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Version finale

28e législature, 3e session
(20 février 1968 au 18 décembre 1968)

Le lundi 9 décembre 1968 - Vol. 7 N° 100

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures huit minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M.BERTRAND: A.

Bill 292

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé du Bien-Etre social et de la Famille propose la première lecture de la Loi de l'Office de la prévention et du traitement de l'alcoolisme et des autres toxicomanies.

L'honorable ministre de la Santé.

M. CLOUTIER: M. le Président, ce projet de loi est bien explicite par son titre. Il s'agit de la création d'un Office de prévention et de traitement de l'alcoolisme et des autres toxicomanies. Il s'agit, par la création de cet organisme rattaché au ministère de la Santé, de sanctionner un organisme qui existe déjà et qui résulte de la fusion de quatre autres organismes qui oeuvrent dans ce secteur.

La loi prévoit aussi la création d'un conseil de l'OPTAT. En l'absence du chef de l'Opposition, j'ai personnellement communiqué avec le député de Richmond, avant la séance pour lui dire que je m'occuperais de lui fournir, cet après-midi, une épreuve du projet de loi, afin qu'il puisse en commencer l'étude.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. BERTRAND: B.

Bill 290

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la première lecture de la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction.

L'honorable ministre du Travail.

M. BELLEMARE: M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'instituer, pour le secteur de l'industrie de la construction, un nouveau régime de relations de travail. L'industrie de la construction sera désormais régie exclusivement par des décrets provinciaux ou régionaux négociés pour le compte des salariés et des employeurs par des associations représentatives. Le projet reconnaît immédiatement comme associations représentatives dans tout le Québec pour le compte des salariés: la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération des travailleurs du Québec.

Pour le compte des employeurs, le patronat: la Fédération de la construction du Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec Inc., l'Association des constructeurs de routes et des grands travaux du Québec, la Corporation des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. D'autres associations pourront se faire reconnaître par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, si elles représentent au moins 20% du nombre des salariés ou, suivant le cas, des employeurs du Québec ou d'une région.

Les associations représentatives des salariés ne pourront plus conclure de convention collective en vue d'un décret, si, dans leur ensemble, elles en viennent à grouper moins de 20% des travailleurs dans tout le territoire auquel s'applique un décret. En ce cas, le ministre consultera les associations qui demeureront représentatives, avant d'adopter une ordonnance réglementant des conditions de travail dans les territoires jusque-là régis par un décret. Par ailleurs, une association qui groupera moins de 5% des salariés ou des employeurs pourra participer aux négociations conduisant à l'adoption d'un décret. Elle n'aura cependant pas droit de veto, c'est-à-dire que, si, dans une région, il n'y a pas au moins 5% de la représentation des travailleurs, elle peut assister aux négociations, mais elle n'a pas le droit de s'opposer à la convention.

Un seul décret régira tous les métiers et emplois de l'industrie de la construction dans un territoire donné. Pendant la durée de ce décret, la grève et le lock-out seront prohibés. Nonobstant l'existence d'un décret, les employeurs et les salariés pourront convenir, en dehors des régions de Québec et de Montréal, de conditions particulières applicables à tout chantier de construction comportant des travaux d'au-delà de $25 millions.

Le projet contient des dispositions visant â

protéger plus efficacement la liberté des salariés d'appartenir à l'association de leur choix et précise à cet égard les obligations tant de l'employeur que des associations de salariés. Le projet prévoit que les clauses de sécurité syndicale ne peuvent faire l'objet d'un décret. Cependant, si un accord intervient entre les parties représentatives relativement aux précomptes des cotisations, il y aura recours à l'arbitrage ou au cas de violation de cet accord. Il institue enfin une commission consultative mixte, chargée de faire des recommandations au ministre du Travail et de la Main-d'Oeu-vre, notamment sur l'uniformisation des définitions des métiers et emplois et des régimes de sécurité sociale.

Je devrais dire, M. le Président, si vous me le permettez, qu'à l'article 7, il y aura une modification de dernière minute, parce que, semble-t-il, le texte n'est pas assez clair. On dira plutôt: « Un territoire régi par une ordonnance ou un ancien décret », et il y aura aussi une correction apportée à l'article 47, parce que c'est un défaut d'impression. On dit par exemple: « Toute mésentente relative à l'interprétation ou à l'explication d'un accord ». En anglais, la formule est bonne: « Any desagreement respecting the interpretation or application ». Alors, il faudrait dire à la place du mot explication, le mot application.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: La deuxième lecture à la séance subséquente ou à une prochaine séance.

Déclaration ministérielle

Enquête sur les problèmes linguistiques

M. BERTRAND: Je désire porter à l'attention de la Chambre un arrêté ministériel d'une très grande importance qui a été adopté ce matin même par le Conseil des ministres. Depuis quelques années on se préoccupe beaucoup, dans divers milieux, de l'avenir de la langue française au Québec, à bon droit, d'ailleurs, puisqu'il s'agit d'un élément absolument vital de notre héritage collectif.

La langue est plus encore qu'un mode d'expression, elle est l'instrument qui modèle la pensée, qui imprime à la culture son caractère propre. Si donc la langue française est me- nacée au Québec, la culture française l'est aussi et dans la même mesure. Jusqu'à quel point y a-t-il péril en la demeure?

Disons que, là-dessus, les avis sont partagés. Certains proclament qu'au train où vont les choses, le français est appelé à disparaître à plus ou moins brève échéance, ce qui soit dit en passant, n'est pas de nature à encourager les nouveaux venus à opter pour notre langue et pour notre culture.

D'autres, sans nier qu'il y a des problèmes à résoudre et des redressements à opérer, soutiennent que, dans l'ensemble, le français fait malgré tout des progrès constants.

Mes observations personnelles m'inclineraient plutôt à me ranger avec les optimistes. Mais je reconnais que nous n'avons ici ni toutes les informations, ni toutes les connaissances nécessaires pour trancher la question. C'est l'un de ces domaines où le législateur doit nécessairement recourir aux lumières des spécialistes.

Une chose est certaine, c'est qu'en Amérique du Nord où vivent deux cent millions d'anglophones et où les techniques de diffusion ont atteint la puissance que l'on sait, le français se trouve dans une situation particulièrement difficile. Etant donné ce contexte où nous sommes immergés, ce n'est pas la langue de la minorité qui est la plus vulnérable au Québec mais celle de la majorité. Nos compatriotes anglophones, d'une façon générale, l'admettent et le déplorent. Ils estiment, eux aussi, que le Québec doit rester français.

Ils reconnaissent que le fait français est un trait essentiel de l'identité canadienne et, à plus forte raison, de l'identité québécoise. Si le Québec doit rester français, il faut que nous prenions les moyens voulus pour qu'il en soit ainsi.

Le gouvernement du Québec assume-t-il toutes les responsabilités qui lui incombent comme principal gardien de la langue et de la culture françaises au Canada? Disons qu'il tend à les assumer de mieux en mieux. Au ministère de l'Education, au ministère des Affaires culturelles, de qui relève l'Office de la langue française, au ministère de l'Immigration, qui veillera désormais au choix et à l'accueil des nouveaux Québécois, au ministère de l'Agriculture, en ce qui concerne l'étiquetage des produits alimentaires, au ministère des Affaires intergouvernementales, en ce qui a trait aux rapports et aux échanges avec les autres pays francophones, et sans doute en bien d'autres secteurs ou services de l'administration québécoise, des jalons sont posés, des principes sont établis, des pratiques sont

instaurées en vue de donner à la langue et à la culture française la place qui doit être la leur au Québec, c'est-à-dire la première.

Est-ce suffisant? Je dis que non. Il faut faire bien davantage. Mais pour agir avec toute l'efficacité nécessaire, il importe que nous sachions d'abord quelle est exactement la situation de la langue française au Québec, dans le domaine économique comme dans tous les autres domaines.

Combien de Canadiens français doivent utiliser l'anglais comme langue de travail? Jusqu'à quel point doivent-ils renoncer à leur épanouissement culturel pour gagner leur vie ou pour hausser leur niveau de vie? Quelle est la langue de la science et de la technique au Québec? Comment faire en sorte que le français n'y soit pas uniquement la langue du foyer ou de l'école mais tout aussi bien la langue des affaires, du progrès, du génie et de la recherche? Comment faire en sorte qu'elle ne soit pas seulement une langue de traduction, mais une langue de conception, de création et d'innovation?

Pour obtenir des réponses à ces questions et à toutes les autres qu'on peut se poser, le gouvernement a décidé de créer une commission d'enquête. D'autres organismes, comme la commission Parent et la commission Lau-rendeau-Dunton, nous ont déjà fourni des éléments de réponse. Aucune enquête n'a cependant encore été instituée pour étudier spécifiquement et en profondeur le problème des langues au Québec avec tout ce qui s'y rattache, y compris les droits linguistiques de la majorité et de la minorité.

Tel est l'objet de cet arrêté ministériel que je dépose afin de le porter immédiatement à l'attention du chef de l'Opposition, de tous les députés, de la presse et du public.

Nous espérons que la commission pourra nous faire rapport dans les douze mois. Suivant ses recommandations, des mesures pourront alors être prises pour compléter et ordonner, dans un ensemble bien structuré, notre politique linguistique.

En attendant, tous comprendront sans doute la nécessité de maintenir le statu quo en ce qui concerne le libre choix pour les parents des institutions anglophones ou francophones que fréquentent leurs enfants. Tous comprendront aussi la nécessité de prévoir la réglementation et les mécanismes voulus pour que les anglophones puissent acquérir une connaissance pratique du français et pour que les citoyens qui viennent s'installer au Québec puissent apprendre eux-mêmes le français et envoyer leurs enfants dans des écoles françaises.

Ce sera l'objet d'un projet de loi dont l'avis apparaît au feuilleton de la Chambre et dont le texte, avec la permission du chef de l'Opposition et de mes collègues de la Chambre, pourrait être appelé immédiatement en première lecture pour qu'il soit porté à la connaissance de tous les députés de cette Chambre, de la presse et du public.

Si on veut me le permettre, M. le Président, je donnerai lecture de l'arrêté ministériel.

M. LESAGE: Très bien.

M. BERTRAND: Cet arrêté ministériel, qui porte le no 3958 et la date du 9 décembre 1968, est intitulé: « Arrêté ministériel concernant une enquête sur la situation de la langue française au Québec et les mesures à prendre pour en assurer le plein épanouissement, ainsi que sur les droits linguistiques des citoyens du Québec. « Vu la complexité du problème linguistique au Québec et l'urgence d'y apporter des solutions; « Vu les responsabilités du Québec à l'égard de la langue de la majorité de ses citoyens; « Vu la nécessité d'une politique linguistique qui tienne compte du caractère du Québec en Amérique du Nord et de ses relations avec les autres provinces du Canada et le gouvernement fédéral; « Attendu qu'il est essentiel de faire enquête sur la situation de la langue française au

Québec; « Attendu que, pour les mêmes motifs, il est essentiel de rechercher les moyens les plus aptes à garantir l'exercice des droits linguistiques de la majorité, dans le respect des droits de la minorité! « Il est ordonné, en conséquence, sur la proposition du premier ministre, que soit constituée, sous l'autorité de la Loi des commissions d'enquêtes, Statuts refondus du Québec, 1964, chapitre 11, une commission pour faire enquête et rapport sur la situation du français, comme langue d'usage au Québec, et pour recommander les mesures propres à assurer: a)Les droits linguistiques de la majorité aussi bien que la protection des droits de la minorité. b) Le plein épanouissement et la diffusion de la langue française au Québec dans tous les secteurs d'activités, à la fois sur les plans éducatif, culturel, social et économique.

Que M. Jean-Denis Gendron et Mme Madeleine Doyon-Ferland de Québec, M. Edward McWhinney, M. Nicolas Mateesco-Matte et M. Aimé Gagné, de Montréal, soient nommés mem-

bres de cette commission d'enquête et que M. Jean-Denis Gendron agisse comme président. Que M» Guy Grégault, de Québec, soit nommé secrétaire de cette commission. Que cette commission soit tenue de faire rapport au gouvernement dans les douze mois de la date d'approbation du présent arrêté en conseil ou dans tout autre délai qui sera subséquemment fixé et que le maximum de ses frais soit fixé à $100,000.

Le greffier du Conseil exécutif

Jacques Prémont Copie conforme

M. BERTRAND: Je fais remettre à tous les collègues copie de la déclaration que je viens de lire ainsi que copie de l'arrêté ministériel qui a été adopté et qui a été également déposé sur la table du greffier de cette Chambre.

M. Jean Lesage

M. LESAGE : M. le Président, le premier ministre, à la fin de ses remarques, a référé à un projet de loi dont l'avis de présentation apparaît en appendice au feuilleton.

Il a suggéré qu'il y ait consentement unanime de la Chambre à ce que la première lecture soit faite dès aujourd'hui, afin que le texte du projet de loi puisse être distribué sans délai. Nous sommes d'accord.

Cependant, je voudrais bien qu'il soit compris que le fait de l'établissement ou de la création, si l'on veut, d'une commission d'enquête sur l'état de la langue française au Québec ne nous empêchera pas, lors de l'étude du moins, du principe du projet de loi et de son contenu, de discuter de l'avenir du français au Québec. C'est là un sujet qui, nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous préoccupe depuis très longtemps.

Je n'ai pas l'intention d'abuser de votre patience mais il s'agit d'un sujet très important, surtout dans le contexte actuel, et je suis certain que vous aurez à mon égard un peu d'indulgence lorsque j'insisterai sur le fait que de nombreux députés des partis en cette Chambre, dont le parti libéral, se sont prononcés catégoriquement. C'était le 5 ou le 6 octobre, lors de notre assemblée générale annuelle, que nous décidions, non pas en caucus, mais en congrès général du parti, que le gouvernement devait prendre les moyens nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec, et que nous devions prendre les dispositions pour assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé.

Je n'ai pas voulu citer les attendus, M. le Président. C'est un document public, et je crois qu'ils sont connus.

Je le répète, de ce côté-ci de la Chambre, la politique de la langue, c'est une question qui nous préoccupe depuis longtemps, très longtemps. Et je pense que, dans le passé, nous avons pris, non seulement à l'occasion de ce congrès, mais il y a beaucoup plus longtemps, des positions nettes et précises. Je n'ai qu'à évoquer un discours que j'ai prononcé au printemps de 1966, au cours de la campagne électorale et dont un peu tout le monde, y compris celui qui vous parle, avait fait des gorges chaudes, non pas à cause du contenu du discours, mais à cause du fait que le sujet avait été traité au cours d'une campagne électorale, lors d'une assemblée politique partisane.

M. ALLARD: Dans la Beauce.

M. LESAGE: Oui,àSaint-Georges-de-Beau-ce. Et au cours de ce discours, M. le Président, j'avais fait un énoncé complet et détaillé de la politique du parti libéral en ce qui concerne la langue française. Le choix stratégique du temps et de l'endroit n'était peut-être pas très heureux, mais j'avais, à ce moment-là, bien déclaré quelle était notre politique. J'avais dit qu'il fallait absolument agir, et sans délai, sur trois plans: Premièrement, sur la qualité de notre français; deuxièmement, sur son utilisation chez nous; et troisièmement, sur l'importance de donner au Québec son vrai visage français.

Je voudrais bien qu'à l'occasion de la discussion que nous aurons, lors de l'étude du bill dont avis est donné en appendice, nous ayons l'occasion de discuter de toute la question, en dépit du fait que l'étude du problems a été confiée à une commission d'enquête.

M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais tout simplement ajouter d'abord les propos suivants: Le chef de l'Opposition a parfaitement raison. Voilà un problème que j'ai moi-même qualifié, dans la déclaration que je faisais en cette Chambre, le 27 novembre, de problème délicat et difficile, un problème qui touche à ce que les hommes ont de plus cher, leur langue et leur culture.

Par contre, c'est un problème, où, parfois, les réactions émotives peuvent prendre le pas sur la froide raison. Dans notre mouvement politique, si on examine les documents qui ont été rendus publics, par exemple notre programme de 1962, on retrouvera premièrement des prises de position sur la protection des droits des minorités. Deuxièmement, si on examine les travaux de nos assises de 1965, on trouvera également là des résolutions qui ont été adoptées et qui ont trait au rayonnement de la culture et de la langue françaises.

Si on se réfère au programme politique de 1966, on notera l'expression suivante: que la langue française devienne la langue nationale au Québec. De plus, depuis ce temps, des déclarations ont été faites tant par le chef de l'Opposition que par mon prédécesseur, le premier ministre, l'honorable Daniel Johnson, lorsque s'est posé dans le domaine scolaire, le cas spécifique de Saint-Léonard, alors qu'au comité parlementaire de l'éducation — c'était le 13 juin, si mon souvenir est bon — M. Johnson avait fait un énoncé de principe. Cet énoncé de principe, il l'a repris dans sa conférence de presse, quelques jours avant son décès.

Dans ce domaine, M. le Président, je crois qu'à l'occasion de l'étude du bill 85, dont je vous demanderais d'appeler la première lecture, puisqu'il apparaît en appendice, et avec le consentement du chef de l'Opposition et de mes collègues, je pourrai, en donnant lecture des notes explicatives, exposer sommairement à la Chambre la solution que nous avons trouvée pour maintenir le statu quo.

M. LAPORTE: M. le Président, avant que cette lecture soit appelée, et qu'on change de sujet brusquement, j'aurais une autre question. M. Nicolas Mateesco-Matte est, évidemment, un immigrant universitaire de haute réputation. M. Aimé Gagné est directeur des relations publiques à l'Alcan, je crois.

M. BERTRAND: Oui. M. Aimé Gagné.

M. LAPORTE: Cette Chambre voudra bien excuser mon ignorance, mais le premier ministre voudrait-il nous en dire un peu plus long sur M. Jean-Denis Gendron et sur Mme Madeleine Doyon-Ferland?

M. BERTRAND: Sur M. Jean-Denis Gendron — j'aurai, d'ailleurs, de plus longues biographies — je peux dire qu'il est vice-doyen de la faculté des lettres de l'université Laval et membre de la Commission consultative de l'Office de la langue française. Il s'est toujours intéressé au problème de la langue.

M. Edward McWhinney est juriste à l'université McGill; il est bilingue et a toujours porté une attention toute spéciale au problème de la langue. Quant à Nicolas Mateesco-Matte, c'est également un domaine qui l'a toujours intéressé. M. Gendron est le président. Mme Doyon-Ferland est une personne cultivée qui enseigne également à l'université Laval de Québec et qui s'est toujours vivement intéressée au problème et au rayonnement de la langue française. Quant à M. Guy Frégault, je n'ai pas besoin de faire son éloge, ni, non plus...

M. LAPORTE: Son histoire est connue.

M. BERTRAND: Son histoire est très bien connue. Il est, à l'heure actuelle, commissaire de la coopération avec l'extérieur, commissariat rattaché au ministère des Affaires intergouvernementales. M. le Président, l'appendice.

M. LESAGE: Mme Doyon-Ferland est l'épouse du juge Ferland?

M. BERTRAND: Oui.

M. LESAGE: II est très bien connu.

M. BERTRAND: Oui. Très bien connu.

M. LESAGE: Quant à nous les Québécois, cela nous renseigne.

M. BERTRAND: Nous avons voulu prendre des personnes dont l'objectivité dans ce domaine était acquise. M. le Président, étant donné le consentement de l'Opposition et de tous les députés, si vous voulez appeler une loi qui apparaît à mon nom en appendice.

Bill 85

M. LE PRESIDENT: Du consentement unanime des membres de la Chambre, l'honorable premier ministre propose la première lecture de la Loi modifiant la loi du ministère de l'Education, la Loi du Conseil supérieur de l'éducation et la Loi de l'instruction publique.

L'honorable premier ministre.

M. BERTRAND: M. le Président, ce projet a pour objet de préciser le rôle de la langue française dans le domaine de l'éducation au Québec. Il confie au ministre de l'Education des responsabilités nouvelles relativement aux mesures à prendre pour assurer une connaissance d'usage de la langue française aux personnes qui s'établissent au Québec et à leurs enfants, de même qu'aux personnes qui fréquentent des institutions d'enseignement public de langue anglaise. Il vise aussi à faire établir, par un comité du Conseil supérieur de l'éducation, qui est institué par le projet sous le nom de comité linguistique, les règlements suivant lesquels le ministre reconnaîtra les institutions d'enseignement public comme étant de langue française ou de langue anglaise.

L'article 1 donne au ministre de l'Education la responsabilité de prendre, de concert avec le ministre de l'Immigration, les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec puissent acquérir, dès leur arri-

vée, une connaissance d'usage de la langue française et faire instruire leurs enfants dans des écoles reconnues par le ministre comme étant de langue française. Les articles 2 à 7 instituent le comité linguistique du Conseil supérieur de l'éducation. Ce comité sera composé, comme les autres comités du conseil, de quinze membres — quand je parle des autres comités du conseil, je veux parler du comité catholique et du comité protestant — dix d'entre eux seront francophones et cinq seront anglophones.

Les membres seront nommés par le gouvernement, sur la recommandation du conseil, qui aura, au préalable, consulté les associations ou organisations les plus représentatives des éducateurs et des parents, des groupes linguistiques, francophones et anglophones, du Québec.

L'article 8 définit les pouvoirs du comité linguistique. Il sera chargé : a) de faire des règlements suivant lesquels le ministre de l'Education reconnaîtra comme étant de langue française ou de langue anglaise les institutions d'enseignement public; b) de faire des règlements régissant les programmes d'étude et les examens pour tous les enseignements dans les institutions reconnues comme étant de langue anglaise, de façon à assurer une connaissance d'usage de la langue française aux personnes qui fréquenteront ces institutions; c) de faire des recommandations au conseil ou au ministre, notamment sur la qualification, au point de vue linguistique, du personnel dirigeant et du personnel enseignant de toutes les institutions d'enseignement public.

Les règlements du comité devront être approuvés par le gouvernement, déposés sans délai auprès de la Législature et publiés dans la Gazette officielle de Québec. L'article 9 est de concordance. L'article 10 ajoute aux devoirs imposés par la Loi de l'instruction publique, aux commissaires et aux syndics d'école, ceux de prendre les mesures nécessaires pour que les cours qu'ils sont tenus de donner, de la première à la onzième année, soient, non plus seulement ceux qui sont adoptés ou reconnus pour les écoles publiques, catholiques ou protestantes, mais aussi ceux qui sont adoptés ou reconnus pour les écoles qui sont de langue française ou de langue anglaise.

Ces cours seront donnés à tous les enfants domiciliés dans le territoire soumis à leur juridiction, s'ils sont jugés aptes à suivre ces cours, et si leurs parents, ou les personnes qui en tiennent lieu, sont désireux de les y inscrire. Les commissaires devront aussi s'assurer que les cours donnés dans leurs écoles seront conformes aux règlements édictés ou approuvés, non seulement pour les écoles publiques ca- tholiques ou protestantes, mais aussi pour les écoles de langue française ou de langue anglaise.

Toute résolution qui dérogera aux devoirs ainsi imposés aux commissaires ou aux syndics pourra être annulée par le ministre. A la demande de tout intéressé, elle pourra être annulée, modifiée ou approuvée — on le verra dans le texte - par le ministre, après consultation du comité linguistique du Conseil supérieur de l'éducation, qui aura 90 jours pour donner son avis. On notera, à ce même article, que la décision du ministre devra être transmise sans délai à l'intéressé et qu'elle est homologuée par la cour Provinciale, à la demande du ministre ou de l'intéressé.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. BERTRAND: Le bill...

M. BELLEMARE: Cinq.

M. BERTRAND: Le bill de Bishop.

M. BELLEMARE: Neuf.

M. BERTRAND: Neuf.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE : Oui, oui, mais il y a une période de questions; ou a-t-elle été supprimée?

M. BERTRAND: Oui, c'est très bien.

M. BELLEMARE: On ne l'a pas encore supprimée.

M. BERTRAND: Absolument.

M. LAPORTE: Pas encore supprimée.

M. BERTRAND: II n'y a rien de supprimé, il n'y a rien d'aboli encore.

M. LAPORTE: Avant de supprimer, vous nous en parlerez.

M. BELLEMARE: Sauf le Conseil.

Questions et réponses

Manifestation

M. LAPORTE: Est-ce que je peux demander au premier ministre, avant que je ne lui donne un indice nouveau, s'il a quelque progrès à rapporter à cette Chambre quant à l'enquête qu'il a accepté de faire et dont il doit faire rapport à cette Chambre?

M. BERTRAND: Mon collègue, le ministre d'Etat attaché à l'Education, peut apporter une réponse.

M. MORIN: Voici, M. le Président, ce qu'il m'est possible de dire aujourd'hui en cette Chambre. Au ministère de l'Education, une enquête est en cours, depuis vendredi dernier, concernant la manifestation du 5 décembre.

Nous avons obtenu, jusqu'à maintenant, la collaboration des autorités de la Commission scolaire de Québec. Je suis présentement en possession d'un rapport préliminaire renfermant certains faits qu'il convient de contrôler sérieusement avant de faire, devant cette Chambre, une déclaration sur tous les aspects qui ont entouré cette manifestation de jeudi dernier devant les édifices du parlement.

Mercredi ou jeudi, je devrais être en mesure de fournir à la Chambre tous les renseignements relatifs à cette affaire et d'établir la responsabilité de chacun des groupes qui pourraient y être impliqués.

M. LAPORTE: M. le Président, est-ce que l'enquête du ministre pourrait inclure cet indice nouveau, qui me vient de personnes sérieuses, à l'effet qu'un professeur, à la suite des événements du 5 décembre, a demandé à tous les élèves de sa classe qui étaient venus manifester devant le parlement de lui dire, par écrit, quelles raisons les avaient amenés ici. Les deux tiers des élèves n'ont pas été en mesure de donner la moindre raison sérieuse.

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. LAPORTE: En fait, ils ne savaient pas exactement ce qu'ils étaient venus faire devant le parlement. Est-ce que le ministre, étant donné que ce renseignement me vient de source sérieuse, pourrait voir, à l'intérieur des écoles de la commission scolaire, si ce fait nouveau peut être confirmé?

M. MORIN: Je prends en note cette remarque du député de Chambly et nous en tiendrons compte au cours de notre enquête.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre d'Etat à l'Education, dans son rapport préliminaire, a des indices quant à la participation de directeurs de certaines écoles, peut-être même secondaires, de Québec, et est-ce que son enquête porte sur les activités de ces directeurs?

M. MORIN: Evidemment, je ne suis pas en mesure de dire aujourd'hui que des directeurs ou des professeurs ont incité directement les élèves à participer à cette manifestation. On nous a fourni certains renseignements que nous essayons de contrôler actuellement afin que lorsque nous ferons une déclaration, tous ces indices, tous ces faits aient été sérieusement contrôlés. Nous donnerons cette semaine en cette Chambre, mercredi ou jeudi, tous les renseignements. D'autre part, tous les renseignements que l'on voudra bien me fournir d'ici là seront acceptés avec beaucoup de reconnaissance.

Agents suspendus

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'ai une première réponse à présenter à l'honorable député de Verdun, à la suite d'une question qu'il m'avait posée il y a déjà quelque temps concernant la suspension de trois membres de la Sûreté, soit MM. Marcel Sainte-Marie, Emile Picard et Maurice Miousse.

Lors de l'enquête préliminaire présidée à Montréal par l'honorable juge Henri Loranger, à la suite d'une dénonciation de conspiration logée contre ces trois personnes et d'autres pour commettre un assaut causant des lésions corporelles à Louis Sicotte avec l'intention de le blesser, le juge, à l'examen de la preuve, les citait en justice sous diverses accusations en marge de l'affaire Sicotte et aussi en marge de la preuve qu'il avait reçue concernant un dénommé Marcel Lorange qui, selon le juge, aurait aussi été victime des voies de fait causant des lésions corporelles. Picard, Sainte-Marie et Miousse ont subi leur procès relativement au cas de Marcel Lorange devant l'honorable juge John O'Meara. Ils ont été acquittés le 15 novembre 1968.

Us doivent par ailleurs subir leur procès, comme tous les autres accusés, au sujet de l'affaire Sicotte. Selon le jugement final dans ce dernier cas, il appartiendra au directeur général de la Sûreté, qui a d'ailleurs décidé de la chose de prendre les initiatives qui apparaîtront alors devoir s'imposer.

M. WAGNER: Est-ce que le ministre me permet une question? Est-ce que le Solliciteur général ne croit pas que la décision de priver de leur solde ces officiers de police ne constitue pas une injustice? Est-ce qu'il ne croit pas que, d'ordinaire, un accusé est présumé innocent à moins d'être trouvé coupable, et que, dans le cas présent...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. WAGNER: ... en privant les constables de leur salaire durant déjà au-delà d'un an, une injustice grave est commise?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

DES VOIX: A l'ordre!

M. GOSSELIN: Le président est debout.

M. LE PRESIDENT: Malheureusement, je dois interrompre l'honorable député de Verdun car il demandait là une opinion juridique, ce qui est défendu en vertu de nos règlements.

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président...

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai eu l'occasion de rencontrer le président de la commission scolaire de Québec qui m'a fourni, comme il en a fourni d'ailleurs au chef de l'Opposition, des faits sur lesquels lui-même faisait enquête. Il devait me transmettre un document ce matin. Je ne l'ai pas reçu. Peut-être a-t-il été transmis directement au ministère de l'Education.

M. LESAGE: Je ne l'ai pas reçu, moi non plus.

M. BERTRAND: Cela complétera les renseignements que mon collègue, le député de Lévis, pourra verser au dossier.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général.

Séquestre officiel

M. MALTAIS (Limoilou): Je voudrais produire une autre réponse à l'honorable député de Verdun sur une question qu'il a posée il y a déjà plusieurs jours, même plusieurs semaines, et qui était la suivante: « Est-il exact que le séquestre officiel et son personnel sont maintenant passés sous la juridiction fédérale en vertu d'une entente récente entre le ministère de la Justice provincial et le ministère fédé- ral avec le résultat que la province aurait cédé un domaine important des faillites et cela contrairement à une promesse formelle donnée en Chambre par le ministre de la Justice? »

J'avais répondu dans le temps que c'était une question de quelque importance, que je voulais bien prendre le temps nécessaire et donner le temps nécessaire à nos officiers de produire la réponse la plus brève mais aussi la plus complète dans les circonstances. Or, voici la réponse. Selon le mémoire, des dispositions arrêtées lors d'une entrevue à Montréal, le 26 octobre 1967, relativement aux enquêtes et à la poursuite des infractions et des actes criminels commis en matière de faillite, une entente a été signée le 1er novembre 1967 par le surintendant des faillites d'une part et le sous-ministre associé de la Justice du Québec, chargé des affaires criminelles et au sujet de laquelle le ministre de la Justice du Québec et le registraire général du Canada avaient dans le temps exprimé leur satisfaction.

Ledit mémoire avait précisément pour but de décrire de la façon la plus claire et la plus simple possible les responsabilités du gouvernement fédéral ainsi que celles du gouvernement provincial dans le domaine des faillites comme suite à la conférence des procureurs généraux.

Le mémoire établissait aussi les modalités d'une coopération plus étroite entre les deux ordres de gouvernement. Ce mémoire visait aussi à établir clairement le rôle dévolu à chaque ordre de gouvernement et les responsabilités de chacun. On y ajoutait que c'était là une condition sans laquelle la mise à jour et la répression des abus en matière de faillite ne pouvaient se faire avec efficacité et diligence.

Les opérations se sont poursuivies depuis lors conformément à la loi et à cette entente et d'une façon satisfaisante selon l'opinion des officiers du ministère de la Justice du Québec. Or, le 11 juin 1968, un entretien avait lieu à

Québec auquel prenait part le surintendant des faillites, Me Roger Tassé. Au nom de l'autorité fédérale, le surintendant proposait que les séquestres officiels relèvent complètement de l'autorité du surintendant des faillites, non seulement quant à leur nomination mais quant à l'exercice de leur fonction.

Il fut même question d'une enquête qui se déroulait sou l'égide de M. Pierre Carignan relative à la Loi des faillites à la demande du gouvernement fédéral et dont le rapport devait être attendu d'ici un an ou deux.

Le surintendant suggéra alors d'attendre le rapport de cette enquête avant d'apporter des changements radicaux. Il fut admis que la juridiction en matière de faillite soulève des pro-

blêmes qui devraient éventuellement faire l'objet de discussions lors d'une conférence fédérale-provinciale.

Cependant, le 28 juin 1968, une lettre était reçue par le ministre de la Justice du Québec signée de l'honorable John N. Turner en sa qualité de ministre de la Consommation et des Corporations.

Cette lettre, datée le 18 juin 1968, était corrigée quant à sa date pour porter celle du 26 juin 1968. Il s'agissait d'un avis au ministre de la Justice du Québec à l'effet que le gouvernement fédéral avait nommé un certain nombre de fonctionnaires fédéraux, à Montréal en particulier, comme séquestres officiels, et que ces nouveaux séquestres officiels entraient en fonction à compter du 1er juillet 1968.

D'ailleurs, le ministre de la Justice du Québec écrivait à l'honorable John M. Turner, ministre de la Justice du Canada, le 18 juillet 1968. Il lui exprimait à la fois sa surprise d'apprendre les décisions qui avaient été prises par l'autorité fédérale, le fait que nous mettions sérieusement en doute la constitutionnalité d'une grande partie de la loi des faillites, en ce qui touche plus particulièrement l'administration de cette loi, l'organisation des tribunaux de faillite et la nomination des officiers et fonctionnaires de ces tribunaux.

Le ministre de la Justice du Québec exprimait aussi le désir du Québec de soulever ces questions à l'occasion des discussions touchant la révision de la constitution. Le ministre de la Justice du Québec signalait que les décisions unilatérales prises au niveau fédéral, alors que des pourparlers étaient engagés avec le Québec, et en regard du problème constitutionnel et de l'étude commanditée par le gouvernement fédéral, constituaient une attitude qu'il qualifiait de désinvolte.

En dépit de cela, le ministre de la Justice du Québec assurait le ministre de la Justice du Canada de son entière collaboration pour trouver des solutions aux problèmes posés par la loi des faillites, suggérant qu'il ne soit pas donné suite à la décision relatée dans la lettre du 26 juin, dont il est question ci-dessus.

En dépit de communications répétées depuis cette date, l'attitude de l'autorité fédérale n'a pas changé. L'honorable Ron Besford, en date du 17 septembre 1968, écrivait à l'honorable ministre de la Justice du Québec qu'il ne pouvait ajouter quoi que ce soit, reconnaissant toutefois les divergences de vue évidentes entre les deux gouvernements.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

Autres projets de loi

M. LESAGE: Le premier ministre est-il en mesure de dire aux députés de cette Chambre s'il y a d'autres projets de loi que le gouvernement a l'intention de proposer pour adoption au cours de la présente session?

M. BERTRAND: M. le Président, il y a une demande qui nous a été présentée par les Caisses populaires,, Le comité des institutions financières a siégé vendredi. C'est une demande qui est formulée apparemment depuis deux ans et plus. Un rapport a été présenté ce matin à nos légistes.

M. LESAGE: Ce matin.

M., BERTRAND: II appert qu'un projet de loi très succinct, répondant aux demandes les plus pressantes, pourrait être adopté et ne pas soulever de problèmes. Voilà un projet de loi. Nous serons probablement en position d'en transmettre la galée au chef de l'Opposition, demain après-midi.

M. LESAGE: Demain après-midi.

M. BERTRAND: C'est ce que l'on ma dit. Deuxièmement, il y a...

M. LESAGE: Je vais être bien franc avec le premier ministre. C'est que les autorités — appelons-les les autorités, si l'on veut — du mouvement coopératif et des Caisses populaires m'ont dit qu'elles désiraient me faire des représentations.

Alors, si je pouvais avoir le texte demain après-midi, cela hâterait peut-être les discussions en Chambre, si j'avais de la part des intéressés les mêmes représentations que celles que le gouvernement a reçues, cela serait peut-être de nature à hâter les choses.

M. BERTRAND: Aussitôt que je pourrai faire transmettre la galée au chef de l'Opposition, je le ferai.

Il y aura...

M. LAPORTE: Ce n'est pas un projet de mariage, non?

M. BERTRAND: M. Dozois, le ministre des Finances, a un entretien, encore cet après-midi, avec M. Saulnier, il doit nous faire rapport demain matin, au Conseil des ministres.

Peut-être une loi du ministre des Affaires municipales,,..

M. LAPORTE: Il ne m'a pas consulté du tout.

M. BERTRAND: Non, mais celle-là n'est pas contentieuse.

M. LAPORTE: Elle n'est pas contentieuse; alors, ça va.

M. BERTRAND: Je laisserai au ministre des Affaires municipales le soin d'expliquer ce que pourrait être cette loi.

M. LAPORTE: Le ministre est-il au courant?

M. BERTRAND: Il l'est. Le ministre est en état de fournir les renseignements quant à l'homologation.

M. LUSSIER: Il s'agirait de donner au lieutenant-gouverneur en conseil la permission, par arrêté en conseil, de décréter une zone d'homologation ou de geler une zone de territoire qui pourrait servir à l'érection du futur aéroport international. C'est une loi qui ressemblerait à celle que le gouvernement antérieur a adoptée pour Bécancour.

M. LAPORTE: Ce serait à quel endroit? M. LUSSIER: L'endroit n'est pas choisi.

M. LESAGE: Comment pouvons-nous adopter une loi avant que le site soit choisi?

UNE VOIX: Nous ne le savons pas.

M. LAPORTE: Cela donnerait au gouvernement le pouvoir d'homologuer une fois qu'un endroit serait choisi. C'est ce que vous appelez un sujet non contentieux!

M. LUSSIER: C'est pour éviter toute spéculation au niveau du territoire.

M. LAPORTE: Je puis dire que nous sommes bien éloignés d'approuver une chose comme celle-là.

M. BERTRAND: J'en ai causé avec le ministre des Affaires municipales. Un comité a été formé au ministère des Affaires municipales.

Il est en relation avec l'autorité centrale et il est plus que probable que nous n'aurons pas à adopter cette loi d'ici à la fin de la présente session.

M. LAPORTE: M. le Président, bien qu'on ait peut-être pu l'oublier, nous sommes encore à la période des questions. Pourrais-je, quant à moi, en poser une dernière au premier ministre? Elle m'apparaît fort importante.

Nouveaux taux du téléphone

M. LAPORTE: La Compagnie de téléphone Bel! du Canada vient d'annoncer — il y a une pleine page à ce sujet dans tous les journaux d'aujourd'hui — une requête afin de faire augmenter sensiblement ses tarifs dans la presque totalité des territoires qu'elle dessert dans la province de Québec.

Chez moi, par exemple, l'augmentation sera de l'ordre de 11% à 12%. Je sais fort bien que c'est un organisme fédéral qui aura à juger du bien-fondé de cette requête. La question que je pose au premier ministre est: Est-ce l'intention du gouvernement dont il est le chef de faire auprès de la commission, au nom des citoyens québécois, des représentations quant à la recevabilité et quant au montant de l'augmentation demandée par la Compagnie de téléphone Bell?

M. BERTRAND: Oui, M. le Président.

M. LAPORTE: M. le Président, ce oui entraîne évidemment, une question supplémentaire. Le gouvernement, s'il peut nous le dire à l'heure actuelle — étant donné que la demande est rétroactive au 6 décembre et que nous sommes rendus au 9 — fera-t-il ces représentations par voie de mémoire ou par la présence d'un procureur ou des deux manières à la fois?

M. BERTRAND: Nous pouvons utiliser les deux, mais il y en a une que nous utiliserons certainement. Nous avons auprès de l'autorité centrale, des tribunaux et de toutes les commissions, un conseiller juridique en la personne de M. Paul Martineau de Hull, qui, dès l'instant où surgit un problème de la nature de celui qui est soulevé par le député de Chambly, nous fait rapport et reçoit les instructions du ministère de la Justice ou du conseil des ministres.

M» LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond.

Aéroport international

M. PINARD: M. le Président, le premier ministre me permettrait-il de lui poser une question à la suite de la déclaration qu'il a faite et qui a été suivie de la déclaration du ministre des Affaires municipales relativement

au gel possible de certains territoires en vue de l'érection du nouvel aéroport international?

Ces remarques faites par le premier ministre, d'une part, et par le ministre des Affaires municipales, d'autre part, nous laisseraient croire que l'autorité fédérale et peut-être aussi l'autorité provinciale en sont venues à une entente relativement au site possible de l'aéroport international.

Je me dis que si le gouvernement de la province de Québec est prêt à présenter devant la Chambre un projet de loi relatif au gel d'un territoire donné, c'est que les pourparlers sont rendus assez loin pour nous assurer que le gouvernement du Québec, d'une part, et le gouvernement d'Ottawa, d'autre part, en sont arrivés à une décision au sujet de l'emplacement du futur aéroport international.

Je ne voudrais pas — c'est une question délicate, je le sais; je participe, comme le premier ministre le sait sans doute, à certaines discussions — je ne voudrais pas non plus, nuire à qui que ce soit. Il faudrait quand même que le gouvernement du Québec nous assure que toutes les mesures sont prises pour bien faire connaître de façon précise, claire et vigoureuse le point de vue du Québec en matière de déconcentration économique.

M. BERTRAND: M. le Président, on m'a posé une question tantôt, à savoir quels pouvaient être les autres projets de loi. J'ai indiqué celui-là, parce que le ministre des Affaires municipales m'avait dit qu'il était possible qu'il ait un dernier projet de loi. Et, à ce moment-là, le ministre des Affaires municipales — je ne l'ai pas vu depuis vendredi —...

M. LUSSIER: D'accord.

M. BERTRAND: ... je lui ai laissé expliquer quelle pouvait être la portée du projet de loi, parce que c'est lui qui le connaît. Les renseignements que j'ai obtenus sont à l'effet que, tout probablement, nous n'aurons pas à présenter un pareil projet de loi, d'ici la fin de la présente session.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. BELLEMARE: Neuf.

M. LAPORTE: M. le Président, je n'aurais pas d'objection, si le premier ministre et le leader sont d'accord, à biffer les articles 7 et 8.

M. BELLEMARE: Cela a été demandé dans cette Chambre le 6 décembre, et, par erreur...

M. LAPORTE : Vous avez des remords? Non?

M. BELLEMARE: Non, c'estparce qu'ils ont la vie bien dure, ces deux...

M. LAPORTE: Cela commence à me donner...

M. BELLEMARE: Cela sera fait demain matin.

M. LAPORTE: Cela commence à me rendre mélancolique.

M. BELLEMARE: Très bien. M., BERTRAND: Numéro 9.

Bill 91

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Wolfe propose la deuxième lecture de la Loi concernant les pouvoirs d'emprunt de Bishop's University.

L'honorable député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, le bill 91 a un titre qui parle par lui-même, Loi concernant les pouvoirs d'emprunt de Bishop's University,, Lorsqu'on lit le préambule, on constate qu'il y est dit que la corporation ne possède pas, par sa charte, les pouvoirs d'emprunt requis pour lui permettre de réaliser adéquatement ses fins et qu'il y a lieu de les lui accorder.

J'ai rencontré l'honorable chef de l'Opposition. Il semblait d'accord pour que ce bill soit accepté sans autre étude à ce sujet.

M. LESAGE: Pardon?

M. L AVOIE (Wolfe): Lorsque j'ai rencontré le chef de l'Opposition, la semaine dernière, j'ai cru comprendre qu'il n'avait pas d'objection à ce que ce bill soit adopté sans d'autres pourparlers.

M. LESAGE: Le député de Wolfe a parfaitement raison, M. le Président, Je voulais simplement avoir l'assurance que toutes les universités pouvant bénéficier du nouveau système prévu par la Loi du financement des universités, aient les pouvoirs d'emprunt nécessaires. Le premier ministre m'a remis, vendredi ou jeudi, copie d'un avis juridique concernant les pouvoirs d'emprunt de McGill. Je suis satisfait. Je sais que Laval et Montréal ont des pouvoirs d'emprunt dans leur charte respective.

Par conséquent, il s'agit que Bishop soit sur

le même pied que les autres. D'ailleurs, Sir George Williams a le pouvoir d'emprunt, Sherbrooke également. Ce sont là des universités dont les chartes sont plus récentes. Il y avait le cas de Laval et McGill en particulier. Ce sont de vieilles chartes royales, mais, quand même, dans le cas de McGill, ça vaut la peine de le mentionner parce qu'on se sert, dans cette vieille charte, d'un terme juridique qu'on ne voit pas souvent au sujet du droit d'emprunter: « To obtain and take loans of money upon such security whether by hypothecation of its lands ». Alors le mot « hypothecation », qui n'a pas d'équivalent français, c'est un mot du vieil anglais, du vieux style juridique anglais qu'il est intéressant de noter dans uns vieille charte.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée? Adopté,

M. BELLEMARE: Comité.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxièmelec-ture de ce bill. Second reading of this bill.

M. BERTRAND: Le comité, adopté.

Comité plénier et 3e lecture

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, il est noté que le comité s'est formé, que le rapport a été fait par le président du comité et que la troisième lecture est adoptée.

M. BELLEMARE: Adopté. Cinq. M. BERTRAND: Cinq.

Bill 88

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième lecture de la Loi de l'Université du Québec.

L'honorable premier ministre.

M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: M. le Président, il a plu au lieutenant-gouverneur — qui a pris connaissance du présent projet de loi — d'en recommander l'étude à la Chambre.

En proposant à la Législature l'adoption du bill 88 portant sur la création de l'Université du Québec, le gouvernement a conscience de poser un acte capital pour le développement du système scolaire et pour le progrès de la société qué- bécoise tout entière. Pour la première fois dans notre histoire, le gouvernement prend directement l'initiative de la création d'une nouvelle université. Pour la première fois, le système scolaire public aborde le niveau universitaire. Pour la première fois également, un véritable réseau d'établissements d'enseignement supérieur sera constitué.

La création de l'Université du Québec coincide avec le début d'une explosion démographique considérable au niveau universitaire, par suite des grands progrès réalisés au cours des dernières années au niveau secondaire et au niveau collégial. Au cours des dix prochaines années, les inscriptions au niveau universitaire doubleront, passant de 45,000 à 90,000. Pour absorber ce grand nombre d'étudiants, il est clair qu'il faille créer de nouvelles universités. En même temps, il faut envisager la décentralisation géographique des services d'enseignement supérieur dans la Mauricie, le Saguenay et le Bas Saint-Laurent. Enfin, la création de l'Université du Québec coincide avec l'opération de rapatriement de la formation des maîtres dans des institutions universitaires ayant une assise plus large, une activité plus diversifiée et des ressources plus considérables que celles des écoles normales actuelles.

Devant la nécessité de répondre en même temps à cette variété de besoins complémentaires, le gouvernement a décidé de proposer la création de l'Université du Québec, organisme d'enseignement supérieur et de recherche constitué de façon souple et susceptible d'assurer des services diversifiés en nature et distribués géographlquement, mais coordonnés dans un cadre commun. La loi elle-même crée l'Université du Québec. Elle donne au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir de créer par lettres patentes des universités constituantes, instituts de recherche et écoles supérieures. Ce mécanisme est très souple. Il permettra le développement graduel de nouveaux établissements u-niversitaires, au fur et à mesure des besoins, dans le cadre d'un plan de développement de l'enseignement supérieur mis au point avec le concours du Conseil des universités.

Sur ce point, je crois utile de souligner la différence de nature et de fonction de l'Université du Québec et du Conseil des universités. Le Conseil des universités, dont nous avons adopté la loi il y a quelques semaines, est un organisme consultatif chargé de donner son avis sur le plan de développement de l'enseignement supérieur que le ministre de l'Education est tenu de lui soumettre. Le Conseil des universités est donc un auxiliaire auprès du ministre qui devrait aider le gouvernement à établir la planifi-

cation du développement de l'enseignement supérieur et aussi prévoir les sommes globales et la répartition des fonds publics dégagés annuellement pour ces fins.

Le Conseil des universités n'a donc pas de fonction de décision.

Il fait des recommandations au ministre et il exerce une autorité morale sur les établissements universitaires. De par sa situation, il exerce une fonction de tampon, de forum, entre le gouvernement et les établissements universitaires y compris par conséquent, l'Université du Québec et ses universités constituantes.

Au contraire du Conseil des universités, l'Université du Québec a une fonction d'action. C'est un instrument de développement commun aux nouvelles universités. Comme instrument de développement, l'Université du Québec présente une formule très souple, sa vocation générale lui permet de créer et de soutenir le développement de nouveaux centres universitaires jusqu'à ce que les travaux préparatoires soient suffisamment avancés pour justifier l'émission d'une charte d'université constituante d'écoles supérieures ou d'instituts de recherche.

Au fur et à mesure que les éléments constituants sont créés, leur recteur, professeurs et étudiants siègent à l'assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec et participent directement à la définition des politiques d'ensemble du réseau ainsi constitué. Pour le bénéfice des membres de cette Chambre, avant que nous amorcions l'étude du projet de loi, je voudrais traiter du statut et de la structure de l'Université du Québec et ensuite de son rôle dans l'organisation au Québec d'un style d'enseignement supérieur adapté aux exigences de l'avenir.

Le statut et la structure de l'Université du Québec. Ce statut et cette structure correspondent aux objectifs que nous poursuivons par sa création, notamment en ce qui concerne son caractère public, sa responsabilité quant à la formation des maîtres et son caractère de réseau d'établissements d'enseignement supérieur.

D'abord, établissement public, en premier lieu. L'Université du Québec est un établissement public, la loi qui la crée est proposée par le gouvernement lui-même qui entend prendre ainsi l'initiative de la création de nouveaux établissements d'enseignement supérieur.

De plus, c'est le gouvernement qui nomme le président de l'Université du Québec et les recteurs des universités constituantes. C'est le gouvernement qui, aux conditions stipulées dans la loi, émet les chartes des universités constituantes, écoles supérieures et instituts de recherche. Le caractère public de l'Université du Québec est aussi affirmé par l'obligation que lui fait la loi de publier dans la Gazette officielle ses règlements généraux et enfin par l'obligation de transmettre au ministre un rapport annuel qui est déposé devant le Parlement.

Deuxièmement, la formation des maîtres. La responsabilité de l'Université du Québec par rapport à là formation des maîtres, service essentiel au développement du système scolaire est explicite à l'article 3 qui définit l'objet de l'Université du Québec, ainsi qu'à l'article 30 qui définit l'objet des universités constituantes.

Ceci dit, M. le Président, sur le statut et l'objet de l'Université du Québec, je voudrais expliquer trois traits essentiels de cette structure, c'est-à-dire un organisme composé dont la structure est décentralisée et dont la structure est également un instrument de concertation. Organisme composé. L'Université du Québec est un organisme composé, dont les divers éléments sont prévus dans le projet de loi. Ce sont les universités constituantes, les écoles supérieures, les instituts de recherche. Certains de ces éléments ont une vocation générale relativement à l'enseignement supérieur. Ce sont les universités constituantes comme celle qui sera créée bientôt à Montréal et qui deviendra la deuxième université de langue française de la métropole du Canada.

D'autres de ces éléments ont une vocation spéciale. Ce sont les écoles supérieures et les instituts de recherche qui pourront être créés au fur et à mesure que les besoins précis auront été identifiés.

J'ai parlé d'une structure décentralisée. La structure de l'Université du Québec est décentralisée sous deux aspects. D'abord, par rapport à l'Etat, dans son organisation et, deuxièmement, dans son organisation interne.

D'abord, par rapport à l'Etat. L'Université du Québec est décentralisée par rapport au gouvernement, puisqu'elle a une personnalité juridique propre et distincte de celle de l'Etat; parce qu'elle jouit d'une autonomie complète quant à ses programmes d'études, à la gestion de ses biens et de son personnel, bref, quant à la poursuite de ses fins. Bien qu'étant un établissement public, l'Université du Québec n'est pas une école d'Etat.

Il est bon de noter, M. le Président, qu'il faut cesser de confondre enseignement public et école d'Etat. Nous avons, d'ailleurs, à cet égard, franchi une première étape, l'an dernier, par la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel, le bill 21. Voilà que nous en franchissons une seconde, avec la Loi de l'Université du Québec.

L'Université du Québec est donc une corporation publique distincte de l'Etat et n'étant pas

plus soumise à lui que ne le sont les universités actuelles. Ce n'est pas dans la tutelle du gouvernement sur l'Université du Québec qu'il faut chercher des preuves de son caractère public. C'est plutôt dans les éléments essentiels de son statut, tels que je les ai mentionnés précédemment, en particulier quant à la nomination par le gouvernement de ses principaux officiers, et quant au dépôt de son rapport annuel devant le Parlement.

En ceci, l'Université du Québec se distingue nettement de l'université française telle qu'elle existait avant la réforme universitaire en France.

Université française d'ailleurs souvent critiquée, à cause de son caractère centralisé, qui n'avait pas de personnalité juridique distincte de l'Etat, et qui ne pouvait exercer de pouvoirs que ceux qui lui étaient expressément délégués par le ministre de l'Education nationale. Par la nouvelle loi, loi d'orientation de l'enseignement supérieur en France, loi qui a été déposée le 7 novembre 1968, la France accorde à ses universités le statut d'établissement public, décentralisé par rapport à l'Etat, selon une formule assez proche de celle que nous proposons pour l'Université du Québec.

Je dois dire que cette loi qui a été déposée au Parlement français le 7 novembre 1968, bien entendu, n'est pas encore adoptée.

En définitive, M. le Président, je fais remarquer, pour dissiper toute équivoque, que l'Université du Québec n'est pas soumise à une tutelle particulière de la part du gouvernement, non plus qu'elle ne jouit de liens privilégiés avec lui.

A ce double égard, elle est sur le même pied que toutes les autres universités et elle se situe dans l'économie générale des relations Etat-universités, définies par la création du Conseil des universités.

Deuxièmement, son organisation interne. L'Université du Québec est également décentralisée dans son organisation interne. C'est là un des aspects les plus originaux et les plus intéressants de sa structure. Chacune de ces universités constituantes — et prenons comme exemple, pour le moment, la deuxième université de langue française qui sera créée à Montréal — chacune de ces écoles supérieures, chacun de ces instituts de recherche constituent une corporation distincte ayant sa propre personnalité juridique, son propre conseil d'administration, ses propres pouvoirs, ses droits, ses obligations et jouissant de l'autonomie de gestion interne nécessaire à l'efficacité d'une bonne administration.

En proposant cette décentralisation interne, nous n'avons pas en vue uniquement des objectifs d'efficacité administrative. Nous voulons permettre et assurer un réel enracinement des unités constituantes dans leur propre milieu géographique, économique, social et culturel. L'on voit ici la ressemblance quant à l'organisation avec ces collèges d'enseignement général et professionnel que nous avons créés l'an dernier.

Nous voulons permettre et assurer une participation directe des milieux intéressés à l'administration et au développement des services d'enseignement supérieur de l'Université du Québec, à Trois-Rivières, à Chicoutimi, à Rimouski, à Montréal, par exemple.

La décentralisation interne implique — il importe de le souligner — que la règle de l'autonomie s'applique en principe. Les contrôles par une autorité supérieure demeurent l'exception et ne peuvent être exercés que sur les matières énumérées dans la loi. Ces matières sont celles qui sont nécessaires pour assurer la cohérence de l'ensemble, une meilleure allocation des ressources et une stratégie ordonnée de développement. Ces matières seront couvertes par les règlements généraux prévus à l'article 17, relatif au régime administratif, à l'article 19, relatif aux affaires académiques, aux articles 31 et 53, relatifs aux pouvoirs des universités constituantes ou aux articles 44 et 45, relatifs aux budgets annuels et aux états financiers.

Certaines questions, décidées centralement au niveau de l'Université du Québec elle-même, sont donc applicables aux universités constituantes, aux écoles supérieures et aux instituts de recherche. Il faut bien le souligner, l'organisme central de l'Université du Québec n'est pas étranger aux unités constituantes. Il leur appartient et constitue leur outil commun de concertation. C'est là le deuxième caractère essentiel de la structure de l'Université du Québec.

Structure de concertation. L'Université du Québec est une structure de concertation, en ce sens que les éléments constituants, bien que distincts les uns des autres, participent aux décisions de politique générale dans le cadre d'instruments qui leur sont communs et qui sont l'assemblée des gouverneurs, le conseil des études et la commission de planification.

Ainsi, l'organisme central chargé d'assurer la cohérence de l'ensemble, le développement ordonné, la meilleure affectation et la meilleure utilisation des ressources est un instrument collectif au service des parties constituantes. L'aspect essentiel de ce type de structure est de permettre que les règles générales régissant toute l'activité de l'Université du Québec soient

élaborées en commun dans un cadre auquel participent directement tous ceux qui constituent l'Université du Québec.

Par exemple, à l'assemblée des gouverneurs siègent de droit les recteurs des universités constituantes. Exemple: le recteur de la future université de langue française de Montréal. Y siègent également les personnes désignées par le corps professoral et par le corps étudiant des unités constituantes. Le conseil des études, organisme spécialisé essentiel et exerçant d'importantes responsabilités, est également composé dans le même esprit.

En résumé, voici les traits essentiels du statut et de la structure de l'Université du Québec. D'abord, c'est un établissement public distinct de l'Etat et composé d'éléments à vocation générale et à vocation spéciale. Ces éléments constituants, comme l'Université du Québec elle-même, jouissent d'une large autonomie. La décentralisation de la structure y pourvoit. Entre ces éléments constituants doit intervenir un développement ordonné, une affectation rationnelle des ressources, un partage de responsabilité, une cohérence d'ensemble. C'est la structure commune de consultation qui y pourvoit.

J'ai transmis au chef de l'Opposition un tableau comparatif des structures des universités françaises et américaines ainsi que de l'Université du Québec. Nous pourrons en faire photocopier d'autres et transmettre à nos collègues des photocopies de ces tableaux comparatifs.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la croissance démographique, la nécessité de décentraliser géographiquement les services d'enseignement supérieur et l'intégration de la formation des maîtres à l'appareil universitaire amènent le gouvernement à prendre l'initiative de créer de nouvelles universités.

Cependant, nous voudrions que ces nouvelles universités soient également des universités nouvelles, construites et organisées selon des règles correspondant aux besoins des étudiants, des professeurs et des chercheurs tels qu'on peut les identifier en cette seconde moitié du vingtième siècle.

Il est certain — et tous en conviendront — que le fait de préparer la création de nouvelles universités permet d'envisager des formules nouvelles, des formules originales, un mode d'organisation interne plus souple, qui tiennent compte de la rapidité et de l'évolution des connaissances et de leur mode de transmission. On note, par exemple, chez de nombreux universitaires de tous les pays la volonté de se dégager de la structure traditionnelle des facultés, issues d'une époque où les universités constituaient des fédérations d'écoles professionnelles.

Les universités que nous établirons au cours des prochaines années seront celles de l'an 2000. Elles accueilleront, compte tenu du développement du système scolaire et de l'éducation permanente, de nouveaux types d'étudiants. Elles connaîtront, d'ici quinze ans, un rythme de croissance très rapide, facteur qui milite en faveur d'une organisation interne souple. Elles joueront enfin un rôle très important dans la formation des maîtres, ce qui souligne encore la nécessité d'une grande mobilité interne et d'une organisation multidisciplinaire.

Au Québec, comme dans tout le monde occidental, cette nouvelle université ou cette nouvelle façon d'envisager l'organisation universitaire, comment l'a-t-on préparée?

Les groupes de travail qui ont analysé les modes d'organisation de l'université nouvelle ont fait le recensement de nombreuses études et de nombreux rapports canadiens, américains et européens. Nous en citerons quelques-uns: d'abord, le rapport Parent, le rapport Rocher, le rapport Roy, de l'université Laval, dont le recteur, Mgr Vachon, faisait mention hier, à la fête annuelle et traditionnelle de l'université Laval, le rapport MacPherson, de l'université de Toronto, le rapport Spinks, sur l'enseignement gradué, en Ontario. On a aussi consulté de nombreux documents sur l'enseignement supérieur aux Etats-Unis, et plusieurs documents proposant des modes de réforme de l'université française, notamment les textes des colloques de Caen et les derniers textes administratifs sur la réforme universitaire en France, qui ont amené le gouvernement français à proposer cette loi dont j'ai fait mention tantôt.

En définitive, M. le Président, l'université québécoise, comme toutes les universités occidentales, cherche maintenant les voies d'un renouveau intérieur qui permette d'augmenter la qualité de l'enseignement et de favoriser le développement de la recherche.

Au ministère de l'Education, l'on accorde une grande importance à cet objectif de faire des nouvelles universités ce que j'ai déclaré tantôt, des universités véritablement nouvelles.

Dans le cadre du groupe: Recherche et développement, des équipes composées de fonctionnaires et de conseillers universitaires de Montréal, Laval et Sherbrooke, ont étudié cette question depuis janvier dernier. Les résultats de leurs travaux seront transmis aux autorités de l'université du Québec, qui auront aussi à leur disposition une série de documents proposant l'orientation de nouveaux établissements universitaires sur des voies nouvelles.

Troisièmement, les principes d'organisation de l'université nouvelle: Pour le bénéfice des

membres de cette Assemblée, vous me permettrez, M. le Président, de faire le point sur les principes d'organisation qui se dégagent de ces travaux.

D'abord, il faut distinguer nettement entre ce que l'on appelle les études du premier cycle universitaire et les études avancées de maîtrise et de doctorat. Chacune de ces catégories a sa finalité propre et doit être organisée en conséquence.

D'abord, le premier cycle. Ce cycle sera caractérisé par deux traits principaux. Le très grand nombre des inscriptions, d'une part, la diversité importante des orientations des étudiants. De plus, le premier cycle universitaire sera le lieu, au cours des prochaines années, d'innovations dans les programmes correspondant à de nouvelles catégories de diplômés, répondant à de nouveaux débouchés sur le marché du travail.

Le grand nombre et la variété des orientations commandent au premier cycle une structure d'encadrement des étudiants, d'une part, et d'autre part, un mode d'organisation des programmes qui soit souple et ouvert au changement.

Deuxièmement, les études graduées. Au niveau des études graduées, par ailleurs, on nous recommande, en plus de la recherche qui s'effectuera dans les départements, l'aménagement de centres de recherche groupant des équipes multidisciplinaires de professeurs auxquels participeraient directement les étudiants en cours de maîtrise ou de doctorat.

Troisièmement, l'éducation permanente. En ce qui concerne l'éducation permanente, nos groupes de travail font valoir qu'elle marquera de plus en plus les activités et l'organisation interne des universités. Contrairement à la situation qui prévaut actuellement, la clientèle de l'éducation permanente ne sera pas uniquement à la recherche d'un premier diplôme universitaire.

L'on doit prévoir plutôt qu'une forte proportion d'entrées détiendra déjà un premier diplôme et viendra chercher à l'université, des programmes de remise à jour qui seront des cours intensifs sur un aspect particulier de leur discipline.

L'université nouvelle doit donc se préparer à de nouvelles responsabilités en éducation permanente. Au fur et à mesure que le premier cycle universitaire aura effectivement accueilli la totalité de cette tranche de la population capable de réussir des études de ce niveau, la fonction éducation permanente de l'université s'adressera davantage à des diplômés de premier cycle venant suivre des cours spéciaux de recyclage ou de perfectionnement qui ne conduiront pas à une maîtrise ou à un doctorat, mais à ce qu'on pourrait appeler des certificats de renouvellement.

Autrement dit, l'on abandonnera l'éducation des adultes de type récupération pour passer à l'éducation permanente de type perfectionnement.

Quatrièmement, des documents de base. Ce ne sont là que quelques-uns des éléments des recommandations de nos équipes de travail qui ont réfléchi sur l'organisation interne de l'université. Tous les documents sur cette question, je l'ai déjà mentionné, seront transmis aux autorités de l'Université du Québec à laquelle nous donnons le mandat de créer l'université nouvelle en continuité avec les études et la planification déjà faites en particulier dans le cadre du groupe recherche et développement.

Le rapport de ce groupe de travail sur l'organisation de l'enseignement et de la recherche constituera donc l'un des documents de base à utiliser par l'Université du Québec pour son organisation interne. Un autre document de base sera transmis aux autorités de l'Université du Québec, il s'agit du rapport Roy de l'université Laval, en particulier pour le modèle qu'il propose quant à l'organisation des programmes de premier cycle.

Il me paraît heureux et significatif, M. le Président, que des études poursuivies parallèlement au ministère de l'Education, dans le cas du groupe recherche et développement et à l'université Laval dans le cas d'un comité spécial de planification, proposent des orientations très voisines et fassent des recommandations presque identiques.

Puisque nous tenons pour très important la coordination interuniversitaire, il nous semble donc tout indiqué de réaliser, dès le départ, une coordination réelle entre la structure des programmes de premier cycle de l'Université du Québec et celle de l'université Laval.

Je mentionne, enfin, que le rapport Rocher, de décembre 1965, relatif à l'organisation d'une seconde université de langue française à Montréal, a servi aux études du groupe « recherche et développement », qui en a retenu l'essentiel.

Cinquièmement, l'organisation de l'enseignement et de la recherche. Dans l'organisation de l'enseignement et de la recherche, le groupe « recherche et développement » retient deux idées principales: la première, la nécessité de maintenir une unité homogène de professeurs travaillant en commun dans une même discipline, à la fois au plan de la recherche et de l'enseignement; c'est cela qu'on appelle le

département. Deuxièmement, la nécessité d'ajouter à cette structure initiale une seconde dimension qui correspond au caractère multidis-ciplinaire de la fonction universitaire. A cette seconde dimension, au niveau du premier cycle, on trouve une structure que l'on appelle modulaire d'encadrement des étudiants. Au niveau des études graduées, on trouve des centres de recherche.

L'on dégage ainsi une série de proposition simples, permettant de régir l'organisation de l'enseignement et de la recherche:

A) Les départements. Us sont les cellules de base de l'université. Un département est une unité regroupant une équipe de professeur travaillant en commun dans une même discipline. Tout professeur appartient à un département et chaque département appartient à toute l'université. Un département est responsable de la recherche dans sa discipline et de l'enseignement de sa discipline pour l'ensemble de l'université. Moins de cloisons, comme celles qui existent dans les universités de type traditionnel. Les départements n'administrent pas d'étudiants.

B) La structure modulaire du premier cycle. D'abord, les modules correspondent chacun àun programme d'étude, au groupe d'étudiants inscrits à ce programme et à des équipes de maîtres qui conseillent et encadrent les étudiants au cours de leur cheminement. Les étudiants s'inscrivent au programme qui correspond à leur orientation. Ces programmes sont regroupés en familles pour la coordination des programmes d'étude et pour l'organisation de l'enseignement. Au niveau de cette structure modulaire, l'on prévoit la participation de représentants des départements et de personnes choisies à l'extérieur de l'université»

C) Les centres de recherche. Ils constituent des équipes multidisciplinaires de professeurs réunis par une activité complémentaire de recherche dans un domaine donné. Les étudiants en cours de maîtrise ou de doctorat s'inscrivent à un centre de recherche et participent aux travaux de l'équipe. Les centres de recherche poursuivent des programmes de recherche qui font appel à la contribution des professeurs qui y sont affectés et des étudiants qui y sont inscrits.

En résumé, les propositions qui précèdent dégagent les principaux éléments d'une forme d'organisation de l'enseignement supérieur souple, ouverte, décloisonnée et susceptible de répondre à la variété des objectifs poursuivis par les étudiants. Nous pensons également que les professeurs y trouveront un milieu de travail propice et stimulant. Enfin, nous pensons que le modèle proposé se prête davantage à des institutions nouvelles en cours de développement.

En éliminant le cadre rigide des facultés comme on les connaît à l'heure actuelle dans plusieurs universités, nous voulons surtout assurer une mobilité horizontale des professeurs et des étudiants. En proposant que le département constitue la cellule de base de l'université, nous voulons permettre surtout aux professeurs de former des équipes de chercheurs et d'enseignants réunis par un intérêt commun dans une discipline donnée. En proposant la structure modulaire, nous voulons offrir aux étudiants de premier cycle une structure d'encadrement susceptible de développer leur sentiment d'appartenance et leur motivation.

Sixièmement, l'organisation administrative.

Enfin, avant de terminer cette partie de mon exposé sur l'université nouvelle, je voudrais dire un mot de son organisation administrative au niveau de ces organismes essentiels prévus dans le bill no 88. On aura noté, M. le Président, que l'université nouvelle fait appel, aux échelons supérieurs de direction, aux trois éléments qui composent la communauté universitaire. Au niveau de l'assemblée des gouverneurs et du conseil des études de l'Université du Québec, comme au niveau des conseils d'administration des universités constituantes, des personnes issues de chacun de ces trois groupes participent directement aux décisions relatives à la gestion courante de l'université, comme aux décisions qui engagent son développement et son avenir.

Je tiens pour acquis, M. le Président, que dans l'organisation de sa structure inférieure et dans la composition de ses conseils et comités, l'université arrêtera par ses propres règlements et maintiendra la même règle de participation de façon à ce que l'université nouvelle soit, dans son entière réalité, l'entreprise de toute la communauté universitaire. Je souhaite également que, dans sa structure inférieure, l'université maintienne des ouvertures directes sur le monde extérieur, comme cela existera au niveau de l'assemblée des gouverneurs et des conseils d'administration.

Les étapes d'organisation de l'Université du Québec.

M. le Président, le gouvernement propose aujourd'hui à cette assemblée d'adopter le bill no 88 et de créer, comme je l'ai dit, l'Université du Québec. Lorsque ce projet de loi aura été sanctionné, le gouvernement procédera à la nomination du président de l'Université du Québec et des premiers membres de l'assemblée des gouverneurs. Il pourra ensuite procéder à la création, par émission de lettres patentes,

des universités constituantes, des instituts de recherche ou des écoles supérieures, au fur et à mesure des besoins et lorsque, bien entendu, les études nécessaires auront été complétées. Par la suite, ces établissements d'enseignement et de recherche s'organiseront et commenceront leurs activités.

Beaucoup d'étapes demeurent donc à franchir avant que l'Université du Québec commence à fonctionner et se développe dans toute sa dimension. Cependant, je voudrais indiquer aux membres de cette assemblée que la décision du gouvernement de proposer ce projet de loi fait suite à un cheminement considérable au cours duquel nombre d'études et de recherches ont été menées, qui constituent un impressionnant dossier.

Dès sa nomination, à l'automne 1967, et j'en avais fait mention moi-même, alors que j'étais ministre de l'Education, lors de la séance du conseil supérieur du l'éducation du Mont-Gabriel. Nous avons identifié, tous deux, officiellement, les deux priorités du ministère de l'Education: la formation des maîtres et l'enseignement supérieur.

Au mois de novembre 1967, le ministre de l'Education, le nouvel élu, député du comté de Bagot, qui pourra entrer en Chambre dès cette semaine, suivant les règlements et suivant la loi électorale, constituait un comité directeur composé du sous-ministre de l'Education, M. Arthur Tremblay, d'un sous-ministre adjoint, M. Yves Martin, du directeur général de l'enseignement supérieur, M. Germain Gauthier, et du directeur général de la formation des maîtres, M. Pierre-Yves Paradis.

Ce comité directeur recevait mandat de prévoir l'intégration de la formation des maîtres à l'appareil universitaire, de prévoir la création d'une nouvelle université de langue française à Montréal, d'étudier la création de centres universitaires à Trois-Rivières, Chicoutimi et Rimouski. Il recevait également mandat de préparer la création d'un organisme permanent chargé de conseiller le ministère dans ses politiques de développement de l'enseignement supérieur. Au mois de décembre 1967, le ministre de l'Education créait, je l'ai rappelé tantôt, sous l'autorité du comité directeur, le groupe « recherche et développement », composé de fonctionnaires de la planification de l'enseignement supérieur et de la formation des maîtres, ainsi que d'universitaires de Sherbrooke, Laval et Montréal.

Ce groupe « recherche et développement » recevait comme mandat de faire rapport sur la création de nouveaux établissements d'enseignement supérieur. Dans son rapport préliminaire du 15 janvier 1968, ce groupe de travail écrivait: « La coordination des services d'enseignement supérieur et la planification du développement de ces institutions revêtent une importance de premier ordre. Nous croyons qu'il est primordial de placer l'organisation de toute nouvelle institution dans un cadre administratif intégré, l'Université du Québec. »

En même temps, le ministre de l'Education, l'honorable Jean-Guy Cardinal, avait constitué, sous l'autorité du comité directeur, un groupe spécial affecté à la préparation de la législation relative à l'enseignement supérieur. C'est ce groupe, qui s'appelle le groupe de législation, qui a préparé la Loi des investissements universitaires, le bill 58, que nous avons adopté en juin dernier, la Loi du conseil des universités, que nous avons adoptée dernièrement, et la Loi de l'Université du Québec, dont je propose la deuxième lecture à la Chambre aujourd'hui.

De janvier 1968 à juin dernier, ce groupe « recherche et développement » a poursuivi ses travaux de façon intense. Il remettait au début de l'été, son deuxième rapport qui contient entre autres, les documents suivants: un rapport sur l'organisation de l'enseignement et de la recherche et un rapport sur l'Université du Québec à Montréal. Ce sont des rapports du groupe « recherche et développement. » Ce rapport n'est pas public pour le moment, c'est pourquoi je n'ai pas pu le transmettre au chef de l'Opposition. Ce rapport sera remis au président de l'Université du Québec. Je fais mention des problèmes où il s'applique.

D'abord, je reprends. Rapport sur l'organisation de l'enseignement et de la recherche, rapport...

M. LESAGE: Disons que j'aurais été mieux de m'adresser au premier ministre. J'ai multiplié les démarches pour tenter de trouver ces documents.

M. BERTRAND: Je le regrette infiniment. J'aurais dû en informer le chef de l'Opposition. Rapport sur l'Université du Québec à Montréal, cette deuxième université de langue française, rapport sur l'Université du Québec à être établie à Trois-Rivières, prolongement de ce centre qui existe à l'heure actuelle et qui, on le verra tantôt quand je nommerai les institutions qui doivent entrer à l'intérieur de ce regroupement. Rapport sur l'Université du Québec à

Chicoutimi, rapport sur la future Université du Québec à Rimouski.

M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre me permet une question?

M. BERTRAND: Oui, avec plaisir.

M. LESAGE: Les trois centres d'études universitaires de Trois-Rivières, Chicoutimi et Rimouski sont tous trois affiliés à Laval, n'est-ce pas?

M. BERTRAND: A l'heure actuelle, oui. Rapport sur les priorités de recrutement du personnel enseignant dans l'Université du Québec. A ces documents du groupe « recherche et développement », s'ajoute une étude du ministère des Richesses naturelles sur la possibilité de création d'un institut québécois des sciences de l'eau et une étude d'un comité ad hoc sur une école d'administration publique.

Au cours du printemps de 1967, le ministre de l'Education d'alors procédait à des consultations officielles auprès de la conférence des recteurs et principaux, de la Fédération des professeurs des universités, de l'Union générale des étudiants et enfin du Conseil supérieur de l'éducation. Les consultations pourtaient essentiellement sur trois pièces législatives. D'abord, la Loi des investissements universitaires — j'en ai dit un mot tantôt — la Loi du conseil des universités — nous l'avons adoptée —la Loi de l'Université du Québec qui est maintenant soumise au Parlement.

Enfin, au cours de la même période le ministre de l'Education mettait sur pied une mission de la formation des maîtres chargée de prévoir les modes d'intégration de la formation des maîtres aux établissements scolaires réguliers, en particulier aux établissements universitaires.

Après avoir pris connaissance des conclusions, de l'ensemble des documents cités, après avoir pris connaissance des orientations proposées par de nombreux groupes de travail en liaison constante avec le milieu, après avoir procédé 3. des consultations officielles, le gouvernement a décidé de proposer au Parlement l'adoption de la Loi de l'Université du Québec, bill 88, établissement qui devrait être constitué et commencer ses opérations en janvier 1969.

En prévision de cette nouvelle étape, le groupe dont je reprends souvent le nom « recherche et développement », a été reconstitué et chargé de prévoir l'organisation de l'Université du Québec et de ses universités constituantes. A Montréal et à Trois-Rivières, des comités de planification locaux rattachés au groupe « recherche et développement » ont été constitués et ont déjà siégé à deux reprises chacun.

A Chicoutimi, un comité de coordination de l'école normale, de l'école de commerce et de l'école de génie a été constitué et fonctionne régulièrement depuis un mois. A chacun de ces comités, siègent des administrateurs, des professeurs et des étudiants de même que des fonctionnaires et des universitaires membres du groupe dont j'ai souvent répété le nom.

Tous ces comités locaux devraient faire rapport d'ici la fin de janvier, de sorte que le ministre de l'Education et les autorités de l'Université du Québec puissent prendre, en temps utile, les décisions relatives à la rentrée scolaire de septembre 1969.

Pour répondre aux interrogations des citoyens du Bas Saint-Laurent et, peut-être, du député de Rimouski qui ne manquerait pas de soulever la question, je mentionne tout de suite que la mission de la formation des maîtres a reçu du ministre de l'Education le mandat explicite d'étudier en priorité la question de l'école normale Tanguay de Rimouski. La mission s'est rendue sur place, a rencontré les intéressés et prépare son rapport. L'on m'a informé que la mission envisage le rattachement de l'école normale à l'Université du Québec jusqu'à ce qu'il devienne possible de créer à Rimouski une université constituante.

En ce qui concerne, par ailleurs, la formation des maîtres dans l'Ouest du Québec, le ministre de l'Education et moi-même réservons nos déclarations jusqu'à ce que nous recevions le rapport de la mission à ce sujet.

Enfin, pour le bénéfice des membres de cette Chambre, je donnerai la liste des institutions directement touchées par la création de l'Université du Québec et des universités constituantes.

Pour l'Université du Québec, à Montréal: 1- L'école normale Jacques-Cartier, 2- L'école normale Ville-Marie, 3- L'école normale de l'enseignement technique, 4- L'école des beaux-arts, 5- Le collège Sainte-Marie.

Pour l'Université du Québec, à Trois-Rivières: 1- L'école normale Duplessis, 2- Le centre des études universitaires.

Pour l'université du Québec, à Chicoutimi: 1- L'école normale de Chicoutimi, 2- L'école de génie, 3- L'école de commerce.

Pour celles de ces institutions qui sont des écoles d'Etat, leurs fonctions d'enseignement de niveau supérieur seront cédées à l'Université du Québec, selon des modalités et un calendrier qui seront convenus entre les autorités compétentes.

Pour celles de ces institutions qui sont privées, leurs conseils d'administration sont invités à étudier cette éventualité et à prendre l'option jugée la plus avantageuse pour leur clientèle.

Dans tous les cas, je tiens à le préciser, les universités constituantes de l'Université du Québec seront de nouvelles corporations représentatives du milieu, mais sans lien de droit avec les corporations qui peuvent exister actuellement, à moins qu'il n'en soit convenu autrement entre les intéressés.

Ceci dit sur les étapes d'organisation de l'Université du Québec, je termine ce long exposé en dégageant quelques réflexions en guise de conclusion. L'Université du Québec est un organisme qui marquera l'avenir de la collectivité québécoise. Dans l'immédiat, elle permettra de créer de nouveaux établissements universitaires, de décentraliser en diverses régions les services d'enseignement supérieur, de donner à la formation des maîtres un cadre nouveau, un souffle nouveau et un statut universitaire et d'aménager au Québec l'université nouvelle dont nous avons besoin pour répondre aux exigences de notre développement.

A moyen terme, l'on peut envisager que l'Université du Québec réalisera plus que cela.

Elle peut devenir l'un des plus importants de nos instruments collectifs de développement, comme le sont 1'Hydro-Québec, la Société générale de financement, la Caisse de dépôt et de placement. Dès le départ, il faudra compter que le dynamisme des universités constituantes, nouveaux établissements en plein développement, apportera à l'université du Québec un élan considérable.

Mais l'on doit aussi envisager que l'université du Québec prépare la mise sur pied d'instituts de recherche à vocation provinciale. Ceux-ci pourront devenir le point d'appui des activités de recherche du gouvernement, des entreprises et de toutes les universités qui voudraient y collaborer.

M. le Président, si l'université du Québec pouvait réussir à constituer le point de jonction du monde universitaire, de l'entreprise et du gouvernement, à propos de recherches qui engagent l'avenir du Québec elle aura apporté une contribution capitale à l'édification d'un Québec fort et dynamique.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, je voudrais d'abord dire notre appréciation au premier ministre pour l'exposé passablement complet et fort détaillé qu'il vient de faire.

Dans cet exposé, il a décrit le cheminement de l'organisation de l'université du Québec, ses structures, les structures des universités constituantes, de même que les travaux qui avaient conduit le gouvernement et ses experts à proposer le bill 88.

Beaucoup de personnes ont été consultées, mais il s'agit surtout d'experts et des personnes directement concernées. Le grand public lui-même n'a pas été mis au fait des recherches et des démarches, au fur et à mesure qu'on en arrivait à des conclusions.

C'est un reproche, c'est sûr, que je crois devoir faire au gouvernement. Je reviendrai là-dessus tantôt. Un autre reproche serait peut-être celui qui s'exprimerait par le mot « enfin »! J'ai dit « enfin », car il aura fallu, encore une fois, que le gouvernement attende à la toute dernière minute pour présenter le projet de loi.

Le bill 88 nous arrive à la toute fin de la session, en vitesse. On pourra fort bien dire: Ah, le gouvernement libéral, que le député de Louis-Hébert dirigeait, est aussi arrivé en fin de session avec des projets de loi qui étaient parfois importants. Je me souviens que c'est arrivé, particulièrement dans certains cas, mais dans ces cas, à mon souvenir, ou dans la plupart de ces cas, le ou les sujets qui faisaient l'objet des projets de loi avaient été longuement discutés et mûris en comité.

Il n'en reste pas moins que nous nous réjouissons, comme je l'ai dit dans mes toutes premières phrases, que le gouvernement se soit enfin décidé à agir. Mais, en attendant aussi tard, je dois dire, M. le Président, qu'il s'est exposé, justement à cause de la précipitation avec laquelle il devra mettre en application ce projet de loi, s'il veut que l'université de langue française ouvre à Montréal en septembre 1969, à des réveils assez pénibles du genre de ceux que nous avons connus à la rentrée scolaire du mois de septembre dernier dans les collèges d'enseignement général et professionnel, les CEGEP.

Le besoin, au Québec, de facilités universitaires accrues, je pense bien qu'il n'est plus à établir. Le premier ministre y a fait allusion; il a mentionné des chiffres. Mais dès 1964, la commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec, la commission Parent, prévoyait que la fréquentation universitaire en 1982, par rapport à 1961, aurait plus que quadruple, cette augmentation venant en grande partie du milieu francophone. On prévoyait qu'en 1981 ou 1982, plus de 76,000 jeunes Québécois de langue française seraient inscrits aux universités, comparativement à 11,400 en 1961,

exclusion faite des étudiants fréquentant les facultés des arts des universités de langue française.

Le premier ministre a mentionné tout à l'heure un chiffre de 90,000, mais je suppose qu'il incluait les étudiants de langue anglaise. C'est donc dire qu'en 1981 ou 1982, il y aurait sept fois plus de Québécois de langue française inscrits aux universités qu'il y en avait en 1961. Cette projection, établie par les démographes Jacques Henripin et Yves Martin, prévoyait également que la fréquentation des universités francophones du Québec serait multipliée par trois dès 68/69 la présente année scolaire ou universitaire, comparativement à 1961.

Conscient de l'impérieuse nécessité qui existait et se basant sur les recommandations contenues dans le deuxième volume du rapport Parent, le gouvernement libéral, dès 1964, avait confié à un comité d'experts le soin d'étudier les modalités de l'établissement d'une nouvelle université de langue française à Montréal, analysant par ricochet la coordination des centres universitaires régionaux propres à assurer une plus grande accessibilité à l'enseignement supérieur pour toute la population du Québec.

Pourquoi donnions-nous, dès ce moment-là, M. le Président, la priorité à cette deuxième université de langue française à Montréal? Encore là, c'était pour répondre aux besoins démographiques de cette région. Les statistiques nous démontraient que le nombre d'étudiants de langue française susceptibles de fréquenter le niveau universitaire dans la grande région de Montréal atteindrait le chiffre de 23,000 en 1971 et de 40,000 en 1981.

Il était donc impérieux d'agir. C'est pour cette raison que le gouvernement libéral d'alors avait créé, sous la présidence de M. Guy Rocher, le comité dont je parlais il y a un instant, comité qui a déposé son rapport en décembre 1965. Parmi ses principales recommandations, nous notions la création d'une deuxième université de langue française à Montréal, susceptible d'ouvrir ses portes à l'automne 1967 ou au plus tard à l'automne 1968, et dont les fonctions principales seraient les suivantes: premièrement, l'enseignement et la recherche; deuxièmement, la formation de nouveaux maîtres et le recyclage des maîtres en exercice; troisièmement, l'éducation permanente. Un des principaux articles de notre programme électoral était justement, dès le printemps de 1966 l'établissement de cette deuxième université de langue française à Montréal, et nous mettions précisément l'accent sur les trois points que je viens de mentionner: l'enseignement et la recherche, la formation des nouveaux maîtres, le recyclage des maîtres et surtout l'éducation permanente. Qui ne se souvient d'avoir entendu, des deux côtés, je pense, du côté libéral comme du côté de l'Union Nationale, au cours de la campagne électorale de 1966, exposer des arguments sur l'urgence d'établir très rapidement à Montréal ce qu'on appelle en anglais « a university on the street », justement pour remplir les besoins de l'éducation permanente au niveau universitaire dans le secteur français.

Mais, organiser une université, ce n'est pas une chose qui se fait à la hâte et sans consultation. Dans ce domaine, nous étions prêts à agir, comme nous l'avions fait pour l'établissement du ministère de l'Education et pour la création des 55 régionales. C'est-à-dire que nous étions prêts à agir après consultation et dialogue avec les intéressés, mais aussi avec le public. C'est un peu le reproche voilé que je faisais au gouvernement, au début de mes remarques: de ne pas avoir établi le dialogue avec le public, comme nous l'avions fait à l'occasion de l'établissement du ministère de l'Education et, peut-être encore plus, lors de la création des 55 régionales.

Je crois qu'il est bien important, lorsqu'on crée de telles institutions, lorsqu'on établit de tels systèmes, que tous sachent quels sont les buts poursuivis, les difficultés à vaincre et les moyens à prendre pour atteindre les objectifs fixés. Dans le cas qui nous intéresse, il semble bien que le projet de loi actuellement devant les Chambres ait été préparé sans trop de consultation avec les grands corps intermédiaires. Je pense que le premier ministre l'a admis tout à l'heure. Cela se trouve être un peu la répétition, dans un autre champ d'activité, de l'attitude prise par le gouvernement actuel lors de l'établissement de sa politique salariale et lors de la présentation des lois concernant le travail.

Tout en approuvant le principe du projet de loi à l'étude, je pense que nous devons souligner le manque de dialogue du gouvernement avec la population en général, dans ce domaine. Je répète que le gouvernement agit à la dernière minute pour établir, en toute hâte, une structure permettant la création d'une université constituante, dont on prétend pouvoir ouvrir les portes quelques mois seulement après la nomination des membres de son conseil d'administration. Je le répète, cette façon d'agir du gouvernement peut nous conduire à des difficultés et peut-être même à des crises du genre de celle que nous avons connue à l'automne, lors de l'ouverture des CEGEP.

Nous approuvons, je le répète, le principe de ce projet de loi. Mais, le premier ministre

me permettra bien de souligner que, dans l'établissement de cette université à venir, le gouvernement ne devra pas craindre d'utiliser les techniques les plus modernes disponibles de nos jours. Ce qu'il nous faut, c'est bâtir l'université de l'avenir. Je pense bien que c'est cela que désire le premier ministre: bâtir l'université de l'avenir et non pas l'université du passé. Une université qui soit réellement à la disposition du peuple et non pas uniquement à la disposition des classes bourgeoises. Une université qui soit ouverte aux travailleurs qui veulent accroître leurs connaissances par des cours du soir ou encore avoir la possibilité de s'inscrire suivant des horaires de cours bien organisés et pouvant s'adapter aux besoins de l'entreprise. Cette université ne doit pas être, au départ, un immense campus qui coûterait des centaines de millions de dollars. Je suis sûr que le ministre des Finances et le ministre de la Santé sont d'accord pour admettre que la société québécoise n'apas le moyen de payer cela maintenant. Nous devons plutôt concentrer nos investissements du côté des techniques les plus modernes et utiliser le plus possible les édifices déjà existants dans des secteurs urbains facilement accessibles au gros de la population.

M'appuyant sur ces données générales, je voudrais maintenant développer, d'une façon plus particulière, les points suivants: premièrement, l'Université du Québec et l'éducation permanente; deuxièmement, suivant quelle conception seront établies les universités constituantes? Troisièmement, je voudrais dire quelques mots sur les centres d'études universitaires actuellement affiliés à l'université Laval et soulever la question du coût approximatif pour l'Etat de la mise en oeuvre du projet de loi.

D'abord, l'éducation permanente.

Au début de mon intervention, j'ai référé au rapport du comité d'étude sur les modalités de réalisation d'une nouvelle université de langue française à Montréal. Ce rapport concluait à la nécessité de confier à cette nouvelle structure universitaire la tâche particulière de se préoccuper de l'éducation permanente. Voici ce que disait le rapport Rocher à ce sujet: « Que l'éducation permanente doive constituer une autre priorité de la nouvelle université, cela n'a plus besoin d'être démontré. Un public adulte, de plus en plus nombreux à Montréal, réclame de pouvoir accéder à des études universitaires conçues suivant des formules originales. Il n'est pour s'en convaincre que de remarquer le succès remporté, à cet égard, par d'autres institutions de la métropole qui dispensent un enseignement de ce type. L'université Sir

George Williams, par exemple, offre depuis longtemps la possibilité de suivre, en cours du soir, un enseignement de niveau supérieur et attire de cette façon des milliers d'étudiants dont une bonne proportion, il faut le souligner — je pense que c'est important de le souligner aujourd'hui, alors qu'on vient de former une commission d'enquête sur tous les aspects du français au Québec, oui, il faut le souligner, une bonne proportion des milliers d'étudiants de Sir George Williams — sont de langue française. Et combien de Néo-Canadiens, qui fréquentent ces cours à Sir George, s'inscriraient plus volontiers peut-être à une université de langue française, si un enseignement analogue y était dispensé dans des conditions comparables. » Fin de la citation de M. Rocher, sauf pour ce qui est de ce que j'ai intercalé au sujet de la législation présentée aujourd'hui.

Le bill 88, tant dans sa section 2, concernant les dispositions sur l'Université du Québec, que dans la section 3, relative aux universités constituantes, ne fait aucune mention de cette priorité que constitue chez nous l'éducation permanente. Le premier ministre en a dit quelques mots dans son intervention de deuxième lecture, mais il n'y a rien de précis à ce sujet, dans le projet de loi, et cela m'a déçu.

Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'a pas tenu compte, à un plus haut degré, des recommandations du rapport Rocher sur ce point, dans la rédaction du projet de loi. Non seulement avons-nous besoin de faciliter l'accessibilité à l'université de tous ces jeunes qui ont dû abandonner leurs études plus tôt qu'ils ne l'auraient voulu, mais il est également important de trouver une façon d'agencer un enseignement qui soit également accessible à ceux qui, rendus sur le marché du travail et détenant déjà des diplômes universitaires, voudraient se spécialiser ou encore, pour employer un terme à la mode, voudraient se recycler aux techniques les plus perfectionnées de leurs activités professionnelles.

Je crois, M. le Président, que c'est une des lacunes fondamentales du projet de loi. Je voulais attirer l'attention du gouvernement sur ce point et lui suggérer très fortement de songer à apporter les modifications nécessaires dans le sens que je viens de dire.

Une autre des raisons pour laquelle il nous faut porter une grande attention à l'éducation permanente, particulièrement dans la région de Montréal, ce sont justement les facteurs mentionnés dans le rapport Rocher, à l'effet que — c'est-â-dire les faits mentionnés dans le rapport Rocher — à l'effet que les Montréalais d'expression française s'orientent dans des pro-

portions surprenantes vers des établissements universitaires de langue anglaise, particulièrement à Sir George Williams, parce qu'il n'existe pas, dans la métropole canadienne, ce que l'on appelle une université de langue française sur la rue, « on the street », proche des milieux du travail et facilement accessible après les heures de bureau. Au moment où tant d'efforts sont faits pour sauvegarder le fait français au Québec, au moment où tous les partis politiques se préoccupent de l'intégration des Néo-Canadiens à la communauté française, je pense qu'il s'agit là d'une question vitale.

Il faut à tout prix que le gouvernement revise ses positions et confie à la deuxième Université à Montréal comme aux autres universités constituantes la tâche prioritaire de voir à l'éducation permanente, qu'il s'agisse de recyclage ou encore de l'accessibilité aux études supérieures.

Ce que je disais, M. le Premier Ministre...

M. BERTRAND: Je tiens à dire au chef de l'Opposition que j'ai suivi tous ses propos.

M. LESAGE: Ah oui, d'accord!

M. BERTRAND: ... pendant les quelques moments où j'ai été absent.

M. LESAGE: C'est parce que je voulais bien que le premier ministre comprenne ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il n'y avait rien dans le bill mais que, lui, dans son discours, en avait parlé. Le projet de loi n'en parlait pas et je suggérais, justement pour que l'on donne à ce sujet l'importance qu'il mérite, qu'on trouve un moyen de mettre l'accent sur l'éducation permanente dans le projet de loi lui-même.

M. BERTRAND: Cela, c'est une autre chose.

M. LESAGS: Maintenant, suivant quelles conceptions seront établies les universités constituantes? En adoptant le bill 88, le Parlement de Québec se donnera et donnera à la population un outil de travail. Il permettra la création de structures qui, elles- mêmes, pourront suggérer au lieutenant-gouverneur en conseil, par le ministre de l'Education, la création de ce qu'on appelle dans le projet de loi, les universités constituantes. Ce serait un lieu commun que de dire que la qualité de l'université dépend en grande partie de son corps professoral. Dans le contexte québécois actuel, l'ouverture d'une ou de plusieurs universités constituantes risque de provoquer une course entre les universités pour l'obtention des professeurs les plus compétents.

On sait que déjà, à l'heure actuelle, les universités existantes ont de grandes difficultés de ce côté. Lors, du dîner annuel de l'université Laval, hier, je faisais confirmer ce fait par des autorités qui sont fort bien renseignées sur le sujet. C'est pourquoi je me demande s'il ne serait pas à propos d'envisager la formation de ces universités constituantes suivant les processus les plus modernes si les techniques les plus développées du côté de l'audio-visuel. C'est très limité, n'est-ce pas, dans nos universités jusqu'à' présent.

Je disais, tout à l'heure, que ce qu'il nous fallait faire c'était de créer l'université de l'avenir, n'est-ce pas, et non pas celle du passé. Cette université de l'avenir, c'est certainement celle des ordinateurs et des cerveaux électroniques, celle qui utilisera les processus les plus modernes pour dispenser l'enseignement au moment et suivant le rythme que désire l'étudiant. L'expérience américaine dans ce domaine est considérable. Je pense qu'il ne faudrait pas hésiter à regarder de ce côté pour puiser chez nos voisins du sud, les procédés techniques qui se sont avérés des plus rentables.

L'utilisation de l'audio-visuel et des cours enregistrés et distribués par télévision auraient l'avantage de faire bénéficier l'Université du Québec et ses universités constituantes des connaissances des professeurs les plus éminents que nous avons chez nous et même de professeurs d'ailleurs, et faciliteraient, également, la préparation plus intense des nouveaux professeurs qui pourraient bénéficier de stages formateurs à titre de tuteur d'étudiants ou encore de directeur de laboratoires de discussion dans un système qui donne une grande priorité à l'audio-visuel.

L'utilisation de ces techniques et de l'ordinateur électronique a le grand avantage de permettre l'agencement des horaires d'étude suivant les disponibilités de l'étudiant surtout de l'étudiant qui continue à travailler. Toutes ces données peuvent paraître un peu futuristes. Peut-être qu'on pensera que je projette trop dans le futur. Mais je me demande si ce n'est pas de ce côté que nous devons tenter d'orienter nos investissements plutôt que de procéder à la construction de vastes campus dont les taux d'utilisation sont presque toujours trop bas, ça tout le monde l'admet.

Evidemment, nous ne pouvons penser pouvoir dispenser dès maintenant l'enseignement de toutes les matières au moyen de l'audiovisuel branché sur des cerveaux électroniques. Mais il est certain que dans les secteurs où les compétences québécoises sont les plus rares, il ne faudrait pas hésiter à faire appel à

l'électronique afin d'éliminer le marchandage entre les universités qui voudront s'assurer les services des professeurs les plus éminents. D'ailleurs, le rapport Rocher, dont je parlais il y a un instant, avait consacré une section importante de son étude au regroupement des ressources matérielles et humaines disponibles, tel que le recommandait le rapport Parent, ceci afin d'éviter le gaspillage d'énergie et de capitaux.

Quand on parle de regroupement des ressources matérielles et humaines disponibles, il faut tout de même être prudent. On se rappelle que la commission Parent et le comité Rocher ont consacré une attention spéciale à cette question. Voici ce que dit le rapport Parent, volume II, page 219, paragraphe 338, concernant la question d'une deuxième université de langue française à Montréal: « Nous ne croyons pas qu'un des établissements d'enseignement actuel puisse être admis à constituer le noyau de la nouvelle université de manière à en donner le contrôle à un groupement préexistant. »

Pour sa part, le comité Rocher, parlant de regroupement des ressources dit, concernant la deuxième université de langue française à Montréal, à la page 22 du rapport, 3ème paragraphe: « S'agit-il, comme certains l'ont suggéré, d'un regroupement de diverses institutions, chacune devant conserver par la suite une certaine autonomie administrative afin de sauvegarder l'originalité et le dynamisme propres des équipes de travail qui s'y trouvent déjà? Suivant cette formule, le regroupement s'effectuerait autour d'une ou plusieurs institutions qui constitueraient en quelque sorte le noyau initial. On a mentionné notamment le Collège Sainte-Marie, l'Ecole normale Jacques-Cartier et l'Ecole des hautes études commerciales. Ce mode de regroupement qui s'exprime sous forme d'une fédération ou même d'une intégration de diverses institutions existantes constituerait, dans l'opinion du comité, un point de départ malheureux pour l'université. »

Cela n'a pas été retenu, d'accord. Il est important que le gouvernement ne tombe pas dans la facilité en octroyant une charte d'université constituante à une institution qui ne fera, à toutes fins pratiques, que changer de nom. Le regroupement des ressources doit se faire, comme l'ont souligné les experts, à partir d'une équipe intégrée dans un cadre nouveau qui pourra engager le dialogue avec les universités et les institutions existantes. De toute façon, même si on y met la meilleure volonté du monde, il y aura toujours des problèmes difficiles à résoudre en ce qui concerne la sélection du corps professoral. Même si on emploie des procédés électroniques, l'Université du Québec aura pour ses universités consituantes, un besoin considérable d'enseignants spécialisés.

Le premier ministre, il me semble, devrait nous dire quels sont les résultats des études qui ont dû être faites sur les disponibilités des professeurs de niveau universitaire et quels seront les critères de sélection de ces professeurs. Le nombre des étudiants augmente constamment, le nombre des disciplines varie d'année en année. Des études ont dû être faites qui nous permettraient d'avoir des projections sur le nombre et la qualité des professeurs spécialisés dont nos universités auront besoin au cours des quelques années à venir. Je pense bien que tous les députés de cette Chambre seraient fort intéressés à connaître le résultat de telles enquêtes.

Un mot maintenant des centres d'études universitaires. Il est clair, comme l'a dit le premier ministre, que le besoin grandissant de facilités universitaires pour la région de Montréal n'élimine pas les besoins des autres régions du Québec.

Les besoins sont là. Déjà, les régions de Trois-Rivières, de Rimouski et de Chicoutimi possèdent des centres d'études universitaires affiliés à l'université Laval. Ces centres fonctionnent bien et ne demandent qu'à progresser.

Le bill lui-même ne fait pas mention de ces centres. Le premier ministre les a mentionnés dans son discours de deuxième lecture. Il a dit que ces centres deviendraient éventuellement des universités constituantes. C'est très bien, mais ce n'est pas prévu au projet de loi. C'est une autre matière que le projet de loi ne mentionne pas.

Nous n'avons aucune objection de principe nous croyons même que ça devra se faire.

M. BERTRAND: Si le chef de l'Opposition me permet. J'ai noté tout à l'heure qu'à Chicoutimi comme à Trois-Rivières il y a des institutions qui dépendent, à l'heure actuelle, de l'Etat.

M. LESAGE: Oui.

M. BERTRAND: D'autres institutions sont de caractère privé.

M. LESAGE: Affiliées à Laval.

M. BERTRAND: Affiliées à Laval. Il appartiendra à ces institutions d'examiner la possi-

bilité de se joindre à l'institution d'Etat sur laquelle nous avons le contrôle, en vue de former cet embryon d'université constituante, soit pour Trois-Rivières ou pour Chicoutimi, comme cela s'est produit au niveau des collèges d'enseignement général et professionnel où le gouvernement, étant propriétaire d'institutions, les institutions de caractère privé ont jugé à propos de se joindre à l'institution ou aux institutions d'Etat en vue d'établir le collège d'enseignement général et professionnel. A ce moment-là, il s'agit tout simplement d'établir les modalités soit de location ou d'acquisition, comme nous l'avons fait et comme nous le faisons encore régulièrement à Chicoutimi, à Trois-Rivières, à Rimouski, à Valleyfield, à Sainte-Thérèse, partout où nous avons établi des collèges d'enseignement général et professionnel.

M. LESAGE: Dans le raisonnement que j'avais l'intention d'exprimer, j'ai fait un bout du chemin et le premier ministre a continué sur la même route. Ma conclusion était la suivante: Lorsque ces centres d'études universitaires deviendront des universités constituantes, je dis que cette transformation devrait se faire en collaboration avec l'université à laquelle les centres d'études sont affiliés. L'université Laval a une très grande expérience. Il est sûr que, dans la formation d'universités constituantes, à Trois-Rivières, Chicoutimi, Rimouski, partiellement du moins en utilisant des institutions qui lui sont déjà affiliées, l'université Laval est en mesure d'aider considérablement à une organisation systématique qui offrira beaucoup plus de chances de succès.

Il est certain que le passage, si l'on peut appeler cela un passage ou une transformation, du centre d'études universitaires à l'université constituante, même si cette dernière a une charte limitée, constitue une opération hérissée de difficultés et de risques.

Mais, je pense qu'il faut, à ce moment-là, prendre toutes les précautions, afin d'assurer le succès dès le départ. C'est d'autant plus important que je ma demande si, dans la plupart des cas, les universités constituantes ne devraient pas avoir leur origine dans des centres d'études universitaires. C'est une idée que je lance. C'est fort possible.

M. BERTRAND: A l'heure actuelle, dans la nomenclature, tantôt, j'ai nommé des institutions...

M. LESAGE: Oui.

M. BERTRAND: ... par exemple, à Chicouti- mi, l'école de commerce, l'école normale. Ace moment-là, il n'y a aucun doute que l'université constituante devra fondamentalement reposer sur les institutions qui sont en place. Deuxièmement, le milieu lui-même, dans la composition du conseil de cette université constituante, sera appelé à jouer un rôle de même nature que le rôle que nous l'avons invité à jouer dans la création des collèges d'enseignement général et professionnel.

Alors, la structure nouvelle que nous établissons, au niveau universitaire, invite le public, invite les institutions locales ou régionales à une participation directe, afin que ces universités constituantes, disons celles à établir à Trois-Rivières, à Chicoutimi, à Rimouski, soient véritablement représentatives du milieu, des besoins, et de nature à répondre aux besoins du milieu. C'est le même principe que nous retrouvions à la base de l'organisation des collèges d'enseignement général et professionnel et nous l'étendons au domaine universitaire.

M. LESAGE: Je parlais plutôt de l'établissement d'autres centres d'études universitaires, au moins lorsque le bassin de population est suffisant.

D'ailleurs le rapport Parent, volume n, au paragraphe 333, encore une fois, faisait allusion, et recommandait à l'Etat d'encourager ces institutions, c'est-à-dire les centres d'études universitaires, comme point de départ de futures universités. Ces centres d'études, qui pourraient être affiliés à des universités constituantes ou à l'université du Québec, mais je le pense bien, à des universités constituantes, pourraient dispenser l'enseignement des première et deuxième années, dans des disciplines de base, comme, par exemple, les langues, les mathématiques, les sciences, les sciences sociales, la psychologie, l'histoire, la géographie.

Enfin, M. le Président, il y a un dernier aspect de la question que je voudrais traiter, c'est celui du financement. On garde toujours ça pour la fin. Il ne faudrait pas croire que nous aurons résolu le problème de l'enseignement supérieur en créant l'Université du Québec.

Je me demande si le ministre des Finances ou le premier ministre pourraient nous dire de combien de milliers ou de millions de dollars l'Etat pourra disposer pour l'Université du Québec et ses universités constituantes au cours des années à venir.

Nous adoptons une loi, c'est bien beau, mais il y a les moyens financiers aussi pour mettre en action le fonctionnement de toutes ces struc-

tures. Et ces moyens financiers, eh bien, il faut se les procurer; il faut les avoir. Je ne voudrais pas voir gaspiller tous les efforts qui ont été faits pour en arriver au point où nous en sommes aujourd'hui, parce que nous nous trouverions devant un manque d'argent. Je pense bien qu'il ne serait que normal que le ministre des Finances nous dise — pas à un dollar près, c'est évident, mais, au moins, dans les grandes lignes — quelles sont les sommes qui pourraient être affectées, au cours de l'année prochaine, dans deux ans, dans trois ans, dans les prochaines années, pour mettre en branle, d'une façon efficace et ordonnée, les mécanismes que nous allons établir par l'adoption de ce projet de loi.

Depuis 1966, le gouvernement du Québec a haussé les impôts sur une base annuelle de $340 millions. Dernièrement, le premier ministre a confié à un journaliste les difficultés qu'il appréhendait dans la préparation du budget à venir, pour 69/70. Je vois que le ministre de la Voirie serre les dents en arrière du premier ministre; il est inquiet lui aussi. Je n'ai pas dit que le ministre de la Voirie avait dit un mot; j'ai dit qu'il serrait les dents...

M. BERTRAND: Son silence est éloquent.

M. LESAGE: ... quand il m'entendait parler du budget 69/70. Quant au député du comté de Montmorency, qui siégeait au caucus de l'Union Nationale jusqu'à ces derniers temps, lui, il est absolument sûr de son coup: il a quitté l'Union Nationale en avisant la population que le gouvernement allait être obligé, encore une fois, d'augmenter très substantiellement les impôts. Il est clair qu'il y a des limites à la capacité de payer des citoyens du Québec. Je pense que la demande que j'ai faite est absolument normale. D'ailleurs, j'ai fait des suggestions au sujet des dépenses à faire. J'ai suggéré, en particulier, de mettre l'accent sur les méthodes modernes d'enseignement, plutôt que de tenter de créer d'immenses campus qui peuvent coûter énormément cher.

Alors, M. le Président, j'ai fait toutes ces remarques avec la plus entière bonne foi, non pas en parlant comme un expert — je ne prétendrai jamais être un expert - mais j'ai consulté avant de dire plusieurs des choses que j'ai dites.

J'ai relu le rapport Parent. Je regrette que la convalescence du député de Vaudreuil-Soulanges ait privé la Chambre de ses commentaires qui auraient été très certainement fort utiles. J'ai fait ce que ma modeste expérience et la lecture des rapports que j'avais déjà lus me permettaient de faire. Disons que dans l'ensemble il s'agit d'une bonne structure. Il va falloir éviter les écueils. Il va falloir que la population soit bien au courant de tout ce qui se fait, comment cela va se faire. Il va falloir que le gouvernement soit prudent dans le choix de ses administrateurs et qu'il soit prudent dans les dépenses qu'il autorisera. Mais, d'un autre côté,il faudra prendre les moyens les plus efficaces de donner à tous ceux qui veulent acquérir un enseignement supérieur, l'opportunité de l'acquérir aux meilleures conditions possibles, pour le plus grand nombre, en langue française.

M. BELLEMARE: L'honorable député peut demander l'ajournement à huit heures et quart.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je propose l'ajournement du débat.

M. BELLEMARE: Les travaux sont suspendus jusqu'à huit heures et quart.

M. LE PRESIDENT: Les travaux sont suspendus jusqu'à huit heures et quart.

Reprise de la séance à 20 h 16

M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de D'Arcy-Mc-Gee.

M. Victor-C. Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, tout à l'heure, en écoutant l'honorable premier ministre présenter ce projet de loi, on ayait l'impression d'entendre non seulement un premier ministre, mais en même temps un ancien ministre de l'Education, qui ne regrettait pas ses jours passés à ce poste.

Je me trouve en désaccord avec lui au sujet d'une petite chose qu'il a dite. Il a fait allusion à notre époque actuelle comme étant le début d'une explosion démographique dans le monde universitaire. Je me rappelle l'université que j'ai fréquentée il y a vingt-cinq ans, qui comptait 4,000 étudiants, dont je connaissais personnellement peut-être les trois quarts. Quand je pense aujourd'hui aux 16,000 qui fréquentent la même université, et quand je pense au fait que, malheureusement, cette université, avec cette expansion rapide, n'a pas encore réussi à résoudre le problème de la dépersonnalisation, je trouve que cette explosion démographique est pas mal avancée et que nous avons beaucoup d'efforts à faire pour corriger les difficultés survenues au cours des récentes années.

Je trouve que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. J'approuve, en particulier, la décentralisation de notre système universitaire. Il n'y a pas moyen d'éviter que les courants du mouvement de la population soient de la région rurale vers la ville. C'est un phénomène de notre époque. Il y a quand même moyen de créer des centres urbains, secondaires, si vous voulez, mais secondaires seulement en terme de grandeur, qui permettraient à une vie culturelle, intellectuelle et sociale de se créer, de façon à constituer un pôle d'attraction pour retenir les gens qui, autrement, se concentreraient de plus en plus dans les grandes métropoles. Clairement dans la voie sociale, intellectuelle et culturelle d'un tel centre, une université, un centre universitaire joue un rôle de premier plan.

J'approuve aussi au départ de cette entreprise de l'Université du Québec, l'insistance sur la formation des maîtres. Je crois que par ce projet de loi, la formation des maîtres trouve son propre niveau qui est le niveau universitaire.

Il est clair que, dans l'échelle des priorités, l'on doit établir dans un système d'éducation, que l'élément prioritaire le plus important est la formation des maîtres parce que la présence de maîtres compétents est fondamentale à tout ce que nous voulons réussir,

J'approuve le « décloisonnement » de l'enseignement qui va en parallèle avec le « décloisonnement » de nos connaissances. Il y a sûrement des domaines où une spécialisation assez étroite, si je peux me servir d'un tel mot, est très importante. On connaît une telle spécialisation et surspécialisation dans le domaine qui m'est le plus familier, celui de la médecine. Il faut en même temps promouvoir ce que nous appelons, pour le moment, polyvalence et que nous appellerons peut-être à l'avenir autrement. Il faut permettre la plus grande latitude possible aux jeunes qui entrent à l'université et qui cherchent une formation qui n'est pas limitée par des cloisons étanches à un certain secteur de nos connaissances.

J'approuve également l'insistance sur l'éducation permanente, et surtout de la façon dont le premier ministre l'a exprimée, c'est-â-dire qu'au niveau universitaire, on mettra l'accent sur le perfectionnement plutôt que sur la récupération. Il est clair que l'éducation, de nos jours, doit être une expérience qui occupera la vie entière.

La formule d'une université d'Etat — et je comprends bien la distinction que le premier ministre a faite entre une université publique et une université d'Etat — c'est quand même l'Université du Québec, et la formule est bien connue. Déjà, de plus en plus d'universités s'établissent de façon à avoir de multiples campus, même des universités privées réussissent à s'établir à plusieurs endroits.

Dans certains cas, avec une administration unique et centrale, dans d'autres cas, avec une administration décentralisée où chaque campus jouit d'une certaine indépendance. Nous connaissons l'université de l'Etat de New-York (the University of the State of New York) qui a au moins une douzaine de campus dans cet Etat. Au Wisconsin et en Californie, on connaît également la décentralisation des grandes universités. Ceci permet non seulement des unités plus petites, moins nombreuses, si vous voulez, d'accorder une attention plus personnelle à chaque étudiant, mais également à chacun de ces campus de s'occuper un peu plus particulièrement d'un aspect spécialisé de l'éducation.

Nous ne jouissons pas ici, au Canada, malheureusement peut-être, des appuis financiers qui existent aux Etats-Unis où il y a des fondations. Je prends l'exemple de la Ford Foundation qui a à sa disposition des sommes très importantes pour appuyer les efforts des universités privées pour améliorer la qualité de leur enseignement.

Souvent cela se fait sous la forme de ce que l'on appelle ici, dans un autre contexte et dans une autre langue, des « matching grants ». Nous n'avons pas de telles sources privées de financement ici, au Canada, du moins, certainement pas au même niveau qu'aux Etats-Unis.

Nous sommes donc obligés de permettre et de demander à l'Etat d'assumer la plus importante responsabilité dans ce domaine du financement des universités. Malgré cela, il faut conserver cette distinction entre institution publique et institution d'Etat et permettre une liberté d'action à nos universités, alors que peut-être, sous des régimes autres que le nôtre, cela ne serait pas le cas. Il faut, à mon avis — et c'est une chose, si je ne fais pas erreur, dont le projet de loi ne parle pas et dont le premier ministre n'a pas parlé en présentant ce projet — acheminer notre système universitaire, surtout en ce qui concerne l'Université du Québec avec ses filiales, vers la gratuité scolaire aussi complète que possible.

Je reconnais dans le geste du premier ministre la difficulté que cette recommandation pose à son collègue des Finances, à l'ensemble des responsabilités gouvernementales. Il y a quand même des difficultés qui ne sont pas encore résolues dans le domaine des prêts-bourses, des moyens dont nous nous servons pour appuyer financièrement les jeunes qui veulent poursuivre leur éducation supérieure, et il y a des difficultés telles que j'espère qu'on finira ou par résoudre ces difficultés et donner justice à tous ceux qui en ont besoin ou bien arriver finalement à cette gratuité scolaire ou quasi gratuité qu'à mon avis nous serons obligés d'instaurer tôt ou tard.

Je suis heureux que le gouvernement ait décidé cette fois de faire ce qu'il n'a pas fait la dernière fois que nous avons discuté des institutions d'enseignement, c'est-â-dire de permettre une représentation directe des étudiants au niveau de l'administration.

J'ai une autre suggestion que je sais que le premier ministre ne mettra pas en vigueur demain, mais quand on parle d'université on parle d'une institution qui se situe réellement â. un niveau très élevé de l'éducation supérieure. Implicitement, on pense à une institution qui comprend des facultés telles que le droit, la médecine, l'architecture. Il me semble surtout en ce qui concerne la deuxième université de langue française qui se situera à

Montréal, et étant donné le besoin que nous connaissons pour la formation de médecins et d'autres professionnels de la santé, qu'éventuellement avec les compétences qui existent déjà dans le milieu métropolitain, il y aurait lieu de penser à ajouter à cette université par- ticulièrement les facultés qui permettront d'ajouter à nos effectifs professionnels dans le domaine de la santé la quantité importante dont nous avons besoin déjà et dont nous aurons encore plus besoin à l'avenir.

J'ai devant moi une étude préparée pour le Conseil économique du Canada intitulée « Apport de l'éducation à la croissance économique » par Gordon Bertram, étude complétée en juin 1966 et publiée en 1967. Je voudrais en citer quelques mots et quelques chiffres qui pourront, j'espère, intéresser les membres de cette Chambre. Je cite premièrement ce qui suit: « De plus en plus les faits qui s'accumulent et les recherches qui sont faites font voir l'éducation comme un élément dominant et essentiel de la capacité réelle que possède la population de gagner sa vie et, donc, de la puissance productive de l'ensemble de l'économie ou de la société. Les progrès passés dans le domaine de l'éducation ont considérablement haussé la puissance productrice du pays en relevant la qualité de la main-d'oeuvre.

Les calculs ont démontré qu'au Canada, les gains provenant du travail ont augmenté de près de 30% par homme de 1911 à 1961, du fait, semble-t-il, de l'amélioration du niveau d'instruction, et que ce facteur a aussi contribué, dans la proportion d'un quart, à l'accélération de la production par personne au travail. Ces progrès, toutefois, sont inférieurs de moitié à ce qui s'est fait aux Etats-Unis. L'écart moyen de scolarité va donc s'élargissant entre les deux pays, en matière de croissance économique. Les calculs ont aussi démontré qu'environ un tiers de l'écart de revenu par homme entre les deux pays, au début des années soixante, semble avoir résulté de l'infériorité du niveau d'éducation au Canada. On pourrait en conclure, quant à la ligne de conduite à adopter, que des efforts plus énergiques, dans le domaine de l'éducation, sont une condition préalable non seulement du maintien ou de l'accélération du rythme de productivité au Canada, mais aussi de la réduction de l'écart actuel entre notre pays et les Etats-Unis, quant au niveau absolu de productivité et, par conséquent, au niveau de vie. »

On constate, selon l'étude du professeur Bertram, que la proportion de la main-d'oeuvre n'ayant pas dépassé le niveau élémentaire, a baissé de 75% à 46% au cours de ces 50 ans dont j'ai parlé. La baisse est encore plus marquée chez les jeunes travailleurs que chez leurs aînés. On constate ici que pour le nombre moyen d'années à l'école, l'augmentation,

en pourcentage, du nombre d'années à l'école, pendant la période des mêmes 50 ans, a été de 38,6% au Canada, mais de 58.5% aux Etats-Unis. Le nombre total de jours passés à l'école a augmenté de 107% au Canada, mais de 147% aux Etats-Unis.

On note aussi que la médiane des années de scolarité, pour les âges de 20 à 64 ans, était en 1961 de neuf années et demie au Canada mais en 1962, de douze années aux Etats-Unis. Donc, encore un écart important.

On constate également qu'au Canada, le nombre de jeunes gens entre les âges de 20 et 24 ans qui continuent à fréquenter l'école est de 11.5% tandis qu'il est aux Etats-Unis de 19.5%.

Il n'est donc pas étonnant de constater que le niveau de revenu annuel moyen varie selon les années de scolarité. Le professeur Bertram, en prenant comme norme, 100%, huit années de scolarité, soit la fin de l'école élémentaire que nous avons connue jusqu'à récemment, indique que celui qui n'a pas de scolarité a 50% du revenu annuel de celui qui a huit années de scolarité, tandis que celui qui a complété son cours universitaire a 235% de ce même revenu.

Tout cela, M. le Président, pour aboutir aux derniers chiffres que je cite de cette oeuvre. Le niveau de produit national brut, réel, par habitant, en 1962 — la dernière année pour laquelle les chiffres sont offerts — était au Canada, $2,276; aux Etats-Unis, $3,082. Donc, l'importance de l'éducation saute aux yeux, surtout au niveau universitaire, alors que non seulement les revenus personnels peuvent augmenter proportionnellement aux années de scolarité, mais également que la productivité totale du pays peut en bénéficier énormément.

Je termine ces remarques en faisant deux commentaires. Premièrement, j'espère qu'après l'adoption de ce projet de loi on procédera aussi rapidement que possible à mettre sur pied les institutions qui découleront de ce que nous créons aujourd'hui — tout particulièrement celle que nous demandons et espérons voir depuis assez longtemps déjà, la deuxième université de langue française à Montréal.

M. BERTRAND: Très bien.

M. GOLDBLOOM: II est clair que la création de cette institution réussira un déblocage dans tout notre système d'éducation, non seulement au niveau des institutions qui alimenteront cette université, mais également dans d'autres secteurs de notre système d'éducation supérieure.

Finalement, je reviens à quelque chose que j'ai dit un peu plus tôt. Nous avons devant nous un projet de loi qui crée l'Université du Québec. Le premier ministre a fait la distinction claire entre une institution étatique et une institution publique. Je comprends que l'administration de ce réseau d'institutions sera entre les mains de personnes autres que les personnes qui agissent comme représentants du gouvernement.

Il y a quand même une importance telle de la participation de l'Etat à la gestion indirecte, par moyens budgétaires, si vous voulez; l'Etat joue un rôle tel dans l'administration de ces institutions d'enseignement supérieur qu'il faut faire des efforts particuliers pour conserver la liberté de l'enseignement dont nos universités ont toujours joui et dont elles devront pouvoir continuer de jouir.

Il est clair que la présence toujours croissante de l'Etat risque de brouiller un peu la vision que nous avons de la parfaite liberté de nos institutions d'enseignement supérieur. Mais si nous gâtons ce terrain, ce sol de libertés académiques, les fleurs de notre éducation pourront s'y faner au lieu de s'y épanouir. Dieu sait que nous avons besoin de tous les bénéfices possibles pouvant résulter de la création d'institutions ce cette sorte.

Je félicite le gouvernement d'avoir procédé à la création de ce réseau d'institutions. J'espère que ce qui est maintenant créé au niveau du plan deviendra, très prochainement, un réseau d'institutions réelles qui augmenteront la productivité et la compétence de la population du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat à l'Education.

M. Jean-Marie Morin

M. MORIN: M. le Président, après l'exposé complet qu'a fait cet après-midi le premier ministre, je ferai une brève intervention pour situer l'Université du Québec parmi les organismes d'enseignement supérieur et ainsi faire le point de la situation dans ce domaine.

En moins de six mois, le gouvernement a proposé à la Législature trois projets de loi majeurs relatifs à l'enseignement supérieur. D'abord, la Loi des investissements universitaires, le bill no 58, sanctionné le 5 juillet dernier. Puis la Loi du Conseil des universités, le bill no 57, adopté il y a quelques semaines seulement. Enfin, la Loi de l'Université du Québec, que nous étudions présentement. Ces trois textes législatifs situent maintenant les responsabilités des divers agents compétents en matière universitaire. Ils créent de nouveaux instruments d'action et permettent d'envisager le

départ d'une nouvelle étape dans le développement de l'enseignement supérieur au Québec.

Dans la Loi du Conseil des universités, le gouvernement reconnaît et confirme sa responsabilité quant à une stratégie du développement de l'enseignement supérieur. L'instrument privilégié de cette stratégie, c'est le plan que le ministre de l'Education est tenu de préparer et de soumettre à l'avis du Conseil des universités. On situe ainsi les responsabilités de la Direction générale de l'enseignement supérieur, instrument spécialisé du ministère de l'Education, dont la tâche essentielle n'est pas d'administrer des établissements universitaires, mais de préparer des esquisses du plan et le plan lui-même. On situe également ainsi le Conseil des universités dont l'une des tâches essentielles est de participer à la confection du plan et à toutes les phases de son élaboration.

Le Conseil des universités sera donc ainsi appelé à travailler en étroite liaison avec la Direction générale de l'enseignement supérieur, mais tout en gardant son autonomie vis-à-vis d'elle. A l'intérieur du plan ainsi préparé et tenu à jour, se situent maintenant les établissements universitaires, c'est-à-dire les six universités actuelles, et bientôt l'Université du Québec, avec ses universités constituantes, écoles supérieures et instituts de recherche.

L'on remarquera tout de suite la différence de nature et de fonction entre le conseil des universités et l'Université du Québec. Le premier est un organisme conseil auprès du ministre de l'Education, chargé de le seconder dans la préparation du plan et de lui donner son avis sur le partage annuel des fonds publics, entre les établissements universitaires.

L'Université du Québec, par contre, est un établissement public chargé de développer de nouvelles universités. C'est un instrument d'action. Les universités existantes ont déjà défini leur cadre d'action, leur style d'organisation, le sens de leur évolution et de leur développement. Elles comptent déjà, pour la plupart d'entre elles, de grands nombres d'étudiants de premier cycle. Elles sont maintenant au seuil d'une nouvelle étape, où le développement des études avancées de maîtrise et de doctorat s'imposent. L'Université du Québec, pour sa part, doit s'attaquer d'emblée à la décentralisation des services d'enseignement supérieur en diverses régions du Québec, et permettre d'organiser, à brève échéance, dans deux, trois ou quatre métropoles régionales, un enseignement de premier cycle de qualité et le plus complet possible.

Elle doit aussi se préoccuper particulièrement de la formation et du perfectionnement des maîtres dont le système scolaire a besoin. Elle doit enfin, et le premier ministre le mentionnait en terminant son discours, cet après-midi, identifier des champs de recherche qui sont des domaines clés pour le développement du Québec. Elle doit proposer en ces matières la création d'instituts de recherche à vocation provinciale qui feraient appel, dans leur organisation et dans leur fonctionnement, à toutes les ressources disponibles, que ce soit dans les universités, actuelles comme nouvelles, dans l'industrie, au gouvernement et même à l'étranger.

L'on peut envisager, M. le Président — et j'insiste là-dessus en terminant — que les instituts de recherche constituent à la fois des points de ralliement pour les compétences québécoises et des instruments importants de coopération avec d'autre communautés scientifiques dans divers pays.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. Pierre Laporte

M. LAPORTE: M. le Président, je vais tenter de ne pas dépasser une dizaine de minutes pour exprimer très brièvement et ma satisfaction et les quelques pensées qui me viennent, alors que nous étudions ce projet de loi, qui, tout au moins dans les espoirs qu'il fait naître, est un des plus importants dont cette Chambre ait été saisie au cours de la présente session. Nous avons eu très fréquemment, depuis un certain nombre de mois, d'années, l'occasion de nous prononcer sur la promotion de la culture française, sur les progrès de tous ordres que nous voudrions voir s'installer au sein de la communauté française que nous formons en Amérique du Nord.

Tout ce que nous pourrions dire de fort important sur la langue française, sur sa défense, sur les moyens à prendre pour qu'elle soit de qualité, tout ce que nous pourrions imaginer pour l'avenir du Québec, se résume plus que jamais en 1968 en une formule qui a déjà été utilisée: la bataille des cerveaux. Nous avons, au cours des deux derniers siècles, gagné, — du moins, certains le prétendront — une autre bataille qui celle-là s'appelait bataille ou revanche des berceaux. C'est terminé et nous devons songer à autre chose pour que ce que nos prédécesseurs ont fait puisse se continuer, mais à la mode de 1968, c'est-à-dire que nous avons maintenant une responsabilité périlleuse face à l'histoire; c'est notre vocation à l'excellence. M. le Président, il est un thème que nous de-

vrions songer, collectivement, à développer, particulièrement auprès de la jeunesse. C'est le thème de l'urgence de créer chez nous une société compétente. L'avenir de notre société dépend de la génération des jeunes, et celle-ci aura à concurrencer les experts de la société américaine. On a cité, a satiété, depuis quelques mois, un grand journaliste français qui a écrit un livre qui fera certainement époque et dans lequel il établit avec des mots fort simples, une thèse qui est en train de révolutionner l'Europe, c'est-à-dire que les Américains sont en voie de coloniser le reste du monde, pas tellement par leurs armées ou leurs capitaux que par leurs cerveaux.

Ce journaliste qui a nom Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui est directeur du grand magazine français L'Express, a illustré par des chiffres très probants combien de jeunes de 15 à 25 ans fréquentent les universités américaines, combien de jeunes du même âge sont dans des universités françaises, russes ou canadiennes. Les chiffres correspondent à une réalité, car plus d'Américains que n'importe lequel autre peuple au monde se rendent jusqu'aux études supérieures. Vous avez une productivité, vous avez une compétence et vous avez une science qui, encore une fois, sont en train de créer une sorte de colonialisme dont beaucoup de gens profitent mais qui s'établit au niveau des cerveaux.

Qu'est-ce que nous serons, nous, Québécois, dans ce monde? Où logerons-nous dans cette société compétente? Je crois que c'est une question que tout le peuple québécois doit se poser.

Nous n'aurons que deux réponses: l'éducation et la recherche. Nous avons fait depuis quelques années un effort extrêmement considérable en matière d'éducation au Québec, effort qui s'est traduit par des augmentations de dépenses vertigineuses, par une remise en question globale du système dans lequel nous avons vécu pendant des décennies et qui a malheureusement créé, et c'était fatal, parmi le peuple québécois, une période d'incertitude et d'insécurité.

Nous pouvons quand même croire que, lorsque nous aurons triomphé de cette période de gestation, nous aurons au Québec un système d'éducation qui aura deux qualités fondamentales. Il sera démocratique, c'est-à-dire que tous les jeunes Québécois qui en auront le talent et la volonté pourront poursuivre des études jusqu'aux niveaux les plus élevés. De plus, ce système, et ceci dépendra des maîtres qui le conduiront, de la recherche que nous aurons faite, ce système sera d'une qualité comparable à ce qui se fait de mieux dans d'autres pays du monde.

Il y a un lien direct entre la capacité de survivre — et on voudra utiliser les formules que l'on voudra. « Cessons de survivre et vivons », en est une. La capacité de survivre, puisque c'est de cela qu'il est question, a un lien direct avec le niveau de la recherche scientifique dans une société. On est renversé, lorsqu'on a l'occasion de lire, dans certaines revues spécialisées, ce qui se fait de recherche dans le monde, et que l'on constate que, chez nos amis américains, ce que le gouvernement consacre à la recherche, ce que les grandes sociétés industrielles et commerciales dépensent pour la recherche, dépasse par des chiffres astronomiques ce qui se fait dans le reste du monde.

Nous devons constater chez nous que nous avons notre place à occuper dans le milieu de la recherche, et que traditionnellement, l'enseignement universitaire chez nous ne peut pas et, en fait, ne fait pas suffisamment de place à la recherche. Celle-ci est présentement considérée comme un sous-produit de l'enseignement. Un enseignement très poussé, croit-on, doit normalement conduire à des recherches plus poussées. Or, l'on croit de plus en plus, dans les milieux les plus spécialisés dans ces sortes de choses, que c'est l'inverse qui devrait exister, que l'enseignement devrait se faire à partir des résultats de la recherche. Ceci semble bien être le désir et la constatation des jeunes eux-mêmes, puisqu'ils veulent que diminue le nombre des cours magistraux et que, de plus en plus, les élèves soient amenés à faire de la recherche.

Sait-on que, chez-nous, présentement — c'est devenu un lieu commun de le répéter — nous sommes obligés de recourir aux auteurs américains dans la plupart des disciplines, parce que c'est aux Etats-Unis que la recherche est le plus développée. Nous devons le constater en pensant que jamais nous n'aurons un enseignement bien à nous, si nous ne nous occupons pas de développer nos propres instruments de recherche.

Un de nos ex-journalistes, devenu homme d'affaires, fameux pour les formules percutantes qu'il savait trouver, a dit de la province de Québec récemment que c'était « une fille entretenue qui voudrait sans préavis retrouver sa liberté. » Nous pourrions ajouter, en termes moins violents, que présentement notre enseignement universitaire est emprunté à l'étranger dans sa presque totalité. Si l'on croit - nous avons des sauveurs de la race de tout poil aujourd'hui — que nous allons régler cette situation en traduisant en français des manuels écrits dans une autre langue ou en

francisant tant bien que mal des choses qui nous paraissent ou sont américaines ou qui viennent d'autres pays que du nôtre, nous nous illusionnons profondément.

Donc, nécessité de la recherche, mais nécessité aussi de démocratiser de plus en plus l'enseignement supérieur. J'ai, un jour, rencontré un critique littéraire français avec qui je causais de l'avenir de la littérature au Canada français et qui me disait: L'une des conditions fondamentales, c'est que vous ayez de plus en plus d'auteurs, d'écrivains. Lorsque vous éditez cent volumes par année, vous avez quelques rares chances de trouver une oeuvre de qualité. Si vous produisez 500, 1000 ou 2000 oeuvres différentes, vous augmentez d'autant votre chance, qui devient mathématique après un certain nombre d'années, de produire non seulement des oeuvres de qualité, mais un jour un ou des chefs-d'oeuvre.

Je pense que nous pouvons dire la même chose de cette nécessité que nous avons d'exceller en recherche et de créer chez nous un enseignement de qualité. Nous y atteindrons lorsque, chez nous, les études supérieures auront cessé d'être réservées à une certaine élite de notre société.

L'université du Québec, qui, je le répète, pour l'instant, n'est qu'un espoir, offre une possibilité d'intégrer les institutions universitaires à notre milieu social. Je pense que c'est un des bienfaits qu'elle peut nous apporter. L'un des points faibles les plus importants de ce projet de loi, c'est peut-être que, dans une province où la recherche a été, je dirais, quasi inexistante depuis toujours, l'on tente brusquement de l'émietter, en créant plusieurs petits centres de recherche, alors qu'au contraire on devrait pratiquement interdire qu'il s'en fasse ailleurs que dans un ou deux centres très hautement spécialisés où l'on aurait en même temps la concentration des cerveaux et des capitaux.

Je me souviens - et le ministre de la santé pourrait en témoigner - que, lorsqu'il fut question d'augmenter considérablement dans le Québec le nombre des institutions d'hospitalisation, un plan avait été préparé pour que, dans un certain nombre de petites localités on construise de petits hôpitaux avec certains services très généraux qui pourraient être offerts à la population, que, dans des centres régionaux, on aurait des hôpitaux avec quelques spécialités un peu plus complexes, et qu'on réserverait pour les grands centres, comme Québec et Montréal, les grands instituts où l'on fait en même temps de la chirurgie hautement spécialisée et les recherches les plus poussées en matière de médecine.

C'était pure logique. L'on ne pourrait, pour toutes sortes de raisons, doter la province de Québec d'une douzaine d'instituts de cardiologie, parce que vous n'avez ni les capitaux ni les hommes qui pourraient construire et meubler des institutions de cette envergure.

J'espère qu'au niveau de la recherche, on ne va pas provoquer un émiettement, mais plutôt, entre une ou deux grandes universités, une concurrence qui serait de bon aloi, une concurrence, non seulement entre les universités mais aussi l'industrie qui apportera et sa contribution en argent et sa contribution en compétences intellectuelles.

M. le Président, deux choses m'inquiètent. La première, c'est la crainte de l'émiettement de la recherche, de l'éparpillement des pauvres maigres capitaux que nous avons dans le Québec. La deuxième, c'est que je me demande si, par ce projet de loi, on va créer de nouvelles institutions d'enseignement supérieur, c'est-â-dire de nouveaux foyers de recherche et d'éducation, ou si l'on va simplement regrouper des institutions qui existent actuellement dans la province de Québec.

Je ne crois pas qu'il sera suffisant que l'on coiffe du nouveau titre d'université les institutions qui rendent déjà les services que l'on attend d'elles au niveau où elles existent présentement, pour que le gouvernement puisse dire qu'il s'est acquitté de sa responsabilité, pour que le peuple québécois soit satisfait et pour que l'avenir soit préparé.

La crainte que je formule actuellement n'est pas uniquement la mienne. J'ai eu la curiosité de consulter, hélas, nos travaux sont toujours extrêmement rapides, au cours des quelques dernières 24 heures, un certain nombre de gens qui oeuvrent actuellement dans le milieu universitaire. Ces gens ont vu, avec espoir, naître la possibilité de la création au Québec d'une deuxième université française. Ces gens, unanimement, disent que le projet de loi que l'on nous propose actuellement comporte d'excellentes choses et dans son principe et dans ses modalités. Ils en acceptent et le principe et la plupart des modalités. Mais ces gens ont manifesté certaines inquiétudes que je vais tenter de résumer aussi brièvement que je le peux.

L'une des premières inquiétudes, c'est le défaut de consultation publique, l'absence de consultation. Nous vivons actuellement une époque qui passera peut-être à l'histoire comme une période ou l'ère de la contestation, mais contestation qui veut se doubler de la consultation et du dialogue.

Or, je vous dis qu'un certain nombre de professeurs d'université qui ne font pas profession de contester, gens qu'à aucun moment on a vu

brandissant des pancartes pour ou contre quelque chose, des professeurs qui enseignent tout simplement m'ont dit leur inquiétude devant cette négligence de l'Etat à les consulter.

Et l'un d'entre eux résumait ainsi son inquiétude: Pour ce qui est des consultations publiques, il n'y en a pas eu jusqu'à ce jour. Ce qui laisse présager une attitude assez brutale à l'endroit des professeurs. Un autre dit: Si vous voulez véritablement, dans lé milieu universitaire, du leadership, c'est dans votre corps professoral que vous allez le trouver. Et il ajoutait: Dans ce que l'on nous présente, les professeurs n'ont eu à peu près rien à dire.

M. le Président, j'ai dit au début de ces remarques que nous assistions àla naissance d'une institution extrêmement importante pour l'avenir du Québec. Puisqu'on a mis deux ans et demi à accoucher de ce projet de loi valable — je ne voudrais pas que mes remarques laissent supposer que j'ai des critiques sur le fond — puisqu'on a mis ce temps à préparer ce texte, pourquoi n'a-t-on pas songé plus tôt, nous le faisons sur des sujets infiniment moins importants, à consulter publiquement? Et le corollaire à cette critique que je formule, c'est ceci: Est-ce qu'il est à ce point urgent de créer l'Université française du Québec dans les quelques jours qui vont venir, est-ce qu'il est à ce point urgent de le faire qu'on doive renoncer à motiver, pour utiliser des mots à la mode, toutes les personnes qui seront directement concernées par l'université, c'est-à-dire les professeurs, les élèves et le public qui, lui, sera à la fois celui qui va alimenter l'université par ses impôts et celui qui, à courte et à longue échéance, va profiter ou va se trouver mal servi par les institutions que l'on s'apprête à créer?

Si l'on veut créer pour le mois de septembre 1969, comme le gouvernement l'a promis, la deuxième université française, il est d'ores et déjà évident qu'il va s'agir de regrouper à Montréal un certain nombre d'institutions qui existent déjà. Alors, pourquoi ne pas référer le projet de loi — je n'en ferai certainement pas une motion — pourquoi le gouvernement ne songerait-il pas à prendre quelques jours pour dire: Nous allons consulter tous ceux qui veulent l'être. S'il décide, après coup, de ne pas modifier substantiellement son texte, il aura au moins la conviction d'avoir permis aux gens de s'exprimer.

Si je peux me permettre de citer un souvenir de mes années de journalisme, un journaliste du Devoir, qui n'était pas moi, avait préparé sur une certaine université un certain nombre d'articles assez vigoureux. Et on s'était plaint, parmi les gens qui étaient au courant, de ce que la publication des articles retardait.

M. Filion, directeur du Devoir, avait répondu à l'un deux: « L'on n'a pas fini d'exercer des pressions sur moi. » M. Filion n'ani changé la décision de publier, ni changé le texte des articles. Mais, il a pu dire, après coup: Tous ceux — les intéressés — qui ont voulu communiquer avec le directeur du Devoir, lui écrire ou protester auprès de lui ont eu l'occasion de le faire.

Je crois que le gouvernement ferait bien de tenter, sur un sujet aussi peu politique que celui-là — je pense que le débat d'aujourd'hui en est une preuve évidente — de faire, dans toute la mesure du possible, l'unanimité ou, du moins, de donner à chacun l'occasion d'exprimer son point de vue. Parmi les critiques que l'on fait — j'ai parlé tout à l'heure de la recherche — un spécialiste de l'éducation dit que si l'on multiplie ces centres de recherche, on risque de se retrouver devant des groupes de pression ou de « lobbies » qui représenteront les différentes universités. L'un de ceux avec qui j'ai communiqué considère comme une grave lacune que l'on ne prévoie aucun lien organique antre les universités qui existent déjà et l'Université du Québec, si ce n'est que les universités qui existent déjà pourront, si elles le désirent, avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, passer sous la coupe de l'Université du Québec.

M. le Président, j'avais dit que je serais très bref. J'ai un peu entamé cette déclaration que j'ai faite au début. Je voudrais dire au gouvernement que, là encore, il ne donne pas au Québec une nouvelle université française. Il donne au Québec une nouvelle structure, un instrument de travail. Je l'ai dit lorsque nous avons créé le ministère de l'Immigration: c'est un instrument. Nous saurons, dans les quelques mois à venir, ce que l'on fera de cet instrument. En créant l'Université du Québec, on ne bâtit pas une nouvelle institution qui vient s'ajouter à l'université de Montréal, à l'université Laval et aux autres: on crée un cadre juridique qui regroupera, pour l'instant, un certain nombre d'institutions. J'espère que l'objectif que l'on se propose de créer graduellement des centres universitaires à divers endroits de la province de Québec va se réaliser avec toute la célérité compatible avec les finances du gouvernement et que ces centres seront de véritables institutions d'enseignement supérieur.

S'il s'agit de créer des institutions qui seraient surtout consacrées à la formation des maîtres, pas besoin de créer l'Université du Québec; nous avons déjà, à l'intérieur du mi-

nistère de l'Education, toutes les structures voulues. Nous avons besoin, dans le Québec, d'un certain nombre de gens dans certaines professions bien déterminées,, Nous avons besoin, dans le Québec, d'une société compétente. Nous avons besoin, dans le Québec, de mettre l'accent sur la recherche.

Si l'Université du Québec contribue à nous faire atteindre ces buts, ces objectifs, comme je l'espère, elle aura répondu aux espoirs que l'Opposition et toute la population du Québec mettent dans ces nouvelles structures. Autrement, et nous n'hésiterons pas à le dire à l'époque — j'espère n'avoir jamais à le dire — le peuple du Québec encore une fois aura perdu la proie pour n'avoir que l'ombre.

M. le Président, le gouvernement nous présente un bill acceptable. A lui maintenant de se mettre au travail avec une célérité qui ne lui a pas été coutumière, mais qui pourra dans ce cas particulier rendre d'éminents services.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: Je passerai sûrement, M. le Président, pour un laïque dans la discussion sur l'université, surtout à propos du bill no 88, mais je ne peux passer sous silence ce dixième anniversaire qui ce soir, pour nous de la région de Trois-Rivières, est très significatif.

Il y a en effet dix ans, en ce même mois, s'organisait dans la région de Trois-Rivières le Centre des études universitaires de notre région. C'était à la suite d'une lettre de Son Excellence monseigneur Georges-Léon Pelletier qui m'écrivait: « Pour faire suite à notre entrevue téléphonique d'hier, je suis heureux de vous confirmer par écrit que les problèmes de l'enseignement étudiés depuis la dernière décennie nous amènent actuellement de grands projets universitaires. Il ne s'agit peut-être pas d'une université proprement dite pour le moment. Toutefois, nous pensons qu'il est opportun de grouper les écoles et cours universitaires qui se donnent Ici présentement. Dans le but d'unifier notre enseignement universitaire et de le promouvoir selon les besoins, tenant compte des possibilités académiques et financières, nous mettrons sur pied incessamment un organisme supérieur d'enseignement et de formation qui comprendra: 1) un conseil de vigilance; 2) un conseil d'administration; 3) un conseil académique pour chaque école concernée et 4) un syndicat de fiducie. « Tous ces rouages universitaires dépendent entièrement de nous, sauf le conseil académique des écoles sous la juridiction de l'université Laval. Une école existe ici à Trois-Rivières, l'autre à Shawinigan, une troisième devrait commencer à l'automne. Nous avons également d'autres écoles qui pourront très bientôt atteindre le degré universitaire. Une chose est certaine, c'est que le conseil universitaire une fois formé permettra l'éclosion rapide de plusieurs branches de l'enseignement supérieur. Nous comptons que la divine Providence et ceux qui l'aident sur cette terre sauront nous permettre de rendre plus facilement à maturité la foison des talents de chez nous. « Je sais, honorable ministre, que vous êtes gagné à cette cause du développement de l'esprit, ainsi que de la meilleure mise en valeur des possibilités débordantes de la jeunesse. Il me serait bien agréable que vous puissiez faire part à l'honorable premier ministre de nos modestes amibitions, mais surtout de notre grand amour de servir. »

Et cette lettre était signée: Georges-Léon Pelletier, évêque de Trois-Rivières, en 1960.

Déjà deux ans s'étaient écoulés depuis la formation du Centre des études universitaires chez nous. C'est pour moi un bien vif plaisir d'avoir entendu cet après-midi l'honorable premier ministre annoncer officiellement dans son discours: « Enfin, pour le bénéfice des membres de cette Chambre, je donnerai la liste des institutions directement touchées par la création de l'Université du Québec et de ses universités constituantes... Pour l'Université du Québec à Trois-Rivières: l'Ecole normale Duplessis et le Centre des études universitaires. »

C'était et c'est un rêve que nous avions caressé depuis longtemps pour toute notre région. Dans un milieu bien à eux, les gens de chez nous, particulièrement ceux du coeur de la M auricle, iront là chercher comme ils le font depuis dix ans, avec des méthodes encore plus modernes, la formation universitaire.

Cette formation est absolument nécessaire pour ceux qui, demain, dans le monde des affaires, le monde industriel ou même le monde qui se dirige vers l'enseignement, sont absolument obligés d'obtenir ces diplômes essentiels à la poursuite de leur carrière.

Trois-Rivières, le coeur de la Mauricie, M. le Président, c'est un réservoir de capital humain. Combien l'avons-nous prouvé depuis une décennie! Combien d'hommes importants, sérieux, bien formés, de grands universitaires sont partis de chez nous et sont allés, à l'étendue de la province, des autres provinces du pays ou même aux Etats-Unis, prouver que nous

avions réellement, chez nous, dans ce patelin qui m'est particulièrement cher, des talents extraordinaires. Mais s'ils n'avaient pas eu ce début, ce Centre des études universitaires, ils n'auraient pas atteint le sommet où ils brillent aujourd'hui par leur science.

Est-ce que je pourrais, ici, M. le Président, pour l'édification du public surtout, noter de façon particulière que, dans notre région de grands universitaires sont passés. Ils ont réussi à faire leur marque même malgré leur jeune âge. Faudrait-il que je vous rappelle le nom, aujourd'hui illustre, d'un de nos concitoyens, le docteur Grondin? Il est passé par notre séminaire, par les premières années de notre centre universitaire et, aujourd'hui, à travers le monde, il a fait sa marque en médecine.

Je suis particulièrement heureux aussi de vous dire combien de chefs de file, depuis que nous avons l'insigne honneur d'avoir dans notre patelin ce Centre d'études universitaires, ont été formés et dirigés vers une action plus dynamique en faveur des gens de chez nous.

Mo le Président, je voudrais rendre un témoignage bien particulier à cet homme infatigable qu'est l'abbé Boulet. Il a lui-même, dès le début, organisé, recherché dos appuis. Il a donné véritablement toute sa mesure en obtenant, par son travail et sa ténacité, enfin par ses soins, la réalisation que tous désiraient ardemment, cette université constituante qui fera partie du grand tout de l'Université du Québec.

M. le Président, je ne voudrais pas allonger ce débat mais à tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à l'organisation de ce Centre des études universitaires, à tous ceux qui y ont contribué, à tous ceux qui ont voulu, par leur dévouement et leur ténacité, réaliser aujourd'hui chez nous cette université constituante, je dis merci. Nous sommes particulièrement heureux, nous qui avions provoqué, dans le temps, un éditorial qui me rendait un témoignage extraordinaire, comme le disait cet après-midi l'honorable chef de l'Opposition, qui citait lui-même un discours qu'il avait fait en 1966. Je me fie à sa modestie pour emprunter la tactique à laquelle il a eu recours cet après-midi.

M. LESAGE: J'ai parlé au moins avec humour!

M. BELLEMARE: Alors, avec humour, en 1959, dans ce grand journal Le Nouvelliste, il y avait déjà un éditorial en faveur du député de Champlain, qui prêchait pour une université dans la cité de Trois-Rivières.

M. LACROIX: Cela a coûté combien? M. BELLEMARE: Pardon?

M» LACROIX: Cela a coûté combien, cet éditorial-là?

M. BELLEMARE: Beaucoup de dévouement de la part de celui qui vous parle!

M. LACROIX: De la part du journaliste, ç'a certainement demandé du dévouement!

M. BELLEMARE: Ah! pour ma modestie, je ne voudrais pas le lire, mais je pourrais peut-être en faire tirer des copies à l'avantage de l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine! Mais déjà, j'étais un de ceux qui réclamaient une université pour notre région, n'ayant pas eu personnellement le privilège de bénéficier de cette formation universitaire. J'avais, dans ma carrière et dans ma vie, voué toutes mes énergies à demander et à réclamer que, chez nous, dans notre région, on ait des écoles supérieures, des écoles bien adaptées à notre population, mais particulièrement une université pour que, chez nous, on puisse atteindre ce stade de développement qui donne à ceux qui ont l'avantage de suivre ces cours une formation merveilleuse.

Je suis particulièrement fier aujourd'hui. Je remercie l'honorable premier ministre qui a fait, dans ce domaine, un travail merveilleux. Il a été, depuis longtemps, un ami de l'éducation. Il l'a prouvé une fois de plus cette année en présentant ce bill 88 qui nous reconnaît, particulièrement à nous de la région des Trois-Rivières, une université constituante, pour le plus grand bénéfice de tous et de chacun.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: En guise non pas de réplique, mais pour apporter quelques réponses à des questions qui ont été posées et de manière à éviter que ces réponses soient fournies en comité plênier où on pourrait y revenir, je voudrais tout simplement dire ceci: D'abord on a soulevé le problème de la consultation. Quand on parle du bill 88, qui s'intitule Loi de l'Université du Québec, il ne faut pas oublier que des travaux ont été commencés il y a plusieurs années.

Premièrement, la commission Parent a étudié tous les problèmes de l'éducation, a reçu des

mémoires, entendu des témoins, et des experts de l'enseignement élémentaire, de l'enseignement secondaire, de l'enseignement postsecondaire, de l'enseignement universitaire. Donc, consultation à peu près la plus large possible avec les milieux de l'enseignement et, en particulier, de l'enseignement universitaire.

Deuxièmement, il y a eu le rapport Rocher, publié en 1965, et qui porte surtout sur la deuxième université de langue française à Montréal.

M. LESAGE: Cela a été connu au début de 1966. Il était daté de décembre 1965.

M. BERTRAND: Oui, daté de décembre 1965. De plus, d'autres travaux ont été entrepris. Le chef de l'Opposition assistait, comme moi, hier, à la cérémonie traditionnelle et annuelle de l'université Laval, la fête patronale où nous avons entendu parler du rapport Roy qui prévoit, disons, un renouveau — comme le recteur de l'université Laval l'a appelé — à l'université Laval, certains changements d'orientation et une modernisation universitaire.

En plus de cela, de la province voisine — je l'ai noté cet après-midi — nous avons eu le rapport MacPherson de l'université de Toronto et le rapport Spinks sur l'enseignement gradué en Ontario. Des documents nous sont venus des Etats-Unis; d'autres nous sont venus de France, en particulier des textes des colloques de Caen et les derniers textes administratifs sur la réforme universitaire en France, qui ont conduit le gouvernement français, à la suite de la contestation étudiante dont on a beaucoup parlé, à la Loi de la réorganisation de l'enseignement universitaire en France, déposée le 7 novembre au Parlement français.

Mais, en plus de cela, il y a eu ce groupe, « recherche et développement ». Je voudrais ici donner des noms et le milieu que ces gens représentent: M. Germain Gauthier, directeur de l'enseignement supérieur du ministère de l'Education; M. Pierre-Yves Paradis, universitaire qui a exercé ses activités à l'université de Montréal, à l'université de Sherbrooke, à l'université Laval, et qui est maintenant directeur général de la formation des maîtres.

Maurice Labbé, vice-recteur de l'université de Montréal; Michel Normandin, vice-recteur de l'université de Sherbrooke; Pierre Dagenais, de l'Ecole normale supérieure de l'université de Montréal; Pierre Harvey, de l'Ecole des hautes études commerciales; Maurice Boisvert, vice-doyen de la faculté des sciences de l'université Laval; Jacques Brazeau, du département de sociologie de l'université de Montréal; Fernand Dumont, directeur de l'Institut supérieur des sciences humaines de la faculté des sciences de l'université Laval; Louis Berlinguet, vice-doyen de la faculté de médecine de l'université Laval; Louis Rousseau, directeur général adjoint à l'enseignement supérieur de l'université Laval; Pierre Martin, conseiller technique, directeur de la planification au ministère de l'Education; Bernard Landry, chargé de missions au cabinet du ministre de l'Education; Gérald Martin, conseiller technique à la direction de la planification au ministère de l'Education, et le secrétaire, Claude Benjamin.

Maintenant, au sujet du comité de planification de l'Université du Québec à Montréal; président pro tempore, Germain Gauthier, directeur général de l'enseignement supérieur au ministère de l'Education. Etablissements scolaires, personnel de direction: Roger Lan-glois, directeur de l'école normale de l'enseignement technique de Montréal; Gérard Beaudry, directeur de l'école normale Jacques-Cartier; Louis-Philippe Boisseau, directeur de l'école normale Ville-Marie; P.-E. Gingras, recteur du collège Sainte-Marie. Personnel enseignant: Pierre Daigneault, école normale Ville-Marie; Michel Savoie, école des beaux-arts; Bruno Deshaies, école normale Jacques-Cartier; Arel Malouin, collège Sainte-Marie; Guy-W. Richard, école normale de l'enseignement technique. Personnel étudiant: Michel Renaud, Association étudiante du collège Sainte-Marie de Montréal; Reynald Mercil, de l'école normale Ville-Marie; Laurent Dugas, école normale Jacques-Cartier; Pierre Lapoin-te, école normale de l'enseignement technique Brossin de Montréal. Milieu universitaire, au sujet de cette deuxième université française de Montréal: Maurice Labbé, vice-recteur de l'université de Montréal; Michel Normandin, dont j'ai donné les noms tout à l'heure, vice-recteur de l'université de Sherbrooke; Pierre Dagenais, Pierre Harvey et des représentants du ministère de l'Education, de même que de la mission de coordination des institutions de formation des maîtres.

J'examine maintenant le comité de planification de l'Université du Québec à Trois-Rivières, et je remercie le député de Champlain de ses propos. Il a dit qu'il était un laïque. Mais si tous les laïques et tous les gens qui n'ont pas eu l'occasion de fréquenter des institutions d'enseignement supérieur avaient, comme lui, apporté autant de dévouement, de recherche, de labeur et d'énergie pour conquérir les moyens qui lui permettent, à l'heure actuelle, au Parlement de Québec, de jouer un rôle de premier plan, s'il en est un qui mérite

des éloges, c'est le député de Champlain...

A cette Université du Québec à Trois-Rivières, dont les jalons sont déjà posés, la composition du comité de planification, est faite avec le président, M. Henri Audet. Aux établissements scolaires; il y a M. Gilles Boulet, prêtre, recteur du Centre des études universitaires, dont vous avez donné le nom tout à l'heure M. Robert Champagne, le directeur de l'école normale Duplessis.

Personnel enseignant; Paul Gagné, professeur, école normale Duplessis, Marcel Lefebvre, professeur au Centre des études universitaires. Personnel étudiant: Gilles Julien, étudiant de l'école normale Duplessis, Réginald Samson, étudiant du centre des études universitaires; milieu sociaux-économiques: Henri Audet, président du poste CKTM-TV; Gérald Durocher, directeur général du conseil économique régional de la Mauricie; Raymond Lo-ranger, secrétaire général du Collège d'enseignement général et professionel de Trois-Rivières; milieu universitaire: M. Maurice Boisvert, vice-doyen à la faculté des sciences de l'université Laval; M. Jacques Brazeau; et du ministère de l'Education, MM. Louis Rousseau et Pierre Martin, membres de la mission de la formation des maîtres; Jean-Bernard Guindon, Roger Lamy, secrétaire; André Brous-seau, du Centre des études universitaires.

M. le Président, il y a également — et je l'ai noté cet après-midi — un comité de coordination de l'enseignement supérieur au Saguenay qui comprend le président et directeur de l'école de génie de Chicoutimi, le frère P.-E. Boulet; M. Antoine Lavallée, secrétaire de l'école de commerce de Chicoutimi; M. Noël Tremblay, directeur du centre de la formation des maîtres, et les autres membres, M. Ma-jorique Néron, président du groupe Saint-Thomas de Chicoutimi; M. Gaston-P. Tremblay, président de l'école de commerce et de génie de Chicoutimi; M. l'abbé Jean-Guy Girard, directeur des études au grand séminaire de Chicoutimi; M. le docteur Camille Jourdain, directeur des études médicales à l'Hôtel-Dieu Saint-Vallier; Gilles Bergeron, professeur à l'école de génie de Chicoutimi; Louis-Marie Bouchard, professeur au centre de formation des maîtres, et, de nouveau, deux délégués du ministère de l'Education, MM. Louis Rousseau et Pierre Martin.

De la consultation, du dialogue, des rapports, groupes de travail, groupes de recherche et de développement, de tout cela à un moment donné et j'utilise parfois cette expression: Quand le dialogue a eu lieu, quand les recherches ont été effectuées, quand les con- sultations ont permis à des personnes directement reliées à l'étude de ces problèmes de préparer un projet de loi, il arrive à un moment où il faut prendre une décision. Cette décision, elle a été prise à la lumière de tous ces renseignements colligés. Elle a été prise à la suite de toutes ces consultations, et le député de Chambly notait tantôt que ce bill représentait un espoir. Tant qu'il y a de l'action, il y a de l'espoir et à l'heure actuelle, c'est l'action législative. Le dialogue pourra se continuer, dans tous les milieux où les universités constituantes devront être établies, puisque — nous l'avons noté — il faudra la coopération de groupes sociaux-économiques, il faudra la coopération du corps professoral, des étudiants d'un milieu donné, soit à Trois-Rivières, à Rimouski où dans l'avenir, sans aucun doute, il y aura lieu aussi de regrouper des institutions et d'établir, probablement, comme à Chicoutimi et à Trois-Rivières, une université du Québec.

Donc, la consultation je crois avoir démontré qu'elle a eu lieu et que cette consultation ou ces consultations nous ont amenés à présenter le présent projet de loi.

Deuxièmement, on a parlé des professeurs et je pense que c'est le chef de l'Opposition qui, cet après-midi me disait: Aurez-vous tous les professeurs?

M. LESAGE: J'ai demandé si des études, avaient été faites avec projection sur les années a venir, quant au bassin de professeurs dont on pourrait disposer.

M. BERTRAND: Voici la réponse...

M. LESAGE: Je l'ai fait sans critique; j'ai posé la question.

M. BERTRAND: Voici la réponse que je peux fournir à ce moment-ci. Le recrutement des professeurs sera évidemment la première préoccupation de l'assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec et du conseil d'administration de chacune des universités constituantes dès qu'elles auront obtenu leurs lettres patentes, et même auparavant.

Il y a déjà des comités de planification provisoires. J'ai donné des noms au sujet de Trois-Rivières; j'en ai donnés au sujet de Chicoutimi. A Montréal, j'ai donné les noms de ceux qui s'occupent de ce comité de planification. Donc, comités de planification provisoires à Montréal, à Trois-Rivières et à Chicoutimi, qui ont commencé à s'occuper de cette question du recrutement des maîtres. Un sous-comité a été for-

mé à cette fin à Montréal, à Trois-Rivières et à Chicoutimi.

Dans tous les cas, l'Université du Québec pourra d'abord compter sur les professeurs de compétence universitaire qui enseignent déjà dans les institutions et qui apporteront leur contribution à la formation des universités constituantes. Ces institutions, je les ai énumérées lors de mon discours de deuxième lecture.

Quant au problème de recrutement des professeurs, il fait partie des questions prioritaires dont s'occupent déjà ces comités de planification qui ont été mis en place depuis quelques semaines dans le but de préparer des documents de travail qui seront remis aux organismes responsables dès leur formation, c'est-à-dire l'assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec et les conseils d'administration des universités constituantes. Ces comités provisoires de planification sont formés de représentants des milieux intéressés et sont assistés de professeurs des universités de Sherbrooke, de Québec, de Montréal, de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole des hautes études commerciales.

Le travail de ces comités porte, premièrement, sur les programmes et l'organisation de l'enseignement; deuxièmement, sur l'administration et la gestion financières; troisièmement, sur l'équipement; quatrièmement, et en priorité, je le répète, sur le personnel enseignant. Le groupe dit de « recherche et développement » coordonne le travail de tous ces comités locaux de Montréal, Trois-Rivières et Chicoutimi en attendant, bien entendu, la formation de l'assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec.

Dans le cadre de ce groupe « recherche et développement » au niveau provincial, un comité existe pour établir la liaison avec chaque comité local qui s'occupe des ressources humaines, c'est-à-dire essentiellement du personnel d'enseignement et de recherche de l'Université du Québec, à Montréal, Trois-Rivières et Chicoutimi.

De plus, auprès de ce groupe, a été constitué un comité technique des communications, qui a pour mandat de proposer les moyens d'organiser, entre les universités constituantes, un réseau de communications faisant appel à l'informatique et à la télévision. Ce sont là des moyens modernes dont parlait, cet après-midi, le chef de l'Opposition, avec beaucoup d'à-propos. De cette façon, les transmissions de documentation et de cours seront, dans quelques années, des opérations courantes, dans le cas de l'Université du Québec. Enfin, je mentionne que le comité des ressources humaines du groupe « recherche et développement » prépare une opéra- tion que l'on appelle rapatriement des compétences québécoises actuellement à l'étranger, aux Etats-Unis et en Europe.

Déjà, des dizaines d'offres nous parviennent de Québécois actuellement à l'étranger, sans qu'aucune prospection n'ait encore été faite. Pour l'information des membres de la Chambre, je souligne, de plus, que le groupe « recherche et développement » a établi un document de travail indiquant les priorités de recrutement du nouveau personnel enseignant dans les secteurs où nous sommes les plus faibles au Québec, en général. A l'aide de ce document, il sera possible d'entreprendre des actions systématiques de rapatriement et de recrutement.

M. le Président, je crois avoir répondu à deux des questions qui ont été posées. Le député de Chambly a parlé de l'émiettement de la recherche. Au contraire, qu'il se rappelle cette loi du Conseil des universités que nous avons adoptée, le bill 57, et sa commission de la recherche. On y voit qu'il faudra que le conseil propose une politique de la recherche universitaire. Au sous-paragraphe H) de l'article 3, on peut lire, dans le bill 57: « Maintenir des liens étroits avec les organismes responsables de la recherche et faire des recommandations au ministre de l'Education relativement au développement de la recherche universitaire. » Les instituts de recherche sont justement des centres à vocation provinciale, qui permettront le regroupement des ressources avec le concours de toutes les universités et de l'industrie. Voilà pour la recherche.

Je n'insiste pas sur les moyens modernes. Le chef de l'Opposition et tous les membres de la Chambre savent fort bien que, lorsque l'on envisage l'éducation de l'an 2000, ce n'est certainement pas avec les moyens actuels que l'on pourra répondre aux besoins de l'avenir. Il nous faudra utiliser les moyens les plus modernes, mais qui exigeront nécessairement de l'Etat des sommes fabuleuses.

C'est pourquoi chaque fois que j'ai eu à parler du problème de l'éducation autant dans l'Opposition que de ce côté-ci, j'ai toujours indiqué à la population que, pour des services meilleurs, pour assurer à notre jeunesse, une préparation encore plus adéquate, je suis de ceux qui croient qu'un peuple comme le nôtre n'aura de vie rayonnante, vigoureuse et dynamique qu'en autant qu'il appliquera la règle de l'excellence et de la compétence. Ce n'est qu'à ce prix que nous durerons.

M. le Président, et j'en arrive à cette dernière question du chef de l'Opposition. Combien tout cela va-t-il coûter? J'aimerais beaucoup pouvoir lui donner la réponse la plus précise...

M. LESAGE: J'ai parlé d'un ordre de grandeur. J'ai bien spécifié. Pas au dollar,

M. BERTRAND: L'ordre de grandeur. Non... M. LESAGE: Non, non.

M. BERTRAND: J'ai ici, M. le Président — et Dieu sait, combien autant le chef de l'Opposition qui a été ministre des Finances, que mon collègue à gauche, le ministre des Finances actuel, combien tous deux savent que lorsque l'on parle d'estimation préliminaire des subventions pour l'Université du Québec, on ne peut apporter aucune précision - je voudrais le dire comme on le dit souvent en langage d'avocat: sans préjudice et sous réserve. Voici ce que l'on dit...

M. LESAGE: Sous toute réserve que de droit.

M. BERTRAND: Oui, sous toute réserve, et sans préjudice.

Selon des prévisions faites en collaboration avec les institutions en cause et les comités régionaux de planification, on estime provisoirement — je note provisoirement — en nombre d'abord, les chiffres suivants: les inscriptions équivalent à temps plein dans les universités constituantes de l'Université du Québec en 1969/70, l'année qui vient. L'Université du Québec à Montréal, 6,000 étudiants. L'Université du Québec à Trois-Rivières, 2,100. L'Université du Québec à Chicoutimi, 1,500. Chiffre provisoire global, 9,600. Il va de soi et j'y reviens que ces chiffres comme tous les chiffres que je viens d'indiquer sont sujets à des revisions, à la suite d'études en cours. Des prévisions plus précises pourront être disponibles vers le début de mars 1969, d'après un rapport qui nous parviendra alors du groupe dont j'ai parlé tantôt, « recherche et développement ». Le coût par étudiant, c'est ici encore et je le répète, sous toute réserve et sans préjudice. Le coût par étudiant varie considérablement suivant les niveaux et la nature des enseignements. Ainsi, par exemple, l'enseignement doctoral coûte plus cher que l'enseignement du premier cycle. Et l'enseignement des sciences exige des dépenses plus élevées par étudiant que l'enseignement des lettres. Les universités actuelles, prévoient pour l'année 1969/70, un coût moyen global de l'ordre de $2,700 par étudiant. Ce coût tient compte d'enseignement tel que celui de la médecine, de l'art dentaire, etc.

Pour l'année 1969/70, il est prévu que l'Université du Québec ne donnera qu'à un petit nom- bre d'étudiants des programmes autres que ceux du premier cycle.

Ce seront des universités naissantes. Par ailleurs, au moins dans l'immédiat, il n'est pas prévu que l'Université du Québec — et je réponds là, pour le moment du moins, à une question qui était soulevée par le député de D'Arcy-McGee — il n'est pas prévu, dis-je, que, pour le moment, l'Université du Québec organise des programmes dans des domaines comme celui de la médecine. Cela, c'est dans l'immédiat.

Dans les cadres de l'Université du Québec, on prévoit les coûts provisoires suivants par étudiant: à Montréal, deuxième université française, $2,300 par étudiant; à Trois-Rivières, $2,000; à Chicoutimi, $2,000.

La différence entre Montréal, d'une part, et Trois-Rivières etChicoutimi, d'autre part, tiendrait particulièrement à des coûts plus élevés de location et d'équipement, dans le premier cas.

Voilà, M. le Président, quelques chiffres que je peux donner provisoirement. Nous serons en meilleure posture, lors de la présentation du budget de 1969, d'indiquer les coûts. Vous le verrez par le budget du ministère de l'Education. Mais, dans ce domaine, quand, d'une part, l'on parle d'accessibilité encore plus grande de manière que ceux qui ont le talent et la volonté de s'instruire puissent se rendre à l'université, il y en a qui utilisent l'expression « gratuité ». Je sais dans quel sens on l'utilise. Nous voudrions tous que tous ceux-là qui ont le talent, tous ceux-là qui ont la volonté puissent accéder à l'université, puissent obtenir tous les rudiments d'une éducation qui leur permette d'exercer pleinement un métier, une profession, une technique. Mais l'on sait que, dans ce domaine, M. le Président, l'Etat, le gouvernement, quel qu'il soit, ne peut aller, quant à sa contribution, au-delà des possibilités financières qui ne lui viennent que des contribuables.

Donc, point de promesses fallacieuses, point d'engagements qui ne seraient pas mûris et qui ne reposeraient pas sur une capacité de l'Etat d'assumer des dépenses accrues. Nous souhaitons tous qu'à la suite des pourparlers qui s'engagent avec l'autorité centrale, l'on comprenne davantage combien, pour toutes les provinces canadiennes et en particulier pour le Québec, le domaine de l'éducation qui voit d'une année à l'autre son budget passer... En 67/68, le budget était d'environ $590 millions; il a passé, cette année, à la somme globale de $750 millions et il devra s'accroître davantage encore à l'avenir. J'espère que les autorités d'un autre gouvernement réaliseront qu'à l'heure actuelle le

fardeau le plus lourd des dépenses publiques, ce sont les provinces — et en particulier le Québec dans le domaine de l'éducation — qui doivent les assumer et que l'on voudra nous fournir les moyens de contribuer davantage à l'éducation à tous les paliers; élémentaire, secondaire, postsecondaire et universitaire, afin d'assurer au Québec un avenir encore meilleur, en préparant ainsi la jeunesse qui est l'espoir de l'avenir.

M. LESAGE: Comme il est presque dix heures, pourrais-je demander au premier ministre de tenter de nous obtenir, s'il le peut, pour demain, alors que nous étudierons le projet de loi en comité plénier, les chiffres suivants pour chacune des universités constituantes qu'il a mentionnées tantôt, celle de Montréal et les trois autres? Premièrement, quels sont les coûts d'opération pour les écoles de l'Etat pour 68/69?

Deuxièmement, quelles sont les subventions versées en 68/69 aux institutions privées qui feront partie des universités constituantes? Ce qui nous permettrait, n'est-ce pas, de faire une comparaison, qui serait un peu boiteuse car il y a tout de même une différence d'une année et une différence du nombre d'élèves, mais enfin qui nous donnerait une meilleure idée comparative des coûts.

M. BERTRAND: Les questions que vient de poser le chef de l'Opposition ont été enregistrées et nos conseillers, qui sont dans mon bureau, en ont pris note. Je m'excuse, mais demain, je devrai m'absenter. Mon collègue, le ministre d'Etat à l'Education, aura en main tout mon dossier. Il sera assisté de tous nos conseillers et sera en mesure de répondre, j'en suis convaincu, à toutes et chacune des questions que les députés de la Chambre voudront bien lui poser. Je ne voudrais pas que mon absence puisse retarder l'adoption de cet important projet de loi.

M. LESAGE: Nous allons certainement profiter de la présence du premier ministre pour l'adopter en deuxième lecture ce soir.

M. BELLEMARE: Très bien. M. BERTRAND: Merci.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. BERTRAND: On pourrait passer en comité.

M. LAPORTE: Demain, nous profiterons de l'absence...

M. LESAGE: Nous pouvons considérer que nous sommes allés en comité et que le président a rapporté le progrès. Alors quel sera le programme?

M. BELLEMARE: Demain? Il y aura d'abord le bill no 88 à terminer. Nous commencerons aussi l'étude du bill de l'OPTAT qui est prêt. Cela ira probablement à demain soir pour l'étude en comité.

M. LESAGE: Oui, je comprends.

M. BELLEMARE: Nous aurons, je pense, quelques discours de notre côté, de la part de certaines personnes qui veulent absolument se faire entendre. Je sais qu'il n'y en a pas du côté de l'Opposition.

M. LESAGE: Oui, il y en a plusieurs.

M. BELLEMARE: Ah, c'est vrai, il y en a. Cela nous donnera probablement le temps d'aller demain soir en comité plénier...

M. PINARD: Nous nous sommes habitués pendant la grève, vous savez.

M. LESAGE: Etant donné qu'il faut étudier ces bills très rapidement, j'aurais deux questions à poser en ce qui concerne le bill de l'OPTAT. J'ai fait une lecture rapide du bill. Que voulez-vous? J'ai été ici toute la journée pour discuter du bill de l'Université du Québec. Je comprends que ce n'est peut-être pas absolument conforme au règlement de la Chambre, M. le Président, mais d'un autre côté, je crois que ce serait de nature à hâter les travaux. On dit ici; « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer le nombre des membres du conseil, la durée de leur mandat et l'étendue de leurs pouvoirs ».

Je trouve que c'est aller un peu fort. Je voudrais bien savoir s'il y a des précédents.

Procède-t-on par règlement, pour accorder des pouvoirs aussi étendus? Je trouve ça pas mal fort. Il y a un autre point sur lequel j'aimerais bien avoir l'opinion du ministre des Finances. En vertu de l'article 13, l'OPTAT voudrait accepter des contributions qui seraient déposées dans un fonds spécial géré par le Conseil de la trésorerie. C'est du nouveau, ça, M. le Président. J'ai peur de ça. C'est un autre précédent, à moins qu'on ne prouve le contraire. Ce n'est pas une façon de procéder avec l'argent du public.

M. BELLEMARE: C'est géré par le Conseil de la trésorerie ou par l'office?

M. LESAGE: Par le Conseil de la trésorerie. « Les contributions qui y sont versées, et les revenus qu'il produit sont placés et déposés par le Conseil de la trésorerie, sous le contrôle du lieutenant-gouverneur en conseil ». C'est une procédure dont je n'ai jamais entendu parler.

M. BELLEMARE: Nous en avons pris note, M. le Président, et nous seront sûrement en position de répondre à l'honorable chef de l'Opposition demain et de lui fournir des explications.

Je voudrais aussi dire ce soir, avant l'ajournement...

M. LEVESQUE (Laurier): Avant que ça se termine, le leader du gouvernement pourrait-il donner l'ordre dans lequel on va voir venir — il y a une certaine bousculade, à la fin de la session — les bills qui sont devant la Chambre? On a OPTAT...

M. BELLEMARE: D'abord le bill 88 de l'université du Québec demain. L'OPTAT ensuite. Viendra mercredi, l'étude en comité du bill de la construction. J'en ai averti l'honorable chef de l'Opposition et le leader parlementaire de l'Opposition, ainsi que le député, à qui j'ai fait parvenir ce soir à Montréal tout un cahier de notes explicatives.

M. LESAGE: J'ai commencé à lire les notes explicatives, et la peur m'a pris.

M. BELLEMARE: Vous êtes peureux!

M. LEVESQUE (Laurier): Alors demain, c'est le bill 88 et OPTAT.

M. BELLEMARE: C'est cela. Viendra ensuite l'étude en comité du bill de la construction et, jeudi, le bill 85 de l'Instruction publique.

M. BERTRAND: Du ministère de l'Education, conseil supérieur. Il y aura peut-être, comme j'en ai parlé cet après midi, un bill au sujet des caisses d'épargne. Si nous avons la galée demain, je la transmettrai au chef...

M. LESAGE: Le premier ministre sera absent. S'il y avait moyen qu'il donne instruction...

M. BELLEMARE: Alors, j'ai...

M. LESAGE: ... au secrétaire général du Conseil exécutif de me faire parvenir ma copie...

M. BERTRAND: Oui, j'ai demandé...

M. LESAGE: Cela me serait très utile, si je vois, mercredi matin, les représentants des caisses populaires.

M. BERTRAND: J'ai demandé à M. Claude Rioux de le faire.

M. BELLEMARE: L'ajournement à demain matin onze heures, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin, onze heures.

M. BELLEMARE: Trois heures. Trois heures, pour donner le temps à tout le monde de regarder les...

M. LE PRESIDENT: Alors, demain après-midi, trois heures.

(22 h 5)

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