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(Trois heures de l'après-midi)
M. PAUL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions.
Pétition
M. COITEUX: J'ai l'honneur de proposer, secondé par M. Maltais
député de Saguenay, que les articles 615 et 616 du
règlement soient suspendus et qu'il me soit permis de présenter
la pétition de la cité des Sept-îles demandant l'adoption
d'une loi modifiant sa charte et que cette pétition soit maintenant
présentée, lue et reçue.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté,
Lecture et réception de pétitions. Présentation de
rapports de comités élus. Présentation de motions non
annoncées.
Bills privés
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, pour M. Morin j'ai l'honneur
de faire motion qu'il me soit permis de présenter le bill No 183
intitulé: Loi concernant un immeuble de Twin Development
Corporation.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Premièr electure de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Seconde lecture de ce bill a une séance
subséquente.
Présentation de bills privés.
M. FRECHETTE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion
qu'il me soit permis de présenter le bill No 108 intitulé: Loi
modifiant la charte de King's Hall.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill a une séance
subséquente.
M. BEAUPRE: M. le Président, pour M. Bail- largeon, j'ai
l'honneur de faire motion qu'il me soit permis de présenter le bill No
209 intitulé: Loi concernant la commission des écoles catholiques
de la cité de Jacques-Cartier.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill a une séance
subséquente.
Présentation de bills publics. Affaires du jour.
M. JOHNSON: Trente.
M. LESAGE: M.lePrésident.à l'article bills publics...
M. JOHNSON: Oui.
M. LESAGE: ... est-ce que cen'estpas l'intention du premier ministre
d'appeler la première lecture du bill qui apparaît en mon nom sous
le titre: Loi abolissant le Conseil législatif? Si ce bill était
lu en première lecture aujourd'hui il n'y a pas de discussion en
première lecture cela nous permettrait d'en entreprendre la
discussion en deuxième lecture demain, qui est la première
journée que la Chambre pourra consacrer aux bills et motions des
députés.
La session a débuté le 1er décembre 1966. Nous
approchons de la fin de février. Cela fera bientôt trois mois que
la Chambre siège: ce n'est pas un reproche, mais je constate, que c'est
demain la première journée qui sera la journée des
députés. Il me semble qu'il serait raisonnable de suggérer
que la première lecture de ce bill soit faite aujourd'hui afin que nous
puissions discuter le principe en deuxième lecture demain.
M. JOHNSON: Demain, la journée des députés, on
verra ce qui se passera. Je me souviens d'une motion du gouvernement qui avait
été inscrite le premier jour, et la session s'est terminé
sans que jamais elle ne fut appelée.
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: Je me souviens qu'une motion concernant la formule
Fulton-Favreau avait été déposée dès le
premier jour de la session et qu'elle n'avait pas été
appelée de la session.
M. LESAGE: Il y avait d'excellentes raisons. C'est qu'un autre article
apparaissait depuis le début de la session.
M. JOHNSON: Demain nous appellerons les motions et les bills au nom de
l'Opposition. Il y aura d'autres mercredis. La session ne se terminera pas la
semaine prochaine.
M. LESAGE: Demain, c'est le premier mercredi et il y a près de
trois mois que nous sommes en session.
Rapport du Secrétariat
M. GABIAS: J'ai l'honneur de déposer le rapport du
Secrétariat pour l'année financière terminée le 31
décembre 1966.
M. JOHNSON: J'aurais dû, pour la bonne marche des travaux de cette
Chambre, annoncer que les bills qui apparaissent en appendice sont prêts
à être distribués. J'ai déjà fait parvenir
des épreuves pour quelques-uns de ces bills au bureau du chef de
l'Opposition: mais si on veut remettre à demain la première
lecture, c'est le droit de cette Chambre.
M. LESAGE: Première lecture demain. Je n'aurais aucune objection
à consentir à la première lecture des bills du
gouvernement, si le premier ministre voulait bien appeler le bill qui
apparaît en mon nom en première lecture. Donnant, donnant.
M. JOHNSON: Un cheval, un lapin.
M. LESAGE: Non. Le cheval du premier ministre contre une affaire
extrêmement importante proposée par le chef de l'Opposition, ce
sont les bills qui ont été distribués ce matin. Ce sont
tous des bills bouche-trous après tout, des bills de concordance qui
n'ont pas une importance énorme à comparer au bill qui
apparaît au nom du chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: Quand je disais un cheval et un lapin, je songeais
évidemment au lapin peureux qui court, et ça c'est
l'Opposition...
M. LAPORTE: Heureux qui court! M. PINARD: Peureux ou heureux? M.
JOHNSON: ... qui s'énerve...
M. LAPORTE: On a l'air pourtant bien calme, M. le
Président...
M. JOHNSON: Pardon?
M. LAPORTE: ... pour la bonne marche des travaux de la Chambre, encore
une fois...
M. JOHNSON: Non, non, on ne parlera pas de l'émission de
télévision...
M. LAPORTE: Comment?
M. JOHNSON: On ne parlera pas de l'émission de
télévision de dimanche soir.
M. LAPORTE: Apparemment, vous avez cru bon de la regarder. Des milliers
et des milliers de gens ont fait de même, et ils ont été
convaincus.
M. ALLARD: C'est là que vous vous trompez.
M. JOHNSON: Je me suis endormi.
M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre, M. le Président, que
nous en sommes à la quatrième lecture du bill 25? Je voulais
demander au premier ministre tout simplement, étant donné qu'on
n'a pas eu le temps ou qu'on n'a pas pensé à demander l'ordre des
travaux de la Chambre, qu'est-ce qu'on doit faire aujourd'hui?
M. JOHNSON: Je suis sur le point d'appeler l'article 30.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. JOHNSON: L'article 30.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose une motion
à l'effet qu'un comité spécial de quatorze membres soit
institué...
Suis-je dispensé d'en donner lecture?
M. LESAGE: Est-ce que, M. le Président, il n'aurait pas
été convenu que nous terminions d'abord le bill du ministre de
l'Industrie et du Commerce?
M. JOHNSON: Non.
M. LESAGE: Vendredi après-midi, lorsque nous avons
ajourné, il m'avait semblé... je n'ai pas...
M. JOHNSON: Qu'on ne s'inquiète pas...
M. LESAGE: J'avoue que je n'ai pas regardé, ma mémoire
peut faire défaut.
M. JOHNSON: Le ministre est prêt encore. Non, on n'avait pas
fixé ça pour aujourd'hui.
M. LESAGE: J'avais compris que le ministre devait terminer sa savante
intervention sur la deuxième lecture du bill des pêcheries et
qu'ensuite nous devions procéder à l'étude de la
motion...
C'est le député de Champlain, le ministre du Travail, de
l'Industrie et du Commerce qui l'a annoncé. On peut lire, à la
page 1409 du journal des Débats: « M. Bellemare: Alors, les
travaux de la Chambre seront dans l'ordre suivant: d'abord deuxième
lecture... « M. Lesage: Le discours du ministre. « M. Bellemare:
... du bill 10 évidemment, c'était son discours
pour finir le débat. Nous entreprendrons ensuite la motion du
comité spécial et nous irons en comité des subsides.
»
C'est parce qu'il y a eu sanction de bill vendredi. Le premier ministre
était avec le lieutenant-gouverneur lorsque nous avons ajourné,
et c'est le député de Champlain qui a donné l'ordre des
travaux.
M. JOHNSON: Article 30, s'il vous plaît. M. KIERANS: M. le
Président, une question. M. JOHNSON: On a appelé l'article
30.
M. LE PRESIDENT: Peut-être que l'honorable député
pourrait réserver sa question jusqu'à demain et, d'ici là,
il pourrait éveiller l'attention de la Chambre.
M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre renie... M. le
Président, tout de même, là... le premier ministre n'a pas
donné de réponse.Je viens de lire l'annonce des travaux de la
Chambre pour aujourd'hui, telle que faite par le leader du gouvernement en
Chambre. M., le Président, c'était vendredi, et le
député de Champlain étant le senior des membres du
gouvernement en Chambre, je lui ai demandé quelle serait l'ordre des
travaux pour aujourd'hui, et il a bien déclaré...
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: ... que c'était la continuation du débat sur le
bill 10.
M. JOHNSON: Je n'avais consulté ni les Débats ni le
ministre du Travail, et si telle a été la convention, nous allons
la respecter.
M. LESAGE: Oui. Je parlais de mémoire... M. JOHNSON:
D'accord.
M. LESAGE: ... mais maintenant j'ai le journal des Débats.
Bill no 10
M. LE PRESIDENT: Alors, l'honorable ministre de l'Industrie et du
Commerce propose la reprise du débat sur la motion proposant que le bill
10, intitulé « Loi modifiant la loi du crédit aux
pêcheries maritimes », soit maintenant lue une deuxième
fois. L'honorable ministre...
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: M. le Président, dans ma courte intervention de
vendredi...
M. PINARD: Eh, bateau!
M. BELLEMARE: ... j'avais voulu...
M. PINARD: Il nous a monté un bateau.
M. BELLEMARE: ... dans quelques phrases, dé montrer à la
Chambre l'importance que le gouvernement attache à cette
particularité tout à fait d'administration publique qui
représente tout un secteur important de notre économie dans la
province de Québec: les pêcheries maritimes. Et, j'avais
commencé à vous démontrer très succinctement, sans
vous donner trop, trop de détails, la valeur de cette flotte que le
gouvernement a mise sur pied depuis quelques années.Le crédit
maritime est à la base, tout le monde le sait, d'une aide substantielle
de la province, aide qui est aussi accompagnée d'une contribution
fédérale.
A ce jour, nous pouvons dire avec beaucoup de satisfaction que le
crédit maritime a contribué à mettre en chantier à
peu près 169 bateaux pour une valeur de construction de $14,990,727.67.
La part du gouvernement a été très substantielle puisque,
quand c'est de l'ordre de $15 millions, simplement dans un secteur de
l'administration, c'est déjà extraordinaire, et je voudrais, M.
le Président, vous dire que ce développement de notre flotte
s'est produit par périodes, surtout depuis 1952,1953, lors de la
passation du premier crédit maritime. Il y a eu là des
développements gigantesques, puisque pendant les années 1952
à 1960, on a construit 15 cordiers pour un tonnage complet de 537,665
tonneaux. Pour les Gaspésiens, on a construit 44
gaspésiennes.
Il y a eu 38 chalutiers en bols de 60 pieds de long. Pour les chalutiers
en bois de 65 pieds, il y en a eu sept de construits : pour les chalutiers en
bois de 87 pieds, c'est la nouvelle section qui est établie depuis
1966-67.
De 1960 à 1967, il y a eu sept cordiers de construits: il y a eu
six gaspésiennes: 36 chalutiers: 26 chalutiers de 65 pieds en bois: un
chalutier en bols de 87 pieds: 13 chalutiers en acier de 82 pieds de long: 81
chalutiers en acier de 89 pieds: un chalutier en fer de 92 pieds: deux
chalutiers d'acier de 129 pieds et, enfin, le grand chalutier d'acier de 152
pieds qui vient d'être lancé à Sorel, au cours du mois
d'août dernier, et qu'on appelle l'Unipec I.
Et ceci, M. le Président, représente 11,670 tonnes avec
206 bateaux. Ceci représente les investissements de $14,990,727 qui ont
été entrepris.Il faut que vous sachiez qu'aujourd'hui, dans la
pêche maritime plus qu'ailleurs, une recherche particulièrement
intensive est faite pour tâcher de mettre en valeur nos pêcheries
maritimes et d'apporter une quote-part généreuse à ce
secteur de l'administration provinciale. Particulièrement, nous avons,
pour la pêche côtière, mis en valeur un secteur particulier,
celui qui a été organisé en vertu de l'arrêté
ministériel 1995 qui prévoyait 25% de contribution provinciale et
25% de contribution fédérale. Ensuite, M. le Président,
pour répondre à l'honorable député des
Iles-de-la-Madeleine qui disait que le gouvernement avait négligé
la petite pêche côtière, je lui dis que non. Par
déférence, nous avons remarqué dans l'arrêté
ministériel qu'il y avait le paiement de l'assurance sur tous les
bateaux côtiers qui étaient assurés en vertu du plan de
l'indemnité du Canada: il y avait aussi une subvention toute
spéciale faite aux pêcheurs côtiers pour les filets
maillants.
D'ailleurs, nous avons voulu aussi, d'une manière
particulière, prendre des mesures pour tâcher de mettre en valeur
les autres secteurs de la pêche maritime. Nous avons fait des
études très poussées sur la pêche au crabe qui a
rapporté, l'année passée, 100,000 livres de nouveaux
produits, qui ont été déposés en Gaspésie,
à Gaspé même. D'ailleurs, une étude très
approfondie a été faite par des biologistes sur le territoire des
Iles-de-la-Madeleine: elle a prouvé que là, c'était avec
beaucoup moins de rendement et qu'il y avait beaucoup plus de frais.
D'ailleurs, M. le Président, une étude complète a
été produite par une section du ministère du Commerce et
de l'Industrie la section des pêcheries maritimes qui donne
toutes les nouvelles techniques employées pour la diversification de la
pêche, par exemple, les pétoncles.
Les pétoncles font l'objet d'une pêche très
intéressante particulièrement aux Iles-de-la-Madeleine où
nous avons tout un secteur nouveau pour développer cette pêche qui
est sûrement très commerciale et qui rend d'immenses services
à ceux qui s'y adonnent.
Nous avons aussi un secteur particulier que nous avons inauguré
et que nous développerons plus intensivement cette année, la
pêche aux crevettes. Et, pour ce faire nous avons fait une entente
particulière avec le capitaine Soucy à qui nous avons vendu
présentement le contrat n'est pas complété
deux bateaux de notre flotte, deux bateaux qui seront reconstruits et qui, en
vertu du prêt maritime, pourront s'incorporer à notre flotte et
pourront rendre service à ce secteur particulier dans la section de
Matane où l'on s'applique particulièrement à la recherche
et à la pêche des crevettes.
D'ailleurs, M. le Président, les biologistes ont depuis quelques
années mis à point un nouveau secteur particulier aux alentours
de l'Ile d'Anticosti, pour la pêche aux homards. Et cette année
déjà, nous avons connu un succès assez considérable
malgré que nous ayons été obligés de prolonger
d'une quinzaine de jours la pêche aux homards à cause de la
température un peu défavorable.
Nous avons aussi, et c'est dans ce rapport de recherches qui nous a
été remis par nos biologistes et nos fonctionnaires,
instauré une nouvelle pêche, la pêche à la
lumière pour détecter les bancs de harengs et ce sera une
nouveauté chez nous, dans la province de Québec, pour permettre,
par le détecteur à la lumière, de ramasser des bancs
complets de harengs, ce qui rendra immensément service à la
pêche maritime.
Nous avons aussi particulièrement étudié les algues
marines. Les algues marines servent dans certains pays à faire la
gélatine, et c'est de ces algues marines, quand elles sont assez
nombreuses pour les ramasser, qu'on tire ce sous-produit de la pêche.
Mais nous avons constaté avec les biologistes que la concentration
n'était pas suffisante et que le coût d'exploitation et d'usinage
de ce produit devenait prohibitif.
M. le Président, je pourrais vous dire aussi que nous avons
été intéressés, nos biologistes se sont
penchés avec beaucoup d'attention sur plusieurs autres programmes qui
devront subir l'épreuve du temps et de l'expérience, et si
ça devient pratique nous l'appliquerons dans plusieurs domaines.
D'ailleurs, le député de Bonaventure, ancien ministre, est bien
au courant de cette revue merveilleuse que publie notre ministère, Les
actualités marines. Et, pour compléter les documents que les
députés voudront
obtenir quant à ces expertises nouvelles qui sont faites dans le
secteur des pêcheries maritimes, vous trouverez, M. le Président,
dans cette revue qui est publiée quatre fois par année, les
nouvelles politiques que veulent instaurer les fonctionnaires de notre
ministère.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il faut donner aux pêcheries
maritimes une extension de premier ordre.
Si nous considérons que la pêche côtière est
importante, il y a la pêche qui doit demeurer aussi par secteurs
composants. Je vais m'expliquer. C'est qu'aujourd'hui, à l'heure
où nous parlons, dans tous les secteurs d'administration, afin de
produire plus et mieux pour des meilleurs revenus, il faudrait penser dans
certains secteurs et nous l'avons déjà fait dans le
secteur de la Cote Nord à rassembler dans des unités de
production des secteurs qui sont plus ou moins rentables.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on rencontre en certaines
circonstances des objections mais quand nous réalisons ce qui revient
personnellement à ceux qui se livrent à cette pêche, nous
constatons avec beaucoup de plaisir qu'il y a là un succès
considérable, un succès qui dépasse même nos
prévisions. Inutile de vous dire, que notre flotte au point de vue de
pêcheries maritimes, a vieilli, d'accord. Mais nous nous en allons vers
un programme plus intensif avec des bateaux qui seront mieux
équipés, plus grands, surtout pour répondre à un
besoin de centralisation.
Vous avez aujourd'hui des petits bateaux côtiers qui font la
pêche séparément, qui livrent leur poisson au
marché, qui est ramassé par des grandes unités pour
l'usinage. Mais nous tendons plus que jamais à organiser dans la
province cette pêche à distance, cette pêche
hauturière. Cette pêche amène des problèmes
très difficiles à régler. On a établi pour la
première fois des cours de spécialisation et cela a
été fait sous l'ancien ministre des Pêcheries maritimes,
mon collègue de Bonaventure, qui a lui-même
préconisé ces premiers cours donnés pour la formation de
ces pêcheurs appelés à servir sur de plus grandes
unités.
Je suis fier de dire que nous avons continué cette politique. Et
cette année, nous avons eu un nombre considérable
d'étudiants qui sont allés se spécialiser. Nous leur avons
payé leur cours et leur avons donné une allocation de subsistance
pour se parfaire et devenir de véritables bons pêcheurs, mais dans
une équipe différente, sur un bateau où les prises sont
plus considérables et ce qui amène aujourd'hui des revenus
meilleurs. C'est à cela que nous tendons présentement.
Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que le domaine des
pêcheries maritimes est un domaine difficile pour la province de
Québec, parce que nous vivons à côté de certaines
provinces qui, elles, ont centré toute leur économie sur les
pêcheries maritimes. Nous vivons à côté de
l'Ile-du-Prince-Edouard qui, elle, a un gros budget pour aider ses
pêcheurs ainsi que la province du Nouveau Brunswick, la Nouvelle Ecosse
et, particulièrement, Terre-Neuve. Et là, nous avons, depuis
quelques années, à cause des bonnes relations qui existent au
ministère avec ces différents organismes et, surtout, ces
différents ministères, établi des relations très
suivies où nous pouvons échanger dans des conférences ou
dans des réunions certaines idées qui peuvent nous rendre plus
facile la tâche que nous avons d'orienter de nouveau les pêcheries
maritimes. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'en ce qui concerne les prises
maritimes qui ont été faites de 1960 prises par
espèces de 1960 à 1963 elles ont considérablement
augmenté. Les différentes sortes de poissons: morues, harengs,
sébastes, saumons, homards, merluches, flétan, marquereau,
aiglefin, éperlan et les diverses autres sortes de poissons rouges, sont
parties en 1960 de $3,771,645 pour passer en 1961, à $4,068,779: en
1962, de $4 millions pour passer à $4,993,799 et, en 1963,
à$5,264,219.
En 1964, on a pris 1,312,294 livres de poisson qui donnent une valeur de
$5,303,845...
M. LEVESQUE (Bonaventure): Pour combien de livres?
M. BELLEMARE: ... 1,312,000 livres...
M. LEVESQUE (Bonaventure): Non, ce sont des quintaux.
M. BELLEMARE: Des quintaux, oui c'est ça, des
quantités.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Un quintal, c'est 100 livres.
M. BELLEMARE: Cela fait 100 millions. La quantité totale c'est
1,312,000 quintaux...
M. LEVESQUE (Bonaventure): 131 millions de livres.
M. BELLEMARE: ... Bon, qui produisent $5,303,845. En 1965, 1,427,000
quintaux quipro-duisent $6,279,314. Et, en 1966, pour l'année en cours
qui se termine presque à la fin de décembre, le rapport donne
1,444,643 quintaux qui produisent une valeur de $6,687,000. Le prix
moyen maintenant d'un quintal de poisson, qui représente 100
livres c'est le revenu brut en 1960, par exemple, cela donne un
revenu brut moyen à chaque pêcheur de $700. Le prix moyen d'un
quintal de poisson, en 1961, donne $1,079: en 1962, $1,319.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Je ne voudrais pas que le ministre
amène la Chambre à croire qu'un quintal de poisson rapporterait
$1,000, si j'ai compris.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Non, non! 100 livres de poisson?
M. BELLEMARE: Non, Je parle toujours de 100 livres.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Non, mais 100 livres de poisson... Ce n'est
pas $10 la livre, n'est-ce pas?
M. BELLEMARE: Non, non, mais je pense que l'ancien ministre peut
facilement prendre mon explication: prix moyen d'un quintal de poisson
100 livres en 1960, en dollars ça représente un revenu
moyen pour le pêcheur au débarquement, divisé par le nombre
des pêcheurs: $700. C'est clair?
M. LEVESQUE (Bonaventure): Non.
M. BELLEMARE: Non, bien je vous l'expliquerai.
M. LESAGE:Il vous manque la barbe du capitaine.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Le montant que le ministre mentionne est
probablement ce que représente le revenu par pêcheur pour les
prises de l'année...
M. BELLEMARE: C'est-à-dire, que c'est exactement ce que je viens
de dire, c'est le prix moyen...
M. LEVESQUE (Bonaventure): Pas par quintal.
M. BELLEMARE: C'est le prix moyen de la valeur totale au
débarquement par pêcheur, c'est ça.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Très bien, mais pas par quintal.
M. BELLEMARE: Faut-il que je fasse un autre dessin?
M. LEVESQUE (Bonaventure): Non. M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Non, mais ça représente, en 1960, $700: en
1961, $1,079. Vous remarquerez que cette ascension est due surtout à
l'augmentation et au rendement de nos nouveaux bateaux qui sont un attrait
particulier, parce qu'on a centralisé toute notre pêche et...
M. LACROIX: Etes-vous sûr de ce que vous avancez? Ce ne serait pas
plutôt à cause de la valeur du homard qui a augmenté
considérablement?
M. BELLEMARE: Non, non la valeur du homard, c'est à peu
près un mois et demi par année: ça ne peut pas
dépasser ça.
M. LACROIX: Un mois et demi, mais quand on prend 3,500,000 livres de
homard à $0.50 la livre, ça augmente la valeur moyenne.
M. BELLEMARE: M. le Président, il y a dans tout ça du
maquereau aussi.
M. LACROIX: Mais, pour ne pas induire la Chambre en erreur,
spécifiez que c'est du maquereau de mer.
M. BELLEMARE: Je n'ai jamais demandé de mettre l'honorable
député en vente.
M. LACROIX: Parce que le maquereau de mer, ça diminuerait la
valeur,
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je continue pour expliquer
à la Chambre que ceci représente au prix moyen: la valeur au
débarquement divisée par le nombre des pêcheurs, donne en
1963, un revenu de $1,433: en 1964, un revenu de $1,483: en 1965, un revenu de
$1,603 et en 1966, un revenu de$l,672. M. le Président, je n'ai pas
besoin de vous dire que cette progression de la flotte, des pêcheries
nous prouve à l'évidence qu'il y a nécessité pour
le gouvernement de continuer son apport, de continuer de demander aux Chambres
de voter cette année $ 1 million qui, annuellement, viendra s'ajouter
à la loi que nous avons déjà votée mais qui a
été changée il y a quelques années. Ceci nous
apparaît comme une nécessité évidente de continuer
à aider les pêcheurs et surtout, à ce moment tout à
fait spécial où on est à faire une concen-
tration. On est à restructurer toutes les pêcheries
maritimes pour en faire véritablement quelque chose de payant, par les
cours qui se donnent actuellement et que suivent les pêcheurs, par la
structure des nouveaux bateaux que nous lançons sur le marché et
par notre participation qui nous amène à supporter tous les
organismes qui s'occupent véritablement de « l'usinage » des
poissons.
Je suis très fier de vous dire que depuis quelques années,
le crédit maritime avait une somme de $325,000 pour garantir et payer
certaines organisations. Je suis très heureux de vous dire à quoi
ont servi ces $325,000 qui ont été employés par le
ministère. Conformément à cette loi des pêcheries
maritimes, les garanties suivantes sont présentement en vigueur et il
est bien important que la province le sache.Il y a $95,000 à la Banque
Canadienne Nationale en faveur des Pêcheurs Unis de Québec pour
garantir leur marge de crédit.Il y a $100,000 à la Caisse
centrale Desjardins de Lévis en faveur des Pêcheurs Unis de
Québec pour garantir un prêt relatif à la construction
d'usines pour le traitement du poisson: cette garantie expire le 20 avril
1969.Il y a $50,000 à la Banque de Montréal en faveur de la
Coopérative centrale des Iles-de-la-Madeleine pour garantir sa marge de
crédit et de fonctionnement.Il y a $75,000 à l'Union
régionale des caisses populaires Desjardins de Gaspé en faveur
des caisses populaires des Iles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie pour
garantir les prêts aux pêcheurs conformément au
crédit maritime.
Au 31 décembre 1966, les prêts en vigueur couverts par
cette garantie s'élevaient à $82,140. Ce qui fait actuellement un
total d'environ $320,000 et nous sommes justifiés, je crois, à
cause des nouvelles demandes qui nous sont faites, à cause de
l'expansion considérable que nous croyons devoir donner à ce
secteur particulier des pêcheries maritimes, de damander à la
Chambre de porter ce crédit de $325,000 à $500,000.
Vous allez peut-être dire que nous avons apporté dans ce
débat, surtout en deuxième lecture, beaucoup de détails,
mais je crois qu'il est nécessaire que les pêcheries maritimes de
la province de Québec soient reconnues et que nous fassions une
publicité intense pour donner à ce secteur de l'économie,
qui a été peut-être ignoré au point de vue
publicitaire, ce qui se fait dans la province de Québec. Il se fait un
travail considérable. La province a apporté depuis des
années sa contribution pour ne pas laisser, surtout, ce secteur
difficile de l'administration provinciale des pêcheries et des
pêcheurs dans un état de pauvreté. Au contraire, nous avons
voulu immé- diatement prendre en main les recommandations du BAEQ et
nous en avons déjà retenu un certain nombre que nous allons
réaliser dès cette année.
Dans le rapport le BAEQ, il y a un secteur complet, un livre complet
où il est question des recommandations en ce qui regarde les
pêcheries maritimes. Nous avons déjà, dès cette
année, mis au budget un certain nombre de projets que nous essaierons de
réaliser. Il y a là plusieurs choses à retenir. Pour les
budgets que nous avons en main, nous avons établi un ordre de
priorité que nous allons essayer de suivre et, d'ici 1972, nous
essaierons de réaliser les recommandations du BAEQ.
Je n'approuve pas, comme les fonctionnaires du ministère, toutes
les recommandations du BAEQ: mais le conseil économique nous a aussi
fait des recommandations qui se sont concrétisées, je pense, dans
un certain processus normal qui sera suivi pendant les cinq ou six
premières années. Et je suis sûr, M. le Président,
qu'en vous nommant certains titres de chapitre vous verrez là que nous
avons décidé plus que jamais d'apporter une attention
particulière pour que ces recommandations du BAEQ ne soient pas
oubliées, mais surtout rodées afin de les appliquer dans le
concret.
M. le Président, dans la recherche biologique sur la pêche,
il est question de la construction d'un centre complet de recherche. Il est
question aussi de la construction d'un navire de recherche. Il est question
particulièrement pour la pêche côtière en
Gaspésie de fermer certaines entrées, de moderniser des
bâteaux et l'équipement: et dans la pêche hauturière,
des normes minimums de remboursement, des pénalités pour un
débarquement en dehors de la province: et en ce qui regarde la flotte,
des subsides fédéraux pour constructions en Gaspésie et
aux Iles-de-la-Madeleine: des pêcheurs sociétaires du chantier de
Gaspé, le choix du chantier naval par l'armateur, l'étude des
marchés des constructions navales, les navires de plus de 82 pieds
propriétés des compagnies, l'équipe de terre, l'entretien
préventif des bateaux sur une base de contrat annuel, le nettoyage des
cales par les équipes de quai, cela sera fait dès cette
année: l'usine fournissant des services pour la réparation des
chaluts: informer les capitaines de la nature des opérations et de
l'entretien.
Quatrièmement, le regroupement des unités de production,
ceci est très important si l'on veut atteindre le but que nous visons:
tâcher de donner à celui qui produit un meilleur salaire et un
meilleur rendement. Il y aura là des primes d'indemnisation à la
fermeture, il y a une pro-
duction du poisson salé regroupée à Cloridorme et
à Sainte-Thérèse. Il y aura des études pour la
consolidation des homarderies. Il y aura la mécanisation des fumoirs. Il
y a aussi une nouvelle unité de production et reclassification de celle
déjà existante. L'élimination de l'aide aux usines en
dehors des centres préconisés: le regroupement des travailleurs
favorisés par des producteurs.
Et il y aura, cinquièmement, la création d'un centre de
pêche hauturière aux Iles-de-la-Madeleine. Sixièmement, une
modification de l'appareil administratif des pêcheries
c'est-à-dire la création d'un service de recherche en technologie
industrielle. Il y aura un comptoir pilote pour les producteurs,
création d'un service de pêche expérimentale,
création d'un service de recherche économique, et aussi
coordination de la recherche et des opérations par les deux grands
directeurs généraux, la vente de certains entrepôts
frigorifiques à certaines municipalités: et il y aura aussi la
création d'un service d'information.
Maintenant, comme budget additionnel, la localisation du poisson par le
ministère de l'Industrie et du Commerce et le service de l'aide
technique aux pêcheurs.
Ceci vous prouve avec évidence que nos fonctionnaires ont
véritablement travaillé avec le Conseil économique comme
ils ont voulu appliquer les recommandations du BAEQ. Je ne dis pas, M. le
Président, que nous allons réaliser tout ce que je viens de vous
dire là dans la même année. Non, mais dès cette
année, une tranche importante y sera consacré au budget, et nous
essayerons de les exécuter dans la paix et surtout avec l'idée
que nous nous sommes donnée de développer particulièrement
ce secteur important de notre administration.
M. le Président, les pêcheries maritimes jouent donc un
rôle important. Le ministère leur a apporté, depuis des
années, une attention particulière. Selon les budgets mis
à notre disposition, chaque gouvernement, indépendamment de la
couleur, a voulu apporter aux pêcheurs et je ne voudrais pas ici
politiser ce débat je voudrais dire qu'indépendamment des
couleurs, les gouvernements quels qu'ils soient, ont essayé, par des
mesures particulières, à rendre service à nos
pêcheurs. Ce n'est pas parfait, nous n'avons pas, ni l'un ni l'autre,
atteint les objectifs que nous souhaitions, mais je suis assuré qu'avec
la compréhension de tous les membres de cette Chambre, nous viendrons un
jour à bout de donner un peu plus de bonheur, un meilleur salaire
à ces pêcheurs qui font une oeuvre de bien dans notre
économie.
Les grandes entreprises, chez nous, dans l'usinage des produits, se
développent, mais à pas lents. Elles ont changé
complètement de techniques depuis plusieurs années. Elles se sont
modernisées en payant des prix considérables, elles ont
adopté de nouvelles méthodes, et pour la production, et pour
l'empaquetage, et sur les marchés, et un peu partout.
Mais, on est toujours lié par ce qu'on appelle les
marchés. L'ancien ministre le sait, tout le monde sait ça dans
cette Chambre, nous sommes sujets à la fluctuation des prix des
marchés. Mais qu'importe, l'évolution a pu être lente mais
elle n'a pas été retardataire et je suis heureux aujourd'hui de
constater que, avec l'évolution qu'a prise notre pêche maritime,
c'est-à-dire avec la construction de ces nouveaux bateaux qui sont mis
au service de ces différents secteurs de la pêche, nous pouvons
aujourd'hui produire beaucoup plus.Il est généralement admis, M.
le Président, que chaque pêcheur qui exerce effectivement son
métier produit directement cinq emplois à terre pour la
manipulation et le traitement et la transformation du poisson. Ceci, M. le
Président, pour vous prouver que l'industrie de la pêche est
nécessaire pour chacun des pêcheurs.Il y a sur terre cinq
personnes qui travaillent: toutes les 100 livres de poisson
débarquées à l'usine fournissent de $0.15 à $0.20
en gages et salaires, selon le degré de la mécanisation des
usines. Les renseignements préliminaires sur les captures de
l'année 1966 indiquent des débarquements s'élevant
à au-delà de 144 millions de livres, soit 2 millions de plus
qu'en 1965.
Les captures de hareng du printemps, dans les trappes, ont
diminué de 18 millions de livres par rapport à 1965: compte tenu
de ce fait il est évident que la flotte hauturière a accru
sensiblement sa participation aux captures. En effet, elle est passée de
55% à 65%, de 1965 à 1966. Cela semble indiquer que la
pêche côtière est en décroissance relative et que
toute expansion substantielle ne peut venir que par la pêche
hauturière.
Parmi les raisons qui militent en faveur du débarquement de la
flotte, la rentabilité revêt, je pense, une importance majeure. Il
y a, dans la province de Québec, des usines modernes et bien
aménagées qui ont une capacité totate estimée
à 180 millions de livres de poisson annuellement. Comme elles n'ont
reçu qu'un total, cette année, de 108 millions de livres, il est
manifeste que leur rentabilité est compromise devant l'utilisation
insuffisante des investissements dans ces constructions.
La rentabilité dépend aussi de la durée des
opérations. Pour la prolonger, il faut non seulement accroître le
rayonnement d'action des na-
vires, couvrir un plus vaste territoire de pêche, et le reste,
mais aussi, faut-il que les navires puissent opérer dans des conditions
plus difficiles que ne peuvent affronter les petites unités.
L'évolution est irrévocable. Les navires de pêche
s'industrialisent de plus en plus, sont de plus en plus considérables,
exigent beaucoup plus de compétence que leur équipage d'autrefois
et réclament des capitaux que ne peuvent prélever les
pêcheurs individuellement.
Tout indique donc que nous verrons de plus en plus d'entreprises devenir
propriétaires de navires à plus fort tonnage. Alors, nous serons
témoins d'une intégration verticale, c'est-à-dire de
l'industrialisation plus marquée des pêcheries maritimes
québécoises. Je tiens à vous faire remarquer que la
pêche côtière n'est pas vouée à la
disparition, M. le Président: non, pas totalement. Elle survivra et se
maintiendra dans certains secteurs qui offrent des possibilités, aussi
longtemps qu'il sera possible de maintenir un rapport satisfaisant entre les
stocks et la récolte annuelle de poisson accessible aux pêcheurs
côtiers. D'ailleurs, le métier de pêcheur cotier offrira de
moins en moins d'attraits aux travailleurs ambitieux et le nombre de ces
artisans diminuera graduellement.
Les nouvelles unités qui viendraient s'ajouter à la flotte
du Québec ne seraient pas toutes de fort tonnage.Il est à
prévoir que celles qui jaugent moins de 100 tonnes brutes continueraient
à se multiplier ou du moins qu'elle remplaceraient constamment les
unités mises au rancart par la désuétude ou la vieillesse.
L'activité de ces unités est axée strictement sur le golfe
Saint-Laurent et leur potentiel devra encore s'améliorer lorsque cette
mer intérieure sera fermée complètement aux navires de
pêche étrangers.
Il est encourageant, M. le Président, de constater
l'amélioration dans la productivité des bateaux de certaines
classes. Par exemple, capture moyenne en livres par unité:les
gaspésiennes en 1965, 154,406 livres, et en 1966, 149,080 livres: les
chalutiers de bois de 60 pieds, 533,918 livres, en 1966, 572,036 livres: les
chalutiers de bois de 65 pieds, 691,988 livres, et remarquez la
différence, elle augmente, 972,141 livres. Vous remarquerez ce bond
gigantesque que l'on fait plus on augmente dans la qualité et surtout
dans la grosseur des bateaux. Les chalutiers d'acier de 82 pieds partent de
1,435,916 pour 1965 et montent à 1,685,232 livres en 1966. Les
chalutiers d'acier de 129 pieds partent de 3,382,634 livres en 1965 et vont
à 3,758,905 livres en 1966.
La diminution, donc, du rendement des gaspésiennes est
probablement attribuable au déplacement des stocks de poissons et
à la limite des rayons d'action de ces bateaux. C'est bien sûr
qu'avec le rayon d'action qu'ont les plus gros bateaux on va vers les
pêches plus considérables parce que ce sont des territoires un peu
moins visités. Toutes les autres classes s'améliorent grâce
au perfectionnement professionnel de nos pêcheurs et surtout à
leurs efforts plus soutenus.
L'importance de la formation professionnelle ne laisse aucun doute et
combien elle est différente la formation de ceux qui ont passé
par nos écoles et qui ont suivi des cours d'entraînement avec
celle des gens qui pêchent le poisson, comme ça se faisait
autrefois.Il y a une différence du tout au tout. M. le Président,
c'est presque comparable, sans vouloir mésestimer ceux qui font la
pêche hauturière entre celui qui irait faire un chantier avec une
scie mécanique et avec un autre qui irait couper des arbres avec une
« sciotte », autant de différence. Parce que le type qui a
suivi ces cours devient un expert, devient un homme qui s'intègre avec
le groupe et devient plus productif pour l'équipe elle-même avec
laquelle il travaille.
Alors, les institutions spécialisées devront s'efforcer
d'élever sans cesse le niveau de la formation pour que ces gens qui
entreront dans le métier y trouvent une rétribution
proportionnée à leurs efforts, et, de ce fait, puissent
contribuer au développement de l'industrie des pêches que nous
désirons accélérer et voir l'évolution se maintenir
dans la province.
M. le Président, je sais que vous allez peut-être me dire
que nous sommes loin du principe. Non, c'est le principe même de la loi
que nous avons discuté en donnant à la Chambre certains
détails supplémentaires qui peuvent, à mon sens, faire
énormément de bien à la collectivité.Il est temps
que l'on parle, chez nous, dans la province de Québec, de la paie des
pêcheries maritimes. C'est un secteur important qui groupe des centaines
et des milliers de familles qui y attachent leur vie, leur salaire et surtout
leur réussite.Il y a eu une évolution considérable: nous
ne pouvons pas être rétrogrades, nous ne pouvons pas revenir vers
les vieilles formules. Il faut que notre législation soit
opérante, je dirai même qu'elle doit être avant-gardiste
pour rendre service aujourd'hui, en 1967, à ces gens qui, suivant les
nouvelles techniques, doivent s'incorporer à ce développement:
mais ils doivent apporter leur contribution et aussi se perfectionner, comme
nous avons voulu que les bateaux s'agrandissent, pour répondre aux plus
grands besoins de notre temps.
M. le Président, je voudrais encore vous entretenir de ce sujet
qui me passionne particulièrement, malgré que certaines gens
puissent penser que je l'ai superficiellement étudié.
Je n'ai pas eu le temps de faire tout mon cours, mais je dois dire que
j'y ai apporté tout mon désintéressement et je suis
allé personnellement visiter tous nos centres de pêche. Je suis
allé aux Iles-de-la-Madeleine, où j'ai été bien
reçu, bien acceuilli. D'ailleurs, le député, qui
était accompagné de son maître, a été
très charmant et m'a rendu le voyage très agréable. J'ai
visité les principales installations. Je sais que le halage est
maintenant terminé: cet hiver il a pu rendre de bien précieux
services à ceux qui avaient à monter leur bateau. Maintenant que
c'est terminé, nous allons commencer cette année un autre
développement dans les Iles-de-la-Madeleine. A partir de Blanc-Sablon,
j'ai visité tous les postes, un par un. Je me suis arrêté
tout le long de la côte pour voir tout ce qui se faisait. C'est un voyage
qui a duré sept jours et qui a été extrêmement
utile. J'ai pu me rendre compte dans chacun des ports de ce dont on pouvait
avoir besoin et surtout de l'idée que l'on se faisait de la pêche.
J'ai visité aussi des usines à Riviêre-au-Tonnerre. J'ai
visité l'usine de M. Tessier. J'ai visité aussi les deux grandes
usines des Pêcheurs Unis et, en faisant le tour de Gaspé, j'ai pu
constater qu'il y avait là un nombre assez considérable de vieux
entrepôts frigorifiques qui avaient perdu leur sens et les raisons pour
lesquelles ils avaient été construits. C'est devenu aujourd'hui
commercial et ça sert plutôt au boucher de la place ou à
certaines familles pour entreposer pendant un certain temps de la viande ou
différentes sortes de choses et beaucoup moins de poissons.
C'est pourquoi je pense que nous serons appelés pendant quelques
années à réétudier tout l'ensemble de ce
problème et à faire disparaître certains entrepôts
frigorifiques qui ne rendent plus service. Il y en a quelques-uns qui, l'an
passé, n'ont presque rien produit. Admettons qu'ils ont produit 1,000 ou
1,200 livres de poisson qui ont coûté $6,000 à la province
seulement en salaires et en entretien. C'est dépasser tout ce qu'on peut
imaginer. Je dis qu'il y aura là une réforme, pas parce que nous
voulons exercer une discrimination contre qui que ce soit, au contraire, nous
voulons prendre le temps qu'il faut, prendre le temps de bien examiner chacun
des cas en particulier et nous ne voulons causer aucun préjudice
à ceux qui ont des droits acquis. Mais là où c'est devenu
réellement déficitaire et là surtout où ce n'est
plus utile pour les pêcheurs, je ne pense pas que la province soit
obligée de garder des entrepôts frigorifiques pour rendre service
à des bouchers ou à certaines autres personnes. Ce n'est pas pour
ça que ç'a été fait.
Et nous voyons là une organisation qui fonctionne à plein
rendement pendant des jours et des nuits, où parfois travaillent, deux
ou trois personnes, qui coûte $9,000 à $10,000 par année et
qui n'atteint pas le but pour lequel elle a été
montée.
Donc, M. le Président, je suis particulièrement fier de
vous dire que j'ai étudié bien sommairement le problème
des pêcheries. Je dis sommairement, mais c'est un problème
extrêmement compliqué. Il y a là des aspects
considérables et des implications à la vie nationale qui sont
énormes et je puis vous dire que j'ai apporté tout mon talent
pour essayer de rendre service à ce secteur particulier du
ministère du Commerce et de l'Industrie.
Je serais très heureux si la Chambre voulait voter unanimement ce
crédit maritime et je suis assuré que les voix que nous
entendrons seront en faveur d'un bill aussi progressif et qui demande dans la
distribution de ces sommes, aujourd'hui un peu plus de millions
peut-être, mais pour venir en aide à des gens qui en ont
réellement besoin et pour appliquer aussi une politique progressiste et
surtout une politique qui rendra service à tous nos pêcheurs.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bonaventure.
M. Gérard-D. Levesque
M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, nous avons devant
nous un projet de loi que nous appuyons de toute évidence des deux
côtés de la Chambre. Pour cette raison et également parce
que le gouvernement précédent avait l'intention d'apporter le
même projet de loi, mais un peu plus tôt, je dois dire que je suis
moins impressionné par le bill lui-même que par les progrès
évidents qui sont ceux du ministre de l'Industrie et du Commerce dans le
domaine de la pêche. Ses nouvelles connaissances sont certainement
à son crédit. Nous sommes très heureux de voir
l'intérêt qu'il porte à ce domaine éminemment
important dans l'économie du Québec qu'est celui des
pêcheries. Et c'est à se demander si chacun des 108
députés de cette Chambre n'aurait pas avantage à faire la
même expérience un jour ou l'autre.
Voici une région celle de la Gaspésie, des
Iles-de-la-Madeleine, de la Cote-Nord sur laquelle on se plaît,
particulièrement en temps d'élection, à pleurer. On se
plaît, à gauche et à droite, spécialistes et
profanes, à déplorer la situation économique qui est la
part de trop de citoyens qui habitent ce territoire. On déplo-
re certaines conditions, mais d'un autre côté, on ne semble
pas, lorsque le moment est venu, apporter l'intérêt qu'il faut
à trouver des solutions pour améliorer les conditions de vie de
la population de tout ce grand territoire. Or, voici un exemple d'un projet de
loi qui favorise directement l'économie de la région
concernée.
Ce projet de loi favorise l'économie et, cela, au primaire, au
secondaire et au tertiaire à la fois. Au primaire, cette loi permettra
aux pêcheurs d'augmenter leurs captures et, éventuellement,
d'augmenter leurs revenus. Au secondaire, cela permettra de mieux
approvisionner les usines de transformation du poisson, particulièrement
dans les grands centres de pêche de la Cote Nord, des
Iles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie. Et dans le domaine tertiaire,
cela stimule la construction des navires de pêche et ainsi, de nombreux
citoyens de la région concernée vont bénéficier
directement des bons effets de cette loi.
J'ai dit tout à l'heure que nous devions
c'est-à-dire l'administration précédente
présenter ce projet de loi. C'était la continuation d'une
politique que nous avons voulue dynamique, que nous avons voulue au service de
la population, de la Gaspésie, des Iles-de-la-Madeleine et de la
Cote-Nord en particulier, mais également, au service de la province en
général.
Il faut retourner en 1943 pour voir comment a débuté ce
crédit maritime, particulièrement en ce qui concerne la
première partie du projet de loi que nous avons devant nous.
En effet, l'article 1 de ce bill mentionne simplement le changement de
$325,000 en $500,000. Or, il faut retourner en 1943 pour voir que la
première loi du genre que l'on retrouve au chapitre 34, 1943, 7,
Georges VI, et qui fut sanctionnée le 23 juin 1943 cette
première législation, prévoyait un crédit de
$75,000, soit la création d'un fonds de $75,000 comme garantie des
prêts faits aux coopératives. Nous voyons par la suite qu'en 1949,
ce montant de $75,000 fut porté à $200,000 et nous retrouvons
cette augmentation inscrite au chapitre 58, 1949, 13, Georges VI, dans une loi
sanctionnée le 17 février 1949.
Ce montant de $200,000 fut ensuite porté à $250,000 en
1950 et 1951 et, à ce moment-là, on ajoutait les caisses
populaires aux coopératives comme bénéficiaires des
avantages de cette loi. En 1952-53, 1, 2, Elizabeth II, au chapitre 25, nous
trouvons que le montant est porté à $325,000 et ce montant,
aujourd'hui, on nous propose de le porter à $500,000. Nous aurons
l'occasion en comité de poser certaines questions au ministre qui nous a
déjà informé sur l'utilisation du montant
déjà autorisé, mais, pour plus de clarté et pour
plus de précision, j'attendrai d'être en comité.
Quant à la deuxième partie du projet de loi, il s'agit de
porter de $2 millions à $3 millions le montant des prêts consentis
pour la construction et la réparation des bateaux de pêche. Eh
bien, c'est à cela en particulier que je référais il y a
quelques instants en parlant du stimulant apporté à l'industrie
primaire, à l'industrie secondaire et à l'industrie tertiaire:
c'est, en effet, grâce à une augmentation de $1 million dans les
prêts consentis que nous pourrons voir la flotte de pêche continuer
à s'agrandir, les usines de transformation, recevoir plus de poisson et
fonctionner à capacité si possible et que nous pourrons voir les
chantiers maritimes continuer leur travail qui est de fournir aux
pêcheurs les outils dont ils ont besoin pour aller chercher le poisson
où il est.
De plus en plus, nous nous rendons compte que le poisson doit être
pêché dans des plus grands rayons d'action. Nous avons au
Québec, des concurrents très importants, très
sérieux, nous avons les provinces voisines, celles de l'Atlantique, mais
nous avons en plus les pêcheurs étrangers qui nous arrivent de
tous les pays d'Europe, particulièrement de la Russie
Soviétique.
Et ce sont des usines flottantes qui sont là, soit dans le golfe,
soit un peu à l'extérieur du golfe Saint-Laurent, dans
l'Atlantique nord et qui viennent près de nos côtes prendre le
poisson qui normalement devrait faire la richesse de la province de
Québec. C'est dans cet esprit que je disais tout à l'heure que
plus de députés dans cette Chambre et ceci n'est pas un
reproche, mais simplement une invitation devraient faire le travail que
s'est imposé celui qui avait la responsabilité de
présenter cette loi devant la Chambre.
Nous nous apercevrons à ce moment-là qu'il y a là
tout un monde, qu'il y a là toute une ressource, qu'il y a là une
ressource peut-être secondaire dans le grand contexte
québécois mais une ressource essentielle, vitale et primordiale
lorsque l'on considère le territoire de l'Est du Québec.
Pour les gens visités par le ministre de l'Industrie et du
Commerce lorsqu'il parlait de sa visite à Blanc-Sablon, pour ces
gens-là qu'il a eu l'occasion de rencontrer et que j'ai
rencontrés également, c'est toute la vie, c'est toute la
richesse, c'est un revenu et un revenu unique, si on excepte les allocations
sociales. Pour plusieurs endroits de la Gaspésie, c'est le revenu
principal et pour les Iles-de-la-Madeleine, c'est l'industrie première
et donc, dans toute cette région de l'Est du Québec, il n'y a
aucun doute,
que ce projet de loi ne peut laisser indifférents les citoyens,
les centaines de mille citoyens de la région de l'Est du Québec
qui sont affectés directement ou indirectement par l'essor des
pêcheries au Québec.
C'est tellement important d'apporter les subsides et les prêts
nécessaires en ce domaine, que je me rappelle qu'en 1960, lorsqu'on m'a
confié la direction du ministère qui s'appelait alors le
ministère de la Chasse et des Pêcheries, j'ai été
impressionné d'une façon un peu défavorable lorsque
visitant les Iles-de-la-Madeleine, je trouvais à Havre-Aubert en
particulier, une usine moderne mais fermée. Je m'enquis de la raison de
cet état de choses et on m'a répondu tout simplement: C'est qu'il
n'y a pas assez de poissons. Evidemment, nous devons nous rappeler qu'il y a
peu d'années, nous n'avions que la pêche côtière dans
la province de Québec et qu'à un moment donné, on s'est
aperçu que ceux qui s'adonnaient à cette pêche diminuaient
continuellement, étaient attirés, particulièrement les
jeunes, par des profits plus immédiats, par des revenus plus attrayants
et que bientôt on verrait, peut-être, la diminution puis la
disparition de la pêche au Québec. C'est alors que le gouvernement
du temps a décidé d'entrer dans le domaine de la pêche
hauturière. Mais, il fallait aller vite et encore plus vite et il
fallait non plus des cordiers, non plus des gaspésiennes, non plus des
chalutiers de petit tonnage mais il fallait se diriger le plus rapidement
possible vers des bateaux plus nombreux oui, mais également vers des
bateaux plus grands, des bateaux à plus grand rayon d'action.
C'est ce que nous avons fait, lorsqu'en 1960-61, dans une loi
sanctionnée le 25 mai 1961, nous portions de $1,500,000 le montant
consacré aux prêts pour la construction et la réparation
des navires de pêche. En 1963, le 4 avril, était
sanctionnée une nouvelle loi qui portait ce montant à $2 millions
et, aujourd'hui, c'est ce montant de $2 millions qu'on nous propose
déporter à $3 millions. C'est donc avec enthousiasme, et avec
l'assurance de la nécessité de ces fonds pour garantir un essor
continu au domaine de la pêche, que nous approuvons la teneur de cette
loi.
Il faut, à ce moment-ci, penser également à la
pêche côtière.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LEVESQUE (Bonaventure): A la pêche côtière. Le
ministre en a parlé il y a quelques instants: je suis d'accord avec lui
pour dire que la pêche côtière doit se poursuivre,
particulièrement de certaines espèces et c'est de toute
évidence comme le homard, le hareng, etc. Dans maints endroits de
la province, la pêche côtière est encore celle qui assure le
pain quotidien de plusieurs familles. Mais, cependant il faut bien se rendre
compte des difficultés que la pêche côtière
éprouve, et continuera d'éprouver: je crois que le gouvernement
doit continuer, dans la mesure du possible, à aider et à soutenir
les pêcheurs bona fide qui s'adonnent encore à la pêche
côtière.
J'ai lu, comme le ministre, les recommandations du BAEQ: nous aurons
certainement l'occasion, particulièrement lors de l'étude des
crédits du ministère, de revenir sur plusieurs de ces
recommandations, car je crois qu'il serait peut-être difficile, sans
sortir de la portée immédiate du bill et du principe que nous
étudions en deuxième lecture de pouvoir rendre justice
à ceux qui ont préparé ces recommandations.
Nous avons, en 1960 et 1961, introduit le bateau d'acier dans la
province de Québec. Le ministre parlait, tout à l'heure et
vendredi, d'une position avant-gardiste. Je ne crois pas que l'on puisse parler
d'avant-gardisme dans le domaine des pêcheries au Québec,
malheureusement! En 1951-52, lorsque l'on a introduit les bateaux de
pêche en bois, on était déjà en retard sur les
autres provinces de l'Atlantique et lorsque nous avons introduit ce que nous
appelons le prototype du bateau de pêche en acier en 1961, le Bienvenu,
nous n'étions pas encore avant-gardistes et aujourd'hui, alors que nous
sommes sur la voie des navires plus gros à plus grands rayons et
je pense en particulier à l'Unipec, mentionné par le ministre il
y a quelques instants nous ne sommes pas encore avant-gardistes: nous
avons encore du chemin à parcourir, mais disons que nous sommes sur la
bonne voie.
Evidemment, nous avons eu peu de temps et nous devons vivre avec nos
moyens, avec nos ressources.
Mais nous devons également et c'est la seule justification
que j'apporte à la lenteur dans le domaine de la construction des
navires et des montants mis à la disposition des pêcheurs
il n'y a qu'une justification que nous devons reconnaître, c'est que nous
avons de la difficulté à avoir des équipages, il faut
entraîner des hommes pour pouvoir manoeuvrer des navires aussi imposants.
Il faut bien se rendre compte que des navires comme l'Unipec, qui a
été lancé il y a quelques mois, sont de petites usines et
qu'il faut à bord des techniciens, des gens qui connaissent
l'électricité, la plomberie, l'électronique, qui doivent
en plus connaître tous les secrets de la marine, de la navigation, et
évidemment de la pêche.
Alors pour préparer de tels hommes... M. BELLEMARE: La
réfrigération.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ...et la réfrigération et
plusieurs autres disciplines. Alors, disons qu'il y a là assez de
justifications qui fait qu'on ne peut pas bâtir de bateaux plus
rapidement que l'on a d'hommes pour les diriger et s'occuper des manoeuvres qui
s'imposent sur chacun de ces navires. Mais disons que nous devons et je
crois que c'est la responsabilité du gouvernement nous devons
faire en sorte de donner à cette industrie de la pêche au
Québec, toutes les facilités possibles, tout l'encouragement
possible car, il y a là, je le crois, un avenir, tout à fait
nouveau, très prometteur et les ressources sont à nos portes. Et,
il y a là une population qui désire vivre de la pêche, qui
désire vivre également de tout ce qui entoure les
opérations de la pêche: ceux qui travaillent dans les usines
à terre, ceux qui travaillent au transport en camion, ceux qui
travaillent à la construction des navires, enfin il y a
énormément de personnes qui sont affectées, sinon
directement, au moins indirectement par l'activité de la pêche,
particulièrement dans le territoire que je décrivais il y a
quelques minutes.
Nous avons voulu et je vois avec plaisir, que cela se continue,
que c'est la politique du gouvernement actuel mais nous avons voulu
dis-je, apporter, lorsque nous avions cette responsabilité, toutes les
facilités possibles au domaine de la pêche: c'est dans cet esprit,
c'est dans ce contexte que nous avons favorisé la construction sur place
des navires. Je songe à Gaspé, où l'on construit des
navires de bois, je songe en particulier à Paspébiac où
l'on a établi un chantier maritime pour la construction des bateaux
d'acier. Au moment où nous avons fait cela, c'est en 1961-1962,
plusieurs doutaient de la possibilité d'établir en
Gaspésie un chantier maritime où l'on construirait des produits
aussi complexes qu'un navire, et cela en acier...
M. BELLEMARE: A Paspébiac.
M. LEVESQUE (Bonaventure): A Pasbébiac. Et, depuis ce
temps-là, les navires se succèdent.
M. BELLEMARE: Ils coulent.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Je respecte les raisons données par le
ministre vendredi.
M. BELLEMARE: Je suis allé le voir celui-là, Il a
coulé.
M. LEVESQUE (Bonaventure): De nombreux navires subissent et qui ont subi
toutes les inspections des gens les plus avertis dans le domaine et le chantier
est déjà reconnu comme un des meilleurs de la province et de
l'Est du pays, et cela ne fait que quatre ou cinq ans qu'il produit. Alors il y
a des possibilités, justement, d'apporter autour des pêches,
toutes les facilités possibles pour encourager les pêcheurs pour
leur permettre, comme c'était le cas du chantier maritime d'avoir leur
service à même pour ne pas être obligé de remonter le
fleuve Saint-Laurent ou d'aller dans les Maritimes, à Saint-Jean, ou
Halifax pour recevoir les services et faire effectuer les réparations
qui s'imposent.
M. BELLEMARE: D'accord!
M. LEVESQUE (Bonaventure): Alors je crois que nous sommes sur la bonne
voie.Il faut continuer. J'entends dire que le plan de halage est terminé
maintenant aux Iles-de-la-Madeleine, c'est une excellente nouvelle. Il faut,
autrement dit, donner toutes les facilités possibles à nos gens,
et c'est dans cet esprit également que se construit présentement
le complexe le plus moderne de pêche à Rivière-au-Renard.
Il n'y a aucun doute que ceci entre, non pas seulement dans l'esprit de ceux
qui ont la direction des pêcheries au Québec, mais
également dans les préoccupations de ceux qui ont eu à
faire des recommandations sur le sujet, et je pense particulièrement aux
recommandations du BAEQ.
M. le Président, je ne veux pas prolonger inutilement le
débat, car nous sommes tous d'accord, mais je crois cependant qu'il
faut, à un moment donné, particulièrement dans une
occasion comme celle-ci, attirer l'attention des honorables membres de cette
Chambre sur l'importance des pêcheries, l'importance des régions
qui en vivent et également l'importance de continuer à donner
à cette ressource importante tout l'essor qu'elle mérite.
En terminant, je voudrais simplement faire une mise en garde. Je connais
bien le ministre de l'Industrie et du Commerce, je le connais disons assez
bien, et je m'adresse en ce moment-ci au chef de l'Opposition qui vient de me
poser une question au sujet du ministre de l'Industrie et du Commerce...
M. BERTRAND: Ce n'est pas nous qui vous avons interrompu!
M. BELLEMARE: Qu'est-ce qu'il vous a demandé?
M. LEVESQUE (Bonaventure): Sans vouloir faire de mise en garde,
cependant j'aimerais peut-être attirer l'attention du ministre sur un
petit détail. Le projet de loiportede$2 millions à $3 millions le
montant affecté aux prêts qui doivent être consentis aux
pêcheurs pour la construction et la réparation des navires. Mais
il faut bien se rappeler que la loi permet au ministre d'utiliser $3 millions
pour les prêts...
M. BELLEMARE: Oui, par année.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ... mais il s'agit de voir comment le
ministre des Finances, le député de Saint-Jacques, va se
conduire. La loi peut autoriser le ministre à consentir ces prêts
jusqu'à concurrence d'un montant de $3 millions, mais il faudra bien
s'assurer que le ministre des Finances ne vienne pas mettre de bois dans les
roues.
M. BELLEMARE: C'est arrangé ça!
M. LEVESQUE (Bonaventure): C'est arrangé?
M. BELLEMARE: Il n'y a pas de danger.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Alors nous serons très heureux, l'an
prochain...
M. BELLEMARE: On a commencé par s'entendre chez nous avant
d'aller sur la place publique.
M. LEVESQUE (Bonaventure): .. ou dans quelques mois d'être
informés sur la façon que le montant a été
utilisé. Et, avec l'assurance que semble me donner présentement
le ministre de l'Industrie et du Commerce, je souscris à la teneur de ce
bill et il me fera plaisir de voter pour ce projet de loi en deuxième
lecture.
M. BELLEMARE: Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Gaspé-Nord.
M. François Gagnon
M. GAGNON: M. le Président, très brièvement, je
voudrais donner mon point de vue sur le bill numéro 10 qui est un bill
très important déposé devant la Chambre et qui concerne
surtout ma région et mon comté.
D'abord j'ai l'impression très nette que la visite que
l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce faisait l'été
dernier dans la région de la Gaspésie l'a sans doute
inspiré dans la rédaction de ce projet. On sait que, dans le
passé, tous les ministres qui ont eu à administrer le domaine des
pêcheries maritimes étaient de la Gaspésie.
Mais, cette année, le ministre dont le comté
était situé à plus de 500 milles, alors qu'il
était, à cette période, aux prises avec des grèves
d'une importance considérable, et qu'il était, de plus, ministre
du Travail je n'ai pas besoin de vous dire qu'il a montré
là une considération toute particulière aux besoins de la
région et qu'il a montré également son désir
d'améliorer le crédit maritime.
Vous savez, monsieur le ministre vu sa virilité, je ne
voudrais pas trop le flatter non plus mais tout de même, je sais
qu'il l'a fait avec beaucoup de dévouement et il l'a fait à une
époque où, sans doute, son travail l'aurait requis à
Québec, parce qu'il était accaparé par toutes sortes de
problèmes. Alors, au nom de la population, je lui rends ce mérite
d'être venu dans la région et d'avoir parcouru chaque
établissement du ministère, d'avoir rencontré les
employés, même si ça ne faisait pas tellement longtemps
qu'ils étaient à l'emploi du ministère, soit depuis cinq
ou six ans.Il est allé sur place discuter avec les personnes
intéressées celles qui avaient les mains à la
pâte afin de connaître le problème et d'essayer par
les lois de lui apporter les améliorations qui s'imposent.
Or, le bill qui est devant la Chambre touche en réalité,
à peu près pour 100% du montant que l'on prévoit, la
région de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine. J'ai
l'impression en lisant le bill qu'il y a deux parties de crédit: le
premier, celui qui touche... On appelle ça en langage comptable,
l'inventaire mouvant, c'est-à-dire ce qui peut s'appliquer à
l'acquisition d'agrès de pêche: l'autre partie du $1 million
s'applique à l'inventaire capital, c'est-à-dire à la
construction ou à l'amélioration des navires.
Or, il n'y a aucun doute qu'en présentant ce bill, on prouve que
les pêcheries maritimes continuent d'évoluer et de recevoir des
gouvernements une attention très particulière. Si l'on se
rappelé que, depuis quelques années, dans les pêcheries
maritimes comme dans d'autres domaines, l'évolution est très
forte et que les gouvernements, par ailleurs, ont obligation de mettre les
sommes nécessaires à la disposition de cette industrie afin
qu'elle aussi puisse suivre et évoluer au même titre que les
autres industries.
Je dirais qu'il y a deux sortes de pêcheries, mon
collègue de Bonaventure en a parlé les pêcheries
côtières et les pêcheries hautu-
rières. Je crois que la pêcherie côtière, en
ce qui concerne surtout mon comté est appelée
peut-être malheureusement ou heureusement, je ne sais pas à
disparaître, surtout en ce qui concerne celle de la morue. Il y a des
éléments qui, aujourd'hui, entrent en cause et qu'on ne peut
empêcher à cause de la technique qui s'impose.
D'abord on fait la pêche avec les chalutiers et, à ce
moment-là, peut-être sous les aspects un peu de la contrebande, on
en profite durant la nuit pour « drainer » des filets, ce qui,
selon la version des pêcheurs, dérangerait
énormément le lit de la morue et qui même à certains
moments la chasserait. Les pêcheurs côtiers ont à souffrir
de cette pêche qui également rarifie le produit.Il n'y a aucun
doute que ceux qui font la pêche côtière sont surtout des
personnes âgées et on ne peut pas penser qu'ils puissent
s'organiser et emprunter des montants considérables pour essayer
d'améliorer leur sort. Si l'on considère qu'une pêcherie
côtière bien organisée peut coûter à un
pêcheur $7,000 à $8,000, eh bien, à ce moment-là, on
conçoit qu'il s'agit de quelque chose qu'il a payé avec son
gagne-pain et qu'il est difficile pour lui de s'en départir.
Mais je crois que le gouvernement, tout en ne recommandant pas à
des jeunes sujets la pêche côtière, doit tout de même
essayer de trouver des solutions, et d'apporter une aide quelconque afin de
maintenir ceux qui sont dans ce domaine, parce qu'on y rencontre
énormément de difficultés. L'année dernière,
j'avais l'occasion de visiter le comté, et il y avait un pêcheur
qui me disait que dans cinq jours de pêche il avait fait $2.75:
c'était un pêcheur côtier.
Toutes les circonstances que je viens de relater, ainsi que d'autres
entraient en cause et cela ne lui permettait pas d'aller chercher un revenu
convenable, suffisant pour faire vivre sa famille. Il y a aussi la pêche
hauturière et celle-là, il faut qu'elle suive l'évolution,
il faut qu'elle reçoive toute l'attention qu'elle mérite. Je me
rappelle avoir lu qu'au Japon c'est peut-être un peu loin, mais
tout de même, le monde devient de plus en plus petit avec les moyens de
communication on expérimente actuellement la pêche
sous-marine, c'est-à-dire que des sous-marins de poche trafnent des
filets derrière eux et pénètrent dans des bancs de
poissons qu'ils recherchent. Il n'y a aucun doute que dans un avenir plus ou
moins rapproché, dans notre région, la nécessité
s'imposera à nous d'avoir les mêmes améliorations.
Il y a aussi ces usines flottantes où on prend le poisson, le
transforme, le congèle et le prépare à la mise en
marché. C'est dire qu'à ce moment-là, ceux qui font cette
pêche doivent aller dans des endroits plus éloignés
où la pêche est plus abondante parce que les bateaux se font plus
rares et qu'il sera probablement encore nécessaire que des
améliorations soient pensées en fonction de cette
évolution au domaine des pêcheries. Le domaine des
pêcheries, oui, il a évolué. Et celui qui parle en sait
quelque chose puisqu'à la suite de la construction d'une usine de
transformation du poisson à Rivière-au-Renard dans le
comté de Gaspé-Sud, en vertu des études qui ont
été effectuées par le BAEQ, on a fermé trois usines
dans mon comté, soit à Cloridorme, à Grande-Vallée
et à Saint-Maurice-de-1'Echourie. A ce moment-là,
nécessairement, on a mis sur le pavé des hommes qui travaillaient
à ces endroits. Mais on ne pouvait pas faire autrement et je le
comprends très bien, vu la concurrence de plus en plus forte sur le
marché. Il était nécessaire qu'une usine très
moderne aille chercher la pêche dans des entrepôts plutôt
petits, qui fonctionneraient, disons, sur une échelle de paroisse, et
les centralise à un endroit où on travaillerait sur une grande
échelle, à un coût moindre, avec tout l'appareil, toutes
les machineries modernes nécessaires pour réduire le coût
de la transformation et concurrencer les prix du marché.
Je n'ai aucun doute que l'honorable ministre étudie les
conséquences qui s'ensuivent à la suite de cette transformation
dont mon comté est celui qui a été le plus affecté
et je n'ai aucun doute également qu'on essaie de trouver des solutions
afin d'assurer de l'emploi dans cette région.
M. le Président, le bill qui est devant nous recevra, j'en suis
sûr, comme on l'a témoigné, l'attention de la Chambre et
l'unanimité. Il permettra aux pêcheurs de recevoir des sommes
d'argent en vertu de prêts qui sont consentis par des institutions
financières, particulièrement en ce qui concerne notre
région par les caisses populaires. Il permettra à ces derniers de
mieux s'organiser. Il permettra également une modernisation et un revenu
net plus considérable qui situera le citoyen de cette région pour
ce qui est de son revenu per capita, je l'espère, au niveau de celui de
l'autre province puisque le député des
Iles-de-la-Madeleine en sait quelque chose ainsi que le député de
Bonaventure nous sommes dans une région où le revenu per
capita est l'un des plus bas et c'est avec des mesures comme celles-là
que les travailleurs seront en mesure d'améliorer leur situation pour
avoir un revenu plus considérable. C'est pour cela qu'il me fera plaisir
d'appuyer le bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député des
Iles-de-la-Madeleine.
M. Louis-Philippe Lacroix
M. LACROIX: Inutile de vous dire, M. le Président, que
l'étude du bill no 10, qui est actuellement devant nous,
intéresse au plus haut point la population que j'ai l'honneur de
représenter puisque, comme je le disais jeudi dernier, ce comté
des Iles-de-la-Madeleine est le seul comté du Canada dont la population
vit exclusivement de la pêche et des industries connexes.
Les 13,500 habitants des Iles-de-la-Madeleine comptent uniquement sur la
pêche pour assurer leur vie quotidienne.
Comme l'ont dit tout à l'heure le député de
Bonaventure et celui de Gaspé-Nord, et comme j'en discutais
également avec mon collègue du comté de Duplessis, ce
projet de loi nous l'approuvons entièrement et nous espérons
qu'il apportera à notre population une amélioration puisqu'il
permettra d'allouer des sommes plus considérables à l'industrie
de la pêche pour augmenter le rendement de la pêche
hauturière et également améliorer la situation de la
pêche côtière.
J'ai écouté attentivement l'honorable ministre de
l'Industrie et du Commerce, vendredi et aujourd'hui, faire un long
exposé sur les problèmes des pêcheries et je suis heureux
de constater qu'il s'intéresse de près à nos
problèmes. Comme il le disait, les problèmes des pêcheries
sont fort complexes. Je crois qu'il comprendra et qu'il admettra avec moi que
les problèmes des pêcheurs comme ceux des autres secteurs ne se
résoudront pas à partir des bureaux des fonctionnaires mais
qu'ils doivent s'étudier dans le milieu même afin que des
solutions soient apportées et qu'au ministère on puisse
concrétiser les désirs de la population.
Et dans ce domaine particulier des pêcheries je crois qu'il y a
avantage à ce qu'il y ait un dialogue constant et que les pêcheurs
eux-mêmes soient consultés. Chez nous, aux Iles-de-la-Madeleine,
la pêche côtière n'est pas prête de mourir. Quand on
parle des pêcheries commerciales de la province de Québec,
toujours on pense en fonction de la Gaspésie, et pourtant les
Iles-de-la-Madeleine sont, devraient être le coeur des pêcheries
commerciales de la province de Québec puisque plus de 50% de la valeur
totale des pêcheries commerciales de la province de Québec
proviennent des Iles-de-la-Madeleine.
Si vous ajoutez la valeur des captures du homard, le hareng, la morue,
vous verrez que les Iles-de-la-Madeleine produisent plus que 50% de la valeur
totale des pêcheries commerciales de la province de Québec.Il y
aurait possibilité d'augmenter encore considérablement ce
résultat. En 1951, on a commencé à améliorer la
situation des pêcheries par la construction de chalutiers de bois et,
depuis 1951, il y a eu des progrès certainement, mais des chalutiers qui
ont été lancés en 1951 il y en a bien peu qui sont
aujourd'hui en service. Il y en a bien peu, il peut y en avoir quelques-uns,
mais fort peu. Mais il reste...
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne peux pas permettre à
l'honorable député...
M. LACROIX: Si vous voulez me donner la liste des chalutiers de 1951 qui
sont encore en service.
M. BELLEMARE: Oui, d'accord, M. le Président, de 1951 en service,
aucun.
M.LACROIX: Ils ont commencé en 1953. M. BELLEMARE: D'abord, c'est
1953. M. LACROIX: Je m'excuse, en 1953.
M. BELLEMARE: En 1953, alors en 1953, il y a le comté de
Bonaventure, il y a le Marianna O, il y a ensuite celui de Elizabeth G.
M. LACROIX: Ils ont capturé combien de poissons cette
année?
M. BELLEMARE: Plusieurs.
M. LACROIX: Il reste que...
M. LESAGE: Combien de quintaux?
M. BELLEMARE: De quintaux, plusieurs.
M. LACROIX: En 1953, on a commencé la construction...
M. BELLEMARE: Si le député veut me le demander, je vais
lui répondre. Je l'ai ici, je vais prendre un petit peu plus de temps,
ça va le déranger un peu dans son discours. Remboursement, valeur
du remboursement, valeur du débarquement $14,559.14 en 1965-66, l'autre
le Marianna O, il a débarqué en... Je suis assuré que si
le député... je ne suis pas contre le député quand
j'affirme... Je ne vais pas si loin que ça. Mais je dis que ces bateaux
il a raison, ces bateaux-là sont...
M. LACROIX: Ils sont fatigués.
M. BELLEMARE: Oui c'est sûr. Il y a une chose certaines c'est
qu'il faudrait penser que ces bateaux-là ont coûté
énormément d'argent à la province déjà puis
on les maintient mais que on essaye présentement ... le
député pourrait être intéressé à les
récupérer pour les réparer et les retourner à la
pêche qu'on veut faire à Matane sous la direction du capitaine
Soucy.
M. LACROIX: Pour les crevettes.
M. BELLEMARE: On essaie de réparer ces bateaux qui ont plus
d'âge, et dès cette année, nous aurons à la
disposition du capitaine Soucy deux de ces bateaux qui seront
aménagés pour les crevettes. Et nous allons graduellement
augmenter le nombre de ces bateaux pour la pêche aux crevettes. D'ici
quatre ou cinq ans, il va y avoir là toute une expansion
considérable.
M. LACROIX: Je crois qu'il serait préférable que vous
fassiez des recherches au départ pour savoir s'il y aura des crevettes
suffisamment pour les bateaux que vous avez l'intention de consacrer à
cette industrie.
M. BELLEMARE: Je ne voudrais pas que ça fasse une
assemblée contradictoire, mais ce qu'on a vu l'année
dernière, c'est fantastique.
M. LACROIX: Ce que je voulais dire c'est que les chalutiers qui ont
été construits à partir de 1953 pour les pêcheurs
des Iles et qui sont encore en service sont fatigués: naturellement, ces
bateaux demandent encore aujourd'hui beaucoup de transformations. Au
départ, les premières années, quand les bateaux devaient
être améliorés, c'était la responsabilité du
capitaine. Depuis quelques années, deux ou trois ans, le
ministère, après de nombreuses requêtes qui lui ont
été faites, a consenti à financer lui-même ces
améliorations, et cela a permis d'améliorer la situation chez
nous. Mais tout de même, ce à quoi je veux en venir, c'est que les
Iles-de-la-Madeleine devant à mon point de vue être le coeur des
pêcheries commerciales de la province, le ministre devrait, le plut
tôt possible, convaincre son collègue à l'Agriculture, afin
que, par le plan d'ARDA, le centre dépêche des des
Iles-de-la-Madeleine soit décidé dans le plus bref délai,
ce qui nous permettra de recevoir des chalutiers plus considérables,
plus gros, des chalutiers qui pourront aller chercher à
l'extérieur du golfe la matière première nécessaire
aux opérations de nos usines de transformation pour le poisson, parce
que, depuis plusieurs années, les stocks de poissons du golfe sont
surexploités, et il est indéniable que la quantité et la
qualité du poisson ont diminué considérablement.
Si vous prenez les statistiques de 1965-66, vous verrez que notre flotte
de pêche hauturière n'a pas capturé plus de morues que nos
pêcheurs côtiers en capturaient il y a dix ans. Il faut absolument
prévoir, dans le plus bref délai, la construction, pour les
Iles-de-la-Madeleine, de chalutiers de fort tonnage qui pourront aller chercher
à l'extérieur du golfe la matière première pour
fournir du travail à notre main-d'oeuvre. Et les Iles-de-la-Madeleine
doivent être le coeur des pêcheries commerciales de la province de
Québec parce que nous sommes situés en plein golfe et les
chalutiers qui doivent passer près de chez nous pour venir en
Gaspésie ont quinze heures de marche à faire, aller et retour, ce
qui fait trente heures de marche improductive à chaque voyage. Je crois
qu'aux Iles-de-la-Madeleine, nous avons besoin, comme en Gaspésie, de
capitaux pour permettre la transformation de poissons en quantité plus
considérable, ce qui permettrait à notre population
également de vivre de son travail, et tous les gens chez nous sont
désireux de vivre de la pêche et des industries connexes.
Quant à la pêche côtière, je disais tout
à l'heure que la pêche n'était pas près de
s'éteindre chez nous. Il y a trois ans, en 1963, j'ai fait faire par un
jeune homme de chez nous, un M. Cyr de l'Etang du Nord, un bateau de
pêche de 40 pieds à l'échelle d'un pouce au pied pour le
pêcheur côtier. Ce modèle-là est encore chez vous,
à votre ministère, et j'espère que, même s'il y a eu
changement de gouvernement, ce bateau-là ne changera pas de nom et qu'il
reviendra à mon bureau puisqu'il a servi de modèle pour les
bateaux de pêche de 40 pieds, les bateaux polyvalents que nous voulions
pour les pêcheurs côtiers.
M. BELLEMARE: Il est au Musée.
M. LACROIX: Ce sur quoi je veux insister, c'est que les gouvernements,
autant provincial que fédéral, n'hésitent pas à
investir des sommes très considérables pour la pêche
hauturière, mais quand il s'agit de prêter de l'argent aux
pêcheures côtiers pour pouvoir s'organiser de façon
adéquate, on hésite beaucoup plus et on place le pêcheur
côtier devant des moyens de remboursement qui sont un peu difficiles. Le
pêcheur hauturier emprunte, le gouvernement avance 90% de la valeur du
montant qu'il doit financer pour l'achat de son bateau et, par
la suite, il rembourse le gouvernement à temps pour cent de la
valeur de ses captures brutes. Tandis que le pêcheur côtier qui
doit s'endetter de quelques milliers de dollars doit rembourser sur une
période déterminée, et la loi du crédit maritime,
à l'heure actuelle, établit qu'il doit rembourser sur une
période de cinq ans.
Il doit, à ce moment-là, faire face à des
obligations fixes alors que ses revenus sont fort aléatoires, comme vous
le savez, dans la pêche. Je crois que le pêcheur côtier
surtout quand on parle d'un bateau polyvalent, des bateaux de 40 à 45
pieds, devrait pouvoir également rembourser à tant pour cent de
la valeur des captures brutes. Quand on parle d'un bateau côtier de 40
pieds qui coûte, par exemple le bateau et les casiers pour le
homard si vous prenez la seine pour le hareng et le maquereau et tous les
autres agrès de pêche que cela prend ça peut monter
à peu près à $20,000. Et si vous l'obligez à
rembourser $4,000 par année, alors qu'il ne sait pas quelle sera la
valeur exacte de ses revenus, il s'embarque dans une galère ou il refuse
de s'y embarquer plutôt, parce qu'il a peur que ses revenus ne soient pas
suffisants pour lui permettre de faire face à ses obligations.
M. BELLEMARE: Le député devrait dire aussi qu'il y a 25%
de dons par le provincial, 25% présentement...
M. LACROIX: Sur le coût du bateau et les agrès fixes.
M. BELLEMARE: Oui et puis on est actuellement à transiger avec le
gouvernement fédéral pour une augmentation 50-25, ce qui fait
75%.
M. LACROIX:Il reste tout de même que le bateau et le moteur
coûtent $14,000...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas $5,000 ou $6,000 par année qu'il a
à rembourser.
M. LACROIX: A l'heure actuelle, si M. le Ministre me le permet, je lui
dirai que nos bateaux de 40 pieds, tel qu'on veut les équiper,
coûtent $14,000, bateau et moteur.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LACROIX: Vous avez 300 casiers à homard qui coûtent
$1,500.
M. BELLEMARE: Cela fait $6,000 en tout. M. LACROIX: Vous avez une seine
à hareng et à maquereau, une seine danoise qui coûte
à peu près de $4,000 à $5,000.
M. BELLEMARE: $5,000 à $6,000 d'agrès, d'accord.
M. LACROIX: C'est plus que ça quand on veut parler du bateau
polyvalent qui va faire, premièrement, la pêche du printemps, la
pêche du hareng, la pêche du homard, la pêche de la plie et
de la morue et la pêche du maquereau. Il faut qu'il soit
équipé pour toutes ces pêches-là.
Le problème chez nos pêcheurs... Prenez les pêcheurs
aux homards, il font des revenus substantiels mais la période de travail
n'est que de deux mois, du 10 mai au 10 juillet. Par la suite, les bateaux de
28 pieds avec lesquels ils vont pêcher le homard ne répondent pas
aux besoins pour faire la pêche au hareng, pour faire la pêche au
maquereau et la pêche à la plie. Pour la morue, ça peut
aller quand la morue se tient près des côtes mais, normalement,
chez nous, il n'est pas rare que nos pêcheurs doivent aller à 15
ou 20 milles de la côte pour aller pêcher avec ces
bateaux-là. Et je crois que l'on doit étudier le problème
des pêcheurs côtiers et, dans le rapport du BAEQ, dans le plan il
est prévu qu'aux Iles-de-la-Madeleine la pêche
côtière doit subsister et on doit faciliter la tâche
l'organisation de nos pêcheurs côtiers pour qu'ils soient en mesure
d'aller gagner en mer les revenus nécessaires à leur
subsistance.
Je puis assurer le ministre que nos pêcheurs sont assez vaillants,
ils sont assez fiers de leur métier qu'ils préfèrent aller
chercher leur revenu, $10 par jour, en mer, que d'aller travailler sur la
voirie ou n'importe où ailleurs. Si nos pêcheurs sont bien
équipés, s'ils sont organisés pour travailler, pour gagner
leur vie adéquatement, ils préfèrent ça de beaucoup
à aller gagner ailleurs où les autres qui sont incapables de
faire la pêche pourraient travailler et surtout ils
préfèrent de beaucoup aller travailler pour gagner leur vie que
d'aller au bien-être social. Mais on les pousse un peu vers ça.
Parce que, dans la pêche côtiêre, nous devons absolument
faire un effort valable.Il nous faut les aider et je crois que nous devons
continuer le système des bateaux polyvalents. Quand même la
province risquerait $100,000 ou $150,000 ou $200,000 afin de prouver la
rentabilité de ces bateaux-là, le gouvernement, le
ministère de l'Industrie et du Commerce devrait y aller, aller de
l'avant et faire une expérience valable pendant une ou deux saisons pour
prouver la rentabilité de ces bateaux: quand la rentabilité en
aura été prouvée, nous pourrons aller de l'avant et en
don-
ner à ceux des pêcheurs qui sont aptes à travailler
avec ces bateau-là. Je suis convaincu que cela serait de nature à
améliorer considérablement la situation économique chez
nous.
Si vous prenez 50 bateaux de 40 pieds qui, tout équipés,
vont valoir $1 million, vont apporter beaucoup plus de contribution aux
pêcheries commerciales de la province de Québec et à
l'économie des îles que dix chalutiers qui coûtent le
même prix. Et 50 bateaux côtiers vont fournir du travail à
150 hommes par ce qu'il faut au moins trois hommes à bord de chaque
bateau cotier de 40 pieds des bateaux polyvalents alors que dix
chalutiers de 60 à 65 pieds fournissent du travail à 50
personnes, cinq à bord de chaque chalutier.
M. BELLEMARE: L'usine ne fournira pas.
M. LACROIX: Quand il ne restera plus seulement qu'à agrandir les
usines, ça ce ne sera pas un problème très grave.
M. BELLEMARE: Ah, ah, ah!
M. LACROIX: L'usine de Cap-Aux-Meules, qui est en reconstruction, pourra
traiter une quantité beaucoup plus considérable de poissons:
celle de Havre-Aubert, quand celle de Cap-Aux-Meules va être en
opération, va produire à 30%, 35% de sa capacité de
rendement. Et celle de Grande-Entrée pourrait traiter une
quantité beaucoup plus considérable également de poissons.
Mais il faut ne pas négliger le facteur de la pêche
côtière, et il ne faut pas non plus négliger la pêche
hauturière. Il faut aller de l'avant, et je crois, comme le disait tout
à l'heure, le député de Bonaventure, pour la pêche
hauturière, nous ne pouvons pas dire que nous sommes à
l'avant-garde, lorsque l'on parle de la flotte de pêche moderne de la
province de Québec, je puis vous dire qu'elle était moderne, mais
il y a vingt-cinq ans. Nous sommes largement dépassés et nous
devons faire un effort considérable afin de rattraper par exemple, la
Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve. Et quand même on fermera le golfe avec la
nouvelle législation qui a été adoptée par le
gouvernement fédéral l'an passé, quand même
certaines unités de pêche des autres pays ne viendraient pas dans
le golfe capturer notre poisson, les quantités de poissons du golfe
n'augmenteront pas sensiblement. Le gros problème, c'est qu'à
l'heure actuelle, les chalutiers d'acier de Terre-Neuve, de l'Ile-du-Prince
Edouard, du Nouveau-Brunswick et particulièrement de la Nouvelle-Ecosse,
capturent à l'entrée même du golfe, pendant l'hiver le
poisson qui normalement entrait dans le golfe, et c'est pourquoi la
quantité de poissons a diminué considérablement dans le
golfe: et également la qualité, puisqu'il y a quelques
années la moyenne de pesanteur d'une morue était
supérieure à huit livres, et, à l'heure actuelle, c'est
à peine quatre livres et demie, je crois, la moyenne de la morue
capturée. Et, c'est pourquoi, il faut, dès immédiatement,
s'organiser pour aller cherchera l'extérieur du golfe la matière
première à la production régulière et normale de
nos usines.
Et, s'il y a eu augmentation des captures, d'après les chiffres
qu'a donnés tout à l'heure l'honorable ministre, il ne faut pas
oublier que ceci est dû au fait que, depuis trois ans, depuis 1963, nos
usines de transformation aux Iles,ont accepté la sébaste, le
poisson rouge, « l'océan perch », la sébaste, et
c'est ce qui fait que nos chalutiers capturent des quantités de poissons
beaucoup plus considérables. Et quand samedi vous disiez qu'il y avait
des chalutiers qui rentraient au port avec des cargaisons beaucoup plus
considérables que la capacité portante du bateau, ce
n'était pas avec la morue, c'était avec la sébaste ou le
poisson rouge, et ce poisson-là na-tuellement est capturé
près des côtes et on s'en vient à l'usine
immédiatement. Parce que quand le bateau arrive, si M. le Ministre veut
venir faire un voyage de pêche, il constatera que si le bateau est
à 100 milles par exemple, et s'il est à sept ou huit heures de
marche du port et qu'il a plus que sa charge de capacité portante,
à ce moment-là, il ne peut pas glacer son poisson, il doit le
laisser sur le pont du bateau, et s'il est à huit ou neuf heures de
marche de l'usine, ça ne sert à rien de la placer là.
Quand il va arriver au port, son poisson ne sera plus bon, et il sera
refusé par les inspecteurs. Quand le bateau arrive avec une cargaison
plus considérable que sa capacité portante, c'est parce qu'il a
pêché à proximité des côtes et qu'il est
capable de rentrer au port, décharger son poisson, pour qu'il soit en
bonne condition.
M. BELLEMARE: Le Marie-Carole, le député sait ça
qu'il était...
M. LACROIX: Quant au chalutier Marie-Ca-role... La veille qu'il a
coulé, à huit heures, le soir, il a communiqué pour la
dernière fois par radio-téléphone, et à ce
moment-là, il avait 8,000 livres de poissons de capturés, et je
ne crois pas que, de cinq heures le soir ou entre cinq et huit heures en tous
les cas, au lendemain matin il ait pu capturer cinquante ou 60,000 livres de
poisson pour être chargé plus que sa capacité.
Il est arrivé... C'est un malheureux accident, et dans ce
bateau-là, même si nous nous éloignons un peu du bill 10,
je voudrais dire, qu'à bord du Marie-Carole, quand est arrivé ce
désastre, il y avait quatre des meilleurs capitaines, non seulement des
Iles-de-la-Madeleine, quatre des meilleurs pêcheurs de tout l'Est du
pays, et le capitaine Alphonse Doyle, le capitaine Richard, le capitaine
Poirier, et le Capitaine Lapierre étaient des gens d'expérience.
M. Cyr n'était pas capitaine, mais c'était un bon pêcheur,
et je crois que c'est un malheureux accident que personne ne pourra jamais
élucider.
De toute façon, lorsque nous étudierons le bill article
par article je voudrais obtenir certains renseignements de l'honorable ministre
et essayer d'apporter une modification particulièrement à
l'article 1. Mais avant de terminer je voudrais dire à l'honorable
ministre que j'ai été très heureux d'écouter la
nomenclature des projets que le ministère entend réaliser au
cours des prochaines années de façon à améliorer la
situation des pêcheries commerciales dans la province de
Québec.
Quand il dit qu'il est de l'intention du ministère d'organiser un
navire de recherche, je puis lui dire que ça va nous pousser
passablement loin parce qu'il y a premièrement à bâtir,
faire les plans de ce bateau-là, déterminer de quelle
façon il pourra nous être utile et par la suite faire
préparer les plans par l'architecte naval et tout ça. Cela va
nous prendre quelques années avant que ce bateau-là puisse
être mis à la disposition de nos pêcheurs. Mais je suis
parfaitement d'accord avec lui que même si cela doit prendre quelques
années on doit en étudier la possibilité
immédiatement et, étant donné que la province de
Québec entend conserver la responsabilité de ses pêcheries
commerciales, il est de son devoir de mettre à la disposition des
pêcheurs le maximum de renseignements possible pour lui faciliter la
tâche.
Je suis également heureux de constater qu'il a l'intention de
moderniser les bateaux et les équipements. Il est sûr que les
petits chalutiers de 60 et de 65 pieds qui ont été construits il
y a quelques années ont besoin d'être modernisés et d'avoir
un équipement qui soit plus adéquat. Quand dans les premiers
temps on a commencé à construire un bateau on a mis un moteur
dedans, quand on l'a utilisé pour la pêche on a
réalisé que le moteur n'était pas assezpuissant pour
opérer de façon raisonnable. On a ramené le bateau au
chantier maritime, on a changé le moteur pour un plus puissant: on est
retourné à la pêche et là on s'est aperçu que
le moteur était trop puissant pour le bateau qui le portait et on
retombait dans un autre problème...
M. BELLEMARE: Le bateau s'en allait comme ça!
M. LACROIX: ... et il faut réellement faire quelque chose pour
améliorer ça. Vous avez parlé de la mécanisation
des fumoirs, chez nous, aux Iles-de-la-Madeleine. Le hareng fumé aune
importance très considérable, puisque nous avons seize fumoirs
qui sont en opération, seize organisations qui sont
intéressées dans le fumage du hareng et cela fournit du travail
à une bonne quantité de personnes, le printemps et
l'été, quand vient le temps de l'empaquetage.
Ce sont toutes des choses qui sont nécessaires et j'espère
que le ministère utilisera une grande partie des fonds qui sont mis
à sa disposition par ce projet de loi de façon à
améliorer considérablement les pêcheries,
particulièrement aux Iles-de-la-Madeleine parce que, comme le ministre
lui-même l'a mentionné et les autres, nous vivons exclusivement de
la pêche et nous ne pouvons compter sur absolument aucun autre domaine
économique pour assurer la subsistance à notre population. C'est
pourquoi j'insistais, jeudi dernier, dans mon discours, pour demander à
l'honorable ministre de l'Agriculture de voir à ce que les
recommandations du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec, en ce
qui concerne les Iles-de-la-Madeleine, soient mises en application le plus
tôt possible. Je ne sais pas si le ministre des Finances trouve que nous
coûtons trop cher à la province, mais si depuis quelques
années...
M. BELLEMARE: Il dit que vous vous n'avez jamais pêché!
M. LACROIX: Je suis allé à quelques reprises à bord
des chalutiers, des bateaux.
M. BELLEMARE: Nous vivons avec la pêche et lui avec...
M. LACROIX: Oui, j'en vis indirectement mais il reste qu'aux
Iles-de-la-Madeleine si nous voulons réellement faire un effort valable
pour revaloriser la pêche côtière et la pêche
hauturière, les Iles-de-la-Madeleine vivront du produit de la
pêche, vivront de leur travail, ce sera une population heureuse et ce
sera un actif pour la province de Québec. M. le Président, c'est
avec plaisir que je voterai pour le bill numéro 10.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Duplessis.
M. Henri- L.Coiteux
M. COITEUX (Duplessis): M. le Président, pendant quelques minutes
vous me permettrez sans doute de me joindre à mes collègues pour
d'abord dire immédiatement que je suis 100% en faveur de ce bill et
peut-être brosser, pendant quelques minutes, un tableau de ce qu'est
réellement le problème des pêcheries sur la
Côte-Nord.
Vous savez, et ce sera peut-être à la surprise de plusieurs
de mes collègues, le plus vaste territoire de pêche actuellement
au Québec s'étend sur une distance de 400 milles sur la
Côte-Nord.
Nous avons là, distribués en 25 ou 30
agglomérations, des petits villages dont certains sont vieux
d'au-delà de 150 ans. Ces gens, au départ, vivaient uniquement de
la pêche. Aujourd'hui, naturellement, il faut diviser un peu le
problème avec l'avènement de l'usine ou de la mine Quebec Iron
Titanium à Havre Saint-Pierre qui a fait presque entièrement
disparaître la pêche côtière de ce secteur. Mais il
reste tout de même que de Kégashka à Blanc-Sablon, soit une
distance d'au moins 275 milles par la mer, il y a 19 villages qui vivent
uniquement de la pêche.
Et j'entendais tantôt mes collègues de Bonaventure et des
Iles-de-la-Madeleine parler de leur problème, mais le problème de
ces gens-là est loin d'être comparable au problème qui
existe sur la Côte-Nord. On peut faire le tour des Iles-de-la-Madeleine
en voiture dix fois dans une journée. On peut faire le tour du
comté de Bonaventure, disons, deux fois dans une journée, si on
part assez tôt.
M. PROULX: Facilement.
M. COITEUX: On peut faire le tour du comté de Gaspé-Nord
pour visiter les pêcheries dans une journée. Mais lorsque vous
tombez sur la Côte-Nord, M. le Président, vous avez là des
villages qui n'ont aucun lien entre eux, isolés complètement, la
plupart d'entre eux sans téléphone, sans lumière
électrique, sans télévision, avec, en 1960, un bateau par
semaine et souvent tous les quinze jours. Je ne sais pas pour quelle raison,
mais on a semblé oublier qu'il existait un problème de
pêcherie réel sur la Côte-Nord où des gens, depuis
des centaines d'années, n'ont pas d'autre source de revenu: c'est
pourquoi je suis heureux que, dès le début de son administration,
le ministre actuel des pêcheries soit venu dans mon comté se
rendre compte de visu des conditions qui existent.
Et je sais qu'il sera tellement plus facile, étant donné
que le ministre a vu sur place, de donner suite aux solutions, aux demandes qui
lui seront soumises. C'est tellement vrai ce que je viens de dire qu'en 1960,
à Rivière-au-Tonnerre, où il existe aujourd'hui une
industrie très florissante, nous avions à ce moment-là
deux chalutiers et, pour prouver le peu d'intérêt qu'on portait
aux pêcheurs de la Côte-Nord, ces deux chalutiers avaient
été rejetés en Gaspésie, on les envoyait à
l'usine de Rivière-au-Tonnerre. Après une visite de l'ancien
ministre de l'Industrie et du Commerce qui avait lui-même
peut-être un peu l'impression qu'il fallait qu'il ne se passe des choses
qu'à Paspé-biac il s'est rendu compte qu'il y avait
là un potentiel. Lorsque l'ancien ministre est venu, il a pu constater
la présence de 56 chalutiers des Iles-de-la-Madeleine et de la
Gaspésie qui péchaient à trois milles, quatre milles, cinq
milles de nos côtes, pendant que nos gens étaient là et
regardaient ces gens venir chercher à leur porte la matière
première d'où ils auraient pu tirer leur subsistance. Et c'est
à ce moment-là que la politique du ministère des
Pêcheries, autant que la Côte-Nord est concernée, a pris une
toute autre direction. Et aujourd'hui nous pouvons dire qu'il y a cinq
chalutiers attachés à l'usine de Rivière-au-Tonnerre et,
de quelque 700,000 livres de poisson que nous avions produites en 1960, nous
avons dépassé les 5,500,000 l'année dernière.
Et dans ce coin de pays, je suis entièrement d'accord que la
pêche hauturière est la seule qui doive continuer à se
développer, car les pêcheurs côtiers ont abandonné
pour une raison ou pour une autre...
M. BELLEMARE: Le député a bien dit que c'est la seule
pêche qui doit continuer à se développer, la
hauturière?
M. COITEUX: Dans ce secteur-là, oui.
M. BELLEMARE: Ah! dans ce secteur-là.
M. COITEUX: Parce que j'arrive à un autre secteur où la
pêche hauturière n'est pas recommandable et je vais essayer
d'expliquer en quelques mots pourquoi.
M. BELLEMARE: Celui de La Tabatière, il a deux gros bateaux,
même.
M. COITEUX: Oui, attendez, j'en arrive. M. PROULX: On n'est pas
pressé.
M. COITEUX: Il y a tout de même 400 milles, laissez-moi le temps
de descendre.
M. BELLEMARE: Ah oui! Vous n'êtes pas vite habituellement.
M. COITEUX: Alors, je dis donc que le mouvement qui a été
amorcé pour doter l'usine de Rivière-au-Tonnerre de chalutiers,
doit se continuer. Nous pourrions en arriver facilement, car l'usine a ses
possibilités, à ajouter suffisamment de chalutiers pour produire
éventuellement là quinze millions de livres de poisson par
année.
J'espère qu'à même les millions qu'on nous demande
de voter sur le bill 10, il y a certainement des montants prévus pour de
nouveaux chalutiers à cet endroit. Si nous passons par le secteur de
Natashquan, là, c'est bien difficile parce que c'est dû à
tout un autre facteur, si les gens aujourd'hui sont devant une situation
économique difficile, Natashquan, Aguanish, Pointe-Parent et
Johan-Beetz, c'est dû au fait qu'il y a eu des commencements de
développements miniers et que les gens se sont départis de leurs
agrès de pêche et lorsque les mines ont fermé, ces
gens-là n'ont pas pu trouver la façon de se
réorganiser.
Et j'en arrive au secteur de Kégashka-Blanc-Sablon. Le secteur de
Kégashka-Blanc-Sablon, a un système de pêche qui n'est pas
connu ailleurs dans la province de Québec en autant que la morue est
concernée. On pêche là à la trappe.
M. BELLEMARE: Ils ont changé ça, maintenant.
M. COITEUX: ... et graduellement, naturellement, j'en arrive à ce
point-là, c'est qu'on veut changer...
M. BELLEMARE: C'est changé, ils s'en vont aux fillets
maillants...
M. PROULX: Ils pêchent cela au car lain. M. COITEUX: Et puis, les
fonds...
M. BELLEMARE: Les fonds puis l'excelso, ils ne les pêchent pas
à la trappe. Ils les pêchent aux filets maillants.
M. COITEUX: Si le ministre veut être patient, je vais en parler
dans quelques minutes.
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. COITEUX: Pour une première fois que je parle pas de texte, M.
le Ministre, donnez-moi une chance.
M. BELLEMARE: Là, c'est vrai que c'est votre discours.
M. HARVEY: Il sait ce qu'il dit.
M. COITEUX: Je dis donc que les fonds pour la pêche
hauturière ou la pêche aux chalutiers de
Kégashka-Blanc-Sablon, ne sont pas rentables, c'est-à-dire que
les chalutiers ne peuvent pas pêcher. Les fonds ne sont pas favorables,
ne se prêtent pas à la pêche au chalutier et c'est pourquoi
la pêche côtière dans ce coin de terrritoire, du moins pour
quelques années encore, jusqu'à ce qu'on ait réussi des
centralisations de population, ce qui n'est pas pour demain, il nous faudra
continuer à faire la pêche côtière à ces
endroits. Et pour faire la pêche côtière, il faut de
l'équipement. Actuellement, je vais prendre un cas d'espèce, par
exemple à Saint-Augustin où nous avions 95 barques cette
année. Les gens, anciennement, péchaient à la trappe. Ils
pêchent encore à la trappe. Et lorsque la trappe était
finie, ce qui dure environ un mois, jusque vers le dix juillet, les gens
devaient aller pêcher soit à la ligne ou à la trawl ou aux
gill-nets. Et plusieurs n'y allaient pas pour une raison bien simple. C'est que
ces gens sont des marins et qu'ils savaient que leurs barques, comme on dit en
langage du golfe, were not safe to go out.
Et là, nous faisons face à un problème, on n'aide
pas assez la pêche côtière, et la prise que le pêcheur
côtier fait, n'étant pas suffisante pour lui permettre de faire
vivre avec ces revenus toute sa famille pendant un an, il se mettait sur
l'assistance sociale et ce n'est pas à même ces fonds non plus
qu'il pouvait se procurer l'argent pour améliorer qui sa barque, qui son
moteur, qui ses agrès de pêche. Cette situation que je viens de
dépeindre pour Saint-Augustin est la même à Harrington,
à Kégashka, à Chégashtika, à rivière
St-Paul, à Vieux-Fort.
A tous ces endroits de pêche-là que le ministre a
visités, lorsqu'on leur a présenté la situation exacte
lors de la présentation du bill 23, en 1962, on nous a dit: Ces gens
là, mais pourquoi ne déménagent-ils pas? C'est impossible,
il y a un atavisme là. Ce sont des pêcheurs et ils ne peuvent
faire autre chose que la pêche,
Il appartient donc au gouvernement de prendre une conscience très
exacte du problème et de trouver une formule par laquelle on pourra
venir en aide à ces pêcheurs côtiers.
La formule suggérée tantôt par mon collègue
des Iles-de-la-Madeleine, à savoir qu'on pourrait faire un prêt de
$5,000, $6,000 ou
$7,000 de façon à ce que le pêcheur côtier
puisse changer son moteur, se procurer des « gill-nets »,
réparer ses trappes, faire un prêt de $4,000, $5,000, $6,000
remboursable à tant pour cent des prises... Ah, j'admets avec M. le
ministre que sur une petite échelle de $4,000 à $5,000 pour des
pêcheurs cotiers il en existe 80, 95 par village ce sera
peut-être difficile de trouver une formule juste de remboursement et
surtout une formule qui nous permettra d'être suffisamment
rassurés en autant que le capital devra être remboursé.
J'ai du l'occasion de causer je pense que mon collègue de
Bonaventure était là, il y a deux ans d'un système
de ce genre-là au Nouveau-Brunswick.Il apparaîtrait que les
remboursements des petits prêts aux pêcheurs côtiers donnent
un meilleur résultat que ceux-là faits aux chalutiers. Du moins
pour ce qui a trait au Nouveau-Brunswick. Je crois qu'on n'a pas le choix et
qu'il faudra mettre définitivement dans tout ce secteur de 250 milles de
côtes, des capitaux, après enquête peut-être pas
commencer par tous les pêcheurs d'une même paroisse, mais prendre
les plus sérieux. Je crois qu'il sera très facile d'organiser un
système par lequel, d'ici quatre ou cinq ans, les pêcheurs
côtiers apporteront infiniment plus de production à nos usines ou
en poisson séché qu'actuellement.
Vous avez parlé tantôt de l'usine de La Tabatière.Il
y a le Primo, l'Excello, ce sont deux magnifiques bateaux...
M. BELLEMARE: On va en avoir un troisième.
M. COITEUX: Tant mieux! Je suis d'accord, mais tout de même en
autant que le problème des pêcheurs ou des petits villages
dispersés qui n'ont pas de chemin est concerné, cela donne de
l'ouvrage à l'usine. Mais le gars de Saint-Augustin, le gars de Old
Fort, le gars de Tchécatiqua, le gars de La Romaine, le gars
d'Harrington, le gars de Wolve Bay, le gars de Kégashka, il ne peut pas
venir travailler là, à moins de déménager sa
famille. Si on veut regarder au point de vue de la production de l'usine, si on
peut rendre la production à 30 millions de livres tant mieux... Mais,
par contre, ça donne de l'ouvrage à six gars par bateau, et
pendant ce temps-là il faut que les 90 familles de Saint-Augustin
vivent.
C'est pourquoi, me fiant à la recommandation qui a
été faite par M. de Roquefeuil, économiste éminent
qui a fait des études sur la Côté Nord nous n'avons
pas de BAEQ parce que nous autres, nous trouvons ça trop dispendieux
le
BAEQ mais tout de même nous avons des études dont la
conclusion était la suivante: Il y a un potentiel de 20 millions de
livres de poisson frais... si on pouvait s'emparer avec une usine à
Blanc-Sablon de toutes les prises de ce territoire que vous avez visité,
qui est immense...
M. BELLEMARE: Le député sait qu'à Blanc-Sablon on a
commencé une usine.
M. COITEUX: Bien oui, l'usine de séchage... M. BELLEMARE: Cette
année, on bâtit...
M. COITEUX: Bien oui, c'est très bien, ç'a
été bâti l'été dernier.
M. BELLEMARE: Oui, mais cette année, ça n'a pas de rapport
avec l'usine de séchage, on bâtit une salaison.
M. COITEUX: Une salaison, ça ça va être une grosse
amélioration. Parce que comme vous comprenez, les pêcheurs comme
je vous le disais tantôt arrêtent de pêcher dans le mois
d'août. Ce qu'on essaie de faire sur la Côte-Nord, c'est
d'étendre leur période de pêche et je crois que le «
gill-net » et la trawl avec des usines de façon à ce que le
poisson frais puisse être usiné jusqu'au milieu d'octobre, alors
ce serait de nature à encourager.
La raison pour laquelle nos pêcheurs côtiers arrêtent
actuellement de pêcher dans le mois d'août, c'est qu'ils n'ont pas
le temps de faire sécher leur poisson, à un degré
suffisant pour que ce soit valable. Le sécheur avec une saline,
pourra-t-il prendre tout le poisson disponible à cet endroit-là?
J'en doute.
M. BELLEMARE: Ce qui nous aconvaincus, c'est lorsque nous nous sommes
aperçus que les gens de Terre-Neuve étaient venus sur les quais
de Blanc-Sablon et qu'ils avaient salé 1 million de livres de morue sur
la berge. A ce moment-là, on a dit, il faut absolument remédier
à ça en bâtissant une saline.
M. COITEUX: Oui, mais pourquoi nos gars ne pêchent-ils pas?
J'aimerais que le ministre qui est bien disposé, comprenne ce
message-là c'est parce que les petits pêcheurs n'ont pas
les capitaux voulus. A Terre-Neuve, c'est payé 100% par le gouvernement,
ces gens-là arrivent avec des « gill-nets » de
première classe, alors que les nôtres n'ont pas les moyens de s'en
procurer.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça.
M. COITEUX: Ils ne peuvent pas avoir d'argent.
M. BELLEMARE: Le député sait que ce n'est pas ça.
C'est qu'il y a une rivalité entre la paroisse et l'agglomération
de... Est-ce qu'il parle de Blanc-Sablon?
M. COITEUX: Oui, de Blanc-Sablon.
M. BELLEMARE: De Blanc-Sablon et de la partie qui s'en vient au nord,
qui ne collaborent pas. Pour les faire collaborer, nous leur avons
demandé de faire une espèce d'union et, justement, en
bâtissant l'usine de séchage dans Blanc-Sablon et en
bâtissant, sur la rive un peu plus loin, la saline, là on va
s'entendre.
M. COITEUX: Oui, je comprends, mais vous allez prendre soin de
Blanc-Sablon.
M. BELLEMARE: Oui, Blanc-Sablon, Kégashka, Harrington, et les
autres.
M. COITEUX: Non, ne parlez pas de Kégashka à moins que
vous acceptiez l'idée qui a été suggérée de
mettre des bateaux collecteurs au frais du gouvernement.
M. BELLEMARE: Non, au point de vue du séchage.
M. COITEUX: Imaginez qu'un petit bateau de 28 pieds qui va partir de
Vieux-Fort va aller porter son poisson à Blanc-Sablon. C'est impossible.
Il faudra certainement un bateau collecteur.
M. BELLEMARE: Il y a tout un réseau de chemins.
M. COITEUX: De toute façon, je crois en avoir suffisamment dit
pour convaincre le ministre qu'il est absolument important quand il fera
la distribution de ces sommes d'argent qu'on va lui voter par le bill 10, avec
plaisir -qu'il pense au problème existant chez nos pêcheurs
côtiers de la Côte-Nord qui, eux, ont un problème bien
particulier et bien difficile pour les raisons que j'ai évoquées
au départ: c'est qu'il n'y a pas de communication et ces gens-là
ont le droit, comme les pêcheurs de la Gaspésie, comme les
pêcheurs des Iles-de-la-Madeleine, d'être aidés pour se
procurer chez eux la subsistance qui leur permettra de continuer à
exister dans la province de Québec.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce
propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en
comité plénier pour l'étude du bill 10. Cette motion
est-elle adoptée? Adopté.
Comité plénier
M. LEBEL (Président du comité plénier): Bill 10,
article 1. Cet article sera-t-il adopté?
M. LEVESQUE (Bonaventure): Est-ce que le ministre de l'Industrie et du
Commerce pourrait nous donner les détails des garanties accordées
à même le montant de $325,000 qui est le montant que l'on porte
à $500,000 dans la présente loi...
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député veut avoir les
garanties qui ont été données jusqu'à
présent ou s'il veut savoir simplement quelles sont les
prévisions?
M. LEVESQUE (Bonaventure): D'abord les montants qui sont
présentement engagés comme garanties.
M. BELLEMARE: Oui, j'ai eu l'occasion tout à l'heure d'en parler
et de donner à la Chambre quelques indications, pas besoin de vous
dire...
M. LACROIX: Il y a $50,000 à la Centrale des
Iles-de-la-Madeleine.
M. BELLEMARE: Juste une minute pour mettre de l'ordre Ah!
UNE VOIX: Eureka!
M. BELLEMARE: Je le savais. Il y a $95,000 à la Banque Canadienne
Nationale en faveur des Pêcheurs Unis du Québec.
M. LEVESQUE (Bonaventure): A quelle date?
M. BELLEMARE: Je peux remettre au député une copie.
M. LESAGE: Cela va être au journal des Débats.
M. BELLEMARE: Je l'ai dit dans mon discours tout à l'heure,
d'ailleurs.
M. PINARD: Bis repetita placent.
M. BELLEMARE: Ah, c'est sûr mais cela dépend devant qui.
$95,000 à la Banque Canadienne Nationale en faveur des
Pêcheurs-Unis pour garantir leur marge de crédit. Ensuite de
ça, $100,000 à la Caisse centrale Desjardins de Lévis en
faveur des Pêcheurs-Unis de Québec pour garantir un prêt
relatif à la construction d'usines pour le traitement du poisson, cette
garantie expire le 20 avril 1969. L'autre, c'est $50,000 à la Banque de
Montréal en faveur des Coopératives centrales des
Iles-de-la-Madeleine pour garantir sa marge de crédit. L'autre c'est
$75,000 à l'Union régionale des caisses populaires Desjardins de
Gaspé en faveur des caisses populaires des Iles-de-la-Madeleine et de la
Gaspésie pour garantir des prêts aux pêcheurs,
conformément au crédit maritime.
Au 31 décembre 1966, les prêts en vigueur couverts par
cette garantie s'élevaient à$82,140 ce qui faisait un grand total
de $320,000.
Maintenant l'expansion rapide des pêcheurs commerciales dans le
Québec oblige tous ceux qui ont contribué à
prélever les fonds nécessaires non seulement pour les
immobilisations mais également pour former un capital roulant
nécessaire au fonctionnement de ces entreprises. Le montant de $325,000
prévu dans la Loi des crédits des pêcheries maritimes,
Statuts refondus 1964, chapitre 210, ne suffit plus au besoin croissant de
l'industrie. Nous croyons qu'en le portant de $325,000 à $500,000, le
ministère pourra apporter sa participation au développement des
pêches commerciales en aidant l'industrie à reviser tous ses
objectifs.
Je puis maintenant donner au député d'autres informations
supplémentaires s'il le désire.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Est-ce que le ministre a les dates où
de telles garanties ont été consenties?
M. BELLEMARE: Oui, c'est facile de vous les envoyer demain matin. Je
n'ai pas ça ici devant moi, mais dans notre grand registre de la
comptabilité que nous avons au ministère d'ailleurs le
député l'a vu lui-même ce régistre-là
et tout est consigné là par date. Je n'ai pas d'objection
à lui fournir toutes les dates de ces engagements de la province.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Je vois qu'il y a des garanties consenties
aux banques et pourtant je ne vois pas que la loi telle qu'elle est devant
nous, permette la garantie aux banques. Est-ce que mon interprétation
n'est pas exacte ou si elle l'est? Est-ce qu'il n'aurait pas lieu d'y apporter
immédiatement un amen- dement qui puisse permettre au ministre
d'accorder de telles garanties?
M. BELLEMARE: L'honorable député est sûrement au
courant de l'arrêté ministériel qui a été
passé le 5 octobre 1960 qui porte le numéro 1682 et qui donne
là tous les bénéficiaires des prêts, le but, les
conditions, la modalité des prêts, ainsi que toutes les garanties
apportées. Quant au remboursement et aux documents qui doivent
apparaître, cet arrêté en conseil qui a été
passé le 5 octobre 1960, était pour répondre justement
à cette loi du crédit maritime.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Eh bien! je ne conteste pas l'information que
me fournit le ministre. C'est probablement en vertu de l'article 6 que le
lieutenant-gouverneur en conseil détermine les conditions des avances ou
des prêts.
M. BELLEMARE: Oui, et d'ailleurs...
M. LEVESQUE (Bonaventure): Ainsi que les conditions auxquelles doivent
se conformer les pêcheurs ou commerçants pour en
bénéficier. Cela on le trouve dans les dispositions de l'article
6 du chapitre 210 de la loi du crédit aux pêcheries maritimes,
mais le lieutenant-gouverneur en conseil ne peut pas aller plus loin que la loi
lui permet. Et je me demande si, à l'occasion de l'étude de ce
bill, il n'y aurait pas lieu de régulariser ce qui, peut-être dans
l'interprétation des officiers du ministère, était permis
et permissible.
Je me rappelle qu'en 1961, je crois, nous avions ajouté et
nous retrouvons cela dans les Statuts refondus 1964, chapitre 210, à
l'article 3 nous avions ajouté à la série des
institutions financières, les banques à charte du Canada.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Mais, je ne crois pas cependant, que nous
ayons à ce moment-là ajouté les banques à charte du
Canada, en autant que l'article 1 de la loi...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ... était concerné. Je ne vois
pas.
M. BELLEMARE: Oui, M. le Président, parce que, quand par exemple,
le 15 juillet, on a amendé encore la loi du crédit maritime et
qu'on lui a apporté là, une spécification
particulière, on a dit que le ministre est autorisé à
faire des
prêts à la construction, à des
sociétés qui exploitent un commerce de poisson, pour la
réparation et l'achat des bateaux uniquement. Même on a
ajouté dans la loi à ce moment-là, le 15 juillet 1965,
à payer toutes les dettes contractées soit aux banques ou
ailleurs. Alors on a mis dans la loi, un impératif, qui, me semble,
justifie le gouvernement maintenant de faire de ces avances. C'est la loi,
chapitre 58, dans le temps, sanctionnée le 15 juillet 1965, la loi du
crédit, statuts refondus 1964, chapitre 210, modifié en
remplaçant l'article 5 par le suivant. Là nous avons
ajouté: « ou l'acquittement des dettes contractées pour ces
fins. » D'ailleurs, M. le Président, à l'article 3 de la
loi, à l'article 3 de la loi, de lui-même, le
lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le ministre des Finances
à payer, par des deniers votés annuellement à cette fin
par la législature une partie de l'intérêt sur les
prêts consentis par des caisses d'épargne, de crédit ou de
banques à charte du Canada, à des pêcheurs, et des primes
d'assurance sur la vie des pêcheurs qui ont contracté ces
prêts. Et, M. le Président, si vous lisez l'article 1: « Le
lieutenant-gouverneur en conseil, aux conditions qu'il détermine, peut
autoriser le ministre des Finances de la province à garantir et à
payer, si il y a lieu, à même le fonds consolidé du revenu
jusqu'à concurrence d'une somme totale de $325,000, le remboursement des
avances ou des prêts consentis ou d'emprunts effectués pour des
fins de pêche maritime ou des associations coopératives ou des
fédérations d'associations coopératives ou des caisses
d'épargne et de crédit, des unions, ou des
fédérations des caisses d'épargne et de crédit.
»
D'ailleurs, M. le Président, nous n'avons eu, je pense, depuis
1943, 1951, à chaque changement de la loi du crédit maritime,
nous n'avons eu aucunement de difficulté avec les banques quant à
la légalité de ces prêts qui sont des garanties
respectées jusqu'à maintenant.
Et je ne voudrais pas me montrer plus légiste qu'il ne faut, je
ne suis pas du tout de cette catégorie-là, mais je pense
qu'à cause de la tradition qui a été établie,
à cause de toutes les prévisions qui ont été faites
et puis surtout s'il y avait eu de la part des banques un doute quelconque,
leurs administrateurs auraient certainement voulu faire apporter un changement
à la loi. Je ne pense pas que, dans les circonstances, il y ait lieu de
changer notre méthode qui me semble assez bien ajustée pour
rendre les services que nous espérons rendre aux pêcheurs.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Eh! bien, M. le Président, je ne veux
pas, moi non plus, faire du juridisme, mais lorsqu'à l'occasion de
l'étude d'un projet de loi comme celui que nous avons devant nous, nous
nous apercevons qu'il y a peut-être une lacune dans la loi, n'est-il pas
de notre devoir de législateur de regarder de plus près et de
voir s'il n'y a pas lieu de profiter de l'occasion pour régulariser une
situation qui peut-être au cours des années, a été
acceptée comme telle, mais qui ne répond certainement pas, je
crois, aux garanties que doit fournir une législation comme celle que
nous avons devant nous.
En effet, la loi du crédit aux pêcheries maritimes,
à l'article 1, permet au lieutenant-gouverneur en conseil d'autoriser le
ministre des Finances de la province à garantir et à payer, s'il
y a lieu, à même le fonds consolidé du revenu,
jusqu'à concurrence d'une somme totale de $325,000 aujourd'hui
nous portons le montant à $500,000 à garantir et à
payer dis-je, le remboursement d'avances ou de prêts consentis ou
d'emprunts effectués pour des fins de pêche maritime. Par qui? Par
des associations coopératives. Alors ce ne sont pas des banques,
ça: par des fédérations d'associations
coopératives, ce ne sont pas des banques ça: des caisses
d'épargne et de crédit, des unions ou fédérations
de caisses d'épargne et de crédit, je ne crois pas que ça
puisse être interprété comme étant des banques. Et,
puisque c'est à même l'autorisation donnée par l'article 1
qu'on consent des garanties telles que vient d'énumérer le
ministre de l'Industrie et du Commerce, je ne vois pas comment, et quels que
soient les gouvernements qui se sont succédé, j'ai demandé
les dates tout à l'heure parce qu'il est évident que ç'a
été fait au cours des années. Mais n'y a-t-il pas lieu,
à ce moment-ci, de régulariser cette situation, puisque je vois
que la Banque Canadienne Nationale bénéficie d'une garantie en
faveur des pêcheurs-Unis de Québec au montant de $95,000. Et je
vois que la Banque de Montréal a un montant garanti par la province de
l'ordre de $50,000, alors que la loi ne semble pas inclure les banques à
charte dans les institutions financières qui peuvent
bénéficier des avantages de cette loi.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'article 4 qui prévoit ces
garanties dit, par exemple, que le lieutenant-gouverneur détermine les
conditions avec lesquelles le ministre du Commerce et de l'Industrie fera
affaires: d'abord avec les caisses d'épargne, ensuite avec des caisses
de crédit, avec des unions régionales, avec des
fédérations de caisses d'épargne et de crédit ou
des banques à charte du Canada.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Je ferai remarquer au ministre qu'il s'agit
ici à l'article 4 de prêts.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Dans l'article 1, il s'agit de garanties.
M. BELLEMARE: On se réfère à l'article 3: une
partie de l'intérêt sur les prêts consentis par les caisses
d'épargne ou des crédits de banques aux pêcheurs... Bon,
alors là, le lieutenant-gouverneur détermine les conditions, et
il est toujours question de banques, de crédits ou de l'autorisation de
le faire, partout...
M. LEVESQUE (Bonaventure): A l'article 3, nous avions ajouté les
banques à charte...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ... parce que nous voulions que certaines
institutions et certains emprunteurs puissent, lorsque ça faisait mieux
leur affaire, recourir à des banques, mais ce n'est pas le même
cas pour l'article 1 qui ne concerne que la garantie que la province
accorde...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ... à certaines institutions pour le
remboursement d'avances ou de prêts consentis. Je crois que, dans la
liste que nous avons devant nous, pour les Pêcheurs-Unis et pour la
Coopérative centrale des Iles-de-la-Madeleine et pour les autres
prêts consentis aux pêcheurs, il ne s'agit pas du même
crédit.
M. BELLEMARE: Le problème c'est qu'actuellement, dans toute
l'économie de la loi, on dit que le gouvernement par des
arrêtés ministériels pourra fixer les conditions de la
garantie qu'il donne à ces sociétés-là qui eux
autres vont, par leurs pouvoirs, emprunter les sommes dont elles ont besoin. Et
la garantie...
M. LEVESQUE (Bonaventure): D'accord, mais le lieutenant-gouverneur en
conseil ne peut pas par exemple faire ça pour un d'entre nous, il va
falloir qu'il le fasse seulement pour les institutions
énumérées.
M. BELLEMARE: Oui, mais voici...
M. LEVESQUE (Bonaventure): Alors il ne peut pas le faire pour monsieur
X...
M. BELLEMARE: Non, non, et c'est là que le député
ne saisit pas du tout la portée de l'article, lui qui est un grand
avocat, il devrait sûrement saisir ça.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Je n'ai pas cette prétention.
M. BELLEMARE:Il ne dit pas que ce sera le ministre du Commerce et de
l'Industrie qui va faire ça: ce sera le ministre des Finances qui va
apporter sa garantie lui-même comme ministre des Finances, et c'est
là qu'est toute la différence. Je pense que déjà
d'ailleurs ç'a été prouvé, le député
a raison. Sur toute l'administration, il n'y a pas eu de la part des membres
aucun retour, aucune critique, même aucun doute quant à la
garantie qu'apportait le ministre des Finances, pas le ministre de l'Industrie
et du Commerce, mais le ministre des Finances, sur le prêt, sur l'avance,
sur la garantie qu'on exigeait en plus de la créance. Cela, je
pense...
M. LEVESQUE (Bonaventure): Evidemment, M. le Président, je n'ai
pas voulu laisser entendre que les banques s'étaient opposées,
mais ce que je dis c'est simplement ceci: il y a une liste d'institutions qui
peuvent bénéficier des avantages de la loi, en vertu de l'article
1 que l'on demande par le bill 10 de modifier en autant que le montant garanti
par la province est concerné, le montant maximum, soit $500,000, et dans
l'article 1, il y a une liste des institutions qui peuvent...
M. BELLEMARE: Recevoir la garantie du gouvernement.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ... recevoir des garanties du gouvernement,
et les banques à charte ne sont pas incluses.-
M. BELLEMARE: Oui mais...
M. LEVESQUE: Et pourtant, lorsque le ministre...
M. BELLEMARE: ... cela serait à elles de s'en plaindre.
M. LEVESQUE: Ah, non, je crois que c'est au législateur à
faire en sorte de corriger, lorsqu'une occasion comme celle-ci se
présente une situation qui est illégale. Si l'on veut être
très strict et rigoureux, le gouvernement n'a pas le droit,
présentement et n'avait pas le droit de consentir des garanties à
des banques à charte, si ces banques à charte n'apparaissent
pas sur la liste des institutions qui peuvent bénéficier
de ces garanties.
Maintenant, voici ce que je dis au ministre c'est ceci. On n'est pas
pressé, s'il veut consulter peut-être des gens plus avertis que
nous dans le domaine de la législation...
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LEVESQUE: ... on pourrait peut-être consulter et revenir avec
un amendement, s'il y a lieu.
M. BELLEMARE: Je n'ai aucune objection à dire au
député que nous allons étudier cet aspect-là, bien
que je sois presque sûr qu'à cause de tout ce qui a
été fait dans le passé: les banques n'ont jamais
refusé ça. En vertu de son mandat, en vertu de la
délimitation que lui donne la loi, le ministre des Finances a le droit
de porter sa garantie et celle du gouvernement dans des émissions
d'obligations qu'a le ministre des Finances. Et ici, on dit bien: « le
lieutenant-gouverneur détermine les conditions qu'il faut au ministre
des Finances pour porter sa garantie. »
Maintenant, nous allons regarder ça très attentivement et
s'il y a lieu d'apporter un amendement, nous le ferons en toute bonne foi.
M. LEVESQUE: Alors, je remercie le ministre de l'Industrie et du
Commerce et j'espère que nous pourrons avoir cette opinion dans un
avenir rapproché.
M. BELLEMARE: A huit heures.
M. LACROIX: L'article 1 augmentera de $325,000, à $500,000 la
somme totale que le ministre des Finances...
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LACROIX: L'article actuellement en discussion augmentera de $325,000,
à $500,000 la somme totale que le ministre des Finances peut être
autorisé à garantir sur des prêts consentis pour des fins
de pêche maritime. Actuellement, il y a $324,000 d'engagé, si on
additionne le total qui est là. Est-ce que le ministre pourrait nous
dire à qui ils sont destinés. Est-ce que des demandes ont
été faites actuellement pour la différence de
$175,000.
M. BE LLEMARE : Le député serait bien content si je lui
disais que je vais commencer par sa coopérative, chez lui, qui en a
besoin.
UNE VOIX: Oui, monsieur.
M. BELLEMARE: Mais je ne peux pas m'engager de la sorte sans avoir...
sûrement, on n'a pas demandé $175,000 sans avoir un peu
envisagé là où on devait aller au plus pressant.
Même si le montant n'est pas entièrement engagé, il yen
aura des disponibilités. Il doit rester là, en cas d'accidents
graves: un feu, dans une coopérative ou ailleurs. Certaines obligations
qui nous sont données au ministère doivent garantir un montant
ipsofacto, on l'aura. Je sais qu'il y a chez lui un programme d'une envergure
assez considérable: sa coopérative a besoin d'une garantie
supplémentaire. Cela, on le sait, mais on ira jusqu'où: cela
reste à délimiter.
Maintenant, on étudie sérieusement le cas. Quelques-uns
nous ont dit cinquante, d'autres nous ont dit quarante, d'autres, vingt-cinq,
un autre a dit 75, un autre a dit cent mille. Cela, je ne peux pas le dire au
député qui recherche ma réponse. Il voudrait que je lui
dise. J'affirme ça. Je dis que nous sommes actuellement à
étudier un programme bien particulier et plusieurs autres: lesquels vont
s'appliquer directement, je pense qu'il va nous faire confiance, parce que
d'ailleurs, ce sont des responsabilités sur lesquelles nous ne pouvons
prendre aucun risque.
M. LACROIX: J'ai bien confiance au ministre, mais j'ai plus confiance en
moi.
M. BELLEMARE: Mais ça, ça ne me surprend pas, mon cher
monsieur. Combien de fois vous êtes-vous trompé
vous-même?
M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le
ministre pourrait nous donner la façon dont il prévoit utiliser
les garanties additionnelles demandées dans le bill?
M. BELLEMARE: Par exemple, vous avez à un moment donné les
Pêcheurs-Unis qui ont un problème important, soit à
Sandy-Beach. Il s'agit là de porter une garantie supplémentaire
à une installation qu'il faudra compléter. Le
député sait de quoi il s'agit, une question municipale
mêlée avec l'organisation d'un aqueduc pour apporter toutes sortes
de choses... En tout cas...
Voici un problème. Il y en aura peut-être un autre à
Rivière-au-Renard ou ailleurs. On a un problème d'ajustement
parce que ça n'arrive pas à ce qui avait été
prévu à cause de la débacle qui a emporté tous les
quais. On a été obligé de tout recommencer et cela a
coûté une fortune. Cela, c'est imprévisible: ce sont des
faits de Dieu qu'il faut accepter.
Vous avez ensuite, par exemple, une coopérative à un
moment donné qui semble être en difficulté. Il faudrait
comme ça se produit aux Iles-de-la-Madeleine, essayer de trouver une
solution sans aller aux extrêmes mais essayer de l'aider par un pouvoir
supplétif justement, qu'on demande pour l'empêcher de faire perdre
énormément de capitaux et lui permettre de continuer à
progresser.
Il y a quatre ou cinq grandes raisons qui actuellement motivent, pour
l'administration, la demande de ce supplémentaire.
M. LEVESQUE (Bonaventure): La loi prévoit à l'article 1,
la loi que l'on veut amender au chapitre 210...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ...un montant de $325,000. Nous le changeons
à $500,000. Au début en 1943, il était de $75,000...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ... et la loi prévoit que le
lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le ministre des Finances de la
province à garantir...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Bonaventure): ... et à payer s'il y a lieu. Ma
question est celle-ci: Depuis 1943, quelles sont les sommes que le gouvernement
a eu à payer à la suite des garanties?
M. BELLEMARE: Aucune, aucune. Puis on ne prévoit pas ça
non plus. Aucune,aucune. Simplement garantie pure et simple. Qu'elle soit
remboursée comme on a ici, dans un cas plus particulier, celui des
$100,000 aux Pêcheurs-Unis. On a échéance le 20 avril 1969,
ça ne dépassera pas ça.
Ils ont eu du temps à reprendre, d'accord. Mais on les tient
absolument dans les cadres de leur obligation, et ce n'est pas une obligation
seulement morale, mais pour nous autres, qui voulons continuer à les
aider, c'est une garantie additionnelle. Et s'il y a demain matin, dans ces
grandes coopératives, Pêcheurs Unis ou d'autres, à un
moment donné, un « must », comme par exemple le
remboursement d'avances, vous savez qu'avec les remboursements d'avances les
Pêcheurs Unis peuvent être pris et il faudra une garantie
supplémentaire. A ce moment-là, nous aurons en main... Et c'est
pour ça que le crédit doit rester bon. Quand on a aidé les
coopératives aux Iles-de-la-Madeleine, le député est au
courant de ça, les coopératives de caisses populaires, avec un
montant de $75,000. On a fait une avance pour protéger le crédit
général des caisses populaires Desjardins aux
Iles-de-la-Madeleine.
M. LACROIX: Ce n'est pas parce que les caisses populaires étaient
dans une mauvaise situation, c'est parce qu'elles ne disposaient pas des sommes
d'argent voulues, et la centrale régionale leur en prêtait.
M. BELLEMARE: On a dit tout à l'heure que c'était parce
qu'elles n'avaient justement pas la marge de crédit voulu parce qu'il y
avait rareté de monnaie. La caisse de Gaspé ne pouvait plus
répondre, à ce moment-là. On a voulu établir une
garantie, la province s'est portée garante pour un montant de $75,000,
qui est ni plus ni moins que de l'argent mis en circulation pour aider les
caisses populaires à se financer. Vous pouvez voir, que dans certains
cas, le gouvernement peut être autorisé à fournir des
garanties pour payer des emprunts, ça c'est dans la loi. Supposons que
pour la construction d'un gros bateau, avec un emprunt dû, on peut,
à ce moment-là, garantir, parce que la loi nous le permet. Je ne
dis pas que ça arrivera, mais à ce moment-là, si la
coopérative ne pouvait pas, on pourrait garantir pour payer
l'emprunt.
M. LACROIX: On ne chicane pas le ministre parce qu'il veut porter de
$325,000 à $500,000 le montant qu'il est autorisé à
garantir sur les prêts consentis. Quant à moi, je voudrais que le
ministre soit autorisé à garantir jusqu'à $750,000, parce
que tout à l'heure, si vous me permettez, vous avez mentionné
que, même en Gaspésie comme à Sandy Beach ou ailleurs,
à l'usine de Rivière-aux-Renards probablement, dans ces
endroits-là, on aurait besoin de sommes supplémentaires, de
garanties supplémentaires de la part du gouvernement. Quant à
nous, seulement aux Iles-de-la-Madeleine, nous voudrions au plan de halage de
Havre-Aubert, organiser à côté de ça un atelier de
construction de petites embarcations, de réparations mineures pour les
chalutiers.
A ce moment-là, si on veut que l'Association des pêcheurs
hauturiers et les coopératives se groupent pour organiser cet
atelier-là, c'est sûr qu'ils auront besoin de crédit et la
garantie du gouvernement sera certainement fort utile à ce
moment-là.
Il y a aussi le problème de la coopérative centrale de
pêcheurs. Tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas l'office
d'entreposage et de
mise en marché du poisson... Prenez, à l'heure actuelle,
notre coopérative, elle a pour plus de $300,000 de poisson en
entrepôt aux Etats-Unis et, si elle avait des disponibilités, des
garanties supplémentaires à la Banque de Montréal, elle
pourrait améliorer son commerce en augmentant probablement le nombre des
chalutiers, en améliorant ses installations et en maintenant
également un inventaire de marchandises dont la valeur serait beaucoup
plus considérable.
Prenez, par exemple, dans le cas du hareng fumé, quand arrive
l'automne, avant la fermeture de la saison de navigation, nous devons
expédier le hareng fumé et, à cause du fait que la
coopérative centrale n'a pas les sommes nécessaires, les moyens
financiers nécessaires pour retenir le stock de hareng fumé, elle
doit le mettre sur le marché le plus tôt possible. Et à
l'heure actuelle, il n'y a plus de hareng fumé sur le marché et
nous avons vendu le nôtre à un prix beaucoup plus bas. C'est la
même chose au point de vue du maquereau. Le maquereau salé,
à l'heure actuelle, aurait des débouchés assez
considérables, il y en aurait pour les pétoncles, mais on n'a pas
les moyens financiers nécessaires pour pouvoir entreposer et attendre
que le marché soit prêt pour pouvoir utiliser ça. Et c'est
pourquoi, je crois qu'il est essentiel que non seulement on augmente à
$500,000 mais on devrait augmenter à au moins $750,000 le montant que le
ministère des Finances serait autorisé à garantir.
M. BELLEMARE: D'abord, je vais répondre en deux minutes en ce qui
regarde Sandy Beach, Rivière-aux-Renards. Je ne dis pas que cela va
être des garanties, cela pourra sûrement être des subventions
directes pour réparer les dégâts qui ont été
faits, sauf dans certains cas particuliers. Pour ce qui est de la
coopérative centrale des îles, nous sommes bien au fait de son
problème et c'est pourquoi nous avons dit tout à l'heure que nous
sommes à étudier quel serait le montant possible dont nous
pourrions disposer en garantie. Je ne dis pas, mon cher monsieur, que cela va
être $100,000, $200,000: nous sommes à étudier cela et il a
raison, le député, certainement.
Seulement, il y a là aussi un problème de vente. Nous ne
pouvons pas trop garantir aux caisses populaires, certaines avances d'argent,
car nous savons que le marché ne répond pas.Il faut faire
attention. Alors, je dis que le $700,000 que demandent les
députés, peut-être qu'avec le temps, si ça continue
à se développer et que les obligations augmentent, nous n'aurons
pas d'objection, seulement, une chose certaine, que cette année, nous
prenons une tranche im- portante, selon nos besoins prévisibles, selon
ce qui est prévu et nous allons engager, peut-être pas tout le
montant même cette année, peut-être pas tout le montant. Ce
n'est pas nécessaire.
M. LACROIX: Si vous me permettez, c'est justement, que, si vous
étiez autorisé à garantir jusqu'à concurrence de
$750,000, si ce n'est pas nécessaire, il n'y a pas de problème,
mais seulement là, en supposant que c'est nécessaire dans six
mois ou dans un an, alors il faudra revenir encore...
M. BELLEMARE: Monsieur, on est en session douze mois par
année.
M. LACROIX: Ce projet de loi là, demandez à votre
sous-ministre, comment ça fait d'années que je travaille dessus,
pour qu'on l'augmente d'un montant de $325,000.
M. BELLEMARE: Bon, là, il veut qu'on le félicite.
M. LACROIX: Vous me direz que ça ne procède qu'à
tous les six mois.
M. BELLEMARE: Combien ç'a pris de temps, mon cher monsieur
si vous avez convaincu mon sous-ministre pour convaincre votre ministre
à vous.
M. LACROIX: Mais, seulement avant de passer à l'autre item...
M. BELLEMARE: Moi, ç'a pas pris de temps, il m'a convaincu tout
de suite.
M. LACROIX: Vous allez voir, vous verrez que lorsqu'on va voir le
ministre, si on n'a pas convaincu le sous-ministre avant le ministre, c'est
difficile de le convaincre.
M. BELLEMARE: Ah! ça par exemple, M. le Président, c'est
de prêter des motifs, il n'a pas le droit de faire ça. Nous avons
un excellent sous-ministre, et puis je suis bien heureux, M. le
Président, des services qu'il rend au ministère. Mais, quand
c'est le temps de décider, c'est le ministre qui décide. C'est
clair ça.
M. LACROIX: Juste avant d'adopter, si vous me permettez, juste une
minute, c'est que, la coopérative de l'Etang-du-Nord, qui a passé
au feu...
M. BELLEMARE: Comment?
M. LACROIX: La coopérative de l'Etang-du-Nord dont l'installation
a été détruite par le feu...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LACROIX: ... est-ce par cet article là que le gouvernement
pourra venir en aide...
M. BELLEMARE: Non.
M. LACROIX: ... en leur garantissant...
M. BELLEMARE: Non, non. En ce qui regarde l'Etang-du-Nord, on s'est
aperçu que la garantie qu'ils avaient donnée, l'assurance qu'ils
avaient prise, ce n'était pas assez élevé pour couvrir les
biens qu'ils avaient, il y a eu négligence. Après ça, que
l'évaluation des biens qu'ils avaient, était trop
considérable.
M. LACROIX: La valeur de remplacement.
M. BELLEMARE: Nous allons intervenir, mais nous allons intervenir par un
autre moyen qui va permettre d'aider raisonnablement par un autre processus,
normalement, la coopérative à se réhabiliter, et le
député peut être assuré que déjà nous
avons mis sur plan tout ce qu'il faut pour venir en aide dès ce
printemps à cette coopérative.
M. LACROIX: Parce que ça presse. M. BELLEMARE: Ah oui! Ça
presse.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
M. BELLEMARE: Adopté?
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté? M. BELLEMARE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 2? M. BELLEMARE: Adopté. M. LE PRESIDENT:
Article 3? M. BELLEMARE: Adopté.
M. LEBEL (Président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a
adopté sans amendement le bill 10.
M. PAUL (Président): L'honorable ministre de l'Industrie et du
Commerce propose la troisième lecture du bill 10.
M. LESAGE: De consentement unanime.
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime.
M. BELLEMARE: Merci infiniment!
M. LAPORTE: Qu'on en entende plus parler!
M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, avec la
réserve faite cependant...
M. BELLEMARE: Ah! oui. Excusez-moi, M. le Président. Avec la
réserve que, s'il y a lieu, si l'amendement est nécessaire, je
verrai le député au commencement de la séance, à
huit heures et, s'il y a lieu, je suis presque sûr que je me suis
convaincu.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La chambre suspend ses travaux
jusqu'à huit heures quinze.
Reprise de la séance à 8 h 18 p.m.
M. PAUL (Président): A l'ordre. M. JOHNSON: Trente.
Motion de M. Daniel Johnson
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose une motion aux
fins qu'un comité spécial de quatorze membres soit
institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de siéger,
même les jours où la Chambre ne tient pas de séance et
après la prorogation, pour... Suis-je dispensé?
Dispensé.
L'honorable premier ministre.
M. Daniel Johnson
M. JOHNSON: M. le Président, vous avez appelé l'article
numéro 30 et vous avez été dispensé de lire cette
motion. Je sais par ailleurs que le fait pour un député de lire
la motion pourrait, selon la règle dont le numéro
m'échappe pour le moment, priver le député de son droit de
parole,,
Je pense bien que cette Chambre se rend compte que je parle à
l'appui d'une motion qui a pour effet de faire revivre un comité qui est
mort en même temps que l'ancien gouvernement, mais qui, contrairement
à l'ancien gouvernement, peut être revivifié beaucoup plus
facilement. On aura compris, M. le Président, qu'il s'agit du
comité de la constitution.
M. COURCY: Lisez donc vos notes, ça va finir plus vite.
M. JOHNSON: M. le Président, on aura compris qu'il s'agit du
comité de la constitution et que... Je me suis permis cette remarque
plutôt badine, car le sujet dont j'ai-à vous entretenir ce soir
est très aride évidemment et fait appel de la part des membres de
cette Chambre, à leur sens des responsabilités et à un
sérieux d'une qualité un peu spéciale, car il s'agit en
somme de traiter de notre constitution, tant au point de vue
fédéral qu'au point de vue provincial. Et les observations que je
me propose de faire à l'appui de cette motion seront
dénuées de tout esprit de parti.
Le problème constitutionnel, on le sait, se situe bien au-dessus
des querelles électorales, et j'entends l'aborder avec toute
l'objectivité et tout le respect que commande un pareil sujet. Il s'agit
de faire revivre, avec un mandat quelque peu modifié, en raison du
travail accompli surtout, le comité parlementaire de la constitution,
institué lors de la dernière Législature et dont la
dissolution des Chambres, au printemps de 1966, entrafnait automatiquement la
disparition.
On se rappellera que le comité de la constitution avait
été établi à la suite d'une motion
présentée en mai 1963 par l'actuel ministre de l'Education et
ministre de la Justice, le député de Missisquoi. Cette motion a
subi en cours de route des retouches sur lesquelles je reviendrai tantôt,
mais le fait essentiel est qu'elle a été adoptée dans sa
rédaction finale par un vote unanime de l'Assemblée
législative.
C'est dire que, des deux côtés de la Chambre, on a voulu
dès le départ maintenir la question constitutionnelle dans sa
vraie perspective qui dépasse de beaucoup les considérations
personnelles ou partisanes. Grâce à cet effort concerté, le
débat sur la motion du député de Missisquoi fut, de l'avis
de tous ceux qui en ont été les témoins, l'un des grands
moments de l'histoire de notre législature.
C'est dans le même esprit que le comité de la constitution
a travaillé pendant trois ans. Bien qu'il ait été
composé forcément d'hommes directement engagés dans
l'action politique, il a su éviter tout ce qui aurait pu le distraire de
sa tâche essentielle. Tous les groupements, même politiques, qui
ont accepté de lui soumettre leurs vues et de dialoguer avec lui ont
été fortement impressionnés par la
sérénité, la hauteur de vues, la disponibilité dont
il a fait preuve dans son travail de réflexion et de recherche.
Il reste évidemment beaucoup de besogne à abattre et c'est
la raison pour laquelle il faut reconstituer le comité. Mais beaucoup a
été fait, spécialement ces trois dernières
années, pour susciter au Québec et dans tout le Canada une
meilleure compréhension de notre problème constitutionnel et des
moyens de le résoudre. Il convient, je pense, de mesurer le chemin
déjà parcouru avant d'entreprendre l'étude du mandat
à donner au nouveau comité de la constitution.
Pour bien apprécier le travail du comité, ce comité
que nous voulons faire revivre, il faut se reporter à la situation qui
existait en mai 1963, quand le député de Missisquoi a
présenté sa motion. Il y avait spécialement au
Québec une grande dissatisfaction et un grand malaise au sujet non
seulement de la constitution de 1867, mais plus encore des
interprétations et des applications qui ne cessaient de se multiplier
à la faveur de ces carences, de ces obscurités et de son
inadaptation aux réalités d'aujourd'hui.
Ce mécontentement s'exprimait de diverses façons dont
certaines étaient bien plus de natu-
re à aggraver le conflit qu'à le résoudre. La
violence et le terrorisme n'ont jamais apporté de véritables
solutions à nos problèmes. Ce sont des méthodes absolument
contraires à la mentalité et aux traditions du peuple
québécois.
Si nous avons réussi à nous maintenir et à nous
développer en dépit de tous les obstacles comme communauté
de langue et de culture française, c'est parce que nous avons
procédé avec dynamisme, mais dans la légalité en
utilisant au maximum les ressources de la négociation et du
parlementarisme.
Encore ne suffit-il pas de condamner la violence, il faut surtout la
prévenir, en agissant d'une façon positive sur les causes
susceptibles de la provoquer. Le comité de la constitution,
proposé par la motion du député de Missisquoi, avait un
double but: aiguiller sur les voies démocratiques et parlementaires un
débat qui risquait de glisser sur une pente dangereuse et sans issue, et
associer le peuple à la recherche d'un nouvel aménagement
constitutionnel.
Jamais, jusqu'à ces dernières années, des citoyens
de notre pays n'ont eu l'occasion de participer à une telle recherche.
Jamais ils n'ont été consultés sur les diverses
constitutions qui les ont régis dans le passé. Toutes ces
constitutions leur sont venues d'une autorité extérieure, alors
que le Canada était encore sur la dépendance d'une
métropole.
Sans doute l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a-t-il
préparé au pays, du moins dans ces grandes lignes, au cours des
conférences groupant des représentants des diverses colonies
d'alors. C'est pour cela que nous parlons à bon droit du pacte
fédératif. Encore ce pacte a-t-il du être sanctionné
comme on le sait, par une loi du parlement de Westminster et jamais la
constitution de 1867 élaborée, par une poignée de
dirigeants politiques, n'a été soumise au peuple par voix de
référendum.
C'est pourtant au peuple souverain qu'appartient l'autorité
constituante, s'il est vrai que nous avons cessé d'être des
coloniaux et que nous vivons en démocratie. La création d'un
comité parlementaire permettrait d'ouvrir de très larges
consultations non seulement auprès des spécialistes en droit
constitutionnel, mais auprès de tous les secteurs les plus
représentatifs de l'opinion publique. C'était là notre
but, et je crois qu'il a été atteint en bonne partie, comme
d'autres auront l'occasion de vous le prouver plus amplement.
Dans son texte original, la motion du député de Missisquoi
donnait même le premier rôle à la nation plutôt qu'au
parlement. Elle proposait, en effet, l'institution d'un comité
spécial et je cite, « pour étudier de quelle façon
pourraient être formés et réunis les Etats
généraux de la nation canadienne-française en vue de
déterminer les objectifs à poursuivre dans la préparation
d'une nouvelle constitution et les meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs.
»
D'après cette conception, c'était aux Etats
généraux d'abord qu'aurait été confiée la
tâche de déterminer les objectifs à poursuivre dans la
préparation d'une nouvelle constitution. Le rôle du comité
aurait été d'aider à la formation et au fonctionnement des
Etats généraux. Cette rédaction s'inspirait du souci de
provoquer un dialogue entre deux nations négociant sur un pied
d'égalité.
Le député de Vaudreuil-Soulanges, qui était
à ce moment-là ministre de l'Education, a proposé en
amendement que le comité soit institué et je cite, « en vue
de déterminer les objectifs à poursuivre dans la revision du
régime fédératif canadien et les meilleurs moyens
d'atteindre ces objectifs. »
Cet amendement faisait donc disparaître toute mention des Etats
généraux, comme elle faisait disparaître évidemment
la notion de nation. C'est au comité lui-même que cet amendement
voulait confier l'initiative des mesures à prendre pour amorcer les
changements désirables.
Nous nous sommes ralliés facilement à ce point de vue. On
nous a représenté, non sans raison, que dans l'état actuel
de notre droit, seule la Législature est compétente pourparler au
nom du Québec en matière constitutionnelle et que, si elle peut
très bien prendre l'avis d'organismes constitués en dehors
d'elle-même, elle ne doit quand même pas se départir
à la légère des responsabilités qui lui incombent.
On sait qu'en 1963, des tentatives avaient déjà été
faites en dehors du parlement pour constituer des Etats généraux
vraiment représentatif s de la nation canadienne-française. Ces
efforts semblaient rencontrer, à ce moment-là, des
difficultés considérables. Il appert cependant, qu'on a
réussi à surmonter ces difficultés, ce qui est
extrêmement heureux. Les Etats généraux du Canada
français et le comité parlementaire de la constitution sont des
organismes qui peuvent non seulement s'aider, mais se compléter l'un
l'autre. Etant une émanation de l'Assemblée législative,
le comité de la constitution doit se soucier des besoins et des
aspirations de la population québécoise dans son ensemble, ce qui
ne comprend pas seulement les Canadiens français et ce qui ne comprend
pas non plus la totalité des Canadiens français.
Il est donc souhaitable qu'il existe en dehors de notre
Législature, et à côté d'elle, un corps
spécifiquement constitué pour parler au nom
de la nation canadienne-française. Il reste cependant que cette
nation a son principal foyer au Québec et que notre parlement est le
seul où elle soit en majorité, le seul qu'elle puisse mettre
directement à son service, le seul dont elle puisse faire l'instrument
par excellence de son progrès collectif. Ceci confère à
l'Etat québécois des droits et des obligations qui
n'appartiennent qu'à lui. Même s'il n'est pas l'expression
juridique de la nation canadienne-française, notre parlement est, de
fait, moralement et politiquement, responsable de son destin.
C'est pourquoi, tout en approuvant certains aspects de l'amendement
proposé par le député de Vaudreuil-Soulanges, nous avons
d'abord signalé, avec regret, qu'il passait sous silence l'un des
éléments les plus fondamentaux du problème
constitutionnel, soit l'existence d'une nation canadienne-française. Et
nous avons déploré qussi qu'au lieu d'évoquer la
préparation d'une nouvelle constitution, comme le faisait la motion du
député de Missisquoi, l'amendement ne parlait que de «
revision du régime fédératif canadien ». Ce qui
restreignait singulièrement le champ des recherches à
entreprendre. Convenait-il de fermer d'avance la porte à toute option
qui ne cadrerait pas avec le régime fédératif?
M. le Président, j'ai eu l'honneur alors de proposer en
sous-amendement un texte qui, tout en laissant au comité et à la
Chambre l'ultime responsabilité des décisions à prendre,
reposait le problème dans toutes ses dimensions, en parlant d'abord du
Canada français, c'est-à-dire d'une réalité
sociologique qui n'est pas limitée au Québec, puis en permettant
d'explorer non seulement le virtualités du régime
fédératif, mais celles de tout régime constitutionnel
pouvant convenir au Canada d'aujourd'hui.
Ces suggestions ont été agréées par ceux qui
siégaient en face de nous, ce dont je leur sais gré, et c'est
à l'unanimité que la Chambre s'est prononcée pour
l'institution d'un comité spécial... « ... en vue de la
détermination des objectifs à poursuivre par le Canada
français dans la revision du régime constitutionnel canadien et
des meilleurs moyens d'atteindre ces objectifs ».
Le comité a donc été formé. Il a pris
connaissance des études déjà faites sur le problème
constitutionnel, a consulté plusieurs spécialistes en la
matière représentant diverses écoles de pensée et a
commandé un certain nombre de travaux de base qui ne sont pas tous
complétés, mais qui s'avèrent déjà
extrêmement utiles pour déblayer le terrain, préciser
certaines notions fondamentales et indiquer comment pourraient être
appliquées techniquement les diverses solutions envisagées. Il
s'est surtout empressé de se mettre à l'écoute de
l'opinion publique. Quarante-cinq mémoires lui ont été
soumis, qui constituent dans l'ensemble une contribution singulièrement
précieuse à l'étude qui amènera la solution du
problème.
Le travail du comité a permis entre autres choses de constater
qu'il existe chez nous une large unanimité sur plusieurs grandes
questions, par exemple le contrôle de la sécurité sociale
par le Québec, l'extension des échanges culturels avec les pays
d'expression française, la nécessité d'un véritable
tribunal constitutionnel ainsi que l'importance qu'il y a pour le Québec
de se donner une politique de la main-d'oeuvre, une politique de l'immigration
et une politique de la langue française.
Je n'ai pas l'intention de dresser un bilan complet du travail accompli
pendant trois ans par ce comité que nous voulons faire revivre. D'autres
collègues auront l'occasion, au cours de leurs remarques, de vous
présenter un bilan et de vous faire connaître peut-être
l'orientation de la majorité des rapports et des mémoires qui
nous ont été soumis. Je voudrais plutôt, à l'aide de
quelques témoignages récents, souligner l'évolution qui
s'est produite dans les esprits en ces dernières années.
Notre comité, bien sûr, n'a pas été le seul
artisan de cette évolution, mais si d'autres groupes de travail se sont
mis à l'oeuvre, notamment à Toronto et à Ottawa, pour
accélérer l'examen de la compréhension du problème
constitutionnel canadien, n'est-ce pas pour une grande part à cause de
l'impulsion donnée par la Législature de Québec?
Lorsque j'ai parlé pour la première fois de la
nécessité d'une constitution nouvelle c'était dans
mon discours sur l'Adresse prononcé le 17 janvier 1963 la
réaction, on s'en souvient peut-être, n'a pas été
très chaleureuse, spécialement dans la presse d'expression
anglaise. Elle marquait surtout de l'étonnement et du scepticisme.
Aujourd'hui, la plupart des journaux et la plupart des hommes politiques
canadiens admettent la nécessité au moins d'un
réaménagement constitutionnel.
Je pourrais citer à ce sujet nombre d'articles récents,
par exemple celui que publiaient en fin de décembre dernier plusieurs
journaux canadiens, sous la signature de M. Peter Newman. « Si le pays
doit survivre, écrivait M. Newman, il devra entreprendre au cours des
dix prochaines années un certain nombre de changements fondamentaux,
dont une remise en chantier de la constitution canadienne.» Le
même
commentateur souligne aussi la nécessité d'une
réforme parlementaire et va jusqu'à dire que le successeur du
général Vanier pourrait bien être le 21e et dernier
gouverneur-général du Canada.
Je veux que l'on me comprenne bien.Il s'agit toujours de M. Peter
Newman.
Mais ce qui est encore plus important, c'est l'évolution qui
s'est manifestée dans les attitudes des dirigeants politiques
fédéraux. Je devrais ajouter dans les attitudes publiques.
Même M. Sharp semble avoir élargi ses perspectives depuis la
dernière conférence fédérale-provinciale, alors
qu'il proclamait avec raideur que les mêmes lois fédérales
devraient s'appliquer de la même façon à toutes les
provinces. Voici, par exemple, ce qu'il disait le 9 janvier, 1967,à
Toronto, devant le Canadian Club: « Nous, Canadiens de langue anglaise,
n'avons pas fait notre part pour que nos institutions nationales fonctionnent
de façon à permettre à nos compatriotes de langue
française de sentir que ces institutions sont également les leurs
et qu'ils peuvent y participer aussi entièrement et efficacement que
nous. « Tant qu'ils ne sentiront pas, continuait M. Sharp, que ces
institutions sont autant les leurs que les nôtres, ils seront
portés à chercher d'autres remèdes, remèdes qui ne
favoriseront pas notre unité et qui ne procureront à aucune des
deux parties les avantages comparables à ceux qu'ils pourraient tirer
d'une véritable coopération.»
De son côté, dans une entrevue accordée à M.
Peter Newman et dont la traduction française a paru dans La Presse du 23
décembre dernier, le premier ministre, le très honorable Pearson
disait: « le rapatriement de la constitution n'est plus qu'un aspect de
la grande question qui consiste à envisager la modification de la
constitution pour la rendre mieux adaptée aux conditions actuelles.
»
Et il ajoutait ceci: « Pour ma part, je crois que le premier pas
à faire pour réaliser une relative unité avec les
Canadiens de langue française dans le pays que nous partageons avec eux
consiste pour nous de la majorité à mieux comprendre leurs
aspirations, leurs désirs, leur insistance à conserver leur
culture, leur langue, leurs traditions à l'intérieur des
structures canadiennes. ».
On sait aussi que, dans le discours du Trône lu à
l'ouverture de la session en cours, à Toronto, le gouvernement Robarts a
proposé la tenue, en 1967, d'une conférence
fédérale-provinciale qui porterait sur la
Confédération de demain. Et l'on sait, M. le Président,
que le gouvernement Robarts, par cette phrase dans le discours du Trône,
donnait suite à une déclaration faite à Ottawa par
l'honorable John B. Robarts le 26 octobre 1966, quand il disait, et je cite la
fin de sa déclaration écrite: « Ce qui importe davantage,
il nous faudra énoncer les principes fondamentaux en vertu desquels nous
souhaitons que la fédération canadienne évolue à
l'avenir. Si nous parvenons à satisfaire les exigences actuelles en vue
d'un nouveau partage des impôts, il nous sera alors possible de porter
toute notre attention sur les questions plus vastes et plus fondamentales du
remaniement de la fédération canadienne avant de conclure des
accords de caractère plus irrévocable ».
Commentant le discours du Trône en Chambre, le premier ministre de
l'Ontario, avec un esprit de suite remarquable, a déclaré que
c'est dans ce genre de conférence convoquée par les provinces qui
sont réellement la mère de la confédération
le gouvernement d'Ottawa, étant la fille que c'est dans un tel
genre de conférence convoquée par une province, l'une des quatres
provinces fondatrices, que nous aurions le plus de chance de nous entendre.
Je ne puis trop insister sur la nécessité et l'importance
d'une compréhension des autres provinces à commencer par celle
qui est la plus populeuse, la deuxième quant à l'étendue
et l'une, évidemment, des principales parties au pacte de 1867. Et, s'il
est dans cet horizon un peu sombre du problème constitutionnel, une
éclaircie, nous le devons à M. Robarts et à la province
d'Ontario. Il est bon qu'il en soit ainsi pour le Canada car lorsque l'Ontario
et le Québec peuvent en venir à une entente. Il y a là une
puissance d'entrafnement qu'on ne saurait mésestimer.
Malgré l'excellente besogne qu'a accomplie le comité de la
constitution pendant trois ans, il n'était pas encore prêt au
moment de la dissolution des Chambres à faire des recommandations
définitives. Certains diront peut-être qu'il aurait pu
procéder avec plus de célérité. Je n'en suis pas
sûr. Le travail dont il a la charge est essentiellement un effort
collectif de réflexion et de recherche qui ne peut se faire qu'en
étroite liaison avec tous les éléments de la
communauté québécoise.
Le but est d'en arriver à un consensus aussi large que possible
sur les options à prendre afin que nous puissions dire clairement ce que
veut le Québec, ce que veut la nation canadienne-française.Il
serait sans doute utopique de vouloir réaliser une unanimité
absolue sur tous les points, mais nous devons au moins nous mettre d'accord sur
les objectifs essentiels si nous voulons parler avec autorité à
la table des né-
gociations. Tout cela n'est possible qu'à partir d'une
exploration objective et en profondeur du problème.
Encore faut-il disposer des instruments nécessaires pour
hâter ce travail de maturation et de synthèse, pour mettre dans le
coup tous ceux dont le concours peut être utile et pour contraindre, en
quelque sorte, l'opinion à se cristalliser et à se
déterminer entre les divers choix possibles.
L'un de ces instruments, c'est le comité parlementaire de la
constitution que nous voulons rétablir par la présente
motion.
Maintenant, quel mandat convient-il de donner à ce
comité?
Je tiens à dire tout de suite que les termes proposés dans
cette motion n'ont rien de sacramentel et que, de ce côté-ci de la
Chambre, nous sommes prêts à considérer toutes les
suggestions qui pourraient nous être faites afin de conserver, si
possible, ce climat d'unanimité qui a valu jusqu'à maintenant
à notre comité de la constitution une autorité et un
prestige incontestés.
Il est évident cependant que nous ne sommes pas prêts
à sacrifier quoi que ce soit des éléments essentiels de ce
comité et que l'occasion serait mal choisie de revenir sur des positions
déjà acquises et consacrées dans la motion de 1963.
La définition du mandat, telle que suggérée dans la
motion, comprend quatre paragraphes que je commenterai dans l'ordre
indiqué.
Premier paragraphe: « Préciser les objectifs du
Québec et de la nation canadienne-française dans
l'élaboration d'un nouveau régime constitutionnel canadien.
»
C'est essentiellement le mandat qui avait été
confié au comité de 1963. Il s'agit ici de la constitution
canadienne et non pas de la constitution interne du Québec dont il sera
question dans un paragraphe suivant.
Après cent ans, il est assez normal que cette constitution de
1867 ait besoin d'être repensée et adaptée aux
réalités d'aujourd'hui. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit
là-dessus en 1963 puisque l'on admet de plus en plus cette
nécessité, tant au Canada anglais qu'au Canada français.
Mais comment refaire cette constitution?
Au Québec, nous avons toujours compris que l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique était de la nature d'un pacte,
qu'il donnait effet à une entente non seulement entre les quatre
provinces pionnières, mais aussi entre les deux grandes familles
culturelles qui ont leur foyer au Canada. Un historien dont je respecte les
opinions sans les partager, M. Donald Creighton, semble avoir entrepris de
démontrer que c'était là une profonde erreur et que, tout
au long de ces cent années, nous nous sommes gravement mépris sur
le caractère de la loi de notre pays. Je n'ai pas l'intention d'en
discuter ici. Rien ne me paraîtrait plus futile, dans le contexte actuel,
que de disserter à l'infini sur les événements de 1867.
Nous avons autre chose à faire.
Ce qui intéresse le Québec et les Canadiens
français, en 1967, ce n'est pas la constitution d'il y a un
siècle, pensée pour un pays de trois millions d'âmes
où séjournaient encore des garnisons britanniques, mais celle que
doit se donner le Canada d'aujourd'hui, et cette constitution-là ne se
fera pas sans nous.
Elle sera essentiellement un nouveau pacte, une nouvelle alliance entre
deux nations à moins que l'on tienne à refouler dans le
Québec celui des deux groupes dont le canadianisme n'est pas le fait
d'un siècle, mais de quatre siècles.
Puisque nous demandons au comité de la constitution de
préciser nos objectifs dans l'élaboration d'une nouvelle
constitution canadienne, il est clair que nous souhaitons demeurer partie
intégrante du Canada. C'est là notre premier choix de demeurer
partie intégrante du Canada, pourvu évidemment que nous n'ayons
pas à renoncer à notre culture pour être accueillis
partout, et pas seulement dans le Québec, comme des citoyens à
part entière.
Voilà pourquoi, dans cette première partie du mandat du
comité, il faut parler des objectifs du Québec et aussi des
objectifs de la nation canadienne-française. Ce sont là deux
réalités qui ne sont pas identiques, mais qui se
compénétrent tellement qu'on ne saurait les dissocier.
C'est parce qu'il est le principal foyer de la nation
canadienne-française que le Québec a besoin de pouvoirs plus
étendus, spécialement dans les domaines socio-culturels. Et c'est
parce qu'il y a le Québec que les groupes français des autres
provinces ne peuvent pas être considérés comme des
minorités ordinaires.
Si les Canadiens français étaient dans la même
situation que les autres minorités ethniques, le problème
constitutionnel se poserait en termes bien différents. Mais leur
situation n'est pas du tout la même, d'abord parce que quatre
siècles d'enracinement en terre canadienne leur confèrent des
droits historiques incontestables, et ensuite parce que, formant plus des
quatre-cinquièmes de la population québécoise, ils sont en
mesure de s'appuyer sur le gouvernement du Québec pour préserver
leur identité et s'épanouir comme nation de culture
française. Dans ces conditions, la future constitution canadienne devra
nécessairement être le fruit
d'un dialogue, d'une entente, d'une alliance entre les deux nations.
Est-ce à dire que le Québec voudrait imposer sa
volonté au reste du pays? Pas du tout. Le Québec veut simplement
exercer les pouvoirs qui lui sont nécessaires comme principal
responsable de la survie et du progrès de la communauté de
culture française. Il ne veut aucunement imposer aux autres provinces
des tâches que celles-ci préfèrent confier au gouvernement
central.
Il ne s'oppose pas non plus à ce que soient réglés
à Ottawa les problèmes qui concernent tous les Canadiens de la
même façon, en tant que citoyens d'un même pays. Mais quand
il s'agit de questions qui touchent l'avenir culturel, économique,
social et politique de la communauté dont ils font partie, il est normal
que les Québécois de langue française
préfèrent traiter avec le gouvernement du Québec où
ils sont en majorité plutôt qu'avec celui d'Ottawa où ils
sont en minorité. Les Canadiens de langue anglaise auraient exactement
les mêmes exigences si, tout en formant la majorité dans une ou
plusieurs provinces, ils étaient en minorité à
Ottawa»
En somme, il s'agit de trouver une formule qui respecte au maximum le
droit à l'autodétermination de chacune de nos deux
communautés culturelles, pour qu'elles puissent ensuite travailler d'un
même élan et d'un même coeur à la gestion de leurs
intérêts communs. Ou, pour reprendre une expression que j'ai
maintes fois utilisée au Québec et hors du Québec, il
s'agit de séparer ce qui doit être séparé pour mieux
unir ce qui doit être uni.
Plus que jamais, je suis convaincu que les Canadiens d'aujourd'hui ont
assez de sagesse, d'ingéniosité et de largeur de vues pour
inventer au besoin un régime constitutionnel qui réponde à
ces nécessités profondes.
Je passe maintenant au second paragraphe du mandat proposé, qui
se lit comme suit: « Prendre charge des travaux nécessaires pour
rassembler en un tout harmonieux les divers éléments de la
constitution interne du Québec et proposer les dispositions nouvelles
qui pourraient y être incluses, notamment en ce qui concerne les
modifications futures de ladite constitution et les garanties des
minorités. »
Il s'agit donc ici de la constitution interne du Québec et non
plus de la constitution du Canada, Cette constitution interne, nous en sommes
les maîtres absolus depuis 1867, avec la seule réserve que nous ne
pouvons pas toucher aux fonctions du lieutenant-gouverneur.
L'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dit en
effet ceci et il est important de le lire attentivement. C'est avec
ébahissement que des représentants de certains pays ont entendu
mes propos et ont lu avec moi cet article. Ils avaient, évidemment, en
lisant les journaux, pris peur. Ils avaient fait des rapports à leurs
pays en disant: quand on parle de constitution interne, on parle de
séparatisme. Ils oubliaient tout simplement l'article 92 que je cite en
partie. « Dans chaque province, la Législature pourra
exclusivement légiférer sur les matières entrant dans les
catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir:
1. A l'occasion, la modification (nonobstant ce qui est contenu au
présent acte de la constitution de la province, sauf les dispositions
relatives à la charge de lieutenant-gouverneur. »
Comme on le sait, M. le Président, il n'y a pas de version
française officielle, et je crois qu'il est important ici de citer la
version anglaise de cet article 92 que les députés de cette
Chambre pourront consulter, en relation avec plusieurs autres articles.
J'aimerais ici citer le texte, le seul qui soit officiel puisque depuis
1867 notre constitution n'a pas encore appris à parler l'une de nos deux
langues officielles. « In each province the Legislature may exclusively
make laws in relation to matters coming within the classes of subject next
herein after enumerated, that is to say: 1. The amendment from time to time
notwithstanding anything in this Act of the Constitution of the Province except
as regards the office of Lieutenant-Governor. »
Mais où est-elle cette constitution du Québec, M. le
Président?
Habituellement, la constitution d'un Etat est la loi la plus connue et
la plus vénérée, puisque c'est la loi fondamentale de cet
Etat, celle qui établit les organes du gouvernement, qui en règle
les pouvoirs et le fonctionnement, qui protège du même coup les
droits et les libertés des citoyens.Il n'en est pas ainsi au
Québec parce que nous n'avons jamais pris la peine de rassembler dans un
document unique et logiquement ordonné les divers éléments
de notre constitution interne.
Certains de ces éléments se trouvent bien sûr dans
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, par exemple aux articles 71 et
suivants, que nous avons cependant le droit de modifier et que nous avons
effectivement modifiés à plusieurs reprises, spécialement
en ce qui concerne le nombre et la répartition des districts
électoraux. D'autres se trouvent dans des lois organiques, comme la Loi
de la Législature, la
Loi de la division territoriale et la Loi électorale. D'autres
enfin résultent d'usages ou de conventions non écrites.
Je crois qu'une constitution aussi éparpillée et aussi
imprécise ne répond plus aux besoins du Québec moderne.
Elle ne saurait satisfaire non plus ce besoin de logique et de clarté
qui est l'une des principales caractéristiques du génie
français. Sans compter qu'elle a grand besoin d'être
précisée et complétée.
N'oublions pas qu'en utilisant simplement le pouvoir, que nous avons
déjà, de modifier notre propre constitution, nous pourrions
jusqu'à un certain point donner au Québec un statut
différent de celui des autres provinces.
Dans une émission télévisée, l'hiver
dernier, sous la rubrique on s'en souviendra peut-être avec
plaisir dans certains milieux et avec moins de plaisir dans d'autres
« En toute franchise », j'ai évoqué la
possibilité d'instaurer chez nous un régime
présidentiel,,
Depuis, le député de Vaudreuil-Soulanges a repris la
même idée. C'est l'un des points qui devraient être
étudiés par le comité,,
Il y a encore la question des minorités, qui est
spécifiquement mentionnée dans la présente motion.
N'oublions pas que les constitutions protègent surtout les
minorités. Les majorités ont bien d'autres moyens de sauvegarder
leurs droits.
Les constitutions existent parce qu'il y a des droits, des
règles, des principes qui doivent primer même sur la
volonté d'une majorité. Nous avons en cette matière des
traditions de justice qui sont partie intégrante de l'héritage
québécois et qu'il faut préserver par des garanties
efficaces.
La protection des droits de la personne humaine répond à
une préoccupation du même ordre. J'ai souvent parlé de la
nécessité d'une charte des droits de l'homme. Même si une
telle charte doit normalement être intégrée à la
constitution, je crois qu'il s'agit là d'un problème
spécifique dont il vaut mieux confier l'étude à un autre
comité.
Certains aspects de la constitution interne du Québec resteront
évidemment subordonnés aux options qui pourront être prises
sur le plan de la constitution canadienne. Il y a cependant tout un travail de
déblayage, de compilation et de mise en ordre qui doit être
entrepris immédiatement si nous voulons être prêts, dans un
avenir aussi proche que possible, à soumettre à l'approbation du
peuple une véritable constitution québécoise. Une grande
part de ce travail devra être fait par des spécialistes, mais il
appartiendra au comité parlementaire d'en assumer la direction.
Sauf erreur, nous sommes les premiers à avoir
préconisé qu'une charte des droits de l'homme soit incluse dans
la constitution, et la constitution canadienne et la constitution interne du
Québec. Et nous sommes également, sauf erreur, les premiers
à avoir publiquement et par écrit préconisé que les
droits des minorités dans cette province soient garantis, qu'ils ne
soient pas abandonnés à la simple majorité d'une Chambre
unique, qu'il y ait un mécanisme, qui rende plus difficile le changement
ou la modification de ces garanties qui devraient être incorporées
dans la constitution interne du Québec afin qu'aucun citoyen dans cette
province qui n'est pas de langue française ne se sente étranger
dans cette province.
On se demandera par quel mécanisme cette constitution interne du
Québec pourrait être amendée à l'avenir. C'est
là un aspect très important qui doit être envisagé
en liaison étroite avec la paragraphe suivant du mandat:
Je dois faire observer ici que lorsque je parle de mécanismes, je
voudrais bien qu'on m'entende, il s'agit de mécanismes au pluriel et je
n'ai trouvé aucune façon de faire une liaison qui ferait
découvrir l's.
Le troisième paragraphe: « Etudier l'opportunité
d'établir à la place du Conseil législatif, un organisme
représentatif des corps intermédiaires, des minorités du
Québec, des agents de l'économie et des professions, avec des
structures et des pouvoirs conformes aux besoins de notre époque
».
Nous sommes tous d'accord sur le principe de l'abolition du Conseil
législatif tel que constitué présentement.
M. LESAGE: Alors, demain après-midi, première,
deuxième et troisième lecture.
M. JOHNSON: Nous sommes tous d'accord... M. LESAGE: Les adieux demain
soir. M. KIERANS: Bougez un peu.
M. JOHNSON: ... sur le principe de l'abolition du Conseil
législatif, tel que constitué présentement. J'ai des
nouvelles pour cette Chambre. Même le Conseil législatif est
d'accord, même la majorité.
M. LESAGE: Ce n'est pas ce que j'ai compris de la part du
président, mais je ne veux pas interrompre le premier ministre.
M. JOHNSON: On se souviendra sans doute que, le 9 février 1965,
cette Chambre a voté
unanimement en deuxième lecture, par un vote de 64 à 0, le
bill 3, présenté par l'ancien gouvernement pour restreindre les
pouvoirs du Conseil législatif, et en permettre éventuellement
l'abolition. Donc, nous étions d'accord sur le principe.
A la motion portant que la Chambre se forme en comité, le
député de Bellechasse a présenté une motion
d'amendement, à l'effet que le bill 3 « soit
référé au comité de la constitution avec
instruction d'étudier l'opportunité d'abolir le Conseil
législatif et, s'il y a lieu, de créer un nouvel organisme
représentatif des corps intermédiaires, des minorités, des
agents de l'économie et des professions avec des structures et des
pouvoirs conformes auxbesoins de notre époque. »
C'est que l'abolition du Conseil législatif soulève entre
autres deux problèmes.
D'abord, faut-il à la place du Conseil, tel que constitué
présentement, établir un autre organisme mieux adapté aux
besoins d'une démocratie moderne?
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: Certains disent...
M. BERTRAND: Vous répondez: non.
M. JOHNSON: ... certains disent qu'une seule Chambre suffit au
Québec.
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: ... puisque les autres provinces, qui en avaient autrefois
une seconde, s'en sont départies et ne paraissent pas le regretter.
D'autres disent par contre que le Québec n'est pas une province comme
les autres, qu'il est en quelque sorte l'Etat national des Canadiens
français et qu'à l'exemple d'à peu près tous les
Etats nationaux dans l'univers entier, il a besoin d'une deuxième
Chambre.
M. le Président, à la rigueur, on pourrait commencer par
abolir le Conseil actuel, quitte à trancher plus tard ce premier
problème, s'il ne s'en posait un second beaucoup plus vital: advenant la
disparition du Conseil, par quels mécanismes pourrons-nous assurer la
protection de nos droits constitutionnels?
A l'heure actuelle, c'est la Législature qui est maîtresse
de la constitution interne duQué-bec et c'est également la
Législature qui doit parler au nom du Québec quand il s'agit
d'amender la constitution canadienne. Comme cette Législature comprend
deux Chambres, il y a là une protection qui n'existerait pas si les
décisions en matières constitutionnelles pouvaient être
prises par une majorité simple de la seule Assemblée
législative. La constitution pourrait alors être modifiée
comme n'importe quelle autre loi, au gré d'une majorité
éphémère. Elle n'aurait plus ce caractère de
stabilité et de continuité qui est nécessaire à une
véritable constitution.
Cela ne nous empêche aucunement d'abolir le Conseil
législatif, mais la prudence exige qu'avant de l'abolir, nous nous
entendions pour mettre en place d'autres mécanismes de protection, afin
qu'aucune mesure tendant à modifier la constitution du Canada ou celle
du Québec ne puisse être adoptée à la
légère et sans l'assentiment manifeste de l'opinion publique.
Ces mécanismes pourront prendre différentes formes, selon
qu'il y aura ou non une seconde Chambre. C'est pourquoi nous estimons que tous
ces problèmes doivent être étudiés en relation les
uns avec les autres au comité de la constitution.
Une fois ces mécanismes établis, il deviendra possible
d'abolir le Conseil législatif sans recourir à aucune
autorité extérieure, puisque dans la contre-adresse qu'ils ont
votée le 2 juin dernier, les membres de la Chambre Haute ont
formellement déclaré « qu'ils auraient concouru dans la
proposition que toute mesure visant à modifier la constitution du Canada
ou celle de la province ce qui comprend de toute évidence une loi
abolissant le Conseil législatif soit, au cas de désaccord
entre les deux Chambres, soumise à la décision du peuple du
Québec, par voie de référendum, de telle sorte que les
deux Chambres auraient été liées par la volonté
populaire. »
M. le Président, c'est là...
M. LESAGE: C'est ridicule... UNE VOIX: Parlez à votre tour.
M. JOHNSON: C'est l'opinion du chef de l'Opposition de trouver...
M. LESAGE: C'est ridicule à sa face même.
M. JOHNSON: ... de trouver que l'opinion du peuple par voie de
référendum en matière constitutionnelle, c'est
ridicule.
M. LESAGE: Ce sont les mécanismes proposés par le
Conseil... C'était cousu de fil blanc.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: M. le Président évidemment, je pourrais
lire tout l'extrait: j'ai ici le document en question cette citation
nous est apportée pour établir que le Conseil a lui-même
consenti formellement dans une motion, qui est la façon normale pour lui
de s'exprimer comme pour nous d'ailleurs, que ses pouvoirs soient
réduits: il a consenti à ce qu'un amendement constitutionnel, qui
toucherait soit à la constitution du Canada ou à la constitution
interne, au cas de désaccord, soit soumis au peuple et a consenti
à être lié d'avance par la décision du peuple.
J'en arrive, M. le Président, au quatrième point et
c'est mon dernier tel que proposé dans la motion:
Faire des recommandations à la Chambre sur les meilleurs moyens
de former et de convoquer une assemblée constituante qui puisse parler
au nom du peuple québécois en ce qui concerne la constitution
interne du Québec et la négociation d'un nouvel ordre
constitutionnel canadien.
Il est évident qu'il s'agit là d'une constituante
québécoise, dont la première fonction consistera à
donner sa forme définitive à la constitution interne du
Québec une fois que le travail de défrichement aura
été exécuté sous l'égide de ce comité
parlementaire.
Normalement, une constituante est munie de tous les pouvoirs voulus pour
adopter une constitution, sauf que, très souvent, celle-ci doit encore
être ratifiée par voie de référendum avant
d'être promulguée. Mais, dans l'état actuel de notre droit
public, aucune mesure ne peut avoir force de loi si elle n'est pas votée
par les Chambres et sanctionnée par le lieutenant-gouverneur. Je crois
par conséquent qu'en théorie les décisions de la
constituante ne pourraient pas lier notre parlement.
En pratique, cependant, les travaux de la constituante auraient une
telle solennité et un tel retentissement que ses conclusions
s'imposeraient d'elles- mêmes. Nous serions moralement, sinon
juridiquement, liés par ces conclusions.
De la même façon, en endossant les propositions du
Québec et de la nation canadienne-française dans
l'élaboration d'un nouveau pacte canadien, la constituante leur
donnerait une force et une autorité dont nos partenaires du reste du
pays devraient nécessairement tenir compte. Ce serait le couronnement du
travail accompli par le comité de la constitution et par les Etats
généraux du Canada français.
Comment devrait être formée cette constituante? Certains
ont exprimé l'avis qu'elle devrait comprendre tous les
députés, plus un cer- tain nombre de spécialistes et de
représentants des corps intermédiaires qui pourraient être
désignés par les Etats généraux. Bien d'autres
suggestions seront sans doute faites au comité, qui les étudiera
et fera des recommandations à la Chambre à mesure qu'avancera son
travail.
Tout cela, M. le Président, constitue un bien vaste chantier.Il
ne faut pas oublier toutefois que ce comité de la constitution peut
compter sur le personnel du ministère des Affaires
fédérales-provinciales pour l'aider dans son travail.Il dispose
aussi d'un budget qui lui permet d'obtenir bien des concours extérieurs.
Et je ne doute pas qu'une collaboration fructueuse puisse s'établir
entre le comité de la constitution et les Etats généraux
du Canada français.
De toute façon, je ne pense pas qu'il y ait à l'heure
actuelle de tâche plus nécessaire et plus exaltante que la
recherche d'un nouvel ordre constitutionnel pour le Québec et pour le
Canada. Je n'en connais pas qui soit plus susceptible de revaloriser le
rôle du député.
M. le Président, il eût été tellement plus
facile pour le gouvernement qui nous a précédés comme pour
le nôtre, de faire prendre la voie d'évitement à ce
problème consititutionnel.
Mais nous manquerions gravement à notre devoir de
députés, de représentants démocratiquement
élus formant, nous tous, ceux qui siègent à votre gauche
comme ceux qui siègent à la droite, porte-parole valables de
toute la province, si nous ne nous attaquions pas à la solution de ce
problème. Et nous devons le faire, du moins je crois exprimer là
l'opinion de mes collègues, les députés de la droite et
probablement de tous les députés de la gauche, mais certainement
ma conviction profonde: nous devons le faire en ouvrant les voies
démocratiques: il faut le faire en détruisant ce mur
psychologique qui sépare Canadiens de langue française des
Canadiens d'expression anglaise. Il faut se débarrasser de ce complexe
de vainqueurs et de vaincus. Il faut, les yeux tournés vers l'avenir,
tenter de donner à notre jeunesse un but commun comme dirait
Bossuet, un « common purpose » un but commun, un travail
à accomplir ensemble. Ce qui manque à notre pays, quand on le
visite dans son entier, quand on a l'occasion, comme c'est le cas pour
plusieurs membres de cette Chambre et pour celui qui vous parle, de rencontrer
très souvent des interlocuteurs valables sur le problème, des
gens qui s'interrogent comme nous sur l'avenir de notre pays, ce qui me frappe
chaque fois c'est le manque d'idéal commun, ce « common purpose
». En somme, à quelle tâche allons-nous atteler la jeunesse
de langue et de formation anglophones et la jeunesse de formation et de langue
francophones?
Ce n'est plus, Dieu merci, une question de biologie: disparu à
jamais, j'espère, dans l'intention et dans l'idée, dans le coeur
et dans les réflexes de tous les Canadiens, ce racisme. Notre
nationalisme à nous n'est pas un nationalisme biologique: c'est par la
culture que des gens au nom aussi dissonant que le mien et celui du
député de Saint-Laurent, c'est par la culture et non par le sang
analysé au compte-gouttes que nous nous classons dans une
catégorie ou dans l'autre, que nous sentons une appartenance
réelle à la communauté francophone plutôt
qu'à la communauté anglophone.
M. le Président, disparu, j'espère à jamais, ce
racisme et ce nationalisme biologiques, et qu'il soit remplacé par ce
nationalisme culturel, nationalisme culturel qui n'est plus
compartimenté par la religion que l'on pratique ou l'absence de
religion: culture, moyen, commun dénominateur, qui rallie tous ceux qui,
par leur formation ou par option, se veulent intégrés à
l'une ou l'autre des communautés.
C'est par cette culture et par cette entente entre deux groupes
culturels, avec des mécanismes en vertu desquels l'un et l'autre
pourront avoir, quant à leurs problèmes socio-culturels, un
contrôle raisonnable, établi dans des mécanismes permanents
qui reposent sur autre chose que la bonne volonté d'hommes politiques,
fussent-ils les hommes les plus sincères au monde.
C'est par cette façon de coordonner ces deux cultures que nous
allons trouver la solution pour au moins un autre siècle, je
l'espère, d'une unité canadienne qui ne constituera pas un carcan
pour l'une ou l'autre des communautés linguistiques.
Nous sommes profondément conscients que l'avenir du Canada, s'il
doit continuer d'exister comme pays et je le souhaite c'est
précisément en ouvrant les portes vers le monde, mais deux
portes, celle de la culture anglophone et de la culture des Canadiens de langue
française. C'est là la solution à mon humble point de vue
des problèmes qui pour quelques-uns paraissent inextricables, mais qui,
pour nous, qui avons travaillé ferme depuis tant d'années et
particulièrement depuis trois ans au comité de la constitution,
ne paraissent pas insolubles.
M. le Président, cette motion comme celle du député
de Missisquoi en 1963 qui tend en somme à faire revivre le mandat de ce
comité de 1963, avec certains pouvoirs additionnels que j'ai
expliqués, cette motion est apportée à cette Chambre et
discutée devant notre population et devant la population du Canada tout
entier comme un élément constructif. Nous ne cherchons pas par ce
comité, et aucun membre de cette Chambre ne cherchera pas ce
comité, à faire valoir ce qui peut être négatif chez
tout homme ou l'aspect négatif de toute vertu. Au contraire, ce
comité fournira l'opportunité à plusieurs membres de cette
Chambre qui travailleront d'une façon plus sérieuse, à
tous les membres de cette Chambre qui voudront participer à ces travaux
sans être formellement du comité, ce comité fournira
à tous les députés de 1967 l'occasion d'apporter une
contribution positive à un Québec plus progressif, une
communauté française plus libre, mais en même temps plus
organiquement structurée dans un pays que nous aimerions maintenir uni
au véritable sens du mot, c'est-à-dire au sens qui permet
à notre groupe de s'épanouir plutôt que de se faire
écraser.
M. le Président, pour toutes ces raisons j'ai l'honneur de
proposer:
Qu'un comité spécial de quatorze membres soit
institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de siéger
même les jours où la Chambre ne tient pas de séance et
après la prorogation pour: a) préciser les objectifs du
Québec et de la nation canadienne-française dans
l'élaboration d'un nouveau régime constitutionnel canadien: b)
prendre charge des travaux nécessaires pour rassembler en un tout
harmonieux les divers éléments de la constitution interne du
Québec et proposer les dispositions nouvelles qui pourraient y
être incluses, notamment en ce qui concerne les modifications futures de
ladite constitution et les garanties des minorités: c) étudier
l'opportunité d'établir, à la place du Conseil
législatif, un organisme représentatif des corps
intermédiaires, des minorités du Québec, des agents de
l'économie et des professions avec des structures et des pouvoirs
conformes aux besoins de notre époque: d) faire des recommandations
à la Chambre sur les meilleurs moyens de former et de convoquer une
assemblée constituante qui puisse parler au nom du peuple
québécois en ce qui concerne la constitution interne du
Québec et la négociation d'un nouvel ordre constitutionnel
canadien.
Que ledit comité prenne possession de toute la documentation
recueillie et des travaux déjà exécutés ou
commencés par le comité de la constitution créé au
cours de la dernière législature.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. Pierre LaporteM. LAPORTE: Vous me permettrez d'abord
de féliciter le premier ministre pour le ton de son discours. Il
a adopté un style qui nous fait véritablement croire qu'il est
dans une de ses phases pro-canadiennes, et je puis lui dire que certains
passages de son discours semblent avoir été mieux accueillis du
côté de l'Opposition que parmi ses propres députés,
surtout quand il nous parlait de la nécessité de faire
l'impossible pour que le Canada survive. Nous nous sommes même
demandés, à un certain moment, en voyant le ton de ce discours,
si, devant le départ éventuel et peut-être prochain de M.
Diefenbaker, le premier ministre ne songerait pas à une carrière
fédérale.
M. JOHNSON: C'est ça, partez des rumeurs. M. BELLEMARE:
Celle-là est rare.
M. BERTRAND: On ne s'y attendait pas à celle-là. Est-ce
qu'il a envie de partir?
M. JOHNSON: Non, mais est-ce que le député est certain que
M. Diefenbaker veut partir?
M. LAPORTE: Le journaliste ou n'importe quel commentateur qui oserait
affirmer une telle chose serait très imprudent, mais le premier ministre
peut toujours espérer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme vous espérez le départ de
Lesage, vous.
M. LAPORTE: Evidemment, le seul qui peut « trembler » par le
fait qu'il reste, est bien celui qui nous parle actuellement. Il suffit d'aller
un peu partout dans la province de Québec, actuellement, pour savoir que
celui qui s'en va n'est pas le sage, mais l'autre qui est devant moi.
M. LOUBIER: Ah, bon.
M. BERGERON: Vous ne restez pas dans la même province que
nous.
M. LAPORTE: Ils ont fameusement compris... Si on est en train d'analyser
la constitution de l'Union nationale, cela prend un autre comité. Cela
prend presqu'une autopsie.
M. LOUBIER: Il est comme le Crédit social: il s'en vient depuis
40 ans.
M. LAPORTE: Oui, et vous, vous en allez depuis six mois. Faites-vous en
pas.
M. DEMERS: On sait où on va, nous.
M. LAPORTE: Et vous y allez vite, on le sait, nous aussi.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que je... attendez un peu,
là... J'espère qu'après mon discours que je veux
très calme...
M. JOHNSON: Ah oui.
M. BELLEMARE: Ah oui.
M. JOHNSON: Cela commence bien.
M. LAPORTE: On a le droit de le vouloir. J'espère qu'aucun
journaliste ne sera obligé de dénombrer 133 interruptions.
M. JOHNSON: Comme ça m'est arrivé pendant trois quarts
d'heure l'autre soir.
M. LAPORTE: Oui, oui, apparemment, vous êtes plus sensible
à celles qui vous sont faites qu'à celles qui sont faites aux
autres de ce côté-ci, parce que ça s'équilibre pas
mal.
M. ROY: Vous seriez déçu de ne pas être
interrompu.
M. LAPORTE: Par vous, je serais surpris, tout simplement.
M. ROY: Une grande déception.
M. LAPORTE: Après ces félicitations très
interrompues que j'ai faites au premier ministre, que ses propres partisans ont
hachées d'interruptions.
M. JOHNSON: Oui, félicitations cordiales et
qualifiées...
M. LAPORTE: Oui, évidemment. Vous ne voudriez pas que je vous
fasse des félicitations comme ça, en général. Je
tiens aies qualifier...
M. JOHNSON: Non, je ne peux pas demander au député
d'être sincère.
M. LAPORTE: Quand je serai tenté de ne pas faire de
félicitations au premier ministre, je ne me gênerai pas. Quand je
lui en fais, c'est parce que j'y crois. Je ne prétends pas que ça
arrive souvent, mais quand cela arrive, c'est parce que j'y crois.
J'ajouterai que ce comité qu'on nous suggère ce soir
semble un peu être une redondance de celui qui existait et qui a accompli
un travail très considérable depuis quelques années.
Non pas que je sois ou que nous soyons contre cette motion qui va
sûrement nous permettre d'accomplir un travail important, mais il aurait
tout simplement été possible et on aurait sûrement
épargné à cette Chambre plusieurs heures, il aurait
été possible, dis-je, comme nous l'avions fait au cours des
sessions précédentes de redonner simplement vie au comité
créé en 1963, de le laisser continuer son travail et
d'espérer qu'il soit en mesure de proposer à cette Chambre aussi
rapidement que possible un rapport final.
Le premier ministre a préféré rédiger une
autre motion qui, en des termes plus complexes, dans une formule plus
élaborée, dit à peu près ce que disait la motion de
1963. Mais ceci permettra quand même à ce comité,
d'étudier certains problèmes qui, il serait oiseux de vouloir
l'ignorer, sont d'une importance vitale non seulement pour la province de
Québec, ce qui doit je pense, avec le mandat que nous avons reçu
des citoyens, nous intéresser au premier chef, mais des problèmes
qui sont également vitaux pour le Canada tout entier.
Même si nous ne décidions pas de quitter la
Confédération, il est bien évident que dans un pays
composé de dix provinces, s'il existe une unité, même la
plus petite, mais s'il existe une unité aussi importante par le nombre
de ses citoyens, par l'importance de son apport culturel, par l'importance de
son économie, s'il existe, dis-je, une unité à
l'intérieur du pays, qui se sente malheureuse, qui n'a pas l'impression
d'être complètement acceptée ou qui voit une partie de ses
droits continuellement violés, il est clair que la maladie de cette
unité ne peut pas ne pas se répercuter sur l'ensemble du Canada.
Ce qui me permet de conclure que, pour la santé même de notre
pays, au seuil de ce deuxième centenaire que nous entreprenons, il est
essentiel que tous les Canadiens, quels qu'ils soient, décident que la
province de Québec devra au cours des toutes prochaines années
recevoir ce qui lui apparaît non pas comme une faveur, non pas comme des
cadeaux, mais simplement comme sa part entière de justice à
l'intérieur de la Confédération.
Il y en a qui s'étonnent, particulièrement en dehors de la
province de Québec, de voir ce réveil soudain des aspirations
québécoises. On se demande comment il se fait qu'après
avoir été somnolents pendant si longtemps, nous ayons subitement
décidé que le sort qui nous a été fait dans la
Confédération au cours des cent pre- mières années,
nous n'allions pas l'accepter pour les années qui viennent. C'est qu'on
a oublié que dans trois domaines d'une importance capitale:
l'éducation, l'économie et la culture française, ce qui se
passe actuellement dans la province de Québec est sans
précédent dans notre histoire.
Grâce au développement de l'éducation, grâce
à cet éclatement qui a eu lieu dans ce domaine en particulier au
cours des années passées, il y a de plus en plus de gens,
particulièrement chez les jeunes, qui sont conscients de ce qu'ils
représentent au Canada, conscients d'abord de leurs propres besoins
à eux on a acquis une fierté de bon aloi conscients
également que les années qui se sont écoulées
depuis 1867 n'ont pas toujours été roses pour la province de
Québec et pour les groupes de langue française qui avaient
décidé de s'installer ailleurs au Canada, théoriquement
chez eux, mais en pratique presque dans un pays étranger.
A cause des besoins que nous sentons monter dans tous les domaines, nous
nous rendons compte que si nous ne réussissons pas à
maîtriser le domaine économique, tout le reste va nous
échapper. L'on aura beau faire toutes les théories que l'on
voudra sur la nécessité de l'éducation, sur l'importance
de la culture française au Canada, spécialement dans la province
de Québec, si nous ne maîtrisons pas pour nous-mêmes notre
part de vie économique canadienne, le reste va nous échapper.
Il est facile de comprendre que nous ne ferons pas croire
éternellement à des générations de jeunes Canadiens
français que la langue et la culture françaises sont des valeurs
qui sont utiles à la maison, dans leurs relations entre Canadiens
français, mais que dès que l'on veut gagner sa vie,
réussir, il faut opter pour la langue et la culture de l'autre groupe
ethnique du Canada. Ou bien ces jeunes Canadiens français vont
décider à tort ou à raison de vivre dans une
réserve, ou bien petit à petit, ils vont opter pour la langue et
la culture de celui qui est en mesure de lui donner, du point de vue
économique, ce qu'il est en droit d'exiger.
Nous en sommes, je pense, à l'heure des vrais problèmes,
à l'heure des problèmes de fond. Une chose doit nous
inquiéter, ce sont les revendications sentimentales ou encore la course
aux miettes. Nous ne devrons plus jamais nous satisfaire de certains
succès que nous avons déjà célébrés
comme des victoires majeures. Chèques bilingues, monnaie bilingue ou
quelques autres jouets, hochets que de temps à autre l'on nous a
donnés pour tenter de calmer certaines revendications.
Aujourd'hui, on peut affirmer que s'affron-
tent d'une part la bonne volonté croissante d'une partie des
Anglo-Canadiens et d'autre part le réalisme nouveau du Canada
français. Il est clair qu'à certains points de vue, les relations
entre les deux groupes ethniques du Canada se sont améliorées. On
l'a écrit à plus d'une reprise, mais l'impatience des Canadiens
français s'est multipliée par dix. Ce qui doit nous
inquiéter et ce que l'on doit regretter, c'est que malheureusement la
bonne volonté d'un trop grand nombre d'Anglo-Canadiens semble toujours
êlre en retard d'une réforme sur ce que nous demandons. Alors que
des Anglo-Canadiens sont extrêmement heureux, par exemple, de nous dire
qu'ils apprennent le français, que leurs enfants apprennent le
français, ce qui est excellent et fondamental, ils oublient
malheureusement que, pour une portion croissante du groupe de langue
française, nous avons franchi un pas de plus, nous en sommes rendus
à réclamer le français prioritaire. La motion que nous
avons devant nous nous permettra tout simplement de continuer un travail
commencé à la suite d'une motion du député de
Missisquoi, travail qui a été considérable puisque 45
mémoires ont été présentés, puisque de
nombreuses séances de travail nous ont permis de discuter avec les gens
qui venaient devant nous présenter des mémoires, puisque des
experts nombreux ont commencé de nous envoyer le fruit des travaux que
nous leur avions confiés. Je pense que c'est devant un tel comité
formé de représentants élus, de citoyens de la province de
Québec, que l'on peut le plus et le mieux discuter de ces
problèmes dans une atmosphère de sérénité
atmosphère qui ne serait peut-être pas possible si l'on
s'en tenait au texte de la motion et convoquer ce que l'on appelle une
constituante.
C'est un problème qui sera étudié de façon
plus élaborée par quelques-uns de mes collègues, mais
comme nous nous l'étions demandé à l'occasion de
l'étude de la motion Bertrand, en 1963, nous devons nous demander si
cette constituante n'aboutira pas à une espèce de tour de Babel
ou de cacophonie comme malheureusement nous en avons eu
l'expérience il n'y a pas si longtemps et si, de toute
façon, le travail ne devra pas être repris par un comité
restreint composé de parlementaires.
M. le Président, les problèmes que nous avons à
étudier sont à ce point importants que nous devons nous imposer
comme une règle d'or, d'éviter tous les appels au
sentimentalisme, tous les appels à un nationalisme qui peut être
efficace auprès de certaines gens, nationalisme auquel personnellement
je crois, mais qui ne doit jamais prendre le pas sur la raison, sur la logique,
lorsque nous étudions des problèmes, non seulement pour nous,
mais certainement pour quelques générations à venir.
J'affirme que l'enjeu du débat est extrêmement
considérable, car ce n'est pas seulement d'ajuster nos structures
politiques aux besoins de l'heure, mais de nous demander et de demander au
reste du pays si le Canada même survivra aux problèmes qu'il doit
actuellement affronter.
Nous n'avons pas uniquement à rechercher les moyens d'une
coexistence harmonieuse. La possibilité même de la cohabitation se
pose dans un nombre considérable de cerveaux québécois. Je
pense qu'il n'est ni exagéré, ni imprudent de dire que, pour le
Canada, les débats qui ont cours actuellement constituent probablement
une dernière chance. Je me refuse personnellement à être
pessimiste. Je suis d'avis qu'il est possible d'en venir à une entente,
à la condition de ne pas envisager l'avenir comme un replâtrage,
mais comme un nouveau départ sur des bases qui pourraient être
entièrement nouvelles. Ceux qui refuseront, dans le reste du pays, de
nous accorder ce que nous considérons comme le minimum pour rester
canadiens, ceux-là devront être, bien plus que nous,
considérés comme des séparatistes.
On peut poser au reste du pays des questions très simples. Quelle
peut-être pour eux, les Canadiens des autres provinces, la
différence de vivre dans un Canada qui soit unique mais dont toutes les
parties constituantes ne soient pas uniformes à la condition qu'on ne
leur enlève aucun de leurs droits, quelle peut être pour eux la
différence, si nous préférons, si nous exigeons dans
certains cas, vivre dans la province de Québec, dans un cadre canadien
mais qui peut être différent?
Il est fréquemment dit que, dans une famille, il y a autant de
caractères, autant de problèmes, autant de façon d'aborder
les questions, qu'il y a d'enfants. Pourquoi irait-on se scandaliser du fait
qu'il y a au Canada une province dont tout le passé, toute la culture,
dont la langue explique très facilement qu'elle ne peut pas, sur un bon
nombre de sujets, être en communauté de pensée, avec les
autres Canadiens qui sont d'origine, de langue et de culture différentes
de la nôtre?
N'est-il pas temps que sans acrimonie et avec le seul espoir de
bâtir un Canada nouveau qui soit viable, nous étudiions
brièvement l'histoire des cent premières années de la
confédération et qu'on se pose sérieusement la question
quant aux conditions de l'avenir?
Certains ont prétendu que l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique est un pacte entre deux nations. D'autres disent qu'il s'agit d'un
acte législatif pur et simple. On a vu récemment un
document d'une extreme importance et fort intéressant du
Père Ares défendant la théorie du pacte.
Pourquoi irions-nous plus longtemps et le premier ministre y
faisait allusion tout à l'heure nous perdre dans des querelles de
mots? Que l'acte confédératif ait été un pacte
entre deux nations ou que ce soit une loi qui nous est venue de Londres, quelle
est la différence face au problème que nous devons régler
en 1967 et dans les années à venir? Est-ce que l'on imagine pour
une seconde que si l'on convainc les Canadiens français de 1967 que le
pacte confédératif ne fut pas un pacte mais une loi, est-ce qu'on
pense pour une seconde qu'ils vont abandonner la moindre de leur
réclamation, parce qu'il ne s'agirait pas d'un pacte? Nous aurions
intérêt, je pense, à cesser au moins entre nous, ces
discussions pacte ou loi, pour tenter de faire l'unanimité autour de
certaines réclamations, de certains droits, que nous voulons avoir pour
l'avenir qu'ils aient été, ces droits, inclus ou non dans le
texte de 1867.
Une chose est certaine, ou le texte de notre constitution était
trop imprécis ou alors il a été mal
interprété, car il a donné lieu, depuis 1867, à
d'interminables conflits.
Je pourrais vous rappeler, M. le Président
j'éviterai de le faire tous les pèlerinages qu'il a fallu
faire à Londres, toutes les batailles qu'il a fallu mener pour faire
reconnaître certains droits: 1867, pacte confédératif, 1868
première délégation à Londres pour
l'interpréter. Batailles pour faire reconnaître le
lieutenant-gouverneur des provinces comme représentant de Sa
Majesté au même titre que le gouverneur général:
batailles autour de la création de la cour Suprême: batailles
à n'en plus finir pour interpréter la constitution qui, presque
toujours, recevait une interprétation qui ne nous convenait pas. Il
fallait s'en remettre au Conseil privé qui, selon les aléas de la
politique, décidait pour ou contre les provinces, mais disons dans une
majorité de cas en faveur des provinces.
Vint ensuite, dans l'histoire de la Confédération, la
bataille pour l'autonomie fiscale. Des 1911, l'envahissement commença
avec les subventions pour l'instruction agricole. L'année suivante,
1912, une commission royale sur l'enseignement industriel et technique
commençait la première de ses distinctions qui firent que
l'autorité exclusivement provinciale en matière d'enseignement et
d'éducation perdit son caractère exclusif. C'est une des choses,
disons, qui paraissent de prime abord des plus étonnantes. Il n'y a
à peu près qu'un texte qui paraisse absolument clair dans l'acte
confédéra- tif. C'est que l'éducation est exclusivement de
juridiction provinciale. Or, par des recoupements, par des commissions royales,
par des distinctions entre la culture et l'éducation, on a peu à
peu réussi à grignoter cette juridiction exclusive des provinces.
La commission de 1912, par exemple, déclara que l'enseignement
industriel et technique avait une importance nationale, ce qui fit mine de
justifier l'intervention de l'autorité fédérale. Ce fut
d'ailleurs tout au cours des cent dernières années une des
façons les plus connues, les plus coutumières d'intervenir dans
les domaines provinciaux. On avait dit à plusieurs reprises: Etant
donné que ce problème, que cette question a maintenant une
envergure nationale, ceci justifie le gouvernement fédéral
d'intervenir. Il fallut un jugement du Conseil privé pour établir
que, partant d'une juridiction provinciale, ça n'était pas
suffisant de déclarer cette question d'envergure nationale pour donner
juridiction au gouvernement fédéral.
Intrusion de plus en plus grande du gouvernement fédéral
dans les lois sociales et dans l'éducation, part toujours plus grande du
gouvernement d'Ottawa dans les impôts et asphyxie financière
croissante des provinces. Il a fallu au cours des quelques dernières
années reconquérir des domaines que le gouvernement
fédéral avait envahis par le truchement des programmes
conjoints.
Nous avons réussi à en rapatrier un très grand
nombre et à récupérer des impôts pour des sommes
très considérables, mais il reste qu'aujourd'hui le
problème des relations fiscales entre le gouvernement
fédéral et les provinces, dont les besoins vont croissant, est
à l'état de crise. Il serait injuste de dire que le premier
siècle, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'a produit
que des querelles. Une nation est née et nous avons profité, nous
de la province de Québec, même si nous avons de très
nombreux griefs contre la Confédération, nous avons certainement
profité pour notre part du développement économique qu'a
entrafné l'expansion du Canada lui-même.
M. BOUSQUET: Est-ce que vous dites bien une nation?
M. LAPORTE: Si vous tentez ce soir de faire des « jambettes
» ou de m'attirer dans un piège, attendez donc la fin.
Peut-être qu'un jour vous allez en faire un discours,
vous-même?
M. BOUSQUET: Au contraire...
M. LAPORTE: Je pense que je tente d'expri-
mer mon opinion sur un problème très sérieux. Si
vous voulez jouer à cache-cache avecune nation ou deux nations, vous le
ferez dans votre propre discours.
M. BOUSQUET: Cela me paraît important quand même. Je n'ai
pas voulu vous faire des « jambettes » d'aucune façon.
M. ROY: ... le bonhomme Carnaval.
M. LAPORTE: M. le Président, je dis que l'une des demandes
essentielles...
M. LOUBIER: Basile ne parle plus.
M. LAPORTE: ... que nous allons formuler, que nous devrons formuler,
c'est d'avoir pour la province de Québec non seulement une pleine mesure
d'autonomie conformément à ce qui est écrit dans l'Acte de
l'Amérique du Nordbritan-nique, mais une mesure d'autonomie
augmentée.
Du point de vue politique et du point de vue économique,
avons-nous été tellement mieux partagés depuis 1867? On
peut résumer la situation en disant que nous sommes politiquement
minoritaires à Ottawa et que nous restons économiquement
minoritaires au Québec.
Dans le texte même de l'Acte de l'Amérique du Nord
Britannique, on crée malheureusement une sorte de réserve
québécoise de langue française avec quelques timides
concessions sur le plan national. Non seule ment la constitution nous
réserve la portion congrue, mais l'interprétation presque
constante qu'on a donnée au texte nous a, en pratique, enfermés
dans notre enclave québécoise. J'ai eu l'occasion, à
plusieurs reprises, non seulement de visiter les minorités
françaises au Canada mais de venir en contact très intime avec
les problèmes des minorités, de toutes les provinces du Canada,
sauf Terre-Neuve, et je suis en mesure d'affirmer que les nôtres en
dehors de la province de Québec ont livré et livrent encore une
lutte de tous les instants pour la reconnaissance d'un minimum de droits.
Je pourrais ce soir vous rappeler quelques causes
célèbres, mais je pense qu'elles sont suffisamment connues, car
ce furent des situations qui ont fait choc. Un juriste d'Ottawa
établissait, il y a quelques années, que, sauf dans la province
de Québec, il n'existe aucun endroit du Canada où les droits
scolaires de la minorité ne soient plus ou moins battus en
brèche. Dans toutes les provinces du Canada, le français est tout
au plus toléré, et les statistiques établissent qu'il est
malheureusement en perte de vitesse presque partout. En 1965, le père
Richard
Arès, sous le titre de: « A quelles conditions, un Canada
français? », donnait quelques statistiques. Pourcentage des
Canadiens de langue maternelle française dans la population totale de
chaque province: 1941, 1951, 1961, il y avait une diminution partout,
même au Nouveau-Brunswick où la diminution était
très faible.
Deuxième question: pourcentage des Canadiens d'origine
française hors duQuébec, se déclarant de langue maternelle
française. Il n'y a pas d'exception, dans chacune des provinces: la
marche à l'anglicisation apparaît constante,
l'irrésistible, dit le père Arès, et prend même
l'allure d'une course au suicide en certaines d'entre elles.
Dans 1'Alberta, par exemple, le Canada français a perdu
régulièrement à chaque recensement une tranche de 10% de
ses effectifs: de 29% qu'ils étaient en 1941, les
anglécisés du Canada français sont passés à
39% en 1951 et à 49% en 1961. En Ontario, le nombre des Canadiens
français qui se déclaraient anglécisés est
passé de 22% en 1941 à 30% en 1961: au Nouveau-Brunswick, de 9.1%
en 1951 à 12.2% en 1961.
M. le Président, c'est le bilan culturel de cent années de
cohabitation de culture française avec la culture anglaise. Je veux bien
et j'espère qu'il sera de plus en plus vrai que des Canadiens
français du Québec se déclarent chez eux partout au
Canada, d'accord. Mais ce sont des gens qui voyagent et qui reviennent ici.
Je connais le cas d'une famille actuellement profondément
enracinée dans sa culture française, qui doit
déménager à Vancouver et c'est un drame
considérable parce qu'on a réellement l'impression si le
séjour à Vancouver doit durer un certain nombre d'années
que la culture française des enfants au Canada va être
sérieusement menacée.
Peut-on rappeler que la bataille pour obtenir la publication en
même temps du texte français des documents en langue anglaise
n'est pas encore tout à fait gagnée dans certains coins du
gouvernement fédéral. Même dans la province de
Québec, nous sommes encore aux prises avec un fonctionnarisme
fédéral de langue anglaise pour lequel, dans trop de cas, la
langue française est à toute fin pratique une langue
étrangère.
M. le Président, minorité au Canada, on n'a
malheureusement jamais manqué de nous le faire sentir, même si de
temps à autre des gens dont la sincérité ne saurait
être mise en doute ont donné un coup de chapeau à la
culture française ou aux aspirations des Canadiens français.
M. le Président, j'ai l'honneur de demander l'ajournement du
débat.
M. BERTRAND: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. JOHNSON: Moi, j'ai l'honneur de demander l'ajournement de la Chambre
à demain mercredi, à trois heures, alors que nous appellerons les
articles au nom des députés.
M. LESAGE: Cela s'appelle tout seul: ce n'est pas le premier ministre
qui appelle demain.
M. JOHNSON: Le premier ministre usera demain de ses droits sans en
abuser, comme toujours.
M. LESAGE: Demain, c'est le jour des députés.
M. LAPORTE: Est-ce que je pourrais demander au premier ministre
étant donné que je devrai être absent demain jusqu'aux
envi- rons de quatre heures, la Chambre devant siéger à trois
heures, j'imagine si la motion qui apparaît en mon nom sur la
réforme de la procédure parlementaire pourrait être
ajournée jusqu'à mon retour, si par hasard elle devait être
appelée avant que je ne revienne?
M. JOHNSON: D'accord. Est-ce qu'il y aura un amendement?
M. LAPORTE: Je ne sais pas. Vous en avez à proposer?
M. JOHNSON: Proposé par le député
lui-même?
M. LAPORTE : On verra. La nuit porte conseil.
M. JOHNSON: Et les caucus aussi.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. La Chambre ajourne ses travaux
jusqu'à demain après-midi, à trois heures.