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Version finale

28e législature, 1re session
(1 décembre 1966 au 12 août 1967)

Le mardi 21 février 1967 - Vol. 5 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Trois heures de l'après-midi)

M. PAUL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions.

Pétition

M. COITEUX: J'ai l'honneur de proposer, secondé par M. Maltais député de Saguenay, que les articles 615 et 616 du règlement soient suspendus et qu'il me soit permis de présenter la pétition de la cité des Sept-îles demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte et que cette pétition soit maintenant présentée, lue et reçue.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté,

Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées.

Bills privés

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, pour M. Morin j'ai l'honneur de faire motion qu'il me soit permis de présenter le bill No 183 intitulé: Loi concernant un immeuble de Twin Development Corporation.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Premièr electure de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Seconde lecture de ce bill a une séance subséquente.

Présentation de bills privés.

M. FRECHETTE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion qu'il me soit permis de présenter le bill No 108 intitulé: Loi modifiant la charte de King's Hall.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill a une séance subséquente.

M. BEAUPRE: M. le Président, pour M. Bail- largeon, j'ai l'honneur de faire motion qu'il me soit permis de présenter le bill No 209 intitulé: Loi concernant la commission des écoles catholiques de la cité de Jacques-Cartier.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill a une séance subséquente.

Présentation de bills publics. Affaires du jour.

M. JOHNSON: Trente.

M. LESAGE: M.lePrésident.à l'article bills publics...

M. JOHNSON: Oui.

M. LESAGE: ... est-ce que cen'estpas l'intention du premier ministre d'appeler la première lecture du bill qui apparaît en mon nom sous le titre: Loi abolissant le Conseil législatif? Si ce bill était lu en première lecture aujourd'hui — il n'y a pas de discussion en première lecture — cela nous permettrait d'en entreprendre la discussion en deuxième lecture demain, qui est la première journée que la Chambre pourra consacrer aux bills et motions des députés.

La session a débuté le 1er décembre 1966. Nous approchons de la fin de février. Cela fera bientôt trois mois que la Chambre siège: ce n'est pas un reproche, mais je constate, que c'est demain la première journée qui sera la journée des députés. Il me semble qu'il serait raisonnable de suggérer que la première lecture de ce bill soit faite aujourd'hui afin que nous puissions discuter le principe en deuxième lecture demain.

M. JOHNSON: Demain, la journée des députés, on verra ce qui se passera. Je me souviens d'une motion du gouvernement qui avait été inscrite le premier jour, et la session s'est terminé sans que jamais elle ne fut appelée.

M. LESAGE: Pardon?

M. JOHNSON: Je me souviens qu'une motion concernant la formule Fulton-Favreau avait été déposée dès le premier jour de la session et qu'elle n'avait pas été appelée de la session.

M. LESAGE: Il y avait d'excellentes raisons. C'est qu'un autre article apparaissait depuis le début de la session.

M. JOHNSON: Demain nous appellerons les motions et les bills au nom de l'Opposition. Il y aura d'autres mercredis. La session ne se terminera pas la semaine prochaine.

M. LESAGE: Demain, c'est le premier mercredi et il y a près de trois mois que nous sommes en session.

Rapport du Secrétariat

M. GABIAS: J'ai l'honneur de déposer le rapport du Secrétariat pour l'année financière terminée le 31 décembre 1966.

M. JOHNSON: J'aurais dû, pour la bonne marche des travaux de cette Chambre, annoncer que les bills qui apparaissent en appendice sont prêts à être distribués. J'ai déjà fait parvenir des épreuves pour quelques-uns de ces bills au bureau du chef de l'Opposition: mais si on veut remettre à demain la première lecture, c'est le droit de cette Chambre.

M. LESAGE: Première lecture demain. Je n'aurais aucune objection à consentir à la première lecture des bills du gouvernement, si le premier ministre voulait bien appeler le bill qui apparaît en mon nom en première lecture. Donnant, donnant.

M. JOHNSON: Un cheval, un lapin.

M. LESAGE: Non. Le cheval du premier ministre contre une affaire extrêmement importante proposée par le chef de l'Opposition, ce sont les bills qui ont été distribués ce matin. Ce sont tous des bills bouche-trous après tout, des bills de concordance qui n'ont pas une importance énorme à comparer au bill qui apparaît au nom du chef de l'Opposition.

M. JOHNSON: Quand je disais un cheval et un lapin, je songeais évidemment au lapin peureux qui court, et ça c'est l'Opposition...

M. LAPORTE: Heureux qui court! M. PINARD: Peureux ou heureux? M. JOHNSON: ... qui s'énerve...

M. LAPORTE: On a l'air pourtant bien calme, M. le Président...

M. JOHNSON: Pardon?

M. LAPORTE: ... pour la bonne marche des travaux de la Chambre, encore une fois...

M. JOHNSON: Non, non, on ne parlera pas de l'émission de télévision...

M. LAPORTE: Comment?

M. JOHNSON: On ne parlera pas de l'émission de télévision de dimanche soir.

M. LAPORTE: Apparemment, vous avez cru bon de la regarder. Des milliers et des milliers de gens ont fait de même, et ils ont été convaincus.

M. ALLARD: C'est là que vous vous trompez.

M. JOHNSON: Je me suis endormi.

M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre, M. le Président, que nous en sommes à la quatrième lecture du bill 25? Je voulais demander au premier ministre tout simplement, étant donné qu'on n'a pas eu le temps ou qu'on n'a pas pensé à demander l'ordre des travaux de la Chambre, qu'est-ce qu'on doit faire aujourd'hui?

M. JOHNSON: Je suis sur le point d'appeler l'article 30.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. JOHNSON: L'article 30.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose une motion à l'effet qu'un comité spécial de quatorze membres soit institué...

Suis-je dispensé d'en donner lecture?

M. LESAGE: Est-ce que, M. le Président, il n'aurait pas été convenu que nous terminions d'abord le bill du ministre de l'Industrie et du Commerce?

M. JOHNSON: Non.

M. LESAGE: Vendredi après-midi, lorsque nous avons ajourné, il m'avait semblé... je n'ai pas...

M. JOHNSON: Qu'on ne s'inquiète pas...

M. LESAGE: J'avoue que je n'ai pas regardé, ma mémoire peut faire défaut.

M. JOHNSON: Le ministre est prêt encore. Non, on n'avait pas fixé ça pour aujourd'hui.

M. LESAGE: J'avais compris que le ministre devait terminer sa savante intervention sur la deuxième lecture du bill des pêcheries et qu'ensuite nous devions procéder à l'étude de la motion...

C'est le député de Champlain, le ministre du Travail, de l'Industrie et du Commerce qui l'a annoncé. On peut lire, à la page 1409 du journal des Débats: « M. Bellemare: Alors, les travaux de la Chambre seront dans l'ordre suivant: d'abord deuxième lecture... « M. Lesage: Le discours du ministre. « M. Bellemare: ... du bill 10 — évidemment, c'était son discours — pour finir le débat. Nous entreprendrons ensuite la motion du comité spécial et nous irons en comité des subsides. »

C'est parce qu'il y a eu sanction de bill vendredi. Le premier ministre était avec le lieutenant-gouverneur lorsque nous avons ajourné, et c'est le député de Champlain qui a donné l'ordre des travaux.

M. JOHNSON: Article 30, s'il vous plaît. M. KIERANS: M. le Président, une question. M. JOHNSON: On a appelé l'article 30.

M. LE PRESIDENT: Peut-être que l'honorable député pourrait réserver sa question jusqu'à demain et, d'ici là, il pourrait éveiller l'attention de la Chambre.

M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre renie... M. le Président, tout de même, là... le premier ministre n'a pas donné de réponse.Je viens de lire l'annonce des travaux de la Chambre pour aujourd'hui, telle que faite par le leader du gouvernement en Chambre. M., le Président, c'était vendredi, et le député de Champlain étant le senior des membres du gouvernement en Chambre, je lui ai demandé quelle serait l'ordre des travaux pour aujourd'hui, et il a bien déclaré...

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: ... que c'était la continuation du débat sur le bill 10.

M. JOHNSON: Je n'avais consulté ni les Débats ni le ministre du Travail, et si telle a été la convention, nous allons la respecter.

M. LESAGE: Oui. Je parlais de mémoire... M. JOHNSON: D'accord.

M. LESAGE: ... mais maintenant j'ai le journal des Débats.

Bill no 10

M. LE PRESIDENT: Alors, l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose la reprise du débat sur la motion proposant que le bill 10, intitulé « Loi modifiant la loi du crédit aux pêcheries maritimes », soit maintenant lue une deuxième fois. L'honorable ministre...

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: M. le Président, dans ma courte intervention de vendredi...

M. PINARD: Eh, bateau!

M. BELLEMARE: ... j'avais voulu...

M. PINARD: Il nous a monté un bateau.

M. BELLEMARE: ... dans quelques phrases, dé montrer à la Chambre l'importance que le gouvernement attache à cette particularité tout à fait d'administration publique qui représente tout un secteur important de notre économie dans la province de Québec: les pêcheries maritimes. Et, j'avais commencé à vous démontrer très succinctement, sans vous donner trop, trop de détails, la valeur de cette flotte que le gouvernement a mise sur pied depuis quelques années.Le crédit maritime est à la base, tout le monde le sait, d'une aide substantielle de la province, aide qui est aussi accompagnée d'une contribution fédérale.

A ce jour, nous pouvons dire avec beaucoup de satisfaction que le crédit maritime a contribué à mettre en chantier à peu près 169 bateaux pour une valeur de construction de $14,990,727.67. La part du gouvernement a été très substantielle puisque, quand c'est de l'ordre de $15 millions, simplement dans un secteur de l'administration, c'est déjà extraordinaire, et je voudrais, M. le Président, vous dire que ce développement de notre flotte s'est produit par périodes, surtout depuis 1952,1953, lors de la passation du premier crédit maritime. Il y a eu là des développements gigantesques, puisque pendant les années 1952 à 1960, on a construit 15 cordiers pour un tonnage complet de 537,665 tonneaux. Pour les Gaspésiens, on a construit 44 gaspésiennes.

Il y a eu 38 chalutiers en bols de 60 pieds de long. Pour les chalutiers en bois de 65 pieds, il y en a eu sept de construits : pour les chalutiers en bois de 87 pieds, c'est la nouvelle section qui est établie depuis 1966-67.

De 1960 à 1967, il y a eu sept cordiers de construits: il y a eu six gaspésiennes: 36 chalutiers: 26 chalutiers de 65 pieds en bois: un chalutier en bols de 87 pieds: 13 chalutiers en acier de 82 pieds de long: 81 chalutiers en acier de 89 pieds: un chalutier en fer de 92 pieds: deux chalutiers d'acier de 129 pieds et, enfin, le grand chalutier d'acier de 152 pieds qui vient d'être lancé à Sorel, au cours du mois d'août dernier, et qu'on appelle l'Unipec I.

Et ceci, M. le Président, représente 11,670 tonnes avec 206 bateaux. Ceci représente les investissements de $14,990,727 qui ont été entrepris.Il faut que vous sachiez qu'aujourd'hui, dans la pêche maritime plus qu'ailleurs, une recherche particulièrement intensive est faite pour tâcher de mettre en valeur nos pêcheries maritimes et d'apporter une quote-part généreuse à ce secteur de l'administration provinciale. Particulièrement, nous avons, pour la pêche côtière, mis en valeur un secteur particulier, celui qui a été organisé en vertu de l'arrêté ministériel 1995 qui prévoyait 25% de contribution provinciale et 25% de contribution fédérale. Ensuite, M. le Président, pour répondre à l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine qui disait que le gouvernement avait négligé la petite pêche côtière, je lui dis que non. Par déférence, nous avons remarqué dans l'arrêté ministériel qu'il y avait le paiement de l'assurance sur tous les bateaux côtiers qui étaient assurés en vertu du plan de l'indemnité du Canada: il y avait aussi une subvention toute spéciale faite aux pêcheurs côtiers pour les filets maillants.

D'ailleurs, nous avons voulu aussi, d'une manière particulière, prendre des mesures pour tâcher de mettre en valeur les autres secteurs de la pêche maritime. Nous avons fait des études très poussées sur la pêche au crabe qui a rapporté, l'année passée, 100,000 livres de nouveaux produits, qui ont été déposés en Gaspésie, à Gaspé même. D'ailleurs, une étude très approfondie a été faite par des biologistes sur le territoire des Iles-de-la-Madeleine: elle a prouvé que là, c'était avec beaucoup moins de rendement et qu'il y avait beaucoup plus de frais. D'ailleurs, M. le Président, une étude complète a été produite par une section du ministère du Commerce et de l'Industrie — la section des pêcheries maritimes — qui donne toutes les nouvelles techniques employées pour la diversification de la pêche, par exemple, les pétoncles.

Les pétoncles font l'objet d'une pêche très intéressante particulièrement aux Iles-de-la-Madeleine où nous avons tout un secteur nouveau pour développer cette pêche qui est sûrement très commerciale et qui rend d'immenses services à ceux qui s'y adonnent.

Nous avons aussi un secteur particulier que nous avons inauguré et que nous développerons plus intensivement cette année, la pêche aux crevettes. Et, pour ce faire nous avons fait une entente particulière avec le capitaine Soucy à qui nous avons vendu — présentement le contrat n'est pas complété— deux bateaux de notre flotte, deux bateaux qui seront reconstruits et qui, en vertu du prêt maritime, pourront s'incorporer à notre flotte et pourront rendre service à ce secteur particulier dans la section de Matane où l'on s'applique particulièrement à la recherche et à la pêche des crevettes.

D'ailleurs, M. le Président, les biologistes ont depuis quelques années mis à point un nouveau secteur particulier aux alentours de l'Ile d'Anticosti, pour la pêche aux homards. Et cette année déjà, nous avons connu un succès assez considérable malgré que nous ayons été obligés de prolonger d'une quinzaine de jours la pêche aux homards à cause de la température un peu défavorable.

Nous avons aussi, et c'est dans ce rapport de recherches qui nous a été remis par nos biologistes et nos fonctionnaires, instauré une nouvelle pêche, la pêche à la lumière pour détecter les bancs de harengs et ce sera une nouveauté chez nous, dans la province de Québec, pour permettre, par le détecteur à la lumière, de ramasser des bancs complets de harengs, ce qui rendra immensément service à la pêche maritime.

Nous avons aussi particulièrement étudié les algues marines. Les algues marines servent dans certains pays à faire la gélatine, et c'est de ces algues marines, quand elles sont assez nombreuses pour les ramasser, qu'on tire ce sous-produit de la pêche. Mais nous avons constaté avec les biologistes que la concentration n'était pas suffisante et que le coût d'exploitation et d'usinage de ce produit devenait prohibitif.

M. le Président, je pourrais vous dire aussi que nous avons été intéressés, nos biologistes se sont penchés avec beaucoup d'attention sur plusieurs autres programmes qui devront subir l'épreuve du temps et de l'expérience, et si ça devient pratique nous l'appliquerons dans plusieurs domaines. D'ailleurs, le député de Bonaventure, ancien ministre, est bien au courant de cette revue merveilleuse que publie notre ministère, Les actualités marines. Et, pour compléter les documents que les députés voudront

obtenir quant à ces expertises nouvelles qui sont faites dans le secteur des pêcheries maritimes, vous trouverez, M. le Président, dans cette revue qui est publiée quatre fois par année, les nouvelles politiques que veulent instaurer les fonctionnaires de notre ministère.

Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il faut donner aux pêcheries maritimes une extension de premier ordre.

Si nous considérons que la pêche côtière est importante, il y a la pêche qui doit demeurer aussi par secteurs composants. Je vais m'expliquer. C'est qu'aujourd'hui, à l'heure où nous parlons, dans tous les secteurs d'administration, afin de produire plus et mieux pour des meilleurs revenus, il faudrait penser dans certains secteurs — et nous l'avons déjà fait dans le secteur de la Cote Nord — à rassembler dans des unités de production des secteurs qui sont plus ou moins rentables.

Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on rencontre en certaines circonstances des objections mais quand nous réalisons ce qui revient personnellement à ceux qui se livrent à cette pêche, nous constatons avec beaucoup de plaisir qu'il y a là un succès considérable, un succès qui dépasse même nos prévisions. Inutile de vous dire, que notre flotte au point de vue de pêcheries maritimes, a vieilli, d'accord. Mais nous nous en allons vers un programme plus intensif avec des bateaux qui seront mieux équipés, plus grands, surtout pour répondre à un besoin de centralisation.

Vous avez aujourd'hui des petits bateaux côtiers qui font la pêche séparément, qui livrent leur poisson au marché, qui est ramassé par des grandes unités pour l'usinage. Mais nous tendons plus que jamais à organiser dans la province cette pêche à distance, cette pêche hauturière. Cette pêche amène des problèmes très difficiles à régler. On a établi pour la première fois des cours de spécialisation et cela a été fait sous l'ancien ministre des Pêcheries maritimes, mon collègue de Bonaventure, qui a lui-même préconisé ces premiers cours donnés pour la formation de ces pêcheurs appelés à servir sur de plus grandes unités.

Je suis fier de dire que nous avons continué cette politique. Et cette année, nous avons eu un nombre considérable d'étudiants qui sont allés se spécialiser. Nous leur avons payé leur cours et leur avons donné une allocation de subsistance pour se parfaire et devenir de véritables bons pêcheurs, mais dans une équipe différente, sur un bateau où les prises sont plus considérables et ce qui amène aujourd'hui des revenus meilleurs. C'est à cela que nous tendons présentement.

Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que le domaine des pêcheries maritimes est un domaine difficile pour la province de Québec, parce que nous vivons à côté de certaines provinces qui, elles, ont centré toute leur économie sur les pêcheries maritimes. Nous vivons à côté de l'Ile-du-Prince-Edouard qui, elle, a un gros budget pour aider ses pêcheurs ainsi que la province du Nouveau Brunswick, la Nouvelle Ecosse et, particulièrement, Terre-Neuve. Et là, nous avons, depuis quelques années, à cause des bonnes relations qui existent au ministère avec ces différents organismes et, surtout, ces différents ministères, établi des relations très suivies où nous pouvons échanger dans des conférences ou dans des réunions certaines idées qui peuvent nous rendre plus facile la tâche que nous avons d'orienter de nouveau les pêcheries maritimes. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'en ce qui concerne les prises maritimes qui ont été faites de 1960 — prises par espèces de 1960 à 1963 — elles ont considérablement augmenté. Les différentes sortes de poissons: morues, harengs, sébastes, saumons, homards, merluches, flétan, marquereau, aiglefin, éperlan et les diverses autres sortes de poissons rouges, sont parties en 1960 de $3,771,645 pour passer en 1961, à $4,068,779: en 1962, de $4 millions pour passer à $4,993,799 et, en 1963, à$5,264,219.

En 1964, on a pris 1,312,294 livres de poisson qui donnent une valeur de $5,303,845...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Pour combien de livres?

M. BELLEMARE: ... 1,312,000 livres...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Non, ce sont des quintaux.

M. BELLEMARE: Des quintaux, oui c'est ça, des quantités.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Un quintal, c'est 100 livres.

M. BELLEMARE: Cela fait 100 millions. La quantité totale c'est 1,312,000 quintaux...

M. LEVESQUE (Bonaventure): 131 millions de livres.

M. BELLEMARE: ... Bon, qui produisent $5,303,845. En 1965, 1,427,000 quintaux quipro-duisent $6,279,314. Et, en 1966, pour l'année en cours qui se termine presque à la fin de décembre, le rapport donne 1,444,643 quintaux qui produisent une valeur de $6,687,000. Le prix

moyen maintenant d'un quintal de poisson, qui représente 100 livres — c'est le revenu brut — en 1960, par exemple, cela donne un revenu brut moyen à chaque pêcheur de $700. Le prix moyen d'un quintal de poisson, en 1961, donne $1,079: en 1962, $1,319.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je ne voudrais pas que le ministre amène la Chambre à croire qu'un quintal de poisson rapporterait $1,000, si j'ai compris.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Non, non! 100 livres de poisson?

M. BELLEMARE: Non, Je parle toujours de 100 livres.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Non, mais 100 livres de poisson... Ce n'est pas $10 la livre, n'est-ce pas?

M. BELLEMARE: Non, non, mais je pense que l'ancien ministre peut facilement prendre mon explication: prix moyen d'un quintal de poisson — 100 livres — en 1960, en dollars ça représente un revenu moyen pour le pêcheur au débarquement, divisé par le nombre des pêcheurs: $700. C'est clair?

M. LEVESQUE (Bonaventure): Non.

M. BELLEMARE: Non, bien je vous l'expliquerai.

M. LESAGE:Il vous manque la barbe du capitaine.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Le montant que le ministre mentionne est probablement ce que représente le revenu par pêcheur pour les prises de l'année...

M. BELLEMARE: C'est-à-dire, que c'est exactement ce que je viens de dire, c'est le prix moyen...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Pas par quintal.

M. BELLEMARE: C'est le prix moyen de la valeur totale au débarquement par pêcheur, c'est ça.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Très bien, mais pas par quintal.

M. BELLEMARE: Faut-il que je fasse un autre dessin?

M. LEVESQUE (Bonaventure): Non. M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: Non, mais ça représente, en 1960, $700: en 1961, $1,079. Vous remarquerez que cette ascension est due surtout à l'augmentation et au rendement de nos nouveaux bateaux qui sont un attrait particulier, parce qu'on a centralisé toute notre pêche et...

M. LACROIX: Etes-vous sûr de ce que vous avancez? Ce ne serait pas plutôt à cause de la valeur du homard qui a augmenté considérablement?

M. BELLEMARE: Non, non la valeur du homard, c'est à peu près un mois et demi par année: ça ne peut pas dépasser ça.

M. LACROIX: Un mois et demi, mais quand on prend 3,500,000 livres de homard à $0.50 la livre, ça augmente la valeur moyenne.

M. BELLEMARE: M. le Président, il y a dans tout ça du maquereau aussi.

M. LACROIX: Mais, pour ne pas induire la Chambre en erreur, spécifiez que c'est du maquereau de mer.

M. BELLEMARE: Je n'ai jamais demandé de mettre l'honorable député en vente.

M. LACROIX: Parce que le maquereau de mer, ça diminuerait la valeur,

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je continue pour expliquer à la Chambre que ceci représente au prix moyen: la valeur au débarquement divisée par le nombre des pêcheurs, donne en 1963, un revenu de $1,433: en 1964, un revenu de $1,483: en 1965, un revenu de $1,603 et en 1966, un revenu de$l,672. M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que cette progression de la flotte, des pêcheries nous prouve à l'évidence qu'il y a nécessité pour le gouvernement de continuer son apport, de continuer de demander aux Chambres de voter cette année $ 1 million qui, annuellement, viendra s'ajouter à la loi que nous avons déjà votée mais qui a été changée il y a quelques années. Ceci nous apparaît comme une nécessité évidente de continuer à aider les pêcheurs et surtout, à ce moment tout à fait spécial où on est à faire une concen-

tration. On est à restructurer toutes les pêcheries maritimes pour en faire véritablement quelque chose de payant, par les cours qui se donnent actuellement et que suivent les pêcheurs, par la structure des nouveaux bateaux que nous lançons sur le marché et par notre participation qui nous amène à supporter tous les organismes qui s'occupent véritablement de « l'usinage » des poissons.

Je suis très fier de vous dire que depuis quelques années, le crédit maritime avait une somme de $325,000 pour garantir et payer certaines organisations. Je suis très heureux de vous dire à quoi ont servi ces $325,000 qui ont été employés par le ministère. Conformément à cette loi des pêcheries maritimes, les garanties suivantes sont présentement en vigueur et il est bien important que la province le sache.Il y a $95,000 à la Banque Canadienne Nationale en faveur des Pêcheurs Unis de Québec pour garantir leur marge de crédit.Il y a $100,000 à la Caisse centrale Desjardins de Lévis en faveur des Pêcheurs Unis de Québec pour garantir un prêt relatif à la construction d'usines pour le traitement du poisson: cette garantie expire le 20 avril 1969.Il y a $50,000 à la Banque de Montréal en faveur de la Coopérative centrale des Iles-de-la-Madeleine pour garantir sa marge de crédit et de fonctionnement.Il y a $75,000 à l'Union régionale des caisses populaires Desjardins de Gaspé en faveur des caisses populaires des Iles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie pour garantir les prêts aux pêcheurs conformément au crédit maritime.

Au 31 décembre 1966, les prêts en vigueur couverts par cette garantie s'élevaient à $82,140. Ce qui fait actuellement un total d'environ $320,000 et nous sommes justifiés, je crois, à cause des nouvelles demandes qui nous sont faites, à cause de l'expansion considérable que nous croyons devoir donner à ce secteur particulier des pêcheries maritimes, de damander à la Chambre de porter ce crédit de $325,000 à $500,000.

Vous allez peut-être dire que nous avons apporté dans ce débat, surtout en deuxième lecture, beaucoup de détails, mais je crois qu'il est nécessaire que les pêcheries maritimes de la province de Québec soient reconnues et que nous fassions une publicité intense pour donner à ce secteur de l'économie, qui a été peut-être ignoré au point de vue publicitaire, ce qui se fait dans la province de Québec. Il se fait un travail considérable. La province a apporté depuis des années sa contribution pour ne pas laisser, surtout, ce secteur difficile de l'administration provinciale des pêcheries et des pêcheurs dans un état de pauvreté. Au contraire, nous avons voulu immé- diatement prendre en main les recommandations du BAEQ et nous en avons déjà retenu un certain nombre que nous allons réaliser dès cette année.

Dans le rapport le BAEQ, il y a un secteur complet, un livre complet où il est question des recommandations en ce qui regarde les pêcheries maritimes. Nous avons déjà, dès cette année, mis au budget un certain nombre de projets que nous essaierons de réaliser. Il y a là plusieurs choses à retenir. Pour les budgets que nous avons en main, nous avons établi un ordre de priorité que nous allons essayer de suivre et, d'ici 1972, nous essaierons de réaliser les recommandations du BAEQ.

Je n'approuve pas, comme les fonctionnaires du ministère, toutes les recommandations du BAEQ: mais le conseil économique nous a aussi fait des recommandations qui se sont concrétisées, je pense, dans un certain processus normal qui sera suivi pendant les cinq ou six premières années. Et je suis sûr, M. le Président, qu'en vous nommant certains titres de chapitre vous verrez là que nous avons décidé plus que jamais d'apporter une attention particulière pour que ces recommandations du BAEQ ne soient pas oubliées, mais surtout rodées afin de les appliquer dans le concret.

M. le Président, dans la recherche biologique sur la pêche, il est question de la construction d'un centre complet de recherche. Il est question aussi de la construction d'un navire de recherche. Il est question particulièrement pour la pêche côtière en Gaspésie de fermer certaines entrées, de moderniser des bâteaux et l'équipement: et dans la pêche hauturière, des normes minimums de remboursement, des pénalités pour un débarquement en dehors de la province: et en ce qui regarde la flotte, des subsides fédéraux pour constructions en Gaspésie et aux Iles-de-la-Madeleine: des pêcheurs sociétaires du chantier de Gaspé, le choix du chantier naval par l'armateur, l'étude des marchés des constructions navales, les navires de plus de 82 pieds propriétés des compagnies, l'équipe de terre, l'entretien préventif des bateaux sur une base de contrat annuel, le nettoyage des cales par les équipes de quai, cela sera fait dès cette année: l'usine fournissant des services pour la réparation des chaluts: informer les capitaines de la nature des opérations et de l'entretien.

Quatrièmement, le regroupement des unités de production, ceci est très important si l'on veut atteindre le but que nous visons: tâcher de donner à celui qui produit un meilleur salaire et un meilleur rendement. Il y aura là des primes d'indemnisation à la fermeture, il y a une pro-

duction du poisson salé regroupée à Cloridorme et à Sainte-Thérèse. Il y aura des études pour la consolidation des homarderies. Il y aura la mécanisation des fumoirs. Il y a aussi une nouvelle unité de production et reclassification de celle déjà existante. L'élimination de l'aide aux usines en dehors des centres préconisés: le regroupement des travailleurs favorisés par des producteurs.

Et il y aura, cinquièmement, la création d'un centre de pêche hauturière aux Iles-de-la-Madeleine. Sixièmement, une modification de l'appareil administratif des pêcheries c'est-à-dire la création d'un service de recherche en technologie industrielle. Il y aura un comptoir pilote pour les producteurs, création d'un service de pêche expérimentale, création d'un service de recherche économique, et aussi coordination de la recherche et des opérations par les deux grands directeurs généraux, la vente de certains entrepôts frigorifiques à certaines municipalités: et il y aura aussi la création d'un service d'information.

Maintenant, comme budget additionnel, la localisation du poisson par le ministère de l'Industrie et du Commerce et le service de l'aide technique aux pêcheurs.

Ceci vous prouve avec évidence que nos fonctionnaires ont véritablement travaillé avec le Conseil économique comme ils ont voulu appliquer les recommandations du BAEQ. Je ne dis pas, M. le Président, que nous allons réaliser tout ce que je viens de vous dire là dans la même année. Non, mais dès cette année, une tranche importante y sera consacré au budget, et nous essayerons de les exécuter dans la paix et surtout avec l'idée que nous nous sommes donnée de développer particulièrement ce secteur important de notre administration.

M. le Président, les pêcheries maritimes jouent donc un rôle important. Le ministère leur a apporté, depuis des années, une attention particulière. Selon les budgets mis à notre disposition, chaque gouvernement, indépendamment de la couleur, a voulu apporter aux pêcheurs — et je ne voudrais pas ici politiser ce débat — je voudrais dire qu'indépendamment des couleurs, les gouvernements quels qu'ils soient, ont essayé, par des mesures particulières, à rendre service à nos pêcheurs. Ce n'est pas parfait, nous n'avons pas, ni l'un ni l'autre, atteint les objectifs que nous souhaitions, mais je suis assuré qu'avec la compréhension de tous les membres de cette Chambre, nous viendrons un jour à bout de donner un peu plus de bonheur, un meilleur salaire à ces pêcheurs qui font une oeuvre de bien dans notre économie.

Les grandes entreprises, chez nous, dans l'usinage des produits, se développent, mais à pas lents. Elles ont changé complètement de techniques depuis plusieurs années. Elles se sont modernisées en payant des prix considérables, elles ont adopté de nouvelles méthodes, et pour la production, et pour l'empaquetage, et sur les marchés, et un peu partout.

Mais, on est toujours lié par ce qu'on appelle les marchés. L'ancien ministre le sait, tout le monde sait ça dans cette Chambre, nous sommes sujets à la fluctuation des prix des marchés. Mais qu'importe, l'évolution a pu être lente mais elle n'a pas été retardataire et je suis heureux aujourd'hui de constater que, avec l'évolution qu'a prise notre pêche maritime, c'est-à-dire avec la construction de ces nouveaux bateaux qui sont mis au service de ces différents secteurs de la pêche, nous pouvons aujourd'hui produire beaucoup plus.Il est généralement admis, M. le Président, que chaque pêcheur qui exerce effectivement son métier produit directement cinq emplois à terre pour la manipulation et le traitement et la transformation du poisson. Ceci, M. le Président, pour vous prouver que l'industrie de la pêche est nécessaire pour chacun des pêcheurs.Il y a sur terre cinq personnes qui travaillent: toutes les 100 livres de poisson débarquées à l'usine fournissent de $0.15 à $0.20 en gages et salaires, selon le degré de la mécanisation des usines. Les renseignements préliminaires sur les captures de l'année 1966 indiquent des débarquements s'élevant à au-delà de 144 millions de livres, soit 2 millions de plus qu'en 1965.

Les captures de hareng du printemps, dans les trappes, ont diminué de 18 millions de livres par rapport à 1965: compte tenu de ce fait il est évident que la flotte hauturière a accru sensiblement sa participation aux captures. En effet, elle est passée de 55% à 65%, de 1965 à 1966. Cela semble indiquer que la pêche côtière est en décroissance relative et que toute expansion substantielle ne peut venir que par la pêche hauturière.

Parmi les raisons qui militent en faveur du débarquement de la flotte, la rentabilité revêt, je pense, une importance majeure. Il y a, dans la province de Québec, des usines modernes et bien aménagées qui ont une capacité totate estimée à 180 millions de livres de poisson annuellement. Comme elles n'ont reçu qu'un total, cette année, de 108 millions de livres, il est manifeste que leur rentabilité est compromise devant l'utilisation insuffisante des investissements dans ces constructions.

La rentabilité dépend aussi de la durée des opérations. Pour la prolonger, il faut non seulement accroître le rayonnement d'action des na-

vires, couvrir un plus vaste territoire de pêche, et le reste, mais aussi, faut-il que les navires puissent opérer dans des conditions plus difficiles que ne peuvent affronter les petites unités. L'évolution est irrévocable. Les navires de pêche s'industrialisent de plus en plus, sont de plus en plus considérables, exigent beaucoup plus de compétence que leur équipage d'autrefois et réclament des capitaux que ne peuvent prélever les pêcheurs individuellement.

Tout indique donc que nous verrons de plus en plus d'entreprises devenir propriétaires de navires à plus fort tonnage. Alors, nous serons témoins d'une intégration verticale, c'est-à-dire de l'industrialisation plus marquée des pêcheries maritimes québécoises. Je tiens à vous faire remarquer que la pêche côtière n'est pas vouée à la disparition, M. le Président: non, pas totalement. Elle survivra et se maintiendra dans certains secteurs qui offrent des possibilités, aussi longtemps qu'il sera possible de maintenir un rapport satisfaisant entre les stocks et la récolte annuelle de poisson accessible aux pêcheurs côtiers. D'ailleurs, le métier de pêcheur cotier offrira de moins en moins d'attraits aux travailleurs ambitieux et le nombre de ces artisans diminuera graduellement.

Les nouvelles unités qui viendraient s'ajouter à la flotte du Québec ne seraient pas toutes de fort tonnage.Il est à prévoir que celles qui jaugent moins de 100 tonnes brutes continueraient à se multiplier ou du moins qu'elle remplaceraient constamment les unités mises au rancart par la désuétude ou la vieillesse. L'activité de ces unités est axée strictement sur le golfe Saint-Laurent et leur potentiel devra encore s'améliorer lorsque cette mer intérieure sera fermée complètement aux navires de pêche étrangers.

Il est encourageant, M. le Président, de constater l'amélioration dans la productivité des bateaux de certaines classes. Par exemple, capture moyenne en livres par unité:les gaspésiennes en 1965, 154,406 livres, et en 1966, 149,080 livres: les chalutiers de bois de 60 pieds, 533,918 livres, en 1966, 572,036 livres: les chalutiers de bois de 65 pieds, 691,988 livres, et remarquez la différence, elle augmente, 972,141 livres. Vous remarquerez ce bond gigantesque que l'on fait plus on augmente dans la qualité et surtout dans la grosseur des bateaux. Les chalutiers d'acier de 82 pieds partent de 1,435,916 pour 1965 et montent à 1,685,232 livres en 1966. Les chalutiers d'acier de 129 pieds partent de 3,382,634 livres en 1965 et vont à 3,758,905 livres en 1966.

La diminution, donc, du rendement des gaspésiennes est probablement attribuable au déplacement des stocks de poissons et à la limite des rayons d'action de ces bateaux. C'est bien sûr qu'avec le rayon d'action qu'ont les plus gros bateaux on va vers les pêches plus considérables parce que ce sont des territoires un peu moins visités. Toutes les autres classes s'améliorent grâce au perfectionnement professionnel de nos pêcheurs et surtout à leurs efforts plus soutenus.

L'importance de la formation professionnelle ne laisse aucun doute et combien elle est différente la formation de ceux qui ont passé par nos écoles et qui ont suivi des cours d'entraînement avec celle des gens qui pêchent le poisson, comme ça se faisait autrefois.Il y a une différence du tout au tout. M. le Président, c'est presque comparable, sans vouloir mésestimer ceux qui font la pêche hauturière entre celui qui irait faire un chantier avec une scie mécanique et avec un autre qui irait couper des arbres avec une « sciotte », autant de différence. Parce que le type qui a suivi ces cours devient un expert, devient un homme qui s'intègre avec le groupe et devient plus productif pour l'équipe elle-même avec laquelle il travaille.

Alors, les institutions spécialisées devront s'efforcer d'élever sans cesse le niveau de la formation pour que ces gens qui entreront dans le métier y trouvent une rétribution proportionnée à leurs efforts, et, de ce fait, puissent contribuer au développement de l'industrie des pêches que nous désirons accélérer et voir l'évolution se maintenir dans la province.

M. le Président, je sais que vous allez peut-être me dire que nous sommes loin du principe. Non, c'est le principe même de la loi que nous avons discuté en donnant à la Chambre certains détails supplémentaires qui peuvent, à mon sens, faire énormément de bien à la collectivité.Il est temps que l'on parle, chez nous, dans la province de Québec, de la paie des pêcheries maritimes. C'est un secteur important qui groupe des centaines et des milliers de familles qui y attachent leur vie, leur salaire et surtout leur réussite.Il y a eu une évolution considérable: nous ne pouvons pas être rétrogrades, nous ne pouvons pas revenir vers les vieilles formules. Il faut que notre législation soit opérante, je dirai même qu'elle doit être avant-gardiste pour rendre service aujourd'hui, en 1967, à ces gens qui, suivant les nouvelles techniques, doivent s'incorporer à ce développement: mais ils doivent apporter leur contribution et aussi se perfectionner, comme nous avons voulu que les bateaux s'agrandissent, pour répondre aux plus grands besoins de notre temps.

M. le Président, je voudrais encore vous entretenir de ce sujet qui me passionne particulièrement, malgré que certaines gens puissent penser que je l'ai superficiellement étudié.

Je n'ai pas eu le temps de faire tout mon cours, mais je dois dire que j'y ai apporté tout mon désintéressement et je suis allé personnellement visiter tous nos centres de pêche. Je suis allé aux Iles-de-la-Madeleine, où j'ai été bien reçu, bien acceuilli. D'ailleurs, le député, qui était accompagné de son maître, a été très charmant et m'a rendu le voyage très agréable. J'ai visité les principales installations. Je sais que le halage est maintenant terminé: cet hiver il a pu rendre de bien précieux services à ceux qui avaient à monter leur bateau. Maintenant que c'est terminé, nous allons commencer cette année un autre développement dans les Iles-de-la-Madeleine. A partir de Blanc-Sablon, j'ai visité tous les postes, un par un. Je me suis arrêté tout le long de la côte pour voir tout ce qui se faisait. C'est un voyage qui a duré sept jours et qui a été extrêmement utile. J'ai pu me rendre compte dans chacun des ports de ce dont on pouvait avoir besoin et surtout de l'idée que l'on se faisait de la pêche. J'ai visité aussi des usines à Riviêre-au-Tonnerre. J'ai visité l'usine de M. Tessier. J'ai visité aussi les deux grandes usines des Pêcheurs Unis et, en faisant le tour de Gaspé, j'ai pu constater qu'il y avait là un nombre assez considérable de vieux entrepôts frigorifiques qui avaient perdu leur sens et les raisons pour lesquelles ils avaient été construits. C'est devenu aujourd'hui commercial et ça sert plutôt au boucher de la place ou à certaines familles pour entreposer pendant un certain temps de la viande ou différentes sortes de choses et beaucoup moins de poissons.

C'est pourquoi je pense que nous serons appelés pendant quelques années à réétudier tout l'ensemble de ce problème et à faire disparaître certains entrepôts frigorifiques qui ne rendent plus service. Il y en a quelques-uns qui, l'an passé, n'ont presque rien produit. Admettons qu'ils ont produit 1,000 ou 1,200 livres de poisson qui ont coûté $6,000 à la province seulement en salaires et en entretien. C'est dépasser tout ce qu'on peut imaginer. Je dis qu'il y aura là une réforme, pas parce que nous voulons exercer une discrimination contre qui que ce soit, au contraire, nous voulons prendre le temps qu'il faut, prendre le temps de bien examiner chacun des cas en particulier et nous ne voulons causer aucun préjudice à ceux qui ont des droits acquis. Mais là où c'est devenu réellement déficitaire et là surtout où ce n'est plus utile pour les pêcheurs, je ne pense pas que la province soit obligée de garder des entrepôts frigorifiques pour rendre service à des bouchers ou à certaines autres personnes. Ce n'est pas pour ça que ç'a été fait.

Et nous voyons là une organisation qui fonctionne à plein rendement pendant des jours et des nuits, où parfois travaillent, deux ou trois personnes, qui coûte $9,000 à $10,000 par année et qui n'atteint pas le but pour lequel elle a été montée.

Donc, M. le Président, je suis particulièrement fier de vous dire que j'ai étudié bien sommairement le problème des pêcheries. Je dis sommairement, mais c'est un problème extrêmement compliqué. Il y a là des aspects considérables et des implications à la vie nationale qui sont énormes et je puis vous dire que j'ai apporté tout mon talent pour essayer de rendre service à ce secteur particulier du ministère du Commerce et de l'Industrie.

Je serais très heureux si la Chambre voulait voter unanimement ce crédit maritime et je suis assuré que les voix que nous entendrons seront en faveur d'un bill aussi progressif et qui demande dans la distribution de ces sommes, aujourd'hui un peu plus de millions peut-être, mais pour venir en aide à des gens qui en ont réellement besoin et pour appliquer aussi une politique progressiste et surtout une politique qui rendra service à tous nos pêcheurs.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bonaventure.

M. Gérard-D. Levesque

M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi que nous appuyons de toute évidence des deux côtés de la Chambre. Pour cette raison et également parce que le gouvernement précédent avait l'intention d'apporter le même projet de loi, mais un peu plus tôt, je dois dire que je suis moins impressionné par le bill lui-même que par les progrès évidents qui sont ceux du ministre de l'Industrie et du Commerce dans le domaine de la pêche. Ses nouvelles connaissances sont certainement à son crédit. Nous sommes très heureux de voir l'intérêt qu'il porte à ce domaine éminemment important dans l'économie du Québec qu'est celui des pêcheries. Et c'est à se demander si chacun des 108 députés de cette Chambre n'aurait pas avantage à faire la même expérience un jour ou l'autre.

Voici une région — celle de la Gaspésie, des Iles-de-la-Madeleine, de la Cote-Nord — sur laquelle on se plaît, particulièrement en temps d'élection, à pleurer. On se plaît, à gauche et à droite, spécialistes et profanes, à déplorer la situation économique qui est la part de trop de citoyens qui habitent ce territoire. On déplo-

re certaines conditions, mais d'un autre côté, on ne semble pas, lorsque le moment est venu, apporter l'intérêt qu'il faut à trouver des solutions pour améliorer les conditions de vie de la population de tout ce grand territoire. Or, voici un exemple d'un projet de loi qui favorise directement l'économie de la région concernée.

Ce projet de loi favorise l'économie et, cela, au primaire, au secondaire et au tertiaire à la fois. Au primaire, cette loi permettra aux pêcheurs d'augmenter leurs captures et, éventuellement, d'augmenter leurs revenus. Au secondaire, cela permettra de mieux approvisionner les usines de transformation du poisson, particulièrement dans les grands centres de pêche de la Cote Nord, des Iles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie. Et dans le domaine tertiaire, cela stimule la construction des navires de pêche et ainsi, de nombreux citoyens de la région concernée vont bénéficier directement des bons effets de cette loi.

J'ai dit tout à l'heure que nous devions — c'est-à-dire — l'administration précédente présenter ce projet de loi. C'était la continuation d'une politique que nous avons voulue dynamique, que nous avons voulue au service de la population, de la Gaspésie, des Iles-de-la-Madeleine et de la Cote-Nord en particulier, mais également, au service de la province en général.

Il faut retourner en 1943 pour voir comment a débuté ce crédit maritime, particulièrement en ce qui concerne la première partie du projet de loi que nous avons devant nous.

En effet, l'article 1 de ce bill mentionne simplement le changement de $325,000 en $500,000. Or, il faut retourner en 1943 pour voir que la première loi du genre — que l'on retrouve au chapitre 34, 1943, 7, Georges VI, et qui fut sanctionnée le 23 juin 1943 — cette première législation, prévoyait un crédit de $75,000, soit la création d'un fonds de $75,000 comme garantie des prêts faits aux coopératives. Nous voyons par la suite qu'en 1949, ce montant de $75,000 fut porté à $200,000 et nous retrouvons cette augmentation inscrite au chapitre 58, 1949, 13, Georges VI, dans une loi sanctionnée le 17 février 1949.

Ce montant de $200,000 fut ensuite porté à $250,000 en 1950 et 1951 et, à ce moment-là, on ajoutait les caisses populaires aux coopératives comme bénéficiaires des avantages de cette loi. En 1952-53, 1, 2, Elizabeth II, au chapitre 25, nous trouvons que le montant est porté à $325,000 et ce montant, aujourd'hui, on nous propose de le porter à $500,000. Nous aurons l'occasion en comité de poser certaines questions au ministre qui nous a déjà informé sur l'utilisation du montant déjà autorisé, mais, pour plus de clarté et pour plus de précision, j'attendrai d'être en comité.

Quant à la deuxième partie du projet de loi, il s'agit de porter de $2 millions à $3 millions le montant des prêts consentis pour la construction et la réparation des bateaux de pêche. Eh bien, c'est à cela en particulier que je référais il y a quelques instants en parlant du stimulant apporté à l'industrie primaire, à l'industrie secondaire et à l'industrie tertiaire: c'est, en effet, grâce à une augmentation de $1 million dans les prêts consentis que nous pourrons voir la flotte de pêche continuer à s'agrandir, les usines de transformation, recevoir plus de poisson et fonctionner à capacité si possible et que nous pourrons voir les chantiers maritimes continuer leur travail qui est de fournir aux pêcheurs les outils dont ils ont besoin pour aller chercher le poisson où il est.

De plus en plus, nous nous rendons compte que le poisson doit être pêché dans des plus grands rayons d'action. Nous avons au Québec, des concurrents très importants, très sérieux, nous avons les provinces voisines, celles de l'Atlantique, mais nous avons en plus les pêcheurs étrangers qui nous arrivent de tous les pays d'Europe, particulièrement de la Russie Soviétique.

Et ce sont des usines flottantes qui sont là, soit dans le golfe, soit un peu à l'extérieur du golfe Saint-Laurent, dans l'Atlantique nord et qui viennent près de nos côtes prendre le poisson qui normalement devrait faire la richesse de la province de Québec. C'est dans cet esprit que je disais tout à l'heure que plus de députés dans cette Chambre — et ceci n'est pas un reproche, mais simplement une invitation — devraient faire le travail que s'est imposé celui qui avait la responsabilité de présenter cette loi devant la Chambre.

Nous nous apercevrons à ce moment-là qu'il y a là tout un monde, qu'il y a là toute une ressource, qu'il y a là une ressource peut-être secondaire dans le grand contexte québécois mais une ressource essentielle, vitale et primordiale lorsque l'on considère le territoire de l'Est du Québec.

Pour les gens visités par le ministre de l'Industrie et du Commerce lorsqu'il parlait de sa visite à Blanc-Sablon, pour ces gens-là qu'il a eu l'occasion de rencontrer et que j'ai rencontrés également, c'est toute la vie, c'est toute la richesse, c'est un revenu et un revenu unique, si on excepte les allocations sociales. Pour plusieurs endroits de la Gaspésie, c'est le revenu principal et pour les Iles-de-la-Madeleine, c'est l'industrie première et donc, dans toute cette région de l'Est du Québec, il n'y a aucun doute,

que ce projet de loi ne peut laisser indifférents les citoyens, les centaines de mille citoyens de la région de l'Est du Québec qui sont affectés directement ou indirectement par l'essor des pêcheries au Québec.

C'est tellement important d'apporter les subsides et les prêts nécessaires en ce domaine, que je me rappelle qu'en 1960, lorsqu'on m'a confié la direction du ministère qui s'appelait alors le ministère de la Chasse et des Pêcheries, j'ai été impressionné d'une façon un peu défavorable lorsque visitant les Iles-de-la-Madeleine, je trouvais à Havre-Aubert en particulier, une usine moderne mais fermée. Je m'enquis de la raison de cet état de choses et on m'a répondu tout simplement: C'est qu'il n'y a pas assez de poissons. Evidemment, nous devons nous rappeler qu'il y a peu d'années, nous n'avions que la pêche côtière dans la province de Québec et qu'à un moment donné, on s'est aperçu que ceux qui s'adonnaient à cette pêche diminuaient continuellement, étaient attirés, particulièrement les jeunes, par des profits plus immédiats, par des revenus plus attrayants et que bientôt on verrait, peut-être, la diminution puis la disparition de la pêche au Québec. C'est alors que le gouvernement du temps a décidé d'entrer dans le domaine de la pêche hauturière. Mais, il fallait aller vite et encore plus vite et il fallait non plus des cordiers, non plus des gaspésiennes, non plus des chalutiers de petit tonnage mais il fallait se diriger le plus rapidement possible vers des bateaux plus nombreux oui, mais également vers des bateaux plus grands, des bateaux à plus grand rayon d'action.

C'est ce que nous avons fait, lorsqu'en 1960-61, dans une loi sanctionnée le 25 mai 1961, nous portions de $1,500,000 le montant consacré aux prêts pour la construction et la réparation des navires de pêche. En 1963, le 4 avril, était sanctionnée une nouvelle loi qui portait ce montant à $2 millions et, aujourd'hui, c'est ce montant de $2 millions qu'on nous propose déporter à $3 millions. C'est donc avec enthousiasme, et avec l'assurance de la nécessité de ces fonds pour garantir un essor continu au domaine de la pêche, que nous approuvons la teneur de cette loi.

Il faut, à ce moment-ci, penser également à la pêche côtière.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LEVESQUE (Bonaventure): A la pêche côtière. Le ministre en a parlé il y a quelques instants: je suis d'accord avec lui pour dire que la pêche côtière doit se poursuivre, particulièrement de certaines espèces — et c'est de toute évidence — comme le homard, le hareng, etc. Dans maints endroits de la province, la pêche côtière est encore celle qui assure le pain quotidien de plusieurs familles. Mais, cependant il faut bien se rendre compte des difficultés que la pêche côtière éprouve, et continuera d'éprouver: je crois que le gouvernement doit continuer, dans la mesure du possible, à aider et à soutenir les pêcheurs bona fide qui s'adonnent encore à la pêche côtière.

J'ai lu, comme le ministre, les recommandations du BAEQ: nous aurons certainement l'occasion, particulièrement lors de l'étude des crédits du ministère, de revenir sur plusieurs de ces recommandations, car je crois qu'il serait peut-être difficile, sans sortir de la portée immédiate du bill et du principe que nous étudions en deuxième lecture — de pouvoir rendre justice à ceux qui ont préparé ces recommandations.

Nous avons, en 1960 et 1961, introduit le bateau d'acier dans la province de Québec. Le ministre parlait, tout à l'heure et vendredi, d'une position avant-gardiste. Je ne crois pas que l'on puisse parler d'avant-gardisme dans le domaine des pêcheries au Québec, malheureusement! En 1951-52, lorsque l'on a introduit les bateaux de pêche en bois, on était déjà en retard sur les autres provinces de l'Atlantique et lorsque nous avons introduit ce que nous appelons le prototype du bateau de pêche en acier en 1961, le Bienvenu, nous n'étions pas encore avant-gardistes et aujourd'hui, alors que nous sommes sur la voie des navires plus gros à plus grands rayons — et je pense en particulier à l'Unipec, mentionné par le ministre il y a quelques instants — nous ne sommes pas encore avant-gardistes: nous avons encore du chemin à parcourir, mais disons que nous sommes sur la bonne voie.

Evidemment, nous avons eu peu de temps et nous devons vivre avec nos moyens, avec nos ressources.

Mais nous devons également — et c'est la seule justification que j'apporte à la lenteur dans le domaine de la construction des navires et des montants mis à la disposition des pêcheurs — il n'y a qu'une justification que nous devons reconnaître, c'est que nous avons de la difficulté à avoir des équipages, il faut entraîner des hommes pour pouvoir manoeuvrer des navires aussi imposants. Il faut bien se rendre compte que des navires comme l'Unipec, qui a été lancé il y a quelques mois, sont de petites usines et qu'il faut à bord des techniciens, des gens qui connaissent l'électricité, la plomberie, l'électronique, qui doivent en plus connaître tous les secrets de la marine, de la navigation, et évidemment de la pêche.

Alors pour préparer de tels hommes... M. BELLEMARE: La réfrigération.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ...et la réfrigération et plusieurs autres disciplines. Alors, disons qu'il y a là assez de justifications qui fait qu'on ne peut pas bâtir de bateaux plus rapidement que l'on a d'hommes pour les diriger et s'occuper des manoeuvres qui s'imposent sur chacun de ces navires. Mais disons que nous devons — et je crois que c'est la responsabilité du gouvernement — nous devons faire en sorte de donner à cette industrie de la pêche au Québec, toutes les facilités possibles, tout l'encouragement possible car, il y a là, je le crois, un avenir, tout à fait nouveau, très prometteur et les ressources sont à nos portes. Et, il y a là une population qui désire vivre de la pêche, qui désire vivre également de tout ce qui entoure les opérations de la pêche: ceux qui travaillent dans les usines à terre, ceux qui travaillent au transport en camion, ceux qui travaillent à la construction des navires, enfin il y a énormément de personnes qui sont affectées, sinon directement, au moins indirectement par l'activité de la pêche, particulièrement dans le territoire que je décrivais il y a quelques minutes.

Nous avons voulu — et je vois avec plaisir, que cela se continue, que c'est la politique du gouvernement actuel — mais nous avons voulu dis-je, apporter, lorsque nous avions cette responsabilité, toutes les facilités possibles au domaine de la pêche: c'est dans cet esprit, c'est dans ce contexte que nous avons favorisé la construction sur place des navires. Je songe à Gaspé, où l'on construit des navires de bois, je songe en particulier à Paspébiac où l'on a établi un chantier maritime pour la construction des bateaux d'acier. Au moment où nous avons fait cela, c'est en 1961-1962, plusieurs doutaient de la possibilité d'établir en Gaspésie un chantier maritime où l'on construirait des produits aussi complexes qu'un navire, et cela en acier...

M. BELLEMARE: A Paspébiac.

M. LEVESQUE (Bonaventure): A Pasbébiac. Et, depuis ce temps-là, les navires se succèdent.

M. BELLEMARE: Ils coulent.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je respecte les raisons données par le ministre vendredi.

M. BELLEMARE: Je suis allé le voir celui-là, Il a coulé.

M. LEVESQUE (Bonaventure): De nombreux navires subissent et qui ont subi toutes les inspections des gens les plus avertis dans le domaine et le chantier est déjà reconnu comme un des meilleurs de la province et de l'Est du pays, et cela ne fait que quatre ou cinq ans qu'il produit. Alors il y a des possibilités, justement, d'apporter autour des pêches, toutes les facilités possibles pour encourager les pêcheurs pour leur permettre, comme c'était le cas du chantier maritime d'avoir leur service à même pour ne pas être obligé de remonter le fleuve Saint-Laurent ou d'aller dans les Maritimes, à Saint-Jean, ou Halifax pour recevoir les services et faire effectuer les réparations qui s'imposent.

M. BELLEMARE: D'accord!

M. LEVESQUE (Bonaventure): Alors je crois que nous sommes sur la bonne voie.Il faut continuer. J'entends dire que le plan de halage est terminé maintenant aux Iles-de-la-Madeleine, c'est une excellente nouvelle. Il faut, autrement dit, donner toutes les facilités possibles à nos gens, et c'est dans cet esprit également que se construit présentement le complexe le plus moderne de pêche à Rivière-au-Renard. Il n'y a aucun doute que ceci entre, non pas seulement dans l'esprit de ceux qui ont la direction des pêcheries au Québec, mais également dans les préoccupations de ceux qui ont eu à faire des recommandations sur le sujet, et je pense particulièrement aux recommandations du BAEQ.

M. le Président, je ne veux pas prolonger inutilement le débat, car nous sommes tous d'accord, mais je crois cependant qu'il faut, à un moment donné, particulièrement dans une occasion comme celle-ci, attirer l'attention des honorables membres de cette Chambre sur l'importance des pêcheries, l'importance des régions qui en vivent et également l'importance de continuer à donner à cette ressource importante tout l'essor qu'elle mérite.

En terminant, je voudrais simplement faire une mise en garde. Je connais bien le ministre de l'Industrie et du Commerce, je le connais disons assez bien, et je m'adresse en ce moment-ci au chef de l'Opposition qui vient de me poser une question au sujet du ministre de l'Industrie et du Commerce...

M. BERTRAND: Ce n'est pas nous qui vous avons interrompu!

M. BELLEMARE: Qu'est-ce qu'il vous a demandé?

M. LEVESQUE (Bonaventure): Sans vouloir faire de mise en garde, cependant j'aimerais peut-être attirer l'attention du ministre sur un petit détail. Le projet de loiportede$2 millions à $3 millions le montant affecté aux prêts qui doivent être consentis aux pêcheurs pour la construction et la réparation des navires. Mais il faut bien se rappeler que la loi permet au ministre d'utiliser $3 millions pour les prêts...

M. BELLEMARE: Oui, par année.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... mais il s'agit de voir comment le ministre des Finances, le député de Saint-Jacques, va se conduire. La loi peut autoriser le ministre à consentir ces prêts jusqu'à concurrence d'un montant de $3 millions, mais il faudra bien s'assurer que le ministre des Finances ne vienne pas mettre de bois dans les roues.

M. BELLEMARE: C'est arrangé ça!

M. LEVESQUE (Bonaventure): C'est arrangé?

M. BELLEMARE: Il n'y a pas de danger.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Alors nous serons très heureux, l'an prochain...

M. BELLEMARE: On a commencé par s'entendre chez nous avant d'aller sur la place publique.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ..„ ou dans quelques mois d'être informés sur la façon que le montant a été utilisé. Et, avec l'assurance que semble me donner présentement le ministre de l'Industrie et du Commerce, je souscris à la teneur de ce bill et il me fera plaisir de voter pour ce projet de loi en deuxième lecture.

M. BELLEMARE: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Nord.

M. François Gagnon

M. GAGNON: M. le Président, très brièvement, je voudrais donner mon point de vue sur le bill numéro 10 qui est un bill très important déposé devant la Chambre et qui concerne surtout ma région et mon comté.

D'abord j'ai l'impression très nette que la visite que l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce faisait l'été dernier dans la région de la Gaspésie l'a sans doute inspiré dans la rédaction de ce projet. On sait que, dans le passé, tous les ministres qui ont eu à administrer le domaine des pêcheries maritimes étaient de la Gaspésie.

Mais, cette année, le ministre — dont le comté était situé à plus de 500 milles, alors qu'il était, à cette période, aux prises avec des grèves d'une importance considérable, et qu'il était, de plus, ministre du Travail — je n'ai pas besoin de vous dire qu'il a montré là une considération toute particulière aux besoins de la région et qu'il a montré également son désir d'améliorer le crédit maritime.

Vous savez, monsieur le ministre — vu sa virilité, je ne voudrais pas trop le flatter non plus — mais tout de même, je sais qu'il l'a fait avec beaucoup de dévouement et il l'a fait à une époque où, sans doute, son travail l'aurait requis à Québec, parce qu'il était accaparé par toutes sortes de problèmes. Alors, au nom de la population, je lui rends ce mérite d'être venu dans la région et d'avoir parcouru chaque établissement du ministère, d'avoir rencontré les employés, même si ça ne faisait pas tellement longtemps qu'ils étaient à l'emploi du ministère, soit depuis cinq ou six ans.Il est allé sur place discuter avec les personnes intéressées — celles qui avaient les mains à la pâte — afin de connaître le problème et d'essayer par les lois de lui apporter les améliorations qui s'imposent.

Or, le bill qui est devant la Chambre touche en réalité, à peu près pour 100% du montant que l'on prévoit, la région de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine. J'ai l'impression en lisant le bill qu'il y a deux parties de crédit: le premier, celui qui touche... On appelle ça en langage comptable, l'inventaire mouvant, c'est-à-dire ce qui peut s'appliquer à l'acquisition d'agrès de pêche: l'autre partie du $1 million s'applique à l'inventaire capital, c'est-à-dire à la construction ou à l'amélioration des navires.

Or, il n'y a aucun doute qu'en présentant ce bill, on prouve que les pêcheries maritimes continuent d'évoluer et de recevoir des gouvernements une attention très particulière. Si l'on se rappelé que, depuis quelques années, dans les pêcheries maritimes comme dans d'autres domaines, l'évolution est très forte et que les gouvernements, par ailleurs, ont obligation de mettre les sommes nécessaires à la disposition de cette industrie afin qu'elle aussi puisse suivre et évoluer au même titre que les autres industries.

Je dirais qu'il y a deux sortes de pêcheries, — mon collègue de Bonaventure en a parlé — les pêcheries côtières et les pêcheries hautu-

rières. Je crois que la pêcherie côtière, en ce qui concerne surtout mon comté est appelée — peut-être malheureusement ou heureusement, je ne sais pas — à disparaître, surtout en ce qui concerne celle de la morue. Il y a des éléments qui, aujourd'hui, entrent en cause et qu'on ne peut empêcher à cause de la technique qui s'impose.

D'abord on fait la pêche avec les chalutiers et, à ce moment-là, peut-être sous les aspects un peu de la contrebande, on en profite durant la nuit pour « drainer » des filets, ce qui, selon la version des pêcheurs, dérangerait énormément le lit de la morue et qui même à certains moments la chasserait. Les pêcheurs côtiers ont à souffrir de cette pêche qui également rarifie le produit.Il n'y a aucun doute que ceux qui font la pêche côtière sont surtout des personnes âgées et on ne peut pas penser qu'ils puissent s'organiser et emprunter des montants considérables pour essayer d'améliorer leur sort. Si l'on considère qu'une pêcherie côtière bien organisée peut coûter à un pêcheur $7,000 à $8,000, eh bien, à ce moment-là, on conçoit qu'il s'agit de quelque chose qu'il a payé avec son gagne-pain et qu'il est difficile pour lui de s'en départir.

Mais je crois que le gouvernement, tout en ne recommandant pas à des jeunes sujets la pêche côtière, doit tout de même essayer de trouver des solutions, et d'apporter une aide quelconque afin de maintenir ceux qui sont dans ce domaine, parce qu'on y rencontre énormément de difficultés. L'année dernière, j'avais l'occasion de visiter le comté, et il y avait un pêcheur qui me disait que dans cinq jours de pêche il avait fait $2.75: c'était un pêcheur côtier.

Toutes les circonstances que je viens de relater, ainsi que d'autres entraient en cause et cela ne lui permettait pas d'aller chercher un revenu convenable, suffisant pour faire vivre sa famille. Il y a aussi la pêche hauturière et celle-là, il faut qu'elle suive l'évolution, il faut qu'elle reçoive toute l'attention qu'elle mérite. Je me rappelle avoir lu qu'au Japon — c'est peut-être un peu loin, mais tout de même, le monde devient de plus en plus petit avec les moyens de communication — on expérimente actuellement la pêche sous-marine, c'est-à-dire que des sous-marins de poche trafnent des filets derrière eux et pénètrent dans des bancs de poissons qu'ils recherchent. Il n'y a aucun doute que dans un avenir plus ou moins rapproché, dans notre région, la nécessité s'imposera à nous d'avoir les mêmes améliorations.

Il y a aussi ces usines flottantes où on prend le poisson, le transforme, le congèle et le prépare à la mise en marché. C'est dire qu'à ce moment-là, ceux qui font cette pêche doivent aller dans des endroits plus éloignés où la pêche est plus abondante parce que les bateaux se font plus rares et qu'il sera probablement encore nécessaire que des améliorations soient pensées en fonction de cette évolution au domaine des pêcheries. Le domaine des pêcheries, oui, il a évolué. Et celui qui parle en sait quelque chose puisqu'à la suite de la construction d'une usine de transformation du poisson à Rivière-au-Renard dans le comté de Gaspé-Sud, en vertu des études qui ont été effectuées par le BAEQ, on a fermé trois usines dans mon comté, soit à Cloridorme, à Grande-Vallée et à Saint-Maurice-de-1'Echourie. A ce moment-là, nécessairement, on a mis sur le pavé des hommes qui travaillaient à ces endroits. Mais on ne pouvait pas faire autrement et je le comprends très bien, vu la concurrence de plus en plus forte sur le marché. Il était nécessaire qu'une usine très moderne aille chercher la pêche dans des entrepôts plutôt petits, qui fonctionneraient, disons, sur une échelle de paroisse, et les centralise à un endroit où on travaillerait sur une grande échelle, à un coût moindre, avec tout l'appareil, toutes les machineries modernes nécessaires pour réduire le coût de la transformation et concurrencer les prix du marché.

Je n'ai aucun doute que l'honorable ministre étudie les conséquences qui s'ensuivent à la suite de cette transformation dont mon comté est celui qui a été le plus affecté et je n'ai aucun doute également qu'on essaie de trouver des solutions afin d'assurer de l'emploi dans cette région.

M. le Président, le bill qui est devant nous recevra, j'en suis sûr, comme on l'a témoigné, l'attention de la Chambre et l'unanimité. Il permettra aux pêcheurs de recevoir des sommes d'argent en vertu de prêts qui sont consentis par des institutions financières, particulièrement en ce qui concerne notre région par les caisses populaires. Il permettra à ces derniers de mieux s'organiser. Il permettra également une modernisation et un revenu net plus considérable qui situera le citoyen de cette région pour ce qui est de son revenu per capita, je l'espère, au niveau de celui de l'autre province puisque — le député des Iles-de-la-Madeleine en sait quelque chose ainsi que le député de Bonaventure — nous sommes dans une région où le revenu per capita est l'un des plus bas et c'est avec des mesures comme celles-là que les travailleurs seront en mesure d'améliorer leur situation pour avoir un revenu plus considérable. C'est pour cela qu'il me fera plaisir d'appuyer le bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine.

M. Louis-Philippe Lacroix

M. LACROIX: Inutile de vous dire, M. le Président, que l'étude du bill no 10, qui est actuellement devant nous, intéresse au plus haut point la population que j'ai l'honneur de représenter puisque, comme je le disais jeudi dernier, ce comté des Iles-de-la-Madeleine est le seul comté du Canada dont la population vit exclusivement de la pêche et des industries connexes.

Les 13,500 habitants des Iles-de-la-Madeleine comptent uniquement sur la pêche pour assurer leur vie quotidienne.

Comme l'ont dit tout à l'heure le député de Bonaventure et celui de Gaspé-Nord, et comme j'en discutais également avec mon collègue du comté de Duplessis, ce projet de loi nous l'approuvons entièrement et nous espérons qu'il apportera à notre population une amélioration puisqu'il permettra d'allouer des sommes plus considérables à l'industrie de la pêche pour augmenter le rendement de la pêche hauturière et également améliorer la situation de la pêche côtière.

J'ai écouté attentivement l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, vendredi et aujourd'hui, faire un long exposé sur les problèmes des pêcheries et je suis heureux de constater qu'il s'intéresse de près à nos problèmes. Comme il le disait, les problèmes des pêcheries sont fort complexes. Je crois qu'il comprendra et qu'il admettra avec moi que les problèmes des pêcheurs comme ceux des autres secteurs ne se résoudront pas à partir des bureaux des fonctionnaires mais qu'ils doivent s'étudier dans le milieu même afin que des solutions soient apportées et qu'au ministère on puisse concrétiser les désirs de la population.

Et dans ce domaine particulier des pêcheries je crois qu'il y a avantage à ce qu'il y ait un dialogue constant et que les pêcheurs eux-mêmes soient consultés. Chez nous, aux Iles-de-la-Madeleine, la pêche côtière n'est pas prête de mourir. Quand on parle des pêcheries commerciales de la province de Québec, toujours on pense en fonction de la Gaspésie, et pourtant les Iles-de-la-Madeleine sont, devraient être le coeur des pêcheries commerciales de la province de Québec puisque plus de 50% de la valeur totale des pêcheries commerciales de la province de Québec proviennent des Iles-de-la-Madeleine.

Si vous ajoutez la valeur des captures du homard, le hareng, la morue, vous verrez que les Iles-de-la-Madeleine produisent plus que 50% de la valeur totale des pêcheries commerciales de la province de Québec.Il y aurait possibilité d'augmenter encore considérablement ce résultat. En 1951, on a commencé à améliorer la situation des pêcheries par la construction de chalutiers de bois et, depuis 1951, il y a eu des progrès certainement, mais des chalutiers qui ont été lancés en 1951 il y en a bien peu qui sont aujourd'hui en service. Il y en a bien peu, il peut y en avoir quelques-uns, mais fort peu. Mais il reste...

M. BELLEMARE: M. le Président, je ne peux pas permettre à l'honorable député...

M. LACROIX: Si vous voulez me donner la liste des chalutiers de 1951 qui sont encore en service.

M. BELLEMARE: Oui, d'accord, M. le Président, de 1951 en service, aucun.

M.LACROIX: Ils ont commencé en 1953. M. BELLEMARE: D'abord, c'est 1953. M. LACROIX: Je m'excuse, en 1953.

M. BELLEMARE: En 1953, alors en 1953, il y a le comté de Bonaventure, il y a le Marianna O, il y a ensuite celui de Elizabeth G.

M. LACROIX: Ils ont capturé combien de poissons cette année?

M. BELLEMARE: Plusieurs.

M. LACROIX: Il reste que...

M. LESAGE: Combien de quintaux?

M. BELLEMARE: De quintaux, plusieurs.

M. LACROIX: En 1953, on a commencé la construction...

M. BELLEMARE: Si le député veut me le demander, je vais lui répondre. Je l'ai ici, je vais prendre un petit peu plus de temps, ça va le déranger un peu dans son discours. Remboursement, valeur du remboursement, valeur du débarquement $14,559.14 en 1965-66, l'autre le Marianna O, il a débarqué en... Je suis assuré que si le député... je ne suis pas contre le député quand j'affirme... Je ne vais pas si loin que ça. Mais je dis que ces bateaux il a raison, ces bateaux-là sont...

M. LACROIX: Ils sont fatigués.

M. BELLEMARE: Oui c'est sûr. Il y a une chose certaines c'est qu'il faudrait penser que ces bateaux-là ont coûté énormément d'argent à la province déjà puis on les maintient mais que on essaye présentement ... le député pourrait être intéressé à les récupérer pour les réparer et les retourner à la pêche qu'on veut faire à Matane sous la direction du capitaine Soucy.

M. LACROIX: Pour les crevettes.

M. BELLEMARE: On essaie de réparer ces bateaux qui ont plus d'âge, et dès cette année, nous aurons à la disposition du capitaine Soucy deux de ces bateaux qui seront aménagés pour les crevettes. Et nous allons graduellement augmenter le nombre de ces bateaux pour la pêche aux crevettes. D'ici quatre ou cinq ans, il va y avoir là toute une expansion considérable.

M. LACROIX: Je crois qu'il serait préférable que vous fassiez des recherches au départ pour savoir s'il y aura des crevettes suffisamment pour les bateaux que vous avez l'intention de consacrer à cette industrie.

M. BELLEMARE: Je ne voudrais pas que ça fasse une assemblée contradictoire, mais ce qu'on a vu l'année dernière, c'est fantastique.

M. LACROIX: Ce que je voulais dire c'est que les chalutiers qui ont été construits à partir de 1953 pour les pêcheurs des Iles et qui sont encore en service sont fatigués: naturellement, ces bateaux demandent encore aujourd'hui beaucoup de transformations. Au départ, les premières années, quand les bateaux devaient être améliorés, c'était la responsabilité du capitaine. Depuis quelques années, deux ou trois ans, le ministère, après de nombreuses requêtes qui lui ont été faites, a consenti à financer lui-même ces améliorations, et cela a permis d'améliorer la situation chez nous. Mais tout de même, ce à quoi je veux en venir, c'est que les Iles-de-la-Madeleine devant à mon point de vue être le coeur des pêcheries commerciales de la province, le ministre devrait, le plut tôt possible, convaincre son collègue à l'Agriculture, afin que, par le plan d'ARDA, le centre dépêche des des Iles-de-la-Madeleine soit décidé dans le plus bref délai, ce qui nous permettra de recevoir des chalutiers plus considérables, plus gros, des chalutiers qui pourront aller chercher à l'extérieur du golfe la matière première nécessaire aux opérations de nos usines de transformation pour le poisson, parce que, depuis plusieurs années, les stocks de poissons du golfe sont surexploités, et il est indéniable que la quantité et la qualité du poisson ont diminué considérablement.

Si vous prenez les statistiques de 1965-66, vous verrez que notre flotte de pêche hauturière n'a pas capturé plus de morues que nos pêcheurs côtiers en capturaient il y a dix ans. Il faut absolument prévoir, dans le plus bref délai, la construction, pour les Iles-de-la-Madeleine, de chalutiers de fort tonnage qui pourront aller chercher à l'extérieur du golfe la matière première pour fournir du travail à notre main-d'oeuvre. Et les Iles-de-la-Madeleine doivent être le coeur des pêcheries commerciales de la province de Québec parce que nous sommes situés en plein golfe et les chalutiers qui doivent passer près de chez nous pour venir en Gaspésie ont quinze heures de marche à faire, aller et retour, ce qui fait trente heures de marche improductive à chaque voyage. Je crois qu'aux Iles-de-la-Madeleine, nous avons besoin, comme en Gaspésie, de capitaux pour permettre la transformation de poissons en quantité plus considérable, ce qui permettrait à notre population également de vivre de son travail, et tous les gens chez nous sont désireux de vivre de la pêche et des industries connexes.

Quant à la pêche côtière, je disais tout à l'heure que la pêche n'était pas près de s'éteindre chez nous. Il y a trois ans, en 1963, j'ai fait faire par un jeune homme de chez nous, un M. Cyr de l'Etang du Nord, un bateau de pêche de 40 pieds à l'échelle d'un pouce au pied pour le pêcheur côtier. Ce modèle-là est encore chez vous, à votre ministère, et j'espère que, même s'il y a eu changement de gouvernement, ce bateau-là ne changera pas de nom et qu'il reviendra à mon bureau puisqu'il a servi de modèle pour les bateaux de pêche de 40 pieds, les bateaux polyvalents que nous voulions pour les pêcheurs côtiers.

M. BELLEMARE: Il est au Musée.

M. LACROIX: Ce sur quoi je veux insister, c'est que les gouvernements, autant provincial que fédéral, n'hésitent pas à investir des sommes très considérables pour la pêche hauturière, mais quand il s'agit de prêter de l'argent aux pêcheures côtiers pour pouvoir s'organiser de façon adéquate, on hésite beaucoup plus et on place le pêcheur côtier devant des moyens de remboursement qui sont un peu difficiles. Le pêcheur hauturier emprunte, le gouvernement avance 90% de la valeur du montant qu'il doit financer pour l'achat de son bateau et, par

la suite, il rembourse le gouvernement à temps pour cent de la valeur de ses captures brutes. Tandis que le pêcheur côtier qui doit s'endetter de quelques milliers de dollars doit rembourser sur une période déterminée, et la loi du crédit maritime, à l'heure actuelle, établit qu'il doit rembourser sur une période de cinq ans.

Il doit, à ce moment-là, faire face à des obligations fixes alors que ses revenus sont fort aléatoires, comme vous le savez, dans la pêche. Je crois que le pêcheur côtier surtout quand on parle d'un bateau polyvalent, des bateaux de 40 à 45 pieds, devrait pouvoir également rembourser à tant pour cent de la valeur des captures brutes. Quand on parle d'un bateau côtier de 40 pieds qui coûte, par exemple — le bateau et les casiers pour le homard si vous prenez la seine pour le hareng et le maquereau et tous les autres agrès de pêche que cela prend — ça peut monter à peu près à $20,000. Et si vous l'obligez à rembourser $4,000 par année, alors qu'il ne sait pas quelle sera la valeur exacte de ses revenus, il s'embarque dans une galère ou il refuse de s'y embarquer plutôt, parce qu'il a peur que ses revenus ne soient pas suffisants pour lui permettre de faire face à ses obligations.

M. BELLEMARE: Le député devrait dire aussi qu'il y a 25% de dons par le provincial, 25% présentement...

M. LACROIX: Sur le coût du bateau et les agrès fixes.

M. BELLEMARE: Oui et puis on est actuellement à transiger avec le gouvernement fédéral pour une augmentation 50-25, ce qui fait 75%.

M. LACROIX:Il reste tout de même que le bateau et le moteur coûtent $14,000...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas $5,000 ou $6,000 par année qu'il a à rembourser.

M. LACROIX: A l'heure actuelle, si M. le Ministre me le permet, je lui dirai que nos bateaux de 40 pieds, tel qu'on veut les équiper, coûtent $14,000, bateau et moteur.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LACROIX: Vous avez 300 casiers à homard qui coûtent $1,500.

M. BELLEMARE: Cela fait $6,000 en tout. M. LACROIX: Vous avez une seine à hareng et à maquereau, une seine danoise qui coûte à peu près de $4,000 à $5,000.

M. BELLEMARE: $5,000 à $6,000 d'agrès, d'accord.

M. LACROIX: C'est plus que ça quand on veut parler du bateau polyvalent qui va faire, premièrement, la pêche du printemps, la pêche du hareng, la pêche du homard, la pêche de la plie et de la morue et la pêche du maquereau. Il faut qu'il soit équipé pour toutes ces pêches-là.

Le problème chez nos pêcheurs... Prenez les pêcheurs aux homards, il font des revenus substantiels mais la période de travail n'est que de deux mois, du 10 mai au 10 juillet. Par la suite, les bateaux de 28 pieds avec lesquels ils vont pêcher le homard ne répondent pas aux besoins pour faire la pêche au hareng, pour faire la pêche au maquereau et la pêche à la plie. Pour la morue, ça peut aller quand la morue se tient près des côtes mais, normalement, chez nous, il n'est pas rare que nos pêcheurs doivent aller à 15 ou 20 milles de la côte pour aller pêcher avec ces bateaux-là. Et je crois que l'on doit étudier le problème des pêcheurs côtiers et, dans le rapport du BAEQ, dans le plan il est prévu qu'aux Iles-de-la-Madeleine la pêche côtière doit subsister et on doit faciliter la tâche l'organisation de nos pêcheurs côtiers pour qu'ils soient en mesure d'aller gagner en mer les revenus nécessaires à leur subsistance.

Je puis assurer le ministre que nos pêcheurs sont assez vaillants, ils sont assez fiers de leur métier qu'ils préfèrent aller chercher leur revenu, $10 par jour, en mer, que d'aller travailler sur la voirie ou n'importe où ailleurs. Si nos pêcheurs sont bien équipés, s'ils sont organisés pour travailler, pour gagner leur vie adéquatement, ils préfèrent ça de beaucoup à aller gagner ailleurs où les autres qui sont incapables de faire la pêche pourraient travailler et surtout ils préfèrent de beaucoup aller travailler pour gagner leur vie que d'aller au bien-être social. Mais on les pousse un peu vers ça. Parce que, dans la pêche côtiêre, nous devons absolument faire un effort valable.Il nous faut les aider et je crois que nous devons continuer le système des bateaux polyvalents. Quand même la province risquerait $100,000 ou $150,000 ou $200,000 afin de prouver la rentabilité de ces bateaux-là, le gouvernement, le ministère de l'Industrie et du Commerce devrait y aller, aller de l'avant et faire une expérience valable pendant une ou deux saisons pour prouver la rentabilité de ces bateaux: quand la rentabilité en aura été prouvée, nous pourrons aller de l'avant et en don-

ner à ceux des pêcheurs qui sont aptes à travailler avec ces bateau-là. Je suis convaincu que cela serait de nature à améliorer considérablement la situation économique chez nous.

Si vous prenez 50 bateaux de 40 pieds qui, tout équipés, vont valoir $1 million, vont apporter beaucoup plus de contribution aux pêcheries commerciales de la province de Québec et à l'économie des îles que dix chalutiers qui coûtent le même prix. Et 50 bateaux côtiers vont fournir du travail à 150 hommes par ce qu'il faut au moins trois hommes à bord de chaque bateau cotier de 40 pieds — des bateaux polyvalents — alors que dix chalutiers de 60 à 65 pieds fournissent du travail à 50 personnes, cinq à bord de chaque chalutier.

M. BELLEMARE: L'usine ne fournira pas.

M. LACROIX: Quand il ne restera plus seulement qu'à agrandir les usines, ça ce ne sera pas un problème très grave.

M. BELLEMARE: Ah, ah, ah!

M. LACROIX: L'usine de Cap-Aux-Meules, qui est en reconstruction, pourra traiter une quantité beaucoup plus considérable de poissons: celle de Havre-Aubert, quand celle de Cap-Aux-Meules va être en opération, va produire à 30%, 35% de sa capacité de rendement. Et celle de Grande-Entrée pourrait traiter une quantité beaucoup plus considérable également de poissons. Mais il faut ne pas négliger le facteur de la pêche côtière, et il ne faut pas non plus négliger la pêche hauturière. Il faut aller de l'avant, et je crois, comme le disait tout à l'heure, le député de Bonaventure, pour la pêche hauturière, nous ne pouvons pas dire que nous sommes à l'avant-garde, lorsque l'on parle de la flotte de pêche moderne de la province de Québec, je puis vous dire qu'elle était moderne, mais il y a vingt-cinq ans. Nous sommes largement dépassés et nous devons faire un effort considérable afin de rattraper par exemple, la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve. Et quand même on fermera le golfe avec la nouvelle législation qui a été adoptée par le gouvernement fédéral l'an passé, quand même certaines unités de pêche des autres pays ne viendraient pas dans le golfe capturer notre poisson, les quantités de poissons du golfe n'augmenteront pas sensiblement. Le gros problème, c'est qu'à l'heure actuelle, les chalutiers d'acier de Terre-Neuve, de l'Ile-du-Prince Edouard, du Nouveau-Brunswick et particulièrement de la Nouvelle-Ecosse, capturent à l'entrée même du golfe, pendant l'hiver le poisson qui normalement entrait dans le golfe, et c'est pourquoi la quantité de poissons a diminué considérablement dans le golfe: et également la qualité, puisqu'il y a quelques années la moyenne de pesanteur d'une morue était supérieure à huit livres, et, à l'heure actuelle, c'est à peine quatre livres et demie, je crois, la moyenne de la morue capturée. Et, c'est pourquoi, il faut, dès immédiatement, s'organiser pour aller cherchera l'extérieur du golfe la matière première à la production régulière et normale de nos usines.

Et, s'il y a eu augmentation des captures, d'après les chiffres qu'a donnés tout à l'heure l'honorable ministre, il ne faut pas oublier que ceci est dû au fait que, depuis trois ans, depuis 1963, nos usines de transformation aux Iles,ont accepté la sébaste, le poisson rouge, « l'océan perch », la sébaste, et c'est ce qui fait que nos chalutiers capturent des quantités de poissons beaucoup plus considérables. Et quand samedi vous disiez qu'il y avait des chalutiers qui rentraient au port avec des cargaisons beaucoup plus considérables que la capacité portante du bateau, ce n'était pas avec la morue, c'était avec la sébaste ou le poisson rouge, et ce poisson-là na-tuellement est capturé près des côtes et on s'en vient à l'usine immédiatement. Parce que quand le bateau arrive, si M. le Ministre veut venir faire un voyage de pêche, il constatera que si le bateau est à 100 milles par exemple, et s'il est à sept ou huit heures de marche du port et qu'il a plus que sa charge de capacité portante, à ce moment-là, il ne peut pas glacer son poisson, il doit le laisser sur le pont du bateau, et s'il est à huit ou neuf heures de marche de l'usine, ça ne sert à rien de la placer là. Quand il va arriver au port, son poisson ne sera plus bon, et il sera refusé par les inspecteurs. Quand le bateau arrive avec une cargaison plus considérable que sa capacité portante, c'est parce qu'il a pêché à proximité des côtes et qu'il est capable de rentrer au port, décharger son poisson, pour qu'il soit en bonne condition.

M. BELLEMARE: Le Marie-Carole, le député sait ça qu'il était...

M. LACROIX: Quant au chalutier Marie-Ca-role... La veille qu'il a coulé, à huit heures, le soir, il a communiqué pour la dernière fois par radio-téléphone, et à ce moment-là, il avait 8,000 livres de poissons de capturés, et je ne crois pas que, de cinq heures le soir ou entre cinq et huit heures en tous les cas, au lendemain matin il ait pu capturer cinquante ou 60,000 livres de poisson pour être chargé plus que sa capacité.

Il est arrivé... C'est un malheureux accident, et dans ce bateau-là, même si nous nous éloignons un peu du bill 10, je voudrais dire, qu'à bord du Marie-Carole, quand est arrivé ce désastre, il y avait quatre des meilleurs capitaines, non seulement des Iles-de-la-Madeleine, quatre des meilleurs pêcheurs de tout l'Est du pays, et le capitaine Alphonse Doyle, le capitaine Richard, le capitaine Poirier, et le Capitaine Lapierre étaient des gens d'expérience. M. Cyr n'était pas capitaine, mais c'était un bon pêcheur, et je crois que c'est un malheureux accident que personne ne pourra jamais élucider.

De toute façon, lorsque nous étudierons le bill article par article je voudrais obtenir certains renseignements de l'honorable ministre et essayer d'apporter une modification particulièrement à l'article 1. Mais avant de terminer je voudrais dire à l'honorable ministre que j'ai été très heureux d'écouter la nomenclature des projets que le ministère entend réaliser au cours des prochaines années de façon à améliorer la situation des pêcheries commerciales dans la province de Québec.

Quand il dit qu'il est de l'intention du ministère d'organiser un navire de recherche, je puis lui dire que ça va nous pousser passablement loin parce qu'il y a premièrement à bâtir, faire les plans de ce bateau-là, déterminer de quelle façon il pourra nous être utile et par la suite faire préparer les plans par l'architecte naval et tout ça. Cela va nous prendre quelques années avant que ce bateau-là puisse être mis à la disposition de nos pêcheurs. Mais je suis parfaitement d'accord avec lui que même si cela doit prendre quelques années on doit en étudier la possibilité immédiatement et, étant donné que la province de Québec entend conserver la responsabilité de ses pêcheries commerciales, il est de son devoir de mettre à la disposition des pêcheurs le maximum de renseignements possible pour lui faciliter la tâche.

Je suis également heureux de constater qu'il a l'intention de moderniser les bateaux et les équipements. Il est sûr que les petits chalutiers de 60 et de 65 pieds qui ont été construits il y a quelques années ont besoin d'être modernisés et d'avoir un équipement qui soit plus adéquat. Quand dans les premiers temps on a commencé à construire un bateau on a mis un moteur dedans, quand on l'a utilisé pour la pêche on a réalisé que le moteur n'était pas assezpuissant pour opérer de façon raisonnable. On a ramené le bateau au chantier maritime, on a changé le moteur pour un plus puissant: on est retourné à la pêche et là on s'est aperçu que le moteur était trop puissant pour le bateau qui le portait et on retombait dans un autre problème...

M. BELLEMARE: Le bateau s'en allait comme ça!

M. LACROIX: ... et il faut réellement faire quelque chose pour améliorer ça. Vous avez parlé de la mécanisation des fumoirs, chez nous, aux Iles-de-la-Madeleine. Le hareng fumé aune importance très considérable, puisque nous avons seize fumoirs qui sont en opération, seize organisations qui sont intéressées dans le fumage du hareng et cela fournit du travail à une bonne quantité de personnes, le printemps et l'été, quand vient le temps de l'empaquetage.

Ce sont toutes des choses qui sont nécessaires et j'espère que le ministère utilisera une grande partie des fonds qui sont mis à sa disposition par ce projet de loi de façon à améliorer considérablement les pêcheries, particulièrement aux Iles-de-la-Madeleine parce que, comme le ministre lui-même l'a mentionné et les autres, nous vivons exclusivement de la pêche et nous ne pouvons compter sur absolument aucun autre domaine économique pour assurer la subsistance à notre population. C'est pourquoi j'insistais, jeudi dernier, dans mon discours, pour demander à l'honorable ministre de l'Agriculture de voir à ce que les recommandations du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec, en ce qui concerne les Iles-de-la-Madeleine, soient mises en application le plus tôt possible. Je ne sais pas si le ministre des Finances trouve que nous coûtons trop cher à la province, mais si depuis quelques années...

M. BELLEMARE: Il dit que vous vous n'avez jamais pêché!

M. LACROIX: Je suis allé à quelques reprises à bord des chalutiers, des bateaux.

M. BELLEMARE: Nous vivons avec la pêche et lui avec...

M. LACROIX: Oui, j'en vis indirectement mais il reste qu'aux Iles-de-la-Madeleine si nous voulons réellement faire un effort valable pour revaloriser la pêche côtière et la pêche hauturière, les Iles-de-la-Madeleine vivront du produit de la pêche, vivront de leur travail, ce sera une population heureuse et ce sera un actif pour la province de Québec. M. le Président, c'est avec plaisir que je voterai pour le bill numéro 10.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Duplessis.

M. Henri- L.Coiteux

M. COITEUX (Duplessis): M. le Président, pendant quelques minutes vous me permettrez sans doute de me joindre à mes collègues pour d'abord dire immédiatement que je suis 100% en faveur de ce bill et peut-être brosser, pendant quelques minutes, un tableau de ce qu'est réellement le problème des pêcheries sur la Côte-Nord.

Vous savez, et ce sera peut-être à la surprise de plusieurs de mes collègues, le plus vaste territoire de pêche actuellement au Québec s'étend sur une distance de 400 milles sur la Côte-Nord.

Nous avons là, distribués en 25 ou 30 agglomérations, des petits villages dont certains sont vieux d'au-delà de 150 ans. Ces gens, au départ, vivaient uniquement de la pêche. Aujourd'hui, naturellement, il faut diviser un peu le problème avec l'avènement de l'usine ou de la mine Quebec Iron Titanium à Havre Saint-Pierre qui a fait presque entièrement disparaître la pêche côtière de ce secteur. Mais il reste tout de même que de Kégashka à Blanc-Sablon, soit une distance d'au moins 275 milles par la mer, il y a 19 villages qui vivent uniquement de la pêche.

Et j'entendais tantôt mes collègues de Bonaventure et des Iles-de-la-Madeleine parler de leur problème, mais le problème de ces gens-là est loin d'être comparable au problème qui existe sur la Côte-Nord. On peut faire le tour des Iles-de-la-Madeleine en voiture dix fois dans une journée. On peut faire le tour du comté de Bonaventure, disons, deux fois dans une journée, si on part assez tôt.

M. PROULX: Facilement.

M. COITEUX: On peut faire le tour du comté de Gaspé-Nord pour visiter les pêcheries dans une journée. Mais lorsque vous tombez sur la Côte-Nord, M. le Président, vous avez là des villages qui n'ont aucun lien entre eux, isolés complètement, la plupart d'entre eux sans téléphone, sans lumière électrique, sans télévision, avec, en 1960, un bateau par semaine et souvent tous les quinze jours. Je ne sais pas pour quelle raison, mais on a semblé oublier qu'il existait un problème de pêcherie réel sur la Côte-Nord où des gens, depuis des centaines d'années, n'ont pas d'autre source de revenu: c'est pourquoi je suis heureux que, dès le début de son administration, le ministre actuel des pêcheries soit venu dans mon comté se rendre compte de visu des conditions qui existent.

Et je sais qu'il sera tellement plus facile, étant donné que le ministre a vu sur place, de donner suite aux solutions, aux demandes qui lui seront soumises. C'est tellement vrai ce que je viens de dire qu'en 1960, à Rivière-au-Tonnerre, où il existe aujourd'hui une industrie très florissante, nous avions à ce moment-là deux chalutiers et, pour prouver le peu d'intérêt qu'on portait aux pêcheurs de la Côte-Nord, ces deux chalutiers avaient été rejetés en Gaspésie, on les envoyait à l'usine de Rivière-au-Tonnerre. Après une visite de l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce — qui avait lui-même peut-être un peu l'impression qu'il fallait qu'il ne se passe des choses qu'à Paspé-biac — il s'est rendu compte qu'il y avait là un potentiel. Lorsque l'ancien ministre est venu, il a pu constater la présence de 56 chalutiers des Iles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie qui péchaient à trois milles, quatre milles, cinq milles de nos côtes, pendant que nos gens étaient là et regardaient ces gens venir chercher à leur porte la matière première d'où ils auraient pu tirer leur subsistance. Et c'est à ce moment-là que la politique du ministère des Pêcheries, autant que la Côte-Nord est concernée, a pris une toute autre direction. Et aujourd'hui nous pouvons dire qu'il y a cinq chalutiers attachés à l'usine de Rivière-au-Tonnerre et, de quelque 700,000 livres de poisson que nous avions produites en 1960, nous avons dépassé les 5,500,000 l'année dernière.

Et dans ce coin de pays, je suis entièrement d'accord que la pêche hauturière est la seule qui doive continuer à se développer, car les pêcheurs côtiers ont abandonné pour une raison ou pour une autre...

M. BELLEMARE: Le député a bien dit que c'est la seule pêche qui doit continuer à se développer, la hauturière?

M. COITEUX: Dans ce secteur-là, oui.

M. BELLEMARE: Ah! dans ce secteur-là.

M. COITEUX: Parce que j'arrive à un autre secteur où la pêche hauturière n'est pas recommandable et je vais essayer d'expliquer en quelques mots pourquoi.

M. BELLEMARE: Celui de La Tabatière, il a deux gros bateaux, même.

M. COITEUX: Oui, attendez, j'en arrive. M. PROULX: On n'est pas pressé.

M. COITEUX: Il y a tout de même 400 milles, laissez-moi le temps de descendre.

M. BELLEMARE: Ah oui! Vous n'êtes pas vite habituellement.

M. COITEUX: Alors, je dis donc que le mouvement qui a été amorcé pour doter l'usine de Rivière-au-Tonnerre de chalutiers, doit se continuer. Nous pourrions en arriver facilement, car l'usine a ses possibilités, à ajouter suffisamment de chalutiers pour produire éventuellement là quinze millions de livres de poisson par année.

J'espère qu'à même les millions qu'on nous demande de voter sur le bill 10, il y a certainement des montants prévus pour de nouveaux chalutiers à cet endroit. Si nous passons par le secteur de Natashquan, là, c'est bien difficile parce que c'est dû à tout un autre facteur, si les gens aujourd'hui sont devant une situation économique difficile, Natashquan, Aguanish, Pointe-Parent et Johan-Beetz, c'est dû au fait qu'il y a eu des commencements de développements miniers et que les gens se sont départis de leurs agrès de pêche et lorsque les mines ont fermé, ces gens-là n'ont pas pu trouver la façon de se réorganiser.

Et j'en arrive au secteur de Kégashka-Blanc-Sablon. Le secteur de Kégashka-Blanc-Sablon, a un système de pêche qui n'est pas connu ailleurs dans la province de Québec en autant que la morue est concernée. On pêche là à la trappe.

M. BELLEMARE: Ils ont changé ça, maintenant.

M. COITEUX: ... et graduellement, naturellement, j'en arrive à ce point-là, c'est qu'on veut changer...

M. BELLEMARE: C'est changé, ils s'en vont aux fillets maillants...

M. PROULX: Ils pêchent cela au car lain. M. COITEUX: Et puis, les fonds...

M. BELLEMARE: Les fonds puis l'excelso, ils ne les pêchent pas à la trappe. Ils les pêchent aux filets maillants.

M. COITEUX: Si le ministre veut être patient, je vais en parler dans quelques minutes.

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. COITEUX: Pour une première fois que je parle pas de texte, M. le Ministre, donnez-moi une chance.

M. BELLEMARE: Là, c'est vrai que c'est votre discours.

M. HARVEY: Il sait ce qu'il dit.

M. COITEUX: Je dis donc que les fonds pour la pêche hauturière ou la pêche aux chalutiers de Kégashka-Blanc-Sablon, ne sont pas rentables, c'est-à-dire que les chalutiers ne peuvent pas pêcher. Les fonds ne sont pas favorables, ne se prêtent pas à la pêche au chalutier et c'est pourquoi la pêche côtière dans ce coin de terrritoire, du moins pour quelques années encore, jusqu'à ce qu'on ait réussi des centralisations de population, ce qui n'est pas pour demain, il nous faudra continuer à faire la pêche côtière à ces endroits. Et pour faire la pêche côtière, il faut de l'équipement. Actuellement, je vais prendre un cas d'espèce, par exemple à Saint-Augustin où nous avions 95 barques cette année. Les gens, anciennement, péchaient à la trappe. Ils pêchent encore à la trappe. Et lorsque la trappe était finie, ce qui dure environ un mois, jusque vers le dix juillet, les gens devaient aller pêcher soit à la ligne ou à la trawl ou aux gill-nets. Et plusieurs n'y allaient pas pour une raison bien simple. C'est que ces gens sont des marins et qu'ils savaient que leurs barques, comme on dit en langage du golfe, were not safe to go out.

Et là, nous faisons face à un problème, on n'aide pas assez la pêche côtière, et la prise que le pêcheur côtier fait, n'étant pas suffisante pour lui permettre de faire vivre avec ces revenus toute sa famille pendant un an, il se mettait sur l'assistance sociale et ce n'est pas à même ces fonds non plus qu'il pouvait se procurer l'argent pour améliorer qui sa barque, qui son moteur, qui ses agrès de pêche. Cette situation que je viens de dépeindre pour Saint-Augustin est la même à Harrington, à Kégashka, à Chégashtika, à rivière St-Paul, à Vieux-Fort.

A tous ces endroits de pêche-là que le ministre a visités, lorsqu'on leur a présenté la situation exacte lors de la présentation du bill 23, en 1962, on nous a dit: Ces gens là, mais pourquoi ne déménagent-ils pas? C'est impossible, il y a un atavisme là. Ce sont des pêcheurs et ils ne peuvent faire autre chose que la pêche,

Il appartient donc au gouvernement de prendre une conscience très exacte du problème et de trouver une formule par laquelle on pourra venir en aide à ces pêcheurs côtiers.

La formule suggérée tantôt par mon collègue des Iles-de-la-Madeleine, à savoir qu'on pourrait faire un prêt de $5,000, $6,000 ou

$7,000 de façon à ce que le pêcheur côtier puisse changer son moteur, se procurer des « gill-nets », réparer ses trappes, faire un prêt de $4,000, $5,000, $6,000 remboursable à tant pour cent des prises... Ah, j'admets avec M. le ministre que sur une petite échelle de $4,000 à $5,000 pour des pêcheurs cotiers — il en existe 80, 95 par village — ce sera peut-être difficile de trouver une formule juste de remboursement et surtout une formule qui nous permettra d'être suffisamment rassurés en autant que le capital devra être remboursé.

J'ai du l'occasion de causer — je pense que mon collègue de Bonaventure était là, il y a deux ans — d'un système de ce genre-là au Nouveau-Brunswick.Il apparaîtrait que les remboursements des petits prêts aux pêcheurs côtiers donnent un meilleur résultat que ceux-là faits aux chalutiers. Du moins pour ce qui a trait au Nouveau-Brunswick. Je crois qu'on n'a pas le choix et qu'il faudra mettre définitivement dans tout ce secteur de 250 milles de côtes, des capitaux, après enquête peut-être pas commencer par tous les pêcheurs d'une même paroisse, mais prendre les plus sérieux. Je crois qu'il sera très facile d'organiser un système par lequel, d'ici quatre ou cinq ans, les pêcheurs côtiers apporteront infiniment plus de production à nos usines ou en poisson séché qu'actuellement.

Vous avez parlé tantôt de l'usine de La Tabatière.Il y a le Primo, l'Excello, ce sont deux magnifiques bateaux...

M. BELLEMARE: On va en avoir un troisième.

M. COITEUX: Tant mieux! Je suis d'accord, mais tout de même en autant que le problème des pêcheurs ou des petits villages dispersés qui n'ont pas de chemin est concerné, cela donne de l'ouvrage à l'usine. Mais le gars de Saint-Augustin, le gars de Old Fort, le gars de Tchécatiqua, le gars de La Romaine, le gars d'Harrington, le gars de Wolve Bay, le gars de Kégashka, il ne peut pas venir travailler là, à moins de déménager sa famille. Si on veut regarder au point de vue de la production de l'usine, si on peut rendre la production à 30 millions de livres tant mieux... Mais, par contre, ça donne de l'ouvrage à six gars par bateau, et pendant ce temps-là il faut que les 90 familles de Saint-Augustin vivent.

C'est pourquoi, me fiant à la recommandation qui a été faite par M. de Roquefeuil, économiste éminent qui a fait des études sur la Côté Nord — nous n'avons pas de BAEQ parce que nous autres, nous trouvons ça trop dispendieux le

BAEQ mais tout de même nous avons des études — dont la conclusion était la suivante: Il y a un potentiel de 20 millions de livres de poisson frais... si on pouvait s'emparer avec une usine à Blanc-Sablon de toutes les prises de ce territoire que vous avez visité, qui est immense...

M. BELLEMARE: Le député sait qu'à Blanc-Sablon on a commencé une usine.

M. COITEUX: Bien oui, l'usine de séchage... M. BELLEMARE: Cette année, on bâtit...

M. COITEUX: Bien oui, c'est très bien, ç'a été bâti l'été dernier.

M. BELLEMARE: Oui, mais cette année, ça n'a pas de rapport avec l'usine de séchage, on bâtit une salaison.

M. COITEUX: Une salaison, ça ça va être une grosse amélioration. Parce que comme vous comprenez, les pêcheurs comme je vous le disais tantôt arrêtent de pêcher dans le mois d'août. Ce qu'on essaie de faire sur la Côte-Nord, c'est d'étendre leur période de pêche et je crois que le « gill-net » et la trawl avec des usines de façon à ce que le poisson frais puisse être usiné jusqu'au milieu d'octobre, alors ce serait de nature à encourager.

La raison pour laquelle nos pêcheurs côtiers arrêtent actuellement de pêcher dans le mois d'août, c'est qu'ils n'ont pas le temps de faire sécher leur poisson, à un degré suffisant pour que ce soit valable. Le sécheur avec une saline, pourra-t-il prendre tout le poisson disponible à cet endroit-là? J'en doute.

M. BELLEMARE: Ce qui nous aconvaincus, c'est lorsque nous nous sommes aperçus que les gens de Terre-Neuve étaient venus sur les quais de Blanc-Sablon et qu'ils avaient salé 1 million de livres de morue sur la berge. A ce moment-là, on a dit, il faut absolument remédier à ça en bâtissant une saline.

M. COITEUX: Oui, mais pourquoi nos gars ne pêchent-ils pas? — J'aimerais que le ministre qui est bien disposé, comprenne ce message-là — c'est parce que les petits pêcheurs n'ont pas les capitaux voulus. A Terre-Neuve, c'est payé 100% par le gouvernement, ces gens-là arrivent avec des « gill-nets » de première classe, alors que les nôtres n'ont pas les moyens de s'en procurer.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça.

M. COITEUX: Ils ne peuvent pas avoir d'argent.

M. BELLEMARE: Le député sait que ce n'est pas ça. C'est qu'il y a une rivalité entre la paroisse et l'agglomération de... Est-ce qu'il parle de Blanc-Sablon?

M. COITEUX: Oui, de Blanc-Sablon.

M. BELLEMARE: De Blanc-Sablon et de la partie qui s'en vient au nord, qui ne collaborent pas. Pour les faire collaborer, nous leur avons demandé de faire une espèce d'union et, justement, en bâtissant l'usine de séchage dans Blanc-Sablon et en bâtissant, sur la rive un peu plus loin, la saline, là on va s'entendre.

M. COITEUX: Oui, je comprends, mais vous allez prendre soin de Blanc-Sablon.

M. BELLEMARE: Oui, Blanc-Sablon, Kégashka, Harrington, et les autres.

M. COITEUX: Non, ne parlez pas de Kégashka à moins que vous acceptiez l'idée qui a été suggérée de mettre des bateaux collecteurs au frais du gouvernement.

M. BELLEMARE: Non, au point de vue du séchage.

M. COITEUX: Imaginez qu'un petit bateau de 28 pieds qui va partir de Vieux-Fort va aller porter son poisson à Blanc-Sablon. C'est impossible. Il faudra certainement un bateau collecteur.

M. BELLEMARE: Il y a tout un réseau de chemins.

M. COITEUX: De toute façon, je crois en avoir suffisamment dit pour convaincre le ministre qu'il est absolument important — quand il fera la distribution de ces sommes d'argent qu'on va lui voter par le bill 10, avec plaisir -qu'il pense au problème existant chez nos pêcheurs côtiers de la Côte-Nord qui, eux, ont un problème bien particulier et bien difficile pour les raisons que j'ai évoquées au départ: c'est qu'il n'y a pas de communication et ces gens-là ont le droit, comme les pêcheurs de la Gaspésie, comme les pêcheurs des Iles-de-la-Madeleine, d'être aidés pour se procurer chez eux la subsistance qui leur permettra de continuer à exister dans la province de Québec.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 10. Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Comité plénier

M. LEBEL (Président du comité plénier): Bill 10, article 1. Cet article sera-t-il adopté?

M. LEVESQUE (Bonaventure): Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce pourrait nous donner les détails des garanties accordées à même le montant de $325,000 qui est le montant que l'on porte à $500,000 dans la présente loi...

M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député veut avoir les garanties qui ont été données jusqu'à présent ou s'il veut savoir simplement quelles sont les prévisions?

M. LEVESQUE (Bonaventure): D'abord les montants qui sont présentement engagés comme garanties.

M. BELLEMARE: Oui, j'ai eu l'occasion tout à l'heure d'en parler et de donner à la Chambre quelques indications, pas besoin de vous dire...

M. LACROIX: Il y a $50,000 à la Centrale des Iles-de-la-Madeleine.

M. BELLEMARE: Juste une minute pour mettre de l'ordre Ah!

UNE VOIX: Eureka!

M. BELLEMARE: Je le savais. Il y a $95,000 à la Banque Canadienne Nationale en faveur des Pêcheurs Unis du Québec.

M. LEVESQUE (Bonaventure): A quelle date?

M. BELLEMARE: Je peux remettre au député une copie.

M. LESAGE: Cela va être au journal des Débats.

M. BELLEMARE: Je l'ai dit dans mon discours tout à l'heure, d'ailleurs.

M. PINARD: Bis repetita placent.

M. BELLEMARE: Ah, c'est sûr mais cela dépend devant qui. $95,000 à la Banque Canadienne Nationale en faveur des Pêcheurs-Unis pour garantir leur marge de crédit. Ensuite de ça, $100,000 à la Caisse centrale Desjardins de Lévis en faveur des Pêcheurs-Unis de Québec pour garantir un prêt relatif à la construction d'usines pour le traitement du poisson, cette garantie expire le 20 avril 1969. L'autre, c'est $50,000 à la Banque de Montréal en faveur des Coopératives centrales des Iles-de-la-Madeleine pour garantir sa marge de crédit. L'autre c'est $75,000 à l'Union régionale des caisses populaires Desjardins de Gaspé en faveur des caisses populaires des Iles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie pour garantir des prêts aux pêcheurs, conformément au crédit maritime.

Au 31 décembre 1966, les prêts en vigueur couverts par cette garantie s'élevaient à$82,140 ce qui faisait un grand total de $320,000.

Maintenant l'expansion rapide des pêcheurs commerciales dans le Québec oblige tous ceux qui ont contribué à prélever les fonds nécessaires non seulement pour les immobilisations mais également pour former un capital roulant nécessaire au fonctionnement de ces entreprises. Le montant de $325,000 prévu dans la Loi des crédits des pêcheries maritimes, Statuts refondus 1964, chapitre 210, ne suffit plus au besoin croissant de l'industrie. Nous croyons qu'en le portant de $325,000 à $500,000, le ministère pourra apporter sa participation au développement des pêches commerciales en aidant l'industrie à reviser tous ses objectifs.

Je puis maintenant donner au député d'autres informations supplémentaires s'il le désire.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Est-ce que le ministre a les dates où de telles garanties ont été consenties?

M. BELLEMARE: Oui, c'est facile de vous les envoyer demain matin. Je n'ai pas ça ici devant moi, mais dans notre grand registre de la comptabilité que nous avons au ministère — d'ailleurs le député l'a vu lui-même ce régistre-là — et tout est consigné là par date. Je n'ai pas d'objection à lui fournir toutes les dates de ces engagements de la province.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je vois qu'il y a des garanties consenties aux banques et pourtant je ne vois pas que la loi telle qu'elle est devant nous, permette la garantie aux banques. Est-ce que mon interprétation n'est pas exacte ou si elle l'est? Est-ce qu'il n'aurait pas lieu d'y apporter immédiatement un amen- dement qui puisse permettre au ministre d'accorder de telles garanties?

M. BELLEMARE: L'honorable député est sûrement au courant de l'arrêté ministériel qui a été passé le 5 octobre 1960 qui porte le numéro 1682 et qui donne là tous les bénéficiaires des prêts, le but, les conditions, la modalité des prêts, ainsi que toutes les garanties apportées. Quant au remboursement et aux documents qui doivent apparaître, cet arrêté en conseil qui a été passé le 5 octobre 1960, était pour répondre justement à cette loi du crédit maritime.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Eh bien! je ne conteste pas l'information que me fournit le ministre. C'est probablement en vertu de l'article 6 que le lieutenant-gouverneur en conseil détermine les conditions des avances ou des prêts.

M. BELLEMARE: Oui, et d'ailleurs...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Ainsi que les conditions auxquelles doivent se conformer les pêcheurs ou commerçants pour en bénéficier. Cela on le trouve dans les dispositions de l'article 6 du chapitre 210 de la loi du crédit aux pêcheries maritimes, mais le lieutenant-gouverneur en conseil ne peut pas aller plus loin que la loi lui permet. Et je me demande si, à l'occasion de l'étude de ce bill, il n'y aurait pas lieu de régulariser ce qui, peut-être dans l'interprétation des officiers du ministère, était permis et permissible.

Je me rappelle qu'en 1961, je crois, nous avions ajouté — et nous retrouvons cela dans les Statuts refondus 1964, chapitre 210, à l'article 3 — nous avions ajouté à la série des institutions financières, les banques à charte du Canada.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Mais, je ne crois pas cependant, que nous ayons à ce moment-là ajouté les banques à charte du Canada, en autant que l'article 1 de la loi...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... était concerné. Je ne vois pas.

M. BELLEMARE: Oui, M. le Président, parce que, quand par exemple, le 15 juillet, on a amendé encore la loi du crédit maritime et qu'on lui a apporté là, une spécification particulière, on a dit que le ministre est autorisé à faire des

prêts à la construction, à des sociétés qui exploitent un commerce de poisson, pour la réparation et l'achat des bateaux uniquement. Même on a ajouté dans la loi à ce moment-là, le 15 juillet 1965, à payer toutes les dettes contractées soit aux banques ou ailleurs. Alors on a mis dans la loi, un impératif, qui, me semble, justifie le gouvernement maintenant de faire de ces avances. C'est la loi, chapitre 58, dans le temps, sanctionnée le 15 juillet 1965, la loi du crédit, statuts refondus 1964, chapitre 210, modifié en remplaçant l'article 5 par le suivant. Là nous avons ajouté: « ou l'acquittement des dettes contractées pour ces fins. » D'ailleurs, M. le Président, à l'article 3 de la loi, à l'article 3 de la loi, de lui-même, le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le ministre des Finances à payer, par des deniers votés annuellement à cette fin par la législature une partie de l'intérêt sur les prêts consentis par des caisses d'épargne, de crédit ou de banques à charte du Canada, à des pêcheurs, et des primes d'assurance sur la vie des pêcheurs qui ont contracté ces prêts. Et, M. le Président, si vous lisez l'article 1: « Le lieutenant-gouverneur en conseil, aux conditions qu'il détermine, peut autoriser le ministre des Finances de la province à garantir et à payer, si il y a lieu, à même le fonds consolidé du revenu jusqu'à concurrence d'une somme totale de $325,000, le remboursement des avances ou des prêts consentis ou d'emprunts effectués pour des fins de pêche maritime ou des associations coopératives ou des fédérations d'associations coopératives ou des caisses d'épargne et de crédit, des unions, ou des fédérations des caisses d'épargne et de crédit. »

D'ailleurs, M. le Président, nous n'avons eu, je pense, depuis 1943, 1951, à chaque changement de la loi du crédit maritime, nous n'avons eu aucunement de difficulté avec les banques quant à la légalité de ces prêts qui sont des garanties respectées jusqu'à maintenant.

Et je ne voudrais pas me montrer plus légiste qu'il ne faut, je ne suis pas du tout de cette catégorie-là, mais je pense qu'à cause de la tradition qui a été établie, à cause de toutes les prévisions qui ont été faites et puis surtout s'il y avait eu de la part des banques un doute quelconque, leurs administrateurs auraient certainement voulu faire apporter un changement à la loi. Je ne pense pas que, dans les circonstances, il y ait lieu de changer notre méthode qui me semble assez bien ajustée pour rendre les services que nous espérons rendre aux pêcheurs.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Eh! bien, M. le Président, je ne veux pas, moi non plus, faire du juridisme, mais lorsqu'à l'occasion de l'étude d'un projet de loi comme celui que nous avons devant nous, nous nous apercevons qu'il y a peut-être une lacune dans la loi, n'est-il pas de notre devoir de législateur de regarder de plus près et de voir s'il n'y a pas lieu de profiter de l'occasion pour régulariser une situation qui peut-être au cours des années, a été acceptée comme telle, mais qui ne répond certainement pas, je crois, aux garanties que doit fournir une législation comme celle que nous avons devant nous.

En effet, la loi du crédit aux pêcheries maritimes, à l'article 1, permet au lieutenant-gouverneur en conseil d'autoriser le ministre des Finances de la province à garantir et à payer, s'il y a lieu, à même le fonds consolidé du revenu, jusqu'à concurrence d'une somme totale de $325,000 — aujourd'hui nous portons le montant à $500,000 — à garantir et à payer dis-je, le remboursement d'avances ou de prêts consentis ou d'emprunts effectués pour des fins de pêche maritime. Par qui? Par des associations coopératives. Alors ce ne sont pas des banques, ça: par des fédérations d'associations coopératives, ce ne sont pas des banques ça: des caisses d'épargne et de crédit, des unions ou fédérations de caisses d'épargne et de crédit, je ne crois pas que ça puisse être interprété comme étant des banques. Et, puisque c'est à même l'autorisation donnée par l'article 1 qu'on consent des garanties telles que vient d'énumérer le ministre de l'Industrie et du Commerce, je ne vois pas comment, et quels que soient les gouvernements qui se sont succédé, j'ai demandé les dates tout à l'heure parce qu'il est évident que ç'a été fait au cours des années. Mais n'y a-t-il pas lieu, à ce moment-ci, de régulariser cette situation, puisque je vois que la Banque Canadienne Nationale bénéficie d'une garantie en faveur des pêcheurs-Unis de Québec au montant de $95,000. Et je vois que la Banque de Montréal a un montant garanti par la province de l'ordre de $50,000, alors que la loi ne semble pas inclure les banques à charte dans les institutions financières qui peuvent bénéficier des avantages de cette loi.

M. BELLEMARE: M. le Président, l'article 4 qui prévoit ces garanties dit, par exemple, que le lieutenant-gouverneur détermine les conditions avec lesquelles le ministre du Commerce et de l'Industrie fera affaires: d'abord avec les caisses d'épargne, ensuite avec des caisses de crédit, avec des unions régionales, avec des fédérations de caisses d'épargne et de crédit ou des banques à charte du Canada.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je ferai remarquer au ministre qu'il s'agit ici à l'article 4 de prêts.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Dans l'article 1, il s'agit de garanties.

M. BELLEMARE: On se réfère à l'article 3: une partie de l'intérêt sur les prêts consentis par les caisses d'épargne ou des crédits de banques aux pêcheurs... Bon, alors là, le lieutenant-gouverneur détermine les conditions, et il est toujours question de banques, de crédits ou de l'autorisation de le faire, partout...

M. LEVESQUE (Bonaventure): A l'article 3, nous avions ajouté les banques à charte...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... parce que nous voulions que certaines institutions et certains emprunteurs puissent, lorsque ça faisait mieux leur affaire, recourir à des banques, mais ce n'est pas le même cas pour l'article 1 qui ne concerne que la garantie que la province accorde...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... à certaines institutions pour le remboursement d'avances ou de prêts consentis. Je crois que, dans la liste que nous avons devant nous, pour les Pêcheurs-Unis et pour la Coopérative centrale des Iles-de-la-Madeleine et pour les autres prêts consentis aux pêcheurs, il ne s'agit pas du même crédit.

M. BELLEMARE: Le problème c'est qu'actuellement, dans toute l'économie de la loi, on dit que le gouvernement par des arrêtés ministériels pourra fixer les conditions de la garantie qu'il donne à ces sociétés-là qui eux autres vont, par leurs pouvoirs, emprunter les sommes dont elles ont besoin. Et la garantie...

M. LEVESQUE (Bonaventure): D'accord, mais le lieutenant-gouverneur en conseil ne peut pas par exemple faire ça pour un d'entre nous, il va falloir qu'il le fasse seulement pour les institutions énumérées.

M. BELLEMARE: Oui, mais voici...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Alors il ne peut pas le faire pour monsieur X...

M. BELLEMARE: Non, non, et c'est là que le député ne saisit pas du tout la portée de l'article, lui qui est un grand avocat, il devrait sûrement saisir ça.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je n'ai pas cette prétention.

M. BELLEMARE:Il ne dit pas que ce sera le ministre du Commerce et de l'Industrie qui va faire ça: ce sera le ministre des Finances qui va apporter sa garantie lui-même comme ministre des Finances, et c'est là qu'est toute la différence. Je pense que déjà d'ailleurs ç'a été prouvé, le député a raison. Sur toute l'administration, il n'y a pas eu de la part des membres aucun retour, aucune critique, même aucun doute quant à la garantie qu'apportait le ministre des Finances, pas le ministre de l'Industrie et du Commerce, mais le ministre des Finances, sur le prêt, sur l'avance, sur la garantie qu'on exigeait en plus de la créance. Cela, je pense...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Evidemment, M. le Président, je n'ai pas voulu laisser entendre que les banques s'étaient opposées, mais ce que je dis c'est simplement ceci: il y a une liste d'institutions qui peuvent bénéficier des avantages de la loi, en vertu de l'article 1 que l'on demande par le bill 10 de modifier en autant que le montant garanti par la province est concerné, le montant maximum, soit $500,000, et dans l'article 1, il y a une liste des institutions qui peuvent...

M. BELLEMARE: Recevoir la garantie du gouvernement.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... recevoir des garanties du gouvernement, et les banques à charte ne sont pas incluses.-

M. BELLEMARE: Oui mais...

M. LEVESQUE: Et pourtant, lorsque le ministre...

M. BELLEMARE: ... cela serait à elles de s'en plaindre.

M. LEVESQUE: Ah, non, je crois que c'est au législateur à faire en sorte de corriger, lorsqu'une occasion comme celle-ci se présente une situation qui est illégale. Si l'on veut être très strict et rigoureux, le gouvernement n'a pas le droit, présentement et n'avait pas le droit de consentir des garanties à des banques à charte, si ces banques à charte n'apparaissent

pas sur la liste des institutions qui peuvent bénéficier de ces garanties.

Maintenant, voici ce que je dis au ministre c'est ceci. On n'est pas pressé, s'il veut consulter peut-être des gens plus avertis que nous dans le domaine de la législation...

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LEVESQUE: ... on pourrait peut-être consulter et revenir avec un amendement, s'il y a lieu.

M. BELLEMARE: Je n'ai aucune objection à dire au député que nous allons étudier cet aspect-là, bien que je sois presque sûr qu'à cause de tout ce qui a été fait dans le passé: les banques n'ont jamais refusé ça. En vertu de son mandat, en vertu de la délimitation que lui donne la loi, le ministre des Finances a le droit de porter sa garantie et celle du gouvernement dans des émissions d'obligations qu'a le ministre des Finances. Et ici, on dit bien: « le lieutenant-gouverneur détermine les conditions qu'il faut au ministre des Finances pour porter sa garantie. »

Maintenant, nous allons regarder ça très attentivement et s'il y a lieu d'apporter un amendement, nous le ferons en toute bonne foi.

M. LEVESQUE: Alors, je remercie le ministre de l'Industrie et du Commerce et j'espère que nous pourrons avoir cette opinion dans un avenir rapproché.

M. BELLEMARE: A huit heures.

M. LACROIX: L'article 1 augmentera de $325,000, à $500,000 la somme totale que le ministre des Finances...

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LACROIX: L'article actuellement en discussion augmentera de $325,000, à $500,000 la somme totale que le ministre des Finances peut être autorisé à garantir sur des prêts consentis pour des fins de pêche maritime. Actuellement, il y a $324,000 d'engagé, si on additionne le total qui est là. Est-ce que le ministre pourrait nous dire à qui ils sont destinés. Est-ce que des demandes ont été faites actuellement pour la différence de $175,000.

M. BE LLEMARE : Le député serait bien content si je lui disais que je vais commencer par sa coopérative, chez lui, qui en a besoin.

UNE VOIX: Oui, monsieur.

M. BELLEMARE: Mais je ne peux pas m'engager de la sorte sans avoir... sûrement, on n'a pas demandé $175,000 sans avoir un peu envisagé là où on devait aller au plus pressant. Même si le montant n'est pas entièrement engagé, il yen aura des disponibilités. Il doit rester là, en cas d'accidents graves: un feu, dans une coopérative ou ailleurs. Certaines obligations qui nous sont données au ministère doivent garantir un montant ipsofacto, on l'aura. Je sais qu'il y a chez lui un programme d'une envergure assez considérable: sa coopérative a besoin d'une garantie supplémentaire. Cela, on le sait, mais on ira jusqu'où: cela reste à délimiter.

Maintenant, on étudie sérieusement le cas. Quelques-uns nous ont dit cinquante, d'autres nous ont dit quarante, d'autres, vingt-cinq, un autre a dit 75, un autre a dit cent mille. Cela, je ne peux pas le dire au député qui recherche ma réponse. Il voudrait que je lui dise. J'affirme ça. Je dis que nous sommes actuellement à étudier un programme bien particulier et plusieurs autres: lesquels vont s'appliquer directement, je pense qu'il va nous faire confiance, parce que d'ailleurs, ce sont des responsabilités sur lesquelles nous ne pouvons prendre aucun risque.

M. LACROIX: J'ai bien confiance au ministre, mais j'ai plus confiance en moi.

M. BELLEMARE: Mais ça, ça ne me surprend pas, mon cher monsieur. Combien de fois vous êtes-vous trompé vous-même?

M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous donner la façon dont il prévoit utiliser les garanties additionnelles demandées dans le bill?

M. BELLEMARE: Par exemple, vous avez à un moment donné les Pêcheurs-Unis qui ont un problème important, soit à Sandy-Beach. Il s'agit là de porter une garantie supplémentaire à une installation qu'il faudra compléter. Le député sait de quoi il s'agit, une question municipale mêlée avec l'organisation d'un aqueduc pour apporter toutes sortes de choses... En tout cas...

Voici un problème. Il y en aura peut-être un autre à Rivière-au-Renard ou ailleurs. On a un problème d'ajustement parce que ça n'arrive pas à ce qui avait été prévu à cause de la débacle qui a emporté tous les quais. On a été obligé de tout recommencer et cela a coûté une fortune. Cela, c'est imprévisible: ce sont des faits de Dieu qu'il faut accepter.

Vous avez ensuite, par exemple, une coopérative à un moment donné qui semble être en difficulté. Il faudrait comme ça se produit aux Iles-de-la-Madeleine, essayer de trouver une solution sans aller aux extrêmes mais essayer de l'aider par un pouvoir supplétif justement, qu'on demande pour l'empêcher de faire perdre énormément de capitaux et lui permettre de continuer à progresser.

Il y a quatre ou cinq grandes raisons qui actuellement motivent, pour l'administration, la demande de ce supplémentaire.

M. LEVESQUE (Bonaventure): La loi prévoit à l'article 1, la loi que l'on veut amender au chapitre 210...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ...un montant de $325,000. Nous le changeons à $500,000. Au début en 1943, il était de $75,000...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... et la loi prévoit que le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le ministre des Finances de la province à garantir...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... et à payer s'il y a lieu. Ma question est celle-ci: Depuis 1943, quelles sont les sommes que le gouvernement a eu à payer à la suite des garanties?

M. BELLEMARE: Aucune, aucune. Puis on ne prévoit pas ça non plus. Aucune,aucune. Simplement garantie pure et simple. Qu'elle soit remboursée comme on a ici, dans un cas plus particulier, celui des $100,000 aux Pêcheurs-Unis. On a échéance le 20 avril 1969, ça ne dépassera pas ça.

Ils ont eu du temps à reprendre, d'accord. Mais on les tient absolument dans les cadres de leur obligation, et ce n'est pas une obligation seulement morale, mais pour nous autres, qui voulons continuer à les aider, c'est une garantie additionnelle. Et s'il y a demain matin, dans ces grandes coopératives, Pêcheurs Unis ou d'autres, à un moment donné, un « must », comme par exemple le remboursement d'avances, vous savez qu'avec les remboursements d'avances les Pêcheurs Unis peuvent être pris et il faudra une garantie supplémentaire. A ce moment-là, nous aurons en main... Et c'est pour ça que le crédit doit rester bon. Quand on a aidé les coopératives aux Iles-de-la-Madeleine, le député est au courant de ça, les coopératives de caisses populaires, avec un montant de $75,000. On a fait une avance pour protéger le crédit général des caisses populaires Desjardins aux Iles-de-la-Madeleine.

M. LACROIX: Ce n'est pas parce que les caisses populaires étaient dans une mauvaise situation, c'est parce qu'elles ne disposaient pas des sommes d'argent voulues, et la centrale régionale leur en prêtait.

M. BELLEMARE: On a dit tout à l'heure que c'était parce qu'elles n'avaient justement pas la marge de crédit voulu parce qu'il y avait rareté de monnaie. La caisse de Gaspé ne pouvait plus répondre, à ce moment-là. On a voulu établir une garantie, la province s'est portée garante pour un montant de $75,000, qui est ni plus ni moins que de l'argent mis en circulation pour aider les caisses populaires à se financer. Vous pouvez voir, que dans certains cas, le gouvernement peut être autorisé à fournir des garanties pour payer des emprunts, ça c'est dans la loi. Supposons que pour la construction d'un gros bateau, avec un emprunt dû, on peut, à ce moment-là, garantir, parce que la loi nous le permet. Je ne dis pas que ça arrivera, mais à ce moment-là, si la coopérative ne pouvait pas, on pourrait garantir pour payer l'emprunt.

M. LACROIX: On ne chicane pas le ministre parce qu'il veut porter de $325,000 à $500,000 le montant qu'il est autorisé à garantir sur les prêts consentis. Quant à moi, je voudrais que le ministre soit autorisé à garantir jusqu'à $750,000, parce que tout à l'heure, si vous me permettez, vous avez mentionné que, même en Gaspésie comme à Sandy Beach ou ailleurs, à l'usine de Rivière-aux-Renards probablement, dans ces endroits-là, on aurait besoin de sommes supplémentaires, de garanties supplémentaires de la part du gouvernement. Quant à nous, seulement aux Iles-de-la-Madeleine, nous voudrions au plan de halage de Havre-Aubert, organiser à côté de ça un atelier de construction de petites embarcations, de réparations mineures pour les chalutiers.

A ce moment-là, si on veut que l'Association des pêcheurs hauturiers et les coopératives se groupent pour organiser cet atelier-là, c'est sûr qu'ils auront besoin de crédit et la garantie du gouvernement sera certainement fort utile à ce moment-là.

Il y a aussi le problème de la coopérative centrale de pêcheurs. Tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas l'office d'entreposage et de

mise en marché du poisson... Prenez, à l'heure actuelle, notre coopérative, elle a pour plus de $300,000 de poisson en entrepôt aux Etats-Unis et, si elle avait des disponibilités, des garanties supplémentaires à la Banque de Montréal, elle pourrait améliorer son commerce en augmentant probablement le nombre des chalutiers, en améliorant ses installations et en maintenant également un inventaire de marchandises dont la valeur serait beaucoup plus considérable.

Prenez, par exemple, dans le cas du hareng fumé, quand arrive l'automne, avant la fermeture de la saison de navigation, nous devons expédier le hareng fumé et, à cause du fait que la coopérative centrale n'a pas les sommes nécessaires, les moyens financiers nécessaires pour retenir le stock de hareng fumé, elle doit le mettre sur le marché le plus tôt possible. Et à l'heure actuelle, il n'y a plus de hareng fumé sur le marché et nous avons vendu le nôtre à un prix beaucoup plus bas. C'est la même chose au point de vue du maquereau. Le maquereau salé, à l'heure actuelle, aurait des débouchés assez considérables, il y en aurait pour les pétoncles, mais on n'a pas les moyens financiers nécessaires pour pouvoir entreposer et attendre que le marché soit prêt pour pouvoir utiliser ça. Et c'est pourquoi, je crois qu'il est essentiel que non seulement on augmente à $500,000 mais on devrait augmenter à au moins $750,000 le montant que le ministère des Finances serait autorisé à garantir.

M. BELLEMARE: D'abord, je vais répondre en deux minutes en ce qui regarde Sandy Beach, Rivière-aux-Renards. Je ne dis pas que cela va être des garanties, cela pourra sûrement être des subventions directes pour réparer les dégâts qui ont été faits, sauf dans certains cas particuliers. Pour ce qui est de la coopérative centrale des îles, nous sommes bien au fait de son problème et c'est pourquoi nous avons dit tout à l'heure que nous sommes à étudier quel serait le montant possible dont nous pourrions disposer en garantie. Je ne dis pas, mon cher monsieur, que cela va être $100,000, $200,000: nous sommes à étudier cela et il a raison, le député, certainement.

Seulement, il y a là aussi un problème de vente. Nous ne pouvons pas trop garantir aux caisses populaires, certaines avances d'argent, car nous savons que le marché ne répond pas.Il faut faire attention. Alors, je dis que le $700,000 que demandent les députés, peut-être qu'avec le temps, si ça continue à se développer et que les obligations augmentent, nous n'aurons pas d'objection, seulement, une chose certaine, que cette année, nous prenons une tranche im- portante, selon nos besoins prévisibles, selon ce qui est prévu et nous allons engager, peut-être pas tout le montant même cette année, peut-être pas tout le montant. Ce n'est pas nécessaire.

M. LACROIX: Si vous me permettez, c'est justement, que, si vous étiez autorisé à garantir jusqu'à concurrence de $750,000, si ce n'est pas nécessaire, il n'y a pas de problème, mais seulement là, en supposant que c'est nécessaire dans six mois ou dans un an, alors il faudra revenir encore...

M. BELLEMARE: Monsieur, on est en session douze mois par année.

M. LACROIX: Ce projet de loi là, demandez à votre sous-ministre, comment ça fait d'années que je travaille dessus, pour qu'on l'augmente d'un montant de $325,000.

M. BELLEMARE: Bon, là, il veut qu'on le félicite.

M. LACROIX: Vous me direz que ça ne procède qu'à tous les six mois.

M. BELLEMARE: Combien ç'a pris de temps, mon cher monsieur — si vous avez convaincu mon sous-ministre — pour convaincre votre ministre à vous.

M. LACROIX: Mais, seulement avant de passer à l'autre item...

M. BELLEMARE: Moi, ç'a pas pris de temps, il m'a convaincu tout de suite.

M. LACROIX: Vous allez voir, vous verrez que lorsqu'on va voir le ministre, si on n'a pas convaincu le sous-ministre avant le ministre, c'est difficile de le convaincre.

M. BELLEMARE: Ah! ça par exemple, M. le Président, c'est de prêter des motifs, il n'a pas le droit de faire ça. Nous avons un excellent sous-ministre, et puis je suis bien heureux, M. le Président, des services qu'il rend au ministère. Mais, quand c'est le temps de décider, c'est le ministre qui décide. C'est clair ça.

M. LACROIX: Juste avant d'adopter, si vous me permettez, juste une minute, c'est que, la coopérative de l'Etang-du-Nord, qui a passé au feu...

M. BELLEMARE: Comment?

M. LACROIX: La coopérative de l'Etang-du-Nord dont l'installation a été détruite par le feu...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LACROIX: ... est-ce par cet article là que le gouvernement pourra venir en aide...

M. BELLEMARE: Non.

M. LACROIX: ... en leur garantissant...

M. BELLEMARE: Non, non. En ce qui regarde l'Etang-du-Nord, on s'est aperçu que la garantie qu'ils avaient donnée, l'assurance qu'ils avaient prise, ce n'était pas assez élevé pour couvrir les biens qu'ils avaient, il y a eu négligence. Après ça, que l'évaluation des biens qu'ils avaient, était trop considérable.

M. LACROIX: La valeur de remplacement.

M. BELLEMARE: Nous allons intervenir, mais nous allons intervenir par un autre moyen qui va permettre d'aider raisonnablement par un autre processus, normalement, la coopérative à se réhabiliter, et le député peut être assuré que déjà nous avons mis sur plan tout ce qu'il faut pour venir en aide dès ce printemps à cette coopérative.

M. LACROIX: Parce que ça presse. M. BELLEMARE: Ah oui! Ça presse.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. BELLEMARE: Adopté?

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté? M. BELLEMARE: Adopté. M. LE PRESIDENT: Article 2? M. BELLEMARE: Adopté. M. LE PRESIDENT: Article 3? M. BELLEMARE: Adopté.

M. LEBEL (Président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté sans amendement le bill 10.

M. PAUL (Président): L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose la troisième lecture du bill 10.

M. LESAGE: De consentement unanime.

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime.

M. BELLEMARE: Merci infiniment!

M. LAPORTE: Qu'on en entende plus parler!

M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, avec la réserve faite cependant...

M. BELLEMARE: Ah! oui. Excusez-moi, M. le Président. Avec la réserve que, s'il y a lieu, si l'amendement est nécessaire, je verrai le député au commencement de la séance, à huit heures et, s'il y a lieu, je suis presque sûr que je me suis convaincu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze.

Reprise de la séance à 8 h 18 p.m.

M. PAUL (Président): A l'ordre. M. JOHNSON: Trente.

Motion de M. Daniel Johnson

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose une motion aux fins qu'un comité spécial de quatorze membres soit institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de siéger, même les jours où la Chambre ne tient pas de séance et après la prorogation, pour... Suis-je dispensé? Dispensé.

L'honorable premier ministre.

M. Daniel Johnson

M. JOHNSON: M. le Président, vous avez appelé l'article numéro 30 et vous avez été dispensé de lire cette motion. Je sais par ailleurs que le fait pour un député de lire la motion pourrait, selon la règle dont le numéro m'échappe pour le moment, priver le député de son droit de parole,,

Je pense bien que cette Chambre se rend compte que je parle à l'appui d'une motion qui a pour effet de faire revivre un comité qui est mort en même temps que l'ancien gouvernement, mais qui, contrairement à l'ancien gouvernement, peut être revivifié beaucoup plus facilement. On aura compris, M. le Président, qu'il s'agit du comité de la constitution.

M. COURCY: Lisez donc vos notes, ça va finir plus vite.

M. JOHNSON: M. le Président, on aura compris qu'il s'agit du comité de la constitution et que... Je me suis permis cette remarque plutôt badine, car le sujet dont j'ai-à vous entretenir ce soir est très aride évidemment et fait appel de la part des membres de cette Chambre, à leur sens des responsabilités et à un sérieux d'une qualité un peu spéciale, car il s'agit en somme de traiter de notre constitution, tant au point de vue fédéral qu'au point de vue provincial. Et les observations que je me propose de faire à l'appui de cette motion seront dénuées de tout esprit de parti.

Le problème constitutionnel, on le sait, se situe bien au-dessus des querelles électorales, et j'entends l'aborder avec toute l'objectivité et tout le respect que commande un pareil sujet. Il s'agit de faire revivre, avec un mandat quelque peu modifié, en raison du travail accompli surtout, le comité parlementaire de la constitution, institué lors de la dernière Législature et dont la dissolution des Chambres, au printemps de 1966, entrafnait automatiquement la disparition.

On se rappellera que le comité de la constitution avait été établi à la suite d'une motion présentée en mai 1963 par l'actuel ministre de l'Education et ministre de la Justice, le député de Missisquoi. Cette motion a subi en cours de route des retouches sur lesquelles je reviendrai tantôt, mais le fait essentiel est qu'elle a été adoptée dans sa rédaction finale par un vote unanime de l'Assemblée législative.

C'est dire que, des deux côtés de la Chambre, on a voulu dès le départ maintenir la question constitutionnelle dans sa vraie perspective qui dépasse de beaucoup les considérations personnelles ou partisanes. Grâce à cet effort concerté, le débat sur la motion du député de Missisquoi fut, de l'avis de tous ceux qui en ont été les témoins, l'un des grands moments de l'histoire de notre législature.

C'est dans le même esprit que le comité de la constitution a travaillé pendant trois ans. Bien qu'il ait été composé forcément d'hommes directement engagés dans l'action politique, il a su éviter tout ce qui aurait pu le distraire de sa tâche essentielle. Tous les groupements, même politiques, qui ont accepté de lui soumettre leurs vues et de dialoguer avec lui ont été fortement impressionnés par la sérénité, la hauteur de vues, la disponibilité dont il a fait preuve dans son travail de réflexion et de recherche.

Il reste évidemment beaucoup de besogne à abattre et c'est la raison pour laquelle il faut reconstituer le comité. Mais beaucoup a été fait, spécialement ces trois dernières années, pour susciter au Québec et dans tout le Canada une meilleure compréhension de notre problème constitutionnel et des moyens de le résoudre. Il convient, je pense, de mesurer le chemin déjà parcouru avant d'entreprendre l'étude du mandat à donner au nouveau comité de la constitution.

Pour bien apprécier le travail du comité, ce comité que nous voulons faire revivre, il faut se reporter à la situation qui existait en mai 1963, quand le député de Missisquoi a présenté sa motion. Il y avait spécialement au Québec une grande dissatisfaction et un grand malaise au sujet non seulement de la constitution de 1867, mais plus encore des interprétations et des applications qui ne cessaient de se multiplier à la faveur de ces carences, de ces obscurités et de son inadaptation aux réalités d'aujourd'hui.

Ce mécontentement s'exprimait de diverses façons dont certaines étaient bien plus de natu-

re à aggraver le conflit qu'à le résoudre. La violence et le terrorisme n'ont jamais apporté de véritables solutions à nos problèmes. Ce sont des méthodes absolument contraires à la mentalité et aux traditions du peuple québécois.

Si nous avons réussi à nous maintenir et à nous développer en dépit de tous les obstacles comme communauté de langue et de culture française, c'est parce que nous avons procédé avec dynamisme, mais dans la légalité en utilisant au maximum les ressources de la négociation et du parlementarisme.

Encore ne suffit-il pas de condamner la violence, il faut surtout la prévenir, en agissant d'une façon positive sur les causes susceptibles de la provoquer. Le comité de la constitution, proposé par la motion du député de Missisquoi, avait un double but: aiguiller sur les voies démocratiques et parlementaires un débat qui risquait de glisser sur une pente dangereuse et sans issue, et associer le peuple à la recherche d'un nouvel aménagement constitutionnel.

Jamais, jusqu'à ces dernières années, des citoyens de notre pays n'ont eu l'occasion de participer à une telle recherche. Jamais ils n'ont été consultés sur les diverses constitutions qui les ont régis dans le passé. Toutes ces constitutions leur sont venues d'une autorité extérieure, alors que le Canada était encore sur la dépendance d'une métropole.

Sans doute l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a-t-il préparé au pays, du moins dans ces grandes lignes, au cours des conférences groupant des représentants des diverses colonies d'alors. C'est pour cela que nous parlons à bon droit du pacte fédératif. Encore ce pacte a-t-il du être sanctionné comme on le sait, par une loi du parlement de Westminster et jamais la constitution de 1867 élaborée, par une poignée de dirigeants politiques, n'a été soumise au peuple par voix de référendum.

C'est pourtant au peuple souverain qu'appartient l'autorité constituante, s'il est vrai que nous avons cessé d'être des coloniaux et que nous vivons en démocratie. La création d'un comité parlementaire permettrait d'ouvrir de très larges consultations non seulement auprès des spécialistes en droit constitutionnel, mais auprès de tous les secteurs les plus représentatifs de l'opinion publique. C'était là notre but, et je crois qu'il a été atteint en bonne partie, comme d'autres auront l'occasion de vous le prouver plus amplement.

Dans son texte original, la motion du député de Missisquoi donnait même le premier rôle à la nation plutôt qu'au parlement. Elle proposait, en effet, l'institution d'un comité spécial et je cite, « pour étudier de quelle façon pourraient être formés et réunis les Etats généraux de la nation canadienne-française en vue de déterminer les objectifs à poursuivre dans la préparation d'une nouvelle constitution et les meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs. »

D'après cette conception, c'était aux Etats généraux d'abord qu'aurait été confiée la tâche de déterminer les objectifs à poursuivre dans la préparation d'une nouvelle constitution. Le rôle du comité aurait été d'aider à la formation et au fonctionnement des Etats généraux. Cette rédaction s'inspirait du souci de provoquer un dialogue entre deux nations négociant sur un pied d'égalité.

Le député de Vaudreuil-Soulanges, qui était à ce moment-là ministre de l'Education, a proposé en amendement que le comité soit institué et je cite, « en vue de déterminer les objectifs à poursuivre dans la revision du régime fédératif canadien et les meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs. »

Cet amendement faisait donc disparaître toute mention des Etats généraux, comme elle faisait disparaître évidemment la notion de nation. C'est au comité lui-même que cet amendement voulait confier l'initiative des mesures à prendre pour amorcer les changements désirables.

Nous nous sommes ralliés facilement à ce point de vue. On nous a représenté, non sans raison, que dans l'état actuel de notre droit, seule la Législature est compétente pourparler au nom du Québec en matière constitutionnelle et que, si elle peut très bien prendre l'avis d'organismes constitués en dehors d'elle-même, elle ne doit quand même pas se départir à la légère des responsabilités qui lui incombent. On sait qu'en 1963, des tentatives avaient déjà été faites en dehors du parlement pour constituer des Etats généraux vraiment représentatif s de la nation canadienne-française. Ces efforts semblaient rencontrer, à ce moment-là, des difficultés considérables. Il appert cependant, qu'on a réussi à surmonter ces difficultés, ce qui est extrêmement heureux. Les Etats généraux du Canada français et le comité parlementaire de la constitution sont des organismes qui peuvent non seulement s'aider, mais se compléter l'un l'autre. Etant une émanation de l'Assemblée législative, le comité de la constitution doit se soucier des besoins et des aspirations de la population québécoise dans son ensemble, ce qui ne comprend pas seulement les Canadiens français et ce qui ne comprend pas non plus la totalité des Canadiens français.

Il est donc souhaitable qu'il existe en dehors de notre Législature, et à côté d'elle, un corps spécifiquement constitué pour parler au nom

de la nation canadienne-française. Il reste cependant que cette nation a son principal foyer au Québec et que notre parlement est le seul où elle soit en majorité, le seul qu'elle puisse mettre directement à son service, le seul dont elle puisse faire l'instrument par excellence de son progrès collectif. Ceci confère à l'Etat québécois des droits et des obligations qui n'appartiennent qu'à lui. Même s'il n'est pas l'expression juridique de la nation canadienne-française, notre parlement est, de fait, moralement et politiquement, responsable de son destin.

C'est pourquoi, tout en approuvant certains aspects de l'amendement proposé par le député de Vaudreuil-Soulanges, nous avons d'abord signalé, avec regret, qu'il passait sous silence l'un des éléments les plus fondamentaux du problème constitutionnel, soit l'existence d'une nation canadienne-française. Et nous avons déploré qussi qu'au lieu d'évoquer la préparation d'une nouvelle constitution, comme le faisait la motion du député de Missisquoi, l'amendement ne parlait que de « revision du régime fédératif canadien ». Ce qui restreignait singulièrement le champ des recherches à entreprendre. Convenait-il de fermer d'avance la porte à toute option qui ne cadrerait pas avec le régime fédératif?

M. le Président, j'ai eu l'honneur alors de proposer en sous-amendement un texte qui, tout en laissant au comité et à la Chambre l'ultime responsabilité des décisions à prendre, reposait le problème dans toutes ses dimensions, en parlant d'abord du Canada français, c'est-à-dire d'une réalité sociologique qui n'est pas limitée au Québec, puis en permettant d'explorer non seulement le virtualités du régime fédératif, mais celles de tout régime constitutionnel pouvant convenir au Canada d'aujourd'hui.

Ces suggestions ont été agréées par ceux qui siégaient en face de nous, ce dont je leur sais gré, et c'est à l'unanimité que la Chambre s'est prononcée pour l'institution d'un comité spécial... « ... en vue de la détermination des objectifs à poursuivre par le Canada français dans la revision du régime constitutionnel canadien et des meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs ».

Le comité a donc été formé. Il a pris connaissance des études déjà faites sur le problème constitutionnel, a consulté plusieurs spécialistes en la matière représentant diverses écoles de pensée et a commandé un certain nombre de travaux de base qui ne sont pas tous complétés, mais qui s'avèrent déjà extrêmement utiles pour déblayer le terrain, préciser certaines notions fondamentales et indiquer comment pourraient être appliquées techniquement les diverses solutions envisagées. Il s'est surtout empressé de se mettre à l'écoute de l'opinion publique. Quarante-cinq mémoires lui ont été soumis, qui constituent dans l'ensemble une contribution singulièrement précieuse à l'étude qui amènera la solution du problème.

Le travail du comité a permis entre autres choses de constater qu'il existe chez nous une large unanimité sur plusieurs grandes questions, par exemple le contrôle de la sécurité sociale par le Québec, l'extension des échanges culturels avec les pays d'expression française, la nécessité d'un véritable tribunal constitutionnel ainsi que l'importance qu'il y a pour le Québec de se donner une politique de la main-d'oeuvre, une politique de l'immigration et une politique de la langue française.

Je n'ai pas l'intention de dresser un bilan complet du travail accompli pendant trois ans par ce comité que nous voulons faire revivre. D'autres collègues auront l'occasion, au cours de leurs remarques, de vous présenter un bilan et de vous faire connaître peut-être l'orientation de la majorité des rapports et des mémoires qui nous ont été soumis. Je voudrais plutôt, à l'aide de quelques témoignages récents, souligner l'évolution qui s'est produite dans les esprits en ces dernières années.

Notre comité, bien sûr, n'a pas été le seul artisan de cette évolution, mais si d'autres groupes de travail se sont mis à l'oeuvre, notamment à Toronto et à Ottawa, pour accélérer l'examen de la compréhension du problème constitutionnel canadien, n'est-ce pas pour une grande part à cause de l'impulsion donnée par la Législature de Québec?

Lorsque j'ai parlé pour la première fois de la nécessité d'une constitution nouvelle — c'était dans mon discours sur l'Adresse prononcé le 17 janvier 1963 — la réaction, on s'en souvient peut-être, n'a pas été très chaleureuse, spécialement dans la presse d'expression anglaise. Elle marquait surtout de l'étonnement et du scepticisme.

Aujourd'hui, la plupart des journaux et la plupart des hommes politiques canadiens admettent la nécessité au moins d'un réaménagement constitutionnel.

Je pourrais citer à ce sujet nombre d'articles récents, par exemple celui que publiaient en fin de décembre dernier plusieurs journaux canadiens, sous la signature de M. Peter Newman. « Si le pays doit survivre, écrivait M. Newman, il devra entreprendre au cours des dix prochaines années un certain nombre de changements fondamentaux, dont une remise en chantier de la constitution canadienne.» Le même

commentateur souligne aussi la nécessité d'une réforme parlementaire et va jusqu'à dire que le successeur du général Vanier pourrait bien être le 21e et dernier gouverneur-général du Canada.

Je veux que l'on me comprenne bien.Il s'agit toujours de M. Peter Newman.

Mais ce qui est encore plus important, c'est l'évolution qui s'est manifestée dans les attitudes des dirigeants politiques fédéraux. Je devrais ajouter dans les attitudes publiques. Même M. Sharp semble avoir élargi ses perspectives depuis la dernière conférence fédérale-provinciale, alors qu'il proclamait avec raideur que les mêmes lois fédérales devraient s'appliquer de la même façon à toutes les provinces. Voici, par exemple, ce qu'il disait le 9 janvier, 1967,à Toronto, devant le Canadian Club: « Nous, Canadiens de langue anglaise, n'avons pas fait notre part pour que nos institutions nationales fonctionnent de façon à permettre à nos compatriotes de langue française de sentir que ces institutions sont également les leurs et qu'ils peuvent y participer aussi entièrement et efficacement que nous. « Tant qu'ils ne sentiront pas, continuait M. Sharp, que ces institutions sont autant les leurs que les nôtres, ils seront portés à chercher d'autres remèdes, remèdes qui ne favoriseront pas notre unité et qui ne procureront à aucune des deux parties les avantages comparables à ceux qu'ils pourraient tirer d'une véritable coopération.»

De son côté, dans une entrevue accordée à M. Peter Newman et dont la traduction française a paru dans La Presse du 23 décembre dernier, le premier ministre, le très honorable Pearson disait: « le rapatriement de la constitution n'est plus qu'un aspect de la grande question qui consiste à envisager la modification de la constitution pour la rendre mieux adaptée aux conditions actuelles. »

Et il ajoutait ceci: « Pour ma part, je crois que le premier pas à faire pour réaliser une relative unité avec les Canadiens de langue française dans le pays que nous partageons avec eux consiste pour nous de la majorité à mieux comprendre leurs aspirations, leurs désirs, leur insistance à conserver leur culture, leur langue, leurs traditions à l'intérieur des structures canadiennes. ».

On sait aussi que, dans le discours du Trône lu à l'ouverture de la session en cours, à Toronto, le gouvernement Robarts a proposé la tenue, en 1967, d'une conférence fédérale-provinciale qui porterait sur la Confédération de demain. Et l'on sait, M. le Président, que le gouvernement Robarts, par cette phrase dans le discours du Trône, donnait suite à une déclaration faite à Ottawa par l'honorable John B. Robarts le 26 octobre 1966, quand il disait, et je cite la fin de sa déclaration écrite: « Ce qui importe davantage, il nous faudra énoncer les principes fondamentaux en vertu desquels nous souhaitons que la fédération canadienne évolue à l'avenir. Si nous parvenons à satisfaire les exigences actuelles en vue d'un nouveau partage des impôts, il nous sera alors possible de porter toute notre attention sur les questions plus vastes et plus fondamentales du remaniement de la fédération canadienne avant de conclure des accords de caractère plus irrévocable ».

Commentant le discours du Trône en Chambre, le premier ministre de l'Ontario, avec un esprit de suite remarquable, a déclaré que c'est dans ce genre de conférence convoquée par les provinces qui sont réellement la mère de la confédération — le gouvernement d'Ottawa, étant la fille — que c'est dans un tel genre de conférence convoquée par une province, l'une des quatres provinces fondatrices, que nous aurions le plus de chance de nous entendre.

Je ne puis trop insister sur la nécessité et l'importance d'une compréhension des autres provinces à commencer par celle qui est la plus populeuse, la deuxième quant à l'étendue et l'une, évidemment, des principales parties au pacte de 1867. Et, s'il est dans cet horizon un peu sombre du problème constitutionnel, une éclaircie, nous le devons à M. Robarts et à la province d'Ontario. Il est bon qu'il en soit ainsi pour le Canada car lorsque l'Ontario et le Québec peuvent en venir à une entente. Il y a là une puissance d'entrafnement qu'on ne saurait mésestimer.

Malgré l'excellente besogne qu'a accomplie le comité de la constitution pendant trois ans, il n'était pas encore prêt au moment de la dissolution des Chambres à faire des recommandations définitives. Certains diront peut-être qu'il aurait pu procéder avec plus de célérité. Je n'en suis pas sûr. Le travail dont il a la charge est essentiellement un effort collectif de réflexion et de recherche qui ne peut se faire qu'en étroite liaison avec tous les éléments de la communauté québécoise.

Le but est d'en arriver à un consensus aussi large que possible sur les options à prendre afin que nous puissions dire clairement ce que veut le Québec, ce que veut la nation canadienne-française.Il serait sans doute utopique de vouloir réaliser une unanimité absolue sur tous les points, mais nous devons au moins nous mettre d'accord sur les objectifs essentiels si nous voulons parler avec autorité à la table des né-

gociations. Tout cela n'est possible qu'à partir d'une exploration objective et en profondeur du problème.

Encore faut-il disposer des instruments nécessaires pour hâter ce travail de maturation et de synthèse, pour mettre dans le coup tous ceux dont le concours peut être utile et pour contraindre, en quelque sorte, l'opinion à se cristalliser et à se déterminer entre les divers choix possibles.

L'un de ces instruments, c'est le comité parlementaire de la constitution que nous voulons rétablir par la présente motion.

Maintenant, quel mandat convient-il de donner à ce comité?

Je tiens à dire tout de suite que les termes proposés dans cette motion n'ont rien de sacramentel et que, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes prêts à considérer toutes les suggestions qui pourraient nous être faites afin de conserver, si possible, ce climat d'unanimité qui a valu jusqu'à maintenant à notre comité de la constitution une autorité et un prestige incontestés.

Il est évident cependant que nous ne sommes pas prêts à sacrifier quoi que ce soit des éléments essentiels de ce comité et que l'occasion serait mal choisie de revenir sur des positions déjà acquises et consacrées dans la motion de 1963.

La définition du mandat, telle que suggérée dans la motion, comprend quatre paragraphes que je commenterai dans l'ordre indiqué.

Premier paragraphe: « Préciser les objectifs du Québec et de la nation canadienne-française dans l'élaboration d'un nouveau régime constitutionnel canadien. »

C'est essentiellement le mandat qui avait été confié au comité de 1963. Il s'agit ici de la constitution canadienne et non pas de la constitution interne du Québec dont il sera question dans un paragraphe suivant.

Après cent ans, il est assez normal que cette constitution de 1867 ait besoin d'être repensée et adaptée aux réalités d'aujourd'hui. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit là-dessus en 1963 puisque l'on admet de plus en plus cette nécessité, tant au Canada anglais qu'au Canada français. Mais comment refaire cette constitution?

Au Québec, nous avons toujours compris que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique était de la nature d'un pacte, qu'il donnait effet à une entente non seulement entre les quatre provinces pionnières, mais aussi entre les deux grandes familles culturelles qui ont leur foyer au Canada. Un historien dont je respecte les opinions sans les partager, M. Donald Creighton, semble avoir entrepris de démontrer que c'était là une profonde erreur et que, tout au long de ces cent années, nous nous sommes gravement mépris sur le caractère de la loi de notre pays. Je n'ai pas l'intention d'en discuter ici. Rien ne me paraîtrait plus futile, dans le contexte actuel, que de disserter à l'infini sur les événements de 1867. Nous avons autre chose à faire.

Ce qui intéresse le Québec et les Canadiens français, en 1967, ce n'est pas la constitution d'il y a un siècle, pensée pour un pays de trois millions d'âmes où séjournaient encore des garnisons britanniques, mais celle que doit se donner le Canada d'aujourd'hui, et cette constitution-là ne se fera pas sans nous.

Elle sera essentiellement un nouveau pacte, une nouvelle alliance entre deux nations à moins que l'on tienne à refouler dans le Québec celui des deux groupes dont le canadianisme n'est pas le fait d'un siècle, mais de quatre siècles.

Puisque nous demandons au comité de la constitution de préciser nos objectifs dans l'élaboration d'une nouvelle constitution canadienne, il est clair que nous souhaitons demeurer partie intégrante du Canada. C'est là notre premier choix de demeurer partie intégrante du Canada, pourvu évidemment que nous n'ayons pas à renoncer à notre culture pour être accueillis partout, et pas seulement dans le Québec, comme des citoyens à part entière.

Voilà pourquoi, dans cette première partie du mandat du comité, il faut parler des objectifs du Québec et aussi des objectifs de la nation canadienne-française. Ce sont là deux réalités qui ne sont pas identiques, mais qui se compénétrent tellement qu'on ne saurait les dissocier.

C'est parce qu'il est le principal foyer de la nation canadienne-française que le Québec a besoin de pouvoirs plus étendus, spécialement dans les domaines socio-culturels. Et c'est parce qu'il y a le Québec que les groupes français des autres provinces ne peuvent pas être considérés comme des minorités ordinaires.

Si les Canadiens français étaient dans la même situation que les autres minorités ethniques, le problème constitutionnel se poserait en termes bien différents. Mais leur situation n'est pas du tout la même, d'abord parce que quatre siècles d'enracinement en terre canadienne leur confèrent des droits historiques incontestables, et ensuite parce que, formant plus des quatre-cinquièmes de la population québécoise, ils sont en mesure de s'appuyer sur le gouvernement du Québec pour préserver leur identité et s'épanouir comme nation de culture française. Dans ces conditions, la future constitution canadienne devra nécessairement être le fruit

d'un dialogue, d'une entente, d'une alliance entre les deux nations.

Est-ce à dire que le Québec voudrait imposer sa volonté au reste du pays? Pas du tout. Le Québec veut simplement exercer les pouvoirs qui lui sont nécessaires comme principal responsable de la survie et du progrès de la communauté de culture française. Il ne veut aucunement imposer aux autres provinces des tâches que celles-ci préfèrent confier au gouvernement central.

Il ne s'oppose pas non plus à ce que soient réglés à Ottawa les problèmes qui concernent tous les Canadiens de la même façon, en tant que citoyens d'un même pays. Mais quand il s'agit de questions qui touchent l'avenir culturel, économique, social et politique de la communauté dont ils font partie, il est normal que les Québécois de langue française préfèrent traiter avec le gouvernement du Québec où ils sont en majorité plutôt qu'avec celui d'Ottawa où ils sont en minorité. Les Canadiens de langue anglaise auraient exactement les mêmes exigences si, tout en formant la majorité dans une ou plusieurs provinces, ils étaient en minorité à Ottawa»

En somme, il s'agit de trouver une formule qui respecte au maximum le droit à l'autodétermination de chacune de nos deux communautés culturelles, pour qu'elles puissent ensuite travailler d'un même élan et d'un même coeur à la gestion de leurs intérêts communs. Ou, pour reprendre une expression que j'ai maintes fois utilisée au Québec et hors du Québec, il s'agit de séparer ce qui doit être séparé pour mieux unir ce qui doit être uni.

Plus que jamais, je suis convaincu que les Canadiens d'aujourd'hui ont assez de sagesse, d'ingéniosité et de largeur de vues pour inventer au besoin un régime constitutionnel qui réponde à ces nécessités profondes.

Je passe maintenant au second paragraphe du mandat proposé, qui se lit comme suit: « Prendre charge des travaux nécessaires pour rassembler en un tout harmonieux les divers éléments de la constitution interne du Québec et proposer les dispositions nouvelles qui pourraient y être incluses, notamment en ce qui concerne les modifications futures de ladite constitution et les garanties des minorités. »

Il s'agit donc ici de la constitution interne du Québec et non plus de la constitution du Canada, Cette constitution interne, nous en sommes les maîtres absolus depuis 1867, avec la seule réserve que nous ne pouvons pas toucher aux fonctions du lieutenant-gouverneur.

L'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dit en effet ceci et il est important de le lire attentivement. C'est avec ébahissement que des représentants de certains pays ont entendu mes propos et ont lu avec moi cet article. Ils avaient, évidemment, en lisant les journaux, pris peur. Ils avaient fait des rapports à leurs pays en disant: quand on parle de constitution interne, on parle de séparatisme. Ils oubliaient tout simplement l'article 92 que je cite en partie. « Dans chaque province, la Législature pourra exclusivement légiférer sur les matières entrant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir: 1. A l'occasion, la modification (nonobstant ce qui est contenu au présent acte de la constitution de la province, sauf les dispositions relatives à la charge de lieutenant-gouverneur. »

Comme on le sait, M. le Président, il n'y a pas de version française officielle, et je crois qu'il est important ici de citer la version anglaise de cet article 92 que les députés de cette Chambre pourront consulter, en relation avec plusieurs autres articles.

J'aimerais ici citer le texte, le seul qui soit officiel puisque depuis 1867 notre constitution n'a pas encore appris à parler l'une de nos deux langues officielles. « In each province the Legislature may exclusively make laws in relation to matters coming within the classes of subject next herein after enumerated, that is to say: 1. The amendment from time to time notwithstanding anything in this Act of the Constitution of the Province except as regards the office of Lieutenant-Governor. »

Mais où est-elle cette constitution du Québec, M. le Président?

Habituellement, la constitution d'un Etat est la loi la plus connue et la plus vénérée, puisque c'est la loi fondamentale de cet Etat, celle qui établit les organes du gouvernement, qui en règle les pouvoirs et le fonctionnement, qui protège du même coup les droits et les libertés des citoyens.Il n'en est pas ainsi au Québec parce que nous n'avons jamais pris la peine de rassembler dans un document unique et logiquement ordonné les divers éléments de notre constitution interne.

Certains de ces éléments se trouvent bien sûr dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, par exemple aux articles 71 et suivants, que nous avons cependant le droit de modifier et que nous avons effectivement modifiés à plusieurs reprises, spécialement en ce qui concerne le nombre et la répartition des districts électoraux. D'autres se trouvent dans des lois organiques, comme la Loi de la Législature, la

Loi de la division territoriale et la Loi électorale. D'autres enfin résultent d'usages ou de conventions non écrites.

Je crois qu'une constitution aussi éparpillée et aussi imprécise ne répond plus aux besoins du Québec moderne. Elle ne saurait satisfaire non plus ce besoin de logique et de clarté qui est l'une des principales caractéristiques du génie français. Sans compter qu'elle a grand besoin d'être précisée et complétée.

N'oublions pas qu'en utilisant simplement le pouvoir, que nous avons déjà, de modifier notre propre constitution, nous pourrions jusqu'à un certain point donner au Québec un statut différent de celui des autres provinces.

Dans une émission télévisée, l'hiver dernier, sous la rubrique — on s'en souviendra peut-être avec plaisir dans certains milieux et avec moins de plaisir dans d'autres — « En toute franchise », j'ai évoqué la possibilité d'instaurer chez nous un régime présidentiel,,

Depuis, le député de Vaudreuil-Soulanges a repris la même idée. C'est l'un des points qui devraient être étudiés par le comité,,

Il y a encore la question des minorités, qui est spécifiquement mentionnée dans la présente motion. N'oublions pas que les constitutions protègent surtout les minorités. Les majorités ont bien d'autres moyens de sauvegarder leurs droits.

Les constitutions existent parce qu'il y a des droits, des règles, des principes qui doivent primer même sur la volonté d'une majorité. Nous avons en cette matière des traditions de justice qui sont partie intégrante de l'héritage québécois et qu'il faut préserver par des garanties efficaces.

La protection des droits de la personne humaine répond à une préoccupation du même ordre. J'ai souvent parlé de la nécessité d'une charte des droits de l'homme. Même si une telle charte doit normalement être intégrée à la constitution, je crois qu'il s'agit là d'un problème spécifique dont il vaut mieux confier l'étude à un autre comité.

Certains aspects de la constitution interne du Québec resteront évidemment subordonnés aux options qui pourront être prises sur le plan de la constitution canadienne. Il y a cependant tout un travail de déblayage, de compilation et de mise en ordre qui doit être entrepris immédiatement si nous voulons être prêts, dans un avenir aussi proche que possible, à soumettre à l'approbation du peuple une véritable constitution québécoise. Une grande part de ce travail devra être fait par des spécialistes, mais il appartiendra au comité parlementaire d'en assumer la direction.

Sauf erreur, nous sommes les premiers à avoir préconisé qu'une charte des droits de l'homme soit incluse dans la constitution, et la constitution canadienne et la constitution interne du Québec. Et nous sommes également, sauf erreur, les premiers à avoir publiquement et par écrit préconisé que les droits des minorités dans cette province soient garantis, qu'ils ne soient pas abandonnés à la simple majorité d'une Chambre unique, qu'il y ait un mécanisme, qui rende plus difficile le changement ou la modification de ces garanties qui devraient être incorporées dans la constitution interne du Québec afin qu'aucun citoyen dans cette province qui n'est pas de langue française ne se sente étranger dans cette province.

On se demandera par quel mécanisme cette constitution interne du Québec pourrait être amendée à l'avenir. C'est là un aspect très important qui doit être envisagé en liaison étroite avec la paragraphe suivant du mandat:

Je dois faire observer ici que lorsque je parle de mécanismes, je voudrais bien qu'on m'entende, il s'agit de mécanismes au pluriel et je n'ai trouvé aucune façon de faire une liaison qui ferait découvrir l's.

Le troisième paragraphe: « Etudier l'opportunité d'établir à la place du Conseil législatif, un organisme représentatif des corps intermédiaires, des minorités du Québec, des agents de l'économie et des professions, avec des structures et des pouvoirs conformes aux besoins de notre époque ».

Nous sommes tous d'accord sur le principe de l'abolition du Conseil législatif tel que constitué présentement.

M. LESAGE: Alors, demain après-midi, première, deuxième et troisième lecture.

M. JOHNSON: Nous sommes tous d'accord... M. LESAGE: Les adieux demain soir. M. KIERANS: Bougez un peu.

M. JOHNSON: ... sur le principe de l'abolition du Conseil législatif, tel que constitué présentement. J'ai des nouvelles pour cette Chambre. Même le Conseil législatif est d'accord, même la majorité.

M. LESAGE: Ce n'est pas ce que j'ai compris de la part du président, mais je ne veux pas interrompre le premier ministre.

M. JOHNSON: On se souviendra sans doute que, le 9 février 1965, cette Chambre a voté

unanimement en deuxième lecture, par un vote de 64 à 0, le bill 3, présenté par l'ancien gouvernement pour restreindre les pouvoirs du Conseil législatif, et en permettre éventuellement l'abolition. Donc, nous étions d'accord sur le principe.

A la motion portant que la Chambre se forme en comité, le député de Bellechasse a présenté une motion d'amendement, à l'effet que le bill 3 « soit référé au comité de la constitution avec instruction d'étudier l'opportunité d'abolir le Conseil législatif et, s'il y a lieu, de créer un nouvel organisme représentatif des corps intermédiaires, des minorités, des agents de l'économie et des professions avec des structures et des pouvoirs conformes auxbesoins de notre époque. »

C'est que l'abolition du Conseil législatif soulève entre autres deux problèmes.

D'abord, faut-il à la place du Conseil, tel que constitué présentement, établir un autre organisme mieux adapté aux besoins d'une démocratie moderne?

M. LESAGE: Non.

M. JOHNSON: Certains disent...

M. BERTRAND: Vous répondez: non.

M. JOHNSON: ... certains disent qu'une seule Chambre suffit au Québec.„„

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: ... puisque les autres provinces, qui en avaient autrefois une seconde, s'en sont départies et ne paraissent pas le regretter. D'autres disent par contre que le Québec n'est pas une province comme les autres, qu'il est en quelque sorte l'Etat national des Canadiens français et qu'à l'exemple d'à peu près tous les Etats nationaux dans l'univers entier, il a besoin d'une deuxième Chambre.

M. le Président, à la rigueur, on pourrait commencer par abolir le Conseil actuel, quitte à trancher plus tard ce premier problème, s'il ne s'en posait un second beaucoup plus vital: advenant la disparition du Conseil, par quels mécanismes pourrons-nous assurer la protection de nos droits constitutionnels?

A l'heure actuelle, c'est la Législature qui est maîtresse de la constitution interne duQué-bec et c'est également la Législature qui doit parler au nom du Québec quand il s'agit d'amender la constitution canadienne. Comme cette Législature comprend deux Chambres, il y a là une protection qui n'existerait pas si les décisions en matières constitutionnelles pouvaient être prises par une majorité simple de la seule Assemblée législative. La constitution pourrait alors être modifiée comme n'importe quelle autre loi, au gré d'une majorité éphémère. Elle n'aurait plus ce caractère de stabilité et de continuité qui est nécessaire à une véritable constitution.

Cela ne nous empêche aucunement d'abolir le Conseil législatif, mais la prudence exige qu'avant de l'abolir, nous nous entendions pour mettre en place d'autres mécanismes de protection, afin qu'aucune mesure tendant à modifier la constitution du Canada ou celle du Québec ne puisse être adoptée à la légère et sans l'assentiment manifeste de l'opinion publique.

Ces mécanismes pourront prendre différentes formes, selon qu'il y aura ou non une seconde Chambre. C'est pourquoi nous estimons que tous ces problèmes doivent être étudiés en relation les uns avec les autres au comité de la constitution.

Une fois ces mécanismes établis, il deviendra possible d'abolir le Conseil législatif sans recourir à aucune autorité extérieure, puisque dans la contre-adresse qu'ils ont votée le 2 juin dernier, les membres de la Chambre Haute ont formellement déclaré « qu'ils auraient concouru dans la proposition que toute mesure visant à modifier la constitution du Canada ou celle de la province — ce qui comprend de toute évidence une loi abolissant le Conseil législatif — soit, au cas de désaccord entre les deux Chambres, soumise à la décision du peuple du Québec, par voie de référendum, de telle sorte que les deux Chambres auraient été liées par la volonté populaire. »

M. le Président, c'est là...

M. LESAGE: C'est ridicule... UNE VOIX: Parlez à votre tour.

M. JOHNSON: C'est l'opinion du chef de l'Opposition de trouver...

M. LESAGE: C'est ridicule à sa face même.

M. JOHNSON: ... de trouver que l'opinion du peuple par voie de référendum en matière constitutionnelle, c'est ridicule.

M. LESAGE: Ce sont les mécanismes proposés par le Conseil... C'était cousu de fil blanc.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: M. le Président — évidemment, je pourrais lire tout l'extrait: j'ai ici le document en question — cette citation nous est apportée pour établir que le Conseil a lui-même consenti formellement dans une motion, qui est la façon normale pour lui de s'exprimer comme pour nous d'ailleurs, que ses pouvoirs soient réduits: il a consenti à ce qu'un amendement constitutionnel, qui toucherait soit à la constitution du Canada ou à la constitution interne, au cas de désaccord, soit soumis au peuple et a consenti à être lié d'avance par la décision du peuple.

J'en arrive, M. le Président, au quatrième point — et c'est mon dernier — tel que proposé dans la motion:

Faire des recommandations à la Chambre sur les meilleurs moyens de former et de convoquer une assemblée constituante qui puisse parler au nom du peuple québécois en ce qui concerne la constitution interne du Québec et la négociation d'un nouvel ordre constitutionnel canadien.

Il est évident qu'il s'agit là d'une constituante québécoise, dont la première fonction consistera à donner sa forme définitive à la constitution interne du Québec une fois que le travail de défrichement aura été exécuté sous l'égide de ce comité parlementaire.

Normalement, une constituante est munie de tous les pouvoirs voulus pour adopter une constitution, sauf que, très souvent, celle-ci doit encore être ratifiée par voie de référendum avant d'être promulguée. Mais, dans l'état actuel de notre droit public, aucune mesure ne peut avoir force de loi si elle n'est pas votée par les Chambres et sanctionnée par le lieutenant-gouverneur. Je crois par conséquent qu'en théorie les décisions de la constituante ne pourraient pas lier notre parlement.

En pratique, cependant, les travaux de la constituante auraient une telle solennité et un tel retentissement que ses conclusions s'imposeraient d'elles- mêmes. Nous serions moralement, sinon juridiquement, liés par ces conclusions.

De la même façon, en endossant les propositions du Québec et de la nation canadienne-française dans l'élaboration d'un nouveau pacte canadien, la constituante leur donnerait une force et une autorité dont nos partenaires du reste du pays devraient nécessairement tenir compte. Ce serait le couronnement du travail accompli par le comité de la constitution et par les Etats généraux du Canada français.

Comment devrait être formée cette constituante? Certains ont exprimé l'avis qu'elle devrait comprendre tous les députés, plus un cer- tain nombre de spécialistes et de représentants des corps intermédiaires qui pourraient être désignés par les Etats généraux. Bien d'autres suggestions seront sans doute faites au comité, qui les étudiera et fera des recommandations à la Chambre à mesure qu'avancera son travail.

Tout cela, M. le Président, constitue un bien vaste chantier.Il ne faut pas oublier toutefois que ce comité de la constitution peut compter sur le personnel du ministère des Affaires fédérales-provinciales pour l'aider dans son travail.Il dispose aussi d'un budget qui lui permet d'obtenir bien des concours extérieurs. Et je ne doute pas qu'une collaboration fructueuse puisse s'établir entre le comité de la constitution et les Etats généraux du Canada français.

De toute façon, je ne pense pas qu'il y ait à l'heure actuelle de tâche plus nécessaire et plus exaltante que la recherche d'un nouvel ordre constitutionnel pour le Québec et pour le Canada. Je n'en connais pas qui soit plus susceptible de revaloriser le rôle du député.

M. le Président, il eût été tellement plus facile pour le gouvernement qui nous a précédés comme pour le nôtre, de faire prendre la voie d'évitement à ce problème consititutionnel.

Mais nous manquerions gravement à notre devoir de députés, de représentants démocratiquement élus formant, nous tous, ceux qui siègent à votre gauche comme ceux qui siègent à la droite, porte-parole valables de toute la province, si nous ne nous attaquions pas à la solution de ce problème. Et nous devons le faire, du moins je crois exprimer là l'opinion de mes collègues, les députés de la droite et probablement de tous les députés de la gauche, mais certainement ma conviction profonde: nous devons le faire en ouvrant les voies démocratiques: il faut le faire en détruisant ce mur psychologique qui sépare Canadiens de langue française des Canadiens d'expression anglaise. Il faut se débarrasser de ce complexe de vainqueurs et de vaincus. Il faut, les yeux tournés vers l'avenir, tenter de donner à notre jeunesse un but commun — comme dirait Bossuet, un « common purpose » — un but commun, un travail à accomplir ensemble. Ce qui manque à notre pays, quand on le visite dans son entier, quand on a l'occasion, comme c'est le cas pour plusieurs membres de cette Chambre et pour celui qui vous parle, de rencontrer très souvent des interlocuteurs valables sur le problème, des gens qui s'interrogent comme nous sur l'avenir de notre pays, ce qui me frappe chaque fois c'est le manque d'idéal commun, ce « common purpose ». En somme, à quelle tâche allons-nous atteler la jeunesse de langue et de formation anglophones et la jeunesse de formation et de langue francophones?

Ce n'est plus, Dieu merci, une question de biologie: disparu à jamais, j'espère, dans l'intention et dans l'idée, dans le coeur et dans les réflexes de tous les Canadiens, ce racisme. Notre nationalisme à nous n'est pas un nationalisme biologique: c'est par la culture que des gens au nom aussi dissonant que le mien et celui du député de Saint-Laurent, c'est par la culture et non par le sang analysé au compte-gouttes que nous nous classons dans une catégorie ou dans l'autre, que nous sentons une appartenance réelle à la communauté francophone plutôt qu'à la communauté anglophone.

M. le Président, disparu, j'espère à jamais, ce racisme et ce nationalisme biologiques, et qu'il soit remplacé par ce nationalisme culturel, nationalisme culturel qui n'est plus compartimenté par la religion que l'on pratique ou l'absence de religion: culture, moyen, commun dénominateur, qui rallie tous ceux qui, par leur formation ou par option, se veulent intégrés à l'une ou l'autre des communautés.

C'est par cette culture et par cette entente entre deux groupes culturels, avec des mécanismes en vertu desquels l'un et l'autre pourront avoir, quant à leurs problèmes socio-culturels, un contrôle raisonnable, établi dans des mécanismes permanents qui reposent sur autre chose que la bonne volonté d'hommes politiques, fussent-ils les hommes les plus sincères au monde.

C'est par cette façon de coordonner ces deux cultures que nous allons trouver la solution pour au moins un autre siècle, je l'espère, d'une unité canadienne qui ne constituera pas un carcan pour l'une ou l'autre des communautés linguistiques.

Nous sommes profondément conscients que l'avenir du Canada, s'il doit continuer d'exister comme pays — et je le souhaite — c'est précisément en ouvrant les portes vers le monde, mais deux portes, celle de la culture anglophone et de la culture des Canadiens de langue française. C'est là la solution à mon humble point de vue des problèmes qui pour quelques-uns paraissent inextricables, mais qui, pour nous, qui avons travaillé ferme depuis tant d'années et particulièrement depuis trois ans au comité de la constitution, ne paraissent pas insolubles.

M. le Président, cette motion comme celle du député de Missisquoi en 1963 qui tend en somme à faire revivre le mandat de ce comité de 1963, avec certains pouvoirs additionnels que j'ai expliqués, cette motion est apportée à cette Chambre et discutée devant notre population et devant la population du Canada tout entier comme un élément constructif. Nous ne cherchons pas par ce comité, et aucun membre de cette Chambre ne cherchera pas ce comité, à faire valoir ce qui peut être négatif chez tout homme ou l'aspect négatif de toute vertu. Au contraire, ce comité fournira l'opportunité à plusieurs membres de cette Chambre qui travailleront d'une façon plus sérieuse, à tous les membres de cette Chambre qui voudront participer à ces travaux sans être formellement du comité, ce comité fournira à tous les députés de 1967 l'occasion d'apporter une contribution positive à un Québec plus progressif, une communauté française plus libre, mais en même temps plus organiquement structurée dans un pays que nous aimerions maintenir uni au véritable sens du mot, c'est-à-dire au sens qui permet à notre groupe de s'épanouir plutôt que de se faire écraser.

M. le Président, pour toutes ces raisons j'ai l'honneur de proposer:

Qu'un comité spécial de quatorze membres soit institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de siéger même les jours où la Chambre ne tient pas de séance et après la prorogation pour: a) préciser les objectifs du Québec et de la nation canadienne-française dans l'élaboration d'un nouveau régime constitutionnel canadien: b) prendre charge des travaux nécessaires pour rassembler en un tout harmonieux les divers éléments de la constitution interne du Québec et proposer les dispositions nouvelles qui pourraient y être incluses, notamment en ce qui concerne les modifications futures de ladite constitution et les garanties des minorités: c) étudier l'opportunité d'établir, à la place du Conseil législatif, un organisme représentatif des corps intermédiaires, des minorités du Québec, des agents de l'économie et des professions avec des structures et des pouvoirs conformes aux besoins de notre époque: d) faire des recommandations à la Chambre sur les meilleurs moyens de former et de convoquer une assemblée constituante qui puisse parler au nom du peuple québécois en ce qui concerne la constitution interne du Québec et la négociation d'un nouvel ordre constitutionnel canadien.

Que ledit comité prenne possession de toute la documentation recueillie et des travaux déjà exécutés ou commencés par le comité de la constitution créé au cours de la dernière législature.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. Pierre LaporteM. LAPORTE: Vous me permettrez d'abord

de féliciter le premier ministre pour le ton de son discours. Il a adopté un style qui nous fait véritablement croire qu'il est dans une de ses phases pro-canadiennes, et je puis lui dire que certains passages de son discours semblent avoir été mieux accueillis du côté de l'Opposition que parmi ses propres députés, surtout quand il nous parlait de la nécessité de faire l'impossible pour que le Canada survive. Nous nous sommes même demandés, à un certain moment, en voyant le ton de ce discours, si, devant le départ éventuel et peut-être prochain de M. Diefenbaker, le premier ministre ne songerait pas à une carrière fédérale.

M. JOHNSON: C'est ça, partez des rumeurs. M. BELLEMARE: Celle-là est rare.

M. BERTRAND: On ne s'y attendait pas à celle-là. Est-ce qu'il a envie de partir?

M. JOHNSON: Non, mais est-ce que le député est certain que M. Diefenbaker veut partir?

M. LAPORTE: Le journaliste ou n'importe quel commentateur qui oserait affirmer une telle chose serait très imprudent, mais le premier ministre peut toujours espérer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme vous espérez le départ de Lesage, vous.

M. LAPORTE: Evidemment, le seul qui peut « trembler » par le fait qu'il reste, est bien celui qui nous parle actuellement. Il suffit d'aller un peu partout dans la province de Québec, actuellement, pour savoir que celui qui s'en va n'est pas le sage, mais l'autre qui est devant moi.

M. LOUBIER: Ah, bon.

M. BERGERON: Vous ne restez pas dans la même province que nous.

M. LAPORTE: Ils ont fameusement compris... Si on est en train d'analyser la constitution de l'Union nationale, cela prend un autre comité. Cela prend presqu'une autopsie.

M. LOUBIER: Il est comme le Crédit social: il s'en vient depuis 40 ans.

M. LAPORTE: Oui, et vous, vous en allez depuis six mois. Faites-vous en pas.

M. DEMERS: On sait où on va, nous.

M. LAPORTE: Et vous y allez vite, on le sait, nous aussi.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que je... attendez un peu, là... J'espère qu'après mon discours que je veux très calme...

M. JOHNSON: Ah oui.

M. BELLEMARE: Ah oui.

M. JOHNSON: Cela commence bien.

M. LAPORTE: On a le droit de le vouloir. J'espère qu'aucun journaliste ne sera obligé de dénombrer 133 interruptions.

M. JOHNSON: Comme ça m'est arrivé pendant trois quarts d'heure l'autre soir.

M. LAPORTE: Oui, oui, apparemment, vous êtes plus sensible à celles qui vous sont faites qu'à celles qui sont faites aux autres de ce côté-ci, parce que ça s'équilibre pas mal.

M. ROY: Vous seriez déçu de ne pas être interrompu.

M. LAPORTE: Par vous, je serais surpris, tout simplement.

M. ROY: Une grande déception.

M. LAPORTE: Après ces félicitations très interrompues que j'ai faites au premier ministre, que ses propres partisans ont hachées d'interruptions.

M. JOHNSON: Oui, félicitations cordiales et qualifiées...

M. LAPORTE: Oui, évidemment. Vous ne voudriez pas que je vous fasse des félicitations comme ça, en général. Je tiens aies qualifier...

M. JOHNSON: Non, je ne peux pas demander au député d'être sincère.

M. LAPORTE: Quand je serai tenté de ne pas faire de félicitations au premier ministre, je ne me gênerai pas. Quand je lui en fais, c'est parce que j'y crois. Je ne prétends pas que ça arrive souvent, mais quand cela arrive, c'est parce que j'y crois.

J'ajouterai que ce comité qu'on nous suggère ce soir semble un peu être une redondance de celui qui existait et qui a accompli un travail très considérable depuis quelques années.

Non pas que je sois ou que nous soyons contre cette motion qui va sûrement nous permettre d'accomplir un travail important, mais il aurait tout simplement été possible et on aurait sûrement épargné à cette Chambre plusieurs heures, il aurait été possible, dis-je, comme nous l'avions fait au cours des sessions précédentes de redonner simplement vie au comité créé en 1963, de le laisser continuer son travail et d'espérer qu'il soit en mesure de proposer à cette Chambre aussi rapidement que possible un rapport final.

Le premier ministre a préféré rédiger une autre motion qui, en des termes plus complexes, dans une formule plus élaborée, dit à peu près ce que disait la motion de 1963. Mais ceci permettra quand même à ce comité, d'étudier certains problèmes qui, il serait oiseux de vouloir l'ignorer, sont d'une importance vitale non seulement pour la province de Québec, ce qui doit je pense, avec le mandat que nous avons reçu des citoyens, nous intéresser au premier chef, mais des problèmes qui sont également vitaux pour le Canada tout entier.

Même si nous ne décidions pas de quitter la Confédération, il est bien évident que dans un pays composé de dix provinces, s'il existe une unité, même la plus petite, mais s'il existe une unité aussi importante par le nombre de ses citoyens, par l'importance de son apport culturel, par l'importance de son économie, s'il existe, dis-je, une unité à l'intérieur du pays, qui se sente malheureuse, qui n'a pas l'impression d'être complètement acceptée ou qui voit une partie de ses droits continuellement violés, il est clair que la maladie de cette unité ne peut pas ne pas se répercuter sur l'ensemble du Canada. Ce qui me permet de conclure que, pour la santé même de notre pays, au seuil de ce deuxième centenaire que nous entreprenons, il est essentiel que tous les Canadiens, quels qu'ils soient, décident que la province de Québec devra au cours des toutes prochaines années recevoir ce qui lui apparaît non pas comme une faveur, non pas comme des cadeaux, mais simplement comme sa part entière de justice à l'intérieur de la Confédération.

Il y en a qui s'étonnent, particulièrement en dehors de la province de Québec, de voir ce réveil soudain des aspirations québécoises. On se demande comment il se fait qu'après avoir été somnolents pendant si longtemps, nous ayons subitement décidé que le sort qui nous a été fait dans la Confédération au cours des cent pre- mières années, nous n'allions pas l'accepter pour les années qui viennent. C'est qu'on a oublié que dans trois domaines d'une importance capitale: l'éducation, l'économie et la culture française, ce qui se passe actuellement dans la province de Québec est sans précédent dans notre histoire.

Grâce au développement de l'éducation, grâce à cet éclatement qui a eu lieu dans ce domaine en particulier au cours des années passées, il y a de plus en plus de gens, particulièrement chez les jeunes, qui sont conscients de ce qu'ils représentent au Canada, conscients d'abord de leurs propres besoins à eux — on a acquis une fierté de bon aloi — conscients également que les années qui se sont écoulées depuis 1867 n'ont pas toujours été roses pour la province de Québec et pour les groupes de langue française qui avaient décidé de s'installer ailleurs au Canada, théoriquement chez eux, mais en pratique presque dans un pays étranger.

A cause des besoins que nous sentons monter dans tous les domaines, nous nous rendons compte que si nous ne réussissons pas à maîtriser le domaine économique, tout le reste va nous échapper. L'on aura beau faire toutes les théories que l'on voudra sur la nécessité de l'éducation, sur l'importance de la culture française au Canada, spécialement dans la province de Québec, si nous ne maîtrisons pas pour nous-mêmes notre part de vie économique canadienne, le reste va nous échapper.

Il est facile de comprendre que nous ne ferons pas croire éternellement à des générations de jeunes Canadiens français que la langue et la culture françaises sont des valeurs qui sont utiles à la maison, dans leurs relations entre Canadiens français, mais que dès que l'on veut gagner sa vie, réussir, il faut opter pour la langue et la culture de l'autre groupe ethnique du Canada. Ou bien ces jeunes Canadiens français vont décider à tort ou à raison de vivre dans une réserve, ou bien petit à petit, ils vont opter pour la langue et la culture de celui qui est en mesure de lui donner, du point de vue économique, ce qu'il est en droit d'exiger.

Nous en sommes, je pense, à l'heure des vrais problèmes, à l'heure des problèmes de fond. Une chose doit nous inquiéter, ce sont les revendications sentimentales ou encore la course aux miettes. Nous ne devrons plus jamais nous satisfaire de certains succès que nous avons déjà célébrés comme des victoires majeures. Chèques bilingues, monnaie bilingue ou quelques autres jouets, hochets que de temps à autre l'on nous a donnés pour tenter de calmer certaines revendications.

Aujourd'hui, on peut affirmer que s'affron-

tent d'une part la bonne volonté croissante d'une partie des Anglo-Canadiens et d'autre part le réalisme nouveau du Canada français. Il est clair qu'à certains points de vue, les relations entre les deux groupes ethniques du Canada se sont améliorées. On l'a écrit à plus d'une reprise, mais l'impatience des Canadiens français s'est multipliée par dix. Ce qui doit nous inquiéter et ce que l'on doit regretter, c'est que malheureusement la bonne volonté d'un trop grand nombre d'Anglo-Canadiens semble toujours êlre en retard d'une réforme sur ce que nous demandons. Alors que des Anglo-Canadiens sont extrêmement heureux, par exemple, de nous dire qu'ils apprennent le français, que leurs enfants apprennent le français, ce qui est excellent et fondamental, ils oublient malheureusement que, pour une portion croissante du groupe de langue française, nous avons franchi un pas de plus, nous en sommes rendus à réclamer le français prioritaire. La motion que nous avons devant nous nous permettra tout simplement de continuer un travail commencé à la suite d'une motion du député de Missisquoi, travail qui a été considérable puisque 45 mémoires ont été présentés, puisque de nombreuses séances de travail nous ont permis de discuter avec les gens qui venaient devant nous présenter des mémoires, puisque des experts nombreux ont commencé de nous envoyer le fruit des travaux que nous leur avions confiés. Je pense que c'est devant un tel comité formé de représentants élus, de citoyens de la province de Québec, que l'on peut le plus et le mieux discuter de ces problèmes dans une atmosphère de sérénité — atmosphère qui ne serait peut-être pas possible si l'on s'en tenait au texte de la motion et convoquer ce que l'on appelle une constituante.

C'est un problème qui sera étudié de façon plus élaborée par quelques-uns de mes collègues, mais comme nous nous l'étions demandé à l'occasion de l'étude de la motion Bertrand, en 1963, nous devons nous demander si cette constituante n'aboutira pas à une espèce de tour de Babel ou de cacophonie —comme malheureusement nous en avons eu l'expérience il n'y a pas si longtemps — et si, de toute façon, le travail ne devra pas être repris par un comité restreint composé de parlementaires.

M. le Président, les problèmes que nous avons à étudier sont à ce point importants que nous devons nous imposer comme une règle d'or, d'éviter tous les appels au sentimentalisme, tous les appels à un nationalisme qui peut être efficace auprès de certaines gens, nationalisme auquel personnellement je crois, mais qui ne doit jamais prendre le pas sur la raison, sur la logique, lorsque nous étudions des problèmes, non seulement pour nous, mais certainement pour quelques générations à venir. J'affirme que l'enjeu du débat est extrêmement considérable, car ce n'est pas seulement d'ajuster nos structures politiques aux besoins de l'heure, mais de nous demander et de demander au reste du pays si le Canada même survivra aux problèmes qu'il doit actuellement affronter.

Nous n'avons pas uniquement à rechercher les moyens d'une coexistence harmonieuse. La possibilité même de la cohabitation se pose dans un nombre considérable de cerveaux québécois. Je pense qu'il n'est ni exagéré, ni imprudent de dire que, pour le Canada, les débats qui ont cours actuellement constituent probablement une dernière chance. Je me refuse personnellement à être pessimiste. Je suis d'avis qu'il est possible d'en venir à une entente, à la condition de ne pas envisager l'avenir comme un replâtrage, mais comme un nouveau départ sur des bases qui pourraient être entièrement nouvelles. Ceux qui refuseront, dans le reste du pays, de nous accorder ce que nous considérons comme le minimum pour rester canadiens, ceux-là devront être, bien plus que nous, considérés comme des séparatistes.

On peut poser au reste du pays des questions très simples. Quelle peut-être pour eux, les Canadiens des autres provinces, la différence de vivre dans un Canada qui soit unique mais dont toutes les parties constituantes ne soient pas uniformes à la condition qu'on ne leur enlève aucun de leurs droits, quelle peut être pour eux la différence, si nous préférons, si nous exigeons dans certains cas, vivre dans la province de Québec, dans un cadre canadien mais qui peut être différent?

Il est fréquemment dit que, dans une famille, il y a autant de caractères, autant de problèmes, autant de façon d'aborder les questions, qu'il y a d'enfants. Pourquoi irait-on se scandaliser du fait qu'il y a au Canada une province dont tout le passé, toute la culture, dont la langue explique très facilement qu'elle ne peut pas, sur un bon nombre de sujets, être en communauté de pensée, avec les autres Canadiens qui sont d'origine, de langue et de culture différentes de la nôtre?

N'est-il pas temps que sans acrimonie et avec le seul espoir de bâtir un Canada nouveau qui soit viable, nous étudiions brièvement l'histoire des cent premières années de la confédération et qu'on se pose sérieusement la question quant aux conditions de l'avenir?

Certains ont prétendu que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique est un pacte entre deux nations. D'autres disent qu'il s'agit d'un acte législatif pur et simple. On a vu récemment un

document d'une extreme importance et fort intéressant du Père Ares défendant la théorie du pacte.

Pourquoi irions-nous plus longtemps — et le premier ministre y faisait allusion tout à l'heure — nous perdre dans des querelles de mots? Que l'acte confédératif ait été un pacte entre deux nations ou que ce soit une loi qui nous est venue de Londres, quelle est la différence face au problème que nous devons régler en 1967 et dans les années à venir? Est-ce que l'on imagine pour une seconde que si l'on convainc les Canadiens français de 1967 que le pacte confédératif ne fut pas un pacte mais une loi, est-ce qu'on pense pour une seconde qu'ils vont abandonner la moindre de leur réclamation, parce qu'il ne s'agirait pas d'un pacte? Nous aurions intérêt, je pense, à cesser au moins entre nous, ces discussions pacte ou loi, pour tenter de faire l'unanimité autour de certaines réclamations, de certains droits, que nous voulons avoir pour l'avenir qu'ils aient été, ces droits, inclus ou non dans le texte de 1867.

Une chose est certaine, ou le texte de notre constitution était trop imprécis ou alors il a été mal interprété, car il a donné lieu, depuis 1867, à d'interminables conflits.

Je pourrais vous rappeler, M. le Président — j'éviterai de le faire — tous les pèlerinages qu'il a fallu faire à Londres, toutes les batailles qu'il a fallu mener pour faire reconnaître certains droits: 1867, pacte confédératif, 1868 première délégation à Londres pour l'interpréter. Batailles pour faire reconnaître le lieutenant-gouverneur des provinces comme représentant de Sa Majesté au même titre que le gouverneur général: batailles autour de la création de la cour Suprême: batailles à n'en plus finir pour interpréter la constitution qui, presque toujours, recevait une interprétation qui ne nous convenait pas. Il fallait s'en remettre au Conseil privé qui, selon les aléas de la politique, décidait pour ou contre les provinces, mais disons dans une majorité de cas en faveur des provinces.

Vint ensuite, dans l'histoire de la Confédération, la bataille pour l'autonomie fiscale. Des 1911, l'envahissement commença avec les subventions pour l'instruction agricole. L'année suivante, 1912, une commission royale sur l'enseignement industriel et technique commençait la première de ses distinctions qui firent que l'autorité exclusivement provinciale en matière d'enseignement et d'éducation perdit son caractère exclusif. C'est une des choses, disons, qui paraissent de prime abord des plus étonnantes. Il n'y a à peu près qu'un texte qui paraisse absolument clair dans l'acte confédéra- tif. C'est que l'éducation est exclusivement de juridiction provinciale. Or, par des recoupements, par des commissions royales, par des distinctions entre la culture et l'éducation, on a peu à peu réussi à grignoter cette juridiction exclusive des provinces. La commission de 1912, par exemple, déclara que l'enseignement industriel et technique avait une importance nationale, ce qui fit mine de justifier l'intervention de l'autorité fédérale. Ce fut d'ailleurs tout au cours des cent dernières années une des façons les plus connues, les plus coutumières d'intervenir dans les domaines provinciaux. On avait dit à plusieurs reprises: Etant donné que ce problème, que cette question a maintenant une envergure nationale, ceci justifie le gouvernement fédéral d'intervenir. Il fallut un jugement du Conseil privé pour établir que, partant d'une juridiction provinciale, ça n'était pas suffisant de déclarer cette question d'envergure nationale pour donner juridiction au gouvernement fédéral.

Intrusion de plus en plus grande du gouvernement fédéral dans les lois sociales et dans l'éducation, part toujours plus grande du gouvernement d'Ottawa dans les impôts et asphyxie financière croissante des provinces. Il a fallu au cours des quelques dernières années reconquérir des domaines que le gouvernement fédéral avait envahis par le truchement des programmes conjoints.

Nous avons réussi à en rapatrier un très grand nombre et à récupérer des impôts pour des sommes très considérables, mais il reste qu'aujourd'hui le problème des relations fiscales entre le gouvernement fédéral et les provinces, dont les besoins vont croissant, est à l'état de crise. Il serait injuste de dire que le premier siècle, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'a produit que des querelles. Une nation est née et nous avons profité, nous de la province de Québec, même si nous avons de très nombreux griefs contre la Confédération, nous avons certainement profité pour notre part du développement économique qu'a entrafné l'expansion du Canada lui-même.

M. BOUSQUET: Est-ce que vous dites bien une nation?

M. LAPORTE: Si vous tentez ce soir de faire des « jambettes » ou de m'attirer dans un piège, attendez donc la fin. Peut-être qu'un jour vous allez en faire un discours, vous-même?

M. BOUSQUET: Au contraire...

M. LAPORTE: Je pense que je tente d'expri-

mer mon opinion sur un problème très sérieux. Si vous voulez jouer à cache-cache avecune nation ou deux nations, vous le ferez dans votre propre discours.

M. BOUSQUET: Cela me paraît important quand même. Je n'ai pas voulu vous faire des « jambettes » d'aucune façon.

M. ROY: ... le bonhomme Carnaval.

M. LAPORTE: M. le Président, je dis que l'une des demandes essentielles...

M. LOUBIER: Basile ne parle plus.

M. LAPORTE: ... que nous allons formuler, que nous devrons formuler, c'est d'avoir pour la province de Québec non seulement une pleine mesure d'autonomie conformément à ce qui est écrit dans l'Acte de l'Amérique du Nordbritan-nique, mais une mesure d'autonomie augmentée.

Du point de vue politique et du point de vue économique, avons-nous été tellement mieux partagés depuis 1867? On peut résumer la situation en disant que nous sommes politiquement minoritaires à Ottawa et que nous restons économiquement minoritaires au Québec.

Dans le texte même de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, on crée malheureusement une sorte de réserve québécoise de langue française avec quelques timides concessions sur le plan national. Non seule ment la constitution nous réserve la portion congrue, mais l'interprétation presque constante qu'on a donnée au texte nous a, en pratique, enfermés dans notre enclave québécoise. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, non seulement de visiter les minorités françaises au Canada mais de venir en contact très intime avec les problèmes des minorités, de toutes les provinces du Canada, sauf Terre-Neuve, et je suis en mesure d'affirmer que les nôtres en dehors de la province de Québec ont livré et livrent encore une lutte de tous les instants pour la reconnaissance d'un minimum de droits.

Je pourrais ce soir vous rappeler quelques causes célèbres, mais je pense qu'elles sont suffisamment connues, car ce furent des situations qui ont fait choc. Un juriste d'Ottawa établissait, il y a quelques années, que, sauf dans la province de Québec, il n'existe aucun endroit du Canada où les droits scolaires de la minorité ne soient plus ou moins battus en brèche. Dans toutes les provinces du Canada, le français est tout au plus toléré, et les statistiques établissent qu'il est malheureusement en perte de vitesse presque partout. En 1965, le père Richard

Arès, sous le titre de: « A quelles conditions, un Canada français? », donnait quelques statistiques. Pourcentage des Canadiens de langue maternelle française dans la population totale de chaque province: 1941, 1951, 1961, il y avait une diminution partout, même au Nouveau-Brunswick où la diminution était très faible.

Deuxième question: pourcentage des Canadiens d'origine française hors duQuébec, se déclarant de langue maternelle française. Il n'y a pas d'exception, dans chacune des provinces: la marche à l'anglicisation apparaît constante, l'irrésistible, dit le père Arès, et prend même l'allure d'une course au suicide en certaines d'entre elles.

Dans 1'Alberta, par exemple, le Canada français a perdu régulièrement à chaque recensement une tranche de 10% de ses effectifs: de 29% qu'ils étaient en 1941, les anglécisés du Canada français sont passés à 39% en 1951 et à 49% en 1961. En Ontario, le nombre des Canadiens français qui se déclaraient anglécisés est passé de 22% en 1941 à 30% en 1961: au Nouveau-Brunswick, de 9.1% en 1951 à 12.2% en 1961.

M. le Président, c'est le bilan culturel de cent années de cohabitation de culture française avec la culture anglaise. Je veux bien et j'espère qu'il sera de plus en plus vrai que des Canadiens français du Québec se déclarent chez eux partout au Canada, d'accord. Mais ce sont des gens qui voyagent et qui reviennent ici.

Je connais le cas d'une famille actuellement profondément enracinée dans sa culture française, qui doit déménager à Vancouver et c'est un drame considérable parce qu'on a réellement l'impression — si le séjour à Vancouver doit durer un certain nombre d'années — que la culture française des enfants au Canada va être sérieusement menacée.

Peut-on rappeler que la bataille pour obtenir la publication en même temps du texte français des documents en langue anglaise n'est pas encore tout à fait gagnée dans certains coins du gouvernement fédéral. Même dans la province de Québec, nous sommes encore aux prises avec un fonctionnarisme fédéral de langue anglaise pour lequel, dans trop de cas, la langue française est à toute fin pratique une langue étrangère.

M. le Président, minorité au Canada, on n'a malheureusement jamais manqué de nous le faire sentir, même si de temps à autre des gens dont la sincérité ne saurait être mise en doute ont donné un coup de chapeau à la culture française ou aux aspirations des Canadiens français.

M. le Président, j'ai l'honneur de demander l'ajournement du débat.

M. BERTRAND: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. JOHNSON: Moi, j'ai l'honneur de demander l'ajournement de la Chambre à demain mercredi, à trois heures, alors que nous appellerons les articles au nom des députés.

M. LESAGE: Cela s'appelle tout seul: ce n'est pas le premier ministre qui appelle demain.

M. JOHNSON: Le premier ministre usera demain de ses droits sans en abuser, comme toujours.

M. LESAGE: Demain, c'est le jour des députés.

M. LAPORTE: Est-ce que je pourrais demander au premier ministre — étant donné que je devrai être absent demain jusqu'aux envi- rons de quatre heures, la Chambre devant siéger à trois heures, j'imagine — si la motion qui apparaît en mon nom sur la réforme de la procédure parlementaire pourrait être ajournée jusqu'à mon retour, si par hasard elle devait être appelée avant que je ne revienne?

M. JOHNSON: D'accord. Est-ce qu'il y aura un amendement?

M. LAPORTE: Je ne sais pas. Vous en avez à proposer?

M. JOHNSON: Proposé par le député lui-même?

M. LAPORTE : On verra. La nuit porte conseil.

M. JOHNSON: Et les caucus aussi.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre. La Chambre ajourne ses travaux jusqu'à demain après-midi, à trois heures.

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