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Version finale

28e législature, 1re session
(1 décembre 1966 au 12 août 1967)

Le mardi 2 mai 1967 - Vol. 5 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Onze heures de la matinée)

M. PAUL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

Questions de privilège

M. LESAGE: M. le Président, sur une question concernant les privilèges de la Chambre. Est-ce que le premier ministre ou le conseil des ministres a autorisé des fonctionnaires à annoncer publiquement et en dehors de cette Chambre — évidemment, s'il s'agit des fonctionnaires, il faut que ce soit en dehors de la Chambre — un projet de loi tendant à faciliter l'intégration des immigrants à notre société canadienne-française au Québec?

M. JOHNSON: Non, ni le ministre de l'Education, ni le gouvernement n'ont autorisé quelque fonctionnaire que ce soit à faire une telle déclaration qui, d'ailleurs, n'est pas exacte.

M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre ou le ministre de l'Agriculture ou le conseil des ministres a autorisé le sous-ministre de l'Agriculture et de la Colonisation du Québec, M. Roméo Lalande, à annoncer à St-Hyacinthe un proget de loi concernant l'insémination artificielle?

M. VINCENT: M. le Président, en réponse à la question de l'honorable chef de l'Opposition le sous-ministre de l'Agriculture, à l'occasion d'une réunion à Saint-Hyacinthe, il y a quelque temps, a annoncé que nous travaillions à un projet de loi qui était prêt depuis trois ans et qui n'avait pas été reçu devant l'Assemblée législative, justement pour répondre aux besoins de cette nouvelle politique qu'on veut instaurer en ce qui concerne l'insémination artificielle dans la province de Québec.

M. LESAGE: Toujours concernant les privilèges de la Chambre, je ferai remarquer au ministre de l'Agriculture que, d'après les nouvelles des journaux — et je réfère le ministre à l'édition du 28 avril, du journal L'Action — le sous-ministre de l'Agriculture, M. Lalande, a été très précis. Et, en venant maintenant à ma question de privilège, il me semble que c'est le privilège absolu de la Chambre, lorsqu'elle est en session, de prendre connaissance la première des projets de loi que le gouvernement a l'intention de proposer.

La procédure normale est la suivante:Il appartient au gouvernement, au premier ministre ou à un de ses ministres, d'annoncer en Chambre tout projet de loi que le gouvernement a l'intention de proposer. Je n'ai pas l'intention de faire de scène, M. le Président, mais c'est un droit fondamental du parlement qui a été invoqué à maintes reprises en cette Chambre. J'admets qu'il est arrivé dans une circonstance, alors que j'étais premier ministre, qu'une loi ait été annoncée en dehors de cette Chambre: j'avais reconnu l'erreur et je m'en étais excusé. Or, en fin de semaine, d'après les journaux, deux projets de loi sont annoncés par les fonctionnaires. Le premier ministre me dit, que, dans le premier cas, ce n'est pas fondé: les réponses du ministre de l'Agriculture au sujet du deuxième cas prouvent que la nouvelle est fondée. J'espère, M. le Président, que le premier ministre prendra les dispositions nécessaires pour qu'à l'avenir les privilèges du parlement soient respectés.

M. JOHNSON: M. le Président, j'en donne l'assurance à cette Chambre, il faudrait que cesse cette épidémie. Il semble que les hauts fonctionnaires sont pris de la maladie de la « parlote ». Dans plusieurs domaines, ils ne se sont pas gênés pour annoncer des projets de loi, même pour critiquer l'administration. Cela évolue!

UNE VOIX: C'est le syndicalisme!

M. JOHNSON: M. le Président, je voudrais intervenir sur une question de privilège.

M. PINARD: Une conséquence de l'immobilisme!

M. JOHNSON: Justement, quand ça fait trois ans qu'ils attendent pour faire passer un projet de loi, ils s'inquiètent et s'énervent.

M. LESAGE: Un instant. Ce n'est pas le même. Le sous-ministre de l'Agriculture a été très précis.Il suffit de lire la nouvelle.

M. VINCENT: C'est le même projet de loi qui est en préparation depuis trois ans.

M. JOHNSON: Probablement que c'est l'inaction sous l'ancien gouvernement qui ...

M. LESAGE: Ce n'est pas une excuse !

M. JOHNSON: ... crée la bougeotte chez les hauts fonctionnaires.

M. LESAGE: Ce n'est pas une excuse!D'accord.

M. JOHNSON: Alors, M . le Président...

M. LESAGE: Du moment que le ministre de l'Agriculture est d'accord.

M. VINCENT: Une tempête dans un verre d'eau!

M. LESAGE: Non, non, ce n'est pas un verre d'eau. Ce sont les privilèges de la Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: Ce n'est pas un verre d'eau, c'est l'insémination artificielle.

M. LESAGE: Cela fait des petits plus forts!

M. VINCENT: C'est en gestation depuis trois ans.

M. COURCY: La folie recommence. Mises au point

M. JOHNSON: Cela vient de Bagot! M. le Président, je voudrais intervenir sur une questions de privilège. La semaine dernière, plus précisément le 27 avril à midi, on a émis à Ottawa le communiqué suivant: « Communiqué émis à Ottawa le 27 avril à 12 heures. A la résidence du gouverneur général on annonce que le général de Gaulle a accepté l'invitation du gouverneur général de se rendre au Canada et de visiter le 25 juillet, journée nationale de la France, l'Exposition universelle organisée à Montréal à l'occasion du centenaire de la confédération. D'autre part, le général de Gaulle a accepté de se rendre à Québec en réponse à l'invitation que lui a adressée le Premier ministre du Québec en accord avec le gouvernement fédéral. D'autres précisions sur le programme de la visite du général de Gaulle au Canada seront annoncées en temps voulu. »

Pour éviter tout malentendu, je tiendrais à préciser le sens d'une expression qui m'a quelque peu étonné et que l'on remarque dans le texte du communiqué que je viens de lire, il s'agit des mots, au deuxième paragraphe, « en accord avec le gouvernement fédéral ». Enlisant, cette expression, onpeut comprendre que le gouvernement fédéral ne s'est pas opposé à ce que le Premier ministre du Québec invite personnellement le général de Gaulle. Si telle est l'interprétation, il n'y a pas de problème car c'est ce qui s'est produit. L'expression peut cependant porter à croire — et c'est là la raison pour laquelle je soulève la question — que cette invitation a dû être précédée de la part du gouvernement du Québec par une demande explicite ou implicite d'une permission à cet effet auprès du gouvernement fédéral. En réalité, il n'en fut rien. En août dernier, j'ai indiqué au Premier ministre du Canada qu'en prévésion des invitations que le Canada lancerait à divers chefs d'Etat à l'occasion de l'Expo, nous avions l'intention de transmettre une invitation personnelle au général de Gaulle à nous rendre visite à Québec. En réponse, le Premier ministre du Canada m'a indiqué qu'il prenait note de ce désir et c'est tout.

Je tenais à apporter cette précision, non pas pour laisser entendre qu'il y a mauvaise foi quelque part, mais tout simplement pour clarifier le sens d'une tournure ambiguë dont l'interprétation risque de ne pas être conforme à la réalité.

M. LESAGE: Sur le même sujet, M. le Président, est-ce que le Premier ministre pourrait nous dire à quelle date le général de Gaulle est attendu à Québec?

M. JOHNSON: Je regrette de ne pouvoir l'annoncer aujourd'hui.

M. LESAGE: J'espère que lorsque le Premier ministre annoncera bientôt — probablement à son retour de voyage — la date de l'arrivée du général de Gaulle il sera en mesure de nous informer de la durée de son séjouràQuébec et de la durée de son séjour à Montréal.

M. JOHNSON:Il est fort possible que tous ces détails soient déjà arrêtés et connus même avant ma visite en France.

M. VINCENT: M. le Président, sur une question de privilège pour clarifier un point afin d'éviter tout malentendu. La semaine dernière je devais participer à une réunion à St-Hyacinthe devant les inséminateurs à leur réunion annuelle. A cette occasion, j'ai dû me faire représenter par le sous-ministre, M. Roméo Lalande, et j'avoue lui avoir demandé de parler de ce projet de loi qui est en préparation...

M. LESAGE: C'est pire.

M. VINCENT: ... c'est-à-dire qu'il était prêt depuis trois ans. Maintenant, je constate, j'admets que, naturellement, il aurait été de simple décence que j'annonce préalablement le projet de loi en Chambre, je ne l'ai pas fait, mais je ne voudrais pas que le sous-ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, qui est un homme dévoué, soit taxé d'avoir annoncé des politiques du gouvernement sans l'autorisation du ministre.

M. LESAGE: Je regrette que le ministre de l'Agriculture ait oublié, comme il m'est arrivé une fois de le faire dans le passé, d'aviser d'abord la Chambre, mais je le félicite d'assumer ses responsabilités et de ne pas chercher à les faire retomber sur son sous-ministre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

Carte scolaire

M. BERTRAND: M. le Président, le Devoir de ce matin, mardi, 2 mai, publie une nouvelle intitulée: « Remise en question de la carte scolaire régionale ». Je n'ai pas besoin de lire la nouvelle, les députés l'ont lue.

Je voudrais, à ce sujet, dire tout simplement ceci, c'est qu'il y a au ministère de l'Education création d'un comité des cas exceptionnels en ce qui a trait à la régionalisation scolaire. Le premier objectif de la politique du gouvernement en matière de régionalisation scolaire est de rendre l'école accessible à tous les jeunes, afin de leur dispenser un enseignement qui soit adapté à leurs aptitudes en même temps qu'aux exigences de leur rôle de citoyens et de travailleurs dans le Québec d'aujourd'hui et de demain. Cet objectif peut être atteint au niveau secondaire par la mise en place de services scolaires adéquats dans le cadre d'institutions secondaires polyvalentes capables d'accueillir toute la population scolaire d'un territoire donné.

Même si la régionalisation scolaire est acceptée par l'ensemble de la population du Québec, il n'en reste pas moins que des problèmes réels peuvent être soulevés relativement aux modalités de cette régionalisation. Des requêtes ont été soumises au ministre de l'Education et à d'autres membres du gouvernement demandant, en certains cas, que des modifications soient apportées à divers aspects de la régionalisation, telle que la mise en application en certains endroits. Pour autant que la régionalisation scolaire est concernée, toute modification au plan déjà établi devrait faire l'objet d'études des organismes consultatifs actuels ou d'orga- nismes analogues valables sur le plan de la représentation.

J'ai donc, comme ministre de l'Education, formé un comité des cas exceptionnels, dont le mandat est d'étudier les cas litigieux actuels relatifs à la régionalisation scolaire et de me recommander des mesures propres à rendre justice à tous. Afin que cet organisme soit aussi représentatif et impartial que possible, j'ai demandé à la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, à la Corporation des instituterus catholiques et au Service des parents du ministère de me suggérer des candidats. Après ces consultations, l'on m'a proposé comme menbres du comité des cas exceptionnels, en ce qui concerne la régionalisation scolaire, les personnes suivantes: M. J.-O.-R. Rochon,de La Motte, Abitibi, président de la Commission scolaire régionale Harricana, membre du conseil d'administration de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec: M. René Laurin, représentant de la Corporation des instituteurs catholiques: M. Jean-Claude Caron, professeur au Collège des Jésuites, président de l'Association des parents de la paroisse des Saints-Martyrs Canadiens et président de la Fédération des comités de parents de la ville de Québec.

A l'heure actuelle, un de mes secrétaires, M. Gérald Lefebvre, conseiller technique au ministère de l'Education agit comme secrétaire, alors que le comité est présidé par M. J.-O.-R. Rochon. Il s'agit donc de cas exceptionnels.

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que le ministre nous dirait si un arrêté ministériel a été adopté, donnant suite à...

M. BERTRAND: Il n'y a pas eu d'arrêté ministériel pour la formation de ce comité. Il s'agit d'un comité ministériel. Ce problème, par la suite, a été discuté avec les membres du conseil des ministres. Il n'est pas impossible, qu'il y ait un arrêté ministériel, car nous aurons certainement à payer disons des frais de voyage, de déplacement pour ces personnes qui sont appelées à rencontrer sur les lieux les groupements, les organismes, qui auront des cas à présenter.Il en existe dans plusieurs régions du Québec, et le chiffre de 55 je ne l'ai jamais compris comme devant être un nombre fatidique. Il faut d'abord répondre aux réalités et aux besoins et essayer de trouver des solutions là où des problèmes réels existent.

M. LAPORTE: M. le Président, deux questions supplémentaires. Est-ce que le comité a commencé son travail? Deuxièmement, d'où le

comité tire-t-tl son autorité et quel est exactement son mandat, le libellé du mandat qui lui a été confié?

M. BERTRAND: J'ai eu l'occasion de rencontrer le comité, la semaine dernière si mon souvenir est bon, et à l'heure actuelle, les membres ont eu une rencontre pour bien préciser le mandat. Il s'agit, on le comprend, d'un comité consultatif, il ne s'agit pas d'un comité exécutif. Ce comité consultatif fera rapport au ministre, qui lui, fera rapport au conseil des ministres, s'il y a lieu d'adopter des changements en certaines régions de la province, de subdiviser des régionales, d'établir de nouvelles écoles dans certains coins, à cause de la distance, à cause de tous les problèmes, que soulève la régionalisation dans certains secteurs. A ce moment-là le ministre verra à faire les recommandations au conseil des ministres.

M. LAPORTE: M. le Président, ça ne répond pas et de loin à mes questions. Je veux savoir en vertu de quelle autorité les membres du comité ont été nommés. Est-ce que c'est par une lettre du ministre? De quelle façon ont-ils reçu mandat de travailler? Deuxièmement, est-ce que je dois comprendre que les membres du comité n'ont pas reçu du ministre un mandat bien précis, écrit, lequel mandat pourrait être, à la demande de cette Chambre, déposé sur la table du greffier?

M. BERTRAND: D'abord, c'est à la demande du ministre premièrement...

M. LAPORTE: Par lettre?

M. BERTRAND: ... c'est à la demande du ministre, à la suite de tous les cas qui m'ont été présentés depuis que je suis ministre de l'Education, que j'ai, en consultation avec mes collègues, décidé de former ce comité, qui est un comité disons d'étude pour le moment, et consultatif.

Quant au mandat, à l'heure actuelle, il est en train de se préciser. Je note immédiatement— et je l'ai noté dans ma déclaration — qu'il ne s'agit pas de remettre en cause le principe et l'application de la régionalisation scolaire, mais d'examiner les cas, et à la suite — ça c'est une partie du mandat qui va se préciser, qui doit être précisé très prochainement — dès que la limite du mandat aura été établie, il me fera plaisir d'en faire part à la Chambre.

M. LAPORTE: Je pose une question très précise au ministre. Est-ce que je pourrais avoir une réponse? Est-ce que les membres du comité ont commencé à travailler?

M. BERTRAND: Les membres du comité se sont réunis, d'après les renseignements que j'ai obtenus, à la suite de la rencontre qu'ils ont eue avec moi, en vue justement d'examiner, — car nous avions certains documents — des problèmes et de voir jusqu'où devait porter leur mandat à la suite des cas qui nous été présentés. Mais je redis qu'il s'agit d'un comité consultatif.

M. LAPORTE: Je ne voudrais pas qu'on se perde dans une discussion inutile ou oiseuse. Est-ce que...

M. BELLEMARE: C'est contre le règlement.

M. LAPORTE: Aussi longtemps que le président ne dira pas que les questions que nous posons..,,

M. BELLEMARE: C'est contre le règlement. C'est un contre-interrogatoire.Il ne doit pas y avoir un contre-interrogatoire dans les questions. C'est sûr.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne réponds pas à l'invitation que me lance immédiatement l'honorable député de Chambly. Je suis venu prêt d'inviter l'honorable député de Chambly peut-être à poser une dernière question afin que cette question ne tourne pas en débat.

M. LESAGE: J'espère que ça ne s'applique qu'au député de Chambly. Je ne suis pas intervenu encore et j'ai l'intention d'intervenir.

M. LAPORTE: Voici la dernière question que je voudrais poser au ministre. Etant donné que l'article auquel il ne s'est pas référé dit que ce comité fait suite à des pressions nombreuses qui ont été exercées au caucus par des députés de l'Union Nationale, je voudrais demander au ministre si c'est le comité qui va rédiger son mandat lui-même ou si c'est le ministère qui va soumettre un mandat au comité.

M. BERTRAND: Le député de Chambly est injuste quand il dit que ç'a été demandé seulement par des députés de l'Union Nationale.

M. LAPORTE: Je cite clairement l'article. M. BERTRAND: Oui, ça, c'est l'article. M. LESAGE: Le député de Chambly l'a dit.

M. BERTRAND: Je connais des comtés qui sont représentés par des députés libéraux où le problème se pose et je connais des députés qui m'en ont fait part. Par exemple, à l'intérieur d'une même régionale, on demande, au lieu de bâtir une seule école, d'en bâtir deux.

M. LESAGE: Pas seulement dans des comtés représentés par des libéraux.

M. BERTRAND: Non, dans des comtés représentés par des membres des deux côtés de la Chambre.

M. LESAGE: Est-ce que la régionale de Tilly, pour autant que le comté de Lotbinière est concerné, est un cas spécial?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: La régionale de...?

M. LESAGE: De Tilly. Pour autant que le comté de Lotbinière est concerné, est-ce que l'établissement de deux au lieu d'une régionale, est un des cas?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: J'ai demandé, et le ministre de l'Education a l'autorité voulue pour constituer un comité d'étude consultatif en vertu de l'article 3 de la loi du ministère.

M. LAPORTE: Il n'a pas de mandat.

M. BERTRAND:Il a l'autorité. Le mandat, je le dis, c'est d'examiner toutes les requêtes et les documents que nous avons reçus là où la régionalisation pose des problèmes et d'examiner ces problèmes. C'est un mandat suffisamment vaste.

M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre...

M. BERTRAND: ...et de faire au ministre les recommandations qui s'imposent.

M. LAPORTE: Est-ce que je dois comprendre que le mandat du comité est verbal?

M. BERTRAND: Bien, voyons.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Les honorables députés conviendront que cette période de question a été suffisamment longue pour permettre d'obtenir toutes les informations disponibles pour le moment.

M. LESAGE: Avec tout le respect que je vous dois, M. le Président, j'aurais une question très précise à poser au ministre de l'Education sur ce sujet. Le ministre de l'Education a déclaré qu'il n'y avait pas eu d'arrêté ministériel. Est-ce que je dois comprendre que les membres du comité consultatif ne sont pas rémunérés et ne reçoivent même pas le remboursement de leurs dépenses de voyage?

M. BERTRAND: Pas à l'heure actuelle.

M. LESAGE: Parce que, M. le Président, est-ce que...

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. LESAGE: Ecoutez, c'est très important, ça.Il en faut, un arrêté ministériel. On ne peut pas payer ces gens-là sans arrêté.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Puis-je suggérer aux honorables députés d'entendre la question de l'honorable chef de l'Opposition et également de permettre à l'honorable ministre de l'Education de répondre et nous pourrons ensuite passer aux travaux prévus pour aujourd'hui.

M. LESAGE: Ma question est celle-ci...

M. BERTRAND: Rien que pour répondre au chef de l'Opposition. Si le chef de l'Opposition savait le nombre de comités consultatifs qui existent au ministère de l'Education...

M. LESAGE: Oui.

M. BERTRAND: ...qui existent, au sujet desquels il n'y a jamais eu d'arrêté ministériel adopté...

M. LESAGE: Non, mais simplement, il faut au moins que le conseil de la trésorerie puisse s'appuyer sur un arrêté ministériel.

M. BERTRAND: ...comités établis au sein du ministère, on peut les compter. Je ne voudrais pas.. j'ai demandé à quelqu'un d'en faire le relevé.Il y en a un nombre qui s'élève au-delà, certainement, de 75 à 100.

M. JOHNSON: Et il n'y a pas eu d'arrêté ministériel...

M. BERTRAND: Et premièrement, il n'y a pas eu d'arrêté ministériel adopté dans ces cas-là, Deuxièmement...

M. LESAGE: Non, mais il faut des CT, par exemple. Les CT sont couverts par un arrêté ministériel.

M. BERTRAND: A ce moment-là, des CT seront présentés au conseil de la trésorerie. C'est élémentaire. En temps et lieu...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement et je demande au ministre s'il affirme de son siège que les comités, que tous les comités consultatifs du ministère de l'Education ont été formés sans arrêté ministériel.

M. BERTRAND: Ce n'est pas du tout, M. le Président, ce que j'ai dit.

M. LAPORTE: Ah bon.

M. BERTRAND: J'ai dit qu'il n'y a pas eu d'arrêté ministériel pour chacun des comités. En certain cas, si on veut des précisions, il y a pu y avoir adoption d'un arrêté ministériel. C'est aussi simple et aussi clair que ça.

M. LAPORTE: Est-ce que le ministre me permettrait encore une question?

M. LESAGE: Rien qu'un dernier mot. Le ministre de l'Education sait fort bien qu'un CT...

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. LESAGE: ...fait partie d'un arrêté ministériel et qu'il n'y a pas de CT sans arrêté ministériel.

M. BERTRAND ET M. JOHNSON: Voyons donc.

M. LESAGE: Un CT ne peut être en vigueur et avoir une valeur légale qu'à condition qu'il soit signé..,,

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LESAGE: ...qu'il soit entériné par un arrêté ministériel signé par le premier ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable chef de l'Opposition a momentanément oublié les dispositions qu'il avait...

M. LESAGE: Non, mais je n'oublie pas la loi des subsides, par exemple.

M. LE PRESIDENT: ...la forme des questions qui doivent être posées, spécialement aux articles 672 et 670.

M. LESAGE: M. le Président, il s'agissait nécessairement des privilèges de la Chambre. Parce que c'est un privilège de la Chambre de s'assurer que les dépenses d'argent qui se font, se font régulièrement et sont autorisées par arrêté ministériel, qu'il s'agisse d'un CT ou d'un arrêté ministériel seulement, il y a toujours arrêté ministériel. Un CT en lui-même n'a pas de valeur à moins qu'il soit entériné par un arrêté ministériel que le premier ministre doit signer lui-même après chaque séance du conseil de la trésorerie et ça, le premier ministre le sait.

M. JOHNSON: M. le Président, c'est une tempête dans un verre d'eau, il ne faudrait pas...

M. LESAGE: Non, non, cela va au fond des droits du Parlement.

M. BERTRAND: Voyons...

M. JOHNSON: Il ne faudrait pas que le public soit induit en erreur. Les CT, c'est-à-dire ces documents qui s'appellent CT sont des autorisations du conseil de la trésorerie...

M. LESAGE: Couverts...

M. JOHNSON: ...sont tous annexés à un arrêté en conseil...

M. LESAGE: C'est ça.

M. JOHNSON: ...qui est signé par le premier ministre...

M. LESAGE: Dont ils font partie. M. JOHNSON: En vrac. M. LESAGE: C'est ça.

M. JOHNSON: Qui sont annexés à un arrêté que je signe, en faisant confiance au président du conseil de la trésorerie et aux autres membres ainsi qu'aux fonctionnaires. M. le Président, il n'y a pas de quoi fouetter un chat. En somme, ce comité va tenter de réparer un peu, dans la mesure où c'est possible...

M. LAPORTE: M. le Président, je vais me sentir obligé de répondre.

M. JOHNSON: Je n'ai même pas le droit, moi, de dire une phrase?

M. LAPORTE: C'est-à-dire que vous avez parfaitement le droit de répondre à une question, mais sans provoquer un débat. Parce que, moi, je voudrais bien...

M. BERTRAND: C'est vous, là...

M. LAPORTE: ... sur un sujet aussi fondamental, il faudrait peut-être un arrêté ministériel.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. JOHNSON: M. le Président..

M. LAPORTE: Pour que le mandat soit précis et clair.

M. JOHNSON: Eh bien, voici, M. le Président. Je vais promettre à l'Opposition un arrêté ministériel qui va débuter comme ceci: « Attendu qu'ils ont fait un gâchis ...

M. LESAGE: Tiens.

M. JOHNSON: ... de leur planification, premier paragraphe.

M. LAPORTE: Attendu, que les « patronneux »... Deuxième attendu, attendu que le caucus de P Union Nationale veut changer ça.

M. JOHNSON: Attendu que les députés...

M. LESAGE: Attendu que le président est un « patroneux » de l'Union Nationale...

M. JOHNSON: Quoi?

M. LESAGE: Attendu que le président du comité est un « patroneux » de l'Union Nationale.

M. JOHNSON: C'est un comité consultatif.

M. LESAGE: Un entrepreneur de chemins, ancien candidat conservateur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: Oui, mais pourquoi descendre cet homme-là? Il est membre d'un comité consultatif.

M. LESAGE: Je ne le descends pas. UNE VOIX: Oh mon Dieu!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qu'engager son beau-frère et ses frères.

M. LESAGE: Si on veut parler de gâchis, on va en parler.

UNE VOIX: Ah oui.

M. GRENIER: On va parler de « patroneux » aussi.

M. JOHNSON: On a nommé des trésoriers du parti libéral à certains comités consultatifs. Personne n'a blâmé le gouvernement. Ce sont des hommes compétents.

M.LESAGE: Est-ce que les trésoriers du parti ont commencé à visiter les députés depuis qu'ils ont le droit de vendre de la boisson?

M. JOHNSON: Ah, ça, ça devrait être drôle, pas choquant.

M. ALLARD: ... on demandait $25,000 pour un permis.

M. JOHNSON: Il n'est pas question de faire une tempête dans un verre d'eau. Ces gens-là seront remboursés de leurs dépenses, comme a dit le ministre. Si le CT n'est pas passé, il sera passé et ces gens-là n'ont aucun pouvoir de légiférer. Il est vrai que les députés de l'Union Nationale font des pressions, comme il est vrai que des députés libéraux font des pressions. Et c'est leur devoir, aux uns comme aux autres, de représenter la population qui les a élus, de faire connaître leur point de vue sur la carte scolaire qui peut certainement être améliorée. Il faudrait être d'une prétention inimaginable pour s'imaginer un seul instant que le dernier mot a été dit en planification quand on a lancé l'Opération 55. Il y a lieu à des ajustements, il y a lieu de satisfaire des besoins normaux dans certains coins de la province. Personne ne va s'en scandaliser. Le but est tout simplement de rencontrer cet objectif que nous avions et dont nous avons parlé si souvent: la décentralisation des moyens d'éducation afin qu'ils soient accessibles à toute la population, à tous les enfants, où qu'ils résident dans cette immense province. C'est aussi simple que ça. Article...

M. LAPORTE: M. le Président, je pense que vous allez m'accorder deux minutes, non pas pour répliquer, mais pour expliquer le sens de l'intervention que nous avons faite ce matin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!

M. LAPORTE: M. le Président, le premier ministre a non seulement répondu à des ques-

tions, il a fait une argumentation. Je vais tenter d'y répondre brièvement et sans soulever de débat

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Alors, je suis sûr que l'honorable député de Chambly conviendra que la période pour répondre à l'argumentation ou aux remarques de l'honorable premier ministre, pourra avoir lieu en temps approprié lors de l'étude particulière de certaines législations ou lors de l'étude des crédits. Parce qu'il serait dangereux à ce moment-ci, alors que de part et d'autre on a exposé des points de vue, que le débat se prolongeant, nous puissions peut-être ne pas réaliser l'objectif de travail qui anime tous les députés en cette Chambre aujourd'hui.

M. LAPORTE: M. le Président, m'adressant à vous, et devant l'importance de cette question...

M. ALLARD: Le président vient de rendre une décision.

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que j'ai encore le droit de m'adresser à vous pour vous demander simplement ceci...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ALLARD: Il vient de prendre une décision.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Tous conviendront que c'est le droit de tous les députés de s'adresser au président qui, à ce moment-là, au meilleur de ses humbles capacités et jugements, peut décider de la recevabilité ou non d'une question ou d'un problème à discuter.

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce qu'il ne me serait pas permis, devant l'importance de la question, de demander, comme question finale, au ministre de l'Education et pour rassurer l'opinion publique, de nous dire très exactement dans quels termes sera couché le mandat par un arrêté ministériel?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!

M. ALLARD: C'est la sixième fois qu'il pose la question!

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai répondu tantôt à toutes ces questions. Il s'agit d'un comité consultatif, et le ministre a l'autorité en vertu de la loi de l'éducation d'en constituer.

Questions et réponses Parlementaires de langue française

M. LAPORTE: M. le Président, une autre question, au premier ministre. On a annoncé à Ottawa, hier je pense, qu'une délégation de la Chambre des communes assistera, les 17 et 18 mai, au Luxembourg, à une réunion qui tend à la création d'une association de parlements de langue française. Alors la question que je voudrais poser au premier ministre: Est-ce qu'il est au courant de cette réunion et est-ce qu'il songe à déléguer des représentants de l'Assemblée législative du Québec?

M. JOHNSON: M. le Président, je n'avais pas reçu avis de la question, mais je crois qu'il faut répondre sans soulever de débat. Je suis au courant de la tenue de cette réunion des parlementaires de langue française. Il ya deux ans un député de l'Assemblée nationale que j'avais rencontré à Paris avait soumis le projet d'une association des parlementaires de langue française. J'ai dit à ce député qu'il serait préférable...

M. LESAGE: Quel est son nom déjà? M. JOHNSON: F.-X. Deniau. M. LESAGE: Deniau.

M. JOHNSON: J'ai averti ce député qu'il serait préférable qu'il s'adressât au premier ministre puisque, étant chef de l'Opposition, je n'étais pas certain que ma proposition pourrait rallier tout de suite les suffrages et l'adhésion du gouvernement. Ce député de l'Assemblée nationale qui occupe une fonction — qui occupait dans le temps du moins — une fonction dans le système parlementaire et dans l'un de ses comités, s'est rendu à Québec. Il a peut-être eu une entrevue avec le premier ministre, il en a eu une certainement avec le chef de l'Opposition du temps et ce problème avait été référé, m'at-il dit, par le premier ministre à l'Orateur du temps, le député de Westmount. De ma part, j'avais demandé à deux députés de l'Opposition, soit le député de Mlssisquoi et le député de Montmorency — député d'alors, M. Gervais — de représenter l'Opposition dans tous pourparlers et c'en est resté là. Je ne passe pas de jugement, je constate seulement des faits. Quelques mois plus tard, Ottawa, par son président du temps, l'honorable McNaughton, au-

jourd'hui sénateur, prenait l'initiative d'un comité de parlementaires franco-canadiens et, récemment, nous avons appris que ce comité ou un comité parallèle ou un comité qui lui a succédé a préparé une réunion pour tous les parlementaires parlant français, et ça doit se tenir au Luxembourg les 17 et 18 mai. Pendant que le sous-ministre des affaires intergouvernementales était en Europe, je lui ai fait parvenir un message lui demandant d'avertir ceux qui ont convoqué cette réunion que le Québec n'accepterait pas que les parlementaires du monde français soient représentés par des délégués d'Ottawa, Il n'y aura donc personne à cette première réunion. J'espère que là où il faut comprendre on comprendra.

M. LAPORTE: Mais, M. le Président, même si nous n'acceptons pas, ou si le premier ministre n'accepte pas, que les parlementaires français soient représentés par des députés fédéraux, est-ce que le gouvernement ne devrait pas prendre l'initiative par son sous-ministre des relations intergouvernementales d'insister pour que le parlement du Québec soit représenté — s'il est un parlement français, c'est bien le nôtre — et qu'une délégation du Québec soit accréditée à cette assemblée?

M. JOHNSON: Le parlement du Québec, tant que nous y aurons une responsabilité, ne sera jamais dans aucune association de parlementaires qui n'est pas, évidemment, de la nature d'une entente formelle, d'un traité ou d'un accord. Le parlement de Québec, tant que j'aurai un mot à dire dans la conduite de ses affaires, ne sera pas dans la deuxième rangée pour jouer le rôle de mineur ou le rôle de personnes qui sont en tutelle ou en curatelle. S'il y a un domaine où je n'accepte pas la tutelle ou la curatelle d'Ottawa, c'est bien celui d'une association des parlementaires de langue française, des parlementaires qui réunissent sans engager leur gouvernement, quel qu'il soit. J'ai protesté dans le temps contre la façon dont on s'est conduit à l'égard du parlement de Québec et des parlementaires du Québec et je laisse à ceux qui sont responsables de cette situation le soin d'en porter le poids devant l'opinion publique et de corriger leurs dires, s'il y a lieu.

M. KIERANS: M. le Président... M. LESAGE: Le poids de quoi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Levez-vous et posez une question.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député...

M. LESAGE: Le poids de quoi?

M. JOHNSON: Le poids de leurs actes.

M. LESAGE: Je comprends, mais M.lePrésident, puis-je vous demander —vous n'êtes pas obligé de me répondre, c'est évident — ou puis-je demander au premier ministre, par votre entremise, si le président de la Chambre a été avisé de cette réunion?

M. JOHNSON: M. le Président, puisqu'on veut avoir les points sur les i, si l'orateur du temps, député de Westmount, s'en était occupé, ce qui arrive aujourd'hui n'arriverait pas.

M. LAPORTE: M. le Président...

M. LESAGE: M. le Président, je savais que cette accusation était sous- jacente à tout ce qu'avait déclaré le premier ministre antérieurement.

UNE VOIX: Vous l'avez provoquée. M. LESAGE: Bien oui, c'est évident...

M. LAPORTE: Ce n'est pas parce que c'est provoqué que c'est plus vrai.

M. LOUBIER: Ah! mon Dieu Seigneur! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Lorsque j'ai vu M. Deniau à plusieurs reprises, ici, à Québec ou à Paris, il m'a fait part de son projet. J'ai montré envers ce projet un très grand intérêt. Je lui ai fait remarquer que, suivant notre coutume, les associations de parlementaires étaient des institutions auxquelles participaient les parlementaires comme tels et non membres d'un gouvernement: qu'il n'appartenait pas au gouvernement de déterminer la participation: que le gouvernement — ce que je faisais — mais que, pour ce qui était des détails et de l'organisation des détails de ces rencontres, les pourparlers devaient avoir lieu avec le président et le greffier de la Chambre.

C'est la coutume établie. C'est d'ailleurs, d'après des conversations que j'ai eues avec les plus hautes autorités en France — les plus hautes autorités — la coutume établie en France, et il appartiendra à l'ancien président de la Chambre...

M. JOHNSON: Le député de Westmount.

M. LESAGE: Oui, je comprends, mais celui qui lui a succédé me fait signe qu'il n'a eu aucune nouvelle de M. Deniau ou des Français.

M. JOHNSON: C'est Ottawa qui s'en est emparé.

M. LESAGE: Bien oui, je le comprends, mais il n'a eu aucune nouvelle et pourtant j'avais très bien dit à M. Deniau quelles étaient les voies qu'il fallait emprunter pour assurer la participation du Québec à une association des parlementaires de langue française à travers le monde, association à laquelle, en tant que chef de gouvernement, je donnais mon appui. Mais, pour ce qui était des mécanismes de participation, c'était une responsabilité de la Chambre elle-même, par son président. Je sais que M. Deniau a eu des rencontres avec le député de Westmount qui était alors président de la Chambre. Peu de temps après, le député de Westmount est devenu ministre du Revenu. C'est le député de Verchères qui lui a succédé et le député de Verchères n'a jamais entendu parler de M. Deniau à ce sujet.

Je crois qu'il ne serait pas juste de faire porter au député de Westmount la responsabilité de la non-participation du parlement de Québec à l'Association parlementaire mondiale de langue française non plus qu'au gouvernement antérieur qui avait donné son approbation de principe.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Duplessis.

Aluminerie géante

M. COITEUX: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Les journaux ce matin nous rapportent, du moins pour la région, chez nous, une très bonne nouvelle à l'effet qu'une aluminerie géante serait installée dans notre région par le groupe Péchiney de France. Est-ce que l'honorable ministre serait en mesure ce matin, publiquement, d'infirmer ou de confirmer cette nouvelle?

M. BELLEMARE: Le ministère de l'Industrie et du Commerce est très sensibilisé à ce projet depuis quelque temps et je puis assurer cette honorable Chambre que rien...

M. LESAGE: Depuis deux ans.

M. BELLEMARE: ... ne sera négligé pour rendre à bon terme les pourparlers déjà entrepris avec tous les intéressés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. LESAGE: Je souhaite que le ministre de l'Industrie et du Commerce maintienne son intérêt, comme l'a fait son prédécesseur.

Institut de microbiologie

M. KIERANS: M. le Président, une question pour le ministre de la Santé. Voyant que l'ancien gouvernement a accordé à l'Institut de microbiologie et d'hygiène de l'université de Montréal, par arrêté en conseil, un montant de $4,165,000, est-ce qu'il peut expliquer comment cet institut dépassé par $4 millions, non pas le montant déterminé par l'arrêté en conseil, mais aussi les limites imposées par sa charte?

M. CLOUTIER: M. le Président, le député avait une belle occasion la semaine dernière, lors de l'étude du projet de loi, de mentionner ce qu'il vient de mentionner...

M. KIERANS: Vous n'avez pas expliqué ou répondu.

M. CLOUTIER: M. le Président, au moment de la discussion de ce projet de loi, nous avons expliqué dans quelles circonstances, pourquoi ce projet de loi était apporté et je crois qu'à ce moment-là, nous avons répondu à la question que vient de poser le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. KIERANS: Une question supplémentaire. Est-ce que le ministre de la Santé a pris les mesures pour assurer la population du Québec qu'une telle éventualité, qu'une telle situation ne puisse plus arriver?

DES VOIX: A l'ordre! DES VOIX: Voyons donc! UNE VOIX: C'est un débat.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé.

M. CLOUTIER: M. le Président, le député peut être assuré que, dans le domaine de la santé, nous ne négligerons rien pour que les intérêts

de la population de la province de Québec soient protégés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourassa.

Dynamitage à Ville Saint-Michel

M. TREMBLAY (Bourassa): C'est une question que je pose à l'honorable premier ministre, M. le Président, encore au sujet du dynamitage de ville Saint-Michel. L'hiver dernier, au mois de décembre, de fortes charges de dynamite qu'on faisait sauter pour la carrière ont encore recommencé. J'ai une lettre ici, datée du 28 avril, du conseil de ville de la cité de Montréal-Nord, me demandant d'intervenir auprès du gouvernement pour faire quelque chose, parce qu'à ce moment-ci, c'est le même problème que l'an dernier: le dynamitage. Je peux vous dire que les trois quarts du comté de Bourassa sont dérangés par ce dynamitage-là. Cela fait même du dommage.

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais répondre à l'honorable député que, dès qu'il eut posé sa question, il y a quelque temps, nous avons pris des dispositions au ministère du Travail pour essayer de faire diminuer ces sortes de dynamitage dans la ville de Saint-Michel et j'étais très heureux d'apprendre par le député, quelque temps après, qu'une amélioration très sensible s'était produite. Ce matin, il renouvelle sa question...

M. TREMBLAY (Bourassa): Il faut encore recommencer.

M. BELLEMARE: D'accord. Nous allons reprendre les mêmes dispositions et j'espère que l'honorable député en tirera bénéfice.

M. TREMBLAY (Bourassa): Bien, je crois qu'il faudrait prendre les dispositions pour que ça ne recommence pas tout le temps, car je crois qu'ils arrêtent de dynamiter avec de fortes charges et ils recommencent au bout de deux ou trois mois.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Bourassa): Ce ne sont pas des farces, c'est toujours la même chose.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saint-Louis.

Le parti nazi

M. BLANK: I have a question for the Minister of Justice. Has the Minister of Justice, his Department or the Provincial Police taken any steps or intend to take any steps in investigating the rejuvenation of the Nazi Party in Quebec and its proposed training school at Oka where it will train youngsters in the nazi doctrine and ideology?

M. BERTRAND: Le ministre de la Justice n'a aucune autorité sur la naissance ni sur la mort des partis politiques dans la province de Québec. Deuxièmement, tant et aussi longtemps que des groupements quels qu'ils soient — et l'on sait qu'il existe, par exemple, des mouvements communistes — tant et aussi longtemps que les gens s'en tiennent à la liberté d'association et respectent les lois, il n'appartient pas au ministre de la Justice autant à Ottawa qu'à Québec, d'intervenir.

M. BLANK: In other words, the Government has no objection to a Nazi Party being formed, is that it?

M. BERTRAND: No steps...

M. BLANK: No objection to the formation of a Nazi Party in Quebec?

M. BERTRAND: It is a matter of freedom of association, provided any political organization of any type respects the laws of the country, the Department of Justice — whether in Ottawa, but answering for the Government of Quebec — cannot do anything and must abide himseld to the law, provided such association or party respects the law.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

M. LACROIX: Une question à l'honorable ministre de l'Agriculture... Est-ce que...

M. JOHNSON: Je regrette. M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

M. JOHNSON: ... je voudrais tout de suite invoquer, quant à moi, en tout cas, mon privilège. Le député, qui a posé une question et qui a reçu une réponse, a fait un commentaire qui est évidemment de la même nature d'honnête-

té et d'intégrité intellectuelle que les propos du député de d'Arcy McGee la semaine dernière.

M. LESAGE: M. le Président...

M. JOHNSON: M. le Président...

M. LESAGE: ... j'invoque le règlement...

M. JOHNSON: ... le député, j'invoque...

M. LESAGE : J'invoque le règlement. Il est clair que le sourire narquois du premier ministre n'apparaît pas au journal des Débats. J'ai invoqué mon privilège, M. le Président...

DES VOIX: Ah!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voyons donc!

M. LOUBIER: Il est rendu qu'il interprète les sourires.

M. LESAGE: ... mais il vient d'attaquer...

UNE VOIX: En plus de cela, le rapport est faux.

M. LESAGE: ... d'une façon qui est absolument inacceptable, à la fois pour le député de D'Arcy McGee et pour le député de Saint-Louis, en leur prêtant à tous deux des motifs inavouables.

Je crois que, lorsque des gens sont brimés dans leurs droits humains fondamentaux par les interruptions et les interventions de ministres de la couronne, ils ont le droit de se défendre. C'est leur droit absolu. C'est ce qu'ils ont fait. Et je ne crois pas qu'aucun député en cette Chambre ne pourrait permettre que le racisme, cette semaine encore, montre le nez en cette Chambre.

DES VOIX: A l'ordre!

M. JOHNSON: Il y a racisme et racisme. Il y a minorité et il y a majorité et je n'endurerai pas qu'un député, qu'il soit de n'importe quelle race — évidemment, ce n'est pas de sa faute — le député de Saint-Louis vient d'affirmer avec le sourire narquois...

UNE VOIX: Il l'a encore!

M. JOHNSON: ... que le gouvernement n'a pas d'objection à la formation d'un parti nazi. Cela fait encore de la très bonne matière à lire dans un journal qui recrute ses clients chez la popu- lation de langue anglaise, et c'est encore faire du racisme par ces deux députés-là. La différence, c'est qu'aujourd'hui le député de Saint-Louis, lui, n'a pas apporté la Pâque juive, ou la religion, pour faire du racisme.

M. BLANK: Je soulève une question de privilège. J'en ai le droit.

DES VOIX: A l'ordre!

M. JOHNSON: Est-ce que le député de Saint-Louis voudrait qu'on passe une loi du cadenas contre les fascistes? Est-ce qu'il voudrait qu'on passe une loi du cadenas contre les fascistes ou les supposés fascistes?

M. BLANK: Ce n'est pas ce que j'ai demandé au ministre de la Justice, sur une question de privilège. Peut-être que le ministre de la Justice a mal compris ma question d'après la réponse qu'il m'a donnée. Je ne lui ai pas demandé s'il est pour un parti nazi ou non: je lui ai demandé s'il faisait des enquêtes. Comment peut-il savoir si c'est un parti politique ou un parti subversif avant de faire une enquête?

M. JOHNSON: Il n'a jamais parlé d'enquête.

M. BERTRAND: Je n'ai pas compris du tout, de la question du député de Saint-Louis, si le ministère de la Justice faisait enquête. Il a parlé de l'existence, d'après une nouvelle publiée dans un journal, d'un parti nazi et de l'organisation d'une école.

M. BLANK: Mais qu'est-ce qu'on va prêcher dans cette école?

M. BERTRAND: J'ai répondu très clairement, sans préjugé, sans en soulever aucun, sans passion, que la naissance ou la mort des partis politiques au Québec comme au Canada n' était pas un problème qui relevait de ma juridiction. Deuxièmement, que tant et aussi longtemps que les mouvements politiques ou autres respectent les lois d'un pays, d'une province, ils ont le droit d'exister.

M. JOHNSON: Même le parti communiste.

M. BERTRAND: Et si l'on voulait, à ce moment-là, on pourrait parler de parti communiste. Si l'on veut parler de totalitarisme, si l'on veut connaître mes opinions personnelles à l'endroit de tel mouvement, fascisme, nazisme, totalitarisme, quel qu'il soit, pouvoir absolu et autoritaire, sur ça, nous avons droit à nos opinions

personnelles, mais la question qu'a posée le député de Saint-Louis, ce n'était pas cela. Mon opinion personnelle est bien connue là-dessus: je suis un démocrate respectueux des libertés individuelles, des libertés de la personne humaine, des libertés des minorités, quelles qu'elles soient.

Si jamais un parti — celui-là dont a parlé le député de Saint-Louis — pose des actes qui sont contraires aux lois et aux droits fondamentaux de la personne humaine au Québec, il appartiendra à l'Etat de sévir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'invoque une question de privilège. Le premier ministre a le parfait droit de ne pas être d'accord avec les propos tenus dans cette Chambre par n'importe quel député.Il a le parfait droit de différer d'opinion et de croire que ce que dit un député quelconque n'est pas exact, n'est pas juste. Mais il n'a pas le droit de qualifier de malhonnêteté intellectuelle l'intervention...

UNE VOIX: Bien, voyons donc.

M. GOLDBLOOM: ... c'est justement ça que le premier ministre a dit...

M. JOHNSON: C'est vous même qui vous qualifiez. J'ai dit: de la même intégrité et de la même honnêteté.

M.LOUBIER: C'est ça.

M. GOLDBLOOM: Il n'a pas le droit de traiter de malhonnêteté intellectuelle...

M. LOUBIER: Il ne l'a pas dit, non plus.

M. GOLDBLOOM: ... l'effort de n'importe quel député de cette Chambre de remplir un aspect essentiel de son rôle, celui d'être le porte-parole de ceux qui l'ont envoyé ici pour les représenter.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine.

Plan du BAEQ

M. LACROIX: Une question à l'honorable ministre de l'Agriculture. Est-ce que l'honorable ministre de l'Agriculture, à la suite de la réunion de Cabano, tenue le dimanche, 23 avril, peut assurer la population du Bas Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine que la réalisation du plan préparé à la suite des études du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec sera entreprise dans le plus bref délai possible?

DES VOIX: Au feuilleton. A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Je suis sûr que l'honorable député conviendra que sa question devrait être inscrite au feuilleton. Affaires du jour.

M. JOHNSON: Bill 89, M. le Président, référé au comité des bills publics. 88, aux bills privés. Article 60.

Motion du premier ministre

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose qu'à l'avenir, et jusqu'à nouvel ordre, la Chambre tienne une séance tous les jours de la semaine. Suis-je dispensé de donner lecture de la motion? Dispensé. L'honorable premier ministre.

M. JOHNSON: M. le Président, cette motion s'impose, tout le monde s'en rend compte, en raison d'une part de la saison dans laquelle nous entrons et, deuxièmement, par suite des obligations ou comme conséquence des obligations que plusieurs membres de cette Chambre devront assumer en relation avec les visites nombreuses que nous recevrons pendant l'Exposition universelle.

Je n'ai pas à faire de démonstration. On sait qu'il y aura à Québec des dîners d'Etat précédés de réceptions à l'aérogare ou à la gare des chemins de fer et d'une visite de la ville et d'une réception à la citadelle pour plusieurs chefs d'Etat, et le nombre approximatif est d'une quarantaine. Par ailleurs, nous ne savons pas à quel moment exactement certains de ces chefs d'Etat nous feront l'honneur d'une visite à Québec et il peut arriver qu'il y ait des changements même dans l'horaire.Il faut donc beaucoup plus de souplesse pour les heures de séance de la Chambre. Nous allons tenter, en coopération avec l'Opposition, d'établir un calendrier qui per mettra à cette Chambre de s'acquitter quand même de ses devoirs, c'est-à-dire, d'étudier les crédits et de passer les lois qui lui seront présentées.

Nous avons actuellement plusieurs lois prêtes à être déposées. Il y en aura quelques-unes cette semaine. La semaine prochaine, nous en arrivera une autre série.

Il y a encore l'étude des crédits de chacun des ministères. En somme, nous avons beaucoup d'ouvrage à accomplir, ouvrage qui doit être expédié au sens littéral du mot — et non pas au sens de disposé avec célérité — ouvrage qui doit être exécuté, si l'on veut, le mieux possible. Il faudra donc que nous nous gardions un peu de souplesse. Voilà pourquoi nous avons dû juger à propos de présenter cette motion qui prévoit que la Chambre siégera de onze heures du matin jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner, tous les jours de la semaine, sauf les samedi et dimanche. J'avais d'abord inclus le samedi, mais à la demande de l'Opposition, j'ai modifié cette motion afin que, pour les quelques semaines à venir du moins, on soit certain de pouvoir occuper son samedi à d'autres rendez-vous, et peut-être avec sa famille à visiter l'Expo qui mérite évidemment une visite et plusieurs visites même.

M. le Président, telle que libellée cette motion nous permettra d'ajourner peut-être même à l'après-midi s'il n'est pas possible pour un jour déterminé de débuter à onze heures. Je ne sais pas si l'Opposition a des objections, mais je pense bien que tous les membres de cette Chambre comprennent qu'il nous faut beaucoup de souplesse et, grâce au travail entre les deux whips, ou entre le whip du parti de l'Opposition et le coordinateur des travaux de la Chambre pour le gouvernement, nous atteindrons un degré d'efficacité presque égal à celui des autres années. Nous pourrons siéger en somme presque autant d'heures que nous avions l'habitude de le faire au cours des années précédentes. Elle n'est pas plus contentieuse que cela, cette motion, mais elle est aussi nécessaire pour la bonne marche des travaux de cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: M. le Président, il est clair que l'Opposition, sur le principe d'une motion pour accélérer le travail de la Chambre, n'a pas d'objection. Cette motion est apparue au feuilleton le 25 avril et j'ai eu l'occasion d'en discuter officieusement avec un représentant du gouvernement. Cette motion, quant à son texte, nous paraît contenir certaines choses qui vont peut-être trop loin. Le danger pour un gouvernement quel qu'il soit, c'est de vouloir abuser des forces d'une Opposition, forces physiques, et l'un des devoirs essentiels d'une Opposition quelle qu'elle soit c'est de protéger son droit de ne pas se voir assommer sous le nombre des heures de séances.

M. ALLARD: Commencez par arrêter de lésiner le matin, une heure et demie.

M. LAPORTE: M. le Président, je me permets de signaler à cette Chambre à quelle sorte d'interruptions, à quelle sorte de propos nous sommes soumis...

M. ALLARD: Bien oui.

M. LAPORTE: ... lorsque nous tentons de défendre ce qui est un droit démocratique essentiel.

M. ALLARD: Ridicule! Ridicule! Cela ne tue pas.

M. LAPORTE: Et je me rappelle que le député qui passe son temps à interrompre...

M. ALLARD: Mais pas pendant des heures de temps.

M. LAPORTE: ... quand il était ... Non, pas pendant que je parle apparemment, vous êtes peut-être distrait, vous ne savez pas que je parle actuellement. Quand il siégeait là, M. le Président ...

M. ALLARD: Non, de l'autre côté.

M. LAPORTE: Très bien, à côté, était un de ceux qui étaient les plus vigoreux pour défendre ce genre de droit-là. Apparemment il a oublié son passé, et il est en train de compromettre son avenir.

M. ALLARD: M. le Président, question de privilège.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat à la Voirie.

M. ALLARD: Je n'ai pas oublié mon passé et je n'ai pas l'intention de compromettre mon avenir, mais quand j'étais dans l'Opposition...

M. LESAGE: Ah! bien alors...

M. ALLARD: ... je n'ai jamais abusé autant que le député qui est là, celui qui est en arrière et le chef de l'Opposition, pendant des heures entières depuis le début de la session. Et si aujourd'hui on est obligé de passer une motion, c'est parce qu'on a perdu trop de temps. Il va falloir, à un moment donné, agir plus vite.

M. PINARD: Il est devenu amnésique!

M. LAPORTE: Ce qui fait plaisir, M. le Président, c'est de constater les applaudissements de la majorité de ceux qui n'étaient

même pas là pour vérifier ça dans le temps. Le ministre n'aura qu'une chose très simple à faire, M. le Président, c'est de se reporter au journal des Débats. Il va retrouver tout ça mot à mot: ses interventions, ses interruptions, les longueurs. Mon Dieu! qu'il trouvait ça sympathique à l'époque.

M. ALLARD: M. Bellemare ne les a pas oubliés, et puis je n'étais pas parmi les premiers.

M. LAPORTE: Vous ne l'êtes pas non plus aujourd'hui, parmi les premiers. M. le Président, je dis que cette motion est nécessaire. J'aurais simplement quelques remarques à faire pour dire que jusqu'ici le menu législatif que l'on nous promet pour les semaines à venir n'a pas été très substantiel, que le gouvernement qui, les années passées, nous reprochait sur tout les tons — alors que le feuilleton était rempli de projets de loi du gouvernement — de ne pas être prêts, donne à la province de Québec depuis le début de cette session l'exemple le plus total, le plus complet d'impréparation que l'on puisse imaginer. Nous sommes très disposés à compenser les séances que nous devrons forcément manquer à cause des réceptions dues à l'Expo par des séances le matin, des séances le vendredi après-midi. Jusqu'à nouvel ordre, nous nous sommes entendus pour ne pas siéger le lundi afin que les députés des deux côtés de la Chambre puissent continuer, dans tout la mesure du possible et tant que cela sera possible, à vaquer à leurs occupations normales dans leur comté ou à leurs affaires personnelles le lundi. Nous savons fort bien que, d'ici quelque temps, nous devrons également siéger le lundi. Le seul changement que je suggérerais au gouvernement, c'est que sa motion pour nous faire siéger du lundi au samedi soit amendée pour que les séances prennent nécessairement fin à dix heures du soir. Nous pourrions siéger de onze heures du matin jusqu'à dix heures du soir pour éviter la tentation toujours présente de nous faire siéger, par mauvaise humeur, en imaginant que ça va avancer les travaux de la Chambre. Disons que l'expérience... Le député de Saint-Jean, qu'est-ce qu'il a à dire? On entend sa voix qui domine toujours et puis il n'y a jamais moyen de savoir ce qu'il a à nous dire.

M. PROULX: C'est la première fois que j'ai adressé la parole ce matin. C'est une première remarque et j'ai dit que vous faites des insinuations. C'est la première fois que j'ai parlé ce matin.

M. LAPORTE: Bien si le député s'imagine que c'est sa première remarque, il ne s'est pas entendu lui-même. Je l'ai entendu un peu plus tôt parler du chef de l'Opposition en des termes désagréables.

M. PINARD: Il ne se relit pas dans les Débats.

M. LAPORTE: Ah! oui, tout à coup il s'en rappelle, M. le Président.

M. SIMARD: Cela bourdonne dans les oreilles.

M. LAPORTE: M. le Président, je dis que l'expérience a établi que les séances qui n'en finissent plus — surtout si nous commençons à siéger à onze heures le matin —les séances qui n'en finissent plus le soir ne produisent pas beaucoup de travail constructif et engendrent généralement des débats qui ne sont pas toujours à l'honneur de cette assemblée. Alors, si le Premier ministre voulait, nous accepterions la motion in toto avec, comme seul amendement, « jusqu'à dix heures du soir » au lieu de « jusqu'à ce qu'elle décide de s'ajourner », ce qui éviterait peut-être entre autres choses la tentation toujours présente, sur une motion d'ajournement, de discuter de n'importe quel sujet que l'Opposition voudrait étudier à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.

M. BELLEMARE: M. le Président, la motion qui est présentée ce matin est une motion tout à fait extraordinaire et spéciale — tout le monde le comprend en cette Chambre — à cause de l'année que nous traversons et surtout des impératifs que nous avons de répondre à toutes sortes d'invitations et, en même temps, de progresser en Chambre.

Nous voulons un travail sessionnel plus fructueux et nous sommes d'accord pour que, de part et d'autre, on puisse siéger plus fréquemment et avancer les travaux sans déranger les réceptions et les diverses organisations auxquelles nous serons appelés à répondre. Et pour ça, M. le Président, nous avons, comme le disait l'honorable premier ministre tout à l'heure, une législation assez importante encore à passer: il y a tous les crédits, il y a le débat sur le budget qui n'est pas fini. Il y aura peut-être des motions en discussion qui viendront. Qu'il me suffise de vous rappeler que, dès l'ouverture de la session en 1965 comme en 1966, le gouvernement qui nous a précédés, mettait dans les

procès-verbaux de l'Assemblée législative et faisait adopter une motion tout à fait spéciale. Et je voudrais vous la lire. La session a commencé le 21 janvier: tout de suite, le 3 février 1965, on introduisait la motion pour siéger le lundi, pour siéger le mardi, pour siéger mercredi, pour siéger jeudi...

M.LAPORTE: On n'a pas d'objection.

M. BELLEMARE: ... pour siéger vendredi...

M. PROULX: Vous interrompez: taisez-vous donc!

M. BELLEMARE: ... à toutes sortes d'heures. M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que nous avons voté la motion et, dès le début de la session 1964, dès le début de la session 1965 et dès le début de la session 1966. Nous n'avions pas ces raisons majeures qui nous forcent aujourd'hui à demander aux honorables députés de l'Opposition de collaborer avec nous. Ce n'est pas une épée de Damoclès, au contraire, on dirait qu'on a peur qu'on exerce contre eux une certaine discrimination...

M. LAPORTE: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. BELLEMARE: ... vous n'avez pas besoin de nous rappeler ce que nous avons souffert dans l'Opposition.,,

M. LAPORTE: Il n'y était pas.

M. BELLEMARE: ... quand nous avons siégé jusqu'à cinq heures du matin pour subir la mauvaise humeur du premier ministre du temps.

DES VOIX: Ah!

M. BELLEMARE: Et puis un autre soir, encore là, le couteau sur la gorge, jusqu'à deux heures et demie afin d'adopter certains crédits. « Vous allez les adopter, disait-il, oui, vous allez les adopter. » Et puis, je m'en souviens, j'étais ici dans la Chambre. On ne veut pas... M. le Président, c'est dans la bonne humeur, dans la bonne entente, dans le respect des droits de chacun que nous voulons procéder...

M. LESAGE: Le ministre admettra que c'était au temps où je me rodais comme premier ministre, c'était au début ça.

M. BELLEMARE: Ah! M. le Président, ç'a pris du temps au Premier ministre...

M. LESAGE: Non, non, c'était au début ça.

M. BELLEMARE: ... ça lui prend du temps aussi à se roder dans l'Opposition.

M. LESAGE: Non, je suis pas mal recyclé, mais pas pour longtemps.

M. BELLEMARE: Mais ça, vous faites des rêves comme toujours, vous allez finir par le réaliser... Moi, j'avais dit: « J'irai au pouvoir », mais, lui, n'avait jamais...

M. LESAGE: Pas longtemps.

M. BELLEMARE: ... dit qu'il irait dans l'Opposition.

M. LESAGE: Pas longtemps.

M. BELLEMARE: M. le Président, je dis donc que la motion devrait être adoptée telle qu'elle est là...

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: ... et je ferais une suggestion aux honorables membres de l'Opposition s'ils étaient disposés à accepter cette suggestion: d'ailleurs, j'en ai parlé un peu avec le leader de l'Opposition: que le mardi, par exemple, ça soit une journée exclusivement consacrée aux crédits. Le matin à onze heures, sans motion, qu'on puisse entreprendre l'étude des crédits avec trois comités qui siégeraient en même temps: ça pourrait nous rendre immensément service à tous pour adopter les crédits. Si on commençait de onze heures à une heure, de deux heures et demie à six heures et de sept heures et demie à dix heures, on aurait fait une journée de huit heures et demie de travail.

M. LESAGE: Oui, mais...

M. BELLEMARE: Et là, M. le Président, je pense que ça rendrait énormément service à toute la députation pour accélérer les travaux de la Chambre, parce qu'il faut absolument que l'on se rende compte que cette année, c'est une année extraordinaire: c'est pourquoi la motion devrait être maintenue telle qu'elle est.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, il faut bien comprendre que l'Opposition pourrait difficilement renoncer à son droit absolu de soulever

des griefs lorsque le ministre des Finances propose que la Chambre se forme en comité des subsides. L'Opposition ne pourrait pas non plus abandonner le privilège qui appartient à tous les députés de proposer une motion de non-confiance. Maintenant, quant à dire que ce serait le mardi que la Chambre étudierait les crédits... Il faudrait certaines ententes parce qu'il est certain que des ministères comme l'Exécutif, les Affaires intergouvemementales, exigent la présence du premier ministre. Il y a aussi l'étude d'autres crédits. Je crois qu'il est raisonnable que le leader du gouvernement en Chambre, va l'admettre... Il est raisonnable, dis-je, que j'y participe. Il y en a trois, ce n'est pas beaucoup. Il y a certainement moyen de s'entendre sur ça: et sous réserve de toutes ces choses-là, je ne vois pas pourquoi il aurait objection à ce que nous fixions l'ajournement à dix heures le soir... et il le sait, avec l'expérience qu'il a, toutes les fois que nous avons essayé de siéger après dix heures, cela ne nous a pas avancés, ça retourne à la pagaille...

M. BELLEMARE: Faites-nous confiance.

M. LESAGE: ... les gens sont fatigués. Non, nous en avons causé personnellement tous les deux — je ne veux pas référer à des conservations personnelles — mais ensemble, nous avons admis à plusieurs reprises, le premier ministre également, que ce n'est pas à ce moment-là que la Chambre abattait du travail, pour me servir d'une expression courante. D'ailleurs, à la suite de l'expérience acquise de ce côté-là, l'année dernière, le 3 février 1965...

M. BELLEMARE: Oui, c'est ça.

M. LESAGE: ... il avait bien été fixé que l'ajournement aurait lieu à dix heures du soir.

M. BELLEMARE: Comme le 3 août 1965 aussi, où vous nous faisiez disposer le samedi.

M. LESAGE: Dix heures du soir, c'est raisonnable.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça l'affaire. Si le chef de l'Opposition me permet, juste une chose.

M. LESAGE: Oui, très bien.

M. BELLEMARE: C'est que nous sommes à terminer une discussion sur un ministère, il reste peut-être une demi-heure de travail dans un lieu...

M. LESAGE: Quel ministère?

M. BELLEMARE: Supposons qu'on est à un moment donné en discussion pour un ministère et il reste une demi-heure de bon travail à faire. On dit: On a un règlement qui nous impose dix heures...

M. LESAGE: Non, non.

M. BELLEMARE: Oui, oui. On a une motion qui va nous imposer dix heures. Alors, il faudra revenir en Chambre puis demander le consentement unanime. Alors là, comment arriver avec le consentement unanime de la Chambre? Ce n'est pas du comité, c'est le consentement unanime de la Chambre. Alors, à ce moment-là, cela nous permettrait dans certains comités de finir la demi-heure ou de finir le trois quarts d'heure et de finir complètement ce ministère, c'est simplement pour ça, il n'y a pas de...

M. LESAGE: M. le Président, si c'est ça, c'est très simple, que l'on ajoute jusqu'à dix heures et que l'on ajoute à la motion un paragraphe que les comités de la Chambre peuvent, de consentement, siéger après dix heures, ce n'est pas nécessaire de le mettre...

M. JOHNSON: Cela peut survenir même en Chambre.

M. LESAGE: ... parce qu'à l'agriculture, l'autre jour, nous avons siégé jusqu'à dix heures et quart, dix heures et vingt, simplement du consentement des membres du comité.

M. BELLEMARE: Il n'en était pas besoin là, dans le comité de l'agriculture. Là, nous en aurions besoin parce que c'est le comité de la Chambre. C'est un comité formé en partie du...

M. LESAGE : Oui, très bien. M. le Président, je n'ai aucune objection à ce qu'on ajoute un proviso à la motion, disant que si les membres des comités des crédits y consentent...

M. BELLEMARE: Non, non, qu'on laisse la motion telle qu'elle est.

M. LESAGE: ... ils peuvent siéger après dix heures le soir, du consentement unanime des membres du comité. Parce que, même si l'heure de dix heures est mentionnée ici, la Chambre peut siéger après dix heures, de consentement unanime. La Chambre est toujours maîtresse de son règlement, lorsqu'il y a unanimité. Il serait très facile, je crois, d'ajouter le proviso

pour prévoir le cas que soumet le ministre du Travail.

Il n'y a pas d'objection, il est une heure moins vingt, il n'y a pas d'objection à ce que nous suspendions, si le Premier ministre et le ministre du Travail y consentent, à ce que nous suspendions l'étude de la motion et à ce que d'ici deux heures et demie...

M. BELLEMARE: Non, non. Nous sommes prêts.

M. LESAGE: ... on ajoute le proviso en question et puis que ce soit adopté, sans discussion à deux heures trente. A moins, évidemment, que l'amendement soit prêt,.

M. JOHNSON: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas lieu de remettre l'étude de cette motion. Nous n'avons pas l'intention en règle générale de siéger après dix heures, mais nous voulons être en position de terminer les travaux à dix heures cinq, dix heures dix, sans être évidemment empêchés de le faire par le manque de consentement d'une seule personne en cette Chambre.Il s'agit — et on l'a déjà vu dans le passé — de la mauvaise humeur d'une personne — chacun son tempéramment — pour que le consentement unanime ne soit pas accordé et nous serions obligés de continuer le lendemain l'étude des crédits d'un ministère alors que nous achevions et on sait ce que ça veut dire. Cela dérange beaucoup de hauts fonctionnaires qui attendent des heures, des journées entières parfois à la porte de l'Assemblée législative, paralysant ainsi l'administration de la province. Je crois, M. le Président, que la motion telle que présentée servira nos fins. Si le gouvernement exagérait, ce serait toujours le privilège de l'Opposition...

M. LESAGE: Cela va être beau.

M. JOHNSON: ... de crier, de protester, de faire des déclarations...

M. LESAGE: M. le Président, vous avez bien noté l'invitation à la protestation.

M. JOHNSON: Ah oui...

M. LAPORTE: Ce n'est même pas une provocation, c'est une invitation.

M. JOHNSON: C'est une invitation à exercer vos droits envers tout gouvernement qui abuserait de sa majorité, et je pense bien...

M. LESAGE: Mettez onze heures.

M. JOHNSON: ... que nous n'avons pas d'objection...

M. LAPORTE: Mettez onze heures.

M. JOHNSON: ... quant à nous, à la résolution telle qu'elle et je propose qu'elle soit adoptée.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LESAGE: Sur division. M. JOHNSON: Vote.

M. LESAGE: Ah! Il est une heure moins le quart.

M. JOHNSON: Vote.

M. LESAGE: Il me semble qu'on a perdu assez de temps.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

A l'ordre! La Chambre est appelée à se prononcer sur la motion suivante. Suis-je dispensé d'en donner lecture?

Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM, Johnson, Bertrand, Lebel, Johnston, Vincent, Dozois, Bellemare, Gosselin, Gabias, Masse, Allard, Russell, Lafontaine, Loubier, Maltais (Limoilou), Cloutier, Boivin, Mathieu, Boudreau, Charbonneau, Bernatchez, Sauvageau, Lavoie (Wolfe), Flamand, Lussier, Fréchette, Gauthier (Berthier), Léveillé, D'Anjou, Grenier, Bergeron, Martel, Leduc (Laviolette), Demers, Tremblay (Montmorency), Bousquet, Simard, Proulx, Croisetière, Plamondon, Théoret, Roy, Shooner, Hamel, Picard (Dorchester), Lesage, Pinard, Laporte, Courcy, Kierans, Lacroix, Blank, Wagner, LeChasseur, Coiteux, Baillargeon, Bourassa, Choquette, Fraser, Goldbloom, Leduc (Taillon), Michaud, Picard, Tremblay (Bourassa).

M. LE GREFFIER: Pour: 64 Contre: 0 Yeas: 64 Nays : 0

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est adoptée.

M. LESAGE: J'ai une explication de vote très brève à donner. Nous avons voté pour la motion du premier ministre afin de démontrer notre volonté bien arrêtée.,.

M. BERTRAND:Il n'y a jamais d'explication au vote.

M. LESAGE: ... de procéder avec célérité aux travaux de la Chambre.

M. BERTRAND: C'est contre les règlements. M. JOHNSON: D'accord.

M. LESAGE: Nous nous réservons le droit que nous a reconnu... D'ailleurs, tout à l'heure le premier ministre...

M. JOHNSON: Quel est cet article, donc?

M. LESAGE: ... de protester et de revenir sur la question si le gouvernement abuse de sa majorité pour nous faire siéger, sauf exception, après dix heures le soir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La Chambre ajourne ses travaux à deux heures trente, cet après-midi.

Reprise de la séance à 2 h 46 p. m. M. JOHNSON: Article 70, bill 50.

Bill no 50

M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Deuxième lecture du bill 50: « Loi pour assurer le maintien de la sécurité publique pendant l'Expo 1967 ». L'honorable ministre de l'Education.

M. BERTRAND: M. le Président, nous nous sommes entendus — le chef de l'Opposition et moi-même — pour procéder à l'étude de ce bill immédiatement en comité, me réservant, comme lui, le droit de faire mes commentaires et mes remarques à l'occasion de chacun des articles du bill.

M. LESAGE: Je crois que cela sera plus facile.

M. BERTRAND: Cela sera plus court. Et je propose donc la deuxième lecture de ce bill.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture du bill 50 est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LE GREFFIER-ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Comité plénier

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 50.

Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEBEL (Président du comité plénier):

M. BERTRAND: M. le Président, l'article 1. Je voudrais tout simplement, comme je viens de le déclarer, me réserver le droit de faire quelques remarques relativement à l'article 1. Le chef de l'Opposition ne semble pas me comprendre.Il y a peut-être trop de monde qui parle autour de lui. Voici. D'abord, je tiens à remercier tous les policiers, tous les corps de police qui depuis au delà de six mois — et en particulier la Gendarmerie royale, la Sûreté municipale de Montréal, le Service de sécurité de l'Expo et la Sûreté provinciale, de même que tous les autres corps de police de la région, qui sont environ 72 — ont travaillé en étroite coopération, comme j'ai déjà eu l'occasion d'en faire

part à la Chambre. Je les remercie du travail qu'ils ont accompli. Et ce travail s'est effectué à la suite de plusieurs réunions.

Dès mon entrée au ministère, en juillet, dès les premiers jours du mois de juillet, j'ai eu l'occasion de rencontrer le directeur de la Sûreté provinciale, qui m'a fait part des problèmes que posait, en particulier dans le domaine de la circulation, l'Expo 1967, cet événement extraordinaire qui fait du Canada, du Québec et de Montréal, la capitale des nations à l'heure actuelle.

Cette coopération, ce bénévolat, ce bon esprit qui a animé tout le monde, est-il suffisant? J'ai eu l'occasion, en Chambre, à deux reprises, le 12 et le 13 avril derniers, de faire deux déclarations me basant alors sur un rapport du chef de la Sûreté provinciale du Québec, M. Robert, Le 13 en particulier, dans la déclaration que l'on retrouvera au journal des Débats, à la page 2139, on notera qu'en réponse à une question du chef de l'Opposition, à la suite de laquelle j'ai fait une déclaration ministérielle,le chef de l'Opposition ayant noté que, dans la déclaration ministérielle basée sur le rapport du directeur de la Sûreté provinciale, il était indiqué qu'à moins d'événements extraordinaires et imprévisibles, l'esprit de coopération, qui avait animé tous les groupes dont j'ai parlé tantôt, pourrait suffire pour le maintien du bon ordre et de la sécurité à l'occasion de l'Expo. Or, le chef de l'Opposition, ayant lu comme moi des déclarations, tant du chef de la Sûreté provinciale que du chef de la Sûreté municipale de Montréal, M. Gilbert, déclarations faites devant la commission Prévost, alors que le commissaire Prévost leur demandait s'il n'y aurait pas lieu d'adopter une loi d'urgence ou une règle en vue de coordonner tout ce travail de coopération.».

Je ne veux pas reprendre ici les nombreux témoignages que l'on peut lire dans les dépositions. Alors, j'ai déclaré ceci textuellement, à la page 2139: « Je prends bonne note de la suggestion qui a été faite déjà devant la commission Prévost. »

J'ajoute — ce qui n'est pas dans le texte du journal des Débats — je reprends le chef de l'Opposition et je n'aurai aucune objection au contraire à soumettre un tel projet de loi. Je prends la parole du chef de l'Opposition que ce projet de loi pourrait être adopté très rapidement, et son attitude d'aujourd'hui le démontre. Quelques instants après, le Premier ministre est revenu à la charge et on trouve à la page 2143 du journal des Débats de cette même séance de jeudi le 13 avril, que le Premier ministre a pris note des suggestions et de l'offre de con- cours de l'Opposition en regard d'une loi semblable et que cette offre et ces suggestions étaient bienvenues, que nous étions pour les étudier très rapidement.

Tout cela, M. le Président, pour donner l'information sur l'origine de cette loi et la situer dans le contexte des discussions que nous avons eues en Chambre et des réponses que j'ai fournies tant au député de Verdun qu'au chef de l'Opposition. Or, depuis cette date, j'ai reçu d'abord de M. Maxime Lavigne, directeur du service de police de Hull et qui est le président de l'Association des chefs de police et de pompiers de la province de Québec, le télégramme suivant, en date du 26 avril: « A titre de président de l'Association des chefs de police et de pompiers de la province de Québec, je crois qu'il serait opportun, si le gouvernement le juge à propos, d'adopter pour la durée de l'Exposition universelle une loi de coalition créant un commandement unifié afin de coordonner les efforts de tous les services policiers pour combattre notre ennemi commun, le criminel, et pour assurer le maximum de protection à la population et aux visiteurs. »

Deuxièmement, au moment où nous préparions ce projet de loi, j'ai demandé à mon sous-ministre, Me Julien Chouinard, qui a eu l'occasion de rencontrer le directeur de la Sûreté municipale de Montréal, M. Gilbert, de même, bien entendu, que le directeur de la Sûreté provinciale, de leur exposer notre point de vue et les grandes lignes d'un projet de loi qui serait soumis au Parlement sur le principe lui-même de la loi et surtout sur le commandement unique qui résulterait d'une telle loi.

Tout cela, je crois, résume en quelques mots la situation actuelle.Il s'agit bien entendu, même si la coopération est excellente, de parer à toutes les éventualités en vue d'assurer le maximum de sécurité publique à l'occasion de l'Expo.

A l'heure actuelle, il y a par exemple, centralisé rue McGill au bureau, ou aux locaux de la Sûreté provinciale, tout l'appareil qui contrôle la circulation dans la périphérie de Montréal. Et, dernièrement, le conseil de la trésorerie adoptait une mesure, un CT comme le chef de l'Opposition les appelle.

M. LESAGE: Je ne suis pas le seul.

M. BERTRAND: ... permettant l'utilisation des avions de manière à bien contrôler les endroits où, à certains moment de la journée, aux heures de pointe en particulier*, la circulation peut être plus dense, de manière à fournir des renseignements de première main.

M. LESAGE: Mais les avions ne valent rien pour les embouteillages dans le métro.

M. BERTRAND: Non, mais au moins pour informer ceux-là qui au bureau de la Sûreté provinciale sont chargés de communiquer avec les chefs de police des localités où pareils embouteillages se produisent, de manière à ce que l'on puisse assurer une circulation plus rapide, accélérer la circulation et trouver tous les moyens imaginables pour corriger la situation.

Donc, coopération excellente, mais il faut, je le crois, cette loi spéciale, extraordinaire, qui par l'article 1, sur la recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil, peut, si le maintien de la sécurité publique le requiert, ordonner que le directeur général de la Sûreté provinciale du Québec ou, s'il est absent ou incapable d'agir suivant la loi de la sûreté, le directeur général adjoint assume pour une période n'exécédant pas le 28 octobre 1967 — et j'aurai un léger amendement pour ajouter: « jusqu'au premier novembre 1967 », quelques jours après l'Expo.

Le commandement et la direction de tous les corps de police qu'il mentionne et de leurs membres dans toute partie de la province et au cas — il faut prévoir le cas — ou le directeur général et son adjoint sont absents ou incapables d'agir, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra désigner toute autre personne pour assumer ces fonctions. Sur le principe, l'on retrouve, M. le Président, dans la loi de la police, en Ontario, un principe semblable, et ils ont également ce que l'on appelle une autre loi intitulée: « An Act to amend the emergency measures Act » où nous retrouvons des pouvoirs à peu près semblables qui peuvent être exercés, soit dans le cas de « An Act to amend the mergency measures Act » par un directeur et il y a au ministère de la Justice ce que l'on appelle un service qui s'occupe de prendre, lorsque les mesures de sécurité ou d'urgence s'imposent, des décisions dans le sens qu'indique la loi.

Alors, sur le premier article, le principe a été admis je crois, étant donné que cette mesure est une mesure spéciale, extraordinaire, pour parer à des événements extraordinaires et imprévisibles en vue de la sécurité publique. Je termine là pour le moment mes remarques sur l'article 1.

M. WAGNER: M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi destiné selon son titre même, destiné à assurer le maintien de sécurité publique pendant l'Expo 67. Je dois dire immédiatement au nom de l'Opposition que c'est avec beaucoup de satisfaction que nous aeceuillons enfin ce projet de loi. Il n'arrive certainement pas trop tôt et j'espère qu'il n'arrive pas trop tard. Il était urgent, que le gouvernement prenne des dispositions pour que dans le domaine policier les forces soient coordonnées. Et, d'ailleurs, je pense bien qu'il serait inutile à ce moment-ci de rappeler l'acheminement assez douloureux vers ce bill, douloureux parce que entouré de déclarations contradictoires il y a un certain temps. Le ministre de la Justice vient de rappeler ces déclarations et j'ai pris bonne note qu'aujourd'hui il nous dit et je cite: « Il faut cette loi spéciale extraordinaire ».

Cependant, il n'y a pas si longtemps, le 12 avril, en réponse à une question qui lui était posée, à la page 2106 des Débats de l'Assemblée législative, le ministre de la Justice répondait: «Il n'y a pas lieu d'adopter une loi concernant l'intégration des forces policières. » Il est évident que la suggestion qui lui fut faite de façon pressante par le chef de l'Opposition, suggestion qu'on peut relire en détail à la page 2138, a amené le ministre de la Justice à reviser sa position et a amené le premier ministre à déclarer, lui, de son côté qu'il s'agissait là d'une suggestion objective, pleine de bon sens, et que le gouvernement entendait suivre la ligne de conduite qui lui était suggérée.

Je rappelle tout simplement ce passage des Débats de l'Assemblée législative, alors que le chef de l'Opposition disait ceci: « Dans le domaine du maintien de la paix publique, les événements imprévisibles peuvent être assez fréquents. Je pense que le ministre de la Justice et le premier ministre ont assez d'expérience légale pour savoir que ce que je viens de dire est exact. Dans les circonstances, est-ce que le ministre de la Justice ne se sentirait pas plus à l'aise en ce qui touche la protection des visiteurs, la protection non seulement contre les blessures corporelles, mais la protection contre les vols, ne se sentirait-il pas plus à l'aise, en autant que la réputation de paix au Québec est concernée, si une législation était présentée prévoyant la nomination d'un responsable de la coordination? « Quant à nous, nous serions disposés à ce que le gouvernement qui présenterait une telle loi, se faisant autoriser par les législateurs à nommer un coordinateur, à ce que le gouvernement demande à la Chambre de ne se servir de cette loi que s'il le croit nécessaire, c'est-à-dire, par arrêté ministériel. Est-ce que le ministre de la Justice ne se sentirait pas plus à l'aise? »

Nous constatons aujourd'hui que le ministre de la Justice doit se sentir beaucoup plus à

l'aise et c'est dans cet esprit que nous voulons discuter du projet qui porte le numéro 50: Loi pour assurer le maintien de la sécurité publique pendant l'Expo 67. Il est évident, dès le départ, que l'Opposition est en faveur d'une coordination des forces policières. C'est là un principe qui ne fait aucun doute. Depuis l'ouverture de l'Expo, il semble bien que toute la population du Québec soit en liesse, parce qu'on assiste à une véritable réussite, une réussite qui est due au travail gigantesque effectué par ceux qui, à divers niveaux du gouvernement, ont eu depuis quelques années la responsabilité de l'administration publique. Mais il fallait que le gouvernement pour rassurer la population signifie également dans le domaine de la coordination des forces policières, son intention de nommer un responsable qui serait la personne autorisée à prendre les décisions finales au cas où des événements imprévus surgiraient.

Nous connaissons le travail effectué par la corporation de l'Expo, notamment par M. Poudrette. Nous savons qu'il existe actuellement sur les îles 1500 policiers qui voient à la protection de la population, mais il n'y a pas que le problème de la circulation. Et il faudrait faire bien attention d'isoler ce problème de la circulation d'autres problèmes beaucoup plus graves. Entre autres, les autorités policières sont d'avis que la venue de l'Expo pourra peut-être faciliter les activités d'une certaine classe internationale qui profite toujours de ces événements: c'est pourquoi il est urgent que le gouvernement actuel prenne les dispositions requises pour parer à cette éventualité.

Or, je pense que le ministre de la Justice serait bien justifié de recommander aux forces policières provinciales de continuer la lutte dans ce domaine particulier et de montrer autant d'acharnement disons, par exemple, dans le domaine du jeu, qu'ils en montrent, selon que nous l'apprenait Dimanche-Matin un hebdomadaire, lorsqu'ils partent à la chasse des danseuses « topless ».

M. BELLEMARE: A l'ordre!

M. WAGNER: Il me semble, M. le Président..

M. BELLEMARE: L'honorable député...

M. LESAGE: M. le Président, c'est le scandale des faibles.

M. BELLEMARE: Non, non. M. le Président, l'honorable député devrait... Surtout, on est passé en comité plénier pour hâter les travaux de la Chambre...

M. LESAGE: Bien oui.

M. BELLEMARE: ... le député fait une rétrospective sur toutes sortes d'autres sujets que celui qui est dans le bill. Il s'en va dans ses goûts. Ce n'est pas de notre faute, ça. Mais, chose certaine, on devrait s'en tenir plutôt strictement au bill...

M. LESAGE: Non, non, non, c'est dans les faiblesses du député de Champlain...

M. BELLEMARE: ... autrement, on sera obligé d'appliquer le règlement qui veut que ce soit étudié article par article en comité. Là, il fait une discussion générale.

M. WAGNER: M. le Président, je voulais entendre la voix du député de Champlain et je savais qu'en abordant un sujet semblable, je le verrais se lever immédiatement. Mais je continue et je souligne au ministre de la Justice que, s'il est important de coordonner la lutte dans tous les domaines, il faudrait que nous sachions, à ce stade du comité plénier, quelles consultations ont eu lieu entre les autorités de la Sûreté de Montréal, de la sûreté provinciale, de l'Association des chefs de police et de l'Association des policiers provinciaux. Au sujet de ce projet de loi, est-ce que le ministre a eu le temps d'exposer dans son entier le projet aux différentes parties intéressées? Est-ce que, par exemple, le ministre a pu discuter avec le chef de la sûreté de Montréal au sujet du commandement unique que pourra exercer le chef de la Sûreté provinciale sur les forces policières municipales? Est-ce que, par exemple, le ministre de la Justice a pu s'enquérir auprès des autorités montréalaises, notamment du président du comité exécutif, s'ils sont d'accord pour que ce commandement unique, commandement qui est souhaitable, soit exercé sur une force policière de 4,000 membres par le chef d'une sûreté qui comprend 2,300 membres et qui doit s'occuper de tout le domaine provincial.

Est-ce que,par exemple, le ministre de la Justice a pu consulter les représentants des différentes municipalités pour savoir jusqu'à quel point les municipalités seront prêtes à se rendre au désir du coordonnateur, à augmenter leur budget en conséquence, à augmenter leurs effectifs s'il y a lieu, afin que l'on sache véritablement si nommer un coordinateur pourra devenir une mesure efficace? Je pense que ce sont là des détails que le ministre de la Justice pourrait nous donner lors de "la discussion du premier paragraphe. Quels seront, par exemple, les pouvoirs du commandant unique sur les diffé-

rentes municipalités? Quel sera, par exemple, le sort fait aux policiers des municipalités qui auront à faire du temps supplémentaire à l'Expo? Est-ce qu'ils seront payés à même les budgets municipaux de ces 70 municipalités ou si la province verra elle-même à compenser ce qui manque au budget de ces différentes municipalités?

M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça du tout.

M. WAGNER: Dans ces différentes municipalités ou dans ces forces policières, est-ce qu'il existe un malaise semblable à celui auquel référait le ministre de la Justice au sujet de la police provinciale? Est-ce qu'on a pris des dispositions...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas dans le bill ça, ce n'est pas...

M. WAGNER: ... pour le temps supplémentaire?

M. LESAGE: Mais non tout de même, c'est après...

M. BELLEMARE: ... M. le Président, je soulève un point de règlement. L'honorable député de Verdun fait indirectement ce qu'il n'a pas le droit de faire directement.

M. LESAGE: Il le fait directement.

M« BELLEMARE: Je voudrais être très aimable pour la Chambre, mais il passe son temps à faire tout un lot d'insinuations qui ne font pas partie du débat, pas du tout. C'est du rechauffe. Le député de Verdun n'a pas le droit de faire ça, il le sait, lui.Il fait ça, là, avec sa « swing ». Ce n'est pas normal: le règlement ne veut pas ça.Il y aura un moment pour l'entendre sur d'autres sujets, mais ce n'est pas ça, pas du tout. Là il est parti de la police provinciale, là il est même... Ce n'est pas ça, pas du tout, c'est clair. Il s'agit d'unification, point final. Quand il y a urgence, ce n'est pas quand... La police provinciale, ce n'est pas les « topless » et puis tout ça.

M. LE PRESIDENT: Je compte que les députés de part et d'autre, réduiront leur «swing » et s'en tiendront le plus possible au cadre.

M. BELLEMARE: Très bien.

M. WAGNER: Avec plaisir, M. le Président. Or, en ce qui concerne cette suggestion très particulière du gouvernement de former un commandement, une direction unique de tous les corps de police dans toute la province, je pense qu'il est opportun que le ministre de la Justice réponde à ces différentes questions que nous nous posons et nous explique de quelle façon en pratique, va se réaliser ce commandement unique dans la province: ce n'est pas tout de dire: Nous allons nommer M. Untel, et c'est lui qui sera l'autorité suprême. Mais cette autorité suprême, est-ce qu'elle aura des pouvoirs? Est-ce qu'elle aura à sa disposition des sanctions? Lorsque le moment sera venu, pourra-t-elle obliger les municipalités,les forces policières d'ailleurs à agir? Voilà ce que nous voulons savoir. Nous voulons savoir du ministre de quelle façon, en fait, il a l'intention de rendre plus réelle cette nomination, de la rendre plus active et de quelle façon il entend également résoudre les difficultés qui certainement existent, puisqu'il nous en a fait part à nous-mêmes ici en Chambre la semaine dernière. Il nous a parlé du malaise à l'intérieur de la Sûreté provinciale...

M. BERTRAND: C'est rétabli.

M. WAGNER:... si c'est rétabli, très bien. Alors, que le ministre nous dise de quelle façon et nous aimerions savoir si ce malaise existe également pour la police de Montréal? Parce qu'à ce moment-là, si on impose le temps supplémentaire et le commandement unique à la police de Montréal, il faudrait savoir de quelle façon on va agir en fait. Ce sont autant de questions que nous apportons à l'attention du ministre de la Justice, et je pense bien que toutes les réponses qu'il nous donnera pourront nous faire apprécier davantage ce paragraphe premier du bill 50.

M. LESAGE: Très bien.

M. BERTRAND: Le député de Verdun a fait un grand état d'une déclaration que j'ai faite à l'époque, le 12 avril, comme je l'ai rappelé, en me basant à ce moment-là sur un rapport du directeur de la Sûreté provinciale du Québec. Et pour ceux qui ont lu les témoignages du directeur de la Sûreté provinciale du Québec, du directeur Gilbert en particulier, lorsque l'on a parlé de ce problème de l'Expo, de la loi d'urgence ou d'une loi d'urgence qui pourrait être présentée, il est clair que l'on a parlé en même temps, au cours des mêmes témoignages, d'une loi de police. Quand on lit les témoignages, on voit qu'à certains moments il s'agit d'une loi générale de police qui, comme celle de l'Ontario, pourrait s'appliquer non seule-

ment durant les moments d'urgence ou lorsque la sécurité du public est en danger, mais d'une loi générale de police. A un moment donné, le président de la commission a aiguillé la discussion vers le problème de l'Expo. Etonnote, par les réponses, tant du directeur Gilbert que du directeur de la Sûreté provinciale, qu'il est toujours question à un moment donné d'un commandement unique et on comprend pourquoi. Ce commandement unique et la direction de tous les corps de police et de leurs membres dans toute partie de la province qu'il mentionne, c'est un pouvoir que se réserve le lieutenant-gouverneur en conseil s'il est d'avis que le maintien de la sécurité publique le requiert. A ce moment-là, le lieutenant-gouverneur jugera à la lumière des circonstances, à la lumière des consultations qu'il aura, bien entendu, avec celui-là à qui le commandement et la direction de ces corps de police doivent être confiés. C'est à ce moment-là que le lieutenant-gouverneur en conseil exercera — il faut en convenir et je l'ai dit, c'est une loi extraordinaire et spéciale — exercera sa discrétion suivant les problèmes.

Le député de Verdun dit: « Il n'y a pas que le problème de la circulation ». J'espère bien que le député de Verdun va au moins reconnaître que je suis tout aussi bien renseigné que lui sur le vaste problème du crime organisé, de la pègre, problème qui est international, national, problème qui existe dans toutes les grandes villes du monde. Mais j'espère que le député de Verdun va au moins accorder au député de Missisquoi quelques onces de jugement.

M. WAGNER: Je n'ai pas parlé de ça.

M. LESAGE: Il n'a pas parlé de ça. Ce n'était pas dans sa question,,

M. BERTRAND: Cette lutte...

M. WAGNER: Revenez aux questions!

M. BERTRAND: ... contre le crime... Il a parlé de ne pas s'occuper seulement des danseuses, des « topless ».

M. WAGNER: C'était pour le député de Champlain ça!

M. BERTRAND: Je l'invite à lire, ça lui fera du bien...

M. LESAGE: C'était pour faire plaisir au député de Champlain.

M. BERTRAND: Je l'invite, le député de Verdun, à lire l'article qui a paru dans la revue Sept Jours du 29 avril 1967. Il va avoir là une étude assez objective du problème et je voudrais bien qu'on dégage ça des personnalités et les allusions malveillantes quelles qu'elles soient.

Je ne reviendrai pas là-dessus. Commandement et direction unique: relisez les témoignages devant la commission Prévost et vous allez trouver que le directeur de la Sûreté municipale en parle, que le directeur de la Sûreté provinciale en parle et j'ai ici le télégramme, dont j'ai donné lecture tantôt, du président de l'Association des chefs de police et de pompiers de la province de Québec.

Comment va s'exercer ce commandement? Comment s'exerce d'habitude un commandement? A ce moment-là — le député de Verdun aurait pu se référer à l'article 4 « que la présente loi en son effet nonobstant toute disposition inconciliable de toute autre loi générale ou spéciale » —. A ce moment-là, disons que le lieutenant-gouverneur en conseil décrète que tel corps de police dans telle zone tombe sous le commandement du directeur de la Sûreté provinciale, c'est lui qui devient l'autorité suprême. C'est lui qui peut, non seulement qui peut — examinons les choses normalement — mais qui va travailler avec le directeur du corps de police locale, qui va communiquer ses ordres, ses commandements, ses directives à des personnes avec qui, depuis six mois, l'on travaille dans un excellent esprit de coopération.

J'ai déclaré dernièrement que j'avais envoyé une lettre comme ministre de la Justice — et le ministre des Affaires municipales a fait de même — mol au directeur des chefs de police de toute la périphérie, des 72 chefs de police de la région et le ministre des Affaires municipales aux maires. Et j'ai dans mes dossiers ici des lettres attestant de ce désir de coopérer, et approuvant la mesure que nous présentons, et en vue du maintien de la sécurité publique si ça le requiert. Le député de Verdun disait tantôt: On a trop attendu, ça vient trop tard. Cela ne vient pas trop tard.

M. WAGNER: Ce n'est pas ça que j'ai dit. M. LESAGE: Ce n'est pas ce qu'il a dit.

M. BERTRAND: Bien, vous avez laissé entendre...

M. WAGNER: Vous devriez au moins me citer correctement.

M. LESAGE: Non, ce n'est pas ce qu'a dit le député de Verdun.

M. BERTRAND: J'ai compris que la mesure était peut-être tardive.

M. LESAGE: Non, il a dit...

M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection...

M. LESAGE: ... que le gouvernement aurait dû apporter la mesure plut tôt. Il ya une distinction fondamentale entre « être en retard» et « être trop tard ». Demandez au premier ministre...

M. BERTRAND: Il a dit: s'il n'est pas trop tard.

M. LESAGE: ... il connaît ça cette distinction-là.

M. WAGNER: J'ai dit textuellement: Cette mesure n'arrive certainement pas trop tôt, et j'espère qu'elle n'arrive pas trop tard. Cela c'est le texte exact.

M. BERTRAND: Alors, espérons tous... M. WAGNER: Très bien.

M. BERTRAND: ... que nous n'aurons pas besoin de nous en servir. Espérons tous que, grâce à l'esprit qui anime tous ceux-là qui ont coopéré, je le dis, depuis au-delà de six mois, qui se sont imposé une tâche formidable et je leur rends de nouveau hommage, au directeur et à tous les policiers. Je rends hommage à leur dévouement, aux sacrifices qu'ils vont accepter et dans des lettres que j'ai reçues de certains chefs de police, on m'indique que l'on ne craindra pas de s'imposer à l'occasion de l'Expo les sacrifices, le temps supplémentaire, en vue d'assurer une excellente protection au public, à nos visiteurs qui vont venir et on l'a constaté dès les premiers jours de cette exposition merveilleuse et grandiose, qui vont venir par millions.

M. le Président, son commandement, sa direction va s'exercer suivant les voies normales d'un commandant et d'un directeur de corps de police. Ce n'est pas pour le député de Verdun, je pense, que j'ai besoin d'analyser les fonctions du chef de la Sûreté provinciale ou d'analyser les fonctions et les pouvoirs de tous les chefs de police locaux et il est sûr que dans le domaine de la cité de Montréal en particulier... je tiens à les féliciter d'avoir adopté un règlement au su- jet des manifestations à l'Expo, règlement qui constitue un acte encore extraordinaire, spécial, pour une circonstance extraordinaire et spéciale. Et d'ailleurs, ce geste des autorités de la ville de Montréal a été bien accueilli par la presse en général et par ceux qui vont visiter l'Expo. J'y suis allé comme plusieurs de mes collègues. La foule qu'il y a là doit pouvoir circuler librement, ne pas être importunée et je félicite les autorités de la cité de Montréal d'avoir adopté cette mesure pour assurer une plus grande sécurité sur le terrain de l'Expo.

Quant aux réactions du président du conseil exécutif de Montréal ou du directeur Gilbert — je viens de parler du directeur Gilbert — il est sûr que la sûreté municipale de Montréal est un des corps de police très bien organisé, très bien dirigé et je ne doute aucunement, même sous un commandement unique et une direction unique, d'une coopération du directeur et de tous les policiers, de tous les constables de la cité de Montréal, s'il y a lieu pour le lieutenant-gouverneur à ce moment-là de le décréter et de l'indiquer dans l'arrêté ministériel.

Voilà, M. le Président, les quelques propos que je voulais ajouter en réponse au député de Verdun.

M. WAGNER: M. le Président, le ministre m'excusera de revenir peut-être à la charge, mais il est possible que la formulation de mes questions n'ait pas été assez claire ou assez précise et qu'elle n'ait pas permis au ministre de la Justice de répondre adéquatement.

Il est évident que nous espérons tous qu'on n'aura pas besoin de recourir à cette loi d'urgence...

M. BERTRAND: Bien sûr.

M. WAGNER: Il est évident aussi que tous les membres de cette Chambre, et surtout ceux qui ont travaillé étroitement avec les forces policières depuis quelques années, savent jusqu'à quel point on doit les féliciter pour la coopération qu'elles ont manifestée dans tous les domaines. Cela est clair. Nous avons espoir que rien n'arrivera, mais le ministre nous dit: Cette loi, nous la présentons au cas où quelque chose surviendrait.

M. BERTRAND: C'est-à-dire... si le député de Verdun me le permet, soyons justes et précis. Le texte l'indique, je n'ai pas besoin de le relire...

M. WAGNER: C'est ça.

M. BERTRAND: «... s'il est d'avis que le maintien de la sécurité publique le requiert, » je n'ai pas besoin de définir pour le député de Verdun, tous et chacun de ces termes qui sont, il me semble, très clairs.

M. WAGNER: Très bien. Alors, c'est conditionnel, mais à ce moment-ci, lorsque nous interrogeons le ministre et que nous lui demandons: Dites-nous donc de quelle façon au point de vue pratique cela va se passer. Dites-nous donc si cet événement survient, de quelle façon vous allez agir. De quelle façon cette coordination va s'exercer. De quelle façon vous allez répondre aux besoins des différentes municipalités dont le budget aura été défoncé. De quelle façon allez-vous augmenter les effectifs? Est-ce que la province va payer ou si ce sont les municipalités aidées par la province, etc.?

Toutes ces questions pratiques que nous vous posons, je l'admets, c'est peut-être du pragmatisme exagéré, mais lorsque nous sommes en face d'une loi spéciale, d'une loi d'urgence, il me semble que les membres de l'Assemblée législative ont le droit de savoir du gouvernement de quelle façon le gouvernement agira lorsque se présentera cette éventualité.

M. JOHNSON: Oui.

M. BERTRAND: Pour le moment, je l'ai dit tantôt, il s'agit d'un commandement unique: deuxièmement, d'une coordination: troisièmement, si à un moment donné... et l'on sait, seulement pour la Sûreté provinciale et même pour la sûreté municipale, combien le recrutement est difficile. Cette année, nous le verrons lors de l'étude des crédits, nous avons prévu l'engagement de 300 policiers. L'an dernier, on avait prévu un certain chiffre et je ne pense pas qu'on ait pu l'atteindre. Le recrutement est excessivement difficile. Donc, pour le moment, quant à la sûreté provinciale qui, en fait, exerce une autorité et rayonne autour de Montréal, premièrement il s'agit des effectifs actuels, augmentés dans toute la mesure où le recrutement nous le permet. Deuxièmement, si par exemple, dans telle ou telle petite ville — c'est surtout là que peuvent se poser des problèmes — où il n'y a qu'un chef et qu'un constable, à ce moment-là, le directeur de la Sûreté provinciale pourra envoyer un de ses hommes. Les dépenses dans un pareil cas, c'est la Sûreté provinciale qui devra les assumer et non pas les imposer à la Sûreté municipale. Voilà un exemple, je pense, qui répond à la question soulevée par le député de Verdun.

M. WAGNER: Cela, c'est pratique et je remercie le ministre.

M. BERTRAND: Oui, mais le député de Verdun conviendra avec moi...

M. WAGNER: Oui, très bien, parfait.

M. BERTRAND: ... que tantôt on avait une foule de questions qui...

M. WAGNER: J'en avais d'autres oui.

M. BERTRAND: ... oui, mais qui n'étaient pas toutes, disons, sur le bill,...

UNE VOIX: Ad hoc.

M. BERTRAND: ... qui se promenaient sur la voie d'évitement...

M. WAGNER: Non, non.

M. BERTRAND: ... et qui s'en allaient du côté des problèmes dont il aime parler assez souvent...

M. LESAGE: Non, non, des questions, je pense qu'une loi, il faut...

M. BERTRAND: ... il en a parlé, à ce qu'on m'a rapporté, encore vendredi soir à la télévision...

M. LESAGE: ... il fallait absolument que ça soit la voie de rencontre.

M. BERTRAND: ... Bon, à tout événement, le ministre de la Justice parlera en temps et lieu, lui aussi.

M. LESAGE: Hein! Bien oui, mais c'est lui qui a le plancher.

M. BERTRAND: Alors, j'ai répondu à ce problème financier.

M. WAGNER: On lui donne l'occasion de parler maintenant là.

M. BERTRAND: Alors, s'il s'agit... Comment?

M. LESAGE: Non, non, mais c'est parce que le ministre de la Justice a dit: « Le ministre de la Justice parlera en temps et lieu ». Il ferait mieux d'en profiter, il a le plancher.

M. BERTRAND: Il parlera en temps et lieu et répondra...

M. JOHNSON: A ces choses-là.

M. BERTRAND: ... à des choses qu'il n'a pas entendues, mais que, disons, certains membres de sa famille lui ont rapportées sur les propos tenus par le député de Verdun à la télévision vendredi dernier.

M. LESAGE: Non, non, on parle des questions qui étaient posées là.

M. WAGNER: On est loin du bill.

M. BERTRAND: J'en parlerai de ça.

Alors, j'ai répondu à cette question des dépenses qui peuvent être occasionnées. L'exercice de son autorité? Il devient le chef de police de ces municipalités avec toute l'autorité qui s'infère. Pour quelle période? Non pas ad vitam aeternan, mais pour une période limitée, la durée de l'Expo: c'est dans cet esprit — et le télégramme du président de l'Association des chefs de polices l'atteste — que l'on voit l'adoption de cette loi d'urgence.

M. WAGNER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. WAGNER: Adopté.

M. BERTRAND: Je vous prierais, M. le Président, au lieu du 28 octobre de mettre: le 1er novembre 1967.

M. LESAGE: Oui, je pense que c'est assez.

M. LE PRESIDENT: L'amendement est-il adopté?

M. BERTRAND: Quelques jours après l'Expo.

M. LE PRESIDENT: Article 1 adopté? Article 2. Cet article sera-t-il adopté?

M. JOHNSON: Adopté.

M. BERTRAND: Article 2.

M. WAGNER: Avez-vous des explications à donner?

M. BERTRAND: Voici, je veux tout simplement dire que cet article est basé sur la Loi de police de l'Ontario, article 45, c'est-à-dire le chapitre 298 des statuts refondus de l'Ontario intitulé le « Police Act », en particulier le dernier paragraphe...

M. LESAGE: La dernière phrase.

M. BERTRAND: La dernière phrase, article 45 e) « Subject to sections 34 and 35 of the National Defense Act of Canada. During an emergency, no member of a police force having jurisdiction in the area in which the emergency exist shall resign without the consent of the commissionneer. » Or, on soulèvera peut-être, au sujet de cet article, des objections. Prenons des exemples pratiques: un policier peut avoir l'occasion de se trouver un meilleur emploi.

M. LESAGE: Non, non. Est-ce que je pourrais?

M. BERTRAND: Est-ce que cela paralyse la liberté?

M. LESAGE: Oui, mais avant de s'appuyer sur la loi de l'Ontario, est-ce que le ministre de la Justice pourrait, pour compléter sa comparaison, puisqu'il s'appuie sur une loi de l'Ontario...

M. BERTRAND: C'est-à-dire que je la cite à titre de référence.

M. LESAGE: A titre de référence, mais je vois tout de suite deux distinctions et je crois qu'il serait important que le ministre de la Justice tienne compte de ces distinctions. Dans le cas de la loi ontarienne, il s'agit d'un état d'urgence qui concerne la défense nationale.

M. BERTRAND: Pas nécessairement. M. LESAGE: National Defence.

M. BERTRAND: Pas nécessairement. Pas rien que cela.

M. LESAGE: C'est mentionné en toutes lettres. Deuxièmement, ça ne s'applique qu'aux membres de la Sûreté provinciale de l'Ontario, c'est-à-dire que la loi de l'Ontario, dans les cas d'urgence qui sont des cas de défense nationale, défend de démissionner. D'abord, c'est restreint à ces cas-là et, deuxièmement, ça ne vaut que pour les membres de la Sûreté provinciale tandis qu'ici, n'oublions pas que le chef de la Sûreté aura juridiction sur les membres de la Sûreté de Montréal et qu'il pourra empêcher de démissionner les 4,000 membres ou cha-

cun des 4,000 membres de la Sûreté de Montréal. C'est aller très loin ça, mais étant donné que le ministre de la Justice a été le premier à prendre la parole pour défendre cette partie de l'article, j'ai tenu tout de suite à lui faire remarquer ces deux distinctions avant de toucher au fond.

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra...

M. LESAGE: Oui, oui, je permets.

M. BERTRAND: On a eu l'occasion, avant la séance, ce matin, d'en causer un peu et il m'a dit que c'était surtout sur la dernière partie de l'article 2...

M. LESAGE: Oh, oui.

M. BERTRAND: ... qu'il formulerait quelques réserves.

M. LESAGE: Ce sont plus que des réserves, ce sont des objections très sérieuses. Voici. Je crois que la disposition qui est contenue dans les cinq dernières lignes de l'article 2, à partir de « aucun membre d'un tel corps de police ne peut démissionner de son poste sans le consentement de la personne désignée par l'arrêté en conseil adopté en vertu de l'article 1 », a l'effet suivant: si le gouvernement adopte un arrêté en conseil en vertu de l'article 1, les membres de tous les corps de police visés sont privés du droit de démissionner pendant toute-la période pendant laquelle l'arrêté en conseil est en vigueur. Ce qui veut dire que le gouvernement n'a qu'à passer un arrêté en conseil pour que tous les membres de la Sûreté de Montréal, par exemple, soient obligés de rester en fonction jusqu'à la fin de l'Exposition. Il me semble que sur le plan des principes...

M. JOHNSON: Jusqu'à la fin de l'urgence.

M. LESAGE: Il me semble que sur les principes il s'agit d'une affaire extrêmement importante. C'est le ministre de la Justice lui-même, ce matin qui, parlant contre le totalitarisme, faisait état de son respect des droits fondamentaux de la personne humaine. C'est ce matin qu'il l'a fait. Il a fait un acte de foi.

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. LESAGE: Il a fait un acte de foi dans son respect des droits fondamentaux de la personne humaine.

M. BERTRAND: J'espère que mon acte de foi a été compris.

M. LESAGE: Je l'ai très bien compris. Et c'est parce que je l'ai très bien compris que je l'invoque. Je l'invoque à la défense des droits humains fondamentaux de tous les policiers qui pourraient être placés sous le commandement de la personne qui serait désignée en vertu de l'article 1. La liberté de choisir ses fonctions, son activité humaine, c'est une liberté humaine fondamentale. C'est de la conscription de temps de paix qu'on veut. Ne nous payons pas de mots. C'est exactement de la conscription de temps de paix.

M. JOHNSON: Pas pour la guerre.

M. LESAGE: C'est de la conscription de temps de paix.

M. LOUBIER: Pour la paix. M. JOHNSON: Pour la paix.

M. LESAGE: Bien, j'entends encore, je relis certains discours des ancêtres politiques du premier ministre qui prétendaient que la conscription de 1917, c'était pour la paix, aussi.

M. LOUBIER: Pour la guerre.

M. LESAGE: Mais c'était pour la paix, la conscription de 1917. Et il est clair qu'il se rappelle de ces arguments qu'il a sans doute invoqués lui-même sur les tréteaux à la défense de ses compères conservateurs d'Ottawa.

M. JOHNSON: Je me souviens mieux de la mobilisation de la muraille de M. Lapointe.

M. LESAGE: Mais, M. le Président, tout cela n'a rien à faire avec ce que nous avons devant nous, nous sommes en temps de paix. Et il s'agit de se servir duprétexte d'un bill qui a pour objet d'assurer la coordination des forces de police en cas d'urgence pour imposer à tous les policiers — qu'ils soient des policiers provinciaux, municipaux ou autres — une camisole de force, nier leur droit fondamental à leur liberté dans le choix d'un emploi. Qu'est-ce qui dit, par exemple, qu'un policier employé de la Sûreté de Montréal n'a pas déjà prévu que, le 1er août, il va quitter son emploi à la Sûreté de Montréal parce qu'il est assuré ailleurs d'un emploi qui va lui donner une meilleure rémunération? On l'obligerait, on le forcerait à démissionner tout de suite et à être plusieurs mois sans salaire. On

risquerait même de désorganiser la force si ces actes se répétaient. D'ailleurs, on viole une liberté fondamentale. Le directeur général de la Sûreté, ou son substitut se trouve constitué le maître de tous les policiers qui sont désignés dans l'arrêté ministériel et il a les mêmes droits qu'avait un maître sur des esclaves. Il a le droit... Oui, il peut les obliger à travailler et ils n'ont pas le droit de changer de fonction. C'était une des caractéristiques de l'esclavage.

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition va convenir qu'il exagère très fortement.

M. LESAGE: Je n'exagère pas. C'était une des caractéristiques de l'esclavage. C'est que l'esclave n'avait pas droit au choix de son emploi.

M. JOHNSON: On est en train de faire des chaînes!

M. LESAGE: C'est une des principales caractéristiques de l'esclavage.

M. JOHNSON: On va avoir des chaînes. On est en train de les faire fabriquer!

M. LESAGE: Oh, non. M. le Président, je n'ai aucune intention de faire des images qui me feraient dépassée la vérité.

M. BERTRAND:Il n'a pas l'intention, mais il le fait.

M. LESAGE: ... mais simplement, il n'y a aucun doute qu'une des caractéristiques de l'esclavage, des relations entre le maître et l'esclave, c'était le fait que l'esclave ne pouvait pas disposer de lui-même, qu'il n'avait pas le droit de changer d'emploi.

M. JOHNSON: Comme le capitaine d'un bateau.

M. LESAGE: C'est faux. Un capitaine a sur ses hommes, lorsqu'ils sont en mer, des droits, c'est clair. Mais lorsque le bateau est au port, le matelot peut changer de travail et de bateau, s'il le veut.

Il peut même laisser la navigation. Il est libre. Et je ne comprends pas...

M. BERTRAND: Durant une guerre, par exemple.

M. LESAGE: Durant une guerre, c'est totalement différent parce que c'est la défense nationale.

M. BERTRAND: Bon.

M. LESAGE : Nous sommes en temps de paix. Il n'y a pas de mesures de guerre d'urgence.

M. BERTRAND: Quand le bien commun l'exige. La sécurité publique.

M. LESAGE: Le bien commun? Est-ce que l'on pourra me donner la preuve que le bien commun exige que l'on viole la liberté fondamentale individuelle jusqu'au point où on la viole par la dernière phrase de l'article 2? Ce n'est pas possible, M. le Président. Et je ne comprends pas, je vous l'avoue bien franchement, que le Premier ministre et le ministre de la Justice n'acceptent pas. Cela ne changera rien à la situation, mais simplement, au moins, on respectera la liberté individuelle fondamentale qu'a tout homme de disposer de lui-même quant à la fonction qu'il veut occuper. Cela, c'est un principe fondamental. Je crois que nous devons voir à ce qu'il soit respecté dans toutes nos lois. Il me semble que ça n'enlèvera rien au projet de loi, à l'efficacité de la loi lorsqu'elle sera en vigueur, de voir disparaître cette dernière phrase de l'article 2, qui, M. le Président, n'est même pas mentionnée aux notes explicatives. Elle n'est même pas mentionnée aux notes explicatives.

M. JOHNSON: Ce n'est pas nécessaire. M. BERTRAND: Elle est dans la loi.

M. LESAGE: Or, c'est un principe extrêmement important. Je ne comprends pas, je le répète.

M. JOHNSON: C'est un principe de la loi.

M. LESAGE: Pardon? Oui, c'est un des principes de la loi qui est contenu dans la dernière phrase là.

M. JOHNSON: C'est pour ça que vous avez voté.

M. LESAGE : Un des principes secondaires de la loi. Secondaire quant à la loi, mais primordial en tant que principe par exemple. Il est évident que le but de la loi, c'est la coordination des forces policières. Avoir une autorité unique en charge de la coordination. Or, pour obtenir l'autorité unique qui assure la coordination, il n'est absolument pas nécessaire de conscrire tous les policiers et de les empêcher de disposer d'eux-mêmes. Je demanderais...

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra.

M. LESAGE: Je permets bien.

M. BERTRAND: Ce n'est pas de conscription dans le sens qu'il l'entend.

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: Ce sont des corps de police.

M. BERTRAND: Qu'on lise donc: « Ne peut démissionner sans le consentement de la personne. »

M. LESAGE: Mais oui, c'est la relation de maître à esclave.

M. BERTRAND: Et deuxièmement, je répondrai dans quelques instants au sujet de la loi de police de l'Ontario.

M. LESAGE : Répondez tout de suite. On est en comité.

M. BERTRAND: Oui, le chef de l'Opposition prétend que cela ne s'applique qu'aux policiers provinciaux. Or, il y a, en Ontario, des forces policières municipales et l'article 45 ne fait aucune distinction, 45e: « During an emergency, no member of a police force having juridiction in the area in which the emergency exists shall resing without the consent of the commissioner. »

M. LESAGE: Oui, mais quelle est la définition de « emergency »?

M. BERTRAND: Définition de « emergency »...

M. JOHNSON: Etat d'urgence. M. BERTRAND: Etat d'urgence.

M. LESAGE: Non, non. Défense nationale. Vous l'avez lu tout à l'heure.

M. BERTRAND: Etat d'urgence. C'est dans le chapitre 45...

M. LESAGE: Défense nationale. Vous l'avez lu tantôt.

M. BERTRAND: Un instant. Emergency police, part 4-A of the law.

M. LESAGE: Oui, c'est là qu'il est question de défense nationale.

M. BERTRAND: C'est exactement, M. le Président, la sécurité publique. Loin de moi de vouloir brimer aucune liberté individuelle ou collective.

Je pense que partout on accepte ce principe, lorsque le bien commun le commande et la sécurité publique l'exige, à ce moment-là, dans tous les pays les plus démocratiques et l'Ontario est une province, je pense bien, qui connaît autant que nous les principes démocratiques. Dans ces cas-là, on impose pour une période donnée, limitée, que personne ne puisse démissionner sans le consentement de la personne qui est désignée, c'est-à-dire du directeur de la Sûreté provinciale du Québec ou des autres personnes qui y sont nommées, et à ce moment-là il faut prendre pour acquis que le directeur de la Sûreté provinciale du Québec est un homme de jugement, un homme compréhensif, qu'il est humain et, s'il y a des raisons qui militent, je ne vois pas pourquoi à ce moment-là le directeur de la Sûreté provinciale n'exercera pas la discrétion qui lui est donnée et n'accordera pas son consentement. Le chef de l'Opposition veut nous ramener au temps des galériens...

M. LESAGE: Non, non.

M. BERTRAND: Bien oui.

M. JOHNSON: Des esclaves!

M. BERTRAND: Au temps des esclaves!

M. LESAGE: Il y en a encore!

M. BERTRAND: Nous vivons dans un pays démocratique, Dieu merci!

M. LESAGE: Cela n'a pas l'air! Pas avec ça.

M. BERTRAND: ... et nous n'adoptons cette mesure que pour une durée limitée, pour assurer la sécurité publique, le bien commun. Le commandant et le lieutenant-gouverneur exerceront, en vertu de l'article 1, leur discrétion s'ils sont d'avis que la sécurité publique le requiert.

L'autre jour, si mon souvenir est bon, le chef de l'Opposition avait déclaré qu'il n'avait pas d'objection à accorder des pouvoirs très vastes au lieutenant-gouverneur.

M. LESAGE: Un instant, s'il vous plaît. Je voudrais bien qu'on relise ce que j'avais dit. J'avais parlé des pouvoirs de coordination qui pourraient devenir nécessaires et, d'ailleurs,

lorsqu'il s'est agi de l'article 1 du bill je n'ai pas dit un mot. Lorsqu'il s'est agi de l'article 2 du bill — je ne m'en prends qu'à la dernière phrase qui ne touche pas au principe fondamental du bill — et puis je voudrais faire remarquer au ministre de la Justice que nous, ici, l'Assemblée législative unaniment, nous avons accordé le droit de grève à tous les employés, même dans les services publics sauf, aux policiers, et le seul recours qui reste au policier, s'il n'est pas satisfait de ses conditions de travail, c'est de changer de fonction. Dans le cas des autres salariés, des autres employés, qu'ils soient dans le secteur privé ou dans les services publics maintenant ils ont tous les droits que leur donne le code du travail y compris le droit de grève, mais ça n'existe pas pour les policiers. Le seul recours qui leur reste, eux, c'est de changer de fonction. Que le ministre de la Justice y pense, sans chercher à défendre ces cinq lignes qui ont été ajoutées par un fonctionnaire,...

M. BERTRAND: Non, M. le Président, il n'a pas compris. J'ai donné l'exemple d'une province voisine...

M. LESAGE: Oui, mais ils n'ont pas le droit de grève dans les services publics eux.

M. BERTRAND: Non, où le même principe... M. LESAGE: C'est pour la défense nationale.

M. BERTRAND: ...que nous insérons dans cet article 2, dans les cas d'urgence...

M. LESAGE: La défense nationale!

M. BERTRAND: ... de sécurité publique...

M. LESAGE: Défense nationale!

M. BERTRAND: ... où ce même principe pour une durée de six mois est inscrit dans un texte de loi. Et l'on voudrait nous faire passer pour des gens qui sont antidémocratiques...

M. LESAGE: Non.

M. BERTRAND: ... des gens qui briment les libertés fondamentales de la personne humaine, alors que nous nous basons sur un document qui fait partie des lois de la Législature ontarienne. Et ce pouvoir du directeur, disons, de la Sûreté provinciale: il a la latitude d'accorder à la personne, suivant les circonstances... Je ne voudrais pas reprendre les propos...

M. LESAGE: Non, non.

M. BERTRAND: ... que je viens de tenir, ce serait de la répétition fastidieuse, pour tous et pour moi, mais que l'on comprenne donc qu'il s'agit d'une mesure extraordinaire et spéciale en vue de la sécurité pour parer à des événements extraordinaires et imprévisibles. Voilà tout le fondement du présent projet de loi, et j'ai comme référence la loi de police de l'Ontario.

M. LESAGE: M. le Président, je serais le dernier à renier le principe de ce bill.

M. BERTRAND: Cela y est.

M. LESAGE: Le principe du bill, c'est la coordination des forces policières sous un homme qui est investi de l'autorité.Il n'est pas nécessaire...

M. BELLEMARE: Un cas spécial.

M. LESAGE: Oui, oui, dans les cas très précis, je ne veux pas revenir sur toutes les conditions qui ont été répétées à plusieurs reprises, mais à l'occasion de cette délégation de pouvoirs, possible n'est-ce-pas, à un homme, on inclut un principe dont l'application, à mon sens, n'est pas nécessaire du tout. Le bill aurait la même efficacité sans cette phrase. C'est ça. Je n'accuse pas le gouvernement. Je demande au gouvernement de bien réfléchir avant de toucher un droit humain fondamental et d'en remettre l'évaluation, si on veut, à la discrétion d'un homme. Il faut y songer deux fois. Et la première question à se poser: est-ce que ces cinq lignes-là sont bien essentielles à l'opération de la loi? Je dis non! M. le Président, elles ne sont pas nécessaires. Pourquoi aller aussi loin ou risquer, si l'on veut, de violer un droit humain fondamental, une liberté fondamentale, alors que ce n'est pas nécessaire? Elle permet d'en violer assez de libertés, cette loi, sans qu'on touche au droit des individus sans qu'il soit nécessaire de le faire. Je dis que c'est une partie de la loi qui n'est pas essentielle. Nous n'en n'avons pas discuté de cette partie de la loi lorsque nous avons discuté du projet de loi avant même qu'il soit écrit. Elle est tellement peu essentielle, cette partie, qu'elle n'est même pas mentionnée aux notes explicatives. Je demanderais au ministre de la Justice d'y songer deux fois. Moi, je ne vois pas l'utilité de cette dernière phrase.Il faut que ce soit essentiel d'agir pour qu'on aille aussi loin. Or, j'en appelle au ministre de la Justice par votre entremise, M.

le Président, pour qu'il considère bien que ce n'est pas nécessaire à l'efficacité de la loi.

M. BERTRAND: Par votre entremise, M. le Président, j'ai déjà répondu au chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Non, non! J'ai parlé de la nécessité, là.

M. BERTRAND: J'ai déjà répondu au chef de l'Opposition.

M. BELLEMARE: Adopté.

M. LESAGE: Non, pas sur la nécessité. Le ministre de la Justice ne m'a donné aucun exemple où cette disposition pourrait être essentielle au bon fonctionnement de la loi.

Il ne m'a donné aucun exemple. Alors, M. le Président, je propose que les cinq dernières lignes de l'article 2 soient biffées à partir des mots: Aucun membre d'un tel corps de police.

M. LE PRESIDENT: L'amendement sera-t-il adopté?

M. BERTRAND: Alors, M. le Président, pour les raisons que j'ai invoquées tantôt, et deuxièmement, à cause de l'exemple que j'ai cité d'une loi de police qui s'applique d'une manière permanente dans une province voisine, où on retrouve un article semblable, je dois déclarer que nous maintenons l'article 2 tel qu'il est et que l'amendement doit être rejeté.

M. JOHNSON: Parlant sur l'amendement...

M. LESAGE: Oui, ils sont assez, M. le Premier ministre, ils sont arrivés. Vos gens sont arrivés, vous êtes assez nombreux.

M. BERTRAND: Les vôtres s'enviennent.

M. LESAGE: Oui, oui.

UNE VOIX: Ils ne sont même pas à Québec.

M. JOHNSON: Parlant sur l'amendement, M. le Président, je voudrais bien dire que le chef de l'Opposition croit que c'est constructif de faire une lutte sur des points importants en théorie, mais en pratique si peu probables que tout le monde a envie de rire un peu du chef de l'Opposition qui a évoqué l'esclavage...

M. LESAGE: Non.

M. JOHNSON: ... il me faisait songer aux galériens...

M. LESAGE: C'est très sérieux... M. JOHNSON: ... ce qui nous...

M. LESAGE: Je sais que le Premier ministre ne peut pas comprendre la démocratie: il a été élevé dans l'autocratie et l'autarcie.

M. BELLEMARE: Ça, c'est bien gentil. M. JOHNSON: Oui!

M. BELLEMARE: Comment M. King vous menait-il?

M. LESAGE: Monsieur King, c'était un grand démocrate.

M. BELLEMARE: Il voyait venir ça dans une boule de verre.

M. JOHNSON: D'abord, M. King, c'était un grand démocrate « drop it or get out ».

M. BELLEMARE: M. Ilsley, « get out ».

M. JOHNSON: « Take it or leave it, M. Ilsley ».

M. BELLEMARE: « M. Ilsley, take it or leave it ».

M. JOHNSON: Il y a un sénateur qui s'est fait dire « drop it or get out ».

M. LESAGE: Ce n'était pas un sénateur, c'était un ministre.

M. JOHNSON: Mais il est devenu sénateur plus tard. Il y a un ministre aussi qui est entré un bon jour au cabinet des ministres avec tous ses dossiers, c'était un des piliers...

M. LESAGE: Cela n'a rien à faire avec le bill.

M. JOHNSON: ...il s'est fait dire: Je regrette, votre démission a été acceptée...

M. LESAGE: Ce n'est pas comme ça que cela s'est passé.

M. JOHNSON: ... signée en blanc.

M. LESAGE: Ce n'est pas tout à fait comme ça que cela s'est passé.

M. JOHNSON: Ah! c'était joliment comme ça.

M. LESAGE: M. Duplessis est allé _bien plus loin que ça, lui: il avait démissionné avec tout son cabinet, puis il avait renommé tous les ministres sauf un.

M. JOHNSON: Cela, c'est une vraie manière démocratique.

M. LESAGE: Voyons donc!

M. JOHNSON: Il a suivi les formes, il est allé voir le lieutenant-gouverneur, lui a remis sa démission...

M. LESAGE: Bon, vos gens sont arrivés, c'est bien, assez de déclamations là! Vous pouvez prendre le vote maintenant.

M. JOHNSON: ... il courait le grand risque que le lieutenant-gouverneur ne l'appelle pas à former un cabinet: il risquait que le lieutenant-gouverneur, à ce moment-là, demande...

M. LESAGE: Vos gens sont arrivés, pasbe-soin de déclamer.

M. JOHNSON: ... au député de Matane de former le gouvernement à la place du député de Trois-Rivières. M. le Président, quand j'entends le chef de l'Opposition dire que je n'ai pas été élevé dans la démocratie, il n'y a personne dans cette Chambre qui le croit. Evidemment, cette loi-là, c'est une loi...

M. LESAGE: Sauf ceux qui ont connu le père spirituel du Premier ministre.

M. JOHNSON: Bien, écoutez le père spirituel du Premier ministre, il a une multipater-nité dans son cas, l'ancien Premier ministre: il y a Taschereau et King, cela fait un drôle de mélange.

M. BELLEMARE: Vous lui avez déjà parlé à Taschereau.

M. LESAGE: Oui, mais lorsque j'ai été député...

M. JOHNSON: En 1935, le gouvernement, où tout croulait...

M. LESAGE: ... mon premier chef a été M. King: au provincial, c'était M. Godbout et ensuite ce fut M. St-Laurent et au provincial, c'était M. Lapalme.

M. BELLEMARE: M. Taschereau disait: Jeune homme d'avenir.

M. JOHNSON: Jeune homme d'avenir, disait M. Taschereau.

M. LESAGE: Et ç'a été M. Pearson, ç'a été également M. Pearson, évidemment.

M. JOHNSON: Pas longtemps, M. Pearson. M. LESAGE: Bien, depuis 1958. M. JOHNSON: Non. M. LESAGE: 1957.

M. JOHNSON: En tout cas, au mois de décembre 1957, après la défaite, non 1958, après la défaite.

M. LESAGE: C'était en 1957.

M. JOHNSON: A tout événement, M. le Président...

M. LESAGE: Quand les élections ont été déclarées, le 31 janvier 1958, M. Pearson était chef du parti libéral.

M. JOHNSON: A tout événement, M. le Président, voici une loi qui ne s'applique que s'il y a nécessité évidemment de l'appliquer. C'est aussi simple que ça. Tout le monde espère que ce ne sera pas nécessaire et nous avons lieu d'espérer que ce ne sera pas nécessaire. Mais s'il y a un état d'urgence, si la sécurité publique est en danger, ça devient le devoir du lieutenant-gouverneur en conseil d'ordonner que quelqu'un prenne la direction de tout ce qu'il y a de corps policiers et de polices disponibles.

M. LESAGE: Nous sommes d'accord.

M. JOHNSON: Il y a à ça, évidemment, une conséquence ancillaire, c'est que ces policiers-là ne puissent pas démissionner. D'accord, M. le Président. D'accord, c'est assez raide d'empêcher un homme de démissionner, mais on a prévu ici une façon pour lui de le faire, c'est d'obtenir le consentement de la personne désignée, c'est-à-dire du directeur.

M. LESAGE: C'est à discrétion.

M. JOHNSON: Est-ce qu'on peut s'imaginer pour un instant que le directeur va, tout simplement par caprice, empêcher un homme de

démissionner. Mais si on n'avait pas cette prescription dans la loi, il pourrait arriver ce qui a failli arriver.

M. BELLEMARE: Oui.

M. JOHNSON: On pourrait, dans des moments extrêmement critiques, tout simplement par une action concertée de certains membres qui se donneraient le mot pour démissionner, rendre inefficace l'opération de cette loi.

M. LESAGE: On n'a qu'à faire appel à l'armée si on en vient à ça.

M. BERTRAND: Bien oui, mais on ne veut pas...

M. LESAGE: D'ailleurs, cela s'est déjà fait. M. BERTRAND: On ne veut pas...

M. LESAGE: Cela s'est fait le jour de l'ouverture.

M. JOHNSON: J'allais justement, M. le Président, expliquer la situation dans le Québec Aussi bien être franc, nous avons déjà eu recours à cette armée canadienne dans des circonstances pénibles, par exemple certaines inondations... oh, pendant la guerre à Shawinigan et surtout à Arvida, l'armée canadienne tirait sur les ouvriers...

M. LESAGE: Tous les ans, lors du Carnaval de Québec.

M. JOHNSON: ... Et c'était dans un système démocratique ça, quand l'armée canadienne tirait sur des ouvriers...

M. LESAGE: Non, non, non, tous les ans. Bien...

M. BELLEMARE: Vous n'aimez pas ça. M. JOHNSON: ... à Arvida.

M. LESAGE: Non, non, mais tous les ans, tous les ans lors du Carnaval de Québec...

M. BELLEMARE: Vous étiez là.

M. LESAGE: ...nous faisons appel à l'armée.

M. JOHNSON: C'était sous Mackenzie King...

M. BELLEMARE: C'était de votre temps, ça.

M. JOHNSON: ... l'armée canadienne qui tirait sur les ouvriers d'Arvida.

M. BELLEMARE: Shawinigan.

M. LESAGE: Ce n'est pas vrai ça, et le premier ministre le sait. Ce que le premier ministre sait, c'est que lui-même ou son ministre de la Justice ont demandé l'hiver dernier au commandant du district militaire d'envoyer des centaines d'hommes de l'armée pour maintenir l'ordre dans les rues de Québec lors du Carnaval. Cela se fait tous les ans...

M. BELLEMARE: C'est parce qu'ils veulent voir le carnaval.

M. LESAGE: Pour maintenir l'ordre, avoir des cordons de soldats, c'est aussi bon que des cordons de policiers.

M. JOHNSON: M. le Président, c'était pour la protection du public.

M. LESAGE: Bien oui, c'est ça, c'est la même chose.

M. JOHNSON: L'année dernière, comme les années précédentes, l'armée nous a rendu service et je remercie publiquement le commandant du 22e et le commandant dus district qui collaborent. J'ai aussi obtenu l'armée au mois de décembre 1959, précisément à l'occasion de l'inondation à Chomedey, ce qui est aujourd'hui Chomedey, c'était l'Abord-à-Plouffe dans le temps. M. le Président, je voulais justement en venir là, il semble que nous pourrions, avec la défense civile, la police provinciale, travaillant en coordination avec les corps de police municipaux, nous organiser un système qui serait suffisant en cas d'urgence, un système qui nous permettrait de protéger le public. C'est notre devoir de protéger le public, de prévoir des mécanismes efficaces pour qu'en période de crise le public soit protégé.

Nous avons été extrêmement inquiets pendant un bout de temps. Nous avons eu raison d'être inquiets à l'occasion de certaines crises, entre autres à l'occasion de la grève des hôpitaux. Cela n'était pas facile.

M. LESAGE: J'invoque le règlement. Cela n'a rien à faire avec la dernière phrase de l'article 2.

M. JOHNSON: Cela a autant à faire avec la loi que les « topless » du député de Verdun.

M. LESAGE: En vertu des règlements de la

Chambre, lorsque c'est un amendement qui est à l'étude, on doit s'en tenir strictement à l'amendement. Alors, l'amendement que j'ai proposé — et c'est ça qui est à l'étude par la Chambre — c'est de biffer les cinq dernières lignes de l'article 2 à partir de « aucun membre d'un tel corps de police... ». De là à partir et à discuter tout le principe du bill et à s'éloigner, il me semble que c'est aller un peu loin, même si c'est le premier ministre.Il devrait s'en tenir à l'amendement qui est devant la Chambre.

M. JOHNSON: Je reviens aux propos du chef de l'Opposition et à son amendement. Je dis que son amendement aurait pour effet de rendre, dans certaines circonstances...

M. LESAGE: Quelles circonstances?

M. JOHNSON: ... inefficace le remède que nous voulons préparer au cas d'urgences. Dans la grève des hôpitaux, pour vous montrer la coopération qu'il y avait, à un moment donné...

M. LESAGE: Cela n'a rien à faire.

M. JOHNSON: Mais c'est pour vous montrer quel peut être l'état d'esprit et comme il faut tenir à cette phrase. Quand un hôpital a demandé à la Sûreté municipale de le protéger, on a dit: Oui, d'accord, mais c'est $3 l'heure. Un de nos officiers, chargé de surveiller toute la situation ici sous la direction du docteur Lizotte, constatant la situation, s'est amené devant l'hôpital et là, il a appelé à l'hôtel de ville et il a dit:Il y a deux filles qui se promènent en « shorts ». Trois policiers sont arrivés et ça n'a rien coûté, à ce moment-là. Alors, je rejoins les « topless », je suis rendu à l'autre bout.

M. LESAGE: Oui, je vois ça. Vous vous expliquerez avec le député de Champlain.

M. JOHNSON: Ce n'est pas aussi grave que voudrait le faire croire le chef de l'Opposition, Les officiers supérieurs du ministère de la Justice, ceux qui s'y connaissent dans ce domaine, ayant étudié les précédents dans d'autres provinces et d'autres pays, nous recommandent de garder ces quatre lignes, car autrement on risquerait d'avoir un outil qui deviendrait inefficace si, par malheur, il y avait un mouvement concerté de démission.Il pourra toujours y avoir des démissions, mais elles seront jugées au mérite et, en temps et lieu, nous verrons à apporter des remèdes s'il y a des abus de ce côté. L'amendement, pour toutes ces raisons, devrait être rejeté.

M. LESAGE: J'ai dit ce que j'avais à dire.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les députés sont prêts à se prononcer? Que ceux qui sont en faveur de l'amendement lèvent la main.

M. LE GREFFIER ASSOCIE: Un, deux, trois, quatre...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE: Le vote était commencé. Trois: le député de Beauce, le député de Chicoutimi et le député de Rouyn-Noranda. Ils n'ont pas le droit de vote.

M. BERTRAND: Il y en a cinq autres de votre côté, six.

M. LESAGE: Ils n'ont pas le droit de vote.

M. BERTRAND:Il y en a sept qui sont entrés. M. Pearson.

M. LESAGE: Le député de Huntingdon n'a pas le droit de vote.

M. BERTRAND: J'ai vu entrer le député de Saint-Laurent, de Jonquière-Kénogami. Le député de Saint-Laurent est entré quand le vote était commencé. Le chef de l'Opposition était debout.

M. LESAGE: Mais ils sont sortis.

M. BERTRAND: Alors, le député de Saint-Laurent.

M. LESAGE: Alors, je... M. le Président, je suis certain que si vous invitez...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE: Je suis certain, M. le Président, que si vous invitez à se retirer de la Chambre pour quelques minutes ceux qui n'étaient pas présents lorsque vous vous êtes levé pour demander le vote ils vont le faire avec bonne grâce, des deux côtés de la Chambre.

M. BERTRAND: Je l'ai vu entrer, moi. M. LESAGE: Non, mais ils sont sortis...

M. BERTRAND: Non, mais Saint-Laurent...

M. LESAGE: Non, mais il y en a trois de sortis, là. D'ailleurs, le député de Saint-Laurent... Non, mais j'en ai vu...

UNE VOIX: D'Arcy McGee n'était pas là...

M. LESAGE: Le député de D'Arcy McGee était là, il était ici, définitivement, je l'ai vu. Mais il y en a, par exemple, qui sont entrés et il y en a quatre, de l'autre côté, qui étaient absents alors que les libéraux sortent à la demande du président. Je vois quatre députés, celui de Rouyn-Noranda, de Chicoutimi, de Granby, c'est Shefford, et de Beauce...

UNE VOIX: Il n'est pas sorti. Regardez de l'autre côté, il n'est pas sorti, là, il vient de rentrer...

M. JOHNSON: Enfantillages.

M. PEARSON: M. le Président, quand j'ai entendu la demande du vote, j'étais ici.

M. LAPORTE: On peut suggérer que ceux qui sont assis ou ceux qui sont là entrent tout simplement.

M. BERTRAND: Que tout le monde entre?

M. LAPORTE: Que tout le monde entre pour le vote.

M. BERTRAND: Correct.

M. PEARSON: N'étant pas au courant, j'ai simplement entrouvert la porte pour demander à ceux qui étaient à l'intérieur d'entrer. Je ne suis pas sorti.

M. BELLEMARE: Que ceux qui n'étaient pas là veuillent sortir.

M. BERTRAND: Le problème a été soulevé par le chef de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: Ceux qui sont en faveur. Ceux qui sont contre. Les votes négatifs l'emportent.

M. BERTRAND: Trois, M. le Président. Adopté?

M. LE PRESIDENT: Adopté. M. BERTRAND: Article 4, adopté? M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté. M. BERTRAND: Article 5, adopté? M. LE PRESIDENT: Adopté? Adopté.

M. ROY: 46% du vote.

M. LEBEL (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté avec un amendement le bill numéro 50.

M. PAUL (président): L'honorable ministre de la Justice propose que l'amendement au bill 50 soit adopté. Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. JOHNSON: Adopté. M. BERTRAND: Troisième lecture.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la troisième lecutre du bill 50: Loi pour assurer le maintien de la sécurité publique pendant l'Expo 67. Cette motion est-elle adoptée? L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, il faut évidemment le consentement unanime. J'aurais eu un amendement à présenter en troisième lecture pour que le bill soit retourné au comité plénier avec instruction de biffer...

M. BERTRAND: Le même amendement.

M. LESAGE: ... les cinq dernières lignes de l'article 2 qui ont fait l'objet d'un amendement en comité. Mais, d'un autre côté, pour agir avec célérité, comme j'ai dit que nous le ferions ce matin, je suis disposé à ne pas présenter cet amendement. Maintenant que nous avons un journal des Débats, évidemment, les objections sont entrées. Je demanderais purement et simplement qu'on enregistre que le vote est sur division à cause de ce que je viens de dire.

M. BERTRAND: Sur la troisième lecture? M. LESAGE: Sur la troisième lecture. M. BERTRAND: Très bien.

M. LESAGE: ... à cause de ce que je viens de dire et c'est la condition de mon consentement à ce que la troisième lecture ait lieu maintenant.

M. BERTRAND: Très bien, adopté.

M. LE PRESIDENT: Sur division, la troisiè-

me lecture du bill est-elle adoptée? Adopté. Reprise du débat sur la motion de M. Dozois proposant que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides. L'honorable Premier ministre.

Comité des subsides

M. JOHNSON: M. le Président, nous sommes en motion pour aller en subsides depuis le 18 avril. A cette date-là, selon le règlement, le ministre des Finances a proposé que vous quittiez le fauteuil et que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides. Nous avions préparé des renseignements, nous avions retenu plusieurs fonctionnaires et nous avions tout lieu de croire que nous pourrions, dès le 18 avril, continuer et terminer l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce. Un député de cette Chambre, selon: le droit incontestable que lui confère le règlement, a fait un discours avec l'intention d'apporter un amendement ou non, avec l'intention peut-être seulement de récriminer, de protester, comme c'est toujours son droit.

J'ai eu l'occasion de dire, quant à moi, ce que je pensais de l'attitude du député de Verdun et je n'y reviendrai pas aujourd'hui. J'ai tout simplement l'intention de terminer mon intervention qui a débuté le soir du 18 avril en faisant un appel à tous les députés de cette Chambre et à la population en général. La justice n'est pas un domaine comme les autres. Un ministre de l'Industrie et du Commerce peut, par exemple, prendre une décision discutable et il doit en rendre compte devant la Chambre. Le ministre des Richesses naturelles peut dire oui ou non, en vertu des dispositions de la loi de son ministère, à telle ou telle demande d'exploration et il peut fixer des prix, des rentes et, encore là, il doit, vis-à-vis des députés de cette Chambre, rendre compte de ses décisions. Le ministre des Affaires municipales distribue des subventions, établit des barèmes pour la distribution de ces subventions et il doit, lorsque les députés de l'Opposition le demandent en Chambre ou même un député au pouvoir, justifier sa conduite devant la Chambre et devant la population. C'est l'essence même de notre système, le contrôle des crédits par les membres élus par le peuple.

Mais la justice n'est pas du même domaine. Est-il nécessaire de vous rappeler que, dans plusieurs pays, la justice est entièrement dépolitisée? C'est-à-dire qu'elle n'est pas du tout considérée au même niveau que les autres ministères ou les autres services du gouvernement. Alors que les ministres doivent prendre sur leurs épaules toute la responsabilité des décisions prises dans leur service, il arrive que, dans d'autres pays, dans ces mêmes pays où on impose cette obligation à tous les autres ministres quand arrive la justice, le ministre n'a pas à répondre de telle ou telle mise en accusation, puisqu'il existe une fonction qui est celle du « general prosecutor ».

Je n'ai peut-être pas l'expression exacte à la mémoire. En somme, un homme qui ne dépend aucunement du parlement, ni directement ni indirectement, et qui a toute liberté non seulement de choisir les avocats de la couronne, mais également de décider si oui ou non telle ou telle cause doit être instituée devant l'une ou l'autre des juridictions.

En somme, la justice n'est pas un ministère comme les autres et on aurait grandement tort de vouloir, à l'aide d'insinuations et même d'affirmations dans certains cas, créer l'impression qu'un ministre est de connivence avec des criminels, parce que, passant devant une cellule, se faisant interpeller, il donne la. main, alors qu'il a posé le même geste vis-à-vis d'autres détenus. Mais, M. le Président, d'avoir mentionné ça dans le public, le public étant ce qu'il est, étant renseigné superficiellement, étant quelquefois distrait, il arrive ce qui est arrivé à Québec où, à l'occasion d'une émission qui permet à la population d'appeler, une dame a posé à l'annonceur d'un poste bien connu la question suivante: « Est-ce vrai que le ministre de la Justice a donné la main à un repris de justice »? L'annonceur a dit: « Oui » et la dame s'est lancée dans une grande diatribe: « Mais est-ce terrible d'avoir un ministre de la Justice qui donne la main à un homme accusé, traduit devant les tribunaux ! ».

M. BERTRAND: C'est que le christianisme...

M. JOHNSON: M. le Président, un homme qui a été ministre de la Justice et qui a peut-être souffert à la suite de certaines interpellations, de certaines questions qui lui ont été posées, qui a peut-être cru qu'il était persécuté, qu'on voulait lui imputer beaucoup trop de responsabilités pour ce qu'il pouvait en prendre, cet homme peut-être croit de bonne guerre aujourd'hui de se se venger, de laisser planer des soupçons en utilisant sa plume, sa voix et son beau physique dans un journal, à la radio ou à la télévision. M. le Président, je n'hésite pas à admettre que le député de Verdun est extrêmement populaire auprès de l'élément féminin. Il détrônerait certainement d'autres personnes dans un concours du genre de ceux qu'on a déjà organisés. Il fait l'envie...

M. LESAGE: Actuellement, il faudrait adresser ça au député de Montcalm.

M. BERTRAND: Il est arrivé deuxième!

M. JOHNSON: ... de certains députés de cette Chambre. Je sais que le député de Verdun a encore un auditoire extrêmement large, sympathique, qui a vu en lui le chevalier sans peur et sans reproche qui...

M. LESAGE: Avec raison.

M. JOHNSON: ... se l'imagine facilement, comme ce cavalier de certains commerciaux, tout de blanc revêtu, terrasser l'ennemi qui est la pègre. Il y a des gens qui ont besoin d'avoir une idole, des gens...

M. LESAGE: Le député de Bagot devait être pas mal au collège sur les trétaux!

M. JOHNSON: Pardon?

M. LESAGE : Le député de Bagot devait être pas mal au collège sur les trétaux!

M. JOHNSON: M. le Président, il est vrai que la population a besoin d'idoles.

Il y a ElliotNess, qui s'est fait une grande réputation, Simon Templar, le Saint, Robin Hood, Robin des Bois, Bayard, Don Quichotte...

M. HOUDE: Batman Grenier.

M. JOHNSON: ... aussi Batman, évidemment.Il y a Zorro, M. le Président, il y a Zorro avec son fleuret, qui, avec un Z bien marqué laisse sa trace chaque fois, mais il y va avec délicatesse, lui...

M. LAPORTE: Mais vous regardez la télévision, ce n'est pas croyable.

M. JOHNSON: ... il ne tue pas...

M. PINARD:Il n'a pas le temps de travailler non plus.

M. LESAGE: C'est pour ça qu'il ne fait rien. Là, on revient à mon explication...

M. JOHNSON: J'ai parlé de choses du passé, c'est dans le temps où j'étais dans l'Opposition.

M. LESAGE:Il passe son temps assis devant l'appareil de télévision.

M. JOHNSON: Dans le temps où j'étais dans l'Opposition. M. le Président, on a remarqué que chacun de ces héros-là, sauf Elliot Ness, ont des manières, ne tuent pas tout le temps, n'assomment pas tout le temps. Zorro se contente de laisser rien que son sigle...

M. LESAGE: Ce ne sont pas des attaques personnelles, pas du tout, ah non!

M. JOHNSON: Non, ce n'est rien de personnel, je parle de style...

M. LESAGE: Ah non!

M. JOHNSON: ... je parle de méthode et je parle d'effets...

M. PINARD: Vous n'avez pas le sens de l'humour.

M. JOHNSON:Il me semble que vous en perdez. M. le Président, le député de Verdun a fait son possible, je pense bien, quand il était ministre de la Justice. A l'impossible nul n'est tenu, cependant. Il ne faut pas en demander plus que n'en demande le client et on ne peut pas en demander plus que ne peut en fournir non plus le sujet. Il a fait son grand possible, je ne mets aucunement en doute ses bonnes intentions. Tout le monde est pour la vertu, tout le monde est pour l'ordre, tout le monde est contre la pègre, tout le monde est contre le crime.Il s'agit de savoir si un gouvernement prend, oui ou non, des moyens efficaces pour combattre le crime, c'est là le problème.

M. KIERANS: C'est vrai.

M. JOHNSON: De ça on a le droit de discuter et sur ça on a le droit de poser des questions.Il y aura les crédits du ministère de la justice: on pourra à ce moment-là discuter de l'opportunité de changer la loi de police. Sait-on, M. le Président, que c'est le directeur général de la police qui a juridiction complète avec la plus entière autonomie? Est-ce qu'on va blâmer le ministre, est-ce qu'on va même blâmer le chef de la police provinciale, le directeur général, le ministre et des hauts officiers parce que le crime a augmenté de 75% alors que notre « Elliot Ness » était ministre de la Justice? M. le Président, avons-nous déjà fait un reproche au gouvernement précédent, pendant la campagne électorale ou dans cette Chambre, parce qu'il y avait une augmentation du crime? Avons-nous essayé de salir un ministre ou un gouvernement?

M. LESAGE: Rivard.

M. GABIAS: Cela, c'était évident.

M. JOHNSON: M. le Président, tout le public se demandait comment M. Rivard avait pu...

M. LESAGE: Tiens.Il commence.

M. JOHNSON: ... par une température de 42 degrés...

M. LESAGE: C'est ça.

M. JOHNSON: ... obtenir d'aller arroser la patinoire. M. le Président, tout le monde se demandait comment il se faisait qu'il avait été recueilli par quelqu'un...

M. LESAGE: Le Premier ministre ferait peut-être mieux de s'informer à son ministre de la Justice pour savoir ce qu'il y a dans le dossier de Rivard.

M. LOUBIER: Mon Dieu Seigneur!

M. JOHNSON: M. le Président, je rappelle les circonstances dans lesquelles...

M. LESAGE: Bien, je pense que le Premier ministre aurait intérêt...

M. JOHNSON: ... cette Chambre a été saisie du problème de l'évasion de Rivard. Et à ce moment-là le public avec raison se demandait qui a donné la permission à un homme d'aller arroser une patinoire quand la température était aussi élevée et presque aussi élevée que certains jours à Miami et que ça ne gelait pas de toute façon à 42 degrés Farenheit.

M. LESAGE: Très bien, mais ne vous vantez pas après ça que jamais vous n'avez touché à l'ancien ministre de la Justice.

M. JOHNSON: M. le Président, à ce moment-là nous sommes revenus à la charge je ne sais combien de fois...

M. LESAGE: C'est ça.

M. JOHNSON: ... pour demander au ministre de la Justice du temps: Mais qui a donné la permission et qu'est-ce que vous faites de ceux qui ont donné la permission?

M. LESAGE: C'est dans le dossier.

M. JOHNSON: M. le Président, ce sont les seules questions que nous posions à ce moment-là.

M. ALLARD: Pourquoi n'y répondait-il pas dans ce temps-là?

M. JOHNSON: Nous n'avons jamais insinué qu'il était de connivence...

M. LESAGE: Non?

M. JOHNSON: Jamais je n'ai insinué qu'il était de connivence. J'ai même pendant toute la campagne électorale dit sur les trétaux et à la télévision, que le ministre de la Justice voulait sans doute nettoyer, voulait sans doute apporter des réformes, mais il semble que son bras était retenu...

M. LESAGE: Oui, c'est bien mieux ça!

M. JOHNSON: ... alors ce n'était pas accuser le ministre de la Justice de ne pas faire son devoir...

M. LESAGE: Bien voyons, si son bras était retenu.

M. JOHNSON: Son bras retenu, M. le Président, cela veut dire quoi? Cela veut dire que le ministre de la Justice, pour des motifs, et à cause de pressions que j'ignore, n'a jamais pu de son siège...

M. LESAGE: Quant on les ignore on ne dit pas un mot.

M. JOHNSON: ... nous dire qui avait autorisé Rivard à arroser et qu'est-ce qui était arrivé à la chafne de ceux qui avaient donné les autorisations dans cette affaire.

M. LESAGE: C'est au dossier.

M. JOHNSON: On n'a jamais expliqué non plus...

M. LESAGE: C'est au dossier.

M. JOHNSON: On n'a jamais expliqué à cette Chambre...

M. LESAGE: Expliquez-le vous, vous avez le dossier.

M. JOHNSON: ... comment il se fait que ce-

lui qui l'a pris, l'a transporté, celui dans la voiture duquel, comme par hasard, Rivard est tombé au coin d'une rue, a pris une heure avant de le dénoncer, M. le Président.

M. LESAGE: C'est au dossier.

M. JOHNSON: On n'a jamais eu de réponse à cette question-là. Comme on n'a jamais eu de réponse...

M. LESAGE: Ce n'est pas fini.

M. JOHNSON: ... à d'autres questions que nous avons posées sur les faillites frauduleuses et sur le manque de poursuites dans certains cas...

M. LESAGE: Je vais vous en poser là-dessus.

M. JOHNSON: ... et sur le problème par exemple des frères Selfkin dans une histoire de Montréal-Nord. C'est moi-même qui ai demandé l'enquête et jamais nous n'avons eu de réponse...

M. LESAGE: Cela s'en vient.

M. JOHNSON: ... dans cette Chambre, pendant trois ans, sous trois procureurs généraux différents, cela commence à être grave, M. le Président. Il n'a pas été question jamais dans cette Chambre par aucun député de l'Opposition de 1960 à 1965 de mettre en doute l'intégrité personnelle d'un ministre de la Justice que ce fut le député de St-Maurice, le député de Outremont ou le député de Verdun. L'intégrité du député de St-Maurice a été mise en doute non pas comme ministre de la Justice mais dans d'autres circonstances qu'il n'est pas agréable de rappeler et qu'il est inutile de rappeler.

M. LESAGE: Bon bien alors n'en parlez pas.

M. JOHNSON: J'ai simplement dit: comme ministre de la Justice, et j'ai entendu murmurer et j'ai vu sursauter et sautiller encore certain membre de l'opposition, certain au singulier.

M. LESAGE: Bien, il y a de quoi.

M. JOHNSON: C'est toujours le même.

M. BELLEMARE: Vingt-deux interruptions.

M. JOHNSON: Donc, M. le Président, je vou- lais dire que le ministère de la Justice n'est pas un ministère comme les autres, qu'on ne peut pas faire porter sur les épaules d'un homme quel qu'il soit, la responsabilité de tous les péchés du monde et de tous les crimes qui malheureusement continuent et continueront de se commettre dans cette province comme dans les autres pays. Tout ce qu'on peut demander à un ministre de la Justice c'est qu'il mette toutes ses forces à l'appui de son travail. Je sais que le ministre de la Justice doit partager son temps entre deux ministères, mais il est particulièrement qualifié pour s'occuper de la justice et il est entouré de tous ces mêmes officiers qui ont été choisis du temps de l'administration antérieure et au sujet desquels nous n'avons aucune raison de nous poser des questions quant à leur compétence et quant à leur dévouement et à leur travail.

M. le Président, jusqu'à preuve du contraire, le ministre de la Justice et celui qui vous parle font confiance à ces hommes et je pense bien qu'il serait injuste, qu'il est même très injuste d'entendre certains propos de l'ancien ministre de la Justice. Ses propos sont injustes envers des hommes qui se sont donné à leur carrière de haut fonctionnaire et qui — j'ai tout lieu de croire — font l'impossible pour s'acquitter de leur devoir.

On disait dans une revue récemment: Dans les corridors du parlement, chacun a cherché d'expliquer à sa façon le comportement de M. Wagner. Certains prétendent qu'il recherche la publicité, d'autres, qu'il n'a pas encore digéré sa défaite. M. le Président, c'est un journaliste censé sérieux qui écrit de tels propos.

Quant à moi, je dis que l'ancien ministre de la Justice est sur une très mauvaise voie quand il tente d'exploiter ses connaissances dans ce domaine, connaissances qu'il a acquises en servant sa province comme ministre de la Justice, connaissances qu'il a acquises comme avocat de la couronne, comme juge, connaissances des faits qu'il a acquise en ayant accès à des dossiers. L'ancien ministre de la Justice est sur une fausse piste s'il croit que c'est une façon pour lui de se grandir et de s'accorder ou de maintenir une popularité. Ce n'est pas en faisant passer tout le reste du troupeau pour des galeux qu'on va prouver qu'on n'est pas galeux: ce n'est pas en faisant planer le doute sur l'intégrité de tous les autres députés, de tous les autres ministres et du gouvernement qu'on va prouver à la population qu'on est réellement sain. A vouloir faire l'ange, on risque de faire la bête, disait Pascal, et c'est un conseil que je donne au jeune député de Verdun. Ce n'est pas une façon constructive. A court terme, ça

peut être ou paraître rentable, mais à long terme, ce n'est certainement pas, M. le Président, une façon d'aider la cause de la justice avec un grand J. J'ai été témoin moi-même de l'attitude qu'a prise le ministre actuelle de la Justice lorsque, pour des motifs, que je ne veux pas discuter, qui sont justes ou injustes, probablement injustes, on a créé des problèmes à l'ancien ministre de la Justice. J'ai été témoin moi-même de la sollicitude avec laquelle le ministre de la Justice a offert les services des avocats de son choix au député de Verdun.

M. le Président, j'étais au courant de la démarche que devait faire le ministre de la Justice et c'est avec plaisir que j'ai concouru à ses vues. Le poste de ministre de la Justice est tellement difficile à remplir qu'un homme, qui doit être assailli de problèmes à la suite de son stage comme ministre, mérite bien que l'Etat qu'il a voulu servir se porte à se défense ou défraie les défenseurs des procureurs qu'il a décidé de choisir.

C'est ainsi, c'est la mentalité du ministre actuel de la Justice. C'est son tempéramment, c'est son coeur qui le fait agir ainsi et c'est son bon sens naturel, son sens du devoir et de l'honneur. Je vous assure que les propos qui ont tendance à vouloir, d'une façon détournée, jeter du doute sur l'intégrité du député de Missiquoi, sont des propos qui ne seront jamais bien acceptés non seulement par le chef du parti, mais par aucun des députés de l'Union Nationale, aucun de ceux qui siègent à votre droite, M. le Président. Nous avons tous pour le ministre de la Justice une très grande estime et nous n'endurerons pas que l'on utilise de pareilles tactiques contre lui. Disons que, pour ma part, je regrette que cet incident soit survenu et j'espère que nous aborderons ce problème de la justice avec sérénité et en respectant les droits individuels. La meilleure façon de respecter les droits individuels, de prouver qu'on a foi aux droits de l'homme, c'est évidemment de le pratiquer et de le pratiquer ici en Chambre, ce que ne semble pas avoir fait le député de Verdun.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, le Premier ministre, cet après-midi, a commencé ses remarques en faisant un parallèle entre ce qui se passe dans d'autres pays en ce qui concerne l'administration de la justice et notre système d'administration de la justice.

Evidemment, ce qui se passe dans d'autres pays, les méthodes différentes qui sont adoptées le sont en vertu de la constitution de ces pays. Tant et aussi longtemps que nous aurons la constitution interne du Québec que nous avons, le ministre de la Justice est et demeure responsable à la Chambre et aux citoyens du Québec de ses actes comme ministre de la Justice et de ceux de ses fonctionnaires.

Tout est relatif en ce monde. Les origines immédiates du grief soulevé par le député de Verdun remontent aux 13 et 14 avril maintenant, le temps passe vite. En effet, j'ai posé une question précise au ministre de la Justice, vendredi matin, le 14 avril dernier et je réfère la Chambre au journal des Débats à la page 2183. J'avais posé la question suivante: « M. le Président, étant donné tout ce qui se dit et s'écrit, particulièrement au sujet de certaines faillites frauduleuses — je n'en sais pas le nombre, est-ce 12, 14 ou 18, je ne sais trop — faillites survenues à Montréal et qui auraient fait l'objet d'une enquête par la sûreté de Montréal, le ministre de la Justice ne croit-il pas qu'il serait avantageux pour tous qu'il fasse une mise au point sur le sujet? »

Le ministre, à ce moment-là, n'a pas répondu directement à ma question. Il a préféré se lancer dans une diatribe assez violente contre le député de Verdun. J'ai dû poser ma question à nouveau.

M. BERTRAND: Je soulève une question de privilège. A ce moment-là, immédiatement avant la séance — le chef de l'Opposition s'en rappellera — il est venu me dire qu'il avait une question à me poser.

M. LESAGE: Oui.

M. BERTRAND: Il m'a dit l'objet de sa question ou le sujet.

M. LESAGE: Je viens de la lire.

M. BERTRAND: Je lui ai dit: Très bien, j'ai une déclaration à faire. Et lorsqu'il dit que je me suis lancé dans une diatribe contre le député de Verdun, j'ai tout simplement répondu à des propos qu'avait tenus le député de Verdun.

M. LESAGE: Je qualifie ça de diatribe. Le ministre de la Justice n'est pas obligé de partager mon opinion, je ne l'y force pas. Je ne suis pas le chef de la sûreté qui force un policier à rester en fonction, même s'il veut démissionner.

M. BELLEMARE: Aucun débat antérieur.

M. LESAGE: Je ne force pas le ministre de la Justice à partager mon opinion. Je qualifie son intervention à ce moment-là de diatribe.

Evidemment, ça peut fort bien ne pas être son opinion. Tout ce que je dis, c'est qu'il n'a pas répondu à ma question mais qu'il a fait sa déclaration — et il m'avait dit qu'il avait l'intention de faire une déclaration ministérielle — mais je suis revenu à la charge. Je ne reproche rien à personne. Je relate les faits. Je suis revenu à la charge et je réfère la Chambre à la page 2184 et là j'ai demandé: « Est-ce que le ministre de la Justice pourrait éclairer la Chambre sur deux points bien spécifiques: Premièrement, les déclarations attribuées au chef de la Sûreté municipale de Montréal, M. Gilbert, quant à un certain nombre de dossiers de faillite alléguées comme frauduleuses et, deuxièmement, les paroles attribuées par les journaux au registraire du Canada, M. Turner, à l'effet que dans ces cas que je viens de mentionner, qui auraient été aussi mentionnés par le chef Gilbert, M. Turner ou son ministère du registraire du Canada s'apprêterait à procéder en justice alors qu'il me semble que la responsabilité en ce qui concerne les poursuites criminelles ...»

Comme l'a dit tout à l'heure le ministre de la Justice, appartiennent au ministère de la Justice du Québec et, là, le ministre de la Justice n'a pas répondu à ma question. Il a tergiversé et j'ai dû revenir à la charge de nouveau. Et c'est là que le ministre de la Justice m'a enfin répondu, à la page 2185: « Si le chef de l'Opposition me le permet, j'ai justement demandé à celui qui est le sous-ministre associé, en charge de toutes les matières criminelles à Québec de voir à clarifier cette situation, et non pas, même si j'ai dit qu'on attendrait, on n'attend pas pour les poursuites dont nous avons les dossiers.

Dans ce sens-là, j'ai demandé au sous-ministre associé de communiquer avec le directeur Gilbert sans délai pour obtenir toutes les informations et déceler quelles peuvent être les raisons de ce retard. Plus tard, le même matin, vendredi matin, après que le ministre de la Justice se fut absenté de la Chambre pour aller téléphoner, il a complété sa déclaration et il a dit, je cite la page 2190 du journal des Débats: « J'ai communiqué avec le directeur Gilbert, ce matin. Je viens de le faire et il était en conférence avec le procureur adjoint de la couronne, Me Réal Brunet, justement sur tous les aspects de ce problème. » Et j'ai alors déclaré, clairement, après que j'eus attiré l'attention du ministre de la Justice et, à ce moment-là, seulement, avait-il communiqué avec Montréal pour savoir ce qui se passait. Il est clair que le ministre de la Justice, débordé comme il l'est, le Premier ministre l'a dit, lui-même l'a dit, je suis d'accord, le ministre de la Justice, qui est en même temps ministre de l'Education, est débordé. C'est bien humain. Et il a agi lorsqu'il a été poussé dans le dos.Il a la charge de deux des plus importants, sinon les plus importants ministères du gouvernement. Et je reconnais en lui un homme intelligent et extrême ment travailleur. Je lui en fais le compliment et, d'ailleurs, il sait que c'est sincère.

Mais il ne peut pas donner toute sa mesure ni à l'un ni à l'autre ministère. C'est physiquement impossible. C'est intellectuellement impossible.

M. BERTRAND: Voici. Je ne voudrais pas interrompre le chef de l'Opposition. Je n'ai pas l'intention de poser au martyr. Pas du tout. J'ai déclaré déjà, et à l'époque, le Premier ministre a eu le même problème en 1960, mais je consacre au moins 18 heures pas jour à l'exercice de mes fonctions...

M. LESAGE: Oui, je viens de le dire.

M. BERTRAND: Et j'ai conscience d'avoir consacré au ministère de la Justice autant de temps que l'ancien ministre de la Justice et de consacrer au ministère de l'Education...

M. LESAGE: Non, ce n'est pas possible.

M. BERTRAND: ... avec l'appui des deux ministres d'Etat qui travaillent avec moi, autant de temps que l'autre ministre de l'Education.

M. LESAGE: Vos ministres d'Etat, ils ne font rien. Non, non. D'ailleurs, le député de Montcalm s'en plaint lui-même qu'on ne lui laisse aucune responsabilité, qu'on le considère trop jeune. M. le Président, pour faire plaisir au ministre de la Justice, je vais citer ce qu'il a dit, le mardi, 18 avril, justement sur le sujet qu'il vient de soulever.Il a dit ceci, à la page 2232: « En toute humilité, j'ai l'impression d'avoir accompli mon devoir tant au ministère de la Justice qu'au ministère de l'Education. » Je l'avais souligné.

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. LESAGE: « Que cela, à certains moments, M. le Président, et je ne voudrais pas m'allonger dans ce domaine, prolonger le débat, ait imposé un fardeau excessivement lourd, j'en conviens ».

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. LESAGE: ... « mais qu'on parte de là pour dire que je n'ai pas rempli mes fonctions en toute conscience et en toute honnêteté, c'est faux. » Je suis d'accord. Je le sais que le ministre de la Justice, qui est en même temps ministre de l'Education fait tout ce qu'il peut. Mais tout ce qu'un homme peut pour ces deux ministères, ce n'est pas assez. Et il l'a admis lui-même...

M. BERTRAND: Vous en aviez trois, vous!

M. LESAGE:Il l'a admis. Je n'avais pas, outre la fonction de président du conseil, et de Premier ministre qui, elle, est extrêmement importante et prend tout le temps d'un homme.

Il y avait le ministère des Affaires fédérales-provinciales qui est devenu le ministère des Affaires intergouvernementales.

M. BERTRAND: Et des Finances.

M. LESAGE: ... qui, dans les circonstances actuelles — et j'en prends à témoin le Premier ministre — doit être rempli par le Premier ministre. J'avais le ministère des Finances comme le Premier ministre actuel a le ministère des Richesses naturelles. Mais n'oublions pas que le fait d'être ministre des Finances m'aidait énormément dans mon travail comme Premier ministre, parce que je savais ce qui se passait dans tous les ministères.

M. BERTRAND: Ah! c'est encore pire.

M. LESAGE : Bien oui, mais cela marchait. Cela fonctionnait ensemble, ça se complétait, M. le Président. Tandis que le ministère de l'Education et le ministère de la Justice sont deux des ministères les plus importants et ils ne se compénètrent pas.

Les attributions, les fonctions à exercer ne se compénètrent pas, contrairement à ce qui existait entre la fonction de président du conseil, de ministre des Affaires fédérales-provinciales et de ministre des Finances. Et, d'ailleurs, je prends à témoin...

M. BERTRAND: C'est-à-dire que vous, ça vous permettait de pénétrer partout.

M. LESAGE: Oui, ça me permettait d'avoir les yeux partout, je l'admets, et c'était bien commode. Et il vaut mieux avoir les yeux partout que de ne pas avoir le temps de les avoir partout, comme l'a admis d'ailleurs le ministre de l'Education.

M. BERTRAND: Non, non.

M. LESAGE: Oui, ah oui. Il a dit: Quel que soit le ministre, comment voulez-vous qu'il ait le don d'ubiquité pour savoir tout ce qui se passe aux quatre coins de la province de Québec? Et ça, c'est à la page 2236...

M. BERTRAND: Et pas plus l'ancien ministre que l'actuel ministre.

M. LESAGE: Son interruption est arrivée juste au moment où j'allais lui citer ce qu'il avait dit lui-même le mardi 18 avril.

M. BERTRAND: Vous l'avez déjà entendu, mon discours, et moi aussi.

M. LESAGE: Il ne peut pas...

M. BERTRAND: Trouvez au moins autre chose à dire.

M. LESAGE: ... le ministre de la Justice, il ne peut pas en même temps faire les deux, c'est impossible. C'est physiquement et intellectuellement impossible de se donner totalement à la direction de chacun de ces deux ministères. Ce n'est pas sa faute, ce n'est pas sa faute, il ne pouvait pas refuser, lui, le député de Missisquoi, le double fardeau que lui a imposé le premier ministre. Aussi je dis que c'est lui, le premier ministre, qui doit porter les conséquences...

M. BERTRAND: C'est la province qui me l'a imposé.

M. LESAGE: ... du double mandat qu'il a imposé au député de Missisquoi et c'est mardi soir, le 18 avril, que le premier ministre déclarait, entre autres, et je cite la page 2239 des Débats: « C'est dur d'avoir deux ministères, mais pour amorcer le travail d'organisation, de réorganisation dans certains secteurs, pour continuer le travail déjà commencé dans d'autres secteurs, je n'en connaissais pas de meilleur pour le moment que le ministre, le député de Missisquoi, même si je devais lui demander de prendre ces deux fonctions pour un temps limité.

J'ai été premier ministre, j'ai acquis une certaine expérience sur la responsabilité qu'entraîne la direction des divers ministères. Or, je continue de soutenir qu'à l'heure actuelle, les deux ministères qui exigent le plus de travail de leurs titulaires, et ce sont ceux également qui exigent l'attention la plus constante, ce sont l'Education et la Justice. Le ministère de l'Education a un budget d'au-delà de $1 milliard brut cette année. Nous sommes en pleine poussée de l'éducation, en pleine poussée, pous-

sée spectaculaire. Il y a des problèmes à tous les niveaux de l'éducation, qu'il s'agisse de l'élémentaire, du secondaire, du collégial et de l'universitaire. Il y a les problèmes des enseignants, il y a les problèmes des commissions scolaires. Les problèmes pullulent et ils sont tous plus aigus les uns que les autres. A la justice, eh bien, on sait qu'il fallait ou qu'il aurait fallu qu'un ministre chargé uniquement de l'administration de la justice donne toute son attention à tous les problèmes qui se posent constamment: problèmes de juridictions, problèmes constitutionnels, le ministre de la Justice doit donner son avis.

M. BERTRAND: On s'en occupe.

M. LESAGE: ... problèmes de la sûreté, problèmes du maintien de la paix, problèmes de la prévention des crimes, surtout au moment de l'Expo, problèmes de la circulation il les a invoqués tout à l'heure, et combien d'autres problèmes, tous plus difficiles les uns que les autres et qui demandent la direction personnelle constante du ministre.

M. BERTRAND: Mais le chef de l'Opposition me permettra ceci — le premier ministre l'a noté tantôt. Il y a dans tout ministère des officiers...

M. LESAGE: J'y arrive.

M. BERTRAND: ... il y a deuxièmement un directeur de la Sûreté, il ne faut pas l'oublier.

M. LESAGE: Très bien. M. le Président, à ce compte-là, il pourrait n'y avoir que le Premier ministre et des sous-ministres à tous les ministères, ce serait aussi simple que ça, il n'aurait pas besoin de ministres.

M. BERTRAND: Non, et le ministre prend les décisions qui s'imposent...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: ...et il les a prises en temps et lieu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Qu'il me soit permis de rappeler aux honorables députés les dispositions de notre article 286 qui prévoit le mode d'intervention qu'on peut faire lorsqu'un collègue a reçu le droit de parole de la part du président.

M. LESAGE: Alors, M. le Président, avec ce que vient de dire le ministre de la Justice il est clair qu'il suffirait d'un Premier ministre et des sous-ministres pour chacun des ministères.

M. JOHNSON: C'est ce qui se passait avant le 5 juin.

M. LESAGE: Mais je dis que chaque ministère doit avoir...

M. JOHNSON: Avant le 5 juin, c'était ça.

M. LESAGE: ... en vertu de notre système, un titulaire qui donne tout son temps à son ministère, surtout étant donné les complexités actuelles de l'administration d'une province qui a un budget de $2 milliards 500 millions. Je sais que le député de Vaudreuil-Soulanges a travaillé pendant les six ans que nous avons été au pouvoir comme ministre de la Jeunesse et puis comme ministre de l'Education sans relâche, sans jamais ralentir. Il a donné la direction à son ministère, il a réellement dirigé son ministère. Il était entouré de hauts fonctionnaires qui avaient toutes les capacités nécessaires pour l'aider, pour le conseiller, pour lui fournir la documentation mais c'est lui qui prenait les décisions et, lorsqu'il y avait lieu, il faisait des recommandations au conseil des ministres qui prenait les décisions.

Pour ce qui est du ministre de la Justice, le député de Verdun a donné tout son temps.

M. JOHNSON: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question?

M. LESAGE: Oui.

M. JOHNSON: Je ne comprends pas. Pourquoi a-t-il déclaré au lendemain d'élections que c'était le ministre de l'Education qui l'avait fait battre?

M. LESAGE : M. le Président, ce que le Premier ministre vient de dire sous forme de question est évidemment une fausseté absolue. Je n'ai jamais fait une telle déclaration, jamais je n'ai fait une telle déclaration et je mets au défi le Premier ministre de le prouver, d'ailleurs.

UNE VOIX: Les journalistes encore!

M. LESAGE : Le ministre de l'Education a donné la direction, le député de Vaudreuil-Soulanges a donné une direction à son ministère. Le député de Verdun était ministre de la Justice et il donnait tout son temps, 24 heures par

jour, samedi comme dimanche, à la direction de son ministère et ça prenait tout son temps. Nous n'avons pas de comparaison à faire entre l'intelligence et la capacité de travail des hommes, mais il est certain qu'il y avait deux ministres: un ministre de l'Education et un ministre de la Justice qui donnaient tout leur temps, qu'il s'agissait d'hommes intelligents, d'hommes d'une grande capacité de travail et c'était nécessaire.

Aujourd'hui, à cause du Premier ministre, eh bien! on impose au député de Missisquoi un fardeau qu'il lui est physiquement impossible de remplir à la perfection dans les deux domaines qui sont les plus importants de notre administration.

C'est le Premier ministre lui-même qui, parlant du travail accompli par le ministre de la Justice, l'ancien ministre de la Justice, le député de Verdun, et parlant de lui, en rapport avec la justice, disait qu'il travaillait tellement dans ce domaine^que de la justice il en mangeait.

M. JOHNSON: Moi j'avais dit ça?

M. LESAGE: M. le Président, qu'est-ce que le Premier ministre attend...

M. LOUBIER:Il en mangeait, mais il ne la digérait pas!

M. LESAGE: ... pour avoir deux titulaires: un ministre de la Justice et un ministre de l'Education.

M. JOHNSON: Avez-vous des suggestions? M. LESAGE: Oui, je vais en faire une. M. JOHNSON: D'accord.

M. LESAGE: N'a-t-il personne parmi sa députation...

M. JOHNSON: Oui, j'en ai trop.

M. LESAGE: ... s'il n'a personne parmi sa députation, c'est un joli compliment qu'il fait à sa députation.

M. JOHNSON: J'en ai trop.

M. LESAGE: Ah, et s'il n'en a pas, ce n'est certainement pas parce qu'il en a trop, ça ce n'est pas une excuse.

M. JOHNSON: J'ai de bons hommes.

M. LESAGE: M. le Président, je ne ferai pas de personnalité, c'est la dernière des choses que je voudrais faire, mais s'il en a tellement qui sont compétents parmi la députation, bien qu'il ait le courage de choisir, c'est son premier devoir. Et s'il n'en a pas de compétents pour la justice ou pour l'éducation, bien mon Dieu, il y en a plusieurs qui ne font pas grand-chose ici en Chambre parmi ses députés, qu'il en fasse démissionner un et puis qu'il prenne le risque fatal d'une élection partielle.

M. LOUBIER: Ah, mon Dieu!

M. LESAGE: Il aura peut-être une chance à un moment donné, on ne sait pas, de faire élire un homme qui aurait les qualifications qu'il ne reconnaît pas à ses députés ou même à ses collègues, les ministres, et de tenter de le faire élire pour le nommer ministre de la Justice.

M. JOHNSON: Seriez-vous prêt à me recommander M. Ducros?

M. LESAGE: Pardon? Je n'ai aucune recommandation à faire. Quand fêtais premier ministre, je n'ai accepté de personne les recommandations qui m'étaient faites pour les nominations de ministres: c'était la responsabilité du premier ministre et le Premier ministre doit avoir le courage d'exercer son propre jugement, parce que c'est sa décision à lui: constitutionnellement et en réalité, il le sait, c'est à lui. Qu'il ne cherche pas à se débarrasser de sa responsabilité sur d'autres. C'est sa responsabilité à lui et il n'a pas le droit de laisser l'Education et le ministère de la Justice écraser son ancien adversaire à la convention.

M. BERTRAND: M. le Président, est-ce que le chef de l'Opposition me permet...

M. LESAGE: Bien oui, mais c'est le député de Missisquoi qui s'est plaint qu'il avait trop de travail.

M. BERTRAND: J'ai déjà eu des offres qui m'ont été faites dans le passé d'être nommé juge.

M. JOHNSON: Par les libéraux.

M. LESAGE: Bien oui, puis?

M. BERTRAND: Par le gouvernement...

M. LAPORTE: Vous n'auriez eu que ça à faire, cependant.

M. LESAGE: Bien oui, mais le député de Missisquoi n'aurait pas eu le droit de faire autre chose que de juger, que d'entendre les causes et de juger. Ce que je dis, c'est que le Premier ministre ne prend pas ses responsabilités lorsqu'il écrase d'un fardeau aussi lourd que celui des deux ministères les plus importants du gouvernement un seul homme en qui j'ai confiance, je l'ai dit, je le répète, mais, par exemple, à qui il est physiquement et intellectuellement impossible de donner une attention et une direction totales dans ces deux champs d'activité provinciale.

M. BERTRAND: Rappelez-vous donc David et puis Goliath.

M. LESAGE: M. le Président, je me souviens très bien que j'ai eu l'expérience à un moment donné...

M. JOHNSON: Ils sont trois pour deux ministères.

M. LESAGE: ... j'ai demandé au procureur général du temps, l'ancien député d'Outremont, d'accepter temporairement le ministère des Affaires culturelles, il l'a accepté. Mais à partir du début de l'année 1963, il m'a supplié de le libérer de sa charge de procureur général. Il m'a dit...

M. BERTRAND: Il l'a été pendant trois ans. M. LESAGE: Deux ans, j'ai les dates ici. M. BERTRAND: Peu importe, deux ans.

M. LESAGE: Deux ans. Bien oui, mais je dis qu'au début de 1963 il m'a demandé d'être libéré de la charge de procureur général, parce que, me disait-il, il est impossible...

M. JOHNSON: Cela fait deux ans et demi, ça.

M. LESAGE: ... ça faisait un an que ça durait à ce moment-là, un an et quelques mois, et on se souviendra qu'au début le ministère des Affaires culturelles avait un très petit budget: ce n'était pas un budget d'au-delà $1 milliard, loin de là.

Le ministère des Affaires culturelles était en formation à ce moment-là: c'était le début, le budget était très petit et ne requérait pas une attention aussi constante, mais lorsque le ministère des Affaires culturelles, après la préparation du budget pour l'année financière 1963/64, eut pris de l'expansion et était en voie d'expan- sion, à ce moment-là, le procureur général du temps — et pourtant il s'agissait d'un homme extrêmement intelligent, d'un homme travailleur — m'a demandé d'être libéré, parce que, me disait-il, il était impossible de remplir les deux charges en même temps. Il ne s'agissait pas du ministère de l'Education: il s'agissait seulement du ministère des Affaires culturelles, qui d'ailleurs, a pu être accepté par un autre qui avait un autre ministère...

M. BERTRAND: Il en avait deux.

M. LESAGE: Le ministère des Affaires culturelles est loin de demander le degré d'attention, le temps et les responsabilités de direction du ministère de l'Education. En août 1963, eh bien, le procureur général a été remplacé et M. Lapalme est demeuré ministre des Affaires culturelles. Et, à partir d'août 1963, le procureur général a occupé cette fonction et cette fonction seulement. Ce fut d'abord le député de Shawinigan et ensuite le député de Verdun et cela a pris tout leur temps et, pendant tout ce temps-là, le ministre de l'Education était toujours le député de Vaudreuil-Soulanges qui a donné tout son temps.

Alors, je ne comprends pas le Premier ministre, je regrette qu'il ne soit pas à son siège, mais d'un autre côté, je le lui ai dit tout à l'heure. Il doit prendre les dispositions nécessaires et c'est sa responsabilité constitutionnelle dele faire. Il doit prendre les dispositions nécessaires pour qu'il y ait un titulaire différent à chaque ministère, qui soit en mesure de donner la direction réelle à chacun des ministères. Ce n'est pas la situation actuelle et malgré toute la bonne volonté, malgré le dévouement du député de Missisquoi, eh bien, il ne peut pas, c'est inhumain. Et, si la province peut se considérer heureuse d'avoir parmi ses parlementaires le député de Missisquoi, elle ne peut pas se considérer heureuse de le voir surchargé au point où on abuse de ses capacités physiques et où un premier ministre le charge tellement qu'il lui rend la tâche impossible, cette tâche de diriger efficacement deux ministères importants.

On a parlé de faillites frauduleuses au cours de la discussion qui a suivi le grief invoqué par le député de Verdun . L'enquête Mercier avait été mise sur pied grâce à la participation active et personnelle du ministre du Revenu du temps, du ministre de la Justice du temps, des procureurs spécialistes de la couronne et des comptables du ministère du Revenu. Au cours de l'enquête Mercier, les officiers du ministère de la Justice, avec l'aide de la Sûreté municipale de Montréal et de la Sûreté provinciale,

ont soumis au commissaire Mercier toute la preuve dont ils avaient besoin pour qu'il puisse, lui, M. Mercier, en arriver à ses conclusions et pendant que l'enquête se continuait, les réseaux de faillites frauduleuses ont été démembrés en même temps: c'est ma réponse à la question posée par le Premier ministre tantôt dans un autre débat. Par exemple, le réseau de Julius Erbstein dont une partie des dossiers vient d'être retirée tout récemment des mains de Me Rimaneck qui s'en occupait depuis deux ans. Mes informations, et elles viennent de personnes dignes de confiance, sont à l'effet que, depuis le mois de juin dernier, le sergent Léo Talbot de l'escouade de sécurité sociale de Montréal et Me Rimaneck ont demandé à plusieurs reprises, notamment au mois d'août, au mois de décembre 1966 et au mois de mars 1967 de l'aide au ministère de la Justice, mais en vain. Ce n'est qu'au moment où les révélations publiques ont été faites par le député de Verdun que le ministre actuel de la Justice a demandé à Me Migneault de rencontrer M. Talbot.

Pourquoi tout ce retard de juin 1966 à avril 1967?

M. JOHNSON: Oui.

M. LESAGE: ... Est-ce que l'on attendait que l'Opposition libérale soulève la question en Chambre? Est-ce qu'on attendait les déclarations publiques...

M. JOHNSON: Non.

M. LESAGE: ... du directeur Gilbert? Vous attendiez, vous restiez assis, vous ne bougiez pas comme d'habitude.

M. JOHNSON: On attendait que l'ancien ministre de la Justice amène déjeuner ses protégés à la Couronne puis qu'il les fasse parler.

M. LESAGE: M. le Président, les attaques personnelles du Premier ministre, contre l'ancien ministre de la Justice ne le mèneront à rien.

M. JOHNSON: Non, non, non, non. M. LESAGE: Et il le sait.

M. JOHNSON: Non, ses insistances à amener dîner les avocats de la Couronne...

M. LESAGE: ... M. le Président, je traite de l'administration de la Justice, je n'attaque personne...

M. JOHNSON: ... qu'il a nommés. Non...

M. LESAGE: ... personnellement, pas même le Premierministre...

M. JOHNSON: Ah non.

M. LESAGE: ... je l'ai attaqué tout à l'heure dans l'exécution de ses fonctions de ses responsabilités comme Premier ministre et c'est mon devoir de le faire. Mais je ne l'attaque pas personnellement.

Je ne l'attaque pas personnellement, je n'ai pas l'intention de le faire, pas plus que j'ai attaqué personnellement le ministre de la Justice, mais c'est mon devoir comme chef de l'Opposition, pour le peu de temps que j'y serai, parce que ça ne sera pas long, je vais traverser de l'autre côté, que ... mon devoir, c'est mon devoir...

M. JOHNSON: Je remarque que c'est la seule bonne « gang » qui est en Chambre aujourd'hui.

M. LESAGE: Pardon?

M. JOHNSON: Ce sont les fidèles en Chambre.

M. LESAGE: C'est mon devoir de suivre le Premier ministre de façon à ce que lorsque nous retournerons très bientôt de l'autre côté, toute l'administration de la province n'ait pas été gaspillée par son incompétence administrative et par son bougez pas et son laissez faire. Je parle du gouvernement.

M. BELLEMARE: Cela va prendre bien du temps.

M. LESAGE: Et cela inclut l'administration du ministre du Travail.

M. JOHNSON: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question? Est-ce que c'est un reproche fait au gouvernement d'avoir gardé tous les mêmes fonctionnaires?

M. LESAGE: Je n'ai pas parlé des fonctionnaires. Je n'ai absolument rien à dire contre les fonctionnaires.

M. LOUBIER: Qu'est-ce qu'ils ont fait le 5 juin?

M. LESAGE: ... D'ailleurs, je serais le dernier à faire porter la responsabilité du « bougez

pas » aux fonctionnaires du gouvernement.Les fonctionnaires au ministère de la Justice, ce qui arrive, c'est qu'ils ne reçoivent pas de directions, suffisamment, d'instructions de leur ministre qui n'en a pas le temps parce qu'il a été surchargé par le Premier ministre.

M. BERTRAND: C'est faux.

M. LESAGE: Le responsable, c'est le Premier ministre.

M. JOHNSON: Qu'en savez-vous?

M. LESAGE: Les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice sont des hommes qui remplissent leur devoir...

M. JOHNSON: Se sont-ils plaints au chef de l'Opposition?

M. LESAGE: ... je les connais. Ils ne se sont pas plaints au chef de l'Opposition.

M. DOZOIS: Qu'en savez-vous?

M. LESAGE : Le chef de l'Opposition ne demande rien et n'accepte pas de plaintes...

M. LOUBIER: Comment savez-vous ça, vous?

M. LESAGE: ... de plaintes des hauts fonctionnaires quels qu'ils soient.

M. LOUBIER: Comment savez-vous qu'ils manquent de directives, vous?

M. LESAGE: Par les résultats.Il ne se fait rien!

M. LOUBIER: Ah mon Dieu Seigneur!

M. LESAGE: Lorsque nous étions au pouvoir ça bougeait dans le Québec, c'étaient les mêmes fonctionnaires, mais il y avait des directives...

M. LOUBIER: Ils vous ont battus par exemple. Ils vous ont jugés.

M. LESAGE: ils avaient de la direction des ministres. Ce ne sont pas les fonctionnaires qui ont jugé le gouvernement que je dirigeais...

M- LOUBIER: C'est le peuple.

M. LESAGE: ... non, on pourra en parler de ceux qui ont jugé, c'est 41% de la population qui a été trompée particulièrement par le député de Bellechasse.

M. LOUBIER: Sans augmentation de taxe.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai bien l'intention de terminer avant six heures, mais si on continue de m'interrompre de la sorte, il est certain que j'en aurai pour la soirée.

M.LOUBIER: Vingt-six fois en dix minutes tout à l'heure.

M. LAPORTE: ... Vingt-septième interruption, M. le Président.

M. LESAGE: Non, ça c'est du jeu d'enfant et lorsque ce sont des interruptions qui ont trait exactement à ce que je dis, lorsque tout à l'heure le ministre de la Justice ou le premier ministre m'ont interrompu intelligemment, je ne m'en suis pas plaint, mais c'est différent dans le cas du député de Bellechasse parce que c'est régulièrement inintelligemment.

M. LOUBIER: Je pense que le premier ministre est venu dans Bellechasse à la dernière élection et ils ont jaugé son intelligence, et il a vu la majorité à la dernière élection.

M. LAPORTE: Est-ce qu'on vapermettre de dire n'importe quoi?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER:Il est venu en hélicoptère comme un grand seigneur, un grand prince.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A moins de directives particulières, je suis obligé de reconnaître que l'honorable chef de l'Opposition a actuellement le droit de parole.

M. LESAGE: Je citerai purement et simplement au député de Bellechasse et je lui demanderai de bien vouloir, s'il le veut, réfléchir — non, il n'y a pas moyen — de bien vouloir réfléchir à ces paroles tirées d'un éditorial du Montréal Star daté du 20 avril et intitulé: « Revolting ». « Surely Premier Johnson will wish to apologize to the Legislative Assembly and to Mr. Claude Wagner for the outrageous conduct of some of his supporters during Tuesday's debate on the administration of Justice. Mr. Johnson appears to have listened in silence. Even if he has denied... »

M. JOHNSON: J'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JOHNSON: Tout fier, il se rassoit de cet-

te grande victoire aux dépens des règlements, de votre personne et de la dignité en cette Chambre. Il sait qu'il n'a pas le droit de citer un pareil article. Il réfère à un débat antérieur.

M. HYDE: C'est le même débat. M. LESAGE: C'est le même débat.

M. JOHNSON: C'est un aparté. C'est encore un effort pour soulever cette question de racisme d'une façon indirecte.

M. LESAGE: Je n'ai pas fini.

M. JOHNSON: Si le député de Verdun s'est senti attaqué, comme on dit dans cet éditorial que j'ai lu, grand Dieu qu'il se lève donc et qu'il dise donc qu'il n'a pas honte de ses origines comme chacun de nous se lève et le fait.

M. LESAGE: Voici une des pires récidives dont nous puissions avoir connaissance. Le Premier ministre vient de ravaler cette Chambre au plus bas niveau qu'elle n'a jamais atteint. Alors que je viens de lui lire un article du Montreal Star qualifiant sa propre conduite, à lui, de « revolting », il vient de redescendre, je n'ose pas dire jusque dans quoi. Dans le plus bas de la lie. C'est ce qu'il vient de faire.

M. JOHNSON: Que le chef de l'Opposition se fasse complice...

M. LESAGE:Il vient de prouver une fois de plus que lui, il est un raciste.Il l'a prouvé. Il l'a prouvé alors que le député de Westmount était président de la Chambre, il l'a prouvé le soir des élections, le 5 juin.

M. JOHNSON: Ah bon!

M. LESAGE: Il l'a prouvé ce matin, et il vient de la prouver encore et on se demande comment il se fait que des ministres de l'Union Nationale et des députés de l'Union Nationale lancent le cri de race alors que l'exemple vient de haut et que dans l'Union Nationale, le racisme et l'intolérance sont rampants depuis des années.

M. JOHNSON: J'invoque le règlement.

M. BELLEMARE: C'est de l'électoralisme pur et simple.

M. JOHNSON: J'invoque une question de privilège. Je ne me laisserai pas en cette Chambre accuser de racisme. Je voudrais dire au chef de l'Opposition qu'il prend des moyens bien détournés et bien coûteux, au mépris de la vraie démocratie, pour payer l'appui qu'il croit avoir eu dans les milieux anglophones et dans les milieux hébreux.

M. LESAGE: Cela recommence.

M. JOHNSON: On a voulu monter en épingle, et ça fait l'affaire du chef de l'Opposition, des remarques qui ont été faites dans le contexte dont on se souvient et qu'il n'y a pas lieu de dramatiser. Elles s'adressaient au député de Verdun qui n'a jamais protesté contre quoi que ce soit, mais on a organisé un concert, concert auquel ont participé le député de Arcy McGee et ce matin, par une remarque, le député de Saint-Louis, et maintenant, le chef de l'Opposition. On croit servir les fins du parti surtout en cette période un peu exceptionnelle où ces propos auront une plus grande publicité.

On croit servir les fins du parti libéral en flattant ou en croyant flatter les électeurs hébreux et les électeurs de langue anglaise et en traitant l'Union Nationale de raciste. En temps et lieu, nous pourrons établir devant cette province que les véritables racistes sont les deux députés de D'Arcy McGee et de Saint-Louis qui veulent jouer sur cette corde...

M. LESAGE: Cela recommence.

M. JOHNSON: ... et qui sont indignes, s'ils continuent cette conduite, de représenter la communauté juive dans cette Chambre.

M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable Premier ministre n'a peut-être pas employé le qualificatif nécessaire pour décrire une pensée qui était sienne et j'en conviens d'avance, il voudra bien retirer l'expression « indignes » employés à l'égard de deux députés de cette Chambre.

M. JOHNSON: M. le Président, si j'avais eu l'intention d'arrêter ma phrase à ce mot, vous auriez eu raison, mais je le retire quand même. J'ai eu des communications d'électeurs amis qui sont d'ethnie juive, hébraïque et qui m'ont dit qu'ils étaient indignés de voir un député utiliser la religion juive pour essayer de faire de la politique. Et ça, c'est du vrai racisme et du très mauvais racisme, de mauvais aloi.

M. BLANK: M. le Président, j'ai une question de privilège. Quand, ce matin, j'ai posé une

question sur le parti nazi, je n'ai pas parlé seulement au nom des Juifs: j'ai parlé du monde entier. Pas seulement sur la question des Juifs. Si vous lisez cet article auquel j'ai référé dans La Presse, le parti nazi a fait des remarques qui sont non seulement contre les Juifs, mais contre les séparatistes québécois, les Canadiens français. Ce matin, je me suis levé pour protester contre un parti qui est prêt non seulement à exterminer les Juifs, mais aussi les Canadiens français, les nationalistes.

M. LESAGE: M. le Président, quand on connaît l'histoire de l'Union Nationale, on sait quel est le parti qui a toujours fait appel au nationalisme outrancier, au chauvinisme dans cette province. On n'a qu'à se souvenir de la dernière campagne électorale, surtout dans le domaine de l'éducation, pour savoir jusqu'à quelle bassesse l'Union Nationale pouvait descendre dans ce domaine de l'exploitation du nationalisme canadien français.

M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LESAGE: Mais je reviens à la trame de ce que j'étais à dire...

M. JOHNSON: A la trame.

M. LESAGE: ... qui n'avait pas été interrompu jusqu'à le Premier ministre décide de revenir à des débats qui ne peuvent faire autrement qu'être violents. Alors, j'ajoute que, toujours d'après les informations, l'escouade spéciale de la Sûreté de Montréal attend du ministère de la Justice, et ça toujours, depuis le 19 octobre 1966...

M. JOHNSON: D'où viennent ces informations?

M. LESAGE: Ces informations me viennent de personnes dignes de confiance, M. le Président, et le Premier ministre n'a qu'à vérifier au ministère de la Justice. Si le ministre de la Justice a le temps de s'en occuper, il pourra lui communiquer les réponses.

M. JOHNSON: Envoyez- moi donc une copie de celles que vous avez obtenues. Ce sera plus simple.

M. LESAGE: Ce sera dans le journal des Débats. Le Premier ministre pourra vérifier.

M. COURCY: Ce sera écrit.

M. LESAGE: Je dis que l'escouade spéciale de la Sûreté de Montréal attend du ministère de la Justice, depuis le 19 octobre 1966, des notes sténographiques contenant des révélations importantes, pour ne pas dire sensationnelles, et touchant au témoignage rendu par Hilaire Paquet, le 19 octobre 1966: Alphonse Lefebvre, le 27 octobre 1966: Jacques Bélisle, Mark Santamo, Me Gérard Hébert, le 4 novembre 1966. Or, ces notes sténographiques qui doivent servir à porter des plaintes additionnelles de faillites frauduleuses et qui doivent permettre des contre-interrogatoires plus efficaces dans certaines causes importantes, qui doivent être entendues d'ici quelques semaines ne sont pas transcrites. On m'informe que...

M. JOHNSON: ... et vous en connaissez le contenu?

M. LESAGE: Un instant, on m'informe que les sténographes M. Hardy, M. Raymond Dubé, Mlle Huguette Garneau ont déclaré qu'ils n'étaient pas payés depuis longtemps par le ministère de la Justice et qu'il existait un malaise grave parce que des montants considérables seraient dus par le ministère de la Justice pour du travail effectué par les sténographes lors des enquêtes de faillites, et c'est pour ça que ça ne marche pas.

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra cette remarque. Avec votre permission, M. le Président, et la sienne. Dans tous ces cas-là, dès que le sous-ministre les porte à mon attention il y a la machine administrative.

M. LESAGE: Elle ne fonctionne pas?

M. BERTRAND: Et le chef de l'Opposition sait mieux que quiconque combien c'est lent dans ce domaine.

M. LESAGE: Au mois d'octobre 1966.

M. BERTRAND: Et, dès l'instant où des faits semblables sont portés à l'attention du ministre, des décisions sont prises, communiquées à ceux qui sont responsables de la machine administrative pour que l'on voie à corriger ces doléances justes et fondées.

M. LESAGE: Très bien, mais alors que le ministre de la Justice ne tombe pas sur le dos qu'il me remercie d'attirer son attention justement sur les défauts de son administration, je remplis mon rôle. J'attire son attention sur des faits importants.

M. BERTRAND: D'ailleurs, si le chef de l'Opposition me le permet, nous aurons l'occasion lors de l'étude des crédits...

M. LESAGE: Non, non, c'est tout de suite, ça presse ça.

M. BERTRAND: Nous aurons l'occasion également lors de l'étude des crédits de faire le point sur tous ces problèmes.

M. LESAGE: Très bien, mais je n'y serai pas lors de l'étude des crédits. Je ne puis pas assister à l'étude des crédits, et le ministre de la Justice le sait, et c'est mon devoir de profiter des circonstances pour attirer l'attention du ministre de la Justice pendant qu'il est en Chambre...

M. JOHNSON: Oui.

M. LESAGE: ...et qu'il est obligé de m'écouter ou qu'il se sent obligé de m'écouter d'attirer son attention sur les lacunes de son ministère, parce qu'il n'a pas le temps de le diriger.

M. BERTRAND: Mais voyons donc!

M. LESAGE: Le gouvernement antérieur avait donné instruction que toutes les recommandations du ci-devant juge Wagner soient suivies à la lettre à la suite de la préenquête, cela dans l'affaire du juge Meunier, et en conséquence, toutes les plaintes contre toutes les personnes impliquées en cette affaire ont été portées. Or, depuis quelques mois — et j'espère que le ministre de la Justice en prend note — les plaintes portées par le gouvernement antérieur ont été systématiquement écartées par le tribunal vu le défaut de la Couronne de procéder. Causes 62-70 de 1964, accusé Ernest Levasseur: cause 62-71 de 1964, accusé Constant Brodeur: cause 62-72 de 1964, accusé André Poupart: tous ces dossiers qui relèvent de la faillite des Ameublements Brodeur et qui ont fait l'objet de la préenquête du ci-devant juge Wagner sont reliés directement aux accusations contre le juge Meunier et portent au procès-verbal la mention suivante: « Vu les nombreuses remises, l'accusé est libéré. » Dans d'autres dossiers, notamment, en ce qui concerne Raymond Kelsh, l'accusé a été libéré, la Couronne étant absente et le motif de la libération était que le dossier — imaginez-vous — demeurait introuvable. Or, la Sûreté de Montréal a le dossier au complet. Je suis informé que, justement, c'est un des cas où la Sûreté de Montréal n'a jamais été consultée avant qu'on permette la libération de l'accusé.

M. JOHNSON: Informé par qui?

M. LESAGE: Je suis informé par des personnes dignes de foi, et le ministre de la Justice n'a qu'à consulter ses dossiers, ce sont des dossiers de cour.

Il est clair que, pendant plusieurs mois après le mois de juin, il n'a existé aucune liaison entre le ministère de la Justice, ses officiers à Montréal en particulier, et la Sûreté de Montréal. Et, depuis la rencontre entre M. Mignault et le directeur Gilbert, est-ce que les relations ont été renouées? Est-ce que les comités qui ont été formés, d'après ce que nous a dit le ministre de la Justice, siègent et siègent régulièrement en vue de poursuivre ces causes de faillites frauduleuses? Nous ne le savons pas. Tout ce que nous savons, c'est qu'il en a été question entre M. Mignault et le directeur Gilbert. Nous ne pouvons, de ce côté-ci de la Chambre, qu'exprimer le ferme espoir qu'il ne s'agit pas de vains mots et que le ministre de la Justice prendra au moins le temps de voir si ses directives, pour une fois qu'il en a données, sont suivies à la lettre et se poursuivent. Le ministre de la Justice peut-il nous affirmer que son comité de procureurs dont il a parlé se réunit régulièrement?

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me pose une question?

M. LESAGE: Oui, certainement, et je le fais pour rendre service.

M. BERTRAND:Il a posé tellement de questions que je verrai, étant donné que j'ai utilisé mon droit de parole et que je ne veux pas l'interrompre, je verrai à répondre et à donner une image de la situation de la justice avant le 5 juin, lors de l'étude de mes crédits.

M. LESAGE: Très bien, mais la menace, ça ne mène jamais à rien!

M. BERTRAND: Ce n'est pas une menace. M. JOHNSON: Préparez-vous!

M. BERTRAND: M. le Président, je soulève un point d'ordre. Ce n'est pas dans mes habitudes de faire des menaces à qui que ce soit.

M. LESAGE: Non, non, vous laissez ça au premier ministre, c'est d'accord.

M. BERTRAND: Mais le chef de l'Opposition conviendra que ne pouvant pas l'interrompre à tout bout de champ et ne voulant pas l'inter-

rompre, premièrement, deuxièmement, qu'ayant utilisé mon droit de parole je vais l'écouter et je verrai, lors de l'étude des crédits, à donner aux membres du comité tous les renseignements sur l'administration de la justice depuis le 5 juin et certains renseignements d'avant le 5 juin.

M. LESAGE: M. le Président, on a beaucoup parlé de la poussée de la pègre internationale avant l'ouverture de l'Exposition universelle et au moment de l'Expo. L'Expo est ouverte maintenant, elle remporte un grand succès. On a bien rapporté les exploits de quelques tire-laine, les cohues, mais dans l'ensemble, jusqu'à présent, il semble bien que la paix ait été observée, du moins il n'y a pas eu de plainte sérieuse. Mais la responsabilité du ministre de la Justice dans les circonstances demeure énorme, énorme vis-à-vis des Québécois, vis-à-vis des Canadiens et à la face de l'univers.

Un des plus grands experts des Etats-Unis en matière de crime organisé a témoigné jeudi, le 20 avril, devant la Commission d'enquête sur la justice à Montréal. M. Ralph Salerno, de la police de New-York, a affirmé qu'une puissante organisation de la pègre internationale s'est profondément infiltrée dans l'activité de l'Expo 67 et je n'ai pas l'intention de citer les articles, je réfère la Chambre à la page 1...

M. JOHNSON: C'est mieux de...

M. LESAGE: Oui, je suis très prudent, à la page 1 du journal La Presse du 21 avril 1967.

M. JOHNSON: Je ne sais pas si c'est celui-là, mais il y en a un qui a été bien conditionnel dans ses affirmations.

M. LESAGE: Non, ce n'est pas lui.M. JOHNSON: Ce n'est pas lui? M. LESAGE: C'est un autre.

M. JOHNSON: Le titre était beaucoup plus tapageur que...

M. LESAGE: Non, non, ce n'est pas sur le titre que je me fie. Ce que je ne cite pas c'est l'article. Maintenant, cette organisation a déjà procédé avec efficacité, à la foire de New-York.

Le rôle que la pègre entend jouer durant l'Expo a fait l'objet de commentaires un peu partout dans le monde, et j'attire l'attention du premier ministre sur l'édition du 9 avril 1967 du Miami Herald où il est question de la poussée de la pègre internationale qui a ses ramifications à Miami. Et je voudrais bien aussi attirer l'attention de la Chambre sur des articles parus dans une édition presque spéciale du Petit Journal pour la semaine du 23 avril au sujet de la pègre, à la page 4, et également à la page 2, où on rapporte que le journaliste Glenn Gray, du Toronto Telegram, après avoir pris connaissance des résultats d'une enquête décidée il y a dix-huit mois par les directeurs de la police d'un bout à l'autre du Canada, dit que les policiers fédéraux, provinciaux et municipaux savent très bien ce qui se passe comme activités illicites à Montréal, Toronto, Winnipeg, Vancouver, Niagara Falls et dans d'autres centres populeux, mais ils gardent « de Conrart le silence prudent ».

Tiens, pour le bénéfice du député de Trois-Rivières, je vais lui faire plaisir...

M. GABIAS: Oui.

M. LESAGE: ... M. John Diefenbaker ne parlait pas à travers son chapeau lorsqu'il s'écria aux Communes récemment: « On assiste présentement à une véritable invasion de fiers-à-bras de « telle » organisation au Canada.

M. GABIAS: Le Canard?

M. LESAGE: Pourquoi ce silence de la police? Justement à cause de ce que Messick et le juge Laganière appellent le « public awareness », C'est-à-dire cette prise de conscience du grand public, susceptible d'amener les dirigeants politiques à adopter les mesures de prévention et de répression qui s'imposent. Comment y parvenir? Les directeurs Robert, Gilbert et Lequin, respectivement à la tête de la Sûreté provinciale du Québec, de la police de Montréal et de Laval, sont catégoriques en faisant appel à la conscience publique par le truchement de la presse sous toutes ses formes. « Rien ne fait plus peur à la pègre, et c'est amplement prouvé, que la diffusion de nouvelles qui la touchent de près, qui lui accordent la vedette, car le milieu n'aime rien de mieux que de travailler dans l'ombre », affirmait ces jours derniers M. Lequin, le chef de police de ville Laval.

Or, M. le Président, le ministre actuel de la Justice a justement fait reproche à son prédécesseur d'avoir trop parlé de la pègre. J'attire l'attention des députés sur ce qu'a dit le ministre de la Justice et c'est rapporté à la page 2232 du journal des Débats. « J'ai le souvenir, M. le Président, d'avoir, durant plusieurs années, à une époque où il était juge et par la suite lorsqu'il est devenu ministre de la Justice, entendu le député de Verdun parler de la lutte contre le cri-

me, le crime organisé, contre la pègre et d'en avoir parlé combien de fois, d'avoir reçu dans les journaux la première page, d'avoir fait des déclarations fracassantes à tout propos. »

Or, justement, c'est que l'ancien ministre de la Justice, lui, était conscient qu'il fallait réveiller l'opinion publique, que ce réveil de l'opinion publique constitue un facteur important dans la lutte contre le crime organisé, comme l'a si bien dit le directeur de police de ville Laval, M. Lequin.

Le ministre actuel, lui, au contraire, tout au long de son discours ou de ses discours, fait grand état de son silence, fait grand état de son abstention de faire des déclarations publiques. Silence en Chambre, silence en toutes circonstances. Je crois, M. le Président, que c'est une erreur et une très grave erreur. Sans compter que dans un régime démocratique, les membres du gouvernement, particulièrement les membres du conseil des ministres, ont le devoir non seulement d'appliquer leur politique mais de l'expliquer à la population, de proposer publiquement des réformes, de faire connaître leur souci de la chose publique, et particulièrement dans le domaine de la justice.

Le ministre a le devoir impérieux d'expliquer ce qui se passe, de justifier ses actes, de rassurer la population face à la croissance du nombre de crimes, face, évidemment, à la morgue scandaleuse des criminels. Si d'une part la population constate combien est sérieux le problème de la justice et que, d'autre part, elle ne peut entendre l'énoncé de ce qu'entend faire le ministre pour le solutionner, si ses prises de position, ses décisions de principe ne sont pas connues, eh bien, le public en arrive infailliblement à croire que la justice s'administre en vase clos ou ne s'administre pas.

M. BERTRAND: M. le Président, avec votre permission et celle du chef de l'Opposition...

M. LESAGE: Oui, oui.

M. BERTRAND: ... est-ce que je peux lui poser une question?

M. LESAGE: Certainement, si on pouvait me permettre de continuer après six heures, je pourrais terminer.

M. BERTRAND: Est-ce que le fait de former une commission d'enquête sur la justice en matière criminelle et pénale, cela ne vaut pas beaucoup plus que plusieurs déclarations, quelles qu'elles soient?

M. LESAGE: M. le Président, une commission d'enquête peut enquêter sur l'administration de la justice, elle peut enquêter sur les moyens de combattre le crime, mais ce n'est pas une commission royale d'enquête, comme on les appelle communément, qui peut porter directement des accusations. C'est le ministre qui doit donner la direction pour ce qui est de porter des accusations et d'ailleurs c'est bien typique de l'Union Nationale, ce que vient de déclarer le ministre de la Justice. Le ministre de la Justice est bien à l'image de l'Union Nationale.Il cherche à se retrancher derrière l'existence d'une commission royale pour faire croire que ses responsabilités sont devenues celles d'une commission royale d'enquête.

C'est, M. le Président, une preuve de plus qu'il en a trop sur le dos, qu'il n'est pas capable de faire son travail.Il est obligé de se décharger de ses responsabilités sur une commission royale d'enquête.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est malhonnête.

M. LESAGE: C'est ça qu'il est obligé de faire. M. le Président, c'est l'image de l'Union Nationale...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une affirmation malhonnête.

M. LESAGE: « Pass the buck ». Cela, c'est le grand slogan dans l'Union Nationale, « pass the buck ». Passer les responsabilités à d'autres.

Ne faisons rien, ne bougeons pas, laissons à d'autres, le temps guérit tellement tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah, là il est dans les limbes.

M. LESAGE: ... Mais l'administration de la justice, ça ne marche pas tout seul.Il faut y voir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A quelle heure le prochain spectacle?

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permet-il une autre question?

M. LESAGE: Cela va bien quand vous m'en posez.

M. BERTRAND: Pendant combien de temps le député de Verdun a-t-il demandé une enquête contre la pègre et sur le crime organisé?

M. LESAGE: M. le Président, le député de Verdun a demandé une enquête au niveau du Canada sur le crime organisé...

M. JOHNSON: Non, non, non.

M. LESAGE: ... à cause des ramifications du crime organisé en Amérique du Nord. Il en a discuté lui-même avec M. Kaltenbach, aux Etats-Unis, au cours d'un voyage qu'il a fait aux Etats-Unis. Mais la différence, M. le Président, c'est que pendant qu'il cherchait à obtenir qu'une enquête royale soit tenue sur le crime organisé au Canada et en Amérique duNord, sur le plan pancanadien et sur le plan nord-américain, pendant ce temps-là par exemple, il ne considérait pas qu'il était libéré de ses responsabilités et il remplissait les devoirs de ses fonctions et à la perfection, M. le Président.

M. GOSSELIN: On a vu ça dans l'évasion de Rivard.

M. LESAGE: Ce n'est certainement pas...

M. GABIAS: C'est un exemple de « pass the buck ». Le chef de l'Opposition vient de le donner.

M. LESAGE: Oui, « pass the buck ». C'est là...

M. GABIAS: « Pass the buck », passe-le au fédéral, passe ça aux Etats-Unis, « pass the buck ».

M. LESAGE: ... M. le Président, que la population, qu'une minorité de la population a commis une erreur, le 5 juin. Elle a passé le « buck » à ceux qui veulent s'en décharger sur d'autres, l'Union Nationale. Au lieu de laisser la responsabilité de l'administration aux gens d'expérience, honnêtes, qui avaient prouvé qu'ils savaient administrer la province.

M. GABIAS: « Pass the buck » au fédéral.

M. GOSSELIN: Vous ne mourrez pas d'inertie mais d'hypocrisie.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, je serai...

M. GABIAS: Il passe sa « buck » à Rivard.

M. LESAGE: ... je devrai vous demander: « Pass the ammunition ».

M. JOHNSON: M. le Président, voulez-vous demander que l'ordre soit maintenu? Une si valable contribution doit être goûtée. Vous savez, ça avance la justice les propos du chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Le premier ministre a parfaitement raison...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela sert admirablement la cause du théâtre.

M. LESAGE: ... la seule façon de décoller l'administration actuelle, c'est de faire ce que je fais, et le ministre de la Justice lui-même l'a reconnu tantôt lorsque j'ai mentionné des faits spécifiques et qu'il a dit: Je vais examiner les dossiers, je n'avais pas ces renseignements, c'est lorsque l'on attire mon attention que je sais où je vais.

M. BERTRAND: A ce moment-là, je revenais de quelques minutes où j'ai été en dehors de la Chambre...

M. LESAGE: Ce n'est pas ma faute.

M. BERTRAND: ... non, bien je ne blâme pas le chef de l'Opposition et j'ai alors déclaré que j'examinerais ces problèmes. Je vais commencer par lire le journal des Débats...

M. LESAGE: C'est ça.

M. BERTRAND: ... pour voir quelles précisions, il a apportées...

M. LESAGE: C'est très précis.

M. BERTRAND: ... pour voir si elles sont fondées ou non...

M. LESAGE: Très bien.

M. BERTRAND: ... et j'ai déclaré que tous ces problèmes-là, étant donné que j'étais maintenant privé de mon droit de parole, parce que j'ai parlé, j'y verrais lors de l'étude des crédits...

M. LESAGE: Très bien. Alors, je voudrais en venir à ce point du discours du ministre de la Justice où il a prétendu que son prédécesseur s'est contenté de déposer dans la voûte un document secret et il s'interroge contre les procédures prises contre ceux-là dont on trouve les noms dans ce cahier.

Je réfère les députés au journal des Débats, mardi le 18 avril, page 2232: « M. le Président, c'est beau de parler de crime organisé et de parler de pègre. Il. — en parlant du député de Verdun — en a parlé combien de fois depuis deux ans, depuis trois ans?Il était ministre de la Justice.Il ne voulait pas d'enquête, il pouvait en porter des accusations contre ceux-là qu'il prétend être les gens de la pègre. »

Or, le ministre de la Justice devrait savoir que le dossier confidentiel dans la voûte...

M. TREMBLAY (Chicoutimi):Il ne connaît pas son rôle par coeur, il est obligé de l'apprendre.

M. LESAGE: Le dossier confidentiel qu'il dit avoir trouvé dans la voûte, il devrait savoir, s'il l'a lu, que ce dossier confidentiel sur l'identité des chefs de la pègre sur leurs agissements dans la province de Québec n'a pas été laissé à dormir,...

M. BERTRAND: L'avez-vous lu?

M. LESAGE: ... - je vais répondre - n'a pas été laissé à dormir dans les voûtes du ministère, comme il l'a laissé entendre. Ce dossier a servi d'instrument de travail.Il avait été préparé conjointement par un représentant de la Sûreté provinciale du Québec, par un représentant de la sécurité sociale de la police de Montréal, par un représentant de la Gendarmerie royale du Canada et par un représentant de la Fire Underwriters Investigation Bureau. Ce dossier établissait dans les détails la structure du crime syndiqué dans la province de Québec et reconstituait de façon précise l'oeuvre de la pègre dans le secteur des homicides, des fraudes, des vols, des recels, de la prostitution, des entremetteurs, des drogues, des incendies criminels, des faillites frauduleuses, des maisons de jeu et de paris, etc.

Le ministre de la Justice actuel devrait savoir qu'à partir de ce document, sous la direction personnelle de l'ancien ministre de la Justice, le député de Verdun, le comité spécial formé par lui a multiplié les enquêtes et les poursuites qui ont résulté en de nombreuses condamnations. Le ministre sait, ou il devrait savoir, sinon, il n'a qu'à consulter ses hauts fonctionnaires et il verra que, systématiquement, à partir de ce document confidentiel auquel il a référé et qui fût d'ailleurs discuté en long et en large par l'ancen ministre de la Justice et le procureur général des Etats-Unis, M. Kaltenbach, lors d'un voyage du député de Verdun à Washington, à partir de ce document, dis-je, les chefs de la pègre que l'ancien ministre de la Justice connaissait et que le ministre actuel connaît, ils connaissent les noms, ont été recherchés avec opiniâtreté.

M. GABIAS: E les connaissait et il n'a rien fait?

M. LESAGE: On va voir ça s'il n'a rien fait. Un instant. Ne vous pressez pas. Pour qu'il soit mieux renseigné et pour qu'il évite de déclarer que le document confidentiel est demeuré sans suite dans les voûtes du ministère, que le ministre étudie attentivement, entre autres, l'organigramme, il y a un organigramme au document, l'organigramme de la pègre québécoise qui y apparaît.

Qu'il y constate les noms de certaines grandes familles criminelles et qu'il poursuive ensuite sa recherche pour s'apercevoir du travail effectué par la police. Que le ministre examine attentivement un certain tableau qui se trouve au document confidentiel en question et il constatera avec quelle précision et avec quelle efficacité le ministre de la Justice qui l'a précédé a agi avec son équipe. Et que le ministre, à la lecture de ce tableau, s'arrête sur les noms de ceux qui occupaient des positions particulières dans la pègre du Québec et qu'il se demande où sont ces gens aujourd'hui. Ces gens qui s'appelaient Moïse Darabaner, Jean-Jacques Gagnon, Gaston Cadrin, Louis Sicotte, Ovila Boulet, André Lamothe, Fernand Quirion. Tous savent les procédures qui ont été prises contre ces personnes.

M. GOSSELIN: ... arrêtées par pur hasard.

M. LESAGE: Qu'il continue d'examiner ce tableau et il n'aura pas besoin d'un grand degré d'imagination pour constater le travail intense effectué par son prédécesseur et par la police en vue de retracer les cadavres de ceux qui furent à la fois participants et victimes dans le réseau des faillites frauduleuses.

M. GABIAS:Il n'y a pas un de ces noms-là...

M. LESAGE: Les cadavres retrouvés, enduits de Drano, sont ceux d'Aldéric Bilodeau...

M. GABIAS: Il n'y pas un de ces noms-là...

M. LESAGE: ... Paul Brie, Rédempteur Faucher et Paul Chandonnet. Ce sont les noms de ceux dont on a trouvé les cadavres.

M. GABIAS: Oui, mais aucun de ces noms-là n'appartient aux chefs de la pègre.

M. LESAGE:Il y a des cadavres non encore retrouvés, M. le Président, Ce sont ceux de Maurice Gagnon, Paul Nadeau et Maurice Gingras. Tout ça se voit au dossier secret dont on a parlé.

M. GOSSELIN: Oui, qu'on a retrouvés par pur hasard...

UNE VOIX: Par un employé de la Voirie.

M. LESAGE: Si le ministre s'interroge toujours...

M. GABIAS: Ce ne sont pas les chefs de la pègre, ça.

M. JOHNSON: Qu'est-ce qui est arrivé aux chefs de la pègre?

M. LESAGE: Qu'est-ce qui est arrivé au document secret?

M. JOHNSON: Aux chefs de la pègre?

M. LESAGE: C'est le ministre de la Justice qui l'a en main.

M. GABIAS: Aux chefs!

M. LESAGE: Les chefs de la pègre, le ministre de la Justice sait qui ils sont.Il n'a qu'à agir.

M. GABIAS: Tous les noms sont connus.

M. LESAGE: Et si le ministre actuel de la Justice s'interroge toujours sur l'action prise par le ministère de la Justice, alors que le député de Verdun en était le titulaire, qu'il se rappelle les épisodes de la lutte contre les incendies criminels et qu'il lise attentivement le dossier qu'il dit avoir trouvé dans la voûte.Il va y découvrir la liste extrêmement longue des interrogatoires faits devant le commissaire des incendies, interrogatoires — on lui demande ce qu'il a fait — qui ont abouti à des accusations précises devant les tribunaux et à des condamnations.

Il verra en particulier une liste de 41 témoins qui ont été interrogés à partir de décembre 1965. Que le ministre consulte ses hauts fonctionnaires et il pourra tout apprendre au sujet des plaintes nombreuses qui ont été portées dans différents districts judiciaires de la province ou qui devraient être portées bientôt contre des gens qui ont noms encore: Louis Sicotte, Jean-Jacques Gagnon et combien d'autres. Si le ministre veut toujours se renseigner sur les activités de son prédécesseur au ministère de la Justice, qu'il dépose donc en Chambre le rapport annuel de la Sûreté provinciale pour 1965 et aussi celui de l'année 1966. Jamais un gouvernement n'a obtenu un rapport aussi éloquent et qui établit aussi clairement les résultats obtenus lorsqu'un ministre de la Justice, avec l'appui et la collaboration de tous ses collègues, s'attache à la tâche de poursuivre avec détermination la lutte contre le crime organisé.

Et s'il reste du temps au ministre de la Justice...

M. GABIAS: Il manque 26 cadavres tout de même.

M. LESAGE: ... qu'il demande donc à ses officiers de lui apprendre l'histoire complète de ce qui s'est passé dans le démembrement des réseaux de vol d'automobiles sans précédent, à Brossardville, à Saint-Jean et à Valley-field. Je comprends qu'il n'en a pas le temps, mais si par hasard le ministre voulait s'attarder un peu sur des poursuites qui ont trait à des faits survenus avant 1960, il aurait grand profit à vérifier auprès de ses officiers ce qui est survenu à la bande de Rocky Pearson qui se spécialisait en particulier dans le travail d'élection dans les années 1950. Le ministre pourrait obtenir de première main, de sources sûres du chef de la sûreté un rapport sur les activités de gens tels que Raymond Caza, Georges Aird, Armand Larose, Rosaire Daoust.

M. GOSSELIN: Pouvez-vous nous parler de Dubois et de Lalonde?

M. LESAGE: ... et d'autres qui purgent maintenant des sentences au pénitencier après avoir réussi si longtemps à échapper à la justice. Et c'est le Premier ministre qui, encore cet après-midi, disait que le député de Verdun n'avait rien fait comme ministre de la Justice!

M. GABIAS: Non, non, il manque 26 cadavres.

M. LESAGE : Jamais personne n'a fait plus que lui pour que régnent au Québec la paix et la justice. Personne n'a fait plus que lui pour vider le Québec des indésirables à la veille de l'Expo 67.

M. GABIAS: Arrêtez-donc!

M. GOSSELIN: Comment se fait-il que vous soyez encore là?

M. LESAGE: Sous la direction du ministre

de la Justice quand c'était le député de Verdun...

DES VOIX: Ah mon Dieu!

M. LESAGE: ... En collaboration avec les autorités de la Justice et de la police en Amérique du Nord, des poursuites sans nombre ont été prises contre les criminels après des recherches intensives en collaboration avec tous les corps de police d'Amérique du Nord.

M. GOSSELIN: Il n'y a plus rien à faire.

M. LESAGE: Souvenons-nous de sa volonté, de son désir de créer l'Interpol canadien. Oui, on en rit mais c'est essentiel aujourd'hui l'Interpol, et les rires que je viens d'entendre démontrent bien l'inconscience de ces gens qui siègent en face de nous. Je voudrais que cet après-midi tous les électeurs de la province de Québec soient ici pour constater le sérieux des députés de l'Union Nationale lorsque l'on parle de la préservation de la paix intérieure dans le Québec. Mais ce n'est pas surprenant, M. le Président...

M. GABIAS: Les électeurs vont voir le peu de maturité du chef de l'Opposition!

M. LESAGE: ... de voir la troupe de l'Union Nationale agir comme elle le fait...

M. LOUBIER: Grand farceur!

M. LESAGE: ... quand l'on sait que, pour tout le travail qu'il a effectué, l'ancien ministre de la Justice n'a récolté que l'injure et le chantage et le mépris de la part du premier ministre et, de la part des gens de l'Union Nationale, le mépris le plus infect du député de Chicoutimi et du député de Bellechasse.

DES VOIX: A l'ordre!

M. JOHNSON: M. le Président, je ne sais pas si vous êtes pris de surdité ou si les bruits enterrent les injures et les mots antiparlementaires évidemment lancés dans un ton hystérique par le chef de l'Opposition.

M. LOUBIER: L'abondance du coeur.

M. LESAGE : M. le Président, ce n'est certainement pas un point d'ordre.

UNE VOIX: Oui, c'est un point d'ordre.

M. JOHNSON: Il y a quand même une limite, M. le Président. Il y a telle chose qu'un parlementaire et telle chose qu'un énergumène dans son vocabulaire.

M. LESAGE: M. le Président, je demanderais que le premier ministre retire le mot non parlementaire qu'il vient de prononcer, d'autant plus que je ne me suis servi d'aucun mot non parlementaire mais simplement quand on est constamment interrompu par des gens qui font montre d'un degré d'absence d'intelligence absolument...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre, le comédien!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le premier ministre...

UNE VOIX: Le bouffon numéro un!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'hpnorable Premier ministre a fait un rappel au règlement ou à une question de privilège et je crois que pour être en mesure de juger la portée exacte des expressions, il faut lui donner l'occasion de...

M. LESAGE: Il s'est tout de même servi d'un mot antiparlementaire.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures ce soir.

Reprise de la séance à 8 h 9 p. m.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, lorsqu'à six heures vous avez d'autorité suspendu la séance jusqu'à huit heures, j'en étais à parler des insultes qui avaient été lancées par certains députés à votre droite contre l'ancien ministre de la Justice.

Malgré les provocations, j'ai tenu un langage parlementaire. Si le verbe était haut, M. le Président, c'était pour que je puisse me faire entendre au-delà des interruptions qui provenaient de l'autre côté de la Chambre. Je n'ai pas l'intention de poursuivre sur ce sujet, malgré que la tentation soit très grande et cela pour collaborer avec vous, M. le Président, et vous aider à éviter la répétition de scènes comme celles dont nous avons été témoins à la fin de l'après-midi.

J'ai l'intention ce soir de relever deux points qui ont été soulevés par le premier ministre lors de ses interventions des 18 et 19 avril. La première a trait aux déclarations qu'il a faites concernant des mandats d'amener qui avaient été émis contre monsieur Eugène Lapointe, candidat libéral officiel dans le comté de Dubuc aux dernières élections.

Le premier ministre a dit et je le cite suivant ce qui est rapporté à la page 2243 du journal des Débats: « Parler de patronage et se scandaliser. J'ai ici un rapport du 17 mai 1966 ».

Et là le premier ministre a lu un rapport de police à l'effet que quatre mandats avaient été émis dans des causes portant les nos 14,825, 14,826, 11,787 et 30,588 des dossiers des districts de Québec, Iberville et Joliette.

Ce rapport se terminait comme ceci: « Comme l'accusé n'est pas à Montréal et qu'il peut être rejoint dans le comté de Dubuc avant le 5 juin 1966, je retourne les quatre mandats d'emprisonnement afin qu'un officier du poste concerné puisse y faire l'exécution ». Fin de la citation du rapport de police tel que cela a été rapporté par le premier ministre le 18 avril et, je le répète, page 2243 du journal des Débats. Et le premier ministre a continué, M. le Président: « Il s'agissait du candidat parachuté par le chef du parti libéral dans le comté de Dubuc et le plus drôle de l'affaire, c'est que sur les hustings en faveur de cet homme recherché pour quatre mandats d'emprisonnement, savez-vous qui il y avait? Le ministre de la Justice. » Et il a ajouté: le député de Verdun.

Ce n'est que lorsque j'ai questionné le pre- mier ministre que ce dernier a déclaré qu'il s'agissait d'infractions au code de la route.

M. BELLEMARE: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce n'est pas quand le premier ministre a été questionné qu'il a dit que c'était...

M. LESAGE: Certainement.

M. BELLEMARE: M. le Président, à la page 2243...

M. LESAGE: Page 2244...

M. BELLEMARE: Page 2243, M. le Président, ce n'est pas à ce moment-là que le premier ministre l'a dit, au contraire, bien avant que le chef de l'Opposition le questionne. Il a dit, M. le Président, page 2243, au deuxième paragraphe, vous le verrez là, mentionnné mandats d'emprisonnement pour infraction au code de la route. C'est marqué, M. le Président, à la 23e ligne. Avant que le chef de l'Opposition le questionne.

M. BERTRAND: Très bien.

M. LESAGE: Il y a toutes sortes de mandats d'emprisonnement et le premier ministre n'a admis qu'il s'agissait de sommations qu'à la suite des questions que j'avais posées. Ce n'est qu'à la suite de ces questions que le premier ministre a déclaré qu'il s'agissait d'offenses coutumières. Le premier ministre, en commentant le rapport, a dit: « Pensez-vous que je vais dire à cette province que le député de Verdun est allé parler devant un homme qui était recherché et qui fuyait la police, à ce moment-là? » On reconnait le style du premier ministre.

Or, le premier ministre avait commencé son intervention sur ce point en disant: « Parler de patronage et se scandaliser ». Et le rapport de police disait qu'il fallait faire parvenir les mandats à Chicoutimi. Le premier ministre n'est pas allé plus loin et l'on pourrait se demander, puisqu'il a accusé le gouvernement d'alors, le ministre de la Justice d'alors de partonage, s'il ne voulait pas laisser entendre que les instructions n'avaient pas été données de transmettre les mandats au poste de la Sûreté provinciale à Chicoutimi. Or, j'ai vu et j'ai fait prendre devant moi une photocopie d'un reçu daté du 2 juin 1966 pour la somme de $147.30 pour amende et frais dans les quatre causes portant les quatre numéros mentionnés au rapport de police. Le reçu se lit ainsi: « Reçu paiement, ce 2 juin 1966, de l'amende et des frais dans les dossiers ci-haut,

soit la somme totale de $147.30. Jules Fradette, Sûreté provinciale, Chicoutimi, P.Q. »

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est après la visite du député de Verdun.

M. LESAGE: Peu importe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement.

M. LAPORTE: Il n'y a pas de point de règlement dans ça. Il y a toujours des limites.

M. LOUBIER: Vous ne savez pas ce qu'il va invoquer.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme c'est le droit de tout député d'invoquer la question de règlement, l'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais corriger l'impression que tend à laisser le chef de l'Opposition concernant les faits qu'a allégués l'autre jour l'honorable Premier ministre. L'honorable premier ministre a effectivement parlé du mandat d'arrestation...

M. LAPORTE: Ce n'est pas un point de règlement, monsieur le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en fais une question de privilège...

M. LAPORTE: Qu'est-ce que ça change?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...pour corriger l'impression que l'on a faite.

M. GERIN-LAJOIE: Privilège de qui, de quoi? Il n'a jamais été mis en cause, jamais.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, c'est le privilège de tout député de cette Chambre de poser la question de privilège lorsque les privilèges de la Chambre sont mis en cause. Or, ce que vient de dire le chef de l'Opposition met en cause les privilèges des députés de cette Chambre. Ce que veut laisser entendre le chef de l'Opposition, c'est que l'honorable premier ministre n'aurait pas dit la vérité.

M. LESAGE: Non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Or,ce n'est pas le cas. Lorsque l'honorable premier ministre a dit que le député de Verdun était allé parler en présence ou en faveur de quelqu'un qui était recherché par la police...

M. LESAGE: Bien oui, mais...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... il a dit la vérité, parce que, comme vient de le dire le chef de l'Opposition, M. Lapointe, dont il est question, a réglé sa situation le 2 juin, donc, trois jours avant l'élection et après la visite du député de Verdun.

M. LAPORTE: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Je crois que l'honorable ministre a apporté certaines mises au point qui, malheureusement, dans leur forme et la rédaction de nos règlements, ne peuvent être considérées comme une question de privilège.

M. LESAGE: M. le Président, le point que j'ai fait, c'est ceci. Cela n'avait pas tant trait à la présence du député de Verdun à une assemblée à Chicoutimi, où était présent, paraît-il, le candidat dans Dubuc. Le point que j'ai fait et j'ai été bien précis, j'ai dit: Le premier ministre — et j'ai commencé par ça — a dit: Parler de patronage et se scandaliser. J'ai ici un rapport du 17 mai 1966. Et là, le premier ministre accusait de patronage le député de Verdun, alors qu'il était ministre de la Justice, laissant entendre que les mandats d'arrestation n'avaient pas été transmis à Chicoutimi, suivant les recommandations du rapport de police. Or, je prouve qu'ils avaient été transmis à Chicoutimi, puisqu'ils étaient entre les mains de l'officier en charge de la Sûreté provinciale à Chicoutimi, M. Jules Fradette, qui a reçu le 2 juin, le paiement de l'amende et des frais.

M. GABIAS: C'est encore pire.

M. LESAGE: C'est ça, le point que j'ai fait.

M. GABIAS: C'est ça. C'est encore pire.

M. LESAGE: Cela veut dire que les mandats avaient été transmis par le ministère de la Justice suivant la recommandation du rapport de police, qu'ils avaient été transmis au poste de Chicoutimi en vue de les exécuter contre un candidat libéral et, ceci, sous une administration libérale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre, M. le Président...

M. LESAGE: C'est le contraire du patronage.

M. GABIAS: Pas les exécuter.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le Président. Les mandats...

M. LAPORTE: Sur quoi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... dont il est question n'avaient pas été exécutés à la date de la visite du député de Verdun.

M. LAPORTE: Je l'invoque, le règlement. Il n'y a pas de question de règlement dans ça. Si le ministre veut intervenir, il a son droit de parole quand le chef de l'Opposition aura parlé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! M. le Président, je maintiens ce que j'ai dit, à savoir que les mandats n'avaient pas été exécutés quand le député de Verdun est venu...

M. LAPORTE: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l»ordre! Il ne faut pas confondre une expression d'opinion ou une rectification de faits avec le privilège accordé à chaque député de soulever une question de privilège ou un rappel au règlement. Et toute opinion émise par un honorable député peut toujours être corrigée, rectifiée ou argumentée subséquemment par un autre honorable député qui pourrait être intéressé à participer aux débats.

M. LESAGE: M. le Président, tout ce que j'ai fait c'est de compléter la série des faits que le premier ministre avait commencé à relater et de l'étaler devant cette Chambre.

M. TREMBLAY: Vous n'avez pas tout dit. Vous n'avez pas dit que c'était l'organisateur libéral qui avait demandé, M. le Président, de régler la situation.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, il me semble...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement encore une fois, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires culturelles sur un rappel au règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous venez d'entendre les interruptions et les interpellations qu'ont faites les députés libéraux qui essaient, depuis quelque temps, de donner à la province l'exemple de la gentilhommerie. Je vous demanderais, bien respectueusement, M. le Président, de les rappeler à l'ordre et de leur faire savoir que personne, de ce côté-ci de la Chambre, n'acceptera d'être interrompu de façon aussi grossière.

DES VOIX: Ah! Ah! Non.

M. LACROIX: Est-il inconscient, M. le Président, le député de Chicoutimi?

M. LOUBIER: M. le Président, qui vient de parler? Debout.

M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, il me semble... voulant coopérer avec vous, comme je l'ai dit au début de mes remarques, j'ai pris un ton neutre, sans aucune passion...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Fielleux.

M. LESAGE: M. le Président, je demanderais...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Fielleux et malhonnête.

M. LESAGE: M. le Président, le député de Chicoutimi vient de prononcer à mon endroit un terme qui n'est certainement pas parlementaire en disant que j'avais un ton fielleux, alors que j'ai récité des faits sur un ton absolument calme. D'ailleurs, le mot fielleux n'est certainement pas parlementaire et je vous suggérerais bien humblement de demander au député de Chicoutimi de retirer cette expression qui n'est justifiée ni par les faits, ni par ce que je dis, ni par le ton que j'emploie.

M. LE PRESIDENT: Je suis sûr que l'honorable ministre conviendra que l'expression employée n'est certainement pas parlementaire et je n'ai aucun doute qu'il voudra bien retirer cette expression de fielleux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux bien retirer cette expression fielleuse et lui substituer mielleuse.

M. LESAGE: Il serait facile de faire des jeux de mots qui pourraient blesser le député de Chicoutimi. Mais...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Allez-y, allez-y. Vous ne serez pas plus malhonnête que vous l'êtes actuellement.

M. LESAGE: ... mais je vais m'en dispenser, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne serez pas plus malhonnête que vous ne l'êtes là.

M. LESAGE: M. le Président, voici de nouveau un terme absolument antiparlementaire. Le député de Chicoutimi vient de dire: « Cela ne peut pas être plus malhonnête que ce que vous dites là ou ce que vous faites là... » Ceci est absolument défendu par les règlements et, encore une fois et bien humblement, je dois vous demander...

M. BELLEMARE: Pourquoi le provoquez-vous, aussi?

M. LESAGE: ... bien humblement de retirer le mot « malhonnête » qui a été lancé à mon adresse par le député de Chicoutimi. Je n'ai provoqué personne ce soir, au contraire.

UNE VOIX: C'est effrayant!

M. LE PRESIDENT: Je suis sûr que les honorables députés souffrent d'une activité débordante et qu'ils seraient tous intéressés à participer à des discussions, soit ici en Chambre ou à l'occasion de l'étude des crédits de certains ministères, mais je suis assuré que tous réalisent l'urgence qu'il y a d'observer intégralement nos règlements pour que nous puissions faire un travail progressif. Je suis assuré que tous voudront bien exercer une retenue de langage jusqu'à ce que, suivant les règlements prévus, le président puisse accorder le droit de parole à l'un ou l'autre des honorables députés de cette Chambre. Pour ce qui est des termes employés, je n'ai aucun doute que, dans la chaleur de la discussion, tous les honorables députés qui sont épris de justice voudront bien respecter les termes reconnus comme parlementaires et eux seuls. C'est pourquoi j'ai l'assurance que l'honorable ministre des Affaires culturelles voudra bien retirer l'expression « malhonnête » qui n'est certainement pas conforme au langage parlementaire reconnu en droit britannique. J'inviterais l'honorable ministre des Affaires culturelles à retirer l'expression « malhonnête ».

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux bien me rendre à votre désir, mais le chef de l'Opposition a procédé à mon endroit par la voie des insinuations. Je retire l'expression « malhonnête » et je veux bien me dissocier, pour un instant, de l'opinion qu'a du chef de l'Opposition, M. Smallwood.

M. LESAGE: Je ne puis dire qu'une chose, c'est qu'il est malheureux que le député de Chicoutimi n'ait pas été présent lors de la très courte conversation que j'ai eue avec M. Smallwood, jeudi dernier.

M. LOUBIER: Ah! il a dit qu'il vous parlerait encore!

M. LESAGE: Il en aurait appris long!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, M. Smallwood aurait probablement...

M. LESAGE: Il en aurait appris long, c'est tout ce que j'ai à dire, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a répété exactement ce qu'il vous a dit à vous.

M. LESAGE: C'est tout ce que j'ai à dire.

M. GABIAS: Il n'a pas retiré ses paroles, Joey Smallwood.

M. LESAGE: Non, parce que ça n'a pas d'importance, il n'a pas dit la vérité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors j'avais donc dit la vérité quand j'ai retiré les miennes.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai replacé les faits pour autant que le cas Eugène Lapointe est concerné.

M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une question?

M. COURCY: Voyons donc!

M. BELLEMARE: Est-ce que... Non, je ne veux pas l'indisposer...

M. LESAGE: Bien, quand je m'assois, ça veut dire que je le permets.

M. BELLEMARE: Bon. Est-ce qu'il serait vrai que l'officier les avait en main depuis le 18 avril et que c'est le 18 mai qu'il a fait rapport qu'il avait des causes?

M. LESAGE: Moi, je n'ai pas en main les

dossiers du ministère de la Justice: tout ce que je sais, c'est ce que le premier ministre en a dit.

M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet de terminer? C'est que, le 18 avril 1966, les mandats qui étaient de cette date-là, ont été signifiés le 18 mai et c'est à ce moment-là qu'est intervenue une personne que connaît le chef de l'Opposition...

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: ... qui a empêché que ça se produise. Ce n'est qu'après le 2 juin, après qu'il eût été conseillé par une autre personne qu'il a payé ses amendes.

M. LESAGE: M. le Président, si le député de Champlain veut bien relire ce qu'a dit son propre chef, à la page 2243, du journal des Débats. Il a cité un rapport daté du 17 mai 1966.

M. BELLEMARE: Le 18, le 17 mai 1966. M. LESAGE: Le 17 mai 1966, je me fie... M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: ... à ce qu'a dit le premier ministre.

M. BELLEMARE: Le 17 mai, c'est ça.

M. LESAGE: C'est ma seule source de renseignements.

M. BELLEMARE: Et dans le rapport aussi, il y avait...

M. LESAGE: M. le Président, le 17 mai 1966, le constable dont j'ignore le nom, l'officier qui faisait le rapport, racontait les recherches qu'il avait faites aux endroits où avait demeuré l'accusé ou celui qui était recherché à Montréal et il disait qu'il avait été informé qu'il pourrait être rejoint dans le comté de Dubuc avant le 5 juin 1966. Je cite le rapport: « Je retourne les quatre mandats d'emprisonnement afin qu'un officier du poste concerné — j'ajoute moi-même, là, Chicoutimi—«puisse y faire l'exécution. » Il est clair que les mandats ont été envoyés à l'officier en charge du poste à Chicoutimi, puisque, j'ai ici en main un reçu, je crois que c'est de l'officier en charge ou d'un des officiers en charge du poste de Chicoutimi, M. Jules Fradette.

M. HARVEY: En charge.

M. LESAGE: C'est donc dire qu'il avait les mandais en sa possession puisque les numéros des causes, les amendes et les frais y sont mentionnés et qu'il y a un reçu pour le tout. Alors, je m'en prends à l'accusation de patronage lancée par le premier ministre et je dis que loin d'être du patronage, au contraire, des mandats émis contre un candidat libéral officiel ont été envoyés, à la suggestion d'un officier de police qui fait rapport, par le ministère de la Justice au poste de Chicoutimi pour exécution. Evidemment, lorsque l'officier en charge du poste de la sûreté à Chicoutimi reçoit le paiement de l'amende et des frais en satisfaction des jugements rendus, il n'y a pas lieu dans ces causes — et tout le monde le sait—de procéder à l'exécution des mandats. Mais ça, cette partie-là, le premier ministre ne l'avait pas mentionnée et, par conséquent, son accusation de patronage contre l'ex-ministre de la Justice est absolument non fondée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est fondée.

M. LESAGE: Absolument non fondée, et c'était le point que je voulais faire...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Fondée avant les élections.

M. LESAGE: ... et j'en ai donné une preuve éclatante. D'ailleurs, j'ai une preuve écrite. Maintenant, le premier ministre — je sais qu'il ne peut être à son siège ce soir, mais je ne pouvais attendre pour terminer mes remarques parce que j'aurais perdu mon droit de parole — je suis obligé, malgré son absence, de relever un dernier point. Et c'est ce genre de conduite et de langage qu'il a tenus envers l'ancien ministre de la Justice, d'abord, le mardi 18 avril, page 2239 du journal des Débats: « Chacun sa façon. Le député de Verdun veut-il prouver qu'il a été un excellent ministre de la Justice et envers qui veut-il le prouver? Avons-nous en aucun moment depuis le 16 juin 1966 parlé de l'état du ministère de la Justice au moment où le député de Missisquoi en est devenu le titulaire? Le député de Missisquoi, celui qui vous parle et les autres, ont-ils en aucun moment depuis le 16 juin déclaré que le député de Verdun n'avait pas fait son devoir comme ministre de la Justice? Personne, M. le Président, ne l'a attaqué à ce sujet-là. Personne n'a voulu éclabousser son image. Personne n'a voulu lui faire tort ni à lui, ni à sa famille. Personne n'a

voulu utiliser, ni celui qui vous parle, ni le ministre de la Justice » — j'attire votre attention, M. le Président — « personne n'a voulu utiliser, ni celui qui vous parle, ni le ministre de la Justice, des documents qui pourraient être de nature à créer du doute dans l'opinion publique, laissant entendre que de tels documents existaient. Nous ne l'avons pas fait et nous ne le ferons pas. »

Et cependant, M. le Président, le jeudi, le lendemain, le 20 avril, à la page 2292, le premier ministre continuait son attaque verbale contre l'ex-ministre de la Justice et il disait: « La vertu ne se mesure pas. L'honnêteté ne se mesure pas. Mais le député de Missisquoi, tout le monde l'admet, est un honnête homme » — je l'ai moi-même reconnu cet après-midi, M. le Président, et de très bonne grâce — « et les propos du député de Verdun étaient de nature dans le public... et il le sait, il continue, mais nous n'endurerons pas ça et, s'il le faut, M. le Président, si c'est nécessaire que je manque à ma promesse de ne pas parler des scandales du passé pour venger les insinuations faites contre le député de Missisquoi, j'avertis cette Chambre que je le ferai et il y a un homme qui va y goûter dans cette Chambre. »

M. le Président, ni le député de Verdun, ni celui qui vous parle, ni aucun député de ce côté-ci de cette Chambre ne peuvent être impressionnés par de tels propos. Rien ne nous a jamais empêchés de remplir notre devoir et tout notre devoir. Nous avons pour une période qui, c'est clair — et c'est de plus en plus clair — sera de courte durée, nous avons à remplir un rôle de ce côté-ci de la Chambre et nous allons le remplir, ce rôle, nous allons accomplir notre devoir sans peur.

Le député de Verdun et celui qui vous parle, M. le Président, ont été, alors qu'ils occupaient leur fonction, les cibles de menaces extrêmement graves, venant d'en dehors de cette Chambre, de menaces qui s'adressaient non seulement à eux mais aux membres de leur famille parce qu'ils remplissaient leur devoir...

M. GABIAS: Nous autres aussi.Il n'y a pas que vous.

M. LESAGE: ... et ce ne sont certainement pas les propos du premier ministre qui peuvent être de nature à nous effrayer et à nous empêcher de remplir notre devoir.

M. GABIAS: Pas de mélodrame.

M. LESAGE: Nous allons le remplir envers et contre tous. Nous allons le remplir suivant notre conscience, rien ne nous arrêtera. Ce ne sont certainement pas...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas une garantie.

M. LESAGE: ... les cris qui viennent de l'autre côté de la Chambre qui peuvent nous impressionner, pas plus que les paroles que le premier ministre a prononcées et que je viens de citer.

UNE VOIX: Rideau. UNE VOIX: Ni les vôtres.

M. LESAGE: Nous allons remplir notre devoir, et j'espère que si jamais je me rendais coupable de menaces à l'endroit des députés de l'Opposition, eux non plus n'auraient pas peur, s'ils n'ont rien à se reprocher.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On trouverait ça drôle.

M. LESAGE: Nous, nous n'avons rien à nous reprocher, nous avons toujours rempli notre devoir, nous continuerons à le remplir.

M. LOUBIER: Ah, oui vous avez fait des marasmes aussi, des marasmes durant quatre ans.

M. LESAGE: Nous avons prouvé, M. le Président...

M. GABIAS: On verra.

M. LESAGE: ... à la face de cette province pendant six ans, que tous les membres de l'équipe libérale étaient des hommes de devoir, des hommes consciencieux, qui avaient été élus pour remplir le mandat qui leur avait été confié, et cela sans peur et sans reproche.

M. GABIAS: Vos bons députés rient de ça, là.

M. LESAGE: ... Nous l'avons fait et le rôle que nous avons à remplir ici, nous allons le remplir sans peur et sans reproche, quoi que dise le premier ministre, quelles que soient les interruptions qui nous viennent de l'autre côté de la Chambre, mais j'avertis ceux qui siègent en face de nous et d'ailleurs — ils ont dû l'être par leurs propres amis — leur conduite est telle que le peuple de la province de Québec en a plein le dos du gouvernement actuel.

Et si les députés de l'autre côté de la Cham-

bre veulent savoir ce que le peuple en pense, c'est facile qu'ils déclenchent des élections!

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail, du Commerce et de l'Industrie.

M. Maurice Belle mare

M. BELLEMARE: M. le Président, n'eût été la scène disgracieuse à laquelle vous avez assisté cet après-midi à la fin de la séance et celle qui s'est produite à la fin de l'intervention de l'honorable chef de l'Opposition, je pense que ça n'aurait sûrement pas été nécessaire que je me lève pour rétablir certains faits.

D'abord ce sont eux qui parlent de scandales, ce sont eux qui disent qu'ils sont la cible de certaines attaques, eux qui pendant des années ont passé sur nos têtes à nous et à d'autres en dehors de cette Chambre, la menace de l'enquête Salvas: et des autres réputations qui ont été salies dans cette province, des hommes publics qui ont servi leur province, eux, M. le Président, qui ont employé tous les moyens afin de faire taire l'Opposition à laquelle j'appartenais et plusieurs de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre. Nous avons, par des moyens honnêtes, revendiqué nos droits, demandé que justice soit donnée. Nous n'avons demandé pitié à personne. Après 23 années de vie publique, M. le Président, personne n'a porté une seule accusation contre le député de Champlain, pas plus que contre le député de Missisquoi ou contre mes collègues qui sont en Chambre depuis 20 ans.

Mais aujourd'hui, le chef de l'Opposition, mal recyclé, parle d'élections. Bien, il n'y en aura pas d'élection.

Le chef de l'Opposition a dit il y a à peu près deux mois:Il va y avoir des élections dans la province, je vous avertis. Deux mois plus tard, il dit: houp! je me suis aperçu, non, je vous avertis il n'y en aura pas d'élections c'est encore lui, là.

M. le Président, nous avons reçu un mandat pour administrer la province et nous allons d'abord mettre de l'ordre dans les choses de la province, nous allons l'administrer la province. Quand on entend l'honorable chef de l'Opposition nous dire: Nous n'avons pas peur. Bien, nous autres non plus nous n'avons pas peur. Nous avons encore bien moins peur.

M. LESAGE: Faites-en des élections.

M. BELLEMARE: Actuellement, on a des dossiers qu'on n'avait pas.

M. LESAGE: Ah!

M. GERIN-LAJOIE: Le chantage encore!

M. BELLEMARE: On a des dossiers qu'on a trouvés dans chacun de nos ministères, moi particulièrement, et je dis que j'administre sans vengeance contre personne. Le premier ministre l'a dit et l'a répété, je ne sais pas si le chef de l'Opposition a compris.

M. LESAGE: Non. Je n'ai rien à me reprocher.

M. BELLEMARE: Non?

M. GABIAS: Les assurances?

M. BELLEMARE : Nous ne voulons pas faire de menaces à personne, mais il est temps dans cette province que ceux qui ont la responsabilité de l'administration le fassent sans salir personne, sans faire de procès sur la place publique comme l'ont fait, eux autres, les accusateurs: salir des familles, des réputations pour le seul bénéfice de l'électoralisme.Il l'a payée cher, le 5 juin, son enquête Salvas. Il vient dire, le chef de l'Opposition: « Ce pauvre député de Missisquoi! Un si bon garçon, tant travailler! Cela a-t-il du bon sens? C'est effrayant. Je ne comprends pas ça. C'est pour ça que c'est mal fait, parce qu'il en a trop. »

M. BERTRAND: Ne me faites pas pleurer!

M. BELLEMARE: Mais pour lui qui a été premier ministre déjà de la province. Je pense que les députés n'ont pas interrompu, personne, tout à l'heure, je demanderais au député.

M. GERIN-LAJOIE: C'est la meilleure! M. BELLEMARE: Je pense, un instant.

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre de Chicoutimi, six fois de suite.

M. BELLEMARE: Un instant, un instant, un instant. Pas par des allusions assises.

M. LAPORTE: Non, des allusions debout.

M. BELLEMARE: Tant que vous voudrez. Mais il oublie qu'il a été premier ministre, lui, il était ministre des Finances, ministre des Affaires fédérales-provinciales, président du Conseil de la trésorerie, chef du parti libéral et patroneux en plus de ça.Il avait confié les responsabilités de la justice à l'honorable député d'Outremont, ministre des Affaires culturelles,

ministre de la Justice. C'est bien trop pour le député de Missisquoi! Il pratiquait ça sur une haute échelle. Et puis, la justice, du temps de l'honorable député d'Outremont, qui ne venait pas en Chambre, qui ne venait pas à son bureau, la justice du temps du parti libéral continuait de s'opérer. Et on ne disait pas ça. Pendant des années, des mois, le ministre de la Justice n'était pas à son bureau mais le premier ministre le savait dans ce temps-là. Oui c'est vrai.

M. GERIN-LAJOIE: Ce n'est pas vrai.

M. BELLEMARE: Oui c'est vrai. M. La-palme était au Château.

M. LESAGE: Ce n'est pas vrai.

M. BELLEMARE: C'est de là qu'il a démissionné.

M. GOSSELIN: On était ici, nous autres. On s'en souvient.

M. BELLEMARE: Sans avertir son chef.

M. LESAGE: Je suis obligé, là, c'est une accusation très grave. Le député de Champlain vient d'affirmer un fait qui, s'il n'était corrigé immédiatement, pourrait donner une fausse impression sur une matière d'importance. J'ai dit cet après-midi, et je le réitère, que l'ancien procureur-général, à partir de l'année 1963, m'avait demandé d'être relevé de ses fonctions de procureur-général parce qu'il considérait qu'il n'était pas en mesure de remplir ses fonctions en même temps que celles de ministre des Affaires culturelles. Et j'ajoute ce soir que c'est lorsque le député de Chambly est devenu député de cette Chambre, après un certain temps, qu'il a été nommé ministre des Affaires culturelles.

M. GABIAS: C'est en 1961 qu'il a été élu.

M. LESAGE: Il a été nommé ministre des Affaires culturelles pour remplacer M. Lapalme, mais auparavant, M. le Président, au mois d'août 1963, le député de Saint-Maurice, M. René Hamel, avait été nommé procureur général et ça, à la demande de M. Lapalme, à sa demande expresse, et non pas par une démission qu'il m'avait envoyée sans m'en aviser.

M. BELLEMARE: M. le Président, je continue à dire que, pendant des mois et des semaines, sous l'administration libérale, le titulaire n'était pas à son poste. Je le répète: il était ministre des Affaires culturelles et mi- nistre de la Justice. Aujourd'hui, on fait scandale à l'honorable député de Missisquoi de bien remplir son mandat, d'être en Chambre, d'être tous les matins à 7 h 30 à son bureau, de travailler. Qu'est-ce qu'on peut reprocher au député de Missisquoi? Rien. Il fait son devoir. Il sert sa province.

Mais ce n'est pas tout. Les honorables ministres de l'ancien gouvernement ont cumulé, eux aussi, la responsabilité de plusieurs ministères. N'a-t-on pas vu le ministre des Affaires municipales, le député de Saint-Maurice, en même temps ministre du Travail? Est-ce que le député de Saint-Maurice ne pouvait pas être en même temps ministre des Affaires municipales et ministre du Travail? Est-ce qu'il n'y en avait pas d'autres dans l'équipe libérale qui pouvaient le faire? Non. Cela paraît bien. On avait le ministre des Travaux publics qui était aussi ministre des Richesses naturelles, des Mines.

M. LESAGE: Au début.

M. BELLEMARE:Il a été ministre du Bien-être social et aussi, en même temps, ministre de la Famille...

M. LESAGE: Oui, mais c'est le même ministère.

M. BELLEMARE: Et est-ce que le député, parce qu'il avait ces deux mandats, ne faisait pas bien son travail?

M. LESAGE: Mais c'est le même ministère!

M. BELLEMARE: M. le Président, est-ce que les Richesses naturelles, c'est le même ministère?

M. LESAGE: Non, non, la Famille et le Bien-Etre social, c'est le même.

M. BELLEMARE: Non, mais les Richesses naturelles, le Bien-Etre social et la Famille...

M. LESAGE: Mais il n'a pas eu les deux en même temps.

M. BELLEMARE: Non, mais il a eu les Travaux publics et les Richesses naturelles...

M. LESAGE: Au début, oui.

M. BELLEMARE: Pas seulement au début, pendant des mois. Est-ce que celui qui rit,

là, le député de Vaudreuil-Soulanges, en arrivant, est-ce qu'il n'a pas pris deux grands ministères, le ministère de la Jeunesse et le ministère de l'Education?

M. GERIN-LAJOIE: Un seul ministère. M. LESAGE: Non, un seul S la fois.

M. BELLEMARE: Oui, il a cumulé les deux ministères, et de la Jeunesse et de l'Education...

M. LESAGE: Mais non! Ils étaient successifs. Le ministère de la Jeunesse est disparu à la création du ministère de l'Education!

M. BELLSMARE: M. le Président, tout le monde dans la province de Québec sait qu'il a ramassé le ministère de la Jeunesse et le ministère de l'Education!

M. LESAGE: Mais non!...

M. BELLEMARE: Comme on sait que l'ancien ministre de l'Agriculture a eu deux ministères aussi.Le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. LESAGE: Oui, mais ils sont fusionnés!

M. COURCY: Us sont fusionnés, les ministères!

M. GERIN-LAJOIE: Un peu de sérieux, hein.

M. COURCY: Pendant ce temps-là, vous avez crié...

M. BELLEMARE: Parce que le ministère de la Colonisation qui avait un budget considérable a été fusionné avec le ministère de l'Agriculture et cela s'est fait sous le titre de la démocratie, de la liberté d'expression.

M. LESAGE: Vous ne l'avez pas changé.

M. BELLEMARE: On en a profité pour passer par la guillotine certains employés, bien doucement pour que ça ne paraisse pas trop en fusionnant et en défusionnant. Cela est arrivé.

M. COURCY: M. Lalande est resté sous-ministre.

M. BELLEMARE: M. le Président, quand j'entends...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A moins que les règlements ne soient changés, seul actuellement l'honorable ministre du Travail et de l'Industrie et du Commerce a le droit de parole.

M. LESAGE: C'est pour l'aider.

M. BELLEMARE: Vous remarquerez que les bruits... comme disait tout à l'heure le chef de l'Opposition, c'est effrayant de voir en Chambre, le spectacle que donne le gouvernement au pouvoir. Mais avez-vous remarqué le spectacle que donnent, depuis que j'ai commencé à parler,les honorables députés de l'Opposition? Et c'est eux qui veulent nous prêcher la vertu. Eux?

M. le Président, la justice dans laprovince de Québec...Il ne faudrait peut-être pas remonter aux ancêtres des honorables libéraux qui sont devant moi. On pourrait peut-être mettre des noms au bout de certaines administrations, qui feraient peut-être mal aux libéraux d'aujourd'hui.

M. GERIN-LAJOIE: Maurice Duplessis.

M. BELLEMARE: Ah ça, ça vous fait plaisir de dire ça, mais vous verrez un jour M. Duplessis demeurer dans l'histoire et vous vous n'aurez pas une virgule seulement.

M. LESAGE: Et à la fin des temps il viendra sur les nuées comme le Paraclet...

M. BOUSQUET: Après tant d'efforts.

M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous rappeler le soir de la défaite du parti libéral pour vous donner l'état d'âme de ces honorables messieurs. Vous avez tous vu à la télévision le chef d'un parti comment il s'est conduit...

M. LESAGE: Comment? Comment je me suis conduit?

M. BELLEMARE: Oui, M. le Président, comment est-ce que tout autour de lui on a traité sa belle personne. On perdait le pouvoir, et c'était triste de les voir...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Je comprends que le ministre du Travail exerce son droit de parole, mais je me demande si le débat que nous avons entrepris sur l'administration de la justice doit nous permettre de faire tout le tour de l'histoire de la province de Québec. C'est absolument hors d'ordre ce qui se dit. On pourrait peut-être... Je n'ai

pas terminé l'exposé de mon point d'ordre. Je n'ai qu'une phrase à ajouter, M. le Président. Le ministre qui semblait si pressé de défendre ses crédits tout à l'heure, il n'y a pas si longtemps, il me semble que s'il s'en tenait au sujet, ce serait moins long.

M. GOSSELIN: Vous lui avez dégobillé dans le visage tout l'après-midi: maintenant vous voudriez qu'on cesse.

M. LAPORTE: Non, je veux qu'il parle du sujet.

M. BELLEMARE: M. le Président, on a assez fait de personnalités dans l'espace d'une heure et demie que vous permettrez bien pendant cinq minutes d'essayer de rétablir les faits. Nous sommes des gens honnêtes, nous cherchons tous que la justice soit appliquée intégralement dans la province de Québec et l'honorable ministre de la Justice ne mérite pas d'être traité comme on l'a fait depuis le début de ce débat. On a essayé de dire que le ministre de la Justice n'était pas digne du rôle important qui lui a été confié par l'honorable premier ministre. On a essayé de le ridiculiser. On ne peut pas permettre ça quand on est en autorité. Le prestige d'un homme tel que le ministre de la Justice ne doit pas être effrité, surtout quand on a à distribuer la justice. Donner à la pègre l'avantage sur le ministre de la Justice Ceux qui prêchent la justice, ceux qui veulent la justice, ceux qui la recherchent la justice ne devraient pas donner ce triste spectacle d'attaquer ici même, en Chambre, un ministre qui est inattaquable, un ministre qui a fait son devoir avec les officiers de l'ancien ministre de la Justice qui n'ont pas été changés. Est-ce qu'on a le droit de donner à la pègre cet argument que le ministre de la Justice n'est pas bon et qu'il ne fait pas son devoir? Cela, c'est attaquer le prestige de la justice. Au lieu de rechercher électoralement ce qui pourrait peut-être faire partie d'un plan, d'une stratégie, il vaudrait beaucoup mieux ensemble travailler de concert avec ceux qui sont en autorité, ne pas essayer de diminuer, d'accuser ou d'essayer de prendre en défaut un ministre de la Justice autorité dans la province de Québec. Ce n'est pas une tâche facile. L'ancien ministre de la Justice le sait. Mais croyez-vous que c'est plus facile aujourd'hui après les descentes concertées que lui et d'autres députés dans cette Chambre ont fait entendre concernant la bonne foi, la bonne réputation et surtout l'activité que déploie actuellement l'honorable député de Missisquoi? Non, M. le Président.

L'honorable chef de l'Opposition a voulu faire une rectification quant aux déclarations qu'a faites dans cette Chambre l'honorable premier ministre au sujet du cas Lapointe.

Tout l'argument de l'honorable premier ministre n'était pas à savoir si oui ou non il y avait culpabilité, si oui ou non il avait payé ou pas payé, la seule chose qu'a voulu faire ressortir l'honorable chef du gouvernement, le premier ministre, c'est le fait que le ministre de la Justice du temps avait été dans une assemblée avec une personne qui était recherchée par un mandat

M. LESAGE: Etait présent avec une personne...

M. BELLEMARE: Cela, M. le Président, c'est le seul reproche qu'a adressé le premier ministre au député de Verdun et en ajoutant ceci: « Je vois le député de Verdun s'il fallait qu'un des députés de l'Union Nationale, dans une paroisse ou dans un village, soit dans une organisation politique ou autre où il y a un homme recherché par la police, quels esclandres aurait faits le député de Verdun? » Là, monsieur, ç'aurait été terrible, on aurait entendu encore les mots « Duplessis », on aurait entendu encore ces accusations malveillantes, on aurait dit: Vous voyez la pègre, elle se tient près de l'Union Nationale. Vous voyez, c'est le régime qui revient à la surface. Eh bien, M. le Président, ce n'est pas ce qu'a fait le premier ministre, il a dit au député de Verdun, à vous M. le Président, il a dit: « Le député de Verdun était dans une assemblée » et c'est ça qu'a voulu démontrer le premier ministre. Qu'il ait payé le 2 juin, alors qu'on avait fait le rapport depuis le 19 mai, le 17 mai dis-je, et puis c'est seulement le 2 juin qu'il a payé, 18, 19, 20, 21...

UNE VOIX: Cela ne fait pas deux semaines!

M. BELLEMARE: ... et demie. Cela a pris du temps, c'était un homme difficile à trouver. Ils ont du le chercher pas mal. Un homme occupé, un gros gars.

M. le Président, que l'Opposition ne se fatigue pas, nous avons un mandat et nous avons la responsabilité, tous mes collègues et moi, d'administrer la province dans l'intérêt public et nous le faisons sans contrainte, avec le meilleur esprit possible, sans esprit de vengeance, sans essayer de sortir des bouts de dossiers pour en montrer à certains députés ou à certains ministres. Non, ce n'est pas ainsi que nous allons administrer la province. Nous allons l'administrer dans un bon climat en donnant

l'exemple de gens intelligents qui veulent réellement trouver pour le peuple les meilleures solutions. Et quant aux prochaines élections, je dis à l'honorable chef de l'Opposition: Il n'en reviendra pas dix parmi vous autres. Vous verrez, M. le Président, c'est un vieux guerrier qui vous le dit. J'en ai déjà vu en cette Chambre, de 1944 à 1948, qui étaient extraordinairement féroces, faisaient des discours à l'emporte-pièce, c'était fantastique. Des jours et des jours sur l'Ungava, terre que l'on donnait aux Américains. Des jours et des jours sur le boulevard Talbot, dépense de $9 millions, $10 millions, des jours et des jours, des scènes extraordinairement disgracieuses. Ils étaient 33, ils sont revenus huit.

M. LACROIX: Vous aviez donné combien à la caisse électorale?

M. LOUBIER: Qu'ils ne parlent donc pas de caisse électorale, ils se battent pour ça.

M. BELLEMARE: M. le Président, vous ne devriez pas parler de corde dans la maison d'un pendu!

M. LACROIX: Quand vous avez été pris avec une loi électorale vous avez perdu vos élections...

M. BELLEMARE: Vous vous chicanez actuellement pour savoir à qui elle va aller la caisse. Il y a toujours des limites. Tâchez de vous cacher un peu quand même.

M. LACROIX: On n'apprendra toujours pas la décence de vous autres. Ce n'est toujours pas avec Gérald Martineau, puis Jos.-D. Bégin, puis le député de Champlain qu'on va apprendre la décence.

M. BELLEMARE: Non, c'est avec d'autres qui portent d'autres noms et que nous connaissons...

M. GABIAS: Parlez-nous donc de vos souliers.

M. BELLEMARE: ... que nous pourrions nous autres aussi lancer à la pâture publique, que nous connaissons pour certaines contributions...

M. LACROIX: On va vous parler de Bellemare tout à l'heure, l'autre.

M. BELLEMARE: ... que nous pourrions nous aussi lancer sur la place publique et nous pour- rions donner certains noms de certaines personnes.

M. LACROIX: Quand on vous connaît, si vous étiez capable, vous le feriez avec plaisir.

M. LOUBIER: Ah bien, Seigneur!

M. BELLEMARE: M. le Président, que le député des Iles-de-la-Madeleine n'aille pas trop loin, qu'il n'aille pas trop vite, il y a un docteur chez eux, nous lui en reparlerons en temps et lieu.

M. LACROIX: Je suis toujours disposé.

M. LOUBIER: Ah, mon Dieu! Il était disposé dans Bellechasse aussi.

M. BELLEMARE: Les docteurs qui ont acheté des terrains bon marché pour les revendre au gouvernement à un bon prix. On dira ça quand ce sera le temps.

DES VOIX: Ah!

M. LACROIX: M. le Président, sur une question de privilège, je ne laisserai pas le député de Champlain laisser porter des doutes sur l'honnêteté du député des Iles-de-la-Madeleine. Parlez-en. Si vous voulez en parler, des terrains vendus par un certain docteur, je suis disposé à le faire et avec les fonctionnaires du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

M. GABIAS: Qui ça?

M. LACROIX: Et je ne crains pas le député de Champlain. Non seulement je me déclare honnête, mais je le suis, moi. Cela peut faire la différence avec certains députés de l'autre côté.

M. GABIAS: Les bottines.

M. BELLEMARE: Est-ce que le député des Iles-de-la-Madeleine veut dire que le député de Champlain n'est pas honnête?

M. LACROIX: Je vous ai dit que ça faisait une différence avec certains députés de l'autre côté: je n'en ai mentionné aucun.

M. GABIAS: Nommez-les.

M. LACROIX: En temps et lieu, je les mentionnerai, moi aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nommez-les.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis toujours fort intéressé par les remarques que prononce un honorable député. Quand je puis le voir, lire attentivement ses expressions de figure, la tâche devient à ce moment-là plus facile pour moi de suivre son discours et ses remarques.

M. BELLEMARE: M. le Président, c'est inconcevable que ces gens qui ont été battus par le peuple puissent aujourd'hui revendiquer, à pourcentage, une certaine popularité. Et c'est l'honorable chef de l'Opposition qui m'amène sur ce terrain. Il dit: S'ils allaient devant le peuple, ils auraient leur surprise. On y va toutes les semaines, M. le Président, dans nos comtés devant le peuple et c'est fantastique tout ce qu'ils nous disent de l'opposition libérale.

M. LESAGE: Craignez les flatteurs.

M. BELLEMARE: Oui, mais seulement derrière un nuage d'encens, je fais toujours attention à l'encensoir.

M. LESAGE: Vous faites bien.

M. BELLEMARE: Mais vous, vous vous êtes fait assommer par lui. Vous aviez une tendance à ce petit péché mignon, l'orgueil.

M. LESAGE: Vous vous êtes déjà fait accrocher par l'encensoir, vous.

M. BELLEMARE: M. le Président, le peuple de la province de Québec est un peuple de gros bon sens. Ce n'est pas un peuple qui puisse digérer les accusations malveillantes telles qu'elles ont été faites cet après-midi par l'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Qu'est-ce que j'ai fait, M. le Président?

M. BELLEMARE: Je dis non, M. le Président.

M. LESAGE: M. le Président, je m'excuse, je voudrais bien savoir quelles accusations malveillantes j'ai portées. Je n'ai porté aucune accusation.

M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition, qui a demandé pardon à la Chambre au début tout à l'heure, était sincère ou non?

M. LESAGE: Je n'ai pas demandé pardon à la Chambre, M. le Président. J'ai dit purement et simplement que je voudrais coopérer avec vous et que je ne reviendrais pas sur un sujet qui serait de nature à enflammer la Chambre; c'est tout ce que j'ai dit Je n'ai aucun pardon à demander.

M. BELLEMARE: M. le Président, je le pensais sincère au début...

M. LESAGE: Je le suis.

M. BELLEMARE: ... de son intervention ce soir...

M. LESAGE: Je le suis.

M. BELLEMARE: ... quand il a dit je m'excuse.

M. LESAGE: Non, non, M. le Président, je m'excuse, je m'excuse d'interrompre l'honorable député, mais je ne me suis pas excusé et je n'avais pas d'excuses à offrir.

M. BELLEMARE: M. le Président, il a dit: J'ai gravement péché, cet après-midi, contre l'Union Nationale...

M. LESAGE: Ah, M. le Président, il me semble que...

M. BELLEMARE: ... je voudrais, ce soir, réparer gentiment...

M. LESAGE: Non, mais y a-t-il moyen de cesser ça?

M. BELLEMARE: ... et il a commencé en expliquant pourquoi il avait fait certaines accusations...

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: ... il a dit: Je vais m'en tenir à deux autres pour terminer. Et là, M. le Président, il a relevé deux accusations du premier ministre.

Mais, M. le Président, croyez-vous sincèrement que, lorsque le chef de l'Opposition se donne en spectable, comme il s'est donné à six heures moins quart ce soir cela revalorise le parlementarisme? C'est lui qui dit après ça, à nos députés: Mais, c'est impossible une Chambre pareille, mais vous l'avez entendu, vous avez été obligé de vous en aller vous, M. le Président.

M. LESAGE: A cause du député de Trois-Rivières.

UNE VOIX: C'est à vous la faute.

M. BELLEMARE: C'est à cause, M. le Président, de ce que vous aviez entendu de l'autre côté.

M. LAPORTE : M. le Président, on pourrait au moins éviter de tenter de juger les motifs qui vous ont amené à vous retirer, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est parce qu'il était six heures et deux.

M. BELLEMARE: Et vous en aviez assez. M. le Président, que l'on soit dans cette province des gens qui prêchent une doctrine de justice égale pour tous, d'accord.Il n'y a pas un seul membre de ce parlement qui veut autrement que la justice soit distribuée chez nous. Que l'on demande que tout le monde soit traité également avec équité. Pas un, M. le Président, ne sera contre cela, mais ce à quoi on est opposé, c'est la méthode militaire, le totalitarisme, c'est ça, M. le Président. Us connaissent le mot eux autres, M. le Président.

L'état policier, M. le Président, ça, M. le Président, on est contre ça, on est contre ça, que chacun des individus ait l'impression que son gouvernement est un état policier, on est contre ça.Il arrive que pour des balivernes, un simple avertissement pourrait en certaines circonstances rendre bien plus service que d'exercer brutalement la force et c'est un député libéral qui l'a dit de l'autre côté, le député de Charlevoix-Saguenay, dans un discours qu'il a fait lorsqu'il a accusé la PP d'agir sans aucun discernement.

M. COURCY: PP.

M. BELLEMARE: Et, M. le Président, dans cette province de Québec, on est contre ceux qui prêchent une doctrine et qui en pratiquent une autre, dans l'opposition, et j'en sais quelque chose, à maintes reprises mes collègues et moi-même avons questionné l'honorable député de Verdun.Il ne nous donnait que des réponses fragmentaires. Quelques réponses, M. le Président, très courtes. Oui nous nous en occupons. Nous verrons. Nous ferons rapport. Et aujourd'hui que la justice se fait au grand jour, que l'administration de la justice ne se fait plus en cachette, que lorsqu'un député pose une question à l'honorable ministre de la Justi- ce il répond et il donne les faits, ça c'est condamnable.

Il y a un officier dans le ministère de la Justice — et ce sera dit en temps et lieu — qui a écrit une lettre dans laquelle il reproche au ministre de la Justice du temps:Il y a des causes de prêles et nous n'avons pas d'ordre de marcher. La lettre est écrite. En temps et lieu, M. le Président, nous allons la lire.

M. LAPORTE: En attendant, on laisse planer des doutes.

M. BELLEMARE:Il est temps, M. le Président, que les purs, que ceux qui se disent purs...

M. LESAGE: Bien lisez-la.

M. BELLEMARE: ... dans la province arrêtent cette prédication, cette fausse impression qu'ils veulent semer alentour du nom du ministre de la Justice d'aujourd'hui. Vous prétendez, M. le Président, que nous ne citons pas de nom? Bien, arrêtez donc vos insinuations contre un ministre qui travaille, un ministre qui se dévoue, un ministre de la Justice qui fait son possible.

Non, M. le Président, on a essayé pendant ce débat de discréditer par des louanges, par des insinuations, le travail qu'accomplit, avec tant de dévouement, mon collègue le député de Missisquoi.

Il est impensable que, dans un parlement comme le nôtre, au lieu de se liguer contre un homme qui fait son devoir, on ne lui apporte pas plutôt le fruit de ses connaissances, qu'on ne lui apporte pas plutôt le fruit de son expérience et que l'on se retranche derrière les barricades d'un parti pour défendre un électoralis-me condamnable. Si c'est vrai que le député de Verdun possède une expérience, si c'est vrai que le député de Verdun peut aider la justice, pourquoi ne pas collaborer avec le gouvernement, pourquoi ne pas collaborer avec le ministre de la Justice d'aujourd'hui, pouquoi laisser planer des doutes sur tous les députés, sur tous les ministres quand il dit immobilisme? M. le Président, on n'a pas le droit, surtout quand on a rempli des charges aussi difficiles que celles de ministre de la Justice et que l'on veut en cette Chambre être un bon député, un membre d'une Législature qui veut faire son possible et tout son devoir, de refuser sa collaboration.

Ah, vous allez dire: Nous sommes dans l'Opposition. Nous avons un rôle à jouer, mais de grâce, Seigneur, quand est-ce qu'on va mettre de côté ces lignes de partis pour aider vérita-

blement la justice dans la province de Québec? Et le règne de la justice, ça, M. le Président, ce serait dans la bouche de l'honorable député de Verdun des paroles qui mériteraient des félicitations de tout le peuple du Québec.

Et on assiste, M. le Président, depuis quelques jours, à des scènes extrêmement disgracieuses qui ont, en dehors de cette Chambre, provoqué les haut-le-coeur de certaines personnes. M. le Président, des crimes, de la pègre, il y en a dans la province d'Ontario, il y en a dans la province de la Colombie-Britannique, il y en a aux Etats-Unis, il y en a en France, il y en a en Angleterre. Est-ce qu'il y en a moins parce que M. De Gaulle est président de la France? Non. Est-ce qu'il y en a moins parce que le président Johnson est président des Etats-Unis? Non. Mais des mesures, par exemple, peuvent être apportées chacun dans son pays, chacun dans sa province pour ensemble travailler à donner à la société les moyens qu'il faut pour répondre aux impératifs de 1967, et c'est ce qu'a fait le ministre de la Justice d'aujourd'hui en recommandant au Conseil exécutif et à la Chambre la formation d'une commission, qui siège et qui va faire rapport. Cela, c'était nécessaire. Contrairement à certains autres qui en ont peut-être demandé, des commissions d'enquêtes et à qui ça n'a pas été accordé. Nous allons, M. le Président, attendre les recommandations, mais avant ça, le ministre de la Justice tous les jours, sur la recommandation de ses officiers du ministère, accomplit une bonne besogne: il travaille à refréner — chose qui n'est pas facile — le travail de la pègre, bien organisée d'accord, mais dans dix ans, dans quinze ans quand nous aurons laissé le pouvoir, d'autres ministres de la Justice viendront.Ils auront là aussi des problèmes, des problèmes que nous n'avons pas créés, des problèmes dont nous avons hérité et que nous essayons, avec toute la bonne foi et toute la lucidité dont fait preuve le ministre de la Justice de régler. J'espère M. le Président, que nous allons cesser ce triste spectacle qu'on nous a donné la semaine dernière, ces accusations et ces insinuations qui ont fait mal, ah pas mal au point de vue politique parce que nous n'avons rien à nous reprocher, mais mal à l'individu par exemple.

Ce n'est pas raisonnable quand un homme travaille vingt heures par jour de lui servir le plat des insinuations et des accusations voilées qui ont été faites dans cette Chambre.

M. le président, j'espère que la Chambre reviendra à cette atmosphère plus sereine que nous avons connue et qui sera profitable et pour les justiciers et pour l'administration de la justice.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. Pierre Laporte

M. LAPORTE: Je serai très bref, car je n'ai que trois points à relever dans les remarques qui ont été faites par le ministre du Travail et qui ont pu être faites par d'autres députés en cette Chambre au cours de ce débat.

Le premier point concerne l'ancien député d'Outremont, M. Georges Lapalme qui fut procureur général de la province de Québec et ministre des Affaires culturelles, puis simplement ministre des Affaires culturelles. Le ministre du Travail, dans son allocution a insisté sur un point, c'est que justice soit rendue à tous les citoyens de la province de Québec. Je pense qu'à ce sujet, sans faire de passe-droit ou de faveur à qui que ce soit, il faudrait que cette pleine mesure de justice soit rendue autour de nous et envers ceux qui furent, il n'y a pas si longtemps, nos collègues à l'Assemblée législative.

M. Lapalme est certainement un des hommes politiques les plus respectés de la province de Québec et un de ceux pour lesquels, personnellement, j'ai le plus d'admiration pour le travail qu'il a accompli non seulement pour le parti libéral, mais pour l'avancement et le progrès des idées dans la province de Québec en général, pour l'effort de démocratisation qu'il a réussi à implanter à l'intérieur d'une des grandes formations politiques de cette province, et pour le travail qu'il a accompli alors qu'il était ministre dans le gouvernement qui a précédé celui qui est devant nous actuellement.

Il est clair qu'à un certain moment, M. Lapalme a demandé à être relevé de ses responsabilités de ministre de la Justice — ça s'appelait procureur général à l'époque — et qu'il a ensuite démissionné comme ministre des Affaires culturelles. Mais pendant toute la durée de son ou de ses mandats comme ministre, il a toujours été, à la connaissance de tous ses collègues et de tous les fonctionnaires, un des ministres les plus assidus à son bureau depuis tôt le matin jusqu'à tard le soir.

M. GABIAS: On n'applaudit pas le diable!

M. LAPORTE : Si vous mesurez la véracité de ce qui se dit à l'immensité des applaudissements, il s'agit tout simplement d'avoir des plus grosses mains pour dire plus vrai!

M. GABIAS: Ce n'est pas votre meilleure.

M. LAPORTE: Je dis que c'est une injustice que le ministre du Travail a faite à l'endroit de son ancien collègue d'Outremont d'avoir prétendu qu'il a administré l'un ou l'autre de ses ministères ailleurs qu'à l'intérieur de son bureau comme tout le monde.

Le deuxième point que je voulais souligner brièvement, c'est au sujet du cas Lapointe. C'est un de ces cas qui n'auraient jamais dû être ramenés devant l'Assemblée législative. Les gens sont simplistes dans les jugements qu'ils peuvent porter sur les déclarations qui sont faites à l'Assemblée législative. M. Lapointe a commis le grand crime d'aller plus vite que la loi ne le permet sur certaines routes de la province et ensuite de ne pas répondre aux sommations qui lui ont été envoyées.

Un cas qui se répète à des milliers d'exemplaires chaque année dans la province de Québec. Et si on faisait simplement le tour des députés, on constaterait qu'il y en a peut-être d'autres qui ont été dans la même situation.

Ce n'est pas le fait que M. Lapointe ait été ou n'ait pas été un candidat libéral. Cela n'a rien à voir. Mais c'est le fait qu'on a amené devant l'opinion publique, au cours d'un débat extrêmement violent, le cas d'un homme qui, en somme, n'avait commis qu'une infraction aux règlements de la circulation et qui, aux yeux de bien du monde, risque maintenant de passer pour un criminel. C'est le genre de dossier qui devrait strictement rester à l'intérieur du ministère de la Justice et ne pas être amené en public, surtout quand le cas est réglé.

Et enfin, troisièmement, je voudrais dire un mot du poste de ministre de la Justice et du titulaire actuel du ministère de la Justice. Personne, je pense, en dépit de ce qu'a déclaré le ministre du Travail — qui cherchait manifestement des arguments qui n'avaient pas été utilisés en cette Chambre — personne, je le répète, n'a mis en doute l'intégrité, l'esprit de travail, le dévouement du ministre de la Justice actuel.

M. BELLEMARE: Ah, ah, ah. Bien, voyons.

M. LAPORTE: Personne.Il est même arrivé que le chef de l'Opposition ait directement fait son éloge cet après-midi.

M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député de Chambly me permet? Est-ce qu'il trouve ça décent et correct, la manière dont le chef de l'Opposition s'est comporté cet après-midi vis-à-vis du député de Missisquoi? De le vanter pour après ça le descendre?

M. LESAGE: Je ne l'ai pas descendu.

M. LAPORTE: Alors, M. le Président, je vais simplement dire au ministre du Travail qu'il me donne l'occasion, non pas que je recherchais, mais qu'il me donne involontairement, de faire une comparaison. Cet après-midi, le chef de l'Opposition a fait l'éloge de la personne du ministre de la Justice pour dire ensuite: Il a trop de travail. Ni son intégrité ni rien n'a été mis en cause, au contraire.

M. BELLEMARE: Il a dit: «Il ne fait rien ».

M. LAPORTE:Il est arrivé... Un instant, il n'a pas dit qu'il ne faisait rien, il a dit qu'il travaillait 18 heures par jour mais qu'il ne pouvait pas faire les deux en même temps. Son intégrité a été respectée. A un moment donné l'affaire Rivard est arrivée.

M. BELLEMARE: Qu'est-ce que le ministre de la Justice... Qui protège...

M. LAPORTE: Un instant. L'affaire Rivard est arrivée à un certain moment et il n'est entré dans l'esprit de personne que le ministre de la Justice de l'époque ait pu être personnellement responsable de l'évasion de Rivard. Personne.

Voyez-vous, M. le Président, quand on parle de l'intégrité d'un ancien ministre de la Justice, alors que le ministre du Travail vient de nous dire — et ça, je l'approuve — qu'on doit respecter la personne du ministre de la Justice, que c'est un des postes les plus essentiels dans la province de Québec, pour ses prédécesseurs et pour ses successeurs. Dans l'affaire Rivard, il n'est entré dans l'esprit de personne de sérieux d'imaginer que le député de Verdun était responsable de l'évasion.Il devait être bien plus malheureux que tout le monde à la suite de cette évasion. Et, pourtant, qu'est-ce que le chef de l'Opposition de l'époque a dit? Le 9 mars 1965, à la page 1047 du journal des Débats: « Il faut que le procureur-général profite de ce débat pour rassurer la population, pour rétablir cette réputation d'intégrité qu'il avait, et que je lui souhaite de garder, mais qui est dangereusement compromise à cause des circonstances de l'évasion. »

M. le Président, ce que nous n'avons pas fait, mettre en doute l'intégrité du ministre de la Justice actuel et que l'on nous a pourtant reproché d'avoir tenté de faire, l'an dernier, on l'a fait directement à l'endroit de son prédécesseur. Et il s'est certainement trouvé des personnes

— y compris, j'en suis convaincu, le député de Champlain — pour applaudir vigoureusement quand cette déclaration-là a été faite. Et si nous avions employé la moitié du début de ces mots-là à l'endroit du titulaire actuel, il aurait été le premier à nous faire une crise, à nous faire une poussée de sang, ici même.à l'Assemblée législative.

Il faut toujours être extrêmement prudent dans ses assertions. On a tenté directement de mettre en doute l'intégrité de l'ancien ministre de la Justice à l'occasion d'un événement fortuit quant à lui. Je répète, après le ministre du Travail, que la fonction de ministre de la Justice est certainement l'une des plus fondamentales, l'une des plus importantes, l'une de celles qui demandent le plus de respect. Et je pense que c'était vrai l'an dernier comme ça l'est cette année. Ils ont semblé avoir d'autres opinions à ce moment-là. Je répète que nous avons entièrement confiance en l'intégrité du ministre de la Justice, je répète que nous soulignons son esprit de travail, mais je répète également que mettre sur le dos d'un seul homme deux ministères de cette envergure, c'est ou vouloir sa perte ou alors vouloir que deux ministères soient à demi administrés. C'est cela qu'on lui dit.

M. BELLEMARE: Vous avez fait cela. M. LAPORTE: J'ai administré moi-même... M. BELLEMARE: Deux ministères.

M. LAPORTE: ... deux ministères au point de vue du budget.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et avec quel succès!

M. LAPORTE: Cela, Monsieur, quand les crédits du ministre des Affaires culturelles viendront, il nous dira ce qu'il a fait de nouveau et je lui dirai ce que j'ai fait de nouveau dans mon ministère, moi. A part d'annoncer des choses qui existaient déjà ou que j'avais faites moi-même, il n'a strictement rien fait. On le verra dans ses crédits.

DES VOIX: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pose la question de privilège, M. le Président. Le député de Chambly peut-il donner la preuve?

M. GERIN-LAJOIE: Le privilège d'interrompre, oui. Restez donc assis à votre siège, c'est au député de Chambly à parler.

DES VOIX: Voyons donc.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela a été ministre de l'Education, voyez... M. le Président...

M. LAPORTE: Vous n'en avez pas profité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose la question de privilège. Le député de Chambly...

M. LESAGE: Malheureusement, vous étiez né trop vieux.

M. LAPORTE: M. le Président, qu'il dise ce qu'il a à dire.

M. LOUBIER: Il y a bien des pingouins là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous êtes témoin que ces messieurs m'interrompent et m'empêchent de dire ce que je dois dire.

M. GERIN LAJOIE: Vous n'avez rien à dire, c'est vous qui avez interrompu. Asseyez-vous.

M. LOUBIER: Oh, mon Dieu! Le frère directeur.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pose la question de privilège. Le député de Chambly a porté une accusation. Il a dit: « Le ministre des Affaires culturelles n'a fait qu'annoncer ce qui était déjà commencé. » Peut-il donner la preuve?

M. LAPORTE: Oui, je vais vous donner la preuve tout de suite. Le ministre des Affaires culturelles a annoncé I grand renfort de publicité la création d'un musée de la marine à la maison Chevalier, qui existait depuis un an et demi.

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose encore une fois la question de privilège, et je la pose en français afin que le député de Chambly comprenne. J'affirme que le musée de la marine n'a jamais été, ni dans l'esprit du député de Chambly, ni dans les dossiers du ministère et que c'est moi qui ai pris l'initiative, à la suite de consultations avec mes collaborateurs, parce qu'il avait refusé le projet.

M. LAPORTE: M. le Président, le ministre a parfaitement raison. Le musée n'était ni dans mon esprit, ni dans ses dossiers, il était à la maison Chevalier.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! M. le Président, je voudrais...

M. LAPORTE: Vos crédits vont venir, on ne peut pas éterniser ça.

DES VOIX: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi):Il serait inconcevable, M. le Président, que les journaux et la population restent sur l'impression fausse que vient de donner le député de Chambly en affirmant qu'il existait un musée de la marine à la maison Chevalier.

Il y a, à la maison Chevalier, quelques pièces qui...

M. LAPORTE: J'ai l'impression que le nombre va augmenter si le débat continue!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de l'avis des fonctionnaires pouvaient éventuellement servir à la création d'un musée dont j'ai annoncé la création et dont j'ai pris l'initiative que n'avait pas prise le député de Chambly. Je tenais à faire cette mise au point afin de corriger cette fausse impression qu'a voulu donner le député de Chambly, et nous aurons l'occasion, lors de l'étude de mes prévisions budgétaires, de voir en détail quel a été le résultat des absences intermittentes et périodiques ou sporadiques du député de Chambly.

M. LAPORTE : Intermittentes, on verra ça. C'est ça, apportez tous vos dossiers parce que j'aurai tous les miens. On verra à ce moment-là qui a travaillé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous aurez surtout les dossiers que vous avez fait disparaître, y compris les lettres.

M. LAPORTE: M. le Président, les dossiers? aucun dossier n'est disparu du ministère des Affaires culturelles, sauf mes dossiers personnels. '

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors vous n'aviez pas travaillé parce qu'il ne restait aucune preuve de votre présence au ministère pas même une lettre. Cela prouve que vous ne passiez pas souvent.

M. LAPORTE: M. le Président, quand on étudiera les crédits des Affaires culturelles je dis simplement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'abord on ne dit pas les crédits, on dit les prévisions budgétaires. Les crédits c'est quand c'est voté.

M. LAPORTE: Comment?

M. LACROIX: Demandez donc au député de Bellechasse de vous donner un petit bec, on va peut-être avoir la paix!

DES VOIX: Vous n'avez pas à rougir!

M. LOUBIER: Je pense bien que mes collègues d'en face, par leurs rires et leurs applaudissements, ne veulent pas que je m'exécute parce que je pense bien que la majorité sait que je ne penche pas de ce côté-là.

M. LAPORTE: M. le Président, je crois qu'il n'y a rien à ajouter et sur ce penchant, je reprends mon siège.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Encore une insinuation malveillante!

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. Yves Gabias

M.GABIAS: M. le Président, depuis le début de cette session on ne peut sûrement pas m'accuser d'avoir pris trop de temps et d'avoir participé aux débats. Mais, à la suite de la motion du député de Verdun, je crois que je manquerais gravement à mon devoir si je ne disais pas ce que je pense de cette motion et...

M. LESAGE: Il n'y a pas de motion!

M. GABIAS: Ah! le député de Louis-Hébert dit: « Il n'y a pas de motion ».

M. LESAGE: Non.

M. GABIAS: Mais on s'est réservé le droit de la faire ou de ne pas la faire à la suite de cette discussion.

M. GERIN-LAJOIE: Il n'y a pas de motion du député de Verdun.

M. GABIAS: Non, il n'y en a pas présentement...

M. LESAGE: Une motion du ministre des Finances.

M. GABIAS: ... il n'y a pas une motion de

non confiance à l'endroit du ministre de la Justice, mais il est clair que le député de Verdun s'est levé et a parlé à la suite d'une motion qui a été appelée. Si le député de Louis-Hébert ne sait pas cela, si le député de Vaudreuil-Soulanges ne sait pas cela, il est temps qu'ils regardent leurs règlements et l'apprennent. Je dis donc, M. le Président, qu'il y a une motion sur laquelle le député de Verdun a parlé et cette motion, même si elle ne conclut pas à un vote de non confiance à l'endroit du ministre de la Justice, il est clair que le contenu de son discours...

M. GERIN-LAJOIE: Il a oublié sa procédure pendant les années qu'il était en dehors.

M. GABIAS: D'abord, M. le Président, je vais rétablir les faits: je n'ai pas été des années en dehors...

M. LOUBIER: Ah bon!

M. GABIAS: J'ai été une session, mais pas complète et c'est le député de Vaudreuil-Soulanges qui a été le proposeur pour m'expulser pendant trois ans. Si on veut que je parle sur cette question, je reviendrai et vous verrez que ceux qui ont tenté...

M. COURCY: Ne parlons pas d'Amédée Bellemare, on en a eu assez.

M. GABIAS: ... de mettre fin à ma carrière politique peuvent se compter chanceux que je n'aie rien dit encore, mais cela ne veut pas dire que je garderai toujours le silence sur cette affaire ténébreuse qui m'a entraîné trois ans d'expulsion de cette Chambre.

Je croirais manquer à mon devoir, M. le Président, de ne pas prendre la parole sur une question aussi grave qui devrait être considérée comme telle par tous les députés dans cette Chambre. Il est malheureux que le député de Verdun ait choisi comme cible le ministère de la Justice et, par voie de conséquence, le ministre de la Justice. S'il y a un député en cette Chambre qui n'aurait pas dû s'attaquer au ministère de la Justice et à son successeur, c'est bien le député de Verdun, s'il veut qu'on le croit sincère lorsqu'il veut que l'administration de la justice soit la plus parfaite possible dans cette province. Le dernier en cette Chambre qui aurait dû prendre le ton qu'il a employé, qui aurait dû prendre l'insinuation comme arme et à certains moments mettre en doute l'honnêteté intellectuelle ou la capacité du présent ministre de la Justice, c'est bien le député de Verdun.

Lui qui a occupé ces fonctions, lui qui sait comme il est difficile d'assurer une administration de la justice conforme à la loi, lui qui sait qu'il est difficile, pour ne pas dire quasi impossible, d'obtenir une coopération parfaite entre tous les chaînons qui constituent la chaîne de la justice, lui qui sait qu'il est presque impossible d'avoir l'honnêteté de tous les employés du ministère de la Justice et de tous les services qui sont rattachés à l'administration de la justice. Lui, il le sait pour avoir occupé le haut poste de ministre de la Justice. Il sait que, malgré tous ses efforts, malgré toute sa bonne volonté, malgré ses connaissances pour avoir été avocat, procureur ou substitut du procureur de la couronne, pour avoir été procureur-chef à Montréal, pour avoir été juge des sessions de la paix et pour avoir été ministre de la Justice, lui qui avait gravi, pour retomber simple député de Verdun, toutes ces étapes, lui il savait, le député de Verdun, et s'il y en a un qui n'aurait pas dû s'attaquer au ministère de la Justice et à son titulaire, c'est bien lui.

Et, pourtant, il profite d'une situation, situation qui est assez normale, que personne n'a souhaitée, que personne ne veut, mais qui est assez normale lorsqu'il y a changement de gouvernement, lorsque l'on sait qu'il y a des gens qui font passer l'esprit de parti avant le devoir, alors qu'il y a réorganisation à l'intérieur des forces policières, alors qu'il y a réorganisation dans l'administration de la justice, alors que l'on essaie par une enquête de découvrir les meilleurs moyens pour que cette réorganisation soit parfaite, la plus parfaite possible, parfaitement humaine, et il profite de cette situation pourquoi?

Essayer d'améliorer l'administration de la justice? Pas du tout. Essayer d'aider son successeur? Pas du tout.Il nous a montré, et il nous a donné l'image exacte de ce qu'il est avant tout, non pas un homme qui recherche une administration humaine, une administration la plus parfaite possible, mais qui recherche avant tout la publicité et l'électoralisme. C'est ça qui est le but de l'ancien ministre de la Justice.

M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement. Ai-je besoin d'insister, d'attirer votre attention sur le fait que le député de Trois-Rivières vient d'imputer des motifs au député de Verdun, ce qu'il n'a pas le droit de faire, et je vous demande bien humblement de suggérer au député de Trois-Rivières de retirer les paroles qu'il vient de prononcer à l'effet que le député de Verdun a agi et parlé par électoralisme, a recherché la publicité et l'électoralisme. C'est absolument antiparlementaire et, M. le Prési-

dent, je vous demande bien humblement de demander au député de Trois-Rivières de retirer ces paroles qu'il n'a pas le droit de prononcer en cette Chambre.

M. GABIAS: M. le Président, si le chef de l'Opposition voit qu'il y a dans ces paroles acte contraire au règlement, je ne veux pas faire perdre le temps de cette Chambre et je retire volontiers les deux expressions que j'ai employées...

M. LESAGE: L'imputation de motifs.

M. GABIAS: ... et l'imputation de motif que j'ai employée à l'endroit de l'ancien ministre de la Justice, à l'endroit du député de Verdun. Je retire les paroles qu'il a fait cela dans un but de publicité et dans un but d'électoralisme.

M. le Président, je retire pleinement ces paroles et je veux continuer, car ce qui importe avant tout — et je ne veux pas imputer de motif au député de Verdun — ce que je veux, savoir par exemple, c'est s'il a conscience de la portée de sa motion ou du discours qu'il a prononcé. Est-ce qu'il a pleinement conscience qu'il s'attaque à l'institution qui est la plus importante et la plus essentielle dans cette province? Que, s'il n'y avait pas d'aministration de la justice, que s'il n'y avait pas de ministre de la justice et que s'il n'y avait personne qui essaie d'appliquer et de faire respecter les droits de chacun en cette province, ce serait le désordre, le chaos, ce serait la pagaille, ce serait la loi du plus fort. Et c'est cette institution que je veux défendre. Ce n'est pas le ministre de la Justice que je veux défendre, il est capable de se défendre. Ce n'est pas l'ancien ministre de la Justice que je veux attaquer. Ce que je veux? Je veux par exemple que la population de cette province soit convaincue que l'administration de la justice chez nous est droite, qu'elle est la plus parfaite possible et que les gens qui dirigent veulent une telle justice et veulent un tel système judiciaire dans notre province. C'est pour cela que je me lève et c'est cela que je défends.

On s'attaque à ce qu'il y a de plus essentiel pour assurer le bon ordre, pour assurer le bien-être d'une population. Est-ce que l'ancien ministre de la Justice, le député de Verdun, a conscience que les propos qu'il a tenus détruisent cette institution, que les paroles qu'il a employées au lieu d'atteindre le but que, peut-être de bonne foi, il recherche de perfectionner encore notre système judiciaire, de perfectionner nos organismes. Au lieu de renforcer l'organisme, il le sape à sa base, il enlève toute la confiance de la population de cette province et à l'institution de notre ministère de la Justice et cela c'est mauvais, et cela c'est dangereux.

M. le Président, non seulement, il faut se souvenir des paroles qu'il a déjà prononcées dans cette Chambre et en dehors de cette Chambre.Il s'en est pris non pas à notre système judiciaire, il s'en est pris à ceux qui dispensent la justice dans cette province.Il s'est attaqué aux juges, il s'est attaqué aux avocats de la couronne, il s'est attaqué à la police.Il avait eu des prédécesseurs avant lui: il y avait eu l'ancien procureur général, l'honorable Lapalme, qui avait ouvert la voie, qui avait tracé la voie au député de Verdun.Il s'en était pris aux juges dans cette Chambre et en dehors de cette Chambre.Il s'en était pris au procureur: il s'en était pris à la Sûreté provinciale, à tous ceux qui servent notre système judiciaire et après s'être attaqué à tous ces organismes — je lui demande, est-il conscient, le fait-il consciemment ou inconsciemment — après avoir détruit à sa base ou ébranlé notre système judiciaire, du même coup, il donne une force à la pègre, il montre une organisation qu'il donne comme meilleure que la Sûreté provinciale ou nos corps policiers. Du même coup, à grand renfort de publicité, nous voyons dans les journaux que la pègre est maîtresse partout, que la pègre est maîtresse dans ce parlement, que la pègre est maîtresse dans nos municipalités, que la pègre est maîtresse dans la province de Québec. D'un côté, on diminue la force de notre système judiciaire, de nos organismes et de l'autre côté, on donne de l'importance et de la perfection aux forces du mal. Est-ce que l'ancien ministre de la Justice est conscient de cela? Et, pourtant, c'est cela, en fait, qu'il dit à la province et à la population. C'est cela qu'il essaie de démontrer, de prouver.

Pourquoi, pourquoi recherche-t-il cela, M. le Président, au Heu de donner des conseils, au lieu de faire profiter son successeur de son expérience, de lui faire des suggestions, au lieu de dire au ministre actuel de la Justice: Les moyens que vous prenez ne sont pas les meilleurs. J'ai expérimenté, et c'est ainsi que vous devriez agir, c'est ainsi que vous devriez conseiller vos subalternes, subalternes qui ont été nommés par lui, l'ancien ministre de la Justice.

Sûreté provinciale dont les principaux dirigeants ont été nommés par lui ou par ses prédécesseurs immédiats. Ce ne sont pas des gens qui ont été nommés par l'Union Nationale qui dirigent nos forces constabulaires provinciales, ce sont tous des gens du premier au dernier — sauf peut-être une exception — tous nommés

par l'administration libérale. On est allé chercher ces gens, pour la majeure partie, dans les rangs de la Gendarmerie royale. On les a imposés. Ce sont ces gens qui dirigent encore la Sûreté provinciale. Le chef Robert, le directeur, n'est pas une nomination de l'Union Nationale, c'est une nomination de l'ancien ministre de la Justice.

Les procureurs permanents, pour la très grande majorité, sont encore là. La grande majorité des juges, du moins à Montréal, ont été nommés, soit par lui ou soit par des prédécesseurs libéraux en grande majorité. Ce ne sont pas des membres de l'Union Nationale qui dirigent la justice dans cette province mais il est heureux, par exemple, que ce soit un ministre tel que le député de Missisquoi qui soit le ministre de la Justice dans cette province. Il est heureux qu'il y ait eu un changement parce que nous assistions, avec effroi, de semaine en semaine, non pas à une administration de la justice en tenant compte de la loi, mais on assistait à une administration de la justice ou à loi du plus fort était entrée en reine dans la Sûreté provinciale et dans nos institutions judiciaires.

C'est le ministre de la Justice qui voulait voir sa théorie à lui mise en pratique par les juges responsables, c'est le ministre de la Justice qui voulait que la Sûreté provinciale soit conduite suivant son idée à lui. C'était son idée à lui qui devait prévaloir du premier au dernier palier dans l'organisation de la justice de la province et cela c'est dangereux. Quel que soit l'homme qui soit à la tête du ministère de la Justice, qu'il connaisse cela ou qu'il ne connaisse pas cela, qu'il soit compétent ou incompétent, qu'il soit honnête ou malhonnête, qu'il ait de grandes connaissances ou qu'il soit un non instruit, peut importe! Ce qu'il y a de plus dangereux, ce n'est pas l'ignorance, ce n'est pas la lassitude, ce n'est pas la paresse, ce n'est pas l'incompétence qui est le plus dangereux à la tête du ministère de la Justice, mais c'est par exemple un ministre qui veut, par des ordres, voir à ce que ses théories soient entièrement imposées de haut en bas dans le système judiciaire de la province parce qu'à ce moment-là, l'accusé n'a plus de chance et l'accusé ne peut plus avoir un procès qui est juste, et cela c'est condamnable, et jamais nous ne devrions accepter une telle conception de la justice, ni dans cette province ni ailleurs. Elle est condamnable.

L'accusé a droit à un procès juste. Il a droit à une défense pleine et entière. Et cela, c'est la base même de notre système judiciaire. Défense pleine et entière à chaque accusé, qu'il soit un petit, un moyen ou un grand criminel. Que nous ayons ou non la conviction que l'accusé est coupable ou innocent, il a droit devant les tribunaux à un procès juste, équitable, il a droit à une défense pleine et entière et si on met toutes les forces de la justice à l'encontre d'un accusé avec l'intention de le faire trouver coupable, il n'y a pas un seul homme qui puisse être acquitté devant nos tribunaux.

J'ai assez d'expérience dans l'administration de la Justice pour pouvoir dire que, lorsque la poursuite, lorsque la Sûreté provinciale et lorsque les détectives se mettent d'accord et cherchent tous les moyens, même s'ils sont tous légaux, prennent tous les moyens pour trouver l'accusé coupable, à ce moment-là, l'accusé n'a pas une défense pleine et entière parce que l'équilibre est rompu. C'est le juge qui peut rétablir l'équilibre et si on empêche le juge d'agir, si on empêche le juge, soit en l'interpellant publiquement, soit en faisant croire à la population que le juge est de connivence avec les criminels, où donc sera la protection de l'accusé? Qui pourra avoir une défense pleine et entière? C'est cela qui est mauvais. On ne doit jamais, au grand jamais, s'attaquer à l'institution des juges dans cette province. S'il y a des juges qui ne sont pas bons, s'il y a des juges qui sont corrompus, s'il y a des juges malhonnêtes, qu'on les congédie.Il y a des procédures pour cela.

On ne doit pas accuser, par exemple, tous les juges ou laisser planer des doutes sur tous les juges dans cette province.Il faut aller dans la population. Il faut parler aux petites gens pour savoir que, malheureusement, les juges ont perdu beaucoup de la confiance de la population. Combien de fois entendons-nous: Je n'ai pas de chance devant le tribunal, je n'ai pas d'argent. Et c'est une phrase qu'on ne devrait jamais entendre. Jamais, on ne devrait entendre des gens dans cette province prononcer de telles paroles. Je le dis et je le répète. Ce qui compte, ce ne sont pas les paroles qui ont pu être prononcées par l'ancien ministre de la Justice ni celles prononcées par le chef de l'Opposition. Elles sont malheureuses parce qu'elles s'attaquent à un organisme essentiel et je me demande pourquoi. Et si je n'ai pas le droit de dire que c'est pour la publicité et l'électoralisme que l'on prend de tels moyens, je me demande alors pourquoi on prend et on utilise de tels moyens. Quelle est la fin recherchée par le député de Verdun et le député de Louis-Hébert? Est-ce que c'est en s'attaquant au ministre de la Justice, est-ce en s'attaquant à la commission qui vient d'être nommée que l'on va rendre service à l'administration de la Justice?

Je répondrai demain, ou lorsque le débat se

continuera, à cette question: « Que recherche-t-on en employant de telles paroles ? ».

M. LESAGE: Allez-y. On n'a plus d'heure d'ajournement. Non, non. Il n'y a plus d'heure d'ajournement, M. le Président.

M. LAPORTE : Qu'on le finisse donc le débat.

M. LESAGE: On va le finir, ce débat et on va aller en subsides.

M. GABIAS: C'est parce qu'ils ont entendu dix heures.

M. LESAGE: Non, non. On a dit: « C'est fini dix heures.

M. GABIAS: C'est que j'ai compris que c'était fini.

UNE VOIX: Non, non. L'ajournement n'est plus à dix heures.

M. LESAGE : Depuis l'adoption de la motion, ce matin. L'heure de la clôture à dix heures, c'est fini.

M. GABIAS: J'étais présent, j'ai voté contre votre amendement.

M. LESAGE : Il n'y a pas eu d'amendement.

M. GABIAS: C'est-à-dire, contre votre motion.

M. LESAGE: Non. Tout le monde a voté pour la motion. Nous aussi, nous avons voté pour la motion.

M. GABIAS: Celle que vous avez proposée, vous avez proposé un amendement.

M. LESAGE: Non, pas du tout, le vote a été 64 à 0, M. le Président.

M. GABIAS: Je ne me laisserai pas distraire, M. le Président. Que recherche-t-on, M. le Président? Quel but recherche l'Opposition en laissant entendre que le ministre de la Justice ne fait pas tout son devoir? Que cherche-t-on donc? Quel but recherche-t-on lorsqu'on laisse entendre que dans cette province, la pègre est reine et maîtresse? Quel but recherche-t-on, M. le Président? lorsque l'on accuse et qu'on laisse soupçonner que les dossiers sont cachés ou détruits depuis le 5 juin?

M. LESAGE : Personne n'a dit cela.

M. GABIAS: Que recherche-t-on et quel but recherche-t-on, M. le Président, lorsque les insinuations se multiplient au rythme des phrases? Est-ce que l'on recherche la tête du ministre de la Justice? Je dois déclarer que non, puisque lui-même, le chef de l'Opposition, député de Louis-Hébert, rend le témoignage actuellement au ministre de la Justice qu'il est un honnête homme, qu'il fait tout son possible et que lui n'est pas en faute. Qui donc est en faute, si le ministre de la Justice ne l'est pas? Est-ce qu'il veut dire que ce sont les sous-ministres qui sont en faute? S'ils le sont, qui les accusent les sous-ministres. Est-ce qu'il veut dire que ce sont les subalternes au ministère de la Justice qui sont responsables? Si ce sont eux, qui les accusent, M. le Président? Si c'est le directeur de la police qui est responsable, qu'on l'accuse. Si ce sont les officiers de la sûreté provinciale, qu'on les accuse. Si ce sont les employés des bureaux de justice ou des palais de justice, des greffes ou des cours qui sont responsables, qu'on les accuse, M. le Président. Mais qu'on soit logique. Et que, lorsque l'on rend témoignage au ministre actuel de la Justice, que l'on soit sincère, et que l'on soit absolument franc et propre. On rend témoignage au ministre de la Justice et par contre on dit: Cela ne bouge pas, cela ne marche pas, cela va mal, tout est caché, tout est détruit. Qui veut-on protéger? Eh bien, moi, ce que je veux protéger, M. le Président, je veux protéger notre système judiciaire, je veux protéger dans cette province la confiance que la justice doit avoir de la part de la population et ce qui compte avant tout, c'est que la population et le gouvernement actuel aient confiance dans l'actuel ministre de la Justice. Et nous l'avons entièrement.

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre des finances est-elle adoptée?

M. LESAGE: Adopté. On a un autre grief.

M. LEBEL (Président du comité plénier): Le ministre du Travail.

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. LESAGE: C'est la journée des députés demain.

M. BELLEMARE: ... l'article 5, Industrie et Commerce...

M. LESAGE: Non, pas demain, c'est mercredi demain, c'est le jour des députés.

M. GERIN-LAJOIE: On rapporte progrès.

M. LEVESQUE (Bonaventure): M. le Président, je ne crois pas que l'article 4 ait été adopté.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'objection. J'avais marqué article 4 et 5, on est rendu à l'article 5.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Nous ne sommes pas encore rendus à l'article 5, parce que l'article 4 n'a pas été adopté.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas pour jouer un mauvais tour au député. J'en profite pour lui offrir mes meilleurs voeux en son joyeux anniversaire de naissance.

M. LESAGE: Il a bien 41 ans.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je remercie le ministre de l'Industrie et du Commerce qui m'avait déjà fait parvenir ses voeux.

M. LE PRESIDENT: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité rapporte progrès et qu'il demande la permission de siéger à nouveau.

M. PAUL (Président): Quand le comité pourra-t-il siéger à nouveau? A une prochaine séance.

M. BELLEMARE: Demain, M. le Président, c'est la journée des députés, trois heures et demie à cause du premier ministre qui est retenu par une réception, il sera ici...

M. LESAGE: On ne siégera pas demain matin?

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LESAGE: Demain matin?

M. BELLEMARE: Demain matin, non.

M. LESAGE: Bien le Négus arrive à deux heures: alors nous pouvons siéger à onze heures demain matin.

M. BELLEMARE: Trois heures trente. M. BERTRAND: Trois heures et demie.

M. LESAGE: Tout ça pour raccourcir la journée des députés. On pourrait siéger à onze heures demain matin.

M. BERTRAND: Trois heures trente.

M. LAPORTE: Qu'est-ce qu'on va faire?

M. GERIN-LAJOIE: Un vrai scandale, une session comme ça.

M. BERTRAND: Trois heures trente.

M. BELLEMARE: Trois heures trente c'est la journée des députés...

M. LESAGE: Pourquoi pas onze heures?

M. BELLEMARE: ... et puis nous aurons à déposer des motions demain. Nous reviendrons à la reprise du débat sur l'amendement de M. Théoret sur la motion de M. Fournier et nous passerons ensuite à la motion de l'honorable chef de l'Opposition. Ensuite, nous reviendrons au bill 99.

M. LAPORTE: C'est d'accord.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain après-midi, trois heures trente.

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