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(Quinze heures quatre minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus. Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
Déclaration ministérielle
M. BELLEMARE: Des incidents très regrettables se sont produits en
fin de semaine, à Saint-Casimir dans notre région. Les moyens
d'information ont, en effet, rapporté que des syndiqués, ayant
à leur tête M. Louis Laberge, président de la FTQ, ont fait
voler en éclats les carreaux de l'usine d'embouteillage Trottier et ceux
des résidences privées des copropriétaires de
l'entreprise. A titre de ministre du Travail, je ne puis que réprouver
et dénoncer énergiquement et publiquement de tels méfaits
publics.
En vertu du code criminel, « est coupable de méfait a)
quiconque détruit ou détériore un bien, b) quiconque
empêche, interrompt ou gêne l'emploi de la jouissance ou
l'exploitation légitime d'un bien ». Or, c'est
précisément ce qu'on a fait à Saint-Casimir, samedi
dernier, en lançant des pierres, en endommageant les
propriétés, en mettant toute la population sur le qui-vive et en
alerte, lorsque l'on a, avec force, pénétré dans cette
paisible municipalité et qu'on a fait voler en éclats les
fenêtres de l'usine d'embouteillage Trottier et celles des
résidences de ses propriétaires.
Le gouvernement et le ministre du Travail ne peuvent pas permettre que
la violence soit utilisée pour régler des grèves perdues.
Si on ne veut pas perdre une grève, le seul et vrai moyen d'y arriver
est de réfléchir avant de la déclencher. Non content
d'avoir traumatisé une population, M. Laberge, président de la
FTQ, tient cette population dans la crainte en menaçant de revenir
à la charge. Je ne puis accepter qu'un chef syndical instaure un
régime de terreur, et je condamne l'irresponsabilité dont il fait
preuve lorsqu'il incite ses membres à poser, en contravention du code
criminel, de tels gestes. La population en a assez de ces actes de violence. Je
souhaite ardemment que le ministère de la Justice, qui, actuellement, a
entrepris une enquête, découvre les vrais coupables et qu'on les
punisse sévèrement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
Questions et réponses
M. LESAGE: Ma première question est au ministre de l'Agriculture,
question dont j'avais pu lui donner avis...
M. BERTRAND: II va revenir dans quelques minutes.
Pénurie d'électricité
M. LESAGE: ... mais j'attendrai qu'il soit de retour.
En attendant, pourrais-je demander au premier ministre ce qu'il y a de
fondé dans les nouvelles qui nous parviennent ce midi, par la voie des
journaux, à l'effet qu'une pénurie d'énergie
électrique, cet hiver, et une hausse des tarifs
d'électricité, pour un peu plus tard, sont les deux dangers que
court le Québec à l'heure actuelle?
M. BERTRAND: Pénurie d'énergie...
M. LESAGE: Pénurie d'électricité pour tout de
suite, cet hiver, spécialement au temps des fêtes, et
deuxièmement, une hausse des taux d'électricité.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition me permettra de prendre avis de sa
question. Le ministre des Richesses naturelles pourra y répondre.
M., LESAGE: Pour compléter ma question, il semble, après
une lecture rapide le premier ministre sait que je viens d'arriver
à Québec que tout cela serait relié, directement ou
indirectement, au contrat entre HydroQuébec et Churchill Falls
Corporation, dont il deviendrait important d'avoir copie officiellement dans
cette Chambre, je crois.
M. BERTRAND: Je prends avis de la question, et lorsque mon
collègue qui entre... nous pourrons y répondre.
Régie des marchés
M. LESAGE: La question que j'ai posée par écrit, en fait,
puisque j'ai écrit hier une lettre au ministre de l'Agriculture,
concerne l'Interprétation des ordonnances de la Régie des
marchés, ordonnances rendues publiques dans la Gazette officielle du
Québec du 26 octobre, concernant le prix du lait nature. La question
posée porte particulièrement sur le prix payé aux
producteurs, et non pas sur le prix aux consommateurs. Cette question a
été posée à la
suite de représentations que j'ai reçues du
député de Huntingdon, représentations que, je crois, le
député de Huntingdon a directement faites au ministre
également.
M. VINCENT: En effet, vendredi soir dernier, je recevais des
représentations de la part de l'honorable député de
Huntingdon, concernant l'article 13 de l'ordonnance F-18 publiée dans la
Gazette officielle du 26 octobre 1968. De plus, je recevais également
des représentations d'autres producteurs concernant le même
problème.
Cet après-midi, de retour à mon bureau, j'avais la lettre
de l'honorable chef de l'Opposition.
Tout à l'heure, justement, pour l'information du
député de Chambly et des autres députés, je
recevais un appel téléphonique j'étais ici en cette
Chambre d'un officier de mon bureau qui venait de communiquer avec la
Régie des marchés agricoles, qui siège présentement
à Québec et qui l'a informé par la bouche de son
président que la Régie a reçu également des
représentations de la part de producteurs, que le président de la
Régie, M. Hallé, devait former un comité à
l'intérieur de la Régie pour étudier les
représentations de la part des producteurs et qu'il serait en mesure
d'ici quelques jours, tout au plus une semaine, de donner une réponse
aux producteurs. Il s'agit de savoir quel était le problème avant
l'ordonnance, quel est le problème maintenant que l'ordonnance a
été rendue publique et, s'il y a lieu, d'apporter les changements
nécessaires pour donner satisfaction à tous les
intéressés et surtout corriger une situation qui existe
déjà depuis quelques mois.
M. LESAGE: Est-ce que nous pouvons être assurés que le
ministre tiendra les députés de la Chambre au courant?
M. VINCENT: Oui. Si la Régie des marchés peut terminer ses
audiences de bonne heure ce soir, il se pourrait que je rencontre ses membres
au cours de la soirée afin d'avoir des informations
supplémentaires. Si je puis obtenir ces informations
supplémentaires, je pourrai les donner à la Chambre, demain ou
jeudi.
Office de l'information
M. LESAGE: Merci. M. le Président, avant de poser la question que
j'ai l'intention de poser, je dois établir très brièvement
un fait. Il ne s'agit pas d'une question pour casser les vitres. On trouvera
que c'est assez minime, mais cela peut avoir des implications assez
considérables sur le budget de la province.
Samedi matin, j'ai reçu chez moi cinq enveloppes de l'Office
d'information et de publicité, dont quatre ont été mises
à la poste le 20 novembre et une le 21. Quatre de ces cinq enveloppes
portaient une feuille ou, au plus deux feuilles. De la publicité,
quoi...
M. LAPORTE: De la propagande.
M. LESAGE: si l'on veut , du ministère des Affaires
municipales. Il s'agit, d'une dépense de $0.25, mais qui aurait pu
être de $0.05, sans compter les enveloppes, etc. Ma question est la
suivante: Doit-on considérer que l'Office d'information et de
publicité administre à l'avenant tout son budget, à
l'avenant?
Cela voudrait dire qu'on dépense cinq fois plus que l'on devrait
dépenser. Tant qu'il n'est question que de $0.05, ça va bien,
mais, s'il s'agit de $5,000, cela fait $25,000.
Il me semble que c'est du gaspillage et qu'il y aurait moyen de
s'arranger pour mettre plusieurs documents dans la même enveloppe. Il y a
certainement moyen, parce qu'il y a environ trois semaines ou un mois, j'ai
gentiment avisé un des ministres d'abus de même nature qui se
faisaient à l'Office d'information et de publicité, concernant la
publicité de son ministère. Je veux féliciter le ministre
en question, parce que j'ai remarqué que la situation avait
été corrigée.
Alors, j'ai pensé qu'étant donné la
répétition des mêmes actes par d'autres ministères,
il valait peut-être la peine d'en parler en Chambre. C'est du gaspillage,
c'est clair.
M. BERTRAND: Je remercie le chef de l'Opposition. Je dois dire, de mon
côté, qu'il m'est déjà arrivé
également d'en recevoir à mon bureau ici, à mon
appartement et ailleurs. A ce moment-là, j'avais avisé
étant donné que je ne suis qu'une personne qu'on n'en
envoie pas à trois ou quatre endroits.
Je crois que la même chose se produit assez souvent. Certains
collègues m'ont déjà fait des remarques à ce sujet.
Alors, non seulement ai-je déjà moi-même attiré
l'attention du personnel de l'office, mais je sais que d'autres
collègues l'ont fait. A cela, nous allons ajouter les commentaires du
chef de l'Opposition.
M. LESAGE: Espérons qu'on tiendra compte des remarques du premier
ministre, avec mes commentaires.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat à l'Education.
Déclaration ministérielle Grève
à la RAQ
M. MASSE: M. le Président, j'aurais une déclaration
ministérielle à faire.
A l'occasion du règlement de la grève de la Régie
des alcools du Québec, des déclarations ont été
faites quant aux augmentations de salaires des employés de la
régie, qu'il importe de préciser.
En premier lieu, le montant forfaitaire de $300 que la régie
avait offert, pour la période du 1er novembre 1967 au 1er avril 1968,
date d'entrée en vigueur de la nouvelle convention, est demeuré
le même. Toutefois, pour couvrir la période entre le 1er avril
1968 et la date de la grève, la régie a convenu d'une
rétroactivité d'environ $75. Ce montant correspond au taux
d'augmentation de la nouvelle convention, soit 7 1/2%. Quant aux augmentations
des taux de salaire, elles sont identiques à celles qui avaient
été exposées au comité parlementaire des
régies gouvernementales. La régie a offert de prolonger de deux
heures trente la semaine de travail de tous les employés. Cette
augmentation des heures de travail permet un revenu additionnel pour les
employés et un meilleur service pour le public.
Les augmentations de revenu de 23% à 29% dont on a fait
état incluent nécessairement cette rémunération
additionnelle qu'apporte l'augmentation des heures de travail, tant dans les
bureaux et les magasins que dans les entrepôts.
Tenant compte de ces précisions, le règlement de la
grève de la Régie des alcools a pu s'effectuer à
l'intérieur des limites de la politique salariale du gouvernement.
Pour l'information de la Chambre, il serait possible de résumer
ainsi les offres salariales à la RAQ. Pour les bureaux: du 1er novembre
1967 au 1er avril 1968, un montant forfaitaire de $300. Au 1er avril 1968,
augmentation de 7 1/2% sur le point-milieu des échelles, pour une
période de 18 mois. A la date du retour au travail, prolongation de la
semaine normale de travail de 32 1/2 à 35 heures. Les 2 1/2 heures
additionnelles seront rémunérées en ajoutant 8% au salaire
individuel et non sur les échelles. Au 1er octobre 1969, augmentation de
7 1/2% sur le point-milieu des échelles pour une période de 18
mois.
Dans le secteur des magasins, du 1er novembre 1967 au 1er avril 1968, un
montant forfaitaire de $300.
Au 1er avril 1968, augmentation de 7 1/2% sur le point milieu des
échelles pour une période de dix-huit mois et à la date du
retour au travail, prolongation de la semaine normale à 40 heures. Les
deux heures et demie additionnelles seront payées $8.25 en compensation
des inconvénients produits par les nouveaux horaires de travail,
c'est-à-dire heure de lunch écourtée, travail le soir,
horaire différent.
Au 1er octobre 1969, augmentation de 7 1/2% sur le point milieu des
échelles pour une période de dix-huit mois,, De plus, par suite
du travail en soirée, si un employé est appelé à
prendre son lunch et à souper durant sa période de travail, la
régie lui paiera son souper $1.75.
Dans le troisième domaine, celui des entrepôts, du 1er
novembre 1967 au 1er avril 1968, montant forfaitaire de $300. Du 1er avril 1968
à la date du retour au travail, augmentation de 7 1/2% sur les taux en
vigueur, et à la date du retour en travail, mise en application de la
nouvelle échelle qui représente une augmentation de 6.8% en
vigueur jusqu'au 1er octobre 1969. De plus, la semaine normale de travail peut
être prolongée à 40 heures. Les deux heures et demie
additionnelles seront rémunérées à tauxsimple. Au
1er octobre 1969, augmentation de 7 1/2% de l'échelle du personnel
ouvrier pour une période de dix-huit mois.
Fin de la convention: 31 mars 1971.
Voilà, M. le Président, ce qui permet de conclure la
grève à la Régie des alcools avec un règlement qui
s'effectue à l'intérieur des limites de la politique salariale du
gouvernement.
Usine de Desbiens
M. GOSSELIN: M. le Président, mercredi dernier, l'honorable chef
de l'Opposition demandait à l'honorable premier ministre ce que le
gouvernement entendait faire relativement à la fermeture
éventuelle de l'usine de Desbiens.
Il me fait plaisir de dire à cette Chambre que, dès le 1er
septembre 1966, je rencontrais les autorités de cette compagnie qui me
faisaient part de certaines difficultés financières et
également des difficultés qu'elles rencontraient dans la
production et dans la vente du produit qu'elles fabriquent à
Desbiens.
Dès cette année, nous avons, par arrêté
ministériel, réduit considérablement le prix du droit de
coupe de cette compagnie et, dernièrement, j'avisais cette compagnie
qui: j'étais prêt à recommander à mes
collègues de l'Exécutif qu'une abolition totale des droits de
coupe soit accordée, si elle était nécessaire, en
attendant que cette compagnie puisse stabiliser son économie et faire
les modifications
voulues pour maintenir cette usine en activité. Bien plus, le
ministère des Terres et Forêts a offert à la compagnie de
lui donner les mêmes avantages sur 210,000 cordes de bois
annuellement que nous avons accordés à la compagnie Kruger
qui doit éventuellement établir son usine à
Saint-Félicien. Voici où nous en sommes rendus. Je suis en
contact constant avec M. Taylor, M. Webster et M. Clifford, qui est
attaché au président, et nous ferons l'impossible pour aider
à maintenir cette compagnie en activité.
M. LESAGE: M. le Président, est-ce qu'une des principales
difficultés, sinon la principale, auxquelles a à faire face la
compagnie n'est pas, justement, l'obtention du nouveau capital pour la
transformation de l'usine?
M. GOSSELIN: II est évident que c'est une des difficultés.
Cependant, Je crois que ce qui arrive là-bas, c'est tout simplement que
présentement, le coût d'une tonne de pâte revient à
environ $129.85. Actuellement, vu que la totalité de cette production
est écoulée sur le marché américain, le coût
de cette même pâte, aux Etats-Unis, est de $105 en argent
américain, ce qui rapporte environ $113 la tonne. Or, il y a dans la
production un déficit très considérable qui ajoute aux
difficultés qu'a déjà la compagnie.
Cependant, les autorités de cette compagnie m'ont dit qu'elles
faisaient tous les efforts afin d'obtenir à la fois les capitaux
nécessaires et d'améliorer la production de leur usine.
M. LESAGE: Le ministère de l'Industrie et du Commerce a-t-il
envisagé la possibilité d'apporter une aide financière
à cette compagnie en vertu des lois existantes?
M. BEAUDRY: Actuellement, nous avons le problème en main. Nous
étudions la possibilité d'aider financièrement la
compagnie.
M. LESAGE: Si vous avez le problème en main, il ne faudrait pas
le laisser tomber comme une patate chaude. Il faudrait bien le tenir en main
et, surtout, trouver un moyen de le régler.
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LESAGE: II s'agit d'une population considérable et d'une ville
qui deviendrait une ville fantôme. Je pense que c'est joliment
important.
M. GOSSELIN: M. le Président, il est évident que,
dès l'adoption des bills 23 et 24, je me suis empressé, avec les
autorités du ministère de l'Industrie et du Commerce, de faire
parvenir à cette compagnie ces nouvelles législations avec toute
la documentation voulue, pour qu'elle puisse prendre connaissance des avantages
de ces nouvelles lois.
M. LESAGE: Il ne faudrait pas que cela traîne. Cela presse, et
rien ne se fait.
M. COITEUX: M. le Président, faisant suite à la
déclaration du ministre des Terres et Forêts, est-ce que je
pourrais lui poser les deux questions suivantes? Premièrement, a-t-il
changé d'attitude, au point de vue politique, au ministère des
Terres et Forêts, puisque la même demande avait été
formulée avant la fermeture de Clarke City, au ministère des
Terres et Forêts, et rejetée, à savoir l'exemption des
droits de coupe? Deuxièmement, a-t-il l'intention d'envisager la
même politique pour régler le conflit qui existe actuellement et
qui expose la population à faire face à la même situation
que les gens de Clarke City ont eu à affronter, à savoir la
fermeture de l'usine? A-t-il envisagé, pour le conflit de Domtar, une
exemption de droits de coupe afin de contribuer à régler ce
conflit?
M. GOSSELIN: M. le Président, je ne voudrais pas être
désagréable à l'endroit de mon collègue le
député de Duplessis, mais je tiens à lui dire que les
mêmes avantages avaient été offerts à la compagnie
de Clarke City. Même avec cela, les déficits demeuraient tellement
considérables que cela n'a pas empêché la fermeture de
l'usine de Clarke City. En ce qui a trait au problème de la compagnie
Domtar, il serait peut-être bon que le député sache que,
sur 128,000 cordes de bois nécessaires à l'usine d'East Angus,
une très grande partie provient de l'entreprise privée,
c'est-à-dire de lots sur lesquels le gouvernement n'a aucune
juridiction. La compagnie Domtar ne m'a pas fait une telle demande,
jusqu'à aujourd'hui, elle ne l'a pas jugé à propos. Par
contre, aucun aspect de cette grève qui dure depuis trop longtemps n'a
été laissé de côté. En toute circonstance,
celui qui vous parle a mis à la disposition de toute autorité,
qu'elle soit syndicale ou industrielle, tous les moyens qu'il possédait
pour en venir à un règlement dans ce conflit.
M. COITEUX: M. le Président, Je prends la parole du ministre
à l'effet que pareille offre a été faite à la Gulf
Pulp...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. COITEUX: ... mais je déclare de mon siège que pareille
offre n'a jamais été faite à la Gulf Pulp.
M. GOSSELIN: M. le Président,... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GOSSELIN: ... ce qui est différent, c'est que je suis ministre
des Terres et Forêts; ces offres-là ont été faites
dans mon bureau, alors ma parole devrait valoir celle du député
de Duplessis.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
Vente de Communica
M. MICHAUD: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre. Est-ce que le gouvernement a pris acte de la vente du groupe de
presse Communica à la Société Gelco, et, dans
l'affirmative, est-ce qu'il s'inquiète de ce phénomène de
concentration des entreprises de presse entre les mains des mêmes
intérêts économiques?
Dois-je reformuler?
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai lu la nouvelle comme le
député de Gouin dans les journaux.
M. MICHAUD: Est-ce que le gouvernement s'en inquiète?
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. LESAGE: Sur le même sujet, pourrais-je avoir la permission du
premier ministre d'attirer son attention sur l'importance de cette nouvelle, si
elle est fondée? Il ne resterait plus que trois journaux quotidiens au
Québec qui seraient en dehors du consortium. Il s'agirait du Devoir, du
Soleil et de l'Action.
M. BERTRAND: A l'ordre!
M. BELLEMARE: Nous sommes à la période des questions. Ce
n'est pas une question,... A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Certainement, il s'agit d'admi- nistration, M. le
Président, et j'ai une question précise à poser au premier
ministre.
UNE VOIX: A l'ordre! A l'ordre! Al'ordre! M. LESAGE: C'est très
sérieux. M. BELLEMARE: Voyons donc! UNE VOIX: Ah oui!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! De toute façon c'est que...
UNE VOIX: M. Thomson.
M. LE PRESIDENT: A ce moment-ci, il ne peut être... A l'ordrel II
ne peut être question de débat et d'argumentation. Il semble bien
que, dès le préambule, cette question a soulevé un
débat. Alors, j'aimerais que cette question soit inscrite au feuilleton.
L'honorable député de Gouin.
M. MICHAUD: M. le Président, une question supplémentaire
au premier ministre. Est-ce que le gouvernement a l'intention d'établir
une politique de l'information, face au phénomène de
concentration des entreprises de presse dans le Québec?
M. BERTRAND: Je n'ai rien compris de la question.
M. MICHAUD: M. le Président, si le premier ministre pouvait
demander à quelques-uns de ces barbares de se taire, peut-être
pourrait-il comprendre.
M. BERTRAND: Ah! Voyons! Que le député parle moins vite et
plus distinctement et nous allons le comprendre.
M. LESAGE: Si le ministre des Institutions financières ne parlait
pas en même temps, ça simplifierait les choses.
M. MICHAUD: Le gouvernement a-t-il l'intention d'établir et de
définir une politique de l'information, face au phénomène
de concentration des entreprises de presse dans le Québec?
M. LE PRESIDENT: Al'ordre! J'ai déjàr endu une
décision sur cette question et j'ai demandé que cette question
soit inscrite au feuilleton.
L'honorable ministre des Institutions financières.
Courtage immobilier
M. GABIAS: Je vous remercie, M. le Président.
Jeudi le 24 octobre 1968, le député de Verdun posait
à cette Chambre une question concernant en particulier la vente de
certains terrains à
Saint-Adolphe-d'Howard. En ce qui concerne le service du courtage
immobilier, il me fait plaisir d'informer cette Chambre que, relativement
à la vente de terrains à Saint-Adolphe-d'Howard, par la compagnie
Saint-Adolphe construction, les représentants de la maison Emile Genest,
ont été personnellement rencontrés par les
représentants ou les enquêteurs du service du courtage immobilier.
Tous les vendeurs de terrains sont des employés réguliers. Ils
exercent cette profession au profit de la compagnie Saint-Adolphe construction.
La Loi du courtage immobilier, à l'article 4-J, stipule qu'un
employé régulier qui, à l'occasion de l'exercice de sa
principale occupation, accomplit une opération immobilière pour
le compte de son employeur, lorsque ce dernier n'est pas un courtier ou un
constructeur inscrit, peut accomplir un acte visé à l'article 3
de la loi sans avoir obtenu au préalable un permis du service du
courtage immobilier du Québec.
Présentement, la façon d'opérer de cette compagnie
n'entre pas en contravention avec la loi actuellement en vigueur. Si, par
ailleurs, il s'agit de vente frauduleuse, cela relève, comme tout le
monde le sait, du ministère de la Justice.
Samuel Gesser Productions
M. GABIAS: A une autre question qui était posée par le
député de Verdun et concernait Samuel Gesser Productions Inc., il
me fait plaisir d'informer cette Chambre que cette compagnie a fait une
proposition en date du 14 novembre 1968 et que l'assemblée des
créanciers aura lieu le 27 novembre 1968. Le syndic nommé
à la faillite est Friefeld, Rohr et Compagnie. La compagnie de MM.
Samuel Gesser et Allan Mills a d'abord été incorporée le
16 septembre 1960 sous le nom de Gesser Mills Concerts Inc. Le capital
autorisé de la compagnie était de $20,000, constitué par
200 actions ordinaires à $10 chacune et 180 actions
privilégiées à $100 chacune. Le 17 septembre 1963, la
compagnie a changé son nom pour Samuel Gesser Productions Inc., en
français, les Productions Samuel Gesser Inc. Les directeurs de la
compagnie sont: Madame Sara Lee-Gesser, présidents; M. Samuel Gesser,
vice-président! M. Naihan Gesser, secrétaire, et M. Gerry-J.
Levitan, trésorier. Madame Gesser est détentrice de sept actions
ordinaires et de vingt ac- tions privilégiées, alors que chacun
des autres directeurs détient une action ordinaire, pour un grand total
de capital émis de $2,100.
Le séquestre désigné est M. Jules Chicoine, et la
compagnie a déposé son bilan. J'ai ici en main une copie du bilan
déposé par cette compagnie. De plus, f ai en main la proposition
faite par cette compagnie. Je vais ajouter que le 27 septembre 1968, soit six
semaines avant le 14 novembre 1968, Madame Sara Lee-Gesser, M. Nathan Gesser et
Gerry-J. Levitan ont incorporé une compagnie sous le nom de Gesser
Enterprises Inc., les Entreprises Gesser Inc. Le capital autorisé est de
$40,000, à raison de 1,000 actions ordinaires à $10 chacune et
3,000 actions privilégiées à $10 chacune. Pour le moment,
nous ignorons le nombre d'actions détenues par les directeurs.
C'est donc dire qu'il n'y a pas eu de négligence de la part du
service des compagnies lorsque ce service a permis l'incorporation de cette
troisième compagnie sous le nom de Gesser Enterprises Incorporated,
parce que cette demande a été faite le 27 septembre 1968 et que
la faillite n'a été connue que le 14 novembre 1968. Je dois
ajouter également qu'à aucun moment des institutions
financières, compagnies et coopératives n'ont reçu une
plainte de qui que ce soit. Je suis également informé qu'aucune
plainte ni aucune demande de renseignements relativement à cette
faillite n'a été présentée au ministère de
la Justice.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: Ma question s'adresse au ministre d'Etat à la
Fonction publique. Je regrette de revenir en arrière, mais il faut bien
que chacun attende son tour pour parler. Il s'agit de la déclaration
qu'a faite le ministre et sur laquelle j'aimerais un éclaircissement Le
ministre a lu assez rapidement son texte et il y a un point, pour ma part, que
je n'ai pas entendu. Dans la partie de son texte où il traitait des
modifications à la durée de la semaine de travail dans le cas des
employés de bureau, le ministre a parlé d'un rajustement ou d'une
compensation pour les deux heures et demie additionnelles.
Il a cité un pourcentage que je n'ai pas bien compris. Est-ce que
le ministre aurait l'obligeance d'informer la Chambre du pourcentage en
question?
M. MASSE: Je n'ai pas d'objection à répondre au
député. Il y a deux façons d'avoir la réponse:
premièrement, en consultant le journal des Dé-
bats, demain; deuxièmement, en m'accordant... M. MICHAUD: Ne
soyez pas mesquin.
M. MASSE: ... quelques instants, parce que le texte de la
déclaration n'est plus en ma possession en ce moment. Alors, il faudrait
me permettre d'en reprendre possession. Vous pouvez le lire au journal des
Débats ou je peux vous donner la réponse dans quelques instants.
Je peux vous envoyer une copie du texte.
Evénements de Saint-Casimir
M. LEFEBVRE: On verra si cela a de l'importance. On verra ça plus
tard. J'aurais une question à l'adresse du premier ministre et, cette
fois, je reviendrai à Saint-Casimir. J'aimerais savoir du premier
ministre si c'est le ministre du Travail qui est maintenant responsable de la
sûreté du Québec et de l'application du code criminel.
Sinon, de quoi se mêle-t-il?
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel A Pordre!
M. BELLEMARE: Le député est-il en faveur de la
violence?
M. LEFEBVRE: Non. Le ministre déraisonne. Ce n'est pas ce que
j'ai demandé.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. BELLEMARE: Tâchez donc de vous mêler de vos affaires.
M. LEFEBVRE: J'ai demandé si ça concernait le ministre du
Travail.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: C'est une question sérieuse.
M. LE PRESIDENT: A Pordrel A l'ordre!
M. BELLEMARE: Arrêtez donc de prendre tous les matins votre bain
dans le vinaigre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député
d'Outremont.
La Stabilité
M. CHOQUETTE: Je voudrais poser une question au ministre des
Institutions financières. Le ministre des Institutions
financières peut-il faire connaître à la Chambre les
raisons pour lesquelles l'échange projeté d'actions de la
Stabilité, compagnie d'assurance-vie, avec les actions de la
compagnie les Prévoyants du Canada a été bloqué
à la Commission des valeurs mobilières et au service des
assurances...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: ... pendant plus d'un an et demi?
M. LE PRESIDENT: A Pordrel L'honorable député d'Outremont
voudra bien inscrire cette question au feuilleton.
M. CHOQUETTE: Si j'inscris cette question au feuilleton, je n'aurai
jamais de réponse. Je pense que le ministre considère que la
question est urgente. J'en ai déjà discuté avec lui.
M. GABIAS: Je peux donner une réponse au député
d'Outremont.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on pourrait me permettre de finir ma question,
cependant?
M. GABIAS: Je vais d'abord répondre à celle-ci. S'il y en
a d'autres, subséquentes...
M. CHOQUETTE: La question n'était peut-être pas
complète.
M. GABIAS: Bien, il me semblait qu' il y avait un point d'interrogation
à la fin. Depuis un an...
M. CHOQUETTE: Ecoutez, si on me le permet, je vais terminer la lecture
de ma question. Il s'agit de transactions financières assez
compliquées. Il est sûr que je ne peux pas poser une question
comme ça en trois lignes.
M. GABIAS: C'est pour cela qu'on vous suggère le feuilleton.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: On me suggère le feuilleton, mais la question est
urgente.
M. LE PRESIDENT: A Pordre! A l'ordre! A l'ordre! Comme l'honorable
ministre insiste pour répondre, je dois permettre à Phonorable
député d'Outremont de poser sa question. Je lui demanderais,
cependant, de respecter les règles ordinaires des questions.
M. CHOQUETTE: Je vous remercie, M. le Président. Je reprends ma
question au début, parce qu'elle est assez longue. Le ministre des
Institutions financières peut-il faire connaître à
la Chambre les raisons pour lesquelles l'échange projeté
d'actions de la Stabilité, compagnie d'assurance-vie avec des actions de
la compagnie les Prévoyants du Canada a été bloqué
à la Commission des valeurs mobilières et au service des
assurances pendant plus d'un an et demi, avec, comme conséquence, une
chute de près de 50% dans la valeur au marché des actions de la
Stabilité et, également, la conséquence que la
Stabilité, compagnie d'assurance-vie n'opère plus ou, du moins,
ne transige plus d'affaires d'assurance-vie?
M. GABIAS: Vu la complexité et le peu de clarté de sa
question, je suggèrerais au député de placer cette
question au feuilleton.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député des
Iles-de-la-Madeleine.
Employés non syndiqués
M. LACROIX: Ma question s'adresse à l'honorable
représentant de l'Assemblée nationale du Québec pour le
comté de Montcalm. Est-ce que le gouvernement a l'intention d'accorder
les...
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. LACROIX: ... mêmes privilèges aux employés
professionnels non syndicables à l'emploi du gouvernement que ceux qui
ont été accordés aux autres fonctionnaires, professionnels
ou autres, du gouvernement par les récentes conventions collectives?
M. MASSE: Les responsables de la Fonction publique sont en train de
faire une étude pour reviser certains traitements qui sont versés
aux personnes qui appartiennent aux cadres de l'administration.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Duplessis.
Associations de sécurité
M. COITEUX: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du
Travail. Est-il exact qu'à partir du 1er avril 1969, les subsides
actuellement versés aux associations de sécurité, comme
Canadian Pulp and Paper Association, seront discontinués?
M. BELLEMARE: Non.
M. COITEUX: M. le Président, comme question
supplémentaire, pourrais-je demander au ministre s'il est en mesure de
dire s'il y aura une formule de transition à cet effet?
M. BELLEMARE: Oui.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat à l'Education.
Collège Loyola
M. MORIN: M. le Président, je dépose les copies des deux
arrêtés ministériels concernant le collège
Loyola.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LESAGE: M. le
Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: ... jeudi matin dernier je réfère
à la page 4223 du journal des Débats le ministre d'Etat
à l'Education avait déclaré qu'il déposerait
vendredi, le lendemain matin mais comme nous n'avons pas
siégé, il le fait aujourd'hui copie des deux
arrêtés ministériels qu'il vient de déposer.
Il y a eu un échange entre lui et moi. J'ai posé une
série de questions. Je ne sais pas si le ministre est en mesure d'y
répondre aujourd'hui ou s'il le sera demain. Pourrait-il
m'éclairer à ce sujet?
M. MORIN: Je veux rassurer le chef de l'Opposition. Je suis en train de
préparer toutes les réponses à ses questions et je serai
probablement en mesure, dès demain, de lui donner toutes ces
réponses.
Réponses inconciliables
M. LESAGE: Je l'en remercie bien. J'attendais que la période des
questions soit terminée pour faire une intervention très courte,
encore une fois en vertu de l'article 114, paragraphe 2, sur des
réponses inconciliables, disons, qui ont été
données en réponse à des questions écrites ou
à des demandes de production de documents. Je vais faire ça le
plus brièvement possible, dans l'espoir que les faits pourront
être rétablis en même temps que dans les autres cas que j'ai
déjà mentionnés. J'espère que le leader du
gouvernement en Chambre sera en mesure de ce faire dans un délai
rapproché.
M. le Président, il s'agit d'achat de tapis. Avant de parler du
Conseil législatif, nous allons parler pour deux minutes d'achat de
tapis. Le 29 mars 1968, le député de Bourassa... Au Conseil
législatif, c'est rouge. Alors, je reprends. Le 29 mars 1968, le
député de Bourassa a inscrit une question demandant, entre autres
choses, combien le gouvernement, ses offices ou régimes et commissions
ont payé pour l'achat de tapis depuis le 16 juin 1966 jusqu'au 29 mars
1968.
Le 23 octobre 1968, réponse du premier ministre: $76,505.64,
procês-verbaux no 75, page 647.
On comprendra que je lise rapidement parce que je dicte beaucoup plus
pour le journal des Débats afin que le leader du gouvernement puisse y
retracer mon intervention. Il y a lieu de se demander si ce chiffre est exact,
lorsqu'on examine d'autres réponses fournies. Voici quelques exemples
seulement:
Premièrement, le 23 octobre 1968, soit le même jour,
réponse de M. Russell, déclarant que, pour l'édifice
J'offre seulement, le gouvernement a acheté pour $140,927.11 de tapis.
Document déposé no 209.
Toujours à la même date, le 23 octobre 1968, réponse
de M. Russell, déclarant que pour l'aménagement des bureaux ou
suites de bureaux de tous les membres du Conseil exécutif, à
Québec et ailleurs, le gouvernement apayê$19,224 pour l'achat de
tapis du 16 juin 1966 au 29 mars 1968. C'est le document 206.
Et enfin, le 12 août 1967, il y avait eu une réponse de M.
Lafontaine, déclarant que le gouvernement avait négocié un
contrat de $24,712.36 avec la compagnie Emilien Rochette et Fils
limitée, relativement aux bureaux du cabinet du premier ministre. C'est
la page 841 des journaux pour la session 1966-1967.
Il y a deux ou trois réponses qui semblent contradictoires ou
incomplètes.
M. RUSSELL: M. le Président, je vais vérifier les faits et
j'en informerai la Chambre.
M. LESAGE: C'est le but de mon intervention.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre propose la
deuxième lecture de la Loi concernant le conseil législatif.
L'honorable premier ministre.
M. BERTRAND: M. le Président...
M. TREMBLAY (Bourassa): La période des questions n'est pas
finie?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si, malheureusement, il n'y a pas
consentement unanime de la Chambre, il me sera impossible d'accorder la parole
à l'honorable député de Bourassa.
M. TREMBLAY (Bourassa): Oui mais, M.le Président, les
députés parlent tous ensemble et, à un moment
donné, nous avons certaines questions à poser, le premier
ministre ou d'autres se lèvent, et nous ne pouvons pas poser nos
questions. J'aimerais bien savoir quand nous pourrons le faire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai demandé à la Chambre si
elle accordait son consentement unanime.
M. BERTRAND: Oui.
M. LE PRESIDENT: Alors, si la Chambre est d'accord, je n'ai aucune
objection.
M. TREMBLAY (Bourassa): Alors, M. le Président, j'ai deux
questions à poser. Ce sont peut-être des questions qui concernent
la ville de Montréal, le nord de Montréal. La première est
que le déblaiement de la neige sur le boulevard Métropolitain,
depuis quelques années, est fait par le gouvernement provincial. Lors de
la dernière tempête que nous avons eue, disons il y a deux
semaines, nous avons dû attendre onze jours avant que la souffleuse
puisse enlever la neige sur le boulevard Métropolitain. Vous serez tous
d'accord sur le fait que le boulevard n'est pas suffisamment large pour
absorber la circulation du nord de Montréal. Le ministre de la Voirie
n'est pas ici, ma question s'adresse donc au premier ministre. J'aimerais
savoir s'il croit qu'il est normal que le déblaiement de la neige sur le
boulevard Métropolitain ne se fasse qu'onze jours après une
tempête?
Je crois que c'est une question urgente, M. le Président. Elle ne
l'est peut-être pas pour les députés ici en Chambre, mais
elle l'est pour ceux qui circulent sur le boulevard Métropolitain.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Nous revenons à l'article 5.
L'honorable premier ministre propose la deuxième lecture de la Loi
concernant...
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, je n'accepte pas...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): ... j'ai posé une question. Je ne
comprends pas que vous criiez à l'ordre. Cela m'importe peu. On devrait
au moins répondre à ma question.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Je pose la question au premier ministre.
J'aimerais savoir s'il peut me répondre.
J'ai également d'autres questions à poser.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que l'honorable
député va convenir avec moi que la question qu'il pose ne remplit
pas les deux conditions nécessaires pour que ce soit une question
régulière à ce moment-ci des procédures. J'ai
maintenant appelé l'article 5.
M. TREMBLAY (Bourassa): Je me demande bien quel genre de question je
dois poser pour qu'elle soit régulière.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Je me demande de quelle façon et à
quel moment je dois les poser. Ne criez pas à l'ordre, cela ne
m'énerve pas du tout, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: II me serait regrettable d'avoir à nommer le
député, et je l'invite à lire en attendant l'article
683.
L'honorable premier ministre propose la deuxième lecture de la
Loi concernant le conseil législatif.
M. LAPORTE: M. le Président, je ne suis pas totalement en
désaccord avec vous. Si lapremiè-re question du
député de Bourassa vous a semblé
irrégulière, il était évidemment de votre devoir de
le lui dire. Mais, puisque le député dit qu'il a d'autres
questions à poser, si ces questions sont jugées
régulières, je pense bien que la période au cours de
laquelle il peut les poser n'est pas encore terminée.
M. LE PRESIDENT: J'ai bien compris que les questions étaient du
même ordre. Sinon, je suis prêt à admettre que j'ai fait une
erreur et, à ce moment-là, je serais prêt à entendre
l'honorable député de Bourassa.
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, je sais que vous ne
demandez pas au premier ministre de répondre à ma première
question. Ma deuxième question, c'est toujours la même. C'est que,
dans le nord de Montréal, nous avons des carrières à
Saint-Michel et nous avons du dynamitage dans les carrières, ce qui
cause des ennuis à toutes les personnes et à tous les
contribuables de l'entourage, soit de Saint-Michel ou de
Montréal-Nord.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Je trouve que c'est très grave, M. le
Président. Si vous étiez résident de la région de
Montréal-Nord ou de Saint-Michel, vous seriez le premier à faire
des plaintes à votre député. Et même si vous ne
voulez pas accepter que j'intervienne en Chambre, vous seriez le premier
à faire des plaintes auprès de la Chambre, si vous étiez
député de la circonscription que je représente.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Alors, je demande au ministre du Travail...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Ma question s'adresse au ministre du
Travail.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, prenez donc une minute.
Laissez-nous intervenir...
DES VOIX: Ah!
M. TREMBLAY (Bourassa): ... le ministre du Travail va nous
répondre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Je demande au ministre du Travail qui a
fait...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, je demande au ministre
du Travail...
DES VOIX: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Bien oui, on n'est plus capable de parler; c'est
le bâillon, ici, en Chambre.
M. GRENIER: Le bâillon! Vous jouez au bouffon.
M. TREMBLAY (Bourassa): On n'est plus capable de parler; on n'est plus
capable de poser nos questions et d'avoir des réponses.
M. ALLARD: C'est un autre Reggie Char-trand.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: M. le Président, le ministre devrait avoir assez de
bon sens pour ne pas s'énerver.
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, je demande à
celui qui a dit les paroles: « C'est un autre Reggie Chartrand »,
de retirer ses paroles. Je ne suis pas un Reggie Chartrand.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable ministre
des Richesses naturelles...
M. TREMBLAY (Bourassa): S'il y en a qui ne savent pas vivre, ils ne
méritent pas d'être dans cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Qu'on me permette, au moins, d'essayer de
faire observer le règlement! Je demande à l'honorable ministre
des Richesses naturelles de bien vouloir retirer ses paroles.
M. ALLARD: Ce n'est pas un Reggie Chartrand, mais ça lui
ressemble.
M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, qu'il retire ses paroles
comme un homme, si c'est un homme! Il vient de retirer ses paroles comme un
enfant. Qu'il retire ses paroles, si c'est un homme! Il ne mérite
même pas d'être ministre, présentement.
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais dire à
l'honorable député que, l'an passé, lorsqu'il a
attiré mon attention sur ce fait un peu particulier dans la ville de
Montréal-Nord, nous avons délégué
immédiatement des inspecteurs dont, je pense de l'avis même
du député qui m'avait écrit une lettre il avait
été pleinement satisfait. Nous n'avons pas d'objection à
renouveler le mandat de ces inspecteurs pour donner satisfaction à tout
le monde. Je prends bonne note de l'observation de l'honorable
député et, dès demain matin, des ordres seront
donnés afin que nos inspecteurs aillent vérifier sur les
lieux.
M. TREMBLAY (Bourassa): Voyez-vous, M. le Président, ce qui
arriverait si vous nous laissiez poser les questions. Le ministre du Travail
nous répond de façon satisfaisante et je suis sûr,
d'avance, qu'il va faire le travail nécessaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Bourassa): Merci, M. le ministre du Travail.
M. BERTRAND: Cinq.
Bill no 90
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième
lecture de la Loi concernant le Conseil législatif.
L'honorable premier ministre.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, le lieutenant-gouverneur, ayant
pris connaissance du présent projet de loi, en recommande l'étude
par la Chambre.
En 1966, il y avait, dans le programme de notre mouvement politique,
deux articles importants, entre autres: celui où l'on disait qu'il
falfait abolir le Conseil législatif sans l'intervention de Londres, ni
d'Ottawa dans les affaires internes du Québec; deuxièmement,
celui où l'on mentionnait qu'il fallait procéder à une
réforme de nos institutions parlementaires pour en faire un instrument
moderne et efficace au service de la communauté
québécoise.
Le projet de loi que je présente à la Chambre a, pour
premier but, l'abolition du Conseil législatif, sans l'intervention du
gouvernement de Londres ni d'Ottawa. Deuxièmement j'aurai
l'occasion d'en dire quelques mots à la fin de mes remarques il
amorce la réforme de nos institutions parlementaires, réforme
destinée à donner aux députés une
responsabilité encore plus complète dans les affaires de
l'Etat.
Il faut donc, M. le Président, considérer le
présent projet de loi d'une manière positive. Dans l'esprit des
hommes politiques des dernières décennies, le Conseil
législatif, comme la Chambre haute des Parlements de type britannique,
avait pour mission de faire contrepoids à la Chambre élue par le
peuple. Dans la mesure où la société devient de plus en
plus démocratique, le rôle du Conseil législatif devient
donc de plus en plus difficile. Il est paradoxal de constater que, parfois,
l'opinion publique lui reproche d'intervenir dans l'élaboration des
projets de la Chambre élue, alors que, d'autres fois, elle lui reproche
de ne pas intervenir sous prétexte qu'il aurait des
intérêts à protéger.
Ainsi l'évolution actuelle de la société semble,
d'une manière assez unanime, rejeter l'idée d'un Conseil
législatif. Les citoyens désirent, de plus en plus, être
les seuls responsables de l'élaboration des politiques par
l'intermédiaire des représentants élus du peuple. Les
groupes de pression, d'ailleurs, se multiplient dans la société
contemporaine afin d'assurer la défense, les intérêts et la
protection de leurs droits auprès des représentants élus.
Ils acceptent mal l'intervention de personnes qui ne sont pas élues-Dans
l'esprit de plusieurs, les assemblées non élues leur rappellent,
à tort ou à raison, les mauvais souvenirs d'une époque de
privilège. Il faut donc consulter le contexte sociologique du
Québec pour comprendre les raisons qui ont inspiré ces articles
du programme de notre mouvement politique et du présent projet de
loi.
Le projet n'a aucun aspect négatif. Il ne s'agit pas d'exercer
une vengeance, car il n'existe pas de conflit entre les deux Chambres. De plus,
on n'en voit point à l'horizon. Il ne s'agit pas non plus de condamner
ou de blâmer les hommes qui font partie du conseil. Il n'appartient pas
aux membres de l'Assemblée législative de s'ériger en juge
de leur conduite. Je crois même que l'histoire du Conseil
législatif ne pourrait pas être écrite par un membre de
l'Assemblée législative, mais par ceux-là qui ont
vécu la vie du conseil.
J'ai connu et vous avez tous connu un grand nombre de membres du
conseil. Je suis fermement convaincu - pour ceux que j'ai connus depuis
au-delà de 27 ans - qu'ils ont tous agi dans l'exercice de leurs
fonctions, dans le meilleur intérêt de leur province. Je ne
voudrais pas citer de noms, mais plusieurs d'entre eux ont été de
grands Canadiens, de grands Québécois. Us ont rendu
d'inestimables services à leur province et à leur pays.
Même s'ils n'ont pas reçu la manchette des journaux, je suis
convaincu qu'ils jouissent tous d'une très grande estime, non seulement
auprès des membres de l'Assemblée législative, mais
également auprès de la population. A mon avis, le conseil a
toujours été animé d'un esprit modérateur, du
respect des traditions, de la liberté et de la propriété
individuelles. L'opinion publique qui ne lui a pas toujours été
favorable a quand même reconnu en plusieurs circonstances, le rôle
important qu'il aura joué.
Aucun doute que la disparition du Conseil législatif modifiera
sensiblement à la longue, le travail de ce Parlement. Les
responsabilités qui pèseront sur nos épaules seront plus
lourdes car nous devrons nous habituer davan- tage à approfondir les
projets de loi qui sont soumis à l'attention du Parlement de
Québec. Le gouvernement devra davantage tendre à présenter
des mesures législatives plus parfaites. Sans doute appartiendra-t-il
à l'histoire de juger le conseil et son rôle. L'histoire
peut-être lui sera beaucoup plus sympathique que ne l'a été
l'opinion publique.
Le projet constitue une affirmation: Que le Québec peut modifier
sa constitution interne à l'exception de la fonction du
lieutenant-gouverneur sans l'Intervention de Londres et d'Ottawa. Les provinces
de Québec et d'Ontario sont les deux seules provinces dont l'appareil
législatif est le sujet de stipulation dans l'acte de 1867.
La Législature du Québec fait le sujet des articles 71
à 80 et la Législature de l'Ontario des articles 69 et 70.
Ces articles de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867
sont très secondaires et se limitent à modifier la constitution
des anciennes provinces pour permettre la mise en place d'un nouveau
régime politique au Canada. Ces articles n'enlèvent rien aux
droits que ces provinces pouvaient posséder avant la
Confédération, exception faite pour les droits
cédés au gouvernement fédéral en vertu de l'Acte de
1867.
Je me réfère ici, M. le Président, au Colonial Laws
Validity Act de 1865 qui avait consacré dans son article 5, une
convention constitutionnelle qui accordait à l'époque aux
colonies britanniques le droit de modifier leur constitution: « Chaque
Législature coloniale aura, et sera censée en tout temps avoir eu
plein pouvoir, dans les limites de sa compétence, de créer des
cours de justice, de les abolir, de les reconstituer et d'en modifier la
constitution et de pourvoir à l'administration de la justice dans ces
cours, et chaque Législature représentative aura, relativement
à la colonie placée sous sa compétence, et sera
censée en tout temps avoir eu plein pouvoir d'edicter des lois
concernant la constitution, les pouvoirs et la procédure de cette
Législature, pourvu que ces lois aient été adoptées
de la façon et sous la forme qui peuvent être de temps à
autre prescrites par une loi du Parlement, par lettres patentes, décret
du Conseil ou loi coloniale en vigueur dans ladite colonie. »
Le gouvernement responsable existe donc au Canada depuis 1848. De
longues batailles sur la réforme parlementaire avaient
déjà, sous le gouvernement de l'Union, inscrit dans les faits le
pouvoir pour la colonie d'amender sa constitution. D'ailleurs, ce que je viens
de lire du Colonial Laws Validity Act consacre ce pouvoir d'une manière
définitive. L'examen des discus-
sions qui ont précédé l'établissement de la
Confédération canadienne révèle qu'il ne fut pas
question du pouvoir de modifier la constitution du Parlement
fédéral, pas plus que de modifier la répartition des
pouvoirs législatifs entre le fédéral et les provinces.
Ces deux pouvoirs devaient à l'époque demeurer la
responsabilité du Parlement de Londres. Il semble que personne ne
contestait à l'époque le pouvoir des colonies, reconnu par le
Colonial Laws Validity Act, de modifier leur constitution. Les
résolutions de Québec contiennent un rappel de ce pouvoir aux
articles 41 et 42, dont voici le texte.
Résolution no 41: « Les gouvernements et les Parlements des
diverses provinces seront constitués en la manière que leurs
Législatures actuelles jugeront respectivement à propos
d'établir. »
Résolution no 42: « Les Législatures locales auront
le pouvoir d'amender ou de modifier de temps à autre leur constitution.
»
Les résolutions de Londres reprennent les mêmes
propositions aux articles 40 et 41, paragraphe 1, dont voici le texte: «
Article 40: Le gouvernement local et la Législature locale de chaque
province seront constitués de manière que prescrira la
Législature de chacune de ces provinces. « Article 41: La
législature locale pourra faire des lois relatives aux sujets suivants:
Premièrement, la modification ou l'amendement de sa constitution de
temps à autre... »
M. le Président, suivant un auteur qui s'appelle Pope, les
délégués des provinces à la conférence de
Londres ont éliminé la 24e résolution du Québec au
sujet des modifications à l'Assemblée législative, parce
que superflue, vu que les provinces possédaient seules le pouvoir
général d'amender leur constitution.
L'inscription de ce pouvoir dans l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique est destinée à éliminer toute controverse sur
le sujet. Le pouvoir donné par l'Angleterre, à cette
époque, à ses colonies, avait même un effet
rétroactif. La loi voulait consacrer une convention constitutionnelle en
usage depuis quelques années. Les réserves mentionnées
dans ledit acte maintenant la désuétude, avaient pour effet de
défendre aux colonies d'adopter des lois en contradiction avec les lois
impériales de l'époque, en particulier dans le domaine du
commerce et de la navigation. Ainsi, la Législature de la province n'a
pas besoin de l'intervention de Londres pour modifier sa constitution. Ce
serait demander de nouveau à Londres un pouvoir qui lui était
déjà consenti au moment de la Confédération. Le
gouvernement fédéral n'a pas à y voir, ni directement, ni
indirectement, puisqu'il s'agit là d'un pouvoir exclusif de la province
d'amender sa propre constitution.
M. LESAGE: Excepté le droit de ceux qui ont passé la loi
de la reviser.
M. BERTRAND: II semble d'ailleurs que cette interprétation est
conforme à la doctrine qui a été exprimée dans
plusieurs décisions du comité judiciaire du Conseil privé,
en particulier dans la cause de Liquidators of Maritime Bank versus Attorney
General of New Brunswick. L'abolition du Conseil législatif devrait
fournir à tous les citoyens l'occasion de constater que la province
possède le pouvoir de modifier sa constitution interne. Il
possède également nombre de pouvoirs qu'il est de son devoir
d'utiliser pour régler ses problèmes, sans transporter ces
conflits âl'extérieur.Donc, abolition du Conseil
législatif, pour répondre aux besoins d'une époque qui
veut que la démocratie soit davantage exercée par les
représentants élus, et j'ai également ajouté
tantôt, une amorce de la réforme de nos institutions
parlementaires. Dans ce sens, le comité parlementaire de la constitution
qui se réunira, comme on l'a déjà indiqué, jeudi le
27 novembre à 10 heures de la matinée, pourra examiner certains
autres problèmes qui concernent la constitution interne du
Québec. En plusieurs milieux, on a parlé d'établir un
mécanisme qui pourrait servir de frein modérateur lorsqu'il
s'agira d'amender la constitution du Québec. Certains ont
également suggéré, lorsque nous aurons la constitution
elle-même, une charte des droits de l'homme, d'avoir un mécanisme
qui pourrait assurer la garantie de ces droits. Certains ont parlé
également d'avoir un frein modérateur ou un mécanisme
constitutionnel en vue d'assurer une garantie aux droits de la minorité.
C'est le Parlement de Québec, par le truchement de son comité
parlementaire, qui verra à élaborer les formules qui
répondront le mieux d'abord aux besoins de notre temps, et aux vues, aux
aspirations, aux idées et aux opinions des membres du comité
parlementaire et des membres de l'Assemblée législative du
Québec.
J'ai donc l'honneur, sans entrer dans aucun détail ni dans aucune
des modalités de ce bill qui comporte plusieurs clauses. Lorsque l'on
décrète l'abolition du conseil, il faut également faire
référence à plusieurs lois où partout était
indiqué le rôle du conseil, ses activités, ses pouvoirs,
ses devoirs. C'est donc dire que la loi, le principe fondamental, c'est celui
de l'abolition du Conseil législatif, pour répondre aux
désirs si souvent manifesté par la population, et que les deux
partis politiques, à l'occasion
des élections de 1966 avaient inscrit dans leur programme, qui
avait fait l'objet de mention dans les programmes des partis politiques, depuis
je crois, 1878. C'est en 1968 que nous le proposons, au Parlement de
Québec Je crois à l'unanimité puisque le chef de
l'Opposition avait de son côté, proposé lui aussi un projet
de loi dans ce sens. Il conviendra que le sien ne prévoyait pas tous les
amendements que l'on doit apporter aux lois en pareil cas. Nous avons...
M. LESAGE : Je répondrai à cela tantôt. Comme chef
de l'Opposition, moi, je n'ai pas de cadeau à faire.
M. BERTRAND: Non, excepté que nous avions la
responsabilité. L'honorable premier ministre, M. Johnson, mon
prédécesseur, avait formellement indiqué par l'inscription
au feuilleton, d'un avis Loi concernant le Conseil législatif
la volonté claire et manifeste d'abolir le conseil. Il avait,
à quelques reprises, indiqué également que ce conseil
pourrait peut-être être remplacé par une autre chambre, mais
toujours dans l'optique d'une chambre qui aurait pu servir comme frein
modérateur dans le domaine des amendements à la constitution.
Nous posons un jalon, c'est une étape, l'abolition. Le
mécanisme j'y reviens fera l'objet des travaux du
comité parlementaire. J'ai donc l'honneur de proposer la deuxième
lecture de ce projet de loi, concernant l'abolition du Conseil
législatif.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: « La Législature du Québec se composera
désormais du lieutenant-gouverneur et de l'Assemblée nationale du
Québec ». C'est par ces mots très simples que prendra fin
l'interminable querelle ou l'interminable discussion au sujet de l'abolition du
Conseil législatif au Québec. Depuis près de cent ans, oui
depuis près de cent ans, on en parlait. Depuis près de cent ans,
les journalistes, les observateurs, les historiens, les hommes politiques, les
experts et même les partis politiques se sont divisés en deux
camps quasi irréconciliables. Les uns pour, les autres contre
l'abolition.
Aujourd'hui qu'on y est, le Conseil législatif, semble-t-il, ne
sera plus, c'est presque avec nostalgie que ceux-là mêmes qui en
réclamaient l'abolition avec le plus de vigueur s'apprêtent
à sanctionner la disparition de cet organisme si discuté.
Je ne veux pas rappeler ici tous les mérites ou les
démérites de l'institution! Pas plus que le premier ministre, je
n'ai l'intention de tenter d'écrire l'histoire du conseil, de parler des
grands Canadiens, des grands Québécois qui y ont oeuvré.
Je ne veux faire ni l'éloge ni la critique de tous ceux qui en furent
membres.
Comme le premier ministre, je crois que tout cela appartiendra à
l'histoire.
Je ne veux pas, non plus, refaire l'histoire de toutes les tentatives
qui ont été faites ou imaginées dans le passé, au
Québec comme dans d'autres provinces du Canada, pour abolir les Conseils
législatifs existants. Ce serait trop long et je
répéterais en substance un discours fleuve que j'ai
prononcé en Chambre le 4 février 1965...
M. BERTRAND: J'avais là-dessus plusieurs notes que j'ai mises de
côté.
M. LESAGE:... page 334et suivantes du journal des Débats, mais je
ne reviens pas là-dessus. Cependant, M. le Président, vous
permettrez bien à celui qui, en ces dernières années, a
vainement tenté d'en arriver à l'abolition du conseil en passant,
à un moment donné, il est vrai, par le biais d'une diminution de
sa compétence, de vous relater brièvement les
péripéties d'un voyage qui l'a conduit inopinément aux
portes du Parlement de Westminster, non pas parce qu'il avait souhaité
ce long détour pour atteindre la Chambre voisine qui est située
à deux pas, mais bien, plutôt, parce que le jeu des
allégeances politiques et partisanes l'y avait contraint, presque
malgré lui.
Décider d'abolir le Conseil législatif, c'est une chose,
mais réussir à l'abolir, c'en est une autre et j'en sais quelque
chose. Diverses avenues pour atteindre cette fin sont évidemment
possibles. La première, c'est celle de présenter un projet de loi
comme le bill 90, en substance, j'entends. Quant aux modalités, nous en
parlerons en comité. En effet, en vertu de l'article 92,
premièrement, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et je
cite: « Dans chaque province, la Législature pourra exclusivement
légiférer sur les matières entrant dans la
catégorie de sujets ci-dessous énumérés, à
savoir: 1 A l'occasion, la modification, nonobstant ce qui est contenu
au présent acte, de la constitution de la province, sauf les
dispositions relatives à la charge du lieutenant-gouverneur. »
Comme la Législature du Québec, de par la constitution, se
compose, entre autres, de l'Assemblée législative et du Conseil
législatif, il s'ensuit qu'un projet de loi abolissant le Conseil
législatif est sujet à l'approbation de l'une et de l'autre
Chambres.
Or, j'avais, à l'époque où j'étais premier
mi-
nistre, de bonnes raisons de croire qu'un semblable projet rallierait,
au moins, la majorité des députés à
l'Assemblée législative. Par ailleurs, pour me servir d'une
expression classique, j'étais « croyablement »
informé que mon projet de loi serait accueilli au Conseil
législatif par un non ou même un « niet »
retentissant. Donc, cette première avenue menait à l'impasse. Une
deuxième avenue, utilisée ailleurs au Canada, se
révélait impossible. Cette avenue aurait consisté à
utiliser la prérogative royale du lieutenant-gouverneur pour nommer une
majorité de nouveaux conseillers législatifs consentant à
se faire harakiri, et à renvoyer les récalcitrants. C'est ce qui
a été fait en Nouvelle- Ecosse.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE : Or, au Québec, nous ne pouvions pas agir de la sorte,
à cause des articles 71 et 72 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique qui fixe à 24 le nombre des conseillers législatifs
du Québec. Bien sûr, ces articles 71 et 72 font partie de la
constitution interne du Québec, comme, d'ailleurs, l'existence
même du conseil. Ils sont reproduits dans la Loi de la
Législature, mais, pour la modifier, il faut encore l'assentiment des
deux Chambres. Cet assentiment a été obtenu, entre 1960 et 1966,
en ce qui concerne l'âge de la retraite. Mais, en ce qui concerne
l'augmentation du nombre des conseillers en vue de l'abolition du conseil, nous
nous serions évidemment retrouvés dans la même impasse.
C'est dans ce contexte qu'en 1965, nous avions présenté le
bill no 3 qui avait pour but de restreindre les pouvoirs du Conseil
législatif sur les projets de loi votés par l'Assemblée
législative. Il s'agissait de restreindre les pouvoirs du Conseil
législatif pour les ramener à peu près à ce
qu'étaient les pouvoirs de la Chambre des Lords à venir jusqu'au
20 novembre 1968, alors qu'ils ont été de nouveau
diminués. Je voudrais seulement rappeler les notes explicatives du bill
no 3, en 1965: « Un projet de loi d'ordre financier pourra être
sanctionné et devenir loi, même s'il est rejeté par le
Conseil législatif, dès qu'un mois se sera écoulé
après son adoption par l'Assemblée législative. «
Pour un projet de loi ordinaire, il faudra qu'il ait été
voté par l'Assemblée législative à deux sessions et
qu'au moins un an se soit écoulé entre le vote de la seconde
lecture à l'Assemblée législative au cours de la
première session et le vote de la dernière lecture à la
seconde. Cette disposition ne sera pas applicable à une loi qui viserait
à prolonger au-delà de cinq ans la durée d'une
législature. »
Comme on le sait, M. le Président, le bill no 3 fut adopté
par l'Assemblée législative, mais il nous revint du Conseil
législatif avec toute une série d'amendements qui en
dénaturaient la portée, ce qui nous ramenait toujours à la
même impasse.
Or, la situation dans laquelle nous nous trouvions était la
suivante: Nous ne pouvions pas procéder par une loi pour amender la Loi
de la Législature en vue d'abolir le Conseil législatif,
c'est-â-dire que nous ne pouvions procéder par un bill comme le
bill no 90. Nous nous étions vu refuser par le Conseil une diminution de
ses pouvoirs. L'expérience du bill no 3 confirmait alors clairement
notre conviction en ce qui concernait l'attitude de la majorité des
membres du Conseil sur la question de l'abolition du Conseil.
La constitution canadienne n'étant pas à ce
moment-là pas plus qu'elle ne l'est aujourd'hui
rapatriée, comme nous n'avions pas de constitution canadienne
écrite au Canada, par des Canadiens, pour les Canadiens, il restait une
autre avenue, quoi qu'en pense le premier ministre. Il fallait cependant
je vous l'avoue une grande détermination pour s'y engager, car
elle comportait des risques. C'est ainsi que, prenant notre courage à
deux mains, nous sommes partis pour Westminster. Mais nous sommes restés
devant le portail du Parlement du Royaume-Uni.
Pourquoi donc ce long et pénible voyage? C'est que devant
l'impossibilité devant laquelle nous nous trouvions de parvenir à
faire voter par les deux Chambres l'amendement désiré à la
Loi de la Législature, il ne nous restait qu'à avoir recours,
hélas, aux subtilités constitutionnelles. La Législature
du Québec, tirant son pouvoir d'une loi du Parlement du Royaume-Uni,
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 et ses modifications,
il fallait, par le moyen d'une adresse, demander au gouvernement du Royaume-Uni
de proposer une loi amendant le statut de 1867 et faisant disparaître le
Conseil législatif.
Telle était la situation en mai 1965. Tout semblait devoir aller
très bien. Nous avions tous les espoirs de réussir. Mais
voilà que survint l'imprévu qui prit forme d'une
équivoque, d'un malentendu: le problème du rapatriement de la
constitution. Et, évidemment, la forme que prenait ce problème
à ce moment-là appelons-la par son nom: la formule
Fulton-Favreau a créé une complication, une grande
complication.
D'aucuns s'imaginent encore que l'abolition du Conseil législatif
ou la diminution de ses pouvoirs était essentielle à l'adoption
de cette célèbre formule Fulton-Favreau et que le Conseil
législatif, en refusant le bill no 3, allait précisément
empêcher l'adoption de la formule
Fulton-Favreau, puisqu'il conservait ainsi son droit de veto.
Or, M. le Président, il n'a jamais été question que
la formule Fulton-Favreau ou toute autre formule d'amendement ou de
rapatriement de la constitution soit soumise au Conseil législatif. La
seule approbation de l'Assemblée législative des élus du
peuple est suffisante, c'est le droit constitutionnel qui l'établit
clairement, le droit et la pratique constitutionnels.
Parler de la formule Fulton-Favreau comme étant le but à
atteindre, le but que nous recherchions par la diminution des pouvoirs du
Conseil législatif, c'est mettre la tête en queue et la queue en
tête, car, bien au contraire, ce qu'il nous fallait justement,
àtoutprix, éviter, si nous voulions disposer du Conseil
législatif, c'était de rapatrier la constitution. Car alors, nous
perdions, du fait même, le seul et unique recours qu'il nous restait,
soit pour abolir le conseil, soit pour diminuer ses pouvoirs, étant
donné l'attitude du conseil sur ces deux questions. Attitude qui
était claire et nette, refus du conseil de collaborer. Attitude
absolument contraire à celle qui semble être celle adoptée
par le conseil aujourd'hui, avec l'offre d'une indemnité à 100%,
plus la moitié d'une pension pour les veuves, ce qui n'existe même
pas à l'heure actuelle.
Avec le rapatriement de la constitution, soit en vertu de la formule
Fulton-Favreau, soit en vertu de toute autre formule, avec l'adoption d'une
constitution canadienne écrite au Canada, Westminster aurait
cessé d'avoir tout pouvoir sur les lois canadiennes, sur la loi
constituante au Canada et au Québec. C'est donc dire que le Conseil
législatif conservait ses pleins pouvoirs et, la constitution
étant rapatriée, le conseil aurait eu alors un droit absolu et
intangible sur son existence et l'étendue de ses pouvoirs. C'est
pourquoi, dans le discours du trône de 1965, il était dit: «
Pour éviter que le rapatriement de la constitution rende intangibles les
pouvoirs du Conseil législatif sur les projets de loi votés par
l'Assemblée législative, vous serez aussi invités à
restreindre ces pouvoirs. »
M. le Président, je tenais à rétablir les faits
dans leur optique, faits qu'on a dénaturés par des
déclarations frôlant souvent le mensonge. Et alors, à la
suite de toute cette histoire, le bill 3 et le voyage outre-mer, voyage que je
n'ai pas fait, évidemment, mais que le document a fait...
M. BELLEMARE: Accompagné de la lettre de M. Dagenais.
M. LESAGE: ... cela n'a pas d'importance dans l'histoire. Le
rapatriement de la constitution aurait eu pour effet, en vertu de l'article 10
de la formule je ne discute pas la formule, je n'en ai pas l'intention,
je veux simplement mentionner l'article 10 qui serait d'ailleurs à la
base de toute formule de rapatriement de la constitution que,
désormais, aucune loi du Parlement du Royaume-Uni ne s'appliquerait au
Canada ou à une de ses provinces.
Par conséquent, en vertu de l'article 7, qui reproduit le
paragraphe 1 de l'article 92 de la constitution que j'ai cité
tantôt, et que je crois devoir citer à nouveau pour la suite
logique de mon syllogisme: « Dans chaque province, la Législature
a le droit exclusif de légiférer sur les matières qui
rentrent dans les séries de sujets ci-après
énumérés: lo. La modification, chaque fois qu'il y aura
lieu, et nonobstant toute disposition de la présente loi de la
constitution de la province, sauf en ce qui concerne la fonction du
lieutenant-gouverneur. »
C'est donc dire qu'une fois la constitution rapatriée, que ce
soit en vertu de Fulton-Favreau ou en vertu de toute autre formule ou
même de toute autre méthode, il n'aurait plus été
loisible à l'Assemblée législative de démocratiser
notre système constitutionnel chez nous, c'est-à-dire notre
propre constitution, notre constitution interne, sans l'assentiment d'une
majorité de personnes non élues du peuple, la seule autre
possibilité étant définitivement exclue.
Eh bien, comme tout le monde le sait, M. le Président, notre
voyage à Westminster a été bien décevant.
M. BELLEMARE: Pauvre...
M. BERTRAND: Y êtes-vous allé, toujours?
M. LESAGE: Non, mais le document y est allé.
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: Mais je l'appelle notre voyage. C'est pour faire plaisir
à mes amis d'en face, qui en ont tellement parlé, et ce,
malgré les bonnes intentions qui nous avaient amenés à
l'entreprendre, ce fameux voyage.
M. BERTRAND: Votre voyage était pavé de bonnes
intentions.
M. LESAGE: Pavé de bonnes intentions, mais hérissé
de difficultés.
M. BELLEMARE: Bien des difficultés! M. LESAGE: M. le
Président, je pense qu'au-
jourd'hui, nous pouvons parler de ce voyage puisque j'appelle
cela le voyage très sérieusement...
M. BERTRAND: Vous voulez en rire.
M. LESAGE: ... mais avec beaucoup plus de
sérénité...
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LESAGE: ... que sur le ton des débats en 1965, que je ne
pouvais manquer de percevoir, en relisant le journal des Débats du mois
de février et du mois de mai.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition il me le permettra
conviendra qu'il y avait à ce moment-là certains autres
éléments reliés à cela.
M. LESAGE: Oui, mais c'est...
M. BERTRAND: Je le sais, je l'ai écouté.
M. LESAGE: ... c'est de cela que je viens de parler avec grande
sérénité.
M. BERTRAND: Je l'ai écouté.
M. LESAGE: Avec grande sérénité, pour prouver que
le recul du temps...
M. BERTRAND: ... guérit bien des choses. M. LESAGE: Bien,
guérit ou... M. BERTRAND: Adoucit.
M. LESAGE: ... permet de les voir, peut-être, sous un meilleur
jour. Je pense que tant le premier ministre d'aujourd'hui que le chef de
l'Opposition, peuvent relire les Débats de 1965 avec grand
intérêt. Ils nous démontrent que des sujets
extrêmement sérieux peuvent nous entrafner à des abus
d'argumentation de part et d'autre, ce que j'ai voulu tenter d'éviter
aujourd'hui. La sérénité est d'autant plus facile pour
celui qui vous parle aujourd'hui qu'il atteint finalement son but, et que nos
institutions parlementaires vont devenir vraiment démocratiques.
Il ne sera plus possible à des non-élus d'opposer un veto
à la volonté exprimée par les élus du peuple sur un
sujet donné.
Mais je reviens à mon voyage. J'aime cela en parler, même
si je ne l'ai pas fait, même si c'est le document qui l'a fait.
M. BELLEMARE: Contez-nous cela.
M. LESAGE: C'est cela, c'est ce que je fais.
M. BELLEMARE: L'itinéraire.
M. LESAGE: Certains...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ceux qu'on ne fait pas sont toujours les plus
beaux,
M. LESAGE: Ils sont toujours les plus beaux. Certains ont
prétendu que nous aurions pu éviter ce voyage, si nous avions
utilisé une procédure qu'on prétendait en vogue
elle l'était dans d'autres pays le référendum. Je
ne veux pas reprendre ici l'une de nos belles querelles. C'en a
été une vraie, celle-là. Elle était du genre de
celles auxquelles j'ai référé il y a un instant. Je
rappellerai simplement ce que j'avais déclaré à
l'époque. C'était le 25 mai 1965, page 2848 du journal des
Débats: « Le jeu de la politique étant ce qu'il est, avec
ou sans référendum, nous serions arrivés de toute
façon à l'impasse ». Quoi qu'il en soit de nos tentatives
passées et des débats auxquels elles ont donné lieu, les
événements de juin 1966 auront eu au moins le mérite de
permettre qu'un projet de loi visant à l'abolition duConseil
législatif puisse enfin être adopté. Du moins, nous est-il
permis de le croire. Ce serait là, M. le Président, vous en
conviendrez, à peu près à bien y songer je ne sais
pas si vous en conviendrez la seule bonne chose...
M. BERTRAND: Le président n'a pas le droit d'exprimer
d'opinion.
M. LESAGE: ... qu'aura permis le brefpas-sage du gouvernement de l'Union
Nationale au pouvoir. C'est à peu près tout. Connaissant bien
comme je les connais les membres de l'équipe ministérielle et les
députés de l'Union Nationale, je suis certain qu'ils ne
manqueront pas de le dire à satiété, et de se vanter
d'avoir aboli le Conseil législatif.
M. BERGERON: Vous avez raison.
M. LESAGE: Or, c'est leur droit le plus strict, et c'est sans
doute...
M. BERTRAND: Vous le ferez dans un débat, avec nous autres dans
quelques minutes.
M. LESAGE: ... dans l'espoir de s'attribuer tout le mérite du
geste que nous allons poser en-
semble après tout, que nos amis d'en face ont
systématiquement refusé l'étude du bill 99. Quand je pense
que le premier ministre, député de Missisquoi, se retranchait
derrière la prérogative royale, Dieu, qu'il devait se sentir mal
à l'aise, le connaissant comme je le connais!
M. BERTRAND: On n'a pas le droit de faire allusion à des
débats antérieurs.
M. LESAGE: Ah, ce n'est pas à cette session-ci...
M. BERTRAND: D'ailleurs, cette motion du député de Chambly
et du député de Westmount va également mourir.
M. LESAGE: Oui, d'accord. D'ailleurs, M. le Président, ce que je
viens de dire n'était même pas dans mes notes, j'étais sur
le point de mettre une note à cet effet, mais je savais que je violerais
le règlement. On se sent moins coupable quand on n'a pas de note
à cet effet-là, ça devient un obiter dictum.
Evidemment, vous êtes avocat, M. le Président, vous
savez...
M. BERTRAND: Dictum, selon moi, le député de Champlain,
ça l'intéresse, obiter dictum.
M. LESAGE: Obiter dictum.
M. BELLEMARE: Cela va m'en faire un de plus.
M. LESAGE: C'est ça, comme dit le député de
Verchères, ça veut dire « not relevant ». C'est
quelque chose qui ne tient pas du principe du sujet en discussion.
M. BERTRAND: C'est un genre d'aparté.
M. LESAGE: D'aparté, et qu'on retrouve dans des jugements des
tribunaux, très souvent...
M. BERTRAND: Mutatis mutandis.
M. LESAGE: ... ils ne sont pas tous bons, « mutatis mutandis
».
M. BELLEMARE: Ad hominem.
M. BERTRAND: Des arguments ad hominem.
M. LESAGE: Cela arrive que des obiter dictum constituent des arguments
ad hominem.
M. BELLEMARE: J'ai compris ça.
M. MICHAUD: Urbi et orbi.
M. BELLEMARE: Je vais me présenter.
M. LESAGE: Alors, je disais, M. le Président, que c'est dans
l'espoir de s'attribuer tout le mérite, n'est-ce pas, de l'abolition du
Conseil législatif que l'on a sans doute refusé l'étude du
bill 99 qui, lui aussi, proposait l'abolition pure et simple du Conseil
législatif, et auquel le gouvernement aurait pu ajouter les dispositions
financières nécessaires pour le compléter.
Je ne regrette pas tellement que mes amis d'en face ne l'aient pas fait,
parce que ça leur fournit, vous savez, la rare satisfaction de poser un
geste progressif et enfin libéral. Libéral... Ah, M. le
Président, leur passage au pouvoir n'aura pas été
complètement, totalement inutile. Quant à nous, du parti
libéral, en raison...
M. BERTRAND: Enfin justice nous est rendue.
M. LESAGE: ... des efforts considérables que nous avons
déployés, dans le passé, afin d'abolir le Conseil
législatif et de l'engagement formel que nous avons pris à cet
égard, dans notre dernier programme électoral d'ailleurs,
le premier ministre lui-même l'a mentionné nous voterons,
avec satisfaction, en faveur du principe du projet de loi, principe principal
qui est l'abolition il y en a d'autres auxquels je vais toucher
d'autres principes du projet de loi qui est à l'étude.
J'ai exprimé notre satisfaction c'est ce que je viens de
faire mais, en même temps, nous devons nous poser des questions.
Je pense que le premier ministre est bien conscient de ça, quant
à certaines précautions à prendre, soit dans notre
constitution, constitution canadienne, constitution interne
spécialement, précautions à prendre par
législation, par certaines mesures administratives ou certaines
pratiques administratives, certaines modifications de notre règlement de
la Chambre, auxquelles je vais arriver dans un instant.
En disant ceci, je ne veux pas indiquer que, tout en favorisant
l'abolition du Conseil législatif, je souhaite qu'on le remplace
aussitôt par quelque autre institution dont les attributions seraient
similaires.
Certainement pas. Je pense que je me suis assez battu pour assurer
à la souveraineté populaire le plein exercice de ses droits, en
faisant disparaître, ce que j'appelle, le droit de veto du Conseil
législatif, que je n'irai pas rechercher, d'une façon ou de
l'autre, des moyens de ressusciter un quelconque droit de veto en faveur de qui
que ce soit.
Je crois à la souveraineté du Parlement. Je crois que les
élus du peuple doivent être les maîtres incontestés
des décisions politiques qui se prennent en notre province et qui
affectent tous les citoyens du Québec. Cependant, la connaissance et,
surtout, l'expérience pratique des institutions démocratiques me
commandent de faire appel à une certaine prudence. Le fait que les
autres provinces canadiennes se reposent exclusivement sur une majorité
simple des élus du peuple n'est pas absolument convaincant. Dans ce
domaine, comme dans d'autres, nous pouvons très bien soutenir que le
Québec n'est pas une province comme les autres. Je pense que ça
s'applique ici. Sans doute que toute cette question fort complexe le
premier ministre l'a dit, d'ailleurs fera l'objet des études du
comité des affaires constitutionnelles de l'Assemblée. Je
reviendrai sur ce sujet dans quelques minutes.
Mais, pour l'instant, puisque, de toute évidence, nous vivrons
bientôt avec le système d'une seule et unique Chambre, je crois
devoir faire les remarques suivantes sur les travaux de notre Assemblée,
en ce qui concerne ce que j'appellerai le terme n'est peut-être
pas exact la législation ordinaire. Tous les membres de
l'Assemblée devront, je le soumets, se montrer doublement vigilants,
parce que la décision de l'Assemblée sera définitive. Je
pense bien que je n'ai pas à insister là-dessus.
D'autre part, le gouvernement, quel qu'il soit, devra se sensibiliser
à cette nouvelle réalité et éviter, autant que
faire se peut, les accumulations de lois à la fin des sessions. Nous
devrions, d'ailleurs, inscrire dans notre règlement des dispositions
précises à cet égard, afin de fournir, tant à
l'Opposition qu'à l'ensemble de la population, des garanties
additionnelles.
Par contre, sans doute, faudra-t-il réexaminer les étapes
de la procédure d'adoption des lois, afin d'éviter toute
précipitation indue, car le Conseil législatif ne sera plus
là pour remédier à certaines erreurs, fussent-elles celles
de copistes. Ainsi, par exemple, l'expérience du Parlement
démontre que, souvent, tant pour les bills publics que privés,
lorsqu'il y a des amendements en comité plénier, certaines
erreurs peuvent se glisser. Or, l'adoption prématurée en
troisième lecture pourrait être sans appel. Pourrais-je rappeler,
par exemple, les nombreuses modifications apportées à des bills
comme le bill de la ville de Montréal, le bill de la ville de
Québec et les innombrables papillons? Il est clair qu'il va falloir
prendre les précautions nécessaires pour éviter même
les erreurs de copiste, parce qu'une fois le bill adopté en
troisième lecture ici, ce sera final. Je ne veux pas me poser en
précepteur, qu'on me compren- ne bien; je lance des idées. Ne
pourrions-nous pas songer à instaurer une étape de plus
peut-être pas d'une façon absolument officielle ; ce ne serait
peut-être pas une exigence dans tous les cas - entre le comité
plénier et la troisième lecture, lorsque nécessaire? Elle
consisterait à référer un bill qui a été
amendé à un comité spécial de la Chambre,
comité de juristes, formé de trois à cinq membres...
M. BERTRAND: II vient justement de me... M. LESAGE: ... de trois
à cinq membres. M. BELLE MARE: Sept.
M. LESAGE: Sept... si vous avez de trois à cinq bons avocats ou
notaires qui se penchent sur un texte... Attendez, je n'ai pas fini ma
proposition, je parle des députés, un comité de
députés de trois à cinq membres. Ce comité serait
assisté...
M. BELLEMARE: Ah boni c'est cela.
M. LESAGE: ... de quatre fonctionnaires. Deux légistes, un de
langue française, un de langue anglaise. Nous n'aurons plus M. Marier,
pour corriger notre anglais et parfois notre français aussi
. Un représentant de l'Office de là langue française
et un officier du ministère concerné, parce que le projet de loi
est préparé d'abord au sein d'un ministère.
Donc, trois ou cinq membres de l'Assemblée...
M. BERTRAND: Pour moi, le chef de l'Opposition et le
député de Champlain en ont parlé tous les deux parce que
le député de Champlain venait de me dire: II faudrait former un
comité.
M. LESAGE: J'ai écrit ces notes dans une chambre de motel, hier
soir à Drummondville.
M. BERTRAND: II y était.
M. LESAGE: Je n'ai eu aucune rencontre avec le ministre du Travail.
M. BERTRAND: Le député de Champlain y est allé, lui
aussi.
M. LESAGE: Alors que je m'étais rendu pour les funérailles
du père du député de Drummond. C'est vrai que j'ai
rencontré le ministre du Travail...
M. BERTRAND: Le député de Champlain y était.
M. LESAGE: ... qui, très aimablement avec le ministre de
l'Agriculture, le ministre de la Voirie sont venus assister aux
funérailles. Je sais que mon collègue remerciera ces ministres
comme ils doivent l'être, de même que le député de
Joliette qui, parmi les ministériels, était présent.
J'avais mes collègues avec moi, dont le député de
Richmond, le député des Iles-de-la-Madeleine. Je suis sûr
que le député de Drummond tiendra à remercier du fond du
coeur tous nos collègues du geste qu'ils ont posé. D'autres
s'étaient rendus le voir hier soir.
De toute façon, je m'y étais rendu hier soir. Et en
songeant aux conséquences de l'abolition du conseil, à notre
procédure de la Chambre. Il est clair que c'est l'expérience qui
avait dicté le même cheminement des idées, au ministre du
Travail, expérience qui m'a dicté le mien. C'est comme cela que
nos esprits se sont rencontrés.
Ce comité verrait à colliger le bill et les amendements
pas corriger colliger le bill et les amendements, en parfaire la
rédaction et ce que je crois important, lorsqu'il y a plusieurs
amendements, à le faire réimprimer avant la troisième
lecture afin que nous soyons surs que ce que nous avons devant nous soit un
texte final dans les deux langues officielles.
Enfin, toujours au chapitre des lois ordinaires, je crois fermement
l'abolition du Conseil législatif ne rendant cela que plus urgent
que nous devrions faire en sorte que les commissions de
l'Assemblée du Parlement jouent en fait un rôle réel et
effectif. Et là, je rejoins ce qu'a dit le premier ministre. Nous
pourrions profiter de l'occasion qui se présente pour donner à
ces commissions le personnel et l'équipement nécessaire à
l'accomplissement de leur tâche.
La fonction du député comme législateur en serait
revalorisée. Je crois, d'ailleurs, que la disparition du Conseil
législatif en elle-même, commence cette revalorisation du
rôle du député puisque ce sera lui et lui seul qui portera
la responsabilité des lois. Il faudra donc lui fournir l'occasion
d'assumer pleinement cette responsabilité accrue, et l'étude de
la législation en comité lui fournirait certainement cette
occasion. Il appartient au gouvernement de prendre rapidement l'initiative
à ce sujet.
Bien au-delà des problèmes que pose l'abolition du Conseil
législatif au niveau de la législation que j'ai qualifiée
tantôt de législation ordinaire, bien au-delà de cette
nouvelle nécessité de procéder à une
réorganisation du travail de l'Assemblée, bien au-delà de
ces nouveaux impératifs de prudence et de vigilance dans
l'accomplissement de nos fonc- tions législatives, l'abolition du
Conseil législatif soulève un problème encore plus
fondamental.
Il s'agit du degré de discrétion qui devrait être
laissée à la majorité simple des membres de
l'Assemblée, surtout à une majorité partisane, quelle
qu'elle soit, sur un certain nombre de questions que j'appellerai, faute de
meilleurs qualificatifs, importantes ou graves pour l'ensemble de la
société québécoise.
Parmi ces questions importantes qui, à mon avis... Je voudrais
bien qu'il soit compris que je parle à ce moment-ci à titre
personnel. Il y en a peut-être d'autres qui pensent comme moi des deux
côtés de la Chambre. Je ne doute pas qu'il y en a qui pensent
comme moi, mais je ne parle pas comme chef de l'Opposition ou chef du parti
libéral; je parle à titre personnel avec mon expérience de
député tant à Ottawa qu'à Québec... Je dis
donc qu'il est de ces questions importantes qui pourraient exiger plus qu'une
décision d'une majorité simple de l'Assemblée. Je voudrais
mentionner les suivantes. Il est clair que mon énumération n'est
pas limitative. Les notes que je vais utiliser ont été
également écrites au fil de la pensée»
Premièrement, la constitution interne du Québec sous
certains de ses aspects essentiels comme, par exemple, l'abandon ou le maintien
du principe de la responsabilité ministérielle. En d'autres
termes, si un gouvernement voulait abandonner le système actuel de la
responsabilité ministérielle pour adopter ce qu'on désigne
communément sous le nom de système présidentiel, mais qui
serait beaucoup mieux désigné sous le nom de système
congressionnel, c'est-à-dire le système des ministres non
élus, comme en France, ou des secrétaires chargés de
ministères, désignés, aux Etats-Unis, par le
président des Etats-Unis. L'abandon ou le maintien du principe de la
responsabilité ministérielle est certainement une question non
seulement importante, mais grave pour nous.
La durée du mandat d'un gouvernement est de cinq ans, en vertu de
la constitution. C'est dans ce chapitre de la constitution qui traite des
constitutions internes de l'Ontario et du Québec qu'est
mentionnée la durée d'une Législature. On remarquera que,
dans le bill no 3, on exceptait des pouvoirs sur lesquels le Conseil
législatif n'aurait plus le veto, l'extension de la durée d'une
Législature: dans le bill no 3; je l'ai lu tout à l'heure.
M. BELLEMARE: D'accord. Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition me
permettrait une question?
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: Cela comprendrait-il aussi une disposition pour que les
élections soient faites, par exemple, à période fixe?
M. LESAGE: Bien oui, j'en arrive à ça. Je dis: Certains
points de la loi électorale. Evidemment, lorsqu'on parle de la
durée du mandat d'une Législature, on peut parler sous ce titre
de la possibilité de modifier la constitution interne pour que les
élections aient lieu à une date fixe. Mais les élections
à une date fixe, cela se marie mal avec le système de la
responsabilité ministérielle. Cela ne se marie pas.
M. BELLEMARE: Bien oui.
M. MALTAIS (Limoilou): C'est une durée maximale.
M. LESAGE: Oui, c'est une durée maximale. C'est pour ça
que je parle de durée et non pas de date fixe, tant que nous aurons le
système de la responsabilité ministérielle. Il est clair
que si un gouvernement est battu en Chambre, il faut des élections. Je
pense que le système de la responsabilité ministérielle
exclut la possibilité d'élections à date fixe.
Je mentionnais des questions graves. Il. y a aussi la création
d'une autre Chambre, sous quelque modalité que ce soit, qui serait une
question grave et importante comportant modification de la constitution
interne.
Il y a aussi des points qui sont très importants dans la loi
électorale, où on ne devrait pas se contenter d'une
majorité simple des députés.
Alors, c'était ma première liste, qui n'est pas
complète, de sujets importants et graves.
La deuxième, dans un autre ordre d'idées, c'est la
participation du Québec à la fédération canadienne.
Je ne crois pas que la décision du Québec de se séparer,
à un moment donné, et de ne plus élire, par exemple, de
députés fédéraux à Ottawa pourrait
être valide, par une simple décision d'une majorité
d'élus, ici, à la Chambre. La mojorité simple, pour une
question aussi importante, aussi grave, ne devrait pas suffire. On ne devrait
pas laisser aux aléas de l'élection accidentelle et temporaire
d'une infime majorité, qui pourrait fort bien ne pas représenter
la majorité de l'électorat, le pouvoir de prendre une telle
décision.
L'acceptation par le Québec, d'une nouvelle constitution
canadienne, écrite au Canada par des Canadiens, ne devrait pas
être laissée à une majorité simple des élus
du peuple en cette Chambre. Les modifications éventuelles à
apporter, soit à la constitution actuelle, soit à une nouvelle
constitution canadienne, lorsqu'el- les sont importantes, ne devraient pas
être laissées, non plus, à une majorité simple de
cette Chambre.
M. BELLEMARE: Ce sont toutes des questions de minorités
ça.
M. LESAGE: C'est mon troisièmement. La question des
minorités, je placerais cela sous le grand chapitre de la
déclaration des droits de l'homme, qui devrait faire partie j'en
ai causé avec le premier ministre de la constitution interne du
Québec et qui devrait garantir les droits de la minorité. Cela,
non plus, ne devrait pas pouvoir être touché par une
majorité simple de l'Assemblée législative.
Je viens d'énumérer un certain nombre de sujets que je
considère graves et importants sur lesquels on devrait
réfléchir, non seulement au comité de la constitution,
mais en dehors aussi. En effet, je suis sûr que le gouvernement et nous
sommes prêts à étudier toutes les suggestions, à y
réfléchir et à trouver des garanties de stabilité.
Une fois que des questions comme celles que je viens de mentionner que
j'ai appelées Importantes ou graves, à défaut d'autres
qualificatifs plus précis qui me seraient venus à l'esprit
auraient été classées par catégories ce qui
ne serait pas une tâche facile, je le dis...
M. BERTRAND: Non.
M. LESAGE: ... il y aurait lieu de prévoir le ou les
mécanismes particuliers auxquels seront soumises les décisions du
Parlement sur ces questions importantes. Ce ou ces mécanismes devraient
assurer que toutes et chacune des questions classées comme importantes
échapperont à l'automatisme de la majorité simple de
l'Assemblée.
On peut ici songer à la formule du vote des deux tiers de
l'Assemblée, comme c'est le cas dans la Charte des Nations Unies, c'est
l'article 18, deuxièmement. Ou bien on peut prévoir, dans les cas
de très grande importance, la tenue d'un référendum, mais
assorti d'une obligation de faire rédiger les questions à poser,
par exemple, par la cour d'Appel...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: ... c'est-à-dire par une autorité impartiale,
parce qu'il est tellement facile...
M. BELLEMARE: ... par Ottawa.
M. LESAGE: ... de faire un référendum et
de poser des questions qui amènent des réponses presque
automatiques, me dit-on. On me dit qu'il y a des experts dans ce
domaine-là comme dans d'autres. Ou encore, et là, je m'aventure
sur un terrain difficile, comme garantie, on peut recourir à une
chambre, conseil ou tribunal constitutionnel qui aurait un certain
contrôle sur ces questions, mais, dans ce dernier cas, il ne faudrait pas
lui donner droit de veto. Autrement, on tourne en rond, on revient à ce
que nous voulons abandonner, à ce que nous croyons devoir abandonner,
pour maintenir le plus grand degré possible de démocratie.
Bien sûr, tout cela fera l'objet des travaux qui vont s'effectuer
au comité parlementaire de la constitution, où les experts en
droit constitutionnel pourront s'en donner à coeur joie. Je souhaite
fermement que l'abolition du Conseil législatif soit, dans l'esprit du
gouvernement, le signal de départ de toutes ces autres transformations
de nos institutions démocratiques que je viens d'évoquer
brièvement, afin qu'au plus tôt, nous puissions disposer d'une
machine parlementaire et gouvernementale qui soit adaptée aux
réalités du Québec moderne.
Cependant, je ne voudrais pas terminer sur ce point sans dire,
dès maintenant, que, quant à moi, ces transformations qui
s'annoncent ne devront pas nous mener à une quelconque chambre de type
corporatiste ou autre qui a été évoquée à
diverses reprises par certains de nos amis en face. Remplacer le Conseil
législatif par une Chambre corporative, ce serait, à mon avis, un
net recul sur ce que nous connaissons aujourd'hui, surtout si une telle Chambre
devait restreindre de quelque façon que ce soit l'autorité
suprême de l'assemblée des élus du peuple.
Il ne serait, sous aucun prétexte, question d'accorder à
cette Chambre corporative un quelconque droit de veto sur les décisions
de l'Assemblée législative que l'on veut voir appeler
Assemblée nationale. De toute façon, je pense bien, comme l'a
écrit M. Sauriol dans Le Devoir, que le spectre d'une nouvelle classe
« C » est suffisant pour éloigner d'une telle perspective
les députés de cette Chambre qui sont au courant de ce qui s'est
passé à Montréal.
M. BELLEMARE: La formule Bouchard.
M. LESAGE: Le bill 90, M. le Président, ne se contente pas
d'abolir purement et simplement le Conseil législatif, il comporte aussi
certaines largesses financières. Je ne peux, évidemment, à
ce moment de nos procédures, m'attar-der trop longuement sur ce point.
Qu'il me suffise de vous faire part de mon étonnement de constater que,
pour la première fois, à ma con- naissance, ce que l'on dit
être une pension équivaut à 100% de l'indemnité qui
était accordée aux conseillers législatifs. En fait, on va
même au delà de l'indemnité puisque l'on accorde certains
avantages à la veuve d'un conseiller législatif, ce qui, sauf
erreur, n'existe pas présentement ou n'existe pas dans tous les cas, je
le prouverai tantôt.
Est-ce que c'est trop, la pension que l'on propose d'accorder par le
bill? C'est beaucoup, M. le Président, c'est 100% et plus. Mais je pense
qu'avant de pouvoir nous prononcer en toute connaissance de cause je le
demande au premier ministre, et je pense que c'est un droit de la Chambre de le
lui demander de nous informer dans le détail des critères
qui l'ont guidé dans la fixation du quantum des pensions
accordées. De même, le premier ministre devrait informer la
Chambre, parce que ç'a dû être discuté, de la nature
des négociations qu'il a eues avec des conseillers législatifs
à ce sujet, s'il en a eu, comme je crois qu'il a dû en avoir.
Le premier ministre aura le droit de réplique. Je pense qu'il
serait important, avant que nous entreprenions l'étude en comité
des articles du bill dont l'un traite spécialement de cette question,
que nous soyons informés dans le détail, premièrement des
critères qui l'ont guidé et, deuxièmement, des
négociations qu'il a dû avoir, avec certains conseillers
législatifs au moins. D'ailleurs, cette question des pensions me
trouble. J'ai demandé au greffier du Conseil législatif de me
préparer un tableau je vois que le premier ministre l'a en main
grâce auquel il me sera plus facile de discuter de la question et,
surtout, pour le premier ministre de me suivre. J'espère que je serai
aussi clair que possible.
Je me demande si, pour la bonne compréhension de ce que je vais
dire, je ne pourrais pas suggérer que ce tableau dont le premier
ministre a une copie en main et qui a été préparé
par... D'un autre côté, non. Il n'est pas nécessaire que ce
soit annexé.
Nous remarquons que certains conseillers législatifs n'ont pas
contribué au fonds de pension. Lorsque nous avons modifié la Loi
de la Législature pour établir l'âge de la retraite
à 75 ans, pour ceux qui étaient nommés après la
date de la modification, nous avons prévu le paiement de la pension sur
la même base que la pension des députés. Les pensions aux
conseillers législatifs pouvaient leur être payées
lorsqu'ils prenaient leur retraite comme tels, soit volontairement pour ceux
à qui la limite d'âge de 75 ans ne s'appliquait pas, soit
obligatoirement à 75 ans. Au moins deux conseillers législatifs
ont choisi, comme c'était leur droit, de ne pas par-
tlciper. Mais étant donné que dans ces deux cas, il s'agit
de conseillers qui ont été nommés bien avant les
modifications auxquelles je viens de référer, ils ont droit
à une pension, même sans contribution.
Donc, ils n'ont pas contribué. Par contre, il est des conseillers
législatifs qui, si j'interprète bien le bill, recevront la
même pension que ceux qui n'ont pas contribué du tout et qui, eux,
ont contribué pour des montants considérables. J'ai ici le cas du
leader du gouvernement actuel qui a contribué pour $3,336.45, montant
qu'il a payé de sa poche pour sa pension. Il aurait droit à une
pension de $7,862 sans cette loi-ci, si on disait que les pensions
prévues à la Loi de la Législature seront payées.
M. Asselin aurait alors droit à une pension de $7,862.85. Quant à
moi, je trouve cela juste dans son cas. Il a d'ailleurs payé pour cette
pension. Il y a contribué, comme nous contribuons à la
nôtre.
M. BERTRAND: On ne nous abolit pas, nous.
M. LESAGE: Cela lui a coûté $3,346.45. Par contre, il y a
un autre conseiller qui n'a jamais contribué un cent, qui n'a jamais
été leader du gouvernement ni de l'Opposition, qui n'a jamais
été président, mais qui recevra $8,372 de pension sans que
cela lui coûte un sou.
M. Asselin, lui, en vertu du bill qui est devant nous, ses $3,000 il les
perd. Or, il va avoir sa pension, tout comme l'autre qui, lui, n'a rien
payé. C'est injuste. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. M.
Lionel Bertrand, en vue d'une pension de $5,390.25, a versé $5,914.57 et
doit encore, ça c'est pire, $1,883.91. Il n'y a rien, rien dans le
bill...
M. BERTRAND: Je ne veux pas entrer dans les détails, mais est-ce
qu'on regarde l'âge de certains de ces conseillers?
M. LESAGE: L'âge n'a rien à faire; ils sont tous dans la
même situation de l'autre côté. Voici un homme qui a
payé $5,914 et qui va en payer encore $1,883. Ah bien, M. le
Président, c'est le principe du bill, c'est une injustice flagrante.
M. DOZOIS: Ce n'est pas le principe, ça. M. LESAGE: On les fait
disparaître.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse d'interrompre l'honorable chef de
l'Opposition, mais il m'a signalé lui-même qu'il se
réservait des commentaires pour le travail en comité. Or, j'ai
peine à croire qu'un député pourrait être plus
pré- cis et rentrer plus dans les détails lors du travail en
comité. Alors, je compte sur...
M. LESAGE: Oui, M. le Président, je pourrai le faire.
M. LE PRESIDENT: ...la coopération de l'honorable chef de
l'Opposition pour qu'il s'en tienne au bill en général au lieu de
s'attarder sur l'article 94 en particulier.
M. LESAGE: Je n'ai pas mentionné l'article 94, M. le
Président; je m'en suis bien gardé. On a toujours le droit, en
deuxième lecture, de parler de ce que le bill ne contient pas, puis
qu'il devrait contenir.
Je dis que le bill devrait contenir des dispositions pour tenir compte
du fait qu'il y a des gens qui ont payé des contributions, qui doivent
encore de l'argent, mais qui ne seront pas remboursés et qui sont
traités exactement sur le même pied que des gens qui n'ont pas
versé un seul sou. Il suffit de lire le tableau que le premier ministre
a en main pour réaliser les injustices flagrantes qui seraient commises.
Je ne vois pas comment il se fait que l'on n'a pas tenu compte de tous ces
faits-là en rédigeant ce projet de loi.
M. le Président, qu'on ne vienne pas me répondre en me
citant l'Evangile de l'ouvrier de la onzième heure! Cela ne colle
pas.
M. BERTRAND: On ne l'a pas utilisé.
M. LESAGE: Je prévois qu'on le fera. Moi, je n'aurai plus le
droit de parole en deuxième lecture, mais le premier ministre lui,
pourra me répondre.
M. BERTRAND: Ce ne seront pas des propos bibliques.
M. LESAGE: Quand même, M. le Président, on peut se servir
du principe qui est à la base de ces propos bibliques de l'Evangile de
l'ouvrier de la onzième heure.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition fait un bon prédicateur.
M. LESAGE: Ah, j'y ai déjà pensé.
M. GOSSELIN: Il a manqué sa vocation.
M. LESAGE: Non, au contraire, je l'aurais manquée si j'en avais
fait un.
M. BERTRAND: Mes bien chers frères.
M. GRENIER: Il aurait fait un beau moine. M. LESAGE: Oui?
M. BERTRAND: Ah, si mon moine pouvait danser.
M. LESAGE: J'ai été assez beau moine sans l'être
pour de bon, M. le Président.
M. BERTRAND: Ah, si mon moine pouvait danser.
M. DOZOIS: Ah, c'est pour ça que vous avez gagné le
concours.
M. LESAGE: Je ne pensais pas au concours. On sait ce que l'on appelle un
beau moine? Quand on dit qu'un gars est un joli moineau, c'est plutôt
dans ce sens-là que je pensais.
M. ROY: S'il est beau moine, il est loup.
M. LESAGE: Je pense que le premier ministre devrait examiner cette
situation. Il y en a qui ont payé, qui ont remboursé des
contributions pour faire compter le temps où ils étaient, non pas
conseillers législatifs, mais députés. Qu'on ne l'oublie
pas! C'est le cas de M. Patrice Tardif, il n'y a aucun doute. C'est le cas de
M. Marier. C'est le cas de M. Dupré. C'est le cas de M. Bertrand. C'est
le cas de M. O'Reilly. Je pense que c'est le cas de M. Benoît, n'est-ce
pas? M., Benoît a été député?
M. BERTRAND: M. Benoit n'a pas été député.
M. Tardif l'a été.
M. LESAGE: C'est M. Auger.
M. BERTRAND: M. Lionel Bertrand, M. O'Reilly.
M. LESAGE: M. Auger, voyez-vous, a remboursé $3,741.45, dont un
bon montant pour, comme on dit communément, racheter du temps, alors
qu'il était député. Ce n'est pas bien, ça. Il y a
quelque chose qui ne marche pas là-dedans. M. Grothé et M.
Laferté n'ont jamais contribué un sou. Jamais! Ni dans le cas de
M. Laferté, pour le temps où il était
député.
M. DOZOIS: Cela fait longtemps qu'il sert la nation.
M. BERTRAND: C'est sûr que ce n'est pas de l'actuariat.
M. LESAGE: Oui. C'est clair. Mais je ne voudrais pas que ce soit
ça, parce que ce serait du cynisme, que le ministre des Finances fasse
ses calculs en comptant le nombre probable d'années qu'il reste à
vivre à chaque conseiller. C'est ça qui se passe dans son
esprit...
M. DOZOIS: Pas du tout.
M. LESAGE: C'est ça qui se passe dans son esprit?
M. DOZOIS: Moi, j'ai de la reconnaissance pour services rendus. Il y a
deux conseillers qui sont là depuis près de quarante ans.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne les faites-pas mourir!
M. DOZOIS: Ils ont bien servi la nation. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: C'est la déformation professionnelle que cause
à l'esprit du ministre des Finances sa fonction.
M. BERTRAND: C'est sa machine IBM.
M. DOZOIS: C'est de la reconnaissance vis-à-vis des serviteurs de
l'Etat.
M. LESAGE: Je pense que nous avons badiné, mais c'est une
question sérieuse. C'est un sujet sérieux.
M. MICHAUD: Très grave.
M. LESAGE: Il ne faudrait pas risquer de causer des injustices.
M. DOZOIS: II y a un de ceux-là qui est là depuis quarante
et un ans. Il a bien servi le peuple. Un autre a été là
trente-quatre ans.
M. LESAGE: Je ne parle pas spécialement de celui qui a servi
quarante et un ans, mais il est difficile de mesurer à l'aune la valeur
des services. Je me contente de dire ça. On m'aura compris. Maintenant,
il y a une chose qui n'est pas prévue. Supposons, par exemple, qu'un de
ces messieurs pensionnés se fait réélire
député. Il aura ses $10,000, plus son indemnité de
député.
M. BERTRAND: Je ne voudrais pas le nom-
mer, mais voudriez-vous parler de celui que vous venez de mentionner et
qui a servi quelques mois?
M. LESAGE: Je ne parle de personne en particulier. Je dis que, tel que
le bill est rédigé, si un de ces messieurs est
réélu député, le paiement de sa pension n'est pas
suspendu pour le temps qu'il est député. Je regrette, ça
ne l'est pas.
M. BERTRAND: II y a moyen d'y voir.
M. DOZOIS: Votre discours n'aura pas été inutile.
M. LESAGE: Le ministre des Finances n'est pas aimable.
M. BERTRAND: Disons que nous ne sommes pas rendus en comité.
M. DOZOIS: C'est un point de gagné. Vous venez de gagner un
point.
M. VINCENT: C'est ce qu'il mentionnait.
M. LESAGE: Disons que je n'ai pas travaillé pour rien.
M. DOZOIS: D'accord.
M. LESAGE: Cela vaut bien un discours.
M. VINCENT: Cela vaut le voyage à Drummondville.
M. LESAGE: Non, j'ai découvert ça vendredi.
M. BERTRAND: Cela vaut le voyage à Westminster.
M. LESAGE: Cela, c'est un souvenir ineffaçable. Mon voyage
à Westminster, j'en parlerai toute ma vie.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'il faisait beau?
M. VINCENT: C'était au motel du coin?
M. LESAGE: Pour ce qui est de la sanction de la loi, il faudra
certainement, si on décide d'appliquer des principes de justice, en
autant que les pensions sont concernées, il y aura un certain
délai. Alors, à toutes fins pratiques et pour d'autres raisons
que je discuterai en co- mité, je crois qu'il vaudrait peut-être
mieux que la loi vienne en vigueur le 1er janvier ou le 31 décembre,
suivant le cas.
M. BERTRAND: Je voudrais immédiatement noter au chef de
l'Opposition que l'intention était de la rendre en vigueur sur
proclamation.
M. LESAGE: Ce n'est pas ce que dit le bill. Je suis obligé de me
fier au bill.
M. BERTRAND: Non. Nous ne sommes pas rendus aux modalités, c'est
pourquoi il y a certains points...
M. LESAGE: Je n'aimerais pas prendre de risques avec le gouvernement
actuel et la proclamation, je n'aime pas ça. Je pense tout de suite
à inscrire le 1er janvier, cadeau du Jour de l'An.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition a tellement fait de compliments
tantôt qu'il n'est pas pour les retirer.
M. LESAGE: Non, je ne retire rien.
Enfin, et c'est le dernier point que je voudrais traiter, un autre
aspect du projet de loi à l'étude qui a retenu notre attention et
celle d'autres aussi, c'est le changement de nom de l'Assemblée du
Québec en Assemblée nationale du Québec, qui, comme on l'a
fait remarquer, devient assez curieusement en anglais, The National Assembly of
the Province of Quebec.
C'est un peu baroque, c'est le moins qu'on puisse dire. Quant à
vous, M. le Président, vous troquez votre titre d'orateur pour celui de
président. Je ne crois pas vous avoir appelé une seule fois
« M. l'Orateur ». La coutume est établie en Chambre de vous
appeler M. le Président. Le projet de loi le confirme et vous acceptez
ce changement terrible avec une sérénité exemplaire.
Devrons-nous accepter avec lambine sérénité le changement
de nom de l'assemblée, d'Assemblée législative à
Assemblée nationale? C'est une question que nous nous posons. Il y en a
qui seront sereins et d'autres qui, semble-t-il, le seront moins.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourquoi me regardez-vous?
M. LESAGE: Pardon?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourquoi me regardez-vous?
M. LESAGE: C'est à cause de la frénésie
du député de Chicoutimi, frénésie qui a
gagné son coeur de visionnaire, son esprit de visionnaire...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous ai entendu samedi à la
radio.
M. LESAGE: C'est à la télévision que je l'ai
entendu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Moi, je vous ai entendu à la radio.
M. LESAGE: Vous savez donc ce que j'en pense.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous étiez moins beau.
M. LESAGE : A la radio? Grâce à Dieu, on ne me voit pas. Je
pense que le député de Chicoutimi devrait parler plus souvent
à la radio et moins souvent à la télévision.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mme Casgrain n'est pas d'accord.
M. LESAGE : Je sais que je suis interrompu...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elle m'aime mieux à la
télévision.
M. LESAGE: ... mais je suis d'une patience, d'une
sérénité extraordinaire. Il est clair que le
député de Chicoutimi à la télévision, la
semaine dernière, aux nouvelles de Radio-Canada...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: ... était devenu visionnaire. C'est amusant, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A moins que l'honorable chef de l'Opposition veuille
faire allusion à une déclaration de l'honorable ministre sur
l'Assemblée nationale...
M. LESAGE: Certainement. Il a dit, je vais le citer... bien, le
français laisse un peu à désirer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas bon, vous avez raison.
M. LESAGE: Je n'aurais pas voulu dire cela en public au ministre, parce
que quand il m'a fait des remarques sur la qualité de mon
français, il les a faites gentiment et privément.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez raison, ce n'était pas bien
dit.
M. LESAGE: ... Que l'expression Assemblée nationale, virgule...
que « ce terme est porteur là, c'est le
député de Chicoutimi qui parle -d'un sens très particulier
qui est générateur de quelque chose qui, enfin, peut se projeter
dans le futur ».
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça.
M. LESAGE: Qu'est-ce donc que « ce sens très particulier,
générateur de quelque chose qui, enfin, peut se projeter dans le
futur »? Le ministre de la Culture n'a pas eu le temps de nous le dire,
c'était aux nouvelles.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que le chef de l'Opposition a
très bien compris.
M. LESAGE: Sans vouloir lui prêter de motifs, ne serait-ce pas des
velléités indépendantistes ou souverainistes...
M. BERTRAND: Vous vous êtes tourné tantôt...
M. LESAGE: ... qu'entretiennent certains de ses collègues de
l'Union nationale?
M. BERTRAND: ... vers le chef du Parti québécois.
M. LESAGE: Est-ce que ce n'est pas cela?... Je sais qu'il est
là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, moi j'ai dit cela simplement...
M. LESAGE: Mais lui, au moins, il le dit qu'il est souverainiste.
M. LEVESQUE (Laurier): Ne m'impliquez pas... Si ça vous
gêne, restez gênés, moi ça m'amuse.
M. LESAGE: Le député de Laurier ne se gêne pas. Il
le dit qu'il est souverainiste. Nous savons ce qu'il pense. Il dit ce qu'il
pense. C'est moins sûr avec le député de Chicoutimi et
d'autres députés de l'Union nationale. Il faut tenter
d'interpréter leurs cris du coeur lorsqu'ils les échappent. Sans
doute que la vision du ministre réussira à sensibiliser un
très grand nombre d'institutions du Québec...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était pour faire plaisir à Mme
le député de Marguerite-Bourgeoys. C'était pour
l'émouvoir un peu.
M. LESAGE: Je pense que ça va plus loin que ça, parce que
la vision du ministre va réussir à sensibiliser un grand nombre
d'institutions du Québec. Cela va les sensibiliser à l'espoir
qu'elles peuvent avoir de voir « se générer » pour
elles aussi des choses qui se projetteront dans le futur. Imaginez! Et quelles
perspectives sont maintenant ouvertes pour les Syndicats nationaux, le Canadien
national, la Buanderie nationale! II n'y a plus de limite.
L'avenir leur appartient. La National Burlesque Academy...
UNE VOIX: La National Brewery.
M. LESAGE: ... la National Brewery...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ecoutez, cela devient de la parenté par
politesse.
M. LESAGE: ... la National Backing Company, la National Bag Company; la
National Burlesque Company et son comparse l'Union Nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La National Bank.
M. LESAGE: Quoi qu'il en soit, M. le Président, la nouvelle
appellation proposée par notre Assemblée dite nationale ne
m'enlève pas trop ma sérénité, parce que je suis
convaincu que nous pourrons convaincre les investisseurs et les
étrangers que c'était un moyen d'assouvir les appétits
séparatistes d'un certain nombre de ministres et de
députés de l'Union Nationale et d'empêcher le gouvernement
de craquer.
Vous savez, tout le monde a le droit à son opinion, mais le choix
d'une dénomination prête inévitablement ou presque
inévitablement à une critique. Préférer une
appellation parmi tant d'autres, c'est en retenir une et en oublier des
centaines. D'ailleurs, dans le domaine qui nous concerne, les vocables ne
manquent pas. Les Assemblées législatives - puisque c'est bien ce
que nous sommes, une Assemblée législative - sont appelées
Parlement, Diète, Conseil des Etats, comme en Suisse, Chambre basse, en
Suède et Congrès, aux Etats-Unis. Eh bien, ici, le gouvernement a
décidé de copier la France et de nous suggérer le terme
Assemblée nationale.
Je n'ai pas d'objection de principe, mais je me demande si cette
imitation de la France à cet égard est vraiment heureuse, dans le
contexte de notre présente organisation politique et des données
sociologiques et ethniques du Québec. Jusqu'à preuve du
contraire, au Québec comme en cette Assemblée, il y a des
anglophones, une minorité de Britanniques et de descendants de
Britanniques.
Alors, quelle signification peut avoir l'expression « nationale
» ici où siègent le député de Westmount, le
député de Huntingdon, le député de D'Arcy McGee, le
député de Brome, le député de Pontiac, le ministre.
Ce n'est donc pas au sens ethnique du mot que nous employons le mot «
nationale ». Nous l'emploierions donc dans le sens géographique?
Mais, si c'est dans le sens géographique, que devient la théorie
des deux nations, si chère aux mêmes ministres et aux mêmes
députés de l'Union Nationale? Que devient la théorie des
deux nations? C'est contradictoire.
Si notre Assemblée est composée, en majorité, de
descendants d'immigrants - nos pères l'ont tous été
de langue française: Français, Normands, Bretons et, en
minorité, de descendance britannique, ce n'est donc pas « national
» dans le sens de l'ethnie. Si on appelle Assemblée nationale
notre Assemblée législative, on contredit la valeur du terme
« deux nations » comme s'appliquant au Canada, parce qu'on ne peut
pas sortir de la logique de ce que je viens de dire.
Peut-on parler d'une nation québécoise au sens où
l'entendent les indépendantistes du Québec?
On en arrive au même résultat. Nier la théorie des
deux nations. Ou bien, veut-on, en appelant notre assemblée
l'Assemblée nationale, le faire à cause de la nation
canadienne-française? Si c'est à cause de la nation
canadienne-française, eh bien, on oublie, encore une fois, les
anglophones en cette Chambre et les francophones là, je parle du
point de vue géographique à l'extérieur du
Québec. Ou il y a deux nations au Canada, dont une nation qu'on appelle
canadienne-française, et alors, on n'a pas le droit d'employer ici le
vocable Assemblée nationale, la logique est là. Encore une fois,
quant à mois, je vois ça avec sérénité. Si
on veut commettre des bévues, de l'autre côté, qu'on en
commette. Si la majorité est décidée à satisfaire,
à assouvir les appétits séparatistes de ministres et de
députés de l'Union Nationale, si ça empêche le
cabinet et le caucus de craquer en deux, mon Dieu, je suis bien prêt
à rendre ce service au premier ministre et à ne pas trop
insister. Mais qu'on le dise. D'ailleurs, le député de Chicoutimi
l'a
clairement laissé voir à la télévision, que
c'était le motif véritable du changement de nom.
En tout cas, si les mots ont un sens, je voudrais bien que le premier
ministre nous explique les raisons, s'il y en a, si ce n'est pas ce que j'ai
dit, qui l'ont amené à proposer le changement de nom pour
nationale.
M. BERTRAND: Vous avez l'air a en avoir plusieurs contre. Apparemment,
ce n'était pas important, l'autre jour.
M. LESAGE: Je pense que c'est bien important. Je n'ai pas de suggestion
à faire...
M. GOSSELIN: Ah! Ah! vous n'avez pas de suggestion à faire.
M. LESAGE: ... mais je pourrais en faire. M. GOSSELIN: Faites-les.
M. LESAGE: Le député de Compton ne peut pas en dire
autant.
M. GOSSELIN: C'est le temps de les faire, certainement. Vous pouvez
l'appeler l'Assemblée québécoise, l'Assemblée du
Québec.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, si le député de Compton
a des suggestions à faire, il les fera d'abord au premier ministre.
M. GOSSELIN: C'est déjà fait.
M. LESAGE: Au conseil des ministres dont il fait partie.
M. GOSSELIN: C'est déjà fait et monsieur...
M. LESAGE: Ah comme cela, il y a eu une chicane au conseil des
ministres!
M. GOSSELIN: Il n'y a pas eu de chicane. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Ahl on ne s'est pas entendu au conseil des ministres?
M. GOSSELIN: M. le Président, contrairement à ce qui se
passait du temps des rouges, on ne se chicane pas au conseil des ministres.
M. LESAGE: Qu'a-t-il suggéré, le député de
Compton? L'Assemblée québécoise?
M. GOSSELIN: On ne se chicane pas du tout, du tout.
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition m'a l'air de vouloir nous chercher
querelle.
M. LESAGE: Oh non, pas du tout, jamais, M. le Président.
M. GOSSELIN: Faites donc des suggestions constructives. De cette
façon, vous pourrez bâtir quelque chose.
M. LESAGE: II y en a une qui est constructive, ça s'appelle
l'Assemblée législative, c'est ça.
M. GOSSELIN: C'est ce que vous suggérez comme...
M. DOZOIS: Faites un amendement.
M. LESAGE: M. le Président, je ne suggère rien. J'ai dit
que c'était la responsabilité du gouvernement. S'il veut faire
des bévues, qu'il les fasse. Si ça peut lui rendre service, pour
conserver sa précaire unanimité...
Je ne vois qu'une raison de proposer la nouvelle Assemblée
nationale, à part la satisfaction des appétits
séparatistes, c'est que ça nous est proposé pour le
prestige uniquement verbal, à mon avis, je vous le soumets, M. le
Président.
Evidemment, il y en a tellement, de l'autre côté, M. le
Président...
M. BERTRAND: M. le Président, le chef de l'Opposition se
demandait tantôt comment s'appellerait le député de Brome.
Il s'appellera membre du Parlement du Québec.
C'est marqué à l'article 3.
M. LESAGE: Oui monsieur, mais il sera membre de l'Assemblée
nationale. Une Assemblée nationale, le mot nationale
réfère à l'ethnie ou à la géographie. Nous
n'en sortirons pas de ça.
M. BERTRAND: Ces députés ont droit au titre de membre du
Parlement du Québec.
M. LESAGE: S'il vous plaît, M. le Président, le premier
ministre prend des voies d'évitement.
M. BERTRAND: Bien non, c'est à l'article 3.
M. LESAGE: C'est l'exacte vérité. Ou il propose ou il ne
propose pas que l'Assemblée législative devienne
l'Assemblée nationale.
Il le propose dans le bill.
M. BERTRAND: C'est dans le bill.
M. LESAGE: Si le bill est adopté tel quel, nous deviendrons des
membres de l'Assemblée nationale.
M. BERTRAND: Membres du Parlement du Québec
M. LESAGE; Je pourrai dire, M. le Président, que je suis un
membre de l'Assemblée nationale. Le député de Westmount
pourra dire qu'il est un membre de l'Assemblée nationale.
M. BERTRAND: Et il y en a d'autres qui diront: Membre du Parti
Québécois, MPQ.
M. LESAGE: M. le Président, je constate que le premier ministre
cherche les voies d'êvitement, car il est fort embarrassé, parce
qu'il veut bien que son ministre de la culture continue de
rêvasser...
M. BERTRAND: M. le Président, le chef de l'Opposition a dit
tantôt qu'il ne cherchait querelle à personne...
M. LESAGE: Non, j'ai terminé.
M. BERTRAND: ... qu'il voulait taquiner...
M. LESAGE: Bien oui, mais moi aussi...
M. BERTRAND: ... on s'en aperçoit. Qu'il nous permette à
nous aussi de taquiner, de rire un peu.
M. GOSSELIN: C'est laborieux son affaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il pourrait être plus
sérieux.
M. LESAGE: M. le Président, que ceux qui ont tellement de labeur
à penser...
M. LAPORTE: Qu'il aille donc bûcher.
M. LESAGE: ... franchement, qu'ils nous laissent donc penser en paix,
nous qui pouvons le faire.
Alors, M. le Président, je pense bien que le premier ministre va
songer à tout cela, il va y réfléchir sérieusement
et il va en venir à la décision que cela n'est pas
nécessaire pour donner du courage à ceux qui se contentent
souvent de rêvasser sur la capacité des mots, des mots simplement,
à générer les choses qui pourraient se projeter dans le
futur.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. Yves Michaud
M. MICHAUD: M. le Président, le projet de loi qui est devant
nous, le projet de loi no 90, contient deux principes fondamantaux qui viennent
d'être débattus à la fois par le premier ministre et par le
chef de l'Opposition. Deux principes fondamentaux, le premier étant
celui de l'abolition du Conseil législatif et le second,
remplaçant les mots « Assemblée législative du
Québec » par ceux de « Assemblée nationale du
Québec ».
Dans le discours du premier ministre, je n'ai pas été sans
noter la tranquille et calculée pudeur avec laquelle il n'a pas
parlé de l'Assemblée nationale du Québec, consacrant la
majeure partie de ses propos aux mécanismes d'abolition du Conseil
législatif.
M. BERTRAND: Le principe du bill.
M. MICHAUD: M. le Président, sur ce premier point, l'abolition du
Conseil législatif, je pense bien qu'il n'y a pas de débat de
tond, que la disparition de cette structure périmée de notre
système démocratique est souhaitée par tous les partis
politiques et par tous les représentants dans cette Chambre et qu'elle
est souhaitée par une large partie de l'opinion publique.
Je sais gré au gouvernement d'avoir renoncé à
l'établissement d'une seconde chambre corporative, tel qu'il avait
été annoncé dans le discours du trône de 1966 par
celui qui dirigeait les destinées du Québec à cette
époque. J'avais noté, à ce temps, le danger que pourrait
courir la démocratie québécoise d'être
greffée sur une seconde chambre non élective dans laquelle des
représentants des groupes de pression auraient été
désignés par le pouvoir politique.
Là où il y aura débat et en cela je rejoins
parfaitement quelques-unes des objections soulevées par le chef de
l'Opposition c'est sur l'indemnité, la pension versée aux
membres du Conseil législatif actuels, pension qui me semble abusive,
compte tenu des services qu'ils ont pu rendre. Quand on considère que la
pension qui leur sera versée sera presque le double de
celle d'un député de l'Assemblée nationale du
Québec, je crois, M. le Président, là-dessus, qu'à
ce prix-là, nous pourrons facilement trouver à tous les coins de
rue des kamikazes politiques qui accepteront de se faire hara-kiri.
Je voudrais, moi, également, connaître les tractations du
premier ministre avec quelques membres du Conseil législatif qui ont pu
amener l'autosuicide, pour employer ce pléonasme, de cette seconde
chambre au Québec.
M. le Président, je parle, non pas de l'article que je ne
mentionnerai pas, mais il est permis, dans l'article 556 de notre
règlement, d'aller presque au fond des choses, puisque notre
règlement nous dit que l'on peut discuter du principe du bill. Je trouve
étonnant que les fonds publics consacrent $10,000 de pension alors que
les députés en cette Chambre n'ont pas de secrétariat
permanent, pas de service de recherche, qu'ils n'ont pas dans leur comté
des permanences politiques.
Je trouve étonnant que le gouvernement fasse preuve de tant de
largesse et de générosité pour les membres du Conseil
législatif qui ne seront plus demain, alors que les vrais élus du
peuple ont encore des moyens artisanaux de remplir leur fonction de
député. J'espère que, lorsque nous viendrons à
étudier les mécanismes de la constitution interne du
Québec, le gouvernement donnera aux députés des moyens
efficaces pour accomplir leur rôle.
Je trouve étonnant que l'on fasse preuve de tant de largesse,
d'une part, à l'endroit des conseillers législatifs, alors que,
d'autre part, le gouvernement établit la loi d'airain de sa politique
salariale sur les employés les plus mal payés de la fonction
publique. Je me dis qu'il faudra nécessairement en arriver à
trouver une meilleure façon c'est une expression qui rejoint
celle que l'on emploie souvent de l'autre côté de cette Chambre
d'exercer la justice distributive. Donc, pour reprendre le
deuxième aspect du principe du projet de loi, nous aurons, dans quelque
temps une fois que les députés de l'Assemblée
législative auront entériné la volonté de
l'Exécutif une Assemblée nationale du Québec.
Je vais donner n'engageant que moi-même et ma propre
conception de cette deuxième partie de la loi mes impressions et
mes opinions là-dessus. Je parlerai, bien sûr, à titre
personnel. Le gouvernement voudrait consacrer, par l'appellation
Assemblée nationale du Québec, ce qui me semble ici une
réalité historique, si je considère l'ethnie
canadienne-française. En effet, le groupe francophone que nous sommes
dans ce pays est une nation au sens étymologique, politique et moral du
ter- me. Je ne suis pas sans m'étonner également, en lisant la
version anglaise: « The National Assembly of the province of Quebec
», de constater que la version anglaise procède
véritablement d'un folklore désuet. En anglais, nous avons
véritablement l'air d'une république de bananes. On pourrait tout
aussi bien appliquer cela à d'autres termes. On pourrait dire:
l'Assemblée nationale de Saint-Liboire ou l'Assemblée nationale
du Languedoc-Rous sillon, etc.
Je crois que, là aussi, il y a eu une pudeur calculée de
la part du gouvernement en ne traduisant pas carrément en langue
anglaise National Assembly of Quebec. S'il veut pousser jusque-là, il
aurait dû, ce me semble, ne pas donner le spectacle d'un tel jeu
d'équilibre, de contrepoids et de pendule.
Ce que c'est qu'une nation je pense que nous touchons là
au fondement même de ce qui me semble une loi importante, bien qu'elle
soit greffée uniquement sur un mot c'est une réunion
d'hommes habitant un même territoire il y a trois
éléments fondamentaux d'une nation ayant une origine et,
ce qui me semble le plus important, une langue commune, et des
intérêts communs aussi. Une quatrième dimension que la
science politique fait intervenir, c'est la volonté de vivre l'avenir en
commun.
Les mots: nation, ethnie, peuple et leurs dérivés n'ont
pas fini de diviser, sur ce territoire et ailleurs, les groupes humains
soucieux de préserver leur culture et leur identité. Ce
phénomène, d'ailleurs, n'est pas particulier au Québec. Il
a des dimensions universelles. On le retrouve chez les Wallons, les Flamands,
les Tchèques, les Slovaques, les Basques, les Catalans, les Celtes et le
monde entier, actuellement, pour ceux qui ont un peu voyagé, on doit le
constater, est soulevé par une crise des nationalismes, comme si l'homme
fondamental, devant les progrès de la technologie, devant le
rapprochement des peuples, voulait plonger aux plus profondes racines d'une
patrie, voulait retrouver une sorte d'identité.
Alors, partout dans le monde, M. le Président et en cela,
le groupe francophone du Canada ne fait pas d'exception des groupes
humains cherchent à s'identifier à une nation, parce que le droit
naturel, l'humanité, la nature s'opposent même à la
formation de communautés artificielles imposées, qui risquent
souvent et, cela, ça va peut-être paraître des mots savants
ou des mots qui n'auraient pas de place ici, à l'Assemblée
législative, mais qui risquent souvent d'entraîner le
déracinement de l'homme et aussi sa mutilation spirituelle. M. le
Président, la montée des nationa-
lismes dans le monde, comme la montée du nationalisme
québécois, n'est pas, ce me semble, un phénomène de
mort, mais un phénomène de vie. Ce n'est pas un
phénomène de repli, mais un phénomène d'ouverture.
Ce n'est pas un phénomène de ghetto, mais un
phénomène de participation aux grands ensembles.
Il en est parmi nous, et ailleurs, qui verront, mais loyalement,
franchement, dans le changement de nom de l'Assemblée législative
en celui d'Assemblée nationale, la manifestation d'un nationalisme
chauvin et rétrograde.
M. le Président, je crois qu'ils ont tort. Le nationalisme
québécois, tel que nous le connaissons, tel qu'il a pu prendre un
certain visage, était, bien sûr, condamnable, mais le nationalisme
canadien-français, une fois débarrassé de ses
préjugés et de ses contraintes, de ses peurs viscérales,
comme de ses absolutismes, de ses dogmes, comme de ses exclusivismes, pourrait
devenir un nationalisme d'ouverture et d'expansion compatible avec les
intérêts mêmes de ce pays qui a nom le Canada. Nationalisme
de participation avec les autres ethnies canadiennes, et pourquoi pas avec le
reste du monde? On demandait un jour à M. Léopold Senghor, qui
était le président de la république du
Sénégal, ce qu'était, dans son esprit, le nationalisme, et
une des formes du nationalisme africain que nous appelons la négritude.
Senghor répondait ceci à la télévision
française: « Nous affirmons nos nationalismes, parce que nous
savons que, demain, nous sommes appelés, de par le monde, à cause
du rapprochement des frontières, à cause des échanges
entre les peuples beaucoup plus faciles, nous savons, disait-il, que nous
serons convoqués comme nation à l'universel rendez-vous du donner
et du recevoir, et nous voulons affirmer nos nationalismes parce que, à
ce rendez-vous universel du donner et du recevoir, nous ne voulons pas arriver,
nous, les mains vides ».
M. le Président, la nation canadienne-française elle aussi
et cela, en employant ces mots, je pense bien ne pas faire scandale, ne peut
pas arriver les mains vides à l'universel rendez-vous du donner et du
recevoir, et aussi au rendez-vous canadien.
Nos compatriotes doivent comprendre, surtout nos compatriotes de langue
anglaise, qui vivent au Québec ou qui vivent dans le reste du Canada,
qu'en nous donnant à nous, les instruments nécessaires et
indispensables à la promotion de nos valeurs ethniques, donc nos valeurs
nationales, la communauté canadienne-française contribue à
l'originalité de ce que pourrait être un ensemble
fédéral canadien viable. Nous sommes, M. le Président,
prêts à comprendre qu'en raison des intérêts
supérieurs de l'ensemble fédéral, des choses, par exemple,
comme des tarifs, les douanes, la banque, la monnaie, le crédit, la
défense, les transports et les communications, la politique
étrangère, dans les domaines de juridiction
fédérale, puissent être, puissent ressortir à une
autorité supérieure, mais je crois que c'est à la nation
comme telle, dans sa manifestation culturelle, qu'il revient de
développer par exemple l'éducation, la culture, les Beaux-Arts,
parce qu'elle seule, plus immédiatement en tout cas, a davantage le sens
de sa continuité, de sa durée et de sa permanence historique.
Or, il arrive que la nation canadienne-française se trouve
groupée majoritairement dans le Québec, dans ce territoire qui a
nom le Québec, à peu près à 80%. Il est
inévitable que pour des raisons toutes naturelles d'efficacité
et là, je pose ça sur le plan de l'efficacité
elle veuille placer entre les mains d'un Etat dont elle est plus
près que de l'Etat fédéral, des mécanismes
d'expansion et de promotion de sa culture, c'est-à-dire de sa
manière de vivre collective. Ce qui n'exclut pas d'autres
mécanismes de coopération avec un Etat supérieur, dans un
arrangement fédéral respectueux des volontés ethniques et
des volontés nationales.
Sur le problème fédéral et le problème des
nations, c'est-à-dire sur le mode fédéral pour faire
coexister des nations, Proudhon disait: « Fédérer, ce n'est
pas imposer un ordre conçu et défini d'avance, c'est simplement
arranger l'ensemble, faire cohabiter, dans une unité supérieure
toutes les réalités concrètes et
hétéroclites que sont les nations, les régions
économiques, les ethnies, les unités culturelles, religieuses,
linguistiques, les réalités politiques et sociales. La
fédération, disait-il n'a pas pour but d'effacer les
diversités, mais au contraire de sauvegarder leurs
caractéristiques. » Une telle conception du
fédéralisme me semble, à moi, acceptable, parce que sa
souplesse et sa tolérance ne contraignent pas les volontés
nationales. Elle repose au contraire,cette conception du
fédéralisme, sur un principe d'union et non pas sur un principe
d'unification. Arriverons-nous, malgré le tumulte des revendications,
à dépasser nos intolérances respectives, à faire en
sorte que cohabitent, coexistent et coprospèrent, si j'ose employer
cette expression, les deux nations fondatrices de ce pays? C'est là
prendre un pari sur l'histoire.
Pour l'instant, cette assemblée que vous présidez avec
dignité, de législative deviendra nationale, une fois que les
élus du peuple auront entériné la volonté de
l'Exécutif. On serait tenté de dire, reprenant les mots d'un
illustre vi-
slteur qui est venu au Québec, il n'y a pas si longtemps: «
C'est grand. C'est beau. C'est généreux, le Québec!
» Le peuple, en ses élus, se donne donc une Assemblée
nationale, mais les mots, je me le demande, passeront-ils la
réalité? Les fruits passeront-ils la promesse des fleurs?
L'Assemblée dite nationale sera-t-elle moins frivole que la
législative? Plus sérieuse? Les députés, incarnant
désormais la nation, s'adonneront-ils aux spectacles un peu loufoques et
dégradants auxquels la législative nous avait, hélas
habitués? C'est beau, une Assemblée nationale! C'est une
dignité de plus dont se pareront sans doute les députés de
cette Chambre. Mais est-ce que nous ne courons pas le risque de ceindre le
laurier avant que d'avoir livré des batailles? Est-ce que nous ne
prenons pas l'attribut pour le sujet et le mot pour la chose? Votre
gouvernement, M. le Président, et, hélas aussi le mien, est
passé maître dans l'art des mots. Des mots, des torrents de mots,
des déluges de mots, des avalanches de mots, des inondations de
mots...
M. BERTRAND: A ce moment-ci, ce ne sont pas les nôtres, mais les
vôtres.
M. MICHAUD: ... plus ou moins justement relié pour nous donner
l'impression que la dignité nationale ne passe et ne réside qu'en
lui, qu'à travers ses personnes, qu'à travers ses engeances.
M. BERTRAND; Oh! Tremblons! tremblons!
M. MICHAUD: Des mots taillés sur mesure pour masquer sa
stérilité et sa tragique impuissance devant les solutions
apportées aux problèmes de la société
québécoise.
Nous aurons, tout à l'heure, dans quelques instants, alors que
nous voterons la loi, une Assemblée nationale. Mais nous laisserons
encore l'exploitation de l'un des instruments les plus puissants de notre
culture populaire, le cinéma souvenez-vous du projet de loi,
numéro 52 entre les mains des industriels américains du
cinéma. Nous aurons dans quelques minutes, dans quelques instants une
Assemblée dite nationale et nous laisserons à des
intérêts américains...
M. BERTRAND: Il y a un autre député qui va parler.
M. MICHAUD: ... le soin de publier nos manuels scolaires dans le
Québec. Nous aurons dans quelques secondes, oui, on en parlera de la
vente du centre de psychologie et de pédagogie pendant que le ministre
de l'Education était en vacances et qui a cédé les
premiers relais et les premiers circuits de notre culture à des
intérêts étrangers.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MICHAUD: ... c'est de l'imposture nationaliste que le gouvernement de
l'Union nationale fait.
M. MICHAUD: Nous aurons dans quelques minutes une Assemblée
nationale...
M. BERTRAND: Non, non parce qu'il y a un autre député qui
va parler.
M. MICHAUD: ... mais nous laisserons encore à l'échelle du
territoire québécois une loi que le gouvernement de l'Union
nationale lui-même a passée, une loi sur les étiquettes
bilingues dans le Québec, loi actuellement inopérante à
travers tout le Québec, loi qui n'est pas respectée. Nous aurons
une Assemblée nationale, bien sûr, dans quelques secondes, et
ça nous fera plaisir de nous appeler comme ça. Mais chaque jour,
chaque minute qui passera, le gouvernement consacrera notre dépendance
économique, parce qu'il n'aura pas trouvé les Instruments pour
régler les véritables problèmes de la
société québécoise...
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. MICHAUD: J'achève et je dis simplement ceci. Le gouvernement
précédent et je pèse mes mots n'a pas
crié au nationalisme, n'a pas provoqué d'escalade verbale sur le
nationalisme. Il n'a pas donné l'appellation Assemblée nationale,
mais je crois qu'il a créé les instruments propres à un
meilleur devenir québécois. Les délégations
générales à Paris ont été passées par
le gouvernement précédent, la Soquem, la nationalisation de
l'Hydro-Québec... M. le Président, il y a le barbare de
Saint-Jean qui m'interrompt...
M. LE PRESIDENT: Je dois demander aux honorables députés
à ma droite d'être silencieux et je dois demander à
l'honorable député de Gouin de ne pas aborder de problème
qui ne serait pas convenu dans le bill.
M. MICHAUD: Je dis donc que nous aurons une Assemblée nationale,
mais le gouvernement actuel dans ses faits et gestes, dans ses lois, se
conduit, avec ses membres, comme des bricoleurs du nationalisme.
Il y a ceux, M. le Président, qui construisent le Québec,
qui le créent ou qui l'ont créé de toutes pièces.
Il y a aussi les bricoleurs; ceux-là, on les retrouve de l'autre
côté de la Chambre. Ils s'adonnent au nationalisme verbalement,
dans leur temps libre, en temps et lieu, pour employer une expression connue,
entre deux paresses et deux ennuis, « pour passer le temps quand c'est
trop long », comme dit la chanson.
Et puis, il y a, ailleurs dans le Québec, pas
nécessairement dans cette Chambre, ceux qui patiemment, dans la
monotonie des jours recommencés, s'emploient à bâtir le
Québec. Il y a ceux qui sont les véritables constructeurs de
l'Etat québécois, ceux qui mettent la main à la
pâte, ceux qui délaissent les artifices...
M. ROY: Vous n'êtes pas dans ce groupe-là.
M. MICHAUD: ... du nationalisme, qui ne se préoccupent
peut-être pas des drapeaux et des slogans et qui, jour après jour,
s'emploient à le bâtir ce Québec et à donner
à notre forme de volonté nationale et ethnique un avenir
meilleur. Ceux-là servent le Québec dans les faits; les autres,
comme le gouvernement actuel, servent le Québec dans les mots. Je crois
qu'un jour le peuple du Québec saura faire la différence entre
les bons et les mauvais serviteurs du nationalisme
canadien-français.
M. LE PRESIDENT: Alors, l'honorable... M. BERTRAND: A huit heures et
quart.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit
heures et quart, ce soir»
Reprise de la séance à 20 h 19
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable
député de Laurier.
M. René Lévesque
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si je peux me retrouver.
Ce n'est pas à Drummondville que j'ai préparé ces notes,
c'est ici même, entre les deux séances, après avoir entendu
les éloquentes interventions qui ont précédé.
Alors, si vous me le permettez, je vais remettre mes papiers en ordre
très rapidement.
Je n'ai pas besoin de dire, bien sûr, comme tous ceux qui ont
parlé avant moi, que je suis très heureux de l'ensemble du projet
de loi qu'on intitule le bill 90. Du moins, sauf erreur, autant que tous ceux
qui m'ont précédé, parce que, c'est un excès de
scrupule, je n'ai pas entendu toute l'intervention du premier ministre, cet
après-midi. J'en ai manqué une grande partie, mais, enfin, je
présume qu'il n'a pas trouvé trop déplorable, en tout ou
en partie, le bill qui porte son nom.
M. BERTRAND: Non, autrement il ne l'aurait pas
présenté.
M. LEVESQUE (Laurier): Alors, dans l'ensemble, comme tous ceux qui m'ont
précédé, je suis très heureux de voir qu'enfin,
après tant de débats, après tant de programmes qui ont
proposé ça, mais qui n'avaient pas abouti, on va se
débarrasser de cette institution désuète, de cette
institution qui était, à toutes fins pratiques, une survivance du
passé et qu'on appelait le Conseil législatif. On s'en
débarrasse après plus d'un siècle, sous sa forme actuelle.
Si on remonte au début de l'histoire de l'expression Conseil
législatif, au Québec, on s'en débarrasse, sauf erreur, si
je compte bien, 194 ans après l'apparition de ces deux mots, dans le
Québec, au moment de l'Acte de Québec, en 1774.
Je crois qu'il n'est pas mauvais, sans insister, de rappeler que,
justement, cette institution qu'on a appelé le Conseil législatif
et qui, d'ailleurs, fondamentalement, a gardé le même
caractère, remonte, plonge ses racines, chez nous comme ailleurs, dans
une société qui accompagnait les premiers balbutiements de la
démocratie. Elle remonte même avant l'acceptation, dans nos
sociétés, des institutions démocratiques. Dans la plupart
des cas, quels que soient les noms qu'on ait donnés à ce genre
d'institutions, Sénat, Chambre haute, House of
Lords, etc., on les a créées, justement, sous
l'inspiration des groupes privilégiés de la
société, au moment où on voyait les monarchies de droit
divin perdre un peu partout leurs vieux pouvoirs absolus sur les citoyens.
On a créé ce genre de conseil ou d'institution dans
l'intention d'imposer un frein à la volonté populaire librement
exprimée par le suffrage universel. Comme on le disait volontiers et
comme on le dit encore dans certains milieux, d'ailleurs - et c'est toujours
assez drôle on a créé ça comme un garde-fou
contre les caprices ou les excès du peuple.
D'ailleurs, c'est très précisément ce qui s'est
produit dans le cas du Québec, il y a une centaine d'années,
lorsqu'au moment de la confédération nos représentants
québécois ont exigé expressément ce garde-fou
aristocratique, sous sa forme actuelle, de vingt-quatre personnes plus ou
moins, par méfiance à l'égard de la démocratie et
pour barrer, par anticipation, l'évolution qu'ils craignaient de voir
librement se dessiner dans notre peuple.
Georges-Etienne Cartier n'a jamais fait mystère, pendant sa vie,
je crois, de la sainte horreur que lui inspiraient les institutions
républicaines des Etats-Unis, ni du souci brûlant qu'il avait de
voir le Conseil législatif réprimer ou, du moins, ralentir la
marche possible du Québec vers une démocratie comparable qu'il
pressentait dangereuse pour les gros intérêts établis,
lesquels, après tout, constituaient le plus clair de sa clientèle
d'avocat.
A partir de Georges-Etienne Cartier, en remontant comme en descendant
d'ailleurs, est-ce qu'ils avaient tort tous ces beaux milieux où l'on
avait, et où l'on a encore, assez souvent, une telle peur panique de la
souveraineté populaire à l'état pur et des grands
mouvements, souvent passionnés, du suffrage universel? Pas
nécessairement, parce qu'il faudrait n'avoir rien lu de l'histoire des
peuples pour s'imaginer qu'ils ne commettent jamais d'erreur grave.
Mais, à mon humble avis, on avait surtout tort de comprimer
à l'avance la volonté démocratique par cette institution
d'ancien régime, cette espèce de paratonnerre de l'ordre
établi. Sans doute, des hommes valables et dévoués y
auront siégé, pas toujours inutilement, jusqu'à la
dernière session, mais, en tant qu'institution, le Conseil
législatif aura probablement été plus coûteux pour
le Québec que les quelques emportements qu'il aura peut-être
empêchés et il aura servi à retarder, par sa seule
présence, trop souvent, le progrès et la saine évolution
du Québec. Je dis probablement, parce qu'on ne pourra jamais le
démontrer au complet, avec des faits et des chiffres £
l'appui.
Il a suffi, de génération en génération, que
fût là, par désignation, libres de toute reddition de
compte devant le peuple, muni d'un pouvoir absolu de blocage législatif;
ce conseil des anciens, les chiens de garde évidents de l'ordre
établi qui contient si souvent une telle part de désordre
sournois et d'injustice. Il aura suffi qu'il soit là, ce conseil, pour
que, combien de réformes, combien de mesures nécessaires
s'éteignent dans la population ou, en tout cas, dans cette Chambre-ci,
avant même de voir le jour.
Entre parenthèses je m'adresse précisément
au premier ministre; il verra pourquoi si ma mémoire est bonne,
je me souviens, par exemple, qu'il y a quelques brèves années
sous le gouvernement précédant celui-ci, c'était
l'hostilité présumée, une hostilité qui avait
d'ailleurs été préannoncée par la majorité
du Conseil législatif et qui a fait mourir à l'état de
brouillon une mesure absolument indispensable à une saine
démocratie, une mesure qu'on attend toujours et qui aurait
été la réforme complète et définitive de
notre carte électorale absurde, et encore, une carte électorale
qui, encore aujourd'hui est passablement répugnante à force de
déséquilibre et d'iniquité flagrante.
J'en profite...
M. BERTRAND: Le député de Laurier me permettra...
M. LEVESQUE (Laurier): Justement, je viens de faire une pause comme si
je le faisais exprès, mais ce n'était pas exprès.
M. BERTRAND: Non, pas exprès du tout. Quand il parle de la
refonte de la carte électorale, cela a été beaucoup plus
des travaux accomplis au comité en bas, si mon souvenir est bon.
M. LE VESQUE (Laurier): Pardon?
M. BERTRAND: La refonte de la carte électorale a
été accomplie au comité.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord, mais quand est venu le moment de faire
cette réforme complète on l'a vécu, enfin certains
de ce côté-ci qui étaient dans le gouvernement je
suis sûr que le premier ministre d'aujourd'hui se souvient que son ancien
chef, à ce moment-là M. Johnson, avait dit dans cette Chambre
et cela n'a jamais été démenti dans l'autre
endroit, comme disent nos amis anglo-saxons que de toute façon si
une réforme complète qui pourrait changer des frontières
des comtés, y com-
pris des comtés extraordinairement
déséquilibrés qui demeurent encore dans le Québec,
si cette mesure devait venir; de toute façon elle serait bloquée
dans l'autre endroit.
M. BERTRAND: Est-ce qu'on l'avait...
M. LEVESQUE (Laurier): II parlait à ce moment-là, enfin on
l'a toujours présumé...
M. BERTRAND: Non, non.
M. LEVESQUE (Laurier): Enfin, le premier ministre me permettra de
terminer. M. Johnson parlait à ce moment-là du moins on
l'a toujours présumé puisqu'il n'y a pas eu le moindre
démenti au nom de l'ensemble de la majorité de l'Union
Nationale. Je veux dire l'ensemble de la représentation de l'Union
Nationale qui, à ce moment-là comme aujourd'hui d'ailleurs, avait
une majorité au Conseil législatif.
M. BERTRAND: Mais c'est une hypothèse quand même, parce que
je me souviens...
M. LESAGE: C'est plus qu'une hypothèse.
M. BERTRAND: ... que, même en bas, à un moment
donné, il y a eu un vote. Je me souviens très bien du
résultat. Ceux qui étaient favorables et c'était
à ce moment-là quasi non partisan à une refonte
électorale avaient été battus.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, oui, d'accord. Ils avaient été
battus...
M. BERTRAND: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): ... à ce moment-là dans un
comité. Le sujet est revenu à maintes reprises. Je ne crois pas
que j'aie le droit, peu importe les avatars de la vie politique, d'entrer dans
les détails de ce qui a pu se passer, par exemple, dans la vie du
cabinet, mais cette réforme-là n'était pas
abandonnée. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant. Elle est
revenue clairement en cette Chambre comme un projet qu'on avait l'intention de
faire adopter et c'est à ce moment-là que M. Johnson avait dit
très clairement, au nom du parti qu'il représentait, sauf
démenti dans les deux Chambres, que ce serait bloqué. De toute
façon, l'ayant vécu comme ça, sans entrer dans tous les
détails, sans nier ce que dit le premier ministre par rapport à
ce qui s'était passé dans divers comités, mais l'ayant
vécu comme ça, et sachant très bien que se profilait
l'hostilité préannoncée à toute me- sure
complète de réforme du Conseil législatif, j'en profite,
avant de fermer la parenthèse, pour inviter le gouvernement, pour le
presser instamment, maintenant que le terrain est libre, autant qu'on le sache,
de ne pas tarder à accomplir cette réforme. Ce qui devrait
d'ailleurs lui être assez facile puisque je peux me tromper, je
n'ai pas vérifié de nouveau ce soir je crois que la
majorité requise des députés qui représentent ces
véritables bourgs pourris que sont les soi-disant comtés
protégés se trouve à siéger largement, sauf erreur,
du côté du gouvernement, compris le premier ministre
lui-même, député de Missisquoi, qui est un de ces
comtés protégés. Et je ferme la parenthèse, M. le
Président, ne voulant pas vous occasionner des gestes inutiles ou des
fatigues dont vous n'avez pas besoin.
Bref, pour toutes ces raisons, je ne ressens pour ma part absolument
rien qui évoque la moindre nostalgie en voyant enfin disparaître
ce restant désuet, potentiellement néfaste et sûrement
paralysant à plusieurs reprises dans notre histoire de Pancien
régime que constituait le Conseil législatif. Quant à moi,
pour parler très clairement, il s'agit tout simplement d'un bon
débarras.
Je suis très heureux aussi que le gouvernement, dont certains
porte-parole avaient philosophé à ce propos, savamment et
plutôt filandreusement, lors du débat sur le discours du
trône, ait abandonné son intention de remplacer le Conseil
législatif par une espèce de Chambre corporative qui aurait
été dotée de pouvoirs tout aussi abusifs.
Qu'un jour, une fois le terrain parlementaire clairement
déblayé de cette survivance malsaine d'un passé
antidémocratique, qu'un jour, ou en temps et lieu, comme dirait le
premier ministre et à juste titre à ce sujet-là, je
crois qu'un jour on établisse à tête reposée
quelque chose dans le genre d'un conseil économique et social, dont les
pouvoirs seraient strictement consultatifs, ceux si l'on veut d'un conseiller,
mais d'un conseiller simplement de la Chambre démocratique unique, il
est fort possible que ça devienne souhaitable et même assez
probable. Il pourrait y avoir au moins deux avantages à ce genre de
conseil économique et social. Premièrement, de permettre une
représentation éventuelle un peu partout, à ces diverses
consciences régionales qui sont présentement en train de
s'élaborer peu à peu dont le dessin est encore imprécis et
dont la consistance est encore plus incertaine, mais qui finiront, sans doute,
par s'affirmer et par demander alors, à juste titre, une tribune
adéquate au Québec.
Deuxièmement, une institution de ce genre pourrait, à mon
avis, permettre de regrouper
ou, en tout cas, de cesser enfin de multiplier à l'infini toute
cette ribambelle de conseils et de commissions parallèles que se
donnent, à l'envi, tous les ministères du gouvernement, les uns
après les autres. Tous ces groupes spécifiques d'éminente
caution qu'on trouve dans l'éducation, dans le domaine social, en
économie et, bientôt maintenant, en immigration, etc, y
gagneraient infiniment, je crois, à se retrouver en nombre raisonnable,
non plus compartimentés et émiettés dans tous les coins,
mais tous ensemble, afin de réfléter vraiment, en un seul
organisme, toute la complexité ahurissante de la société
aujourd'hui, de ses problèmes et de ses besoins. Tels qu'ils sont, ces
groupuscules parallèles des ministères qu'on coiffe
pompeusement d'adjectifs sonores, comme, surtout, supérieur: le conseil
supérieur de ci, et le conseil supérieur de ça ont,
la plupart du temps, une utilité plutôt marginale, et je parle
délicatement.
Si on finissait par les réunir en un véritable forum
national pour employer le même adjectif que celui qu'on appliquera
à l'Assemblée qui serait libre d'étudier et de
s'exprimer publiquement, ils acquerraient, peut-être, une voix et un
poids d'autant plus réel et d'autant plus progressif qu'ils n'auraient
pas les responsabilités législatives. De toute façon, ce
sont là de simples jalons sur le chemin d'une réflexion qui ne
peut pas s'amorcer sérieusement en parlant de ce projet de loi, mais
qu'il faudra bien entreprendre, encore une fois, en temps et lieu.
Evidemment, se posera aussi la question fondamentale de
l'évolution constitutionnelle du Québec et des garanties requises
dans ce domaine, aussi bien que dans celui des droits de l'homme, soit de
l'homme individuel ou de l'homme collectif au niveau de nos minorités.
Remarquons bien que, dans ces domaines des garanties fondamentales, il fallait
vraiment vivre en esprit sous la monarchie de droit divin pour s'imaginer que
le Conseil législatif ait jamais pu constituer une garantie acceptable.
Encore une fois, c'était là essentiellement un organisme de
protection du statu quo, une police d'assurance au moins psychologique pour les
groupes privilégiés et les intérêts établis
qui dominent notre société. Le Conseil législatif n'a
jamais été le genre de garantie d'équilibre et de justice
que se donne un peuple d'hommes libres dont la prudence vis-à-vis
d'eux-mêmes et c'est nécessaire doit, quand
même, exiger, aussi et d'abord, le respect justement de leur
dignité d'hommes libres ainsi que la souplesse d'institutions qui sont
capables de demeurer ouvertes aux changements.
Prenons simplement, sans insister et ce n'est pas moi qui l'ai
évoqué le cas précis que décrivait cet
après-midi le chef de l'Opposition. Je ne crois pas, disait en substance
le chef de l'Opposition, et il pourra me corriger, si je trahis sa
pensée, car j'ai seulement pris des notes, que, par exemple, la
décision de séparer politiquement le Québec de la
fédération canadienne devrait dépendre d'une
majorité simple de cette Chambre, qui sera désormais une Chambre
unique, une Chambre qui pourrait alors représenter une majorité
fragile et éphémère.
M. LESAGE: Et peut-être, une minorité de
l'électorat.
M. LEVESQUE (Laurier): Et peut-être, d'ailleurs, on en a le cas
dans le gouvernement actuel...
M. LESAGE: En ajoutant cela, c'est complet.
M. LEVESQUE (Laurier): ... et, si l'on tient compte du cas que
représente le gouvernement actuel, peut-être même une
minorité de l'électorat.
Bien sûr, je suis d'accord que le Québec souverain ne devra
pas j'aime mieux parler au futur qu'au conditionnel, parce que j'y crois
fermement, et ce n'est peut-être pas mauvais qu'on commence à en
évoquer l'éventualité dans cette Chambre, cela passe
à travers certains murs d'inconscience que ce club parlementaire
où nous sommes entretient dangereusement bien sûr, je suis
d'accord que le Québec souverain ne devra pas traiter ses citoyens,
à ce moment-là, aussi expéditivement qu'on l'a fait sans
vergogne il y a une centaine d'années, lorsqu'on a fait passer sous le
nez de tout un peuple, sans aucune claire consultation démocratique, le
régime fédéral actuel- Evidemment, on pourrait me
répondre: Ce n'était pas dans les moeurs. Dieu sait que ce
n'était pas dans les moeurs.
Il faudra sûrement, lorsqu'arrivera au Parlement une
majorité enfin consciente des vraies exigences du présent et de
l'avenir du Québec, une majorité qui reflétera enfin cet
état normal qu'on n'a jamais vécu, qu'on a tant de peine à
imaginer dans certains milieux, on ne l'a jamais vécu, cet état
normal d'une société responsable, décidée à
s'administrer, à se développer et à progresser d'abord par
elle-même, c'est-à-dire normalement, et non plus comme des
coloniaux qui s'ignorent. A ce moment-là, sûrement, il faudra
fournir sans délai à la population l'occasion d'approuver
clairement, sans ambiguïté, le nouveau régime qu'elle aura
à se donner.
Il y aura, selon toute possibilité, une assem-
blée constituante. De toute façon, très
certainement, il y aura une constitution, laquelle, non moins certainement,
devra être soumise, sans équivoque, par référendum
ou autrement, à toute la population. Et c'est, je crois, ce que font
tous les peuples civilisés dans le monde moderne.
De toute façon, comme on l'a dit, ce genre de souci devra occuper
le comité de la constitution, si vraiment il doit siéger de
nouveau. Et, sur ce cas précis, afin de bien prévoiries
modalités de l'événement, j'en prendrai volontiers, pour
ma part, la discussion avec le chef de l'Opposition et avec tous ceux qui
s'intéressent à la façon dont le Québec pourra
acquérir dignement et honorablement sa souveraineté, quand le
jour viendra.
Maintenant, en terminant, très brièvement, je voudrais
souligner deux autres aspects de ce projet de loi. Premièrement, il y a
le cas des pensions, M. le Président. Ne commencez pas à
sursauter, on a passé dans plusieurs détails aujourd'hui. Je
voudrais en traiter de façon très générale et
très brièvement. On en a parlé assez abondamment
aujourd'hui, le chef de l'Opposition en particulier, et j'endosse
forcément les calculs, puisqu'ils étaient, à toutes fins
pratiques, des calculs actuariels qu'il a faits sur ces pensions. Les pensions
qu'on offre, dans un certain article, dont j'ai oublié le numéro
de toute façon.
Alors comme ça il n'y a pas de problème.
M. BERTRAND: Je vais vous le donner, c'est l'article 94.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je vous demanderais de
rappeler le premier ministre à l'ordre. Il n'a pas le droit d'entrer
dans les détails du bill.
M. BERTRAND: Alors, je retire mes paroles.
M. LEVESQUE (Laurier): Donc, premièrement il y a le
problème des pensions. On va donner aux conseillers législatifs
dans l'ensemble l'équivalent, je crois si j'ai bien lu la loi du maximum
que la Loi de la Législature leur accorderait après toutes
contributions possibles et imaginables, c'est-à-dire le plafond absolu
de la pension, l'équivalent de leur indemnité, $10,000.
D'un point de vue acturiel si l'on tient compte des contributions qui
ont été données je ne parle pas des calculs qui
pourront être approfondis sûrement si l'on doit les discuter en
détails que le chef de l'Opposition a dessinées devant la
Chambre cet après-midi.
De toute façon, il apparaît clairement que c'est là
une pension absolument excessive. Je crois que la démonstration qui a
été faite cet après-midi donne aussi nettement
l'impression qu'il s'agit d'une somme qui dépasse les bornes de
l'équité aussi bien envers les conseillers que vis-à-vis
de la population. Cela, c'est beaucoup plus grave.
Cette pension telle que présentée, c'est infiniment trop
si l'on tient compte des contributions de plusieurs sinon de la plupart des
conseillers et c'est infiniment trop aussi vis-à-vis de la loi
elle-même puisqu'elle prévoit normalement que ça ne doit
pas dépasser 75% des contributions qui ont été
payées après un certain nombre d'années que plusieurs
conseillers ne rejoignent pas. Ce qui veut dire que dans la plupart des cas au
maximum les conseillers d'après la loi ne devraient pas recevoir
beaucoup plus et peut-être moins que la moitié de la
somme qu'on leur offre.
C'est beaucoup trop surtout face à l'ensemble de la
société du Québec, face à la multitude qui est
quand même la majorité chez nous des gagne-petits. Je n'ai pas
envie de faire l'appel du pied à l'indignation populaire, c'est un fait
brutal, à moins qu'il y ait des explications ex-traordinairement
convaincantes. Vis-à-vis l'ensemble de la population du Québec,
vis-à-vis des gens qui gagnent laborieusement leur vie, quand ils ont
des pensions, ils les payent et au coton, c'est infiniment trop.
J'ajouterai que c'est terriblement trop aussi si l'on tient compte que
là je ne veux pas du tout ignorer la qualité du travail
que certains des conseillers législatifs ont fourni mais ne nous
contons pas d'histoires, cela a toujours été une toute petite
poignée de conseillers législatifs qui ont fait le travail de
tout le monde. Le reste, c'était de la routine, à toutes fins
pratiques, un automatisme d'approbation. En autant que je sache j'ai
été six ans dans le gouvernement et le premier ministre en sait
autant que moi sûrement; il a été assez longtemps dans un
gouvernement où on traitait avec cette autre Chambre c'est
combien: deux, trois, quatre conseillers législatifs? Ordinairement,
deux, comme me le souligne de ses deux doigts le chef de l'Opposition, qui
faisaient tout le travail.
Alors, si l'on tient compte de la fréquence et de
l'intensité après tout c'est une norme acceptable
ça, en fait c'est le contraire qui est inacceptable du travail
fourni par l'ensemble de la deuxième Chambre qui va disparaître,
je voudrais donner deux exemples récents. J'ai relevé les
journaux de l'Assemblée législative pour les années 1966
et 1967. En autant que je sache on me corrigera si je fais erreur
pendant les mois où le Parlement a siégé en 1966, le
Conseil législatif a fourni un total pour
l'année de calendrier de onze journées de séance.
Pour l'année de calendrier 1967 c'était une année
faste on a dépassé la moyenne habituelle qui était,
je crois, d'une vingtaine de jours et pas beaucoup davantage, et on a atteint
trente séances.
Pour souligner le danger de cette pension excessive, vis-à-vis de
ce travail dans l'ensemble pas tellement impressionnant, juste pour le
souligner sans entrer dans le détail, je retrouvais... C'est une des
seules feuilles que je retrouvais dans mon maigre dossier sur le Conseil
législatif parce qu'on n'a pas des dossiers très substantiels
là-dessus pour des raisons qui se passent d'explications.
Je retrouvais, en date du mois de mai 1968, un travail qui a
été fourni au journal Le Devoir Je demanderais à
nos collègues de cette Chambre de le noter par un étudiant
en droit de Québec. Il donnait par exemple ce chiffre il s'est
donné la peine de le fouiller à l'effet qu'en dix ans, le
Conseil législatif avait coûté $3,500,000 au Québec.
Pour les onze séances de l'année 1966, la dernière
année où cet étudiant a fait ces calculs qu'il a
publiés, il arrivait au coût de $288,000 directement payés
aux conseillers, de $102,000 payés au personnel, pour le traitement des
employés du conseil qui sont là pour les servir, et un peu plus
de $7,000 pour les frais divers.
Un total d'exactement $397,000 pour onze séances. Je laisse aux
membres de la Chambre le soin de faire les calculs, si on veut, sur le
coût unitaire de ces séances.
J'ai noté que c'était un étudiant parce que, comme
par hasard, j'ai lu aujourd'hui, dans un des magazines les plus sérieux
des Etats-Unis, un jugement extrêmement rapide et extrêmement
brutal sur un personnage de la vie publique américaine. C'est un
sénateur américain qui a déjà été
quelque peu jugé par l'opinion publique en fonction du manque de soins
qu'il apporte à la dignité de son poste je ne veux pas
entrer dans les détails, alors, je tourne sans périphrase
un sénateur critiquable aux Etats-Unis, qui s'appelle le sénateur
Dodd.
Dans la revue que je lisais, il y avait un petit passage
extrêmement brutal concernant le sénateur Dodd. Voici ce passage,
dont je me souviens en substance, mais que je ne peux pas donner mot à
mot. Je crois qu'il ne manque pas d'une certaine éloquence et il y a des
transpositions qu'il ne faudrait pas oublier de faire à l'occasion, chez
nous. On y disait ceci; « II y a beaucoup de gens qui se demandent
comment il se fait que, dans la jeunesse, on a tant de mépris pour un
grand nombre des formes traditionnelles de l'autorité dans la
société. Quelle est l'explication de ces contestations qui,
très souvent, vont jusqu'à remettre en question les fondements
mêmes de la société? Comment se fait-il que, dans les
jeunes générations, de plus en plus, on a un mépris qu'on
ne se donne même plus la peine de cacher, pour les institutions, pour les
structures de la société et pour les hommes qu'on trouve dedans,
et qui prétendent exercer l'autorité »? Le magazine
répondait ceci: Une réponse incomplète, mais certainement
pas fausse, pourrait être: « Le sénateur Dodd ».
Autrement dit, un trop grand nombre des gens qui exercent
l'autorité ne donne-t-ils pas constamment, continuellement, ici comme
ailleurs, cette éloquente impression qu'ils font exactement, et
même dans leur vie publique, le contraire de ce qu'ils prêchent si
vertueusement aux jeunes générations: Faites ce que je dis, mais
ne faites pas ce que j'ai fait toute ma vie. A une époque comme la
nôtre, ce n'est pas très convaincant.
Alors, pour en finir avec ce point des pensions de nos futurs
ex-conseillers législatifs, j'espère que le premier ministre, qui
est le parrain de ce projet de loi, donnera des explications convaincantes, je
l'espère, sur l'obligation dans laquelle se trouvait le gouvernement de
donner des pensions aussi extravagantes, exorbitantes, à première
vue, enfin, selon toute apparence.
Je me permets d'espérer, de toute façon, que le
gouvernement n'est pas allé jusqu'à céder à quelque
forme de chantage que ce soit, si élégant qu'ait pu être ce
chantage entre gens distingués. Le gouvernement aurait pu ou pourrait
être ligoté par un engagement qu'il aurait pris, si cette Chambre,
puisque le gouvernement y possède la majorité, ne peut pas
changer le quantum de ces pensions, mais qu'on n'a pas de raisons convaincantes
de les maintenir.
Alors, on me permettra de prier les honorables messieurs de l'autre
Chambre, par pudeur, d'amender eux-mêmes ils en ont le droit; ce
serait leur dernier geste cette partie-là de la loi et de
réduire des pensions qu'ils ont pu, Jusqu'à un certain point,
arriver à extorquer au gouvernement actuel, mais peut-être avant
d'avoir réfléchi aux conséquences.
Autrement dit, Je les prierais d'éviter de partir en donnant
à la population - en particulier, aux jeunes, à qui on
prêche si souvent ce qu'on pratique si peu un exemple terriblement
voyant d'un appétit surtout, chez beaucoup de messieurs qui,
franchement, font plutôt partie du groupe rassasié de la
société un exemple terriblement voyant d'un appétit
qu'on ne peut pas, jusqu'à preuve du contraire, qualifier autrement que
de scandaleux.
Enfin, pour terminer, M. le Président, notre Parlement
unicaméral, à la suite de l'adoption du bill 90, s'appellera
désormais l'Assemblée nationale. Je me contenterai de dire, sans
insister, que je trouve ça extrêmement élégant en
français. Je ne peux m'empêcher de croire que c'est une trouvaille
plutôt facile, qui risque, peut-être, de nous donner un petit air
de singes parlementaires, mais ce n'est pas la singerie la plus
désagréable qui nous soit arrivée dans notre histoire.
Bon.
De toute façon, étant donné ce que je
représente péniblement dans cette Chambre, dans ma solitude, en
attendant que nous soyons plus nombreux, tout ce que je peux dire, moi, c'est
que, par rapport à certaines justifications extraordi-nairement
compliquées, à toute une série de distinctions entre la
nation ethnique et la nation géographique vu que ce
problème-là, puis Dieu sait si ç'a été
laborieux, je l'ai réglé, il y a quelque temps ça
ne me cause aucun malaise. Je trouve très bien, en attendant qu'on
puisse se projeter dans un avenir différent, comme dirait le ministre
des Affaires culturelles, qu'au moins on ait déjà les mots qui
peut-être plus qu'on le pense et peut-être bien plus que ne
le pensent les apprentis-sorciers de l'autre côté qui ont
accepté ces mots tout en les traduisant dans un anglais
extraordinairement pittoresque peuvent commencer sérieusement
à nous habituer à l'espoir de la chose elle-même et de la
réalité.
M. BERTRAND: Est-ce qu'il y en a d'autres?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. Pierre Laporte
M. LAPORTE: M. le Président, alors que nous étudions le
bill 90, Loi concernant le Conseil législatif, je ne puis
m'empêcher de vous suggérer de regarder le spectacle d'un
gouvernement qui nous propose aujourd'hui, à la suite d'une volte-face
extrêmement dispendieuse pour les contribuables de la province de
Québec, ce qu'il a rejeté depuis au moins quatre ans en
utilisant, pour y parvenir, tous les trucs que la procédure
parlementaire mettait à sa disposition.
En 1965, alors que nous formions le gouvernement et que nous avons
donné, peut-être pour la première fois dans toute
l'histoire de la province de Québec, l'image d'une administration qui
avait sérieusement le désir d'abolir le Conseil
législatif, nous nous sommes heurtés à une majorité
fidèle à l'Union Nationale au sein du Conseil
législatif.
Après avoir refusé en 1965 ce qui avait été
voté par cette Chambre, cette majorité semble disposée
aujourd'hui à accepter une chose de beaucoup plus dramatique encore. Au
mois de février 1965, le bill no 3 demandait au Conseil
législatif de consentir à diminuer ses pouvoirs afin que soit
respectée de façon plus intégrale la volonté de
ceux qui sont les élus des citoyens. Refus.
M. DOZOIS: Vous ne vouliez pas l'abolir, cependant.
M.LAPORTE: Au mois de mai 1965, obligation pour le gouvernement...
M. LESAGE: Lisez le journal des Débats.
M. LAPORTE: ... afin d'atteindre l'objectif qu'il désirait...
M. DOZOIS: Nous allons le lire.
M. LAPORTE: ... de passer par le canal de Londres, du gouvernement
britannique, pour tenter d'obtenir ce qu'il était impossible d'obtenir
à cause du refus de la majorité des membres du Conseil
législatif, majorité inspirée par les membres
parlementaires de l'Union Nationale à l'Assemblée
législative. Si nous avions, à ce moment-là,
été unanimes pour abolir le Conseil législatif, nous
aurions, en faisant en 1965 ce que nous faisons cette année,
économisé plus d'un million de dollars aux citoyens de la
province de Québec, c'est-à-dire que nous aurions atteint
exactement les mêmes conclusions que celles que nous allons
peut-être voter ce soir, mais trois ans plus tôt.
En 1966, projet de loi proposé par le chef de l'Opposition
après que le premier ministre l'a rappelé cet
après-midi les deux partis se furent engagés de
façon claire à proposer l'abolition du Conseil législatif.
Projet de loi qui a été à toutes fins pratiques
écarté entre le 22 et le 28 février 1966, moment où
M. le Président, je vous le rappelle ces antiroyalistes,
ces autonomistes à tous crins, ce parti qui compte encore un nombre
indéterminé de cryptoséparatistes a eu recours à la
prérogative royale pour bloquer l'étude du bill sur l'abolition
du Conseil législatif.
En 1967, même chose. Projet de loi simple, facile, qui nous aurait
permis de nous défaire de cette Chambre dont apparemment personne ne
veut plus. Mais on a encore une fois eu recours à la procédure
pour éviter de l'étudier. Pendant que le parti de l'Union
Nationale faisait mine, vis-à-vis de l'opinion publique, de vouloir la
dis-
parition ou le remplacement du Conseil législatif, on y nommait
quelques-unes des personnes qui ont exercé le plus d'autorité
à l'intérieur du gouvernement: le conseiller financier no 1 de
l'administration, M. Marcel Farlbault, et le ministre de l'Education, M.
Jean-Guy Cardinal.
C'est cette façon que l'on a eue, à la fois de laisser
croire à la population qu'on voulait se défaire du Conseil
législatif et cette manière pratique de l'utiliser pour ce
qui ajoutait encore à la qualité du procédé
y nommer un des ministres les plus importants de l'administration qui,
paraît-il, avait exigé de ne pas être élu par les
citoyens pour un certain temps, afin de ne pas avoir à répondre
de son administration quotidienne auprès des électeurs de son
comté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand même! Il dépasse les
bornes!
M. BERTRAND: Voyons!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vraiment, il a de l'imagination.
UNE VOIX: Cela, c'est une imagination fausse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas très honnête.
M. BOUSQUET: Ce qu'il a dit est faux. M. BERTRAND: Continuez. M. LE
PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: M. le Président, je dis que cette façon de
jouer à la fois pour et contre, de ménager à la fois la
chèvre et le chou, aura coûté aux citoyens de la province
de Québec plus d'un million de dollars en outre de se faire conter des
peurs, une fois de plus.
Aujourd'hui, on nous propose l'abolition du Conseil législatif.
Nous en sommes, et tout de suite.
M. BOUSQUET: Cela aurait coûté moins cher si vous vous
étiez aboli.
M. LAPORTE: J'ai entendu le député, M. le
Président, et j'ai deux raisons pour ne pas lui répondre. Il
n'est pas à son siège; et des réflexions aussi sottes ne
méritent pas qu'on y réponde.
M. BOUSQUET: M. le Président, sur une question de
privilège.
M. LAPORTE: C'est ça. Je lui permets de tenter d'établir
qu'il n'est pas sot.
M. BOUSQUET: Le député de Chambly n'a pas le droit
d'employer des mots comme ceux-la.
M. LESAGE: Comme quoi?
M. BOUSQUET: Nous avons tout un vocabulaire que nous pouvons utiliser
à son endroit. S'il veut faire le salaud, nous sommes capables de le
faire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je voudrais que l'honorable
député de Saint-Hyacinthe retire l'expression « salaud
» pendant que l'honorable député de Chambly, je pense bien,
se prêtera de bonne grâce à retirer le mot « sot
» ou « sotte ».
M. LAPORTE: Sans hésitation, M. le Président.
M. BOUSQUET: Sans hésitation, M. le Président.
M. LAPORTE: M. le Président, nous sommes pour l'abolition du
Conseil législatif, parce que personnellement et je crois
refléter l'opinion officielle du partt libéral du Québec
je trouve qu'il est inutile. Il est inutile, parce que nous ne voyons
pas la nécessité de faire sanctionner par une autre juridiction
des décisions qui ont été prises dans cette Chambre.
Le gouvernement de l'Ontario n'a jamais eu de Conseil législatif
et je ne sache pas que l'administration de l'Ontario s'en soit ressentie ou que
ceci ait empêché cette province de devenir la province
industrielle la plus avancée du Canada.
Les gouvernements du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse, de la
Colombie-Britannique, du Manitoba et de l'Ile-du-Prince-Edouard avaient des
Conseils législatifs. Ils s'en sont défait entre 1871 et 1928,
dans un cas au moins, après une bataille homérique contre ces
messieurs de la Chambre haute.
Nous sommes opposés à la présence d'un Conseil
législatif, parce que ceci grève inutilement les finances de la
province de Québec. J'ai lu, sous la plume d'un chroniqueur qui a
écrit, au mois de septembre 1962, des articles sur l'abolition possible
du Conseil législatif, que l'on ne pouvait invoquer l'argument
économique afin de faire disparaître le Conseil législatif
qui ne coûtait pas grand-chose après tout. On vient
d'établir qu'au cours des dix dernières
années il a coûté $3,500,000. Un recoupement rapide
depuis 1867 établit à au moins $15 millions le coût de
l'existence d'un organisme complètement inutile dans la province de
Québec, le Conseil législatif.
Je ne sache pas que la province de Québec, avec les
problèmes financiers qui sont et qui ont toujours été les
siens, puisse aujourd'hui se vanter d'avoir investi, dans une chose qui
n'était pas nécessaire, une somme certainement égale
à $15 millions.
Nous sommes en faveur de l'abolition du Conseil législatif parce
que c'est peut-être une des rares choses qui correspondent
véritablement, et dans les deux partis politiques, au désir de la
population. C'est un engagement qui avait été pris je ne
dirai pas conjointement, mais simultanément et par l'Union
Nationale et par le parti libéral du Québec. C'est une de ces
choses chez nous, dans notre parti, qui ont suivi le processus
démocratique jusqu'à la votation par un congrès
plénier. Je m'en souviens parce que c'est de mon comté à
moi, le comté de Chambly, qu'est venue la résolution votée
par les militants du comté demandant l'abolition du Conseil
législatif. Cette résolution a été votée au
cours d'un congrès régional et référée au
congrès plénier du parti où elle fut votée à
l'unanimité de tous les délégués. C'était
non seulement une promesse électorale, c'était l'engagement
formel d'un parti politique.
On a prétendu que le Conseil législatif avait
été créé particulièrement pour
protéger les droits des minorités. Je vais poser deux questions:
Quand les droits des minorités ont-ils été attaqués
dans la province de Québec depuis 1867? Quand le Conseil
législatif les a-t-il défendus, les droits des minorités?
Surveiller nos lois, surveiller nos projets de loi? Je vais poser une autre
question; Quand le Conseil législatif a-t-il modifié
substantiellement des lois qui avaient été
présentées par l'Assemblée législative? On peut
énumérer, depuis 1867, une dizaine ou une douzaine de fois. On
peut rappeler l'intervention « majeure » du Conseil
législatif quand nous avons voté en cette Chambre une loi sur le
commerce de l'alcool dans la province de Québec. Ces messieurs du
Conseil législatif ont décidé de faire toute une
tempête, évidemment pas dans un verre d'eau, et ont affirmé
leur présence en modifiant...
M. GRENIER: Un verre de gin.
M. LAPORTE: ... une loi sur l'alcool qui avait été
votée par les députés élus à
l'Assemblée législative.
Nous avons raison collectivement de refuser de continuer, dans notre
monde qui se démocratise de plus en plus, de refuser, dis-je, d'avoir
dans notre système parlementaire une espèce de cour d'appel
formée de membres qui ne sont comptables d'aucun de leurs gestes aux
citoyens de la province de Québec. Je répète que cette
Chambre, composée de gens qui sont personnellement fort sympathiques
mais qui forment collectivement un organisme dont l'utilité n'a pas
été établie dont l'utilité a
été si peu établie qu'il y a au moins six provinces qui se
sont défaites de cet appendice qui, en 1968, au Canada est plus
anachronique que jamais nous aura quand même coûté
$15 millions.
Abolition, d'accord. Mais à quelles conditions? La question que
je pose au gouvernement est celle-ci: Est-ce que le premier ministre et son
gouvernement veulent abolir le Conseil législatif ou l'acheter? Je dis
que le projet du gouvernement, que nous acceptons en principe, coûtera
beaucoup trop cher aux contribuables de la province de Québec. Je le dis
de deux façons. Je le dis par comparaison à ce qui s'est fait
dans les autres provinces quand elles ont aboli les Conseils
législatifs,,
Deuxièmement, je dis coûtera beaucoup trop cher, par
comparaison avec la pension que les conseillers législatifs, comme les
députés en cette Chambre, ont gagnée par les prestations
qu'ils ont payées depuis que la loi leur permet de contribuer à
un fonds de retraite.
D'abord, par comparaison avec les autres provinces. Le 4 février
1876, le Manitoba abolissait le Conseil législatif. Il ne
prévoyait aucune compensation pour les messieurs de la Chambre haute qui
étaient remerciés de leur service.
M. BERTRAND: Est-ce qu'ils étalent payés?
M. LAPORTE: S'ils étaient payés, j'imagine qu'ils
l'étaient, comme les députés. Tout ce que je sais, c'est
que les vôtres vont l'être, et considérablement.
En 1891, au Nouveau-Brunswick, la loi ne leur donne aucune compensation
mais leur laisse jusqu'à la fin de leur vie les dignités, les
titres qui étaient les leurs. La loi qui a été
sanctionnée le 16 avril 1891 dit que les conseillers législatifs
« shall be entitled to retain for life the honors and dignities
pertaining to such membership ». C'est la seule compensation qui leur a
été donnée en 1891 par la province du
Nouveau-Brunswick.
En 1893, dans l'Ile-du-Prince-Edouard, un petit projet de loi qui
comportait à peine trois articles, qui traitent du Conseil
législatif. Aucune rémunération, rien.
Plus près de nous, en 1928, la Nouvelle-Ecosse abolit le Conseil
législatif. La loi est sanctionnée le 2 mai 1928, sans aucune
rémunération, sans aucune caisse de retraite, rien du tout.
Inacceptable, la compensation de $10,000, si on la juge en regard du
fonds de pension qui a été accumulé par les conseillers
législatifs. On me permettra de ne pas donner de noms, mais de citer des
chiffres. Le Conseiller législatif A a accumulé un fonds de
pension de $7,862.85 et recevra $10,000. Le Conseiller B a accumulé un
fonds de pension de $5,117.85 et recevra $10,000. Le Conseiller C a
accumulé un fonds de pension de $3,737.85 et recevra $10,000. Le
conseiller D a accumulé un fonds de pension de $3,467.85 et recevra
$10,000. Le Conseiller E a accumulé un fonds de pension de $3,463.35 et
recevra $10,000. Le Conseiller F a accumulé un fonds de pension de
$3,462. et recevra $10,000.
En même temps que les députés de l'Assemblée
législative, les conseillers législatifs ont été
autorisés à souscrire à un fonds de retraite. Ils se sont
tous prévalus de ce droit. Aujourd'hui, ils ont droit à une
retraite proportionnelle au nombre d'années pour lesquelles ils ont
payé, c'est-à-dire au nombre d'années où ils ont
siégé au Conseil législatif.
Vous voulez savoir ce que ça représente, M. le
Président? J'ai consulté un actuaire, afin d'établir des
chiffres précis. Je lui ai demandé quelle était, en termes
d'assurance, l'expectative de vie. On a établi que les conseillers, par
ordre, et encore une fois, on me permettra de ne pas donner de noms, auront
l'expectative de vie suivante après qu'ils auront quitté le
Conseil législatif. 18 ans, 14 ans, 7 ans, 7 ans, 11 ans, 11 ans, 18
ans, 13 ans, 14 ans, 3 ans, 6 ans, 15 ans, 9 ans, 11 ans, 16 ans, 13 ans, 9
ans, 8 ans, 4 ans et cinq ans. Moyenne de onze années pour les vingt
conseillers législatifs. Entre les chiffres que je vous ai donnés
tout à l'heure, c'est-à-dire le chiffre exact de la pension
auquelle ils auraient droit, ce qui est à eux parce qu'ils ont
payé, et le plan de retraite de $10,000 par année qu'on leur
propose, il y a une différence approximative de $90,000 par
année. Si vous multipliez par l'expectative de vie de onze ans, vous
avez $1 million qui sera payé par le gouvernement en plus de ce à
quoi ces messieurs ont droit.
Si vous ajoutez à cela ce qui est normal que la
veuve aura droit à 50% de la pension de son mari et que l'expectative de
vie de la femme est supérieure de six ans à celle de l'homme,
vous avez un autre $250,000. Je dis au gouvernement que le projet de loi qu'il
nous pro- pose va coûter aux citoyens au delà de ce à quoi
ces messieurs ont droit comme fonds de pension, au bas mot $1,500,000.
C'est ce qui m'amène à reposer la question au premier
ministre: Est-ce que le gouvernement l'abolit le Conseil législatif, ou
s'il l'achète?
Ce sont des réponses que nous attendons. Ce sont des
réponses que tous les citoyens de la province de Québec
attendent. Quand on est dans l'obligation d'imposer en deux ans $380 millions
de taxes nouvelles je ne discuterai pas de la nécessité de
ces nouvelles taxes on ne fait pas un cadeau de $1,500,000 à des
gens qui n'auront plus à exercer le métier qui avait
été le leur et qui de toute façon ont droit à une
pension de retraite.
La population de la province de Québec attend des explications.
Quand on a tergiversé pendant cinq mois en disant qu'il était
impossible de toucher à certaine politique pour régler une
grève parce que cela aurait coûté $785,000 et qu'on trouve
$1,500,000.
M. DOZOIS: Je n'ai jamais dit ça.
M. LAPORTE: Vous ne l'avez pas dit, sûrement.
M. DOZOIS: On avait dit que cela coûterait $140 millions.
M. LAPORTE: M. le Président, j'excuse le ministre des Finances
qui était absent, mais s'il veut relire ce qui s'est dit au
comité, c'est le ministre délégué à la
Fonction publique qui a dit que pour la RAQ, cela coûterait $785,000.
M. BERTRAND: Non, jamais de la vie.
M. DOZOIS: La prévision des dépenses donnait $140
millions.
M. LAPORTE: Cela, c'est de l'extrapolation politique du
gouvernement.
M. BERTRAND: Jamais de la vie.
M. LAPORTE: Payée en plus de ça,en grandes annonces, aux
frais des citoyens. Cela aussi le gouvernement devrait l'expliquer.
Voilà donc ce que l'on nous propose, en partant d'un principe
excellent. Nous n'acceptons pas la manière.
Deuxièmement, on nous propose d'appeler notre Parlement
l'Assemblée nationale. Personnellement la seule objection que j'y ai,
c'est que je trouve que c'est un immense écran de fumée pour
cacher le reste.
Si on nous avait proposé au lieu d'Assemblée nationale
quelle trouvaille extraordinaire si on nous avait apporté
un projet de loi pour la meubler cette Assemblée nationale, pour le
meubler ce gouvernement qui est le nôtre. Si on nous avait apporté
une loi, quel que soit son nom, pour rebâtir l'administration provinciale
au niveau des ministères, si on nous avait apporté une loi pour
véritablement nous mettre en route en matière de
planification.
Si, dès cette année ou l'an dernier, comme on nous le
promet, à chaque tournant de l'histoire de l'Union Nationale, on nous
avait véritablement mis en route, dans le domaine de la recherche, si on
avait décidé, cette année, d'entrer de façon
audacieuse dans la seule voie qui soit la nôtre si on veut que
Québec survive en Amérique du Nord, et au Canada il faudra
faire notre entrée audacieuse, avec tous les cerveaux, toutes les
dépenses que cela peut représenter dans le monde des ordinateurs
et de la cybernétique là, on aurait pu
véritablement dire que nous étions à un tournant de notre
histoire.
On a appelé ça l'Assemblée nationale!
Vous avez vu, entendu, quand on a déposé ce projet de loi,
un tonnerre d'applaudissements. Cela me rappelait des échos de certains
autres applaudissements, quand on a eu, pendant des années, un
gouvernement qui a laissé la province de Québec stationnaire
pendant que le reste de l'Amérique du Nord progressait. M. le
Président, on nous a proposé à cette époque des
choses qui n'étaient pas plus mauvaises, mais qui ralliaient
l'enthousiasme des députés unionistes comme des drapeaux qui
claquent au vent! On nous a proposé de rebaptiser Spencer Wood du nom de
Bois-de-Coulonge. Cela fut un tonnerre d'applaudissements comme ceux que vous
avez entendus, M. le Président, quand on a parlé de
l'Assemblée nationale. On est même allé, dans le domaine de
ce genre de folklore national, jusqu'à défendre, un jour,
l'autonomie de la province de Québec, qui était
menacée,... en faisant mettre des fleurs de lys sur la vaisselle du
Café du Parlement.
Je me souviens de ces jours où toutes ces babioles nous
étaient présentées comme des décisions majeures.
C'est ce que je reproche à ce qu'on nous propose aujourd'hui. Nous
aurons le même contenu, le même gouvernement qu'hier, la même
procédure désuète dans cette assemblée qui est la
nôtre. Le nom aura été changé. Au lieu d'avoir
toutes les misères du monde, et vous avez toute ma sympathie, à
maintenir l'ordre dans l'Assemblée législative, ce sera dans
l'Assemblée nationale, M. le Président, mais vous aurez les
mêmes problèmes, avec les mêmes gens, face aux mêmes
limitations d'une procédure qui est dépassée depuis
longtemps.
Je me souviens qu'un jour, j'étais allé faire un voyage.
On était à bord d'un bateau qui nous paraissait assez peu capable
de tenir la mer. Il s'appelait le Madeleine. Il avait été
condamné par les assureurs. L'année suivante, le même
bateau était de nouveau en service. Il avait changé de nom, il
s'appelait le Lovat. Quant j'ai demandé aux gens ce qui avait
été fait, ils ont dit: On n'a que changé le nom.
On est en train de nous faire le coup du Lovat, M. le Président,
en appelant notre Parlement l'Assemblée nationale.
UNE VOIX: C'est une affaire de famille. M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. LAPORTE: J'espère au moins qu'il ne sera pas assez sot pour
nous embarquer dans des discussions qui ont fait si mal à son parti
politique. Ah! je retire le mot sot. J'ai d'ailleurs dit qu'il ne le serait pas
assez, M. le Président, ce n'était pas antiparlementaire.
M. le Président, je crains que nous ne commencions, avec le
nouveau gouvernement, puisque j'arrête l'histoire du gouvernement
à celui qui est devenu premier ministre, c'est une tradition chez moi
je crains que nous ne soyons en train de revenir à l'autonomie
verbeuse. On est allé à Ottawa et on s'est vanté
d'être revenu les mains vides. L'appellation Assemblée nationale,
cela remplit les mains d'un peuple!
M. BELLEMARE: ... les mains plus pleines. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
UNE VOIX: Arrêtez donc de...
M. LAPORTE: L'important, ce n'est pas de nous donner des noms
flamboyants, c'est de faire comme nous faisions dans notre temps, c'est d'aller
donner à Ottawa le spectacle de la province la mieux
préparée, la province la plus progressiste.
Vous n'avez qu'à vous rappeler, M. le Président, tout ce
que nous avons gagné de 1960 à 1966 en matière d'autonomie
provinciale, au point d'effrayer le reste du Canada et le gouvernement
fédéral. Qu'on fasse le quart de la. moitié de cela dans
le nouveau gouvernement et on n'aura pas besoin de nous appeler
Assemblée nationale pour savoir que c'est notre bien à nous que
nous sommes en train de développer.
Pendant toutes les années où on nous donnait
du Bois-de-Coulonge de préférence à Spencer Wood,
pendant toutes les années où on se promenait sur toutes les
tribunes de la province pour ameuter émotivement les citoyens, les
Américains s'emparaient progressivement de nos richesses. Pendant ces
mêmes années, nos écoles étaient les plus
arriérées du continent alors même qu'on disait que
l'éducation chez nous était parfaite. Notre économie
était rétrograde. On l'a bien vu après. M. le
Président, nous avions tous ces problèmes, mais tout cela
disparaissait derrière un immense écran de fumée qui
s'appelait l'autonomie verbeuse et les changements émotifs à
certaines lois de lapro-vince de Québec.
Je mets le gouvernement actuel en garde contre ce crime qu'il pourrait
de nouveau commettre contre le Québec. Je suis certain que la population
n'acceptera pas de se faire jouer une deuxième fois la comédie
des fleurs de lys sur la vaisselle du Café du Parlement! Quel sera le
rôle de notre Assemblée nationale? C'est ça que nous
voulons savoir,, Qu'elle s'appelle Assemblée nationale ou d'un autre
nom, c'est sans importance, sauf pour quelques arriérés du
nationalisme québécois.
Qu'est-ce que ça va nous apporter au point de vue de la
recherche, encore une fois? Qu'est-ce que ça va nous apporter au point
de vue économique? Qu'est-ce que ça va nous apporter cet hiver
d'avoir une Assemblée nationale, au point de vue du chômage chez
nous? Qu'est-ce que ça va nous apporter au point de vue de l'autonomie
de la province de Québec, qui, elle, est une valeur réelle? Si on
a l'impression qu'on va le défendre avec des mots aussi peu utiles que
ceux-là...
M. MALTAIS (Limoilou): Le député ne devrait pas se
fâcher.
M. LAPORTE: Le député n'est pas fâché du
tout.
UNE VOIX: Non?
M. LESAGE: Le député est convaincant.
M. LAPORTE: Le député a même...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous injuriez sans vous en rendre compte.
M. LAPORTE: Mais vous, ce qui est pire, c'est que vous vous en rendez
compte quand vous injuriez, et vous le faites quand même.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est que je suis conscient et que j'ai mes
raisons.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne parle pas quand je suis dans tous les
états.
M. LAPORTE: Mais même avec votre conscience et votre raison,
ça ne vous mène pas très loin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ne m'amène pas à affirmer
des absurdités comme vous venez de le faire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LAPORTE: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et à démentir votre chef...
M. LAPORTE: Alors, j'imagine... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: Oui, M. le Président, je n'imagine pas...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE: J'imagine, M. le Président, que le
député de Chicoutimi va enfin nous gratifier, après mon
intervention, de son premier discours à l'Assemblée
législative depuis deux ans et demi. Nous serons tout oreilles.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, une question de
privilège. A maintes reprises, le député de Chambly a
affirmé en cette Chambre que je n'ai jamais prononcé de discours,
ce qui est faux. J'ai parlé toutes les fois qu'il s'est agi de
défendre le ministère que je dirige. Laissez-moi vous dire
toutefois que ce ne sont pas des discours démagogiques comme celui que
nous entendons ce soir...
M. LESAGE: Ah! M. le Président, tout de même!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qui constituent une contribution aux
affaires de l'Etat.
M. LESAGE: Tout de même! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: Nous avons probablement, M. le Président, entendu les
derniers propos du ministre sur ce bill. M. le Président, je vais
inviter le ministre à dire il aura l'occasion de parler,
il a droit à une heure tout ce qu'il pourra dire avec « sa
conscience et sa raison » pendant une heure.
Je l'invite, devant cette Chambre, en répondant directement aux
questions que je vais lui poser, d'expliquer à cette Chambre le sens du
commentaire qu'il a fait à la télévision de Radio-Canada
à la suite du dépôt de ce projet de loi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous n'êtes pas très intelligent
si vous n'avez pas compris.
M. LAPORTE: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je m'en rends compte.
M. LAPORTE: ... c'est parce que j'ai vraiment compris ce qu'il voulait
dire, que je veux le lui faire répéter publiquement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement. Je ne peux pas parler plus publiquement que je l'ai fait,
M. LAPORTE: II invoque le règlement, M. le Président!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'ai dit devant des millions de
téléspectateurs. Ces gens sont plus aptes à comprendre que
ne le sont les gens d'ici.
M. LAPORTE: Vous verrez qu'une fois de plus, M. le Président,
nous devrons rester sur notre appétit avec ce cher ministre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez un gros appétit, nous avons
su cela.
M. LAPORTE: Comment?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez un très gros
appétit.
M. LAPORTE: Oui, mais apparemment, nous n'avons pas le même genre
d'appétit, monsieur.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous aviez besoin de vendre des tracteurs pour
satisfaire votre appétit.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LAPORTE: Nous n'avons pas l'appétit au même niveau,
semble-t-il!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, parce que je n'ai jamais vendu de
tracteurs pour vivre.
M. LAPORTE: Non, mais vous avez passé votre vie parlementaire
à dire des insanités dans cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: Je comprends que le dialogue est fort
intéressant...
M. LAPORTE: Je ne dirais même pas cela!
M. LE PRESIDENT: ... mais le règlement veut que nous
monologuions.
M. LAPORTE: Merci, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On fera la somme des malpropretés que
vous avez écrites dans le Devoir.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LAPORTE: M. le
Président... Ah!...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Poursuivez! poursuivezl
M. LAPORTE: Poursuivezl
UNE VOIX: II est comme un feu follet.
M. LAPORTE: Oui, bien plus follet que feu...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avec la langue qu'il parle!
M. LAPORTE: M. le Président, vous remarquerez que chaque fois que
je réussi à attaquer le gouvernement assez sérieusement,
le premier qui se lève pour faire des interruptions absolument
contraires au règlement, mais qui est toujours le dernier à se
lever pour le défendre, c'est le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement, encore une fois, pour vous faire observer que nous avons
entendu cet après-midi, sur le sujet de l'abolition du Conseil
législatif, des discours extrêmement sensés et polis et que
le seul discours grossier que nous entendions c'est celui de ce soir.
M. LAPORTE: M. le Président, je vous demande de faire retirer
« grossier ».
M. LE PRESIDENT: Je demanderais à l'honorable ministre des
Affaires culturelles de bien vouloir retirer le mot « grossier
».
M. TREM3LAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais bien
consentir à retirer le mot « grossier ». Je vais le faire
parce que le règlement le demande.
M. LAPORTE: Mais vous n'en pensez pas moins.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais je n'en pense pas moins...
M. LAPORTE: D'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... comme dirait le député de
Chambly.
M. LAPORTE: D'accord. D'ailleurs, on sait...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est bien clair. D'ailleurs, je voudrais vous
faire observer, M. le Président puisqu'on a invoqué le
règlement, je peux me permettre de le faire, moi aussi que toutes
les fois que je me suis levé dans cette Chambre, le député
de Chambly a essayé de me ridiculiser et de ridiculiser la façon
dont je parle. C'est le signe...
M., LAPORTE: Je ne sais pas quel signe c'est, mais apparemment, tout le
monde s'en rend compte.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qu'il s'exprime mal lui-même. Alors
qu'il a été ministre de la Culture, cet être-là qui
n'avait d'autre chose à faire que de salir les autres, quand il
était journaliste, et qui n'a jamais trouvé mieux à faire
après...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...pour se faire bien voir que de vendre des
tracteurs...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... au gouvernement qui l'a
ramassé.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LAPORTE: M. le Président, vous voyez encore une fois ce que
nous pouvons attendre de ce nouveau ministre de la Culture. M. le
Président, je vous inviterais je ne dirai pas pour votre
édification, parce que vous ne serez pas édifié
à relire dans le journal des Débats, encore une fois, quelles ont
été, depuis juin 1966, les contributions de cet honorable
ministre de la Culture au journal des Débats.
M. HAMEL: Le bill, le bill. M. LAPORTE: Le quoi? M. HAMEL: Le bill.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que cela donne des discours comme
les vôtres?
M. LAPORTE: Comment? UNE VOIX: Oui, comment?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous prétendez qu'on paie trop les
conseillers législatifs et vous faites perdre le temps de la Chambre
à raison de tant de dollars l'heure.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LAPORTE: M. le
Président...
M. LE PRESIDENT: Je pense que je me rendrai à l'invitation de
l'honorable député de Chambly...
M. LAPORTE: Ne faites pas cela, vous en serez
dégoûté, M. le Président!
M. LE PRESIDENT: Demain, je lirai le journal des Débats, mais, en
attendant, j'aimerais entendre parler du bill 90.
M. LAPORTE: Là, je vous comprends. Alors, devant cette invitation
pressante, M. le Président, je dis que ce projet de loi nous
paraît acceptable, mais que la façon dont on nous le propose est
difficilement acceptable, au moins quant à la somme d'argent que l'on
veut donner aux conseillers législatifs comme pension. Enfin,
l'Assemblée nationale, c'est encore de la poudre aux yeux; c'est une
prime donnée par le gouvernement aux éléments les plus
séparatistes du parti.
Avec le gouvernement actuel, nous serons de nouveau, avant longtemps,
l'un des peuples les plus arriérés de l'Amérique du Nord.
Notre économie en est actuelle ment la preuve. Nous allons maintenir,
hélas, le record peu enviable que nous avons dans le domaine du
chômage.
Pour ne pas enfreindre le règlement, M. le Président,
j'éviterai de mentionner tous les domaines dans lesquels nous avons
actuellement l'impression de marquer le pas. Mais, toutes ces choses qui
actuellement nous paraissent faibles dans la province de Québec, tous
ces domaines où nous avons cessé d'être des leaders ne vont
pas cesser d'exister parce qu'on va changer le nom du Parlement dans lequel on
ne règle
pas ces problèmes. Je dis, M. le Président, que ce sera
une maigre consolation que de venir pleurer sur toutes ces choses dans une
Assemblée nationale!
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai été fort
surpris, comme peut-être plusieurs autres dans cette Chambre, d'entendre
le discours que l'honorable député de Chambly a prononcé
ce soir, dans des circonstances que je dirai bien particulières. Il ne
nous avait pas habitués à ce genre de discours qui, à mon
sens est une faible contribution au parlementarisme.
Je suis surpris, parce que je l'ai déjà vivement
apprécié dans cette Chambre, dans certaines de ses interventions
qui ont apporté sûrement une contribution fort remarquable
à la vie parlementaire et particulièrement à cette
Assemblée législative. Lorsque l'honorable député
de Chambly relira ses propos, il lui manquera peut-être le ton de
l'agressivité qu'il y a mis. D'ailleurs, je suis fort surpris, ce soir,
d'avoir constaté cette agressivité. Il pouvait, dans des termes
aussi forts, aussi éloquents peut-être, défendre une
théorie ou une idée sans employer ce chariot
d'épithètes malheureuses. Cela n'a pas été pour
nous tous, je pense, son meilleur discours.
Puisque l'honorable député de Chambly a parlé de
l'Assemblée nationale et que vous lui avez permis, pendant bien
près de vingt minutes, de parler d'autonomie verbeuse de l'Union
Nationale, je voudrais revenir sur quelques-unes de ses attaques et lui
démontrer bien simplement où se trouvent et où ont
été, pour la politique québécoise et pour le
Parlement du Québec, ceux qui véritablement ont fait de la
politique verbeuse avec le mot autonomie ou au point de vue des relations
fédérales-provinciales.
D'abord, je voudrais féliciter l'honorable député
de Gouin qui, lui, s'est dissocié de son chef cet après-midi et a
dit que l'Assemblée nationale, c'était une tradition et surtout
que ça démontrait que nous étions un peuple...
M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BELLEMARE: Je pensais que vous étiez dans Bagot.
M. MICHAUD: Vous permettez que j'invoque le règlement? M. le
Président, en aucun mo- ment au cours de mes propos, je n'ai dit que je
me dissociais du chef de l'Opposition. Je prie le ministre du Travail de bien
vouloir prendre note de cette rectification et de retirer ses paroles, parce
que je n'ai pas dit ça au cours de mon intervention. Je crois bien
qu'à la lecture du journal des Débats le ministre se rendra
compte que je n'ai pas fait telle chose et qu'il me prête des
intentions.
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne me permettrai plus jamais de
féliciter l'honorable député.
M. MICHAUD: Si j'embrasse mon rival, c'est pour mieux
l'étouffer.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. MICHAUD: Vous connaissez le proverbe? « Si j'embrasse mon
rival, c'est pour mieux l'étouffer ». Ne me félicitez
pas.
M. BELLEMARE: J'aurais de la misère à vous embrasser.
M. MICHAUD: Et moi de vous rendre vos embrassades.
M. BELLEMARE: Vous m'embarrassez davantage des fois.
M. MICHAUD: J'en suis fort aise.
M. BELLEMARE: Pour le député de Gouin, l'Assemblée
nationale revêt un caractère particulier pour notre tradition et
notre peuple. Il l'a démontré, cet après-midi, avec des
arguments qui ont sûrement convaincu l'honorable chef de
l'Opposition.
M. BERTRAND: Et le député de Chambly. M. MICHAUD: Et le
ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Pourquoi cette attaque, ce soir, à fond de train,
sur le mot « national » et relier à ce mot toute la
politique d'autonomie de la province? N'a-t-on pas eu dans cette province il y
a déjà quelques années, un homme qui occupait un rang
important à la Législature provinciale puisqu'il était le
chef de l'Opposition libérale et qui, dans un grand geste, lui aussi,
comme l'a fait ce soir l'honorable député de Chambly, a dit, avec
exubérance: Qu'est-ce que ça mange l'autonomie provinciale
l'hiver? Ce soir, l'honorable député de Chambly a pris presque
les mêmes expressions, les mêmes mots,
11 a été peut-être plus discret quant aux termes. Il
a dit: Qu'est-ce que ça mange l'autonomie, cet hiver?
M. LAPORTE: Je n'ai pas dit la même chose. J'ai dit ça,
moi?
M. BELLEMARE: Oui. Qu'est-ce que ça va donner demain l'autonomie?
Le mot « national »? Et reliant ça aux mots Assemblée
nationale, il a dit: C'est de l'autonomie pure et simple, comme l'ancien
gouvernement, puisque c'est une tradition de parler du gouvernement
d'aujourd'hui avec son nouveau premier ministre, de l'autonomie verbeuse. C'est
la répétition, disait-il, de cette autonomie verbeuse. S'il n'y
avait pas eu dans cette province un homme remarquable, qui, par son attitude
courageuse contre certains centralisateurs d'Ottawa, dont faisait partie le
chef de l'Opposition d'aujourd'hui, pour justement barrer le chemin à
ceux qui voulaient, dans le Québec et dans le Canada tout entier, faire
de la province une province comme les autres, où serait aujourd'hui le
respect de l'autonomie provinciale et des droits que nous avons
véritablement acquis et défendus? Autonomie verbeuse...
M. MICHAUD: Oui.
M. BELLEMARE: ... quand vous avez vu dans cette Chambre un ancien
premier ministre libéral qui, par une simple lettre, a vendu les droits
de l'impôt sur le revenu, les droits de l'incorporation et les droits de
succession au gouvernement fédéral! Aujourd'hui, on revient les
mains vides?
M. MICHAUD: A l'ordre!
M. BELLEMARE: On nous a volé et on ne nous remet pas ce qui nous
appartient,,
M. LAPORTE: Appelez la police!
M. BELLEMARE: On revient d'Ottawa les mains vides. Pas seulement le
Québec.
M. MICHAUD: Mais nettes.
M. BELLEMARE: L'Ontario, grande province industrielle qui prétend
qu'à son budget 69-70, il manquera $600 millions. La
Colombie-Britannique, une province extrêmement riche, 1'Alberta qui
connaît des déficits d'administration. Et cela, c'est sortir seul,
les mains vides d'une conférence fédérale-provinciale.
C'est de même qu'on analyse le geste posé par les dix provinces
contre un pouvoir envahisseur dictatorial. Nous sommes sortis, oui, les mains
vides, nettes et libres des gens d'Ottawa. Nous ne nous sommes pas mis à
genoux devant ces centralisateurs.
C'est de l'autonomie verbeuse que de répondre à certaines
personnes qui ont l'autorité dans ce pays, qui nous traitent avec une
indifférence inqualifiable? Ils nous disent et cela a
été cité dans tous les journaux; Vous vous taxerez si vous
voulez payer vos déficits.
Nous sommes obligés dans la province de Québec, et dans
les autres provinces du Canada, à cause de deux grands facteurs,
économique et social, celui de l'inflation et celui du chômage, de
faire une guerre à mort aujourd'hui, toutes liées ensemble contre
un pouvoir qui, lui, du haut de sa grandeur a de l'argent à gaspiller et
à lancer par les fenêtres, partout dans des juridictions qui ne
lui appartiennent pas.
Et c'est cela que ces honorables messieurs disent par la voix du
ministre des Finances, M. Benson: Pas un sou. Et nous resterions
indifférents? Est-ce que je dois croire ce soir que mes honorables amis
d'en face sont prêts à les suivre, eux les centralisateurs
d'Ottawa, ou s'ils sont prêts, comme nous, s'ils veulent
véritablement suivre la politique de l'autonomie, pas verbeuse mais
traduite dans des actes, faire une motion pour approuver le gouvernement et
tous les gouvernements du Canada dans les interventions qu'ils font
présentement contre un gouvernement arrogant, dominateur, qui a de
l'argent à lancer partout pour toutes sortes de chantiers.
Autonomie verbeuse, l'Assemblée nationale? Je suis fier
d'être un membre de l'Union nationale qui a défendu l'autonomie
par des gestes positifs. On le reconnaît aujourd'hui. C'est M. Lapalme
qui, dernièrement, le disait à la télévision. On
reconnaît que M. Duplessis a été véritablement un
frein à cette centralisation.
Si M. Duplessis n'avait pas été là pour
représenter un jour tous les intérêts de toutes les
minorités et de toutes les provinces, que serait-il arrivé dans
le Canada? Exactement ce qui serait arrivé, si nous n'avions pas
été dans l'Opposition, lorsque nous avons fait une bataille
contre le gouvernement d'en face qui, par son chef, avait reconnu dans un
caucus la formule Fulton-Favreau.
Elle a été désamorcée, cette politique de
centralisation...
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque mon privilège de
député. Je demanderai au ministre du Travail de bien vouloir
tenir compte des
discours que j'ai prononcés en cette Chambre en février et
en mai 1965, des faits que j'ai relatés en cette Chambre cet
après-midi, et de bien vouloir tenter, pour une fois, de s'en tenir
à la vérité et de cesser d'errer dans le domaine de la
fantaisie pure, de la fantaisie et du mensonge.
M. BELLEMARE: M. le Président, je sais que vous allez faire
retirer ça à l'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai dit qu'il serait bon que le
ministre cesse d'errer dans le domaine de la fantaisie et du mensonge.
M. BELLEMARE: M. le Président, cela, vous allez le retirer.
M. LESAGE: Je changerai avec plaisir le mot mensonge pour le mot erreur.
Ce n'est pas de ma faute, s'il ne comprend pas.
M. BELLEMARE: M. le Président, lorsque le chef de l'Opposition se
sent dans de mauvais draps, dans une mauvaise position, là, il n'y a
plus d'arguments possibles, c'est l'insulte.
M. LESAGE: Oh, je ne l'ai pas insulté. Je lui al demandé
de s'en tenir à la vérité.
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne voudrais pas...
M. PROULX: C'est lui qui parle de la vérité.
M. BELLEMARE: ... ici, ce soir, vous relire toutes les insultes que cet
homme-là a lancées en Chambre contre M. Johnson, quand il sentait
son argument lui échapper. Il en a de bonnes. « M. Johnson est un
fou », etc.
M. LAPORTE: M. le Président, si on veut publier un recueil
d'Injures, je voudrais bien qu'on me réserve un chapitre pour mettre
celles de nos amis d'en face. Nous feilons peut-être aussi bien de
revenir aux débats.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous, ce sera un dictionnaire.
M. LESAGE: Je vais retirer le mot mensonge pour parler d'erreur, M. le
Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous l'avez insulté auparavant.
M. LESAGE : Je lui ai demandé de s'en tenir à la
vérité.
M. BELLEMARE: II a ajouté, M. le Président, que le
député de Champlain n'en faisait jamais d'autres et qu'il ne
comprenait rien.
M. LESAGE: J'ai retiré...
M. BELLEMARE: M. le Président, je le lirai un jour, ce document.
On verra comment...
M. LAPORTE: Bien oui.
M. BELLEMARE: ... un débat peut être
gâché...
M. LESAGE: Cela va aider.
M. BELLEMARE: ... par une intervention inopportune. J'ai entendu tout
à l'heure...
M. LESAGE: Est-ce que le ministre du Travail s'est entendu tout à
l'heure?
M. BELLEMARE: ... l'honorable député de Chambly de mon
siège pendant quarante minutes sans dire un seul mot, pas un mot.
J'espère bien, M. le Président, que vous allez me donner
l'avantage de faire mon discours sans être continuellement
interrompu.
Il y a des choses que je n'ai pas aimées dans le discours du
député. J'aurais pu bondir, mais, maintenant que je suis à
faire mon discours, je demanderais qu'on respecte les articles de notre
règlement qui veulent qu'aucun député n'ait le droit de
parole dans cette Chambre, à moins de demander à l'opinant s'il
lui permet une intervention.
M. LESAGE: Sauf pour une question de privilège ou de
règlement.
M. BELLEMARE: Les articles 286 et 193.
M. le Président, pour ne pas me laisser distraire de mon
argumentation, je disais donc que ces honorables messieurs les libéraux
ont toujours été pour la centralisation. On les a
dépeints, pendant toute l'histoire du Canada et Ici, dans la province de
Québec, comme des centralisateurs.
Il y a eu, un jour, un monsieur Taschereau, premier ministre de la
province, qui, devant le pouvoir envahisseur de certains gens d'Ottawa, a
résisté. Mais, depuis ce temps-là, d'autres
libéraux se sont produits dans cette province. Quelle a
été leur attitude vis-à-vis des gens d'Ottawa en regard de
l'autonomie provinciale? Une politique de lâchage, une politique
d'abandon, une politique où l'on pouvait discerner les traits
caractéristiques de la trahison en faveur d'un gouvernement qui aurait
été semblable et parent à Ottawa.
M. le Président, quelques arrières nationalistes du
Québec pourront peut-être, disait le député de
Chambly, être contents de cette miette qu'on leur lancera:
l'Assemblée nationale. Qu'il prenne garde! Dans la province de
Québec, il y a autre chose que des nationalistes. Il y a aussi de
véritables patriotes qui aiment leur province et qui sont prêts
à la défendre, eux aussi, par des moyens légaux, par des
représentations dans des conférences. Cependant, nous ne sommes
pas prêts à sacrifier un iota de ce qui appartient en propre
à la province de Québec.
L'honorable député de Chambly disait; Faites au moins, un
demi, un quart de ce que nous avons fait et nous serons bien heureux. M. le
Président, qu'ont-ils fait, ces honorables messieurs?
Ils ont travaillé avec des statisticiens, avec des technocrates
pour aller à Ottawa récupérer ce que monsieur le chef de
l'Opposition, membre d'un cabinet fédéral, nous avait
enlevé.
UNE VOIX: Cela, c'est vrai.
M. BELLEMARE: Et ils sont contents de dire: Nous avons travaillé
pour obtenir ce que le chef de l'Opposition avait voulu nous enlever...
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. GRENIER: L'histoire a ses bons côtés. M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. LESAGE: Si j'avais cru qu'il était permis de discuter de la
question de la division des pouvoirs entre le fédéral et le
provincial sur le projet de loi qui est à l'étude, je l'aurais
fait avec plaisir, et le ministre du Travail aurait pu me répondre sur
ce point. Mais je crois qu'il n'est pas dans l'ordre d'en discuter, d'autant
plus que je ne pourrais pas répondre. Ce n'est pas dans l'ordre, et j'ai
épuisé mon droit de parole, convaincu que ce n'était pas
dans l'ordre d'en parler.
M. LE PRESIDENT: C'est que j'ai permis à l'honorable
député de Chambly d'aborder ce problème. Je ne cache pas
aux membres de cette Chambre que je l'ai fait avec hésitation et
après y avoir mûrement réfléchi. Mais maintenant que
la porte est ouverte je dirai peut-être heureusement ou
malheureusement les gens peuvent entrer quatre par quatre.
M. LESAGE: Mais voyez-vous la situation dans laquelle il me place?
M. LE PRESIDENT: La porte a été ouverte par l'honorable
député et en toute conscience, j'ai cru qu'il pouvait aborder ce
problème parce qu'il se reliait au mot national. Il l'a fait, j'en
conviens, d'une façon très habile, mais maintenant il faut
convenir que la porte est ouverte et qu'il faut que j'accorde la même
mesure aux autres opinants.
M. BELLEMARE: Vous avez parfaitement raison, la porte est ouverte. M. le
Président, de la « totonomie », qu'est-ce que ça
mange l'hiver? Cinq pour cent, disait le député de
Louis-Hébert à Ottawa, c'est assez pour Québec. Ah! la
queue du chat, c'était un des gros arguments de son Intervention cet
après-midi-là! Et il défendait la thèse
fédéraliste avec toute l'énergie qu'on lui connaît.
Mais la province de Québec, à ce moment-là, a
rencontré sur son chemin, un M. Saint-Laurent qui, lui a accordé
bien plus que les 5% qui, selon un député fédéral
du Québec, étaient suffisants pour la province de Québec.
M. Saint-Laurent, lui, a dit: Non, 10%.
M. LESAGE: J'étais ministre à ce moment-là.
J'étais solidaire de la décision de M. Saint-Laurent.
M. BELLEMARE: L'autonomie tâtonneuse. L'autonomie
lâchée par les libéraux et essayée sous un nouveau
manteau pour essayer de se trouver dans une nouvelle peau...
M. LESAGE: Va-t-on faire le procès des conférences
fédérales-provinciales, M. le Président?
M. BELLEMARE: ... en parlant d'abord du statut particulier, et en
l'abandonnant, lors de leur dernier congrès. Où est-elle, leur
autonomie? M. le Président, si vous me le permettez, juste un instant.
Lorsque l'honorable député de Chambly a dit: Je ne comprends pas
comment il se fait que l'Union Nationale ait nommé deux membres au
Conseil législatif, MM. Faribault et Cardinal, quand on parle...
M.LAPORTE: C'est vrai.
M. BELLEMARE: ... surtout de l'abolir. On avait cela dans notre
programme, dit aussi le député de Chambly. En 1960, dans le parti
libéral, on disait: Abolition du Conseil législatif. D'ailleurs,
cela était fait bien avant eux, par
MM. Joly, Mercier et Marchand, du parti libéral. En 1962,
abolition du conseil. En 1963, nomination de M. Dupré, ancien
député libéral de Verchères.
M. LAPORTE: Oui, monsieur.
M. BELLEMARE: Abolition du conseil.
M. LAPORTE: II s'était engagé à voter pour
l'abolition dès qu'elle serait proposée.
M. BELLEMARE: Abolition, dans notre programme électoral, du
Conseil législatif. Le 12...
M. LAPORTE: Non, non. Il est dix heures. M. LESAGE: II est dix
heures.
M. BELLEMARE: Le 12 août 1964, nomination de George O'Reilly.
M. LESAGE: Oui. Il s'est engagé à abolir le conseil.
M. BELLEMARE: Mais, le 25 novembre 1964, nomination de Lionel Bertrand,
ancien ministre libéral, à la Chambre haute. C'est cela, la
conviction de ceux qui viennent nous dire qu'ils sont en faveur...
M. MICHAUD: Le dozo...
M. BELLEMARE: Deux faces, deux visages, deux programmes, deux
philosophies.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! On me signale qu'il est dix heures.
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai l'honneur de vous demander
l'ajournement du débat. Demain mercredi, c'est la journée des
députés. S'il y avait consentement unanime, nous pourrions
peut-être continuer l'étude du bill 90.
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Non?
M. LAPORTE: On sait bien que le député d'Outremont
prépare...
M. BELLEMARE: Très bien.
M. LAPORTE: ... une intervention...
M. BELLEMARE: Seulement, j'avertis le chef de l'Opposition que cela
aurait été proba- blement un moyen de passer plus vite à
travers les travaux de la Chambre.
M. LESAGE: Je comprends, mais simplement demain, c'est la journée
des députés.
M. BELLEMARE: Je comprends que, ce soir, il est choqué...
M. LESAGE: Le député d'Outremont s'est
préparé depuis longtemps à plaider sa motion.
M. BELLEMARE: Si c'était vrai qu'il était
préparé depuis longtemps, il aurait pu commencer à 5 h 10,
la semaine dernière, quand on le lui a demandé.
M. LAPORTE: M. le Président, on n'a pas besoin de se
fâcher. Disons que si, demain, on peut terminer l'étude de la
motion du député d'Outremont, on ne prendra pas d'autres motions.
On continuera l'étude du projet de loi.
M. BELLEMARE: C'est très gentil, je vous remercie.
M. LESAGE: Nous continuerons d'écouter le ministre du
Travail.
M. LAPORTE: N'ajoutez rien, ça va bien.
M. BELLEMARE: Est-ce que ça vous déplaît tant que
ça de m'écouter?
M. LESAGE: Pardon? Mais non.
M. BELLEMARE: Moi non plus, parce que, parfois, j'ai de drôles de
réactions que je ne vous fais pas voir.
M. LESAGE: M. le Président, fail'impres-sion que, lorsque j'ai
participé au débat cet après-midi, je l'ai fait d'une
façon sérieuse et sereine. Je ne vois pas pourquoi je me ferais
engueuler par le ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Le mot « engueuler », d'abord, ce n'est pas
parlementaire.
M. LESAGE: C'est ce que le ministre du Travail a fait
M. BELLEMARE: Je ne pense pas. Je peux à peu près dire,
comme le député de Chambly: Si...
M. MICHAUD: C'est très parlementaire.
M. BELLEMARE: ... ma voix est plus forte, c'est que mes convictions sont
plus profondes.
M. LAPORTE: Alors, il y a des fois où on est fort convaincu.
M. MICHAUD: C'est un phénomène...
M. BELLEMARE: M. le Président, je vous demande l'ajournement de
la Chambre à demain, trois heures. Nous aurons, d'abord, la motion de
l'honorable député d'Outremont et, ensuite, si la Chambre y
consent, nous revien- drons au bill 90 pour, demain soir, prendre
l'étude, s'il y a moyen, des bills concernant les municipalités,
soit 285 et 286.
M. LAPORTE: Demain soir?
M. BELLEMARE: C'est vrai, demain soir, on ne siège pas. Jeudi
matin.
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi,
trois heures.
(22 h 2)