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Version finale

28e législature, 3e session
(20 février 1968 au 18 décembre 1968)

Le vendredi 6 décembre 1968 - Vol. 7 N° 99

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus.

Comité de l'éducation

M. PROULX: M. le Président, le comité de l'Education a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son quatrième rapport. Votre comité s'est ajourné au 19 décembre prochain.

M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non annoncées.

M. LESAGE: Un instant, nous n'avons pas compris, M. le Président, le rapport qui vient d'être fait.

UNE VOIX: Il dit que le comité s'est ajourné jusqu'au 28 de janvier c'est ajourné,

M. PROULX: Votre comité fait rapport qu'il réfère à votre honorable Chambre, pour considération, les bills suivants: Bill 56, Loi de l'enseignement privé de formation générale et de l'enseignement privé pour l'enfance inadaptée; Bill 61, Loi de l'enseignement privé professionnel par correspondance ou de culture personnelle. Votre comité s'est ajourné au 19 décembre prochain.

Respectueusement soumis,

Jérôme Proulx, président.

M. LAPORTE: Non, on a surtout compris votre respect, mais on...

M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je demander au premier ministre si c'est l'intention du gouvernement de présenter avant la fin de la session un projet de loi qui remplacerait les bills 56 et 61?

M. BERTRAND: Je dois dire que le ministre de l'Education était à Québec hier. On comprendra facilement qu'après la bataille, il a dû se reposer, ce qui est normal. Je m'attends de le voir aujourd'hui. Je serai probablement en mesure d'informer le chef de l'Opposition cet après-midi.

M. LESAGE: M. le Président, dans les circonstances, il serait peut-être imprudent d'adopter le rapport qui vient d'être fait...

M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection.

M. LESAGE: ... parce que l'on propose l'ajournement du comité de l'éducation au 19 décembre...

M. BELLEMARE : On peut le rappeler.

M. LESAGE: ... oui, je sais, mais il faudrait révoquer l'ordre. Alors, est-ce qu'il ne vaut pas mieux, purement et simplement...

M. BERTRAND: Le retarder.

M. LESAGE: ... inscrire le rapport, laisser les choses suivre leur cours normal? Autrement dit...

M. BERTRAND: Très bien.

M. LESAGE: ... que le rapport soit inscrit aux procès-verbaux et au feuilleton. A la suite des pourparlers que le premier ministre aura avec le ministre de l'Education, nous déciderons demain ce que nous devons en faire.

M. BERTRAND: Avec le ministre, c'est ça.

M. BELLEMARE : C'est parce qu'on a toujours peur de l'article 409 du règlement.

M. LE PRESIDENT:

Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. BERTRAND: C.

Bill 89

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose la première lecture de la Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux.

L'honorable premier ministre.

M. BERTRAND: M. le Président, au nom du ministre de l'Industrie et du Commerce, je lis la note explicative. Ce projet propose l'établissement d'un cadre d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux dans les municipalités de plus de 1,500 habitants et l'abrogation de la Loi de la fermeture à bonne heure,

ainsi que des dispositions analogues du code municipal. En vertu du bill, aucun client en devra être admis dans un établissement commercial avant huit heures le matin, du lundi au samedi, ni après six heures le soir, les lundi, mardi et mercredi; dix heures, les jeudi et vendredi; cinq heures, le samedi.

L'heure de fermeture sera 10 heures du soir, les lundi, mardi, mercredi et samedi de la semaine qui précède le dimanche de Pâques et au cours de la période du 7 au 24 décembre inclusivement.

Un client ne devra pas, non plus, être toléré dans un établissement commercial plus de trente minutes après l'heure de fermeture. Tout établissement devra demeurer fermé le 1er janvier, le 24 juin, le 1er juillet et le 25 décembre — ou le lendemain de ces dates, si elles tombent un dimanche — ainsi que le premier lundi de septembre et tout autre jour fixé par proclamation du gouvernement.

La loi ne s'appliquera pas aux établissements commerciaux dont le fonctionnement est assuré du début à la fin d'une journée par un effectif total de moins de quatre personnes comprenant, entrepreneur, patron et employés ou uniquement par le père, la mère et leurs enfants.

La loi ne s'appliquera pas, non plus, aux établissements commerciaux ni aux parties d'établissements commerciaux où se vendent exclusivement certains produits d'usage courant ou certains produits qui ne sont que l'accessoire d'un service fourni par un établissement.

Le projet prévoit aussi qu'au cas de contravention des amendes de $300 à $2,000 pourront être imposées au propriétaire, locataire ou gérant de l'établissement, même s'ils n'ont pas participé à l'infraction. Ces montants sont de $25 à $200 pour les contrevenants eux-mêmes, lorsqu'il s'agit d'une personne autre que le propriétaire, locataire ou gérant.

Quiconque pourra intenter une poursuite pour infraction à la loi et le tribunal pourra accorder les frais aux poursuivants, si l'action est maintenue.

Si mon souvenir est bon, ce projet de loi devait être déposé d'ici la fin de la présente session et être référé à un comité qui siégerait après la prorogation. C'est ce que j'avais compris, quitte à vérifier. Le leader parlementaire et celui de l'Opposition font signe que oui.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LAPORTE: C'est ça. Il était convenu, je pense, que ce comité serait autorisé à entendre des témoins.

M. BERTRAND: C'est cela.

M. LAPORTE: Alors, disons que c'est la première lecture aujourd'hui et qu'on le réfère à un comité avant la deuxième lecture.

M. BERTRAND: Voici la note: « Qu'un comité spécial de l'industrie et du commerce, composé de — il s'agira d'établir le nombre de membres entre les deux leaders parlementaires — soit institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de siéger, après la prorogation, pour étudier la Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux, bill 89 ». Je propose donc immédiatement qu'on le réfère à ce comité qui sera formé. Les deux leaders parlementaires s'entendront quant aux noms et au nombre des membres.

M. LE PRESIDENT: La motion de première...

M. LAPORTE: Oui, oui.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée?

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente. L'honorable député de Chambly.

Articles rayés du feuilleton

M. LAPORTE: Avant que nous n'allions plus loin, je n'aurais pas personnellement d'objection à ce qu'on raye du feuilleton les articles a) et b) pour des raisons que tout le monde comprendra.

M. BERTRAND: L'on pourrait également enlever du feuilleton, pour l'alléger, les articles 14 et 15. Cela rappelle des souvenirs au chef de l'Opposition et à moi-même.

M. LESAGE: Le premier ministre ne croit-il pas que la prudence exige que nous attendions que le Conseil se soit prononcé sur le bill du premier ministre? Je préférerais cela de beaucoup.

M. BERTRAND: Disons que la prudence du chef de l'Opposition, quant à moi, est excessive ce matin.

M. LESAGE: On ne sait jamais! Avec ce qui se passe de l'autre côté!

M. BERTRAND: Disons que... M. LAPORTE: Quand siège-t-il? M. BELLEMARE: Aujourd'hui.

M. LESAGE: Eh bien! attendons qu'il ait siégé. Lundi, ça fera quand même.

M. BERTRAND: Si le chef de l'Opposition préfère que nous laissions les articles 14 et 15 en suspens, je n'ai pas d'objection.

M. LESAGE: Oui, oui, il faudrait que je consente...

M. BERTRAND: J'avais suggéré d'alléger...

M. LESAGE: J'aimerais mieux consentir après avoir eu l'assurance que le conseil s'est sabordé.

M. BERTRAND: Alors, les articles 14 et 15 sont suspendus. Enlever a) et b).

M. BELLEMARE: S'ils n'adoptent pas le nôtre, ils n'adopteront pas le vôtre.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. L'honorable député de Mercier.

Questions et réponses

Pouvoirs d'emprunt de l'université McGill

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition m'avait posé une question quant aux pouvoirs d'emprunt de l'université McGill.

M. LESAGE: Oui.

M. BERTRAND: On m'indique ici qu'en ce qui concerne les pouvoirs d'emprunt de la susdite institution de l'université McGill, on nous réfère particulièrement aux paragraphes A, B, C d'un avis juridique qui a été donné par l'étude légale Ogilvy, Colt, Porteous, à l'effet que cette institution possédait des pouvoirs d'emprunt et qu'en fait, elle a fait une émission d'obligations au montant de $5,200,000, hypothèque série A de l'institution susmentionnée, qu'elle posséderait des pouvoirs d'emprunt et qu'il n'y aurait pas lieu, dans son cas, d'adopter de loi spéciale.

M. LESAGE: Y aurait-il objection à ce que le premier ministre me donne non pas toute l'opinion légale mais...

M. BERTRAND: Oui, j'ai apporté ça.

M. LESAGE: ... du moins les paragraphes pertinents.

M. BERTRAND: Je transmets au chef de l'Opposition copie d'une lettre qui m'a été envoyée par M. André Charron, vice-président exécutif de J.-L. Levesque et L.-G. Beaubien Limitée et à laquelle est annexée l'opinion de l'étude d'Ogilvy, Colt.

M. LESAGE: Je suis certain que cette maison de courtage s'est assurée...

M. BERTRAND: Elle n'a pas l'habitude de prendre...

M. LESAGE: ... que McGill avait le pouvoir d'emprunt nécessaire.

M. BERTRAND: Elle ne prend pas de risque.

M. LESAGE: C'est ce que je crois.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. L'honorable député de Mercier.

Investissements français

M. BOURASSA: M. le Président, une question au premier ministre, à propos de la commission mixte franco-québécoise sur les investissements. On sait que cette commission a été établie, il y a environ un an et demi. Elle s'est réunie à plusieurs reprises et on a annoncé, de façon régulière, dans les journaux, qu'il y aurait des investissements français très importants et que ce serait réalisé de façon imminente.

Le premier ministre pourrait-il nous dire quand nous aurons les conclusions de cette commission qui siège depuis tellement longtemps et après qu'on ait annoncé tellement souvent des investissements français au Québec?

M. BERTRAND: Je dois répondre au député de Mercier, premièrement, que ceux qui sont membres de cette commission ont été fort surpris que cette nouvelle filtre dans les journaux.

M. BOURASSA: Est-ce qu'elle était fondée?

M. BERTRAND: La nouvelle est venue, suivant les renseignements que l'on m'a donnés, de Paris,

Deuxièmement, les membres du comité de cette commission doivent me faire rapport, et, troisièmement, il n'est pas pour le moment dans l'intérêt public que je communique à la Chambre les renseignements que j'ai obtenus. Quant à ceux que j'obtiendrai, au sujet des travaux de ce comité, dont les activités durent depuis au delà d'un an, je verrai, s'il y a lieu, à les communiquer à la Chambre avant le voyage à Paris.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

Manifestation

M. LAPORTE: M. le Président, comme le règlement me le permet, je voudrais préfacer ma question des explications les plus brèves possible pour la rendre possible ou l'expliquer. Nous avons assisté hier à une démonstration peu édifiante en face du Parlement. Le premier ministre, le chef de l'Opposition et le député de Laurier ont exprimé sur ces événements des propos qui, je le pense, reflètent l'opinion de la grande majorité des Québécois.

Les rumeurs les plus fantaisistes, je veux le croire, circulent sur les motivations ou sur les incitations que des élèves auraient reçues pour venir participer à cette manifestation.

Le président de la corporation des instituteurs, M. Laliberté, a annoncé qu'il avait demandé qu'une enquête soit faite. Ma question au premier ministre, est la suivante: Le gouvernement lui-même a-t-il ordonné une enquête? Si non, songe-t-il à ordonner immédiatement une enquête pour obtenir des réponses aux questions suivantes: Quelles sont les écoles qui ont été touchées par cette manifestation? Quels sont les élèves qui ont participé à la manifestation? De quel niveau sont les écoles qui ont été touchées par cette manifestation? Ces écoles relèvent de quelles commissions scolaires? Les élèves sont venus ici avec la permission ou à l'incitation de qui?

Je me permets de conclure en disant que le renseignement, non confirmé que j'ai — je veux être très positif — serait à l'effet qu'un directeur d'école a dit aux élèves: Tous ceux qui voudront participer à la manifestation vont bénéficier d'un demi-congé,, Ceux qui n'y participeront pas, devront être à l'école et ceux qui ne participant pas à la manifestation ne seront pas à l'école, seront traduits devant le conseil de discipline. C'est sur ça que je voudrais qu'on fasse enquête.

M. BERTRAND: Je prends bonne note de cette question de mon collègue, le député de Chambly, leader parlementaire. On aura noté que, dès hier matin, quand les élèves se sont rendus ici, immédiatement, j'ai demandé au ministre d'Etat délégué ou attaché au ministère de l'Education de s'enquérir pour savoir si les autorités de la Commission scolaire de la ville de Québec avaient accordé quelque permission? La réponse a été non. Je dois dire que, depuis ce moment, une enquête s'effectue, par le truchement du ministère de l'Education pour obtenir une réponse aux différentes questions formulées par le député de Chambly.

J'espère que nous serons en mesure dès lundi d'apporter des précisions dans ce domaine.

M. LAPORTE: M. le Président, question supplémentaire qui n'en est pas une. Nous pouvons compter que, l'enquête terminée, cette Chambre aura un rapport circonstancié, c'est-à-dire très détaillé de l'événement.

M. BERTRAND: En autant que nous aurons pu obtenir toutes les informations, à la suite de l'enquête,, On sait que, dans ce domaine, parfois, on est envoyé de Caiphe à Pilate. Nous allons essayer de nous rendre directement chez Pilate.

M. LAPORTE: M. le Président, si l'on découvre, chez Pilate, que le problème est beaucoup plus vaste qu'on ne l'avait imaginé, le gouvernement a-t-il l'intention, dans ce domaine, c'est-â-dire dans l'espèce d'embrigadement que l'on semble actuellement noter au niveau d'un très grand nombre d'écoles, d'aller au fond des choses et d'obtenir une enquête très complète? Parce qu'il est bien inutile que cette Chambre, que les citoyens raisonnables prennent une position raisonnable si nous avons toute une génération qui est en train de se faire embrigader par quelques cerveaux qu'un député, le député de Laurier, à fort bien dépeint hier.

M. BERTRAND: Le député de Chambly a noté tantôt, au début de ses propos, que non seulement le chef de l'Opposition et moi-même, hier, avions été sensibilisés à ce problème, mais que nous avions fait des déclarations afin que l'on sache bien que nous allons faire tout notre devoir et utiliser tous les moyens légitimes en vue de connaître véritablement ce qui se passe à l'heure actuelle dans les milieux scolaires, au niveau secondaire comme au niveau des CEGEP.

M. LE PRESIDENT: The Honorable Member for St. Ann.

M. HANLEY: Mr. Speaker, I would just add another question to those of the Honorable Member for Chambly. I have had a couple of calls from French speaking parents that the parents were not aware that their children participated and they were furious when they were informed by their children that they were forced to participate in this demonstration. I think that the parents should be included in this investigation.

M. BERTRAND: I thank the Member for St. Ann.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LESAGE: Bien, les parents ne le savaient pas, c'est clair. Sur les affaires du jour, M. le Président.

M. BELLEMARE: Un instant, le ministre...

M. LESAGE: Je sais que le premier ministre est bien occupé...

M. BERTRAND: Non.

M. LESAGE: ... et je voudrais bien le libérer autant que possible d'ici à demain. Nous allons, aujourd'hui et demain, tenter de terminer l'étude de trois des bills du ministre du Travail. J'ai dit au premier ministre, avant la séance, qu'après avoir examiné les bills 83 et 84...

M. BERTRAND: Très bien.

M. LESAGE: ... quant à moi et à ceux que j'ai consultés, il n'y avait pas d'objection à les adopter ce matin, afin de libérer le premier ministre.

M. BELLEMARE: Très bien.

M. LESAGE: Quant au bill 83, j'aurais seulement une question à poser au premier ministre.

M. BERTRAND: Je n'ai pas besoin de dire, M. le Président, combien j'apprécie cette collaboration du chef de l'Opposition, qui comprend d'autant mieux qu'il a déjà occupé le fauteuil que j'occupe.

Bill 83, article 9.

M. LESAGE: Je pense que le Solliciteur général se meurt de parler.

M. BELLEMARE: Non, non, après.

Bill 83

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre propose la deuxième lecture de la Loi autorisant la Régie des alcools du Québec à délivrer des permis d'amphithéâtre. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LAFRANCE: M. le Président, une simple remarque.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. LAFRANCE: Une simple remarque. Disons que j'accepte ce bill avec une certaine réserve. J'aurais aimé connaître les motifs sérieux qui ont incité le gouvernement à le présenter. Ce qui est autrement plus important que la simple observation que je vais faire, c'est qu'au lieu d'ouvrir les digues, on devrait, peut-être, endiguer un peu l'alcoolisme en présentant la Loi de l'OPTAT.

M. BERTRAND: Je vais répondre tout simplement au député de Richmond qu'il y a, à l'heure actuelle des amphithéâtres: le Forum, à Montréal, le Colisée, ici, il y aura également le Stade de baseball à Montréal. A l'intérieur ou sous les gradins, l'on pourra établir soit des salles à manger ou des bars, mais les gens ne seront pas autorisés à apporter avec eux la boissons dans les gradins.

A ce moment-là, il s'agit tout simplement d'un service public.

Je pense que le député de Richmond comprendra fort bien que si l'on accorde des permis à des restaurants, à des tavernes; il me semble que, dans des endroits comme ceux-là, il n'y a pas d'abus. Les gens vont là pour assister à une joute. S'ils veulent prendre un repas ou se rendre à un bar, entre les périodes, avant ou après, je crois que c'est légitime.

M. LESAGE: Pas après. Après, ils ne le peuvent pas.

M. BERTRAND: Ils ne le peuvent pas; seulement jusqu'à la fin du match.

M. LESAGE: Ils ne pourront vendre de l'alcool que jusqu'à la fin du match.

M. BERTRAND: II y en a à la Place des Arts,

à Montréal. Je ne crois pas qu'il y ait eu abus de la part de la population. Je comprends fort bien les remarques du député de Richmond, mais il comprendra également que les motifs sont sérieux, raisonnables et honnêtes.

M. LAFRANCE: M. le Président, mon intervention était surtout pour démontrer l'urgence de combattre un peu l'alcoolisme, en présentant le bill de l'OPTAT. C'est autrement plus urgent, à mon humble avis. C'est la simple observation que je veux faire.

M. LE PRESIDENT: La motion en deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

M. LESAGE: M. le Président, j'ai dit que je voulais simplement une clarification. Je voudrais être bien sûr que le mot « amphithéâtre » est défini clairement comme voulant dire non seulement un amphithéâtre couvert, mais également un amphithéâtre dont les gradins sont en plein air. Autrement, cela ne couvrirait ni le stade de baseball ni ce qu'on appelle l'autostade de Montréal, où l'on joue au football. C'est sur Terre des Hommes, je crois.

M. BERTRAND: C'est cela. L'interprétation que donne le chef de l'Opposition est la mienne.

M. LESAGE: Très bien.

M. BERTRAND: S'il y en a d'autres, on y verra.

M. LAPORTE: Un monsieur qui est propriétaire d'un théâtre et qui décide de le rebaptiser « amphithéâtre » aura-t-il un permis?

M. BELLEMARE: Non, il serait dans l'illégalité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général.

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'aurais...

M. LESAGE: Est-ce là-dessus?

M. BELLEMARE: M. le Président, tandis qu'on est à l'article 9, le chef de l'Opposition pourrait dire qu'on a passé l'article 10 aussi.

M. LESAGE: Oui, le Solliciteur général est impatient de parler. Est-ce que je dois comprendre qu'il veut parler sur les bills 83 ou 84?

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LESAGE: Ni un ni l'autre? Alors, trois lectures du bill 83 et trois lectures du bill 84.

M. BELLEMARE: Merci. M. BERTRAND: Merci beaucoup.

Bill 84

M. LE PRESIDENT: Alors, du consentement unanime de la Chambre, il est reconnu que les trois lectures ont eu lieu pour les bills 83 et 84.

M. BELLEMARE: Le lieutenant-gouverneur a été consulté.

Déclaration ministérielle

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'ai une déclaration à faire qui constitue d'abord un exposé de faits et, en deuxième partie, l'attitude du ministère. Voici l'exposé de faits. Le 15 octobre dernier, l'émission de Radio-Canada Femmes d'aujourd'hui consacrait une heure à un disque intitulé « Ton sexe et l'autre », dont le narrateur est M. Henri Bergeron. Ce disque, qui touche à la sexualité des garçons et filles de 10 à 12 ans, a suscité de vives controverses dans les milieux éducatifs, religieux et laïcs. Les auteurs sont François Gagnon, professeur à l'université de Montréal, et Jean-Yves Desjardins, psychologue. Le disque a été lancé par les Ateliers de sexologie de Montréal, sous le vocable de Sextant. C'est ainsi qu'il est connu sous le nom de Disque de Sextant. Le réalisateur est Christian Marcel.

Le disque, lorsqu'il a été lancé dans les Ateliers de sexologie, était accompagné de livres explicatifs et de diapositives. L'émission de télévision Femmes d'aujourd'hui, dont l'animatrice est Mme Aline Desjardins, a fait entendre ce disque et a fait voir les diapositives, ainsi que des extraits d'un film représentant des danses primitives que la dignité de cette assemblée m'interdit de décrire.

L'émission a eu lieu en présence du père Labrosse qui fait aussi partie des ateliers de sexologie. La présentation de cette émission a soulevé une vague d'indignation et de protestation. Monseigneur Lavoie, curé de Saint-Roch à Québec, directeur de l'Office diocésain des communications sociales et animateur d'une émission radiophonique, a dénoncé vigoureusement, 1 la fois, le disque et l'émission de télévision. Il l'a fait à la radio après avoir écouté le disque ainsi que dans les journaux au

moyen d'un communiqué et à l'occasion d'une conférence de presse.

Une autre figure bien connue du clergé, le pire Emile Legault s'est aussi élevé contre cet enregistrement. Il a refusé de le commenter à la radio, mais il a abondé dans le même sens que monseigneur Lavoie, dans une déclaration faite dans un journal de Montréal. D'autre part, d'après un journal de Montréal, le docteur Serge Mongeau, spécialiste en sexologie estime que le disque tombant entre les mains de personnes non compétentes ou de jeunes non contrôlés peut offrir des dangers en présentant la masturbation et les jeux sexuels comme des activités normales et fréquentes. Le jeune qui ne se livrera pas à ces actes pourra alors se demander si ce n'est pas lui qui est anormal. Les parents sont bouleversés et l'écho de leurs protestations est parvenu aux plus hautes autorités en matière d'éducation. Un éminent membre de le hiérarchie catholique aurait dit que le disque est une écoeuranterie, que s'il avait été édité à Paris il aurait été saisi. Le disque se divise en huit parties, sous les titres suivants: Vivre nu, Sexe féminin, Sexe masculin, Jeux sexuels, Point de vue des parents, Masturbation, Homosexualité et Horizons Nouveaux.

Les deux parties les plus controversées sont celles des jeux sexuels et de la masturbation. Dans les jeux sexuels on transporte les enfants dans l'île de Trobillan en Océanie avec accompagnement de musique d'ambiance où les enfants de 10 à 14 ans jouent au jeu du mariage entre eux devant leurs parents, les imitant en cela car les parents font aussi l'amour devant eux. Cette mise en scène vise à expliquer à l'adolescent que les jeux sexuels auxquels ils se livrent, soit seul, soit avec d'autres jeunes de son âge, et de l'un et l'autre sexe, sont tout à fait normaux. Pour ce qui est de la masturbation, on enseigne à l'enfant qu'elle peut lui être d'un secours précieux lorsqu'il se sent tendu dans ses problèmes en l'aidant à apporter une détente en autant qu'il ne croit pas faire un péché. Pour monseigneur Lavoie on ne peut accepter qu'on situe en dehors de la morale l'éducation de l'initiation sexuelle des enfants. C'est un véritable appel à la révolution contre les parents, dit-il. N'importe quel agnostique pourrait réagir comme je l'ai fait, affirme-t-il, quand on est rendu à prendre les primitifs pour modèles. Monseigneur Lavoie ajoute: Ce disque nous est présenté comme le sommet de la civilisation quand il tombe dans le plus épais des matérialismes, et l'Etat ne devrait pas permettre cette tentative de dégénérescence.

En conclusion, monseigneur Lavoie affirme, si nous continuons comme peuple, à nous « en- farger » dans notre liberté, si nous continuons à vouloir neutrifier la vie sous prétexte de science, si nous continuons à servir des médicaments contre la constipation, à des jeunes qui ont attrappé la diarrhée, je pense que nous allons disparaître comme nation canadienne-française.

Deuxième partie: Attitude du ministère. Devant la vague de protestation soulevée par la diffusion du disque: « Ton sexe et l'autre », dont tout le monde a pu prendre connaissance à l'écoute du programme radiophonique et à la lecture des journaux, les pouvoirs publics ne peuvent pas rester indifférents. Il appartient au ministère de la Justice, gardien de l'ordre public de faire la lumière sur un fait aussi grave qui bouleverse tous les parents et éducateurs. Il incombe aussi à l'Assemblée législative d'être éclairée sur ce que tant de personnes dont le jugement ne peut être mis en doute considèrent comme une forme à peine déguisée de la perversion de la jeunesse.

Quand on connaît tout le mal que les hommes se donnent pour éviter que les remèdes et les nourritures ne contaminent le corps humain, on peut se demander si nous sommes aussi vigilants en matière de réglementation pour empêcher que les esprits ne s'intoxiquent et que ne pourrisse l'âme de nos enfants.

C'est pourquoi, depuis quelque temps déjà, avec l'appui de mon collègue l'honorable Jean-Paul Cloutier, ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre Social, j'ai demandé aux officiers concernés du ministère de la Justice d'instituer une enquête qui tirera au clair toute cette affaire et en confrontera les données avec les dispositions des lois qui régissent la distribution des instruments de communication sociale.

Je ferai part à la Chambre des conclusions de l'enquête, dès que j'en aurai été informé. D'ailleurs, toute la question de la littérature obscène et pornographique, considérée dans les divers aspects que présente le problème de sa diffusion, fait présentement l'objet d'études spéciales que j'ai ordonnées en ma qualité de Solliciteur général et de ministre associé de la Justice. Un comité ad hoc a été formé. J'ai jugé qu'il était devenu urgent de prendre cette initiative, étant donné que nos mesures de contrôle des moyens de diffusion sont actuellement contestées et — je le dis a regret — avec un certain succès. Ce comité ad hoc a pour but, premièrement, de faire connaître l'état de la législation actuelle et les moyens qu'elle offre d'endiguer le déferlement d'obscénités auxquelles nous assistons trop souvent avec impuissance. Il a pour but, deuxièmement, de faire connaître la façon d'amender cette légis-

lation et de lui donner des dents sans outrepasser la juridiction du provincial dans ce domaine. Et, troisièmement, il se propose de faire connaître et de préparer un mémoire à l'intention des autorités fédérales, afin qu'elles agissent.

M. LAFRANCE: Un simple commentaire, M. le Président. Est-ce qu'il n'y a pas une escouade de moralité? Est-ce qu'elle ne peut pas agir? Le ministre vient de faire une très grande publicité au disque. Est-ce qu'on ne pourrait pas le saisir en attendant?

M. BELLEMARE: C'est la même chose que pour le film « I A Woman ». Vous l'avez constaté vous-même.

M. MALTAIS (Limoilou): Le député est très bien placé pour connaître déjà la réponse à la question qu'il vient de me poser. C'est lui-même qui, un jour, dans cette Chambre, et de façon fort à propos, a soulevé le problème du film « I A Woman ». Nous sommes allés en cour et il sait avec quel résultat. C'est justement à cela que j'ai fait allusion, et nous sommes malheureusement, dans les circonstances et dans le contexte actuel, obligés d'être prudents. Toutefois, il y a actuellement une enquête, et si l'enquête conclut à la saisie, nous saisirons immédiatement.

M. LAPORTE: Avec toute cette publicité, est-ce qu'il restera encore des disques à saisir?

M. LAFRANCE: Mais remarquons que la publicité vient des journaux qui mettent cela en première page, quand on parle du film « I A Woman ».

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! De nouveau en comité plénier.

M. BELLEMARE: Je voudrais dire, M. le Président, avant de commencer l'étude de l'article, qu'il apparaît maintenant...

M. LESAGE: Nous étions rendus à l'article 3, adopté.

M. BELLEMARE: Je voudrais dire à l'honorable député d'Ahuntsic que, ce matin, au feuilleton, apparaît un avis...

M. LESAGE: On ne l'a pas vu.

M. BELLEMARE: Est-ce que le feuilleton est...

M. LAPORTE: II n'est pas encore distribué.

M. BELLEMARE: Est-ce que le feuilleton est distribué de l'autre côté?

M. LAPORTE: II est en retard.

M. LESAGE: A l'épreuve du feuilleton, mais il n'y avait pas d'avis.

M. BELLEMARE: Non, non, c'est pour les prévenir - je n'aurais pas besoin de le dire, d'ailleurs —... C'est parce que nous avons réussi ce matin à avancer considérablement la transcription des textes. Je pense que l'avis est donné ce matin, pour la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. Dès que j'aurai une galée, j'en ferai parvenir une copie au chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Maraudage?

M. BELLEMARE: L'honorable député a le mot juste. Je serai probablement en mesure de distribuer lundi matin ou lundi après-midi toutes les copies. Elles seront, à ce moment-là, imprimées. Alors, article 3.

M. LESAGE: Nous venons de recevoir le feuilleton.

M. BELLEMARE: Ah bon!

M. LESAGE: Et l'avis apparaît en appendice...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: ... et ça se lit: « M. Belle-mare: Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. » Entre parenthèses : maraudage.

Bill 287 Comité plénier

M. BELLEMARE: Bien lu, mais mal cité. Alors, article 3, M. le Président.

UNE VOIX: Trois, adopté. Article 4?

M. BELLEMARE: L'article 4, c'est l'autorisation du lieutenant-gouverneur pour conclure des ententes avec le gouvernement d'Ottawa.

M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté?

M. BELLEMARE: Adopté. M. LE PRESIDENT: Article 5.

M. BELLEMARE: A l'article 5, il y a une différence. L'ancienne loi disait: Le ministre doit, dans les dix jours qui suivent l'ouverture de chaque session, soumettre...

M. LESAGE: C'est la nouvelle formule.

M. BELLEMARE: C'est la nouvelle formule qui existe dans les autres ministères.

M. LE PRESIDENT: Article 5, adopté. Article 6?

M. BELLEMARE: Article 5, adopté. Article 6?

M. LESAGE: C'est l'article habituel dans toutes les lois semblables.

M. LE PRESIDENT: Article 7, adopté? M. LESAGE: Article 7, même chose. M. BELLEMARE: Même chose. M. LE PRESIDENT: Article 7, adopté. M. LESAGE: Article 8, même chose.

M. BELLEMARE: Même chose que dans les autres ministères.

M. LESAGE: Article 9, même chose. Article 10, même article que pour tous les autres ministères.

M. BELLEMARE: Même chose.

M. LESAGE: Article 11. Le ministre a des amendements à suggérer, je crois.

M. BELLEMARE: Oui, j'ai un amendement. Le chef de l'Opposition disait hier: J'attire l'attention de l'honorable député de Champlain sur sa sincérité et je ne veux pas mettre en doute ses bonnes intentions. Je veux lui prouver que j'avais seulement de bonnes intentions. L'article va se lire comme ceci.

M. LEFEBVRE: En avez-vous des copies?

M. BELLEMARE: Nous avons répété toute la journée hier dans nos déclarations que ce n'était pas notre intention de vouloir faire de la discrimination ou d'aller dans la vie privée des gens pour chercher des rapports qui concernent la finance ou quoi que ce soit. C'est, d'ailleurs, en vertu de la Loi des syndicats professionnels. On dit spécialement ce dont on a besoin, ce qu'on veut avoir. « Le ministre peut, en outre des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de chaque de loi qu'il est chargé d'appliquer, exiger de toute personne ou association tout renseignement touchant les effets économiques de toute ordonnance ou d'un décret ». C'est sûr, nous avons besoin de cela, surtout sur le marché de la main-d'oeuvre. Cela se limite à cela. C'est exactement ce dont on a besoin.

M. LESAGE: Cela remplace le premier alinéa?

M. BELLEMARE: Cela remplace le premier alinéa, mais pas au complet, parce que cela continue après.

M. LESAGE: C'est cela que je veux savoir.

M. BELLEMARE: Non, non, cela continue après: « ... pour les fins des études, recherches, compilations, analyses et publications que la présente loi ou toute autre loi l'autorise à effectuer. Il peut aussi autoriser par écrit tout fonctionnaire ayant prêté le serment... » Cela demeure. C'est changé à partir des premières lignes, « le ministre peut » jusqu'aux mots « pour les fins des études, recherches, compilations, analyses et publications ».

L'article 11 est-il adopté?

M. LESAGE: Un instant. M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: Si je comprends bien, le texte qui nous a été distribué remplace le texte des quatre premières lignes de l'article 11...

M. BELLEMARE: C'est cela.

M. LESAGE: ... jusqu'après le mot « association » dans la cinquième ligne.

M. BELLEMARE: Oui. Voyez-vous, cela se lit...

M. GOLDBLOOM: Il est quand même à remarquer que le ministre demande des pouvoirs que ses savants collègues —je prends l'exemple de son collègue du ministère de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social — n'ont pas dans

les lois qui constituent leur ministère. Il y a le Bureau de la statistique. Si je comprends bien, les autres ministres même s'ils ont le droit d'instituer des enquêtes — comme le ministre de la Santé vient de le faire dans le cas d'un hôpital particulier — sont obligés d'avoir recours au Bureau de la statistique pour obtenir de tels renseignements.

Or, j'aimerais savoir pourquoi le ministre, qui aurait pu dire que l'article 13 de la Loi du Bureau de la statistique est à peu près superposable à l'article 11 de cette loi que nous avons devant les yeux, a insisté pour avoir cet article dans sa propre loi, plutôt que de dire que l'article 13 de la Loi du bureau de la statistique pourrait s'appliquer, mutatis mutandis, à cette loi de fonctionnement de son ministère?

Pendant que j'ai la parole, je voudrais souligner qu'hier, en deuxième lecture, le ministre m'a suggéré de relire l'article 88 de la Loi des accidents du travail. Je note que cet article nomma l'officier de la commission et la personne autorisée à faire une enquête en vertu de la présente loi, c'est-à-dire la Loi des accidents du travail, mais n'inclut pas nécessairement le personnel du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Donc, il y a quand même une lacune dans la protection en ce qui concerne les enquêtes, les recherches qui pourraient être faites. Je voudrais expliquer au ministre la raison pour laquelle j'insiste un peu là-dessus.

C'est à cause de l'expérience que j'ai eue personnellement dans ce Parlement, dans mes relations avec des fonctionnaires. Comme je l'ai dit hier, je ne cherche pas à impliquer des fonctionnaires dans des actes repréhensibles. Mais le ministre comprendra que des personnes qui ne jouissent pas d'une formation professionnelle peuvent déroger à un secret professionnel sans comprendre qu'elles le font.

Justement, j'en ai fait l'expérience et j'en ai discuté au moyen d'une question que j'ai posée l'an dernier au ministre des Transports et Communications. Je me suis à certaines occasions adressé à des fonctionnaires pour avoir des renseignements. Il y avait des implications médicales personnelles dans les renseignements que je cherchais. Je ne voulais pas connaître les détails médicaux, mais j'ai dû empêcher les fonctionnaires de révéler ces détails qu'ils étaient tout à fait prêts à me communiquer de bonne foi, parce qu'ils ne comprenaient pas ce qu'est le secret professionnel. J'ai dû leur dire: Non, je ne veux pas savoir ce qu'il y a du côté médical; je veux seulement savoir si le cas de la personne en question sera réglé par l'action du ministère ou de la commission selon le cas.

C'est pour cela que j'hésite un peu devant ces pouvoirs, même avec les modifications qui sont à leur face raisonnablement acceptables. Je ne suis pas encore convaincu qu'on ne devrait pas avoir recours simplement au Bureau de la statistique, comme le font les autres ministères.

M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable député a voulu diviser en deux parties son intervention. D'abord, il nous demande pourquoi la loi de la statistique, chapitre 207, ne pourrait pas s'appliquer.

Je dis que nous allons plus loin que la loi de la statistique parce que nous avons dans notre loi l'obligation de consulter la personne qui nous a fourni le renseignement avant de le publier.

Il faut le consentement écrit de la personne qui nous a renseignés avant qu'il soit publié. C'est là une garantie que la loi n'avait pas. C'est encore une garantie qu'on donne à la personne sur qui on doit faire enquête.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je ne voudrais pas interrompre le ministre, mais si j'ai bien lu l'article 13 de la Loi du Bureau de la statistique, il y a la même exigence là-dedans.

M. BELLEMARE: Oui, mais voyez ici: « Aucune publication du ministère ne doit contenir des renseignements relatifs à une personne ou une association en particulier si ce n'est avec le consentement écrit. Tous les renseignements fournis doivent être disposés de façon à permettre qu'il soit impossible de les relier à une personne ou à une association. »

Je dis maintenant qu'en vertu de la Loi des accidents du travail, il est permis à une personne de connaître son dossier médical. Vous savez que la loi a été amendée dernièrement. On permet maintenant de connaître l'opinion médicale de la commission. On peut l'obtenir.

M. GOLDBLOOM: On le permet à l'intéressé, mais pas à une personne.

M. BELLEMARE: A l'intéressé.

M. GOLDBLOOM: Pas à une autre personne.

M. BELLEMARE: A l'intéressé qui, par la voix de son député ou par la voix de son médecin, peut l'obtenir. Il n'est pas nécessaire que le consentement soit écrit. Si nous avons la certitude que la personne est de bonne foi, nous avons le droit de communiquer un renseignement.

D'ailleurs, dans la Loi des accidents du travail, on a amendé, il y a quelques années, à la demande des centrales cet article particulier qui disait qu'il fallait nécessairement que ce soit... Non, je pense que nous y avons apporté tout notre coeur et surtout notre désir de ne pas faire d'inquisition, de ne révéler aucun secret. On l'a bien spécifié et on a dit nous avons besoin de ce pouvoir d'enquête. D'accord, vous pensez que l'on veut aller trop loin. D'accord, nous allons dire ce dont nous avons besoin. Alors, on a dit: au point de vue économique, touchant toute la question des décrets, des ordonnances, et particulièrement tout ce qui regarde le marché de la main-d'oeuvre. Je pense que c'est bien spécifiquement déterminé.

Je remercie l'honorable député de son intervention. Il pourra certainement avoir confiance que nous allons mettre tout le sérieux que mérite la loi dans son application.

M. BELLEMARE: Alors, article 11 adopté tel qu'amendé. Article 12.

M. LE PRESIDENT: Article 11 adopté tel qu'amendé,, Article 12.

M. BELLEMARE: Cet article traite des pénalités qui découlent de l'article 11. Vu que ce ne sont que des renseignements techniques, statistiques, je ne peux pas appliquer l'article que discutait hier l'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: D'ailleurs, ce n'est pas l'article 12 qui correspond à l'article 15 de la Loi du bureau de la statistique, c'est l'article 13, et j'en dirai un mot dans un instant.

M. BELLEMARE: Oui. Alors, j'en profite pour suggérer...

M. LESAGE: J'ai une modification à suggérer au ministre du Travail...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: A l'article 13. Article 12, c'est correct.

M. LE PRESIDENT: Alors, article 12, adopté.

Article 13.

M. BELLEMARE: A l'article 13, je dirai ceci:

M. LESAGE: Si le ministre voulait m'écou-ter, ce n'est pas tellement sur le montant de l'amende.

M. BELLEMARE: Je vais juste dire...

M. LESAGE: Avant d'arriver à l'amende, qui est le deuxième alinéa,...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: ... je voudrais parler du premier alinéa.

M. BELLEMARE: Correct.

M. LESAGE: Au premier alinéa, les trois dernières lignes: « ni révéler, sans y être dûment autorisé quoi que ce soit dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. »

M. BELLEMARE: « Ni révéler sans y être dûment autorisé »... oui.

M. LESAGE: C'est-à-dire que l'on couvre beaucoup plus que les renseignements qu'un fonctionnaire peut obtenir en vertu du projet de loi. On couvre tous renseignements que ce fonctionnaire peut avoir obtenus dans l'exercice de ses fonctions. C'est aller trop loin. Dans la Loi du bureau de la statistique...

M. BELLEMARE: Monsieur le...

M. LESAGE: Si le ministre veut me laisser terminer mon argumentation, avoir la patience des juges de la cour d'Appel.

M. BELLEMARE: Je ne l'ai pas. Je ne l'aurai jamais.

M. LESAGE: A l'article 15 de la Loi du bureau de la statistique, voici: « Tout fonctionnaire ou employé du bureau qui: a) révèle sans droit à un tiers les renseignements obtenus au cours de son emploi et susceptibles d'influer sur les prix courants d'un article de valeur, etc...»

Mais l'article 14b) s'applique mieux: « ne garde pas, selon qu'il est prescrit par la présente loi, le secret des renseignements recueillis ». Par conséquent, il s'agit des renseignements recueillis en vertu de la Loi du bureau de la statistique et ce que je soumets est que l'on doit restreindre la portée de la disposition, à la révélation de renseignements obtenus en vertu de la loi du ministère et non pas d'autres renseignements. Je voulais suggé-

rer, en empruntant un peu la formule de la Loi du bureau de la statistique, à l'article 14, la phraséologie suivante; « ni révéler, sans y être dûment autorisé, les renseignements qu'il a obtenus sous l'empire de la présente loi.»

M. BELLEMARE: M. le Président, d'abord, première observation...

M. LESAGE: Je ne parlerai plus de l'amende. J'ai très bien saisi la distinction qu'il y a entre l'article 14 de la Loi du bureau de la statistique et l'article 15. Cela va, je retire ce que j'ai dit hier. J'aurais dû référer à l'article 14 et non à l'article 15. Cela va...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: ...quant au point que je viens de soulever, je pense que le ministre devrait le considérer.

M. BELLEMARE: On pourrait simplement ajouter: « Aucun fonctionnaire du ministère autorisé à recueillir des renseignements, en vertu de l'article 11, ne doit obtenir ou chercher à obtenir, sous prétexte de l'accomplissement de ses devoirs, des renseignements qu'il n'est pas autorisé à obtenir en vertu de la présente loi, ni révéler, sans y être dûment autorisé, les renseignements requis ».

M. LESAGE: Renseignements obtenus.

M. BELLEMARE: Oui, obtenus.

M. LESAGE: Les renseignements obtenus.

M. BELLEMARE: Vous avez raison, les renseignements obtenus.

M. LESAGE: En vertu de la présente loi. M. BELLEMARE: Obtenus sous l'empire...

M. LESAGE: C'est plutôt « en vertu de la présente loi ».

M. BELLEMARE: En vertu de la présente loi.

M. LESAGE : Ou encore, si le ministre le préfère, il peut dire « en vertu de l'article 11 », c'est encore plus restrictif.

M. BELLEMARE: On en parle d'ailleurs au début...

M. LESAGE: Bien oui, en vertu de l'article 11.

M. BELLEMARE: On le caractérise, l'article 11 à l'article 13.

M. LESAGE: Je n'ai pas d'objection. M. BELLEMARE: Très bien.

M. LESAGE: Du moment que l'on restreint ça à la loi. Dans la loi, il n'y a que l'article 11 qui permette d'obtenir des renseignements.

M. BELLEMARE: C'est ça. Et, comme c'est bien défini par notre amendement, que ça s'applique au point de vue économique et spécifiquement aux recherches et aux investigations...

M. LESAGE: Cela va très bien.

M. BELLEMARE: Alors, article 13.

M.. LE PRESIDENT: Article 13 adopté tel qu'amendé. Article 14.

M. LESAGE: D'accord.

M. BELLEMARE: Cela, c'est la reproduction de l'article 2 du texte antérieur dans une phraséologie plus adaptée.

M. LE PRESIDENT: Article 14, adopté. Article 15.

M. BELLEMARE: Article 16, c'est la loi...

M. LE PRESIDENT: Article 15, adopté. Article 16, adopté. Article 17, adopté.

M. LESAGE: Je crois que le ministre a amélioré son projet de loi. J'espère que, lors de l'étude des deux autres projets de loi, il fera preuve de la même compréhension.

M. BELLEMARE: C'était notre désir. M. LESAGE: Oui, oui. M. BELLEMARE: On l'avait dit. M. LESAGE: Je vais continuer...

M. BELLEMARE: M. le Président, on nous a prêté une foule de mauvaises pensées que nous n'avons jamais eues.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. FRECHETTE (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté le bill 287, avec les amendements qu'il vous prie d'agréer.

M. LEBEL (président): Le bill amendé se-ra-t-il adopté?

M. LESAGE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Troisième lecture à la prochaine...

M., BELLEMARE: Non, non, je pense...

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du Travail propose que le bill soit lu une troisième fois. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. BELLEMARE: Six.

Bill 288

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la deuxième lecture de la Loi du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre.

L'honorable ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Bien, M. le Président, juste une minute.

M. LESAGE: Prenez votre souffle.

M. BELLEMARE: Il faut que je ma replace dans mes bébelles.

Deuxième lecture

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: M. le Président, la loi qui est présentement à l'étude en deuxième lecture, et que l'on appelle le bill 288, Loi du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, est une loi qui veut amender celle qui date de 1940, et qui ne répond plus aux besoins d'un organisme d'étude et de recherche comme celui que constitue le Conseil supérieur du travail.

Le bill apporte plusieurs nouveautés. Actuellement, il y a une commission permanente, composée de douze membres, chargée d'étudier les problèmes que lui soumet le ministre. Cette commission fait ensuite rapport au Conseil su- périeur du travail qui est lui-même composé de vingt-quatre membres et qui étudie à son tour les recommandations de la commission permanente. C'est faire siéger deux fois les mêmes hommes sur les mêmes choses. Et unanimement, M. le Président, on a demandé que cette commission permanente disparaisse pour reformer de nouveau le Conseil supérieur du travail avec un nombre restreint de membres.

Le Conseil supérieur du travail sera désigné à l'avenir sous le nom que nous avons adopté tout à l'heure, pour faire un peu de concordance, de Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre. Il s'agit, comme vous le voyez, d'un nom qui désigne mieux le conseil, étant donné ce que nous avons apporté dans la législation que nous venons d'adopter en troisième lecture.

Le présent projet de loi fait aussi disparaître, comme je l'ai dit au début, la commission permanente et réduit le nombre des membres à treize, y compris le président du conseil. Ces modifications majeures à la loi actuelle sont apportées à la demande expresse du Conseil supérieur lui-même. On s'est rendu compte, à l'expérience, que les discussions qui avaient lieu à la commission permanente étaient souvent reprises intégralement devant tout le Conseil supérieur. C'est à l'unanimité que le conseil a décidé de recommander l'élimination de cette étape inutile de la commission permanente.

La loi prévoit en outre la nomination, par le lieutenant-gouverneur, d'un président dont le mandat sera de cinq années. Ce président aura comme fonction de diriger les activités du conseil, d'assurer la continuité de ses travaux et de faire la liaison entre le conseil et le ministre. Qu'il y ait une continuité au Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, qu'il y ait un homme responsable de tous les travaux et de la direction de toutes les études, voilà une chose particulièrement nouvelle, mais nécessaire. C'est là que se pose la question qui fera sûrement le sujet d'un débat tout à l'heure: Pourquoi le ministre doit-il amorcer toutes les études du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre? Non. Ce n'est pas juste de dire cela. Ce n'est pas notre intention, non plus. Au contraire, nous voulons — et cela est bien compris dans la loi — que les études se poursuivent, que les rapports soient rédigés.

Si le président du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, ou le conseil lui-même demandaient au ministre l'étude de certaines propositions, de certains projets au sujet du monde du travail, je verrais mal le ministre refuser sans donner de raisons valables. Le rapport qui sera présenté annuellement le dira: Le ministre a refusé de nous laisser étu-

dier telle chose. Il faudrait être irresponsable au dernier degré pour refuser de répondre au Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, qui nous demande simplement notre opinion sur l'étude d'un sujet précis, sans lui donner de raisons majeures. Dans le rapport que devra soumettre le président du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, il faudra que le ministre justifie chaque fois son refus. C'est simplement une consultation que doit donner le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, et ce pour une seule et unique raisons Pour savoir si nous avons au budget les sommes nécessaires pour permettre l'étude de certains projets, ou si nous n'aurions pas, parmi notre équipe, des gens compétents qui pourraient être mis à la disposition et au service du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre pour étudier certains effets d'une législation possible, ou tout autre aspect concernant le monde du travail.

M. le Président, il n'y a rien là-dedans qui puisse en faire un enfant mineur du ministre. Absolument rien. Le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre demeurera autonome avec un président, un bureau permanent installé pour assurer la continuité des recommandations du conseil et amorcer d'autres politiques. Mais le Conseil du travail et de la main-d'oeuvre est fait pourquoi, en somme? Pour aider le ministre, pour aider la Chambre, pour aider la députation. Ses membres prendront, eux, plus de temps pour étudier d'une manière approfondie les implications de certaines législations. Ils feront des recommandations, donneront leur avis. C'est cela le devoir et l'obligation d'un Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, qui est créé pour être consulté.

Pensez-vous qu'un ministre a le temps de faire des recherches, d'aller partout pour obtenir toutes les opinions au point de vue de certaines législations, ou des implications de certaines lois ouvrières? Jamais.

Ce serait manquer sûrement d'objectivité que de vouloir lier ces gens-là, les obliger à faire seulement ce que le ministre va leur ordonner. Jamais. Au contraire, il y aura au Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre une liberté complète. Tout simplement, notre législation, qui doit être soumise à la Chambre, particulièrement d'ici la prochaine session, fera l'objet de travaux considérables au conseil supérieur. Il aura là un éventail de lois qu'il sera obligé — obligé — c'est-à-dire qu'on lui soumettra pour avoir son opinion. Recherches, études, consultations, et le reste. Et si le conseil supérieur, par son président qui est un lien qui n'existait pas autrefois, décide, à la demande du conseil, d'entreprendre une nouvelle étude sur n'importe quel point, il faudra à ce moment-là, M. le Président, que le ministre ait de très bonnes raisons et les donne, ces raisons-là, parce qu'elles apparaîtront au rapport que doit faire le président du conseil supérieur du travail. Et ça, c'est un document public.

Je dis donc que la grosse objection qu'on avait émise, en disant que ça devient un enfant mineur du ministre du Travail, est fausse. Il faut, si l'on veut que le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre produise véritablement ses bons effets, lui donner toute liberté d'action, de consultation, sûrement, il y a un budget, que doit contrôler le ministre, au point de vue des dépenses, au point de vue de la responsabilité à la Chambre. Il faut nécessairement, comme dans tous les corps organisés, démocratiques, parlementaires, qu'on ait une responsabilité ministérielle vis-à-vis des dépenses qui vont être amorcées. Cela, M. le Président, comme ministre, je crois qua c'est ma responsabilité de dire: sûrement, vous pouvez fonctionner, et nous avons en main toutes les sommes nécessaires. Après avoir fait un relevé des dépenses possibles, vous pouvez y aller. D'ailleurs, nous avons aussi, au m'nistè-re, maintenant, un bureau de recherche composé d'hommes de valeur. Ils pourront sûrement être consultés par les membres du Conseil supérieur du travail et ils pourront lui fournir là une foule de renseignements qu'ils n'avaient pas autrefois et qu'ils ont présentement.

Le Conseil supérieur du travail aura aussi le droit de former des comités ad hoc sur sa propre autorité, et surtout d'étudier certaines législations qui sont soumises par le ministre, comme je viens de le dire, ou à leur propre initiative. En formant ces comités ad hoc, ils pourront, de leur propre initiative, étudier et la législation soumise par le ministre et celle qu'ils veulent amorcer.

Je dis donc que, chaque année, soit au plus tard le 30 juin, le conseil devra transmettre au ministre un rapport de ses activités pour l'année précédente, un rapport des études qu'il aura effectuées ou fait effectuer. Ce rapport —je l'ai demandé, je l'ai sollicité, je veux que ce soit dans la loi — sera soumis et communiqué à la Législature. Là, si le ministre n'a pas fait son devoir, si le ministre n'a pas rempli ses obligations, si le ministre n'a pas voulu entreprendre, n'a pas voulu donner l'autorisation au Conseil supérieur et au président du conseil supérieur d'entreprendre certaines études, ce sera ma responsabilité, la responsabilité du ministre, de dire pourquoi.

Alors, paix sociale, c'est une bonne médecine

préventive. On nous a dit qu'en politique, il fallait consulter. Nous l'avons fait, et j'ai ici des statistiques très récentes qui peuvent vous donner le nombre de séances qu'a tenues le Conseil supérieur du travail, comparativement à certaines autres années surtout depuis deux années. Ces consultations sont nécessaires pour ceux qui sont dans la vie publique. Nous n'avons pas le temps de faire toutes les recherches, de consulter toutes les autorités pour établir chez nous une véritable paix sociale. Cela constitue une voie avant-gardiste qui permettra à tous et chacun de bien remplir son rôle, de mieux aider la grande cause syndicale et patronale, la paix sociale et la sécurité du public.

M. le Président, j'ai vu dans les journaux ou entendu certaines déclarations à l'effet que certains organismes voulaient qu'on change le nombre de membres. Nous pourrons en discuter en comité. Je suis bien ouvert à toute discussion et je n'ai aucune arrière-pensée quant au nombre. Je dirai simplement qu'il y a, dans le tiers- monde, des gens qui voudraient qu'on leur enlève le droit de vote. Mais, ce n'est pas une assemblée où l'on sera continuellement aux prises, les uns avec les autres, et où l'on va faire arbitrer cela par le tiers-monde. Ce n'est pas cela. Si ces gens que nous irons surtout chercher parmi les personnes autorisées dans le tiers-monde, n'ont pas de responsabilités, c'est-à-dire s'ils viennent là simplement pour être consultés et qu'ils n'ont pas le droit de vote, quels sont ceux qui vont accepter? Ce n'est pas nécessairement des universitaires qui seront nommés. Il y aura, comme le dit la loi, des gens qui, au point de vue des relations de travail, ont de la compétence et peuvent rendre service au Conseil supérieur du travail et à l'administration du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre dans la province.

Il y a des gens qui, après nous avoir rencontrés, nous ont donné leur opinion. Nous les avons bien reçus, mais nous avons constaté qu'ils étaient fort déçus de voir qu'ils avaient, premièrement, oublié de lire le bill comme il le faut. Lorsque les détails leur ont été donnés, ils ont dit: Bien, nous ne pensions pas que c'était tout ce que le ministre voulait faire 1 Cela dépend un peu du battage de publicité qu'on fait pour rien, souvent. Quand on va dans les faits et qu'on vérifie les textes et les désirs de la législature, on se rend compte qu'il y a moyen de trouver la meilleure façon pour rendre le plus service à l'intérêt public.

Comme nous l'avons fait pour le code du travail, nous avons montré ici véritablement nos désirs et notre ferme volonté de coopérer. S'il y a des choses que les honorables membres de l'Opposition peuvent nous signaler pour le bien général, nous n'aurons aucune objection, ni de fausse honte, à accepter certains amendements qui pourront être pour le plus grand bien et surtout pour la plus grande paix au sein même du Conseil supérieur du travail.

Ah, oui! M. le Président, le lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance du bill et en recommande l'étude.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. BELLEMARE: Oui, certainement.

M. LESAGE: J'ai dû aller à mon bureau un instant pour chercher des documents. Est-ce qu'il a, au cours de son intervention, fait part à la Chambre de modifications qu'il avait l'intention d'apporter au bill à l'étude, lors du stade du comité plénier?

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE: C'est parce que j'avais cru comprendre que le ministre suggérerait lui-même des amendements. Il serait important pour l'Opposition de connaître ces amendements. En effet, si ces amendements sont le moindrement importants, ils peuvent, peut-être, modifier notre attitude quant au principe du bill.

M. BELLEMARE: J'aimerais mieux entendre les honorables députés et puis...

M. LESAGE: Ce n'est pas une question de marchandage !

M. BELLEMARE: Non, non, pas du tout! Ah non! au contraire! Non, ce n'est pas une question de marchandage.

M. LESAGE: Si nous pouvions connaître, au moins, la nature des modifications. Cela peut modifier le principe, parce que le bill que nous avons à l'étude ne vise pas à établir un conseil supérieur, mais à en modifier la structure.

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. LESAGE: C'est ça le principe. Alors, s'il y a des modifications au bill...

M. BELLEMARE : Ce n'est jamais en deuxième lecture.

M. LESAGE : II m'est arrivé souvent, alors que j'occupais un fauteuil de l'autre côté de la Chambre, d'annoncer, dès la deuxième lecture,

les modifications de principe que j'avais l'intention d'apporter afin que les députés de la Chambre, des deux côtés, soient en mesure de prendre une décision quant au principe du bill, en toute connaissance de cause.

Est-ce que le ministre ne nous donnerait pas une idée de ce qu'il a l'intention de suggérer comme modification? Je ne demande pas le texte.

M. BELLEMARE: Je sais où veut en venir l'honorable député de Louis-Hébert. C'est en droit parlementaire un homme extrêmement habile, et je comprends sa stratégie ce matin. Si l'honorable député de Louis-Hébert voulait faire comme on a fait dans la loi du ministère, la loi organique, on va entendre l'honorable député...

M. LESAGE: Oui, mais le ministre du Travail nous a dit, au cours de la discussion de deuxième lecture, qu'il apporterait des modifications et il nous a dit quel serait le sens des modifications.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE: Oui, dans sa réplique, le ministra a dit qu'il me donnerait satisfaction.

M. BELLEMARE: Oui, mais après vous avoir entendu.

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: Ah! bon, je vais entendre. Dans ma réplique, je dirai peut-être cela aussi.

M. Jean-Paul Lefebvre

M.LEFEBVRE: Je comprends mal le jeu de cachette que le ministre du Travail semble vouloir jouer ce matin avec les membres de cette Chambre. A tout événement...

M. LESAGE: II veut jouer au chat et à la souris.

M. LEFEBVRE: Bien oui, chacun, je le suppose, prend ses responsabilités. Quant à nous, ces bills, auxquels nous attachons la plus grande importance, sont soumis à l'attention de la Chambre à un moment où, peut-être, chacun espère secrètement la fin de cette session.

Je n'ai évidemment pas le droit de prêter au ministre des intentions perverses dans le choix de la date de dépôt de ses bills, et j'éviterai bien de le faire. Mais je voudrais vous assurer, et assurer le ministre du Travail, que, quant à nous, il nous place dans la position où nous devons, avec toute la vigueur dont c'est notre devoir de faire preuve en tant que membres de la loyale Opposition de Sa Majesté, critiquer le texte du bill tel que nous le connaissons présentement.

Encore une fois, je le regrette. Je trouve que c'est un jeu un peu factice. Si, d'aventure, le ministre avait l'intention de modifier le bill de façon substantielle, je comprendrais mal les raisons qui l'empêcheraient d'en informer la Chambre maintenant. Quoi qu'il en soit, c'est son droit d'agir de la sorte. Nous agirons nous-mêmes en conséquence.

Je voudrais — le ministre a semblé hier s'intéresser beaucoup à Platon — amorcer mes remarques de ce matin en lui citant une phrase de Platon. La sienne, hier, au sujet du bill 287, était en fait un peu hors d'ordre, puisqu'elle traitait du respect de l'autorité. La mienne, qui est aussi de Platon, traite de la souveraineté du peuple et Indiquera peut-être d'une part la vigueur qui nous anime, les raisons de cette vigueur et fera peut-être aussi regretter à un certain nombre de Québécois de n'avoir pas été plus viligants en juin 1966. Platon disait donc: « Ce qu'il en coûte aux gens de se désintéresser de la chose publique, c'est d'être gouvernés par des gens pires qu'eux-mêmes. » Voilà pour Platon et l'édification du ministre du Travail.

Le bill dont nous entreprenons l'étude est, quant à nous, dans sa forme actuelle, une mauvaise loi. Nous ne saurions donc approuver même son principe, encore une fois, dans sa forme actuelle. En effet, il propose de réaliser une transformation du Conseil supérieur du travail selon des modalités qui nous apparaissent empreintes d'un paternalisme dépassé et qui ne répondent aucunement à l'attente des partenaires sociaux que, pourtant, le bill propose d'associer à la bonne administration de la chose publique dans un secteur extrêmement important, celui de la main-d'oeuvre et des relations industrielles.

Je crois qu'il est absolument essentiel, pour l'information de cette Chambre et pour la postérité, que le dossier de ce bill soit entièrement versé au journal des Débats. C'est pourquoi, au risque — et je m'en excuse — d'ennuyer ceux de mes collègues qui auraient déjà pris connaissance du dossier que je m'apprête à livrer par la voie des journaux, je crois de mon devoir, parlant à la suite du ministre du Travail, et assumant la responsabilité qui m'a été confiée au sein de l'Opposition de faire la critique de ces bills, je crois de mon devoir de passer brièvement en revue les témoignages qui nous ont été apportés sur le bill 288. Ils démontrent en

effet à l'évidence que l'unanimité des employeurs et des syndicats est faite contre le bill et contre la philosophie que ce bill propose.

Encore une fois, si le ministre, par hasard dans sa sagesse, a déjà décidé d'en changer la philosophie, de transformer son bill d'une façon substantielle au point qu'il en serait différent, quant à moi, j'aurais bien préféré lui é-viter la volée de bois vert que représente ce dossier et que je ne voudrais pas lui administrer moi-même mais que lui administrent les dirigeants syndicaux et les chefs d'entreprise comme en font preuve les documents que je m'apprête à citer à la Chambre.

Le dossier n'est pas très long parce que les bills ont été connus en dernière heure et déjà c'est une critique, je pense, très fondée que plusieurs ont formulée: Pourquoi ces bills ont-ils été connus si peu de temps avant leur discussion par la Chambre alors que dans certains cas, on le sait, des bills sont inscrits au feuilleton pendant des semaines et portés à la connaissance du public?

Pourquoi le ministre refuse-t-il dans ce cas-ci de référer les bills au comité des relations industrielles de la Chambre alors que le ministre de l'Industrie et du Commerce, lui — et je l'en félicite —a proposé que le bill, par exemple, sur les heures de commerce soit référé à un comité de la Chambre?

Eh bien il n'est pas étonnant que cette attitude de la part du ministre du Travail, cet entêtement dont il dit qu'il voudrait bien ne pas faire preuve mais dont nous avons évidemment beaucoup de facilité à constater qu'au contraire il fait preuve, cet entêtement a été durement critiqué par plusieurs personnes, à mon avis respectables, et dont les opinions devraient être prises en plus sérieuse considération par le gouvernement et notamment par le ministre du Travail.

En date du 28 novembre, dans le journal le Devoir, je lis dans le cadre d'un article qui s'intitule « Vive réaction des syndicats à la réforme du Conseil supérieur du travail » le texte suivant. Il s'agit d'un télégramme adressé au ministre du Travail par MM. Louis Laberge, Marcel Pepin et Raymond Laliberté, dont on connaît les fonctions. Ces messieurs sont les trois présidents des grandes centrales syndicales, FTQ, CSN et CEQ.

Le message au ministre du Travail dit: « Nous apprenons avec stupeur que le bill que vous a-vez déposé sur la transformation du Conseil supérieur du travail est loin d'être en accord avec la recommandation unanime de tous les membres de cet organisme. Nous insistons pour que vous convoquiez dans les plus brefs délais le comité parlementaire des relations industrielles afin que les intéressés puissent se faire entendre ».

Je sais ce que le ministre répliquera à cela.

Il dira qu'à son avis, au contraire, son bill est conforme aux recommandations du Conseil supérieur. Mais il aura à en fournir la preuve. Comment peut-il refuser à des gens qui sont précisément représentés à ce Conseil supérieur et qui affirment que le bill est contraire aux recommandations unanimes du conseil, comment — si par hasard les deux parties étant de bonne foi, le ministre affirmant que son bill est conforme à ces représentations et les gens que je viens de citer affirmant qu'au contraire il n'est pas conforme — alors dans un cas comme ça ne faut-il pas qu'il y ait rencontre pour qu'on s'explique?

Or, le ministre a refusé de recevoir ces gens-là dans des circonstances dont nous avons déjà parlé en cette Chambre et sur lesquelles je ne veux pas revenir. Y a-t-il seulement les syndicats qui ont des critiques à formuler à l'égard du bill 288? Certes non. J'ai ici copie d'un télégramme que le ministre a reçu, daté du 29 novembre, et en provenance du centre des dirigeants d'entreprise. Le télégramme se lit comme suit: « Assemblée législative, Hôtel du gouvernement. « M. le ministre, le CDE ne peut pas endosser le projet de loi sur le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre. Bill 288 maintient statu quo et ne répond pas aux exigences de la situation actuelle. CDE insiste pour présenter ses vues devant le comité des relations industrielles ou vous-même si le comité n'est pas convoqué ».

Or, je sais que des représentants du CDE ont effectivement rencontré les autorités du ministère, sinon le ministre lui-même ou l'un de ses représentants, et j'espère que le ministre nous fera part des résultats nets de cette entrevue, du moins selon son appréciation à lui, parce qu'une déclaration subséquente et beaucoup plus détaillée du CDE nous porte à croire que l'entrevue n'a pas été très fructueuse.

En date du 2 décembre, dans le journal La Presse, je lis de la part de M. Laberge la déclaration suivante: « M. Laberge a répété l'urgence qu'il y avait de faire siéger le comité des relations industrielles de l'Assemblée législative sur les réformes suggérées au Conseil supérieur du travail ».

Si le Conseil supérieur du travail demeure comme le voit M. Maurice Bellemare, « le gouvernement se cherchera quelqu'un car nous, nous n'y seront pas », a dit M., Laberge,

M. le Président, est-ce là un climat favorable à l'établissement de la paix industrielle

dans le Québec? Est-ce là un climat de relations favorables entre le gouvernement et les centrales syndicales, aux objectifs que le bill poursuit et que le ministre prétend poursuivre en présentant ce bill à la Chambre?

Nous sommes en droit de nous le demander. En date du 4 décembre, dans le journal La Presse, on trouve cette fois une déclaration du président de la CSN, M. Pepin, qui soutient que jamais dans l'histoire du Québec un gouvernement, quel qu'il soit — même le gouvernement Duplessis — n'a eu l'inconscience de poser un geste semblable dans le domaine du travail, avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer, toutes les résistances que cela peut susciter chez d'importants groupes de travailleurs, toutes les confusions qui peuvent s'ensuivre.

C'est une véritable escalade de protestations. Le ministre se cache derrière sa petite majorité parlementaire, le ministre se cache...

M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point d'ordre. En vertu de l'article 285 de notre règlement, l'honorable député n'a pas le droit de dire que le ministre se cache derrière la majorité parlementaire. Je voudrais que l'honorable député retire cette expression qui n'est pas parlementaire et que ni de près ni de loin, il ne m'impute de motifs, que ni de près ni de loin, il traite une partie de la Chambre de majorité brutale.

M. LESAGE: Il n'a pas dit cela.

M. BELLEMARE: M. le Président, il a dit: Se cache derrière la majorité parlementaire. Le député sait que je ne suis pas de ces gens. Pour clore l'incident, je sais que l'honorable député voudra rester dans la ligne de notre procédure parlementaire.

M. LE PRESIDENT: Je pense bien que l'honorable député d'Ahuntsic conviendra qu'il doit retirer son expression.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je crois qu'en effet, mes paroles ont peut-être légèrement dépassé ma pensée. Ce bill m'indigne tellement que j'ai peine à contenir cette indignation. Je voulais évidemment simplement dire que le ministre se tenait derrière cette majorité, ce qui n'est pas lui prêter des intentions, mais constater un fait.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas mieux, M. le Président. Il y a une limite! Me faire passer pour un peureux!

M. LE PRESIDENT: Je pense que l'honorable député d'Ahuntsic ne me forcera pas à faire des analyses logiques et grammaticales de ses paroles. Je voudrais qu'il les retire tout simplement sans condition.

M. LEFEBVRE: M. le Président, puisque vous me le demandez, je le fais. Je ne voudrais pas, quant à moi, que nous déviions de l'objet du débat.

Au dossier que je suis en voie d'élaborer, je constate également qu'hier soir les trois centrales syndicales auxquelles j'ai fait allusion précédemment: CSN, FTQ et CEQ, tenaient une conférence de presse. Je ne voudrais pas avoir fait des présages dont je regrette, remarquez, la gravité et la portée, mais dès hier en Chambre, j'avais dit au ministre du Travail que, devant son attitude, il ne faudrait pas s'étonner si les partenaires sociaux décidaient de boycotter, par exemple, le futur Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre tel qu'il nous est proposé dans les formes et modalités que prévoit le bill 288. Or, précisément, hier soir, les centrales syndicales donnaient une conférence de presse et déclaraient notamment qu'advenant l'accord des employeurs, les dirigeants des trois centrales décideraient de former leur propre conseil supérieur du travail et de boycotter l'organisme gouvernemental si on n'apporte pas d'importantes modifications au présent texte de loi.

On demande, entre autres, d'accorder à la Commission des relations de travail le droit de faire des recommandations publiques au ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Des recommandations, de la part de la Commission des relations de travail? Ce ne serait pas le Conseil supérieur du travail?

M. LEFEBVRE: Oui, excusez-moi, c'est-à-dire que c'est une erreur du journal.

M. BELLEMARE: C'est sûr.

M. LEFEBVRE: C'est au Conseil supérieur du travail, d'accord. Je m'excuse, j'ai lu fidèlement ce qui était écrit.

M. BELLEMARE: Oui. Vous êtes servile.

M. LEFEBVRE: Non, mais je sais lire.

M. le Président, on s'interroge ici indirectement, dans cette déclaration des chefs syndicaux, sur l'attitude des employeurs.

Or, M. le Président, j'ai en main une pièce assez importante qui est une copie d'un télégramme adressé à l'honorable Jean-Jacques Bertrand, premier ministre, Hôtel du gouvernement, Québec, en date du 4 décembre. Ce télégramme est signé de M. Jean Brunelle, directeur général, et est adressé au premier ministre, au nom du Centre des dirigeants d'entreprises.

Et que pensent les employeurs? Est-ce que, par hypothèse, les syndicats auxquels je viens de faire allusion seraient les seuls à se plaindre de l'attitude du ministre du Travail? Est-ce que ce serait parce qu'ils n'aiment pas le ministre du Travail qu'ils lui font cette lutte? Est-ce que ce serait au strict point de vue des intérêts syndicaux qu'ils formulent des objections au bill? Eh bien, non, M. le Président, puisque le télégramme du Centre des dirigeants d'entreprises prouve à l'évidence que les employeurs partagent à peu près les mêmes vues. Ils ne l'expriment pas tout à fait de la même façon, mais, enfin, je laisse à cette Chambre le soin de juger elle même de la similarité de leur point de vue quant aux objectifs de base, en donnant lecture d'une partie de ce télégramme adressé au premier ministre et dont nous avons copie.

Au sujet du bill 288, on dit ceci: « L'amendement proposé à la Loi du Conseil supérieur du Travail — il s'agit, en fait, d'une loi nouvelle: ça, c'est mon interprétation - ne confère pas aux parties, patronale et syndicale, une liberté suffisante à l'endroit du ministère. Que le Conseil supérieur joue un rôle consultatif, soit, mais il devrait jouir d'une autonomie assez large pour organiser et exécuter son travail sans contrainte. A cette fin, nous croyons que le bill 288 devrait être modifié, a) Hormis l'aspect consultatif de son rôle, le choix de ses travaux ne devrait pas être soumis à l'approbation du ministère, b) Le groupe des spécialistes devrait être réduit à deux membres. S'il est maintenu à quatre, ceux-ci ne devraient pas jouir du droit de vote, c) Le conseil devrait pouvoir publier le résultat de ses recherches, quand il le juge à propos. » Cela veut dire au moment où les problèmes se posent à l'opinion publique et non pas un an après l'événement, comme le ministre le propose dans le rapport annuel. Cela ne tient pas debout.

M. BELLEMARE: M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. LEFEBVRE : C'est ce qui est dans la loi. M. BELLEMARE: J'ai dit, M. le Président, que mon refus serait enregistré dans le rapport annuel, avec les raisons qui l'ont motivé. C'est ce que j'ai dit. Ce n'est pas le rapport des activités. Je n'ai pas parlé du rapport et du moment où il pourrait être publié. C'est faux. Et on verra le tissu de faussetés...

M. LESAGE: Bien, un instant.

M. BELLEMARE: ... qui sont contenues dans ça.

M. LESAGE: M. le Président, s'il vous plaît!

M. BELLEMARE: Oui, oui, oui!

M. LEFEBVRE: M. le Président, je demanderais au ministre ou bien de prouver ce qu'il vient de dire ou bien de retirer ses paroles, parce que « le tissu de faussetés » dont il parle...

M. LESAGE: II n'a pas le droit de faire ça.

M. LEFEBVRE: ... ce sont à peu près uniquement des citations. Est-ce que tout le monde a menti, excepté lui, dans la province?

M. BELLEMARE: On verra...

M. LEFEBVRE: Quand est-ce que ça va cesser?

M. BELLEMARE: On verra, en déposant des documents officiels, quand le temps sera venu...

M. LESAGE: M. le Président...

M. BELLEMARE: ... si le député a dit la vérité ou si ce sont les dirigeants d'entreprises aujourd'hui...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: Je me suis...

M. BELLEMARE: ... ou le Conseil supérieur par l'attitude qu'il a prise dans le temps.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai utilisé le mot « fausseté » en Chambre l'autre jour, vous m'avez demandé de retirer cette expression, parce que je l'avais attribuée à un honorable ministre...

M. BELLEMARE: A une personne.

M. LESAGE: ... et je me suis rendu de bonne grâce à votre demande.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas à l'honorable député que j'ai dit ça.

M. LESAGE: Un instant.

M. BELLEMARE: Le tissu de faussetés qui sont contenues dans...

M. LESAGE: Ah, cela ne s'applique pas au député?

M. BELLEMARE: Non, non, pas au député.

M. LESAGE: Ah! très bien.

M. BELLEMARE: Dans le télégramme.

M. LESAGE: Ah! du moment que c'est dans le télégramme qu'il y a un tissu de faussetés...

M. BELLEMARE: Ah non! ce n'est pas à l'endroit du député. C'est dans le télégramme.

M. LESAGE: ... le premier ministre s'arrangera avec le signataire du télégramme.

M. BELLEMARE: Ah oui.

M. LESAGE: Pas le premier ministre, le ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Ah oui, d'ailleurs.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je constate que le ministre du Travail a le don de se faire des amis.

M. BELLEMARE: Ah oui, cela, ce n'est pas nouveau. Ce n'est pas une position pour...

M. LEFEBVRE: Je lui souhaite longue vie à son poste, mais, s'il continue à être seul à avoir raison dans cette province, je crois que l'administration de son ministère va être légèrement compliquée.

M. BELLEMARE s On verra ça.

M. LEFEBVRE: A tout événement, ça, c'est sa responsabilité à lui. Je poursuis, M. le Président, la lecture de ce que le ministre du Travail appelle un tissu de faussetés et que, mol, je considère comme un télégramme signé par des gens responsables, à savoir le directeur général du Centre des dirigeants d'entreprises.

M. le Président, j'en étais au paragraphe b). « Le groupe des spécialistes devrait être réduit à deux... »

M. BELLEMARE: Vous étiez au paragraphe d)?

M. LEFEBVRE: Oui, j'étais au paragraphe d).

M. BELLEMARE: « Ils devraient pouvoir envisager...

M. LEFEBVRE: «d) Ils devraient pouvoir envisager les questions les plus aptes dans le domaine du travail, de la main-d'oeuvre, du plein emploi et le reste. « A ce titre, il devrait inclure une représentation du secteur public, ou, du moins, être autorisé, exclusivement, à prendre l'initiative... »

M. BELLEMARE: Explicitement.

M. LEFEBVRE: Moi, je lis le texte que j'ai.

M. BELLEMARE: C'est « explicitement » qui est dans le texte.

M. LEFEBVRE: Bon, très bien. Cela a plus de bon sens. C'est une erreur de copie. Pour une fois, je donne raison au ministre du Travail.

M. BELLEMARE: C'est cela, vous êtes obligé.

M. LEFEBVRE: ... « être autorisé, explicitement, à prendre l'initiative de collaborer avec le secteur de la fonction publique ». Plus loin, dans ce télégramme, cela me fait plaisir, parce qu'on y tient des propos qui se rapprochent singulièrement de ceux que j'ai tenus dans cette Chambre, pas plus tard qu'hier. Je regrette que le ministre du Travail n'ait pas voulu prendre plus au sérieux les propos du député d'Ahuntsic. Apparemment, il ne prend pas grand monde au sérieux.

A tout événement, je lui rappellerai quand même ce que les dirigeants d'entreprises disaient dans leur télégramme au premier ministre. Je lis la transcription que j'ai ici. Le ministre pourra suivre et, si j'ai des erreurs de copie, il me corrigera. « Le CDR est d'avis que cette situation est malsaine. » On parle de la situation qui existe présentement dans le Québec, au point de vue des relations patronales-ouvrières. « Pour des raisons d'économie, d'efficacité et de progrès social, le gouvernement ne doit rien faire de ce qu'il peut faire faire.

Dans les domaines de la formation, de l'emploi et plusieurs autres, les entreprises et les associations patronales et syndicales pourraient assumer, si on leur lançait le défi approprié, des responsabilités qui les engageant dans le processus économique et social, en feraient des partenaires actifs de l'Etat, et leur permettraient de participer directement au règlement ou à la prévention de multiples situations difficiles. « L'évolution des relations de travail dans les pays plus avancés, notamment en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas, peut servir de preuve à ce principe. L'ignorer, ce serait compliquer inutilement l'administration du ministère, confirmer l'indifférence des employeurs dans leur devoir collectif et contribuer à accentuer le caractère de plus en plus agressif des activités syndicales. Il nous semble que le rôle de l'Etat n'est pas de multiplier les tracasseries administratives, mais de convier le syndicalisme et le patronat à bâtir avec lui une société plus harmonieuse et plus prospère. Il s'agit d'un rôle de leadership que le gouvernement seul est en mesure d'assumer. « De plus, il est évident que, dans la refonte des lois du travail, les gouvernements procèdent avec une hâte inacceptable. L'ordonnance no 3, qui oblige tous les employeurs à accorder deux semaines de vacances à leurs employés àpartir du 1er janvier prochain; le bill 289, qui réduirait la semaine de travail des femmes et des jeunes de 60 à 48 heures, auront des répercussions très sérieuses sur une multitude d'entreprises. Etc. »

M. le Président, je pense que vous aurez reconnu — en tout cas dans une grande partie de ces propos — le genre de propos que nous avons tenus souvent de ce côté-ci de la Chambre.

M. BELLEMARE: Lisez ce qu'ils disaient aussi sur le bill 287.

M. LEFEBVRE: Je n'ai pas... M» LESAGE: Il n'a pas le droit.

M. BELLEMARE: Ah, il n'a pas le droit, oui. Vous avez raison.

M. LESAGE: On ne peut pas référer à un débat antérieur.

M. BELLEMARE: Vous avez raison. Vous verrez quelle belle objectivité ils ont ce matin.

M. LEFEBVRE: M. le Président, si vous me le permettez, je n'ai pas d'objection à le lire. C'est un document public. Il a été remis aux journaux. Mais, je n'en vois pas l'utilité, puisqu'on vient de voter le bill.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense bien que nos règlements, surtout, ne nous le permettent pas.

M. LESAGE: N'allez pas croire qu'il s'agissait d'une approbation du bill 287.

M. BELLEMARE: Mais c'est dans le même genre et la même sorte de style. Alors, imaginez-vous!

M. LEFEBVRE: M. le Président, j'ai personnellement eu l'occasion de causer avec un certain nombre d'employeurs. A titre individuel, comme employeurs, ils ne sont pas nécessairement des officiers du CDF. En tant que personnes responsables dans l'administration des entreprises et dans la gestion du personnel, ils m'ont également fait part de leur désaccord avec la philosophie du ministre du Travail et avec sa façon de traiter et les employeurs et les syndicats. Quant à moi, je trouve invraisemblable que cette Chambre soit témoin d'une telle attitude de la part d'un homme qui, il l'a dit lui-même, porte une si grande responsabilité dans la province et au sein du gouvernement.

Quant à nous, en tant que membres du parti libéral et membres de cette Chambre, comment pourrions-nous approuver le principe de ce bill 287, alors que nous avons voté, lors de notre dernier congrès, j'attire votre attention sur la similitude, la ressemblance. Cela ne veut pas dire que l'un est inspiré de l'autre.

Loin de moi l'intention de faire une telle allusion, mais vous remarquerez que le parti libéral, dans sa résolution adoptée lors de son dernier congrès, colle de très près aux besoins que ressentent et les employeurs et les syndicats. Justement, par ses attitudes, par les institutions qu'il mettrait sur pied s'il était au pouvoir, contrairement à l'attitude du gouvernement actuel dans son bill 288, le parti libéral désire faire toute la confiance souhaitable aux partenaires sociaux.

Je tiens à verser au dossier le texte de cette résolution qui se lisait comme suit: « Attendu que le congrès du parti libéral du Québec a proposé la création d'un ministère de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration; « Attendu que les employeurs et les travailleurs du Québec portent une très grande responsabilité dans l'utilisation maximale des ressources humaines de notre province en vue du progrès économique et social; « Attendu qu'un gouvernement libéral se de-

vrait d'accorder aux représentants autorisés des employeurs et des travailleurs une confiance beaucoup plus grande et une collaboration plus soutenue; « Attendu que les politiques de main-d'oeuvre dans une économie en expansion sont d'une grande complexité et requièrent la participation de tous les intéressés; « Qu'il soit résolu 1) d'inviter le prochain gouvernement libéral à créer un conseil provincial de la main-d'oeuvre; 2) ce conseil devrait être formé, en nombre égal, de représentants des employeurs et des travailleurs. Le gouvernement devrait déléguer quelques observateurs auprès de ce conseil — vous voyez, M. le Président, la différence de philosophie entre les deux approches, celle du gouvernement et la nôtre. Vous voyez que nous ne sommes pas de la même époque — 3) Le conseil sera invité à transmettre au gouvernement toute recommandation concernant les amendements jugés nécessaires à la législation du travail ou à toute autre législation relative aux politiques de main-d'oeuvre et au développement économique en général. 4) Le conseil devrait être invité particulièrement, et dès sa création, à étudier parallèle ment, mais de façon autonome par rapport aux études entreprises par les services gouvernementaux... »

Remarquez-le, M. le Président, de façon autonome. Pourquoi vouloir tout contrôler? Pourquoi vouloir tout étouffer en « bureaucratisant » toutes les activités d'un conseil comme celui-ci? Vous constatez que ce n'est pas notre attitude. Je poursuis la lecture: « Parallèlement donc, mais de façon autonome par rapport aux études entreprises par les services gouvernementaux les problèmes suivants: le chômage saisonnier, l'emploi des travailleurs handicapés et des personnes âgées, le travail à temps partiel, le recyclage, le travail de la femme, le chômage chronique et l'établissement de mécanismes permanents d'arbitrage des conflits de droits, qui surviennent pendant la durée des conventions collectives de travail. »

Voilà, une philosophie qui nous apparaît de ce siècle. Voilà une philosophie qui nous apparaît adaptée aux besoins actuels. Voilà une philosophie qui nous apparaît au-delà des conflits d'intérêt, si vous voulez, et au-delà des positions particulières des syndicats d'une part et des employeurs d'autre part. Voilà une approche qui nous apparaît justement vouloir favoriser les méthodes propres à trouver les dénominateurs communs. Voilà une façon de traiter qui pourrait assainir le climat des relations patronales-ouvrières et, d'une façon générale, l'utilisation de la main-d'oeuvre. Or, que fait le gouvernement? Plutôt que de faire un pas en avant, il fait un pas en arrière. Le bill actuel, tel qu'il est rédigé, est plus restrictif que la loi qui régit présentement le Conseil supérieur. Or, c'est une loi démodée; le ministre l'a dit lui-même. Mais, au lieu de proposer son remplacement par une loi qui soit à la date de ce jour, le ministre nous propose une loi de l'ancien temps. Le ministre nous en propose une qui fait l'unanimité des employeurs et des syndicats contre lui.

Je vous ferai remarquer que ce n'est pas une chose tellement facile de faire l'unanimité des employeurs et des syndicats. Cela fait plusieurs fois, M. le Président, depuis que le député de Champlain est ministre du Travail, qu'il réussit ce tour de force d'être blâmé simultanément par les employeurs et par les centrales syndicales. M. le Président bien que nous soyons à l'approche des Fêtes, bien que nous soyons à la fin de la session, comment voudriez-vous que nous puissions approuver le principe d'une telle loi, alors qu'elle nous apparaît contraire à la fois, au sens de l'histoire,à la prudence politique la plus élémentaire et à la sagesse administrative la plus élémentaire également?

M. le Président, je notais, à la suite de quelques articles publiés sur ces sujets-là et exposant la philosophie de mon parti sur ces questions de main-d'oeuvre.

J'ai reçu une lettre, dont je ne pense pas utile de révéler le nom de l'auteur, parce que c'était une lettre personnelle, mais je voudrais que le ministre comprenne qu'il pense être le seul à avoir le pas dans la province, alors que la plupart des gens, observateurs indépendants, représentants patronaux ou représentants syndicaux, pensent différemment du ministre du Travail.

Dans une armée, quand il n'y a plus qu'un soldat qui a le pas, c'est un peu inquiétant pour ce soldat, et je crois que c'est ce qui est en train d'arriver au ministre du Travail.

Mon correspondant me disait à propos de cette idée de la création d'un conseil de main-d'oeuvre qui ait l'autonomie que souhaitent les dirigeants syndicaux et les dirigeants patronaux: — attendez, excusez-moi — « Ainsi, l'abolition du Conseil supérieur du travail pour y substituer un conseil de la main-d'oeuvre, m'apparaît le point de départ d'une vraie réforme. Pour ce faire, il me semble essentiel que ce nouveau conseil ne soit plus exclusivement consultatif du ministre du Travail et qu'il puisse vivre par lui-même. L'action, plus ou moins coordonnée du ministère de l'Education et du ministère du Travail, que l'on peut sentir et ressentir au niveau des centres d'apprentissage et des écoles régionales, devrait être étudiée davantage. » Là, c'est un autre sujet... Mais, encore une fois, sur

les objectifs de base dont je parle présentement en cette Chambre, sur les objectifs que devrait normalement rechercher le bill 288, tout le monde dans la province me semble unanime. Ce n'est pas une question de partisanerie politique. Ce n'est pas une question d'intérêts syndicaux proprement dits, ni d'intérêts patronaux proprement dits, c'est une question, encore une fois, et je viens de vous en donner quelques preuves, qui fait l'unanimité de tous.

Or, devant cela, le ministre s'assied et dit: Non! Nous lui disons, vous avez un bill arriéré, vous avez un bill qui retourne en arrière, est-ce que, si vous êtes si sûr de votre affaire, vous ne devriez pas le soumettre au comité des relations industrielles de la Chambre? Il nous dit: NonI Nous pensons, M. le Président, que l'attitude du ministre est une attitude qui n'est pas raisonnable. Quant à nous, nous ne saurions l'accepter sans nous élever avec force.

Il y a un point auquel le CDE fait allusion et qui m'apparaît fort important. C'est la question du secteur public. Je regrette que, dans son bill, le ministre n'ait pas prévu, justement, d'ajouter des paragraphes qui nous eussent exposé son intention d'ajouter aux objectifs du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre la dimension de secteur public. Je pense, M. le Président, et le centre des dirigeants d'entreprises en traite dans son télégramme, que c'est là une dimension certes relativement nouvelle chez nous, mais qui prend de plus en plus d'importance. Je pense qu'il est absolument nécessaire, dans l'hypothèse d'un conseil de maiiKl'oeuvre qui serait relativement autonome vis-à-vis du ministre, je pense qu'il serait intéressant que le gouvernement fût représenté au sein du conseil, mais cette fois, en tant qu'employeur. Il participerait, sur un pied d'égalité avec les autres employeurs, aux débats concernant les modifications à apporter aux lois. Il participerait avec les autres employeurs aussi, et avec les syndicats, à la discussion de grandes questions comme les politiques salariales à long terme, les objectifs du développement économique et de l'utilisation de la main-d'oeuvre, etc.

Evidemment, lorsque le premier ministre de cette province tient, sur le problème des relations entre le gouvernement et ses employés, des propos aussi étonnants et aussi démodés, à mon avis, que ceux qu'a tenus le premier ministre actuel, lors d'un conflit récent, alors qu'il s'opposait sans justification valable à la simple nomination d'un médiateur, je pense que cette attitude-là, évidemment, est conséquente, si vous voulez, avec la philosophie que nous expose le bill 288, et avec l'absence de considération de ce problème dans le bill 288.

Mais, je ne puis m'empêcher d'en exprimer le regret au nom des membres qui siègent à votre gauche en cette Chambre. Je pourrais, mais je m'en priverai de façon à ne pas allonger inutilement les débats, notre objectif n'est pas de faire un « filibuster » comme on le dit couramment.

Mais notre objectif est de faire sentir au ministre du Travail que c'est peut-être sa dernière chance de regagner la confiance des partis. Toutefois, je lui dirai — et sur le ton le plus modéré, le plus calme qu'on puisse imaginer — qu'il devra pour cela faire un effort considérable parce qu'en effet, il y a une certaine constance dans son attitude, constance que l'on peut retracer, par exemple, lorsque le 5 mai 1967, il a en cette Chambre exprimé sa conception d'un Conseil supérieur du travail. Il est bien évident que cette conception était l'apologie du bill que nous avons devant nous. Apologie anticipée, puisque dans le cerveau du ministre cette théorie vieillotte d'un ministre du Travail bon papa qui dirige tout le monde, qui contrôle tout, avait déjà pris forme et nous préparait déjà ce fantôme démodé qu'est le bill no 288.

J'éviterai au ministre le déplaisir de relire trop en longueur ce discours, mais je crois quand même de mon devoir d'attirer son attention sur un passage du discours qu'il a prononcé à la Chambre le 5 mai 1967, alors que nous parlions justement du Conseil supérieur du travail.

Le ministre disait alors ceci: « Le Conseil supérieur du travail, sa définition, son rôle, c'est d'étudier librement toutes les questions qui regardent le travail, son organisation, ses rapports, particulièrement les études, les questions relatives à la protection des ouvriers et des salariés, la rationalisation du travail, les conventions collectives de travail, les minima de salaire, les accidents de travail, d'apprentissage, l'orientation professionnelle, et le reste », disait le ministre. Il y en a encore quatre lignes.

Tout cela, le Conseil supérieur du travail peut le faire tant qu'il veut, sauf qu'il y a une exception à l'article 3 qui dit: « Le Conseil supérieur, de son initiative,peut aussi diriger ses recherches sur telle ou telle autre question sociale, et pour ce faire — c'est là le côté humoristique du ministre du Travail — il a le droit de faire ratifier son travail par le ministre. » II est bien évident que le texte de la loi actuelle est clair. Il ne s'agit pas de savoir s'il a le droit; il est tenu de faire ratifier ses choix par le ministre. Je pense que, dès ce moment-là, le ministre ne présentait pas une image réelle de la restriction à la liberté du conseil, d9s limites à sa liberté d'action, puisqu'il donnait da la loi

une interprétation qui, à mon avis du moins, n'était pas exacte. Je pense que c'est assez évident, d'ailleurs.

Or, le ministre a dit aux membres de cette Chambre qu'il appuyait son bill sur les recommandations du conseil. Je voudrais msttre le ministre du Travail en garde — parce qu'il a suffisamment, à mon avis, mis les pieds dans les plats au sujet de ces bills que je voudrais lui éviter une occasion supplémentaire de le faire — contre la tentation qu'il pourrait avoir, qu'il me semble avoir de citer aux membres de cette Chambre des recommandations du Conseil supérieur du travail qui ne seraient pas les dernières en date. Je le vois sourire, mais il ms saura gré de lui avoir évité au moins ce faux pas. Parce que nous, nous savons, nous croyons savoir que les recommandations, dont le ministre m'a lui-même fourni copie, d'ailleurs, pensant tout naïvement que j'allais tomber dans le piège, sont datées de 1966.

DES VOIX: Ah!

M. LEFEBVRE: Le ministre m'a remis copie de ce document. Comme je n'ai pas de correspondance secrète avec le ministre, je présume que je peux informer la Chambre du fait qu'il m'a remis copie de ce document. Je voudrais dire au ministre que mon petit doigt et celui de ma grand-mère m'informent également que le Conseil supérieur du travail, tel qu'il existe présentement, a transmis au ministre des recommandations plus récentes et différentes.

M. BELLEMARE: Le 27 mars 1968.

M. LEFEBVRE: C'est ça. Là, vous avez la bonne date. Alors je vous al évité un faux pas, vous l'admettrez...

M. BELLEMARE: Non, non, je l'ai, n'ayez pas peur.

M. LEFEBVRE: ... parce que le ministre s'apprêtait...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LEFEBVRE: ... parce que si le ministre ne s'apprêtait pas à faire ça, pourquoi m'a-t-il remis le procès-verbal de 1966 et pas celui de 1968? Je suis franc avec le ministre, moi.

M. LAFRANCE: Un piège à ours.

M. LEFEBVRE: Je vous parle franchement, mais je vous dis: N'essayez plus les pièges à ours avec le député d'Ahuntsic.

M. BELLEMARE: M. le Président, je ne vais pas laisser l'honorable député mettre en doute mon intégrité et mon honnêteté.

M. LEFEBVRE: Non!

M. BELLEMARE: C'est une question de privilège.

M. LEFEBVRE: Allez-y!

M. BELLEMARE: M. le Président, ni le député d'Ahuntsic ni un autre ne pourra mettre en doute ni mon intégrité ni mon honnêteté. Je lui al remis ce qui concernait directement les recommandations du conseil du travail comme je les ai remises à tous les autres membres qui en ont fait la demande, concernant directement chacun des articles du bill du conseil supérieur.

Quant on parle de la résolution et des délibérations du 27 mars 1968, c'est tout différent.

M. LEFEBVRE: C'est justement ce que j'affirme.

M. BELLEMARE: Pas quant aux conclusions, aux articles.

M. LEFEBVRE: Vous les lirez à la Chambre. Ce que j'affirme, c'est qu'il est curieux que le ministre qui était si soucieux de porter à ma connaissance le procès-verbal de 1966...

M. BELLEMARE: Non, c'est vous qui me l'avez demandé.

M. LEFEBVRE: ... a oublié. Le ministre m'en a parlé. Je lui ai dit: Avez-vous objection à m'en passer une copie? Il m'a répondu: Non, certainement pas. Mais pour compléter mon information, il aurait dû me donner celui de 1968.

M. BELLEMARE: Il n'en a pas été question. D'ailleurs, ce n'est pas le même sujet.

M. LEFEBVRE: Alors tout ce que je demande au ministre, c'est que s'il veut faire allusion en cette Chambre aux recommandations du Conseil supérieur du travail, je l'inviterai charitablement et fraternellement à prendre les dernières en date. Autrement, il trouvera dans cette Chambre des gens pour lui rappeler qu'entre

1966 et 1968, il a pu se passer des événements qui ont amené certaines personnes à changer d'opinion.

Je terminerai sur ce mes remarques en deuxième lecture. Nous avons évidemment et nous aurons au stade de l'étude en comité et en d'autres stades forcément un grand nombre d'amendements à proposer. Je tiens à dire une fois de plus — parce qu'avec le ministre du Travail ce n'est pas mal de répéter que, quelquefois il a un peu la tête dure. Je lui dis ça en toute amitié — mais je regrette quant à moi que le ministre ait voulu jouer à ce jeu de cachette parce que nous, nous avons étudié le bill, nous allons présenter des amendements. Si le ministre nous avait fait part de ses amendements, peut-être cela aurait-il simplifié les débats.

Je ferai remarquer au ministre du Travail que c'est lui-même qui se place dans une position qui est tellement indéfendable qu'on ne peut pas faire autrement que de frapper assez fort. On n'aime pas ça, on est des gens doux...

M. BELLEMARE: C'est effrayant!

M. LEFEBVRE: ... de ce côté-ci de la Chambre, on a le coeur sensible. Mais que voulez-vous, le ministre ne nous donne pas le choix.

M. BELLEMARE: Quel bon acteur!

M. LEFEBVRE: Alors, quant à moi, j'ai terminé. Je répète que le ministre a fait l'unanimité contre lui et si je voulais être machiavélique je souhaiterais qu'il reste sur ses positions actuelles parce qu'au point de vue politique cela sera terrible pour lui.

Mais comme nous travaillons ici dans l'intérêt des citoyens et non pas uniquement pour le plaisir d'avoir raison, j'espère que le ministre voudra bien faire preuve de la souplesse qu'il nous a affirmé avoir découverte depuis quelques jours. Il nous a dit qu'il était devenu un homme souple. Tant mieux pour lui, s'il veut recommencer une nouvelle carrière. Ce sont des choses qui arrivent. On a vu déjà d'autres personnages changer de personnalité. Si le ministre s'est découvert un nouveau tempérament, si le ministre maintenant est prêt à ne pas nécessairement prendre la mouche quand les gens diffèrent d'opinion avec lui mais au contraire à écouter les suggestions constructives...

M. LE PRESIDENT: Malheureusement il n'y a pas d'article concernant la personnalité du ministre dans ce bill et je dois rappeler à l'ordre l'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: Je vous remercie, M. le Président, mais j'allais justement vous remercier de votre patience et remercier les membres de cette Chambre et répéter que lorsque viendra l'étude en comité nous aurons sûrement plusieurs amendements à soumettre à ce bill que nous considérons mauvais.

Quant à la deuxième lecture, je ne vois vraiment pas comment nous pourrions nous permettre de voter en faveur du bill tel qu'il est puisque nous pensons que c'est une mauvaise loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee,

M. Victor-C. Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je serai bref, je ne suis pas expert en relations de travail. J'ai quand même une certaine expérience des relations humaines, non seulement au niveau des individus, mais également au niveau des organismes et groupements.

Plusieurs organismes et groupements s'intéressent à ce problème. Ils sont toujours moins importants que le gouvernement de la province, c'est clair. Mais, quand même, la paix sociale, le bonheur social, le progrès social dépendent non seulement des relations qui pourront exister entre le gouvernement et de tels organismes, mais du respect mutuel qui existera entre les milieux gouvernementaux et les milieux patronaux et ouvriers, parce que c'est de ces milieux que nous parlons aujourd'hui.

L'importance de ce genre de conseil se révèle par l'examen que je ferai brièvement des attitudes du gouvernement dans le passé. Il. y a à peu près deux ans, dans un discours du trône qui nous a été lu, le gouvernement actuel a proposé que le Conseil législatif soit aboli et soit remplacé par un organisme où les corps intermédiaires trouveraient leur place, une place juridique, et auraient l'occasion de s'exprimer sur des questions de cette nature.

Or, nous venons de voter une loi qui abolit le Conseil. Nous ne sommes pas encore au stade de constituer un autre organisme pour le remplacer. Pour ma part, j'espère qu'on n'y arrivera pas. Nous sommes pourtant à discuter ici...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, j'ai permis un début de parenthèse à l'honorable député de D'Arcy-McGee, mais il conviendra qu'on ne peut s'engager sur cette question-là à l'occasion de l'étude du bill 288.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je fais simplement une comparaison, à cause de la na-

ture du conseil que nous discutons aujourd'hui et des fonctions qui seront attribuées à ce conseil. Je fais des comparaisons quant aux mécanismes dont on peut se servir afin de consulter les milieux intéressés sur des problèmes qui concernent toute la société. Or, je faisais simplement cette comparaison pour dire que je trouve ce mécanisme supérieur de beaucoup à ce que le gouvernement nous a proposé, par le passé, parce que cette idée d'une Chambre haute, constituée de ces corps intermédiaires, me semblait empreinte d'un corporatisme démodé et dangereux. Donc, je préfère de beaucoup les conseils que nous avons constitués dans plusieurs ministères, afin de permettre aux milieux intéressés de s'exprimer sur les problèmes de l'heure.

Mais, quand même, j'ai des restrictions, dans mon esprit, quant à la valeur du projet de loi, à cause des principes qui s'y trouvent, et je dis au ministre que je suis loin d'être satisfait de ce qu'il nous propose et des explications qu'il nous a fournies dans son discours de deuxième lecture.

H me semble que c'est notre but principal d'étudier tout le problème des relations patronales-ouvrières et, en ce faisant, de fournir aux intéressés des lieux et des occasions de rencontre.

Après tout, M., le Président — le ministre lui-même en a parlé lorsqu'il a fait allusion à beaucoup de reprises à sa fameuse pilule — la question de la prévention des crises patronales-ouvrières, des crises du domaine du travail. C'est une question extrêmement importante.

Il y a lieu — le député d'Ahunstic l'a fait le premier — d'étudier ce qui se fait dans d'autres juridictions ou dans d'autres pays de façon à trouver les meilleurs moyens de prévenir les conflits et d'établir des relations entre patrons et ouvriers, qui finiraient par leur permettre de résoudre leurs différends au lieu d'arriver à des crises et à des conflits répétés.

La constitution ou plutôt la modification de ce conseil — parce qu'il s'agit d'une modification de la composition et de la fonction de ce conseil — s'inscrit, j'espère, dans cette ligne de pensée, parce qu'il est essentiel que nous arrivions à de telles solutions à nos problèmes de paix sociale et industrielle.

Avec tout cela, je trouve qu'il y a lieu d'accorder à ce conseil, pas nécessairement une autonomie absolue, mais quand même une indépendance d'expression, qui n'est pas fournie par la loi que nous avons devant nous. Nous ne voudrions pas que ce conseil devienne, par la présente loi, un simple conseil maison. Il faut que ceux qui y participeront puissent s'exprimer avec une certaine indépendance qui ne sera pas restreinte par les intérêts du ministère du Travail. En effet, il y a malheureusement des divergences de vues quant à ce projet de loi et ces divergences sont soulignées par les attitudes exprimées dans les milieux patronaux et dans les milieux ouvriers. Nous ne voudrions pas que ce conseil demeure simplement un conseil maison.

Je suis certain que le ministre, avec la bonne foi et avec les bonnes intentions qu'on lui reconnaît, ne voudrait pas passer par-dessus les objections des intéressés comme un rouleau compresseur — je ne dirai pas sur des chemins glacés, en un certain endroit de cette province —. Je crois que, s'il peut ouvrir son esprit aux recommandations qui émaneront des députés de l'Opposition pendant la discussion en comité plénier, ce sera utile pour les intérêts de toutes les parties en cause.

Je préférerais, pour ma part, qu'il aille plus loin, qu'il retienne son projet de loi, qu'il permette aux intéressés de s'exprimer davantage et qu'il réfléchisse sur les opinions qui seront ou qui ont déjà été exprimées, mais que le ministre ne semble pas avoir voulu écouter.

Alors, je crois qu'il y a lieu de reviser considérablement le projet de loi que nous avons devant nous. Les députés de l'Opposition sont prêts à jouer leur rôle en suggérant des modifications, mais, pour ma part, ce serait encore mieux si le ministre trouvait moyen d'écouter ceux qui sont encore plus experts dans ce domaine que celui qui vous parle.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond.

M. Bernard Pinard

M. PINARD: M. le Président, je tenterai d'être le plus bref possible, mais je voudrais quand même dire ce que je pense du projet de loi actuellement à l'étude.

Après avoir fait des comparaisons entre le bill qui nous est présenté par le ministre du Travail et qui reconstitue, en quelque sorte, l'ancien Conseil supérieur du travail, mais sous une nouvelle appellation qui se lit comme suit: Loi du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, je constate, après une étude attentive des dispositions du chapitre 140, qui a constitué à l'époque le Conseil supérieur du travail, et des dispositions du bill actuellement à l'étude, qu'il y a quand même des différences fondamentales dans la conception que se fait actuellement le ministère du Travail du rôle du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, de l'orientation de ses travaux et aussi de l'espèce de rôle d'incitation qu'il pourrait jouer.

Je suis porté à croire que la nouvelle loi donnera moins de pouvoirs au Conseil supérieur du travail que l'ancienne loi ne lui en a donné jusqu'ici. Je me demande vraiment pourquoi le ministre ferait un retrait ou une volte-face, en quelque sorte, alors qu'à mon avis le problème des relations patronales-ouvrières est beaucoup plus complexe aujourd'hui qu'il ne l'a été et que les conséquences sur le plan social et économique sont plus graves qu'elles ne l'ont jamais été.

Nous, de l'Opposition, croyons que toutes les législations du travail, tous les organismes chargés de faire le pont entre les grandes centrales syndicales et les grands conseils patronaux devraient avoir en main des instruments modernes, efficaces et suffisamment adaptés pour jouer le rôle qu'on attend d'eux, pour permettre un meilleur climat de dialogue, un plus grand esprit de compréhension et aussi pour rapprocher davantage les parties de sorte qu'elles puissent en arriver à des solutions efficaces à court et à long terme, mais susceptibles quand même d'apporter la paix, l'ordre et la prospérité dans notre province.

Je me demande si les modifications proposées par le ministre pourront avoir, sur le plan pratique, ces conséquences dont nous avons parlé tantôt et dont surtout le député d'Ahuntsic a parlé. Il faut quand même se demander quel doit être le rôle de ce Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre. S'agit-il pour lui d'avoir strictement un rôle de consultation ou s'il ne devrait pas plutôt avoir un rôle d'incitation? Ne devrait-il pas servir de chambre de compensation des problèmes qui se posent au niveau des grandes centrales syndicales et des grandes associations patronales, surtout lorsqu'arrivent des moments de crise grave? Le ministre du Travail ne devrait-il pas plutôt se servir de cet instrument que sera le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre comme d'un pare-chocs qui aurait pour rôle d'absorber les coups, de les diminuer et d'agir beaucoup plus directement au niveau des structures de dialogue entre la partie patronale et la partie syndicale? Pour agir, en quelque sorte, comme chambre de compensation des problèmes et tout à la fois pour jouer un rôle de consultation et aussi un certain rôle de direction dans l'étude des problèmes qu'auront à faire, ensemble, les partenaires sociaux, comme on les a appelés tantôt.

Je crois que ce serait pour ce Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre un objectif beaucoup plus valable à nous proposer et un rôle beaucoup plus adapté aux besoins de l'heure. Encore une fois, si nous faisons une étude comparative de l'ancienne loi et des dispositions contenues dans le bill no 288, je crois que nous avons raison de prétendre, nous de l'Opposition, qu'il y a régression, retrait, diminution des pouvoirs accordés au Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre par rapport à ceux que la loi organique contenue au chapitre 140 lui accordait de façon effective.

Le ministre voudrait-il se substituer, en quelque sorte, à ce Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre pour, lui, avoir plus de pouvoirs d'incitation, plus de pouvoirs de direction, plus de pouvoirs de décision, nous l'ignorons? Le ministre ne nous l'a pas expliqué, pas suffisamment du moins, alors que nous, nous prétendons, M. le Président, que le ministre devrait plutôt se servir de ce Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre pour lui faire jouer un rôle beaucoup plus direct auprès des grandes centrales ouvrières, au sein des grands conseils patronaux pour leur expliquer la conception, la philosophie des nouvelles lois du travail actuellement en vigueur dans la province, pour mieux informer les partenaires sociaux des nouveaux courants économiques qui se dessinent dans la province, de l'orientation économique donnée par le gouvernement actuel, et par les structures qu'il a créées afin de mieux informer tous les partenaires sociaux des implications qui découlent nécessairement des nouvelles législations que le Parlement du Québec a adoptées, depuis disons 1960. Nouvelles législations que le nouveau gouvernement a adoptées depuis 1966 par exemple, en matière de relations de travail, en matière économique, en matière de planification économique, en matière de planification économique, en matière d'investissement industriel, d'incitation à l'investissement plus considérable de nouveaux capitaux sur notre territoire.

Alors, M. le Président, voilà autant de questions dont le Conseil supérieur du travail devrait être saisi, dont il devrait faire l'étude, qu'il devrait mieux assimiler avec des représentants plus spécialisés dans toutes ces questions, pour être en mesure de jouer un rôle beaucoup plus direct auprès des partenaires sociaux auxquels le député d'Ahuntsic a fait allusion tantôt et je crois qu'en ce faisant le ministre du Travail et ses hauts fonctionnaires pourraient jouer beaucoup plus facilement le rôle d'arbitre qui normalement devrait leur être dévolu lorsque surviendront des crises graves, des crises très difficiles à régler.

A ce moment-là il aura eu plus de recueil se sera accordé plus de liberté de manoeuvre, il aura eu recours pendant plusieurs mois à une institution comme le Conseil supérieur du tra-

vail qui aura joué un rôle de pare-chocs comme je l'ai dit tantôt à défaut de trouver un meilleur terme pour bien expliquer le fond de ma pensée et en ce faisant, le ministre du Travail aura une meilleure vue d'ensemble des problèmes et pourra être en mesure de jouer un rôle d'arbitre beaucoup plus efficace et dont les décisions pourraient être susceptibles de donner une plus grande mesure de justice à toutes les parties en cause et satisfaire aussi davantage l'opinion publique et en quelque sorte les citoyens du Québec qui en définitive ont toujours la responsabilité et le pénible devoir de payer la note quand ça ne va pas, et surtout quand ça va mal.

Alors, M. le Président, ce sont là en résumé l'esprit des remarques que j'avais à faire sur ce bill 288 et je me demande si à la suite des remarques qui ont été faites par le député d'A-huntsic et le député de D'Arcy-McGee, remarques qui ne sont quand même pas le fruit de l'imagination de ces deux députés de l'Opposition qui ont parlé avant moi, car ils les ont puisées dans des communications qui nous viennent et cela est surprenant, des deux grands partenaires sociaux, c'est-à-dire des grandes centrales syndicales et aussi du centre des dirigeants d'entreprise.

Il est quand même surprenant de constater que sur un bill comme celui qui crée le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, il y ait une espèce d'unanimité qui s'est faite entre les grands dirigeants de l'entreprise et les dirigeants des grands centrales ouvrières sur des dispositions législatives qui à leurs yeux ne semblent pas les satisfaire du tout. Alors je crois que cela devrait inquiéter le ministre, cela devrait l'inciter à se demander s'il n'est pas en train de faire fausse route, s'il n'est pas en train de passer à côté des grands objectifs qu'il avait visés en proposant un pareil projet de loi. Et s'il n'est pas entrain de passera côté des recommandations des organismes qui à titre consultatif ont pu lui faire des recommandations.

Alors, nous ne prétendons pas, nous de l'Opposition, en savoir autant que le ministre du Travail, parce que nous n'avons pas accès, comme lui, à tous ces travaux de recherche, à toutes ces études, à toutes ces recommandations. Il ne nous a pas mis au courant, par exemple, des derniers procès-verbaux des assemblées tenues par le Conseil supérieur du travail. Il y a peut-être là dedans des choses qui seraient très valables, qu'il nous serait très utile de connaître et qui modifiaient peut-être aussi l'opinion des députés de l'Opposition. Le ministre du Travail ne nous en a pas parlé. Comment pourrait-on connaître ces recommandations, lorsqu'elles sont tenues secrètes?

Une chose quand même étonnante et surprenante, c'est que les dirigeants des grandes centrales ouvrières, tout comme les dirigeants des grandes entreprises, ne sont pas, eux non plus, au courant de ces dernières recommandations, de ces derniers travaux relatifs à la création d'un nouveau conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre. Force nous est de constater qu'étant dans la même situation que nous ils dirigent, de façon assez vigoureuse, des critiques acerbes contre le ministère du Travail, si ce n'est pas personnellement contre le ministre du Travail qui, à leur avis et au nôtre, aurait manqué gravement au plan de la consultation préalable.

A moins que le ministre du Travail n'ait des surprises pour nous tout à l'heure, je crois que nous avons raison de nous inquiéter, surtout lorsque nous constatons que nous avons avec nous, pour nous appuyer, des représentants de forces économiques très puissantes, de mouvements sociaux très puissants dans la province qui, je le crois bien, parlent au nom d'une très forte partie de la population active de la province de Québec.

Alors, à ce point de vue aussi, le ministre du Travail devrait s'inquiéter sur le plan des conséquences et sur le plan de la mise en application des dispositions du bill 288. Je ne voudrais pas que l'adoption rapide d'un bill comma celui-là serve de provocation auprès des dirigeants d'entreprises et auprès des dirigeants des grandes centrales ouvrières, qui seraient choqués de ne pas avoir été consultés, dene pas avoir été entendus avant la préparation définitive de ce projet de loi, alors qu'ils auraient eu des points de vue à faire valoir au ministre et à ses hauts fonctionnaires.

Le rôle du législateur, on le conçoit facilement, c'est de bonifier les lois. Ce n'est pas de régresser sur le plan de la législation, mais d'agir de façon à apporter des remèdes efficaces aux problèmes de l'heure.

Je crois qu'il est de notre devoir de pousser le plus loin possible nos études, nos travaux, nos suggestions pour que nous ayons, au moins, la conscience nette et la satisfaction d'avoir apporté, avac les faibles moyens que nous avons parfois, des solutions qui colleront le plus possible aux besoins de ceux qui sont mis directement en cause par les structures nouvelles qui nous sont proposées par le ministre du Travail.

A la lecture du projet de loi, il semblerait que le ministre du Travail ne veuille pas donner au nouveau Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre toute la liberté nécessaire pour lui permettre d'aller au fond des problèmes du monde des relations patronales-ouvrières, avec

toutes les implications que cela peut comporter. Pourquoi le ministre du Travail ne voudrait-il pas laisser toute cette autonomie nécessaire au conseil supérieur pour lui permettre de faire tous les travaux, toutes les recherches, d'engager le dialogue avec les partenaires sociaux directement impliqués dans les problèmes et d'agir en quelque sorte comme une chambre de compensation, une chambre de discussions, une chambre d'élaboration de réglementations susceptibles d'amoindrir les rivalités entre les deux grands partenaires sociaux et de nous apporter une plus grande paix sur le plan industriel, sur le plan patronal, sur le plan ouvrier?

Il me semble que le ministre du Travail devrait comprendre qu'en 1968 il faut déléguer beaucoup plus de pouvoirs qu'autrefois; que s'il conserve quand même un ministère où les responsabilités qui sont mises sur ses épaules sont très graves et très lourdes de conséquences, il doit quand même faire jouer tous les instruments qu'il a sous sa gouverne dans un degré plus grand d'autonomie et de liberté, de façon que tous ces représentants à l'intérieur du conseil supérieur ne se sentent pas brimés, ne se sentent pas obligés de partager nécessairement la philosophie sociale, la philosophie économique du ministre du Travail ou de ses hauts fonctionnaires, afin qu'ils soient capables en toute liberté de dire ce qu'il pensent de telle situation, de tel problème, d'élaborer en toute liberté, en toute autonomie, des solutions qui, d'après eux, seraient plus en mesure que d'autres d'apporter des remèdes concrets, efficaces aux difficultés que nous vivons en ce moment dans la province.

Je crois qu'avec ce recul, qu'avec ces instruments qui sont quand même nécessairement au service du ministère, le ministre devrait faire davantage confiance aux représentants de la partie syndicale, aux représentants de la partie patronale qui composeront le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, qu'il devrait les laisser agir plus librement et qu'il devrait surtout leur permettre de faire des travaux qui ne l'engageront pas nécessairement mais dont il pourra bénéficier grandement et qui le convaincront peut-être davantage que ceux dont le rôle est plus précisément d'aller directement rencontrer ceux qui, tous les jours, ont à négocier les nouvelles conventions collectives, ont à discuter des problèmes qui leur sont communs. Le ministre devrait se convaincre que ces personnes-là doivent être mieux qualifiées que quiconque, être plus à même que d'autres de lui faire les véritables recommandations susceptibles d'améliorer le climat des relations patronales-ouvrières.

Là, nous avons l'impression que ce Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre est quelque chose d'honorifique, est une structure un peu factice, artificielle qui est mise en place pour donner l'impression et aux dirigeants d'entreprise et aux dirigeants des grandes centrales ouvrières que le ministre se soucie de leurs intérêts collectifs, de leurs intérêts particuliers mais qu'en définitive il se réserve tous les pouvoirs, toutes les responsabilités surtout au plan des décisions à venir.

Je ne crois pas que le bill 288 tel qu'il nous est présenté crée au départ ce climat de confiance dont nous avons tellement besoin dans la province, dont les dirigeants d'entreprises et les dirigeants des grandes centrales ouvrières ont tellement besoin pour se convaincre que le ministère du Travail n'est pas un instrument de combat contre les syndicats ou un instrument de protection en faveur des dirigeants d'entreprise, alors que dans bien des milieux de la société, nous entendons souvent des remarques comme celles-ci; Le ministère du Travail est un ministère qui est créé d'abord et avant tout pour protéger les intérêts des puissants. Je ne dis pas que ceux qui le disent ont raison de le dire mais peut-être qu'à cause des mauvaises expériences qu'ils ont vécues dans le passé ils finiront par se convaincre que le ministère du Travail joue peut-être un rôle interventionniste mais toujours contre leurs intérêts à eux.

Je ne partage pas non plus l'opinion de ceux qui prétendent que le ministère du Travail est nécessairement un ministère qui joue constamment en faveur des intérêts plus puissants. Je ne le crois pas. Ce n'est pas son rôle non plus. Mais que le ministre se donne donc cette liberté de manoeuvre dont j'ai parlé tantôt, qu'il se permette donc d'agir comme un véritable arbitre lorsque arriveraient les moments de crise très grave dans le monde patronal-ouvrier. Il aura d'autant plus de chance de jouer ce rôle d'arbitre qu'il aura laissé des mécanismes comme le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre jouer un rôle autonome, jouer un rôle libre au niveau direct de ceux qui sont impliqués dans le problème des relations patronales-ouvrières, dirigeants d'entreprises, dirigeants des grandes centrales ouvrières.

Ce climat de confiance sera nécessairement contagieux. Un climat de confiance s'établira entre le ministre du Travail d'une part, ses hauts fonctionnaires, les dirigeants des grandes entreprises et les dirigeants des grandes centrales ouvrières.

Les crises que nous vivons à l'heure actuelle ne sont quand même pas issues de problèmes

nés spontanément. C'est une longue succession de problèmes qui se sont accumulés, qui n'ont pas reçu d'attention suffisante de la part des autorités. A ce moment-là certaines personnes, à cause de leur caractère plus ou moins véhément ou agressif, s'emparent de problèmes comme ceux-là pour en faire des causes-types et ceux qui ont à faire des représentations auprès des autorités le font parfois de façon exacerbée, de façon impatiente, de façon violente.

Mais encore là on revient toujours au fond du véritable problème qui est le problème de l'information. Celle-ci est parfois à sens unique, ou parfois inexistante. L'information, le plus souvent, n'est pas suffisante de part et d'autre.

M. le Président, si vous voulez me le permettre, je lirai très brièvement un extrait d'un travail très valable qui a été fait dans ce domaine par M. Gaston Descôteaux, professeur à la faculté de droit de l'université d'Ottawa et qui est intitulé « Le droit et les rapports collectifs de travail, ses succès et ses revers. » Cette conférence a été prononcée à Cornwall au mois de septembre 1966 devant le Conseil des chevaliers de Colomb de cette ville et portait sur tout ce problème auquel j'ai fait allusion tout à l'heure. Je cite donc : « Notre but en faisant la revue de certains problèmes du monde du travail n'était pas d'y apporter tellement des solutions précises, mais plutôt de soulever certaines difficultés qui méritent réflexion. Les solutions, d'ailleurs, ne seront pas toujours pour demain. Des recherches nombreuses et sérieuses devront être effectuées pour pouvoir y parvenir, et un climat de collaboration entre les individus et les groupements intéressés aux relations de travail devra remplacer de plus en plus l'agressivité dont elles sont trop souvent imprégnées. « Ce thème de la collaboration entre patrons et employés a fait l'objet de bien des discours et de nombreuses recherches. En particulier, il faut souligner l'excellent exposé du professeur Donald Wood de l'université Queens de Kingston lors du colloque national sur les relations patronales-ouvrières tenu en 1964 sous les auspices du Conseil économique du Canada. Pour réaliser leurs buts respectifs, patrons et employés ont intérêt à ce que la prospérité règne dans le pays, et à cette fin ils peuvent s'aider mutuellement. « Ainsi, pour que l'entreprise fasse des profits, ses produits doivent être vendus. Et pour que les conditions de vie des salariés soient convenables, il faut que les entreprises soient prospères. Les deux ont donc intérêt à ce que notre économie soit florissante, ce qui ne peut se produire que par un rapprochement du ca- pital et du travail et non dans leur opposition. « Cette collaboration, comme l'indique le professeur Wood, peut se faire sur deux plans: au niveau national et régional et au niveau de l'entreprise. Au niveau national et régional, patrons et employés ont l'occasion de collaborer à l'établissement d'objectifs et de programmes publics appropriés. C'est le niveau des grandes politiques économiques où syndicats et entreprises collaborent avec l'Etat à la planification régionale ou nationale. C'est l'occasion pour eux de faire valoir leurs idées, de prévenir les dangers provenant du dirigisme économique de l'Etat. « Au niveau de l'entreprise, la collaboration prend un aspect plus concret. Patrons et employés ne devraient pas se rencontrer uniquement autour de la table de négociation, car les discussions auxquelles les négociations donnent lieu sont loin de créer un climat propice à des échanges dénués de passion, qui supposent chez les deux parties une franche attitude de collaboration. « Cette bonne foi, elle existe évidemment dans bien des entreprises, mais il semble que ce ne soit pas là règle générale en raison, principalement, de l'obscurité dans laquelle patrons et employés sont plongés très souvent, en particulier s'ils ne sont pas suffisamment renseignés sur les politiques économiques des gouvernements ». J'ajoute que c'est le cas pour Québec, comme c'est le cas pour d'autres gouvernements du Canada. « Il apparaît aussi que plusieurs entreprises ne connaissent pas suffisamment les problèmes du monde syndical et que l'absence de renseignements concernant les entreprises est souvent la cause de l'agressivité manifestée par les travailleurs dans leurs revendications. « II ressort donc que l'absence d'information est une cause sérieuse de conflits. C'est pourquoi il paraît indispensable que les gouvernements fassent connaître au monde syndical et au monde patronal leurs grandes politiques de développement économique. « C'est pourquoi, également, il apparaîtra de plus en plus indispensable que les entreprises fassent également part de certains de leurs projets d'expansion ou de transformations, si ces projets élaborés pendant la durée de la convention collective sont susceptibles d'affecter les conditions de travail. « D'ailleurs, la réalisation de plusieurs de ces projets peut, dans certains cas, être mieux assurée par la collaboration entre les deux parties, comme ce peut être le cas pour l'adaptation de la main-d'oeuvre aux nouvelles situations ».

Je cesse de citer les propos du professeur

Gaston Descôteaux et j'invite de façon encore plus pressante le ministre à laisser jouer un rôle beaucoup plus autonome, beaucoup plus libre, au conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, non seulement à titre consultatif, mais aussi à titre d'agent incitatif d'une plus grande paix dans le monde patronal-ouvrier. Ceci devra permettre à ce conseil de dialoguer beaucoup plus directement avec les grands partenaires sociaux que sont les dirigeants d'entreprises et les dirigeants des grandes centrales ouvrières. Le conseil pourra ainsi, encore une fois, jouer le rôle d'une chambre de compensation, d'une chambre qui aurait pour rôle plus immédiat d'applanir les difficultés, de trouver des solutions à des conflits qui, étant mineurs au départ, pourraient s'ils ne sont pas étudiés à temps, avoir des conséquences très graves et dégénérer en conflits majeurs.

Je crois que le ministre, encore une fois, aurait tout intérêt à se libérer de ce travail presque quotidien qu'il s'impose et à demander aux uns et aux autres de continuer à négocier, de ne pas user d'un langage trop violent, d'un langage trop agressif, de ne pas briser le climat des bonnes relations. Ce n'est pas au ministre à faire ça. Il le fera en toute dernière étape, si tous ces autres moyens n'ont pas donné satisfaction. Il pourra alors être en mesure, lui, de jouer vraiment le rôle d'arbitre, qui est, à mon avis, la véritable fonction qu'il devrait avoir.

M. le Président, voilà autant de raisons qui motivent, justifient, en ce moment, l'Opposition d'avoir des doutes sérieux quant à l'à-propos de la présentation du bill 288, et aussi quant à la justesse, quant aux avantages des nouvelles dispositions législatives qui nous sont présentées aujourd'hui.

Pour ma part, je suis porté à croire que le bill 288 diminue, de façon dangereuse, les pouvoirs du Conseil supérieur du travail, que le bill 288 donne moins d'autonomie, donne moins de liberté d'action, donne moins de pouvoirs aux membres du conseil que ces membres du conseil supérieur n'en avaient en vertu des dispositions du chapitre 140.

A moins que le ministre du Travail ne nous explique quel est le fond de la philosophie des relations patronales-ouvrières qui prévaut actuellement dans son ministère, à moins que le ministre ne nous explique clairement pourquoi il s'est cru obligé de présenter ce bill 288, à moins qu'il n'explique clairement quels sont les grands objectifs qu'il entend poursuivre, nous croirons, nous de l'Opposition, qu'il s'agit d'un retrait ou d'une régression par rapport à ce qui a été fait et par rapport au rôle qui a été dévolu dans le passé au Conseil supérieur du travail.

Voilà les doutes, M. le Président, que pour ma part j'avais à exprimer. Je crois que je ne suis pas le seul puisque le député d'Ahuntsic a dit de façon très claire, lui qui est beaucoup plus spécialiste que moi dans ce domaine, quelles étaient les raisons qu'il avait de s'objecter à la présentation du bill tel qu'il a été préparé, et aussi, quels étaient les dangers que courraient à la fois les dirrigeants d'entreprises et les grands syndicats ouvriers s'ils acceptaient telles que rédigées les dispositions législatives contenues dans le bill 288.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, je vais faire un grand effort pour terminer mon intervention avant une heure, afin qu'à la reprise de la séance cet après-midi, le ministre du Travail soit en masure de nous dire quelles sont les modifications qu'il a l'intention de suggérer en comité plénier au sujet du bill.

M. le Président, je n'ai aucunement l'intention de reprendre les arguments qui ont été parfaitement exposés par les députés d'Ahuntsic, de D'Arcy-McGee et de Drummond. Ces trois députés ont parlé avec beaucoup de conviction, ont prouvé que le projet de loi à l'étude est nettement rétrograde, et à moins que le ministre du Travail ne soit disposé à le modifier profondément, nous ne pourrons pas l'appuyer.

Disons d'abord que le principe du bill 288, ce n'est pas la création d'un conseil supérieur du travail puisqu'un tel conseil existe déjà. Il s'agit, par ce bill, de redéfinir le mandat du conseil et d'en réorganiser les structures. Je pense que sur ce point le ministre du Travail et moi, nous sommes d'accord.

M. BELLEMARE: C'est ce que j'ai dit, d'ailleurs.

M. LESAGE: C'est peut-être le seul point!

M. BELLEMARE: D'accord, c'est ce que j'ai dit.

M. LESAGE: Avant d'aller plus loin, cependant, je me demande si le qualificatif « supérieur » — pendant que nous y sommes — appliqué au conseil n'est pas un peu ambitieux, un peu pompeux.

M. BELLEMARE: C'est ce qu'avait dit le Conseil supérieur du travail à sa réunion de mars 1968.

M. LESAGE: Le ministre me l'apprend, parce que...

M. BELLEMARE: Non, non. Il avait dit à ce moment-là que c'était pompeux et que ça devrait être plutôt « consultatif ».

M. LESAGE: C'est ça que je voulais suggérer.

M. BELLEMARE: D'ailleurs, c'est ça qu'il avait dit.

M. LESAGE: Si ce qualificatif « supérieur » décrit bien le rôle du conseil, surtout le rôle très restreint que veut...

M. LE PRESIDENT: Malheureusement, je dois ici interrompre l'honorable chef de l'Opposition en lui rappelant que c'est là, je pense, la dernière formalité à être remplie par le comité plénler. Je comprends que c'est une parenthèse qu'il veut simplement faire à ce moment-ci, car ce travail est réservé au comité.

M. LESAGE: M. le Président, ce que je voulais dire, c'est que le rôle que veut faire jouer au conseil par ce bill, le ministre du Travail, ce n'est pas un rôle supérieur, c'est un rôle consultatif, et encore! Cela va au principe du bill.

Il s'agit de décrire le rôle du conseil. Je dis que son rôle n'est pas un rôle supérieur. C'est un rôle consultatif et, encore, c'est très restreint,, Le pouvoir consultatif du conseil est très restreint, d'après les termes mêmes du mandat que voudrait lui confier le ministre par le bill à l'étude. Il me semble que le mot « consultatif » tel que suggéré par le conseil lui-même — c'est le ministre qui vient de me le dire — serait beaucoup plus adéquat et décrirait beaucoup mieux le rôle du conseil.

Je ne reprendrai pas ce qu'ont dit mes collègues, mais il semble bien que les syndicats, les associations d'employeurs, les membres du Conseil supérieur eux-mêmes, sont unanimes pour demander, désirer des modifications importantes au bill 288. Cette unanimité semble s'être faite sur un nombre de points dont la plupart ont été mentionnés par mes collègues. Mais, le ministre et vous, M. le Président, me permettrez sans doute de les résumer, parce que je les trouve très bien exposés et expliqués dans le mémoire présenté par le Centre des di- rigeants d'entreprises au ministre du Travail, au mois de février 1968. Il est daté du mois de février 1968. « Mémoire sur une réforme du Conseil supérieur du travail. » Je citerai des extraits, très brièvement, sur chacun des points sur lesquels je voudrais que le ministre du Travail réfléchisse pendant l'heure du lunch, en vue d'apporter les modifications qui s'imposent pour que son bill soit, en principe acceptable et par les intéressés et par les députés de cette Chambre.

Je cite donc, en ce qui concerne le statut consultatif, le mémoire que je viens d'identifier: « Le Conseil supérieur du travail est le seul véritable organisme patronal-ouvrier au Québec. Les travaux qui s'y effectuent, et surtout ceux qui pourraient s'y effectuer, sont des plus valables. Il est regrettable qu'il ait une influence aussi négligeable, dû particulièrement au fait que ses représentants n'ont aucune relation officielle avec l'extérieur et que, de par la loi, le ministre du Travail décide seul des questions à étudier, le convoque à volonté et peut ignorer ses recommandations sur les questions dont il a lui-même suggéré l'étude. »

Pour ce qui est des réformes au Conseil supérieur du travail, d'abord l'objectif. « Il nous apparaît essentiel que le Conseil supérieur du travail soit appelé à jouer un rôle beaucoup plus positif que celui qu'il joue actuellement. Les difficultés actuelles dans le monde des relations du travail, les suggestions qui fusent de part et d'autre pour en améliorer le climat, les expressions de plus en plus nombreuses de nécessité de collaboration, autant de questions qui pourraient être confiées au Conseil supérieur du travail, si on lui donnait les moyens de jouer un rôle beaucoup plus étendu dans l'harmonisation des objectifs économiques et sociaux. Ce rôle nouveau, il peut le jouer si le gouvernement accepte de modifier substantiellement la Loi instituant le Conseil supérieur du travail, et si une mentalité nouvelle se crée autour de cet organisme. » C'est dire que ces messieurs du Centre des dirigeants d'entreprises avaient déjà pris connaissance d'un avant-projet de loi. Oui, évidemment.

Mais, nous nous n'avions pas eu cet avantage, nous les députés. Il semble que tout le monde est mis au courant sauf ceux qui ont à voter les lois, j'en profite pour vous le dire, M. le Président...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça du tout.

M. LESAGE: Alors maintenant, la description des réformes. « II nous apparaît essentiel, je cite: que les représentants des parties au sein du conseil n'y agissent pas qu'à titre indi-

viduel. Les représentants devraient avoir le pouvoir de rendre compte de leur mandat. Ils devraient pouvoir obtenir des commentaires et suggestions sur les travaux en cours, sur les travaux projetés. Deuxièmement, la représentation au sein du Conseil supérieur devrait être modifiée. Dans un tel organisme qui a spécifiquement pour but l'étude de questions ouvrières patronales, on y devrait retrouver qu'une représentation paritaire employeur employé, c'est-â-dire que les représentants du secteur économico-social ne devrait pas avoir le droit de vote. »

Les arguments qui ont été apportés par les députés de ce côté-ci de la Chambre je les endosse. Quant à moi, je suis parfaitement d'accord et je demanderais au ministre du Travail de bien vouloir réfléchir sérieusement sur cet aspect important, quant à la composition même du Conseil supérieur du travail. « Maintenant, le Conseil supérieur, je continue de citer, le Conseil supérieur devrait avoir la latitude en plus de se consacrer aux études demandées par le ministre du Travail de se saisir personnellement de sujets d'étude. Ces études toutefois ne devraient pas excéder les limites de sa juridiction et le ministre du Travail devrait être informé des sujets d'étude qu'il entend ainsi aborder. » Là-dessus, M. le Président, je dirai ceci, je crois que le Conseil supérieur du travail devrait avoir le pouvoir de prendre l'initiative d'études, qu'il pourrait poursuivre du moment qu'elles n'entraînent pas de dépenses de deniers publics. S'il y a dépenses de deniers publics, il est clair...

M. BELLEMARE: C'est bien sûr.

M. LESAGE: ... que le programme d'étude doit être approuvé, du moins quant à ses...

M. BELLEMARE: Consulté.

M. LESAGE: Que le ministre ne se fâche pas!

M. BELLEMARE : Non, je ne me choque pas.

M. LESAGE: ... quant à ses implications financières par un ministre de la Couronne...

M. BELLEMARE: Simplement consultation.

M. LESAGE: D'accord, ou encore s'il s'agit d'études qui sont faites à l'intérieur du budget voté, le Conseil supérieur devrait être libre de choisir les sujets.

M. BELLEMARE: D'accord, je n'ai aucune objection.

M. LESAGE: Oui, mais il faudrait le dire dans le bill.

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LESAGE: Oui, il va falloir le modifier. Nous y verrons en comité; il faut modifier le projet de loi.

M. BELLEMARE: Pas du tout.

M. LESAGE: Il le faudra. Si le ministre est d'accord en principe là-dessus, nous pourrons voir en comité à ce que les mots utilisés dans le bill reflètent...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: ... bien le principe qu'il vient d'énoncer. Mais, à l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.

M. BELLEMARE: J'ai dit consultation.

M. LESAGE: Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas une question de consultation.

M. BELLEMARE: Non, pour les avis publics.

M. LESAGE: Si le conseil supérieur décide, de sa propre initiative, de faire certaines études à l'intérieur des limites de son budget, eh bien, alors, il ne s'agit pas de consulter le ministre; il s'agit de l'en informer. C'est toute ladifférence du monde. Le conseil n'a pas de permission à demander au ministre. S'il y a des dépenses qui dépassent le budget, d'accord, il faut l'autorisation du ministre. Mais cela devrait être la seule limitation...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: ... à la discrétion du conseil, si on veut vraiment avoir un conseil qui puisse rendre service.

M. BELLEMARE: Si l'honorable député veut me le permettre, il y a juste...

M. LESAGE: J'ai terminé.

M. BELLEMARE: ... une petite divergence de vues entre nous deux, là, qui va peut-être rejoindre ce que veut dire le député et ce que je pense, moi. C'est que maintenant il y a une présidence permanente, c'est ça. Dans la...

M. LESAGE: Cela ne change rien.

M. BELLEMARE: ... définition de ses responsabilités...

M. LESAGE: Le président permanent n'a pas la majorité au conseil.

M. BELLEMARE: Ah, non, non! Il administre, lui.

M. LESAGE: Il administre, mais, si la majorité au conseil supérieur, qui n'est pas le président permanent, décide de faire certaines études...

M. BELLEMARE: C'est lui qui demande, voyons donc!

M. LESAGE: M. le Président, c'est justement la conception qu'a le ministre du rôle du président permanent qui va être nommé par le gouvernement qui me fait peur. Il semble bien que ce président serait le seul à décider...

M. BELLEMARE: Non...

M. LESAGE: ... d'après ce que pense le ministre...

M. BELLEMARE: C'est le lien...

M. LESAGE: ... et cela rend son bill encore plus dangereux.

M. BELLEMARE: ... c'est le lien permanent, c'est ça que je veux que vous compreniez.

M. PINARD: Il semble avoir un droit de veto, lui, contre les travaux des autres.

M. BELLEMARE: Jamais dans cent ans. M. PINARD: Oui.

M. LESAGE: Le ministre du Travail vient de laisser entendre, par ses interventions, que le président sera celui qui décidera des travaux à effectuer. Or, il n'a pas la majorité au conseil. C'est la majorité au conseil, d'après ce que je comprends, qui devrait avoir le droit de décider des études à effectuer, non pas le président qui sera une créature du ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Ah, M. le Président, créature!

M. LESAGE: Tout le monde sait bien; c'est dans le même sens que l'on dit que les municipalités sont des créatures du gouvernement de la province. Il faut bien comprendre. C'est du langage juridique, M. le Président.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: Je dis que le ministre devrait en tenir compte, mais il semble bien que sa conception du rôle et de la composition du conseil n'est pas du tout ce que désireraient les intéressés. Il y aurait certainement un très grand avantage à ce que le projet de loi soit référé, après deuxième lecture, au comité des relations industrielles, afin que nous puissions, dès lundi, entendre tous les intéressés.

Je ne veux pas faire fâcher le ministre du Travail...

M. BELLEMARE: Non, non, pas aujourd'hui.

M. LESAGE: ... je ne citerai donc pas les extraits de la conférence de presse qui a été donnée cette semaine par M. Pepin, et au cours de laquelle il a employé un langage assez coloré.

M. BELLEMARE: Une conférence de presse?

M. LESAGE: Oui. M. Pépin a donné une conférence de presse...

M. BELLEMARE: Ah! lui, pas moi.

M. LESAGE: Je n'ai pas dit que le ministre avait donné une conférence de presse. J'ai dit que M. Pepin avait donné une conférence de presse au cours de laquelle il avait employé un langage assez coloré et que j'épargnerais au ministre du Travail la citation d'extraits de cette conférence de presse.

M. BELLEMARE: C'est dans tous les journaux.

M. LESAGE: II est clair que M. Pepin, au nom de la CSN, que les autres dirigeants des syndicats, des centrales syndicales, de même que les représentants des employeurs, en particulier les représentants du Centre des dirigeants d'entreprises, désirent être entendus au comité des relations industrielles. Télégramme au premier ministre, le 4 décembre, télégramme au premier ministre et au ministre du Travail, au chef de l'Opposition et au député d'Ahuntsic, de la part du CDE, le 29 novembre, où l'on nous prie de faire convoquer le co-

mité des relations industrielles pour entendre les intéressés.

J'essaie de tenir parole. Je télescope mes remarques, et je termine à l'instant pour dire que, quoi qu'il en soit, nous aimerions bien que le ministre nous dise, dans sa réplique, s'il a l'intention de suggérer des modifications au projet de loi sur les points qui ont été mentionnés par mas collègues et que je viens de mentionner à nouveau, que je n'ai fait que réitérer. Tout cela est partie importante du principe du bill, je le répète, puisqu'il s'agit non pas d'établir un Conseil supérieur du travail qui existe déjà, mais d'en redéfinir et le mandat et les structures.

Il convient donc, à mon sens, que le ministre du Travail, dès la reprise de la séance, nous fasse part de ses intentions afin que les députés soient en mesure, eux, de définir leur attitude sur le principe du bill en deuxième lecture en toute connaissance de cause.

M. BELLEMARE : M. le Président, je demande la suspension de la séance avec mon droit de parole.

M. LESAGE: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à trois heures.

Reprise de la séance à 15 h 6

M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!

L'honorable ministre du Travail.

UNE VOIX: Adopté.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: M. le Président, simplement quelques mots pour expliciter notre pensée et la pensée de tous ceux qui ont travaillé depuis plusieurs années à trouver des formules plus adaptées à notre monde du travail, par l'organisation d'un Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre plus efficace.

Je dirai d'abord que, lorsque le premier ministre a reçu un télégramme de la CDE qui protestait contre le bill no 288, je me suis demandé, avec beaucoup d'autres, si au Conseil supérieur du travail, ils étaient les seuls représentants du patronat. En effet, il est bien important de savoir si on parle au nom d'un organisme ou si on parle au nom de tout un corps qui s'appelle le patronat.

J'ai fait la comparaison. L'honorable premier ministre a reçu un télégramme du Centre des dirigeants d'entreprise. D'accord, ils ont droit à leur opinion; ils ont droit à la manifestation publique de certaines revendications. Mais je n'ai pas reçu de télégramme des autres membres qui font partie de la section du bloc patronat du Conseil supérieur du travail, par exemple de la Fédération de la construction, qui représente une grande partie de l'économie canadienne au sein du Conseil supérieur. Je n'ai pas reçu de protestation de l'Association des mines de la province. Je n'ai reçu aucune protestation de la part des commissions scolaires du Québec. Je n'ai reçu aucune protestation de la part des marchands détaillants qui ont, eux aussi, des représentants au sein de l'organisme. Je n'ai reçu enfin aucune représentation ni aucune protestation de la CMA quant au bill.

Or, l'Opposition a pensé trouver un document qui faisait son affaire pour critiquer la loi, pour dire que le ministre n'est pas bon.

C'est un homme qui ne se rend pas aux désirs de la population, de la majorité, ni à ceux du patronat et des représentants syndicaux. Je ne comprends pas comment il se fait que le ministre veuille faire route seul. Est-ce qu'il n'y a que lui qui a raison? Ah non, M. le Président, je suis sensible aux améliorations; il y a lieu aussi d'en avoir et d'en faire.

Je dis que ces gens, qui ont envoyé le télégramme qu'a lu ce matin l'honorable député

d'Ahuntsic, auraient dû - probablement qu'ils l'auraient fait s'ils avaient reçu les explications que j'ai données ce matin et celles que je vais continuer à fournir à la Chambre — se rendre compte que notre bill est conforme à ce qu'ils désirent. Ils désirent obtenir un conseil supérieur libre, nous en sommes. Je l'ai dit ce matin, je l'ai répété pendant des années. Nous voulons qu'au sein de cet organisme il y ait, d'abord, une paix entre les deux parties pour qu'on puisse travailler dans un excellent climat. Ce n'est pas possible autrement.

C'est pourquoi, M. le Président, je suis allé personnellement les rencontrer en plusieurs circonstances, leur dire que j'appréciais leur coopération et que j'étais désireux d'obtenir leurs conseils. Nous n'avons pas le temps, nous les ministres en place, d'aller dans chaque domaine pour étudier et approfondir chaque question, surtout quand il s'agit d'un domaine aussi complexe que le travail.

Je dis que le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre ne doit jamais être — il ne l'est pas et ne le sera pas, je l'espère — un supergroupe de pression. Au contraire, nous voulons que le conseil soit un groupe de persuasion vis-à-vis de la population, des corps qu'il représente et du gouvernement qui, lui, a la responsabilité de légiférer pour le plus grand bien de tous et en vue de l'intérêt général.

Un groupe de superpression, non. Ce n'est pas ce qui doit diriger nos débats aujourd'hui. Le Conseil supérieur du travail doit être un conseil libre, autonome, qui continuera sa marche dans l'étude des législations et pourra avoir tout ce dont il aura besoin pour continuer la recherche et les travaux qu'il a entrepris. A la suite de la recommandation que faisait, le 27 mars 1968, M. Pepin, au Conseil supérieur du travail, on a fait observer que le mot « supérieur » était un peu pompeux et qu'il vaudrait peut-être mieux l'appeler le Conseil consultatif.

J'en suis. L'honorable chef de l'Opposition a repris, ce matin, cette expression « conseil consultatif ». Je n'ai aucune objection et je pense que c'est un conseil consultatif. Supérieur, cela a l'air un peu pompeux et on l'a enlevé. Il n'y aura pas de conseil, ni mineur ni supérieur, on l'a enlevé. Dans le Conseil supérieur de la faune on a enlevé le mot « supérieur ». Mais, pour caractériser plus particulièrement le nom — parce qu'il y a déjà trente ou quarante ans qu'il existe — on dira Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. LESAGE: Ce sera un amendement?

M. BELLEMARE: Certainement, ce sera parmi les amendements que nous ferons. Nous n'avons aucune objection à cela. D'ailleurs, dans l'article 2, on a semblé laisser entendre que le conseil ne serait pas autonoms, qu'il ne pourrait pas amorcer lui-même les études de certaines choses. Au contraire, je l'ai dit ce matin et je l'ai répété assez clairement. On veut que cela soit précisé. Je n'ai aucune objection. Pour que le Conseil supérieur...

M. LESAGE: Y aura-t-il une modification pour le préciser, parce que le ministre a dit une chose, mais le texte du projet de loi dit autre chose.

M. BELLEMARE: Oui, mais entre ce que dit une loi et ce que pense toute l'équipe qui, à un moment donné, travaille sur une loi aussi con-tentieuse que celle-là... On peut avoir dit, dans une loi ou un article, exactement ce que nous voulons dire, mais que cela soit interprété différemment. C'est tellement vrai qu'on ainstitué dans le monde entier...

M. LESAGE: Est-ce que le bill sera modifié?

M. BELLEMARE: ... une congrégation qu'on appelle les avocats, justement pour interpréter les textes.

M. LESAGE: Pour créer des embêtements aux autres?

M. BELLEMARE: Les législateurs font la loi, mais les avocats, eux, la plaident et les juges décident. C'est cela. C'est exactement ce qui se présente dans notre esprit, dans l'esprit de tous ceux qui y ont travaillé, même au conseil supérieur de la commission permanente. On a toujours dit qu'on recherchait la liberté et l'autonomie. Nous en sommes. J'ai dit, ce matin...

M. LESAGE: Le ministre apportera-t-il des clarifications, sur les pouvoirs du conseil, pour que...

M. BELLEMARE: Le clarifier?

M. LESAGE: ... les avocats comprennent?

M. BELLEMARE: Oui. Je n'ai aucune objection à clarifier la pensée du ministre.

M. LESAGE: Très bien.

M. BELLEMARE: A clarifier l'objectivité du ministre.

M. LESAGE: Alors, nous pouvons compter qu'il y aura une modification?

M. BELLEMARE: II y aura sûrement quelque chose d'intéressant, quelque chose qui rejoindra véritablement notre pensée.

M. LEFEBVRE: De la nature d'un amendement?

M. BELLEMARE: D'une compréhension meilleure, de ce qui fait l'objet peut-être d'un article du bill.

M. LESAGE: Cela prend un amendement, oui.

M. BELLEMARE: Je dis donc, M. le Président, pour être clair que ça prouve ma bonne foi et surtout les bonnes dispositions, qu'on ne veut pas reconnaître en certains milieux. Ma bonne foi de coopération et surtout mon objectivité. Je ne veux pas je l'ai dit tout à l'heure que le Conseil supérieur du travail devienne un supergroupe de pression. Au contraire, je veux leur donner, à eux particulièrement, tout ce qu'il faut pour même l'aider personnellement, non seulement moi comme ministre mais aussi tous ceux qui seront assujettis à la législation qui découlera de leurs études.

Je dis donc, sur un point particulier, que je crois que l'Opposition a eu raison d'attirer notre attention sur la représentativité du tiers-monde. Nous avons, je pense, avec ceux qui ont travaillé intensément à la préparation de ce projet de loi et ceux qui les ont étudiés dans la partie des commissions permanentes, il y a eu des gens qui, au Conseil supérieur du travail, ont dit ceci; « ils ont dit: « Après discussion, les membres suggèrent d'ajouter un paragraphe E qui indiquerait que le conseil doit comprendre dans ses rangs les membres du groupe des économistes et sociologues qui seraient cooptés, c'est-à-dire choisis par les membres du conseil eux-mêmes. Tout le monde est d'accord sur cette suggestion à l'exception de M. Louis-Marie Tremblay qui reste dissident. »

Il y a cependant une unanimité totale et absolue pour que les économistes, les sociologues, n'aient pas le droit de vote au conseil.

M. LESAGE: Vous dites au conseil supérieur?

M. BELLEMARE: Oui, le 27, 68. M. LEFEBVRE: Soixante-huit?

M. BELLEMARE: Soixante-huit. Et ça, M. le Président, il y a là peut-être une difficulté qu'il s'agit de pouvoir contourner si nous demandons aux consommateurs par exemple d'être présents parmi les quatre, qui seraient peut-être nommés en vertu de notre loi, qui représenteraient le public, sans que ça soit des sociologues, des économistes, des technocrates, appelez-les comme vous voudrez, ou des hommes extrêmement compétents, mais qui ne sont pas ni dans le monde ouvrier, ni dans le monde du travail, il y a que s'ils s'en vont là sans avoir le droit de vote, il serait difficile peut-être de trouver des personnes.

Pour contourner cette difficulté-là, puis donner peut-être un peu raison au Conseil supérieur du travail qui ne voulait pas unanimement qu'il soit là, qu'il ait le droit de vote, on les placerait plutôt dans des comités ad hoc. Puisqu'on a le droit de faire des comités ad hoc, nous allons les nommer... le président avec le conseil, les nommeront sur des comités ad hoc pour consultation et ils y seront quand même, et ça rendra à ce moment-là je pense, véritablement le sens que recherchaient les membres du conseil supérieur au moment où ils disaient que les deux blocs devraient être paritaires.

M. LEFEBVRE: Si je comprends bien, M. le Président, le ministre indique à la Chambre que c'est son intention de présenter un amendement sur ce bill-là.

M. BELLEMARE: Bien j'ai dit... je fais de bonne foi une consultation avec l'Opposition dans ma réplique. Je pense...

M. LESAGE: Cela a été notre suggestion. M. BELLEMARE: C'était la mienne aussi.

M. LESAGE: Bien non, ce n'était pas le projet de loi.

M. BELLEMARE: Ah oui! Ah bien, non, non!

M. LEFEBVRE: Ce n'était pas le bill.

M. BELLEMARE: Sur ça, je dis que l'Opposition a raison. Mais je dis que sur ça puisqu'il faut trouver la solution sans les éloigner

parce qu'il y a des compétences parmi eux et, si on a énormément de difficulté à les attirer, à les faire assister à ce conseil, il vaudrait mieux peut-être les attirer dans un comité ad hoc.

Ils y auraient pleine juridiction, et ils pourraient donner leur pleine mesure et rendre service, en même temps, au Conseil supérieur du travail.

Il ne sert à rien, je crois, de relever tout ce qui a été dit ce matin. Je regrette que les règles de notre procédure ne m'aient pas empêché de recevoir cet orage de malédictions et de souhaits qui manquent un peu de courtoisie à mon endroit. Je sais que nous sommes exposés à cela, quand nous assumons des responsabilités. Je n'aurais qu'à me référer à l'ancien chef du gouvernement, le député de Louis-Hébert, qui a eu sa large part, pendant qu'il était ici. Que voulez-vous, c'est la rançon de la gloire. On est obligé de s'y soumettre. Kipling, un grand homme, disait un jour: Tu seras véritablement un homme quand tu pourras, du même visage, voir venir et ceux qui te louangeront et ceux qui te critiqueront.

M. LAFRANCE : Quand tu sauras aussi les écouter et te corriger.

M. BELLEMARE: Ah, vous l'avez appris, vous aussi! C'est effrayant comme vous avez progressé, vous aussi.

M. LEFEBVRE: Nous étudions ça à l'année, dans notre parti.

M. BELLEMARE: J'ai relu, pendant les quelques minutes où je mangeais mon sandwich, à l'heure du lunch, quelques expressions de Platon.

M. LE PRESIDENT: Je préférerais qu'on revienne au bill 288.

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais vous être parfaitement soumis, comme le veut le règlement, mais, devant l'éloquence de l'honorable député d'Ahuntsic qui, lui, a cité Platon, ce matin, j'aurais tant aimé lui faire plaisir, moi aussi, et lui en citer une bonne que j'ai découverte et qui le concerne particulièrement. Je ne la citerai pas; je la lui enverrai.

Je sais que le temps de la Chambre est précieux, il ne s'agit pas seulement de... Le bon esprit, qui anime la Chambre et qui se manifeste depuis l'étude de ces bills du travail, mérite d'être signalé.

Nous avons tous une responsabilité. Nous sommes des élus. Nous avons un mandat. L'Opposition fait son devoir. Elle soumet ses suggestions au gouvernement, fait des remarques et demande au gouvernement s'il n'y a pas moyen d'expliciter mieux sa pensée.

Le gouvernement qui présente la législation dit : Dans les circonstances, nous avons regardé de très près les textes que nous avons soumis. Dans le public en général, il semble y avoir de l'Incompréhension, ce qui créerait peut-être un désaccord qui ne serait pas propice pour que les relations patronales - ouvrières, que nous souhaitons des plus fraternelles, puissent se continuer.

Je dis donc que le comité des relations industrielles est sûrement nécessaire. Lorsqu'il s'agit de discuter de législations qui ont déjà été, à plusieurs stades, étudiées, revisées, recorrigées et refaites, je crois que ceci appartient aux législateurs.

Je félicite les membres de l'Opposition d'apporter dans ces débats un bon esprit, un esprit qui ma réjouit.

Il n'y a rien de plus troublant que de rencontrer de l'obstruction systématique quand on a des problèmes difficiles à régler. Lorsque l'Opposition nous fait des suggestions qui sont utiles, qui sont pour le plus grand avantage de la législation et de ceux qui devront s'y soumettre, nous sommes pleinement d'accord. Ceci, j'espère, va détruire dans l'opinion publique la réputation que l'on m'a faite d'être têtu. On a répété cela à satiété: Bellemare, c'est un têtu, il ne bronche pas d'un pouce.

M. COITEUX: Ce n'est pas vrai?

M. BELLEMARE: Ce n'était pas vrai, pas du tout. A preuve, ma bonne humeur et mon désir de collaborer...

M. LEFEBVRE: C'est une nouvelle vie qui commence.

M. BELLEMARE: On dit que les autres s'améliorent et on le constate avec plaisir. On se demande rarement si ce n'est pas soi-même qui change. Pour le député d'Ahuntsic, cela peut être vrai.

M. LEFEBVRE: Ce n'est pas moi qui change de position.

M. BELLEMA.RE: Je remercie donc ceux qui ont participé...

M. LESAGE: Est-ce que le ministre du Travail connaît l'anecdote de Mark Twain?

M. BELLEMARE: De Mark Twain?

M. LESAGE: De Mark Twain.

M. BELLEMARE: Non, je ne la connais pas.

M. LESAGE: A savoir si c'est le sujet qui change ou l'objet.

M. BELLEMARE: Ah! ou, ah! oui!

M. LESAGE: Cela va prendre deux secondes.

Il a écrit: Lorsque j'avais dix-huit ans, je croyais que mon père était le plus ignorant des hommes.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LESAGE: Lorsque j'avais dix-huit ans, je croyais que mon père était le plus ignorant des hommes. Lorsque j'ai atteint l'âge de vingt et un an, j'ai été émerveillé des progrès énormes que le vieux avait fait dans l'espace de trois ans.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire combien je suis d'accord pour transmettre ce joli compliment à l'honorable député d'Ahuntsic. Je vous demanderais l'adoption de la deuxième lecture du bill.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture...

M. LESAGE: Je suis fort embarrassé. Je ne sais pas si mes collègues le sont, mais moi je le suis. J'ai dit ce matin que le principe du bill était les modifications au mandat et à la composition du Conseil supérieur du travail. Le bill tel qu'il est rédigé ne nous convient pas. J'ai donné les raisons ce matin. Le ministre nous dit qu'il a l'intention de proposer des modifications dont nous connaissons la teneur, du moins en principe, après ce qu'il vient de dire. Mais devons-nous, M. le Président, et c'est à vous que je m'adresse, devons-nous en deuxième lecture voter sur le principe du bill tel qu'il se dégage du texte ou si nous devons voter sur les engagements pris par le ministre d'apporter des modifications qui changeront le principe.

M. BELLEMARE: M. le Président...

M» LESAGE: On a toujours le droit de demander un conseil au président.

M. BELLEMARE: M. le Président, me permettriez-vous de vous suggérer, à l'occasion de la deuxième réplique de l'honorable chef de l'Opposition a ma réplique principale, de lui dire qu'il me fasse confiance et que s'il n'est pas satisfait, il aura tout avantage à voter contre en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

M. LESAGE: Pour nous protéger, disons sur division.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'objection, mais ce serait bien plus gentil sans division.

M. LESAGE: Oui, je suis gentil, mais disons sur division. De plus, je ne l'ai pas dit fort.

M. BELLEMARE: Vous ne l'avez pas dit fort. Alors, M. le Président, vous ne l'avez pas compris.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill no 288. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, au premier article, je proposerais un amendement. Au lieu de « conseil supérieur » « conseil consultatif » et en anglais « Consultative Labour and Manpower Council ».

M. LEFEBVRE: Au sujet du premier article, j'aimerais faire une brève remarque, d'abord pour me réjouir du fait que le ministre a en effet manifesté plus de souplesse qu'il n'en avait laissé prévoir au sujet de ce bill. Pour ma part, je pense qu'avec l'assentiment du chef de l'Opposition, nous serions disposés à remettre au ministre ce que nous avions préparé pour le travail en comité: une série d'amendements.

Il est possible que les amendements que le ministre vient de nous remettre comblent un certain nombre de lacunes, enfin des suggestions que nous avions à faire. Quant à moi, je n'ai pas d'objection, et je pense bien que le chef de l'Opposition n'a pas d'objection, à ce que nous remettions au ministre, tel qu'il était, le texte des amendements que nous avions préparés. Au fur et à mesure, nous pourrons suggérer les parties d'amendements que nous sommes disposés à oublier, c'est-à-dire que, ce que le ministre aura couvert dans ses amendements, nous n'en parlerons pas. Quant au res-

te, évidemment, nous ferons valoir notre point de vue comme c'est normal, je crois.

Alors, si cela convient, M. le Président, je remettrai au ministre...

M. BELLEM4.RE: Article 1 adopté? M. LEFEBVRE: Article 1, oui.

M. FRECHETTE (président du comité plénier): Article 1 adopté.

M. BELLEMARE: Article 2.

M. LESAGE: A l'article 2, il y avait une série d'amendements.

M. BELLEMARE: Oui, à l'article 2, il y a une série d'amendements. On dit ceci:...

M. LESAGE: Un instant. Est-ce que le ministre pourrait me faire parvenir sa série d'amendements?

M. BELLEMARE: Ah oui, j'en ai justement une copie. Excusez-moi.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela pourrait aider.

M. BELLEMARE: Est-ce que vous voulez aussi ceux du parti libéral? Je n'en ai qu'une copie. Nous allons auparavant regarder ce que l'Opposition nous soumet. Nous allons d'abord relire l'article 2, si vous me le permettez. « Le conseil doit donner son avis au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur toute question que celui-ci lui soumet relativement aux sujets qui relèvent de la compétence du ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre. « Sous réserve de l'article 16, il peut — ça, c'est le budget — entreprendre l'étude de toute question qui relève du domaine du travail et de la main-d'oeuvre et faire effectuer les études et recherches qu'il juge utiles et nécessaires pour la poursuite de ses fins. »

C'est exactement ce qui était dans notre esprit, et puisqu'il faut le clarifier, nous avons dit: II n'y a pas d'objection dans les limites de l'article 16.

M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre constatera que les clarifications qu'il apporte maintenant sont contenues dans les quatre premiers paragraphes de l'amendement que nous voulions suggérer à ce stade-ci de nos débats.

Maintenant, le ministre constatera aussi que les deux derniers paragraphes de notre amendement ne sont pas couverts par son texte. Je propose, quant à moi, que ce texte-là soit ajouté.

Pour l'instant, peut-être que je ne ferai pas de proposition formelle. Je verrai si le ministre est d'accord pour l'entériner, pour l'ajouter à son texte. Ce serait probablement la procédure la plus simple. Notre suggestion se lit comme suit: « Le conseil décide lui-même de l'opportunité de rendre publiques les recommandations qu'il transmet au ministre. Le ministre peut toutefois attirer l'attention du conseil sur les inconvénients qu'il peut voir à la publication de tel ou tel avis que le ministre lui-même a requis du conseil ».

Autrement dit, M. le Président, l'esprit de cette suggestion est le suivant: Si le conseil, conformément à l'amendement dont le ministre vient de faire part à la Chambre, décide d'entreprendre lui-même l'étude d'une question, je crois qu'il est à ce moment-là parfaitement libre de rendre publique toute recommandation qui pourrait émaner de cette étude.

Si, d'autre part, c'est le ministre qui demande un avis au conseil, je crois bien, M. le Président, que, tel que rédigé, il serait assez étonnant que le conseil outrepassât une invitation du ministre à l'effet que, sur tel point donné, pour telle raison donnée, le ministre préférerait que l'avis du conseil demeure privé et ne soit pas connu du public.

Autrement dit, je crois que la suggestion que nous faisons au ministre va dans le même esprit que l'amendement qu'il nous propose, mais le complète. Le ministre se souviendra que, tant du côté syndical que du côté des employeurs, on a insisté sur le fait que le conseil devait avoir cette liberté.

Par ailleurs, dans notre dernier paragraphe, nous admettons que le ministre peut aussi avoir des raisons légitimes d'inviter le conseil à la discrétion. Je pense donc qu'il y a là un équilibre, et je souhaiterais, pour ma part, que le ministre — oublions les premières parties de notre amendement — accepte la suggestion de ces deux derniers paragraphes, qui m'apparaissent, encore une fois, répondre à la demande, aussi bien des employeurs que des syndiqués.

M. BELLEMARE: M. le Président, d'abord, il n'y a rien dans la loi, si l'honorable député l'a bien lu, qui empêche ce que demandent les deux derniers articles de l'amendement suggéré par l'honorable député d'Ahuntsic. Il n'y a absolument rien dans la loi qui l'empêche, absolument rien.

Au Conseil supérieur du travail, le 2 avril 1968, il avait été entendu que les avis ou rapports

émanant du conseil supérieur à la demande du ministre soient confidentiels. Cela a été accepté par le conseil supérieur à la séance du 2 avril 1968. Nous n'avons pas voulu mettre ça. Le conseil croit que, dans chaque cas, on devrait décider, après consultation des parties, s'il devrait y avoir publication ou non d'un tel document. On n'a pas mis ça, ni confidentiel ni rien, pour lui laisser toute liberté. Je suis sûr que, lorsque j'aurai à demander personnellement des avis au conseil supérieur, les gens auront sûrement la responsabilité de respecter le caractère strictement confidentiel des rapports qu'ils vont nous faire. Mais qui peut empêcher ça? Même si vous le mettez dans une loi, qui peut empêcher que ça sorte? A qui s'en prendra-t-on?

A qui pourra-t-on faire des reproches si des rapports qui étaient strictement confidentiels sont publiés? On n'a pas voulu ça. Vous le verrez tout à l'heure dans un autre article de notre bill. Le conseil doit faire rapport de toutes ses activités et de toutes ses études. Là, M. le Président, c'est remis à la Chambre. On établit clairement ses responsabilités.

M. LESAGE: Le ministre pourrait-il nous dire pour quelle raison jusqu'à maintenant les avis du conseil supérieur ont été traités comme des avis confidentiels?

M. BELLEMARE: Parce qu'en vertu de l'ancienne loi, on disait ceci: Le ministre du Travail peut inviter le conseil supérieur à étudier, premièrement, tel problème particulier visé à l'article 2 ou toute autre question que le développement de la vie économique et sociale impose à l'attention du conseil supérieur. De son initiative, il peut aussi diriger ses recherches.

Mais, là, on se réfère aux questions d'administration et on dit: Le conseil a particulièrement pour mission l'étude des questions relatives à la protection des ouvriers et des salariés. Et, à la fin, on nomme les différentes applications: l'apprentissage, l'orientation, et le reste. D'après la tradition même qui s'est instaurée au conseil supérieur depuis des années, les avis fournis au ministre sur les différents sujets sont presque toujours demeurés confidentiels, mais pas toujours.

Je dois dire que certains documents sont sortis du Conseil supérieur du travail, à ma connaissance, du temps que j'étais dans l'Opposition.

M. LESAGE: Ils ont été rendus publics, à ce moment-là.

M. BELLEMARE: Ils ont été rendus publics après. Je n'avais pas cité l'auteur; je n'avais donné aucune source de renseignement, mais j'avais parlé d'un sujet particulier...

M. LESAGE: C'est le député de Champlain qui les avait obtenus.

M. BELLEMARE: On me les avait remis. M. LESAGE: Qui les avait obtenus...

M. BELLEMARE: Non, on me les avait remis.

M. LESAGE: Vous les avez reçus. M. BELLEMARE: Reçus. M. LESAGE: Très bien.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas pareil. Dans une cause...

M. LESAGE: Très bien. Reçus.

M. BELLEMARE: Reçus. Je dis que, dans les circonstances...

M. LESAGE: Cela n'a pas d'importance. Si une tradition a été établie de considérer comme confidentiels des avis du conseil supérieur, n'est-il pas à craindre que cette même tradition, étant fort ancrée, continue? La façon de s'assurer que le conseil lui-même se sentira libre ne serait-elle pas, justement, d'ajouter les deux alinéas suivants: « Le conseil décide lui-même de l'opportunité de rendre publics les avis qu'il donne au ministre. » Et, ce qui serait le quatrième alinéa: « Le ministre peut toutefois attirer l'attention du conseil sur les inconvénients qu'il peut y avoir à la publication de tel ou tel avis que le ministre lui-même a requis du conseil» »

M. BELLEMARE: Lors de la rencontre qui a eu lieu le 3 avril 1968, je le redis, le conseil avait dans son procès-verbal, souligné cette expression: « Les avis ou rapports émanant du conseil supérieur à la demande du ministre sont confidentiels ». Il l'avait inscrit, lui. J'ai dit à mes officiers: Je ne veux pas que ce soit délimité à ce sens-là. Même si on met que c'est confidentiel, il y aura des gens qui trouveront un moyen de le faire savoir à d'autres. Ne le disons pas dans la loi, mais proposons un article général, un article omnibus, qui va atteindre véritablement le but que nous poursuivons: que quelqu'un le connaisse le rapport, en temps

et lieu, au moment opportun, on fera le dépôt des documents qui deviendront publics à cema-ment-là.

M. LESAGE: « En temps et lieu », c'est tellement devenu la marque de commerce de l'Union Nationale que ça sort de la bouche des ministres malgré eux.

M. LEFEBVRE: M. le Président, sur ce point-là, le ministre a dit que, dans le passé, il est arrivé que certains textes aient...

M. BELLEMARE: Pardon? Si vous voulez m'excuser, j'étais...

M. LEFEBVRE: Le ministre faisait allusion au fait que, dans le passé, lorsqu'il était dans l'Opposition, certains procès-verbaux ou documents du Conseil supérieur du travail avaient quitté leur lieu d'origine pour aller tomber dans les mains du député de Champlain.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas gentil, cela. J'ai dit que je les avais reçus.

M. LEFEBVRE: Bien oui!

M. BELLEMARE: Mais on n'était pas obligé de me les donner.

M. LEFEBVRE: Je le sais.

M. BELLEMARE: Je ne peux tout de même pas attacher un homme qui veut aller en voir un autre pour lui dire qu'il a une jolie femme.

M. LEFEBVRE: Justement. Quant à moi, deux hommes sont venus me voir pour m'apporter des documents. Le ministre du Travail, qui m'a remis un document de 1966 et quelqu'un d'autre qui m'a envoyé un document de 1968. Je lis ici — parce que les faits, c'est importants - dans ce document daté du 27 mars 1968: « Quant à la publicité des travaux du conseil, le conseil pourrait publier ses propres études, mais les avis que le ministre demande au conseil seraient publiés à la discrétion du ministre ». C'était un hypothèse. Quant à l'hypothèse que le ministre vient de mentionner, elle n'émanait pas des membres du conseil, mais du sous-ministre, M. Quimper, que je ne veux pas impliquer dans la chose, ni attaquer. Je veux simplement rectifier les faits qui ont été cités tout à l'heure par le ministre, parce que, d'après les renseignements que j'ai, les intentions qu'il a prêtées aux membres du conseil étalent plutôt la propriété du sous-mi- nistre, en tant que porte-parole du ministre lui-même.

Le ministre n'aura qu'à prendre une autre formule. Nous ne tenons pas absolument à ce que notre texte soit adopté par le ministre. Nous demandons, puisque le ministre dit aux membres de cette Chambre que le conseil a le droit de publier le résultat de ses études, que rien ne l'en empêche, pourquoi on ne l'écrierait pas dans la loi? De cette façon, la tradition à laquelle il a lui-même fait allusion serait une fois pour toutes nettoyée et on repartirait en neuf. Tout le monde saurait qu'en l'an de grâce 1968, le ministre du Travail a recommencé une vie nouvelle, avec un nouvel esprit. Tout le monde serait bien content. Quant à nous, nous serions satisfaits. Peu importe comment le ministre et ses conseillers rédigeraient cela. Tout ce que nous voudrions, c'est que le conseil supérieur ait la liberté de publier ses recommandations.

Nous sommes convaincus que, dans des cas spécifiques, si le ministre demande un avis confidentiel au conseil, il recevra cet avis confidentiellement.

M. BELLEMARE: Et, d'après vous, il restera confidentiel?

M. LEFEBVRE: Honnêtement, il n'y a pas beaucoup de cas et je pense que le ministre ne voudrait pas mettre en doute le sérieux des gens qui vont siéger au conseil.

M. BELLEMARE: Il n'y a pas seulement les membres du conseil; il y aura aussi des fonctionnaires.

M. LEFEBVRE: Bien oui. Les fonctionnaires sont en général des gens fort discrets.

M. BELLEMARE: Oui, oui. M. Xerox.

M. LEFEBVRE: M. Xerox? Je ne le connais pas.

M. BELLEMARE: Non?

M. LESAGE: Est-ce que le ministre souffre de la maladie de la persécution?

M. BELLEMARE: Pour répondre à cela - si l'honorable député de Laurier me le permet - je voudrais que le député d'Ahuntsic me cite un seul article dans la loi où il est dit qu'ils n'ont pas le pouvoir de le faire.

M. LEFEBVRE: Je voudrais que le ministre me dise pourquoi il s'objecte à ce que cela soit dit dans la loi.

M. BELLEMARE : Parce que ce n'est pas nécessaire. Ils peuvent le faire.

M. LEFEBVRE: Oui, mais vous n'êtes...

M. BELLEMARE: C'est justement cela. Rien ne les empêche de le faire.

M. LESAGE: Mais tout à l'heure, le ministre m'a répondu qu'il existait une tradition bien ancrée de ne pas rendre publics les avis donnés au ministre.

M. BELLEMARE: Les avis confidentiels qui me sont donnés, à moi.

M. LESAGE; Oui. C'est pourquoi j'ai demandé si le moyen de mettre fin à cette tradition bien ancrée n'était pas de dire dans la loi qu'on y mettait fin.

M. BELLEMARE: Quand on ne le spécifie pas, c'est parce qu'ils ont le droit.

M. LEVESQUE (Laurier): Pendant que le ministre...

M. BELLEMARE: Oui, je vous écoute.

M. LEVESQUE (Laurier): ... réfléchit là-dessus, je voudrais faire une brève intervention sur l'article 2, sans le débattre très longuement.

Il me semble que la clef de toute l'affaire est dans l'article 2 et que cela tourne autour du mot « publication ». Cela dépend des conditions qu'on y met. Si on met des conditions, à toutes fins pratiques, on anesthésie d'avance le conseil.

M. BELLEMARE: Publication?

M. LEVESQUE (Laurier): Le mot « publication », par rapport au deuxième paragraphe et à la façon dont on peut l'amender. Je prends le texte original de la loi, c'est là que se trouve tout l'esprit qu'on veut donner à ce conseil. Ou bien c'est un conseil fermé, consultatif dans le sens de ligoté, un peu, comme ç'a été toujours un peu la tradition.

M. BELLEMARE: Cela ne l'est pas, là.

M. LEVESQUE (Laurier): Si c'est ça qu'on veut...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LEVESQUE (Laurier): Non? D'accord. Mais enfin, je voudrais arriver très vite à l'a- mendement du ministre. Seulement, il y a un choix à faire entre deux traditions. On a dit: conseil consultatif. Cela clarifie justement le fait qu'on souligne par ce mot-là à quel point il ne s'agit pas d'un organisme qui est un service intégré au ministère, etc. C'est un conseil consultatif. Il y a peut-être l'ambiguïté qu'on y a mis des fonctionnaires. On n'aurait peut-être pas dû, mais enfin, ça viendra dans un autre article. De toute façon, étant un conseil consultatif dans un domaine aussi vaste que la main-d'oeuvre et le travail.

Hier, je ne voulais pas me mêler au débat inutilement pour répéter ce que d'autres disaient parce que tout le monde disait en allant jusque dans les mines de l'Abitibi, etc., à quel point c'est vaste, c'est complexe, ça implique toute notre société au moins autant sous une autre forme que l'éducation ou que, si vous voulez, les problèmes économiques à l'état pur, ça fait une sorte de joint très souvent entre l'éducation et l'économie, au niveau où vive le monde, c'est-à-dire au niveau où vivent les gens là au niveau où ils travaillent où ils ne travaillent pas.

Donc, il n'y a pas de sujet dont on puisse dire qu'il est plus important. Vous avez un conseil consultatif. A l'article 2 il s'agit de savoir quelle sorte de conseil et finalement vous savez — n'oubliez pas une chose — c'est que ça veut dire aussi quelle sorte d'hommes vous allez pouvoir attirer à ce conseil. Ou bien ça va être un conseil fermé, plus ou moins ligoté d'avance, et à ce compte-là vous n'aurez pas facilement des gens remarquables ou des gens compétents qui vont accepter de siéger là. Ou bien ce sera un conseil ouvert, un peu et le plus possible, j'espère beaucoup, dans la ligne qui a été amorcée par le Conseil économique du Canada et sauf erreur par le Conseil supérieur de l'éducation dans le Québec, qui ont le droit strict ils ont aussi les moyens et ça c'est important c'est là que l'amendement du ministre me trouble un peu. Ils ont non seulement le droit, mais ils ont les moyens étant des conseillers du gouvernement d'être aussi les conseillers de l'opinion publique.

Alors, des gens de la plus haute compétence peuvent et, sûrement, non seulement peuvent mais doivent, si on le leur demande, être intéressés assez pour prendre ça au sérieux. La version originale de l'article 2, parce que je laisse de côté le premier paragraphe qui dit les choses là qui n'ont pas changé, mais l'article 2, deuxième paragraphe, la version originale disait: avec l'approbation du ministre. Elle ne parlait pas d'autres choses que d'études et de recherches, pas de publication. Bon, la ver-

sion amendée que le ministre apporte, enlève l'approbation du ministre au 2e paragraphe et met sous réserve de l'article 16.

L'article 16 dit très bien que c'est forcément le ministre qui décidera du budget, il n'y aura rien de statutaire en soi. Le budget au début, puis plutôt que de rediscuter ça — je veux juste souligner en passant — sera pris à même l'argent du fonds consolidé pour l'année courante puis ensuite sera voté et ça deviendra statutaire une fois voté, mais ce que je veux dire, c'est qu'aucun service, aucun organigramme n'est prévu. Or c'est de cette façon-là — et on ne jouera pas là sur les petites choses — c'est de cette façon-là, les détails, que l'ancien conseil d'après les renseignements que j'ai eus puis l'expérience qu'on en a eu parce qu'on l'a vécu comme ça aussi dans l'ancien gouvernement, l'ancien conseil est devenu à toutes fins pratiques une sorte de « fixture », la plupart du temps inopérante, où s'est établi une espèce d'esprit de lassitude, les gars continuaient à y aller, parce que c'était dans la loi, puis je ne sais pas s'il restait même un semblant de gloriole à siéger là, mais de toute façon à toutes fins pratiques, ç'a servi on peut dire à quelque chose qui était proche de rien, de zéro.

Alors l'amendement du ministre, je dis qu'il est machiavélique parce qu'il enlève l'approbation qui était écrite au 2e paragraphe, qui disait qu'avec l'approbation du ministre, le conseil pourrait faire l'étude de toute question qui relève de son domaine et faire effectuer des études et recherches, bon, qu'il juge utile ou nécessaire, ça ne va plus loin et là confidentialité est là entre les lignes là dans la tradition. Et c'est une mauvaise tradition, c'est elle qui a tué l'ancien conseil.

Maintenant, on enlève l'approbation du ministre puis on dit il peut, sous réserve des sommes qu'il obtiendra ou qu'il n'obtiendra pas pour faire son travail. Or, nulle part dans la loi plus loin puis plutôt que de faire à chaque article des retours en arrière etc., nulle part dans la loi et je projette en avant, quand on verra le personnel par exemple, on ne dit même pas s'il va avoir un secrétaire permanent. On dit, si, à l'article 10. Si on décide d'avoir un secrétaire permanent mais forcément l'article 16 dit: si le ministre quel qu'il soit, celui d'aujourd'hui ou celui de demain, décide qu'il a l'argent pour. On connaît la méthode que ça peut ouvrir, bon. On ne parle pas de documentation. Je ne sais pas comment ils vont faire de la recherche, s'ils n'ont pas un minimum de service de documentation.

Il n'est pas prévu non plus du genre de personnel qu'ils pourraient avoir. Tout ce qui est prévu, si on décide d'avoir un secrétaire permanent, il sera permanent sinon ça sera un gars qui fera ça à temps partiel, puis on nommera les fonctionnaires en temps et lieu, enfin, je ne caricature pas, c'est ça que dit l'article 10.

L'article 16 dit bien on aura l'argent qu'on aura. Alors il n'y a pas de service prévu, il n'y a pas de budget enfin qui correspondrait à un minimum d'organigramme.

Alors, que prétend-on amender; dans le sens d'ouvrir la porte à un conseil de ceux que j'appelle ouverts, c'est-à-dire un conseil qui pourrait être vivant et aider la population à comprendre, en même temps que le gouvernement, et pas nécessairement sur la même longueur d'ondes? Je suis sûr que les publications du Conseil économique du Canada ou du Conseil supérieur de l'éducation, ici, ne font pas toujours l'affaire du gouvernement mais c'est ce qui fait leur valeur. C'est, qu'au besoin, si on a des gens compétents, des gens de valeur qui sont là, qui puissent s'exprimer, il leur soit loisible de ne pas être ligotés, ficelés à l'avance.

Alors, moi, je dis simplement que l'amendement du ministre, tel qu'il est proposé, à toutes fins pratiques, implique: Vous aurez les moyens, les gars, si vous êtes gentils, sinon vous serez affamés. Il n'y a pas moyen de comprendre cela autrement, pour des hommes de valeur, qu'on inviterait, sur la base de ce bill-là, à venir siéger sur le conseil, désormais intitulé consultatif.

Il me semble à moi que l'amendement le plus clair serait de prendre, si on veut, celui de l'Opposition, mais sans le dernier paragraphe, qui me paraît inutile, parce que c'est vraiment «fa-finer » sur les mots. C'est évident que le ministre n'a pas besoin d'écrire cela, « peut attirer l'attention » à moins qu'il n'y ait pas d'appareil téléphonique et qu'il ne connaisse pas les gars, « qu'il peut attirer l'attention du conseil sur les inconvénients », cela me paraît, à toutes fins pratiques, être de la finasserie.

Ce qui est important, c'est le paragraphe précédent: Que le conseil décide lui-même de l'opportunité de rendre publiques les recommandations, non seulement les recommandations, mais les études qu'il pourrait faire, si on lui en donne les moyens. Car on joue avec lui, quand on lui permet d'entreprendre des études et des recherches sans lui dire s'il va avoir un minimum de services, sans même lui dire s'il va avoir un secrétariat minimum, ou même un homme qui s'appellerait secrétaire permanent.

Alors, tenant compte du fait, et je n'ai pas d'illusion, parce que les autres articles ne donnent pas l'impression que le ministre est prêt à se rendre là, mais enfin il me semble que la clé est là: Tenons compte du fait que le budget

devrait prévoir d'avance qu'il va répondre à un minimum d'organigramme et de services, sinon, ne parlons pas d'études et de recherches, on se moque du monde. Qu'ils aient un peu les moyens de faire les études et les recherches qu'on évoque.

A ce compte-là, il me semble que l'amendement à l'article 2 pourrait tout simplement se résumer à ceci: Le conseil peut entreprendre l'étude de toute question qui relève du domaine du travail et de la main-d'oeuvre, et faire effectuer les études et recherches, ainsi que les publications, qu'il juge utiles ou nécessaires pour la poursuite de ses fins. Cela éviterait d'ajouter ces espèces de précautions oratoires que je comprends bien, mais qui sont, plus ou moins, à mon humble avis, pour essayer d'amadouer le ministre en lui rappelant qu'il a le droit de faire ce qu'il a le droit de faire, de toute façon. Je ne vois pas pourquoi une loi dirait cela, qu'il a le droit de téléphoner aux gars pour leur dire, cela ne serait pas opportun, les gars, de publier ça. Ce qui est important, c'est qu'eux puissent dire, et cela, il suffit de l'écrire dans la loi qu'ils ont le droit de publier, si on veut des hommes de valeur, encore une fois, et non pas un conseil tampon, ou un conseil à toutes fins pratiques, confidentiel au point où il n'existerait plus, encore une fois, ou serait paralysé.

Ce qui est important, si on veut ce genre d'hommes-là, c'est de leur assurer un peu les moyens de faire des études et des recherches, de leur propre initiative, tout en répondant aux demandes du ministre évidemment, c'est prévu au premier paragraphe, mais aussi de faire des recherches et des études et les publications qu'ils jugeront utiles ou nécessaires, soit au gouvernement, soit, sans le gouvernement, à l'opinion publique, qui a le droit d'être éclairée sur un domaine aussi important.

Il suffirait donc d'enlever avec l'approbation du ministre, et d'ajouter à la fin: Ainsi que les publications, études, recherches, et j'ai l'impression que si, un peu plus loin, on leur assurait un minimum de services permanents, des hommes de valeur des deux côtés, capital, travail, enfin patrons et travail, seraient très intéressés à y aller. Autrement, on n'a pas besoin de commenter les journaux et les prises de position, qu'on prépare tout simplement un avortement de première classe.

M. BELLEMARE: Alors, c'est la première fois qu'on brise la tradition. C'est la première fois que l'on dit, dans des textes de loi, que le Conseil supérieur du travail pourra le faire. Je dis qu'on prend la peine de le dire dans un article, l'article 15, exactement ce qu'il peut faire.

On ne dit pas qu'il y a une défense, que c'est confidentiel, et on ne le dit pas.

On dit — et c'est la première fois que cela existe — ils ont le droit de le faire. Ils ont le droit de publier. Je le dis de mon siège. Cela doit être encore une certitude, et non pas parce que je m'en irai demain ou un autre jour. Je reconnais l'argument de l'honorable député de Laurier.

M., LEVESQUE (Laurier): Le ministre me permettait-il juste une question précise?

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Si vous mettez sous réserve l'article 16, est-ce que vous pouvez ajouter « publications »? « ... les études, recherches ainsi que les publications qu'il juge nécessaires ».

M. BELLEMARE: Sous réserve de...

M. LEVESQUE (Laurier): Non, non. Votre amendement...

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... deuxième paragraphe. Ce qui m'intéresse, ce serait de voir s'il n'y a pas moyen de s'assurer que des gens qui en valent la peine vont aller là. S'ils doivent aller là, ils vont vouloir que ce qu'ils font se sache. Autrement, cela va les ennuyer.

Sous réserve de l'article 16, en présumant que le gouvernement accordera les budgets, qui ne sont pas gros d'ailleurs, mais qui permettent d'être sérieux et non pas de jouer avec le monde. Les deux dernières lignes: « ... faire effectuer les études, les recherches ainsi que les publications qu'il juge nécessaires ». C'est tout.

M. BELLEMAR.3: Quant à ceux qui vont devenir permanents, comme le dit l'honorable député de Laurier, je peux lui dire que nous avons réfléchi profondément. Nous avons déjà eu des rencontres très sérieuses avec des personnes fort qualifiées qui ont, dans le monde du travail, un standard irréprochable et dont les qualifications, l'expérience et la compétence les rendent extrêmement prêts à jouer un grand rôle. Lorsque le nom de ces personnes sera connu, je vois déjà la presse écrire cela en gros titres.

M. LEVESQUE (Laurier): Qui est-ce? M. BELLEMARE: Quoi?

M. LEV ESQUE (Laurier): Je suis prêt à prendre tout ce que dit le ministre; je suis impressionné, je suis aplati, mais qui sont ces gars, etc, qui seraient d'accord avec l'article 2 tel qu'il est?

M. BELLEMARE: Je ne psux pas le dire. La loi n'est pas adoptée.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah! bon! Nous sommes obligés... Ah! oui, d'accord!

M. BELLEMARE: C'est vrai.

M., LEVESQUE (Laurier): Dans ce cas-là, moi aussi, j'ai rencontré des gens d'une compétence inouïe, ayant des qualifications incroyables et ils disent que l'article 2 est l'étouffement du conseil, si on n'y fait pas attention.

M. BELLEMARE: Moi, je dis que ce n'est pas vrai. Je dis que j'ai une autre conception. Lorsque ces personnes seront en place, c'est fantastique combien on va nous rendre justice en disant: On a encore parlé trop vite. On aurait dû faire confiance à ce bonhornme de Bellemare.

M., LEV ESQUE (Laurier): Si vos gars sont si bons, si ce sont des sommités — je suis prêt à prendre votre parole — pourquoi les empêchez-vous de publier?

M. BELLEMARE: Nous ne les empêchons pas. L'article 15 va tout leur donner. C'est justement par la discrétion qu'ils vont observer que l'on va s'apercevoir que ce sont des bons hommes. Ils vont avoir le pouvoir de le donner ou de ne pas le donner. Nous avons pris une infinité de précautions avant de pressentir certaines personnes, parce que nous ne voulons pas que ces nominations-là soient sujettes à caution.

Je pense que nous avons fait un effort louable pour définir, dans notre article, ce qui était vraiment le fond de notre pensée. Nous voulions un Conseil supérieur libre et autonome qui pourrait rendre d'immenses services par les études qu'il sera appelé à faire concernant les avis qu'il devra donner au ministre et aussi entreprendre tout autre travail.

M.. LEFEBVRE: Quant à nous, nous prenons note de l'engagement formel que le ministre a pris en tant que ministre du Travail de considérer que le conseil a le droit de faire connaître ses avis.

M. BELLEMARE: Pas au public.

M. LEFEBVRE: Nous regrettons qu'il ne juge pas à propos de le mettre dans le texte de la loi. Je suis sûr que le ministre est conscient qu'il lui sera difficile, à l'avenir, d'invoquer la tradition qui a existé jusqu'à maintenant.

M. BSLLEMARE: Non, non, nous l'avons abandonnée. Nous avons passé trois soirées complètes — nos sous-ministres le savent — à nous demander: Est-ce bien cela? Va-t-on dégager, une fois pour toutes, de l'esprit des gens que ce n'est pas le ministre qui va mener cela? Les gens pourront le faire. Nous avons trouvé une formule. Ce n'est pas facile.

M. LEFEBVRE: M. le Président, nous, nous ne passons malheureusement pas nos soirées avec le ministre du Travail. Ce serait agréable, remarquez. Mais il nous arrive de veiller en compagnie d'autres personnes.

M. BELLEMARE: Et nous pouvons les nommer!

M. LEFEBVRE: Oui, nous aussi. Seulement, nous pensons que les textes veulent dire ce qu'il y a d'écrit dedans et non pas ce qu'il y a dans la tête du ministre. En tout cas, nous ne ferons pas une grosse chicane, car nous trouvons que, par rapport à la semaine dernière et même par rapport à hier, le ministre s'est déjà amélioré considérablement.

M. BELLEMARE: M. le Président, je pense que le député devrait dire: J'ai compris le ministre.

M. LEFEBVRE: Ah bon!

M. BELLEMARE: Avec ces explications, j'ai compris le ministre.

M. LEFEBVRE: Ceux qui ont lu le texte original de la loi et qui lisent vos amendements jugeront si c'est moi qui n'avais pas compris ou si c'est vous qui n'aviez pas écrit la même chose.

M. BELLEMARE: Ce n'était peut-être pas assez clair.

M. LEFEBVRE: II ne faut pas « charrier ». M. BELLEMARE: Là, je clarifie ma pensée.

M. LEFEBVRE: On constate avec plaisir que vous reculez élégamment.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas gentil, je ne reculerai plus.

M. LEFEBVRE: Je ne suis pas ici pour être gentil.

M. LESAGE: Reculez, reculez, M. le ministre.

M. LEFEBVRE: Quand vous êtes sur une mauvaise voie.

M. BELLEMARE: Je m'en vais dire comme un ancien ministre qui, à un moment donné, dans la salle des comités, avait accepté un amendement - et c'était rare. A un moment donné, il est arrivé à un autre chapitre et il dit : Je viens de l'exclure de mon dictionnaire.

M. LEFEBVRE : Quand le ministre est parti sur une mauvaise voie, c'est excellent de reculer. S'il est sur la bonne voie, qu'il avance.

M. BELLEMARE: Alors, la voie, la vérité, la vie.

M. LE PRESIDENT: Article 2 adopté tel qu'amendé.

M. BELLEMARE: Article 3, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté.

M. BELLEMARE: Article 4. Il y a un amendement à cet article. Là, je dis que c'est un amendement qui vient de l'Opposition, parce que je suis convaincu que nous avons discuté avec nos officiers, nous avons lu les textes, les procès-verbaux et surtout celui où on nous a demandé d'enlever complètement et unanimement le droit de vote.

Alors, nous nous sommes dit à ce moment-là: S'ils n'ont pas le droit de vote, si le conseil, à l'époque de la commission permanente, était unanime pour leur enlever le droit de vote, nous serions beaucoup mieux, afin de ne pas frustrer ces gens-là, de les nommer à des comités ad hoc et de respecter les deux parties, comme l'écrit si bien le père Hébert, dans son article qu'a lu sûrement l'honorable député d'Ahuntsic.

Il a été très éloquent sur la partie du tiers-monde.

M. LEFEBVRE: Platon et Relations sont mes lectures courantes.

M. BELLEMARE: Nous allons quasiment chercher notre inspiration aux mêmes sources, mais nous les interprétons peut-être différemment,

M. LE PRESIDENT: Alors article 4.

M. BELLEMARE: Alors, il faut changer les articles 4 et 5.

M. LEFEBVRE; M. le Président, si vous le permettez, à l'article 4, je ferai remarquer au ministre que nous avions l'intention de soumettre un amendement mais, quant à nous, nous sommes heureux du changement apporté, et nous oublions l'amendement qui avait été suggéré.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, nous l'adoptons pour ceux qui en sont heureux.

M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté. Article 5.

M. BELLEMARE: Article 5. D'accord.

M. LE PRESIDENT: Article 5, adopté. Article 6.

M. BELLEMARE: Article 6. C'est sur un quorum...

M. LEFEBVRE : Un instant, nous avons une question sur ça.

M. LE PRESIDENT: Article 5.

M. BELLEMARE: Article 5, la durée du mandat.

Article 6, c'est l'expiration du mandat. Tant qu'ils ne sont pas remplacés, ils sont en fonction.

M. LE PRESIDENT: Alors article 6, adopté.

M. BELLEMARE : Ce sont les vacances. Comment combler toute vacance?

M. LEVESQUE (Laurier): Vous allez tellement vite.

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LEVESQUE (Laurier): A l'article 6, n'est-ce pas un peu flou sur le remplacement?

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LEVESQUE (Laurier): Parce qu'il y a ceci: C'est qu'auparavant, dans l'ancien conseil

supérieur, je ne sais pas s'il y a eu unanimité chez les parties, je pense surtout...

M. BELLEMARE: Je ne comprends presque pas.

M. LEVESQUE (Laurier); Je dis auparavant, au conseil supérieur, si j'ai bonne mémoire, ça s'appliquait surtout — ça peut s'appliquer à d'autres — à la partie syndicale, je crois.

Lorsqu'un membre ne réflétait plus ses mandataires qui l'avaient envoyé, il pouvait être remplacé. Une sorte de destitution était prévue. Je ne me souviens pas du texte exact.

Là, il n'y a rien de prévu. Autrement dit, si un représentant d'une partie syndicale qui ne représente plus sa partie, c'est à elle de décider. Et il peut continuer un mandat indéfiniment, enfin, tel que la loi le prévoit.

Y a-t-il un mécanisme, quelque part, qui permettrait, pour éviter des conflits, d'avoir la même chose?

M. BELLEMARE: C'est un peu ce qui se produit dans la vie courante. Un député, à un moment donné, se présente sous une étiquette politique et, pendant l'exercice de son mandat, décide, lui, de changer. Il reste député. Pour véritablement suivre la logique de l'honorable député de Laurier, il faudrait le remplacer immédiatement.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, non.

M. BELLEMARE: Mais c'est ça, votre logique.

M. LEVESQUE (Laurier): Là-dessus, je vous l'ai déjà offert publiquement, vous ne l'avez pas pris, sans délai, de vous permettre de voir mon mandat. Vous ne l'avez pas voulu.

M. BELLEMARE: Faites-le donc pour voir.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah oui, attendez un peu. J'attends pour voir si vous avez des élections au mois de juin. Je ne le ferai pas exprès pour que vous vous débarrassiez de moi.

M. BELLEMARE: Non, non, pas au mois de juin...

M. LEVESQUE (Laurier): Je ne vous débarrasserai pas de ma présence à la dernière minute. Vous serez obligés de vous débarasser de moi de force. Vous y viendrez.

M. BELLEMARE: De votre présence à vous?

M. LEVESQUE (Laurier): Vous n'avez pas profité de l'occasion. Arrangez-vous avec vos troubles. Maintenant, n'entrez pas dans ce domaine-là.

Ici, c'était une chose qui existait. Je ne sais pas comment elle était formulée dans la loi.

M. BELLEMARE: C'était ainsi: « Toute association...

M. LEVESQUE (Laurier): Bon.

M. BELLEMARE: ... toutefois les associations qui ont recommandé les personnes nommées au conseil supérieur peuvent demander le remplacement de toute personne nommée sur leur recommandation si le motif de ce remplacement est agréé par le conseil supérieur en séance plénière. »

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, alors, vous avez enlevé ça.

M., BELLEMARE: Comment?

M. LEVESQUE (Laurier): C'est-à-dire que vous ne reproduisez pas quelque chose d'équivalent. Non, non, je comprends, mais enfin cela vous frappe. A votre avis, est-ce mieux de l'enlever? Parce qu'à moi, il semble que ça évitait certains conflits. C'est évident que si un gars, parmi les quatre personnes choisies par les associations de salariés, est désigné par la FTQ ou la CSN et qu'à un moment donné il est en rupture de ban avec son groupe, il peut peut-être rester dans le conseil mais, par définition, cela cré un fossé entre le conseil et l'une des parties — s'il reste là — dont le conseil a besoin comme interlocuteur valable. Ce n'est pas la fin du monde, mais...

M. BELLEMARE: M. le Président, je ne crois pas que s'il y a rupture de ban, comme dit l'honorable député de Laurier, la personne y demeure. Ce ne serait pas vivable pour elle au Conseil supérieur du travail. Dans l'article 7...

M. LEVESQUE (Laurier): Il y en a qui ont vécu dans ce climat pas vivable.

M. BELLEMARE: Je ne parle plus. Je ne dis rien. Mais dans l'article 7, il y a justement un mécanisme qui prévoit que lorsqu'un siège devient vacant, on le remplace selon...

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, d'accord, sauf que ça ne prévoit pas...

M. BELLEMARE: Oui, sauf que je ne pense pas... Accordé. Article 6, adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 6, adopté. Article 7. Article 7, adopté. Article 8.

M. LEFEBVRE: M. le Président, à l'article 8, je suis prêt à faire grâce au ministre d'un discours s'il me dit qu'il est d'accord avec l'amendement que nous lui avons suggéré.

M. BELLEMARE: Une minute.

M. LEFEBVRE: Nous voulons collaborer au point que nous renonçons même à faire la preuve tellement elle est éclatante.

M. BELLEMARE: Non, écoutez!

M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, comme le ministre n'est pas d'accord, voici. Nous avons étudié sérieusement cet article. J'ai, pour ma part, consulté des représentants de plusieurs groupements intéressés au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre comme nous l'appellerons maintenant.

M. le Président, j'attire votre attention d'une part, évidemment, sur la philosophie globale qui était celle du texte original. Après avoir admis que les amendements que le ministre nous propose maintenant améliorent considérablement cette philosophie qui, à notre avis — nous l'avons dit, je ne le répète pas pour blesser le ministre, mais simplement pour être fidèle à notre thèse — était paternaliste, nous avons dit que ce bill était directif de la part du ministre, qu'il nuisait à l'autonomie du conseil, etc.

Or, malgré les adoucissements et les améliorations indéniables que le ministre apporte, quand nous lisons l'article 8, que voyons-nous? « Le président du conseil — et je vous rappelle que cette personne, quelles que soient ses qualifications, que nous ne mettons aucunement en doute... nous imaginons que le gouvernement mettre la main sur un homme bien qualifié, seulement,... pardon?

M. BELLEMARE: ... Que connaît le député.

M. LEFEBVRE: Je sais, je le connais très bien et j'évite de dire son nom...

M. BELLEMARE: Vous n'êtes pas capable.

M. LEFEBVRE: Je le pourrais, je vais vous envoyer un petit billet.

M. BELLEMARE: Envoyez-moi ça.

M. LEFEBVRE: Oui, tantôt. Parlons d'abord du texte de loi, c'est plus important que les hommes. D'ailleurs, je ne voudrais pas empêcher la nomination d'un homme. Il suffit que je sache son nom pour que le ministre ne veuille pas le nommer.

M. le Président, nous constatons donc qu'à l'article 8, le président du conseil en dirige les activités; il prépare l'ordre du jour des séances — écoutez bien attentivement la suite, M. le Président, c'est bien important — qu'il convoque et préside, coordonne les travaux du conseil, en assure la continuité, veille à la préparation des dossiers, fournit aux membres du conseil les renseignements relatifs aux questions à étudier et assure la liaison du conseil avec le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Or, notre impression très nette, c'est que cet homme, en vertu même de la loi, jouirait d'un pouvoir très considérable.

Nous croyons que, si le gouvernement met la main sur un homme dont l'autorité, la compétence, les qualifications sont aussi éclatantes que le ministre l'a dit, il n'aura aucune difficulté à exercer sur le conseil consultatif le leadership qui est normal. Nous pensons justement que l'excellence de cet homme lui permettra de supporter une qualification quant à ses pouvoirs qui se liraient comme suit: « Dans l'accomplissement de sa tâche, il est guidé par les décisions prises à la majorité des voix du conseil. »

M. le Président, je soumets que si ce président, un jour, voulait, par exemple, empêcher le conseil de discuter d'une question, il n'est pas clair du tout, et, en tout cas, on peut avec beaucoup de bonne foi argumenter, que le président a pleine autorité pour décider ce dont le conseil va parler. En effet, il prépare l'ordre du jour des séances.

Alors, il prépare. Qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce que ça veut dire qu'il détermine? Est-ce que ça veut dire qu'il décide? J'ai l'impression que oui. Or, encore là le ministre va me dire: Non, ce n'est pas ça du tout. Soyons pratiques, ne parlons pas des intentions du ministre, de ses désirs, de ses souhaits, parlons du texte. Or, nous soumettons, et encore là, nous ne sommes pas attachés à notre texte, nous voulons qu'il y ait une clarification, pour indiquer que c'est quand même un organisme qui agit un peu à la façon d'un exécutif, c'est-à-dire que c'est l'organisme lui-même qui prend ses décisions. Le président en est, en quelque sorte, l'exécutant, tandis qu'actuellement on a l'impression que c'est le président qui décide.

Je ne voudrais pas non plus que le président soit l'exécutant. Je vois l'un des sous-ministres qui me regarde de travers. Je ne voudrais pas que le président soit un exécutant, au sens peut-être où une secrétaire est l'exécutante de son paron. Dieu sait que je ne veux rien dire contre les secrétaires, surtout pas contre la mienne, elle va cesser de copier mes amendements. Mais, quand même, il nous semble que cet article devrait être clarifié.

Si le ministre, fort de l'appui de ses conseillers, veut clarifier cet article-là autrement, nous allons être d'accord. Nous disons que son texte est équivoque.

M. BELLEMARE: Est-ce que vous me permettez, deux minutes, maintenant?

M. LEFEBVRE: Ah oui, cinq minutes.

M. BELLEMARE: Je vais vous prouver maintenant que c'est exactement le contraire de la thèse que vient de développer l'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: Un instant. Dans votre tête ou dans le texte?

M. BELLEMARE: Dans le texte. Un instant. C'est tellement vrai, M. le Président, que ce n'est pas ce que vient d'affirmer le député qui va se produire, parce que si on lit véritablement la loi et qu'on commence à l'article 2, on verra que c'est le conseil qui doit donner son avis, ce n'est pas le président.

A l'article 3, on voit encore que c'est le conseil qui peut solliciter des opinions et des suggestions. Si on se rend à l'article 13 de la loi, on verra que le conseil doit former des comités spéciaux pour l'étude des questions. C'est toujours le conseil quia l'autorité de faire, de produire, de dire et d'étudier et de soumettre son avis.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, ça va être en plein le temps, ce n'est pas clair. L'article 8 donne l'impression qu'il devrait quasiment être, si c'est sérieux... Je dis, l'article 8...

M. BELLEMARE: Oui, oui, d'accord.

M. LEVESQUE (Laurier): Et je ne veux pas dériver d'ailleurs, en dehors de l'argumentation...

M. BELLEMARE: Non, j'étais en train de finir...

M. LEVESQUE (Laurier): Parce que ça illustre un peu. Pour me comprendre, moi, la somme des tâches qu'on lui demande à l'article 8 donne l'impression que, si le conseil fonctionne vraiment, il va passer son temps là. Par ailleurs...

M. BELLEMARE: D'ailleurs...

M. LEVESQUE (Laurier): Non, non. ... la partie financière de cet article-là...

M. BELLEMARE: Oui, il y a deux choix...

M. LEVESQUE (Laurier): ...laisse entendre que ça peut être un fonctionnaire.

M. BELLEMARE: II y a deux choix.

M. LEVESQUE (Laurier); Oui, mais ça laisse entendre que ça peut être un fonctionnaire. Donc, un gars qui serait là nettement à temps partiel, et qui serait relié au ministère. Alors ça rejoint un peu l'argumentation que vous aviez entreprise tous les deux. Si on précisait le rôle du président, ça permettrait peut-être de voir à quel point il répond au conseil ou non, ou à quel point il peut escamoter un peu le conseil.

M. BELLEMARE: En vertu de l'article 15, je comprends que ça peut être un fonctionnaire, mais on dit aussi que, pour le paiement de son salaire, le lieutenant-gouverneur en conseil fixe les honoraires...

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais quand on a...

M. BELLEMARE: ... ou son traitement, parce que sa nomination est de cinq ans.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, non, c'est quand on a un traitement additionnel, c'est clair que l'on prévoit la possibilité d'un fonctionnaire.

M. BELLEMARE: Oui, d'accord. C'est justement ça, parce que ça peut être les articles 8 et 12, ici, quant au traitement additionnel du président, parce que tous les frais normatifs, par exemple, au point de vue maladie, ce sont des choses imprévisibles.

Cet homme, qui est engagé pour cinq ans, peut tomber malade au bout de deux ans. Ce n'est pas prévu dans son engagement. On a gardé beaucoup de souplesse pour avoir un meilleur homme et une meilleure garantie. Ce n'est pas facile d'aller en décrocher un, dans ces prix-là, surtout.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Mais, si le ministre me le permet, tout ce que je voulais établir — le député d'Ahuntsic et le ministre avaient discuté d'un amendement, mais je crois que cela me permet de mieux comprendre les implications — c'est qu'il peut arriver que le président soit un fonctionnaire.

M. BELLEMARE: Oui, c'est vrai.

M. LEVESQUE (Laurier): Merci, j'ai fini.

M. BELLEMARE: C'est cela. En terminant, parce que je voudrais en finir avec l'honorable député, je dis, comme je viens justement de le souligner au député de Laurier, que ce n'est pas facile, dans le monde du travail, aujourd'hui — alors que des recherches sont faites à l'université et partout où se trouvent ceux qui s'occupent véritablement du droit ouvrier — de trouver des compétences, des hommes qui ont le dévouement, l'expérience, le goût de faire ces choses-là et qui préfèrent accepter des salaires qui sont assez considérables aujourd'hui dans le monde du travail. Quand on voit les salaires qui sont payés, par exemple, à ceux qui acceptent certains arbitrages ou certains postes au fédéral. Alors, il fallait donner des garanties. Je pense que nous avons fait pour le mieux. Je suis sûr que nous n'avons nullement voulu que le président du conseil soit autre chose que le lien entre le ministère et le conseil. La liaison, c'est bien dit dans l'article de la loi: « II assure la liaison entre le conseil et le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. » II ne sert qu'à établir la liaison.

Je dis que l'honorable député peut être assuré que le président qui viendra sera responsable de ses actes et voudra sûrement respecter les deux blocs représentatifs qui sont là pour donner — selon les articles 2, 3 et 13 — des avis et surtout pour prendre des décisions.

M. GOLDBL00M: M. le Président, je m'excuse. Ce que vient de dire le ministre m'inquiète quand même un peu, parce que j'aurais pu interpréter ses paroles — j'espère que je les interprète mal — de façon à dire que, pour dénicher un homme de qualité et l'attirer vers la fonction publique à ce poste de président du conseil consultatif, il fallait lui offrir des garanties et que, de ces garanties, ferait partie quelque chose que j'interpréterais quand même comme une dictature sur l'ordre du jour des séances de ce conseil.

M. BELLEMARE: Oh non!

M. GOLDBLOOM: Ce n'est pas ce que le...

M. BELLEMARE: Celui qui acceptera de devenir président du conseil consultatif devra cependant avoir un droit d'exercer sa fonction. Ils sont rares ceux qui viendront pour diriger simplement, sans avoir le droit de décider entre les deux et de garder les privilèges que leur donne la présidence d'un tel corps.

On peut dire que c'est un intermédiaire. C'est bien logique, dans les circonstances. Adopté, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Article 8, adopté.

M. BELLEMARE: Article 9, c'est unarticle qui concerne le remboursement des dépenses. Je pense bien que personne ne s'oppose à cela.

M. LE PRESIDENT: Article 9? M. BELLEMARE: Article 9, oui.

M. LE PRESIDENT: Article 9 adopté. Article 10?

M. LEVESQUE (Laurier): A l'article 10, je voudrais proposer un amendement qui rejoint ce que je disais pour l'article 2 et qui, je crois, serait lié aux intentions que le ministre a exposées clairement. Il nous réfère à l'article 15, quand il dit: Le conseil a bien le droit de publier ce qu'ilaproduit, si l'on veut, une fois par année, dans les limites d'un rapport. Là encore, il y a la question du budget.

Pour plus de certitude, car après tout, à l'article 2, on ne veut pas rire du monde. On dit: Ils feront des études, des recherches et disons, via l'article 15, pourront les publier une fois par année, s'ils croient que cela en vaut la peine.

Seulement, il y a cette incertitude totale de pouvoir fonctionner avec un minimum de services à eux.

Voyez-vous, le ministre vient de nous dire à l'article 8 — et ce n'est pas pour rien qu'on l'a écrit — que le président qui est l'homme clé là, tel que prévu, peut fort bien être un fonctionnaire du ministère. Donc, il se peut — et si on l'a écrit, c'est parce que forcément on y a pensé — que le président soit choisi parmi les hauts fonctionnaires ou les moyens fonctionnaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

A l'article 16 le budget est inconnu. Il a l'élasticité de tous les budgets qui n'impliquent pas un personnel que la loi prévoit, ou enfin un organigramme dont le minimum est prévu par la loi. Il peut arriver qu'avec un président fonctionnaire, un ministre qui ne serait pas

aussi libéral, entre guillemets — je l'applique là en dehors de toute partisanerie, comme le dictionnaire l'emploie, parce que Dieu sait que ça ne s'applique pas toujours quand il parle des partis. A moins que le ministre actuel, avec un haut fonctionnaire comme président, un budget qui peut monter puis descendre comme des montagnes russes à chaque année financière, selon la bonne ou la mauvaise humeur du gouvernement, et avec un président fonctionnaire et rien d'autre de prévu, ayant peut-être uniquement S. compter sur les services du ministère; que le conseil finisse par ne produire que ce qui fera l'affaire du ministère et du gouvernement.

Enfin, toutes les possibilités sont là pour un conseil inexistant ou un conseil extraordi-nairement servile. Si ce n'est pas ce qu'on veut, moi je proposerais un très simple amendement qui n'engage pas très fort le gouvernement, qui serait celui-ci; premier paragraphe de l'article 10. Cela impliquerait évidemment que le deuxième paragraphe sauterait, le ministre va voir pourquoi. Le secrétaire permanent du conseil ainsi que le personnel requis par les études et recherches prévues à l'article 2, seront nommés etc., bon, en changeant du singulier au pluriel, parce que le président ne sait même pas s'il va être à temps partiel ou à temps plein. Comme dit le ministre, c'est dur de trouver des hommes du niveau de président, etc. Il se peut fort bien à cause des précautions prises à l'article 8 que ça soit un fonctionnaire.

Donc, par définition, un homme s'il a le prestige, qui va avoir de grandes occupations ailleurs et on lui donne une masse de travail à l'article 8, il se peut fort bien donc, le budget étant jusqu'à un certain point si vous voulez fixer selon les disponibilités d'un président qui n'aurait pas beaucoup de temps, que le conseil devienne assez rapidement, même si ce n'est pas l'intention du ministre, quelque chose de passablement insignifiant et qu'on retombe dans la tradition qui a fait que le conseil supérieur était devenu inopérant. Il me semble qu'a cause de la vasti-tude du domaine à couvrir, des études, des recherches, si on est sérieux à l'article 2 qui devrait être valable, le minimum qu'on pourrait leur permettre, je n'insiste pas davantage, c'est ce que prévoit l'amendement bien simple que je propose qu'il y ait un secrétaire permanent, on l'a prévu comme s'il y avait un secrétaire permanent. S'il y a un conseil, il faudra tout de même qu'il y ait un secrétaire, oui, que ce soit sûr que lui au moins puisse être à plein temps.

Il me semble que ça peut être quatre ou cinq personnes au début, puis ça peut bien ne pas aller plus loin, et que le secrétaire permanent du conseil ainsi que le personnel requis par les études et recherches prévues à l'article 2, leur soit accordé par la loi.

M. BELLEMARE: Bien, il y a deux choses. Si l'honorable député veut me permettre, il y a deux choses. D'abord le début, c'est nouveau. Le président qui rentre en fonction, va lui-même à cause du dynamisme que possède cet homme assez remarquable, va lui-même faire ses cadres et si après avoir mis en place l'organigramme nécessaire, les hommes ou les personnes nécessaires, ils deviennent des membres permanents c'est la deuxième partie qui s'applique. C'est pour ça, qu'on a discuté ça longtemps à mon bureau avec des officiers en loi et on a dit ceci. Si on le met permanent en partant, ce n'est peut-être pas la bonne personne que l'on va trouver, ni peut-être même le bon personnel, mais par exemple on dit dans le 2e paragraphe, si le secrétaire est nommé à titre permanent, il devient à ce moment-là un homme — une femme ou un homme — qui va collaborer étroitement avec le président en place.

M. LEVESQUE (Laurier): Non! non! Est-ce que c'est un lapsus que le ministre vient de faire en disant une femme?

M. BELLEMARE: Ah oui, ah oui! Vous m'avez compris.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que c'est prévu?

M. BELLEMARE: Vous m'avez pris.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais regardez ce n'est pas convainquant ça.

M. BELLEMARE: Non, mais regardez bien là. Bien ce n'est pas convainquant parce que d'abord en partant il ne faut pas tout mettre le paquet non plus simplement pour du personnel. Il faudra sûrement penser au domaine que disait le député tout à l'heure aux recherches.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, mais il faut du personnel pour cela.

M. BELLEMARE: Oui, et il en a déjà un. M. LEVESQUE (Laurier): Où?

M. BELLEMARE: Au ministère du Travail et avec une équipe. D'ailleurs, le Conseil supé-

rieur du travail peut aller là en tout temps. Par ses comités ad hoc, il peut organiser n'importe quel comité ad hoc et, par le fait même que le comité ad hoc est institué, surtout du côté de notre service de recherches, qui est aujourd'hui un des meilleurs services qu'on ait institutionnalisés, qu'on ait faits pour rendre ce service au ministère, il y a une foule d'éléments, bibliothèque, statisticiens, recherchistes, tout ce qu'il faut pour rendre service au conseil supérieur. Je sais qu'on va s'en servir énormément et, il servira plus tard pour le conseil lui-même, s'il y a lieu. En temps opportun, on pourra nommer un secrétaire permanent ou une secrétaire permanente, je n'y ai aucune objection, c'est prévu dans la loi.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais si le ministre me le permet... Je ne veux pas insister, mais je ras permets quand même de souligner qu'il y a une sorte d'illogisme dans ce qu'il vient de dire. Il a commencé par dire: On va commencer par le début, on nommera un secrétaire au départ et si on doit le rendre permanent, on verra d'abord la qualité des hommes, on ne veut pas se tromper, etc.

M. BELLEMARE: C'est un premier aspect.

M. LEVESQUE (Laurier): Donc, cela donnait l'impression d'une intention, je voulais bien essayer de voir si le ministre avait nettement cette intention, mais il finit en disant: Bien, si on décide qu'il faut un secrétaire permanent, donc...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas nous qui allons décider cela, c'est le conseil.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, écoutez. D'abord, le premier argument, c'est qu'un secrétaire commence toujours par être temporaire avant d'être permanent, même si c'est écrit dans la loi qu'il va être un secrétaire permanent, il faut normalement six mois à la Fonction publique, là comme ailleurs, pour l'évaluer, ou un an..,,

M. BELLEMARE: Quatre mois.

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, quatre mois.

M. BELLEMARE: Avant de devenir permanent? C'est six mois.

M. LEVESQUE (Laurier): Bon. Alors, à moins de ne pas s'en occuper du tout, six mois, c'est un essai passable. Alors le secrétaire per- manent ne peut être permanent qu'après six mois.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas dans ce sens-là qu'il est employé. Pas du tout...

M. LEVESQUE (Laurier): Non, non. D'accord. C'est ce que je dis...

M. BELLEMARE: Ce n'est pas cette permanence-là qu'il s'agit d'atteindre.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais c'est pour cela que je dis au ministre, quand il me répondait en disant: on veut d'abord... entre autres choses, il a employé cet argument-là. On veut d'abord ne pas se tromper sur les hommes, etc. Il y a quand même toujours les six mois temporaires pour le secrétaire dont on parle.

Ce que je voudrais éliminer très simplement, c'est, au deuxième paragraphe; Si le secrétaire est nommé à titre permanent, ce qui implique, dans la loi, qu'on peut très bien ne pas avoir de secrétaire permanent pour ce conseil consultatif, et d'autre part, on dit: On va donc s'en servir, il va donc être important, etc. Le minimum requis, c'est un minimum de secrétariat, au moins une personne qui a le titre de secrétaire permanent. Si le ministre ne veut pas, d'accord. Mais, cela implique qu'on n'est pas sûr qu'on veut vraiment donner de l'importance, à mon humbre avis, à ce conseil-là. Et cela me paraît grave. Et voici pour l'autre personnel dont j'ai parlé, si le ministre le permet. Quand je dis secrétaire permanent, ainsi que le personnel requis par les études et recherches, vu qu'on est toujours lié par l'article 16, qui dit que c'est le gouvernement qui décide le budget, cela peut être une seule personne au point de vue recherche. Il ne s'agit pas de doubler, le ministre a raison, ce serait baroque d'aller doubler les services de statistiques, les services d'études, les services qui ont été mis sur pied au ministère lui-même. Mais, il faudrait que le conseil, s'il doit être libre, pouvant être coiffé d'un président fonctionnaire, pouvant également, à l'occasion, avoir de mauvaises humeurs à endurer de part et d'autre entre lui et le ministère, il faudrait qu'il ait un minimum de services. Autrement, il peut être paralysé là, de la manière que la loi est écrite.

Il n'a même pas dans la loi l'assurance d'un seul fonctionnaire permanent. Les intentions ne suffisent pas, parce qu'on sait ce qui arrive aux meilleurs intentions. Il paraît que l'enfer en est plein.

Il n'a pas l'assurance d'un seul fonctionnaire permanent. Son propre président peut

être, d'après l'article 8, un fonctionnaire qui viendrait, à temps partiel, exercer ces fonctions-là. Le budget n'est absolument pas prévu et ne peut pas l'être en détail, mais c'est l'élasticité d'un budget qui s'applique à un conseil qui est flou à ce point-là. Ceci revient à dire que la loi elle-même fait qu'on peut être devant un conseil fantôme, encore une fois. Je ne vois pas pourquoi on ne lui assurerait pas au moins un secrétariat.

M. BELLEMARE: J'ai déjà vu le député de Laurier plaider beaucoup mieux que cet après-midi.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien, je fais ce que je peux.

M. BELLEMA.RE: Oui, mais beaucoup mieux.

M. LEVESQUE (Laurier): Ne faites pas de plaidoyer ad hominem.

M. BELLEMARE: Je dis, par exemple, que c'est un non-sens que de penser qu'on se donnerait aujourd'hui tant de peines et tant de troubles, qu'on mettrait tant de dévouement pour servir la cause du monde du travail en tâchant de rendre meilleur, le Conseil supérieur du travail et qu'on l'abandonnerait, qu'on irait le paralyser.

M. LEVESQUE (Laurier): II n'y a rien qui garantit le contraire là-dedans.

M. BELLEMARE: Il y a tout dans la loi qui le garantit à cause, justement, de la nomination, de la représentativité. Je n'ai jamais pensé un instant que le monde patronal et le monde syndical, qui sont personnellement intéressés, laisseraient tomber le Conseil consultatif...

M. LEVESQUE (Laurier): Qu'ont-ils fait avec le Conseil supérieur? Ils l'ont laissé tomber à mort.

M. BELLEMARE: Je dis que l'honorable député est sûrement mal informé si on considère les nombreuses séances qu'ils ont tenues et ce qu'ils ont produit jusqu'à maintenant. J'ai ici en main le nombre de séances qui ont été tenues par les honorables membres de ce conseil supérieur, malgré tout ce qu'on a pu en dire à l'effet que c'était un organisme qui n'a pas fonctionné. J'ai ici, pour 1960, 1961 et toutes les années qui suivent, le nombre de jours où la commission permanente a siégé et, ici, le conseil supérieur, et tous les travaux...

M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, la commission...

M. BELLEMARE: ... qui leur ont été confiés et qu'ils ont...

M. LEVESQUE (Laurier): La commission permanente, c'était les neuf par rapport aux vingt-quatre, c'est-à-dire les gars qui alourdissaient... Qu'est-ce que vous voulez...

M. BELLEMARE: Cela a été fait, mais le conseil supérieur aussi a siégé.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est un démêlage.

M. BELLEMARE: C'est une comparaison que je voudrais bien faire avec d'autres conseils.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord, il y en a de pires.

M. BELLEMARE: Nous sommes parmi les meilleurs.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est assez peu dire.

M. BELLEMARE: Le député d'Ahuntsic dit qu'il y a le Conseil législatif. Pour ma part, je prétends que nous verrons si les prédictions défaitistes de l'honorable député de Laurier vont se réaliser. Si elles ne se réalisent pas, j'aime à croire que dès la prochaine session, il se lèvera et me félicitera surtout de l'essor merveilleux que nous aurons donné au conseil consultatif.

M. LEVESQUE (Laurier): Je ne dis pas que je vais aller jusqu'à des excès pareils, mais je suis prêt à dire que je me suis trompé si je me trompe.

M. BELLEMARE: Bon, merci.

M. LEVESQUE (Laurier): Le ministre accepterait-il en enlevant...

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... non, non, en enlevant recherches et tout cela... S'il n'accepte pas de l'écrire, pourrait-il nous dire clairement que son intention, dans le deuxième paragraphe, ce ne sont pas des conditions qui vont dépendre des bons plaisirs... mais que vraiment on a l'intention de donner au moins un secrétaire permanent à ce conseil-là?

M. BELLEMARE: Je dis oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, c'est très bien. C'est toujours cela de pris.

M. BELLEMARE: Et gardez-le dans le journal des Débats pour pouvoir vous en servir.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui?

M. BELLEMARE: Oui. Mais seulement, si c'est fait, j'espère que l'honorable député de Laurier dira: Je rends témoignage à la vérité.

M. LE VESQUE (Laurier): Je ne ferai pas un discours là-dessus, mais je le dirai.

M. BELLEMARE: Non, non, je sais, vous ne serez pas long.

M. LEFEBVRE: Quant à nous, nous serons satisfaits, à l'article 16, toujours en rapport avec le débat actuel, si on me permet de me référer...

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LEFEBVRE: Je dis qu'à propos de l'argumentation du député de Laurier sur l'article 10, nous croyons que nous trouverons la réponse à cette inquiétude à l'article 16, parce que c'est la Chambre qui va voter, sauf pour la première année, le budget de ce nouveau conseil consultatif. Quant à nous, si le ministre du Travail est encore avec nous dans deux ans, nous nous faisons fort...

M. DE MERS: C'est vous qui ne serez plus avec nous.

M. LEFEBVRE: Nous verrons.

M. LESAGE: C'est dangereux de faire une telle déclaration.

M. LEFEBVRE: ... nous nous faisons fort - remarquez que j'ai été très gentil — d'analyser en détail les crédits qu'il aura donnés au conseil non seulement pour la nomination d'un secrétaire permanent — parce que c'est bien peu de chose — mais aussi en fournissant les moyens matériels nécessaires au point de vue de la recherche, et tout cela. Nous pensons que sur ce plan-là, la Chambre est protégée parce que c'est elle qui va voter les crédits, sauf pour la première année.

M. BELLEMARE: C'est cela. Ce sera ici.

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. BELLEMARE: Alors, article 10, adopté.

Article 11. Nous disons ici qu'ils peuvent siéger n'importe où dans la province. Nous avons voulu mettre le quorum à sept, et l'honorable député sait pourquoi.

M. LEFEBVRE: Oui, oui c'est parce que vous avez changé le nombre de membres.

M. BELLEMARE: Nous ne l'avons pas changé. Nous l'avons laissé à sept.

M. LEFEBVRE: II y a des fois que j'ai du mal à lire dans la pensée du ministre.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est un quorum à 50%?

M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas cela. M. LEVESQUE (Laurier): Pourquoi? M. BELLEMARE: C'est à cause du bloc... M. LEFEBVBE: Ah! Oui?

M. BELLEMARE: ... du jeu des gens qui peuvent dire qu'ils vont s'entendre entre eux.

Il faudra toujours qu'au moins deux parties composent la majorité.

M. LEFEBVRE: Cela, c'est brillant.

M. LEVESQUE (Laurier): A propos de l'article 11, ne serait-il pas utile d'avoir quelque chose dans le genre de la Loi du conseil supérieur? Si j'ai bonne mémoire, il fallait au minimum deux réunions par année.

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Evidemment, si l'on tient compte de toute l'euphorie dans laquelle le ministre nous présente sa loi, rien n'est écrit, mais tout va bien se passer. Ne pourrait-on pas exiger un minimum de rencontres?

M. BELLEMARE: Encore une fois, je ne peux pas penser que le président du conseil consultatif va être inactif. Je ne peux pas croire ça de lui; c'est impossible.

M. LEVESQUE (Laurier); Autrement dit, on se reverra dans un an et on verra si ça marche.

M. BELLEMARE: Ah oui!

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas dans la loi; ce n'est que dans l'esprit du ministre.

M. BELLEMARE: Non, mais avec un président permanent.

Article 12, M. le Président. Là, il y a un amendement à cause de l'article 4 où on a retiré D. « Au cas d'absence du président à une séance du conseil, il est remplacé alternativement par l'un des membres visés aux paragraphes B et C de l'article 4, désigné à cette fin par les membres du conseil présents à la séance. »

M. LE PRESIDENT: Alors, adopté, tel qu'amendé.

M. BELLEMARE: Merveilleux. Adopté. Article 13, là c'est une concordance qui s'applique...

M. LEFEBVRE: M. le Président, si on me le permet, est-ce que le ministre prendrait le temps de le lire? Il a une si belle voix. Lisez donc votre amendement à l'article 13. Cela va nous permettre de comparer avec celui que nous avions en vue, nous.

M. BELLEMARE: II s'agit de faire la concordance avec l'article 2. Il y a une petite concordance aussi plus bas en enlevant E et D à l'avant-dernière ligne.

M. LEFEBVRE: Le ministre aurait-il objection à le lire? Nous essayons d'écouter ce qu'il dit et, en même temps, de lire ce qu'il y a sur la feuille et ça nous mêle.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, me dispensez-vous de le lire? On ne va pas recommencer toute la loi.

M. LEFEBVRE: Non, il ne s'agit que de le lire. Nous allons le lire, nous.

M. BELLEMARE; Lire l'article?

M. LEFEBVRE: Oui, on veut lire l'amendement.

M. BELLEMARE: L'amendement que vous avez devant vous?

M. LEFEBVRE: Oui, celui que vous nous avez fourni.

M. BELLEMARE: M. le Président, voulez-vous me permettre de le lire?

M. LEFEBVRE: Oui, il vous le permet

M. BELLEMARE: Alors, avec l'amendement, est-ce que c'est accepté?

M. LE PRESIDENT: Article 13, adopté avec amendement.

M. BELLEMARE: Oui, adopté avec amendement.

M. LEFEBVRE: Article 13. Non, non. Nous voulons prendre le temps de le lire. Si le ministre ne le veut pas, nous allons le lire pour lui. « Le conseil peut, sous réserve de l'article 16, former des comités spéciaux pour l'étude de questions particulières et les charger de recueillir les renseignements pertinents et de faire rapport au conseil... »

Là, évidemment, l'approbation du ministre n'est plus nécessaire.

M. BELLEMARE: ... de leurs constatations et recommandations. »

M. LEFEBVRE: Autrefois, il fallait l'approbation du ministre préalablement à la formation des comités. Cela, c'est tombé.

M. BELLEMARE: Bien oui. On l'a dit au début.

M. LEFEBVRE: Je le sais, je veux être sûr. C'est une chose sérieuse, puisque le ministre a dit qu'il avait passé des soirées avec ses sous-ministres et un peu avec tout le monde...

M. BELLEMARE: Pas avec tout le monde.

M. LEFEBVRE: On ne va pas discuter de cela. On vient juste de l'avoir.

M. BELLEMARE: Oui, j'espère.

M. LEFEBVRE: On vient juste de les voir. Il ne faudrait pas que le ministre soit trop pressé.

M. BELLEMARE: Non, nous ne sommes pas pressés.

M. LEFEBVRE: « Ces comités sont composés de membres du conseil choisis en nombre égal dans chacune des catégories de membres. »

Cela, ça va bien. « Le ministre peut adjoindre à tout comité ainsi formé, à titre de membres temporaires, des personnes qui ne font pas partie du conseil. Ces personnes ne reçoivent aucun traitement... »

M. BELLEMARE: Cela, c'est l'amendement que vous aviez suggéré au début.

M. LEFEBVRE: Oui, on avait suggéré de le biffer, justement, parce qu'il nous semble que ce dernier paragraphe est contraire à l'esprit des amendements que le ministre a apportés. Pourquoi serait-ce le ministre qui déciderait d'adjoindre des membres à des comités formés par le conseil? Ne trouvez-vous pas que cela fait frère directeur un peu?

M. BELLEMARE: Oui, mais cela je ne le ferai pas tout seul. Il va falloir que le conseil me le demande.

M. LEFEBVRE: Oui, mais dites-le donc, alors.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas moi qui vais les nommer, c'est le conseil.

M. LEFEBVRE: On aura tout vu. Si c'est ça que le ministre veut dire, qu'il écrive: A la demande du conseil, le ministre peut adjoindre. C'est cela que vous voulez dire?

Alors, ajoute-t-on « à la demande du conseil »?

M. BELLEMARE: « Le ministre peut adjoindre à tout comité... » D'ailleurs, on vient de le dire plus haut: Le conseil peut, sous la réserve de faire ceci ou cela; ces comités sont composés de... On parle de comités et démembres; on ne parle pas du conseil consultatif. On dit: « Ces comités sont composés de membres du conseil choisis en nombre égal dans... »

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre exige d'avoir ses surveillants dans les comités?

M. LEFEBVRE: Cela n'a pas de sens.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, c'est ça qu'il faut dire.

M. BELLEMARE: « Peut », ce n'est pas « doit ».

M. LEVESQUE (Laurier): « Peut », cela veut dire qu'on a le droit tout de même.

M. LEFEBVRE: M. le Président, nous soumettons, quant à nous, que le ministre devrait ajouter la phrase qu'il a dite. Franchement, nous voulons bien croire en la bonne foi du ministre, mais il admettra lui-même que lorsqu'un texte se lit: « Le ministre peut » et qu'il répond à ma question: C'est évidemment à la demande du conseil.

Pour quelle raison au monde le ministre veut-il que nous croyions à sa sincérité sur ce point, s'il refuse de l'écrire?

Franchement nous faisons un gros effort M. le Président...

M. BELLEMARE: Nous autres aussi.

M. LEFEBVRE: Honnêtement, le ministre exagère. Nous lui signalons une chose qui est exactement dans la ligne de ses amendements, ce n'est pas pour le plaisir de faire reculer le ministre, mais nous lui disons: Vous avez été d'accord pour éliminer, au paragraphe; 1, « avec l'approbation du ministre ». Alors, au paragraphe 3, vous avez oublié une petite chose. On dit mettez donc ça en ligne. Il dit : C'est exactement ça que je voulais dire, mais il ne veut pas le dire.

M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas ça du tout, si le député pensait un peu ce qu'est cet article 13,

M. LEFEBVRE: Pourquoi pensez-vous que j'ai exigé de le lire tranquillement?

M. BELLEMARE: Non, mais, quand il s'agit des membres du comité qui font partie du conseil, cela, c'est le paragraphe 2.

M. LEFEBVRE: J'ai compris ça.

M. BELLEMARE: Quand il s'agit de personnes de l'extérieur, est-ce qu'on se comprend?

M. LEFEBVRE: Oui, tout à fait. M. BELLEMARE: De l'extérieur.

M. LEFEBVRE: Bien oui mais, M. le Président...

M. BELLEMARE: « A la demande du conseil ».

M. LEFEBVRE: Bien oui, mais marquez-le, « à la demande du conseil ». Autrement, de quoi avez-vous l'air, M. le Ministre? Vous avez l'air - vous ne l'êtes pas, d'après ce que vous

dites — mais vous avez l'air du grand frère qui tient par la main une petite ficelle, vous savez, ses jeunes frères et qui dit: N'allez pas trop loin. Faisons une hypothèse. Que, demain, le conseil siège et décide de nommer un comité pour étudier une question, disons le travail des femmes la nuit. Le conseil nomme trois de ses membres et dit: Vous allez étudier ça. Le ministre, lui, reçoit le procès-verbal et dit: Oh! Oh! on a nommé M. Untel, Mme Unetelle, M. Untel, Moi, je leur adjoins M. Unautre, Mme Uneautre.

M. BELLEMARE: Non, non, pas ça, pas là. M. LEFEBVRE: Comment, pas ça?

M. BELLEMARE: Non, ces comités sont composés de membres choisis en nombre égal dans chacune des catégories de membres visées aux paragraphes... Bon.

M. LEFEBVRE: Oui, oui.

M. BELLEMARE: Le ministre peut adjoindre à tout comité ainsi formé, à titre de membres temporaires, des personnes qui ne font pas partie du comité.

M. LEFEBVRE: Je le sais. Alors, mon hypothèse que je viens de faire est parfaitement véridique, elle est parfaitement plausible avec votre texte. Tandis que si vous ajoutiez, à la demande du conseil, le ministre peut, là, ça aurait du bon sens, parce que le conseil nommerait trois ou quatre de ses membres en part égale, de chaque côté, et il dirait au ministre: Ecoutez, on voudrait adjoindre M. Untel ou Mme Unetelle au comité et le ministre pourrait dire ça a du bon sens, on va l'adjoindre. Cela aurait de l'allure. Mais, dans le texte, tel que rédigé, M. le Président le ministre ne peut quand même pas, il a beau être bien puissant, il ne peut pas faire sortir d'un texte une chose qui n'est pas là.

Alors, quand il nous dit que ce paragraphe là, ça veut dire à la demande du conseil, je le regrette, mais ce n'est pas possible. Ce n'est pas ça qui est écrit. Alors, nous disons au ministre : De grâce, pourquoi ne pas l'écrire ce que vous avez en tête? Vous feriez plaisir à tout le monde parce que vous savez très bien que c'est d'ailleurs dans le sens des amendements que vous avez acceptés et que c'est dans le sens des demandes qui ont été faites aussi bien par les syndicats que par les patrons. Us ont dit: On ne veut pas du grand frère qui va décider pour nous autres. On aimerait ça, évoluer un peu comme des adultes.

M. BELLEMARE: Us n'auront qu'à ne pas m'en demander. Moi, je ne peux pas leur en adjoindre dans des comités ad hoc.

M. LEFEBVRE: II ne veut pas admettre... Vous ne pouvez pas en adjoindre, si on ne vous le demande pas.

M. BELLEMARE: Non. M. LEFEBVRE: En vertu de quel texte? M. BELLEMARE: C'est là, M. le Président. DES VOIX: Ah non.

M. PINARD: Ecoutez, ça peut être nécessaire d'en avoir, mais à la demande du conseil.

M. BELLEMARE: Ai-je le droit, comme ministre, d'adjoindre par exemple des fonctionnaires qui pourraient rendre service à un comité ad hoc, ce qui ne coûterait pas une cent?

M. LEFEBVRE: Là, vous dites quelque chose de différent.

M. BELLEMARE: Oui mais, n'aurai-je pas le droit de le faire?

M. LEFEBVRE: On ne vous dit pas que vous n'avez pas le droit, mais on vous dit que, d'après le texte qu'il y a là, il n'est pas du tout certain, que vous n'avez, en aucune façon besoin de l'assentiment du conseil pour adjoindre des membres. On dit que ce n'est pas normal. Qu'est-ce que ça va donner, comme bonnes relations entre le ministère et le conseil, si vous leur nommez des gens qu'ils ne veulent pas voir là? Vous allez créer une situation qui ne favorisera pas du tout le travail. Je serais bien curieux, moi, d'entendre là-dessus le député de Maisonneuve. Il n'est pas là aujourd'hui, c'est un ancien syndicaliste, peut-être qu'il aurait des vues là-dessus. Il doit être à les méditer ailleurs. Je sais que le député de D'arcy-McGee voulait parler là-dessus.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, faisons abstraction de la personne du titulaire de ce ministère, pour le moment. Je regrette de dire que le texte, tel que rédigé, dit précisément le contraire de ce que le ministre vient d'exprimer.

Nous connaissons les intentions du ministre parce qu'il les a déclarées à répétition. Mais le texte dit que le ministre peut, sans consulter le conseil, adjoindre aux comités d'autres person-

nes qui ne sont pas membres du conseil consultatif. C'est ça que le texte dit, c'est simple et c'est clair. Le ministre peut les adjoindre. Il n'est pas tenu de consulter qui que ce soit pour ces nominations-là. Le conseil, par contre, n'a pas le droit de s'adjoindre qui que ce soit. Pas selon le texte de cet article que nous avons devant les yeux, M. le Président.

Il faut ou donner au conseil le droit de s'adjoindre des personnes avec l'approbation du ministre, ou obliger le ministre à consulter le conseil avant de faire ces nominations-là.

M. BELLEMARE: Je ne vois aucune objection, M. le Président: « A la demande du conseil, le ministre peut ».

M. LEFEBVRE: Très bien. M. GOLDBLOOM: Très bien.

M. BELLEMARE: Article 13, amendé. Article 14, c'est le conseil...

M. LE PRESIDENT: Article 14, adopté.

M. BELLEMARE: Article 15. On a discuté de l'article 15.

M. LEFEBVRE: A l'article 15, M. le Président, je pense que le ministre conviendra qu'il y a un problème un peu de même nature. Je comprends que ces amendements ont été préparés forcément à la dernière minute.

M. BELLEMARE: Non, non, non!

M. LEFEBVRE: Voulez-vous dire que les amendements étaient prêts avant le bill? Mais il ne faut pas « charrier », quand même. Les amendements, je suppose que le ministre ne les avait pas hier. Autrement, ce serait un crime grave. Il nous a fait perdre notre temps à discuter d'une loi qu'il n'avait pas envie de présenter, voyons! On ne peut pas...

M. BELLEMARE: II n'y a rien de changé dans le bill, sauf...

M. PINARD: Le ministre prend un fusil à deux coups.

M. BELLEMARE: ... il y a les notes explicatives.

M. LEFEBVRE: Vous ne pouvez pas vous moquer de tout le monde en même temps.

M. PINARD: Des fois, un fusil à deux coups et un fusil automatique.

M. LEFEBVRE: M. le Président, notre prétention c'est ceci: Maintenant que le ministre veut bien accorder au conseil une certaine autonomie, il nous semble que c'est vraiment en contradiction avec les amendements que le ministre propose, que d'écrire à l'article 15, en particulier, la dernière phrase: « Ce rapport doit aussi... »

M. BELLEMARE: Non, non, cela, c'est très bien. On l'a amendé.

M. LEFEBVRE: Vous avez un tas de choses dans la tête qui ne sont pas dans le texte.

M. BELLEMARE: Non, non, ça, on l'avait enlevé. D'ailleurs, regardez.

M. PINARD: Nous, on ne le savait pas. M. BELLEMARE: Avant qu'il ne le dise.

M. LEFEBVRE: M. le Président, la meilleure chose, je pense qu'à l'avenir, quand le ministre présentera des lois, qu'il nous donne donc son dossier personnel, on va lui donner le nôtre. Comme ça,peut-être que les discussions seront plus courtes.

M. BELLEMARE: On devrait s'asseoir tous les deux, et puis...

M. LEFEBVRE: Alors qu'est-ce que vous avez de biffé dans votre texte?

M. BELLEMARE: Cela était enlevé.

M.LEFEBVRE: Oui, mais où est-ce que vous arrêtez, vous?

M. BELLEMARE: Après l'article 2, point. Pas deux points, point.

M. LEFEBVRE: C'est très bien.

M. BELLEMARE: Cela, on avait...

M. PINARD: Echangez-vous vos cahiers?

M. BELLEMARE: Cela a été fait dès l'apparition du premier bill en haut. C'est la première chose qu'on a enlevée.

M. LE PRESIDENT: Article 15 adopté tel qu'amendé.

M. BELLEMARE: On avait oublié de le noter ici.

M. LE PRESIDENT: Article 16.

M. BELLEMARE: L'article 16, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 17.

M. BELLEMARE: C'est l'application de la présente loi, ça doit être moi, M. le Président, qui va être responsable, pas le député d'Ahuntsic

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 18.

M. GOLDBLOOM: Rendons à César ce qui est à César.

M. LEFEBVRE: On n'a pas de grief à ce sujet-là, nous autres.

M. BELLEMARE: Le Conseil supérieur... M. LE PRESIDENT: Article 19.

M. BELLEMARE: L'article 19, maintenant, M. le Président, le titre de la loi va être changé par le mot « consultatif ».

M. LE PRESIDENT: Article 20, également adopté?

M. BELLEMARE: Article 20.

M. LEFEBVRE: Est-ce qu'il y a un article 20?

M. BELLEMARE: C'est un amendement, c'est l'amendement de redésignation du titre de la loi. On est obligé de le faire seulement après que la loi ait été étudiée.

M. LEFEBVRE: Très bien.

M. FRECHETTE: (Président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a adopté le bill no 288 avec les amendements qu'il vous prie d'agréer.

M. LEBSL (Président): Le bill amendé sera-t-il agréé? Oui.

M. BELLEMARE: M. le Président, la troisième lecture.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du Travail propose que le bill no 288 soit lu une troisième fois. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

On ma permettra de communiquer à la Chambre un message reçu du Conseil législatif.

Message du Conseil législatif

Conseil législatif, le 6 décembre 1968.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement, les bills suivants;

Bill no 79 intitulé; Loi des enquêtes sur les incendies.

Bill no 82 intitulé: Loi de la Société du parc industriel du centre du Québec.

Bill no 83 intitulé: Loi autorisant la Régie des alcools du Québec à délivrer des permis d'amphithéâtre.

Bill no 84 intitulé: Loi modifiant la loi de l'exécutif et d'autres dispositions législatives.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

M. BELLEMARE: Article 7.

Bill 289

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des établissements industriels et commerciaux.

L'honorable ministre du Travail.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: Une minute. M. le Président, voici une loi qui met en lumière la nouvelle philosophie du ministère du Travail. C'est une loi qui se veut sociale...

M. LESAGE: Le rapport Mailloux, c'est la nouvelle philosophie?

M. BELLEMARE: Je vous rendrai témoignage dans quelques minutes, sûrement. Voici une loi qui se veut sociale, moderne et répondant à toutes les exigences économiques du monde des affaires à l'heure actuelle.

Tout d'abord, première observation, l'âge

de travail est porté de 14 à 16 ans. C'est sûrement une mesure sociale qui s'impose à la suite des nombreuses dépenses occasionnées à la province par un nouveau système d'éducation devant permettre à nos jeunes de s'instruire plus facilement et d'être moins tentés par l'appât du gain que lorsque la loi leur permettait de commencer à travailler plus jeunes. Nous devançons même l'âge scolaire obligatoire, qui est de 15 ans. C'est le statut 272, chapitre 235 des Statuts refondus de 1964. Cette loi fut adoptée avant notre venue au pouvoir. Nous croyons qu'en 1968, l'âge de travail ne doit pas être inférieur à 16 ans. Nous permettons cependant aux étudiants de travailler durant les vacances scolaires pourvu qu'ils aient 15 ans.

C'est aussi une mesure qui permettra de combattre le chômage. Vous remarquerez que cette loi porte la semaine de travail de 60 à 48 heures. Il s'agissait de faire une concordance entre cette loi et la Loi du salaire minimum. Il y a aussi concordance nécessaire entre cette loi et la Loi des conventions collectives qui applique les décrets et qui porte maintenant les heures de travail à un niveau beaucoup plus bas qu'en 1964, 1965, 1966, etc. Nous revisons une loi qui date de 1885. Nous aurons à la reviser de nouveau à la prochaine session pour faire des concordances avec notre programme législatif.

J'en arrive maintenant au travail des femmes, la nuit, en milieu industriel. Depuis longtemps, les femmes travaillent la nuit dans le secteur des services, par exemple nos infirmières, les serveuses de nos restaurants, et dans plusieurs autres domaines. Le monde industriel nous demandait depuis de nombreuses années de donner les mêmes droits aux employés du secteur industriel. Au Canada, la seule province de Québec ne permettait pas le travail des femmes la nuit. Bien plus, cinq provinces, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, l'Ile-du-Prince-Edouard et Terre-Neuve n'imposent aucune restriction. Quatre autres provinces, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et 1'Alberta, permettent le travail de nuit des femmes, mais avec des restrictions.

Nous avons choisi nous, de le classifier dans le deuxième groupe, afin de protéger les femmes qui pourront travailler la nuit, s'il est établi que les circonstances de nature de la production et des conditions du marché l'exigent. Le gouvernement qui nous a précédé avait, dans une pensée fort heureuse, organisé et soumis toute cette question fort contentieuse à une commission d'étude présidée par l'honorable juge Dussault-Mailloux, de la cour du Bien-Etre social. Je n'ai pas besoin de vous dire,

M. le Président, que faisaient aussi partie de cette commission le Dr Georgette Gélinas, directrice des services médicaux de la ville de Saint-Laurent; mademoiselle Laurette Côté, présidente de la JOCF; monsieur Jean-Paul Deschênes, ingénieur professionnel à la Faculté des sciences sociales à Laval, et monsieur Jean Sirois, directeur des relations extérieures de la compagnie Dominion Textile.

Le rapport du comité, que vous trouverez d'ailleurs dans les documents que nous avons remis à tous les membres de cette Chambre, a répondu, après de longues études, à quatre voix contre une, en faveur du travail de nuit. La loi qui est devant vous se veut conforme aux principales recommandations.

M. LESAGE: Principales.

M. BELLEMARE: ... Par réglementation, nous couvrirons les deux recommandations, 2 et 4 de la page 41 qui ne sont pas incluses dans la loi. Je dis, M. le Président, que ce rapport Mailloux a été une étude très bien faite et a surtout démontré que les femmes du Québec pouvaient produire, comme président de Commission royale d'enquête, des suggestions heureuses et surtout avaient le sens pratique de protéger cette partie de notre population qui nous est particulièrement très chère.

Et elles l'on fait avec une dextérité et surtout avec un « adon » remarquable. L'on dit que les femmes ont plutôt de la difficulté à juger de problèmes qui regardent les humains, particulièrement dans le travail. Nous avons eu là un exemple fort pratique, lorsque nous avons reçu et lu ce rapport du juge Mailloux. Je vous le dis en passant, entre guillemets le juge Mailloux est une dame que j'ai le plaisir de connaître et que je respecte beaucoup.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Du prénom d'Yvette.

M. BELLEMARE: D'Yvette, que je connais et que je respecte beaucoup.

M. le Président, ce rapport qui est arrivé au gouvernement en janvier 1966 était resté en plan lorsque l'élection générale de 1966 est arrivée. Dès mon arrivée au pouvoir, j'ai reçu de la part de plusieurs industriels de la province des demandes d'information, à savoir quand le gouvernement prendrait prosition pour faire organiser et déposer devant la Chambre cette législation.

Nous avons voulu, M. le Président, pousser plus loin cette étude du rapport Mailloux, qui était bien faite.

Nous avons demandé l'avis du Conseil supérieur du travail qui nous a fait un rapport très satisfaisant. Après l'avoir lu et commenté, nous avons décidé, dès la reprise de la session en 1968, d'apporter une législation concernant le travail de nuit des femmes dans l'industrie.

A cause d'une foule de circonstances que je ne vous rappelle pas, M. le Président, mais que vous connaissez, de toutes sortes d'autres législations, de motions, etc, la Chambre fut très occupée, au début de la session, par la législation et par les travaux du budget.

Nous sommes heureux de présenter cette loi devant cette Chambre, Cette loi se veut permissible mais non pas sans restriction, comme certaines provinces le font par leur législation. Les pénalités ont été sérieusement haussées. Nous voulons que cette loi soit respectée et nous lui avons donné des dents. C'est pourquoi nous avons pris les mesures énergiques qui s'imposaient. Cette loi, quant à nous, se veut une mesure moderne et appropriée à notre temps.

Dès cette deuxième lecture, je ferai remarquer à cette honorable Chambre qu'il y aura peut-être quelques modifications, par exemple, dans l'énoncé de certains textes de l'ancienne loi, concernant les jeunes camelots. Nous aurons, à ce sujet-là, un mot particulier à dire.

Je remercie donc la Chambre d'accueillir favorablement ce bill qui, je l'espère, apportera au monde ouvrier et au monde du travail encore plus de satisfactions et d'heureuses réalisations.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, le bill à l'étude a pour objet de modifier la loi des établissements industriels et commerciaux. C'est le chapitre 150 des Statuts refondus du Québec, 1964. Les amendements qui nous sont proposés aujourd'hui ont quatre objets principaux. Premièrement, hausse de l'âge minimum requis pour occuper un emploi dans un établissement commercial et industriel, c'est-à-dire que ce sera porté de 14 à 16 ans pour les garçons. Deuxièmement, réduction de 55 à 48 du nombre maximum d'heures durant lesquelles les personnes de sexe féminin et les garçons de moins de 18 ans peuvent travailler par semaine et réduction, par jour, de 10 heures à 8 heures, en retardant d'une heure le début de la journée (6 à 7 heures) et en avançant d'une heure la fin de la journée de travail, soit de 6 heures à 5 heures ou, si l'on veut être moderne, de 18 heures à 17 heures.

M. BELLEMARE: On l'a changé, dans la loi, justement parce que les gens ne comprennent pas cela.

M. LESAGE: Troisièmement, autorisation et réglementation du travail des femmes la nuit, sur émission d'un permis à cet effet. Quatrièmement, hausse substantielle des amendes en cas de contravention aux dispositions de la loi.

Je voudrais faire, le plus brièvement possible, mes commentaires sur les trois premiers principes qui font l'objet du projet de loi; le quatrième, qui concerne les amendes, ne m'inspirant pas de commentaires particuliers.

Je ne voudrais pas vous tracer un historique de l'évolution de notre société industrielle, mais je donne suite à ce qu'a dit le ministre du Travail lorsque je me permets de rappeler que, depuis cent ans, notre société a fait d'incessants progrès dans l'amélioration des conditions de travail qui étaient faites aux enfants, aux jeunes gens et aux femmes.

On n'a qu'à se rappeler les conditions de travail qui prévalaient dans les grandes usines, à la fin de XIXe siècle, pour prendre la mesure des progrès accomplis dans ce domaine. Je ne veux pas dire par là qu'il soit souhaitable que de jeunes garçons de 16 ans soient occupés à la journée longue dans nos usines, non plus d'ailleurs que je considère comme absolument normal que des femmes, des épouses, des mères de famille doivent travailler la nuit dans des usines et des industries du Québec.

Mais les impératifs de la vie industrielle, les inévitables insuffisances de notre politique d'éducation et de formation professionnelle, la nécessité purement économique elle-même font qu'il y a, en fait, sur le marché du travail, et des mères de famille et des jeunes de 16 ans.

Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que ces jeunes gens et ces femmes puissent exercer leurs activités avec le maximum de protection et dans des conditions de travail qui tiennent compte de leur situation particulière.

J'ai dit tantôt qu'il était difficile d'admettre, en principe, du moins, le fait que de jeunes garçons de 16 ans doivent commencer à cet âge à gagner leur vie sur le marché du travail. C'est un devoir de l'Etat, par une politique générale d'accessibilité à l'éducation, de prolonger le plus possible la période scolaire de sa jeunesse. C'est un devoir pour l'Etat, un devoir d'autant plus impérieux que le progrès même d'une so-

ciété exige que les pouvoirs publics utilisent à leur maximum les ressources humaines dont ils disposent. II n'en demeure pas moins que, malgré les efforts considérables que nous, du Québec, avons faits à cet égard, un nombre important de jeunes de 16 ans et plus sont actuellement sur le marché du travail dans nos industries et dans nos commerces.

Il y a à cela, bien sûr, de multiples causes.

Il peut s'agir des aptitudes ou des handicaps individuels de certains jeunes, û s'agit hélas, trop souvent, d'une conséquence directe de l'état de pauvreté dans lequel est plongée une trop grande partie de notre population.

Le directeur général du Bureau international du travail, dans un rapport présenté à l'OIT à la conférence internationale des droits de l'homme en 1968, écrivait: « La pauvreté et la misère compromettent les chances de l'individu dès sa tendre enfance. Les éliminer ou du moins les atténuer semble être le seul remède décisif ». Eliminer ou du moins atténuer les effets de la pauvreté, particulièrement ceux qui font qu'un trop grand nombre de jeunes sont lancés sur le marché du travail, sans avoir une préparation suffisante, c'est là sans doute un des objectifs premiers de tout gouvernement.

Mais l'ampleur même du problème à résoudre, les difficultés énormes qui y sont rattachées forcent les pouvoirs publics à admettre le fait que des jeunes de 16 ans ont à travailler pour assurer leur subsistance et souvent celle de leur famille. Il s'agit là d'une situation que l'on doit chercher à corriger par tous les moyens mais, tout de même, c'est une situation brutale, une situation réelle qui existe et dont nous devons tenir compte.

C'est pourquoi, dans la plupart des pays, nous trouvons des lois qui permettent et réglementent le travail des jeunes de 16 ans ou plus. Le premier devoir de l'Etat, à mon sens, est de fournir à tous les jeunes, quelle que soit leur fortune, des facilités générales d'accès à l'éducation et à la formation professionnelle.

Par ailleurs, les conditions sociales et économiques étant ce qu'elles sont, l'Etat est amené à souffrir que des jeunes gagnent le marché du travail avant d'avoir acquis toute cette formation et toute cette éducation. L'Etat, comme le soulignait le président du BIT, ne peut pas empêcher ces enfants de travailler car, alors, ce serait risquer de les priver du droit à l'existence même et à celle de leur famille.

C'est donc dire qu'il faut réglementer l'admission des jeunes au travail. L'Organisation internationale du travail a adopté, à cet égard, toute une série de conventions ou de recommandations qui constituent pour tous les états mem- bres, et même ceux qui ne le sont pas, un guide précieux dans l'élaboration des législations qui s'imposent en vue d'assurer la protection des jeunes qui oeuvrent ainsi sur le marché du travail.

Ces conventions ou recommandations concernent les garanties qui doivent exister en vue de protéger la santé et la sécurité de ces jeunes. Nous trouvons ces garanties dans la loi telle qu'elle existe ou dans les modifications qui sont suggérées par le ministre du Travail.

La loi des établissements industriels, en effet, prescrit déjà un bon nombre de dispositions particulières au travail des jeunes. Je ne veux pas entrer dans les détails de la loi telle qu'elle existe, non plus que dans ceux du projet de loi à l'étude, mais je voudrais rappeler que des règlements peuvent être faits par le lieutenant-gouverneur en conseil pour déterminer les prescriptions nécessaires à la sécurité, à la santé et à la moralité des travailleurs ou d'une catégorie particulière de travailleurs ou des jeunes dans les établissements industriels et commerciaux ainsi que dans les établissements classés comme dangereux, insalubres ou Incommodes.

L'âge minimal des ouvriers ne doit pas être inférieur à 16 ans pour les garçons et à 18 ans pour les filles. Il y en a toute une série ainsi. Le bill no 289, qui prescrit le nombre d'heures de travail des jeunes comme devant être de 48 heures au lieu de 55 par semaine et de huit heures par jour au lieu de dix heures, est certainement une amélioration qu'il importait d'apporter à notre loi.

Quant au deuxième objet du bill: la réduction du nombre des heures de travail, il s'agit là du deuxième principe qui nous est proposé par le bill no 289. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cela s'inscrit dans le cadre du progrès normal de notre société industrielle. En effet, les développements techniques et technologiques, l'accroissement de l'automatisation font que la période de travail de l'homme diminue sans cesse.

C'est donc dans cette ligne que se situent les amendements qui sont proposés par le bill no 289 afin de réduire le nombre des heures de travail des personnes du sexe féminin ainsi que des garçons âgés de moins de 18 ans. Par ailleurs, il apparaît clairement qu'une pareille distinction des heures de travail vise essentiellement à fournir à ces jeunes des conditions de travail qui soient appropriées à leur situation particulière.

Je n'ai pas à insister, nous sommes d'accord quant au principe du bill pour autant que ces deux objets sont concernés.

J'en arrive au travail de nuit des femmes. En vertu du bill, le travail des femmes, la nuit, dans les établissements industriels qui ont obtenu l'autorisation du ministre après en avoir établi la nécessité, sera dorénavant admis. Cependant, seules les femmes âgées de plus de 18 ans pourront ainsi travailler la nuit, suivant certaines modalités quant à la durée et aux conditions dans lesquelles s'effectuera ce travail de nuit.

Ce problème du travail des femmes la nuit avait fait l'objet de notre attention et, comme l'a dit le ministre tout à l'heure, nous avions constitué un comité d'étude afin d'examiner tous les aspects du problème. Ce comité était présidé par le juge Dussault-Mailloux, et le rapport final a été remis au gouvernement à la fin de janvier 1966. De là le projet de loi qui est devant nous.

Je tiens de nouveau à remercier et à féliciter la présidente ainsi que tous les membres de cette commission qui ont fait une étude très valable, qui nous est aujourd'hui certainement fort utile dans l'appréciation du projet de loi qui est à l'étude.

M. BELLEMARE: Très rapide. Le comité avait été nommé le 15 juin 1965...

M. LESAGE: Ah oui, très rapide.

M. BELLEMARE: ... par l'arrêté en conseil...

M. LESAGE: Oui, par l'arrêté en conseil 1206 du 15 juin 1965, de sorte que le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait nous dire, à nous les hommes: placez une femme en charge d'un travail et soyez assuré qu'il sera fait rapidement et efficacement.

M. BELLEMARE: Très bien!

M. LESAGE: Je n'ai pas l'intention de reprendre ici tout ce qui est contenu dans le rapport Mailloux qui a été remis au gouvernement. Cependant, je voudrais en rappeler très brièvement les principes essentiels.

Premièrement, l'examen de la législation, de celle des Etats-Unis et des autres provinces canadiennes démontre hors de tout doute une tendance très nette à permettre le travail de nuit des femmes dans les établissements industriels.

Deuxièmement, sur le strict plan économique, le travail de la main-d'oeuvre féminine la nuit est devenu, à plusieurs égards, une nécessité, particulièrement à cause du fait que cette autorisation permet la création immédiate de nouveaux emplois, puisque des industries peuvent alors avoir trois équipes de travail.

D'autre part, nous savons tous que l'un des facteurs dont dépend le progrès de l'économie du Québec est l'accroissement de la productivité. Cet accroissement est fonction du volume des investissements, de l'amélioration des techniques de la production et de l'utilisation maximale des ressources humaines dont nous disposons.

Or, sur ce strict plan de la productivité, nous ne pouvons nous permettre, au Québec, de sous-utiliser quelque portion que ce soit de notre main-d'oeuvre, pas plus la main-d'oeuvre féminine que la main-d'oeuvre masculine.

Troisièmement, il est bien évident que nous ne pouvons pas permettre plus longtemps que des industries — cela est prouvé, je pourrais donner des exemples — aillent s'établir ailleurs qu'au Québec, à cause, entre autres raisons — je le sais d'expérience personnelle — de nos lois et règlements actuels qui interdisent le travail de nuit de la main-d'oeuvre féminine.

Je pense bien qu'il n'est pas d'intérêt public de donner le nom de sociétés qui se sont établies ailleurs, principalement parce que le travail de nuit des femmes n'était pas permis ici au Québec, mais je pourrais en nommer.

M. BELLEMARE: Alimentation, produits chimiques, produits électriques, textiles...

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: Pour toutes ces compagnies que cite Phonorable député, ces choses sont parfaitement vraies.

M. LESAGE: II y a eu des cas avant 1966 et depuis 1966, à ma connaissance.

M. BELLEMARE: Ah oui!

M. LESAGE: Maintenant, je n'ai pas l'intention de reprendre une à une chacune des recommandations du rapport Mailloux.

M. BELLEMARE: Elles sont presque toutes dans la loi.

M. LESAGE: Les principes qui avaient été retenus par la commission Mailloux se retrouvent presque tous dans le projet de loi présentement à l'étude. Mais, il me semble qu'il y a trois recommandations, et non deux, faites par la commission Mailloux pour l'octroi de permis spéciaux à l'effet de permettre à des éta-

blissements industriels et commerciaux d'employer des femmes la nuit, qui n'ont pas été suivies.

Je vais donner les trois. Premièrement, les équipes de travail. Sur la troisième équipe, il devra y avoir, au moins, deux femmes par salle de travail, ce qui n'inclut pas la personne chargée de la surveillance. Le ministre a dit, au cours de son intervention, qu'il avait l'intention d'édicter une telle obligation par règlement.

M. BELLEMARE: D'accord. Parce que lorsqu'on doit...

M. LESAGE: Quand le ministre répliquera ou lorsque nous serons en comité, il pourra, peut-être, nous expliquer pourquoi cette condition ne peut pas être dans la loi ou pourquoi il est préférable qu'elle soit dans les règlements plutôt que dans la loi.

M. BELLEMARE: Parce que ça change.

M. LESAGE: Deuxièmement, la surveillance et les premiers soins...

M. BELLEMARE: Ce sera prévu dans les règlements.

M. LESAGE: Une personne de sexe féminin doit être spécialement désignée pour la surveillance de l'équipe et être capable d'appliquer les premiers soins, si besoin il y a. Il n'est pas question d'avoir une infirmière diplômée. Ce peut fort bien être une surveillante qui connaît le métier et qui est, pour me servir d'un terme qui est bien connu, diplômée en premiers soins, « First aid ».

M. BELLEMARE: C'est-à-dire de l'Ambulance Saint-Jean.

M. LESAGE: Par exemple, qui a un certificat de l'Ambulance Saint-Jean ou de la Croix-Rouge.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: Alors, c'est le deuxième point; c'était la recommandation numéro trois.

M. BELLEMARE: Non, quatre.

M. LESAGE: A la page...

M. BELLEMARE: Oui, vous avez raison.

M. LESAGE: Le ministre avait dit quatre; je n'ai pas voulu le reprendre, mais c'est la recommandation trois.

M. BELLEMARE: Vous avez raison, c'est deux et trois.

M. LESAGE: C'est deux et trois, au lieu de deux et quatre, à la page 41 du rapport, comme l'a dit le ministre dans son intervention.

Alors, le ministre nous dira encore ici pourquoi il a préféré que cette obligation soit imposée par règlement plutôt que d'être prévue dans la loi.

Et, enfin, troisième point, une autre recommandation du rapport Mailloux était de défendre le travail des femmes qui ont charge d'enfants de moins de 16 ans.

Celle-là, le ministre n'en a pas parlé. Je n'insiste pas, moi non plus, parce que, quant à cette recommandation, je vous avoue, M. le Président, que j'hésite beaucoup à voir la différence qu'on en peut faire quant aux effets sociaux ou moraux. On peut fort bien dire que, si c'est une mère de famille avec des enfants de moins de 16 ans, son mari est à la maison la nuit, et il est peut-être préférable qu'elle travaille la nuit pour être avec les enfants le jour. Evidemment, si son mari travaille le jour et elle la nuit, ça ne fera pas d'autres enfants bien forts, mais...

M. BELLEMARE: Je n'ai pas dit ça, moi.

M. LESAGE: Non! Mais ils seront là chacun leur tour pour avoir soin des enfants. Alors c'est sans doute pour ça que le ministre a passé sous silence cette troisième recommandation. Quant à moi, je n'insiste pas, parce que je ne vois pas que ce soit très justifiable.

Mais, M. le Président, je me demande s'il ne serait pas bon de prévoir, dans le projet de loi, qu'avant de statuer sur une demande de permis...

M. BELLEMARE: Statuer sur?

M. LESAGE: Une demande de permis.

M. BELLEMARE: De permis, oui, d'accord.

M. LESAGE: ... le ministre soit tenu de demander l'avis des travailleurs concernés en consultant le syndicat, s'il y en a, ou, s'il n'y en a pas, en consultant les ouvrières impliquées. De plus, j'aimerais bien que, quant aux facilités de transport pour les femmes qui auront à travail-

1er la nuit aux conditions exprimées dans le bill, il soit dit carrément que les frais de transport seront à la charge des employeurs. Ce n'est pas dit clairement.

M. BELLEMARE: C'est-à-dire que c'est une...

M. LESAGE: Disons que ce n'est pas dit clairement et que ça pourrait l'être. J'ai pensé que c'était l'intention du gouvernement, mais elle n'est pas clairement exprimée. Je dirai au ministre que, lui, connaissant les avocats comme il les connaît, devrait craindre une interprétation du projet de loi qui ne serait pas celle qu'il voudrait lui donner.

De même, il serait peut-être bon de songer à fixer une période maximale pour la validité du permis, à rendre les permis renouvelables, parce qu'il faudrait peut-être que la nécessité économique, qui doit être établie par celui qui demande un permis, continue d'exister tout au long de la période de détention du permis.

M. BELLEMARE: Cela devient un peu de la contorsion.

M. LESAGE: En fait, je voudrais, à l'occasion de ce projet de loi, en profiter pour sensibiliser le gouvernement et le ministre du Travail, s'il a besoin de l'être, aux besoins qu'il y a d'établir au Québec, dans toute la mesure du possible, au moins une raisonnable parité de salaire entre la main-d'oeuvre féminine et la main-d'oeuvre masculine pour un travail égal.

Je sais que ce n'est pas un problème facile, mais ce n'est pas pour autant un problème que le gouvernement ou les gouvernements doivent ignorer presque systématiquement. Il existe, bien sur, plusieurs moyens, du moins en théorie, pour assurer cette parité de salaire entre la main-d'oeuvre féminine et masculine.

Nous pourrions procéder par une loi spécifique qui protégerait, à la grandeur de la province, les droits des ouvrières en énonçant dans une loi le principe « A travail égal, salaire égal ».

M. BELLEMARE: Cela va être de la discrimination.

M. LESAGE: L'action syndicale serait un autre moyen. Et enfin, la bonne volonté des employeurs ne peut être complètement exclue.

Les deux derniers moyens que je viens d'évoquer: l'action syndicale et la bonne volonté des employeurs sont certainement, à tout le moins, aléatoires. Pourrais-je, M. le Président, faire part aux députés de ce qui m'appa- raît être le plus efficace moyen à cet égard? Ce serait de faire en sorte que notre assemblée légifère d'une façon spéciale pour assurer cette parité de salaire. Cela me paraît particulièrement important puisque nous sommes à étudier le problème du travail de la main-d'oeuvre féminine la nuit.

Il me semble que nous devrions éviter à tout prix que les autorisations qui seront émises à l'effet de permettre aux femmes de travailler la nuit, puissent donner lieu à un certain opportunisme de la part des employeurs qui pourront, de ce fait, employer de la main-d'oeuvre féminine de préférence à la main-d'oeuvre masculine, la première pouvant commander des salaires moins élevés. Il y a là un danger qu'il faut éviter. Je pense qu'il est important que le ministre du Travail nous fasse connaître son opinion et nous fasse des commentaires sur ce que je viens de dire. Il y a un danger qui n'existerait pas si le principe fondamental: A travail égal, salaire égal était reconnu efficacement dans notre législation.

La Fédération des femmes du Québec s'est penchée à plusieurs reprises sur ce difficile problème. Elle a d'ailleurs fait à cet égard des recommandations précises au gouvernement. Je dis que ce problème est important parce qu'il ne faut pas oublier que le Québec compte 28% de l'ensemble de la main-d'oeuvre féminine du Canada, soit 600,000 à 700,000 femmes qui sont présentement sur le marché du travail. Parité de salaire entre la main-d'oeuvre féminine et la main-d'oeuvre masculine. Ce ne serait pas un précédent de prendre les dispositions nécessaires pour l'accorder, puisque dans certains secteurs elle existe déjà. Je donne des exemples: Par le bill 25. Cela semble drôle, peut-être, que j'invoque le bill 25, mais disons qu'il y avait dans ce bill un aspect qui était de nature à bonifier la législation. C'est que par le bill 25 adopté par le Parlement en février 1967, les institutrices se sont vues accorder cette parité de salaire pour un travail égal. Cela existe.

M. BELLEMARE: Et dans le fonctionnarisme.

M. LESAGE: Oui, mais cela est plus difficile dans le fonctionnarisme, parce qu'on peut toujours définir les tâches autrement. C'est là le danger. Il existe d'ailleurs plusieurs textes, tant sur le plan international que sur le plan national, qui sanctionent la formule: A travail égal, salaire égal. Il y a la déclaration universelle des droits de l'homme qui a été adoptée par les Etats-Unis. L'organisation in-

ternationale du travail, dès 1951, adoptait la convention no 100, une recommandation no 90 sur l'égalité de rémunération de la main-d'oeuvre masuculine et de la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale.

Il est bien certain que la meilleure façon de combattre la discrimination à l'égard de la femme, consiste à lui fournir des chances égales d'accès à l'éducation et à la formation professionnelle. A l'heure où l'on fait un si grand état des faiblesses de notre système d'éducation, peut-être n'est-il pas inutile de souligner une de ses plus grandes qualités, c'est de savoir qu'il a permis, en ces dernières années, un accroissement extraordinaire du nombre et de la qualité des jeunes filles qui fréquentent nos institutions collégiales et universitaires. Vous permettrez bien à ceux-là qui ont tant fait pour adopter ce nouveau système d'éducation, pour l'adapter aux réalités modernes, de marquer leur satisfaction devant cette accessibilité nouvelle des femmes à l'éducation et à la formation professionnelle.

En terminant, je voudrais demander au ministre de nous dire, lorsqu'il répliquera, si le gouvernement est bien décidé à prendre les mesures nécessaires afin que la permission accordée aux industriels de faire travailler les femmes la nuit ne devienne pas une pratique générale, que c'est bien le principe de l'interdiction qui demeure, que c'est par exception que les permis seront émis. Je voudrais savoir aussi si le gouvernement du ministre, si le gouvernement dont il fait partie, a l'intention de donner suite aux recommandations suivantes du rapport Mailloux.

C'est vrai que ce sont des recommandations formulées en obiter dictum...

M. BELLEMARE: Obiter dictum.

M. LESAGE: Oui, oui, maintenant, le ministre du Travail le sait...

M. BELLEMARE: Je le sais, je l'ai appris.

M. LESAGE: ... en obiter dictum. Premièrement, congé de maternité prénatal et postnatal. Deuxièmement, service de pouponnière et, troisièmement, service de garderie.

Ce sont trois des recommandations du rapport Mailloux qui sont faites, mais en dehors du mandat de la commission.

M. BELLEMARE: M. Goldbloom.

M. LESAGE: Oui, je sais. Bien oui, c'est ça. Je demande au gouvernement s'il est prêt à agir. En terminant, M. le Président, je dirai que nous sommes d'accord sur le principe du bill 289, mais j'ai demandé au ministre de nous faire certaines précisions, certains commentaires que nous serons heureux d'obtenir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Claire Kirkland-Casgrain

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, dans le domaine de l'égalité de l'homme et de la femme au Québec, il y a encore de nombreux pas à franchir et ce, dans les domaines économique aussi bien que juridique, pour n'en mentionner que deux. Nous étudions aujourd'hui une législation du domaine de l'économique, qui accorde à la femme un certain degré d'égalité. Je ne ferai pas, moi non plus, l'historique de cette législation au Québec, puisque le député de Louis-Hébert l'a fait avant moi, même s'il l'a fait brièvement.

Je me contenterai cependant de souligner que le rapport qui a donné naissance à ce bill a vu pour la première fois au Québec, grâce à un gouvernement libéral, une femme agir comme présidente d'une commission d'enquête sur le travail.

Cette femme, nous le savons, est une femme de loi, une femme spécialisée dans la matière, et juge à la cour du Bien-Etre social. Elle a fait avec ses collègues, avec ceux qui ont collaboré avec elle, un travail fouillé et extrêmement sérieux, dans le domaine des problèmes ouvriers et économiques et je m'en voudrais de ne pas le souligner, M. le Président.

Elle a soumis des recommandations importantes, qui ont d'ailleurs servi de base à la législation que nous avons devant nous. Et j'aimerais mentionner ici que je considère regrettable, M. le Président, que, depuis 1966, il n'y a pas eu d'autres femmes qui aient accédé à un poste similaire, n'aient été chargées de présider d'autres commissions d'enquête pour des rapports également nécessaires à différents ministères du gouvernement et de l'administration provinciale.

Puis-je souligner que le précédent créé à l'occasion de la nomination du juge Dussault-Mailloux par un gouvernement libéral n'a malheureusement pas été suivi jusqu'à maintenant. Mais, avant de me faire rappeler à l'ordre, M. le Président, je reviendrai à la question qui nous préoccupe, celle du travail de la femme la nuit. Notre siècle a connu la révolution industrielle et a été témoin d'une évolution — d'autres l'auront dit avant moi — d'une évolution

considérable et l'on sait que l'homme est entré dans le marché du travail non seulement le jour mais la nuit et cela sans condition. Ici vous me permettrez, M. le Président, de donner une opinion bien personnelle et qui n'est peut-être pas partagée par tous mes collègues, d'un côté ou de l'autre de la Chambre. Je considère, M. le Président, qu'à notre époque, il est normal que la femme, tout comme l'homme, travaille, que ce soit le jour ou la nuit. Les incapacités soulevées contre elle, à travers les siècles, soit dans le domaine juridique, dans le domaine économique ou dans quelque autre domaine que ce ce soit, sont les résultats du fait qu'on la considérait comme inférieure au point de vue intellectuel.

A cause de cela, on la déclarait incapable et on la protégeait contre elle-même. Vous-même, M., le Président, qui avez fait des études légales, vous vous souviendrez de certains articles du code, maintenant périmés, gâce au bill 16, et vous vous souviendrez également d'autres articles qui, malheureusement, sont encore en vigueur dans notre code civil.

Je pense en particulier à l'existence de cet article qui prohibe tout contrat entre les époux, entre le mari et la femme. La raison de cette interdiction, vous vous en souviendrez, était due au fait qu'on considérait que la femme pouvait être soumise à l'influence indue de son mari. C'est pour la protéger elle-même qu'on lui interdisait cette formule et qu'on la lui interdit encore, malheureusement. C'est donc dire qu'elle ne peut pas, à l'heure actuelle, devenir partie d'un contrat qui avantage son époux à son détriment personnel à elle, parce qu'on considère qu'elle est capable, parfois, dans certains cas, de subir son influence indue.

Je comprends toutefois que, conformément aux suggestions faites dans le rapport Dussault-Mailloux, le travail des femmes est consenti, mais à certaines conditions, évidemment. Il est peut-être bon que ces conditions aient été déterminées, tout au moins jusqu'à ce que la femme puisse faire ses preuves dans ce domaine et établisse à la satisfaction générale que la protection et la sollicitude dont elle est l'objet ne seront plus vraiment nécessaires.

Le chef de l'Opposition a fait des suggestions constructives à mon sens. Il a justement fait allusion à l'établissement de règles devant encore protéger celles qui, tout à coup, se voient attribuer un droit qui, de toute évidence, leur apporte de nouvelles responsabilités. Le chef de l'Opposition a mentionné qu'on devait faire un effort pour appliquer le principe: A travail égal, salaire égal.

Plusieurs députés de cette Chambre se sou- viendront de cette loi qui avait été adoptée en 1964 par l'administration précédente. Cette loi était intitulée; Loi contre la discrimination dans l'emploi. C'était à mon sens, un excellent début. Mais par la suite, on a vu dans certaines conventions collectives deux tâches identiques accomplies, dans une mémo entreprise, d'une part par une femme, et d'autre part par un homme, tâches qui avaient entre elles des différences aberrantes, pour utiliser l'épithête préférée de M. Parizeau, conseil du gouvernement en matière de politique salariale. Dans les salaires payés à l'un et à l'autre, cette différence était extraordinairement élevée et vraiment aberrante. A l'un et àl'autre, c'est-à-dire à l'homme et à la femme qui exerçaient la même tâche, dont la description contenue dans la convention collective était exactement identique. Malgré le fait qu'ils exerçaient la même tâche, il y avait une différence de salaire pour l'un et l'autre, l'homme, évidemment, ayant un salaire bien supérieur.

Pour être plus spécifique, ceci a été vu dans des conventions collectives de certains hôpitaux de Montréal depuis 1966. Tout cela pour illustrer le fait que ce principe: « A travail égal, salaire égal » est loin d'être mis en pratique. Si on doit permettre aux femmes d'entrer dans ce nouveau type de travail, il ne faudrait pas que ce soit pour exploiter ces travailleuses.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais ici citer un extrait d'un ouvrage émanant du Bureau international du travail, intitulé: La lutte contre la discrimination dans le travail et publié à Genève en 1968. J'ai d'ailleurs l'impression que cette brochure de quelque deux cents pages pourrait fournir une excellente lecture de chevet au présent ministre du Travail.

Avec sa permission, je lirai quand même quelque extraits qui sont très pertinents aux problèmes que nous étudions aujourd'hui.

A la page 88, sous le titre « Effets de la discrimination fondée sur le sexe », il est dit: « La discrimination à l'égard des femmes en matière d'emploi et de profession est liée à celle dont elles sont les victimes dans d'autres domaines et constitue un élément du problème bien plus large qui consiste à assurer de façon générale l'égalité de la femme dans la société. Comme lorsqu'il s'agit de la race et de la couleur, c'est généralement en matière d'emploi et de profession que la discrimination a souvent des conséquences particulièrement graves. « Pour ce qui est des activités lucratives, les femmes, qu'elles soient ouvrières, employées ou établies à leur propre compte, ont

généralement été en état d'infériorité par rapport aux hommes. On a souvent expliqué l'attribution de meilleurs salaires aux hommes par le fait qu'ils sont généralement chargés de l'entretien d'une famille. »

Mais, on ajoute: « Lorsque des jeunes filles, des femmes célibataires ou des veuves dépendent entièrement de leur propre gain, leur situation financière risque d'être bien plus mauvaise, en raison de la discrimination dont leur sexe fait l'objet, que celle des hommes ayant le même âge et le même état civil. Si la femme mariée qui exerce un emploi, alors que son époux travaille également, ne doit pas compter dans la même mesure sur ses propres gains, le fait que le principe à travail égal, salaire égal ne lui est pas appliqué n'en reste pas moins condamnable. »

On continue: « Les femmes se voient refuser l'accès à certains emplois et sont souvent affectées à des travaux inférieurs à beaucoup d'autres qu'elles pourraient fort bien accomplir. L'idée selon laquelle elles sont uniquement qualifiées pour certaines tâches, désignées précisément par l'expression « travail féminin », reste largement répandue. De tout temps, les traitements et les salaires féminins ont été bas, encore qu'ils aient désormais tendance à se rapprocher de ceux des hommes. Les femmes demeurent souvent désavantagées en ce qui concerne les conditions générales de travail. »

Plus loin, à la page 92, sous le titre « Conditions de travail », on dit: « II est également bien connu que la discrimination à l'encontre des femmes s'exerce en outre dans le domaine des conditions générales du travail. » Un peu plus loin, on mentionne que « les cas particuliers où il pourrait y avoir discrimination sont assez nombreux — ici, on ne peut faire de reproche au ministre du Travail, puisqu'on a diminué le nombre d'heures — la durée du travail, les périodes de repos, les congés annuels payés, les mesures de sécurité et d'hygiène de travail, la sécurité sociale, les services sociaux et les prestations sociales en rapport avec l'emploi. » « II faut, d'ailleurs — continue le rapport — relever que ces dispositions sont censées s'appliquer à tout individu sans discrimination, de sorte que l'on ne saurait perdre de vue qu'elles valent aussi pour les femmes qui travaillent.

C'est donc là un autre domaine à ne pas négliger.

Il me semble extrêmement important de conclure en mentionnant d'un mot la condition de discrimination qui est faite, plus particulièrement aux femmes mariées. Cette étude est ré- cente, elle date de 1968, justement sur la question de la lutte contre la discrimination...

M. le Président, je dois dire qu'être obligée de présenter un travail sérieux devant des députés qui s'amusent en arrère, ce n'est pas tellement drôle. Je vois le ministre des Affaires municipales qui rigole. Je comprends que cela ne l'intéresse peut-être pas, mais il faudrait qu'il pense aux électrices qu'il y a dans son comté.

M. SAUVAGEAU: Nous sommes toujours ici pour vous écouter, tandis que les vôtres ne sont seulement pas là pour vous écouter.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, cela, c'est une remarque grossière. Je pense que c'est tout à mon honneur. S'ils ne sont pas là, ils savent que je suis capable de me défendre. C'est plus que ne peut en dire le député là-bas.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois dire que je n'ai vraiment pas eu connaissance d'un désordre qui m'ait incité à rappeler les députés à l'ordre. Je rappelle toutefois les règles générales. Pour permettre à un député de s'exprimer en Chambre, le climat était assez bon jusqu'à présent. Je cède maintenant la parole à l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je reviens donc à cette étude qui a été faite et qui traite particulièrement des problèmes de la femme mariée. L'on dit que la discrimination àl'égard des femmes mariées est un autre aspect du problème qui mérite de retenir notre attention. Comme l'a signalé la commission d'experts du Bureau international du travail, on rencontre des distinctions qui limitent les possibilités d'accès ou de maintien à l'emploi, notamment à l'égard des femmes mariées.

Il est de fait que les femmes mariées n'ont pas toujours bénéficié des mêmes possibilités d'emploi que les célibataires. Dans certaines professions, les femmes peuvent être congédiées, si elles se marient. Dans certains pays, des exclusions ou restrictions relatives à l'emploi des femmes mariées dans le secteur public sont autorisées par la législation ou par la pratique administrative.

Le droit au mariage des hôtesses de l'air a récemment donné lieu à bien des controverses. Et on continue. Une enquête faite par le Bureau international du travail et portant sur une soixantaine de pays a montré que des progrès avaient

été accomplis au cours des vingt-cinq dernières années dans l'élimination de la discrimination de droit ou de fait dont les femmes mariées sont victimes en matière d'emploi et de profession, mais que c'est là un problème qui, tout en perdant de son importance relative, n'en doit pas moins continuer de retenir l'attention, en tant qu'aspect particulier du problème de discrimination contre les femmes qui travaillent.

On sait jusqu'à quel point l'ampleur de la discrimination a existé et continue d'exister. J'en ai donné un exemple tout à l'heure et je souhaite que le ministre du Travail soit conscient du problème. C'est pourquoi l'on se doit, en l'occurrence, d'apporter dans certains cas une protection spéciale aux travailleuses, protection spéciale qui est d'ailleurs suggérée dans le rapport Dussault-Mailloux, auquel le ministre lui-même et le chef de l'Opposition ont fait allusion.

Je suis heureuse de voir que la majorité des recommandations du rapport Mailloux ont été suivies et je fais miennes certaines suggestions qu'a faites le chef de l'Opposition. Je pense que si elles étaient suivies, M. le Président, elles seraient de nature à améliorer cette loi.

Ainsi, le chef de l'Opposition a mentionné le transport payé par le patron. Je comprends que le ministre semblait croire que c'était entendu mais, il me semble qu'il faudrait que ce soit plus spécifique et je ne vois pas...

M. BELLEMARE: Je pensais, moi, que le mot « assuré » donnait l'obligation à l'industriel de payer.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense, mais je voudrais que ce soit mentionné...

M. BELLEMARE: « Doit être assuré », « de pourvoir... »

MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... parce que c'était peut-être sous entendu dans l'esprit du ministre, mais comme l'a dit le chef de l'Opposition, et connaissant le raisonnement de certains avocats, par exemple, qui feraient du droit patronal, on comprend qu'ils pourraient fort bien interpréter ces mots à leur façon.

M. BELLEMARE: « Assurer et pourvoir ».

MME KIRKLAND-CASGRA]N: Oui. Ainsi, je pense qu'une autre suggestion heureuse est celle de la limite du temps du permis parce que l'on sait parfaitement que l'économie d'un pays moderne demande qu'il y ait du travail des ouvriers la nuit, soit des femmes ou des hommes mais l'on sait également que ce n'est pas l'idéal et ce n'est surtout pas l'idéal dans le cas d'une femme qui a des responsabilités autres que celles du travail.

Alors, cette loi, vous le comprendrez, me plaît beaucoup et je termine enfin en mentionnant que l'obiter dictum justement dont on afait allusion me paraît extrêmement important. J'espère que les officiers qui travaillent au ministère responsable de la législation que nous étudions aujourd'hui, en collaboration avec le ministre du Bien-Etre social, verront à ce qu'on étudie justement la possibilité d'établir des garderies d'enfant.

On sait qu'il n'y a même pas de standard dans bien des cas pour ces garderies. Mais, encore faudrait-il qu'on en établisse, et je pense que c'est une priorité quand on parle du travail féminin, du travail de la femme mariée.

M. le Président, il ne m'arrive pas tellement souvent de féliciter le gouvernement mais, en l'occurence, je me permettrai de le faire et de dire que je suis très heureuse de voir que cette loi vienne, même si elle vient tardivement, parce que quand on considère que le rapport a été donné en janvier 1966, mais je comprends qu'il y a eu consultations avec le Conseil supérieur du travail, etc. mais je suis très heureuse de cette loi et j'espère, M. le Président, que c'est une autre étape que nous franchissons pour faire progresser la femme dans son évolution.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.

M. Victor-C. Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys a parlé des femmes: je voudrais dire quelques mots au sujet des jeunes.

Cette loi doit faire deux choses: elle doit protéger le jeune pendant la période de l'année scolaire, et elle doit lui fournir des occasions, des moyens, des facilités pendant les vacances pour apprendre ce que c'est que travailler.

En ce qui concerne l'année scolaire, il est évident que cette loi s'inscrit dans le cadre de tout ce que nous faisons pour garder l'adolescent à l'école, au CEGEP, si possible à l'université, aussi longtemps que possible. Pour ce faire, il faut en même temps aider les familles à faible revenu à résister à la tentation de retirer leurs adolescents de ces institutions d'enseignement. Cette tentation a deux bases principales: Le besoin économique qui est, pour beaucoup de ces familles, terriblement réel, et la faiblesse trop fréquente de la motivation de telles familles en

ce qui concerne la scolarisation de leurs enfants.

Il faut donc appuyer de façon tangible la scolarisation des adolescents et la pousser aussi loin et aussi haut que possible. Dans ce domaine, nous avons déjà fait des commentaires sur l'affectation des sommes qui sont versées en allocations familiales. Nous avons dit qu'il ne suffit pas que ces allocations soient de nature familiale, il faut que ces allocations soient de nature scolaire également.

Pendant les vacances, il importe que l'initiation au travail, à la responsabilité, au financement de ses propres besoins et désirs se fasse graduellement, avant le moment où le jeune aura à prendre toutes ses propres responsabilités. Dans ce sens, j'ai un seul commentaire à faire. Le gouvernement, par le truchement du ministère de l'Education, base l'année étudiante sur neuf mois, soit approximativement le temps réel passé à l'université, au lieu de considérer que l'étudiant doit vivre douze mois par année. Le travail d'été est obligatoire pour les étudiants ou considérés comme tels, tout au moins quant au calcul du montant des prêts-bourses, car même ceux qui n'ont pu se trouver un emploi d'été sont considérés comme ayant gagné de l'argent pendant dix semaines.

Donc, M. le Président, le gouvernement, qui légifère de façon à restreindre, en quelque sorte, la possibilité pour l'adolescent de travailler, acquiert une responsabilité à l'égard de cet adolescent qui est réputé avoir travaillé pendant au moins dix semaines durant l'été. Il faut que, tout en légiférant de la façon dont nous le faisons aujourd'hui, le gouvernement accepte la responsabilité de voir à ce que l'adolescent trouve ce travail et fasse son apprentissage dans des conditions normales et utiles pour son avenir.

A mon tour, je félicite le gouvernement de la présentation de cette loi. Je suis très heureux de ce qu'elle vient faire pour normaliser les conditions de travail, donc l'éducation de nos adolescents.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: J'ai bien l'intention d'exercer mon droit de réplique. D'abord, je vais commencer, comme toujours, par remercier ceux qui ont participé au débat et dire combien ces discours m'ont impressionné, particulièrement celui du chef de l'Opposition qui était très bien charpenté et qui, sûrement, mérite d'être signalé à l'attention de la Chambre. Voici un homme qui est débordé d'ouvrage comme chef d'un parti politique et à cause de ses nombreuses présences en Chambre, mais qui a une étude bien faite et, surtout, donne des statistiques qui sont réellement bien préparées. Je dis, cependant, que...

M. KENNEDY: Voici les fleurs. A quand le pot?

M. BELLEMARE: ...l'honorable chef de l'Opposition a commis quelques petites erreurs. Je ne voudrais pas trop...

M. LACROIX: Le pot s'en vient.

M. BELLEMARE: II a d'abord fait état des quatre principes de la législation.

M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre m'accorde-t-il une minute? Je voudrais excuser le chef de l'Opposition. Nous allons noter la réplique du ministre. Le chef de l'Opposition a dû s'absenter de la Chambre pour une raison très sérieuse. Si le ministre veut répliquer à ses propos, il est quand même libre de le faire, mais je voulais souligner que l'absence du chef de l'Opposition est due à un motif très sérieux.

M. BELLEMARE: D'accord. D'ailleurs, c'est un des membres de la Chambre qui mérite d'être signalé au tableau d'honneur de l'assiduité et de la ponctualité.

M. LEFEBVRE: A bien d'autres tableaux aussi.

M. BELLEMARE: On a tous les deux, je pense, le même record.

M. LEFEBVRE: Vous l'encensiez pour mieux vous encenser vous-même.

M. BELLEMARE: Je sais qu'il va le relire dans le journal des Débats. D'ailleurs, il est très fidèle à la lecture, dans sa bibliothèque comme il le dit. Les quatre amendements, dit-il, les quatre principes qui font la base même de la législation qui est en cours, il a bien situé cela; les âges qui étaient requis, c'est-à-dire que nous la changeons de 14 à 16 ans maintenant, la réduction des heures de travail, ç'a été aussi un des principes qui nous ont guidés d'abord à cause de nos décrets et surtout de nos conventions collectives et du salaire minimum qui tendent à rendre les heures de travail moins longues et à augmenter la productivité et le salaire.

Quant au travail féminin, quant au travail des femmes la nuit, il a dit que nous avions respecté presque textuellement le rapport Mailloux, sauf deux recommandations qui concernent les équipes de travail. Sur la troisième équipe, il devrait y avoir au moins deux femmes par salle de travail, sans compter la contremaîtresse et aussi, M. le Président, qu'une

personne du sexe féminin devrait être désignée pour assurer les soins particuliers, les premiers soins.

Je dis tout de suite à l'honorable chef de l'Opposition que ces deux recommandations du rapport Mailloux ont été retenues, et comme il nous est permis, en vertu de la loi des conventions collectives, d'édicter des règlements, nous allons en promulguer toute une série qui concerneront d'abord ces deux articles dont il est question dans le rapport Mailloux, mais aussi, M. le Président, quant à l'argument que m'ont fait valoir l'honorable chef de l'Opposition et l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys. Je félicite celle-ci également d'une manière particulière pour sa lumineuse et bienfaisante intervention. Elle devrait intervenir plus souvent. Je comprends qu'elle a de nombreuses occupations, mais j'aime bien sa présence en Chambre.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est vrai.

M. BELLEMARE: Quand elle y est, M. le Président, c'est comme une rose...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Vous ne m'avez pas manquée beaucoup cette année, M. le Président, j'y étais assez régulièrement.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas fait de rapport, mais je me suis aperçu que de temps en temps le siège était vide et j'en ai demandé les raisons à quelques-uns de mes collègues. On m'a dit: Vous savez, elle a beaucoup d'occupations.

Maintenant, l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys comme le chef de l'Opposition a dit que le permis devrait contenir certaines prescriptions pour savoir s'il peut être renouvelable, s'il peut être révocable, comment il doit être émis. Tout cela, je pense sera contenu dans l'article 44 de notre bill, Les améliorations, M. le Président, vous allez les trouver dans l'article 44: « déterminer les obligations auxquelles sont assujetties les détenteurs d'un permis délivré en vertu de l'article 8, y compris la forme, la teneur des demandes de permis, les honoraires exigés et les documents qui doivent accompagner ces permis, les renseignements qui peuvent être requis, les endroits où doivent être affichées, les mentions qu'ils doivent comporter ainsi que les cas dans lesquels, elles peuvent être révoquées. C'est clair, c'est contenu dans notre loi, qu'il peut être révoqué et, dans le cas d'un permis délivré en vertu de l'article 18-a), le nombre de femmes requis par salle, ou d'ateliers de travail et le nombre de surveillants requis et leurs qualités.

Je crois que c'est pas mal rencontrer le désir de l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys et le voeu...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non!

M. BELLEMARE: ... que formulait le député de Marguerite-Bourgeoys et le chef de l'Opposition. Elle a dit quelque chose de bien intéressant, le député de Marguerite-Bourgeoys. Je suis sensible quand elle parle des dames. Elle a dit quelque chose qui sentait un peu...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Heureusement, le ministre du Travail n'est pas toujours là, lorsque je fais des interventions sur ces problèmes qui touchent la femme.

M. BELLEMARE: Ailleurs?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je voudrais qu'il soit sensible plus souvent. Non, je parle d'ici.

M. BELLEMARE: Ah, j'ai toujours été ici, moi.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non, je regrette, il y a eu plusieurs occasions, je l'ai remarqué, d'ailleurs.

M. BELLEMARE: Mais, je dis qu'elle a dit quelque chose de bien intéressant. Il y avait une petite pointe en finissant sa phrase. Le parti libéral a réalisé...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais c'est un fait.

M. BELLEMARE: ... quelque chose que personne d'autres n'ont fait, quand on a nommé une femme. J'ai dit à l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys de se référer à la nomination de Mme Warren, sur la commission Castonguay...

MMii KIRKLAND-CASGRAIN: Non, je n'ai pas parlé de nomination...

M. BELLEMARE: ... je dis à l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys de se référer à la nomination du premier sous-ministre, Mlle Baron, à l'Education...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais on parlait de commission d'enquête... D'ailleurs, j'en félicite le gouvernement...

M. BELLEMARE: Ah, bon, merci!

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ce n'est pas arrivé fréquemment. Il faut dire qu'on avait créé plusieurs précédents qui n'ont pas été suivis, malheureusement.

M. BELLEMARE: Nous étions pour nommer une femme au Conseil législatif! Malheureusement...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est facile à dire.

M. LEFEBVRE: Ce que l'on souhaiterait, ce serait une jolie femme comme ministre du Travail.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LEFEBVRE: Ce que nous souhaiterions, c'est une jolie femme comme ministre du Travail.

M. BELLE MARE: Une jolie femme pour moi?

M. LEFEBVRE: Non, non, non, une jolie femme à la place du ministre.

M. BELLEMARE: Il faudrait qu'elle ait bon caractère parce qu'avec le député d'Ahuntsic, sa patience serait souvent mise à contribution. Je dis donc que l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys a fait une intervention fort appréciée. Elle a sûrement plus qu'une autre le mérite d'avoir trouvé dans des publications et surtout dans les lectures qu'elles a faites des choses fort intéressantes. J'ai remarqué qu'elle avait des gros Uvres entre les mains, des livres...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Deux cent pages. Je vous le recommande comme livre de chevet»

M. BELLEMARE: Bon. Moi, j'en ai un tout petit, tout petit de quelques pages...

MME KIRKLAND-CASGRAIN-. Ah! oui.

M. BELLEMARE: ... qui me fait souvent réfléchir...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est peut-être le programme de l'Union Nationale.

M. BELLEMARE: ... et qui pourrait, peut-être, être une excellente réponse à l'honorable député.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah! bon, c'est intéressant cela.

M. BELLEMARE: On dit, par exemple, dans une loi de notre province, adoptée en 1967, 12-13 Elizabeth II, Loi sur la discrimination dans l'emploi...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adoptée en 1964. L'original a été adopté en 1964.

M. BELLEMARE: L'honorable député le connaît?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui, bien sûr.

M., BSLLEMARE: Bon, alors, que dit-il? Je me souviens...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je ne le connais pas par coeur.

M. BELLEMARE: ... de son discours. Elle était ici, à deux pas de moi.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.

M. BELLEMARE: Elle avait dit, à ce moment-là: Nous allons sûrement faire un pas...

MME KIRKLAND-CASGRAIN" C'est vrai.

M. BELLEMARE: ... important dans la parité et elle avait inscrit, elle, dans son bill ceci: « Toute discrimination, toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe... »

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. BELLEMARE: « ... la religion, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chance ou de traitement en matière d'emploi, de profession... Cependant, les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un mode d'emploi déterminé ne sont pas considérées comme de la discrimination. »

A l'article 2 de ce même joli petit volume, nous relisons ceci: « Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d'employeurs n'exercera une discrimination — terme qui vient d'être défini par la lecture que j'en ai donnée — n'exercera une discrimination dans l'embauchage, premièrement, dans la promotion, deuxièmement, dans la mise à pied, troisièmement, dans le renvoi ou dans les conditions de travail d'un salarié.

Je crois que c'est faire oeuvre de bien au-

jourd'hui que de vouloir respecter cette parité. Et notre loi, dans les amendements que nous apportons au bill no 150, dit aussi dans un certain article — je n'ai pas le droit de référer à un article en particulier: « Les taux de rémunération des employés ne doivent pas être inférieurs à ceux des employés correspondants des deux autres équipes et si une prime pour travail de nuit est payée à une personne faisant partie de l'équipe, elle doit l'être aussi aux femmes qui en font partie ».

Je dis donc que nous avons certainement fait un progrès sensible, et l'assurance d'une bonne collaboration nous a été fournie. E. serait intéressant — et c'est en comité que je fournirai ces chiffres si on les demande — de connaître le nombre de permis émis pour les autres années. Je sais que ce sont des chiffres assez éloquents.

Je dis donc, en remerciant tous ceux qui ont participé à ce débat... J'oubliais l'intervention de l'honorable député de D'Arcy-McGee. Je suis sûr que si nous ne pouvons pas réaliser tout ce qu'il a souhaité dans la motion qu'il a présentée l'autre jour et dans l'intervention qu'il a bien voulu faire à l'occasion de ce bill, nous sommes sur une voie de progrès, sur une voie de réalisation et de bonne entente.

Nous escomptons beaucoup avec l'honorable député de D'Arcy-McGee et le concours de l'honorable député, ministre de la Santé, comme l'a dit l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys, trouver, avec l'industrie qui est particulièrement intéressée, les moyens de réaliser ces bons voeux.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

Adopté.

L'honorable ministre du Travail propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill no 289.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. FRECHETTE (président du comité plénier): Article 1.

M. BELLEMARE: Alors, adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 2. Article 2, adopté. Article 3.

M. BELLEMARE: Article 3, c'est la concordance de 14 à 16 ans, le mot quatorze est changé pour seize.

M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté. Article 4.

M. BELLEMARE: L'article 4 est une concordance de 14 à 16 ans est permis à 15 ans pour les vacances scolaires.

M. LESAGE: Pour la liste des modifications à suggérer, nous sommes disposés à adopter les huit premiers articles.

M. BELLEMARE: D'accord. Tout compris.

M. LE PRESIDENT: Articles 4, 5, 6, 7 et 8 adoptés.

M. BELLEMARE: Alors, article 9. M. LE PRESIDENT: Article 9.

M. LEFEBVRE: J'aimerais, M. le Président, dire un mot sur cet article-là. L'honorable chef de l'Opposition, dans son intervention en deuxième lecture, a déjà, de façon substantielle en même temps que subtile,...

M. BELLEMARE: Disons donc que nous allons accepter la suggestion, et que nous allons mettre ici: « Le ministre est tenu de demander l'avis avant de statuer sur toute demande de permis. » C'est parce que nous aurions accepté la suggestion de la demande de l'avis du syndicat.

M. LEFEBVRE: Oui, c'est bien, vous êtes d'accord pour ajouter le texte? Alors, vous vous sauvez d'un discours.

M. LESAGE: Dans le cas où il y aurait un syndicat.

M. BELLEMARE: C'est ce qu'on dit. Nous allons dire ceci:...

M. LEFEBVRE: « Avant de statuer sur toute demande de permis, le ministre est tenu de demander l'avis des travailleurs concernés et, à cette fin... »

M. BELLEMARE: Non, non. Du syndicat accrédité.

M. LEFEBVRE: Alors, « du syndicat accrédité », d'accord.

M. LESAGE: S'il y en a un.

M. BELLEMARE: Oui, oui, s'il y en a. Cela va?

UNE VOIX: Une minute.

M. LEFEBVRE: Mais nous avons...

M. LESAGE: Alors, ça se lira: « Avant de statuer sur toute demande de permis, le ministre est tenu de consulter le syndicat accrédité, s'il y en a un. » C'est ça?

M. BELLEMARE: Il va falloir ajouter un paragraphe nouveau entre le premier et le deuxième.

M. LEFEBVRE: Ah, peu importe où vous le mettez.

M. BELLEMARE: Bon, avant « La durée du travail de cette troisième équipe... »

M. LESAGE: Cela doit venir après le premier alinéa, je crois.

M. BELLEMARE: Alors, ça se lirait comme ceci: « Le ministre est tenu de demander — vous écrivez, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Out

M. BELLEMARE: — l'avis du syndicat accrédité avant de statuer sur toute demande de permis. »

M. LESAGE: Et ça sera un nouvel alinéa, après le premier alinéa.

M. BELLEMARE: C'est ça. Je vais le relire: « Le ministre est tenu de demander l'avis du syndicat accrédité avant de statuer sur toute demande de permis. »

M. LESAGE: Très bien. On n'a pas besoin de dire s'il y en a un.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE: Du moment qu'on dit: « syndicat accrédité ».

M. LEFEBVRE: S'il n'y en a pas...

M. LESAGE: On n'a pas besoin de dire s'il y en a un, parce que s'il n'y en a pas, ça ne s'applique pas.

M. LE PRESIDENT: A quel endroit exactement de l'article?

M. BELLEMARE: Entre le premier et le deuxième paragraphe, M. le Président, juste avant « La durée du travail de cette troisième équipe ne doit pas excéder... »

Pour ce qui est de l'assurance des frais. Dans le même paragraphe, en bas, le dernier.

M. LESAGE: C'est à la fin.

M. BELLEMARE: Oui, à la fin. Le patron doit assurer la sécurité des femmes qui doivent quitter leur travail avant sept heures du matin, et leur procurer, à ses frais...

M. LESAGE: C'est bien cela.

M. BELLEMARE: ..„ un moyen de transport au lieu de pourvoir.

M. LESAGE: Très bien.

M. BELLEMARE: Alors, « à ses frais », un moyen de transport convenable et sûr pour le retour à domicile. M. le Président, on ajoute après les mots « et leur procurer à ses frais ». C'est sûr qu'il n'y a pas d'avocat qui passera à travers cela.

M. LE PRESIDENT: Alors, article 9 adopté tel qu'amendé.

M. LEFEBVRE: Non, non. Un instant. M. le Président, j'ai remis tout à l'heure au ministre quelques suggestions d'amendements. Je lui ai indiqué...

M. BELLEMARE: Le premier paragraphe: « Conformément aux dispositions de la loi, les femmes qui travaillent...» Je viens de le dire, c'est déjà prévu dans la loi de la discrimination. C'est clair.

M. LEFEBVRE; La grande différence qui existe et ce pourquoi nous formulons cet amendement, c'est qu'en le formulant, cela deviendra une infraction au sens de cette loi, que de ne pas respecter la parité de salaire. Cela, je pense que c'est quand même important. Le ministre comprendra que nous avons indiqué que nous n'étions pas opposés au principe du travail des femmes la nuit. Je pense qu'en même temps qu'on ouvre les portes à cette initiative relativement nouvelle dans notre milieu, faut-il s'assurer d'accorder à la main-d'oeuvre féminine toutes les garanties nécessaires. Déjà, le chef de l'Opposition et le député de Marguerite-Bourgeoys ont insisté sur ce point-là.

Le ministre sait très bien, d'ailleurs, qu'en dépit de l'existence de cette loi excellente con-

tre la discrimination dans l'emploi, en dépit du fait que certaines conventions collectives prévoient la parité de salaire, le ministre sait très bien — c'est peut-être malheureux, mais c'est quand même un fait — que certains employeurs ont trouvé le moyen de contourner le principe par le mécanisme des descriptions de tâches. Ce que nous voulons, c'est que ce Parlement indique — encore une fois nous ne tenons pas à la formulation — mais il me semble que ce serait une chose intelligente et utile à faire dans la loi que nous étudions présentement ou que de faire une référence.

Cela nous apparaît tout à fait opportun de faire une référence, parce que cela nous apparaît tout à fait opportun de faire cette référence à la loi contre la discrimination dans l'emploi et de bien indiquer que les femmes qui travailleront la nuit, sur cette troisième équipe, devront recevoir un salaire identique à celui que reçoivent les travailleurs masculins qui accomplissent un même travail.

Le ministre pourra me répondre qu'il y a déjà, dans le bill, un paragraphe qui se lit comme suit: « Les taux de rémunération des employés ne doivent pas être inférieurs à ceux des employés correspondants des deux autres équipes. Et, si une prime pour travail de nuit est payée à une personne faisant partie de l'équipe, elle doit aussi l'être aux femmes qui en font partie. »

Or, M. le Président, j'ai étudié ce texte-là avec deux savants conseillers qui, je pense, ont une compétence égale à celle des conseillers du ministre. De l'avis de ces conseillers et de mon humble avis, à moi qui ne suis pas avocat, mais qui suis, comme le ministre, un homme de bon jugement...

M. LESAGE: Est-ce que l'un exclut l'autre?

M. LEFEBVRE: Pas du tout, ce n'est pas ce que j'ai voulu inférer... je pense, que le paragraphe qu'il y a présentement dans la loi signifie qu'une femme qui travaille sur la troisième équipe ne doit pas être payée moins qu'une femme qui travaille sur les autres équipes. La notion « d'employés correspondants », ici, c'est loin d'être clair.

Or, ce que nous suggérons au ministre par notre texte — encore une fois, s'il veut le dire en d'autres mots, on n'est pas du tout chatouilleux sur la question des mots — c'est que, conformément aux dispositions de la Loi contre la discrimination dans l'emploi, les femmes qui travaillent sur l'une ou l'autre de ces trois équipes reçoivent une rémunération égale à celle que reçoivent les travailleurs masculins qui accomplissent un travail identique ou de même valeur. Je pense que le ministre et ses conseillers en conviendront, ceci est plus clair que le paragraphe que j'ai lu tout à l'heure et qui était extrait du bill. Nous n'avons aucune objection au texte qui est là, mais nous pensons que les deux textes sont complémentaires l'un de l'autre, en ce sens que le texte proposé par le ministre couvre bien la parité de salaire entre femmes qui travaillent sur différentes équipes, tandis que notre texte couvre la parité de salaire entre hommes et femmes.

Alors, puisque le ministre est pour la parité, qu'il est de bonne humeur et que le député d'Ahuntsic n'a même pas parlé en deuxième lecture et n'a pas pu faire fâcher le ministre...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LEFEBVRE: ... je me suis dit: Si je ne le mets pas dans tous ses états, il va collaborer davantage et les suggestions de bon sens que nous allons lui faire, il va les accepter.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai fait un effort louable aujourd'hui.

M. LEFEBVRE: Ah, c'est vrai!

M. BELLEMARE: Je peux considérer que c'est ma meilleure!

M. LEFEBVRE: Je reconnais que vous avez fait une bonne journée, mais il faudrait la finir en beauté.

M. BELLEMARE: Je pense qu'il faudrait aussi être raisonnable. Dire que l'on met dans une loi de la Législature, l'obligation d'appliquer une autre loi. Cela n'a pas de bon sens, c'est une loi comparée. La loi s'applique par elle-même. Il y a une limite de dire qu'on met dans une loi, il faut que l'application sévère de l'autre soit respectée. Seulement, là où je rejoins le député d'Ahuntsic, c'est dans ses autres propos, ses autres suggestions, d'accord. Comme le disait cet après-midi, l'honorable député de Louis-Hébert, nous avons deux recommandations du rapport Dussault-Mailloux qui ne sont pas incluses dans notre législation. D'accord, nous allons sûrement les insérer dans un règlement bien particulier où nous allons, quant aux permis, quant aux ateliers de travail et quant aux premiers soins à être donnés, faire une recommandation au conseil des ministres qui sanctionneront le principe d'une nouvelle réglementation quant à ces différents aspects.

Je crois que nous avons fait véritablement

une loi qui a été dictée par de longues études. Le rapport du juge Dussault-Mailloux est fort remarquable. Nous avons accepté certains amendements qui semblent justifiés et clarifié la situation encore plus, pour donner toutes les assurances que c'est véritablement le but que nous recherchions et je pense que nous avons déjà prouvé notre bonne foi et on ne peut pas être taxés de vouloir se soustraire à l'obligation que nous avons de protéger véritablement les femmes qui travaillent la nuit. Adopté M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Alors article 9, adopté. Article 10?

M. BELLEMARE: Si les amendes deviennent très sérieuses.

M. GOLDBLOOM: Est-ce que je pourrais me permettre un très bref commentaire sur la traduction? Un genre de commentaire que je serais peut-être appelé à faire plus souvent avec la disparition du conseil législatif.

Je voudrais simplement attirer l'attention du ministre sur le fait qu'en anglais le mot « gang »...

M. BELLEMARE: Quel mot?

M. GOLDBLOOM: ... a un sens très péjoratif surtout en ce qui concerne les femmes. Le ministre me répondra peut-être que ce mot...

M. BELLEMARE: Such a gang! What a gang! M. GOLDBLOOM: ... paraît dans la loi...

M. BELLEMARE: ... « such a gang » ou « what a gang » ou...

M. GOLDBLOOM: ... paraît dans la loi originale, et qu'il n'y aurait pas moyen...

M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député peut me faire une bonne suggestion pour changer « such a gang »?

M. GOLDBLOOM: Le mot « shift ». M. BELLEMARE: « Shift »?

M. GOLDBLOOM: Ah oui! Et vu que c'est un mot...

M. LESAGE: On s'en sert même en français, on dit le « shift » de nuit.

M. BELLEMARE: C'est popularisé aujourd'hui. Alors, je n'ai aucune objection à changer, dans le texte, le mot « shift » pour...

M. LEFEBVRE: M. le Président, nous prenons note que le ministre vient de changer de gang.

M. LESAGE: Comme on dit souvent, il a « shifté »„

M. BELLEMARE: Nous autres, nous ne disons pas « shifter », nous disons « switcher ».

M. LESAGE: En terme de chemin de fer.

M. BELLEMARE: En terme de chemin de fer.

M. LESAGE: Ah oui!

M. BELLEMARE: Alors, à l'article 10, M. le Président, ce sont les amendes, qui deviennent très sérieuses et qui permettent ainsi l'application de la loi. Comme cela, nous les adoptons.

M. LE PRESIDENT: Article 10, adopté. Article 11.

M. BELLEMARE: L'article 11. La loi est amendée pour enlever la loi de l'emprisonnement. La loi permettait autrefois l'emprisonnement et nous avons entendu, ici, dans cette Chambre, un grand exposé du député de Louis-Hébert sur l'emprisonnement, la discrimination. Alors, nous avons commencé à l'enlever, à l'enlever complètement.

M. BELLEMARE: Article 12. M. LE PRESIDENT: Adopté. M. LESAGE: Oui, ça va. M. LE PRESIDENT: Article 13.

M. LESAGE: Les seuls commentaires que nous avions à faire étalent sur l'article 11.

M. BELLEMARE: L'article 5. Si vous voulez me le permettre, il y a de marqué, les articles 9, 10 et 11 de la loi sont abrogés. Il y a eu une erreur de transcription et c'est: les articles 10 et 11 de ladite loi sont abrogés.

M. LESAGE: Alors, article 9.

M. BELLEMARE : Alors, article 9, parce que, dans les chiffres, ils se sont un peu mêlés, dans la transcription, ce sont les articles 10 et 11.

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Rapport du président.

M. BELLEMARE: Un instant, M. le Président, y aurait ici un amendement un peu particulier que je voudrais bien...

L'article 7, M. le Président, il faudrait remplacer le paragraphe a). Est-ce que vous voulez en passer aux membres de l'Opposition?

Dans l'article 7, on disait, en remplaçant dans la sixième ligne le mot 60 par 48. 48 par semaine, dans un établissement commercial. Cela, c'est bien important.

M. PINARD: Quelle est la comparaison entre établissement commercial et établissement industriel?

M. BELLEMARE: Pardon?

M. PINARD: Faites-vous une distinction entre établissement commercial et établissement industriel?

M. BELLEMARE: Si nous faisons une distinction?

M. PINARD: Une distinction, oui?

M. BELLEMARE: Non, non, aucune.

Insérez, après l'article 8 du bill: 9) L'article 18 de ladite loi est modifié en remplaçant dans les dixième et onzième lignes du premier alinéa les mots « entre six heures de l'avant-midi et onze heures de l'après-midi » par les mots « entre sept heures de l'avant-midi et minuit », parce que c'est un peu tôt pour les jeunes. A cause du troisième « shift » comme dirait, l'honorable député de D'Arcy-McGee, ça peut peut-être commencer après minuit. Parce qu'il y a des équipes de sept à trois, de trois à onze et de onze à sept heures. Mais il y a aussi des équipes travaillant de huit à quatre, de quatre à minuit et de minuit à huit heures.

M. LESAGE: Un instant.

M. BELLEMARE: Oui, d'accord. C'est à cause des...

M. LESAGE : Il y a une modification suggérée que je voudrais bien examiner pour un instant.

C 'est la deuxième modification suggérée à l'article 7 du bill. Je vais l'examiner, cela prendra deux minutes. « L'article 16 de ladite loi...»

M. BELLEMARE: Nous enlevons « 10,000 âmes ».

M. LESAGE: Un instant.

M. BELLEMARE: L'article 16, troisièmement...

C'est l'article 16.

M. LESAGE: Si je comprends bien, le but de la modification suggérée est de réduire de 60 à 48 le nombre d'heures pendant lesquelles une femme ou un garçon au-dessous de 18 ans peut travailler durant la période des fêtes, et cela dans toute la province, au lieu que ce soit seulement dans les villes de 10,000 âmes.

M. BELLEMARE: C'est ça, on arrête juste après»

M. LESAGE: J'ai bien compris, c'est cela?

M. BELLEMARE: C'est ça. Toute cette partie qui parle d'une cité ou d'une ville de plus de 10,000 âmes est complètement disparue, pour ce qui concerne le travail dans la période des fêtes.

M. LESAGE: D'accord.

M. BELLEMARE: Les articles 9 à 18 du bill deviennent respectivement 10 à 19.

M. FRECHETTE (Président du comité plénier): Merci beaucoup messieurs. M., le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté le bill 289, avec des amendements qu'il vous prie d'agréer.

M. LE PRESIDENT: Le bill amendé est-il adopté? Adopté.

M. BELLEMARE: Troisième lecture.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose, de consentement unanime, que le bill 289 soit lu une troisième fois. Cette motion est-elle adoptée?

M., LESAGE: D'accord, mais je ne voudrais

pas que ce soit pris comme un précédent. Voyez-vous, lorsque nous apporterons à l'avenir des amendements comme nous venons de le faire, étant donné que le Conseil législatif n'existera plus, je pense bien qu'il faudra retarder d'une séance et, à ce moment-là il faudra...

M. BELLEMARE: Ah oui.

M., LESAGE: ... avoir le texte des amendements, non seulement en français, mais en anglais aussi.

M., BELLEMARE: J'avais justement préparé tous les amendements pour en disposer immédiatement au début de l'étude du bill. Ils sont restés ici sur mon bureau. J'aurais voulu en distribuer aux membres de l'Opposition pour qu'ils aient le temps de les regarder. Ce qui m'a le plus dérangé, c'est quand l'honorable député d'Ahuntsic a dit: Moi aussi, j'en ai. Je me suis mis à regarder ça avec lui pour les comparer et pour essayer de trouver la meilleure façon...

M. LESAGE: Indépendamment de la distribution antérieure, il reste toujours la traduction.

M., BELLEMARE: Oui, c'est vrai. D'accord.

M. LE PRESIDENT: Alors, la motion de troisième lecture est adoptée.

M., BELLEMARE: M. le Président, j'ai l'honneur de demander l'ajournement de la Chambre à trois heures lundi. Nous pourrions, peut-être, commencer, lundi après-midi, avec le bill de l'université du Québec.

M. LESAGE: Oui, je me suis entendu tout à l'heure avec le premier ministre pour que nous commencions la journée...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE : ... avec l'étude en deuxième lecture du bill concernant l'université du Québec.

M. BELLEMARE: Dès que je recevrai de l'Imprimeur de la reine le bill sur la construction, à n'importe quel temps de la journée, j'en ferai parvenir des copies à l'adresse de l'honorable chef de l'Opposition qui les transmettra ou bien, s'il aime mieux que je les fasse transmettre moi-même.

M. LESAGE: Bien, ce serait peut-être plus facile pour le ministre de les faire parvenir à l'adresse du député d'Ahunstic, à Montréal.

M. BELLEMARE: A Montréal, oui, c'est ça.

M. LESAGE: C'est plus facile pour lui que pour moi, en organisant le service de la sûreté.

M. BELLEMARE: S'ils sont imprimés à ce moment-là comme bills, je pourrai peut-être les lui faire parvenir, vu qu'il est à Montréal. Il pourra peut-être voir des amis qui lui sont chers et qui sont des amis communs,...

M. LEFEBVRE: Je ferai comme le ministre, je verrai mes conseillers.

M. PINARD: Vous commencez à avoir des relations bien policées.

M. BELLEMARE: Ah oui!

M. LEFEBVRE: C'est parce qu'il y a tellement de policiers dans le Parlement, M. le Président.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LEFEBVRE: On parle de relations policées, c'est parce qu'il y a beaucoup de policiers dans le Parlement.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, pas de balles de neige à personne. Ajournement à lundi, trois heures.

M. LESAGE: Bonne fin de semaine!

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à lundi, trois heures.

(18 h 36)

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