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(Onze heures de la matinée)
M. PAUL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et
réception de pétitions. Présentation de rapports de
comités élus. Présentation de motions non
annoncées. Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics.
Questions de privilège
M. LESAGE: M. le Président, sur une question concernant les
privilèges de la Chambre. Est-ce que le premier ministre ou le conseil
des ministres a autorisé des fonctionnaires à annoncer
publiquement et en dehors de cette Chambre évidemment, s'il
s'agit des fonctionnaires, il faut que ce soit en dehors de la Chambre
un projet de loi tendant à faciliter l'intégration des immigrants
à notre société canadienne-française au
Québec?
M. JOHNSON: Non, ni le ministre de l'Education, ni le gouvernement n'ont
autorisé quelque fonctionnaire que ce soit à faire une telle
déclaration qui, d'ailleurs, n'est pas exacte.
M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre ou le ministre de
l'Agriculture ou le conseil des ministres a autorisé le sous-ministre de
l'Agriculture et de la Colonisation du Québec, M. Roméo Lalande,
à annoncer à St-Hyacinthe un proget de loi concernant
l'insémination artificielle?
M. VINCENT: M. le Président, en réponse à la
question de l'honorable chef de l'Opposition le sous-ministre de l'Agriculture,
à l'occasion d'une réunion à Saint-Hyacinthe, il y a
quelque temps, a annoncé que nous travaillions à un projet de loi
qui était prêt depuis trois ans et qui n'avait pas
été reçu devant l'Assemblée législative,
justement pour répondre aux besoins de cette nouvelle politique qu'on
veut instaurer en ce qui concerne l'insémination artificielle dans la
province de Québec.
M. LESAGE: Toujours concernant les privilèges de la Chambre, je
ferai remarquer au ministre de l'Agriculture que, d'après les nouvelles
des journaux et je réfère le ministre à
l'édition du 28 avril, du journal L'Action le sous-ministre de
l'Agriculture, M. Lalande, a été très précis. Et,
en venant maintenant à ma question de privilège, il me semble que
c'est le privilège absolu de la Chambre, lorsqu'elle est en session, de
prendre connaissance la première des projets de loi que le gouvernement
a l'intention de proposer.
La procédure normale est la suivante:Il appartient au
gouvernement, au premier ministre ou à un de ses ministres, d'annoncer
en Chambre tout projet de loi que le gouvernement a l'intention de proposer. Je
n'ai pas l'intention de faire de scène, M. le Président, mais
c'est un droit fondamental du parlement qui a été invoqué
à maintes reprises en cette Chambre. J'admets qu'il est arrivé
dans une circonstance, alors que j'étais premier ministre, qu'une loi
ait été annoncée en dehors de cette Chambre: j'avais
reconnu l'erreur et je m'en étais excusé. Or, en fin de semaine,
d'après les journaux, deux projets de loi sont annoncés par les
fonctionnaires. Le premier ministre me dit, que, dans le premier cas, ce n'est
pas fondé: les réponses du ministre de l'Agriculture au sujet du
deuxième cas prouvent que la nouvelle est fondée.
J'espère, M. le Président, que le premier ministre prendra les
dispositions nécessaires pour qu'à l'avenir les privilèges
du parlement soient respectés.
M. JOHNSON: M. le Président, j'en donne l'assurance à
cette Chambre, il faudrait que cesse cette épidémie. Il semble
que les hauts fonctionnaires sont pris de la maladie de la « parlote
». Dans plusieurs domaines, ils ne se sont pas gênés pour
annoncer des projets de loi, même pour critiquer l'administration. Cela
évolue!
UNE VOIX: C'est le syndicalisme!
M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais intervenir sur une
question de privilège.
M. PINARD: Une conséquence de l'immobilisme!
M. JOHNSON: Justement, quand ça fait trois ans qu'ils attendent
pour faire passer un projet de loi, ils s'inquiètent et
s'énervent.
M. LESAGE: Un instant. Ce n'est pas le même. Le sous-ministre de
l'Agriculture a été très précis.Il suffit de lire
la nouvelle.
M. VINCENT: C'est le même projet de loi qui est en
préparation depuis trois ans.
M. JOHNSON: Probablement que c'est l'inaction sous l'ancien gouvernement
qui ...
M. LESAGE: Ce n'est pas une excuse !
M. JOHNSON: ... crée la bougeotte chez les hauts
fonctionnaires.
M. LESAGE: Ce n'est pas une excuse!D'accord.
M. JOHNSON: Alors, M . le Président...
M. LESAGE: Du moment que le ministre de l'Agriculture est d'accord.
M. VINCENT: Une tempête dans un verre d'eau!
M. LESAGE: Non, non, ce n'est pas un verre d'eau. Ce sont les
privilèges de la Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Ce n'est pas un verre d'eau, c'est l'insémination
artificielle.
M. LESAGE: Cela fait des petits plus forts!
M. VINCENT: C'est en gestation depuis trois ans.
M. COURCY: La folie recommence. Mises au point
M. JOHNSON: Cela vient de Bagot! M. le Président, je voudrais
intervenir sur une questions de privilège. La semaine dernière,
plus précisément le 27 avril à midi, on a émis
à Ottawa le communiqué suivant: « Communiqué
émis à Ottawa le 27 avril à 12 heures. A la
résidence du gouverneur général on annonce que le
général de Gaulle a accepté l'invitation du gouverneur
général de se rendre au Canada et de visiter le 25 juillet,
journée nationale de la France, l'Exposition universelle
organisée à Montréal à l'occasion du centenaire de
la confédération. D'autre part, le général de
Gaulle a accepté de se rendre à Québec en réponse
à l'invitation que lui a adressée le Premier ministre du
Québec en accord avec le gouvernement fédéral. D'autres
précisions sur le programme de la visite du général de
Gaulle au Canada seront annoncées en temps voulu. »
Pour éviter tout malentendu, je tiendrais à
préciser le sens d'une expression qui m'a quelque peu
étonné et que l'on remarque dans le texte du communiqué
que je viens de lire, il s'agit des mots, au deuxième paragraphe,
« en accord avec le gouvernement fédéral ». Enlisant,
cette expression, onpeut comprendre que le gouvernement fédéral
ne s'est pas opposé à ce que le Premier ministre du Québec
invite personnellement le général de Gaulle. Si telle est
l'interprétation, il n'y a pas de problème car c'est ce qui s'est
produit. L'expression peut cependant porter à croire et c'est
là la raison pour laquelle je soulève la question que
cette invitation a dû être précédée de la part
du gouvernement du Québec par une demande explicite ou implicite d'une
permission à cet effet auprès du gouvernement
fédéral. En réalité, il n'en fut rien. En
août dernier, j'ai indiqué au Premier ministre du Canada qu'en
prévésion des invitations que le Canada lancerait à divers
chefs d'Etat à l'occasion de l'Expo, nous avions l'intention de
transmettre une invitation personnelle au général de Gaulle
à nous rendre visite à Québec. En réponse, le
Premier ministre du Canada m'a indiqué qu'il prenait note de ce
désir et c'est tout.
Je tenais à apporter cette précision, non pas pour laisser
entendre qu'il y a mauvaise foi quelque part, mais tout simplement pour
clarifier le sens d'une tournure ambiguë dont l'interprétation
risque de ne pas être conforme à la réalité.
M. LESAGE: Sur le même sujet, M. le Président, est-ce que
le Premier ministre pourrait nous dire à quelle date le
général de Gaulle est attendu à Québec?
M. JOHNSON: Je regrette de ne pouvoir l'annoncer aujourd'hui.
M. LESAGE: J'espère que lorsque le Premier ministre annoncera
bientôt probablement à son retour de voyage la date
de l'arrivée du général de Gaulle il sera en mesure de
nous informer de la durée de son séjouràQuébec et
de la durée de son séjour à Montréal.
M. JOHNSON:Il est fort possible que tous ces détails soient
déjà arrêtés et connus même avant ma visite en
France.
M. VINCENT: M. le Président, sur une question de privilège
pour clarifier un point afin d'éviter tout malentendu. La semaine
dernière je devais participer à une réunion à
St-Hyacinthe devant les inséminateurs à leur réunion
annuelle. A cette occasion, j'ai dû me faire représenter par le
sous-ministre, M. Roméo Lalande, et j'avoue lui avoir demandé de
parler de ce projet de loi qui est en préparation...
M. LESAGE: C'est pire.
M. VINCENT: ... c'est-à-dire qu'il était prêt depuis
trois ans. Maintenant, je constate, j'admets que, naturellement, il aurait
été de simple décence que j'annonce préalablement
le projet de loi en Chambre, je ne l'ai pas fait, mais je ne voudrais pas que
le sous-ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, qui est un homme
dévoué, soit taxé d'avoir annoncé des politiques du
gouvernement sans l'autorisation du ministre.
M. LESAGE: Je regrette que le ministre de l'Agriculture ait
oublié, comme il m'est arrivé une fois de le faire dans le
passé, d'aviser d'abord la Chambre, mais je le félicite d'assumer
ses responsabilités et de ne pas chercher à les faire retomber
sur son sous-ministre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.
Carte scolaire
M. BERTRAND: M. le Président, le Devoir de ce matin, mardi, 2
mai, publie une nouvelle intitulée: « Remise en question de la
carte scolaire régionale ». Je n'ai pas besoin de lire la
nouvelle, les députés l'ont lue.
Je voudrais, à ce sujet, dire tout simplement ceci, c'est qu'il y
a au ministère de l'Education création d'un comité des cas
exceptionnels en ce qui a trait à la régionalisation scolaire. Le
premier objectif de la politique du gouvernement en matière de
régionalisation scolaire est de rendre l'école accessible
à tous les jeunes, afin de leur dispenser un enseignement qui soit
adapté à leurs aptitudes en même temps qu'aux exigences de
leur rôle de citoyens et de travailleurs dans le Québec
d'aujourd'hui et de demain. Cet objectif peut être atteint au niveau
secondaire par la mise en place de services scolaires adéquats dans le
cadre d'institutions secondaires polyvalentes capables d'accueillir toute la
population scolaire d'un territoire donné.
Même si la régionalisation scolaire est acceptée par
l'ensemble de la population du Québec, il n'en reste pas moins que des
problèmes réels peuvent être soulevés relativement
aux modalités de cette régionalisation. Des requêtes ont
été soumises au ministre de l'Education et à d'autres
membres du gouvernement demandant, en certains cas, que des modifications
soient apportées à divers aspects de la régionalisation,
telle que la mise en application en certains endroits. Pour autant que la
régionalisation scolaire est concernée, toute modification au
plan déjà établi devrait faire l'objet d'études des
organismes consultatifs actuels ou d'orga- nismes analogues valables sur le
plan de la représentation.
J'ai donc, comme ministre de l'Education, formé un comité
des cas exceptionnels, dont le mandat est d'étudier les cas litigieux
actuels relatifs à la régionalisation scolaire et de me
recommander des mesures propres à rendre justice à tous. Afin que
cet organisme soit aussi représentatif et impartial que possible, j'ai
demandé à la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec, à la Corporation des instituterus
catholiques et au Service des parents du ministère de me suggérer
des candidats. Après ces consultations, l'on m'a proposé comme
menbres du comité des cas exceptionnels, en ce qui concerne la
régionalisation scolaire, les personnes suivantes: M. J.-O.-R. Rochon,de
La Motte, Abitibi, président de la Commission scolaire régionale
Harricana, membre du conseil d'administration de la Fédération
des commissions scolaires catholiques du Québec: M. René Laurin,
représentant de la Corporation des instituteurs catholiques: M.
Jean-Claude Caron, professeur au Collège des Jésuites,
président de l'Association des parents de la paroisse des Saints-Martyrs
Canadiens et président de la Fédération des comités
de parents de la ville de Québec.
A l'heure actuelle, un de mes secrétaires, M. Gérald
Lefebvre, conseiller technique au ministère de l'Education agit comme
secrétaire, alors que le comité est présidé par M.
J.-O.-R. Rochon. Il s'agit donc de cas exceptionnels.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que le ministre nous dirait
si un arrêté ministériel a été adopté,
donnant suite à...
M. BERTRAND: Il n'y a pas eu d'arrêté ministériel
pour la formation de ce comité. Il s'agit d'un comité
ministériel. Ce problème, par la suite, a été
discuté avec les membres du conseil des ministres. Il n'est pas
impossible, qu'il y ait un arrêté ministériel, car nous
aurons certainement à payer disons des frais de voyage, de
déplacement pour ces personnes qui sont appelées à
rencontrer sur les lieux les groupements, les organismes, qui auront des cas
à présenter.Il en existe dans plusieurs régions du
Québec, et le chiffre de 55 je ne l'ai jamais compris comme devant
être un nombre fatidique. Il faut d'abord répondre aux
réalités et aux besoins et essayer de trouver des solutions
là où des problèmes réels existent.
M. LAPORTE: M. le Président, deux questions
supplémentaires. Est-ce que le comité a commencé son
travail? Deuxièmement, d'où le
comité tire-t-tl son autorité et quel est exactement son
mandat, le libellé du mandat qui lui a été
confié?
M. BERTRAND: J'ai eu l'occasion de rencontrer le comité, la
semaine dernière si mon souvenir est bon, et à l'heure actuelle,
les membres ont eu une rencontre pour bien préciser le mandat. Il
s'agit, on le comprend, d'un comité consultatif, il ne s'agit pas d'un
comité exécutif. Ce comité consultatif fera rapport au
ministre, qui lui, fera rapport au conseil des ministres, s'il y a lieu
d'adopter des changements en certaines régions de la province, de
subdiviser des régionales, d'établir de nouvelles écoles
dans certains coins, à cause de la distance, à cause de tous les
problèmes, que soulève la régionalisation dans certains
secteurs. A ce moment-là le ministre verra à faire les
recommandations au conseil des ministres.
M. LAPORTE: M. le Président, ça ne répond pas et de
loin à mes questions. Je veux savoir en vertu de quelle autorité
les membres du comité ont été nommés. Est-ce que
c'est par une lettre du ministre? De quelle façon ont-ils reçu
mandat de travailler? Deuxièmement, est-ce que je dois comprendre que
les membres du comité n'ont pas reçu du ministre un mandat bien
précis, écrit, lequel mandat pourrait être, à la
demande de cette Chambre, déposé sur la table du greffier?
M. BERTRAND: D'abord, c'est à la demande du ministre
premièrement...
M. LAPORTE: Par lettre?
M. BERTRAND: ... c'est à la demande du ministre, à la
suite de tous les cas qui m'ont été présentés
depuis que je suis ministre de l'Education, que j'ai, en consultation avec mes
collègues, décidé de former ce comité, qui est un
comité disons d'étude pour le moment, et consultatif.
Quant au mandat, à l'heure actuelle, il est en train de se
préciser. Je note immédiatement et je l'ai noté dans
ma déclaration qu'il ne s'agit pas de remettre en cause le
principe et l'application de la régionalisation scolaire, mais
d'examiner les cas, et à la suite ça c'est une partie du
mandat qui va se préciser, qui doit être précisé
très prochainement dès que la limite du mandat aura
été établie, il me fera plaisir d'en faire part à
la Chambre.
M. LAPORTE: Je pose une question très précise au ministre.
Est-ce que je pourrais avoir une réponse? Est-ce que les membres du
comité ont commencé à travailler?
M. BERTRAND: Les membres du comité se sont réunis,
d'après les renseignements que j'ai obtenus, à la suite de la
rencontre qu'ils ont eue avec moi, en vue justement d'examiner, car nous
avions certains documents des problèmes et de voir
jusqu'où devait porter leur mandat à la suite des cas qui nous
été présentés. Mais je redis qu'il s'agit d'un
comité consultatif.
M. LAPORTE: Je ne voudrais pas qu'on se perde dans une discussion
inutile ou oiseuse. Est-ce que...
M. BELLEMARE: C'est contre le règlement.
M. LAPORTE: Aussi longtemps que le président ne dira pas que les
questions que nous posons..,,
M. BELLEMARE: C'est contre le règlement. C'est un
contre-interrogatoire.Il ne doit pas y avoir un contre-interrogatoire dans les
questions. C'est sûr.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne réponds pas à
l'invitation que me lance immédiatement l'honorable député
de Chambly. Je suis venu prêt d'inviter l'honorable député
de Chambly peut-être à poser une dernière question afin que
cette question ne tourne pas en débat.
M. LESAGE: J'espère que ça ne s'applique qu'au
député de Chambly. Je ne suis pas intervenu encore et j'ai
l'intention d'intervenir.
M. LAPORTE: Voici la dernière question que je voudrais poser au
ministre. Etant donné que l'article auquel il ne s'est pas
référé dit que ce comité fait suite à des
pressions nombreuses qui ont été exercées au caucus par
des députés de l'Union Nationale, je voudrais demander au
ministre si c'est le comité qui va rédiger son mandat
lui-même ou si c'est le ministère qui va soumettre un mandat au
comité.
M. BERTRAND: Le député de Chambly est injuste quand il dit
que ç'a été demandé seulement par des
députés de l'Union Nationale.
M. LAPORTE: Je cite clairement l'article. M. BERTRAND: Oui, ça,
c'est l'article. M. LESAGE: Le député de Chambly l'a dit.
M. BERTRAND: Je connais des comtés qui sont
représentés par des députés libéraux
où le problème se pose et je connais des députés
qui m'en ont fait part. Par exemple, à l'intérieur d'une
même régionale, on demande, au lieu de bâtir une seule
école, d'en bâtir deux.
M. LESAGE: Pas seulement dans des comtés
représentés par des libéraux.
M. BERTRAND: Non, dans des comtés représentés par
des membres des deux côtés de la Chambre.
M. LESAGE: Est-ce que la régionale de Tilly, pour autant que le
comté de Lotbinière est concerné, est un cas
spécial?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: La régionale de...?
M. LESAGE: De Tilly. Pour autant que le comté de
Lotbinière est concerné, est-ce que l'établissement de
deux au lieu d'une régionale, est un des cas?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: J'ai demandé, et le ministre de l'Education a
l'autorité voulue pour constituer un comité d'étude
consultatif en vertu de l'article 3 de la loi du ministère.
M. LAPORTE: Il n'a pas de mandat.
M. BERTRAND:Il a l'autorité. Le mandat, je le dis, c'est
d'examiner toutes les requêtes et les documents que nous avons
reçus là où la régionalisation pose des
problèmes et d'examiner ces problèmes. C'est un mandat
suffisamment vaste.
M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre...
M. BERTRAND: ...et de faire au ministre les recommandations qui
s'imposent.
M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre que le mandat du comité
est verbal?
M. BERTRAND: Bien, voyons.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Les honorables députés
conviendront que cette période de question a été
suffisamment longue pour permettre d'obtenir toutes les informations
disponibles pour le moment.
M. LESAGE: Avec tout le respect que je vous dois, M. le
Président, j'aurais une question très précise à
poser au ministre de l'Education sur ce sujet. Le ministre de l'Education a
déclaré qu'il n'y avait pas eu d'arrêté
ministériel. Est-ce que je dois comprendre que les membres du
comité consultatif ne sont pas rémunérés et ne
reçoivent même pas le remboursement de leurs dépenses de
voyage?
M. BERTRAND: Pas à l'heure actuelle.
M. LESAGE: Parce que, M. le Président, est-ce que...
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LESAGE: Ecoutez, c'est très important, ça.Il en faut,
un arrêté ministériel. On ne peut pas payer ces
gens-là sans arrêté.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Puis-je suggérer aux
honorables députés d'entendre la question de l'honorable chef de
l'Opposition et également de permettre à l'honorable ministre de
l'Education de répondre et nous pourrons ensuite passer aux travaux
prévus pour aujourd'hui.
M. LESAGE: Ma question est celle-ci...
M. BERTRAND: Rien que pour répondre au chef de l'Opposition. Si
le chef de l'Opposition savait le nombre de comités consultatifs qui
existent au ministère de l'Education...
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: ...qui existent, au sujet desquels il n'y a jamais eu
d'arrêté ministériel adopté...
M. LESAGE: Non, mais simplement, il faut au moins que le conseil de la
trésorerie puisse s'appuyer sur un arrêté
ministériel.
M. BERTRAND: ...comités établis au sein du
ministère, on peut les compter. Je ne voudrais pas.. j'ai demandé
à quelqu'un d'en faire le relevé.Il y en a un nombre qui
s'élève au-delà, certainement, de 75 à 100.
M. JOHNSON: Et il n'y a pas eu d'arrêté
ministériel...
M. BERTRAND: Et premièrement, il n'y a pas eu
d'arrêté ministériel adopté dans ces cas-là,
Deuxièmement...
M. LESAGE: Non, mais il faut des CT, par exemple. Les CT sont couverts
par un arrêté ministériel.
M. BERTRAND: A ce moment-là, des CT seront
présentés au conseil de la trésorerie. C'est
élémentaire. En temps et lieu...
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement et je
demande au ministre s'il affirme de son siège que les comités,
que tous les comités consultatifs du ministère de l'Education ont
été formés sans arrêté
ministériel.
M. BERTRAND: Ce n'est pas du tout, M. le Président, ce que j'ai
dit.
M. LAPORTE: Ah bon.
M. BERTRAND: J'ai dit qu'il n'y a pas eu d'arrêté
ministériel pour chacun des comités. En certain cas, si on veut
des précisions, il y a pu y avoir adoption d'un arrêté
ministériel. C'est aussi simple et aussi clair que ça.
M. LAPORTE: Est-ce que le ministre me permettrait encore une
question?
M. LESAGE: Rien qu'un dernier mot. Le ministre de l'Education sait fort
bien qu'un CT...
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LESAGE: ...fait partie d'un arrêté ministériel et
qu'il n'y a pas de CT sans arrêté ministériel.
M. BERTRAND ET M. JOHNSON: Voyons donc.
M. LESAGE: Un CT ne peut être en vigueur et avoir une valeur
légale qu'à condition qu'il soit signé..,,
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LESAGE: ...qu'il soit entériné par un
arrêté ministériel signé par le premier
ministre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable chef de
l'Opposition a momentanément oublié les dispositions qu'il
avait...
M. LESAGE: Non, mais je n'oublie pas la loi des subsides, par
exemple.
M. LE PRESIDENT: ...la forme des questions qui doivent être
posées, spécialement aux articles 672 et 670.
M. LESAGE: M. le Président, il s'agissait nécessairement
des privilèges de la Chambre. Parce que c'est un privilège de la
Chambre de s'assurer que les dépenses d'argent qui se font, se font
régulièrement et sont autorisées par arrêté
ministériel, qu'il s'agisse d'un CT ou d'un arrêté
ministériel seulement, il y a toujours arrêté
ministériel. Un CT en lui-même n'a pas de valeur à moins
qu'il soit entériné par un arrêté ministériel
que le premier ministre doit signer lui-même après chaque
séance du conseil de la trésorerie et ça, le premier
ministre le sait.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est une tempête dans un
verre d'eau, il ne faudrait pas...
M. LESAGE: Non, non, cela va au fond des droits du Parlement.
M. BERTRAND: Voyons...
M. JOHNSON: Il ne faudrait pas que le public soit induit en erreur. Les
CT, c'est-à-dire ces documents qui s'appellent CT sont des autorisations
du conseil de la trésorerie...
M. LESAGE: Couverts...
M. JOHNSON: ...sont tous annexés à un arrêté
en conseil...
M. LESAGE: C'est ça.
M. JOHNSON: ...qui est signé par le premier ministre...
M. LESAGE: Dont ils font partie. M. JOHNSON: En vrac. M. LESAGE: C'est
ça.
M. JOHNSON: Qui sont annexés à un arrêté que
je signe, en faisant confiance au président du conseil de la
trésorerie et aux autres membres ainsi qu'aux fonctionnaires. M. le
Président, il n'y a pas de quoi fouetter un chat. En somme, ce
comité va tenter de réparer un peu, dans la mesure où
c'est possible...
M. LAPORTE: M. le Président, je vais me sentir obligé de
répondre.
M. JOHNSON: Je n'ai même pas le droit, moi, de dire une
phrase?
M. LAPORTE: C'est-à-dire que vous avez parfaitement le droit de
répondre à une question, mais sans provoquer un débat.
Parce que, moi, je voudrais bien...
M. BERTRAND: C'est vous, là...
M. LAPORTE: ... sur un sujet aussi fondamental, il faudrait
peut-être un arrêté ministériel.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. JOHNSON: M. le Président..
M. LAPORTE: Pour que le mandat soit précis et clair.
M. JOHNSON: Eh bien, voici, M. le Président. Je vais promettre
à l'Opposition un arrêté ministériel qui va
débuter comme ceci: « Attendu qu'ils ont fait un gâchis
...
M. LESAGE: Tiens.
M. JOHNSON: ... de leur planification, premier paragraphe.
M. LAPORTE: Attendu, que les « patronneux »...
Deuxième attendu, attendu que le caucus de P Union Nationale veut
changer ça.
M. JOHNSON: Attendu que les députés...
M. LESAGE: Attendu que le président est un « patroneux
» de l'Union Nationale...
M. JOHNSON: Quoi?
M. LESAGE: Attendu que le président du comité est un
« patroneux » de l'Union Nationale.
M. JOHNSON: C'est un comité consultatif.
M. LESAGE: Un entrepreneur de chemins, ancien candidat conservateur.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Oui, mais pourquoi descendre cet homme-là? Il est
membre d'un comité consultatif.
M. LESAGE: Je ne le descends pas. UNE VOIX: Oh mon Dieu!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qu'engager son beau-frère et ses
frères.
M. LESAGE: Si on veut parler de gâchis, on va en parler.
UNE VOIX: Ah oui.
M. GRENIER: On va parler de « patroneux » aussi.
M. JOHNSON: On a nommé des trésoriers du parti
libéral à certains comités consultatifs. Personne n'a
blâmé le gouvernement. Ce sont des hommes compétents.
M.LESAGE: Est-ce que les trésoriers du parti ont commencé
à visiter les députés depuis qu'ils ont le droit de vendre
de la boisson?
M. JOHNSON: Ah, ça, ça devrait être drôle, pas
choquant.
M. ALLARD: ... on demandait $25,000 pour un permis.
M. JOHNSON: Il n'est pas question de faire une tempête dans un
verre d'eau. Ces gens-là seront remboursés de leurs
dépenses, comme a dit le ministre. Si le CT n'est pas passé, il
sera passé et ces gens-là n'ont aucun pouvoir de
légiférer. Il est vrai que les députés de l'Union
Nationale font des pressions, comme il est vrai que des députés
libéraux font des pressions. Et c'est leur devoir, aux uns comme aux
autres, de représenter la population qui les a élus, de faire
connaître leur point de vue sur la carte scolaire qui peut certainement
être améliorée. Il faudrait être d'une
prétention inimaginable pour s'imaginer un seul instant que le dernier
mot a été dit en planification quand on a lancé
l'Opération 55. Il y a lieu à des ajustements, il y a lieu de
satisfaire des besoins normaux dans certains coins de la province. Personne ne
va s'en scandaliser. Le but est tout simplement de rencontrer cet objectif que
nous avions et dont nous avons parlé si souvent: la
décentralisation des moyens d'éducation afin qu'ils soient
accessibles à toute la population, à tous les enfants, où
qu'ils résident dans cette immense province. C'est aussi simple que
ça. Article...
M. LAPORTE: M. le Président, je pense que vous allez m'accorder
deux minutes, non pas pour répliquer, mais pour expliquer le sens de
l'intervention que nous avons faite ce matin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!
M. LAPORTE: M. le Président, le premier ministre a non seulement
répondu à des ques-
tions, il a fait une argumentation. Je vais tenter d'y répondre
brièvement et sans soulever de débat
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Alors, je suis sûr que l'honorable
député de Chambly conviendra que la période pour
répondre à l'argumentation ou aux remarques de l'honorable
premier ministre, pourra avoir lieu en temps approprié lors de
l'étude particulière de certaines législations ou lors de
l'étude des crédits. Parce qu'il serait dangereux à ce
moment-ci, alors que de part et d'autre on a exposé des points de vue,
que le débat se prolongeant, nous puissions peut-être ne pas
réaliser l'objectif de travail qui anime tous les députés
en cette Chambre aujourd'hui.
M. LAPORTE: M. le Président, m'adressant à vous, et devant
l'importance de cette question...
M. ALLARD: Le président vient de rendre une décision.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que j'ai encore le droit de
m'adresser à vous pour vous demander simplement ceci...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. ALLARD: Il vient de prendre une décision.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Tous conviendront que c'est le droit de tous
les députés de s'adresser au président qui, à ce
moment-là, au meilleur de ses humbles capacités et jugements,
peut décider de la recevabilité ou non d'une question ou d'un
problème à discuter.
M. LAPORTE: M. le Président, est-ce qu'il ne me serait pas
permis, devant l'importance de la question, de demander, comme question finale,
au ministre de l'Education et pour rassurer l'opinion publique, de nous dire
très exactement dans quels termes sera couché le mandat par un
arrêté ministériel?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!
M. ALLARD: C'est la sixième fois qu'il pose la question!
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai répondu tantôt
à toutes ces questions. Il s'agit d'un comité consultatif, et le
ministre a l'autorité en vertu de la loi de l'éducation d'en
constituer.
Questions et réponses Parlementaires de langue
française
M. LAPORTE: M. le Président, une autre question, au premier
ministre. On a annoncé à Ottawa, hier je pense, qu'une
délégation de la Chambre des communes assistera, les 17 et 18
mai, au Luxembourg, à une réunion qui tend à la
création d'une association de parlements de langue française.
Alors la question que je voudrais poser au premier ministre: Est-ce qu'il est
au courant de cette réunion et est-ce qu'il songe à
déléguer des représentants de l'Assemblée
législative du Québec?
M. JOHNSON: M. le Président, je n'avais pas reçu avis de
la question, mais je crois qu'il faut répondre sans soulever de
débat. Je suis au courant de la tenue de cette réunion des
parlementaires de langue française. Il ya deux ans un
député de l'Assemblée nationale que j'avais
rencontré à Paris avait soumis le projet d'une association des
parlementaires de langue française. J'ai dit à ce
député qu'il serait préférable...
M. LESAGE: Quel est son nom déjà? M. JOHNSON: F.-X.
Deniau. M. LESAGE: Deniau.
M. JOHNSON: J'ai averti ce député qu'il serait
préférable qu'il s'adressât au premier ministre puisque,
étant chef de l'Opposition, je n'étais pas certain que ma
proposition pourrait rallier tout de suite les suffrages et l'adhésion
du gouvernement. Ce député de l'Assemblée nationale qui
occupe une fonction qui occupait dans le temps du moins une
fonction dans le système parlementaire et dans l'un de ses
comités, s'est rendu à Québec. Il a peut-être eu une
entrevue avec le premier ministre, il en a eu une certainement avec le chef de
l'Opposition du temps et ce problème avait été
référé, m'at-il dit, par le premier ministre à
l'Orateur du temps, le député de Westmount. De ma part, j'avais
demandé à deux députés de l'Opposition, soit le
député de Mlssisquoi et le député de Montmorency
député d'alors, M. Gervais de représenter
l'Opposition dans tous pourparlers et c'en est resté là. Je ne
passe pas de jugement, je constate seulement des faits. Quelques mois plus
tard, Ottawa, par son président du temps, l'honorable McNaughton,
au-
jourd'hui sénateur, prenait l'initiative d'un comité de
parlementaires franco-canadiens et, récemment, nous avons appris que ce
comité ou un comité parallèle ou un comité qui lui
a succédé a préparé une réunion pour tous
les parlementaires parlant français, et ça doit se tenir au
Luxembourg les 17 et 18 mai. Pendant que le sous-ministre des affaires
intergouvernementales était en Europe, je lui ai fait parvenir un
message lui demandant d'avertir ceux qui ont convoqué cette
réunion que le Québec n'accepterait pas que les parlementaires du
monde français soient représentés par des
délégués d'Ottawa, Il n'y aura donc personne à
cette première réunion. J'espère que là où
il faut comprendre on comprendra.
M. LAPORTE: Mais, M. le Président, même si nous n'acceptons
pas, ou si le premier ministre n'accepte pas, que les parlementaires
français soient représentés par des députés
fédéraux, est-ce que le gouvernement ne devrait pas prendre
l'initiative par son sous-ministre des relations intergouvernementales
d'insister pour que le parlement du Québec soit représenté
s'il est un parlement français, c'est bien le nôtre
et qu'une délégation du Québec soit
accréditée à cette assemblée?
M. JOHNSON: Le parlement du Québec, tant que nous y aurons une
responsabilité, ne sera jamais dans aucune association de parlementaires
qui n'est pas, évidemment, de la nature d'une entente formelle, d'un
traité ou d'un accord. Le parlement de Québec, tant que j'aurai
un mot à dire dans la conduite de ses affaires, ne sera pas dans la
deuxième rangée pour jouer le rôle de mineur ou le
rôle de personnes qui sont en tutelle ou en curatelle. S'il y a un
domaine où je n'accepte pas la tutelle ou la curatelle d'Ottawa, c'est
bien celui d'une association des parlementaires de langue française, des
parlementaires qui réunissent sans engager leur gouvernement, quel qu'il
soit. J'ai protesté dans le temps contre la façon dont on s'est
conduit à l'égard du parlement de Québec et des
parlementaires du Québec et je laisse à ceux qui sont
responsables de cette situation le soin d'en porter le poids devant l'opinion
publique et de corriger leurs dires, s'il y a lieu.
M. KIERANS: M. le Président... M. LESAGE: Le poids de quoi?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Levez-vous et posez une question.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député...
M. LESAGE: Le poids de quoi?
M. JOHNSON: Le poids de leurs actes.
M. LESAGE: Je comprends, mais M.lePrésident, puis-je vous
demander vous n'êtes pas obligé de me répondre, c'est
évident ou puis-je demander au premier ministre, par votre
entremise, si le président de la Chambre a été
avisé de cette réunion?
M. JOHNSON: M. le Président, puisqu'on veut avoir les points sur
les i, si l'orateur du temps, député de Westmount, s'en
était occupé, ce qui arrive aujourd'hui n'arriverait pas.
M. LAPORTE: M. le Président...
M. LESAGE: M. le Président, je savais que cette accusation
était sous- jacente à tout ce qu'avait déclaré le
premier ministre antérieurement.
UNE VOIX: Vous l'avez provoquée. M. LESAGE: Bien oui, c'est
évident...
M. LAPORTE: Ce n'est pas parce que c'est provoqué que c'est plus
vrai.
M. LOUBIER: Ah! mon Dieu Seigneur! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Lorsque j'ai vu M. Deniau à plusieurs reprises, ici,
à Québec ou à Paris, il m'a fait part de son projet. J'ai
montré envers ce projet un très grand intérêt. Je
lui ai fait remarquer que, suivant notre coutume, les associations de
parlementaires étaient des institutions auxquelles participaient les
parlementaires comme tels et non membres d'un gouvernement: qu'il n'appartenait
pas au gouvernement de déterminer la participation: que le gouvernement
ce que je faisais mais que, pour ce qui était des
détails et de l'organisation des détails de ces rencontres, les
pourparlers devaient avoir lieu avec le président et le greffier de la
Chambre.
C'est la coutume établie. C'est d'ailleurs, d'après des
conversations que j'ai eues avec les plus hautes autorités en France
les plus hautes autorités la coutume établie en
France, et il appartiendra à l'ancien président de la
Chambre...
M. JOHNSON: Le député de Westmount.
M. LESAGE: Oui, je comprends, mais celui qui lui a succédé
me fait signe qu'il n'a eu aucune nouvelle de M. Deniau ou des
Français.
M. JOHNSON: C'est Ottawa qui s'en est emparé.
M. LESAGE: Bien oui, je le comprends, mais il n'a eu aucune nouvelle et
pourtant j'avais très bien dit à M. Deniau quelles étaient
les voies qu'il fallait emprunter pour assurer la participation du
Québec à une association des parlementaires de langue
française à travers le monde, association à laquelle, en
tant que chef de gouvernement, je donnais mon appui. Mais, pour ce qui
était des mécanismes de participation, c'était une
responsabilité de la Chambre elle-même, par son président.
Je sais que M. Deniau a eu des rencontres avec le député de
Westmount qui était alors président de la Chambre. Peu de temps
après, le député de Westmount est devenu ministre du
Revenu. C'est le député de Verchères qui lui a
succédé et le député de Verchères n'a jamais
entendu parler de M. Deniau à ce sujet.
Je crois qu'il ne serait pas juste de faire porter au
député de Westmount la responsabilité de la
non-participation du parlement de Québec à l'Association
parlementaire mondiale de langue française non plus qu'au gouvernement
antérieur qui avait donné son approbation de principe.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Duplessis.
Aluminerie géante
M. COITEUX: M. le Président, j'aurais une question à poser
à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Les journaux ce
matin nous rapportent, du moins pour la région, chez nous, une
très bonne nouvelle à l'effet qu'une aluminerie géante
serait installée dans notre région par le groupe Péchiney
de France. Est-ce que l'honorable ministre serait en mesure ce matin,
publiquement, d'infirmer ou de confirmer cette nouvelle?
M. BELLEMARE: Le ministère de l'Industrie et du Commerce est
très sensibilisé à ce projet depuis quelque temps et je
puis assurer cette honorable Chambre que rien...
M. LESAGE: Depuis deux ans.
M. BELLEMARE: ... ne sera négligé pour rendre à bon
terme les pourparlers déjà entrepris avec tous les
intéressés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. LESAGE: Je souhaite que le ministre de l'Industrie et du Commerce
maintienne son intérêt, comme l'a fait son
prédécesseur.
Institut de microbiologie
M. KIERANS: M. le Président, une question pour le ministre de la
Santé. Voyant que l'ancien gouvernement a accordé à
l'Institut de microbiologie et d'hygiène de l'université de
Montréal, par arrêté en conseil, un montant de $4,165,000,
est-ce qu'il peut expliquer comment cet institut dépassé par $4
millions, non pas le montant déterminé par l'arrêté
en conseil, mais aussi les limites imposées par sa charte?
M. CLOUTIER: M. le Président, le député avait une
belle occasion la semaine dernière, lors de l'étude du projet de
loi, de mentionner ce qu'il vient de mentionner...
M. KIERANS: Vous n'avez pas expliqué ou répondu.
M. CLOUTIER: M. le Président, au moment de la discussion de ce
projet de loi, nous avons expliqué dans quelles circonstances, pourquoi
ce projet de loi était apporté et je crois qu'à ce
moment-là, nous avons répondu à la question que vient de
poser le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. KIERANS: Une question supplémentaire. Est-ce que le ministre
de la Santé a pris les mesures pour assurer la population du
Québec qu'une telle éventualité, qu'une telle situation ne
puisse plus arriver?
DES VOIX: A l'ordre! DES VOIX: Voyons donc! UNE VOIX: C'est un
débat.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé.
M. CLOUTIER: M. le Président, le député peut
être assuré que, dans le domaine de la santé, nous ne
négligerons rien pour que les intérêts
de la population de la province de Québec soient
protégés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourassa.
Dynamitage à Ville Saint-Michel
M. TREMBLAY (Bourassa): C'est une question que je pose à
l'honorable premier ministre, M. le Président, encore au sujet du
dynamitage de ville Saint-Michel. L'hiver dernier, au mois de décembre,
de fortes charges de dynamite qu'on faisait sauter pour la carrière ont
encore recommencé. J'ai une lettre ici, datée du 28 avril, du
conseil de ville de la cité de Montréal-Nord, me demandant
d'intervenir auprès du gouvernement pour faire quelque chose, parce
qu'à ce moment-ci, c'est le même problème que l'an dernier:
le dynamitage. Je peux vous dire que les trois quarts du comté de
Bourassa sont dérangés par ce dynamitage-là. Cela fait
même du dommage.
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais répondre
à l'honorable député que, dès qu'il eut posé
sa question, il y a quelque temps, nous avons pris des dispositions au
ministère du Travail pour essayer de faire diminuer ces sortes de
dynamitage dans la ville de Saint-Michel et j'étais très heureux
d'apprendre par le député, quelque temps après, qu'une
amélioration très sensible s'était produite. Ce matin, il
renouvelle sa question...
M. TREMBLAY (Bourassa): Il faut encore recommencer.
M. BELLEMARE: D'accord. Nous allons reprendre les mêmes
dispositions et j'espère que l'honorable député en tirera
bénéfice.
M. TREMBLAY (Bourassa): Bien, je crois qu'il faudrait prendre les
dispositions pour que ça ne recommence pas tout le temps, car je crois
qu'ils arrêtent de dynamiter avec de fortes charges et ils recommencent
au bout de deux ou trois mois.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Ce ne sont pas des farces, c'est toujours la
même chose.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Saint-Louis.
Le parti nazi
M. BLANK: I have a question for the Minister of Justice. Has the
Minister of Justice, his Department or the Provincial Police taken any steps or
intend to take any steps in investigating the rejuvenation of the Nazi Party in
Quebec and its proposed training school at Oka where it will train youngsters
in the nazi doctrine and ideology?
M. BERTRAND: Le ministre de la Justice n'a aucune autorité sur la
naissance ni sur la mort des partis politiques dans la province de
Québec. Deuxièmement, tant et aussi longtemps que des groupements
quels qu'ils soient et l'on sait qu'il existe, par exemple, des
mouvements communistes tant et aussi longtemps que les gens s'en
tiennent à la liberté d'association et respectent les lois, il
n'appartient pas au ministre de la Justice autant à Ottawa qu'à
Québec, d'intervenir.
M. BLANK: In other words, the Government has no objection to a Nazi
Party being formed, is that it?
M. BERTRAND: No steps...
M. BLANK: No objection to the formation of a Nazi Party in Quebec?
M. BERTRAND: It is a matter of freedom of association, provided any
political organization of any type respects the laws of the country, the
Department of Justice whether in Ottawa, but answering for the
Government of Quebec cannot do anything and must abide himseld to the
law, provided such association or party respects the law.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
M. LACROIX: Une question à l'honorable ministre de
l'Agriculture... Est-ce que...
M. JOHNSON: Je regrette. M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
M. JOHNSON: ... je voudrais tout de suite invoquer, quant à moi,
en tout cas, mon privilège. Le député, qui a posé
une question et qui a reçu une réponse, a fait un commentaire qui
est évidemment de la même nature d'honnête-
té et d'intégrité intellectuelle que les propos du
député de d'Arcy McGee la semaine dernière.
M. LESAGE: M. le Président...
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: ... j'invoque le règlement...
M. JOHNSON: ... le député, j'invoque...
M. LESAGE : J'invoque le règlement. Il est clair que le sourire
narquois du premier ministre n'apparaît pas au journal des Débats.
J'ai invoqué mon privilège, M. le Président...
DES VOIX: Ah!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voyons donc!
M. LOUBIER: Il est rendu qu'il interprète les sourires.
M. LESAGE: ... mais il vient d'attaquer...
UNE VOIX: En plus de cela, le rapport est faux.
M. LESAGE: ... d'une façon qui est absolument inacceptable,
à la fois pour le député de D'Arcy McGee et pour le
député de Saint-Louis, en leur prêtant à tous deux
des motifs inavouables.
Je crois que, lorsque des gens sont brimés dans leurs droits
humains fondamentaux par les interruptions et les interventions de ministres de
la couronne, ils ont le droit de se défendre. C'est leur droit absolu.
C'est ce qu'ils ont fait. Et je ne crois pas qu'aucun député en
cette Chambre ne pourrait permettre que le racisme, cette semaine encore,
montre le nez en cette Chambre.
DES VOIX: A l'ordre!
M. JOHNSON: Il y a racisme et racisme. Il y a minorité et il y a
majorité et je n'endurerai pas qu'un député, qu'il soit de
n'importe quelle race évidemment, ce n'est pas de sa faute
le député de Saint-Louis vient d'affirmer avec le sourire
narquois...
UNE VOIX: Il l'a encore!
M. JOHNSON: ... que le gouvernement n'a pas d'objection à la
formation d'un parti nazi. Cela fait encore de la très bonne
matière à lire dans un journal qui recrute ses clients chez la
popu- lation de langue anglaise, et c'est encore faire du racisme par ces deux
députés-là. La différence, c'est qu'aujourd'hui le
député de Saint-Louis, lui, n'a pas apporté la Pâque
juive, ou la religion, pour faire du racisme.
M. BLANK: Je soulève une question de privilège. J'en ai le
droit.
DES VOIX: A l'ordre!
M. JOHNSON: Est-ce que le député de Saint-Louis voudrait
qu'on passe une loi du cadenas contre les fascistes? Est-ce qu'il voudrait
qu'on passe une loi du cadenas contre les fascistes ou les supposés
fascistes?
M. BLANK: Ce n'est pas ce que j'ai demandé au ministre de la
Justice, sur une question de privilège. Peut-être que le ministre
de la Justice a mal compris ma question d'après la réponse qu'il
m'a donnée. Je ne lui ai pas demandé s'il est pour un parti nazi
ou non: je lui ai demandé s'il faisait des enquêtes. Comment
peut-il savoir si c'est un parti politique ou un parti subversif avant de faire
une enquête?
M. JOHNSON: Il n'a jamais parlé d'enquête.
M. BERTRAND: Je n'ai pas compris du tout, de la question du
député de Saint-Louis, si le ministère de la Justice
faisait enquête. Il a parlé de l'existence, d'après une
nouvelle publiée dans un journal, d'un parti nazi et de l'organisation
d'une école.
M. BLANK: Mais qu'est-ce qu'on va prêcher dans cette
école?
M. BERTRAND: J'ai répondu très clairement, sans
préjugé, sans en soulever aucun, sans passion, que la naissance
ou la mort des partis politiques au Québec comme au Canada n'
était pas un problème qui relevait de ma juridiction.
Deuxièmement, que tant et aussi longtemps que les mouvements politiques
ou autres respectent les lois d'un pays, d'une province, ils ont le droit
d'exister.
M. JOHNSON: Même le parti communiste.
M. BERTRAND: Et si l'on voulait, à ce moment-là, on
pourrait parler de parti communiste. Si l'on veut parler de totalitarisme, si
l'on veut connaître mes opinions personnelles à l'endroit de tel
mouvement, fascisme, nazisme, totalitarisme, quel qu'il soit, pouvoir absolu et
autoritaire, sur ça, nous avons droit à nos opinions
personnelles, mais la question qu'a posée le député
de Saint-Louis, ce n'était pas cela. Mon opinion personnelle est bien
connue là-dessus: je suis un démocrate respectueux des
libertés individuelles, des libertés de la personne humaine, des
libertés des minorités, quelles qu'elles soient.
Si jamais un parti celui-là dont a parlé le
député de Saint-Louis pose des actes qui sont contraires
aux lois et aux droits fondamentaux de la personne humaine au Québec, il
appartiendra à l'Etat de sévir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'invoque une question de
privilège. Le premier ministre a le parfait droit de ne pas être
d'accord avec les propos tenus dans cette Chambre par n'importe quel
député.Il a le parfait droit de différer d'opinion et de
croire que ce que dit un député quelconque n'est pas exact, n'est
pas juste. Mais il n'a pas le droit de qualifier de malhonnêteté
intellectuelle l'intervention...
UNE VOIX: Bien, voyons donc.
M. GOLDBLOOM: ... c'est justement ça que le premier ministre a
dit...
M. JOHNSON: C'est vous même qui vous qualifiez. J'ai dit: de la
même intégrité et de la même
honnêteté.
M.LOUBIER: C'est ça.
M. GOLDBLOOM: Il n'a pas le droit de traiter de
malhonnêteté intellectuelle...
M. LOUBIER: Il ne l'a pas dit, non plus.
M. GOLDBLOOM: ... l'effort de n'importe quel député de
cette Chambre de remplir un aspect essentiel de son rôle, celui
d'être le porte-parole de ceux qui l'ont envoyé ici pour les
représenter.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député des
Iles-de-la-Madeleine.
Plan du BAEQ
M. LACROIX: Une question à l'honorable ministre de l'Agriculture.
Est-ce que l'honorable ministre de l'Agriculture, à la suite de la
réunion de Cabano, tenue le dimanche, 23 avril, peut assurer la
population du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des
Iles-de-la-Madeleine que la réalisation du plan préparé
à la suite des études du Bureau d'aménagement de l'Est du
Québec sera entreprise dans le plus bref délai possible?
DES VOIX: Au feuilleton. A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Je suis sûr que l'honorable député
conviendra que sa question devrait être inscrite au feuilleton. Affaires
du jour.
M. JOHNSON: Bill 89, M. le Président, référé
au comité des bills publics. 88, aux bills privés. Article
60.
Motion du premier ministre
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose qu'à
l'avenir, et jusqu'à nouvel ordre, la Chambre tienne une séance
tous les jours de la semaine. Suis-je dispensé de donner lecture de la
motion? Dispensé. L'honorable premier ministre.
M. JOHNSON: M. le Président, cette motion s'impose, tout le monde
s'en rend compte, en raison d'une part de la saison dans laquelle nous entrons
et, deuxièmement, par suite des obligations ou comme conséquence
des obligations que plusieurs membres de cette Chambre devront assumer en
relation avec les visites nombreuses que nous recevrons pendant l'Exposition
universelle.
Je n'ai pas à faire de démonstration. On sait qu'il y aura
à Québec des dîners d'Etat précédés de
réceptions à l'aérogare ou à la gare des chemins de
fer et d'une visite de la ville et d'une réception à la citadelle
pour plusieurs chefs d'Etat, et le nombre approximatif est d'une quarantaine.
Par ailleurs, nous ne savons pas à quel moment exactement certains de
ces chefs d'Etat nous feront l'honneur d'une visite à Québec et
il peut arriver qu'il y ait des changements même dans l'horaire.Il faut
donc beaucoup plus de souplesse pour les heures de séance de la Chambre.
Nous allons tenter, en coopération avec l'Opposition, d'établir
un calendrier qui per mettra à cette Chambre de s'acquitter quand
même de ses devoirs, c'est-à-dire, d'étudier les
crédits et de passer les lois qui lui seront
présentées.
Nous avons actuellement plusieurs lois prêtes à être
déposées. Il y en aura quelques-unes cette semaine. La semaine
prochaine, nous en arrivera une autre série.
Il y a encore l'étude des crédits de chacun des
ministères. En somme, nous avons beaucoup d'ouvrage à accomplir,
ouvrage qui doit être expédié au sens littéral du
mot et non pas au sens de disposé avec
célérité ouvrage qui doit être
exécuté, si l'on veut, le mieux possible. Il faudra donc que nous
nous gardions un peu de souplesse. Voilà pourquoi nous avons dû
juger à propos de présenter cette motion qui prévoit que
la Chambre siégera de onze heures du matin jusqu'à ce qu'elle
décide de s'ajourner, tous les jours de la semaine, sauf les samedi et
dimanche. J'avais d'abord inclus le samedi, mais à la demande de
l'Opposition, j'ai modifié cette motion afin que, pour les quelques
semaines à venir du moins, on soit certain de pouvoir occuper son samedi
à d'autres rendez-vous, et peut-être avec sa famille à
visiter l'Expo qui mérite évidemment une visite et plusieurs
visites même.
M. le Président, telle que libellée cette motion nous
permettra d'ajourner peut-être même à l'après-midi
s'il n'est pas possible pour un jour déterminé de débuter
à onze heures. Je ne sais pas si l'Opposition a des objections, mais je
pense bien que tous les membres de cette Chambre comprennent qu'il nous faut
beaucoup de souplesse et, grâce au travail entre les deux whips, ou entre
le whip du parti de l'Opposition et le coordinateur des travaux de la Chambre
pour le gouvernement, nous atteindrons un degré d'efficacité
presque égal à celui des autres années. Nous pourrons
siéger en somme presque autant d'heures que nous avions l'habitude de le
faire au cours des années précédentes. Elle n'est pas plus
contentieuse que cela, cette motion, mais elle est aussi nécessaire pour
la bonne marche des travaux de cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE: M. le Président, il est clair que l'Opposition, sur
le principe d'une motion pour accélérer le travail de la Chambre,
n'a pas d'objection. Cette motion est apparue au feuilleton le 25 avril et j'ai
eu l'occasion d'en discuter officieusement avec un représentant du
gouvernement. Cette motion, quant à son texte, nous paraît
contenir certaines choses qui vont peut-être trop loin. Le danger pour un
gouvernement quel qu'il soit, c'est de vouloir abuser des forces d'une
Opposition, forces physiques, et l'un des devoirs essentiels d'une Opposition
quelle qu'elle soit c'est de protéger son droit de ne pas se voir
assommer sous le nombre des heures de séances.
M. ALLARD: Commencez par arrêter de lésiner le matin, une
heure et demie.
M. LAPORTE: M. le Président, je me permets de signaler à
cette Chambre à quelle sorte d'interruptions, à quelle sorte de
propos nous sommes soumis...
M. ALLARD: Bien oui.
M. LAPORTE: ... lorsque nous tentons de défendre ce qui est un
droit démocratique essentiel.
M. ALLARD: Ridicule! Ridicule! Cela ne tue pas.
M. LAPORTE: Et je me rappelle que le député qui passe son
temps à interrompre...
M. ALLARD: Mais pas pendant des heures de temps.
M. LAPORTE: ... quand il était ... Non, pas pendant que je parle
apparemment, vous êtes peut-être distrait, vous ne savez pas que je
parle actuellement. Quand il siégeait là, M. le Président
...
M. ALLARD: Non, de l'autre côté.
M. LAPORTE: Très bien, à côté, était
un de ceux qui étaient les plus vigoreux pour défendre ce genre
de droit-là. Apparemment il a oublié son passé, et il est
en train de compromettre son avenir.
M. ALLARD: M. le Président, question de privilège.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat à la Voirie.
M. ALLARD: Je n'ai pas oublié mon passé et je n'ai pas
l'intention de compromettre mon avenir, mais quand j'étais dans
l'Opposition...
M. LESAGE: Ah! bien alors...
M. ALLARD: ... je n'ai jamais abusé autant que le
député qui est là, celui qui est en arrière et le
chef de l'Opposition, pendant des heures entières depuis le début
de la session. Et si aujourd'hui on est obligé de passer une motion,
c'est parce qu'on a perdu trop de temps. Il va falloir, à un moment
donné, agir plus vite.
M. PINARD: Il est devenu amnésique!
M. LAPORTE: Ce qui fait plaisir, M. le Président, c'est de
constater les applaudissements de la majorité de ceux qui
n'étaient
même pas là pour vérifier ça dans le temps.
Le ministre n'aura qu'une chose très simple à faire, M. le
Président, c'est de se reporter au journal des Débats. Il va
retrouver tout ça mot à mot: ses interventions, ses
interruptions, les longueurs. Mon Dieu! qu'il trouvait ça sympathique
à l'époque.
M. ALLARD: M. Bellemare ne les a pas oubliés, et puis je
n'étais pas parmi les premiers.
M. LAPORTE: Vous ne l'êtes pas non plus aujourd'hui, parmi les
premiers. M. le Président, je dis que cette motion est
nécessaire. J'aurais simplement quelques remarques à faire pour
dire que jusqu'ici le menu législatif que l'on nous promet pour les
semaines à venir n'a pas été très substantiel, que
le gouvernement qui, les années passées, nous reprochait sur tout
les tons alors que le feuilleton était rempli de projets de loi
du gouvernement de ne pas être prêts, donne à la
province de Québec depuis le début de cette session l'exemple le
plus total, le plus complet d'impréparation que l'on puisse imaginer.
Nous sommes très disposés à compenser les séances
que nous devrons forcément manquer à cause des réceptions
dues à l'Expo par des séances le matin, des séances le
vendredi après-midi. Jusqu'à nouvel ordre, nous nous sommes
entendus pour ne pas siéger le lundi afin que les députés
des deux côtés de la Chambre puissent continuer, dans tout la
mesure du possible et tant que cela sera possible, à vaquer à
leurs occupations normales dans leur comté ou à leurs affaires
personnelles le lundi. Nous savons fort bien que, d'ici quelque temps, nous
devrons également siéger le lundi. Le seul changement que je
suggérerais au gouvernement, c'est que sa motion pour nous faire
siéger du lundi au samedi soit amendée pour que les
séances prennent nécessairement fin à dix heures du soir.
Nous pourrions siéger de onze heures du matin jusqu'à dix heures
du soir pour éviter la tentation toujours présente de nous faire
siéger, par mauvaise humeur, en imaginant que ça va avancer les
travaux de la Chambre. Disons que l'expérience... Le
député de Saint-Jean, qu'est-ce qu'il a à dire? On entend
sa voix qui domine toujours et puis il n'y a jamais moyen de savoir ce qu'il a
à nous dire.
M. PROULX: C'est la première fois que j'ai adressé la
parole ce matin. C'est une première remarque et j'ai dit que vous faites
des insinuations. C'est la première fois que j'ai parlé ce
matin.
M. LAPORTE: Bien si le député s'imagine que c'est sa
première remarque, il ne s'est pas entendu lui-même. Je l'ai
entendu un peu plus tôt parler du chef de l'Opposition en des termes
désagréables.
M. PINARD: Il ne se relit pas dans les Débats.
M. LAPORTE: Ah! oui, tout à coup il s'en rappelle, M. le
Président.
M. SIMARD: Cela bourdonne dans les oreilles.
M. LAPORTE: M. le Président, je dis que l'expérience a
établi que les séances qui n'en finissent plus surtout si
nous commençons à siéger à onze heures le matin
les séances qui n'en finissent plus le soir ne produisent pas
beaucoup de travail constructif et engendrent généralement des
débats qui ne sont pas toujours à l'honneur de cette
assemblée. Alors, si le Premier ministre voulait, nous accepterions la
motion in toto avec, comme seul amendement, « jusqu'à dix heures
du soir » au lieu de « jusqu'à ce qu'elle décide de
s'ajourner », ce qui éviterait peut-être entre autres choses
la tentation toujours présente, sur une motion d'ajournement, de
discuter de n'importe quel sujet que l'Opposition voudrait étudier
à ce moment-là.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président, la motion qui est
présentée ce matin est une motion tout à fait
extraordinaire et spéciale tout le monde le comprend en cette
Chambre à cause de l'année que nous traversons et surtout
des impératifs que nous avons de répondre à toutes sortes
d'invitations et, en même temps, de progresser en Chambre.
Nous voulons un travail sessionnel plus fructueux et nous sommes
d'accord pour que, de part et d'autre, on puisse siéger plus
fréquemment et avancer les travaux sans déranger les
réceptions et les diverses organisations auxquelles nous serons
appelés à répondre. Et pour ça, M. le
Président, nous avons, comme le disait l'honorable premier ministre tout
à l'heure, une législation assez importante encore à
passer: il y a tous les crédits, il y a le débat sur le budget
qui n'est pas fini. Il y aura peut-être des motions en discussion qui
viendront. Qu'il me suffise de vous rappeler que, dès l'ouverture de la
session en 1965 comme en 1966, le gouvernement qui nous a
précédés, mettait dans les
procès-verbaux de l'Assemblée législative et
faisait adopter une motion tout à fait spéciale. Et je voudrais
vous la lire. La session a commencé le 21 janvier: tout de suite, le 3
février 1965, on introduisait la motion pour siéger le lundi,
pour siéger le mardi, pour siéger mercredi, pour siéger
jeudi...
M.LAPORTE: On n'a pas d'objection.
M. BELLEMARE: ... pour siéger vendredi...
M. PROULX: Vous interrompez: taisez-vous donc!
M. BELLEMARE: ... à toutes sortes d'heures. M. le
Président, je n'ai pas besoin de vous dire que nous avons voté la
motion et, dès le début de la session 1964, dès le
début de la session 1965 et dès le début de la session
1966. Nous n'avions pas ces raisons majeures qui nous forcent aujourd'hui
à demander aux honorables députés de l'Opposition de
collaborer avec nous. Ce n'est pas une épée de Damoclès,
au contraire, on dirait qu'on a peur qu'on exerce contre eux une certaine
discrimination...
M. LAPORTE: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. BELLEMARE: ... vous n'avez pas besoin de nous rappeler ce que nous
avons souffert dans l'Opposition.,,
M. LAPORTE: Il n'y était pas.
M. BELLEMARE: ... quand nous avons siégé jusqu'à
cinq heures du matin pour subir la mauvaise humeur du premier ministre du
temps.
DES VOIX: Ah!
M. BELLEMARE: Et puis un autre soir, encore là, le couteau sur la
gorge, jusqu'à deux heures et demie afin d'adopter certains
crédits. « Vous allez les adopter, disait-il, oui, vous allez les
adopter. » Et puis, je m'en souviens, j'étais ici dans la Chambre.
On ne veut pas... M. le Président, c'est dans la bonne humeur, dans la
bonne entente, dans le respect des droits de chacun que nous voulons
procéder...
M. LESAGE: Le ministre admettra que c'était au temps où je
me rodais comme premier ministre, c'était au début ça.
M. BELLEMARE: Ah! M. le Président, ç'a pris du temps au
Premier ministre...
M. LESAGE: Non, non, c'était au début ça.
M. BELLEMARE: ... ça lui prend du temps aussi à se roder
dans l'Opposition.
M. LESAGE: Non, je suis pas mal recyclé, mais pas pour
longtemps.
M. BELLEMARE: Mais ça, vous faites des rêves comme
toujours, vous allez finir par le réaliser... Moi, j'avais dit: «
J'irai au pouvoir », mais, lui, n'avait jamais...
M. LESAGE: Pas longtemps.
M. BELLEMARE: ... dit qu'il irait dans l'Opposition.
M. LESAGE: Pas longtemps.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis donc que la motion devrait
être adoptée telle qu'elle est là...
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: ... et je ferais une suggestion aux honorables membres de
l'Opposition s'ils étaient disposés à accepter cette
suggestion: d'ailleurs, j'en ai parlé un peu avec le leader de
l'Opposition: que le mardi, par exemple, ça soit une journée
exclusivement consacrée aux crédits. Le matin à onze
heures, sans motion, qu'on puisse entreprendre l'étude des
crédits avec trois comités qui siégeraient en même
temps: ça pourrait nous rendre immensément service à tous
pour adopter les crédits. Si on commençait de onze heures
à une heure, de deux heures et demie à six heures et de sept
heures et demie à dix heures, on aurait fait une journée de huit
heures et demie de travail.
M. LESAGE: Oui, mais...
M. BELLEMARE: Et là, M. le Président, je pense que
ça rendrait énormément service à toute la
députation pour accélérer les travaux de la Chambre, parce
qu'il faut absolument que l'on se rende compte que cette année, c'est
une année extraordinaire: c'est pourquoi la motion devrait être
maintenue telle qu'elle est.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, il faut bien comprendre que
l'Opposition pourrait difficilement renoncer à son droit absolu de
soulever
des griefs lorsque le ministre des Finances propose que la Chambre se
forme en comité des subsides. L'Opposition ne pourrait pas non plus
abandonner le privilège qui appartient à tous les
députés de proposer une motion de non-confiance. Maintenant,
quant à dire que ce serait le mardi que la Chambre étudierait les
crédits... Il faudrait certaines ententes parce qu'il est certain que
des ministères comme l'Exécutif, les Affaires
intergouvemementales, exigent la présence du premier ministre. Il y a
aussi l'étude d'autres crédits. Je crois qu'il est raisonnable
que le leader du gouvernement en Chambre, va l'admettre... Il est raisonnable,
dis-je, que j'y participe. Il y en a trois, ce n'est pas beaucoup. Il y a
certainement moyen de s'entendre sur ça: et sous réserve de
toutes ces choses-là, je ne vois pas pourquoi il aurait objection
à ce que nous fixions l'ajournement à dix heures le soir... et il
le sait, avec l'expérience qu'il a, toutes les fois que nous avons
essayé de siéger après dix heures, cela ne nous a pas
avancés, ça retourne à la pagaille...
M. BELLEMARE: Faites-nous confiance.
M. LESAGE: ... les gens sont fatigués. Non, nous en avons
causé personnellement tous les deux je ne veux pas
référer à des conservations personnelles mais
ensemble, nous avons admis à plusieurs reprises, le premier ministre
également, que ce n'est pas à ce moment-là que la Chambre
abattait du travail, pour me servir d'une expression courante. D'ailleurs,
à la suite de l'expérience acquise de ce
côté-là, l'année dernière, le 3
février 1965...
M. BELLEMARE: Oui, c'est ça.
M. LESAGE: ... il avait bien été fixé que
l'ajournement aurait lieu à dix heures du soir.
M. BELLEMARE: Comme le 3 août 1965 aussi, où vous nous
faisiez disposer le samedi.
M. LESAGE: Dix heures du soir, c'est raisonnable.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça l'affaire. Si le chef de
l'Opposition me permet, juste une chose.
M. LESAGE: Oui, très bien.
M. BELLEMARE: C'est que nous sommes à terminer une discussion sur
un ministère, il reste peut-être une demi-heure de travail dans un
lieu...
M. LESAGE: Quel ministère?
M. BELLEMARE: Supposons qu'on est à un moment donné en
discussion pour un ministère et il reste une demi-heure de bon travail
à faire. On dit: On a un règlement qui nous impose dix
heures...
M. LESAGE: Non, non.
M. BELLEMARE: Oui, oui. On a une motion qui va nous imposer dix heures.
Alors, il faudra revenir en Chambre puis demander le consentement unanime.
Alors là, comment arriver avec le consentement unanime de la Chambre? Ce
n'est pas du comité, c'est le consentement unanime de la Chambre. Alors,
à ce moment-là, cela nous permettrait dans certains
comités de finir la demi-heure ou de finir le trois quarts d'heure et de
finir complètement ce ministère, c'est simplement pour ça,
il n'y a pas de...
M. LESAGE: M. le Président, si c'est ça, c'est très
simple, que l'on ajoute jusqu'à dix heures et que l'on ajoute à
la motion un paragraphe que les comités de la Chambre peuvent, de
consentement, siéger après dix heures, ce n'est pas
nécessaire de le mettre...
M. JOHNSON: Cela peut survenir même en Chambre.
M. LESAGE: ... parce qu'à l'agriculture, l'autre jour, nous avons
siégé jusqu'à dix heures et quart, dix heures et vingt,
simplement du consentement des membres du comité.
M. BELLEMARE: Il n'en était pas besoin là, dans le
comité de l'agriculture. Là, nous en aurions besoin parce que
c'est le comité de la Chambre. C'est un comité formé en
partie du...
M. LESAGE : Oui, très bien. M. le Président, je n'ai
aucune objection à ce qu'on ajoute un proviso à la motion, disant
que si les membres des comités des crédits y consentent...
M. BELLEMARE: Non, non, qu'on laisse la motion telle qu'elle est.
M. LESAGE: ... ils peuvent siéger après dix heures le
soir, du consentement unanime des membres du comité. Parce que,
même si l'heure de dix heures est mentionnée ici, la Chambre peut
siéger après dix heures, de consentement unanime. La Chambre est
toujours maîtresse de son règlement, lorsqu'il y a
unanimité. Il serait très facile, je crois, d'ajouter le
proviso
pour prévoir le cas que soumet le ministre du Travail.
Il n'y a pas d'objection, il est une heure moins vingt, il n'y a pas
d'objection à ce que nous suspendions, si le Premier ministre et le
ministre du Travail y consentent, à ce que nous suspendions
l'étude de la motion et à ce que d'ici deux heures et
demie...
M. BELLEMARE: Non, non. Nous sommes prêts.
M. LESAGE: ... on ajoute le proviso en question et puis que ce soit
adopté, sans discussion à deux heures trente. A moins,
évidemment, que l'amendement soit prêt,.
M. JOHNSON: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas lieu de
remettre l'étude de cette motion. Nous n'avons pas l'intention en
règle générale de siéger après dix heures,
mais nous voulons être en position de terminer les travaux à dix
heures cinq, dix heures dix, sans être évidemment
empêchés de le faire par le manque de consentement d'une seule
personne en cette Chambre.Il s'agit et on l'a déjà vu dans
le passé de la mauvaise humeur d'une personne chacun son
tempéramment pour que le consentement unanime ne soit pas
accordé et nous serions obligés de continuer le lendemain
l'étude des crédits d'un ministère alors que nous
achevions et on sait ce que ça veut dire. Cela dérange beaucoup
de hauts fonctionnaires qui attendent des heures, des journées
entières parfois à la porte de l'Assemblée
législative, paralysant ainsi l'administration de la province. Je crois,
M. le Président, que la motion telle que présentée servira
nos fins. Si le gouvernement exagérait, ce serait toujours le
privilège de l'Opposition...
M. LESAGE: Cela va être beau.
M. JOHNSON: ... de crier, de protester, de faire des
déclarations...
M. LESAGE: M. le Président, vous avez bien noté
l'invitation à la protestation.
M. JOHNSON: Ah oui...
M. LAPORTE: Ce n'est même pas une provocation, c'est une
invitation.
M. JOHNSON: C'est une invitation à exercer vos droits envers tout
gouvernement qui abuserait de sa majorité, et je pense bien...
M. LESAGE: Mettez onze heures.
M. JOHNSON: ... que nous n'avons pas d'objection...
M. LAPORTE: Mettez onze heures.
M. JOHNSON: ... quant à nous, à la résolution telle
qu'elle et je propose qu'elle soit adoptée.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LESAGE: Sur division. M. JOHNSON: Vote.
M. LESAGE: Ah! Il est une heure moins le quart.
M. JOHNSON: Vote.
M. LESAGE: Il me semble qu'on a perdu assez de temps.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
A l'ordre! La Chambre est appelée à se prononcer sur la
motion suivante. Suis-je dispensé d'en donner lecture?
Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM, Johnson, Bertrand, Lebel, Johnston, Vincent,
Dozois, Bellemare, Gosselin, Gabias, Masse, Allard, Russell, Lafontaine,
Loubier, Maltais (Limoilou), Cloutier, Boivin, Mathieu, Boudreau, Charbonneau,
Bernatchez, Sauvageau, Lavoie (Wolfe), Flamand, Lussier, Fréchette,
Gauthier (Berthier), Léveillé, D'Anjou, Grenier, Bergeron,
Martel, Leduc (Laviolette), Demers, Tremblay (Montmorency), Bousquet, Simard,
Proulx, Croisetière, Plamondon, Théoret, Roy, Shooner, Hamel,
Picard (Dorchester), Lesage, Pinard, Laporte, Courcy, Kierans, Lacroix, Blank,
Wagner, LeChasseur, Coiteux, Baillargeon, Bourassa, Choquette, Fraser,
Goldbloom, Leduc (Taillon), Michaud, Picard, Tremblay (Bourassa).
M. LE GREFFIER: Pour: 64 Contre: 0 Yeas: 64 Nays : 0
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est
adoptée.
M. LESAGE: J'ai une explication de vote très brève
à donner. Nous avons voté pour la motion du premier ministre afin
de démontrer notre volonté bien arrêtée.,.
M. BERTRAND:Il n'y a jamais d'explication au vote.
M. LESAGE: ... de procéder avec célérité aux
travaux de la Chambre.
M. BERTRAND: C'est contre les règlements. M. JOHNSON:
D'accord.
M. LESAGE: Nous nous réservons le droit que nous a reconnu...
D'ailleurs, tout à l'heure le premier ministre...
M. JOHNSON: Quel est cet article, donc?
M. LESAGE: ... de protester et de revenir sur la question si le
gouvernement abuse de sa majorité pour nous faire siéger, sauf
exception, après dix heures le soir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La Chambre ajourne ses travaux à deux
heures trente, cet après-midi.
Reprise de la séance à 2 h 46 p. m. M. JOHNSON: Article
70, bill 50.
Bill no 50
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Deuxième lecture du bill 50: «
Loi pour assurer le maintien de la sécurité publique pendant
l'Expo 1967 ». L'honorable ministre de l'Education.
M. BERTRAND: M. le Président, nous nous sommes entendus le
chef de l'Opposition et moi-même pour procéder à
l'étude de ce bill immédiatement en comité, me
réservant, comme lui, le droit de faire mes commentaires et mes
remarques à l'occasion de chacun des articles du bill.
M. LESAGE: Je crois que cela sera plus facile.
M. BERTRAND: Cela sera plus court. Et je propose donc la deuxième
lecture de ce bill.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture du bill 50
est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
M. LE GREFFIER-ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
Comité plénier
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je
quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité
plénier pour l'étude du bill 50.
Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEBEL (Président du comité plénier):
M. BERTRAND: M. le Président, l'article 1. Je voudrais tout
simplement, comme je viens de le déclarer, me réserver le droit
de faire quelques remarques relativement à l'article 1. Le chef de
l'Opposition ne semble pas me comprendre.Il y a peut-être trop de monde
qui parle autour de lui. Voici. D'abord, je tiens à remercier tous les
policiers, tous les corps de police qui depuis au delà de six mois
et en particulier la Gendarmerie royale, la Sûreté
municipale de Montréal, le Service de sécurité de l'Expo
et la Sûreté provinciale, de même que tous les autres corps
de police de la région, qui sont environ 72 ont travaillé
en étroite coopération, comme j'ai déjà eu
l'occasion d'en faire
part à la Chambre. Je les remercie du travail qu'ils ont
accompli. Et ce travail s'est effectué à la suite de plusieurs
réunions.
Dès mon entrée au ministère, en juillet, dès
les premiers jours du mois de juillet, j'ai eu l'occasion de rencontrer le
directeur de la Sûreté provinciale, qui m'a fait part des
problèmes que posait, en particulier dans le domaine de la circulation,
l'Expo 1967, cet événement extraordinaire qui fait du Canada, du
Québec et de Montréal, la capitale des nations à l'heure
actuelle.
Cette coopération, ce bénévolat, ce bon esprit qui
a animé tout le monde, est-il suffisant? J'ai eu l'occasion, en Chambre,
à deux reprises, le 12 et le 13 avril derniers, de faire deux
déclarations me basant alors sur un rapport du chef de la
Sûreté provinciale du Québec, M. Robert, Le 13 en
particulier, dans la déclaration que l'on retrouvera au journal des
Débats, à la page 2139, on notera qu'en réponse à
une question du chef de l'Opposition, à la suite de laquelle j'ai fait
une déclaration ministérielle,le chef de l'Opposition ayant
noté que, dans la déclaration ministérielle basée
sur le rapport du directeur de la Sûreté provinciale, il
était indiqué qu'à moins d'événements
extraordinaires et imprévisibles, l'esprit de coopération, qui
avait animé tous les groupes dont j'ai parlé tantôt,
pourrait suffire pour le maintien du bon ordre et de la sécurité
à l'occasion de l'Expo. Or, le chef de l'Opposition, ayant lu comme moi
des déclarations, tant du chef de la Sûreté provinciale que
du chef de la Sûreté municipale de Montréal, M. Gilbert,
déclarations faites devant la commission Prévost, alors que le
commissaire Prévost leur demandait s'il n'y aurait pas lieu d'adopter
une loi d'urgence ou une règle en vue de coordonner tout ce travail de
coopération.».
Je ne veux pas reprendre ici les nombreux témoignages que l'on
peut lire dans les dépositions. Alors, j'ai déclaré ceci
textuellement, à la page 2139: « Je prends bonne note de la
suggestion qui a été faite déjà devant la
commission Prévost. »
J'ajoute ce qui n'est pas dans le texte du journal des
Débats je reprends le chef de l'Opposition et je n'aurai aucune
objection au contraire à soumettre un tel projet de loi. Je prends la
parole du chef de l'Opposition que ce projet de loi pourrait être
adopté très rapidement, et son attitude d'aujourd'hui le
démontre. Quelques instants après, le Premier ministre est revenu
à la charge et on trouve à la page 2143 du journal des
Débats de cette même séance de jeudi le 13 avril, que le
Premier ministre a pris note des suggestions et de l'offre de con- cours de
l'Opposition en regard d'une loi semblable et que cette offre et ces
suggestions étaient bienvenues, que nous étions pour les
étudier très rapidement.
Tout cela, M. le Président, pour donner l'information sur
l'origine de cette loi et la situer dans le contexte des discussions que nous
avons eues en Chambre et des réponses que j'ai fournies tant au
député de Verdun qu'au chef de l'Opposition. Or, depuis cette
date, j'ai reçu d'abord de M. Maxime Lavigne, directeur du service de
police de Hull et qui est le président de l'Association des chefs de
police et de pompiers de la province de Québec, le
télégramme suivant, en date du 26 avril: « A titre de
président de l'Association des chefs de police et de pompiers de la
province de Québec, je crois qu'il serait opportun, si le gouvernement
le juge à propos, d'adopter pour la durée de l'Exposition
universelle une loi de coalition créant un commandement unifié
afin de coordonner les efforts de tous les services policiers pour combattre
notre ennemi commun, le criminel, et pour assurer le maximum de protection
à la population et aux visiteurs. »
Deuxièmement, au moment où nous préparions ce
projet de loi, j'ai demandé à mon sous-ministre, Me Julien
Chouinard, qui a eu l'occasion de rencontrer le directeur de la
Sûreté municipale de Montréal, M. Gilbert, de même,
bien entendu, que le directeur de la Sûreté provinciale, de leur
exposer notre point de vue et les grandes lignes d'un projet de loi qui serait
soumis au Parlement sur le principe lui-même de la loi et surtout sur le
commandement unique qui résulterait d'une telle loi.
Tout cela, je crois, résume en quelques mots la situation
actuelle.Il s'agit bien entendu, même si la coopération est
excellente, de parer à toutes les éventualités en vue
d'assurer le maximum de sécurité publique à l'occasion de
l'Expo.
A l'heure actuelle, il y a par exemple, centralisé rue McGill au
bureau, ou aux locaux de la Sûreté provinciale, tout l'appareil
qui contrôle la circulation dans la périphérie de
Montréal. Et, dernièrement, le conseil de la trésorerie
adoptait une mesure, un CT comme le chef de l'Opposition les appelle.
M. LESAGE: Je ne suis pas le seul.
M. BERTRAND: ... permettant l'utilisation des avions de manière
à bien contrôler les endroits où, à certains moment
de la journée, aux heures de pointe en particulier*, la circulation peut
être plus dense, de manière à fournir des renseignements de
première main.
M. LESAGE: Mais les avions ne valent rien pour les embouteillages dans
le métro.
M. BERTRAND: Non, mais au moins pour informer ceux-là qui au
bureau de la Sûreté provinciale sont chargés de communiquer
avec les chefs de police des localités où pareils embouteillages
se produisent, de manière à ce que l'on puisse assurer une
circulation plus rapide, accélérer la circulation et trouver tous
les moyens imaginables pour corriger la situation.
Donc, coopération excellente, mais il faut, je le crois, cette
loi spéciale, extraordinaire, qui par l'article 1, sur la recommandation
du lieutenant-gouverneur en conseil, peut, si le maintien de la
sécurité publique le requiert, ordonner que le directeur
général de la Sûreté provinciale du Québec
ou, s'il est absent ou incapable d'agir suivant la loi de la
sûreté, le directeur général adjoint assume pour une
période n'exécédant pas le 28 octobre 1967 et
j'aurai un léger amendement pour ajouter: « jusqu'au premier
novembre 1967 », quelques jours après l'Expo.
Le commandement et la direction de tous les corps de police qu'il
mentionne et de leurs membres dans toute partie de la province et au cas
il faut prévoir le cas ou le directeur général et
son adjoint sont absents ou incapables d'agir, le lieutenant-gouverneur en
conseil pourra désigner toute autre personne pour assumer ces fonctions.
Sur le principe, l'on retrouve, M. le Président, dans la loi de la
police, en Ontario, un principe semblable, et ils ont également ce que
l'on appelle une autre loi intitulée: « An Act to amend the
emergency measures Act » où nous retrouvons des pouvoirs à
peu près semblables qui peuvent être exercés, soit dans le
cas de « An Act to amend the mergency measures Act » par un
directeur et il y a au ministère de la Justice ce que l'on appelle un
service qui s'occupe de prendre, lorsque les mesures de sécurité
ou d'urgence s'imposent, des décisions dans le sens qu'indique la
loi.
Alors, sur le premier article, le principe a été admis je
crois, étant donné que cette mesure est une mesure
spéciale, extraordinaire, pour parer à des
événements extraordinaires et imprévisibles en vue de la
sécurité publique. Je termine là pour le moment mes
remarques sur l'article 1.
M. WAGNER: M. le Président, nous avons devant nous un projet de
loi destiné selon son titre même, destiné à assurer
le maintien de sécurité publique pendant l'Expo 67. Je dois dire
immédiatement au nom de l'Opposition que c'est avec beaucoup de
satisfaction que nous aeceuillons enfin ce projet de loi. Il n'arrive
certainement pas trop tôt et j'espère qu'il n'arrive pas trop
tard. Il était urgent, que le gouvernement prenne des dispositions pour
que dans le domaine policier les forces soient coordonnées. Et,
d'ailleurs, je pense bien qu'il serait inutile à ce moment-ci de
rappeler l'acheminement assez douloureux vers ce bill, douloureux parce que
entouré de déclarations contradictoires il y a un certain temps.
Le ministre de la Justice vient de rappeler ces déclarations et j'ai
pris bonne note qu'aujourd'hui il nous dit et je cite: « Il faut cette
loi spéciale extraordinaire ».
Cependant, il n'y a pas si longtemps, le 12 avril, en réponse
à une question qui lui était posée, à la page 2106
des Débats de l'Assemblée législative, le ministre de la
Justice répondait: «Il n'y a pas lieu d'adopter une loi concernant
l'intégration des forces policières. » Il est
évident que la suggestion qui lui fut faite de façon pressante
par le chef de l'Opposition, suggestion qu'on peut relire en détail
à la page 2138, a amené le ministre de la Justice à
reviser sa position et a amené le premier ministre à
déclarer, lui, de son côté qu'il s'agissait là d'une
suggestion objective, pleine de bon sens, et que le gouvernement entendait
suivre la ligne de conduite qui lui était suggérée.
Je rappelle tout simplement ce passage des Débats de
l'Assemblée législative, alors que le chef de l'Opposition disait
ceci: « Dans le domaine du maintien de la paix publique, les
événements imprévisibles peuvent être assez
fréquents. Je pense que le ministre de la Justice et le premier ministre
ont assez d'expérience légale pour savoir que ce que je viens de
dire est exact. Dans les circonstances, est-ce que le ministre de la Justice ne
se sentirait pas plus à l'aise en ce qui touche la protection des
visiteurs, la protection non seulement contre les blessures corporelles, mais
la protection contre les vols, ne se sentirait-il pas plus à l'aise, en
autant que la réputation de paix au Québec est concernée,
si une législation était présentée prévoyant
la nomination d'un responsable de la coordination? « Quant à nous,
nous serions disposés à ce que le gouvernement qui
présenterait une telle loi, se faisant autoriser par les
législateurs à nommer un coordinateur, à ce que le
gouvernement demande à la Chambre de ne se servir de cette loi que s'il
le croit nécessaire, c'est-à-dire, par arrêté
ministériel. Est-ce que le ministre de la Justice ne se sentirait pas
plus à l'aise? »
Nous constatons aujourd'hui que le ministre de la Justice doit se sentir
beaucoup plus à
l'aise et c'est dans cet esprit que nous voulons discuter du projet qui
porte le numéro 50: Loi pour assurer le maintien de la
sécurité publique pendant l'Expo 67. Il est évident,
dès le départ, que l'Opposition est en faveur d'une coordination
des forces policières. C'est là un principe qui ne fait aucun
doute. Depuis l'ouverture de l'Expo, il semble bien que toute la population du
Québec soit en liesse, parce qu'on assiste à une véritable
réussite, une réussite qui est due au travail gigantesque
effectué par ceux qui, à divers niveaux du gouvernement, ont eu
depuis quelques années la responsabilité de l'administration
publique. Mais il fallait que le gouvernement pour rassurer la population
signifie également dans le domaine de la coordination des forces
policières, son intention de nommer un responsable qui serait la
personne autorisée à prendre les décisions finales au cas
où des événements imprévus surgiraient.
Nous connaissons le travail effectué par la corporation de
l'Expo, notamment par M. Poudrette. Nous savons qu'il existe actuellement sur
les îles 1500 policiers qui voient à la protection de la
population, mais il n'y a pas que le problème de la circulation. Et il
faudrait faire bien attention d'isoler ce problème de la circulation
d'autres problèmes beaucoup plus graves. Entre autres, les
autorités policières sont d'avis que la venue de l'Expo pourra
peut-être faciliter les activités d'une certaine classe
internationale qui profite toujours de ces événements: c'est
pourquoi il est urgent que le gouvernement actuel prenne les dispositions
requises pour parer à cette éventualité.
Or, je pense que le ministre de la Justice serait bien justifié
de recommander aux forces policières provinciales de continuer la lutte
dans ce domaine particulier et de montrer autant d'acharnement disons, par
exemple, dans le domaine du jeu, qu'ils en montrent, selon que nous l'apprenait
Dimanche-Matin un hebdomadaire, lorsqu'ils partent à la chasse des
danseuses « topless ».
M. BELLEMARE: A l'ordre!
M. WAGNER: Il me semble, M. le Président..
M. BELLEMARE: L'honorable député...
M. LESAGE: M. le Président, c'est le scandale des faibles.
M. BELLEMARE: Non, non. M. le Président, l'honorable
député devrait... Surtout, on est passé en comité
plénier pour hâter les travaux de la Chambre...
M. LESAGE: Bien oui.
M. BELLEMARE: ... le député fait une rétrospective
sur toutes sortes d'autres sujets que celui qui est dans le bill. Il s'en va
dans ses goûts. Ce n'est pas de notre faute, ça. Mais, chose
certaine, on devrait s'en tenir plutôt strictement au bill...
M. LESAGE: Non, non, non, c'est dans les faiblesses du
député de Champlain...
M. BELLEMARE: ... autrement, on sera obligé d'appliquer le
règlement qui veut que ce soit étudié article par article
en comité. Là, il fait une discussion générale.
M. WAGNER: M. le Président, je voulais entendre la voix du
député de Champlain et je savais qu'en abordant un sujet
semblable, je le verrais se lever immédiatement. Mais je continue et je
souligne au ministre de la Justice que, s'il est important de coordonner la
lutte dans tous les domaines, il faudrait que nous sachions, à ce stade
du comité plénier, quelles consultations ont eu lieu entre les
autorités de la Sûreté de Montréal, de la
sûreté provinciale, de l'Association des chefs de police et de
l'Association des policiers provinciaux. Au sujet de ce projet de loi, est-ce
que le ministre a eu le temps d'exposer dans son entier le projet aux
différentes parties intéressées? Est-ce que, par exemple,
le ministre a pu discuter avec le chef de la sûreté de
Montréal au sujet du commandement unique que pourra exercer le chef de
la Sûreté provinciale sur les forces policières
municipales? Est-ce que, par exemple, le ministre de la Justice a pu
s'enquérir auprès des autorités montréalaises,
notamment du président du comité exécutif, s'ils sont
d'accord pour que ce commandement unique, commandement qui est souhaitable,
soit exercé sur une force policière de 4,000 membres par le chef
d'une sûreté qui comprend 2,300 membres et qui doit s'occuper de
tout le domaine provincial.
Est-ce que,par exemple, le ministre de la Justice a pu consulter les
représentants des différentes municipalités pour savoir
jusqu'à quel point les municipalités seront prêtes à
se rendre au désir du coordonnateur, à augmenter leur budget en
conséquence, à augmenter leurs effectifs s'il y a lieu, afin que
l'on sache véritablement si nommer un coordinateur pourra devenir une
mesure efficace? Je pense que ce sont là des détails que le
ministre de la Justice pourrait nous donner lors de "la discussion du premier
paragraphe. Quels seront, par exemple, les pouvoirs du commandant unique sur
les diffé-
rentes municipalités? Quel sera, par exemple, le sort fait aux
policiers des municipalités qui auront à faire du temps
supplémentaire à l'Expo? Est-ce qu'ils seront payés
à même les budgets municipaux de ces 70 municipalités ou si
la province verra elle-même à compenser ce qui manque au budget de
ces différentes municipalités?
M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça du tout.
M. WAGNER: Dans ces différentes municipalités ou dans ces
forces policières, est-ce qu'il existe un malaise semblable à
celui auquel référait le ministre de la Justice au sujet de la
police provinciale? Est-ce qu'on a pris des dispositions...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas dans le bill ça, ce n'est pas...
M. WAGNER: ... pour le temps supplémentaire?
M. LESAGE: Mais non tout de même, c'est après...
M. BELLEMARE: ... M. le Président, je soulève un point de
règlement. L'honorable député de Verdun fait indirectement
ce qu'il n'a pas le droit de faire directement.
M. LESAGE: Il le fait directement.
M« BELLEMARE: Je voudrais être très aimable pour la
Chambre, mais il passe son temps à faire tout un lot d'insinuations qui
ne font pas partie du débat, pas du tout. C'est du rechauffe. Le
député de Verdun n'a pas le droit de faire ça, il le sait,
lui.Il fait ça, là, avec sa « swing ». Ce n'est pas
normal: le règlement ne veut pas ça.Il y aura un moment pour
l'entendre sur d'autres sujets, mais ce n'est pas ça, pas du tout.
Là il est parti de la police provinciale, là il est même...
Ce n'est pas ça, pas du tout, c'est clair. Il s'agit d'unification,
point final. Quand il y a urgence, ce n'est pas quand... La police provinciale,
ce n'est pas les « topless » et puis tout ça.
M. LE PRESIDENT: Je compte que les députés de part et
d'autre, réduiront leur «swing » et s'en tiendront le plus
possible au cadre.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. WAGNER: Avec plaisir, M. le Président. Or, en ce qui concerne
cette suggestion très particulière du gouvernement de former un
commandement, une direction unique de tous les corps de police dans toute la
province, je pense qu'il est opportun que le ministre de la Justice
réponde à ces différentes questions que nous nous posons
et nous explique de quelle façon en pratique, va se réaliser ce
commandement unique dans la province: ce n'est pas tout de dire: Nous allons
nommer M. Untel, et c'est lui qui sera l'autorité suprême. Mais
cette autorité suprême, est-ce qu'elle aura des pouvoirs? Est-ce
qu'elle aura à sa disposition des sanctions? Lorsque le moment sera
venu, pourra-t-elle obliger les municipalités,les forces
policières d'ailleurs à agir? Voilà ce que nous voulons
savoir. Nous voulons savoir du ministre de quelle façon, en fait, il a
l'intention de rendre plus réelle cette nomination, de la rendre plus
active et de quelle façon il entend également résoudre les
difficultés qui certainement existent, puisqu'il nous en a fait part
à nous-mêmes ici en Chambre la semaine dernière. Il nous a
parlé du malaise à l'intérieur de la Sûreté
provinciale...
M. BERTRAND: C'est rétabli.
M. WAGNER:... si c'est rétabli, très bien. Alors, que le
ministre nous dise de quelle façon et nous aimerions savoir si ce
malaise existe également pour la police de Montréal? Parce
qu'à ce moment-là, si on impose le temps supplémentaire et
le commandement unique à la police de Montréal, il faudrait
savoir de quelle façon on va agir en fait. Ce sont autant de questions
que nous apportons à l'attention du ministre de la Justice, et je pense
bien que toutes les réponses qu'il nous donnera pourront nous faire
apprécier davantage ce paragraphe premier du bill 50.
M. LESAGE: Très bien.
M. BERTRAND: Le député de Verdun a fait un grand
état d'une déclaration que j'ai faite à l'époque,
le 12 avril, comme je l'ai rappelé, en me basant à ce
moment-là sur un rapport du directeur de la Sûreté
provinciale du Québec. Et pour ceux qui ont lu les témoignages du
directeur de la Sûreté provinciale du Québec, du directeur
Gilbert en particulier, lorsque l'on a parlé de ce problème de
l'Expo, de la loi d'urgence ou d'une loi d'urgence qui pourrait être
présentée, il est clair que l'on a parlé en même
temps, au cours des mêmes témoignages, d'une loi de police. Quand
on lit les témoignages, on voit qu'à certains moments il s'agit
d'une loi générale de police qui, comme celle de l'Ontario,
pourrait s'appliquer non seule-
ment durant les moments d'urgence ou lorsque la sécurité
du public est en danger, mais d'une loi générale de police. A un
moment donné, le président de la commission a aiguillé la
discussion vers le problème de l'Expo. Etonnote, par les
réponses, tant du directeur Gilbert que du directeur de la
Sûreté provinciale, qu'il est toujours question à un moment
donné d'un commandement unique et on comprend pourquoi. Ce commandement
unique et la direction de tous les corps de police et de leurs membres dans
toute partie de la province qu'il mentionne, c'est un pouvoir que se
réserve le lieutenant-gouverneur en conseil s'il est d'avis que le
maintien de la sécurité publique le requiert. A ce
moment-là, le lieutenant-gouverneur jugera à la lumière
des circonstances, à la lumière des consultations qu'il aura,
bien entendu, avec celui-là à qui le commandement et la direction
de ces corps de police doivent être confiés. C'est à ce
moment-là que le lieutenant-gouverneur en conseil exercera il
faut en convenir et je l'ai dit, c'est une loi extraordinaire et
spéciale exercera sa discrétion suivant les
problèmes.
Le député de Verdun dit: « Il n'y a pas que le
problème de la circulation ». J'espère bien que le
député de Verdun va au moins reconnaître que je suis tout
aussi bien renseigné que lui sur le vaste problème du crime
organisé, de la pègre, problème qui est international,
national, problème qui existe dans toutes les grandes villes du monde.
Mais j'espère que le député de Verdun va au moins accorder
au député de Missisquoi quelques onces de jugement.
M. WAGNER: Je n'ai pas parlé de ça.
M. LESAGE: Il n'a pas parlé de ça. Ce n'était pas
dans sa question,,
M. BERTRAND: Cette lutte...
M. WAGNER: Revenez aux questions!
M. BERTRAND: ... contre le crime... Il a parlé de ne pas
s'occuper seulement des danseuses, des « topless ».
M. WAGNER: C'était pour le député de Champlain
ça!
M. BERTRAND: Je l'invite à lire, ça lui fera du
bien...
M. LESAGE: C'était pour faire plaisir au député de
Champlain.
M. BERTRAND: Je l'invite, le député de Verdun, à
lire l'article qui a paru dans la revue Sept Jours du 29 avril 1967. Il va
avoir là une étude assez objective du problème et je
voudrais bien qu'on dégage ça des personnalités et les
allusions malveillantes quelles qu'elles soient.
Je ne reviendrai pas là-dessus. Commandement et direction unique:
relisez les témoignages devant la commission Prévost et vous
allez trouver que le directeur de la Sûreté municipale en parle,
que le directeur de la Sûreté provinciale en parle et j'ai ici le
télégramme, dont j'ai donné lecture tantôt, du
président de l'Association des chefs de police et de pompiers de la
province de Québec.
Comment va s'exercer ce commandement? Comment s'exerce d'habitude un
commandement? A ce moment-là le député de Verdun
aurait pu se référer à l'article 4 « que la
présente loi en son effet nonobstant toute disposition inconciliable de
toute autre loi générale ou spéciale » . A ce
moment-là, disons que le lieutenant-gouverneur en conseil
décrète que tel corps de police dans telle zone tombe sous le
commandement du directeur de la Sûreté provinciale, c'est lui qui
devient l'autorité suprême. C'est lui qui peut, non seulement qui
peut examinons les choses normalement mais qui va travailler avec
le directeur du corps de police locale, qui va communiquer ses ordres, ses
commandements, ses directives à des personnes avec qui, depuis six mois,
l'on travaille dans un excellent esprit de coopération.
J'ai déclaré dernièrement que j'avais envoyé
une lettre comme ministre de la Justice et le ministre des Affaires
municipales a fait de même mol au directeur des chefs de police de
toute la périphérie, des 72 chefs de police de la région
et le ministre des Affaires municipales aux maires. Et j'ai dans mes dossiers
ici des lettres attestant de ce désir de coopérer, et approuvant
la mesure que nous présentons, et en vue du maintien de la
sécurité publique si ça le requiert. Le
député de Verdun disait tantôt: On a trop attendu,
ça vient trop tard. Cela ne vient pas trop tard.
M. WAGNER: Ce n'est pas ça que j'ai dit. M. LESAGE: Ce n'est pas
ce qu'il a dit.
M. BERTRAND: Bien, vous avez laissé entendre...
M. WAGNER: Vous devriez au moins me citer correctement.
M. LESAGE: Non, ce n'est pas ce qu'a dit le député de
Verdun.
M. BERTRAND: J'ai compris que la mesure était peut-être
tardive.
M. LESAGE: Non, il a dit...
M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection...
M. LESAGE: ... que le gouvernement aurait dû apporter la mesure
plut tôt. Il ya une distinction fondamentale entre « être en
retard» et « être trop tard ». Demandez au premier
ministre...
M. BERTRAND: Il a dit: s'il n'est pas trop tard.
M. LESAGE: ... il connaît ça cette
distinction-là.
M. WAGNER: J'ai dit textuellement: Cette mesure n'arrive certainement
pas trop tôt, et j'espère qu'elle n'arrive pas trop tard. Cela
c'est le texte exact.
M. BERTRAND: Alors, espérons tous... M. WAGNER: Très
bien.
M. BERTRAND: ... que nous n'aurons pas besoin de nous en servir.
Espérons tous que, grâce à l'esprit qui anime tous
ceux-là qui ont coopéré, je le dis, depuis au-delà
de six mois, qui se sont imposé une tâche formidable et je leur
rends de nouveau hommage, au directeur et à tous les policiers. Je rends
hommage à leur dévouement, aux sacrifices qu'ils vont accepter et
dans des lettres que j'ai reçues de certains chefs de police, on
m'indique que l'on ne craindra pas de s'imposer à l'occasion de l'Expo
les sacrifices, le temps supplémentaire, en vue d'assurer une excellente
protection au public, à nos visiteurs qui vont venir et on l'a
constaté dès les premiers jours de cette exposition merveilleuse
et grandiose, qui vont venir par millions.
M. le Président, son commandement, sa direction va s'exercer
suivant les voies normales d'un commandant et d'un directeur de corps de
police. Ce n'est pas pour le député de Verdun, je pense, que j'ai
besoin d'analyser les fonctions du chef de la Sûreté provinciale
ou d'analyser les fonctions et les pouvoirs de tous les chefs de police locaux
et il est sûr que dans le domaine de la cité de Montréal en
particulier... je tiens à les féliciter d'avoir adopté un
règlement au su- jet des manifestations à l'Expo,
règlement qui constitue un acte encore extraordinaire, spécial,
pour une circonstance extraordinaire et spéciale. Et d'ailleurs, ce
geste des autorités de la ville de Montréal a été
bien accueilli par la presse en général et par ceux qui vont
visiter l'Expo. J'y suis allé comme plusieurs de mes collègues.
La foule qu'il y a là doit pouvoir circuler librement, ne pas être
importunée et je félicite les autorités de la cité
de Montréal d'avoir adopté cette mesure pour assurer une plus
grande sécurité sur le terrain de l'Expo.
Quant aux réactions du président du conseil
exécutif de Montréal ou du directeur Gilbert je viens de
parler du directeur Gilbert il est sûr que la sûreté
municipale de Montréal est un des corps de police très bien
organisé, très bien dirigé et je ne doute aucunement,
même sous un commandement unique et une direction unique, d'une
coopération du directeur et de tous les policiers, de tous les
constables de la cité de Montréal, s'il y a lieu pour le
lieutenant-gouverneur à ce moment-là de le décréter
et de l'indiquer dans l'arrêté ministériel.
Voilà, M. le Président, les quelques propos que je voulais
ajouter en réponse au député de Verdun.
M. WAGNER: M. le Président, le ministre m'excusera de revenir
peut-être à la charge, mais il est possible que la formulation de
mes questions n'ait pas été assez claire ou assez précise
et qu'elle n'ait pas permis au ministre de la Justice de répondre
adéquatement.
Il est évident que nous espérons tous qu'on n'aura pas
besoin de recourir à cette loi d'urgence...
M. BERTRAND: Bien sûr.
M. WAGNER: Il est évident aussi que tous les membres de cette
Chambre, et surtout ceux qui ont travaillé étroitement avec les
forces policières depuis quelques années, savent jusqu'à
quel point on doit les féliciter pour la coopération qu'elles ont
manifestée dans tous les domaines. Cela est clair. Nous avons espoir que
rien n'arrivera, mais le ministre nous dit: Cette loi, nous la
présentons au cas où quelque chose surviendrait.
M. BERTRAND: C'est-à-dire... si le député de Verdun
me le permet, soyons justes et précis. Le texte l'indique, je n'ai pas
besoin de le relire...
M. WAGNER: C'est ça.
M. BERTRAND: «... s'il est d'avis que le maintien de la
sécurité publique le requiert, » je n'ai pas besoin de
définir pour le député de Verdun, tous et chacun de ces
termes qui sont, il me semble, très clairs.
M. WAGNER: Très bien. Alors, c'est conditionnel, mais à ce
moment-ci, lorsque nous interrogeons le ministre et que nous lui demandons:
Dites-nous donc de quelle façon au point de vue pratique cela va se
passer. Dites-nous donc si cet événement survient, de quelle
façon vous allez agir. De quelle façon cette coordination va
s'exercer. De quelle façon vous allez répondre aux besoins des
différentes municipalités dont le budget aura été
défoncé. De quelle façon allez-vous augmenter les
effectifs? Est-ce que la province va payer ou si ce sont les
municipalités aidées par la province, etc.?
Toutes ces questions pratiques que nous vous posons, je l'admets, c'est
peut-être du pragmatisme exagéré, mais lorsque nous sommes
en face d'une loi spéciale, d'une loi d'urgence, il me semble que les
membres de l'Assemblée législative ont le droit de savoir du
gouvernement de quelle façon le gouvernement agira lorsque se
présentera cette éventualité.
M. JOHNSON: Oui.
M. BERTRAND: Pour le moment, je l'ai dit tantôt, il s'agit d'un
commandement unique: deuxièmement, d'une coordination:
troisièmement, si à un moment donné... et l'on sait,
seulement pour la Sûreté provinciale et même pour la
sûreté municipale, combien le recrutement est difficile. Cette
année, nous le verrons lors de l'étude des crédits, nous
avons prévu l'engagement de 300 policiers. L'an dernier, on avait
prévu un certain chiffre et je ne pense pas qu'on ait pu l'atteindre. Le
recrutement est excessivement difficile. Donc, pour le moment, quant à
la sûreté provinciale qui, en fait, exerce une autorité et
rayonne autour de Montréal, premièrement il s'agit des effectifs
actuels, augmentés dans toute la mesure où le recrutement nous le
permet. Deuxièmement, si par exemple, dans telle ou telle petite ville
c'est surtout là que peuvent se poser des problèmes
où il n'y a qu'un chef et qu'un constable, à ce moment-là,
le directeur de la Sûreté provinciale pourra envoyer un de ses
hommes. Les dépenses dans un pareil cas, c'est la Sûreté
provinciale qui devra les assumer et non pas les imposer à la
Sûreté municipale. Voilà un exemple, je pense, qui
répond à la question soulevée par le député
de Verdun.
M. WAGNER: Cela, c'est pratique et je remercie le ministre.
M. BERTRAND: Oui, mais le député de Verdun conviendra avec
moi...
M. WAGNER: Oui, très bien, parfait.
M. BERTRAND: ... que tantôt on avait une foule de questions
qui...
M. WAGNER: J'en avais d'autres oui.
M. BERTRAND: ... oui, mais qui n'étaient pas toutes, disons, sur
le bill,...
UNE VOIX: Ad hoc.
M. BERTRAND: ... qui se promenaient sur la voie
d'évitement...
M. WAGNER: Non, non.
M. BERTRAND: ... et qui s'en allaient du côté des
problèmes dont il aime parler assez souvent...
M. LESAGE: Non, non, des questions, je pense qu'une loi, il faut...
M. BERTRAND: ... il en a parlé, à ce qu'on m'a
rapporté, encore vendredi soir à la
télévision...
M. LESAGE: ... il fallait absolument que ça soit la voie de
rencontre.
M. BERTRAND: ... Bon, à tout événement, le ministre
de la Justice parlera en temps et lieu, lui aussi.
M. LESAGE: Hein! Bien oui, mais c'est lui qui a le plancher.
M. BERTRAND: Alors, j'ai répondu à ce problème
financier.
M. WAGNER: On lui donne l'occasion de parler maintenant là.
M. BERTRAND: Alors, s'il s'agit... Comment?
M. LESAGE: Non, non, mais c'est parce que le ministre de la Justice a
dit: « Le ministre de la Justice parlera en temps et lieu ». Il
ferait mieux d'en profiter, il a le plancher.
M. BERTRAND: Il parlera en temps et lieu et répondra...
M. JOHNSON: A ces choses-là.
M. BERTRAND: ... à des choses qu'il n'a pas entendues, mais que,
disons, certains membres de sa famille lui ont rapportées sur les propos
tenus par le député de Verdun à la
télévision vendredi dernier.
M. LESAGE: Non, non, on parle des questions qui étaient
posées là.
M. WAGNER: On est loin du bill.
M. BERTRAND: J'en parlerai de ça.
Alors, j'ai répondu à cette question des dépenses
qui peuvent être occasionnées. L'exercice de son autorité?
Il devient le chef de police de ces municipalités avec toute
l'autorité qui s'infère. Pour quelle période? Non pas ad
vitam aeternan, mais pour une période limitée, la durée de
l'Expo: c'est dans cet esprit et le télégramme du
président de l'Association des chefs de polices l'atteste que
l'on voit l'adoption de cette loi d'urgence.
M. WAGNER: Merci.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. WAGNER: Adopté.
M. BERTRAND: Je vous prierais, M. le Président, au lieu du 28
octobre de mettre: le 1er novembre 1967.
M. LESAGE: Oui, je pense que c'est assez.
M. LE PRESIDENT: L'amendement est-il adopté?
M. BERTRAND: Quelques jours après l'Expo.
M. LE PRESIDENT: Article 1 adopté? Article 2. Cet article
sera-t-il adopté?
M. JOHNSON: Adopté.
M. BERTRAND: Article 2.
M. WAGNER: Avez-vous des explications à donner?
M. BERTRAND: Voici, je veux tout simplement dire que cet article est
basé sur la Loi de police de l'Ontario, article 45, c'est-à-dire
le chapitre 298 des statuts refondus de l'Ontario intitulé le «
Police Act », en particulier le dernier paragraphe...
M. LESAGE: La dernière phrase.
M. BERTRAND: La dernière phrase, article 45 e) « Subject to
sections 34 and 35 of the National Defense Act of Canada. During an emergency,
no member of a police force having jurisdiction in the area in which the
emergency exist shall resign without the consent of the commissionneer. »
Or, on soulèvera peut-être, au sujet de cet article, des
objections. Prenons des exemples pratiques: un policier peut avoir l'occasion
de se trouver un meilleur emploi.
M. LESAGE: Non, non. Est-ce que je pourrais?
M. BERTRAND: Est-ce que cela paralyse la liberté?
M. LESAGE: Oui, mais avant de s'appuyer sur la loi de l'Ontario, est-ce
que le ministre de la Justice pourrait, pour compléter sa comparaison,
puisqu'il s'appuie sur une loi de l'Ontario...
M. BERTRAND: C'est-à-dire que je la cite à titre de
référence.
M. LESAGE: A titre de référence, mais je vois tout de
suite deux distinctions et je crois qu'il serait important que le ministre de
la Justice tienne compte de ces distinctions. Dans le cas de la loi ontarienne,
il s'agit d'un état d'urgence qui concerne la défense
nationale.
M. BERTRAND: Pas nécessairement. M. LESAGE: National Defence.
M. BERTRAND: Pas nécessairement. Pas rien que cela.
M. LESAGE: C'est mentionné en toutes lettres.
Deuxièmement, ça ne s'applique qu'aux membres de la
Sûreté provinciale de l'Ontario, c'est-à-dire que la loi de
l'Ontario, dans les cas d'urgence qui sont des cas de défense nationale,
défend de démissionner. D'abord, c'est restreint à ces
cas-là et, deuxièmement, ça ne vaut que pour les membres
de la Sûreté provinciale tandis qu'ici, n'oublions pas que le chef
de la Sûreté aura juridiction sur les membres de la
Sûreté de Montréal et qu'il pourra empêcher de
démissionner les 4,000 membres ou cha-
cun des 4,000 membres de la Sûreté de Montréal.
C'est aller très loin ça, mais étant donné que le
ministre de la Justice a été le premier à prendre la
parole pour défendre cette partie de l'article, j'ai tenu tout de suite
à lui faire remarquer ces deux distinctions avant de toucher au
fond.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra...
M. LESAGE: Oui, oui, je permets.
M. BERTRAND: On a eu l'occasion, avant la séance, ce matin, d'en
causer un peu et il m'a dit que c'était surtout sur la dernière
partie de l'article 2...
M. LESAGE: Oh, oui.
M. BERTRAND: ... qu'il formulerait quelques réserves.
M. LESAGE: Ce sont plus que des réserves, ce sont des objections
très sérieuses. Voici. Je crois que la disposition qui est
contenue dans les cinq dernières lignes de l'article 2, à partir
de « aucun membre d'un tel corps de police ne peut démissionner de
son poste sans le consentement de la personne désignée par
l'arrêté en conseil adopté en vertu de l'article 1 »,
a l'effet suivant: si le gouvernement adopte un arrêté en conseil
en vertu de l'article 1, les membres de tous les corps de police visés
sont privés du droit de démissionner pendant toute-la
période pendant laquelle l'arrêté en conseil est en
vigueur. Ce qui veut dire que le gouvernement n'a qu'à passer un
arrêté en conseil pour que tous les membres de la
Sûreté de Montréal, par exemple, soient obligés de
rester en fonction jusqu'à la fin de l'Exposition. Il me semble que sur
le plan des principes...
M. JOHNSON: Jusqu'à la fin de l'urgence.
M. LESAGE: Il me semble que sur les principes il s'agit d'une affaire
extrêmement importante. C'est le ministre de la Justice lui-même,
ce matin qui, parlant contre le totalitarisme, faisait état de son
respect des droits fondamentaux de la personne humaine. C'est ce matin qu'il
l'a fait. Il a fait un acte de foi.
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LESAGE: Il a fait un acte de foi dans son respect des droits
fondamentaux de la personne humaine.
M. BERTRAND: J'espère que mon acte de foi a été
compris.
M. LESAGE: Je l'ai très bien compris. Et c'est parce que je l'ai
très bien compris que je l'invoque. Je l'invoque à la
défense des droits humains fondamentaux de tous les policiers qui
pourraient être placés sous le commandement de la personne qui
serait désignée en vertu de l'article 1. La liberté de
choisir ses fonctions, son activité humaine, c'est une liberté
humaine fondamentale. C'est de la conscription de temps de paix qu'on veut. Ne
nous payons pas de mots. C'est exactement de la conscription de temps de
paix.
M. JOHNSON: Pas pour la guerre.
M. LESAGE: C'est de la conscription de temps de paix.
M. LOUBIER: Pour la paix. M. JOHNSON: Pour la paix.
M. LESAGE: Bien, j'entends encore, je relis certains discours des
ancêtres politiques du premier ministre qui prétendaient que la
conscription de 1917, c'était pour la paix, aussi.
M. LOUBIER: Pour la guerre.
M. LESAGE: Mais c'était pour la paix, la conscription de 1917. Et
il est clair qu'il se rappelle de ces arguments qu'il a sans doute
invoqués lui-même sur les tréteaux à la
défense de ses compères conservateurs d'Ottawa.
M. JOHNSON: Je me souviens mieux de la mobilisation de la muraille de M.
Lapointe.
M. LESAGE: Mais, M. le Président, tout cela n'a rien à
faire avec ce que nous avons devant nous, nous sommes en temps de paix. Et il
s'agit de se servir duprétexte d'un bill qui a pour objet d'assurer la
coordination des forces de police en cas d'urgence pour imposer à tous
les policiers qu'ils soient des policiers provinciaux, municipaux ou
autres une camisole de force, nier leur droit fondamental à leur
liberté dans le choix d'un emploi. Qu'est-ce qui dit, par exemple, qu'un
policier employé de la Sûreté de Montréal n'a pas
déjà prévu que, le 1er août, il va quitter son
emploi à la Sûreté de Montréal parce qu'il est
assuré ailleurs d'un emploi qui va lui donner une meilleure
rémunération? On l'obligerait, on le forcerait à
démissionner tout de suite et à être plusieurs mois sans
salaire. On
risquerait même de désorganiser la force si ces actes se
répétaient. D'ailleurs, on viole une liberté fondamentale.
Le directeur général de la Sûreté, ou son substitut
se trouve constitué le maître de tous les policiers qui sont
désignés dans l'arrêté ministériel et il a
les mêmes droits qu'avait un maître sur des esclaves. Il a le
droit... Oui, il peut les obliger à travailler et ils n'ont pas le droit
de changer de fonction. C'était une des caractéristiques de
l'esclavage.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition va convenir qu'il exagère
très fortement.
M. LESAGE: Je n'exagère pas. C'était une des
caractéristiques de l'esclavage. C'est que l'esclave n'avait pas droit
au choix de son emploi.
M. JOHNSON: On est en train de faire des chaînes!
M. LESAGE: C'est une des principales caractéristiques de
l'esclavage.
M. JOHNSON: On va avoir des chaînes. On est en train de les faire
fabriquer!
M. LESAGE: Oh, non. M. le Président, je n'ai aucune intention de
faire des images qui me feraient dépassée la
vérité.
M. BERTRAND:Il n'a pas l'intention, mais il le fait.
M. LESAGE: ... mais simplement, il n'y a aucun doute qu'une des
caractéristiques de l'esclavage, des relations entre le maître et
l'esclave, c'était le fait que l'esclave ne pouvait pas disposer de
lui-même, qu'il n'avait pas le droit de changer d'emploi.
M. JOHNSON: Comme le capitaine d'un bateau.
M. LESAGE: C'est faux. Un capitaine a sur ses hommes, lorsqu'ils sont en
mer, des droits, c'est clair. Mais lorsque le bateau est au port, le matelot
peut changer de travail et de bateau, s'il le veut.
Il peut même laisser la navigation. Il est libre. Et je ne
comprends pas...
M. BERTRAND: Durant une guerre, par exemple.
M. LESAGE: Durant une guerre, c'est totalement différent parce
que c'est la défense nationale.
M. BERTRAND: Bon.
M. LESAGE : Nous sommes en temps de paix. Il n'y a pas de mesures de
guerre d'urgence.
M. BERTRAND: Quand le bien commun l'exige. La sécurité
publique.
M. LESAGE: Le bien commun? Est-ce que l'on pourra me donner la preuve
que le bien commun exige que l'on viole la liberté fondamentale
individuelle jusqu'au point où on la viole par la dernière phrase
de l'article 2? Ce n'est pas possible, M. le Président. Et je ne
comprends pas, je vous l'avoue bien franchement, que le Premier ministre et le
ministre de la Justice n'acceptent pas. Cela ne changera rien à la
situation, mais simplement, au moins, on respectera la liberté
individuelle fondamentale qu'a tout homme de disposer de lui-même quant
à la fonction qu'il veut occuper. Cela, c'est un principe fondamental.
Je crois que nous devons voir à ce qu'il soit respecté dans
toutes nos lois. Il me semble que ça n'enlèvera rien au projet de
loi, à l'efficacité de la loi lorsqu'elle sera en vigueur, de
voir disparaître cette dernière phrase de l'article 2, qui, M. le
Président, n'est même pas mentionnée aux notes
explicatives. Elle n'est même pas mentionnée aux notes
explicatives.
M. JOHNSON: Ce n'est pas nécessaire. M. BERTRAND: Elle est dans
la loi.
M. LESAGE: Or, c'est un principe extrêmement important. Je ne
comprends pas, je le répète.
M. JOHNSON: C'est un principe de la loi.
M. LESAGE: Pardon? Oui, c'est un des principes de la loi qui est contenu
dans la dernière phrase là.
M. JOHNSON: C'est pour ça que vous avez voté.
M. LESAGE : Un des principes secondaires de la loi. Secondaire quant
à la loi, mais primordial en tant que principe par exemple. Il est
évident que le but de la loi, c'est la coordination des forces
policières. Avoir une autorité unique en charge de la
coordination. Or, pour obtenir l'autorité unique qui assure la
coordination, il n'est absolument pas nécessaire de conscrire tous les
policiers et de les empêcher de disposer d'eux-mêmes. Je
demanderais...
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra.
M. LESAGE: Je permets bien.
M. BERTRAND: Ce n'est pas de conscription dans le sens qu'il
l'entend.
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: Ce sont des corps de police.
M. BERTRAND: Qu'on lise donc: « Ne peut démissionner sans
le consentement de la personne. »
M. LESAGE: Mais oui, c'est la relation de maître à
esclave.
M. BERTRAND: Et deuxièmement, je répondrai dans quelques
instants au sujet de la loi de police de l'Ontario.
M. LESAGE : Répondez tout de suite. On est en comité.
M. BERTRAND: Oui, le chef de l'Opposition prétend que cela ne
s'applique qu'aux policiers provinciaux. Or, il y a, en Ontario, des forces
policières municipales et l'article 45 ne fait aucune distinction, 45e:
« During an emergency, no member of a police force having juridiction in
the area in which the emergency exists shall resing without the consent of the
commissioner. »
M. LESAGE: Oui, mais quelle est la définition de «
emergency »?
M. BERTRAND: Définition de « emergency »...
M. JOHNSON: Etat d'urgence. M. BERTRAND: Etat d'urgence.
M. LESAGE: Non, non. Défense nationale. Vous l'avez lu tout
à l'heure.
M. BERTRAND: Etat d'urgence. C'est dans le chapitre 45...
M. LESAGE: Défense nationale. Vous l'avez lu tantôt.
M. BERTRAND: Un instant. Emergency police, part 4-A of the law.
M. LESAGE: Oui, c'est là qu'il est question de défense
nationale.
M. BERTRAND: C'est exactement, M. le Président, la
sécurité publique. Loin de moi de vouloir brimer aucune
liberté individuelle ou collective.
Je pense que partout on accepte ce principe, lorsque le bien commun le
commande et la sécurité publique l'exige, à ce
moment-là, dans tous les pays les plus démocratiques et l'Ontario
est une province, je pense bien, qui connaît autant que nous les
principes démocratiques. Dans ces cas-là, on impose pour une
période donnée, limitée, que personne ne puisse
démissionner sans le consentement de la personne qui est
désignée, c'est-à-dire du directeur de la
Sûreté provinciale du Québec ou des autres personnes qui y
sont nommées, et à ce moment-là il faut prendre pour
acquis que le directeur de la Sûreté provinciale du Québec
est un homme de jugement, un homme compréhensif, qu'il est humain et,
s'il y a des raisons qui militent, je ne vois pas pourquoi à ce
moment-là le directeur de la Sûreté provinciale n'exercera
pas la discrétion qui lui est donnée et n'accordera pas son
consentement. Le chef de l'Opposition veut nous ramener au temps des
galériens...
M. LESAGE: Non, non.
M. BERTRAND: Bien oui.
M. JOHNSON: Des esclaves!
M. BERTRAND: Au temps des esclaves!
M. LESAGE: Il y en a encore!
M. BERTRAND: Nous vivons dans un pays démocratique, Dieu
merci!
M. LESAGE: Cela n'a pas l'air! Pas avec ça.
M. BERTRAND: ... et nous n'adoptons cette mesure que pour une
durée limitée, pour assurer la sécurité publique,
le bien commun. Le commandant et le lieutenant-gouverneur exerceront, en vertu
de l'article 1, leur discrétion s'ils sont d'avis que la
sécurité publique le requiert.
L'autre jour, si mon souvenir est bon, le chef de l'Opposition avait
déclaré qu'il n'avait pas d'objection à accorder des
pouvoirs très vastes au lieutenant-gouverneur.
M. LESAGE: Un instant, s'il vous plaît. Je voudrais bien qu'on
relise ce que j'avais dit. J'avais parlé des pouvoirs de coordination
qui pourraient devenir nécessaires et, d'ailleurs,
lorsqu'il s'est agi de l'article 1 du bill je n'ai pas dit un mot.
Lorsqu'il s'est agi de l'article 2 du bill je ne m'en prends qu'à
la dernière phrase qui ne touche pas au principe fondamental du bill
et puis je voudrais faire remarquer au ministre de la Justice que nous,
ici, l'Assemblée législative unaniment, nous avons accordé
le droit de grève à tous les employés, même dans les
services publics sauf, aux policiers, et le seul recours qui reste au policier,
s'il n'est pas satisfait de ses conditions de travail, c'est de changer de
fonction. Dans le cas des autres salariés, des autres employés,
qu'ils soient dans le secteur privé ou dans les services publics
maintenant ils ont tous les droits que leur donne le code du travail y compris
le droit de grève, mais ça n'existe pas pour les policiers. Le
seul recours qui leur reste, eux, c'est de changer de fonction. Que le ministre
de la Justice y pense, sans chercher à défendre ces cinq lignes
qui ont été ajoutées par un fonctionnaire,...
M. BERTRAND: Non, M. le Président, il n'a pas compris. J'ai
donné l'exemple d'une province voisine...
M. LESAGE: Oui, mais ils n'ont pas le droit de grève dans les
services publics eux.
M. BERTRAND: Non, où le même principe... M. LESAGE: C'est
pour la défense nationale.
M. BERTRAND: ...que nous insérons dans cet article 2, dans les
cas d'urgence...
M. LESAGE: La défense nationale!
M. BERTRAND: ... de sécurité publique...
M. LESAGE: Défense nationale!
M. BERTRAND: ... où ce même principe pour une durée
de six mois est inscrit dans un texte de loi. Et l'on voudrait nous faire
passer pour des gens qui sont antidémocratiques...
M. LESAGE: Non.
M. BERTRAND: ... des gens qui briment les libertés fondamentales
de la personne humaine, alors que nous nous basons sur un document qui fait
partie des lois de la Législature ontarienne. Et ce pouvoir du
directeur, disons, de la Sûreté provinciale: il a la latitude
d'accorder à la personne, suivant les circonstances... Je ne voudrais
pas reprendre les propos...
M. LESAGE: Non, non.
M. BERTRAND: ... que je viens de tenir, ce serait de la
répétition fastidieuse, pour tous et pour moi, mais que l'on
comprenne donc qu'il s'agit d'une mesure extraordinaire et spéciale en
vue de la sécurité pour parer à des
événements extraordinaires et imprévisibles. Voilà
tout le fondement du présent projet de loi, et j'ai comme
référence la loi de police de l'Ontario.
M. LESAGE: M. le Président, je serais le dernier à renier
le principe de ce bill.
M. BERTRAND: Cela y est.
M. LESAGE: Le principe du bill, c'est la coordination des forces
policières sous un homme qui est investi de l'autorité.Il n'est
pas nécessaire...
M. BELLEMARE: Un cas spécial.
M. LESAGE: Oui, oui, dans les cas très précis, je ne veux
pas revenir sur toutes les conditions qui ont été
répétées à plusieurs reprises, mais à
l'occasion de cette délégation de pouvoirs, possible
n'est-ce-pas, à un homme, on inclut un principe dont l'application,
à mon sens, n'est pas nécessaire du tout. Le bill aurait la
même efficacité sans cette phrase. C'est ça. Je n'accuse
pas le gouvernement. Je demande au gouvernement de bien réfléchir
avant de toucher un droit humain fondamental et d'en remettre
l'évaluation, si on veut, à la discrétion d'un homme. Il
faut y songer deux fois. Et la première question à se poser:
est-ce que ces cinq lignes-là sont bien essentielles à
l'opération de la loi? Je dis non! M. le Président, elles ne sont
pas nécessaires. Pourquoi aller aussi loin ou risquer, si l'on veut, de
violer un droit humain fondamental, une liberté fondamentale, alors que
ce n'est pas nécessaire? Elle permet d'en violer assez de
libertés, cette loi, sans qu'on touche au droit des individus sans qu'il
soit nécessaire de le faire. Je dis que c'est une partie de la loi qui
n'est pas essentielle. Nous n'en n'avons pas discuté de cette partie de
la loi lorsque nous avons discuté du projet de loi avant même
qu'il soit écrit. Elle est tellement peu essentielle, cette partie,
qu'elle n'est même pas mentionnée aux notes explicatives. Je
demanderais au ministre de la Justice d'y songer deux fois. Moi, je ne vois pas
l'utilité de cette dernière phrase.Il faut que ce soit essentiel
d'agir pour qu'on aille aussi loin. Or, j'en appelle au ministre de la Justice
par votre entremise, M.
le Président, pour qu'il considère bien que ce n'est pas
nécessaire à l'efficacité de la loi.
M. BERTRAND: Par votre entremise, M. le Président, j'ai
déjà répondu au chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Non, non! J'ai parlé de la nécessité,
là.
M. BERTRAND: J'ai déjà répondu au chef de
l'Opposition.
M. BELLEMARE: Adopté.
M. LESAGE: Non, pas sur la nécessité. Le ministre de la
Justice ne m'a donné aucun exemple où cette disposition pourrait
être essentielle au bon fonctionnement de la loi.
Il ne m'a donné aucun exemple. Alors, M. le Président, je
propose que les cinq dernières lignes de l'article 2 soient
biffées à partir des mots: Aucun membre d'un tel corps de
police.
M. LE PRESIDENT: L'amendement sera-t-il adopté?
M. BERTRAND: Alors, M. le Président, pour les raisons que j'ai
invoquées tantôt, et deuxièmement, à cause de
l'exemple que j'ai cité d'une loi de police qui s'applique d'une
manière permanente dans une province voisine, où on retrouve un
article semblable, je dois déclarer que nous maintenons l'article 2 tel
qu'il est et que l'amendement doit être rejeté.
M. JOHNSON: Parlant sur l'amendement...
M. LESAGE: Oui, ils sont assez, M. le Premier ministre, ils sont
arrivés. Vos gens sont arrivés, vous êtes assez
nombreux.
M. BERTRAND: Les vôtres s'enviennent.
M. LESAGE: Oui, oui.
UNE VOIX: Ils ne sont même pas à Québec.
M. JOHNSON: Parlant sur l'amendement, M. le Président, je
voudrais bien dire que le chef de l'Opposition croit que c'est constructif de
faire une lutte sur des points importants en théorie, mais en pratique
si peu probables que tout le monde a envie de rire un peu du chef de
l'Opposition qui a évoqué l'esclavage...
M. LESAGE: Non.
M. JOHNSON: ... il me faisait songer aux galériens...
M. LESAGE: C'est très sérieux... M. JOHNSON: ... ce qui
nous...
M. LESAGE: Je sais que le Premier ministre ne peut pas comprendre la
démocratie: il a été élevé dans l'autocratie
et l'autarcie.
M. BELLEMARE: Ça, c'est bien gentil. M. JOHNSON: Oui!
M. BELLEMARE: Comment M. King vous menait-il?
M. LESAGE: Monsieur King, c'était un grand démocrate.
M. BELLEMARE: Il voyait venir ça dans une boule de verre.
M. JOHNSON: D'abord, M. King, c'était un grand démocrate
« drop it or get out ».
M. BELLEMARE: M. Ilsley, « get out ».
M. JOHNSON: « Take it or leave it, M. Ilsley ».
M. BELLEMARE: « M. Ilsley, take it or leave it ».
M. JOHNSON: Il y a un sénateur qui s'est fait dire « drop
it or get out ».
M. LESAGE: Ce n'était pas un sénateur, c'était un
ministre.
M. JOHNSON: Mais il est devenu sénateur plus tard. Il y a un
ministre aussi qui est entré un bon jour au cabinet des ministres avec
tous ses dossiers, c'était un des piliers...
M. LESAGE: Cela n'a rien à faire avec le bill.
M. JOHNSON: ...il s'est fait dire: Je regrette, votre démission a
été acceptée...
M. LESAGE: Ce n'est pas comme ça que cela s'est passé.
M. JOHNSON: ... signée en blanc.
M. LESAGE: Ce n'est pas tout à fait comme ça que cela
s'est passé.
M. JOHNSON: Ah! c'était joliment comme ça.
M. LESAGE: M. Duplessis est allé _bien plus loin que ça,
lui: il avait démissionné avec tout son cabinet, puis il avait
renommé tous les ministres sauf un.
M. JOHNSON: Cela, c'est une vraie manière
démocratique.
M. LESAGE: Voyons donc!
M. JOHNSON: Il a suivi les formes, il est allé voir le
lieutenant-gouverneur, lui a remis sa démission...
M. LESAGE: Bon, vos gens sont arrivés, c'est bien, assez de
déclamations là! Vous pouvez prendre le vote maintenant.
M. JOHNSON: ... il courait le grand risque que le lieutenant-gouverneur
ne l'appelle pas à former un cabinet: il risquait que le
lieutenant-gouverneur, à ce moment-là, demande...
M. LESAGE: Vos gens sont arrivés, pasbe-soin de
déclamer.
M. JOHNSON: ... au député de Matane de former le
gouvernement à la place du député de
Trois-Rivières. M. le Président, quand j'entends le chef de
l'Opposition dire que je n'ai pas été élevé dans la
démocratie, il n'y a personne dans cette Chambre qui le croit.
Evidemment, cette loi-là, c'est une loi...
M. LESAGE: Sauf ceux qui ont connu le père spirituel du Premier
ministre.
M. JOHNSON: Bien, écoutez le père spirituel du Premier
ministre, il a une multipater-nité dans son cas, l'ancien Premier
ministre: il y a Taschereau et King, cela fait un drôle de
mélange.
M. BELLEMARE: Vous lui avez déjà parlé à
Taschereau.
M. LESAGE: Oui, mais lorsque j'ai été
député...
M. JOHNSON: En 1935, le gouvernement, où tout croulait...
M. LESAGE: ... mon premier chef a été M. King: au
provincial, c'était M. Godbout et ensuite ce fut M. St-Laurent et au
provincial, c'était M. Lapalme.
M. BELLEMARE: M. Taschereau disait: Jeune homme d'avenir.
M. JOHNSON: Jeune homme d'avenir, disait M. Taschereau.
M. LESAGE: Et ç'a été M. Pearson, ç'a
été également M. Pearson, évidemment.
M. JOHNSON: Pas longtemps, M. Pearson. M. LESAGE: Bien, depuis 1958. M.
JOHNSON: Non. M. LESAGE: 1957.
M. JOHNSON: En tout cas, au mois de décembre 1957, après
la défaite, non 1958, après la défaite.
M. LESAGE: C'était en 1957.
M. JOHNSON: A tout événement, M. le
Président...
M. LESAGE: Quand les élections ont été
déclarées, le 31 janvier 1958, M. Pearson était chef du
parti libéral.
M. JOHNSON: A tout événement, M. le Président,
voici une loi qui ne s'applique que s'il y a nécessité
évidemment de l'appliquer. C'est aussi simple que ça. Tout le
monde espère que ce ne sera pas nécessaire et nous avons lieu
d'espérer que ce ne sera pas nécessaire. Mais s'il y a un
état d'urgence, si la sécurité publique est en danger,
ça devient le devoir du lieutenant-gouverneur en conseil d'ordonner que
quelqu'un prenne la direction de tout ce qu'il y a de corps policiers et de
polices disponibles.
M. LESAGE: Nous sommes d'accord.
M. JOHNSON: Il y a à ça, évidemment, une
conséquence ancillaire, c'est que ces policiers-là ne puissent
pas démissionner. D'accord, M. le Président. D'accord, c'est
assez raide d'empêcher un homme de démissionner, mais on a
prévu ici une façon pour lui de le faire, c'est d'obtenir le
consentement de la personne désignée, c'est-à-dire du
directeur.
M. LESAGE: C'est à discrétion.
M. JOHNSON: Est-ce qu'on peut s'imaginer pour un instant que le
directeur va, tout simplement par caprice, empêcher un homme de
démissionner. Mais si on n'avait pas cette prescription dans la
loi, il pourrait arriver ce qui a failli arriver.
M. BELLEMARE: Oui.
M. JOHNSON: On pourrait, dans des moments extrêmement critiques,
tout simplement par une action concertée de certains membres qui se
donneraient le mot pour démissionner, rendre inefficace
l'opération de cette loi.
M. LESAGE: On n'a qu'à faire appel à l'armée si on
en vient à ça.
M. BERTRAND: Bien oui, mais on ne veut pas...
M. LESAGE: D'ailleurs, cela s'est déjà fait. M. BERTRAND:
On ne veut pas...
M. LESAGE: Cela s'est fait le jour de l'ouverture.
M. JOHNSON: J'allais justement, M. le Président, expliquer la
situation dans le Québec Aussi bien être franc, nous avons
déjà eu recours à cette armée canadienne dans des
circonstances pénibles, par exemple certaines inondations... oh, pendant
la guerre à Shawinigan et surtout à Arvida, l'armée
canadienne tirait sur les ouvriers...
M. LESAGE: Tous les ans, lors du Carnaval de Québec.
M. JOHNSON: ... Et c'était dans un système
démocratique ça, quand l'armée canadienne tirait sur des
ouvriers...
M. LESAGE: Non, non, non, tous les ans. Bien...
M. BELLEMARE: Vous n'aimez pas ça. M. JOHNSON: ... à
Arvida.
M. LESAGE: Non, non, mais tous les ans, tous les ans lors du Carnaval de
Québec...
M. BELLEMARE: Vous étiez là.
M. LESAGE: ...nous faisons appel à l'armée.
M. JOHNSON: C'était sous Mackenzie King...
M. BELLEMARE: C'était de votre temps, ça.
M. JOHNSON: ... l'armée canadienne qui tirait sur les ouvriers
d'Arvida.
M. BELLEMARE: Shawinigan.
M. LESAGE: Ce n'est pas vrai ça, et le premier ministre le sait.
Ce que le premier ministre sait, c'est que lui-même ou son ministre de la
Justice ont demandé l'hiver dernier au commandant du district militaire
d'envoyer des centaines d'hommes de l'armée pour maintenir l'ordre dans
les rues de Québec lors du Carnaval. Cela se fait tous les ans...
M. BELLEMARE: C'est parce qu'ils veulent voir le carnaval.
M. LESAGE: Pour maintenir l'ordre, avoir des cordons de soldats, c'est
aussi bon que des cordons de policiers.
M. JOHNSON: M. le Président, c'était pour la protection du
public.
M. LESAGE: Bien oui, c'est ça, c'est la même chose.
M. JOHNSON: L'année dernière, comme les années
précédentes, l'armée nous a rendu service et je remercie
publiquement le commandant du 22e et le commandant dus district qui
collaborent. J'ai aussi obtenu l'armée au mois de décembre 1959,
précisément à l'occasion de l'inondation à
Chomedey, ce qui est aujourd'hui Chomedey, c'était
l'Abord-à-Plouffe dans le temps. M. le Président, je voulais
justement en venir là, il semble que nous pourrions, avec la
défense civile, la police provinciale, travaillant en coordination avec
les corps de police municipaux, nous organiser un système qui serait
suffisant en cas d'urgence, un système qui nous permettrait de
protéger le public. C'est notre devoir de protéger le public, de
prévoir des mécanismes efficaces pour qu'en période de
crise le public soit protégé.
Nous avons été extrêmement inquiets pendant un bout
de temps. Nous avons eu raison d'être inquiets à l'occasion de
certaines crises, entre autres à l'occasion de la grève des
hôpitaux. Cela n'était pas facile.
M. LESAGE: J'invoque le règlement. Cela n'a rien à faire
avec la dernière phrase de l'article 2.
M. JOHNSON: Cela a autant à faire avec la loi que les «
topless » du député de Verdun.
M. LESAGE: En vertu des règlements de la
Chambre, lorsque c'est un amendement qui est à l'étude, on
doit s'en tenir strictement à l'amendement. Alors, l'amendement que j'ai
proposé et c'est ça qui est à l'étude par la
Chambre c'est de biffer les cinq dernières lignes de l'article 2
à partir de « aucun membre d'un tel corps de police... ». De
là à partir et à discuter tout le principe du bill et
à s'éloigner, il me semble que c'est aller un peu loin,
même si c'est le premier ministre.Il devrait s'en tenir à
l'amendement qui est devant la Chambre.
M. JOHNSON: Je reviens aux propos du chef de l'Opposition et à
son amendement. Je dis que son amendement aurait pour effet de rendre, dans
certaines circonstances...
M. LESAGE: Quelles circonstances?
M. JOHNSON: ... inefficace le remède que nous voulons
préparer au cas d'urgences. Dans la grève des hôpitaux,
pour vous montrer la coopération qu'il y avait, à un moment
donné...
M. LESAGE: Cela n'a rien à faire.
M. JOHNSON: Mais c'est pour vous montrer quel peut être
l'état d'esprit et comme il faut tenir à cette phrase. Quand un
hôpital a demandé à la Sûreté municipale de le
protéger, on a dit: Oui, d'accord, mais c'est $3 l'heure. Un de nos
officiers, chargé de surveiller toute la situation ici sous la direction
du docteur Lizotte, constatant la situation, s'est amené devant
l'hôpital et là, il a appelé à l'hôtel de
ville et il a dit:Il y a deux filles qui se promènent en « shorts
». Trois policiers sont arrivés et ça n'a rien
coûté, à ce moment-là. Alors, je rejoins les «
topless », je suis rendu à l'autre bout.
M. LESAGE: Oui, je vois ça. Vous vous expliquerez avec le
député de Champlain.
M. JOHNSON: Ce n'est pas aussi grave que voudrait le faire croire le
chef de l'Opposition, Les officiers supérieurs du ministère de la
Justice, ceux qui s'y connaissent dans ce domaine, ayant étudié
les précédents dans d'autres provinces et d'autres pays, nous
recommandent de garder ces quatre lignes, car autrement on risquerait d'avoir
un outil qui deviendrait inefficace si, par malheur, il y avait un mouvement
concerté de démission.Il pourra toujours y avoir des
démissions, mais elles seront jugées au mérite et, en
temps et lieu, nous verrons à apporter des remèdes s'il y a des
abus de ce côté. L'amendement, pour toutes ces raisons, devrait
être rejeté.
M. LESAGE: J'ai dit ce que j'avais à dire.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les députés sont prêts
à se prononcer? Que ceux qui sont en faveur de l'amendement
lèvent la main.
M. LE GREFFIER ASSOCIE: Un, deux, trois, quatre...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LESAGE: Le vote était commencé. Trois: le
député de Beauce, le député de Chicoutimi et le
député de Rouyn-Noranda. Ils n'ont pas le droit de vote.
M. BERTRAND: Il y en a cinq autres de votre côté, six.
M. LESAGE: Ils n'ont pas le droit de vote.
M. BERTRAND:Il y en a sept qui sont entrés. M. Pearson.
M. LESAGE: Le député de Huntingdon n'a pas le droit de
vote.
M. BERTRAND: J'ai vu entrer le député de Saint-Laurent, de
Jonquière-Kénogami. Le député de Saint-Laurent est
entré quand le vote était commencé. Le chef de
l'Opposition était debout.
M. LESAGE: Mais ils sont sortis.
M. BERTRAND: Alors, le député de Saint-Laurent.
M. LESAGE: Alors, je... M. le Président, je suis certain que si
vous invitez...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LESAGE: Je suis certain, M. le Président, que si vous invitez
à se retirer de la Chambre pour quelques minutes ceux qui
n'étaient pas présents lorsque vous vous êtes levé
pour demander le vote ils vont le faire avec bonne grâce, des deux
côtés de la Chambre.
M. BERTRAND: Je l'ai vu entrer, moi. M. LESAGE: Non, mais ils sont
sortis...
M. BERTRAND: Non, mais Saint-Laurent...
M. LESAGE: Non, mais il y en a trois de sortis, là. D'ailleurs,
le député de Saint-Laurent... Non, mais j'en ai vu...
UNE VOIX: D'Arcy McGee n'était pas là...
M. LESAGE: Le député de D'Arcy McGee était
là, il était ici, définitivement, je l'ai vu. Mais il y en
a, par exemple, qui sont entrés et il y en a quatre, de l'autre
côté, qui étaient absents alors que les libéraux
sortent à la demande du président. Je vois quatre
députés, celui de Rouyn-Noranda, de Chicoutimi, de Granby, c'est
Shefford, et de Beauce...
UNE VOIX: Il n'est pas sorti. Regardez de l'autre côté, il
n'est pas sorti, là, il vient de rentrer...
M. JOHNSON: Enfantillages.
M. PEARSON: M. le Président, quand j'ai entendu la demande du
vote, j'étais ici.
M. LAPORTE: On peut suggérer que ceux qui sont assis ou ceux qui
sont là entrent tout simplement.
M. BERTRAND: Que tout le monde entre?
M. LAPORTE: Que tout le monde entre pour le vote.
M. BERTRAND: Correct.
M. PEARSON: N'étant pas au courant, j'ai simplement entrouvert la
porte pour demander à ceux qui étaient à
l'intérieur d'entrer. Je ne suis pas sorti.
M. BELLEMARE: Que ceux qui n'étaient pas là veuillent
sortir.
M. BERTRAND: Le problème a été soulevé par
le chef de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: Ceux qui sont en faveur. Ceux qui sont contre. Les
votes négatifs l'emportent.
M. BERTRAND: Trois, M. le Président. Adopté?
M. LE PRESIDENT: Adopté. M. BERTRAND: Article 4, adopté?
M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté. M. BERTRAND: Article 5,
adopté? M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté.
M. ROY: 46% du vote.
M. LEBEL (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a
adopté avec un amendement le bill numéro 50.
M. PAUL (président): L'honorable ministre de la Justice propose
que l'amendement au bill 50 soit adopté. Cette motion est-elle
adoptée? Adopté.
M. JOHNSON: Adopté. M. BERTRAND: Troisième lecture.
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
troisième lecutre du bill 50: Loi pour assurer le maintien de la
sécurité publique pendant l'Expo 67. Cette motion est-elle
adoptée? L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, il faut évidemment le
consentement unanime. J'aurais eu un amendement à présenter en
troisième lecture pour que le bill soit retourné au comité
plénier avec instruction de biffer...
M. BERTRAND: Le même amendement.
M. LESAGE: ... les cinq dernières lignes de l'article 2 qui ont
fait l'objet d'un amendement en comité. Mais, d'un autre
côté, pour agir avec célérité, comme j'ai dit
que nous le ferions ce matin, je suis disposé à ne pas
présenter cet amendement. Maintenant que nous avons un journal des
Débats, évidemment, les objections sont entrées. Je
demanderais purement et simplement qu'on enregistre que le vote est sur
division à cause de ce que je viens de dire.
M. BERTRAND: Sur la troisième lecture? M. LESAGE: Sur la
troisième lecture. M. BERTRAND: Très bien.
M. LESAGE: ... à cause de ce que je viens de dire et c'est la
condition de mon consentement à ce que la troisième lecture ait
lieu maintenant.
M. BERTRAND: Très bien, adopté.
M. LE PRESIDENT: Sur division, la troisiè-
me lecture du bill est-elle adoptée? Adopté. Reprise du
débat sur la motion de M. Dozois proposant que M. l'Orateur quitte
maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme de nouveau en comité
des subsides. L'honorable Premier ministre.
Comité des subsides
M. JOHNSON: M. le Président, nous sommes en motion pour aller en
subsides depuis le 18 avril. A cette date-là, selon le règlement,
le ministre des Finances a proposé que vous quittiez le fauteuil et que
la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides. Nous avions
préparé des renseignements, nous avions retenu plusieurs
fonctionnaires et nous avions tout lieu de croire que nous pourrions,
dès le 18 avril, continuer et terminer l'étude des crédits
du ministère de l'Industrie et du Commerce. Un député de
cette Chambre, selon: le droit incontestable que lui confère le
règlement, a fait un discours avec l'intention d'apporter un amendement
ou non, avec l'intention peut-être seulement de récriminer, de
protester, comme c'est toujours son droit.
J'ai eu l'occasion de dire, quant à moi, ce que je pensais de
l'attitude du député de Verdun et je n'y reviendrai pas
aujourd'hui. J'ai tout simplement l'intention de terminer mon intervention qui
a débuté le soir du 18 avril en faisant un appel à tous
les députés de cette Chambre et à la population en
général. La justice n'est pas un domaine comme les autres. Un
ministre de l'Industrie et du Commerce peut, par exemple, prendre une
décision discutable et il doit en rendre compte devant la Chambre. Le
ministre des Richesses naturelles peut dire oui ou non, en vertu des
dispositions de la loi de son ministère, à telle ou telle demande
d'exploration et il peut fixer des prix, des rentes et, encore là, il
doit, vis-à-vis des députés de cette Chambre, rendre
compte de ses décisions. Le ministre des Affaires municipales distribue
des subventions, établit des barèmes pour la distribution de ces
subventions et il doit, lorsque les députés de l'Opposition le
demandent en Chambre ou même un député au pouvoir,
justifier sa conduite devant la Chambre et devant la population. C'est
l'essence même de notre système, le contrôle des
crédits par les membres élus par le peuple.
Mais la justice n'est pas du même domaine. Est-il
nécessaire de vous rappeler que, dans plusieurs pays, la justice est
entièrement dépolitisée? C'est-à-dire qu'elle n'est
pas du tout considérée au même niveau que les autres
ministères ou les autres services du gouvernement. Alors que les
ministres doivent prendre sur leurs épaules toute la
responsabilité des décisions prises dans leur service, il arrive
que, dans d'autres pays, dans ces mêmes pays où on impose cette
obligation à tous les autres ministres quand arrive la justice, le
ministre n'a pas à répondre de telle ou telle mise en accusation,
puisqu'il existe une fonction qui est celle du « general prosecutor
».
Je n'ai peut-être pas l'expression exacte à la
mémoire. En somme, un homme qui ne dépend aucunement du
parlement, ni directement ni indirectement, et qui a toute liberté non
seulement de choisir les avocats de la couronne, mais également de
décider si oui ou non telle ou telle cause doit être
instituée devant l'une ou l'autre des juridictions.
En somme, la justice n'est pas un ministère comme les autres et
on aurait grandement tort de vouloir, à l'aide d'insinuations et
même d'affirmations dans certains cas, créer l'impression qu'un
ministre est de connivence avec des criminels, parce que, passant devant une
cellule, se faisant interpeller, il donne la. main, alors qu'il a posé
le même geste vis-à-vis d'autres détenus. Mais, M. le
Président, d'avoir mentionné ça dans le public, le public
étant ce qu'il est, étant renseigné superficiellement,
étant quelquefois distrait, il arrive ce qui est arrivé à
Québec où, à l'occasion d'une émission qui permet
à la population d'appeler, une dame a posé à l'annonceur
d'un poste bien connu la question suivante: « Est-ce vrai que le ministre
de la Justice a donné la main à un repris de justice »?
L'annonceur a dit: « Oui » et la dame s'est lancée dans une
grande diatribe: « Mais est-ce terrible d'avoir un ministre de la Justice
qui donne la main à un homme accusé, traduit devant les tribunaux
! ».
M. BERTRAND: C'est que le christianisme...
M. JOHNSON: M. le Président, un homme qui a été
ministre de la Justice et qui a peut-être souffert à la suite de
certaines interpellations, de certaines questions qui lui ont été
posées, qui a peut-être cru qu'il était
persécuté, qu'on voulait lui imputer beaucoup trop de
responsabilités pour ce qu'il pouvait en prendre, cet homme
peut-être croit de bonne guerre aujourd'hui de se se venger, de laisser
planer des soupçons en utilisant sa plume, sa voix et son beau physique
dans un journal, à la radio ou à la télévision. M.
le Président, je n'hésite pas à admettre que le
député de Verdun est extrêmement populaire auprès de
l'élément féminin. Il détrônerait
certainement d'autres personnes dans un concours du genre de ceux qu'on a
déjà organisés. Il fait l'envie...
M. LESAGE: Actuellement, il faudrait adresser ça au
député de Montcalm.
M. BERTRAND: Il est arrivé deuxième!
M. JOHNSON: ... de certains députés de cette Chambre. Je
sais que le député de Verdun a encore un auditoire
extrêmement large, sympathique, qui a vu en lui le chevalier sans peur et
sans reproche qui...
M. LESAGE: Avec raison.
M. JOHNSON: ... se l'imagine facilement, comme ce cavalier de certains
commerciaux, tout de blanc revêtu, terrasser l'ennemi qui est la
pègre. Il y a des gens qui ont besoin d'avoir une idole, des gens...
M. LESAGE: Le député de Bagot devait être pas mal au
collège sur les trétaux!
M. JOHNSON: Pardon?
M. LESAGE : Le député de Bagot devait être pas mal
au collège sur les trétaux!
M. JOHNSON: M. le Président, il est vrai que la population a
besoin d'idoles.
Il y a ElliotNess, qui s'est fait une grande réputation, Simon
Templar, le Saint, Robin Hood, Robin des Bois, Bayard, Don Quichotte...
M. HOUDE: Batman Grenier.
M. JOHNSON: ... aussi Batman, évidemment.Il y a Zorro, M. le
Président, il y a Zorro avec son fleuret, qui, avec un Z bien
marqué laisse sa trace chaque fois, mais il y va avec
délicatesse, lui...
M. LAPORTE: Mais vous regardez la télévision, ce n'est pas
croyable.
M. JOHNSON: ... il ne tue pas...
M. PINARD:Il n'a pas le temps de travailler non plus.
M. LESAGE: C'est pour ça qu'il ne fait rien. Là, on
revient à mon explication...
M. JOHNSON: J'ai parlé de choses du passé, c'est dans le
temps où j'étais dans l'Opposition.
M. LESAGE:Il passe son temps assis devant l'appareil de
télévision.
M. JOHNSON: Dans le temps où j'étais dans l'Opposition. M.
le Président, on a remarqué que chacun de ces
héros-là, sauf Elliot Ness, ont des manières, ne tuent pas
tout le temps, n'assomment pas tout le temps. Zorro se contente de laisser rien
que son sigle...
M. LESAGE: Ce ne sont pas des attaques personnelles, pas du tout, ah
non!
M. JOHNSON: Non, ce n'est rien de personnel, je parle de style...
M. LESAGE: Ah non!
M. JOHNSON: ... je parle de méthode et je parle d'effets...
M. PINARD: Vous n'avez pas le sens de l'humour.
M. JOHNSON:Il me semble que vous en perdez. M. le Président, le
député de Verdun a fait son possible, je pense bien, quand il
était ministre de la Justice. A l'impossible nul n'est tenu, cependant.
Il ne faut pas en demander plus que n'en demande le client et on ne peut pas en
demander plus que ne peut en fournir non plus le sujet. Il a fait son grand
possible, je ne mets aucunement en doute ses bonnes intentions. Tout le monde
est pour la vertu, tout le monde est pour l'ordre, tout le monde est contre la
pègre, tout le monde est contre le crime.Il s'agit de savoir si un
gouvernement prend, oui ou non, des moyens efficaces pour combattre le crime,
c'est là le problème.
M. KIERANS: C'est vrai.
M. JOHNSON: De ça on a le droit de discuter et sur ça on a
le droit de poser des questions.Il y aura les crédits du
ministère de la justice: on pourra à ce moment-là discuter
de l'opportunité de changer la loi de police. Sait-on, M. le
Président, que c'est le directeur général de la police qui
a juridiction complète avec la plus entière autonomie? Est-ce
qu'on va blâmer le ministre, est-ce qu'on va même blâmer le
chef de la police provinciale, le directeur général, le ministre
et des hauts officiers parce que le crime a augmenté de 75% alors que
notre « Elliot Ness » était ministre de la Justice? M. le
Président, avons-nous déjà fait un reproche au
gouvernement précédent, pendant la campagne électorale ou
dans cette Chambre, parce qu'il y avait une augmentation du crime? Avons-nous
essayé de salir un ministre ou un gouvernement?
M. LESAGE: Rivard.
M. GABIAS: Cela, c'était évident.
M. JOHNSON: M. le Président, tout le public se demandait comment
M. Rivard avait pu...
M. LESAGE: Tiens.Il commence.
M. JOHNSON: ... par une température de 42 degrés...
M. LESAGE: C'est ça.
M. JOHNSON: ... obtenir d'aller arroser la patinoire. M. le
Président, tout le monde se demandait comment il se faisait qu'il avait
été recueilli par quelqu'un...
M. LESAGE: Le Premier ministre ferait peut-être mieux de
s'informer à son ministre de la Justice pour savoir ce qu'il y a dans le
dossier de Rivard.
M. LOUBIER: Mon Dieu Seigneur!
M. JOHNSON: M. le Président, je rappelle les circonstances dans
lesquelles...
M. LESAGE: Bien, je pense que le Premier ministre aurait
intérêt...
M. JOHNSON: ... cette Chambre a été saisie du
problème de l'évasion de Rivard. Et à ce moment-là
le public avec raison se demandait qui a donné la permission à un
homme d'aller arroser une patinoire quand la température était
aussi élevée et presque aussi élevée que certains
jours à Miami et que ça ne gelait pas de toute façon
à 42 degrés Farenheit.
M. LESAGE: Très bien, mais ne vous vantez pas après
ça que jamais vous n'avez touché à l'ancien ministre de la
Justice.
M. JOHNSON: M. le Président, à ce moment-là nous
sommes revenus à la charge je ne sais combien de fois...
M. LESAGE: C'est ça.
M. JOHNSON: ... pour demander au ministre de la Justice du temps: Mais
qui a donné la permission et qu'est-ce que vous faites de ceux qui ont
donné la permission?
M. LESAGE: C'est dans le dossier.
M. JOHNSON: M. le Président, ce sont les seules questions que
nous posions à ce moment-là.
M. ALLARD: Pourquoi n'y répondait-il pas dans ce
temps-là?
M. JOHNSON: Nous n'avons jamais insinué qu'il était de
connivence...
M. LESAGE: Non?
M. JOHNSON: Jamais je n'ai insinué qu'il était de
connivence. J'ai même pendant toute la campagne électorale dit sur
les trétaux et à la télévision, que le ministre de
la Justice voulait sans doute nettoyer, voulait sans doute apporter des
réformes, mais il semble que son bras était retenu...
M. LESAGE: Oui, c'est bien mieux ça!
M. JOHNSON: ... alors ce n'était pas accuser le ministre de la
Justice de ne pas faire son devoir...
M. LESAGE: Bien voyons, si son bras était retenu.
M. JOHNSON: Son bras retenu, M. le Président, cela veut dire
quoi? Cela veut dire que le ministre de la Justice, pour des motifs, et
à cause de pressions que j'ignore, n'a jamais pu de son
siège...
M. LESAGE: Quant on les ignore on ne dit pas un mot.
M. JOHNSON: ... nous dire qui avait autorisé Rivard à
arroser et qu'est-ce qui était arrivé à la chafne de ceux
qui avaient donné les autorisations dans cette affaire.
M. LESAGE: C'est au dossier.
M. JOHNSON: On n'a jamais expliqué non plus...
M. LESAGE: C'est au dossier.
M. JOHNSON: On n'a jamais expliqué à cette Chambre...
M. LESAGE: Expliquez-le vous, vous avez le dossier.
M. JOHNSON: ... comment il se fait que ce-
lui qui l'a pris, l'a transporté, celui dans la voiture duquel,
comme par hasard, Rivard est tombé au coin d'une rue, a pris une heure
avant de le dénoncer, M. le Président.
M. LESAGE: C'est au dossier.
M. JOHNSON: On n'a jamais eu de réponse à cette
question-là. Comme on n'a jamais eu de réponse...
M. LESAGE: Ce n'est pas fini.
M. JOHNSON: ... à d'autres questions que nous avons posées
sur les faillites frauduleuses et sur le manque de poursuites dans certains
cas...
M. LESAGE: Je vais vous en poser là-dessus.
M. JOHNSON: ... et sur le problème par exemple des frères
Selfkin dans une histoire de Montréal-Nord. C'est moi-même qui ai
demandé l'enquête et jamais nous n'avons eu de
réponse...
M. LESAGE: Cela s'en vient.
M. JOHNSON: ... dans cette Chambre, pendant trois ans, sous trois
procureurs généraux différents, cela commence à
être grave, M. le Président. Il n'a pas été question
jamais dans cette Chambre par aucun député de l'Opposition de
1960 à 1965 de mettre en doute l'intégrité personnelle
d'un ministre de la Justice que ce fut le député de St-Maurice,
le député de Outremont ou le député de Verdun.
L'intégrité du député de St-Maurice a
été mise en doute non pas comme ministre de la Justice mais dans
d'autres circonstances qu'il n'est pas agréable de rappeler et qu'il est
inutile de rappeler.
M. LESAGE: Bon bien alors n'en parlez pas.
M. JOHNSON: J'ai simplement dit: comme ministre de la Justice, et j'ai
entendu murmurer et j'ai vu sursauter et sautiller encore certain membre de
l'opposition, certain au singulier.
M. LESAGE: Bien, il y a de quoi.
M. JOHNSON: C'est toujours le même.
M. BELLEMARE: Vingt-deux interruptions.
M. JOHNSON: Donc, M. le Président, je vou- lais dire que le
ministère de la Justice n'est pas un ministère comme les autres,
qu'on ne peut pas faire porter sur les épaules d'un homme quel qu'il
soit, la responsabilité de tous les péchés du monde et de
tous les crimes qui malheureusement continuent et continueront de se commettre
dans cette province comme dans les autres pays. Tout ce qu'on peut demander
à un ministre de la Justice c'est qu'il mette toutes ses forces à
l'appui de son travail. Je sais que le ministre de la Justice doit partager son
temps entre deux ministères, mais il est particulièrement
qualifié pour s'occuper de la justice et il est entouré de tous
ces mêmes officiers qui ont été choisis du temps de
l'administration antérieure et au sujet desquels nous n'avons aucune
raison de nous poser des questions quant à leur compétence et
quant à leur dévouement et à leur travail.
M. le Président, jusqu'à preuve du contraire, le ministre
de la Justice et celui qui vous parle font confiance à ces hommes et je
pense bien qu'il serait injuste, qu'il est même très injuste
d'entendre certains propos de l'ancien ministre de la Justice. Ses propos sont
injustes envers des hommes qui se sont donné à leur
carrière de haut fonctionnaire et qui j'ai tout lieu de croire
font l'impossible pour s'acquitter de leur devoir.
On disait dans une revue récemment: Dans les corridors du
parlement, chacun a cherché d'expliquer à sa façon le
comportement de M. Wagner. Certains prétendent qu'il recherche la
publicité, d'autres, qu'il n'a pas encore digéré sa
défaite. M. le Président, c'est un journaliste censé
sérieux qui écrit de tels propos.
Quant à moi, je dis que l'ancien ministre de la Justice est sur
une très mauvaise voie quand il tente d'exploiter ses connaissances dans
ce domaine, connaissances qu'il a acquises en servant sa province comme
ministre de la Justice, connaissances qu'il a acquises comme avocat de la
couronne, comme juge, connaissances des faits qu'il a acquise en ayant
accès à des dossiers. L'ancien ministre de la Justice est sur une
fausse piste s'il croit que c'est une façon pour lui de se grandir et de
s'accorder ou de maintenir une popularité. Ce n'est pas en faisant
passer tout le reste du troupeau pour des galeux qu'on va prouver qu'on n'est
pas galeux: ce n'est pas en faisant planer le doute sur
l'intégrité de tous les autres députés, de tous les
autres ministres et du gouvernement qu'on va prouver à la population
qu'on est réellement sain. A vouloir faire l'ange, on risque de faire la
bête, disait Pascal, et c'est un conseil que je donne au jeune
député de Verdun. Ce n'est pas une façon constructive. A
court terme, ça
peut être ou paraître rentable, mais à long terme, ce
n'est certainement pas, M. le Président, une façon d'aider la
cause de la justice avec un grand J. J'ai été témoin
moi-même de l'attitude qu'a prise le ministre actuelle de la Justice
lorsque, pour des motifs, que je ne veux pas discuter, qui sont justes ou
injustes, probablement injustes, on a créé des problèmes
à l'ancien ministre de la Justice. J'ai été témoin
moi-même de la sollicitude avec laquelle le ministre de la Justice a
offert les services des avocats de son choix au député de
Verdun.
M. le Président, j'étais au courant de la démarche
que devait faire le ministre de la Justice et c'est avec plaisir que j'ai
concouru à ses vues. Le poste de ministre de la Justice est tellement
difficile à remplir qu'un homme, qui doit être assailli de
problèmes à la suite de son stage comme ministre, mérite
bien que l'Etat qu'il a voulu servir se porte à se défense ou
défraie les défenseurs des procureurs qu'il a
décidé de choisir.
C'est ainsi, c'est la mentalité du ministre actuel de la Justice.
C'est son tempéramment, c'est son coeur qui le fait agir ainsi et c'est
son bon sens naturel, son sens du devoir et de l'honneur. Je vous assure que
les propos qui ont tendance à vouloir, d'une façon
détournée, jeter du doute sur l'intégrité du
député de Missiquoi, sont des propos qui ne seront jamais bien
acceptés non seulement par le chef du parti, mais par aucun des
députés de l'Union Nationale, aucun de ceux qui siègent
à votre droite, M. le Président. Nous avons tous pour le ministre
de la Justice une très grande estime et nous n'endurerons pas que l'on
utilise de pareilles tactiques contre lui. Disons que, pour ma part, je
regrette que cet incident soit survenu et j'espère que nous aborderons
ce problème de la justice avec sérénité et en
respectant les droits individuels. La meilleure façon de respecter les
droits individuels, de prouver qu'on a foi aux droits de l'homme, c'est
évidemment de le pratiquer et de le pratiquer ici en Chambre, ce que ne
semble pas avoir fait le député de Verdun.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, le Premier ministre, cet
après-midi, a commencé ses remarques en faisant un
parallèle entre ce qui se passe dans d'autres pays en ce qui concerne
l'administration de la justice et notre système d'administration de la
justice.
Evidemment, ce qui se passe dans d'autres pays, les méthodes
différentes qui sont adoptées le sont en vertu de la constitution
de ces pays. Tant et aussi longtemps que nous aurons la constitution interne du
Québec que nous avons, le ministre de la Justice est et demeure
responsable à la Chambre et aux citoyens du Québec de ses actes
comme ministre de la Justice et de ceux de ses fonctionnaires.
Tout est relatif en ce monde. Les origines immédiates du grief
soulevé par le député de Verdun remontent aux 13 et 14
avril maintenant, le temps passe vite. En effet, j'ai posé une question
précise au ministre de la Justice, vendredi matin, le 14 avril dernier
et je réfère la Chambre au journal des Débats à la
page 2183. J'avais posé la question suivante: « M. le
Président, étant donné tout ce qui se dit et
s'écrit, particulièrement au sujet de certaines faillites
frauduleuses je n'en sais pas le nombre, est-ce 12, 14 ou 18, je ne sais
trop faillites survenues à Montréal et qui auraient fait
l'objet d'une enquête par la sûreté de Montréal, le
ministre de la Justice ne croit-il pas qu'il serait avantageux pour tous qu'il
fasse une mise au point sur le sujet? »
Le ministre, à ce moment-là, n'a pas répondu
directement à ma question. Il a préféré se lancer
dans une diatribe assez violente contre le député de Verdun. J'ai
dû poser ma question à nouveau.
M. BERTRAND: Je soulève une question de privilège. A ce
moment-là, immédiatement avant la séance le chef de
l'Opposition s'en rappellera il est venu me dire qu'il avait une
question à me poser.
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: Il m'a dit l'objet de sa question ou le sujet.
M. LESAGE: Je viens de la lire.
M. BERTRAND: Je lui ai dit: Très bien, j'ai une
déclaration à faire. Et lorsqu'il dit que je me suis lancé
dans une diatribe contre le député de Verdun, j'ai tout
simplement répondu à des propos qu'avait tenus le
député de Verdun.
M. LESAGE: Je qualifie ça de diatribe. Le ministre de la Justice
n'est pas obligé de partager mon opinion, je ne l'y force pas. Je ne
suis pas le chef de la sûreté qui force un policier à
rester en fonction, même s'il veut démissionner.
M. BELLEMARE: Aucun débat antérieur.
M. LESAGE: Je ne force pas le ministre de la Justice à partager
mon opinion. Je qualifie son intervention à ce moment-là de
diatribe.
Evidemment, ça peut fort bien ne pas être son opinion. Tout
ce que je dis, c'est qu'il n'a pas répondu à ma question mais
qu'il a fait sa déclaration et il m'avait dit qu'il avait
l'intention de faire une déclaration ministérielle mais je
suis revenu à la charge. Je ne reproche rien à personne. Je
relate les faits. Je suis revenu à la charge et je réfère
la Chambre à la page 2184 et là j'ai demandé: «
Est-ce que le ministre de la Justice pourrait éclairer la Chambre sur
deux points bien spécifiques: Premièrement, les
déclarations attribuées au chef de la Sûreté
municipale de Montréal, M. Gilbert, quant à un certain nombre de
dossiers de faillite alléguées comme frauduleuses et,
deuxièmement, les paroles attribuées par les journaux au
registraire du Canada, M. Turner, à l'effet que dans ces cas que je
viens de mentionner, qui auraient été aussi mentionnés par
le chef Gilbert, M. Turner ou son ministère du registraire du Canada
s'apprêterait à procéder en justice alors qu'il me semble
que la responsabilité en ce qui concerne les poursuites criminelles
...»
Comme l'a dit tout à l'heure le ministre de la Justice,
appartiennent au ministère de la Justice du Québec et, là,
le ministre de la Justice n'a pas répondu à ma question. Il a
tergiversé et j'ai dû revenir à la charge de nouveau. Et
c'est là que le ministre de la Justice m'a enfin répondu,
à la page 2185: « Si le chef de l'Opposition me le permet, j'ai
justement demandé à celui qui est le sous-ministre
associé, en charge de toutes les matières criminelles à
Québec de voir à clarifier cette situation, et non pas,
même si j'ai dit qu'on attendrait, on n'attend pas pour les poursuites
dont nous avons les dossiers.
Dans ce sens-là, j'ai demandé au sous-ministre
associé de communiquer avec le directeur Gilbert sans délai pour
obtenir toutes les informations et déceler quelles peuvent être
les raisons de ce retard. Plus tard, le même matin, vendredi matin,
après que le ministre de la Justice se fut absenté de la Chambre
pour aller téléphoner, il a complété sa
déclaration et il a dit, je cite la page 2190 du journal des
Débats: « J'ai communiqué avec le directeur Gilbert, ce
matin. Je viens de le faire et il était en conférence avec le
procureur adjoint de la couronne, Me Réal Brunet, justement sur tous les
aspects de ce problème. » Et j'ai alors déclaré,
clairement, après que j'eus attiré l'attention du ministre de la
Justice et, à ce moment-là, seulement, avait-il communiqué
avec Montréal pour savoir ce qui se passait. Il est clair que le
ministre de la Justice, débordé comme il l'est, le Premier
ministre l'a dit, lui-même l'a dit, je suis d'accord, le ministre de la
Justice, qui est en même temps ministre de l'Education, est
débordé. C'est bien humain. Et il a agi lorsqu'il a
été poussé dans le dos.Il a la charge de deux des plus
importants, sinon les plus importants ministères du gouvernement. Et je
reconnais en lui un homme intelligent et extrême ment travailleur. Je lui
en fais le compliment et, d'ailleurs, il sait que c'est sincère.
Mais il ne peut pas donner toute sa mesure ni à l'un ni à
l'autre ministère. C'est physiquement impossible. C'est
intellectuellement impossible.
M. BERTRAND: Voici. Je ne voudrais pas interrompre le chef de
l'Opposition. Je n'ai pas l'intention de poser au martyr. Pas du tout. J'ai
déclaré déjà, et à l'époque, le
Premier ministre a eu le même problème en 1960, mais je consacre
au moins 18 heures pas jour à l'exercice de mes fonctions...
M. LESAGE: Oui, je viens de le dire.
M. BERTRAND: Et j'ai conscience d'avoir consacré au
ministère de la Justice autant de temps que l'ancien ministre de la
Justice et de consacrer au ministère de l'Education...
M. LESAGE: Non, ce n'est pas possible.
M. BERTRAND: ... avec l'appui des deux ministres d'Etat qui travaillent
avec moi, autant de temps que l'autre ministre de l'Education.
M. LESAGE: Vos ministres d'Etat, ils ne font rien. Non, non. D'ailleurs,
le député de Montcalm s'en plaint lui-même qu'on ne lui
laisse aucune responsabilité, qu'on le considère trop jeune. M.
le Président, pour faire plaisir au ministre de la Justice, je vais
citer ce qu'il a dit, le mardi, 18 avril, justement sur le sujet qu'il vient de
soulever.Il a dit ceci, à la page 2232: « En toute
humilité, j'ai l'impression d'avoir accompli mon devoir tant au
ministère de la Justice qu'au ministère de l'Education. »
Je l'avais souligné.
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LESAGE: « Que cela, à certains moments, M. le
Président, et je ne voudrais pas m'allonger dans ce domaine, prolonger
le débat, ait imposé un fardeau excessivement lourd, j'en
conviens ».
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LESAGE: ... « mais qu'on parte de là pour dire que je
n'ai pas rempli mes fonctions en toute conscience et en toute
honnêteté, c'est faux. » Je suis d'accord. Je le sais que le
ministre de la Justice, qui est en même temps ministre de l'Education
fait tout ce qu'il peut. Mais tout ce qu'un homme peut pour ces deux
ministères, ce n'est pas assez. Et il l'a admis lui-même...
M. BERTRAND: Vous en aviez trois, vous!
M. LESAGE:Il l'a admis. Je n'avais pas, outre la fonction de
président du conseil, et de Premier ministre qui, elle, est
extrêmement importante et prend tout le temps d'un homme.
Il y avait le ministère des Affaires
fédérales-provinciales qui est devenu le ministère des
Affaires intergouvernementales.
M. BERTRAND: Et des Finances.
M. LESAGE: ... qui, dans les circonstances actuelles et j'en
prends à témoin le Premier ministre doit être rempli
par le Premier ministre. J'avais le ministère des Finances comme le
Premier ministre actuel a le ministère des Richesses naturelles. Mais
n'oublions pas que le fait d'être ministre des Finances m'aidait
énormément dans mon travail comme Premier ministre, parce que je
savais ce qui se passait dans tous les ministères.
M. BERTRAND: Ah! c'est encore pire.
M. LESAGE : Bien oui, mais cela marchait. Cela fonctionnait ensemble,
ça se complétait, M. le Président. Tandis que le
ministère de l'Education et le ministère de la Justice sont deux
des ministères les plus importants et ils ne se
compénètrent pas.
Les attributions, les fonctions à exercer ne se
compénètrent pas, contrairement à ce qui existait entre la
fonction de président du conseil, de ministre des Affaires
fédérales-provinciales et de ministre des Finances. Et,
d'ailleurs, je prends à témoin...
M. BERTRAND: C'est-à-dire que vous, ça vous permettait de
pénétrer partout.
M. LESAGE: Oui, ça me permettait d'avoir les yeux partout, je
l'admets, et c'était bien commode. Et il vaut mieux avoir les yeux
partout que de ne pas avoir le temps de les avoir partout, comme l'a admis
d'ailleurs le ministre de l'Education.
M. BERTRAND: Non, non.
M. LESAGE: Oui, ah oui. Il a dit: Quel que soit le ministre, comment
voulez-vous qu'il ait le don d'ubiquité pour savoir tout ce qui se passe
aux quatre coins de la province de Québec? Et ça, c'est à
la page 2236...
M. BERTRAND: Et pas plus l'ancien ministre que l'actuel ministre.
M. LESAGE: Son interruption est arrivée juste au moment où
j'allais lui citer ce qu'il avait dit lui-même le mardi 18 avril.
M. BERTRAND: Vous l'avez déjà entendu, mon discours, et
moi aussi.
M. LESAGE: Il ne peut pas...
M. BERTRAND: Trouvez au moins autre chose à dire.
M. LESAGE: ... le ministre de la Justice, il ne peut pas en même
temps faire les deux, c'est impossible. C'est physiquement et
intellectuellement impossible de se donner totalement à la direction de
chacun de ces deux ministères. Ce n'est pas sa faute, ce n'est pas sa
faute, il ne pouvait pas refuser, lui, le député de Missisquoi,
le double fardeau que lui a imposé le premier ministre. Aussi je dis que
c'est lui, le premier ministre, qui doit porter les conséquences...
M. BERTRAND: C'est la province qui me l'a imposé.
M. LESAGE: ... du double mandat qu'il a imposé au
député de Missisquoi et c'est mardi soir, le 18 avril, que le
premier ministre déclarait, entre autres, et je cite la page 2239 des
Débats: « C'est dur d'avoir deux ministères, mais pour
amorcer le travail d'organisation, de réorganisation dans certains
secteurs, pour continuer le travail déjà commencé dans
d'autres secteurs, je n'en connaissais pas de meilleur pour le moment que le
ministre, le député de Missisquoi, même si je devais lui
demander de prendre ces deux fonctions pour un temps limité.
J'ai été premier ministre, j'ai acquis une certaine
expérience sur la responsabilité qu'entraîne la direction
des divers ministères. Or, je continue de soutenir qu'à l'heure
actuelle, les deux ministères qui exigent le plus de travail de leurs
titulaires, et ce sont ceux également qui exigent l'attention la plus
constante, ce sont l'Education et la Justice. Le ministère de
l'Education a un budget d'au-delà de $1 milliard brut cette
année. Nous sommes en pleine poussée de l'éducation, en
pleine poussée, pous-
sée spectaculaire. Il y a des problèmes à tous les
niveaux de l'éducation, qu'il s'agisse de l'élémentaire,
du secondaire, du collégial et de l'universitaire. Il y a les
problèmes des enseignants, il y a les problèmes des commissions
scolaires. Les problèmes pullulent et ils sont tous plus aigus les uns
que les autres. A la justice, eh bien, on sait qu'il fallait ou qu'il aurait
fallu qu'un ministre chargé uniquement de l'administration de la justice
donne toute son attention à tous les problèmes qui se posent
constamment: problèmes de juridictions, problèmes
constitutionnels, le ministre de la Justice doit donner son avis.
M. BERTRAND: On s'en occupe.
M. LESAGE: ... problèmes de la sûreté,
problèmes du maintien de la paix, problèmes de la
prévention des crimes, surtout au moment de l'Expo, problèmes de
la circulation il les a invoqués tout à l'heure, et combien
d'autres problèmes, tous plus difficiles les uns que les autres et qui
demandent la direction personnelle constante du ministre.
M. BERTRAND: Mais le chef de l'Opposition me permettra ceci le
premier ministre l'a noté tantôt. Il y a dans tout
ministère des officiers...
M. LESAGE: J'y arrive.
M. BERTRAND: ... il y a deuxièmement un directeur de la
Sûreté, il ne faut pas l'oublier.
M. LESAGE: Très bien. M. le Président, à ce
compte-là, il pourrait n'y avoir que le Premier ministre et des
sous-ministres à tous les ministères, ce serait aussi simple que
ça, il n'aurait pas besoin de ministres.
M. BERTRAND: Non, et le ministre prend les décisions qui
s'imposent...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: ...et il les a prises en temps et lieu.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Qu'il me soit permis de rappeler aux
honorables députés les dispositions de notre article 286 qui
prévoit le mode d'intervention qu'on peut faire lorsqu'un
collègue a reçu le droit de parole de la part du
président.
M. LESAGE: Alors, M. le Président, avec ce que vient de dire le
ministre de la Justice il est clair qu'il suffirait d'un Premier ministre et
des sous-ministres pour chacun des ministères.
M. JOHNSON: C'est ce qui se passait avant le 5 juin.
M. LESAGE: Mais je dis que chaque ministère doit avoir...
M. JOHNSON: Avant le 5 juin, c'était ça.
M. LESAGE: ... en vertu de notre système, un titulaire qui donne
tout son temps à son ministère, surtout étant donné
les complexités actuelles de l'administration d'une province qui a un
budget de $2 milliards 500 millions. Je sais que le député de
Vaudreuil-Soulanges a travaillé pendant les six ans que nous avons
été au pouvoir comme ministre de la Jeunesse et puis comme
ministre de l'Education sans relâche, sans jamais ralentir. Il a
donné la direction à son ministère, il a réellement
dirigé son ministère. Il était entouré de hauts
fonctionnaires qui avaient toutes les capacités nécessaires pour
l'aider, pour le conseiller, pour lui fournir la documentation mais c'est lui
qui prenait les décisions et, lorsqu'il y avait lieu, il faisait des
recommandations au conseil des ministres qui prenait les décisions.
Pour ce qui est du ministre de la Justice, le député de
Verdun a donné tout son temps.
M. JOHNSON: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une
question?
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: Je ne comprends pas. Pourquoi a-t-il déclaré
au lendemain d'élections que c'était le ministre de l'Education
qui l'avait fait battre?
M. LESAGE : M. le Président, ce que le Premier ministre vient de
dire sous forme de question est évidemment une fausseté absolue.
Je n'ai jamais fait une telle déclaration, jamais je n'ai fait une telle
déclaration et je mets au défi le Premier ministre de le prouver,
d'ailleurs.
UNE VOIX: Les journalistes encore!
M. LESAGE : Le ministre de l'Education a donné la direction, le
député de Vaudreuil-Soulanges a donné une direction
à son ministère. Le député de Verdun était
ministre de la Justice et il donnait tout son temps, 24 heures par
jour, samedi comme dimanche, à la direction de son
ministère et ça prenait tout son temps. Nous n'avons pas de
comparaison à faire entre l'intelligence et la capacité de
travail des hommes, mais il est certain qu'il y avait deux ministres: un
ministre de l'Education et un ministre de la Justice qui donnaient tout leur
temps, qu'il s'agissait d'hommes intelligents, d'hommes d'une grande
capacité de travail et c'était nécessaire.
Aujourd'hui, à cause du Premier ministre, eh bien! on impose au
député de Missisquoi un fardeau qu'il lui est physiquement
impossible de remplir à la perfection dans les deux domaines qui sont
les plus importants de notre administration.
C'est le Premier ministre lui-même qui, parlant du travail
accompli par le ministre de la Justice, l'ancien ministre de la Justice, le
député de Verdun, et parlant de lui, en rapport avec la justice,
disait qu'il travaillait tellement dans ce domaine^que de la justice il en
mangeait.
M. JOHNSON: Moi j'avais dit ça?
M. LESAGE: M. le Président, qu'est-ce que le Premier ministre
attend...
M. LOUBIER:Il en mangeait, mais il ne la digérait pas!
M. LESAGE: ... pour avoir deux titulaires: un ministre de la Justice et
un ministre de l'Education.
M. JOHNSON: Avez-vous des suggestions? M. LESAGE: Oui, je vais en faire
une. M. JOHNSON: D'accord.
M. LESAGE: N'a-t-il personne parmi sa députation...
M. JOHNSON: Oui, j'en ai trop.
M. LESAGE: ... s'il n'a personne parmi sa députation, c'est un
joli compliment qu'il fait à sa députation.
M. JOHNSON: J'en ai trop.
M. LESAGE: Ah, et s'il n'en a pas, ce n'est certainement pas parce qu'il
en a trop, ça ce n'est pas une excuse.
M. JOHNSON: J'ai de bons hommes.
M. LESAGE: M. le Président, je ne ferai pas de
personnalité, c'est la dernière des choses que je voudrais faire,
mais s'il en a tellement qui sont compétents parmi la députation,
bien qu'il ait le courage de choisir, c'est son premier devoir. Et s'il n'en a
pas de compétents pour la justice ou pour l'éducation, bien mon
Dieu, il y en a plusieurs qui ne font pas grand-chose ici en Chambre parmi ses
députés, qu'il en fasse démissionner un et puis qu'il
prenne le risque fatal d'une élection partielle.
M. LOUBIER: Ah, mon Dieu!
M. LESAGE: Il aura peut-être une chance à un moment
donné, on ne sait pas, de faire élire un homme qui aurait les
qualifications qu'il ne reconnaît pas à ses députés
ou même à ses collègues, les ministres, et de tenter de le
faire élire pour le nommer ministre de la Justice.
M. JOHNSON: Seriez-vous prêt à me recommander M.
Ducros?
M. LESAGE: Pardon? Je n'ai aucune recommandation à faire. Quand
fêtais premier ministre, je n'ai accepté de personne les
recommandations qui m'étaient faites pour les nominations de ministres:
c'était la responsabilité du premier ministre et le Premier
ministre doit avoir le courage d'exercer son propre jugement, parce que c'est
sa décision à lui: constitutionnellement et en
réalité, il le sait, c'est à lui. Qu'il ne cherche pas
à se débarrasser de sa responsabilité sur d'autres. C'est
sa responsabilité à lui et il n'a pas le droit de laisser
l'Education et le ministère de la Justice écraser son ancien
adversaire à la convention.
M. BERTRAND: M. le Président, est-ce que le chef de l'Opposition
me permet...
M. LESAGE: Bien oui, mais c'est le député de Missisquoi
qui s'est plaint qu'il avait trop de travail.
M. BERTRAND: J'ai déjà eu des offres qui m'ont
été faites dans le passé d'être nommé
juge.
M. JOHNSON: Par les libéraux.
M. LESAGE: Bien oui, puis?
M. BERTRAND: Par le gouvernement...
M. LAPORTE: Vous n'auriez eu que ça à faire,
cependant.
M. LESAGE: Bien oui, mais le député de Missisquoi n'aurait
pas eu le droit de faire autre chose que de juger, que d'entendre les causes et
de juger. Ce que je dis, c'est que le Premier ministre ne prend pas ses
responsabilités lorsqu'il écrase d'un fardeau aussi lourd que
celui des deux ministères les plus importants du gouvernement un seul
homme en qui j'ai confiance, je l'ai dit, je le répète, mais, par
exemple, à qui il est physiquement et intellectuellement impossible de
donner une attention et une direction totales dans ces deux champs
d'activité provinciale.
M. BERTRAND: Rappelez-vous donc David et puis Goliath.
M. LESAGE: M. le Président, je me souviens très bien que
j'ai eu l'expérience à un moment donné...
M. JOHNSON: Ils sont trois pour deux ministères.
M. LESAGE: ... j'ai demandé au procureur général du
temps, l'ancien député d'Outremont, d'accepter temporairement le
ministère des Affaires culturelles, il l'a accepté. Mais à
partir du début de l'année 1963, il m'a supplié de le
libérer de sa charge de procureur général. Il m'a
dit...
M. BERTRAND: Il l'a été pendant trois ans. M. LESAGE: Deux
ans, j'ai les dates ici. M. BERTRAND: Peu importe, deux ans.
M. LESAGE: Deux ans. Bien oui, mais je dis qu'au début de 1963 il
m'a demandé d'être libéré de la charge de procureur
général, parce que, me disait-il, il est impossible...
M. JOHNSON: Cela fait deux ans et demi, ça.
M. LESAGE: ... ça faisait un an que ça durait à ce
moment-là, un an et quelques mois, et on se souviendra qu'au
début le ministère des Affaires culturelles avait un très
petit budget: ce n'était pas un budget d'au-delà $1 milliard,
loin de là.
Le ministère des Affaires culturelles était en formation
à ce moment-là: c'était le début, le budget
était très petit et ne requérait pas une attention aussi
constante, mais lorsque le ministère des Affaires culturelles,
après la préparation du budget pour l'année
financière 1963/64, eut pris de l'expansion et était en voie
d'expan- sion, à ce moment-là, le procureur général
du temps et pourtant il s'agissait d'un homme extrêmement
intelligent, d'un homme travailleur m'a demandé d'être
libéré, parce que, me disait-il, il était impossible de
remplir les deux charges en même temps. Il ne s'agissait pas du
ministère de l'Education: il s'agissait seulement du ministère
des Affaires culturelles, qui d'ailleurs, a pu être accepté par un
autre qui avait un autre ministère...
M. BERTRAND: Il en avait deux.
M. LESAGE: Le ministère des Affaires culturelles est loin de
demander le degré d'attention, le temps et les responsabilités de
direction du ministère de l'Education. En août 1963, eh bien, le
procureur général a été remplacé et M.
Lapalme est demeuré ministre des Affaires culturelles. Et, à
partir d'août 1963, le procureur général a occupé
cette fonction et cette fonction seulement. Ce fut d'abord le
député de Shawinigan et ensuite le député de Verdun
et cela a pris tout leur temps et, pendant tout ce temps-là, le ministre
de l'Education était toujours le député de
Vaudreuil-Soulanges qui a donné tout son temps.
Alors, je ne comprends pas le Premier ministre, je regrette qu'il ne
soit pas à son siège, mais d'un autre côté, je le
lui ai dit tout à l'heure. Il doit prendre les dispositions
nécessaires et c'est sa responsabilité constitutionnelle dele
faire. Il doit prendre les dispositions nécessaires pour qu'il y ait un
titulaire différent à chaque ministère, qui soit en mesure
de donner la direction réelle à chacun des ministères. Ce
n'est pas la situation actuelle et malgré toute la bonne volonté,
malgré le dévouement du député de Missisquoi, eh
bien, il ne peut pas, c'est inhumain. Et, si la province peut se
considérer heureuse d'avoir parmi ses parlementaires le
député de Missisquoi, elle ne peut pas se considérer
heureuse de le voir surchargé au point où on abuse de ses
capacités physiques et où un premier ministre le charge tellement
qu'il lui rend la tâche impossible, cette tâche de diriger
efficacement deux ministères importants.
On a parlé de faillites frauduleuses au cours de la discussion
qui a suivi le grief invoqué par le député de Verdun .
L'enquête Mercier avait été mise sur pied grâce
à la participation active et personnelle du ministre du Revenu du temps,
du ministre de la Justice du temps, des procureurs spécialistes de la
couronne et des comptables du ministère du Revenu. Au cours de
l'enquête Mercier, les officiers du ministère de la Justice, avec
l'aide de la Sûreté municipale de Montréal et de la
Sûreté provinciale,
ont soumis au commissaire Mercier toute la preuve dont ils avaient
besoin pour qu'il puisse, lui, M. Mercier, en arriver à ses conclusions
et pendant que l'enquête se continuait, les réseaux de faillites
frauduleuses ont été démembrés en même temps:
c'est ma réponse à la question posée par le Premier
ministre tantôt dans un autre débat. Par exemple, le réseau
de Julius Erbstein dont une partie des dossiers vient d'être
retirée tout récemment des mains de Me Rimaneck qui s'en occupait
depuis deux ans. Mes informations, et elles viennent de personnes dignes de
confiance, sont à l'effet que, depuis le mois de juin dernier, le
sergent Léo Talbot de l'escouade de sécurité sociale de
Montréal et Me Rimaneck ont demandé à plusieurs reprises,
notamment au mois d'août, au mois de décembre 1966 et au mois de
mars 1967 de l'aide au ministère de la Justice, mais en vain. Ce n'est
qu'au moment où les révélations publiques ont
été faites par le député de Verdun que le ministre
actuel de la Justice a demandé à Me Migneault de rencontrer M.
Talbot.
Pourquoi tout ce retard de juin 1966 à avril 1967?
M. JOHNSON: Oui.
M. LESAGE: ... Est-ce que l'on attendait que l'Opposition
libérale soulève la question en Chambre? Est-ce qu'on attendait
les déclarations publiques...
M. JOHNSON: Non.
M. LESAGE: ... du directeur Gilbert? Vous attendiez, vous restiez assis,
vous ne bougiez pas comme d'habitude.
M. JOHNSON: On attendait que l'ancien ministre de la Justice
amène déjeuner ses protégés à la Couronne
puis qu'il les fasse parler.
M. LESAGE: M. le Président, les attaques personnelles du Premier
ministre, contre l'ancien ministre de la Justice ne le mèneront à
rien.
M. JOHNSON: Non, non, non, non. M. LESAGE: Et il le sait.
M. JOHNSON: Non, ses insistances à amener dîner les avocats
de la Couronne...
M. LESAGE: ... M. le Président, je traite de l'administration de
la Justice, je n'attaque personne...
M. JOHNSON: ... qu'il a nommés. Non...
M. LESAGE: ... personnellement, pas même le Premierministre...
M. JOHNSON: Ah non.
M. LESAGE: ... je l'ai attaqué tout à l'heure dans
l'exécution de ses fonctions de ses responsabilités comme Premier
ministre et c'est mon devoir de le faire. Mais je ne l'attaque pas
personnellement.
Je ne l'attaque pas personnellement, je n'ai pas l'intention de le
faire, pas plus que j'ai attaqué personnellement le ministre de la
Justice, mais c'est mon devoir comme chef de l'Opposition, pour le peu de temps
que j'y serai, parce que ça ne sera pas long, je vais traverser de
l'autre côté, que ... mon devoir, c'est mon devoir...
M. JOHNSON: Je remarque que c'est la seule bonne « gang »
qui est en Chambre aujourd'hui.
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: Ce sont les fidèles en Chambre.
M. LESAGE: C'est mon devoir de suivre le Premier ministre de
façon à ce que lorsque nous retournerons très
bientôt de l'autre côté, toute l'administration de la
province n'ait pas été gaspillée par son
incompétence administrative et par son bougez pas et son laissez faire.
Je parle du gouvernement.
M. BELLEMARE: Cela va prendre bien du temps.
M. LESAGE: Et cela inclut l'administration du ministre du Travail.
M. JOHNSON: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question?
Est-ce que c'est un reproche fait au gouvernement d'avoir gardé tous les
mêmes fonctionnaires?
M. LESAGE: Je n'ai pas parlé des fonctionnaires. Je n'ai
absolument rien à dire contre les fonctionnaires.
M. LOUBIER: Qu'est-ce qu'ils ont fait le 5 juin?
M. LESAGE: ... D'ailleurs, je serais le dernier à faire porter la
responsabilité du « bougez
pas » aux fonctionnaires du gouvernement.Les fonctionnaires au
ministère de la Justice, ce qui arrive, c'est qu'ils ne reçoivent
pas de directions, suffisamment, d'instructions de leur ministre qui n'en a pas
le temps parce qu'il a été surchargé par le Premier
ministre.
M. BERTRAND: C'est faux.
M. LESAGE: Le responsable, c'est le Premier ministre.
M. JOHNSON: Qu'en savez-vous?
M. LESAGE: Les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice
sont des hommes qui remplissent leur devoir...
M. JOHNSON: Se sont-ils plaints au chef de l'Opposition?
M. LESAGE: ... je les connais. Ils ne se sont pas plaints au chef de
l'Opposition.
M. DOZOIS: Qu'en savez-vous?
M. LESAGE : Le chef de l'Opposition ne demande rien et n'accepte pas de
plaintes...
M. LOUBIER: Comment savez-vous ça, vous?
M. LESAGE: ... de plaintes des hauts fonctionnaires quels qu'ils
soient.
M. LOUBIER: Comment savez-vous qu'ils manquent de directives, vous?
M. LESAGE: Par les résultats.Il ne se fait rien!
M. LOUBIER: Ah mon Dieu Seigneur!
M. LESAGE: Lorsque nous étions au pouvoir ça bougeait dans
le Québec, c'étaient les mêmes fonctionnaires, mais il y
avait des directives...
M. LOUBIER: Ils vous ont battus par exemple. Ils vous ont
jugés.
M. LESAGE: ils avaient de la direction des ministres. Ce ne sont pas les
fonctionnaires qui ont jugé le gouvernement que je dirigeais...
M- LOUBIER: C'est le peuple.
M. LESAGE: ... non, on pourra en parler de ceux qui ont jugé,
c'est 41% de la population qui a été trompée
particulièrement par le député de Bellechasse.
M. LOUBIER: Sans augmentation de taxe.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai bien l'intention de terminer
avant six heures, mais si on continue de m'interrompre de la sorte, il est
certain que j'en aurai pour la soirée.
M.LOUBIER: Vingt-six fois en dix minutes tout à l'heure.
M. LAPORTE: ... Vingt-septième interruption, M. le
Président.
M. LESAGE: Non, ça c'est du jeu d'enfant et lorsque ce sont des
interruptions qui ont trait exactement à ce que je dis, lorsque tout
à l'heure le ministre de la Justice ou le premier ministre m'ont
interrompu intelligemment, je ne m'en suis pas plaint, mais c'est
différent dans le cas du député de Bellechasse parce que
c'est régulièrement inintelligemment.
M. LOUBIER: Je pense que le premier ministre est venu dans Bellechasse
à la dernière élection et ils ont jaugé son
intelligence, et il a vu la majorité à la dernière
élection.
M. LAPORTE: Est-ce qu'on vapermettre de dire n'importe quoi?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER:Il est venu en hélicoptère comme un grand
seigneur, un grand prince.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A moins de directives particulières,
je suis obligé de reconnaître que l'honorable chef de l'Opposition
a actuellement le droit de parole.
M. LESAGE: Je citerai purement et simplement au député de
Bellechasse et je lui demanderai de bien vouloir, s'il le veut,
réfléchir non, il n'y a pas moyen de bien vouloir
réfléchir à ces paroles tirées d'un
éditorial du Montréal Star daté du 20 avril et
intitulé: « Revolting ». « Surely Premier Johnson will
wish to apologize to the Legislative Assembly and to Mr. Claude Wagner for the
outrageous conduct of some of his supporters during Tuesday's debate on the
administration of Justice. Mr. Johnson appears to have listened in silence.
Even if he has denied... »
M. JOHNSON: J'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: Tout fier, il se rassoit de cet-
te grande victoire aux dépens des règlements, de votre
personne et de la dignité en cette Chambre. Il sait qu'il n'a pas le
droit de citer un pareil article. Il réfère à un
débat antérieur.
M. HYDE: C'est le même débat. M. LESAGE: C'est le
même débat.
M. JOHNSON: C'est un aparté. C'est encore un effort pour soulever
cette question de racisme d'une façon indirecte.
M. LESAGE: Je n'ai pas fini.
M. JOHNSON: Si le député de Verdun s'est senti
attaqué, comme on dit dans cet éditorial que j'ai lu, grand Dieu
qu'il se lève donc et qu'il dise donc qu'il n'a pas honte de ses
origines comme chacun de nous se lève et le fait.
M. LESAGE: Voici une des pires récidives dont nous puissions
avoir connaissance. Le Premier ministre vient de ravaler cette Chambre au plus
bas niveau qu'elle n'a jamais atteint. Alors que je viens de lui lire un
article du Montreal Star qualifiant sa propre conduite, à lui, de
« revolting », il vient de redescendre, je n'ose pas dire jusque
dans quoi. Dans le plus bas de la lie. C'est ce qu'il vient de faire.
M. JOHNSON: Que le chef de l'Opposition se fasse complice...
M. LESAGE:Il vient de prouver une fois de plus que lui, il est un
raciste.Il l'a prouvé. Il l'a prouvé alors que le
député de Westmount était président de la Chambre,
il l'a prouvé le soir des élections, le 5 juin.
M. JOHNSON: Ah bon!
M. LESAGE: Il l'a prouvé ce matin, et il vient de la prouver
encore et on se demande comment il se fait que des ministres de l'Union
Nationale et des députés de l'Union Nationale lancent le cri de
race alors que l'exemple vient de haut et que dans l'Union Nationale, le
racisme et l'intolérance sont rampants depuis des années.
M. JOHNSON: J'invoque le règlement.
M. BELLEMARE: C'est de l'électoralisme pur et simple.
M. JOHNSON: J'invoque une question de privilège. Je ne me
laisserai pas en cette Chambre accuser de racisme. Je voudrais dire au chef de
l'Opposition qu'il prend des moyens bien détournés et bien
coûteux, au mépris de la vraie démocratie, pour payer
l'appui qu'il croit avoir eu dans les milieux anglophones et dans les milieux
hébreux.
M. LESAGE: Cela recommence.
M. JOHNSON: On a voulu monter en épingle, et ça fait
l'affaire du chef de l'Opposition, des remarques qui ont été
faites dans le contexte dont on se souvient et qu'il n'y a pas lieu de
dramatiser. Elles s'adressaient au député de Verdun qui n'a
jamais protesté contre quoi que ce soit, mais on a organisé un
concert, concert auquel ont participé le député de Arcy
McGee et ce matin, par une remarque, le député de Saint-Louis, et
maintenant, le chef de l'Opposition. On croit servir les fins du parti surtout
en cette période un peu exceptionnelle où ces propos auront une
plus grande publicité.
On croit servir les fins du parti libéral en flattant ou en
croyant flatter les électeurs hébreux et les électeurs de
langue anglaise et en traitant l'Union Nationale de raciste. En temps et lieu,
nous pourrons établir devant cette province que les véritables
racistes sont les deux députés de D'Arcy McGee et de Saint-Louis
qui veulent jouer sur cette corde...
M. LESAGE: Cela recommence.
M. JOHNSON: ... et qui sont indignes, s'ils continuent cette conduite,
de représenter la communauté juive dans cette Chambre.
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable Premier
ministre n'a peut-être pas employé le qualificatif
nécessaire pour décrire une pensée qui était sienne
et j'en conviens d'avance, il voudra bien retirer l'expression « indignes
» employés à l'égard de deux députés
de cette Chambre.
M. JOHNSON: M. le Président, si j'avais eu l'intention
d'arrêter ma phrase à ce mot, vous auriez eu raison, mais je le
retire quand même. J'ai eu des communications d'électeurs amis qui
sont d'ethnie juive, hébraïque et qui m'ont dit qu'ils
étaient indignés de voir un député utiliser la
religion juive pour essayer de faire de la politique. Et ça, c'est du
vrai racisme et du très mauvais racisme, de mauvais aloi.
M. BLANK: M. le Président, j'ai une question de privilège.
Quand, ce matin, j'ai posé une
question sur le parti nazi, je n'ai pas parlé seulement au nom
des Juifs: j'ai parlé du monde entier. Pas seulement sur la question des
Juifs. Si vous lisez cet article auquel j'ai référé dans
La Presse, le parti nazi a fait des remarques qui sont non seulement contre les
Juifs, mais contre les séparatistes québécois, les
Canadiens français. Ce matin, je me suis levé pour protester
contre un parti qui est prêt non seulement à exterminer les Juifs,
mais aussi les Canadiens français, les nationalistes.
M. LESAGE: M. le Président, quand on connaît l'histoire de
l'Union Nationale, on sait quel est le parti qui a toujours fait appel au
nationalisme outrancier, au chauvinisme dans cette province. On n'a qu'à
se souvenir de la dernière campagne électorale, surtout dans le
domaine de l'éducation, pour savoir jusqu'à quelle bassesse
l'Union Nationale pouvait descendre dans ce domaine de l'exploitation du
nationalisme canadien français.
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LESAGE: Mais je reviens à la trame de ce que j'étais
à dire...
M. JOHNSON: A la trame.
M. LESAGE: ... qui n'avait pas été interrompu
jusqu'à le Premier ministre décide de revenir à des
débats qui ne peuvent faire autrement qu'être violents. Alors,
j'ajoute que, toujours d'après les informations, l'escouade
spéciale de la Sûreté de Montréal attend du
ministère de la Justice, et ça toujours, depuis le 19 octobre
1966...
M. JOHNSON: D'où viennent ces informations?
M. LESAGE: Ces informations me viennent de personnes dignes de
confiance, M. le Président, et le Premier ministre n'a qu'à
vérifier au ministère de la Justice. Si le ministre de la Justice
a le temps de s'en occuper, il pourra lui communiquer les réponses.
M. JOHNSON: Envoyez- moi donc une copie de celles que vous avez
obtenues. Ce sera plus simple.
M. LESAGE: Ce sera dans le journal des Débats. Le Premier
ministre pourra vérifier.
M. COURCY: Ce sera écrit.
M. LESAGE: Je dis que l'escouade spéciale de la
Sûreté de Montréal attend du ministère de la
Justice, depuis le 19 octobre 1966, des notes sténographiques contenant
des révélations importantes, pour ne pas dire sensationnelles, et
touchant au témoignage rendu par Hilaire Paquet, le 19 octobre 1966:
Alphonse Lefebvre, le 27 octobre 1966: Jacques Bélisle, Mark Santamo, Me
Gérard Hébert, le 4 novembre 1966. Or, ces notes
sténographiques qui doivent servir à porter des plaintes
additionnelles de faillites frauduleuses et qui doivent permettre des
contre-interrogatoires plus efficaces dans certaines causes importantes, qui
doivent être entendues d'ici quelques semaines ne sont pas transcrites.
On m'informe que...
M. JOHNSON: ... et vous en connaissez le contenu?
M. LESAGE: Un instant, on m'informe que les sténographes M.
Hardy, M. Raymond Dubé, Mlle Huguette Garneau ont déclaré
qu'ils n'étaient pas payés depuis longtemps par le
ministère de la Justice et qu'il existait un malaise grave parce que des
montants considérables seraient dus par le ministère de la
Justice pour du travail effectué par les sténographes lors des
enquêtes de faillites, et c'est pour ça que ça ne marche
pas.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra cette remarque. Avec
votre permission, M. le Président, et la sienne. Dans tous ces
cas-là, dès que le sous-ministre les porte à mon attention
il y a la machine administrative.
M. LESAGE: Elle ne fonctionne pas?
M. BERTRAND: Et le chef de l'Opposition sait mieux que quiconque combien
c'est lent dans ce domaine.
M. LESAGE: Au mois d'octobre 1966.
M. BERTRAND: Et, dès l'instant où des faits semblables
sont portés à l'attention du ministre, des décisions sont
prises, communiquées à ceux qui sont responsables de la machine
administrative pour que l'on voie à corriger ces doléances justes
et fondées.
M. LESAGE: Très bien, mais alors que le ministre de la Justice ne
tombe pas sur le dos qu'il me remercie d'attirer son attention justement sur
les défauts de son administration, je remplis mon rôle. J'attire
son attention sur des faits importants.
M. BERTRAND: D'ailleurs, si le chef de l'Opposition me le permet, nous
aurons l'occasion lors de l'étude des crédits...
M. LESAGE: Non, non, c'est tout de suite, ça presse
ça.
M. BERTRAND: Nous aurons l'occasion également lors de
l'étude des crédits de faire le point sur tous ces
problèmes.
M. LESAGE: Très bien, mais je n'y serai pas lors de
l'étude des crédits. Je ne puis pas assister à
l'étude des crédits, et le ministre de la Justice le sait, et
c'est mon devoir de profiter des circonstances pour attirer l'attention du
ministre de la Justice pendant qu'il est en Chambre...
M. JOHNSON: Oui.
M. LESAGE: ...et qu'il est obligé de m'écouter ou qu'il se
sent obligé de m'écouter d'attirer son attention sur les lacunes
de son ministère, parce qu'il n'a pas le temps de le diriger.
M. BERTRAND: Mais voyons donc!
M. LESAGE: Le gouvernement antérieur avait donné
instruction que toutes les recommandations du ci-devant juge Wagner soient
suivies à la lettre à la suite de la préenquête,
cela dans l'affaire du juge Meunier, et en conséquence, toutes les
plaintes contre toutes les personnes impliquées en cette affaire ont
été portées. Or, depuis quelques mois et
j'espère que le ministre de la Justice en prend note les plaintes
portées par le gouvernement antérieur ont été
systématiquement écartées par le tribunal vu le
défaut de la Couronne de procéder. Causes 62-70 de 1964,
accusé Ernest Levasseur: cause 62-71 de 1964, accusé Constant
Brodeur: cause 62-72 de 1964, accusé André Poupart: tous ces
dossiers qui relèvent de la faillite des Ameublements Brodeur et qui ont
fait l'objet de la préenquête du ci-devant juge Wagner sont
reliés directement aux accusations contre le juge Meunier et portent au
procès-verbal la mention suivante: « Vu les nombreuses remises,
l'accusé est libéré. » Dans d'autres dossiers,
notamment, en ce qui concerne Raymond Kelsh, l'accusé a
été libéré, la Couronne étant absente et le
motif de la libération était que le dossier imaginez-vous
demeurait introuvable. Or, la Sûreté de Montréal a
le dossier au complet. Je suis informé que, justement, c'est un des cas
où la Sûreté de Montréal n'a jamais
été consultée avant qu'on permette la libération de
l'accusé.
M. JOHNSON: Informé par qui?
M. LESAGE: Je suis informé par des personnes dignes de foi, et le
ministre de la Justice n'a qu'à consulter ses dossiers, ce sont des
dossiers de cour.
Il est clair que, pendant plusieurs mois après le mois de juin,
il n'a existé aucune liaison entre le ministère de la Justice,
ses officiers à Montréal en particulier, et la
Sûreté de Montréal. Et, depuis la rencontre entre M.
Mignault et le directeur Gilbert, est-ce que les relations ont
été renouées? Est-ce que les comités qui ont
été formés, d'après ce que nous a dit le ministre
de la Justice, siègent et siègent régulièrement en
vue de poursuivre ces causes de faillites frauduleuses? Nous ne le savons pas.
Tout ce que nous savons, c'est qu'il en a été question entre M.
Mignault et le directeur Gilbert. Nous ne pouvons, de ce côté-ci
de la Chambre, qu'exprimer le ferme espoir qu'il ne s'agit pas de vains mots et
que le ministre de la Justice prendra au moins le temps de voir si ses
directives, pour une fois qu'il en a données, sont suivies à la
lettre et se poursuivent. Le ministre de la Justice peut-il nous affirmer que
son comité de procureurs dont il a parlé se réunit
régulièrement?
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me pose une question?
M. LESAGE: Oui, certainement, et je le fais pour rendre service.
M. BERTRAND:Il a posé tellement de questions que je verrai,
étant donné que j'ai utilisé mon droit de parole et que je
ne veux pas l'interrompre, je verrai à répondre et à
donner une image de la situation de la justice avant le 5 juin, lors de
l'étude de mes crédits.
M. LESAGE: Très bien, mais la menace, ça ne mène
jamais à rien!
M. BERTRAND: Ce n'est pas une menace. M. JOHNSON:
Préparez-vous!
M. BERTRAND: M. le Président, je soulève un point d'ordre.
Ce n'est pas dans mes habitudes de faire des menaces à qui que ce
soit.
M. LESAGE: Non, non, vous laissez ça au premier ministre, c'est
d'accord.
M. BERTRAND: Mais le chef de l'Opposition conviendra que ne pouvant pas
l'interrompre à tout bout de champ et ne voulant pas l'inter-
rompre, premièrement, deuxièmement, qu'ayant
utilisé mon droit de parole je vais l'écouter et je verrai, lors
de l'étude des crédits, à donner aux membres du
comité tous les renseignements sur l'administration de la justice depuis
le 5 juin et certains renseignements d'avant le 5 juin.
M. LESAGE: M. le Président, on a beaucoup parlé de la
poussée de la pègre internationale avant l'ouverture de
l'Exposition universelle et au moment de l'Expo. L'Expo est ouverte maintenant,
elle remporte un grand succès. On a bien rapporté les exploits de
quelques tire-laine, les cohues, mais dans l'ensemble, jusqu'à
présent, il semble bien que la paix ait été
observée, du moins il n'y a pas eu de plainte sérieuse. Mais la
responsabilité du ministre de la Justice dans les circonstances demeure
énorme, énorme vis-à-vis des Québécois,
vis-à-vis des Canadiens et à la face de l'univers.
Un des plus grands experts des Etats-Unis en matière de crime
organisé a témoigné jeudi, le 20 avril, devant la
Commission d'enquête sur la justice à Montréal. M. Ralph
Salerno, de la police de New-York, a affirmé qu'une puissante
organisation de la pègre internationale s'est profondément
infiltrée dans l'activité de l'Expo 67 et je n'ai pas l'intention
de citer les articles, je réfère la Chambre à la page
1...
M. JOHNSON: C'est mieux de...
M. LESAGE: Oui, je suis très prudent, à la page 1 du
journal La Presse du 21 avril 1967.
M. JOHNSON: Je ne sais pas si c'est celui-là, mais il y en a un
qui a été bien conditionnel dans ses affirmations.
M. LESAGE: Non, ce n'est pas lui.M. JOHNSON: Ce n'est pas
lui? M. LESAGE: C'est un autre.
M. JOHNSON: Le titre était beaucoup plus tapageur que...
M. LESAGE: Non, non, ce n'est pas sur le titre que je me fie. Ce que je
ne cite pas c'est l'article. Maintenant, cette organisation a
déjà procédé avec efficacité, à la
foire de New-York.
Le rôle que la pègre entend jouer durant l'Expo a fait
l'objet de commentaires un peu partout dans le monde, et j'attire l'attention
du premier ministre sur l'édition du 9 avril 1967 du Miami Herald
où il est question de la poussée de la pègre
internationale qui a ses ramifications à Miami. Et je voudrais bien
aussi attirer l'attention de la Chambre sur des articles parus dans une
édition presque spéciale du Petit Journal pour la semaine du 23
avril au sujet de la pègre, à la page 4, et également
à la page 2, où on rapporte que le journaliste Glenn Gray, du
Toronto Telegram, après avoir pris connaissance des résultats
d'une enquête décidée il y a dix-huit mois par les
directeurs de la police d'un bout à l'autre du Canada, dit que les
policiers fédéraux, provinciaux et municipaux savent très
bien ce qui se passe comme activités illicites à Montréal,
Toronto, Winnipeg, Vancouver, Niagara Falls et dans d'autres centres populeux,
mais ils gardent « de Conrart le silence prudent ».
Tiens, pour le bénéfice du député de
Trois-Rivières, je vais lui faire plaisir...
M. GABIAS: Oui.
M. LESAGE: ... M. John Diefenbaker ne parlait pas à travers son
chapeau lorsqu'il s'écria aux Communes récemment: « On
assiste présentement à une véritable invasion de
fiers-à-bras de « telle » organisation au Canada.
M. GABIAS: Le Canard?
M. LESAGE: Pourquoi ce silence de la police? Justement à cause de
ce que Messick et le juge Laganière appellent le « public
awareness », C'est-à-dire cette prise de conscience du grand
public, susceptible d'amener les dirigeants politiques à adopter les
mesures de prévention et de répression qui s'imposent. Comment y
parvenir? Les directeurs Robert, Gilbert et Lequin, respectivement à la
tête de la Sûreté provinciale du Québec, de la police
de Montréal et de Laval, sont catégoriques en faisant appel
à la conscience publique par le truchement de la presse sous toutes ses
formes. « Rien ne fait plus peur à la pègre, et c'est
amplement prouvé, que la diffusion de nouvelles qui la touchent de
près, qui lui accordent la vedette, car le milieu n'aime rien de mieux
que de travailler dans l'ombre », affirmait ces jours derniers M. Lequin,
le chef de police de ville Laval.
Or, M. le Président, le ministre actuel de la Justice a justement
fait reproche à son prédécesseur d'avoir trop parlé
de la pègre. J'attire l'attention des députés sur ce qu'a
dit le ministre de la Justice et c'est rapporté à la page 2232 du
journal des Débats. « J'ai le souvenir, M. le Président,
d'avoir, durant plusieurs années, à une époque où
il était juge et par la suite lorsqu'il est devenu ministre de la
Justice, entendu le député de Verdun parler de la lutte contre le
cri-
me, le crime organisé, contre la pègre et d'en avoir
parlé combien de fois, d'avoir reçu dans les journaux la
première page, d'avoir fait des déclarations fracassantes
à tout propos. »
Or, justement, c'est que l'ancien ministre de la Justice, lui,
était conscient qu'il fallait réveiller l'opinion publique, que
ce réveil de l'opinion publique constitue un facteur important dans la
lutte contre le crime organisé, comme l'a si bien dit le directeur de
police de ville Laval, M. Lequin.
Le ministre actuel, lui, au contraire, tout au long de son discours ou
de ses discours, fait grand état de son silence, fait grand état
de son abstention de faire des déclarations publiques. Silence en
Chambre, silence en toutes circonstances. Je crois, M. le Président, que
c'est une erreur et une très grave erreur. Sans compter que dans un
régime démocratique, les membres du gouvernement,
particulièrement les membres du conseil des ministres, ont le devoir non
seulement d'appliquer leur politique mais de l'expliquer à la
population, de proposer publiquement des réformes, de faire
connaître leur souci de la chose publique, et particulièrement
dans le domaine de la justice.
Le ministre a le devoir impérieux d'expliquer ce qui se passe, de
justifier ses actes, de rassurer la population face à la croissance du
nombre de crimes, face, évidemment, à la morgue scandaleuse des
criminels. Si d'une part la population constate combien est sérieux le
problème de la justice et que, d'autre part, elle ne peut entendre
l'énoncé de ce qu'entend faire le ministre pour le solutionner,
si ses prises de position, ses décisions de principe ne sont pas
connues, eh bien, le public en arrive infailliblement à croire que la
justice s'administre en vase clos ou ne s'administre pas.
M. BERTRAND: M. le Président, avec votre permission et celle du
chef de l'Opposition...
M. LESAGE: Oui, oui.
M. BERTRAND: ... est-ce que je peux lui poser une question?
M. LESAGE: Certainement, si on pouvait me permettre de continuer
après six heures, je pourrais terminer.
M. BERTRAND: Est-ce que le fait de former une commission d'enquête
sur la justice en matière criminelle et pénale, cela ne vaut pas
beaucoup plus que plusieurs déclarations, quelles qu'elles soient?
M. LESAGE: M. le Président, une commission d'enquête peut
enquêter sur l'administration de la justice, elle peut enquêter sur
les moyens de combattre le crime, mais ce n'est pas une commission royale
d'enquête, comme on les appelle communément, qui peut porter
directement des accusations. C'est le ministre qui doit donner la direction
pour ce qui est de porter des accusations et d'ailleurs c'est bien typique de
l'Union Nationale, ce que vient de déclarer le ministre de la Justice.
Le ministre de la Justice est bien à l'image de l'Union Nationale.Il
cherche à se retrancher derrière l'existence d'une commission
royale pour faire croire que ses responsabilités sont devenues celles
d'une commission royale d'enquête.
C'est, M. le Président, une preuve de plus qu'il en a trop sur le
dos, qu'il n'est pas capable de faire son travail.Il est obligé de se
décharger de ses responsabilités sur une commission royale
d'enquête.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est malhonnête.
M. LESAGE: C'est ça qu'il est obligé de faire. M. le
Président, c'est l'image de l'Union Nationale...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une affirmation malhonnête.
M. LESAGE: « Pass the buck ». Cela, c'est le grand slogan
dans l'Union Nationale, « pass the buck ». Passer les
responsabilités à d'autres.
Ne faisons rien, ne bougeons pas, laissons à d'autres, le temps
guérit tellement tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah, là il est dans les limbes.
M. LESAGE: ... Mais l'administration de la justice, ça ne marche
pas tout seul.Il faut y voir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A quelle heure le prochain spectacle?
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permet-il une autre
question?
M. LESAGE: Cela va bien quand vous m'en posez.
M. BERTRAND: Pendant combien de temps le député de Verdun
a-t-il demandé une enquête contre la pègre et sur le crime
organisé?
M. LESAGE: M. le Président, le député de Verdun a
demandé une enquête au niveau du Canada sur le crime
organisé...
M. JOHNSON: Non, non, non.
M. LESAGE: ... à cause des ramifications du crime organisé
en Amérique du Nord. Il en a discuté lui-même avec M.
Kaltenbach, aux Etats-Unis, au cours d'un voyage qu'il a fait aux Etats-Unis.
Mais la différence, M. le Président, c'est que pendant qu'il
cherchait à obtenir qu'une enquête royale soit tenue sur le crime
organisé au Canada et en Amérique duNord, sur le plan pancanadien
et sur le plan nord-américain, pendant ce temps-là par exemple,
il ne considérait pas qu'il était libéré de ses
responsabilités et il remplissait les devoirs de ses fonctions et
à la perfection, M. le Président.
M. GOSSELIN: On a vu ça dans l'évasion de Rivard.
M. LESAGE: Ce n'est certainement pas...
M. GABIAS: C'est un exemple de « pass the buck ». Le chef de
l'Opposition vient de le donner.
M. LESAGE: Oui, « pass the buck ». C'est là...
M. GABIAS: « Pass the buck », passe-le au
fédéral, passe ça aux Etats-Unis, « pass the buck
».
M. LESAGE: ... M. le Président, que la population, qu'une
minorité de la population a commis une erreur, le 5 juin. Elle a
passé le « buck » à ceux qui veulent s'en
décharger sur d'autres, l'Union Nationale. Au lieu de laisser la
responsabilité de l'administration aux gens d'expérience,
honnêtes, qui avaient prouvé qu'ils savaient administrer la
province.
M. GABIAS: « Pass the buck » au fédéral.
M. GOSSELIN: Vous ne mourrez pas d'inertie mais d'hypocrisie.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, je serai...
M. GABIAS: Il passe sa « buck » à Rivard.
M. LESAGE: ... je devrai vous demander: « Pass the ammunition
».
M. JOHNSON: M. le Président, voulez-vous demander que l'ordre
soit maintenu? Une si valable contribution doit être goûtée.
Vous savez, ça avance la justice les propos du chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Le premier ministre a parfaitement raison...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela sert admirablement la cause du
théâtre.
M. LESAGE: ... la seule façon de décoller l'administration
actuelle, c'est de faire ce que je fais, et le ministre de la Justice
lui-même l'a reconnu tantôt lorsque j'ai mentionné des faits
spécifiques et qu'il a dit: Je vais examiner les dossiers, je n'avais
pas ces renseignements, c'est lorsque l'on attire mon attention que je sais
où je vais.
M. BERTRAND: A ce moment-là, je revenais de quelques minutes
où j'ai été en dehors de la Chambre...
M. LESAGE: Ce n'est pas ma faute.
M. BERTRAND: ... non, bien je ne blâme pas le chef de l'Opposition
et j'ai alors déclaré que j'examinerais ces problèmes. Je
vais commencer par lire le journal des Débats...
M. LESAGE: C'est ça.
M. BERTRAND: ... pour voir quelles précisions, il a
apportées...
M. LESAGE: C'est très précis.
M. BERTRAND: ... pour voir si elles sont fondées ou non...
M. LESAGE: Très bien.
M. BERTRAND: ... et j'ai déclaré que tous ces
problèmes-là, étant donné que j'étais
maintenant privé de mon droit de parole, parce que j'ai parlé,
j'y verrais lors de l'étude des crédits...
M. LESAGE: Très bien. Alors, je voudrais en venir à ce
point du discours du ministre de la Justice où il a prétendu que
son prédécesseur s'est contenté de déposer dans la
voûte un document secret et il s'interroge contre les procédures
prises contre ceux-là dont on trouve les noms dans ce cahier.
Je réfère les députés au journal des
Débats, mardi le 18 avril, page 2232: « M. le Président,
c'est beau de parler de crime organisé et de parler de pègre. Il.
en parlant du député de Verdun en a parlé
combien de fois depuis deux ans, depuis trois ans?Il était ministre de
la Justice.Il ne voulait pas d'enquête, il pouvait en porter des
accusations contre ceux-là qu'il prétend être les gens de
la pègre. »
Or, le ministre de la Justice devrait savoir que le dossier confidentiel
dans la voûte...
M. TREMBLAY (Chicoutimi):Il ne connaît pas son rôle par
coeur, il est obligé de l'apprendre.
M. LESAGE: Le dossier confidentiel qu'il dit avoir trouvé dans la
voûte, il devrait savoir, s'il l'a lu, que ce dossier confidentiel sur
l'identité des chefs de la pègre sur leurs agissements dans la
province de Québec n'a pas été laissé à
dormir,...
M. BERTRAND: L'avez-vous lu?
M. LESAGE: ... - je vais répondre - n'a pas été
laissé à dormir dans les voûtes du ministère, comme
il l'a laissé entendre. Ce dossier a servi d'instrument de travail.Il
avait été préparé conjointement par un
représentant de la Sûreté provinciale du Québec, par
un représentant de la sécurité sociale de la police de
Montréal, par un représentant de la Gendarmerie royale du Canada
et par un représentant de la Fire Underwriters Investigation Bureau. Ce
dossier établissait dans les détails la structure du crime
syndiqué dans la province de Québec et reconstituait de
façon précise l'oeuvre de la pègre dans le secteur des
homicides, des fraudes, des vols, des recels, de la prostitution, des
entremetteurs, des drogues, des incendies criminels, des faillites
frauduleuses, des maisons de jeu et de paris, etc.
Le ministre de la Justice actuel devrait savoir qu'à partir de ce
document, sous la direction personnelle de l'ancien ministre de la Justice, le
député de Verdun, le comité spécial formé
par lui a multiplié les enquêtes et les poursuites qui ont
résulté en de nombreuses condamnations. Le ministre sait, ou il
devrait savoir, sinon, il n'a qu'à consulter ses hauts fonctionnaires et
il verra que, systématiquement, à partir de ce document
confidentiel auquel il a référé et qui fût
d'ailleurs discuté en long et en large par l'ancen ministre de la
Justice et le procureur général des Etats-Unis, M. Kaltenbach,
lors d'un voyage du député de Verdun à Washington,
à partir de ce document, dis-je, les chefs de la pègre que
l'ancien ministre de la Justice connaissait et que le ministre actuel
connaît, ils connaissent les noms, ont été
recherchés avec opiniâtreté.
M. GABIAS: E les connaissait et il n'a rien fait?
M. LESAGE: On va voir ça s'il n'a rien fait. Un instant. Ne vous
pressez pas. Pour qu'il soit mieux renseigné et pour qu'il évite
de déclarer que le document confidentiel est demeuré sans suite
dans les voûtes du ministère, que le ministre étudie
attentivement, entre autres, l'organigramme, il y a un organigramme au
document, l'organigramme de la pègre québécoise qui y
apparaît.
Qu'il y constate les noms de certaines grandes familles criminelles et
qu'il poursuive ensuite sa recherche pour s'apercevoir du travail
effectué par la police. Que le ministre examine attentivement un certain
tableau qui se trouve au document confidentiel en question et il constatera
avec quelle précision et avec quelle efficacité le ministre de la
Justice qui l'a précédé a agi avec son équipe. Et
que le ministre, à la lecture de ce tableau, s'arrête sur les noms
de ceux qui occupaient des positions particulières dans la pègre
du Québec et qu'il se demande où sont ces gens aujourd'hui. Ces
gens qui s'appelaient Moïse Darabaner, Jean-Jacques Gagnon, Gaston Cadrin,
Louis Sicotte, Ovila Boulet, André Lamothe, Fernand Quirion. Tous savent
les procédures qui ont été prises contre ces
personnes.
M. GOSSELIN: ... arrêtées par pur hasard.
M. LESAGE: Qu'il continue d'examiner ce tableau et il n'aura pas besoin
d'un grand degré d'imagination pour constater le travail intense
effectué par son prédécesseur et par la police en vue de
retracer les cadavres de ceux qui furent à la fois participants et
victimes dans le réseau des faillites frauduleuses.
M. GABIAS:Il n'y a pas un de ces noms-là...
M. LESAGE: Les cadavres retrouvés, enduits de Drano, sont ceux
d'Aldéric Bilodeau...
M. GABIAS: Il n'y pas un de ces noms-là...
M. LESAGE: ... Paul Brie, Rédempteur Faucher et Paul Chandonnet.
Ce sont les noms de ceux dont on a trouvé les cadavres.
M. GABIAS: Oui, mais aucun de ces noms-là n'appartient aux chefs
de la pègre.
M. LESAGE:Il y a des cadavres non encore retrouvés, M. le
Président, Ce sont ceux de Maurice Gagnon, Paul Nadeau et Maurice
Gingras. Tout ça se voit au dossier secret dont on a parlé.
M. GOSSELIN: Oui, qu'on a retrouvés par pur hasard...
UNE VOIX: Par un employé de la Voirie.
M. LESAGE: Si le ministre s'interroge toujours...
M. GABIAS: Ce ne sont pas les chefs de la pègre, ça.
M. JOHNSON: Qu'est-ce qui est arrivé aux chefs de la
pègre?
M. LESAGE: Qu'est-ce qui est arrivé au document secret?
M. JOHNSON: Aux chefs de la pègre?
M. LESAGE: C'est le ministre de la Justice qui l'a en main.
M. GABIAS: Aux chefs!
M. LESAGE: Les chefs de la pègre, le ministre de la Justice sait
qui ils sont.Il n'a qu'à agir.
M. GABIAS: Tous les noms sont connus.
M. LESAGE: Et si le ministre actuel de la Justice s'interroge toujours
sur l'action prise par le ministère de la Justice, alors que le
député de Verdun en était le titulaire, qu'il se rappelle
les épisodes de la lutte contre les incendies criminels et qu'il lise
attentivement le dossier qu'il dit avoir trouvé dans la voûte.Il
va y découvrir la liste extrêmement longue des interrogatoires
faits devant le commissaire des incendies, interrogatoires on lui
demande ce qu'il a fait qui ont abouti à des accusations
précises devant les tribunaux et à des condamnations.
Il verra en particulier une liste de 41 témoins qui ont
été interrogés à partir de décembre 1965.
Que le ministre consulte ses hauts fonctionnaires et il pourra tout apprendre
au sujet des plaintes nombreuses qui ont été portées dans
différents districts judiciaires de la province ou qui devraient
être portées bientôt contre des gens qui ont noms encore:
Louis Sicotte, Jean-Jacques Gagnon et combien d'autres. Si le ministre veut
toujours se renseigner sur les activités de son
prédécesseur au ministère de la Justice, qu'il
dépose donc en Chambre le rapport annuel de la Sûreté
provinciale pour 1965 et aussi celui de l'année 1966. Jamais un
gouvernement n'a obtenu un rapport aussi éloquent et qui établit
aussi clairement les résultats obtenus lorsqu'un ministre de la Justice,
avec l'appui et la collaboration de tous ses collègues, s'attache
à la tâche de poursuivre avec détermination la lutte contre
le crime organisé.
Et s'il reste du temps au ministre de la Justice...
M. GABIAS: Il manque 26 cadavres tout de même.
M. LESAGE: ... qu'il demande donc à ses officiers de lui
apprendre l'histoire complète de ce qui s'est passé dans le
démembrement des réseaux de vol d'automobiles sans
précédent, à Brossardville, à Saint-Jean et
à Valley-field. Je comprends qu'il n'en a pas le temps, mais si par
hasard le ministre voulait s'attarder un peu sur des poursuites qui ont trait
à des faits survenus avant 1960, il aurait grand profit à
vérifier auprès de ses officiers ce qui est survenu à la
bande de Rocky Pearson qui se spécialisait en particulier dans le
travail d'élection dans les années 1950. Le ministre pourrait
obtenir de première main, de sources sûres du chef de la
sûreté un rapport sur les activités de gens tels que
Raymond Caza, Georges Aird, Armand Larose, Rosaire Daoust.
M. GOSSELIN: Pouvez-vous nous parler de Dubois et de Lalonde?
M. LESAGE: ... et d'autres qui purgent maintenant des sentences au
pénitencier après avoir réussi si longtemps à
échapper à la justice. Et c'est le Premier ministre qui, encore
cet après-midi, disait que le député de Verdun n'avait
rien fait comme ministre de la Justice!
M. GABIAS: Non, non, il manque 26 cadavres.
M. LESAGE : Jamais personne n'a fait plus que lui pour que
régnent au Québec la paix et la justice. Personne n'a fait plus
que lui pour vider le Québec des indésirables à la veille
de l'Expo 67.
M. GABIAS: Arrêtez-donc!
M. GOSSELIN: Comment se fait-il que vous soyez encore là?
M. LESAGE: Sous la direction du ministre
de la Justice quand c'était le député de
Verdun...
DES VOIX: Ah mon Dieu!
M. LESAGE: ... En collaboration avec les autorités de la Justice
et de la police en Amérique du Nord, des poursuites sans nombre ont
été prises contre les criminels après des recherches
intensives en collaboration avec tous les corps de police d'Amérique du
Nord.
M. GOSSELIN: Il n'y a plus rien à faire.
M. LESAGE: Souvenons-nous de sa volonté, de son désir de
créer l'Interpol canadien. Oui, on en rit mais c'est essentiel
aujourd'hui l'Interpol, et les rires que je viens d'entendre démontrent
bien l'inconscience de ces gens qui siègent en face de nous. Je voudrais
que cet après-midi tous les électeurs de la province de
Québec soient ici pour constater le sérieux des
députés de l'Union Nationale lorsque l'on parle de la
préservation de la paix intérieure dans le Québec. Mais ce
n'est pas surprenant, M. le Président...
M. GABIAS: Les électeurs vont voir le peu de maturité du
chef de l'Opposition!
M. LESAGE: ... de voir la troupe de l'Union Nationale agir comme elle le
fait...
M. LOUBIER: Grand farceur!
M. LESAGE: ... quand l'on sait que, pour tout le travail qu'il a
effectué, l'ancien ministre de la Justice n'a récolté que
l'injure et le chantage et le mépris de la part du premier ministre et,
de la part des gens de l'Union Nationale, le mépris le plus infect du
député de Chicoutimi et du député de
Bellechasse.
DES VOIX: A l'ordre!
M. JOHNSON: M. le Président, je ne sais pas si vous êtes
pris de surdité ou si les bruits enterrent les injures et les mots
antiparlementaires évidemment lancés dans un ton
hystérique par le chef de l'Opposition.
M. LOUBIER: L'abondance du coeur.
M. LESAGE : M. le Président, ce n'est certainement pas un point
d'ordre.
UNE VOIX: Oui, c'est un point d'ordre.
M. JOHNSON: Il y a quand même une limite, M. le Président.
Il y a telle chose qu'un parlementaire et telle chose qu'un
énergumène dans son vocabulaire.
M. LESAGE: M. le Président, je demanderais que le premier
ministre retire le mot non parlementaire qu'il vient de prononcer, d'autant
plus que je ne me suis servi d'aucun mot non parlementaire mais simplement
quand on est constamment interrompu par des gens qui font montre d'un
degré d'absence d'intelligence absolument...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre, le comédien!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le premier ministre...
UNE VOIX: Le bouffon numéro un!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'hpnorable Premier ministre a fait un
rappel au règlement ou à une question de privilège et je
crois que pour être en mesure de juger la portée exacte des
expressions, il faut lui donner l'occasion de...
M. LESAGE: Il s'est tout de même servi d'un mot
antiparlementaire.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La Chambre suspend ses travaux
jusqu'à huit heures ce soir.
Reprise de la séance à 8 h 9 p.
m.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, lorsqu'à six heures vous avez
d'autorité suspendu la séance jusqu'à huit heures, j'en
étais à parler des insultes qui avaient été
lancées par certains députés à votre droite contre
l'ancien ministre de la Justice.
Malgré les provocations, j'ai tenu un langage parlementaire. Si
le verbe était haut, M. le Président, c'était pour que je
puisse me faire entendre au-delà des interruptions qui provenaient de
l'autre côté de la Chambre. Je n'ai pas l'intention de poursuivre
sur ce sujet, malgré que la tentation soit très grande et cela
pour collaborer avec vous, M. le Président, et vous aider à
éviter la répétition de scènes comme celles dont
nous avons été témoins à la fin de
l'après-midi.
J'ai l'intention ce soir de relever deux points qui ont
été soulevés par le premier ministre lors de ses
interventions des 18 et 19 avril. La première a trait aux
déclarations qu'il a faites concernant des mandats d'amener qui avaient
été émis contre monsieur Eugène Lapointe, candidat
libéral officiel dans le comté de Dubuc aux dernières
élections.
Le premier ministre a dit et je le cite suivant ce qui est
rapporté à la page 2243 du journal des Débats: «
Parler de patronage et se scandaliser. J'ai ici un rapport du 17 mai 1966
».
Et là le premier ministre a lu un rapport de police à
l'effet que quatre mandats avaient été émis dans des
causes portant les nos 14,825, 14,826, 11,787 et 30,588 des dossiers des
districts de Québec, Iberville et Joliette.
Ce rapport se terminait comme ceci: « Comme l'accusé n'est
pas à Montréal et qu'il peut être rejoint dans le
comté de Dubuc avant le 5 juin 1966, je retourne les quatre mandats
d'emprisonnement afin qu'un officier du poste concerné puisse y faire
l'exécution ». Fin de la citation du rapport de police tel que
cela a été rapporté par le premier ministre le 18 avril
et, je le répète, page 2243 du journal des Débats. Et le
premier ministre a continué, M. le Président: « Il
s'agissait du candidat parachuté par le chef du parti libéral
dans le comté de Dubuc et le plus drôle de l'affaire, c'est que
sur les hustings en faveur de cet homme recherché pour quatre mandats
d'emprisonnement, savez-vous qui il y avait? Le ministre de la Justice. »
Et il a ajouté: le député de Verdun.
Ce n'est que lorsque j'ai questionné le pre- mier ministre que ce
dernier a déclaré qu'il s'agissait d'infractions au code de la
route.
M. BELLEMARE: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce
n'est pas quand le premier ministre a été questionné qu'il
a dit que c'était...
M. LESAGE: Certainement.
M. BELLEMARE: M. le Président, à la page 2243...
M. LESAGE: Page 2244...
M. BELLEMARE: Page 2243, M. le Président, ce n'est pas à
ce moment-là que le premier ministre l'a dit, au contraire, bien avant
que le chef de l'Opposition le questionne. Il a dit, M. le Président,
page 2243, au deuxième paragraphe, vous le verrez là,
mentionnné mandats d'emprisonnement pour infraction au code de la route.
C'est marqué, M. le Président, à la 23e ligne. Avant que
le chef de l'Opposition le questionne.
M. BERTRAND: Très bien.
M. LESAGE: Il y a toutes sortes de mandats d'emprisonnement et le
premier ministre n'a admis qu'il s'agissait de sommations qu'à la suite
des questions que j'avais posées. Ce n'est qu'à la suite de ces
questions que le premier ministre a déclaré qu'il s'agissait
d'offenses coutumières. Le premier ministre, en commentant le rapport, a
dit: « Pensez-vous que je vais dire à cette province que le
député de Verdun est allé parler devant un homme qui
était recherché et qui fuyait la police, à ce
moment-là? » On reconnait le style du premier ministre.
Or, le premier ministre avait commencé son intervention sur ce
point en disant: « Parler de patronage et se scandaliser ». Et le
rapport de police disait qu'il fallait faire parvenir les mandats à
Chicoutimi. Le premier ministre n'est pas allé plus loin et l'on
pourrait se demander, puisqu'il a accusé le gouvernement d'alors, le
ministre de la Justice d'alors de partonage, s'il ne voulait pas laisser
entendre que les instructions n'avaient pas été données de
transmettre les mandats au poste de la Sûreté provinciale à
Chicoutimi. Or, j'ai vu et j'ai fait prendre devant moi une photocopie d'un
reçu daté du 2 juin 1966 pour la somme de $147.30 pour amende et
frais dans les quatre causes portant les quatre numéros
mentionnés au rapport de police. Le reçu se lit ainsi: «
Reçu paiement, ce 2 juin 1966, de l'amende et des frais dans les
dossiers ci-haut,
soit la somme totale de $147.30. Jules Fradette, Sûreté
provinciale, Chicoutimi, P.Q. »
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est après la visite du
député de Verdun.
M. LESAGE: Peu importe.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement.
M. LAPORTE: Il n'y a pas de point de règlement dans ça. Il
y a toujours des limites.
M. LOUBIER: Vous ne savez pas ce qu'il va invoquer.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme c'est le droit de tout
député d'invoquer la question de règlement, l'honorable
ministre des Affaires culturelles.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais corriger
l'impression que tend à laisser le chef de l'Opposition concernant les
faits qu'a allégués l'autre jour l'honorable Premier ministre.
L'honorable premier ministre a effectivement parlé du mandat
d'arrestation...
M. LAPORTE: Ce n'est pas un point de règlement, monsieur le
Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en fais une question de
privilège...
M. LAPORTE: Qu'est-ce que ça change?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...pour corriger l'impression que l'on a
faite.
M. GERIN-LAJOIE: Privilège de qui, de quoi? Il n'a jamais
été mis en cause, jamais.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, c'est le
privilège de tout député de cette Chambre de poser la
question de privilège lorsque les privilèges de la Chambre sont
mis en cause. Or, ce que vient de dire le chef de l'Opposition met en cause les
privilèges des députés de cette Chambre. Ce que veut
laisser entendre le chef de l'Opposition, c'est que l'honorable premier
ministre n'aurait pas dit la vérité.
M. LESAGE: Non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Or,ce n'est pas le cas. Lorsque l'honorable
premier ministre a dit que le député de Verdun était
allé parler en présence ou en faveur de quelqu'un qui
était recherché par la police...
M. LESAGE: Bien oui, mais...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... il a dit la vérité, parce
que, comme vient de le dire le chef de l'Opposition, M. Lapointe, dont il est
question, a réglé sa situation le 2 juin, donc, trois jours avant
l'élection et après la visite du député de
Verdun.
M. LAPORTE: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Je crois que l'honorable ministre a apporté
certaines mises au point qui, malheureusement, dans leur forme et la
rédaction de nos règlements, ne peuvent être
considérées comme une question de privilège.
M. LESAGE: M. le Président, le point que j'ai fait, c'est ceci.
Cela n'avait pas tant trait à la présence du député
de Verdun à une assemblée à Chicoutimi, où
était présent, paraît-il, le candidat dans Dubuc. Le point
que j'ai fait et j'ai été bien précis, j'ai dit: Le
premier ministre et j'ai commencé par ça a dit:
Parler de patronage et se scandaliser. J'ai ici un rapport du 17 mai 1966. Et
là, le premier ministre accusait de patronage le député de
Verdun, alors qu'il était ministre de la Justice, laissant entendre que
les mandats d'arrestation n'avaient pas été transmis à
Chicoutimi, suivant les recommandations du rapport de police. Or, je prouve
qu'ils avaient été transmis à Chicoutimi, puisqu'ils
étaient entre les mains de l'officier en charge de la
Sûreté provinciale à Chicoutimi, M. Jules Fradette, qui a
reçu le 2 juin, le paiement de l'amende et des frais.
M. GABIAS: C'est encore pire.
M. LESAGE: C'est ça, le point que j'ai fait.
M. GABIAS: C'est ça. C'est encore pire.
M. LESAGE: Cela veut dire que les mandats avaient été
transmis par le ministère de la Justice suivant la recommandation du
rapport de police, qu'ils avaient été transmis au poste de
Chicoutimi en vue de les exécuter contre un candidat libéral et,
ceci, sous une administration libérale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre, M. le Président...
M. LESAGE: C'est le contraire du patronage.
M. GABIAS: Pas les exécuter.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le
Président. Les mandats...
M. LAPORTE: Sur quoi?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... dont il est question n'avaient pas
été exécutés à la date de la visite du
député de Verdun.
M. LAPORTE: Je l'invoque, le règlement. Il n'y a pas de question
de règlement dans ça. Si le ministre veut intervenir, il a son
droit de parole quand le chef de l'Opposition aura parlé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! M. le Président, je
maintiens ce que j'ai dit, à savoir que les mandats n'avaient pas
été exécutés quand le député de
Verdun est venu...
M. LAPORTE: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l»ordre! Il ne faut pas confondre une
expression d'opinion ou une rectification de faits avec le privilège
accordé à chaque député de soulever une question de
privilège ou un rappel au règlement. Et toute opinion
émise par un honorable député peut toujours être
corrigée, rectifiée ou argumentée subséquemment par
un autre honorable député qui pourrait être
intéressé à participer aux débats.
M. LESAGE: M. le Président, tout ce que j'ai fait c'est de
compléter la série des faits que le premier ministre avait
commencé à relater et de l'étaler devant cette
Chambre.
M. TREMBLAY: Vous n'avez pas tout dit. Vous n'avez pas dit que
c'était l'organisateur libéral qui avait demandé, M. le
Président, de régler la situation.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, il me semble...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement encore une fois,
M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires
culturelles sur un rappel au règlement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous venez d'entendre les interruptions et les
interpellations qu'ont faites les députés libéraux qui
essaient, depuis quelque temps, de donner à la province l'exemple de la
gentilhommerie. Je vous demanderais, bien respectueusement, M. le
Président, de les rappeler à l'ordre et de leur faire savoir que
personne, de ce côté-ci de la Chambre, n'acceptera d'être
interrompu de façon aussi grossière.
DES VOIX: Ah! Ah! Non.
M. LACROIX: Est-il inconscient, M. le Président, le
député de Chicoutimi?
M. LOUBIER: M. le Président, qui vient de parler? Debout.
M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable chef de
l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, il me semble... voulant
coopérer avec vous, comme je l'ai dit au début de mes remarques,
j'ai pris un ton neutre, sans aucune passion...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Fielleux.
M. LESAGE: M. le Président, je demanderais...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Fielleux et malhonnête.
M. LESAGE: M. le Président, le député de Chicoutimi
vient de prononcer à mon endroit un terme qui n'est certainement pas
parlementaire en disant que j'avais un ton fielleux, alors que j'ai
récité des faits sur un ton absolument calme. D'ailleurs, le mot
fielleux n'est certainement pas parlementaire et je vous suggérerais
bien humblement de demander au député de Chicoutimi de retirer
cette expression qui n'est justifiée ni par les faits, ni par ce que je
dis, ni par le ton que j'emploie.
M. LE PRESIDENT: Je suis sûr que l'honorable ministre conviendra
que l'expression employée n'est certainement pas parlementaire et je
n'ai aucun doute qu'il voudra bien retirer cette expression de fielleux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux bien retirer
cette expression fielleuse et lui substituer mielleuse.
M. LESAGE: Il serait facile de faire des jeux de mots qui pourraient
blesser le député de Chicoutimi. Mais...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Allez-y, allez-y. Vous ne serez pas plus
malhonnête que vous l'êtes actuellement.
M. LESAGE: ... mais je vais m'en dispenser, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne serez pas plus malhonnête que
vous ne l'êtes là.
M. LESAGE: M. le Président, voici de nouveau un terme absolument
antiparlementaire. Le député de Chicoutimi vient de dire: «
Cela ne peut pas être plus malhonnête que ce que vous dites
là ou ce que vous faites là... » Ceci est absolument
défendu par les règlements et, encore une fois et bien
humblement, je dois vous demander...
M. BELLEMARE: Pourquoi le provoquez-vous, aussi?
M. LESAGE: ... bien humblement de retirer le mot «
malhonnête » qui a été lancé à mon
adresse par le député de Chicoutimi. Je n'ai provoqué
personne ce soir, au contraire.
UNE VOIX: C'est effrayant!
M. LE PRESIDENT: Je suis sûr que les honorables
députés souffrent d'une activité débordante et
qu'ils seraient tous intéressés à participer à des
discussions, soit ici en Chambre ou à l'occasion de l'étude des
crédits de certains ministères, mais je suis assuré que
tous réalisent l'urgence qu'il y a d'observer intégralement nos
règlements pour que nous puissions faire un travail progressif. Je suis
assuré que tous voudront bien exercer une retenue de langage
jusqu'à ce que, suivant les règlements prévus, le
président puisse accorder le droit de parole à l'un ou l'autre
des honorables députés de cette Chambre. Pour ce qui est des
termes employés, je n'ai aucun doute que, dans la chaleur de la
discussion, tous les honorables députés qui sont épris de
justice voudront bien respecter les termes reconnus comme parlementaires et eux
seuls. C'est pourquoi j'ai l'assurance que l'honorable ministre des Affaires
culturelles voudra bien retirer l'expression « malhonnête »
qui n'est certainement pas conforme au langage parlementaire reconnu en droit
britannique. J'inviterais l'honorable ministre des Affaires culturelles
à retirer l'expression « malhonnête ».
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux bien me rendre
à votre désir, mais le chef de l'Opposition a
procédé à mon endroit par la voie des insinuations. Je
retire l'expression « malhonnête » et je veux bien me
dissocier, pour un instant, de l'opinion qu'a du chef de l'Opposition, M.
Smallwood.
M. LESAGE: Je ne puis dire qu'une chose, c'est qu'il est malheureux que
le député de Chicoutimi n'ait pas été
présent lors de la très courte conversation que j'ai eue avec M.
Smallwood, jeudi dernier.
M. LOUBIER: Ah! il a dit qu'il vous parlerait encore!
M. LESAGE: Il en aurait appris long!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, M. Smallwood aurait probablement...
M. LESAGE: Il en aurait appris long, c'est tout ce que j'ai à
dire, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a répété exactement
ce qu'il vous a dit à vous.
M. LESAGE: C'est tout ce que j'ai à dire.
M. GABIAS: Il n'a pas retiré ses paroles, Joey Smallwood.
M. LESAGE: Non, parce que ça n'a pas d'importance, il n'a pas dit
la vérité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors j'avais donc dit la vérité
quand j'ai retiré les miennes.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai replacé les faits pour
autant que le cas Eugène Lapointe est concerné.
M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une
question?
M. COURCY: Voyons donc!
M. BELLEMARE: Est-ce que... Non, je ne veux pas l'indisposer...
M. LESAGE: Bien, quand je m'assois, ça veut dire que je le
permets.
M. BELLEMARE: Bon. Est-ce qu'il serait vrai que l'officier les avait en
main depuis le 18 avril et que c'est le 18 mai qu'il a fait rapport qu'il avait
des causes?
M. LESAGE: Moi, je n'ai pas en main les
dossiers du ministère de la Justice: tout ce que je sais, c'est
ce que le premier ministre en a dit.
M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet de terminer?
C'est que, le 18 avril 1966, les mandats qui étaient de cette
date-là, ont été signifiés le 18 mai et c'est
à ce moment-là qu'est intervenue une personne que connaît
le chef de l'Opposition...
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: ... qui a empêché que ça se produise.
Ce n'est qu'après le 2 juin, après qu'il eût
été conseillé par une autre personne qu'il a payé
ses amendes.
M. LESAGE: M. le Président, si le député de
Champlain veut bien relire ce qu'a dit son propre chef, à la page 2243,
du journal des Débats. Il a cité un rapport daté du 17 mai
1966.
M. BELLEMARE: Le 18, le 17 mai 1966. M. LESAGE: Le 17 mai 1966, je me
fie... M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: ... à ce qu'a dit le premier ministre.
M. BELLEMARE: Le 17 mai, c'est ça.
M. LESAGE: C'est ma seule source de renseignements.
M. BELLEMARE: Et dans le rapport aussi, il y avait...
M. LESAGE: M. le Président, le 17 mai 1966, le constable dont
j'ignore le nom, l'officier qui faisait le rapport, racontait les recherches
qu'il avait faites aux endroits où avait demeuré l'accusé
ou celui qui était recherché à Montréal et il
disait qu'il avait été informé qu'il pourrait être
rejoint dans le comté de Dubuc avant le 5 juin 1966. Je cite le rapport:
« Je retourne les quatre mandats d'emprisonnement afin qu'un officier du
poste concerné j'ajoute moi-même, là,
Chicoutimi«puisse y faire l'exécution. » Il est clair
que les mandats ont été envoyés à l'officier en
charge du poste à Chicoutimi, puisque, j'ai ici en main un reçu,
je crois que c'est de l'officier en charge ou d'un des officiers en charge du
poste de Chicoutimi, M. Jules Fradette.
M. HARVEY: En charge.
M. LESAGE: C'est donc dire qu'il avait les mandais en sa possession
puisque les numéros des causes, les amendes et les frais y sont
mentionnés et qu'il y a un reçu pour le tout. Alors, je m'en
prends à l'accusation de patronage lancée par le premier ministre
et je dis que loin d'être du patronage, au contraire, des mandats
émis contre un candidat libéral officiel ont été
envoyés, à la suggestion d'un officier de police qui fait
rapport, par le ministère de la Justice au poste de Chicoutimi pour
exécution. Evidemment, lorsque l'officier en charge du poste de la
sûreté à Chicoutimi reçoit le paiement de l'amende
et des frais en satisfaction des jugements rendus, il n'y a pas lieu dans ces
causes et tout le monde le saitde procéder à
l'exécution des mandats. Mais ça, cette partie-là, le
premier ministre ne l'avait pas mentionnée et, par conséquent,
son accusation de patronage contre l'ex-ministre de la Justice est absolument
non fondée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est fondée.
M. LESAGE: Absolument non fondée, et c'était le point que
je voulais faire...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Fondée avant les élections.
M. LESAGE: ... et j'en ai donné une preuve éclatante.
D'ailleurs, j'ai une preuve écrite. Maintenant, le premier ministre
je sais qu'il ne peut être à son siège ce soir, mais
je ne pouvais attendre pour terminer mes remarques parce que j'aurais perdu mon
droit de parole je suis obligé, malgré son absence, de
relever un dernier point. Et c'est ce genre de conduite et de langage qu'il a
tenus envers l'ancien ministre de la Justice, d'abord, le mardi 18 avril, page
2239 du journal des Débats: « Chacun sa façon. Le
député de Verdun veut-il prouver qu'il a été un
excellent ministre de la Justice et envers qui veut-il le prouver? Avons-nous
en aucun moment depuis le 16 juin 1966 parlé de l'état du
ministère de la Justice au moment où le député de
Missisquoi en est devenu le titulaire? Le député de Missisquoi,
celui qui vous parle et les autres, ont-ils en aucun moment depuis le 16 juin
déclaré que le député de Verdun n'avait pas fait
son devoir comme ministre de la Justice? Personne, M. le Président, ne
l'a attaqué à ce sujet-là. Personne n'a voulu
éclabousser son image. Personne n'a voulu lui faire tort ni à
lui, ni à sa famille. Personne n'a
voulu utiliser, ni celui qui vous parle, ni le ministre de la Justice
» j'attire votre attention, M. le Président «
personne n'a voulu utiliser, ni celui qui vous parle, ni le ministre de la
Justice, des documents qui pourraient être de nature à
créer du doute dans l'opinion publique, laissant entendre que de tels
documents existaient. Nous ne l'avons pas fait et nous ne le ferons pas.
»
Et cependant, M. le Président, le jeudi, le lendemain, le 20
avril, à la page 2292, le premier ministre continuait son attaque
verbale contre l'ex-ministre de la Justice et il disait: « La vertu ne se
mesure pas. L'honnêteté ne se mesure pas. Mais le
député de Missisquoi, tout le monde l'admet, est un honnête
homme » je l'ai moi-même reconnu cet après-midi, M.
le Président, et de très bonne grâce « et les
propos du député de Verdun étaient de nature dans le
public... et il le sait, il continue, mais nous n'endurerons pas ça et,
s'il le faut, M. le Président, si c'est nécessaire que je manque
à ma promesse de ne pas parler des scandales du passé pour venger
les insinuations faites contre le député de Missisquoi, j'avertis
cette Chambre que je le ferai et il y a un homme qui va y goûter dans
cette Chambre. »
M. le Président, ni le député de Verdun, ni celui
qui vous parle, ni aucun député de ce côté-ci de
cette Chambre ne peuvent être impressionnés par de tels propos.
Rien ne nous a jamais empêchés de remplir notre devoir et tout
notre devoir. Nous avons pour une période qui, c'est clair et
c'est de plus en plus clair sera de courte durée, nous avons
à remplir un rôle de ce côté-ci de la Chambre et nous
allons le remplir, ce rôle, nous allons accomplir notre devoir sans
peur.
Le député de Verdun et celui qui vous parle, M. le
Président, ont été, alors qu'ils occupaient leur fonction,
les cibles de menaces extrêmement graves, venant d'en dehors de cette
Chambre, de menaces qui s'adressaient non seulement à eux mais aux
membres de leur famille parce qu'ils remplissaient leur devoir...
M. GABIAS: Nous autres aussi.Il n'y a pas que vous.
M. LESAGE: ... et ce ne sont certainement pas les propos du premier
ministre qui peuvent être de nature à nous effrayer et à
nous empêcher de remplir notre devoir.
M. GABIAS: Pas de mélodrame.
M. LESAGE: Nous allons le remplir envers et contre tous. Nous allons le
remplir suivant notre conscience, rien ne nous arrêtera. Ce ne sont
certainement pas...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas une garantie.
M. LESAGE: ... les cris qui viennent de l'autre côté de la
Chambre qui peuvent nous impressionner, pas plus que les paroles que le premier
ministre a prononcées et que je viens de citer.
UNE VOIX: Rideau. UNE VOIX: Ni les vôtres.
M. LESAGE: Nous allons remplir notre devoir, et j'espère que si
jamais je me rendais coupable de menaces à l'endroit des
députés de l'Opposition, eux non plus n'auraient pas peur, s'ils
n'ont rien à se reprocher.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On trouverait ça drôle.
M. LESAGE: Nous, nous n'avons rien à nous reprocher, nous avons
toujours rempli notre devoir, nous continuerons à le remplir.
M. LOUBIER: Ah, oui vous avez fait des marasmes aussi, des marasmes
durant quatre ans.
M. LESAGE: Nous avons prouvé, M. le Président...
M. GABIAS: On verra.
M. LESAGE: ... à la face de cette province pendant six ans, que
tous les membres de l'équipe libérale étaient des hommes
de devoir, des hommes consciencieux, qui avaient été élus
pour remplir le mandat qui leur avait été confié, et cela
sans peur et sans reproche.
M. GABIAS: Vos bons députés rient de ça,
là.
M. LESAGE: ... Nous l'avons fait et le rôle que nous avons
à remplir ici, nous allons le remplir sans peur et sans reproche, quoi
que dise le premier ministre, quelles que soient les interruptions qui nous
viennent de l'autre côté de la Chambre, mais j'avertis ceux qui
siègent en face de nous et d'ailleurs ils ont dû
l'être par leurs propres amis leur conduite est telle que le
peuple de la province de Québec en a plein le dos du gouvernement
actuel.
Et si les députés de l'autre côté de la
Cham-
bre veulent savoir ce que le peuple en pense, c'est facile qu'ils
déclenchent des élections!
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail, du Commerce et de
l'Industrie.
M. Maurice Belle mare
M. BELLEMARE: M. le Président, n'eût été la
scène disgracieuse à laquelle vous avez assisté cet
après-midi à la fin de la séance et celle qui s'est
produite à la fin de l'intervention de l'honorable chef de l'Opposition,
je pense que ça n'aurait sûrement pas été
nécessaire que je me lève pour rétablir certains
faits.
D'abord ce sont eux qui parlent de scandales, ce sont eux qui disent
qu'ils sont la cible de certaines attaques, eux qui pendant des années
ont passé sur nos têtes à nous et à d'autres en
dehors de cette Chambre, la menace de l'enquête Salvas: et des autres
réputations qui ont été salies dans cette province, des
hommes publics qui ont servi leur province, eux, M. le Président, qui
ont employé tous les moyens afin de faire taire l'Opposition à
laquelle j'appartenais et plusieurs de mes collègues de ce
côté-ci de la Chambre. Nous avons, par des moyens honnêtes,
revendiqué nos droits, demandé que justice soit donnée.
Nous n'avons demandé pitié à personne. Après 23
années de vie publique, M. le Président, personne n'a
porté une seule accusation contre le député de Champlain,
pas plus que contre le député de Missisquoi ou contre mes
collègues qui sont en Chambre depuis 20 ans.
Mais aujourd'hui, le chef de l'Opposition, mal recyclé, parle
d'élections. Bien, il n'y en aura pas d'élection.
Le chef de l'Opposition a dit il y a à peu près deux
mois:Il va y avoir des élections dans la province, je vous avertis. Deux
mois plus tard, il dit: houp! je me suis aperçu, non, je vous avertis il
n'y en aura pas d'élections c'est encore lui, là.
M. le Président, nous avons reçu un mandat pour
administrer la province et nous allons d'abord mettre de l'ordre dans les
choses de la province, nous allons l'administrer la province. Quand on entend
l'honorable chef de l'Opposition nous dire: Nous n'avons pas peur. Bien, nous
autres non plus nous n'avons pas peur. Nous avons encore bien moins peur.
M. LESAGE: Faites-en des élections.
M. BELLEMARE: Actuellement, on a des dossiers qu'on n'avait pas.
M. LESAGE: Ah!
M. GERIN-LAJOIE: Le chantage encore!
M. BELLEMARE: On a des dossiers qu'on a trouvés dans chacun de
nos ministères, moi particulièrement, et je dis que j'administre
sans vengeance contre personne. Le premier ministre l'a dit et l'a
répété, je ne sais pas si le chef de l'Opposition a
compris.
M. LESAGE: Non. Je n'ai rien à me reprocher.
M. BELLEMARE: Non?
M. GABIAS: Les assurances?
M. BELLEMARE : Nous ne voulons pas faire de menaces à personne,
mais il est temps dans cette province que ceux qui ont la responsabilité
de l'administration le fassent sans salir personne, sans faire de procès
sur la place publique comme l'ont fait, eux autres, les accusateurs: salir des
familles, des réputations pour le seul bénéfice de
l'électoralisme.Il l'a payée cher, le 5 juin, son enquête
Salvas. Il vient dire, le chef de l'Opposition: « Ce pauvre
député de Missisquoi! Un si bon garçon, tant travailler!
Cela a-t-il du bon sens? C'est effrayant. Je ne comprends pas ça. C'est
pour ça que c'est mal fait, parce qu'il en a trop. »
M. BERTRAND: Ne me faites pas pleurer!
M. BELLEMARE: Mais pour lui qui a été premier ministre
déjà de la province. Je pense que les députés n'ont
pas interrompu, personne, tout à l'heure, je demanderais au
député.
M. GERIN-LAJOIE: C'est la meilleure! M. BELLEMARE: Je pense, un
instant.
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre de Chicoutimi, six fois de suite.
M. BELLEMARE: Un instant, un instant, un instant. Pas par des allusions
assises.
M. LAPORTE: Non, des allusions debout.
M. BELLEMARE: Tant que vous voudrez. Mais il oublie qu'il a
été premier ministre, lui, il était ministre des Finances,
ministre des Affaires fédérales-provinciales, président du
Conseil de la trésorerie, chef du parti libéral et patroneux en
plus de ça.Il avait confié les responsabilités de la
justice à l'honorable député d'Outremont, ministre des
Affaires culturelles,
ministre de la Justice. C'est bien trop pour le député de
Missisquoi! Il pratiquait ça sur une haute échelle. Et puis, la
justice, du temps de l'honorable député d'Outremont, qui ne
venait pas en Chambre, qui ne venait pas à son bureau, la justice du
temps du parti libéral continuait de s'opérer. Et on ne disait
pas ça. Pendant des années, des mois, le ministre de la Justice
n'était pas à son bureau mais le premier ministre le savait dans
ce temps-là. Oui c'est vrai.
M. GERIN-LAJOIE: Ce n'est pas vrai.
M. BELLEMARE: Oui c'est vrai. M. La-palme était au
Château.
M. LESAGE: Ce n'est pas vrai.
M. BELLEMARE: C'est de là qu'il a démissionné.
M. GOSSELIN: On était ici, nous autres. On s'en souvient.
M. BELLEMARE: Sans avertir son chef.
M. LESAGE: Je suis obligé, là, c'est une accusation
très grave. Le député de Champlain vient d'affirmer un
fait qui, s'il n'était corrigé immédiatement, pourrait
donner une fausse impression sur une matière d'importance. J'ai dit cet
après-midi, et je le réitère, que l'ancien
procureur-général, à partir de l'année 1963,
m'avait demandé d'être relevé de ses fonctions de
procureur-général parce qu'il considérait qu'il
n'était pas en mesure de remplir ses fonctions en même temps que
celles de ministre des Affaires culturelles. Et j'ajoute ce soir que c'est
lorsque le député de Chambly est devenu député de
cette Chambre, après un certain temps, qu'il a été
nommé ministre des Affaires culturelles.
M. GABIAS: C'est en 1961 qu'il a été élu.
M. LESAGE: Il a été nommé ministre des Affaires
culturelles pour remplacer M. Lapalme, mais auparavant, M. le Président,
au mois d'août 1963, le député de Saint-Maurice, M.
René Hamel, avait été nommé procureur
général et ça, à la demande de M. Lapalme, à
sa demande expresse, et non pas par une démission qu'il m'avait
envoyée sans m'en aviser.
M. BELLEMARE: M. le Président, je continue à dire que,
pendant des mois et des semaines, sous l'administration libérale, le
titulaire n'était pas à son poste. Je le répète: il
était ministre des Affaires culturelles et mi- nistre de la Justice.
Aujourd'hui, on fait scandale à l'honorable député de
Missisquoi de bien remplir son mandat, d'être en Chambre, d'être
tous les matins à 7 h 30 à son bureau, de travailler. Qu'est-ce
qu'on peut reprocher au député de Missisquoi? Rien. Il fait son
devoir. Il sert sa province.
Mais ce n'est pas tout. Les honorables ministres de l'ancien
gouvernement ont cumulé, eux aussi, la responsabilité de
plusieurs ministères. N'a-t-on pas vu le ministre des Affaires
municipales, le député de Saint-Maurice, en même temps
ministre du Travail? Est-ce que le député de Saint-Maurice ne
pouvait pas être en même temps ministre des Affaires municipales et
ministre du Travail? Est-ce qu'il n'y en avait pas d'autres dans
l'équipe libérale qui pouvaient le faire? Non. Cela paraît
bien. On avait le ministre des Travaux publics qui était aussi ministre
des Richesses naturelles, des Mines.
M. LESAGE: Au début.
M. BELLEMARE:Il a été ministre du Bien-être social
et aussi, en même temps, ministre de la Famille...
M. LESAGE: Oui, mais c'est le même ministère.
M. BELLEMARE: Et est-ce que le député, parce qu'il avait
ces deux mandats, ne faisait pas bien son travail?
M. LESAGE: Mais c'est le même ministère!
M. BELLEMARE: M. le Président, est-ce que les Richesses
naturelles, c'est le même ministère?
M. LESAGE: Non, non, la Famille et le Bien-Etre social, c'est le
même.
M. BELLEMARE: Non, mais les Richesses naturelles, le Bien-Etre social et
la Famille...
M. LESAGE: Mais il n'a pas eu les deux en même temps.
M. BELLEMARE: Non, mais il a eu les Travaux publics et les Richesses
naturelles...
M. LESAGE: Au début, oui.
M. BELLEMARE: Pas seulement au début, pendant des mois. Est-ce
que celui qui rit,
là, le député de Vaudreuil-Soulanges, en arrivant,
est-ce qu'il n'a pas pris deux grands ministères, le ministère de
la Jeunesse et le ministère de l'Education?
M. GERIN-LAJOIE: Un seul ministère. M. LESAGE: Non, un seul S la
fois.
M. BELLEMARE: Oui, il a cumulé les deux ministères, et de
la Jeunesse et de l'Education...
M. LESAGE: Mais non! Ils étaient successifs. Le ministère
de la Jeunesse est disparu à la création du ministère de
l'Education!
M. BELLSMARE: M. le Président, tout le monde dans la province de
Québec sait qu'il a ramassé le ministère de la Jeunesse et
le ministère de l'Education!
M. LESAGE: Mais non!...
M. BELLEMARE: Comme on sait que l'ancien ministre de l'Agriculture a eu
deux ministères aussi.Le ministère de l'Agriculture et de la
Colonisation.
M. LESAGE: Oui, mais ils sont fusionnés!
M. COURCY: Us sont fusionnés, les ministères!
M. GERIN-LAJOIE: Un peu de sérieux, hein.
M. COURCY: Pendant ce temps-là, vous avez crié...
M. BELLEMARE: Parce que le ministère de la Colonisation qui avait
un budget considérable a été fusionné avec le
ministère de l'Agriculture et cela s'est fait sous le titre de la
démocratie, de la liberté d'expression.
M. LESAGE: Vous ne l'avez pas changé.
M. BELLEMARE: On en a profité pour passer par la guillotine
certains employés, bien doucement pour que ça ne paraisse pas
trop en fusionnant et en défusionnant. Cela est arrivé.
M. COURCY: M. Lalande est resté sous-ministre.
M. BELLEMARE: M. le Président, quand j'entends...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A moins que les règlements ne soient
changés, seul actuellement l'honorable ministre du Travail et de
l'Industrie et du Commerce a le droit de parole.
M. LESAGE: C'est pour l'aider.
M. BELLEMARE: Vous remarquerez que les bruits... comme disait tout
à l'heure le chef de l'Opposition, c'est effrayant de voir en Chambre,
le spectacle que donne le gouvernement au pouvoir. Mais avez-vous
remarqué le spectacle que donnent, depuis que j'ai commencé
à parler,les honorables députés de l'Opposition? Et c'est
eux qui veulent nous prêcher la vertu. Eux?
M. le Président, la justice dans laprovince de Québec...Il
ne faudrait peut-être pas remonter aux ancêtres des honorables
libéraux qui sont devant moi. On pourrait peut-être mettre des
noms au bout de certaines administrations, qui feraient peut-être mal aux
libéraux d'aujourd'hui.
M. GERIN-LAJOIE: Maurice Duplessis.
M. BELLEMARE: Ah ça, ça vous fait plaisir de dire
ça, mais vous verrez un jour M. Duplessis demeurer dans l'histoire et
vous vous n'aurez pas une virgule seulement.
M. LESAGE: Et à la fin des temps il viendra sur les nuées
comme le Paraclet...
M. BOUSQUET: Après tant d'efforts.
M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous
rappeler le soir de la défaite du parti libéral pour vous donner
l'état d'âme de ces honorables messieurs. Vous avez tous vu
à la télévision le chef d'un parti comment il s'est
conduit...
M. LESAGE: Comment? Comment je me suis conduit?
M. BELLEMARE: Oui, M. le Président, comment est-ce que tout
autour de lui on a traité sa belle personne. On perdait le pouvoir, et
c'était triste de les voir...
M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
comprends que le ministre du Travail exerce son droit de parole, mais je me
demande si le débat que nous avons entrepris sur l'administration de la
justice doit nous permettre de faire tout le tour de l'histoire de la province
de Québec. C'est absolument hors d'ordre ce qui se dit. On pourrait
peut-être... Je n'ai
pas terminé l'exposé de mon point d'ordre. Je n'ai qu'une
phrase à ajouter, M. le Président. Le ministre qui semblait si
pressé de défendre ses crédits tout à l'heure, il
n'y a pas si longtemps, il me semble que s'il s'en tenait au sujet, ce serait
moins long.
M. GOSSELIN: Vous lui avez dégobillé dans le visage tout
l'après-midi: maintenant vous voudriez qu'on cesse.
M. LAPORTE: Non, je veux qu'il parle du sujet.
M. BELLEMARE: M. le Président, on a assez fait de
personnalités dans l'espace d'une heure et demie que vous permettrez
bien pendant cinq minutes d'essayer de rétablir les faits. Nous sommes
des gens honnêtes, nous cherchons tous que la justice soit
appliquée intégralement dans la province de Québec et
l'honorable ministre de la Justice ne mérite pas d'être
traité comme on l'a fait depuis le début de ce débat. On a
essayé de dire que le ministre de la Justice n'était pas digne du
rôle important qui lui a été confié par l'honorable
premier ministre. On a essayé de le ridiculiser. On ne peut pas
permettre ça quand on est en autorité. Le prestige d'un homme tel
que le ministre de la Justice ne doit pas être effrité, surtout
quand on a à distribuer la justice. Donner à la pègre
l'avantage sur le ministre de la Justice Ceux qui prêchent la justice,
ceux qui veulent la justice, ceux qui la recherchent la justice ne devraient
pas donner ce triste spectacle d'attaquer ici même, en Chambre, un
ministre qui est inattaquable, un ministre qui a fait son devoir avec les
officiers de l'ancien ministre de la Justice qui n'ont pas été
changés. Est-ce qu'on a le droit de donner à la pègre cet
argument que le ministre de la Justice n'est pas bon et qu'il ne fait pas son
devoir? Cela, c'est attaquer le prestige de la justice. Au lieu de rechercher
électoralement ce qui pourrait peut-être faire partie d'un plan,
d'une stratégie, il vaudrait beaucoup mieux ensemble travailler de
concert avec ceux qui sont en autorité, ne pas essayer de diminuer,
d'accuser ou d'essayer de prendre en défaut un ministre de la Justice
autorité dans la province de Québec. Ce n'est pas une tâche
facile. L'ancien ministre de la Justice le sait. Mais croyez-vous que c'est
plus facile aujourd'hui après les descentes concertées que lui et
d'autres députés dans cette Chambre ont fait entendre concernant
la bonne foi, la bonne réputation et surtout l'activité que
déploie actuellement l'honorable député de Missisquoi?
Non, M. le Président.
L'honorable chef de l'Opposition a voulu faire une rectification quant
aux déclarations qu'a faites dans cette Chambre l'honorable premier
ministre au sujet du cas Lapointe.
Tout l'argument de l'honorable premier ministre n'était pas
à savoir si oui ou non il y avait culpabilité, si oui ou non il
avait payé ou pas payé, la seule chose qu'a voulu faire ressortir
l'honorable chef du gouvernement, le premier ministre, c'est le fait que le
ministre de la Justice du temps avait été dans une
assemblée avec une personne qui était recherchée par un
mandat
M. LESAGE: Etait présent avec une personne...
M. BELLEMARE: Cela, M. le Président, c'est le seul reproche qu'a
adressé le premier ministre au député de Verdun et en
ajoutant ceci: « Je vois le député de Verdun s'il fallait
qu'un des députés de l'Union Nationale, dans une paroisse ou dans
un village, soit dans une organisation politique ou autre où il y a un
homme recherché par la police, quels esclandres aurait faits le
député de Verdun? » Là, monsieur, ç'aurait
été terrible, on aurait entendu encore les mots « Duplessis
», on aurait entendu encore ces accusations malveillantes, on aurait dit:
Vous voyez la pègre, elle se tient près de l'Union Nationale.
Vous voyez, c'est le régime qui revient à la surface. Eh bien, M.
le Président, ce n'est pas ce qu'a fait le premier ministre, il a dit au
député de Verdun, à vous M. le Président, il a dit:
« Le député de Verdun était dans une
assemblée » et c'est ça qu'a voulu démontrer le
premier ministre. Qu'il ait payé le 2 juin, alors qu'on avait fait le
rapport depuis le 19 mai, le 17 mai dis-je, et puis c'est seulement le 2 juin
qu'il a payé, 18, 19, 20, 21...
UNE VOIX: Cela ne fait pas deux semaines!
M. BELLEMARE: ... et demie. Cela a pris du temps, c'était un
homme difficile à trouver. Ils ont du le chercher pas mal. Un homme
occupé, un gros gars.
M. le Président, que l'Opposition ne se fatigue pas, nous avons
un mandat et nous avons la responsabilité, tous mes collègues et
moi, d'administrer la province dans l'intérêt public et nous le
faisons sans contrainte, avec le meilleur esprit possible, sans esprit de
vengeance, sans essayer de sortir des bouts de dossiers pour en montrer
à certains députés ou à certains ministres. Non, ce
n'est pas ainsi que nous allons administrer la province. Nous allons
l'administrer dans un bon climat en donnant
l'exemple de gens intelligents qui veulent réellement trouver
pour le peuple les meilleures solutions. Et quant aux prochaines
élections, je dis à l'honorable chef de l'Opposition: Il n'en
reviendra pas dix parmi vous autres. Vous verrez, M. le Président, c'est
un vieux guerrier qui vous le dit. J'en ai déjà vu en cette
Chambre, de 1944 à 1948, qui étaient extraordinairement
féroces, faisaient des discours à l'emporte-pièce,
c'était fantastique. Des jours et des jours sur l'Ungava, terre que l'on
donnait aux Américains. Des jours et des jours sur le boulevard Talbot,
dépense de $9 millions, $10 millions, des jours et des jours, des
scènes extraordinairement disgracieuses. Ils étaient 33, ils sont
revenus huit.
M. LACROIX: Vous aviez donné combien à la caisse
électorale?
M. LOUBIER: Qu'ils ne parlent donc pas de caisse électorale, ils
se battent pour ça.
M. BELLEMARE: M. le Président, vous ne devriez pas parler de
corde dans la maison d'un pendu!
M. LACROIX: Quand vous avez été pris avec une loi
électorale vous avez perdu vos élections...
M. BELLEMARE: Vous vous chicanez actuellement pour savoir à qui
elle va aller la caisse. Il y a toujours des limites. Tâchez de vous
cacher un peu quand même.
M. LACROIX: On n'apprendra toujours pas la décence de vous
autres. Ce n'est toujours pas avec Gérald Martineau, puis Jos.-D.
Bégin, puis le député de Champlain qu'on va apprendre la
décence.
M. BELLEMARE: Non, c'est avec d'autres qui portent d'autres noms et que
nous connaissons...
M. GABIAS: Parlez-nous donc de vos souliers.
M. BELLEMARE: ... que nous pourrions nous autres aussi lancer à
la pâture publique, que nous connaissons pour certaines
contributions...
M. LACROIX: On va vous parler de Bellemare tout à l'heure,
l'autre.
M. BELLEMARE: ... que nous pourrions nous aussi lancer sur la place
publique et nous pour- rions donner certains noms de certaines personnes.
M. LACROIX: Quand on vous connaît, si vous étiez capable,
vous le feriez avec plaisir.
M. LOUBIER: Ah bien, Seigneur!
M. BELLEMARE: M. le Président, que le député des
Iles-de-la-Madeleine n'aille pas trop loin, qu'il n'aille pas trop vite, il y a
un docteur chez eux, nous lui en reparlerons en temps et lieu.
M. LACROIX: Je suis toujours disposé.
M. LOUBIER: Ah, mon Dieu! Il était disposé dans
Bellechasse aussi.
M. BELLEMARE: Les docteurs qui ont acheté des terrains bon
marché pour les revendre au gouvernement à un bon prix. On dira
ça quand ce sera le temps.
DES VOIX: Ah!
M. LACROIX: M. le Président, sur une question de
privilège, je ne laisserai pas le député de Champlain
laisser porter des doutes sur l'honnêteté du député
des Iles-de-la-Madeleine. Parlez-en. Si vous voulez en parler, des terrains
vendus par un certain docteur, je suis disposé à le faire et avec
les fonctionnaires du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche.
M. GABIAS: Qui ça?
M. LACROIX: Et je ne crains pas le député de Champlain.
Non seulement je me déclare honnête, mais je le suis, moi. Cela
peut faire la différence avec certains députés de l'autre
côté.
M. GABIAS: Les bottines.
M. BELLEMARE: Est-ce que le député des
Iles-de-la-Madeleine veut dire que le député de Champlain n'est
pas honnête?
M. LACROIX: Je vous ai dit que ça faisait une différence
avec certains députés de l'autre côté: je n'en ai
mentionné aucun.
M. GABIAS: Nommez-les.
M. LACROIX: En temps et lieu, je les mentionnerai, moi aussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nommez-les.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis toujours fort
intéressé par les remarques que prononce un honorable
député. Quand je puis le voir, lire attentivement ses expressions
de figure, la tâche devient à ce moment-là plus facile pour
moi de suivre son discours et ses remarques.
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est inconcevable que ces gens
qui ont été battus par le peuple puissent aujourd'hui
revendiquer, à pourcentage, une certaine popularité. Et c'est
l'honorable chef de l'Opposition qui m'amène sur ce terrain. Il dit:
S'ils allaient devant le peuple, ils auraient leur surprise. On y va toutes les
semaines, M. le Président, dans nos comtés devant le peuple et
c'est fantastique tout ce qu'ils nous disent de l'opposition
libérale.
M. LESAGE: Craignez les flatteurs.
M. BELLEMARE: Oui, mais seulement derrière un nuage d'encens, je
fais toujours attention à l'encensoir.
M. LESAGE: Vous faites bien.
M. BELLEMARE: Mais vous, vous vous êtes fait assommer par lui.
Vous aviez une tendance à ce petit péché mignon,
l'orgueil.
M. LESAGE: Vous vous êtes déjà fait accrocher par
l'encensoir, vous.
M. BELLEMARE: M. le Président, le peuple de la province de
Québec est un peuple de gros bon sens. Ce n'est pas un peuple qui puisse
digérer les accusations malveillantes telles qu'elles ont
été faites cet après-midi par l'honorable chef de
l'Opposition.
M. LESAGE: Qu'est-ce que j'ai fait, M. le Président?
M. BELLEMARE: Je dis non, M. le Président.
M. LESAGE: M. le Président, je m'excuse, je voudrais bien savoir
quelles accusations malveillantes j'ai portées. Je n'ai porté
aucune accusation.
M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition, qui a demandé
pardon à la Chambre au début tout à l'heure, était
sincère ou non?
M. LESAGE: Je n'ai pas demandé pardon à la Chambre, M. le
Président. J'ai dit purement et simplement que je voudrais
coopérer avec vous et que je ne reviendrais pas sur un sujet qui serait
de nature à enflammer la Chambre; c'est tout ce que j'ai dit Je n'ai
aucun pardon à demander.
M. BELLEMARE: M. le Président, je le pensais sincère au
début...
M. LESAGE: Je le suis.
M. BELLEMARE: ... de son intervention ce soir...
M. LESAGE: Je le suis.
M. BELLEMARE: ... quand il a dit je m'excuse.
M. LESAGE: Non, non, M. le Président, je m'excuse, je m'excuse
d'interrompre l'honorable député, mais je ne me suis pas
excusé et je n'avais pas d'excuses à offrir.
M. BELLEMARE: M. le Président, il a dit: J'ai gravement
péché, cet après-midi, contre l'Union Nationale...
M. LESAGE: Ah, M. le Président, il me semble que...
M. BELLEMARE: ... je voudrais, ce soir, réparer gentiment...
M. LESAGE: Non, mais y a-t-il moyen de cesser ça?
M. BELLEMARE: ... et il a commencé en expliquant pourquoi il
avait fait certaines accusations...
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: ... il a dit: Je vais m'en tenir à deux autres pour
terminer. Et là, M. le Président, il a relevé deux
accusations du premier ministre.
Mais, M. le Président, croyez-vous sincèrement que,
lorsque le chef de l'Opposition se donne en spectable, comme il s'est
donné à six heures moins quart ce soir cela revalorise le
parlementarisme? C'est lui qui dit après ça, à nos
députés: Mais, c'est impossible une Chambre pareille, mais vous
l'avez entendu, vous avez été obligé de vous en aller
vous, M. le Président.
M. LESAGE: A cause du député de Trois-Rivières.
UNE VOIX: C'est à vous la faute.
M. BELLEMARE: C'est à cause, M. le Président, de ce que
vous aviez entendu de l'autre côté.
M. LAPORTE : M. le Président, on pourrait au moins éviter
de tenter de juger les motifs qui vous ont amené à vous retirer,
M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est parce qu'il était six heures et
deux.
M. BELLEMARE: Et vous en aviez assez. M. le Président, que l'on
soit dans cette province des gens qui prêchent une doctrine de justice
égale pour tous, d'accord.Il n'y a pas un seul membre de ce parlement
qui veut autrement que la justice soit distribuée chez nous. Que l'on
demande que tout le monde soit traité également avec
équité. Pas un, M. le Président, ne sera contre cela, mais
ce à quoi on est opposé, c'est la méthode militaire, le
totalitarisme, c'est ça, M. le Président. Us connaissent le mot
eux autres, M. le Président.
L'état policier, M. le Président, ça, M. le
Président, on est contre ça, on est contre ça, que chacun
des individus ait l'impression que son gouvernement est un état
policier, on est contre ça.Il arrive que pour des balivernes, un simple
avertissement pourrait en certaines circonstances rendre bien plus service que
d'exercer brutalement la force et c'est un député libéral
qui l'a dit de l'autre côté, le député de
Charlevoix-Saguenay, dans un discours qu'il a fait lorsqu'il a accusé la
PP d'agir sans aucun discernement.
M. COURCY: PP.
M. BELLEMARE: Et, M. le Président, dans cette province de
Québec, on est contre ceux qui prêchent une doctrine et qui en
pratiquent une autre, dans l'opposition, et j'en sais quelque chose, à
maintes reprises mes collègues et moi-même avons questionné
l'honorable député de Verdun.Il ne nous donnait que des
réponses fragmentaires. Quelques réponses, M. le
Président, très courtes. Oui nous nous en occupons. Nous verrons.
Nous ferons rapport. Et aujourd'hui que la justice se fait au grand jour, que
l'administration de la justice ne se fait plus en cachette, que lorsqu'un
député pose une question à l'honorable ministre de la
Justi- ce il répond et il donne les faits, ça c'est
condamnable.
Il y a un officier dans le ministère de la Justice et ce
sera dit en temps et lieu qui a écrit une lettre dans laquelle il
reproche au ministre de la Justice du temps:Il y a des causes de prêles
et nous n'avons pas d'ordre de marcher. La lettre est écrite. En temps
et lieu, M. le Président, nous allons la lire.
M. LAPORTE: En attendant, on laisse planer des doutes.
M. BELLEMARE:Il est temps, M. le Président, que les purs, que
ceux qui se disent purs...
M. LESAGE: Bien lisez-la.
M. BELLEMARE: ... dans la province arrêtent cette
prédication, cette fausse impression qu'ils veulent semer alentour du
nom du ministre de la Justice d'aujourd'hui. Vous prétendez, M. le
Président, que nous ne citons pas de nom? Bien, arrêtez donc vos
insinuations contre un ministre qui travaille, un ministre qui se
dévoue, un ministre de la Justice qui fait son possible.
Non, M. le Président, on a essayé pendant ce débat
de discréditer par des louanges, par des insinuations, le travail
qu'accomplit, avec tant de dévouement, mon collègue le
député de Missisquoi.
Il est impensable que, dans un parlement comme le nôtre, au lieu
de se liguer contre un homme qui fait son devoir, on ne lui apporte pas
plutôt le fruit de ses connaissances, qu'on ne lui apporte pas
plutôt le fruit de son expérience et que l'on se retranche
derrière les barricades d'un parti pour défendre un
électoralis-me condamnable. Si c'est vrai que le député de
Verdun possède une expérience, si c'est vrai que le
député de Verdun peut aider la justice, pourquoi ne pas
collaborer avec le gouvernement, pourquoi ne pas collaborer avec le ministre de
la Justice d'aujourd'hui, pouquoi laisser planer des doutes sur tous les
députés, sur tous les ministres quand il dit immobilisme? M. le
Président, on n'a pas le droit, surtout quand on a rempli des charges
aussi difficiles que celles de ministre de la Justice et que l'on veut en cette
Chambre être un bon député, un membre d'une
Législature qui veut faire son possible et tout son devoir, de refuser
sa collaboration.
Ah, vous allez dire: Nous sommes dans l'Opposition. Nous avons un
rôle à jouer, mais de grâce, Seigneur, quand est-ce qu'on va
mettre de côté ces lignes de partis pour aider vérita-
blement la justice dans la province de Québec? Et le règne
de la justice, ça, M. le Président, ce serait dans la bouche de
l'honorable député de Verdun des paroles qui mériteraient
des félicitations de tout le peuple du Québec.
Et on assiste, M. le Président, depuis quelques jours, à
des scènes extrêmement disgracieuses qui ont, en dehors de cette
Chambre, provoqué les haut-le-coeur de certaines personnes. M. le
Président, des crimes, de la pègre, il y en a dans la province
d'Ontario, il y en a dans la province de la Colombie-Britannique, il y en a aux
Etats-Unis, il y en a en France, il y en a en Angleterre. Est-ce qu'il y en a
moins parce que M. De Gaulle est président de la France? Non. Est-ce
qu'il y en a moins parce que le président Johnson est président
des Etats-Unis? Non. Mais des mesures, par exemple, peuvent être
apportées chacun dans son pays, chacun dans sa province pour ensemble
travailler à donner à la société les moyens qu'il
faut pour répondre aux impératifs de 1967, et c'est ce qu'a fait
le ministre de la Justice d'aujourd'hui en recommandant au Conseil
exécutif et à la Chambre la formation d'une commission, qui
siège et qui va faire rapport. Cela, c'était nécessaire.
Contrairement à certains autres qui en ont peut-être
demandé, des commissions d'enquêtes et à qui ça n'a
pas été accordé. Nous allons, M. le Président,
attendre les recommandations, mais avant ça, le ministre de la Justice
tous les jours, sur la recommandation de ses officiers du ministère,
accomplit une bonne besogne: il travaille à refréner chose
qui n'est pas facile le travail de la pègre, bien
organisée d'accord, mais dans dix ans, dans quinze ans quand nous aurons
laissé le pouvoir, d'autres ministres de la Justice viendront.Ils auront
là aussi des problèmes, des problèmes que nous n'avons pas
créés, des problèmes dont nous avons hérité
et que nous essayons, avec toute la bonne foi et toute la lucidité dont
fait preuve le ministre de la Justice de régler. J'espère M. le
Président, que nous allons cesser ce triste spectacle qu'on nous a
donné la semaine dernière, ces accusations et ces insinuations
qui ont fait mal, ah pas mal au point de vue politique parce que nous n'avons
rien à nous reprocher, mais mal à l'individu par exemple.
Ce n'est pas raisonnable quand un homme travaille vingt heures par jour
de lui servir le plat des insinuations et des accusations voilées qui
ont été faites dans cette Chambre.
M. le président, j'espère que la Chambre reviendra
à cette atmosphère plus sereine que nous avons connue et qui sera
profitable et pour les justiciers et pour l'administration de la justice.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. Pierre Laporte
M. LAPORTE: Je serai très bref, car je n'ai que trois points
à relever dans les remarques qui ont été faites par le
ministre du Travail et qui ont pu être faites par d'autres
députés en cette Chambre au cours de ce débat.
Le premier point concerne l'ancien député d'Outremont, M.
Georges Lapalme qui fut procureur général de la province de
Québec et ministre des Affaires culturelles, puis simplement ministre
des Affaires culturelles. Le ministre du Travail, dans son allocution a
insisté sur un point, c'est que justice soit rendue à tous les
citoyens de la province de Québec. Je pense qu'à ce sujet, sans
faire de passe-droit ou de faveur à qui que ce soit, il faudrait que
cette pleine mesure de justice soit rendue autour de nous et envers ceux qui
furent, il n'y a pas si longtemps, nos collègues à
l'Assemblée législative.
M. Lapalme est certainement un des hommes politiques les plus
respectés de la province de Québec et un de ceux pour lesquels,
personnellement, j'ai le plus d'admiration pour le travail qu'il a accompli non
seulement pour le parti libéral, mais pour l'avancement et le
progrès des idées dans la province de Québec en
général, pour l'effort de démocratisation qu'il a
réussi à implanter à l'intérieur d'une des grandes
formations politiques de cette province, et pour le travail qu'il a accompli
alors qu'il était ministre dans le gouvernement qui a
précédé celui qui est devant nous actuellement.
Il est clair qu'à un certain moment, M. Lapalme a demandé
à être relevé de ses responsabilités de ministre de
la Justice ça s'appelait procureur général à
l'époque et qu'il a ensuite démissionné comme
ministre des Affaires culturelles. Mais pendant toute la durée de son ou
de ses mandats comme ministre, il a toujours été, à la
connaissance de tous ses collègues et de tous les fonctionnaires, un des
ministres les plus assidus à son bureau depuis tôt le matin
jusqu'à tard le soir.
M. GABIAS: On n'applaudit pas le diable!
M. LAPORTE : Si vous mesurez la véracité de ce qui se dit
à l'immensité des applaudissements, il s'agit tout simplement
d'avoir des plus grosses mains pour dire plus vrai!
M. GABIAS: Ce n'est pas votre meilleure.
M. LAPORTE: Je dis que c'est une injustice que le ministre du Travail a
faite à l'endroit de son ancien collègue d'Outremont d'avoir
prétendu qu'il a administré l'un ou l'autre de ses
ministères ailleurs qu'à l'intérieur de son bureau comme
tout le monde.
Le deuxième point que je voulais souligner brièvement,
c'est au sujet du cas Lapointe. C'est un de ces cas qui n'auraient jamais
dû être ramenés devant l'Assemblée
législative. Les gens sont simplistes dans les jugements qu'ils peuvent
porter sur les déclarations qui sont faites à l'Assemblée
législative. M. Lapointe a commis le grand crime d'aller plus vite que
la loi ne le permet sur certaines routes de la province et ensuite de ne pas
répondre aux sommations qui lui ont été
envoyées.
Un cas qui se répète à des milliers d'exemplaires
chaque année dans la province de Québec. Et si on faisait
simplement le tour des députés, on constaterait qu'il y en a
peut-être d'autres qui ont été dans la même
situation.
Ce n'est pas le fait que M. Lapointe ait été ou n'ait pas
été un candidat libéral. Cela n'a rien à voir. Mais
c'est le fait qu'on a amené devant l'opinion publique, au cours d'un
débat extrêmement violent, le cas d'un homme qui, en somme,
n'avait commis qu'une infraction aux règlements de la circulation et
qui, aux yeux de bien du monde, risque maintenant de passer pour un criminel.
C'est le genre de dossier qui devrait strictement rester à
l'intérieur du ministère de la Justice et ne pas être
amené en public, surtout quand le cas est réglé.
Et enfin, troisièmement, je voudrais dire un mot du poste de
ministre de la Justice et du titulaire actuel du ministère de la
Justice. Personne, je pense, en dépit de ce qu'a déclaré
le ministre du Travail qui cherchait manifestement des arguments qui
n'avaient pas été utilisés en cette Chambre
personne, je le répète, n'a mis en doute
l'intégrité, l'esprit de travail, le dévouement du
ministre de la Justice actuel.
M. BELLEMARE: Ah, ah, ah. Bien, voyons.
M. LAPORTE: Personne.Il est même arrivé que le chef de
l'Opposition ait directement fait son éloge cet après-midi.
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député de Chambly me
permet? Est-ce qu'il trouve ça décent et correct, la
manière dont le chef de l'Opposition s'est comporté cet
après-midi vis-à-vis du député de Missisquoi? De le
vanter pour après ça le descendre?
M. LESAGE: Je ne l'ai pas descendu.
M. LAPORTE: Alors, M. le Président, je vais simplement dire au
ministre du Travail qu'il me donne l'occasion, non pas que je recherchais, mais
qu'il me donne involontairement, de faire une comparaison. Cet
après-midi, le chef de l'Opposition a fait l'éloge de la personne
du ministre de la Justice pour dire ensuite: Il a trop de travail. Ni son
intégrité ni rien n'a été mis en cause, au
contraire.
M. BELLEMARE: Il a dit: «Il ne fait rien ».
M. LAPORTE:Il est arrivé... Un instant, il n'a pas dit qu'il ne
faisait rien, il a dit qu'il travaillait 18 heures par jour mais qu'il ne
pouvait pas faire les deux en même temps. Son intégrité a
été respectée. A un moment donné l'affaire Rivard
est arrivée.
M. BELLEMARE: Qu'est-ce que le ministre de la Justice... Qui
protège...
M. LAPORTE: Un instant. L'affaire Rivard est arrivée à un
certain moment et il n'est entré dans l'esprit de personne que le
ministre de la Justice de l'époque ait pu être personnellement
responsable de l'évasion de Rivard. Personne.
Voyez-vous, M. le Président, quand on parle de
l'intégrité d'un ancien ministre de la Justice, alors que le
ministre du Travail vient de nous dire et ça, je l'approuve
qu'on doit respecter la personne du ministre de la Justice, que c'est un
des postes les plus essentiels dans la province de Québec, pour ses
prédécesseurs et pour ses successeurs. Dans l'affaire Rivard, il
n'est entré dans l'esprit de personne de sérieux d'imaginer que
le député de Verdun était responsable de
l'évasion.Il devait être bien plus malheureux que tout le monde
à la suite de cette évasion. Et, pourtant, qu'est-ce que le chef
de l'Opposition de l'époque a dit? Le 9 mars 1965, à la page 1047
du journal des Débats: « Il faut que le
procureur-général profite de ce débat pour rassurer la
population, pour rétablir cette réputation
d'intégrité qu'il avait, et que je lui souhaite de garder, mais
qui est dangereusement compromise à cause des circonstances de
l'évasion. »
M. le Président, ce que nous n'avons pas fait, mettre en doute
l'intégrité du ministre de la Justice actuel et que l'on nous a
pourtant reproché d'avoir tenté de faire, l'an dernier, on l'a
fait directement à l'endroit de son prédécesseur. Et il
s'est certainement trouvé des personnes
y compris, j'en suis convaincu, le député de
Champlain pour applaudir vigoureusement quand cette
déclaration-là a été faite. Et si nous avions
employé la moitié du début de ces mots-là à
l'endroit du titulaire actuel, il aurait été le premier à
nous faire une crise, à nous faire une poussée de sang, ici
même.à l'Assemblée législative.
Il faut toujours être extrêmement prudent dans ses
assertions. On a tenté directement de mettre en doute
l'intégrité de l'ancien ministre de la Justice à
l'occasion d'un événement fortuit quant à lui. Je
répète, après le ministre du Travail, que la fonction de
ministre de la Justice est certainement l'une des plus fondamentales, l'une des
plus importantes, l'une de celles qui demandent le plus de respect. Et je pense
que c'était vrai l'an dernier comme ça l'est cette année.
Ils ont semblé avoir d'autres opinions à ce moment-là. Je
répète que nous avons entièrement confiance en
l'intégrité du ministre de la Justice, je répète
que nous soulignons son esprit de travail, mais je répète
également que mettre sur le dos d'un seul homme deux ministères
de cette envergure, c'est ou vouloir sa perte ou alors vouloir que deux
ministères soient à demi administrés. C'est cela qu'on lui
dit.
M. BELLEMARE: Vous avez fait cela. M. LAPORTE: J'ai administré
moi-même... M. BELLEMARE: Deux ministères.
M. LAPORTE: ... deux ministères au point de vue du budget.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et avec quel succès!
M. LAPORTE: Cela, Monsieur, quand les crédits du ministre des
Affaires culturelles viendront, il nous dira ce qu'il a fait de nouveau et je
lui dirai ce que j'ai fait de nouveau dans mon ministère, moi. A part
d'annoncer des choses qui existaient déjà ou que j'avais faites
moi-même, il n'a strictement rien fait. On le verra dans ses
crédits.
DES VOIX: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pose la question de privilège, M. le
Président. Le député de Chambly peut-il donner la
preuve?
M. GERIN-LAJOIE: Le privilège d'interrompre, oui. Restez donc
assis à votre siège, c'est au député de Chambly
à parler.
DES VOIX: Voyons donc.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela a été ministre de
l'Education, voyez... M. le Président...
M. LAPORTE: Vous n'en avez pas profité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose la question de
privilège. Le député de Chambly...
M. LESAGE: Malheureusement, vous étiez né trop vieux.
M. LAPORTE: M. le Président, qu'il dise ce qu'il a à
dire.
M. LOUBIER: Il y a bien des pingouins là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous êtes
témoin que ces messieurs m'interrompent et m'empêchent de dire ce
que je dois dire.
M. GERIN LAJOIE: Vous n'avez rien à dire, c'est vous qui avez
interrompu. Asseyez-vous.
M. LOUBIER: Oh, mon Dieu! Le frère directeur.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pose la question de privilège. Le
député de Chambly a porté une accusation. Il a dit:
« Le ministre des Affaires culturelles n'a fait qu'annoncer ce qui
était déjà commencé. » Peut-il donner la
preuve?
M. LAPORTE: Oui, je vais vous donner la preuve tout de suite. Le
ministre des Affaires culturelles a annoncé I grand renfort de
publicité la création d'un musée de la marine à la
maison Chevalier, qui existait depuis un an et demi.
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose encore une
fois la question de privilège, et je la pose en français afin que
le député de Chambly comprenne. J'affirme que le musée de
la marine n'a jamais été, ni dans l'esprit du
député de Chambly, ni dans les dossiers du ministère et
que c'est moi qui ai pris l'initiative, à la suite de consultations avec
mes collaborateurs, parce qu'il avait refusé le projet.
M. LAPORTE: M. le Président, le ministre a parfaitement raison.
Le musée n'était ni dans mon esprit, ni dans ses dossiers, il
était à la maison Chevalier.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! M. le Président, je
voudrais...
M. LAPORTE: Vos crédits vont venir, on ne peut pas
éterniser ça.
DES VOIX: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi):Il serait inconcevable, M. le Président,
que les journaux et la population restent sur l'impression fausse que vient de
donner le député de Chambly en affirmant qu'il existait un
musée de la marine à la maison Chevalier.
Il y a, à la maison Chevalier, quelques pièces qui...
M. LAPORTE: J'ai l'impression que le nombre va augmenter si le
débat continue!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de l'avis des fonctionnaires pouvaient
éventuellement servir à la création d'un musée dont
j'ai annoncé la création et dont j'ai pris l'initiative que
n'avait pas prise le député de Chambly. Je tenais à faire
cette mise au point afin de corriger cette fausse impression qu'a voulu donner
le député de Chambly, et nous aurons l'occasion, lors de
l'étude de mes prévisions budgétaires, de voir en
détail quel a été le résultat des absences
intermittentes et périodiques ou sporadiques du député de
Chambly.
M. LAPORTE : Intermittentes, on verra ça. C'est ça,
apportez tous vos dossiers parce que j'aurai tous les miens. On verra à
ce moment-là qui a travaillé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous aurez surtout les dossiers que vous avez
fait disparaître, y compris les lettres.
M. LAPORTE: M. le Président, les dossiers? aucun dossier n'est
disparu du ministère des Affaires culturelles, sauf mes dossiers
personnels. '
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors vous n'aviez pas travaillé parce
qu'il ne restait aucune preuve de votre présence au ministère pas
même une lettre. Cela prouve que vous ne passiez pas souvent.
M. LAPORTE: M. le Président, quand on étudiera les
crédits des Affaires culturelles je dis simplement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'abord on ne dit pas les crédits, on
dit les prévisions budgétaires. Les crédits c'est quand
c'est voté.
M. LAPORTE: Comment?
M. LACROIX: Demandez donc au député de Bellechasse de vous
donner un petit bec, on va peut-être avoir la paix!
DES VOIX: Vous n'avez pas à rougir!
M. LOUBIER: Je pense bien que mes collègues d'en face, par leurs
rires et leurs applaudissements, ne veulent pas que je m'exécute parce
que je pense bien que la majorité sait que je ne penche pas de ce
côté-là.
M. LAPORTE: M. le Président, je crois qu'il n'y a rien à
ajouter et sur ce penchant, je reprends mon siège.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Encore une insinuation malveillante!
M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.
M. Yves Gabias
M.GABIAS: M. le Président, depuis le début de cette
session on ne peut sûrement pas m'accuser d'avoir pris trop de temps et
d'avoir participé aux débats. Mais, à la suite de la
motion du député de Verdun, je crois que je manquerais gravement
à mon devoir si je ne disais pas ce que je pense de cette motion
et...
M. LESAGE: Il n'y a pas de motion!
M. GABIAS: Ah! le député de Louis-Hébert dit:
« Il n'y a pas de motion ».
M. LESAGE: Non.
M. GABIAS: Mais on s'est réservé le droit de la faire ou
de ne pas la faire à la suite de cette discussion.
M. GERIN-LAJOIE: Il n'y a pas de motion du député de
Verdun.
M. GABIAS: Non, il n'y en a pas présentement...
M. LESAGE: Une motion du ministre des Finances.
M. GABIAS: ... il n'y a pas une motion de
non confiance à l'endroit du ministre de la Justice, mais il est
clair que le député de Verdun s'est levé et a parlé
à la suite d'une motion qui a été appelée. Si le
député de Louis-Hébert ne sait pas cela, si le
député de Vaudreuil-Soulanges ne sait pas cela, il est temps
qu'ils regardent leurs règlements et l'apprennent. Je dis donc, M. le
Président, qu'il y a une motion sur laquelle le député de
Verdun a parlé et cette motion, même si elle ne conclut pas
à un vote de non confiance à l'endroit du ministre de la Justice,
il est clair que le contenu de son discours...
M. GERIN-LAJOIE: Il a oublié sa procédure pendant les
années qu'il était en dehors.
M. GABIAS: D'abord, M. le Président, je vais rétablir les
faits: je n'ai pas été des années en dehors...
M. LOUBIER: Ah bon!
M. GABIAS: J'ai été une session, mais pas complète
et c'est le député de Vaudreuil-Soulanges qui a été
le proposeur pour m'expulser pendant trois ans. Si on veut que je parle sur
cette question, je reviendrai et vous verrez que ceux qui ont
tenté...
M. COURCY: Ne parlons pas d'Amédée Bellemare, on en a eu
assez.
M. GABIAS: ... de mettre fin à ma carrière politique
peuvent se compter chanceux que je n'aie rien dit encore, mais cela ne veut pas
dire que je garderai toujours le silence sur cette affaire
ténébreuse qui m'a entraîné trois ans d'expulsion de
cette Chambre.
Je croirais manquer à mon devoir, M. le Président, de ne
pas prendre la parole sur une question aussi grave qui devrait être
considérée comme telle par tous les députés dans
cette Chambre. Il est malheureux que le député de Verdun ait
choisi comme cible le ministère de la Justice et, par voie de
conséquence, le ministre de la Justice. S'il y a un député
en cette Chambre qui n'aurait pas dû s'attaquer au ministère de la
Justice et à son successeur, c'est bien le député de
Verdun, s'il veut qu'on le croit sincère lorsqu'il veut que
l'administration de la justice soit la plus parfaite possible dans cette
province. Le dernier en cette Chambre qui aurait dû prendre le ton qu'il
a employé, qui aurait dû prendre l'insinuation comme arme et
à certains moments mettre en doute l'honnêteté
intellectuelle ou la capacité du présent ministre de la Justice,
c'est bien le député de Verdun.
Lui qui a occupé ces fonctions, lui qui sait comme il est
difficile d'assurer une administration de la justice conforme à la loi,
lui qui sait qu'il est difficile, pour ne pas dire quasi impossible, d'obtenir
une coopération parfaite entre tous les chaînons qui constituent
la chaîne de la justice, lui qui sait qu'il est presque impossible
d'avoir l'honnêteté de tous les employés du
ministère de la Justice et de tous les services qui sont
rattachés à l'administration de la justice. Lui, il le sait pour
avoir occupé le haut poste de ministre de la Justice. Il sait que,
malgré tous ses efforts, malgré toute sa bonne volonté,
malgré ses connaissances pour avoir été avocat, procureur
ou substitut du procureur de la couronne, pour avoir été
procureur-chef à Montréal, pour avoir été juge des
sessions de la paix et pour avoir été ministre de la Justice, lui
qui avait gravi, pour retomber simple député de Verdun, toutes
ces étapes, lui il savait, le député de Verdun, et s'il y
en a un qui n'aurait pas dû s'attaquer au ministère de la Justice
et à son titulaire, c'est bien lui.
Et, pourtant, il profite d'une situation, situation qui est assez
normale, que personne n'a souhaitée, que personne ne veut, mais qui est
assez normale lorsqu'il y a changement de gouvernement, lorsque l'on sait qu'il
y a des gens qui font passer l'esprit de parti avant le devoir, alors qu'il y a
réorganisation à l'intérieur des forces policières,
alors qu'il y a réorganisation dans l'administration de la justice,
alors que l'on essaie par une enquête de découvrir les meilleurs
moyens pour que cette réorganisation soit parfaite, la plus parfaite
possible, parfaitement humaine, et il profite de cette situation pourquoi?
Essayer d'améliorer l'administration de la justice? Pas du tout.
Essayer d'aider son successeur? Pas du tout.Il nous a montré, et il nous
a donné l'image exacte de ce qu'il est avant tout, non pas un homme qui
recherche une administration humaine, une administration la plus parfaite
possible, mais qui recherche avant tout la publicité et
l'électoralisme. C'est ça qui est le but de l'ancien ministre de
la Justice.
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement. Ai-je
besoin d'insister, d'attirer votre attention sur le fait que le
député de Trois-Rivières vient d'imputer des motifs au
député de Verdun, ce qu'il n'a pas le droit de faire, et je vous
demande bien humblement de suggérer au député de
Trois-Rivières de retirer les paroles qu'il vient de prononcer à
l'effet que le député de Verdun a agi et parlé par
électoralisme, a recherché la publicité et
l'électoralisme. C'est absolument antiparlementaire et, M. le
Prési-
dent, je vous demande bien humblement de demander au
député de Trois-Rivières de retirer ces paroles qu'il n'a
pas le droit de prononcer en cette Chambre.
M. GABIAS: M. le Président, si le chef de l'Opposition voit qu'il
y a dans ces paroles acte contraire au règlement, je ne veux pas faire
perdre le temps de cette Chambre et je retire volontiers les deux expressions
que j'ai employées...
M. LESAGE: L'imputation de motifs.
M. GABIAS: ... et l'imputation de motif que j'ai employée
à l'endroit de l'ancien ministre de la Justice, à l'endroit du
député de Verdun. Je retire les paroles qu'il a fait cela dans un
but de publicité et dans un but d'électoralisme.
M. le Président, je retire pleinement ces paroles et je veux
continuer, car ce qui importe avant tout et je ne veux pas imputer de
motif au député de Verdun ce que je veux, savoir par
exemple, c'est s'il a conscience de la portée de sa motion ou du
discours qu'il a prononcé. Est-ce qu'il a pleinement conscience qu'il
s'attaque à l'institution qui est la plus importante et la plus
essentielle dans cette province? Que, s'il n'y avait pas d'aministration de la
justice, que s'il n'y avait pas de ministre de la justice et que s'il n'y avait
personne qui essaie d'appliquer et de faire respecter les droits de chacun en
cette province, ce serait le désordre, le chaos, ce serait la pagaille,
ce serait la loi du plus fort. Et c'est cette institution que je veux
défendre. Ce n'est pas le ministre de la Justice que je veux
défendre, il est capable de se défendre. Ce n'est pas l'ancien
ministre de la Justice que je veux attaquer. Ce que je veux? Je veux par
exemple que la population de cette province soit convaincue que
l'administration de la justice chez nous est droite, qu'elle est la plus
parfaite possible et que les gens qui dirigent veulent une telle justice et
veulent un tel système judiciaire dans notre province. C'est pour cela
que je me lève et c'est cela que je défends.
On s'attaque à ce qu'il y a de plus essentiel pour assurer le bon
ordre, pour assurer le bien-être d'une population. Est-ce que l'ancien
ministre de la Justice, le député de Verdun, a conscience que les
propos qu'il a tenus détruisent cette institution, que les paroles qu'il
a employées au lieu d'atteindre le but que, peut-être de bonne
foi, il recherche de perfectionner encore notre système judiciaire, de
perfectionner nos organismes. Au lieu de renforcer l'organisme, il le sape
à sa base, il enlève toute la confiance de la population de cette
province et à l'institution de notre ministère de la Justice et
cela c'est mauvais, et cela c'est dangereux.
M. le Président, non seulement, il faut se souvenir des paroles
qu'il a déjà prononcées dans cette Chambre et en dehors de
cette Chambre.Il s'en est pris non pas à notre système
judiciaire, il s'en est pris à ceux qui dispensent la justice dans cette
province.Il s'est attaqué aux juges, il s'est attaqué aux avocats
de la couronne, il s'est attaqué à la police.Il avait eu des
prédécesseurs avant lui: il y avait eu l'ancien procureur
général, l'honorable Lapalme, qui avait ouvert la voie, qui avait
tracé la voie au député de Verdun.Il s'en était
pris aux juges dans cette Chambre et en dehors de cette Chambre.Il s'en
était pris au procureur: il s'en était pris à la
Sûreté provinciale, à tous ceux qui servent notre
système judiciaire et après s'être attaqué à
tous ces organismes je lui demande, est-il conscient, le fait-il
consciemment ou inconsciemment après avoir détruit
à sa base ou ébranlé notre système judiciaire, du
même coup, il donne une force à la pègre, il montre une
organisation qu'il donne comme meilleure que la Sûreté provinciale
ou nos corps policiers. Du même coup, à grand renfort de
publicité, nous voyons dans les journaux que la pègre est
maîtresse partout, que la pègre est maîtresse dans ce
parlement, que la pègre est maîtresse dans nos
municipalités, que la pègre est maîtresse dans la province
de Québec. D'un côté, on diminue la force de notre
système judiciaire, de nos organismes et de l'autre côté,
on donne de l'importance et de la perfection aux forces du mal. Est-ce que
l'ancien ministre de la Justice est conscient de cela? Et, pourtant, c'est
cela, en fait, qu'il dit à la province et à la population. C'est
cela qu'il essaie de démontrer, de prouver.
Pourquoi, pourquoi recherche-t-il cela, M. le Président, au Heu
de donner des conseils, au lieu de faire profiter son successeur de son
expérience, de lui faire des suggestions, au lieu de dire au ministre
actuel de la Justice: Les moyens que vous prenez ne sont pas les meilleurs.
J'ai expérimenté, et c'est ainsi que vous devriez agir, c'est
ainsi que vous devriez conseiller vos subalternes, subalternes qui ont
été nommés par lui, l'ancien ministre de la Justice.
Sûreté provinciale dont les principaux dirigeants ont
été nommés par lui ou par ses prédécesseurs
immédiats. Ce ne sont pas des gens qui ont été
nommés par l'Union Nationale qui dirigent nos forces constabulaires
provinciales, ce sont tous des gens du premier au dernier sauf
peut-être une exception tous nommés
par l'administration libérale. On est allé chercher ces
gens, pour la majeure partie, dans les rangs de la Gendarmerie royale. On les a
imposés. Ce sont ces gens qui dirigent encore la Sûreté
provinciale. Le chef Robert, le directeur, n'est pas une nomination de l'Union
Nationale, c'est une nomination de l'ancien ministre de la Justice.
Les procureurs permanents, pour la très grande majorité,
sont encore là. La grande majorité des juges, du moins à
Montréal, ont été nommés, soit par lui ou soit par
des prédécesseurs libéraux en grande majorité. Ce
ne sont pas des membres de l'Union Nationale qui dirigent la justice dans cette
province mais il est heureux, par exemple, que ce soit un ministre tel que le
député de Missisquoi qui soit le ministre de la Justice dans
cette province. Il est heureux qu'il y ait eu un changement parce que nous
assistions, avec effroi, de semaine en semaine, non pas à une
administration de la justice en tenant compte de la loi, mais on assistait
à une administration de la justice ou à loi du plus fort
était entrée en reine dans la Sûreté provinciale et
dans nos institutions judiciaires.
C'est le ministre de la Justice qui voulait voir sa théorie
à lui mise en pratique par les juges responsables, c'est le ministre de
la Justice qui voulait que la Sûreté provinciale soit conduite
suivant son idée à lui. C'était son idée à
lui qui devait prévaloir du premier au dernier palier dans
l'organisation de la justice de la province et cela c'est dangereux. Quel que
soit l'homme qui soit à la tête du ministère de la Justice,
qu'il connaisse cela ou qu'il ne connaisse pas cela, qu'il soit
compétent ou incompétent, qu'il soit honnête ou
malhonnête, qu'il ait de grandes connaissances ou qu'il soit un non
instruit, peut importe! Ce qu'il y a de plus dangereux, ce n'est pas
l'ignorance, ce n'est pas la lassitude, ce n'est pas la paresse, ce n'est pas
l'incompétence qui est le plus dangereux à la tête du
ministère de la Justice, mais c'est par exemple un ministre qui veut,
par des ordres, voir à ce que ses théories soient
entièrement imposées de haut en bas dans le système
judiciaire de la province parce qu'à ce moment-là,
l'accusé n'a plus de chance et l'accusé ne peut plus avoir un
procès qui est juste, et cela c'est condamnable, et jamais nous ne
devrions accepter une telle conception de la justice, ni dans cette province ni
ailleurs. Elle est condamnable.
L'accusé a droit à un procès juste. Il a droit
à une défense pleine et entière. Et cela, c'est la base
même de notre système judiciaire. Défense pleine et
entière à chaque accusé, qu'il soit un petit, un moyen ou
un grand criminel. Que nous ayons ou non la conviction que l'accusé est
coupable ou innocent, il a droit devant les tribunaux à un procès
juste, équitable, il a droit à une défense pleine et
entière et si on met toutes les forces de la justice à l'encontre
d'un accusé avec l'intention de le faire trouver coupable, il n'y a pas
un seul homme qui puisse être acquitté devant nos tribunaux.
J'ai assez d'expérience dans l'administration de la Justice pour
pouvoir dire que, lorsque la poursuite, lorsque la Sûreté
provinciale et lorsque les détectives se mettent d'accord et cherchent
tous les moyens, même s'ils sont tous légaux, prennent tous les
moyens pour trouver l'accusé coupable, à ce moment-là,
l'accusé n'a pas une défense pleine et entière parce que
l'équilibre est rompu. C'est le juge qui peut rétablir
l'équilibre et si on empêche le juge d'agir, si on empêche
le juge, soit en l'interpellant publiquement, soit en faisant croire à
la population que le juge est de connivence avec les criminels, où donc
sera la protection de l'accusé? Qui pourra avoir une défense
pleine et entière? C'est cela qui est mauvais. On ne doit jamais, au
grand jamais, s'attaquer à l'institution des juges dans cette province.
S'il y a des juges qui ne sont pas bons, s'il y a des juges qui sont corrompus,
s'il y a des juges malhonnêtes, qu'on les congédie.Il y a des
procédures pour cela.
On ne doit pas accuser, par exemple, tous les juges ou laisser planer
des doutes sur tous les juges dans cette province.Il faut aller dans la
population. Il faut parler aux petites gens pour savoir que, malheureusement,
les juges ont perdu beaucoup de la confiance de la population. Combien de fois
entendons-nous: Je n'ai pas de chance devant le tribunal, je n'ai pas d'argent.
Et c'est une phrase qu'on ne devrait jamais entendre. Jamais, on ne devrait
entendre des gens dans cette province prononcer de telles paroles. Je le dis et
je le répète. Ce qui compte, ce ne sont pas les paroles qui ont
pu être prononcées par l'ancien ministre de la Justice ni celles
prononcées par le chef de l'Opposition. Elles sont malheureuses parce
qu'elles s'attaquent à un organisme essentiel et je me demande pourquoi.
Et si je n'ai pas le droit de dire que c'est pour la publicité et
l'électoralisme que l'on prend de tels moyens, je me demande alors
pourquoi on prend et on utilise de tels moyens. Quelle est la fin
recherchée par le député de Verdun et le
député de Louis-Hébert? Est-ce que c'est en s'attaquant au
ministre de la Justice, est-ce en s'attaquant à la commission qui vient
d'être nommée que l'on va rendre service à l'administration
de la Justice?
Je répondrai demain, ou lorsque le débat se
continuera, à cette question: « Que recherche-t-on en
employant de telles paroles ? ».
M. LESAGE: Allez-y. On n'a plus d'heure d'ajournement. Non, non. Il n'y
a plus d'heure d'ajournement, M. le Président.
M. LAPORTE : Qu'on le finisse donc le débat.
M. LESAGE: On va le finir, ce débat et on va aller en
subsides.
M. GABIAS: C'est parce qu'ils ont entendu dix heures.
M. LESAGE: Non, non. On a dit: « C'est fini dix heures.
M. GABIAS: C'est que j'ai compris que c'était fini.
UNE VOIX: Non, non. L'ajournement n'est plus à dix heures.
M. LESAGE : Depuis l'adoption de la motion, ce matin. L'heure de la
clôture à dix heures, c'est fini.
M. GABIAS: J'étais présent, j'ai voté contre votre
amendement.
M. LESAGE : Il n'y a pas eu d'amendement.
M. GABIAS: C'est-à-dire, contre votre motion.
M. LESAGE: Non. Tout le monde a voté pour la motion. Nous aussi,
nous avons voté pour la motion.
M. GABIAS: Celle que vous avez proposée, vous avez proposé
un amendement.
M. LESAGE: Non, pas du tout, le vote a été 64 à 0,
M. le Président.
M. GABIAS: Je ne me laisserai pas distraire, M. le Président. Que
recherche-t-on, M. le Président? Quel but recherche l'Opposition en
laissant entendre que le ministre de la Justice ne fait pas tout son devoir?
Que cherche-t-on donc? Quel but recherche-t-on lorsqu'on laisse entendre que
dans cette province, la pègre est reine et maîtresse? Quel but
recherche-t-on, M. le Président? lorsque l'on accuse et qu'on laisse
soupçonner que les dossiers sont cachés ou détruits depuis
le 5 juin?
M. LESAGE : Personne n'a dit cela.
M. GABIAS: Que recherche-t-on et quel but recherche-t-on, M. le
Président, lorsque les insinuations se multiplient au rythme des
phrases? Est-ce que l'on recherche la tête du ministre de la Justice? Je
dois déclarer que non, puisque lui-même, le chef de l'Opposition,
député de Louis-Hébert, rend le témoignage
actuellement au ministre de la Justice qu'il est un honnête homme, qu'il
fait tout son possible et que lui n'est pas en faute. Qui donc est en faute, si
le ministre de la Justice ne l'est pas? Est-ce qu'il veut dire que ce sont les
sous-ministres qui sont en faute? S'ils le sont, qui les accusent les
sous-ministres. Est-ce qu'il veut dire que ce sont les subalternes au
ministère de la Justice qui sont responsables? Si ce sont eux, qui les
accusent, M. le Président? Si c'est le directeur de la police qui est
responsable, qu'on l'accuse. Si ce sont les officiers de la sûreté
provinciale, qu'on les accuse. Si ce sont les employés des bureaux de
justice ou des palais de justice, des greffes ou des cours qui sont
responsables, qu'on les accuse, M. le Président. Mais qu'on soit
logique. Et que, lorsque l'on rend témoignage au ministre actuel de la
Justice, que l'on soit sincère, et que l'on soit absolument franc et
propre. On rend témoignage au ministre de la Justice et par contre on
dit: Cela ne bouge pas, cela ne marche pas, cela va mal, tout est caché,
tout est détruit. Qui veut-on protéger? Eh bien, moi, ce que je
veux protéger, M. le Président, je veux protéger notre
système judiciaire, je veux protéger dans cette province la
confiance que la justice doit avoir de la part de la population et ce qui
compte avant tout, c'est que la population et le gouvernement actuel aient
confiance dans l'actuel ministre de la Justice. Et nous l'avons
entièrement.
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre des finances est-elle
adoptée?
M. LESAGE: Adopté. On a un autre grief.
M. LEBEL (Président du comité plénier): Le ministre
du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. LESAGE: C'est la journée des députés demain.
M. BELLEMARE: ... l'article 5, Industrie et Commerce...
M. LESAGE: Non, pas demain, c'est mercredi demain, c'est le jour des
députés.
M. GERIN-LAJOIE: On rapporte progrès.
M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, je ne crois pas que
l'article 4 ait été adopté.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'objection. J'avais marqué article 4
et 5, on est rendu à l'article 5.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Nous ne sommes pas encore rendus à
l'article 5, parce que l'article 4 n'a pas été adopté.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas pour jouer un mauvais tour au
député. J'en profite pour lui offrir mes meilleurs voeux en son
joyeux anniversaire de naissance.
M. LESAGE: Il a bien 41 ans.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Je remercie le ministre de l'Industrie et du
Commerce qui m'avait déjà fait parvenir ses voeux.
M. LE PRESIDENT: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport
que le comité rapporte progrès et qu'il demande la permission de
siéger à nouveau.
M. PAUL (Président): Quand le comité pourra-t-il
siéger à nouveau? A une prochaine séance.
M. BELLEMARE: Demain, M. le Président, c'est la journée
des députés, trois heures et demie à cause du premier
ministre qui est retenu par une réception, il sera ici...
M. LESAGE: On ne siégera pas demain matin?
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LESAGE: Demain matin?
M. BELLEMARE: Demain matin, non.
M. LESAGE: Bien le Négus arrive à deux heures: alors nous
pouvons siéger à onze heures demain matin.
M. BELLEMARE: Trois heures trente. M. BERTRAND: Trois heures et
demie.
M. LESAGE: Tout ça pour raccourcir la journée des
députés. On pourrait siéger à onze heures demain
matin.
M. BERTRAND: Trois heures trente.
M. LAPORTE: Qu'est-ce qu'on va faire?
M. GERIN-LAJOIE: Un vrai scandale, une session comme ça.
M. BERTRAND: Trois heures trente.
M. BELLEMARE: Trois heures trente c'est la journée des
députés...
M. LESAGE: Pourquoi pas onze heures?
M. BELLEMARE: ... et puis nous aurons à déposer des
motions demain. Nous reviendrons à la reprise du débat sur
l'amendement de M. Théoret sur la motion de M. Fournier et nous
passerons ensuite à la motion de l'honorable chef de l'Opposition.
Ensuite, nous reviendrons au bill 99.
M. LAPORTE: C'est d'accord.
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain
après-midi, trois heures trente.