrain solide des droits de la direction, a été vite étouffée par l'application de la tutelle collective imposée par l'Etat en vertu de la loi des hôpitaux.

Le règlement de la grève et la signature de la convention collective se sont effectués directement entre l'Etat et le syndicat en passant par-dessus la tête des hôpitaux et de leurs administrateurs. Le procédé était certes anormal, compte tenu de ce que les hôpitaux ne sont pas des émanations de l'Etat mais bien des institutions privées, il met en lumière, cependant, le problème qui résulte de la situation confuse entre Etat, employeurs et syndicats lorsque l'Etat joue un rôle stratégique de par ses contributions à la gestion financière des employeurs.

Il est inutile pour nous d'insister sur le domaine de l'enseignement, sauf pour dire que la situation actuelle a démontré l'ambiguïté qui existe dans la situation de l'Etat, des commissions scolaires et de leurs employés.

Dans ce cas, la difficulté que nous avons signalée pour les hôpitaux se double ici de la multiplicité des unités de négociation et de la politique autonome de taxation foncière que chaque commission scolaire est libre de pratiquer.

Il est clair que, dans le secteur périphérique de l'Etat, soit celui des hôpitaux et de l'enseignement, on se trouve devant un imbroglio administratif résultant de ce que l'établissement des salaires et autres conditions de travail

s'effectue en fait par le concours de trois parties: Etat, employeurs et syndicats, sans que les nouvelles attributions respectives de l'Etat, des hôpitaux ou des commissions scolaires ne soient encore clairement établies. Afin d'assurer des relations de travail équitables et fructueuses entre les parties, nous soumettons qu'il est impératif, dès maintenant, de définir concrètement et précisément quelles seront les fonctions de l'Etat dans l'établissement de ces conditions de travail.

Je soumets que l'on ne doit se faire aucune illusion sur le fait que la formule à déterminer doit tenir compte de ce que, en fait, l'Etat est l'employeur dans ces secteurs et que les organismes scolaires et hospitaliers ne sont plus en réalité que des entités juridiques presque dénuées de toute autorité réelle. Ainsi, sous l'aspect des relations de travail comme sous tant d'autres: intérêt public, efficacité, économie des moyens, se pose la question de l'autonomie de ces organismes.

Certes, ce n'est pas mon intention de proposer l'abolition pure et simple de ces organismes. Une certaine décentralisation s'impose, sinon on imposera un régime excessivement centralisateur.

Cependant, comme il est indubitable que l'Etat doit être présent avec ces organismes à la table des négociations, la question ne consiste en fait qu'à définir exactement les prérogatives de l'Etat après l'examen de la question par un comité de la Chambre, chose qui s'impose d'une façon urgente.

Quels sont les objectifs d'une politique des relations de travail dans le secteur public? Je pense pouvoir les définir sommairement comme suit: le premier objectif me semble d'assurer aux employés et aux travailleurs du secteur public des conditions de travail égales à celles qui prévalent dans le secteur privé chez des bons employeurs pour des emplois similaires. C'est là, exprimé d'une façon très générale, le principe adopté en Angleterre pour la fonction publique anglaise.

Ce principe du « fair comparison » avec l'entreprise privée a été consacré dans le « Report of the Royal Commission on the Civil Service », appelé « Priestley Report ». Le principe de la détermination des salaires des employés de l'Etat par la méthode de la comparaison avec les salaires payés par l'entreprise privée repose fondamentalement, selon moi, sur le fait que la fonction publique, contrairement à l'entreprise privée, ne saurait être appréciée sur le plan du rendement de l'entreprise, puisque ses revenus ne proviennent pas d'activités commerciales, mais du fruit des impôts.

De plus, comme le dit le rapport Priestley « fair comparison as the primary principle is fair to the community at large for two reasons. First, it looks after the ordinary citizen's interets as a taxpayer. If the Government which represents him pays what other responsable employers pay for comparable work, the citizen cannot reasonably complain that he is being exploited. Equally, we consider that he would agree that he could not in the long run obtain an efficient Civil Service by paying less. »

Le rapport Priestley émettait ce principe quant au Civil Service anglais, mais les mêmes raisons militent en faveur de son application à des domaines tels que ceux des hôpitaux et de l'enseignement, qui sont financés exclusivement ou presque à même les impôts des contribuables. Il est vrai que le principe peut paraître difficile , sinon impossible, d'application pour des fonctions qui n'existent qu'au niveau public. Cependant, la difficulté n'est pas nécessairement insurmontable si l'on recherche des emplois offrant des caractéristiques communes telles que le niveau d'instruction requis, les responsabilités, la difficulté du travail, etc., et si l'on fait jouer le second critère, émis par le rapport Priestley quant à la détermination des conditions de travail dans le secteur public, soit celui des « internal relativities », c'est-à-dire des comparaisons internes tant horizontalement que verticalement.

De plus, rien n'empêche de faire des comparaisons avec des régimes existant à l'étranger, malgré que les comparaisons avec l'étranger soient toujours discutables, étant en fonction de leur ordre social.

Nous admettons bien que la question n'est pas sans difficulté pour les fonctions où il n'y a pas d'emploi comparable dans l'entreprise privée, mais comment peut-on attaquer la question autrement, sinon de façon arbitraire et irrationnelle, lorsqu'il s'agit d'emplois qui sont payés à même les impôts et qu'il est impossible de se fonder sur le critère du rendement de l'entreprise?

Le second objectif d'une politique de relations de travail, dans le secteur public, me semble être d'instaurer la collaboration patronale-ouvrière tant en vue du bien-être matériel de l'employé et de son plein épanouissement au travail par son intégration à l'entreprise que pour l'obtention d'un rendement optimum. Je rejoins ici les préoccupations exprimées par M. Marcel Pepin, dans son rapport moral au récent congrès de la CSN. Il y soulignait la nécessité de l'intégration de l'employé à l'entreprise; à cette fin, il insistait sur la formation de comités mixtes entre employeurs et employés afin

d'établir des communications normales entre ces deux éléments essentiels de l'entreprise. Il va sans dire que cette proposition pourrait encore être plus facile à réaliser dans le secteur public.

Partant de ces deux objectifs d'une politique de relations de travail dans le secteur public, s'impose l'institution de comités bipartites réunissant employeurs et employés de chaque sphère d'activités: Etat provincial, enseignement, hôpitaux, qui seraient chargés d'assurer la liaison entre les parties durant la vie de la convention collective. Evidemment, de tels comités ne doivent pas être créés dans le vide, mais doivent se voir confier des tâches spécifiques relatives à l'application de la convention collective en vigueur. A leurs fonctions relevant de la convention même, il faudrait ajouter celle d'étudier toutes autres questions prévues ou non à la convention collective et qui soient de l'intérêt commun des parties. En un mot, faire de tels comités permanents un forum régulier de discussions sur les conditions de travail dans chaque sphère.

A ces fonctions, dans l'immédiat, c'est-à-dire durant l'existence de la convention collective, je suggère d'ajouter celle de recueillir, en vue des négociations futures, à l'expiration de la convention, tous les renseignements, chiffres et statistiques, relatifs à des emplois similaires dans le secteur privé ou d'autres sphères du secteur public. Le dossier des négociations serait en quelque sorte complet et connu des parties bien avant l'affrontement à la table des négociations. Cette façon de procéder permettrait évidemment des discussions beaucoup plus rationnelles puisque l'établissement des conditions de travail et des salaires en particulier, serait effectué par référence au secteur privé et à d'autres sphères du secteur public, ainsi que je l'ai suggéré.

C'est à la suite du rapport Priestley que l'on a institué en Angleterre le « pay research unit ». Cet organisme fonctionne sous l'autorité conjointe de l'Etat et des employés et est chargé de préparer des rapports sur les salaires et conditions de travail existant dans le secteur privé pour des emplois similaires offerts par l'Etat aux fonctionnaires anglais.

La Commission du service civil d'Ottawa, qui est chargée, de par la loi qui la constitue, de faire des recommandations relatives aux salaires et conditions de travail des fonctionnaires et employés de l'Etat fédéral, a insituté un « pay research bureau » chargé de l'étude des conditions de travail et des salaires dans le secteur privé pour des emplois similaires à ceux qu'offre l'Etat à ses employés. Cet organisme émane de la Commission, mais ses travaux sont à la disposition des deux parties.

De même il faudrait ici, au Québec, confier à ces comités bipartites la responsabilité de faire un travail analogue en mettant à leur disposition le personnel et les moyens financiers nécessaires, les résultats de ces travaux appartiendraient évidemment aux deux parties.

Un essai loyal d'une telle formule comporte un minimum de collaboration dans la solution des problèmes courants, relatifs à l'application de la convention collective, dans la discussion des conditions de travail en général, même sous des aspects qui ne sont pas prévus à la convention et finalement dans la préparation et l'étude des renseignements obtenus de secteur privé comme point de comparaison en vue des négociations futures. Cette collaboration préparerait donc les esprits à une entente ultérieure sur les conditions de la nouvelle convention collective. Elle insérerait dans les négociations un élément rationnel qui y est nécessaire, elle permettrait au moins de circonscrire bien avant l'ouverture des négociations les questions sur lesquelles il y a désaccord.

L'arbitrage volontaire. Le discrédit qui affecte l'arbitrage obligatoire des conflits d'intérêt ne doit pas, selon moi, rejaillir sur l'arbitrage volontaire. Si l'on ne veut pas soumettre toute la convention collective à l'arbitrage, la formule des négociations permanentes que je propose, ne permettrait-elle pas d'isoler ou de circonscrire les aspects sur lesquesl n'ont pas réussi à s'entendre pour les soumettre volontairement à l'arbitrage?

L'arbitrage volontaire représente des avantages certains sur la grève. Premièrement absence d'interruption du service public, deuxièmement absence de perte économique pour les deux partis, troisièmement rétroactivité de la sentence, en particulier sous l'aspect salaire. Les objections juridiques à ce que l'Etat se soumette à la sentence d'un tiers ne correspondent plus à la réalité de l'Etat employeur, surtout si l'on se souvient que l'Etat se considère maintenant lié par les décisions des tribunaux, c'est-à-dire qu'il se considère comme tout autre justiciable. D'ailleurs, rien n'empêche l'Etat d'être parti à un « gentlemen's agreement » à l'effet qu'il s'engage à obtempérer à la sentence à être rendue, il y aura donc des avantages certains à ce que l'Etat et les services publics recherche l'arbitrage volontaire de leur conflit de travail.

L'arbitrage social. L'abolition de l'arbitrage obligatoire dans les services publics a fait naître un nouveau titre d'arbitrage, l'arbitrage social. Lorsqu'un groupe de la société revendi-

que des conditions de travail plus avantageuses à son profit et surtout lorsqu'il s'agit d'un groupe du secteur public, c'est-à-dire qui émarge aux impôts, ces conditions de travail plus avantageuses comportent évidemment un coût social qui doit être acquitté par le reste de la société. L'arbitrage obligatoire ayant été aboli, la détermination des conditions de travail pour une telle classe, si elle ne veut pas accepter les critères que j'ai proposés et la méthode de la négociation permanente, il ne reste plus pour résoudre les intérêts contradictoires des parties que l'arbitrage social.

C'est à ce moment qu'intervient la pression de l'opinion pour faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Au sommet de cet arbitrage social se trouve le parlement qui, à l'extrême, a le droit et la responsabilité dans les cas de crise d'intervenir pour régler, compte tenue des intérêts contradictoires, un conflit qui devient irréductible. Evidemment, avant d'avoir recours à cette solution extrême, toutes les méthodes de règlement doivent être utilisées, négociations à tous les échelons, médiation, etc.

Pour remplir pleinement et efficacement son rôle, le parlement doit avoir les instruments d'information nécessaires. Un comité de la Chambre par exemple, le comité des relations industrielles ou le comité de la fonction publique, doit pouvoir se saisir ou être saisi de tout conflit appréhendé ou en cours dans un des domaines où l'Etat est intéressé.

Ce comité de la Chambre agirait alors comme « fact finding Board ». Les décisions du parlement pourraient alors être prises en toute connaissnce de cause et sur des informations objectives.

Création d'un ministère de la Fonction publique. L'action de l'Etat comme employeur doit être placée dans des mains qui soient responsables envers le parlement, il est certain que la dispersion de la fonction de l'Etat employeur entre divers services ou divers ministères ne correspond plus à la réalité.

Afin de juger l'action de l'Etat comme employeur, il est donc devenu impératif de lui donner un service qui soit responsable devant le Parlement. Cependant, il serait infiniment regrettable de laisser s'introduire, dans l'action de l'Etat comme employeur, l'arbitraire quant aux conditions d'embauchage, de classification et de promotion des fonctionnaires sur le plan individuel. On sait jusqu'à quel point le favoritisme peut s'introduire dans le système administratif ou gouvernemental. Il faudra donc, en créant le ministère de la Fonction publique, prendre garde de ne pas diminuer les fonctions essentielles de la Commission de la fonction publique quant au règlement des cas individuels qui ne doivent pas être laissés au jugement des hommes politiques.

Je conçois donc le ministère de la Fonction publique comme ayant deux parties distinctes: d'une part, la Commission de la fonction publique comme telle ayant, comme organisme indépendant, la fonction de surveiller l'embauchage des meilleurs candidats possibles, leur classification et leur promotion, selon des critères bien établis et objectifs et, d'autre part, un service chargé de la négociation entre l'Etat comme employeur et ses employés et également de représenter l'Etat dans les secteurs périphériques de l'Etat, c'est-à-dire dans le domaine de l'enseignement et dans le domaine hospitalier.

Il serait impardonnable, et nous combattrons vigoureusement, toute tentative de la part du gouvernement actuel de modifier sensiblement le rôle actuel de la Commission de la fonction publique sous prétexte de rendre responsable le gouvernement, devant la Chambre et l'opinion publique, de son action comme employeur sur le plan des cas individuels. Nous reconnaissons au contraire le rôle responsable de l'Etat et du ministère à être créé sur le plan de la politique globale de l'Etat comme employeur.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Nord.

M. François Gagnon

M. GAGNON: M. le Président, jusqu'à présent, vous avez reçu de nombreuses félicitations et ça devient gênant pour ceux qui ont à prendre la parole en ce moment de venir se joindre aux autres pour présenter également des félicitations. Je dois vous dire que, dans les dix premiers jours de la session, vous avez conquis l'admiration de la Chambre. Et d'ailleurs, vous aviez conquis également l'admiration des journalistes qui ne sont pas les plus sentimentaux, lorsqu'il s'agit de les conquérir. Et nous de l'Union Nationale, nous en savons quelque chose.

Vous avez démontré, durant les jours de session, une grande maîtrise. Vous avez démontré également un excellent jugement et vous avez démontré une assurance qui m'a fait penser à des auteurs que je lisais, dont l'un s'appelait Paul, l'autre Rémi, ce qui fait que ces Rémi et Paul réunis permettront de vous considérer peut-être comme l'un des grands présidents qui ont eu à accéder à la haute fonction que vous occupez présentement. Je veux féliciter le proposeur et le secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône. Ils font partie de cette jeune et vaillante équipe qui démontre sans aucun

doute le jeune visage de l'Union Nationale de 1966 et ce qu'il sera également dans les années à venir. Nous avons tous remarqué que les nouveaux venus dans cette Chambre, d'un côté comme de l'autre, ont voulu participer à la politique et aux débats. Je pense parfois aux journalistes lorsque, dans leurs écrits, ils reprochent aux plus vieux de ne pas comprendre les plus jeunes et j'ai été surpris d'entendre le député de Gouin, lors de son discours en cette Chambre, qui semblait juger extrêmement sévèrement les jeunes députés de cette Chambre. Ceci m'a consolé, car j'ai pensé que, pour une fois, un ex-journaliste faisait exception à la règle et qu'il se montrait beaucoup plus sévère que les plus vieux qui siègent en cette Chambre.

Pour ma part, je dirai aux nouveaux venus — la plupart sont des jeunes de moins de trente ans — que leur présence ici est pour le plus grand bien de la nation et de la démocratie. Je n'ai aucun doute que tous tant que nous sommes, nous le reconnaissons avec beaucoup de joie.

Je félicite le premier ministre de sa victoire provinciale qui n'a surpris aucun des députés qui ont siégé en cette Chambre de 1962 à 1966.

M. MAILLOUX: C'est lui qui a été le plus surpris.

M. GAGNON: Surtout si l'on se rappelle que le député de Louis-Hébert, chef actuel de l'Opposition, a souvent répété cette phrase que nous avons tous présente à la mémoire: « Je veux garder longtemps le député de Bagot en face de moi. » Eh oui, tout s'est réalisé, M. le Président, sauf que le député de Bagot est à la droite du Président et que le chef de l'Opposition actuel est à sa gauche M. Kierans, M. Lévesque, M. Lajoie, alors que lorsqu'il était chef du gouvernement, il avait à sa gauche seulement M. Kierans. Ce qui représente un changement de climat considérable.

Félicitations à mes collègues qui ont reçu de hautes charges, d'un et parfois de deux ministères et qui s'acquittent admirablement bien de leur tâche, si l'on en juge par leur facilité à répondre aux questions de nos amis d'en face, lesquelles à certains moments sont bien dirigées. Mon admiration vaut surtout pour l'avenir car je sais, M. le Président, qu'ils seront appelés à conserver ces fonctions longtemps.

M. TREMBLAY (Bourassa): C'est pas sûr.

M. GAGNON: Nous avons eu un discours du Trône qui a fait mention de plusieurs projets, tous aussi opportuns les uns que les autres.

On a traité des relations fédérales-provinciales, de l'éducation, de la culture, de la justice, de l'évolution sociale, de l'économie à tous les niveaux, tantôt pour les classes ouvrières, tantôt pour la classe des cultivateurs, tantôt pour celle des pêcheurs. En un mot, on s'est attaqué au problème du Québec dans tout son entier et le jour même de sa lecture, je me rappelle que le chef de l'Opposition trouvait qu'il n'y avait rien, qu'il était mal écrit. Pourtant, d'autres de ses collègues du même côté de la Chambre trouvaient qu'il y avait dans le discours du Trône une législation telle qu'elle pouvait être d'une durée de quatre ans, soit celle du gouvernement actuel.

Le point capital qui se joue présentement, M. le Président, est sans doute celui des relations fédérales-provinciales. Depuis 21 ans, nous avons assisté aux demandes répétées du Québec afin que le gouvernement central puisse reconnaître les priorités qui sont dues à l'Etat du Québec, soit qu'elles lui soient données en vertu de la Constitution ou encore qu'elles lui soient dévolues parce que l'Etat du Québec représente la nation canadienne-française en cette terre d'Amérique avec sa langue, sa foi, ses coutumes et qui est également la porte d'entrée du Canada du côté de l'océan Atlantique, de la même façon que le canal de Suez l'est pour l'Egypte. Je crois qu'elles doivent être respectées et doivent également se développer aussi bien sur le plan de sa culture que sur le plan de son économie pour faire du Canada un pays plus grand, plus fort et qui sera pour le monde un exemple d'entente et de collaboration entre deux races. En un mot, faire une nation.

Je crois sincèrement, M. le Président, que le jour où le gouvernement fédéral admettra les nombreuses priorités des provinces, tant sociales, éducatives ou traitant de santé ou de culture, ou encore au domaine de l'économie et ce pour son épanouissement, enfin pour tous ces domaines extrêmement importants, le jour où Ottawa reconnaîtra la nécessité qu'il y a pour les provinces, ce qui est un des points cruciaux, soit celui que par l'ensemble de leur budget réuni, le budget des provinces égale au moins le budget fédéral, à ce moment là j'ai l'impression très nette qu'on aura franchi une étape importante dans les relations et c'est cela, M. le Président, qu'Ottawa craint le plus, c'est qu'en redonnant aux provinces les sources de taxation qui leur appartiennent et voyant que son budget serait peut-être de nature un jour à devenir moins considérable que celui des provinces, Ottawa croit qu'il ne pourrait pas imposer ses vues aux provinces avec autant

de facilité qu'il l'a toujours fait et, aussi longtemps qu'il n'apportera pas sa collaboration essentielle, on continuera de mettre dans le coeur des citoyens que par l'attitude d'Ottawa, il devient essentiel que Québec joue son rôle dans la Confédération.

Présentement, je ne pense pas que la population de l'Etat du Québec croie en cette nécessité. Elle croit qu'il est encore possible de s'entendre mais elle sent au-dedans d'elle-même ce malaise qui couve. Si vous allez dans nos collèges, si vous allez dans nos universités, vous rencontrerez de ces jeunes qui, demain, seront ceux-là qui nous remplaceront et qui ont au-dedans d'eux-mêmes le désir de trouver la solution, coûte que coûte, au problème constitutionnel actuel.

Lorsque cette population entend dire que les financiers du Canada tentent de s'éloigner du Québec, et qu'on voit les événements qui se passent et qui pourtant peuvent être bien compris du reste du Canada, eh bien, là on touche au sentiment de fierté d'une nation et lorsqu'il est bien cultivé, lorsqu'il est assez bien préparé par des événements que les autres lui ont fait accepter bon gré mal gré, il se sent prêt à consentir les sacrifices nécessaires pour atteindre son idéal.

Espérons, avec une grande sincérité, qu'Ottawa prendra ses responsabilités, puisque nous avons tous la conviction que les dix prochaines années seront celles qui compteront le plus dans l'avenir du Québec. Hier, M. le Président, j'entendais l'ex-ministre de la Santé qui avait les discours du budget de l'honorable Gagnon et je crois qu'à ce moment-là, ce qu'il avait dans les mains n'était pas le document qu'il aurait dû avoir, il aurait dû avoir les documents qui représentaient les états budgétaires du gouvernement d'Ottawa alors que, depuis 1945, l'Etat du Québec en particulier se battait pour obtenir ses droits de taxation et qu'on voyait des surplus tellement considérables, M. le Président, qu'il y a des années où le surplus du gouvernement du Canada, le surplus seulement, a égalé tous les budgets des provinces.

M. BELLEMARE: C'est vrai.

M. GAGNON: Et à ce moment-là, on se rappelle que M Ilsley, ancien ministre des Finances, faisait des remarques très désagréables sur la province de Québec et que le premier ministre du temps déclarait: « Si monsieur Ilsley est fatigué, qu'il aille prendre un repos. » Ce sont ces documents qui devraient être produits à la Chambre et qui devraient démontrer que si Québec s'est débattu dans un étau économique pendant des années, c'est qu'Ottawa retenait les sources de taxation qui lui étaient dévolues par la Confédération, par les droits prioritaires du Québec et qu'il ne voulait pour aucune considération... Même si on doit le dire à regret, il y avait des députés de Québec qui siégeaient et qui auraient dû, à ce moment-là, demander au ministre des Finances de prendre les responsabilités de remettre au Québec ce qu'il avait besoin pour son éducation, pour son évolution économique.

M. le Président, quand aux discours du budget de l'honorable Gagnon... On sait qu'il administrait le budget de la province; on sait que pendant un certain temps la population du Québec s'est débattue pour survivre. Aucune nation ne peut se développer si elle n'a pas les instruments et les instruments d'un gouvernement c'est l'argent, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, ce sont les moyens financiers. Et ils étaient là et ils dormaient et je me rappelle de certains éditorialistes qui, à ce moment-là, se plaignaient qu'Ottawa accumulait des surplus aussi énormes au détriment des provinces qui, elles, gémissaient par un manque d'argent.

M. KIERANS: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au député de Gaspé-Nord?

M. GAGNON: Certainement, certainement.

M. KIERANS: Oui, oui, pour le tranquiliser un peu. Est-ce que vous justifiez en même temps la politique du gouvernement de M. Gagnon et de M. Duplessis à ce moment? Votre propre politique d'emprunt n'a rien à faire avec le gouvernement fédéral.

M. GAGNON: M. le Président, une politique d'emprunt a une réussite dans la mesure où le peuple se sent les possibilités financières de l'accepter. Comme on sent actuellement que depuis six ans incontestablement on a fait une politique d'emprunt monstre et, à ce moment-là, on a drainé des économies qui auraient servi à l'industrie privée et au développement économique de la province — je le sais, je le sais, M. le Président — quand on sait que les individus achètent les obligations des gouvernements et plus on rationne les comptes de banque, plus à ce moment-là les banquiers disent à l'industrie: on est obligé d'arrêter ou de diminuer les crédits qui vont vous permettre d'évoluer dans votre avenir. Et ce que je dis là, M. le Président, je l'affirme de mon siège; c'est incontestable que, depuis deux ans, on sent le malaise finan-

cier qu'il y a et il s'agit d'aller voir le rapport Primeau pour savoir qu'en 60 l'encaisse du gouvernement était de $25 millions au trente mars et, cette année, avec $55 millions de chèques en circulation, il y a $25,000 en caisse au 30 mars.

Alors qu'on a un budget de $2.5 milliards. Pourquoi? Parce qu'il y a une rareté d'argent et que le gouvernement a de la difficulté même à percevoir ses comptes, parce que le rapport Primeau dit qu'il y en a pour $105 millions à percevoir, alors qu'en 1960 il y en avait $10 millions, soit dix fois moins. On peut l'analyser, le rapport primeau, il est intéressant.

UNE VOIX: D'autres questions?

M. GAGNON: M. le Président, je voudrais maintenant approcher ou du moins effleurer le problème financier de l'éducation, lequel attire l'attention des législateurs et de la population. Je crois qu'un petit peuple de six millions d'habitants doit régler le coût de l'éducation devenir presque prohibitif en fonction — je dis bien — en fonction de ses possibilités de paiement. Si nous regardons les événements de ces derniers temps, nous avons une idée que le problème se joue surtout au niveau financier, ceci est de nature à nous rendre perplexes. Car si on se rappelle que le frère Desbiens, officier au ministère de l'Education, déclarait tout récemment: « Il n'y a encore rien eu de fait au niveau pédagogique », la population se pose de nombreuses questions. S'il n'y a rien eu de fait au niveau pédagogique et qu'il en coûte aussi cher, quel en sera le coût?

Dans certains domaines on a précipité les choses et — c'est incontestable — sans une planification pensée en fonction de chaque région, compte tenu de ses besoins, de ses distances, des topographies de terrain et de son économie, et, M. le Président, surtout quand je pense à ces nombreux autobus — j'appelle ça le péril jaune — qui circulent sur les routes du Québec et qui enfouissent des millions et des millions de dollars, j'ai la certitude, comme ex-secrétaire d'une commission scolaire, que si le ministère de l'Education avait mis sur pied un comité afin d'étudier toute la mise en place d'une chose aussi énorme, aussi monstrueuse, on aurait épargné aux contribuables du Québec des millions et des millions de dollars.

Voilà, M. le Président, un peu sous un aspect — je touche un problème — comment on aurait pu, sans doute, régler des problèmes financiers au domaine de l'éducation. Devant cette hémorragie financière, je crois que le gouvernement précédent aurait dû établir son financement par l'application d'un programme d'au moins cinq ans et, par voie de conséquence, il se serait penché, avec une planification plus réaliste, sur les problèmes, pour mieux orienter sa politique dans le concret, et ceci aurait permis de faire face aux problèmes actuels. Est-ce que l'on savait que le coût de l'éducation, demain, devrait être à un tel niveau? Je dis oui, et je cite un passage dans le Devoir, daté du 7 août 1962, à la suite d'une conférence des ministres provinciaux, et l'article s'intitule: « Le coût de l'éducation — casse-tête des chefs provinciaux », et ici je cite M. Lesage qui parle: « Notre échange de vues fut extrêmement intéressant, dit M. Lesage. Après tout, le financement de l'éducation est l'un des problèmes les plus épineux auxquels ont à faire face tous les gouvernements provinciaux ». Cela fait près de cinq ans, et pourtant le problème a plus d'acuité, le problème est extrêmement plus grave aujourd'hui qu'il ne l'était en 1962. Où ont été les solutions? Je crois qu'elles auraient dû être à la mesure de l'application de la charte de l'éducation et, à ce moment, on aurait prévu sagement que tout le coût de l'éducation aurait pu être accepté, dans les circonstances actuelles, sans avoir certains problèmes qui nous portent à penser de quelle façon le financement de l'éducation pourra être abordé.

J'ai beaucoup d'estime pour le premier ministre et le ministre des Finances quand je les vois pris avec un problème aussi angoissant. Je me rappelle qu'en 1962 alors qu'on faisait campagne politique, je disais à la population de mon comté: Je vous le dis et je vous l'affirme, entre 1970 à 1972, le coût de l'éducation sera de $1 milliard. Je n'étais pas expert, je n'avais pas fait des calculs qui auraient pu durer deux, trois, cinq, six mois. Mon expérience de secrétaire voyant cette boule, ce spoutnik lancé à une vitesse aussi dangereuse sans qu'on ait mis en place tous les mécanismes pour prévoir le paiement de la note, il était tout simplement normal de prévoir que les circonstances financières seraient extrêmement difficiles.

M. le Président, le peuple sait qu'il peut arriver de connaître des économistes avec des ailes qui vont dans les nuages chercher de l'argent. Qu'est-ce qu'ils rencontrent? Ce sont parfois des nuages avec du nitrate d'argent. Mais on ne rencontre pas l'argent dans les nuages. On le rencontre dans les goussets des propriétaires, de tous ceux qui participent ou du moins qui reçoivent un revenu et qui, par voie de conséquence, déversent dans tous les corps publics des montants qui servent à administrer les services. Ceci faisait dire à un cultivateur: Donnez-moi des ailes avec un salaire de 20 à 25 fois

supérieur à celui que j'ai et moi aussi j'irai en chercher de l'argent.

Soyons réalistes, la situation financière actuelle de la province est difficile, mais je crois que le gouvernement actuel ne néglige rien pour la sortir des difficultés qu'elle rencontre depuis près de deux ans. Dans le discours du Trône, on a parlé également de l'établissement d'une chambre agricole, on a parlé également de l'établissement d'une assurance pour les cultivateurs. Ces mesures nécessaires à la classe agricole s'insèrent, j'en suis convaincu, avec d'autres mesures qui seront adoptées pour le plus grand bien de cette classe qui est passablement abandonnée.

Je voudrais très brièvement traiter des problèmes de la région où j'habite et en particulier du comté qui m'a accordé un deuxième mandat, alors que, dans 36 ans d'existence, Gaspé-Nord a fait tomber neuf députés. Neuf députés sont morts au combat dans Gaspé-Nord dans 36 ans.

M. LAVOIE (Laval): Cela viendra.

M. LAPORTE: C'est ce qui vous attend.

M. GAGNON: Peut-être on croira que la région était éloignée puis qu'elle a été oubliée. Ah non, elle n'a pas été oubliée. Le chef de l'Opposition a fait toutes les paroisses de mon comté. Le leader du gouvernement est venu dans ma paroisse.

M. LAPORTE: Vous n'étiez pas là.

M. GAGNON: Le député de Laurier est venu à Sainte-Anne.

M. LAPORTE: On allait vous dire bonjour.

M. GAGNON: L'ex-ministre de la Santé est venu promettre un hôpital de $3,500,000 à Sainte-Anne. Cela, ce n'était pas bien avant 1960.

M. JOHNSON: Ah non!

M. GAGNON: Ce n'était pas bien. Un hôpital de $3,500,000. L'ex-ministre de la Justice est venu faire un tour dans mon comté.

M. BELLEMARE: Encore.

M. GAGNON: L'ancien ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, le Secrétaire de la province, le député de Matane. Ah, j'en ai eu, M. le Président, j'étais seul. Quand on sait que l'un des principaux organisateurs est un ancien député fédéral de mon comté qui connaissait le problème Et, suivant des informations de nos bons amis, les libéraux disaient qu'ils étaient prêts à sacrifier deux comtés à Montréal pour sauver Gaspé-Nord.

M. BERGERON: Ils ont manqué leur coup encore une fois.

M. GAGNON: Si Gaspé-Nord a eu foi en l'Union Nationale, c'est parce qu'il a cru qu'il était le seul capable de lui donner place au soleil de l'économie. Et je crois que d'ici quelque temps le ministre des Richesses naturelles, qui est également le premier ministre, pourra annoncer d'excellentes nouvelles pour la population de mon comté et de la région. La région de la Gaspésie et de Gaspé-Nord en particulier connaîtra très prochainement le début du programme ARDA, après de nombreuses années d'études. Mais, M. le Président, ce qui m'a le plus surpris en référant au Soleil du 10 août 1966 c'est de constater que Gaspé-Nord qui était considéré comme pilote avec les Iles-de-la-Madeleine, le pilote de la région-pilote, venait en arrière et de beaucoup dans les dépenses des travaux ARDA comparativement aux autres comtés qui l'environnaient et qui étaient économiquement un peu plus favorisés que le comté de Gaspé-Nord.

Je cite, M. le Président, ce qui apparaît dans Le Soleil du 10 août 1966: « Voici les dépenses par comté dans la région de la Gaspésie. Gaspé-Sud — j'ignore les quelques cents dollars, je donne ça en cent mille dollars — Gaspé-Sud: $867,000, mais je suis heureux que tous ces comtés aient eu quelque chose. Matane: $2,088,000. Bonaventure: $539,000. Les Iles-de-la-Madeleine: $785,000.

M. GRENIER: Cré Basile!

M. GAGNON: Gaspé-Nord: $221,000, qui est le pilote de la région-pilote, en incluant les Iles-de-la-Madeleine. Et ici, M. le Président, j'ai une lettre qui vient du comité de liaison du Québec, qui dit qu'en 1961, les Iles-de-la-Madeleine, avaient un revenu per capita de $504 et dans Gaspé-Nord, en excluant Murdochville, il y avait un revenu de $600 per capita. Alors que dans Gaspé-Sud, il y avait $830, dans Matane il y avait $743 de revenu. Alors, c'est dire et convenir... Que voulez-vous, M. le Président, je ne peux pas faire mentir les chiffres, je ne peux pas faire mentir les faits. Pourquoi Gaspé-Nord n'a pas été favorisé? Probablement parce qu'il appartenait à l'Union Nationale et il n'y avait aucune raison pour qu'il ne soit pas favorisé...

M. GRENIER: Ah non, c'est impossible, les purs.

M. GAGNON: ... tout autant que les comtés voisins, mais je suis très heureux qu'ils aient bénéficié...

M. BERGERON: Ils ne connaissent pas la justice distributive.

M. GAGNON: ... des travaux dans les cadres du plan ARDA, puisque la Gaspésie est considérée comme une région-pilote.

M. GRENIER: Ils sont bien trop purs pour ça, voyons!

M. LACROIX: Est-ce que le député me permettrait de poser une question seulement?

M. GAGNON: Oui, certainement.

M. BERGERON: Lacroix des Iles-de-la-Madeleine.

M. LACROIX: Quand vous mentionnez $504 de revenu par habitant à quelle année vous référez-vous?

M. GAGNON: C'est en 1961, comme je l'ai mentionné.

M. LACROIX: Merci.

M. GAGNON: Puisque le député m'a posé une question, je lui donne les informations. En 1951, aux Iles-de-la-Madeleine, il était de $325 per capita. En 1961, il était de $504 per capita...

M. GRENIER: Il n'était pas au courant

M. GAGNON: ... et dans Gaspé-Nord, il était de $394 en 1951 et il était de $600 per capita en 1961.

M. LAVOIE (Laval): Après 16 ans d'Union Nationale.

M. GAGNON: Oui, mais n'oubliez pas que les budgets ont quadruplé; multipliez ça par quatre et vous allez avoir un revenu égal à celui de la province.

M. LACROIX: Pas en 1961.

M. LESAGE: Est-ce que le député pourrait nous donner le chiffre per capita en 1961, en incluant Murdochville?

M. GAGNON: En incluant Murdochville, il est de $830. Ah oui, Murdochville...

M. LESAGE: Plus gros que Matane, plus gros que tous les autres.

M. GAGNON: Oui, oui, mais je comprends que Murdochville — et le chef de l'Opposition le sait — est une ville un peu à part, qui n'a presque aucune influence sur l'économie et qu'il n'y a pas un chômeur...

M. LACROIX: Vous n'enlevez pas Matane dans Matane non plus.

M. GAGNON: ... qu'il n'y a pas un vieillard, que tous sont dirigés dans les autres parties du comté et qu'à ce moment-là...

M. LESAGE: C'est dans le comté du député.

M. GAGNON: ... Oui, mais je ne peux pas tenir compte d'une paroisse qui a 3,000 de population sur un ensemble de 40,000 dans le comté. C'est parce que ça crée un problème tout à fait différent.

Je dis en cette Chambre que cela doit être corrigé et que Gaspé-Nord doit rattrapper tout le tort qui lui a été causé, et je fais appel aux ministres qui sont au courant de cette situation, afin que le comté soit favorisé non pas au détriment des autres, ah non? ah non! je ne suis pas pour ça, mais simplement favorisé de façon à faire le rattrapage pour que le revenu per capita connaisse au moins une augmentation raisonnable selon les besoins de la région. Nous n'avons certainement pas l'impression, M. le Président, d'avoir été traités selon nos besoins et je vois le leader du gouvernement qui pourrait peut-être donner une solution au problème, comme il a fait partie du gouvernement pendant quatre ans. Pourquoi n'avons-nous pas bénéficié, de la mise en application du programme ARDA de la même façon que les autres comtés qui ont...

M. LAPORTE: M. le Président, si on examinait tous les chiffres de ce comté-là, en incluant tout ce que le député n'a pas inclus, comme Murdochville, on aurait peut-être d'autres conclusions que les siennes.

M. GAGNON: M. le Président, je peux donner une information supplémentaire.

J'ai questionné celui qui s'occupe de toutes les dépenses du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation; il m'a dit: En 1961 on avait un budget de $125,000 pour la colonisation dans Gaspé-Nord; en 1962, $120,000; il y a deux ans,

on en a eu $10,000; l'année dernière, on en a eu $30,000. C'est aussi simple que ça. C'est celui qui s'occupe de la dépense des montants qui le dit.

M. LACROIX: Combien avez-vous de colons?

M. GAGNON: Lorsque nous parlons de Gaspé-Nord, M. le Président, nous parlons également d'un comté dont tous les services sont exclus.

M. GRENIER: La justice, eux, ils connaissaient ça.

M. GAGNON: Il n'y a aucun centre d'accueil pour vieillards, il n'y a aucun centre de réadaptation pour les jeunes. On a besoin d'un bureau de district pour la voirie, d'un bureau de district pour les terres et forêts... Je regrette, que, depuis 1962, on ait limité Gaspé-Nord dans ses services pour pouvoir organiser des services dans les comtés voisins. Cela était difficile; mais tout de même nous avons accepté, parce qu'évidemment ça n'aurait pas fait grand chose. Mais à ce moment-là, la population en subissait le préjudice, et souffrait de tous ces services éloignés: 100 milles, 125 milles, le bureau de la voirie à Gaspé.

M. LACROIX: Avant ça, il était à Matane?

M. GAGNON: Non. A Matane, ils ont séparé le comté en deux, ils ont donné la moitié à Matane, l'autre moitié à Gaspé.

M. GRENIER: Vous n'en n'avez pas eu connaissance, vous écoutiez « Cré Basile».

M. LACROIX: Je pensais que vous, vous écoutiez « Batman ».

M. GAGNON: Tous les vieillards qui sont obligés d'aller à des distances de 150 milles...

UNE VOIX: Vous êtes la croix des Iles-de-la-Madeleine.

M. GAGNON: ... 200 milles. Je connais des pères de famille qui ont placé des enfants sous-doués. Cela fait quatre ans qu'ils sont placés, on n'est pas allé les voir. Pourquoi? Parce que la famille n'a pas les moyens et que cet enfant-là a été placé dans une institution près de Québec. Depuis quatre ans, il n'a pas vu ses parents. Bien, on ne reste pas insensible devant ces problèmes.

M. le Président, je suis convaincu que ç'a apporté de bons objectifs...

M. LACROIX: C'est intéressant, continuez.

M. GAGNON: ... l'Expo mondiale, M. le Président, ouvrira bientôt ses portes dans cette terre du Canada, au Québec. Nombreux sont les pays du monde qui seront représentés. Nombreux sont les différentes nationalités et les différents chefs de pays qui viendront ici au Canada au cours de l'année 1967. Il s'agit d'une unité, de coopération et de collaboration entre tous les pays, il n'y a aucun doute que tous en tireront beaucoup profit, surtout chez nous, et que les autorités du pays en tireront profit afin qu'ils puissent considérer, je dis bien considérer, l'unité du Canada comme primordiale, pour mieux comprendre que chacun doit vivre dans une justice équitable et que chacun doit recevoir ce qui lui est dû. De cette façon, nous verrons le Québec grandir, le Canada se fortifier par le respect des droits de tous et de chacun, par l'autonomie des secteurs respectifs des gouvernements qui composent le Canada. Voilà les voeux, M. le Président, que je formule pour 1967.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Argenteuil.

M. Zoël Saindon

M. SAINDON: M. le Président, les sentiments qui m'animent en ce moment ne surprendront personne, car ils sont sûrement partagés par tous ceux qui siègent pour la première fois en cette auguste assemblée. Je vous fais donc grâce des clichés qui seuls me permettraient de vous exprimer ce que je ressens et je vous dirai tout simplement que je suis fier de représenter ici le comté d'Argenteuil et de faire partie de la valeureuse équipe que dirige l'honorable député de Louis-Hébert.

Nouvel élu par un comté qui, me semble-t-il, n'a pas eu dans le passé l'heur de se faire entendre aussi souvent qu'il le méritait et, étant moi-même peu habitué au jeu de la politique dans le sens qu'on l'entend d'ordinaire, je me sens quelque peu intimidé par les exigences du rôle qui m'incombe.

J'ai cependant l'impression, M. le Président, que j'aurais plus d'assurance si les circonstances avaient permis, comme il se devait pour le plus grand bien du Québec, que je siège avec mon équipe à votre droite plutôt qu'à votre gauche. Quoi qu'il en soit et en attendant ce jour qui ne saurait tarder, en autant que la population du Québec soit de nouveau appelée à se prononcer.

Je puis assurer cette Chambre qu'à l'instar de mon chef, j'appuierai toute mesure qui me paraîtra conçue et présentée dans l'intérêt de la

Province en général et de mon comté en particulier. J'ajoute qu'étant moi-même originaire d'une province voisine où l'élément acadien, donc canadien-français, constitue un groupe minoritaire, je serai très sensible envers toute mesure pouvant directement ou indirectement porter atteinte aux rapports acceptables et acceptés qui entretiennent nos frères d'outre-Québec avec leurs concitoyens du groupe majoritaire. Je serai d'autant plus sensible à cet aspect de la gouverne provinciale que je représente un comté où l'élément de langue anglaise et de religion protestante compte pour 30% de la population totale.

Je connais assez bien la générosité des législateurs du Québec pour assurer à ce groupe important de mon comté le respect de tous ses droits scolaires, sociaux et autres, quelle que soit la situation qui prévaut dans les autres provinces.

Il me faut faire remarquer ici que dans mon comté comme dans toute la province d'ailleurs, les résultats de l'élection du 5 juin ont apporté consternation et stupeur. L'on en a pu comprendre comment les électeurs avaient pu céder à un caprice aussi inexplicable en contribuant par leur vote à bloquer la voie au progrès que le Québec avait connu dans tous les domaines sous le régime libéral de 1960 à 1966.

Je n'osais croire à pareille punition des dieux. Vous connaissez l'expression: Quand les dieux veulent perdre les hommes, ils commencent par les rendre aveugles. Comment a-t-on pu à ce point fermer les yeux sur les véritables problèmes en cause, se demande-t-on de toute part depuis ce jour fatidique et la question demeure sans réponse. Mais il y a pis que cela. Une fois les premiers jours de consternation passés, voilà que la déception monte en selle. Déception générale apportée par l'incertitude à peine voilée, et les tâtonnements avoués de la nouvelle administration. Déception générale causée par le retour à la pratique du patronage à l'échelle d'un régime que l'on croyait oublié. Déception alarmée devant l'application d'une politique discrète s'apparentant sournoisement aux traditions inacceptables d'une autre époque pourtant bannie. Déception amère, enfin, justifiée par l'immobilisation puérile dont fait preuve le régime actuel dans presque tous les domaines, surtout dans ceux qui ne peuvent souffrir de paralysie sans conséquences des plus funestes.

Si je reviens au comté d'Argenteuil, je puis affirmer que l'inactivité de l'administration provinciale depuis le 5 juin est on ne peut plus déconcertante. Ce comté, oublié de 1944 à 1960 et muet de 1960 à 1966, n'a rien à le faire en- vier par les autres régions du Québec, même celles qui de l'aveu général, accusent un recul prononcé sur le reste de la province.

Dès mon arrivée à Lachute en 1961, j'ai accepté comme impératif de travailler dans toute la mesure de mes faibles moyens au relèvement socio-économique de ce petit coin de notre province. C'est là toute la raison de mes activités sur le plan municipal et surtout de mon entrée dans l'arène provinciale.

Je précise. Le comté d'Argenteuil est ainsi géographiquement — peut-être devrais-je dire géologiquement — situé de telle sorte que la moitié de son territoire, soit la partie sud, se prête à l'agriculture mais d'un genre non spécialisé. La population qui l'habite réussit tant bien que mal à tirer sa subsistance de la terre mais ne peut contribuer en aucune façon au progrès économique du comté en général. Il y a bien aussi dans cette partie sud du comté, surtout à Lachute, quelques industries dont deux d'ordre majeur et d'établissement quasi centenaire.

A prime abord, on serait tenté de voir en ces deux industries, une source de progrès et de bien-être général. Mais allez-y voir. Je crois que les journaux et la radio ont parlé suffisamment à l'occasion d'une grève récente de l'empire féodal, et je dis bien féodal, érigé par ces deux industries et des salaires scandaleusement bas qu'elles offraient, moyenne $1.05 l'heure, pour vous convaincre de leur indifférence et de leur insuffisance en matière de progrès économique.

Le remède consiste à mon sens, dans l'établissement de nouvelles industries, soucieuses du bien commun plutôt que des intérêts particuliers, capable d'expansion et de concurrence au niveau des exigences de la technique moderne. Je demande instamment à l'administration provinciale, et en particulier au ministre de l'Industrie et du Commerce, de se pencher sur ce problème en vue d'une solution prochaine. Ce problème est d'autant plus urgent que vous en avez la preuve dans les interventions concertées, de tous les médiums d'information et ceci depuis quelques semaines. Il est impératif qu'une solution soit apportée à très brève échéance et ceci le gouvernement le fera, s'il est conscient et soucieux du bien-être de la population de Lachute. Pour y arriver, M. le Prési- dent, il peut compter sans réserve sur mon appui comme maire de Lachute et député d'Argenteuil.

Quant au secteur nord du comté, il est dans sa majeure partie inculte étant montagneux, couvert de forêt déjà exploitée et parsemé de lacs. Pourtant il y a quand même possibilité

d'en tirer partie. D'après les gens avisés, le sol et les conditions du climat qu'on y trouve se prêteraient très bien à l'élevage du mouton. Nous savons tous que la population ovine est en baisse au Canada et surtout au Québec — j'entends ici le nombre de vrais moutons, ceux à 4 pattes.

M. LAVOIE (Laval): Ils sont de l'autre côté.

M. SAINDON: Pour satisfaire à nos besoins domestiques, en ce qui comprend la laine et ses sous-produits, nous devons importer de plus en plus et draîner ainsi notre capital argent. Naturellement, pour compléter le cycle, l'établissement d'une filature à proximité absorberait la production de la laine brute pour la transformer en tissus de tous genres allant des tissus de fantaisie à texture très fine, aux matériaux plus lourds et plus résistants, tels les uniformes militaires et les produits destinés au travail et à l'industrie. Les sous-produits qu'une telle filature pourrait tirer de la laine sont aussi nombreux et non moins importants.

Puis-je révéler, ici, M. le Président, que déjà certaines personnes de mon comté ont étudié ce projet, et ont établi la rentabilité de même que l'importance de son apport certain à l'économie générale. Ils ont même fait plus en déterminant le site désirable d'une telle filature, soit la région d'Huberdeau. L'expert consulté était M. Firmin Dumortier, directeur fondateur de la Société africaine de filature et tissage de Rabat, au Maroc. Il est venu à Lachute; je l'ai rencontré, nous avons étudié le projet et il s'est déclaré prêt à procéder dès que les élément voulus lui seront assurés.

Je fais donc appel de nouveau à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce et je le somme de seconder nos efforts de tous les effectifs de son ministère.

Laissons-là, nos moutons pour considérer brièvement les possibilités touristiques d'un comté sis à la porte d'une clientèle des plus importante et par son nombre et par son intérêt envers les divertissements qu'offrent le camping, la chasse et la pêche, la clientèle que nous offre Montréal et la région métropolitaine. Rien n'a été fait jusqu'ici faute d'encouragement et de planification de la part du ministère concerné. A preuve, pas un seul bureau de permis de circulation en forêt et seulement trois gardes-chasse dans le comté d'Argenteuil. L'Association de Chasse et de pêche d'Argenteuil comptant 700 membres, vient d'épouser le problème et va même jusqu'à formuler un programme dont les grandes lignes s'établissent comme suit: 1- Rendre accessibles les forêts et les terrains de la Couronne actuellement fermés au public parce que réservés pour droit de coupe. 2- Convertir en parc provincial un territoire qui s'étend entre le rang 7 du canton Wentworth et le rang 12 inclusivement, soit du lac Louisa à Saint-Adolphe d'Howard, direction sud-nord. 3- Assurer l'entretien et la protection de la forêt et des eaux dans le comté. 4- Profiter de la coopération bienveillante des quelques 700 membres de l'Association de chasse et pêche d'Argenteuil.

L'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche, qui me semble animé d'un zèle prometteur qui me réjouit, comprendra sûrement la justesse de mes revendications et ira même, je l'espère, jusqu'à y donner suite. Je l'en remercie d'avance.

Il y a dans le comté d'Argenteuil, M. le Président, une autre situation déplorable que je voudrais exposer brièvement, du moins pour le moment. C'est celle que nous impose l'état des routes, tant principales que secondaires. Des 148 milles de routes principales, 50% sont en mauvais état. Les routes secondaires, comprenant 162 milles en surface bitumineuse et 90 milles en gravier, accusent un pourcentage encore plus élevé, soit 70% en mauvais état. Il y a en outre deux ponts, les principaux du comté, qui ne sont plus que des vestiges d'une époque depuis longtemps dépassée. Situés à proximité l'un de l'autre, ces deux ponts sont traversés par un tronçon de route, formé de la réunion des routes 41 et 8. Ces deux ponts sont désuets au point de constituer un véritable danger pour la circulation. A ma demande, et avant même que je sois député du comté d'Argenteuil, l'administration provinciale d'avant le 5 juin avait reconnu le besoin de reconstruire ces deux ponts en tenant compte des besoins pressants et présents. Cette administration avait même assuré que les sommes requises à cette fin, soit $82,000 et $255,000 figuraient dans le budget des ministères de la Voirie et des Travaux publics pour l'année 1966. Depuis cette date du 5 juin, ce projet de réfection est tombé dans l'oubli. Mon aimable voisin, l'honorable ministre de la Voirie et des Travaux publics, aurait-il l'obligeance de le tirer de l'oubli pour le réaliser sans tarder? En attendant son bon plaisir, le groupe ministériel me saura gré, vu la faible majorité dont il dispose, de recommander à l'honorable ministre d'éviter le comté d'Argenteuil dans ses déplacements, soit en auto mobile, à cheval ou à pied car, qu'il veuille bien me croire, le réseau routier de ce comté, y compris le pont Baron et le pont McGibbon,

constitue un véritable casse-gueule qui n'a de respect pour personne, pas même pour un ministre de l'Union Nationale.

Un dernier point, M. le Président, je termine. Il m'est inspiré par une difficulté stupide que j'ai rencontrée comme maire de Lachute. Récemment le conseil municipal soumettait au référendum un pauvre petit règlement d'emprunt de $32,000, somme destinée à la préparation d'un plan directeur jugé nécessaire pour favoriser le développement de la ville, selon des normes établies par une technique avertie. Ce règlement d'emprunt, la population de Lachute, par un vote majoritaire considérable, l'acceptait, mais un seul homme, je dis bien un seul homme, vraisemblablement motivé par des intérêts politiques et personnels, a réussi à la bloquer par le truchement de son évaluation municipale. Est-ce bien là, M. le Président, un effet acceptable de la démocratie bien comprise? Je pose la question à l'honorable ministre des Affaires Municipales en le priant d'étudier de très près la loi régissant la tenue des référendums et son application pour fins municipales, dans le but d'en proposer l'amendement dans un sens plus démocratique. .

Pourquoi, dans certains cas, tel celui de Lachute, soumettre un règlement d'emprunt au test de l'évaluation municipale? Il semblerait, M. le Président, que la sanction de la Commission municipale devrait suffire pour donner suite à un vote favorable de la population, exprimé à l'occasion d'un référendum d'abord consenti par le conseil municipal.

Pour ma part, M. le Président, il m'est encore plus difficile d'accepter que, dans une municipalité, quelle qu'elle soit, un seul homme puisse mettre en échec une mesure voulue par la majorité de ses concitoyens, qu'il, m'est loisible de comprendre que, dans une province, un parti puisse accéder au pouvoir avec l'appui de seulement 42% du vote populaire, alors qu'un autre parti, ayant reçu 47% de ce même vote doive passer dans l'Opposition . Qu'il soit dit en passant que toute allusion apparente ou autre à un événement encore souvent commenté, parce que bien récent, est purement accidentelle.

Je termine en réitérant à cette Chambre mes sentiments de fierté envers mon chef, le parti qu'il dirige, envers mon comté et la province toute entière. Comme député, je désire fermement travailler à assurer le bien-être de toute la population du Québec et, à cette fin, je lui offre la contribution de tous mes efforts si humbles soient-ils.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Témiscouata.

M. Montcalm Simard

M. SIMARD: M. le Président, ce n'est pas sans une certaine appréhension que, pour la première fois, je prends la parole en cette Chambre comme représentant du comté de Témiscouata. Mes premières paroles seront pour vous féliciter de vote nomination comme Président de cette assemblée délibérante dont les travaux auront une influence capitale sur l'évolution de notre province à divers points de vue, notamment politique, économique et culturelle. Votre expérience parlementaire dans une autre juridiction et vos talents reconnus et bien prouvés seront d'un grand secours pour les nouveaux arrivés en cette Chambre et contribueront largement à maintenir le décorum indispensable à l'avancement normal de la législation.

M. BELLEMARE: Très bien!

M. SIMARD: Dieu veuille que le chef de l'Opposition, qui vous institue le pondérateur des délibérations, conserve un esprit de collaboration constructive dont malheureusement nous devons déjà douter. C'est aussi un devoir pour moi, et un plaisir, de féliciter le député de Rivière-du-Loup, mon voisin de comté et excellent ami, pour sa nomination comme Président des comités pléniers et vice-Président de cette Chambre. Là encore, la nomination est heureuse car nous sommes sûrs que le talent et les connaissances légales qui lui ont acquis l'estime de la magistrature sont une garantie qu'il remplira avec efficacité la lourde tâche qui lui incombe. Je veux aussi féliciter bien sincèrement le proposeur et le secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône. Car, à leur première intervention en cette Chambre, ils ont largement prouvé leur valeur et justifié le choix du gouvernement pour une telle procédure traditionnelle. Je me dois aussi de rappeler, particulièrement pour les aînés de cette Chambre, qui l'ont connu et apprécié, mon prédécesseur à ce siège, le docteur Antoine Raymond, le bon père de famille, le député fidèle, le travailleur consciencieux et efficace qui, pendant quatorze ans, a représenté le comté de Témiscouata. Il a droit à la reconnaissance des électeurs de mon comté, et j'ai été moi-même en mesure d'apprécier ses loyaux services. C'est un devoir pour moi de marcher sur ses brisées, de suivre l'exemple qu'il a donné et, ce faisant, c'est une garantie que mon comté continuera à être bien servi.

C'est aussi l'occasion pour moi de rendre un hommage public à la clairvoyance des électeurs de mon comté qui depuis si longtemps apprécient sans défaillance la politique de l'U-

nion Nationale. Ils sont beaucoup plus sensibles aux réalisations pratiques et tangibles qu'à un flot de promesses douteuses. Avec la fatuité qu'on leur connaît, nos adversaires avaient espéré, à la faveur d'un changement de candidat, emporter d'emblée le comté de Témiscouata. On y a mis le prix et les efforts. A preuve, quatre ministres de l'ancien gouvernement, et non les moindres, ont paradé et pétaradé dans mon comté, notamment le premier ministre du temps et les autres. Tous ces gens qui tremblotent maintenant dans la région froide en face de nous sont venus à la rescousse de leur candidat.

Les gens de chez nous ont appelé cette parade, la parade des Rois Mages. Les non instruits de chez nous, doués cependant de gros bon sens et d'un jugement sûr, n'ont pas été dupes des exposés grandiloquents, mais combien poreux de ces pseudo-lumières. Ils ont senti que bien que venant de haut, à travers les nuages, ils n'étaient pas le Saint-Esprit. Mes électeurs ont même observé que leurs propos n'étaient pas tout à fait au diapason. Ils ont facilement constaté que l'idéologie libérale était devenue opportuniste et bien peu cohérente. Cela s'est largement prouvé lors du dernier congrès libéral.

Le chef de l'Opposition est plusieurs fois devenu perplexe lors de ces assises et a dû faire la constatation que ses organisateurs prenaient trop au sérieux ses grandes déclarations démocratiques ostensiblement déclamées. Il aurait dû avertir en caucus son état-major qu'il parle souvent pour endormir le menu peuple qu'il a qualifié comme on le sait. Enfermé dans sa tour d'ivoire, il ne pouvait se douter, le pauvre homme, que ses collègues commettraient tant d'indiscrétions, exposeraient devant le grand public des principes diamétralement opposés. Je le comprends très bien. Dans sa suffisance, il ne pouvait se douter que ces hommes en qui il avait mis toute sa confiance se dirigeraient publiquement l'un à droite, l'autre à gauche et un troisième encore plus à gauche.

Lors de cette télé mission, il était évident que malgré ses talents incontestables d'acteur, il faisait chaud et la mise au point fut pour le moins laborieuse. Serait-ce que la télévision, à l'instar de certains journaux, aurait fini de l'encenser en fermant les yeux? J'aimerais demander au chef de l'Opposition ce qu'il pense de l'opération peuple. On peut peut-être l'appeler l'opération 56. Une chose me semble certaine, et le seul fait que l'on parle de l'opération peuple est un aveu que le gouvernement précédent l'avait oublié, ce bon peuple. Quel réveil pour le beau chef! Je le verrais bien à la tête d'un organisme consultatif sans responsabilité administrative et qui n'aurait pas de répercussion économique, où il serait de mise de lancer des ballons d'essai, car il a énormément de voile et bien peu de gouvernail. C'est pourquoi le bateau a chaviré le 5 juin dernier.

Les gens de chez nous détestent facilement les notes discordantes d'une musique qui se voudrait bien d'accord, mais dont les instruments faussent. Serait-ce que le chef d'orchestre manquerait encore de maîtrise? Alors, c'est un cas désespéré. Si la faute en est aux instrumentistes, je leur recommande d'accorder leurs violons. Heureusement, le gouvernement actuel, en place pour longtemps, n'a rien à voir avec cette galère. Il peut, lui, dont le parti est homogène, travailler dans la paix et la concorde.

M. le Président, le comté de Témiscouata que je représente et où j'ai passé ma vie, par sa situation géographique n'est pas classé comme l'une des plus riches régions de la province et fait partie du territoire à économie plutôt faible étudié par l'organisation ARDA. Pourquoi le gouvernement précédent l'a-t-il presque totalement oublié pendant les six années de son administration? Serait-ce parce qu'il n'a pas voulu se ranger sous la bannière claquante?

On appelle communément chez nous ces années, celles de la grande noirceur. Comment se fait-il qu'avec un budget pour le moins quadruplé, si on le compare à ceux des années avant 1960, un comté où il y a tant à faire ait été négligé à ce point? Serait-il possible que les crédits votés par la Législature précédente aient été répartis en rapport avec des mérites politiques plutôt que suivant les besoins réels?

Après seulement six mois d'administration de l'Union Nationale, les témoignages de satisfaction nous arrivent spontanément, et la population de chez nous entrevoit des jours meilleurs. C'est l'occasion pour moi de remercier bien sincèrement les ministres de la présente administration qui ont fait droit déjà à une partie importante de mes demandes et remis sur la carte de la province le comté de Témiscouata.

Je me permets de vous avertir, M. le Président, que je continuerai à plaider en faveur de mes administrés et tâcherai de récupérer les arrérages. L'économie du comté de Témiscouata est presque totalement basée sur les revenus de l'agriculture et de l'industrie forestière. A cause d'un sol de qualité souvent médiocre et de la négligence coupable du gouvernement précédent envers l'agriculture, les cultivateurs en général ont l'obligation de demander à l'industrie forestière de compenser pour le faible rendement des fermes, et ceci est un cercle vicieux. Lorsque le cultivateur est en forêt, nécessairement l'exploitation agricole en souffre. Je dois dire que nombre de fermes sont négli-

gées, voire même abandonnées. Les cultivateurs vieillissent et leurs successeurs, la relève sur laquelle ils devraient normalement compter, s'avère bien faible et souvent inexistante. Les études déjà faites et les rapports publiés par le BAEQ et le comité de liaison font bien le point de la situation, et il y a énormément à faire; mais il y a lieu d'espérer que, sous l'égide de l'honorable ministre de l'Agriculture, dont personne ne met en doute les qualifications, nos agriculteurs verront sous peu des jours meilleurs.

L'industrie laitière, en raison de notre climat plutôt froid, est et demeurera la base du revenu agricole. Il est intéressant de constater que la production du beurre, qui fut longtemps plus forte que la consommation, est devenue depuis peu déficitaire, et il est intéressant de constater que cette production est en augmentation constante depuis quelques mois. Nos producteurs apprécient la décision du ministère de l'Agriculture de continuer à payer une prime de $0.35 le cent livres de lait pendant la saison hivernale. Espérons que cette prime atteindra en totalité le producteur. Il semble bien qu'à la suite d'ententes entre la province et le gouvernement fédéral, la province sera libérée en grande partie de l'obligation qu'elle assume quant au prix payé aux producteurs de lait de transformation. Et je ne doute pas que les montants ainsi libérés seront totalement appliqués à promouvoir une situation agricole de plus en plus progressive.

Je suis en faveur d'usines de transformation centralisées et bien équipées afin d'en retirer les bénéfices possibles. Je crois devoir attirer l'attention de l'honorable ministre de l'Agriculture sur le fait que mon comté est un genre de circuit fermé. Je veux dire par là qu'il est séparé des autres régions agricoles par de grandes régions uniquement forestières.

M. LE PRESIDENT: Je demande l'ajournement de la Chambre.

M. LESAGE: Est-ce qu'il a terminé?

M. JOHNSON: Non, non, il a demandé l'ajournement.

M. LESAGE: Pardon, j'étais plongé dans la lecture du projet de loi.

M. JOHNSON: Je comprends que, selon le désir exprimé par l'Opposition, nous pourrions siéger à 7 h 30...

M. LESAGE: 7 h 30 jusqu'à 9 heures.

M. JOHNSON: ... jusqu'à 9 heures, pour permettre...

M. LESAGE: Pour que nous puissions avoir un caucus à neuf heures.

M. JOHNSON: ... un caucus des partis, ce que nous ferons d'ailleurs nous aussi. Mais on aurait pu théoriquement inverser l'ordre et tenir le caucus à 7 h 30 et siéger à 9 heures.

M. LESAGE: Bien voici, je comprends que le premier ministre et les ministres ont déjà eu l'occasion de discuter ce bill, de le triturer, de le changer, de le rapiécer, d'ajouter, de retrancher.

M. JOHNSON: Même l'imprimeur s'est mêlé de le triturer.

M. LESAGE: Oui, j'ai compris ça.

M. GERIN-LAJOIE: On comprend que le travail du Conseil des ministres était compliqué.

M. LESAGE: Mais, d'un autre côté, je pense bien que c'est la première fois et, ne l'oublions pas...

M. JOHNSON: Alors, disons sept heures et demie.

M. LESAGE: ... il y a en annexe un tableau extrêmement compliqué qu'il faudra examiner en tenant compte des chiffres.

M. JOHNSON: Qu'on a dans le cahier depuis longtemps.

M. LESAGE: Mais enfin, il va falloir l'examiner...

M. JOHNSON: On l'a depuis le 13 janvier.

M. LESAGE: Bien, tout de même, il va falloir l'examiner,

M. JOHNSON: Depuis le 13 janvier.

M. LESAGE: Alors, avant de tenir le caucus...

M. JOHNSON: L'ancien ministre de l'Education connaît ça par coeur.

M. LESAGE: Avant de tenir notre caucus, il nous faudra examiner le bill pour en voir toutes

les implications, alors que le premier ministre et ses collègues sont en mesure de renseigner leurs députés, étant donné qu'ils ont déjà non seulement étudié, mais préparé ce bill.

M. JOHNSON: Alors, M. le Président, nous pourrions, après le caucus — si tel était le désir de cette Chambre ou si nous voulions l'imposer — revenir en Chambre, même s'il était dix heures et demie ou onze heures. On pourrait s'attaquer à la deuxième lecture. Le ministre de l'Education serait prêt à faire son discours en deuxième lecture, dès ce soir, ce qui fournirait plus de renseignements, peut-être, pour entreprendre demain une étude en profondeur, si l'on veut, du bill lui-même, en comité plénier ou autrement. Alors, si on voulait revenir à dix heures et demie pour une période raisonnable, disons jusqu'à...

M. LESAGE: Oui, un instant là...

M. JOHNSON: Ou demain, s'il en est ainsi.

M. LESAGE: Si on propose que le ministre de l'Education parle ce soir, il y aurait peut-être avantage à ce que nous l'écoutions à sept heures et demie, avant le caucus.

M. JOHNSON: Disons que j'avais communiqué avec le ministre pour lui demander s'il était prêt à onze heures. Je ne le sais pas s'il le sera à sept heures et demie.

M. LESAGE: Bien oui, mais il y aurait avantage à l'entendre avant le caucus.

M. JOHNSON: Oui, oui, mais même le caucus pourrait se réunir demain matin, s'il veut; je n'ai pas d'objection. Un deuxième caucus. M. LESAGE: A nouveau, un deuxième.

M. JOHNSON: Je n'ai aucune objection, mais disons qu'on laissera les députés aller se coucher après le caucus et on reviendra demain. A quelle heure?

M. LESAGE: Nous sommes à la disposition de la population.

M. JOHNSON: On avait proposé dix heures. Je sais que plusieurs députés, le chef de l'Opposition et le premier ministre sont pris à midi et demi.

M. LESAGE: Nous pouvons commencer à bonne heure demain matin.

M. LAPORTE: Neuf heures ou neuf heures et demie.

M. HANLEY: A sept heures.

M. LAPORTE: Les Indépendants siégeront à sept heures et nous commencerons...

M. SEGUIN: Le député de Sainte-Anne parle pour lui-même.

M. HANLEY: You better believe it.

M. LESAGE: La zizanie dans le parti des Indépendants.

M. LE PRESIDENT: De consentement, la Chambre suspend ses travaux jusqu'à sept heures trente.

Reprise de la séance à 7 h 30 p. m.

M. Montcalm Simard

M. SIMARD: M. le Président, j'étais à dire que le Témiscouata était un espèce de circuit fermé. Je verrais d'un bon oeil une certaine centralisation qui se limiterait approximativement au comté de Témiscouata afin d'éliminer le risque que le retour net du prix du lait au producteur ne soit pas grignoté par des coûts de transport trop élevés afin que nos cultivateurs ne soient pas pénalisés par une situation géographique plus ou moins favorable.

M. le Président, je crois savoir que le plan ARDA suggère et préconise dans notre région l'élevage du bétail à boucherie. J'ai constaté qu'un bon nombre de nos cultivateurs s'intéressent à cette production. Quelques-uns seulement sont en mesure de se financer eux-mêmes, soit pour l'agrandissement de leurs terres ou pour l'achat de bétail de race appropriée. En vue du succès de cette transformation d'un élevage à l'autre, il y aurait probablement lieu de prévoir là encore, un programme d'aide aux éleveurs, du moins dans le cas de ceux qui en ont réellement besoin.

Mon comté a l'avantage de posséder une division du ministère de la Colonisation. A cause de ses sols en grande partie montagneux et souvent rocheux, il est d'une importance capitale que les crédits attribués à cette division soient augmentés en vue de poursuivre des travaux mécanisés et subventionnés dont la demande est en augmentation constante. Il y aurait lieu de promouvoir l'organisation de centres de production spécialisée et d'installer dans le comté des propagandistes, techniciens adéquats.

Un incendie désastreux a détruit totalement au cours de la saison dernière, la scierie de la compagnie Fraser installée à Cabano. Je veux ici en passant rendre un témoignage de gratitude au gouvernement qui s'est penché avec sollicitude sur la situation désastreuse qui a été faite à nos travailleurs à la suite de ce désastre, et je ne doute pas que des efforts constants seront faits pour conserver à mon comté une de ses rares industries.

Je suis d'opinion que la forêt qui couvre la majeure partie du comté de Témiscouata peut encore fournir la matière première nécessaire à la transformation de ses bois en produits finis. Le marché est encore excellent, la main-d'oeuvre compétente et disponible en quantité. Il faut donner à ces ouvriers l'occasion de transformer complètement nos matières premières dans la province.

Il y aurait aussi possibilité d'établir de petites industries dont la forêt serait la source d'approvisionnement et qui pourraient convertir les bois locaux en de nombreux articles d'usage courant. Certaines municipalités, et particulièrement certaines chambres de commerces alertes ont déjà, à l'heure actuelle, obtenu des succès en amenant chez nous de petites industries réellement prometteuses. Je ne doute pas que le gouvernement actuel continuera à encourager d'une façon constante le développement de petites industries qui peuvent s'implanter chez nous dans des conditions relativement favorables.

C'est à mon avis ce qui manque le plus à notre région, ce qui pourrait maintenir et augmenter notre population et relever son niveau de vie. En feuilletant récemment d'une façon encore bien incomplète l'atlas régional du Bas Saint-Laurent, préparé par le bureau d'aménagement de l'Est du Québec, j'ai été surpris de constater que, sauf erreur, l'attention accordée par le BAEQ aux activités minières se limite à une carte désignant les endroits du territoire pilote où il y a quelques mines en activité et des indices de minéralisation.

Ce qui m'a le plus frappé, c'est qu'il n'y a pratiquement pas d'indice que le comté de Témiscouata ait été l'objet de recherches, même les plus superficielles. Je sais que cette remarque a déjà été faite à des représentants du comité de liaison. La réponse a été que la découverte de mines était une question de chance. Je suis d'avis, M. le Président, que la chance peut être provoquée. Lorsqu'on ne cherche pas, les découvertes sont bien aléatoires. Je regrette de dire que, dans ce domaine, les perspectives qui peuvent en découler ont été complètement négligées par la BAEQ et surtout, aucune suggestion n'a été faite. Je puis difficilement croire que notre région montagneuse soit complètement dépourvue de possibilités minières, et je me permets de demander que des relevés techniques méticuleux soient exécutés dans mon comté afin de se rendre compte des dernières possibilités. M. le Président, j'ai été heureux de constater que la région du lac Témiscouata est désignée comme l'une des zones prioritaires de développement touristique, et c'est à juste titre. Nous savons que le ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche a fait préparé un plan d'aménagement par la firme Richard R. Wilkinson, laquelle étude s'occupe d'une façon bien spéciale des possibilités du lac Témiscouata.

Veuillez croire, M. le Président, que je ferai les efforts nécessaires pour que les développements préconisés par ce plan débutent sans délai. Les municipalités de Cabano et de Notre-

Dame-du-Lac semblent légèrement favorisées, parce que les mieux placées, pour profiter du développement touristique éventuel du lac Témiscouata.

C'est là que les efforts doivent porter en premier lieu, et j'en suis heureux. Loin de moi l'idée de critiquer mais je ne puis cependant m'empêcher de remarquer que la municipalité de Sainte-Rose-du-Dégelé, la plus populeuse de mon comté, n'est pratiquement pas touchée par le plan Wilkinson. Ce plan, tel qu'il est dit plus haut, axe ses projets d'amélioration et de développement sur le lac Témiscouata. Je crois qu'il y a là des possibilités excellentes au point de vue camping, plages, et canotage, lesquelles feront naître la construction d'hôtels, de motels et d'autres commerces se rattachant au tourisme et favoriseront nombre d'activités sportives.

Mais il ne faut pas oublier ni même négliger ce que je considère une richesses naturelle et un sport majeur; la pêche sur le lac Témiscouata qui contient de nombreuses variétés de poissons et particulièrement le touladi, poisson de haute qualité, bien caractérisé, ressemblant à la ouananiche du lac Staint-Jean. Qu'il soit saumon blanc ou truite grise, c'est un batailleur formidable qui peut atteindre une taille fort respectable. Or, la population de ce poisson est en régression; il se fait bien encore ici et là un peu de braconnage qu'il est difficile d'empêcher totalement, mais ce n'est pas là la raison principale de sa diminution. La compagnie Fraser a édifié un barrage sur la rivière Madawaska, décharge du lac Témiscouata. Le touladi, comme la truite, aime voyager et ne reste pas constamment dans le lac qui l'a vu naître, quelque vaste soit-il. Une quantité de poissons sautent le barrage chaque année et quel que soit leur désir, leur instinct, ne peuvent jamais y revenir.

Il faudrait, de toute nécessité, construire à côté du barrage une échelle afin de permettre aux poissons, du moins aux meilleurs, de voyager librement, et de revenir frayer sur les sites où ils sont nés. Cette amélioration est demandée depuis longtemps et l'a été à maintes reprises. Je crois que le plan devrait inclure dès le début ce projet.

Je constate que le plan dit Wilkinson entrevoit la possibilité d'étendre son action sur le côté sud-est du lac et englobe les municipalités de Saint-Juste, Auclair, Lejeune, etc.. la rivière et le lac Touladi et les grands lacs du Squatteck. C'est là un territoire de chasse et de pêche déjà très apprécié et encore susceptible d'améliorations avec un meilleur réseau de chemins de pénétration.

Je crois de mon devoir de travailler sur le plan du comté entier, dont je suis le mandataire. Si une semence vivifiante est jetée sur une partie, il faut nécessairement qu'elle s'étende à toutes les parties.

Le développement de la route 2 et de ses alentours immédiats, laquelle est une sortie des Etats-Unis et du Nouveau Brunswick, est importante et je suggère avec non moins d'insistance que le plan Wilkinson soit étendu. Il existe une autre route venant de Fort Ken, Maine, route très fréquentée passant par Les Etroits, Rivière-Bleue, Sully, Escourt. C'est un autre territoire très riche en possibilités, les lacs poissonneux y sont très nombreux. Je n'en mentionnerai que les principaux; le Sutherland, le Beaulac, le lac Long, le lac Gerry, le lac Poliénégamouk et combien d'autres qu'entourent des sites pitoresques.

M. le Président, je ne m'attends pas à ce que toutes ces suggestions se réalisent au complet dès l'an prochain, mais je, serais heureux que l'attention des autorités compétentes se tourne d'une façon bien spéciale vers mon comté qui, s'il a été depuis quelques années totalement oublié, est par ailleurs favorisé par la nature de magnifiques possibilités. Si mon comté a été classifié comme pauvre, je me crois particulièrement justifié de réclamer sa part avec instance car la prospérité de la province que nous désirons tous deviendra un fait lorsque toutes ses parties seront en mesure d'y contribuer. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. MAILLOUX: M. le Président, à l'instar de ceux qui m'ont précédé, je voudrais unir mon témoignage de félicitation et de respect pour votre nomination comme Président de cette Assemblée et du respect que votre attitude commande à ses débats. Ces témoignages de félicitation vont également au vice-Président de cette Chambre, au proposeur et au secondeur de l'adresse en réponse au discours du Trône.

M. le Président, alors que les membres de cette Assemblée se réuniront dans quelques minutes afin d'étudier une mesure qui, de par sa nature, serait susceptible d'apporter une solution mettant fin aux conflits scolaires qui sévissent dans trop de parties du Québec, alors que chacun d'entre nous subissons actuellement une tension qui n'a d'égale que l'importance de la crise en cours et son dénouement, je voudrais, afin d'atténuer cette anxiété, transporter

ces honorables messieurs sur nos lacs et nos rivières et traiter de chasse et de pêche.

C'est donc mon intention, durant les quelques minutes qui vont suivre, de traiter d'un sujet qui, depuis juillet 1966, a fait la manchette des journaux, soit la disparition de tous les clubs privés de chasse et pêche dans la province. Décision annoncée par l'actuel titulaire du ministère, l'honorable député de Bellechasse.

Dois-je préciser immédiatement, M. le Prési- dent, que représentant d'une circonscription où se situent un grand nombre de ces clubs, je ne contesterai jamais à un gouvernement le droit ou un désir louable de rendre accessible à un plus grand nombre l'accès à ces richesses naturelles qui sont ou devraient être la propriété de la collectivité.

Il n'en demeure pas moins, M. le Président, qu'avant de mettre en vigueur une telle politique, il y avait un ensemble de mesures qui auraient dû être prises ou étudiées, mesures qui, à mon sens, mises en pratique graduellement, auraient évité certains dangers, qu'un libre accès en forêt entraînera, pour notre faune aquatique ou terrestre. Et je constate que l'ensemble de ces mesures n'ont pas été prises.

Est-il également nécessaire, M. le Président...

M. LOUBIER: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. MAILLOUX: Oui.

M. LOUBIER: Quelles sont ces mesures qu'il préconise ou qu'il pressent qui auraient dû être prises déjà?

M. COITEUX: Il va les donner là.

M. MAILLOUX: M. le Président, si l'honorable député de Bellechasse, que d'ailleurs j'ai pressenti de mon intervention sur le sujet, veut bien attendre quelques minutes; ce n'est pas mon intention de chicaner la politique qu'il préconise, mais je crois évidemment que dans les modalités nous avons des divergences d'opinions que je voudrais exposer devant cette Chambre.

M. LOUBIER: Très bien.

M. MAILLOUX: Je disais donc, M. le Prési- dent, que je désirais souligner qu'à mon arrivée en politique en 1962, pas un pouce de terrain n'était disponible dans mon comté, sur ces territoires, et que tous ceux qui avaient obtenu des privilèges sous les administrations antérieures les ont conservés intégralement, sauf un qui exerçait un monopole qui a été brisé. C'est donc dire que mes paroles n'ont pas pour but de faire conserver des privilèges que j'aurais demandé d'accorder à des amis.

M. le Président, avant le renouvellement des baux, au printemps 1966, les fonctionnaires du ministère de Chasse et de Pêche avertissaient tous ces détenteurs de se conformer à l'article 5 du règlement, article 5 qui se lit comme suit: « Surveillance du territoire. Le locataire s'engage: a) à prendre les mesures nécessaires pour assurer une surveillance efficace et continue du territoire et, notamment, b) à employer à l'année au moins un gardien et ce gardien doit résider sur le territoire du 1er avril au 1er décembre, ou à adopter un système spécial de surveillance qui doit être approuvé par le ministre ».

A cette période, soit février ou mars, sous le gouvernement antérieur, je dois confesser que je me suis objecté avec vigueur à ce que le ministère fasse respecter intégralement ces règlements, qu'aucun gouvernement, d'ailleurs, n'avait fait respecter à la lettre dans le passé, et l'on verra pourquoi tantôt.

M. le Président, il est indéniablement facile à tous les propriétaires de clubs importants de se conformer à la lettre à toutes les exigences des règlements qui sont stipulés sur tous les baux émis par le ministère. Ces clubs, souvent de très vastes étendues, sont la propriété d'organisations, de compagnies ou de personnes dont les moyens financiers sont très vastes, et la majeure partie de ces clubs importants peuvent multiplier les dépenses d'aménagement, d'améliorations et de salaires pour assurer l'entretien et la protection.

Ces organisations peuvent coucher sur leur rapport d'impôt l'ensemble des dépenses encourues pour la bonne marche de ces clubs et il est indéniable que, pour ceux-là, il y a un profit à retirer de l'exploitation de ces clubs.

La seconde catégorie de clubs — trois, quatre ou cinq lacs — appartient à des concessionnaires financièrement capables de se permettre de telles dépenses ou à des individus groupés afin de se partager les dépenses auxquelles la loi les oblige.

La troisième catégorie du clubs — et, dans cette catégorie, on en dénombrait, en février ou mars 1966, presque un millier appartenant à des groupes minimums de cinq personnes — ceux-là, en grande partie, sont la propriété en location de modestes travailleurs.

La superficie de ces derniers clubs est presque toujours très restreinte — un ou deux lacs, partie de rivière, infime partie de rivière — et, la plupart de ces concessions sont disponibles parce que c'étaient des lacs délaissés par

les grosses organisations ou en raison de l'absence de poissons ou des difficultés d'accès, etc. Dans d'autres cas ils ont été organisés sous des pressions politiques — sous tous les gouvernements, antérieurs ou autres — et soustraits à des clubs déjà organisés.

M. le Président, on pourra avancer immédiatement que ceux qui n'ont pas les moyens fassent comme ceux qui n'ont pas de club et attendent des invitations. C'est peut-être vrai, mais d'après le régime de concession qui a toujours existé, ceux-là avaient également le droit de tenter de s'organiser et de se récréer, ainsi que leur famille et leurs invités. J'ai été élevé dans un comté riche en territoires de chasse et de pêche et l'expérience que nous avons vécue, nous indique que le braconnage et les violations des lois de la chasse et de la pêche et l'expérience que nous avons vécue, nous indique que le braconnage et les violations des lois de la chasse et de la pêche ont été beaucoup moins apparents dans les clubs bien gardés, et, quoique existant également dans ces clubs importants, l'umpunité était assurée par des propriétaires possédant de solide appuis qui les mettaient à l'abri des pénalités prévues par la loi.

Je conviens que dans les clubs réduits, il s'est commis des infractions, presque toujours signalées aux autorités du ministère par des voisins plus puissants, et le ministère avait toute la latitude voulue pour évincer les indésirables. S'il ne l'a pas fait — et c'est arrivé — c'est qu'il a voulu que la situation persiste. En exigeant des petits clubs l'obligation de poster un gardien sur ce territoire du 1er avril au 1er décembre — et c'est à cet article que je me suis objecté — avec une dépense minimum de $2,500 à $3,000, l'on disait simplement à un millier de clubs dans le temps ou presque; Evacuez nos forêts. Si l'on voulait permettre au plus grand nombre l'accès des forêts, à ce moment, on le faisait sur le dos des travailleurs aux revenus les plus modestes, sujets qui n'avaient nullement les moyens d'absorber une telle dépense.

Afin que ces gens ne soient pas évincés les premiers, on a offert au ministère, et ce sous l'ancien gouvernement, première suggestion: forcer les membres d'un club à assurer la protection de leur territoire à tour de rôle. Cela a été refusé. La deuxième suggestion qui fut faite au ministère était celle-ci: faire l'engagement de quelques gardes-chasses supplémentaires qui auraient fait la navette entre des groupes de territoires dans un milieu donné, sans résider sur aucun des territoires en particulier et le salaire de ces gardes-chasses aurait été chargé à tous ces clubs protégés au prorata de la grandeur des clubs en question. Cela aurait coûté environ $200, $300 ou $400 à chacun des petits clubs qui étaient visés. L'on a répondu dans le temps qu'à l'instant où des gardes-chasses supplémentaires seraient embauchés, tous les territoires de la province seraient ouverts au public.

L'Action Catholique, dont j'ai la copie du 6 juillet dernier, nous donne une déclaration du député de Bellechasse après son assermentation comme ministre de la Chasse et de la Pêche, déclaration qui se lit comme suit... Je voudrais évidemment faire grâce à la Chambre de la lecture de cet article du 6 juillet 1966 où l'honorable député de Bellechasse annonce son intention d'évincer du territoire de la province tous les clubs qui ne se sont pas conformés à l'article 5. On remarque donc qu'au moment de cette déclaration, l'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche stipule qu'environ 500 clubs ne se sont pas conformés aux responsabilités qu'ils doivent assumer.

C'est donc dire que, de février 1966 à juillet, un grand nombre de ces clubs se sont conformés à la loi afin de garder leurs privilèges. Mais quel danger le ministère a-t-il fait planer sur chacun des territoires! Pour tâcher de se conformer aux exigences du ministère de la Chasse et de la Pêche, un grand nombre de ces clubs ont engagé qui? Un pensionnaire de 70 ans et plus qui ne marche presque pas, un invalide; dans ce cas on comprendra que la garde du territoire se limite à arpenter le camp et qu'aucune protection n'est accordée contre les braconniers.

M. LOUBIER: C'est absolument faux.

M. GRENIER: Chez nous c'est la Voirie qui les a engagés, ces vétérans-là.

M. MAILLOUX: L'honorable député de Bellechasse me dit que quand je dis un invalide, c'est faux. Je voudrais donner un exemple précis, que j'ai vécu. Deux clubs se sont groupés...

M. LOUBIER: Lesquels? Les noms?

M. MAILLOUX: Je donnerai au ministre le nom des clubs en question.

M. LAPORTE: A l'ordre! A l'ordre!

M. LOUBIER: Le nom des clubs. C'est précis. Un exemple qu'il a vécu. Quel est le nom des clubs?

M. MAILLOUX: Je ne me suis pas caché. J'ai averti l'honorable député de Bellechasse que je parlerais des clubs privés de chasse et de pêche.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me le permettez, je soulève un point d'ordre. Le député s'apprête à nous rappeler un exemple qu'il a lui-même vécu. Or, j'aimerais bien avoir tous les détails inhérents à cet exemple, le nom des clubs, pour que j'aie la possibilité de vérifier.

M. LESAGE: Oui, mais laissez-le parler.

M. LOUBIER: Parce que c'est bien facile de dire à un moment donné: J'ai vécu telle expérience, mais en plongeant dans le vague, de telle sorte que je ne pourrai jamais vérifier et apporter une réponse au député de Charlevoix.

M. LESAGE: Bon, il va faire un discours.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Justement, peut-être que d'un côté l'attente se fait attendre et que de l'autre côté, l'anxiété prime sur l'attente. Alors je suis sûr que l'honorable député de Charlevoix comblera les désirs bien légitimes de l'honorable ministre.

M. MAILLOUX: Je pense que le problème dont il est question n'est pas le problème de l'éducation, mais c'est quand même un problème très important dans la province parce qu'il est synonyme de notre industrie touristique dans la plupart des comtés sous-développés de la province. J'ai voulu être objectif. Je ne tiens pas à chicaner le ministre de la Chasse et de la Pêche, je lui signale que ce que nous avons vécu là dépend aussi bien des réglementations qui ont été faites avant le changement de gouvernement.

M. LOUBIER: Si le député me le permet, je lui demande bien amicalement, il voulait me citer un exemple frappant à l'effet qu'il y aurait eu d'engager... Et voulant dans son esprit généraliser cet état de choses comme quoi on avait obligé les locataires à engager des gardiens qui n'avaient aucune compétence au point de vue physique ou autrement, et, pour illustrer sa thèse, le député arrive avec un exemple frappant...

M. MAILLOUX: M. le Président...

M. LOUBIER: ... qu'il a vécu lui-même...

M. MAILLOUX: M. le Président...

M. LOUBIER: Qu'il me donne le nom du club en question...

M. MAILLOUX: ... je pense que l'honorable député de Bellechasse...

M. LOUBIER: ... et je vérifierai...

M. MAILLOUX: ... n'a pas à faire de discours dans mon intervention.

M. LOUBIER: C'est bien simple. M. PINARD: A l'ordre!

M. MAILLOUX: C'est mon droit de donner des exemples que j'ai vu...

M. LOUBIER: Très bien.

M. MAILLOUX: Alors, je disais donc, pour citer un exemple, que deux clubs qui ont voulu se conformer à la loi...

M. LOUBIER: Quels sont les noms de ces clubs-là?

M. MAILLOUX: Deux clubs qui ont voulu se conformer à la loi du ministère de la Chasse et de la Pêche, que je pourrai nommer au ministre en temps et lieu...

M. LOUBIER: M. le Président, je ne peux pas laisser le député de Charlevoix, par insinuations ou en plongeant capricieusement ou de façon fantaisiste, nous dire qu'il a vécu un exemple alors qu'il ne veut même pas nous donner le nom de ces deux clubs-là.

M. MAILLOUX: M. le Président, je ne suis pas ici en cette Chambre pour dénoncer les clubs privés de chasse et de pêche. J'ai constaté, étant à la pêche au mois de septembre, alors que les clubs devaient s'organiser pour protéger leur territoire...

M. LOUBIER: L'exemple, l'exemple.

M. MAILLOUX: ... il y a deux clubs qui se sont...

M. LOUBIER: L'exemple.

M. MAILLOUX: ... Joints afin d'éviter que le salaire de $3,000 qu'ils devaient donner...

M. LOUBIER: Le nom de ces clubs-là.

M. MAILLOUX: ... ne soit trop onéreux pour le même club.

M. LOUBIER: Le nom de ces clubs-là.

M. MAILLOUX: Je le donnerai en temps et lieu au ministre...

M. LOUBIER: Voyons donc, c'est ridicule. M. FLAMAND: Ce sont des insinuations.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Si j'ai bien suivi les remarques de l'honorable député de Charlevoix, c'est qu'en aucune façon il n'a voulu insinuer une négligence de la part, soit de l'honorable ministre ou des fonctionnaires compétents de son ministère. D'un autre côté, l'honorable député de Charlevoix expose une situation de fait. Il donne comme raison qu'il préfère taire les noms de ces clubs, et je suis sûr que l'honorable ministre sera entièrement satisfait de la réponse, ou de l'invitation, ou de l'engagement pris par l'honorable député de Charlevoix de lui fournir, disons in camera, le nom de ces clubs qui auraient enfreint l'article 5.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous permettez, sur les instructions que vous venez de donner à cette Chambre et plus particulièrement s'adressant à moi ou au député de Charlevoix, c'est que, comme titulaire du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, j'ai pris la responsabilité des instructions que j'avais données aux fonctionnaires. Or, s'il s'avère que les instructions données non pas été respectées par les fonctionnaires du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, je voudrais le savoir premièrement, et si elles ont été respectées je voudrais défendre les fonctionnaires de mon ministère comme il se doit, parce que jusqu'à maintenant, je n'ai pas eu d'insinuation...

M. MAILLOUX: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER: ... sur un manque au devoir des employés du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la pêche...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable député de Charlevoix ne met en aucune façon en doute, la sincérité et la compétence et le dévouement apportés par l'honorable ministre et ses fonctionnaires pour le respect intégral de la loi.

D'un autre côté, l'honorable député de Char- levoix signale au ministre une situation qui, d'après lui, aurait entraîné une infraction à la loi, et je suis sûr que l'honorable ministre conviendra que l'honorable député de Charlevoix préfère garder sous silence le nom de ces clubs; mais, en ce faisant, en aucune façon, il veut s'en reporter à la politique administrative de l'honorable ministre.

M. LOUBIER: M. le Président, si vous me permettez, si le député de Charlevoix...

M. MAILLOUX: M. le Président, est-ce que c'est le député de Charlevoix qui a la parole ou le député de Bellechasse?

M. LOUBIER: ... veut porter une accusation sur un cas bien précis, qu'il ait au moins le courage et le sens des responsabilités...

M. LESAGE: Non, non, non.

M. LOUBIER: ... pour nous dire à qui ça s'adresse, quels clubs sont impliqués...

M. MAILLOUX: M. le Président...

M. LOUBIER: ... pour que le ministère sache si réellement on a manqué aux instructions données. Autrement...

M. MAILLOUX: M. le Président...

M. LOUBIER: ... ce sont des insinuations malveillantes, capricieuses, qui ne supportent pas du tout la thèse du député de Charlevoix.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable ministre se rappelle, vu son expérience connue, les dispositions de l'article 286 de notre règlement...

UNE VOIX: Il oublie ça vite.

M. LE PRESIDENT: ... qui donne toujours complète et entière liberté à un opinant de répondre à toute invitation ou à toute question qui peut lui être posée et, avec déférence, un député peut toujours refuser de répondre à une invitation, si aimable soit-elle.

M. MAILLOUX: M. le Président, je comprends difficilement l'argumentation de l'honorable député de Bellechasse. J'ai pris la peine, au tout début de mes remarques, de préciser que, sous l'ancien gouvernement, je m'étais objecté en février et mars auprès de ses officiers que je respecte, que ce soit M. Bédard ou d'au-

tres, j'ai pleine confiance dans les officiers du ministère. Je me suis objecté dans ce temps-là, parce que précisément l'on croyait que ces clubs-là trop restreints si on les forçait à faire des dépenses de $2,000 et $3,000 cela serait évidemment des individus qui seraient engagés comme gardiens qu'on ne pourrait pas payer décemment. C'est à cet effet-là que je me suis objecté en février, mars. Ce n'est pas une chicane contre l'honorable député de Bellechasse.

M. LOUBIER: Vous venez de nommer M. Bédard, nommez donc deux clubs. Vous ne voulez nommer personne...

DES VOIX; A l'ordre.

M. MAILLOUX: M. le Président, je dis que je respecte évidemment le témoignage de M. Bédard et le travail de M. Bédard. Je me demande évidemment quelle insulte s'adresse au ministre de la Chasse et de la Pêche dans de telles paroles. Et l'exemple que j'ai signalé tantôt.

M. LACROIX: Vous n'avez pas la conscience en paix, comment?

M. MAILLOUX: Deux clubs évidemment se sont groupés, deux clubs, M. le Président.

M. LOUBIER: Ah! bien, petit Louis, on va se revoir, nous autres!

UNE VOIX: Ce n'est pas Cré Basile, là. M. LOUBIER: Ah! Cré Basile!

M. MAILLOUX: Deux clubs se sont groupés afin de pouvoir payer le salaire d'un gardien, et ce personnage-là avait presque 70 ans. Bien évidemment au bout d'un mois ce qui s'est produit c'est qu'un homme de cet âge a accepté évidemment un salaire moindre qu'un homme ordinaire mais tout ce qu'il a fait comme surveillance contre le braconnage... Il n'est pas sorti du camp, en aucune façon, à telle fin qu'il n'a même pas fait le bois de chauffage pour le camp.

M. LOUBIER: Quel club, ça?

M. MAILLOUX: C'est la protection évidemment qui sera accordée au territoire donné.

M. LOUBIER: Quel club? Le nom du club. DES VOIX: A l'ordre.

M. MAILLOUX: Si le député de Bellechasse veut me répondre par la suite il n'a pas encore usé de son droit de parole, et cela serait son privilège de le faire, en temps voulu.

M. LOUBIER: Quel est le nom du club?

M. MAILLOUX: Et dans d'autres cas que je ne signalerai pas...

DES VOIX: Ah bon!

M. MAILLOUX: ... dans d'autres cas des personnes normales ont accepté des salaires de $500, $600 et $1,000...

M. LOUBIER: Nommez-les.

M. MAILLOUX: ... pour sept longs mois en forêt...

M. LOUBIER: Nommez-les.

M. MAILLOUX: ... et à ce moment, sur chacun de ces territoires, ce n'est pas un gardien mais un braconnier en puissance qui voudra compléter son salaire en vendant le produit de son braconnage, chasse ou pêche. Et j'affirme que jamais...

M. GRENIER: Le nom.

M. MAILLOUX: ... et j'affirme que jamais a-t-on vu autant de truites et de fourrure vendues dans nos régions par des supposés gardiens mal payés. Cela n'est pas arrivé dans tous les cas. C'est arrivé dans de trop nombreux cas et j'ajoute qu'avec la meilleure volonté du monde les officiers du ministère ont systématiquement souvent refusé des gardiens qu'ils ne croyaient pas aptes à faire le travail, mais il était impossible à ce moment-là que les officiers du ministère puissent avoir l'assurance que toutes les personnes engagées par ces clubs-là seraient des gens capables de protéger adéquatement le territoire.

M. le Président, le ministre de la Chasse et de la Pêche a fait de nombreuses déclarations pour expliquer et défendre la politique qu'il préconise. On a parlé d'un système féodal qu'il fallait évidemment faire disparaître, on a parlé de privilèges excessifs accordés à des Américains, on a parlé d'heures de travail toujours plus courtes, de loisirs sains qu'il fallait assurer à la population. C'est une réalité qu'il faut envisager et dans les délais les plus courts. D'accord, mais plutôt que d'évincer en premier lieu les plus humbles, pourquoi ne pas s'attaquer à des

exemples, tel le « 31 milles », pour lequel je félicite le ministre. Dans toutes les régions de chasse et pêche, il se trouve de ces monopoles de clubs possédant 25, 30, 40 et 50 lacs. Ce sont ces monopoles qu'il faut d'abord viser et, s'il est critiqué en ce faisant, qu'il soit assuré du concours du plus grand nombre dans la province de Québec. M. le Président, je considère que le ministère serait logique de briser ces monopoles qui existent et, d'abord, ceux qui sont dans les territoires de pêche et de chasse les plus près des centres urbains où il y a un manque de disponibilité.

Je considère que la politique de création de réserves doit être amplifiée, peu importe les intérêts privés en cause, autant que ces réserves sont nécessaires pour un accès facile. Il serait cependant souhaitable que les clubs qui ont reçu un plus grand nombre de visiteurs que tous les territoires publics — et ce suivant les rapports de leurs activités — aient une attention spéciale dans cet ordre d'évincement graduel.

Cette élimination graduelle devra, je crois, être précédée de leçons — et c'est peut-être, évidemment, gênant de le dire — de civisme. L'ensemble de la population québécoise, moi, le premier, nous devons, évidemment, faire notre mea culpa. Les privilèges de chasse et de pêche, nous les désirons pour le plus grand nombre de personnes, mais nous sommes les premiers, évidemment, à user de ces privilèges-là. Je pense que le ministère devra faire l'éducation du grand public afin que cette richesse naturelle soit protégée.

Le gouvernement devra également prévoir l'engagement de nombreux autres gardes-chasse qualifiés et il serait peut-être avantageux, ici, que ceux-ci soient autorisés à se servir des mêmes privilèges qui sont détenus par les gardes-chasse des états américains voisins, tel le Maine, il y aurait avantage, pour le ministère, d'étudier les méthodes dont on se sert là-bas et qui semblent donner de bien meilleurs résultats que les nôtres.

M. LOUBIER: Où?

M. MAILLOUX: Dans le Maine.

M. LOUBIER: C'est nouveau, cette politique-là.

M. MAILLOUX: Comment, c'est nouveau?

M. LOUBIER: La politique dans le Vermont et dans le Maine; ce sont de nouvelles politiques qui viennent d'être appliquées.

M. MAILLOUX: Oui, mais je pense que le ministre...

M. LOUBIER: Bien on commence; ça fait six mois qu'on est au pouvoir.

M. MAILLOUX: Est-ce que le ministre peut me chicaner s'il y a une politique qui semble donner d'heureux résultats là-bas?

M. LOUBIER: C'est d'accord, je m'excuse.

M. MAILLOUX: Est-ce que cela ne pourrait pas être étudié?

M. LOUBIER: D'accord!

M. MAILLOUX: Une autre anomalie — qui devra être corrigée si on ne veut pas soumettre nos lacs à une pression qu'ils n'ont jamais subie aussi fortement — se situe dans la possibilité de remplacement des espèces qui seront pêchées. Si l'on se reporte aux rapports qui nous sont fournis par le ministère, on se demande si l'action du ministère n'est pas prématurée et si certaines précautions élémentaires n'auraient pas dû précéder cette action. Et ici je renvoie les membres de cette Chambre et l'honorable ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche aux statistiques de 1963-64 qui concernent l'ensemencement des lacs et celui-ci constatera qu'en 1963-64 — alors que l'ancienne politique des clubs privés existait — il y avait dans les quatre piscicultures gouvernementales en oeufs rendus, alevins, fretins, peu importe le total, 7,435,000 oeufs ou truites. Alors qu'on s'apprête, évidemment, à soumettre nos lacs à une pression extraordinaire, l'on constate qu'une année après, en 1965, au lieu de fournir les mêmes sommes, il y a eu une réduction de trois millions et demi dans la valeur de remplacement. Ici, il est possible, évidemment, que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche vienne me répondre: Ce que les piscicultures gouvernementales ne fourniront pas, nous irons le chercher dans les piscicultures privées. Je voudrais dire immédiatement à l'honorable député de Bellechasse que, si l'on compte comme valeur de remplacement pour la province sur ce qui peut venir des piscicultures privées, la plupart des propriétaires de lacs artificiels attendent encore leur commande après deux ans.

Alors, c'est dire qu'actuellement le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche devra accentuer son effort dans la valeur de remplacement s'il veut soustraire nos lacs à une pression jamais subie. Et il y a également

la loi des prises journalières, qui devra être amendée si l'on désire, évidemment, que ceux qui vont nous suivre puissent avoir également la possibilité de pêcher dans nos lacs. Je vais donner ici au ministre un exemple qu'il a connu je pense. La loi actuelle de prises journalières permet à un pêcheur de prendre 25 truites, c'est un fait. On a ouvert, l'an passé, un nouveau territoire dans le parc des Laurentides; je pense surtout à un lac dont on pouvait approcher à cinq milles, à pied, auparavant, le lac à Jack.

M. LOUBIER: Pardon?

M. MAILLOUX: Le lac à Jack.

M. LOUBIER: Celui-là, vous le nommez; les deux clubs de tantôt vous ne voulez pas les nommer.

M. MAILLOUX: Je vous parle d'un territoire public actuellement.

M. LOUBIER: Je me reprendrai.

M. MAILLOUX: Alors, le ministère l'an passé a fait un chemin conduisant au lac à Jack. C'était une réserve évidemment qui n'avait pas été pêchée ou près de laquelle on avait envoyé à peu près personne. Je me rappelle avoir pêché sur le lac à Jack au mois de juin et, pour prendre 25 ou 50 truites, il fallait être sur le lac environ 10 ou 15 minutes. Au mois de juillet, j'y suis retourné...

M. LOUBIER: Pour prendre dans la même journée 50 truites? Vous n'avez pas le droit.

M. MAILLOUX: On va dire qu'on était deux.

M. LOUBIER: Ce n'est pas correct ça, vous n'avez pas le droit de faire ça.

M. MAILLOUX: Je n'ai pas dit que j'étais seul. J'ai dit. pour prendre 25 ou 50 truites. Est-ce que le ministre voudrait me faire avouer que j'ai pris 100 truites dans la journée? Ce que je désirais connaître dans ce temps-là...

M. HARVEY: Je te donne la permission de nommer le gars qui était avec toi.

M. LAVOIE (Laval): Ce n'est pas Maltais, en tous cas.

M. MAILLOUX: ... comme on parlait déjà de mettre plus de clubs à la disponibilité du public, je désirais connaître les répercussions sur un lac lorsque beaucoup de gens y sont envoyés. Alors, au mois de juin pour prendre 25 truites, disons que ça prenait dix minutes. Au mois d'août, il fallait pêcher beaucoup plus longtemps pour se rendre au maximum permis par la loi. Je m'en tiens au maximum permis par la loi. Et disons à l'automne, au mois de septembre, ou à l'approche du 1er septembre. A ce moment-là, il y avait bien des journées où c'était zéro. Bien, ça veut dire quoi ça? Cela veut dire que le ministère a eu des demandes évidemment en nombre plus considérable. Il a mis 16 Verchères sur un lac de cinq milles de long. Bien, la loi des prises journalières, elle dit: vingt-cinq. Mais ça dit: vingt-cinq quand ; vous sortez à la barrière. Et, si je conteste ce nombre de prises, c'est pour cette raison-là, c'est que l'individu qui a payé $3, $5 ou $10 pour pêcher et qui a droit de sortir journellement 25 prises, va prendre 10, 25, 50 et 100 truites et, quand il vient à la barrière, qu'est-ce qu'il a fait? Ou il a caché la différence, mais normalement il a gardé les 25 meilleures prises et les autres vont dans le fond du lac.

On a déclaré, à vingt Verchères de quatre personnes, 125,000 truites sorties du lac à Jack, si mes chiffres ne sont pas exacts, le ministre pourra vérifier. Mais je sais qu'une quantité aussi considérable a été vers le fond du lac, ce qui veut dire que, si le ministre veut ouvrir un ensemble de territoires nouveaux pour l'ensemble des gens qui sont amateurs de sports, de chasse et de pêche, je pense que sur la quantité des prises, il va falloir mettre le nombre de 25 de côté, donner une pesanteur normale; mais obliger par contre celui qui a blessé un poisson à le garder. Et je ne sache pas que les gens, dans la majeure partie des cas, soient assez habiles pour prendre des poissons, les retourner vers un lac avec des chances de survie.

Je pense que le ministère devra repenser à la formule des prises journalières parce qu'actuellement c'est un désastre dans chacun des lacs de la province avec le maximum de 25 que peut atteindre un pêcheur dans plusieurs heures.

N'y aurait-il pas lieu également, avant de donner un libre accès à l'ensemble du public de la province de Québec, qu'on soit plus sévère au sujet de l'attirail des pêcheurs? Je ne voudrais pas être offensant, mais on voit certains pêcheurs arriver sur des territoires gouvernementaux et ça prendrait presque une camionnette pour amener l'attirail du pêcheur, des vers, des cuillers, des hameçons simples, doubles, triples...

UNE VOIX: C'est une histoire de pêche.

M. MAILLOUX: Non, sans histoire de pêche, il demeure un fait, c'est que ces honorables messieurs doivent quand même comprendre que la plupart des territoires de chasse et de pêche dans la province de Québec sont situés dans les régions les plus économiquement faibles.

Quand l'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche voudra que tous ces territoires soient mis en disponibilité publique, je pense qu'à ce moment-là il est logique qu'il change certains règlements avant de procéder à ce que tous les clubs soient mis à la disposition du public.

M. le Président, les compagnies forestières devront être amenées à respecter les lois de la chasse et de la pêche également, et ici je veux parler des « passe-truites » — je ne sais pas s'il y a un autre mot dans la langue française, mais je pense que le ministre me comprend — dans la construction des barrages. La loi oblige les constructeurs à organiser des facilités pour la migration des espèces et les gardiens des clubs du ministère et tous les pêcheurs d'expérience vous diront que la loi est systématiquement violée par toutes les compagnies, ce qui occasionne un tort immense. Et ici, je pense que le ministre sait que je suis sérieux. Il y a une action fondamentale sur laquelle le ministère devra se pencher. Le ministère devra faire attention quand il dit que les abords des lacs dans maints endroits seront offerts au public pour la construction de chalets de villégiature. Si les intéressés veulent faire du canotage ou du sport aquatique, d'accord; mais qu'on ne leur laisse pas miroiter également qu'ils pourront jouir de la pêche car à ce moment-là, ils auront une triste déception. Et ici je veux parler des lacs dont le ministre a parlé et qui pourraient servir d'endroits de villégiature dans des bois résineux. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable de faire des constructions aux abords des lacs près des grandes routes, parmi les bois résineux, ni que ce soit un avantage pour la collectivité, parce que, connaissant les piqûres de toutes sortes qu'infligent les mouches qui fréquentent ces bois-là, je pense qu'à ce moment-là c'est une triste invitation qu'on fait à nos familles. Je pense que l'honorable ministre de la Chasse et de la Pêche qui a construit au lac Deschênes sait fort bien que ces lacs-là qui sont aux abords des routes sont systématiquement mis à sac par les braconniers et qu'il ne reste à peu près aucun poisson dans ces territoires-là.

Avant de terminer sur ce sujet, je dois dire qu'une autre affirmation du ministre m'a rendu perplexe et c'est celle-ci: Tous ceux qui seront évincés pourront jouir de leur construction pour les seules fins de villégiature. M. le Président, sous tous les gouvernements antérieurs, on a permis des constructions de chalets pour fins de chasse et de pêche, constructions souvent modestes et, dans d'autres milieux, constructions plus vastes. Mais à quelles conditions les gouvernements antérieurs ont-ils permis ces constructions-là? A la condition que les droits de chasse et de pêche soient accordés à des individus ou à des corporations. Et je comprends mal le ministre quand il dit que le ministère de la Chasse et de la Pêche donnera une largeur de terrain déterminée aux alentours d'une construction donnée, que ce sera transporté au ministère des Terres et Forêts et que les propriétaires pourront jouir, pour fins de villégiature, des constructions qui leur appartiennent. Evidemment, M. le Président, le ministre a nuancé un peu son opinion depuis les quelques derniers mois, disons nuancé, ce n'est pas un terme impoli, nuancé...

M. LOUBIER: Non, non, ça ne fait rien.

M. MAILLOUX: Je voudrais simplement reporter le ministre à l'article 18 de la Loi de la chasse et de la pêche qui dit — je voudrais faire grâce à la Chambre de la lecture de l'article — qui dit quand même que: « Suite à une violation d'un privilège de la Loi de la chasse et de la pêche, il est toutefois loisible au ministre d'accorder le remboursement ou indemnité qu'il trouve juste et équitable. «Disons que, dans la politique d'évincement graduel que le ministre tente actuellement, il y a des individus qui sont pauvres, qui vont être lésés dans les investissements qu'ils ont faits en forêt. Il y en a d'autres qui sont plus riches. Mais il y a quand même un droit fondamental; ces investissements-là ont été faits conditionnellement aux droits de chasse et de pêche qu'on leur retire actuellement. Je pense que le ministère devrait organiser une commission d'expropriation, pas entre les mains du ministre, ça deviendrait discrétionnaire, même si j'aurais confiance en l'honorable député de Bellechasse. Commission d'expropriation qui donnerait une valeur d'expropriation minimum et commission gouvernementale qui pourrait évidemment fixer un prix à payer pour des constructions dont, éventuellement, le ministère pourra se servir.

C'est une suggestion, que je fais au ministre, et je prends la peine de lui redire une deuxième fois que je ne voudrais pas qu'une telle action puisse être centralisée entre les mains du ministre.

Je considère qu'une commission d'expropriation devrait exiger un prix minimum des gens

qui, quand même, n'ont pas construit pour des fins de villégiature. M. le Président, dois-je également ajouter que de trop nombreux clubs de « outfitters » ne rencontrent pas les exigences que le touriste est en droit d'exiger et qu'ils créent une bien mauvaise renommée à notre notion de l'hospitalité. L'association des «outfitters » aurait avantage à faire un travail d'épuration nécessaire, je crois. Puis-je, en terminant sur ce sujet, demander au ministre s'il ne croit pas qu'il serait souhaitable que quelques camps des parcs nationaux soient réorganisés et ouverts aux pêcheurs en hiver?

M. LOUBIER: C'est fait, ça.

M. MAILLOUX: Oui, vous l'avez fait évidemment dans le but d'excursion en « skidoo », je pense, sur le boulevard...

M. LOUBIER: On l'a commencée, cette politique-là.

M. MAILLOUX: ... est-ce pour fin d'excursion ou pour la pêche également?

M. LOUBIER: Les trois: camping, excursion et pêche.

M. MAILLOUX: Et pêche? M. LOUBIER: Bien oui.

M. MAILLOUX: Alors d'accord, je passe sur cet article-là. Maintenant...

M. BELLEMARE: Deux pages.

M. MAILLOUX: ... M. le Président, avec les nuances que j'ai établies et les précautions signalées, je souscrirais volontiers à un évincement graduel et raisonné des clubs privés. Quand j'ai parlé tantôt d'une éducation qu'il sera nécessaire de faire dans le public, à ce moment-là je n'ai voulu insulter qui que ce soit. J'ai dit d'abord que, moi-même, j'étais prêt à faire mon mea culpa. Je pense que si l'ensemble du public veut conserver une des richesses naturelles, qui ont été les plus importantes pour nous, il est quand même nécessaire qu'on prenne les précautions nécessaires pour que ceux qui voudront aller à la pêche dans les années à venir ne voient pas la richesse naturelle qui a été notre meilleur apport touristique complètement ruinée. Je souscrirais volontiers aux conseils qui ont été donnés par le sous-ministre, M. Brown, devant le club de Saint-Raymond je pense en fin de semaine dernière, où celui-ci attire l'atten- tion de la population sportive sur des règlements qu'on voudrait voir observés, mais toujours par les voisins.

Alors je pense que des conseils comme le sous-ministre M. Brown en a donné sont des conseils judicieux.

M. le Président, avant de terminer, je voudrais — également au même ministère — attirer l'attention de l'honorable député de Bellechasse sur sa politique de camping.

M. BELLEMARE: De quoi?

M. MAILLOUX: Camping. Est-ce qu'il marche, ce micro-là?

M. BELLEMARE: Je ne comprends rien. M. MAILLOUX: ... Durant...

M. BELLEMARE: L'avez-vous vu sortir de là déjà? Il marche...

M. MAILLOUX: Pardon?

M. BELLEMARE: Vous avez demandé s'il marche; l'avez-vous vu sortir de là?

M. MAILLOUX: Des fois. Quand le député de Champlain se choque.

M. BELLEMARE: Cela fonctionne.

M. MAILLOUX: Evidemment à son asser-mentation.

M. HARVEY: Regardez le ministre des Affaires culturelles qui veut vous gronder.

M. LOUBIER: Vous subissez l'influence du député de Chicoutimi.

M. BELLEMARE: Mon dictionnaire. M. MAILLOUX: M. le Président,..

M. LAVOIE (Laval): L'Office de la langue française.

M. MAILLOUX: ... à son assermentation, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, l'honorable député de Bellechasse, a dit, partout dans la province de Québec, que le ministre qui l'a précédé n'avait aucun plan concret, aucun plan de terrain de camping dans la province de Québec, absolument rien de prêt pour l'Exposition de 1967.

Et, par la suite, le ministre a annoncé en

plus, pour la région urbaine du Québec, des montants substantiels (il ne marche pas souvent) des montants substantiels pour l'île d'Orléans, ou la région urbaine de Québec. Tant mieux pour eux. Je voyais également un autre article où il est question que toute la rive sud verra plusieurs terrains de camping organisés de Lévis à Gaspé; ce coin-là de la province en a également besoin. Mais s'il y avait eu immobilisme de l'ancien ministre...

DES VOIX: Voyons donc! Vous êtes fatigué.

M. MAILLOUX: M. le Président, il semble que, pour les membres de l'Opposition, il ne soit pas possible de faire une faute de langage sans que ça devienne une farce.

UNE VOIX: La croix des Iles-de-la-Madeleine!

Si l'ancien titulaire du ministère a été accusé d'immobilisme, disons que chez nous, sur la Côte-Nord, il y avait un projet qui avait été préparé, non pas pour des fins politiques.

M. LOUBIER: Lequel ça?

M. MAILLOUX: Le projet de Saint-Siméon qui a été proposé devant les officiers des ministères concernés dans le temps, Chasse et Pêche, Tourisme et Voirie.

M. LOUBIER: A quelle date? Quand ça? L'an passé?

M. MAILLOUX: Il a été annoncé non pas par le député de Charlevoix mais par le Conseil d'orientation économique de la Côte-Nord le 9 mars 1966 et l'élection n'étaitpas déclarée dans ce temps.

M. LOUBIER: Si le député me permet — je ne veux pas être disgracieux à son endroit — mais cette annonce a été faite par le Conseil d'orientation économique, mais ce n'est pas une autorité directement liée avec la responsabilité gouvernementale. Cela ne relève pas du ministère du Tourisme, pour dégager mes prédécesseurs qui ne s'étaient pas engagés, parce que c'est un comité indépendant et paragouvernemental.

M. MAILLOUX: Je voudrais tout simplement dire que des projets étaient très concrétisés et le projet qui avait été amené par le Conseil d'orientation économique de Charlevoix et d'une partie de la Côte-Nord, il avait été situé sur Saint-Siméon pour la raison suivante.

C 'est que Saint-Siméon est le carrefour de plusieurs routes. C'est à l'arrivée de la traverse qui vient de la rive Sud, Rivière-du-Loup-Saint-Siméon. C'est à l'arrivée de la route 16 qui vient du comté de Dubuc. C'est à l'arrivée de la nouvelle route qui vient de Sacré-Coeur, de la route qui vient de la Côte-Nord et de la route 15 qui va de La Malbaie-Québec, et en montant. Je pense qu'il n'y avait aucune action politique dans l'organisation et dans la localisation de ce terrain de camping. Le ministère qui a fait prendre des procédures sur les lots 51, 52 et 53, a fait consentir au propriétaire, qui n'est pas un de mes amis politiques — parce que je sais que c'est un de mes adversaires — celui-ci a consenti à vendre le terrain à un prix minima afin que le gouvernement puisse y organiser le terrain de camping en question.

Je ne blâme pas le ministre de vouloir favoriser ses amis politiques de la rive sud ou de la région de Québec, c'est son droit, mais je pense que les gens de Charlevoix payent également des taxes et que c'est leur droit, dans une des régions les plus touristiques de la province de Québec d'espérer également avoir les facilités qu'on annonce pour d'autres régions. En terminant, je voudrais simplement attirer l'attention du gouvernement sur une dernière lacune dont souffrira notre région dans quelques jours.

La compagnie des chemins de fer nationaux vient d'annoncer une décision qui n'est pas de nature à relever l'économie de Charlevoix et de la région. En l'an 1965, je crois, la compagnie Canada Steamship retirait ses navires du Saint-Laurent et de fait créait un tort immense à la région de Charlevoix, Chicoutimi, Tadoussac et les environs. Nous pensions évidemment que d'autres moyens de transport n'en souffriraient pas, et, il y a quelques jours, la compagnie des chemins de fer nationaux a annoncé que dans un avenir prochain, les chemins de fer nationaux voulaient retirer le train de passagers La Malbaie-Québec. Je pense que le gouvernement devra attirer l'attention du gouvernement fédéral sur les subsides qui sont payés dans certaines régions de l'Ouest canadien. Il est certain que le chemin de fer Québec-Malbaie pour les passagers est déficitaire. C'est un fait indéniable. Mais, par contre, les Chemins de fer nationaux retirent un profit abondant du trafic des marchandises. Je sollicite de la part du gouvernement provincial une action auprès des autorités gouvernementales pour que la situation soit étudiée et qu'avant qu'un tel geste soit posé, l'on sache que c'est encore une autre des régions économiquement faibles du Québec qui sera définitivement défavorisée.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: M. le Président, évidemment, je n'avais pas l'intention d'intervenir dans le débat, mais, étant donné que le député de Charlevoix a émis certains doutes, a posé certains points d'interrogation quant à la politique que nous entendions suivre au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, étant donné qu'il s'est permis même certaines allusions que je qualifierais bien gentiment d'insidieuses et, étant donné qu'il a soulevé une foule de points qui, à mon sens, tracassent plusieurs députés de cette Chambre, il m'incombe de tracer très succinctement la philosophie du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, les projets que nous avons déjà amorcés et ceux que nous nous proposons de mettre de l'avant au cours des prochains mois.

Evidemment, M. le Président, il faudrait reprendre le tableau d'avant le 5 juin 1966 et celui d'après le 5 juin 1966. Evidemment, à ce moment-là, M. le Président, il y a certains de mes amis d'en face qui verront tout de suite mon désir de me rallier sur le plan politicailleur de la question. Je pense que, pour la bonne compréhension du problème et également étant donné la surprise générale qu'a pu causer l'attitude de notre ministère, il faut évidemment, à ce moment-là, M. le Président, faire montre des deux portraits.

En 1959, M. le Président, il y avait dans la province de Québec environ 1,200 clubs privés. En 1965, au-delà de 2,200 clubs privés, dans l'espace de cinq ou six ans, donc pratiquement le double. Et je me souviens, par exemple, de la campagne menée par le premier ministre du temps, par celui qui vient de m'interrompre, le député de 282 voix, de Drummond, qui se promenait dans la province pour abolir un régime seigneurial de grands seigneurs, de grands maîtres, de favoritisme, un régime qui favorisait simplement quelques amis, quelques grands potentats du parti. Or, c'était non seulement le vent mais la bourasque de la démocratie qui déferlait sur le Québec avec nos amis d'en face.

Dans ce secteur des richesses naturelles, richesses naturelles qui, en définitive, appartiennent au peuple, en propre, dans ce domaine-là, au lieu de se conduire en grand démocrate, au lieu de rendre accessibles au peuple les richesses naturelles qui appartiennent au peuple, on a multiplié partout, de façon souterraine, et pour favoriser certains amis du régime — et que j'en vois un seul de l'autre côté dire que ce n'est pas vrai, qu'il vienne à mon ministère, il aura les dossiers — pour favoriser des amis du régime en place. On a même déplacé des gens qui s'étaient conduits de façon très honnête dans le passé, simplement pour faire du favoritisme politique et on a pris les clubs à 1,200 dans la province, on les a mis à 2,200, et on nous disait qu'on faisait de la grande démocratie et qu'on rendait accessible au peuple, sans patronage, sans aucun favoritisme ce qui appartenait au peuple.

M. VAILLANCOURT: Cela a été des subdivisions de territoires.

M. LOUBIER: Ah! ça c'est suave, ça, évidemment... M. le Président, quand j'entends le député de Stanstead, je me souviens, l'an passé, je pense que c'était le député de Champlain qui V avait interrompu, et le député de Stanstead avait dû, à un moment donné parler de la gratuité scolaire et il nous avait dit à ce moment-là: La gratuité scolaire, cela ne veut pas dire que ça coûte rien. Or, gratuit cela ne voulait pas dire que cela ne coûtait rien. Or, je comprends qu'aujourd'hui, il ne peut pas se rentrer dans la tête que le patronage, subdivision, et puis tout ça, ce n'était pas pour lui; il ne comprenait pas ça, il ne comprend pas la définition des termes dans ce domaine-là. Tout dépend de sa place en Chambre.

M. PINARD: A l'ordre!

M. LOUBIER: Mais quand on parle de subdivisions, est-il normal, par exemple, que l'on ait accordé à un membre de cette Chambre qui n'est pas de ce côté-ci de la Chambre, un territoire assez vaste et qu'on ait été obligé d'aller gruger sur des clubs voisins pour faire plaisir au monsieur? Ce n'est pas de la subdivision, ça?

M. VAILLANCOURT: Nommez-le.

M. LOUBIER: Est-il normal à ce moment-là que dans d'autres territoires on ait enlevé des locataires de clubs qui étaient là depuis 10, 12 et 15 ans, qui avaient deux ou trois lacs et que pour faire plaisir à un organisateur du parti ou pour faire plaisir à un ami du député, quand ce n'était pas directement au député, comme je l'ai retrouvé dans les dossiers, un de nos charmants collègues de la Chambre s'est fait accorder un club de pêche dans le parc national, et ce n'est pas un député de ce côté-ci. Vous appelez ça de la subdivision? Vous appelez ça de l'honnêteté distributive? Eh bien! M. le Président, dans ce domaine-là alors qu'il y avait...

M. MAILLOUX: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au député de Bellechasse?

M. LOUBER: Pardon?

M. MAILLOUX: Est-ce que je pourrais vous poser une question?

M. LOUBER: Oui, évidemment.

M. MAILLOUX: L'honorable député de Bellechasse vient de déclarer que depuis 1960 certains membres de l'Opposition se sont fait donner des territoires de chasse et de pêche.

M. LOUBER: Oui.

M. MAILLOUX: Est-ce que l'honorable député de Bellechasse serait prêt à donner les noms...

M. LOUBER: Oui.

M. MAILLOUX: ... de tous les membres de cette Chambre...

M. LOUBER: Oui.

M. MAILLOUX: ... qui ont des territoires de chasse et de pêche?

M. LOUBER: Oui.

M., MAILLOUX: ... et à en fournir une documentation précise à cette Chambre?

M. LOUBER: Oui. Est-ce que vous voulez les noms de ceux que je viens de mentionner?

M. MAILLOUX: De tous les membres de cette Chambre.

M. LOUBER: Les voulez-vous tout de suite?

DES VOIX: Oui, oui.

M. PINARD: Des deux côtés.

M. LOUBER: Voici, on m'a demandé les deux noms que je viens de mentionner. Il s'agissait premièrement...

DES VOIX: Non, non, des deux côtés.

M. LOUBER: ... dans le premier cas, M. le Président,...

UNE VOIX: De tous les membres de cette Chambre.

M. LOUBER: ... dans le premier cas, M. le Président, il s'agissait du député de Portneuf, M. Marcellin Laroche, qui s'est fait donner un club dans le parc national, dans le parc, ce qui est encore pire...

M. MAILLOUX: D'accord.

M. LOUBER: ... dans ce qu'on appelle un sanctuaire où on ne doit pas tolérer, ou le moins possible, de clubs privés. Deuxièmement..,

M. MAILLOUX: Est-ce que je pourrais suggérer au député que, dans ce cas-là, je n'insiste pas?

M. LOUBER: ... vous voulez l'autre nom. Il s'agit du frère du député de Duplessis qui était député de l'Assomption, qui est allé gruger...

M. PINARD: A l'ordre!

M. LOUBER: ... on m'a demandé les noms, je vais les donner.

M. PINARD: Donnez tous les noms.

M. LOUBER: ... qui est allé gruger sur un club voisin d'autres lacs. En voulez-vous d'autres? Evidemment, je ne voudrais pas parler des lacs, épinards ou Popeye, fils de...

M. MAILLOUX: Les honorables ministres...

M. LOUBER: ... mais il y a d'autres noms. Si vous les voulez, je vous les donnerai, parce que depuis que nous sommes au ministère, depuis que nous sommes au gouvernement, il n'y a eu aucune pression...

M. PINARD: Je n'ai pas de club, moi.

M. LOUBER: ... de la part du premier ministre actuel pour essayer d'enrayer la démocratisation des loisirs, de rendre accessibles toutes les richesses naturelles au peuple et d'avoir une politique rationnelle, une élimination rationnelle et graduelle des clubs privés, contrairement à l'ancien premier ministre de la province de Québec. Et s'il veut des preuves, je lui en donnerai à lui aussi.

M. MAILLOUX: M. le Président, l'honorable député de Bellechasse remarquera l'ensemble des clubs privés de la province qui ont été donnés de 1936 à 1945.

M. LOUBIER: M. le Président...

M. MICHAUD: Est-ce que le ministre me permet une question, M. le Président? Est-ce que le ministre me permet une question?

M. LOUBIER: A vous, je ne le sais pas. M. MICHAUD: Prenez ça en délibéré. M. LOUBIER: Non, mais parlez-moi. M. MICHAUD: Prenez ça en délibéré, là.

M. LOUBIER: Ne me parlez pas avec des mots de trois verges; dites-moi ça facilement.

M. MICHAUD: Est-ce que le ministre peut affirmer que lorsqu'il a annulé les 219 baux, d'ailleurs il a assez fait de publicité alentour de ça...

M. LOUBIER: La question est mal posée: 290.

M. MICHAUD: ... qu'il n'a reçu aucune espèce de pression de la part de ses collègues du cabinet ou de la part de ses collègues députés de l'Union Nationale? Il peut affirmer ça en Chambre?

M. LOUBIER: M. le Président, aucun de mes collègues du cabinet n'a exercé des pressions pour me faire changer d'idée. Il y a eu des collègues des deux côtés de la Chambre, députés de l'Opposition comme députés du pouvoir qui m'ont fait des remarques, qui m'ont fait des suggestions, qui m'ont fait des recommandations, qui m'ont fait des mises en garde mais aucun de mes collègues du cabinet n'a fait de pression au point d'aller jusqu'aux menaces; aucun de mes collègues du cabinet. Et je leur en rends hommage aujourd'hui.

Plusieurs m'ont fait des suggestions, des recommandations; certains, gentiment, m'ont mis en garde contre certains risques, contre certains dangers, mais aucun, de façon directe ou indirecte, n'a exercé son influence ou n'a voulu faire du chantage auprès de moi pour me faire changer de politique ou essayé de faire changer une décision que le ministère avait prise.

M. le Président, quand on parle des clubs privés, je sais que le député de Charlevoix l'a fait de bonne foi tout à l'heure, mais est-ce qu'on s'est déjà entré dans la tête que cette formule archaïque, que cette formule que je qualifie encore de régime féodal, d'anachronisme au 20e siècle, dans cette civilisation des loisirs, n'existe pas telle quelle nulle part ailleurs au Canada, n'existe pas aux Etats-Unis, est disparue même en Europe, mais au Québec on a voulu conserver ce vestige de colonialisme poussiéreux, détestable, qui fait que dans le peuple, pour le gros peuple, toutes ces richesses naturelles ne sont pas accessibles. Quand on parle de 1,200, 1,500 ou de 2,000 clubs privés, a-t-on déjà songé que ces clubs-là, ces territoires-là, devenaient les fiefs d'au plus 15,000 à 20,000 citoyens privilégiés du Québec, alors que, dans le Québec, il y a actuellement de façon pratique et active, au-delà de 600,000 sportifs qui pratiquent ou qui voudraient pratiquer le sport de la chasse et de la pêche, et l'on continuerait, décemment et en toute quiétude, de maintenir ce régime injuste, inéquitable, condamnable dans tous ses aspects, pour satisfaire qui? Une vingtaine de mille personnes. Admettons que, parmi ce volume de 12,000 ou 15,000 personnes, 20,000 personnes, admettons que, parmi ce groupe-là, il y en a 4,000 ou 5,000, 3,000 peut-être, qui sont des petits bourgeois ou des collets blancs ou des ouvriers; mais à 80% ce sont des gens qui sont favorisés par la fortune, à 80% et...

M. MAILLOUX: M. le Président...

M. LOUBIER: ... à ce moment-là, évidemment, 3,000 ou 4,000 ouvriers ou collets blancs qui se voient enlever leur club privé; mais c'est justement pour le petit peuple, pour les gagne-petit, pour les ouvriers, pour les collets blancs, pour ceux qui ont un revenu moyen que nous voulons...

M. MAILLOUX: Est-ce que le député de Bellechasse me permet une question?

M. LOUBIER: ... rendre accessibles les lacs, les rivières du Québec qui appartiennent au peuple et à ce moment-là...

M. MAILLOUX: Est-ce que l'honorable député me permettrait une question?

M. PROULX: Evidemment! M. LOUBIER: Evidemment.

M. MAILLOUX: Il m'en a posé des questions pendant une demi-heure de temps.

M. LOUBIER: Evidemment.

M. MAILLOUX: Est-ce que l'honorable député est conscient que, des 300 clubs qui ont

été évincés les premiers, ce sont les plus pauvres qu'on a évincés de la forêt et non pas les plus riches? Il y a dix exceptions.

M. LOUBIER: M. le Président, je trouve même malheureux qu'il y en ait deux, dont le député de Gouin, qui est le plus mal placé pour applaudir à l'affirmation gratuite, fausse et malhonnête qu'on vient de faire, parce que, dans l'élimination des clubs privés qu'on a faite, il y a même, si vous voulez un exemple frappant. M. le Président, on parle de pauvres, on parle d'ouvriers qu'on a évincés au début, il y a même un personnage, un de mes amis qui occupe un poste assez important et prestigieux dans...

M. MAILLOUX: D'accord.

M. LOUBIER: ... la province, qui peut avantageusement se comparer au point de vue financier à chacun de nous, un homme qui est un de mes amis depuis plusieurs années et lié de façon très intime, et ç'a été un des premiers clubs à sauter. Celui-là, c'est le propre chef du Cabinet du premier ministre, M. Mario Beaulieu.

M. MAILLOUX: Est-ce qu'il a suivi la loi?

M. LOUBIER: Ce fut un des premiers clubs à sauter, il y a eu également des clubs privés qui ont sauté, et le député...

M. MAILLOUX: Oui.

M. LOUBIER: ... que le député sache bien, et il pourra aller faire sa petite vérification auprès des employés de mon ministère...

M. MAILLOUX: Je ne suis pas intéressé.

M. LOUBIER: ... mes sous-ministres. Je demandais même que tous ceux qui répondent pas aux exigences ou qui vont tomber sous l'emprise géographique d'une réserve, ne m'en donnez même pas les noms. Vous seriez curieux de savoir combien d'amis du régime, combien des puissants de ce monde, ont été évincés parmi ces petits clubs.

M. MICHAUD: M. le Président, le ministre me permettrait-il une question d'information?

M. LOUBIER: Et vous comprendrez aussi qu'il y a même eu des personnages...

M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait une question d'information?

M. LOUBIER: ... qui occupent dans le monde de la finance des postes souverainement importants dans le Québec qui ont sauté, et je trouve que l'affirmation du député de Charlevoix est faite de mauvaise foi, de façon insidieuse et qu'elle est contraire au fait.

M. PINARD: A l'ordre.

M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que le ministre peut me permettre une question d'information?

M. MAILLOUX: J'ai l'impression évidemment que l'affirmation que vient de faire le député de Bellechasse n'est pas honnête. Les exemples que nous avons dans le comté de Charlevoix et qui ont été évincés définitivement, ce sont les clubs les plus pauvres qui ont été évincés. Que ce soit le Sans-Pareil, le...

M. LOUBIER: M. le Président...

M. MAILLOUX: ... je peux tous vous les nommer.

M. LOUBIER: Est-ce que le député veut un petit exemple des clubs les plus pauvres? Mon bon ami Martial Asselin, député fédéral conservateur...

M. MAILLOUX: En violation de chasse et pêche.

M. LOUBIER: ... j'ai vu sauter son club un des premiers.

M. MAILLOUX: Des orignaux quinze jours avant le temps.

M. LOUBIER: J'ai vu même, si vous en voulez des exemples, on n'a rien à cacher...

M. MAILLOUX: Ce n'est pas parce qu'il est ministre ou député qu'il a droit de violer le règlement.

M. LOUBIER: Un autre exemple, un des premiers qui a sauté, ç'a été le club de mon beau-frère, François Labbé, de Thetford-Mines, dans le bout de Rimouski. Alors, je pense que les insinuations et les affirmations gratuites...

M. MAILLOUX: Ce sont les plus pauvres.

M. LOUBIER: ... du député de Charlevoix devraient être retirées.

M. MICHAUD: La question des baux va permettre à combien de personnes de fréquenter ces territoires qui ont été annulés?

M. LOUBIER: Pardon?

M. MICHAUD: Les 290 baux que vous avez annulés, vont permettre au petit peuple dont vous parlez, à combien de personnes l'accès à ces territoires-là?

M. LOUBIER: J'y vais, patientez. Le député de Charlevoix a également parlé des parcs de la province. Or, à cause de l'immobilisme complet du gouvernement précédent dans ce secteur, à cause du manque de planification total, à cause d'une absence de pensée complète dans ce secteur si important pour la vie d'un peuple, le Parc National, par exemple, des Laurentides, était exploité lors de la prise du pouvoir par le gouvernement de l'Union Nationale, à 10% de son rendement.

M. MAILLOUX: Il n'y a pas de chemin d'accès.

M. LOUBIER: Durant six ans, trouvez-moi les investissements qu'on a faits pour rendre accessible le Parc national des Laurentides à la population limitrophe de Québec ou aux gens qui auraient voulu s'y rendre, rien.

M. MAILLOUX: C'est comme au lac à Jack.

M. LOUBIER: Deuxièmement, M. le Président, des clubs privés, élimination, on l'a dit, de façon rationnelle et de façon graduelle. De façon rationnelle, nous ne voulons pas de façon insensée, brutale, du jour au lendemain, faire sauter tous les clubs privés de la province de Québec parce que c'est absolument impensable. Ce serait indécent à tous les points de vue, et le gouvernement ne pourrait jamais, d'une façon aussi brusque, accorder la surveillance, la protection et assurer la perpétuation du gibier. Nous le ferons de façon graduelle, et avec quelle modalité? Graduelle, d'abord ceux qui n'ont jamais respecté leurs baux, ceux qui n'ont jamais respecté la clause 5 qui les obligeait à avoir un gardien durant une période de six mois et ceux qui également se sont rendus coupables d'infractions à répétition. Vous seriez surpris de voir combien de nos amis des clubs privés se sont rendus coupables d'infractions sur les territoires qui étaient en location. Mais ici, M. le Président, vous me permettrez une petite parenthèse.

Evidemment durant un demi-siècle les clubs privés et les locataires en grande partie ont rendu un immense service à la population du Québec, parce qu'en général ces gens-là ont fait en sorte de se conduire de façon honnête pour assurer la protection de la faune aquatique et terrestre. On doit leur rendre hommage d'avoir pour le peuple, pour la province, en un temps autre que celui où nous vivons — étant donné que les circonstances ont changé — agi de façon efficace, de façon honnête. Mais, M. le Président, de façon graduelle, ceci veut dire également que nous devrons respecter les besoins sociologiques et les besoins touristiques du Québec; besoins sociologiques à cause des heures de travail qui il y a 5 ou 10 ans, étaient de 50, 60 heures par semaine de travail normal. Aujourd'hui, elle est rendue à 40 heures et on prétend, avec la projection qu'on a pour le futur, que, d'ici 4 ou 5 ans, la semaine de travail ira chercher 30 à 32 heures d'occupation pour l'ouvrier.

Or, l'ouvrier moyen, le petit bourgeois, le collet blanc, aura 50 heures par semaine à faire quoi? Cela allait bien il y a quelques années, lorsqu'il travaillait 50 ou 60 heures; il était ruiné physiquement à la fin de la semaine. Il arrivait chez lui le samedi soir et le seul divertissement qu'il pouvait se payer, c'était d'aller se chercher une caisse de bière au coin ou à l'hôtel, de prendre sa caisse de bière, de se coucher pour essayer de se reposer, à demi-gris, et, le dimanche matin, d'aller à la messe, une petite balade dans l'après-midi avec sa famille et il se recouchait le dimanche, pas trop tard, parce que le lundi matin, il fallait qu'il retourne à l'ouvrage à six heures. Mais, en 1966, cet ouvrier-là finit de travailler très tôt le vendredi, il ne recommence que le lundi à huit heures. Est-ce qu'il doit aller chercher dix caisses ou vingt caisses de bière pour passer sa semaine?

Or, nous voulons lui procurer du divertissement, de l'évasion; il en a besoin sur le plan physique, il en a besoin sur le plan physiologique, il en a besoin sur le plan familial aussi. Et c'est justement en rendant accessible, en assurant une élimination graduelle, à la mesure des besoins sociologiques de la population du Québec, que nous pourrons répondre à cet impératif et remettre au peuple de façon graduelle ce qui appartient au peuple.

M. le Président...

M. MAILLOUX: Est-ce que le député de Bellechasse me permettrait de poser une question?

M. LOUBIER: Evidemment.

M. MAILLOUX: Vous avez parlé tantôt d'ordre graduel d'évincement. Dans les 300 clubs ou presque...

M. LOUBIER: Pardon?

M. MAILLOUX: Dans les 300 clubs ou presque qui ont été évincés jusqu'à présent, est-ce que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche voudrait affirmer en cette Chambre que, ce printemps, le ministère est en mesure de mettre 50% de ces clubs à la disposition du public?

M. LOUBIER: J'y viens, M. le Président. M. MAILLOUX: Cinquante pour cent?

M. LOUBIER: J'y viens, M. le Président. Je suis rendu dans le graduel; je m'en viens au rationnel. Dans le graduel, le député va peut-être comprendre plus; dans le rationnel, je ne le sais pas, mais je m'en viens là.

M. le Président, nous allons procéder de façon rationnelle; ceci veut dire que nous voulons au fur et à mesure que l'élimination graduelle des clubs privés se fait, les rendre accessibles au public; nous voulons en assurer la surveillance, le contrôle, et, M. le Président, àce moment-là, je m'incline publiquement et je fais amende honorable devant mon cher collègue, le ministre des Finances, c'est que je suis en mesure d'affirmer que nous pourrons avoir, par notre budget de cette année, au-delà de 61 gardes-chasse de plus qu'il y en avait l'an passé. Vous me permettrez ici une autre petite parenthèse bien juteuse...

M. MAILLOUX: On vérifiera.

M. LOUBIER: ... c'est qu'il n'y a pas plus de gardes-chasse en 1967, dans le Québec, qu'il y en avait en 1960.

M. MAILLOUX: C'est normal.

M. LOUBIER: Qu'il y en avait en 1960.

M. MAILLOUX: C'est le même nombre de parcs.

M. LOUBIER: Voilà le plus crapuleux immobilisme que nous n'ayons jamais connu dans ce domaine, et par l'incurie...

M. MAILLOUX: Il y a plus de poissons qu'il y en aura dans cinq ans, par exemple.

M. LOUBIER: ... l'inertie, l'inconséquence, l'ignorance, du gouvernement précédent dans ce domaine-là, le Québec a rétrogradé, a reculé de dix ans vis-à-vis toutes les autres provinces, puisqu'on n'a même pas eu le sens des responsabilités, la prudence de pouvoir au moins assurer de façon décente la protection, la conservation de la faune aquatique et terrestre depuis six ans dans le Québec. Et nous, nous prenons nos responsabilités, nous allons prendre les bouchées doubles et nous allons assurer la protection et le perpétuation du gibier dans le Québec, mais au service du peuple, non pas à la disposition de certains privilégiés ou favoris du parti au pouvoir.

M. le Président, de façon rationnelle, en plus des gardes-chasse que nous allons multiplier et parsemer partout dans la province, nous allons créer, dès cette année, trois ou quatre réserves, trois ou quatre réserves qui vont comprendre ou circonscrire sur un territoire donné, 50, 75, 100, 125 lacs qui, préalablement, étaient la possession et sous le contrôle seigneurial de quelques familles privilégiées. Vous avez, par exemple, dans une région où nous allons créer une réserve, 11 familles, pas du Québec, qui contrôlaient un territoire de 150 milles carrés et qui pouvaient jouir de tous les privilèges imaginables sur 126 lacs. Or, nous avons fait sauter ces clubs privés-là, et ce n'étaient pas des petits, veuillez m'en croire. Ce n'étaient pas des petits, c'étaient des millionnaires en partie. Nous avons fait sauter ces clubs-là. Nous allons faire une réserve avec quatre barrières pour contrôler les entrées et les sorties. Nous allons mettre sur ce territoire-là pour le patrouiller, le surveiller, vingt à vingt-deux personnes. Nous allons avoir un biologiste qui va s'occuper d'assurer l'aspect scientifique de la reproduction ou de la perpétuation du gibier, et ceci va permettre, dans le district de Pontiac, à 6,000 ou 7,000 citoyens du Québec ou à des touristes d'aller pratiquer ce sport, ce qui aura des répercussions économiques bienfaisantes pour tout ce petit secteur au lieu de favoriser de façon excessive 10 à 11 familles qui y allaient deux ou trois fois par année.

Nous allons avoir une autre réserve...

M. FOURNIER: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. LOUBIER: Bien, écoutez là, vous me demanderez ça tantôt à la queu-leu-leu. Or, nous allons avoir une autre réserve dans la région de

Québec, nous allons en avoir une autre dans le bout de Gatineau, c'est en marche.

M. LESAGE: Réservons-le pour la prochaine séance.

M. LOUBIER: Et nous aurons, M. le Président, nous voulons faire, dans toutes les régions de la province de Québec, des réserves ou des endroits où le peuple pourra se rendre à prix modique pour pratiquer le sport de la pêche ou de la chasse, et même là, M. le Président, le député de Charlevoix semble s'attarder de façon maladive à la grosse prise ou au volume, au nombre des poissons...

M. MAILLOUX: En aucune façon.

M. LOUBIER: ... 25, 50, 75. Il y a deux facteurs qui font que les gens du Québec, que les ouvriers, que les gagne-petit ont besoin d'y aller. Evidemment il y a la satisfaction de prendre du gibier, mais il y a aussi ce besoin psychologique, psychique, de la détente, de la récréation, de se voir en contact avec la grande nature, de se savoir détendu, c'est ça que nous voulons.

M. LESAGE: C'est également un besoin physique, ce n'est pas seulement un besoin psychologique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce qu'il a dit, cher ami.

M. LESAGE: C'est donc fin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est comme avoir un chalet au lac Beauport.

M. LOUBIER: Le chef de l'Opposition, pour moi, ses batteries sont à terre, il faudrait qu'il augmente son acoustique, il n'a pas compris tantôt.

Mais, M. le Président, il y a également ce besoin qu'il faut satisfaire et, à ce moment-là, il y a les tenants des deux thèses, aux antipodes, ceux qui s'alarment par exemple et disent: C'est l'élimination subite.

M. LESAGE: Ce serait excellent pour continuer à la prochaine séance. Il est neuf heures.

M. LOUBIER: Bien, ça aurait pris cinq minutes.

M. LESAGE: Il est neuf heures.

M. LOUBIER: Moi, ça ne me fait rien. J'aime ça que le chef de l'Opposition insiste, parce qu'il reprochait justement au premier ministre à un moment donné d'arriver en retard et là on lui demande cinq ou dix minutes pour avancer les travaux de la Chambre, il ne veut pas.

M. LESAGE: Il a été convenu que nous ajournions à neuf heures ce soir afin que le parti de l'Opposition et le parti ministériel puissent tenir des caucus respectifs de leur parti. Cela a été entendu à six heures.

M. LOUBIER: Très bien, on ajourne.

M. LESAGE: Je m'excuse. J'aimais fort entendre le député de Bellechasse, c'est un excellent orateur, toujours agréable.

M. LOUBIER: Très bien, ça me fait plaisir, ce sont des vérités qui sont belles à entendre.

M. LESAGE: C'est une entente que je voudrais voir respecter.

M. LOUBIER: Je demande l'ajournement du débat.

M. JOHNSON: Dix heures, M. le Président, si tel est le bon vouloir de ces messieurs.

M. LESAGE: Très bien.

M. JOHNSON: L'ordre évidemment, c'est le bill 25. De consentement unanime, ou par motion d'urgence.

M. LESAGE: Le bill 25.

M. PINARD: Ne bougez pas, c'est le bill 25!

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, la Chambre ajourne ses travaux à demain matin, dix heures.

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