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Version finale

28e législature, 3e session
(20 février 1968 au 18 décembre 1968)

Le jeudi 12 décembre 1968 - Vol. 7 N° 102

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Onze heures quatorze minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Changements au diagramme

M. LE PRESIDENT: On me permettra de signaler immédiatement quelques changements au diagramme de la Chambre. Désormais, je reconnaîtrai les honorables députés suivants dans l'ordre qui va suivre: L'honorable ministre de l'Education occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable ministre d'Etat à la Santé. L'honorable ministre d'Etat à la Santé occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable ministre d'Etat au Bien-Etre et à la Famille. L'honorable ministre d'Etat au Bien-Etre et à la Famille occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable ministre d'Etat à l'Education. L'honorable ministre d'Etat à l'Education occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Lotbinière. L'honorable député de Lotbinière occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Rouyn-Noranda. L'honorable député de Rouyn-Noranda occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Roberval. L'honorable député de Roberval occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Bourget. L'honorable député de Bourget occupera le fauteuil libre à côté de celui de l'honorable député de Berthier.

L'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Rimouski, l'honorable député de Bourassa ayant manifesté l'intention de conserver son fauteuil.

M. TREMBLAY (Bourassa): Merci, M. le Président.

M. HOUDE: Le numéro 108.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rimouski occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Jacques-Cartier. L'honorable député de Jacques-Cartier occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député d'Argenteuil. L'honorable député d'Argenteuil occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député d'Olier. L'honorable député d'Olier occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Saint-Laurent. L'honorable député de Saint-Laurent occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Gouin. L'honorable dépu- té de Gouin occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Taillon. L'honorable député de Taillon occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Fabre. L'honorable député de Fabre occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de D'Arcy-McGee. L'honorable député de D'Arcy-McGee occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Huntingdon. L'honorable député de Huntingdon occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député d'Outremont. L'honorable député d'Outremont occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Jeanne-Mance. L'honorable député de Jeanne-Mance occupera le fauteuil actuellement occupé par l'honorable député de Laurier. L'honorable député de Laurier occupera le fauteuil qui fut occupé par l'honorable député de Dorion.

M. LEVESQUE (Laurier); Titre de la dernière pièce; vous êtes un champoin au domino.

M. BELLEMARE: A côté de la porte. M. LE PRESIDENT:

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus.

L'honorable député de Portneuf.

M. PLAMONDON: M. le Président, pour M.

Croisetière...

M. MALTAIS (Saguenay): On se donne la main, ça s'aime.

UNE VOIX: Non, non, c'est un volume.

Comité ad hoc sur le bill 290

M. BELLEMARE: M. le Président, si vous me le permettez, hier soir, un comité ad hoc a siégé sur le bill 290. Il avait été proposé que le bill soit référé au comité des relations industrielles, qui pourrait, entre les sessions, siéger pour entendre les parties qui ne s'entendaient pas. Durant la nuit, il s'est produit un événement assez heureux. Les parties ont semblé d'accord sur presque tous les amendements à être apportés. Je demanderais à la Chambre de permettre à ce comité de siéger cet après-midi, vers trois heures trente, après la présentation des honorables nouveaux députés qui prendront place dans cette Chambre.

M. LESAGE: M. le Président, je voudrais purement et simplement donner avis qu'il est possible qu'à ce moment-là je demande le remplacement de certains membres du comité ad hoc par d'autres députés de ce côté-ci de la Chambre, et cela s'appliquera peut-être en premier lieu à celui qui vous parle.

M. BELLEMARE: D'accord. M. LE PRESIDENT:

Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics»

L'honorable chef de l'Opposition.

Maladie de M. Bertrand

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, la nouvelle de la maladie du premier ministre qui nous est parvenue hier matin, nous a remplis d'inquiétude et, à un moment donné, d'angoisse. Cette angoisse s'est dissipée, cependant. Je n'ai pas à rappeler la raison de cette angoisse. On n'a qu'à songer à la série d'événements tragiques qui sont survenus au cours des dix années pendant lesquelles j'ai assumé la direction du parti libéral.

Il n'y a pas de comparaison à faire avec les événements qui sont survenus, car nous avons été heureux d'apprendre qu'un repos pas très prolongé permettrait au premier ministre de reprendre l'exercice de ses fonctions, et nous en sommes fort heureux. Il n'en reste pas moins que tous ces événements, y compris ce qui est survenu au premier ministre depuis lundi, démontrent l'immensité de la tâche de premier ministre du Québec.

Malgré tous les efforts de décentralisation du travail, le fardeau reste toujours trop lourd pour un homme. Ce fardeau, il n'est pas seulement constitué de travail, mais aussi d'inquiétudes, de responsabilités souvent angoissantes, angoisses accrues par des difficultés internes et externes. Il n'y a pas de doute que l'agitation qui se fait autour de certaines questions, les manifestations, celle du 5 décembre et peut-être celle d'aujourd'hui, brisent et massacrent même la résistance d'un homme.

Les pressions qui s'exercent constamment de toutes parts sur un premier ministre, sont de nature à miner le moral et le physique. Je comprends, peut-être mieux que tout autre en cette Chambre, ce qui est arrivé à M. Bertrand.

Je veux l'assurer en mon nom et au nom de tous mes collègues de ce côté-ci de la Chambre de notre amitié sincère où il pourra peut-être trouver un peu de réconfort. Ce réconfort, nous voudrions aussi qu'il soit ressenti par madame Bertrand, sa distinguée épouse, et par les membres de sa famille. Nous lui offrons nos meilleurs voeux de prompt retour à la santé et nous espérons qu'il pourra reprendre le harnais avec, peut-être, une plus ferme détermination de la part de certains de ses collègues de le décharger d'une partie de son fardeau.

M. BELLEMARE: C'est l'expression... M. René Lévesque

M. LEVESQUE (Laurier): Si le ministre du Travail me le permet, je voudrais dire très sincèrement aussi...

M. BELLEMARE : Je tiens à laisser s'exprimer les chefs, c'est certain.

M. LEVESQUE (Laurier): ... du côté des indépendants. Sans la moindre prétention, le chef de l'Opposition ne parle pas pour le député de Laurier. Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas du même avis que lui. Je voudrais dire très sincèrement à quel point je suis peiné, comme nous le sommes tous, de la maladie qui vient de frapper le premier ministre et de l'épreuve qu'elle inflige à ses collègues du gouvernement qui ont déjà été si lourdement frappés récemment.

Très simplement, je voudrais dire aussi en priant le leader du gouvernement de lui transmettre ces propos et ainsi qu'à sa famille, que nous souhaitons tous un prompt et complet retour à la santé du député de Missisquoi, un retour à son fauteuil dans cette Chambre aussi.

Et, rejoingnant le chef de l'Opposition, je voudrais simplement ajouter ceci: Tout en étant confiant que le chef du gouvernement reviendra bientôt à son poste, je suis de nouveau frappé, comme vous l'êtes tous, de la charge écrasante et vraiment inhumaine que ce poste impose à celui qui le détient.

On vit à une époque où tout le monde rêve de loisirs et où la plupart des gens réussissent à s'en procurer toujours davantage, mais où, en revanche, les dirigeants s'épuisent partout, de plus en plus, comme des hommes traqués, souvent. Et, ce fardeau excessif, peut-être nulle part n'est-il plus insupportable qu'à la direction du gouvernement québécois. Aux pressions constantes et que, paraît-il, il faut considérer normales, du leadership politique

et des problèmes administratifs de plus en plus complexes d'une société qui, ici comme ailleurs, est en mutation permanente, s'ajoute la désuétude lamentable de notre appareil parlementaire exécutif et des institutions politiques dans lesquelles le Québec s'est enfermé.

On a, depuis longtemps, l'occasion de le noter de diverses façons. Récemment, on a eu l'occasion de souligner les résultats trop fréquemment tragiques de cette situation. Alors, à nouveau, avec l'espoir qu'on finira par agir avec détermination pour corriger cette situation, je souhaite, avec confiance, que la maladie du premier ministre ne soit qu'une conséquence, pas trop grave et surtout passagère, de cette même situation.

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président...

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: C'est l'expression d'une très profonde gratitude que je voudrais manifester, ce matin, à l'endroit du chef de l'Opposition et du chef du Parti québécois pour leur témoignage à l'endroit de notre premier ministre et du chef de notre parti. Inutile de vous répéter combien, nous aussi, particulièrement ceux qui vivaient près de lui, nous avons été traumatisés par cette nouvelle.

Pour celui qui vous parle, M. le Président, c'est une dure épreuve, remplie de questions pour l'avenir. Mais, fort de l'expérience vécue, connaissant mes collègues et les sentiments qui les animent, je peux vous redire, ce matin, que tous ensemble nous formons autour de notre chef et du premier ministre un groupe uni et solidaire qui partage avec tout le reste de la province cette terrible maladie et cette nouvelle épreuve.

Je remercie très sincèrement l'honorable chef de l'Opposition pour le témoignage vibrant et sincère qu'il a bien voulu lui adresser. Je sais combien, lui aussi, ayant vécu cette vie terrible d'être le premier citoyen d'une province comme la nôtre, connaît ces responsabilités, surtout, ces lourdes épreuves et les décisions immenses qu'il est obligé de prendre à chaque instant de la journée.

Je remercie aussi l'honorable député de Laurier pour la manifestation de sympathie et de bons voeux qu'il vient de témoigner. Je suis sûr que c'est, encore là, un nouvel exemple que cet apostolat de la présence que s'imposent tous les jours les hommes publics n'est pas compris dans certains milieux. Plus que ça, nous sommes souvent la cible de critiques, de caricatures, de propos amers qui sont tenus à l'endroit des hommes publics.

Si nous, nous avons peut-être l'écorce plus dure pour porter ces rudes accusations et ces traitements un peu différents, nos familles reçoivent, elles aussi, ces mêmes accusations, et voient ces mêmes caricatures; elles les voient à l'endroit de l'époux, et elles en sont suffoquées. Je remercie très sincèrement tous et chacun. Au nom de cette Chambre, je formule des voeux très sincères à l'honorable M. Bertrand pour un prompt rétablissement et pour un prompt retour dans cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Un instant. Je dois signaler aux membres de cette Chambre qu'il me faudrait leur consentement unanime pour laisser d'autres députés émettre des voeux. Quant à moi, je suis bien disposé à les entendre, mais on comprendra aussi, je pense, qu'on pourrait retarder considérablement notre travail parlementaire, si plusieurs députés voulaient émettre des voeux à ce moment-ci de nos procédures.

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, je ne voulais qu'exprimer moi aussi, dans l'atmosphère générale qui règne actuellement en cette Chambre à la suite de la maladie du premier ministre, mes sentiments de sympathie à son égard...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Montmorency): ... etyjoin-dre enfin mes voeux de prompt rétablissement.

M. LE PRESIDENT: Une remarque vient de m'être faite à l'effet que j'ai accordé cette permission à l'honorable député de Laurier. Si j'ai fait erreur, je pense qu'on ne m'obligera pas à en faire plusieurs. Je suis capable d'admettre modestement une erreur ou un oubli, mais j'espère bien qu'on ne considérera pas mes oublis comme des précédents.

Directive demandée

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, pourrais-je vous demander une directive par rapport au règlement? Quand le chef de l'Opposition officielle, reconnu par les règlements et par la loi, s'exprime dans cette Chambre

— sauf avis contraire de quelque député que ce soit dans l'Opposition — il parle en leur nom à tous. A ce moment-là., quels sont, par rapport à une question comme celle-ci, mais qui peut se reproduire à l'occasion, sur des sujets beaucoup plus brûlants, les droits individuels des députés pour lesquels ne parle pas le chef de l'Opposition?

M. MALTAIS (Saguenay): II faut un mandat du peuple.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que, sur plusieurs points et sur celui-ci en particulier, le règlement est muet. A ce moment-là, il faut que le président s'en remette aux traditions. Je pense qu'on comprendra que ma courte expérience à cette tribune ne me permet pas d'avoir parcouru toute la tradition et tous les précédents. Disons que je me mettrai à la tache d'une façon plus intensive à l'époque des fêtes. J'espère revenir plus documenté sur ces questions.

M. BELLEMARE: Article 7, M. le Président.

M. LESAGE: Le ministre d'Etat à l'Education...

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on me permettrait, avant la période des questions...

M. LESAGE: Oui, oui.

M. LE PRESIDENT: ... de communiquer les messages reçus du Conseil législatif?

M. LESAGE: Le leader de la Chambre avait déjà appelé un numéro du feuilleton. Il fallait donc que je me lève.

Messages du Conseil législatif « Conseil législatif, le 12 décembre 1968.

M. LE PRESIDENT: Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement le bill suivant:

Bill no 88 intitulé: Loi de l'Université du Québec.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. » « Conseil législatif, le 12 décembre 1968. »

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement les bills suivants:

Bill no 91 intitulé: Loi concernant les pouvoirs d'emprunt de la Bishop's University;

Bill no 287 intitulé: Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté avec un amendement qu'il la prie d'agréer le bill suivant:

Bill no 288 intitulé: Loi du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose que les amendements soient maintenant lus et agréés.

M. BELLEMARE: Je crois que le chef de l'Opposition a lu le changement qui est intervenu. C'est que les honorables conseillers législatifs, pour respecter les règles de la langue, ont voulu que le mot consultatif soit traduit en anglais par le mot « advisory ».

M. LESAGE: Advisory.

M. BELLEMARE: S'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

Questions et réponses

Régionale Lignery

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre d'Etat à l'Education a été avisé d'une situation que l'on me décrit comme alarmante à la régionale Lignery, et plus particulièrement à l'école polyvalente Romain-Robidoux?

M. MORIN: Je n'ai pas été avisé de cette situation.

M. LESAGE: Je ferai donc parvenir au ministre d'Etat à l'Education une copie du télégramme que j'ai reçu au moment où j'arrivais en Chambre. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu lui donner avis de ma question ce matin.

M. MORIN: Très bien.

M. LESAGE: La régionale Lignery, c'est à Laprairie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. LUSSIER: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de la Société d'habitation du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.

Bill 290

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je voudrais juste poser une question d'éclaircissement de dernière heure au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à propos du bill no 290. Hier soir, comme on le sait, ça s'est réglé très vite. Hélas, je suis arrivé cinq minutes en retard et c'était déjà fini. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre dit que le comité va siéger cet après-midi. Vu l'avalanche — je ne veux pas insister là-dessus, nous les avons tous lus — de télégrammes qui expliquent la difficulté et l'urgence de la situation, de la part aussi bien des employeurs que des travailleurs de l'industrie de la construction, est-ce que le fait que le comité siège de nouveau cet après-midi implique que le gouvernement a l'intention d'essayer d'acheminer, non seulement d'essayer mais de réussir à acheminer ce bill vers l'adoption définitive avant la fin de la session?

M. BELLEMARE: Vous savez, pour une fois, ce n'est pas avec moi qu'on se chicane.

M. LEVESQUE (Laurier): Non.

M. BELLEMARE: C'est entre les parties...

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais si...

M. BELLEMARE: II faut absolument trouver un compromis honorable. Hier, nous avons passé toute la journée à entendre l'un et l'autre, à questionner, requestionner et refaire des textes pour trouver ce compromis.

Ayant pour ma part passé toute la matinée à l'hôpital, l'après-midi au conseil des ministres et au caucus, je n'ai pu voir les amendements qu'on avait apportés à mon bill. Je ne pouvais sûrement pas me lancer dans sa défense et essayer de l'expliquer; je ne l'avais pas vu tel qu'on avait voulu l'amender. Devant ces faits, j'ai pensé, vu que les parties ne s'entendaient pas, qu'il conviendrait peut-être de le référer au comité des relations industrielles entre les sessions. Et au début de février, si la session commence à ce moment-là, nous aurions pu adopter le bill. On nous a laissé entendre qu'il y aurait probablement entente ce matin. J'ai dit que s'il y avait réellement entente et qu'on faisait réellement quelque chose, j'étais d'accord, mais que si c' était pour se chicaner et discuter sur la place publique, sans en arriver à une entente, nous allions nous aussi avoir du mal à nous faire une idée. Le gouvernement a son idée. Il ne veut pas imposer une loi de force parce qu'elle ne sera pas respectée. Nous allons donc tenter cet après-midi de nous entendre et si nous pouvons trouver des moyens d'entente, nous siégerons cet après-midi et ce soir s'il y a lieu. Si nous trouvons un modus Vivendi acceptable pour tout le monde, nous acheminerons le bill pour qu'il soit adopté durant cette session.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

Institutions privées

M. LAFRANCE: Le ministre du Travail et le ministre associé à l'Education ont laissé entendre, mardi, qu'ils allaient, peut-être, présenter ce matin la loi-cadre des institutions privées. Est-ce l'intention du gouvernement de présenter ce projet de loi ce matin?

M. BELLEMARE: II devrait être au feuilleton. On est à réimprimer le bill 56. On a refondu les deux bills ensemble. Dès que nous l'aurons, cela apparaîtra au feuilleton comme avis. Je pense qu'à ce moment-là nous allons, d'accord avec la Chambre, le référer au comité de l'éducation pour que toutes les parties soient entendues.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mercier.

Bill de la ville de Montréal

M. BOURASSA: Une question au ministre des Finances. Quand le projet de loi sur la ville de Montréal sera-t-il discuté? Pourrait-il dire s'il contiendra de bonnes nouvelles pour les contribuables montréalais?

M. DOZOIS: Il est en appendice.

M. BOURASSA: Quand sera-t-il discuté?

M. DOZOIS: On doit attendre la procédure

normale de cette Chambre et nous attendons l'impression du bill aujourd'hui même.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Hull.

Intégrité du territoire

M. PARENT: J'aurais une question à poser au leader de la Chambre. Le 13 novembre il acceptait une motion pour production de documents, à la suite du dépôt de cette motion le 29 mars. J'ai la feuille où l'on dit que la motion est acceptée, mais les documents demandés n'ont pas encore été déposés.

M. BELLEMARE: C'est au sujet de la commission?

M. PARENT: Oui, la commission d'étude sur l'intégrité du territoire. La motion a été acceptée le 13 novembre; cela fait un mois.

M. BELLEMARE: On a dit, à ce moment-là, qu'on acceptait de déposer une partie des documents. Pour le reste, comme c'était un comité tripartite, il fallait l'autorisation des autres personnes. Si la première partie n'est pas déposée, j'en prends avis et je vais en faire parvenir une copie non seulement au député, mais aussi à la Chambre.

Numéro 7.

Bill 293

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des associations coopératives.

L'honorable ministre des Institutions financières.

M. GABIAS: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude par la Chambre.

Ce projet de loi fait suite à des demandes répétées et raisonnables du Conseil de la coopération du Québec, des fédérations et des associations coopératives du Québec. Peut-être que ce projet de loi — et je le reconnais — n'accorde pas tous les amendements réclamés à la Loi des associations coopératives par les coopérateurs et par le Conseil de la coopération du Québec. Je me permettrai de souligner à cette Chambre que, si tous les amendements réclamés ne sont pas contenus dans ce projet de loi, c'est à cause de différentes raisons qui, je l'espère, seront considérées comme valables. L'amendement principal que l'on réclamait était qu'un individu puisse devenir membre d'une association de coopératives. Ceci réclamait une foule d'amendements au texte existant et aurait peut-être eu comme effet de changer la nature même de la coopérative. Il y a deux théories qui divisent en profondeur ceux qui s'intéressent à la Loi des associations coopératives.

Il y a ceux qui veulent moderniser — et j'en suis — ceux qui veulent que nos associations coopératives bénéficient de privilèges ou de droits qui leur seraient consentis par la loi de façon que le mouvement de la coopération puisse s'épanouir, progresser et vivre à l'heure de 1968.

Pour cette année, nous avons jugé à propos d'apporter trois amendements qui consistent en fait en deux amendements majeurs réclamés depuis assez longtemps. Le conseil supérieur, les fédérations, les associations et même les unions ouvrières réclamaient ces amendements. Nous les présentons en cette Chambre. J'espère que, vu l'unanimité qui existe entre les mouvements qui s'intéressent aux associations coopératives, ce projet de loi sera adopté à l'unanimité par cette Chambre.

Que l'on nous reproche de ne pas aller assez loin, nous sommes d'accord pour cette année. Mais j'entends bien — et j'en informe la Chambre — l'an prochainavec l'autorisation du conseil des ministres présenter un projet de loiqui,cette fois, donnera entière satisfaction à nos mouvements de coopérateurs.

Nous étudierons ces amendements en comité. Je n'ai pas l'intention de faire une longue démonstration. Qu'il me suffise d'assurer les associations coopératives que le ministère, dont j'ai la direction, ne fait pas que s'intéresser verbalement aux coopératives mais que notre ministère s'intéresse très activement aux mouvements coopératifs dans cette province et que nous entendons aider ce mouvement à obtenir les droits qu'il réclame afin que le mouvement coopératif joue le rôle très important qu'il a déjà joué dans cette province et qu'il continuera à jouer, au point de vue économique et social.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: Depuis plusieurs mois déjà, les membres les plus actifs du mouvement coopératif au Québec, particulièrement les dirigeants

du Conseil de la coopération du Québec, ont insisté auprès du gouvernement pour obtenir des modifications à la Loi des associations coopératives.

Le mouvement coopératif demandait que priorité soit accordée en autant que les modifications suggérées étaient concernées, à trois points spécifiques.

Premièrement, l'on demandait que lors de la liquidation d'un société coopérative, le solde soit remis après que le ministre ou le lieutenant-gouverneur en conseil a obtenu l'avis du conseil de la coopération, à une autre association coopérative ou à une fédération d'associations coopératives. Le bill prévoit que telle procédure sera suivie.

C'est excellent, parce qu'il est arrivé des cas où, à l'occasion de la réorganisation d'une coopérative, les membres d'une coopérative locale en majorité en ont profité pour liquider la coopérative, se partager les réserves et recommencer en neuf sans avoir l'avantage du fonds qui avait été accumulé.

Il arrive de plus que, la plupart du temps, au moment de la dissolution d'une coopérative, les membres ne sont plus les mêmes qu'au moment de la formation, ou encore, ce ne sont pas les membres qui l'étaient lorsque la réserve s'est accumulée.

Dans le cas des compagnies limitées, ce qui arrive, lorsque des surplus s'accumulent, lorsqu'il y a des réserves, en plus de la distribution des dividendes, c'est que la valeur aux livres des actions augmente, quand ce n'est pas la valeur sur le marché, ce qui n'est pas le cas, quand il s'agit de coopératives.

M. GABIAS: C'est ça.

M. LESAGE: Beaucoup ont de la difficulté à comprendre comment une telle procédure — je vise celle qui est proposée par le bill — est justifiée en équité. Mais c'est pour les raisons que je viens de donner. Je crois qu'elle est absolument justifiable. Je suis heureux que le gouvernement, sur la recommandation du ministre, ait accepté d'apporter à la loi cette modification.

L'autre modification concerne les restrictions ou les limites, ou encore les règles sévères imposées dans le cas des coopératives de consommation et s'appliquant seulement à ces dernières. Il faut, à l'heure actuelle, pour être membre d'une coopérative de consommation, acheter au moins cinq parts, et ces parts ont une valeur de $10. Je comprends qu'il est très difficile, dans certains milieux, de convaincre des personnes qu'il leur faut d'abord verser $50 avant d'être membre d'une coopérative de consommation.

Je pense que le gouvernement est tout à fait justifié de faire disparaître ces restrictions, pour rendre justice au mouvement coopératif.

Il y avait cependant un troisième point auquel le conseil de la coopération attache beaucoup d'importance. Le ministre ne sera pas surpris que j'aie reçu, comme c'est l'habitude, copie du télégramme qui a été adressé au premier ministre et au ministre des Institutions financières par plusieurs citoyens, des fédérations de coopératives, le conseil de la coopération, etc.,: « Le bill 293, d'accord, mais le jugeons incomplet et déplorons l'absence de dispositions permettant aux individus de devenir membre d'une fédération. Situation d'urgence à cet égard. Projet en cours à Montréal compromis dans le cas de la fédération des magasins CoOp. »

Je sais personnellement qu'il y a à Montréal un projet considérable qui ne pourra, en pratique, se réaliser, parce que l'amendement n'aura pas été apporté à cette session à la loi des associations coopératives. Ce ne serait pas créer un précédent que d'apporter cet amendement maintenant, d'autant plus que le gouvernement actuel, à la présente session, a accordé non pas ce privilège, mais ce droit, dans le cas de la Coopérative fédérée. Il s'agit du bill 171, qui a été adopté par l'Assemblée législative le 4 juillet 1968.

A l'article 15, il est dit: « Peuvent être sociétaires: b) un producteur qui exerce l'activité d'un agriculteur. » A l'article 14, « La société se compose des détenteurs de ses actions ordinaires de qualification ou de classe A, souscrites et payées suivant la loi et les règlements de la société. »

A l'article 15, on dit qu'un producteur qui exerce l'activité d'un agriculteur peut être sociétaire. A l'article 16: « Est sociétaire, une association, un producteur ou un groupement de producteurs. » A l'article 17: « Pour devenir sociétaire: c) un producteur ou un groupe de producteurs est tenu de souscrire le nombre d'actions ordinaires de qualification déterminé par le conseil d'administration de la société. »

Donc, trois articles très simples. On a pu, dans le cas de la Fédérée, permettre à des individus d'être membres d'une fédération de coopératives. Là est le problème. Les individus peuvent être membres de coopératives, mais en vertu de la Loi des associations coopératives, seules peuvent être membres d'une fédération de coopératives, des coopératives et non pas des individus ou encore des institu-

tions. Lorsque je parle d'individus, évidemment, je dois inclure des corporations, des sociétés commerciales ou encore des sociétés sans profit.

M. VINCENT: Des personnes.

M. LESAGE: II s'agit de personnes au sens juridique. Pourtant, on l'a fait dans le cas de la Fédérée. Cela aurait été aussi simple de le faire ici; cela aurait résolu un problème et aurait certainement permis aux mouvements coopératifs de prendre une nouvelle ampleur et d'être mieux en mesure de faire face à la concurrence.

Il est extrêmement difficile d'établir, dans les villes, parmi les classes moyennes, des coopératives de consommation. Il est clair que le moyen de faire concurrence, c'est de pouvoir recruter des individus comme membres d'une fédérée. Parce que seule une fédération de coopératives ou une fédérée — c'est un terme que je crois pouvoir employer — peut avoir les reins assez forts pour mettre sur pied, tout d'abord, à coups de centaines de mille dollars — c'est le cas que j'ai en tête, le cas urgent dont je parle — un établissement qui puisse entrer en concurrence avec les établissements existants.

Encore une fois, le retard apporté par le gouvernement se justifie difficilement, surtout, lorsque nous avons entendu le ministre déclarer qu'il serait disposé à recommander au gouvernement d'apporter cette modification à la prochaine session. Il y a plusieurs mois que c'est en discussion. Cela aurait pu être fait maintenant. Il aurait dû le recommander au gouvernement, à moins qu'il ait rencontré, parmi ses collègues, une résistance acharnée, pour une raison qu'il nous aurait laissé entendre tantôt, lorsqu'il a déclaré lui-même que, parmi les raisons du retard, il y avait celle-ci: c'est qu'un tel amendement aurait eu pour effet de changer la nature même de la formule coopérative. Mais, comme il l'a laissé entendre aussi, s'il ne l'a pas dit directement, il faut que l'institution coopérative soit en mesure de progresser et, pour progresser, il faut qu'elle soit mise en état...

M. GABIAS: D'accord.

M. LESAGE: ... de faire face à la concurrence, même si, en commercialisant ses opérations, elle devenait éventuellement sujette à taxation. Nous avons l'exemple des coopératives dans l'Ouest. J'ai ici le rapport de 1966 des Federated Cooperatives Limited.

A la page 42, il appert qu'en 1966, le « membership of Federated Cooperatives Limited, as of October 31st, 1966 s'établissait comme suit: a) Cooperatives which procure for their members'needs, 478; b) Other cooperative organizations, 72; c) Non-profit institutions such as school units, municipalities, colleges, hospitals, which buy for their own consumption, 82. Total membership, 632 ».

C'est pour cela que lorsque je parlais tout à l'heure d'individus, je disais qu'il y a aussi les personnes dans le sens juridique du mot. Il est clair que la clientèle d'institutions comme les hôpitaux, les pensionnats, les foyers, est une clientèle qui peut être recherchée par les coopératives, mais elle ne peut normalement être recherchée que s'il s'agit d'une coopérative qui a les reins assez forts pour subvenir aux besoins d'une telle clientèle.

C'est ce qui se fait dans l'Ouest avec succès et je ne vois pas pourquoi on n'adopterait pas immédiatement une telle politique ici, au Québec. La preuve est faite que l'on peut garder au mouvement coopératif son caractère coopératif, tout en lui permettant certaines dérogations à la pureté du principe. On l'a fait pour laCoopérative fédérée; on le fait dans l'Ouest pour toutes les coopératives. Je ne vois pas pourquoi, par des a-mendements qui seraient très simples, on ne le ferait pas dès maintenant pour les associations coopératives du Québec.

Je pense que ce serait à l'avantage de tous. On reproche souvent au mouvement coopératif de ne pas suffisamment participer, financièrement et autrement, à la promotion de l'essor économique du Québec, à ce qu'on appelle souvent l'essor économique des nôtres. Voici une occasion que nous aurions de faire un grand pas en avant. Je n'aurais donc aucune objection à ce que l'étude du projet de loi soit remise i demain afin que, d'ici là, le ministre puisse apporter les modifications additionnelles qui permettraient de répondre par l'affirmative à la demande du mouvement coopératif et en particulier du Conseil de la coopération.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahunstic.

M. Jean-Paul Lefebvre

M. LEFEBVRE: M. le Président, je ne voudrais ajouter qu'un mot à la suggestion que vient de faire le chef de l'Opposition. Il a, comme à l'habitude, fait une démonstration et une argumentation convaincantes.

M. GABIAS: Les compliments qui commencent.

M. LEFEBVRE: J'espère que le ministre responsable des Institutions financières et proposeur du bill no 293 aura écouté attentivement le chef de l'Opposition. Compte tenu également des représentations qui lui ont été faites, j'espère qu'il acceptera cette suggestion que l'honorable chef de l'Opposition faisait en terminant son discours, à savoir de retarder d'une journée les procédures d'adoption de ce bill afin que le gouvernement puisse tenir compte de cette réclamation particulière au sujet du droit des personnes d'adhérer en tant que membres réguliers à des fédérations coopératives.

M. le Président, si j'ai tenu à dire un mot seulement sur cette question, c'est qu'ayant été moi-même associé de très près au mouvement coopératif pendant plusieurs années, je pense que je suis particulièrement préparé à mesurer le caractère raisonnable et juste de la demande des coopérateurs concernant cette question.

J'ai également dans ce projet un intérêt plus immédiat, en tant que citoyen puisque je suis informé que l'un des magasins coopératifs que songe à établir la Fédération des magasins Co-Op se trouverait situé dans le comté que j'ai l'honneur de représenter en cette Chambre.

Or, je pense que nous conviendrons tous, alors que l'on parle tellement ces années-ci de la nécessité de protéger le consommateur, qu'il est important d'assurer — à côté de ces grandes chaînes de magasins qui se développent et qui, certes, rendent des services à la population, à côté aussi des commerces indépendants, qui maintiennent une certaine concurrence à l'endroit de ces chaînes - la croissance du secteur coopératif en particulier dans le domaine de l'alimentation et, d'une façon plus générale, de la distribution des biens de consommation. Il est certain que quiconque a le moindrement étudié cette question de l'implantation des coopératives de consommation, en particulier dans les grandes villes, conviendra qu'il est extrêmement difficile de construire de telles institutions sur les bases traditionnellement utilisées dans des milieux plus restreints. Je vois que l'honorable ministre acquiesce à ce fait.

M. GABIAS: Quand vous avez de bonnes suggestions, je suis toujours d'accord.

M. LEFEBVRE: Je pense, si le ministre est d'accord avec ce point de vue et d'accord avec l'importance de ne pas étouffer dans l'oeuf les tentatives qui se font présentement, à Montréal en particulier, pour permettre l'expansion du mouvement coopératif dans le secteur de la consommation, il me semble que le ministre, aidé de ses conseillers juridiques, devrait trou- ver le moyen d'adopter dès maintenant, à tout le moins l'amendement nécessaire pour couvrir les cas spécifiques. Je pense - et je sais que je me ferai peut-être disputer par le chef de l'Opposition, qui a une grande expérience en matière de législation...

M. GABIAS: ... ce matin. Oh non!

M. LEFEBVRE: Je pense que, peut-être, le chef de l'Opposition aurait quelque réticence à la suggestion que je formule. Quant à moi, qui n'ai pas la même expérience que lui en matière de législation, et peut-être pas la même rigueur, je me satisferais d'un amendement qui couvrirait à tout le moins la situation actuelle, quitte à ce que, dans une refonte des lois concernant la coopération, l'on songeât à des formules plus définitives. Mais, encore une fois, j'insiste pour que la suggestion du chef de l'Opposition soit prise en considération. Le ministre admettra que sur ce point, nous faisons le débat dans un esprit de coopération, puisque nous en discutons justement ce matin. J'espère donc que le ministre ne se sentira aucunement gêné, après mûre réflextion, de prendre en considération, pour une fois — une fois n'est pas coutume - les recommandations sages, prudentes, modérées et raisonnables qui lui viennent de ce côté-ci de la Chambre. J'espère que, dans sa réplique, le ministre voudra nous annoncer qu'il accepte en effet de considérer, d'ici demain, la possibilité d'apporter un tel amendement au bill 293.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.

M. René Lévesque

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, puisque le député d'Ahuntsic a ajouté quelques propos à la deuxième lecture, je n'avais pas l'intention d'insister. Mais je crois qu'il vient de souligner - je suis d'accord avec lui— l'importance de ne pas traiter cette question-là, pas plus que n'importe quelle autre de même substance, à la va-vite, dans le « rush » des dernières heures de la session.

Il y a des problèmes non seulement importants, mais urgents, dont la solution est attachée à ce projet de loi, de même qu'à celui qui, d'ailleurs, l'accompagne, et qui est également présenté par le ministre des Institutions financières. On pourrait dire aussi que ces deux-là, comme le bill 290, dont on parlait tout à l'heure, traitent de questions plus urgentes, dont l'urgence est en tout cas plus évidente, et surtout, a des chances d'être plus féconde que certains autres

projets moins mûris, dont l'utilité collective est infiniment moins claire et qu'on prétend, tout de même, imposer à cette Chambre à la dernière minute.

Il serait inexcusable à mon avis de préférer ces autres projets s'il en est. Je ne veux pas entrer dans d'autres domaines, M. le Président, c'est simplement une hypothèse.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Il serait inexcusable de préférer ces autres projets, s'il en est, à des questions comme celles que traitent le bill 293. Le temps qu'on a devrait suffire, sinon il faudrait le prendre ailleurs pour régler ces problèmes-là. C'est pourquoi, je suis d'accord avec la suggestion faite conjointement par le chef de l'Opposition et le député d'Ahuntsic, parce qu'il semble y avoir — étant son voisin a Montréal, je le sais, c'est dans le même quartier — il semble y avoir une lacune très grave dans le bill 293, tel qu'il est. L'ensemble est bon, je suis sûr que tout le monde le votera. Enfin, je suis sûr, — je n'ai pas à présumer de choses comme ça — mais je présume quand même que tout le monde sera d'accord sur le principe du bill sauf que, dans ce projet de loi, il y a — le ministre l'a à peu près avoué, d'ailleurs,...

M. GABIAS: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... un trou extrêmement important. Si j'ai bien entendu le ministre tout à l'heure, il a fait un petit lapsus qui me permet peut-être de corriger — il me dira si je me trompe — quand il a parlé de la demande principale faite par les représentants des coopérateurs dans ce projet de loi mais qui ne se trouve pas dans le projet tel que rédigé. Le ministre a dit qu'on demandait qu'un individu puisse...

M. GABIAS: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... faire partie d'une association coopérative, sauf qu'il s'agit d'une fédération en fait, et non d'une association. Bon.

M. GABIAS: Si j'ai mentionné que c'était l'amendement principal que demandaient les coopératives, j'ai certainement fait un lapsus parce que si le député me permet, dans tous les télégrammes que nous avons reçus, avant que nous déposions le projet de loi 293, il n'était question que des deux amendements que nous soumettons et ce n'est que ce matin que nous avons reçu des télégrammes demandant et insistant sur ce troisième amendement.

M. LESAGE: Est-ce que...

M. LEVESQUE (Laurier): Je suis surpris enfin» Si le chef de l'Opposition a une question à poser, c'est peut-être la même.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre veut dire par là que cet amendement, cette modification, n'a pas été discutée entre les dirigeants du mouvement coopératif et ses fonctionnaires?

M. GABIAS: C'était compris dans le mémoire présenté...

M. LESAGE: Ah oui.

M. GABIAS: ... mais je dis que les deux priorités ont semblé être pour les coopérateurs, ce que nous accordons, puisque dans leur télégramme c'est inscrit.

M. LEVESQUE (Laurier): Si le ministre permet, c'est son interprétation. Ce n'est pas exactement ce que je crois, de même que les gens...

M. GABIAS: Ce sont des faits.

M. LEVESQUE (Laurier): ... de même que l'Opposition officielle, j'ai appris, enfin le ministre est propriétaire et en toute propriété on ne lui conteste pas son interprétation, mais ce n'est pas celle qu'on a reçue. C'est que la demande la plus importante et qui est devenue de plus en plus importante — parce qu'elle est accrochée à un projet précis qu'évoquait le député d'Ahuntsic — c'est justement de permettre cette insertion des personnes au sens juridique, c'est-à-dire des individus dans les fédérations et non plus simplement au niveau des associations. Je rappellerai même au ministre, il doit s'en souvenir ou du moins ses fonctionnaires le savent que, si je suis bien renseigné, on a demandé plus que ça. On est prêt à accepter moins, mais on avait demandé plus, et je crois que c'est terriblement justifiable qu'on ait demandé également que des institutions ou des corporations puissent aussi, faire partie des fédérations, de la fédération en question, mais de façon générale, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas une des mutations nécessaires de tout le mouvement coopératif.

Le ministre a simplement répondu ceci, en évoquant cette demande. D'abord un argument

qu'il a lui-même escamoté parce qu'il n'est pas très fort, et il s'en rendait compte, c'est que ç'aurait exigé une foule d'amendements. Bien, mon Dieu, c'est pour ça qu'on est là. Je veux dire, le Parlement existe pour ça. Quand c'est nécessaire, des amendements, c'est le travail du Parlement, de dire que ça en exige, par définition. Ce n'est pas un argument. D'ailleurs, le ministre le savait.

Il a dit ensuite et c'est le seul que j'ai retenu à part ça et que le chef de l'Opposition et le député d'Ahuntsic ont diversement notés que, ça amènerait un changement dans la nature des institutions coopératives. Bien, c'est jusqu'à un certain point très vrai, mais est-ce que le ministre n'est pas d'accord puisqu'il l'a dit lui-même dans la phrase suivante: Si on veut le progrès véritable et surtout dans ce progrès qui donne la chance au mouvement coopératif de se mettre à l'heure de l'économie d'aujourd'hui et non pas à l'économie artisanale ou villageoise d'autrefois un changement de nature de ce genre-là y est commandé.

Si, d'une part, nous sommes ici pour faire des amendements, c'est le travail du Parlement et c'est le devoir du ministère de les préparer à temps. Evidemment, ce n'est pas une excuse de dire qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, que c'est la fin de la session. Si c'est le travail du ministère, ayant su, par les dossiers qui ont été présentés il y a déjà quelque temps, que c'était une demande essentielle, qui est justifiée; si, d'autre part, le ministre admet que ce changement de nature est nécessaire si on veut véritablement le progrès du mouvement coopératif dans le Québec, à ce moment-là, j'avoue que je ne vois pas très bien pourquoi on n'accepterait pas la suggestion qui a été faite par le chef de l'Opposition, à laquelle je me rallie d'emblée, qui serait de prendre le temps, d'ici à demain, de faire les amendements requis - ils ont dû d'ailleurs être quelque peu pensés - au moins pour les personnes, si on n'est pas prêt, ce qui serait normal, à adjoindre aussi d'une façon ou de l'autre des groupes comme les corporations ou des entités, si vous voulez, morales et non plus seulement physiques comme des corporations ou des institutions. Il faut faire bien attention de ne pas escamoter simplement, parce qu'on pourrait dire qu'il ne reste pas beaucoup de temps, une question comme la suivante d'ailleurs dans l'autre bill qui touche peut-être la seule partie non publique, non étatique de l'économie québécoise dont, comme peuple, on puisse avoir une certaine fierté et même une fierté certaine, c'est-à-dire ce qu'on a créé dans le secteur coopératif. C'est presque un miracle que ce soit venu chez nous, dans une société aussi dépourvue économiquement non seulement de biens, mais même d'information. C'est quand même autour du principe du bill, M. le Président, et ça va être très rapide.

M. LE PRESIDENT: Je souligne tout simplement à l'honorable député de Laurier que c'est autour du bill, mais que je ne voudrais pas que ce soit trop loin.

M. LEVESQUE (Laurier): Nous n'irons pas dans l'histoire, sauf pour évoquer ceci, qui est relié à la demande qu'il faut faire. Et je crois, M. le Président que si vous avez deux minutes de patience, vous allez le voir. Ce mouvement coopératif, donc, dans tous ces secteurs a été d'abord — et c'est le miracle du mouvement coopératif québécois, le seul dans ce domaine qu'on ait réussi comme miracle - le fruit du désir de solidarité et d'émancipation, au moins local, d'une foule de simples citoyens de chez nous, souvent, la plupart du temps, de citoyens très humbles au point de vue économique, et le fruit d'un leadership qui leur est venu d'abord d'une poignée de pionniers qui n'étaient pas tellement pris au sérieux chez nous, et de leur ténacité, à tous, dans un milieu, dans une société où on ne s'est pas donné beaucoup de modèles à ce point de vue de ténacité et de volonté. C'est de là qu'est issu ce mouvement que nous avons aujourd'hui. Par regroupement, ces unités locales ou à peine régionales se sont ensuite donné laborieusement ces organisations centrales plus fortes, les fédérations, qui leur ont permis d'acquérir l'ensemble de ce qu'il leur aurait été absolument impossible d'acquérir seules, c'est-à-dire la compétence des équipes de gestion, etc. Or, ces organismes sont la seule promesse de la transformation nécessaire du progrès - qu'évoquait le ministre — du mouvement coopératif. Seulement, il faut les adapter au monde d'aujourd'hui, qui est un monde de grandes entreprises et de vie économique compliquée, dominée de plus en plus par de gros organismes. Si on ne permet pas aux fédérations coopératives, qui sont ces gros organismes en puissance, de pénétrer dans un milieu économique aussi difficile et aussi dominé déjà par les gros, comme Montréal, à ce moment-là, on joue avec les gens et on leur dit: Vous allez le faire autrement et nous vous reverrons plus tard. En pratique, seul l'amendement que demandait...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): J'ai presque ter-

miné, M. le Président, je voulais conclure. En pratique, seul. Le ministre du Travail a presque un instinct mécanique. Il a dit: A l'ordre! mais j'ai presque fini.

M. BELLEMARE: Je n'ai rien dit.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah! bon, d'accord.

M. BELLEMARE: Quand j'ai vu le Président se lever, je pensais que vous ne l'aviez pas vu.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous voulez être sûr que trop fort ne casse pas, oui. En pratique, il me semble que seul l'amendement que demandaient et que demandent encore, autant qu'on sache, les coopérateurs, peut rendre possible cette insertion coopérative, surtout dans le domaine de la consommation, dans un milieu comme Montréal. A moins de demander à des gens de chez nous, de notre milieu, plus d'héroïsme et plus de lucidité qu'on en demande à tous les autres et alors, si on ne veut pas leur demander cet effort extraordinaire de créer d'abord, à dix, douze, vingt personnes, une petite association, avec la difficulté effroyable que ça demande pour exister vis-à-vis de toutes les concurrences d'un milieu métropolitain comme Montréal.

Avant de recevoir l'appui valable de la fédération qui est assez puissante pour leur permettre d'exister, à toutes fins pratiques... De toute façon, on a évoqué un cas sur lequel je n'insisterai pas, mais qui est très près du coin, d'où je viens à Montréal, celui du projet des magasins coopératifs que connaît le ministre et qui peut-être compromis, si on n'accepte pas cet amendement au projet de loi.

Il y a des précédents. Nous en avons évoqué deux: la Fédérée et ce qui se passe dans l'Ouest Je crois qu'en Ontario — du moins, c'est ce qu'on m'a dit — la United Co-Op ou Cooperated, étant unie sous forme de fédération, peut également faire adhérer des individus. Si, d'une part, il y a un projet qui peut être compromis et que, d'autre part, tous les précédents sont là et prouvent que le mouvement coopératif a besoin de cela pour se donner la force nécessaire dans le monde d'aujourd'hui, dans un grand complexe comme Montréal, le ministre ne pourrait-il pas considérer qu'on pourrait — comme l'a proposé le chef de l'Opposition — différer la deuxième lecture de cette loi — très importante pour tout un groupe de gens qui, chez nous, travaillent durement dans le domaine économique — jusqu'à demain au plus tard, parce qu'entre-temps un amendement pourrait sans doute être préparé?

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: Sans vouloir faire précéder les quelques remarques que j'ai à faire de plusieurs arguments que j'aurais à exposer devant cette Chambre en faveur du mouvement coopératif en général; sans, non plus, démontrer l'importance que ces institutions ont acquise depuis plusieurs années dans la province de Québec; sans vouloir, enfin, faire des comparaisons entre le mouvement coopératif tel qu'il existe ou a existé dans la province de Québec et les coopératives des autres provinces, je voudrais tout simplement faire quelques remarques au sujet de ce bill 293 modifiant la Loi des associations coopératives.

Tout d'abord, comme on le sait, à l'approche de la fin d'une session, tous les ministre font des pressions auprès du conseil des ministres ou du gouvernement pour apporter devant l'Assemblée législative des amendements ou encore des projets de législation.

A ce moment-ci, nous avions deux possibilités, soit d'apporter un projet complet, fruit des expériences acquises au ministère de l'Agriculture et de la Colonisation par notre division des coopératives et par nos fonctionnaires qui sont appelés, tous les jours, à travailler avec les coopératives dans la province de Québec. Projet complet d'amendement, fruit également des études de la commission royale d'enquête, qui a fait des propositions concrètes en ce qui concerne le mouvement coopératif dans la province. Projet d'amendement complet, fruit du travail du nouveau ministère des Institutions financières, qui s'occupe maintenant du mouvement coopératif dans la province. Par la suite, nous aurions eu, comme cela a été fait par le nouveau ministère, à regarder les suggestions du Conseil supérieur de la coopération, celles de la Coopérative fédérée et, en plus, les suggestions importantes des coopératives régionales qui existent dans la province.

C'est donc dire qu'on aurait trouvé là une foule de renseignements qui se seraient traduits par une série d'amendements qu'on aurait inclus dans un projet complet présenté au cours de cette session.

Donc, les possibilités qui se présentaient étaient les suivantes: Est-ce que nous apportons ce projet au complet ou, plutôt, allons-nous demander à la Législature d'apporter deux amendements qui sont de toute urgence à ce moment-ci?

J'en ai discuté avec le ministre des Institu-

tions financières, que je remercie, au nom des coopératives et en mon nom personnel, car ces amendements sont exigés depuis déjà plusieurs mois. Puis, nous avons convenu qu'il faudrait nous rencontrer de nouveau avec nos officiers, reprendre le rapport de la commission royale d'enquête, avoir même les commentaires des coopératives sur ce rapport. J'ai même suggéré au ministre des Institutions financières que, lorsqu'on nous apportera cette série d'amendements au complet, nous puissions même être appelés à siéger en comité pour entendre les remarques des personnes intéressées.

Je crois donc qu'il est de toute urgence que nous apportions ces deux amendements proposés aujourd'hui par l'honorable ministre des Institutions financières et que nous acceptions ce que l'honorable ministre nous mentionnait tout à l'heure, qu'à la prochaine session, l'autre série d'amendements soit amenée. Je fais une suggestion ici, dans cette Chambre, pour que les prochains amendements qui seront amenés puissent être discutés en comité, un comité quel qu'il soit où nous pourrions entendre les représentants des coopératives ou les représentants d'autres organismes.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre me permet une question?

M. VINCENT: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Une simple question. On parle d'amendements nombreux, etc. Est-ce que le ministre pourrait dire simplement, numériquement, combien il y aurait d'amendements, en gros, afin qu'on voie l'ampleur de la tâche que cela représentera?

M. VINCENT: Cet avant-midi, nous avons des suggestions de la part des députés de l'Opposition. D'autres suggestions nous sont également venues de la commission royale d'enquête...

M. LEVESQUE (Laurier): Je ne veux pas faire perdre le temps du ministre. L'amendement dont il a été question jusqu'ici comme d'une des demandes principales, c'est-à-dire la présence des personnes, au sens de la loi, dans une fédération, ça spécifiquement...

M. VINCENT: En ce qui concerne les individus?

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, ça spécifiquement, qu'est-ce cela demanderait?

M. VINCENT: Spécifiquement, cet amendement fut apporté lors de la discussion de la charte ou du bill de la Coopérative fédérée. C'est un amendement qui, à mon sens, a été accepté par le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. J'admets, avec le chef de l'Opposition et avec les autres députés qui ont parlé, que cet amendement pourrait être apporté dans la série d'amendements qui viendront. Maintenant, quels sont les désirs ou les vues des coopératives locales, de la Coopérative fédérée? Je sais que, lorsque nous en avons discuté avec la Coopérative fédérée, il était nécessaire que ceci se fasse, car, pour devenir membre du conseil d'administration de la Coopérative fédérée, il fallait absolument être un sociétaire, être membre d'une coopérative locale. Si quelqu'un n'était pas membre d'une coopérative locale...

M. LESAGE: Ce n'est pas la raison principale, voyons.

M. VINCENT: C'était quand même une des raisons, et par la suite...

M. LESAGE: Voyons, c'est enfantin.

M. VINCENT: C'était l'une des raisons pour lesquelles un administrateur de la Coopérative fédérée devait être membre d'une coopérative locale.

M. LESAGE: Oui, mais ce n'est pas la raison principale. Que le ministre de l'Agriculture n'essaie pas de tromper les gens.

M. VINCENT: Je mentionne les raisons pour lesquelles nous avons apporté ce changement dans les amendements à la nouvelle loi de la Coopérative fédérée. L'une des raisons était celle-ci, et les autres raisons qui s'ajoutaient...

M. LESAGE: Beaucoup plus importantes. Les autres raisons étaient les principales. Si on essaie de nous faire croire que la seule raison...

M. VINCENT: Mais j'ajoute aux raisons qui ont été...

M. LESAGE: ... pour justifier les amendements apportés à la loi de la Coopérative fédérée...

M. VINCENT: M. le Président...

M. LESAGE: ... ce n'est pas ce que vient de dire le ministre. Tout de même, c'est un écran de fumée, ça.

M. VINCENT: ... je n'ai pas dit que c'était la principale raison. C'est le chef de l'Opposition qui l'a ajouté. J'ai dit: L'une des raisons, en ce qui concerne la Coopérative fédérée, en plus d'être nécessaire dans une coopérative que, maintenant, un producteur puisse devenir membre de la Coopérative fédérée.

Il y avait une autre raison: par exemple, un administrateur de la Coopérative fédérée qui n'était pas membre d'une coopérative locale ne pouvait pas avoir un poste dans le bureau de direction. C'était une des raisons. Il y en a beaucoup d'autres.

M. le Président, je demande à la Chambre d'agréer ces amendements au bill no 293, parce qu'il faut de toute nécessité que ces amendements soient adoptés dès la présente session. Si le ministre des Institutions financières a bien voulu présenter cette législation, c'est justement parce qu'elle était nécessaire, mais nous devrons, dès la reprise de la prochaine session, présenter une autre série d'amendements. Ma suggestion est que ceci soit apporté devant le comité, car plusieurs personnes veulent se faire entendre. J'ai reçu hier un appel téléphonique d'un directeur ou gérant de magasin d'une coopérative d'alimentation qui me demandait, s'il lui serait possible, lorsque nous apporterions des amendements, de se faire entendre, soit devant le comité ou devant les ministres concernés.

M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre me permettrait-il une question? Etes-vous d'accord?

M. VINCENT: Oui.

M. LEFEBVRE: Dans le cas spécifique de la Fédération des magasins Co-Op, sans parler des autres revisions ou des autres amendements qui pourraient être apportés, le ministre ne croit-il pas qu'il serait au moins techniquement possible, et même facile d'apporter un seul amendement touchant uniquement le cas de la Fédération des magasins Co-Op, pour accorder à cette fédération exactement les mêmes droits qui ont été reconnus à la Coopérative fédérée? Je sais qu'il connaît très bien la loi de la Coopérative fédérée. Ne croit-il pas qu'il y a moyen de faire la même chose pour le cas spécifique de la Fédération des magasins Co-Op?

M. VINCENT: II serait techniquement possible d'apporter d'autres amendements...

M. LEFEBVRE: Non, sur celui-là...

M. VINCENT: ... tel l'amendement suggéré par l'honorable député. Mais, si nous apportons cet amendement, il faudrait confirmer qu'il serait encore techniquement possible d'apporter d'autres amendements qui pourraient nous être demandés par le ministère de l'Agriculture, par nos officiers, par d'autres ministères, par le ministère des Institutions financières ou par d'autres députés de cette Chambre.

M. LEVESQUE (Laurier): Il va être possible jusqu'à la fin du monde d'amender les lois. Nous le savons. Mais un amendement, est-ce la fin du monde? Un amendement qui est demandé par les coopérateurs?

M. VINCENT: Ce n'est pas la fin du monde, un amendement.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, pourquoi le noyer dans tous les autres amendements possibles? Nous le savons, qu'ils sont possibles. Honnêtement.

M. LACROIX: Si cet amendement est valable pour la Coopérative fédérée, pourquoi ne serait-il pas valable pour ces coopératives-là?

M» VINCENT: Quand nous avons discuté de ces amendements avec la Coopérative fédérée, nous avons apporté un changement complet à toute la législation de la Coopérative fédérée. Nous sommes allés en comité. C'était un bill privé de la Coopérative fédérée.

M. LESAGE: Il n'y a que trois articles, je les ai cités tantôt. C'est tout. C'est très simple.

M. VINCENT: Différents articles ont été changés.

M. LESAGE: Nous pourrions avoir un bill modifié demain matin.

M. VINCENT: Nous pourrions avoir un bill modifié, apporter d'autres amendements.

M. LESAGE: Très facilement.

M. VINCENT: En ce qui me concerne, nous avons discuté d'une série d'amendements.

M. LESAGE: Le gouvernement a ses responsabilités et...

M. GABIAS: Oui.

UNE VOIX: Nous allons les prendre, nos responsabilités.

M. LESAGE: ... je suis certain que M. Darveau serait en mesure de préparer des modifications pas très considérables pour le gouvernement.

M. LEVESQUE (Laurier): II a fallu moins de temps que ça pour faire le bill no 85. C'est la dernière version.

M. VINCENT: A mon sens, le gouvernement, à l'heure actuelle, prend ses responsabilités. Nous proposons à cette Chambre le bill 293 avec les amendements qui, croyons-nous, sont nécessaires à l'heure présente. Nous reviendrons plus tard avec une autre série d'amendements. Je demande donc l'appui de la Chambre pour ce bill no 293.

M. LACROIX: Toujours plus tard.

M. GABIAS: M. le Président, j'ai l'intention d'utiliser mon droit de réplique.

M. LE PRESIDENT: Je dois faire remarquer aux membres de la Chambre que l'intervention de réplique de l'honorable ministre mettra fin au débat de deuxième lecture.

L'honorable ministre des Institutions financières.

M. Yves Gabias

M. GABIAS: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et beaucoup d'intérêt les remarques du chef de l'Opposition, du député de Laurier et du député d'Ahuntsic.

En principe, je suis d'accord avec ce qu'ils recommandent. Sur les moyens, je suis moins d'accord, comme sur les exemples que l'on nous fournit.

Le chef de l'Opposition nous dit que ce serait très simple d'arriver avec des amendements qui seraient la reproduction de ceux qui ont été apportés à la Société coopérative fédérée des agriculteurs l'an passé. Vous n'avez qu'à reproduire trois articles que vous retrouvez dans le bill 171, et le truc est joué.

M. LEFEBVRE: Transposition, pas reproduction.

M. GABIAS: Le chef de l'Opposition est beaucoup mieux renseigné qu'il ne le laisse entendre...

M. LEFEBVRE: La transposition.

M. GABIAS: ... lorsqu'il nous demande par un petit truc, d'intégrer ces trois articles dans la loi concernant les associations coopératives.

M. LESAGE: Ce n'est pas ça que j'ai suggéré.

M. GABIAS: Nous sommes en présence, M. le Président, d'un bill privé, d'une loi spéciale qui concerne uniquement la Fédérée et où uniquement cette association ou cette société coopérative, était affectée par les amendements apportés au bill 171. C'était donc facile de cerner les implications de ces amendements. Il était facile de savoir et de connaître exactement la portée des amendements au bill 171 lorsqu'on reconnaissait qu'un producteur pouvait être sociétaire. Seuls ceux qui étaient touchés ou seule la Coopérative fédérée était touchée par ces amendements, et ses membres seulement étaient affectés.

Mais lorsqu'on nous demande d'inclure dans le projet de loi 293 le droit à un individu d'appartenir ou d'être considéré comme un sociétaire dans une association coopérative, dans une société, dans une association ou dans une fédération...

M. LESAGE: Non, non, il ne demande pas d'être membre d'une société.

M. GABIAS: ... ou dans une fédération. M. LESAGE: Fédération.

M. GABIAS: Nous touchons à ce moment à une loi générale qui est le chapitre 292, et c'est précisément à cause des implications qu'apportaient ces amendements ou cet amendement qu'il nous a été impossible avec sûreté de les inclure dans le bill 293.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre permettrait une question?

M. GABIAS: Certainement.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre admet que, dans ce chapitre 292 intitulé « Associations coopératives », seuls les articles 110 à 122, c'est-â-dire douze articles traitent des fédérations de coopératives?

M. GABIAS: Oui...

M. LESAGE: Ce n'est que douze articles.

M. GABIAS: Il y a douze articles qui concernent la fédération»..

M. LESAGE: Qu'il faut examiner, ce n'est pas toute une loi. Ce sont douze articles.

M. GABIAS: II y a douze articles qui concernent en particulier les fédérations, mais le chef de l'Opposition reconnaîtra également qu'il peut y avoir, dans les cent trente quelques articles du chapitre 292, d'autres articles qui vont être affectés, outre les douze qu'il mentionne.

M. LESAGE: Lesquels?

M. GABIAS: Bien, je ne sais pas, mais il peut y en avoir.

M. LESAGE: Comment il se fait que le ministre ne le sait pas?

M. GABIAS: Bien, je ne suis pas omniscient comme le chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Non, mais tout de même, c'est son devoir de regarder la loi.

M. GABIAS: Quand on entend le chef de l'Opposition nous donner comme exemple dans le bill 171, trois petits articles à ajouter et le truc est joué. C'est le même chef de l'Opposition qui, cinq minutes après, nous dit...

M. LEFEBVRE: M. le Président...

M. GABIAS: ... il admet qu'il y a 22 articles qui concernent les fédérations.

M. LESAGE: Non, M. le Président. J'invoque le règlement.

M. GABIAS: C'est le même chef de l'Opposition.

M. LESAGE: J'invoque le règlement. M. GABIAS: Vous voyez le sérieux... DES VOIX: A l'ordre!

M. GABIAS: ... du chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M» le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition sur un point de règlement.

M. LESAGE: J'ai dit que, dans le cas de la Fédérée, il s'était agi d'amendemsnts apportés à trois articles seulement.

M» GABIAS: C'est ça.

M. LESAGE: J'ai dit que, dans le cas de la loi des associations coopératives...

M. GABIAS: M. le Président, j'ai laissé le chef de l'Opposition...

M. LESAGE: Je veux rétablir les faits, M. le Président.

M. GABIAS: J'ai laissé le chef de l'Opposition faire son discours...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: J'ai le droit. Je n'ai pas parlé de 22 articles, je veux rétablir les faits.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GABIAS: J'avais, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition a invoqué le règlement, et c'est son privilège. Il a invoqué le règlement pour rectifier les faits. Comme il a usé de son droit de parole et qu'il ne pourrait plus maintenant rectifier les faits si vraiment ceux-ci n'ont pas été interprétés comme ils auraient dû l'être, il lui est permis de rectifier, et nous devons l'entendre. Je me propose d'intervenir si ça dépassait ce cadre-là.

M. LESAGE: Je vais être très bref, M. le Président. D'abord je n'ai pas mentionné 22 articles — j'en ai mentionné douze — non pas qu'il fallait modifier, mais qu'il faudrait examiner.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières.

M. GABIAS: Après cette savante... M. LESAGE: ... déclaration véridique.

M. GABIAS: ... intervention du chef del'Op-position, je disais que, pour le chef de l'Opposition, c'était un petit truc d'amender la loi générale, au chapitre 292, de prendre trois petits articles du chapitre 171, de les y inclure et le truc était joué. C'est ce qui ressortait de son intervention principale. Mais là, il corrige.

M. LESAGE: Je n'ai pas corrigé, c'est vous qui avez...

M. GABIAS: Déjà, il revient à laloi générale et dit qu'il est possible que tout le chapitre concernant les fédérations...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GABIAS: ... devrait faire l'objet d'une étude quant à l'amendement proposé. J'ai ajouté qu'il est possible que d'autres articles de cette loi générale, puissent être affectés. Le chef de l'Opposition me dit; « Nommez-les. » Je ne peux pas les nommer, je n'en ai pas fait l'étude personnellement, pas plus que le chef de l'Opposition ne l'a fait. Il n'est pas en mesure de dire — comme chef de l'Opposition — que ces amendements-là n'auront pas d'effet sur d'autres articles que les douze qu'il mentionne. C'est parce qu'il n'en a pas fait l'étude.

M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre me permettrait-il une question?

M. GABIAS: C'est précisément pour cela que nous ne sommes pas prêts à inclure, à la vapeur, comme cela s'est trop souvent fait, du temps où l'Opposition était au pouvoir, à la vapeur, à la dernière minute, sans connaître les conséquences qu'il y a à apporter des amendements à une loi générale...

M. le Président, c'est par sagesse...

M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le ministre me permet une question?

M. GABIAS: ... que nous ne voulons pas... M. LESAGE: C'est du « taponnage »! M. GABIAS: ... « taponner »...

M. LESAGE: Vous voulez dire que vous « taponnez ».

M. GABIAS: Nous ne voulons pas « taponner », comme le demande le chef de l'Opposition.

M. LEFEBVRE: Le ministre pourrait me répondre.

M. GABIAS: II reconnaît que le projet de loi est bon.

UNE VOIX: Chacun votre tour.

M. GABIAS: II reconnaît que les amendements...

M.LEFEBVRE: Mais c'est conforme au règlement.

M. GABIAS: Il reconnaît que les amendements...

M. LEFEBVRE: Le ministre me permettrait-il une question?

M. GABIAS: Tout dépend si c'est une question qui aidera...

M.LEFEBVRE: Je veux sauver...

M. GABIAS: ... la Chambre. Je vais en donner l'opportunité au député d'Ahuntsic, parce que cela ne lui arrive pas souvent. Mais si c'est pour faire perdre le temps de la Chambre, je crois qu'il ne devrait pas poser sa question.

M. LE PRESIDENT: Nous le saurons après avoir entendu le député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais justement ramener le débat plus au sérieux. Je pense que je rendrai service au ministre. Ma question est la suivante: Est-ce que le ministre ne conviendra pas, en toute bonne foi, sans chercher noise ou chicane à qui que ce soit, qu'il y a une différence entre un amendement qui concernerait toutes les fédérations coopératives et un amendement spécifique pour régler un problème donné? Ce n'est qu'un préambule. La question est bien simple.

M. GABIAS: Je comprends votre question. Si le député avait voulu être patient, je lui aurais répondu.

UNE VOIX: Il n'a même pas posé sa question.

M. GABIAS: Il veut un amendement spécial pour les coopératives.

M. LEFEBVRE: Pour la Fédération des magasins Co-Op.

M. GABIAS: La Co-Op.

M. LEFEBVRE: Cela ne sert à rien de lancer des injures.

M. GABIAS: Je voulais dire, avant que le député fasse son intervention, que nous allons examiner cet angle-là...

M. LEFEBVRE: Aujourd'hui?

M. GABIAS: A savoir si véritablement, un groupe, une association de coopératives ou une fédération seraient durement affectés par le fait que nous n'introduisons pas l'amendement général réclamé...

M. LEFEBVRE: Alors, là, le ministre...

M. GABIAS: ... et que, si l'on pouvait apporter un amendement particulier pour couvrir un cas...

M. LEFEBVRE: Le ministre s'améliore.

M. GABIAS: Non, il ne s'améliore pas. Celui qui vous parle a toujours été conciliant et aimable avec les gens d'en face.

M. LACROIX: Il a l'humeur égale, il est toujours fâché.

M. GABIAS: M. le Président, chaque parti a sa croix. Le parti libéral a la sienne.

M. LACROIX: Nous ne pouvons pas tous faire une belle mort.

M. GABIAS: Je crois qu'il ne faudrait pas détériorer le climat coopératif qu'il y avait ce matin.

M. LEFEBVRE: C'est justement.

M. GABIAS: Nous devrions le maintenir. Je suis d'accord, en principe, je le répète, avec les amendements ou l'amendement réclamés par l'Opposition ou les membres indépendants du côté d'en face. A cause des implications graves qu'un tel amendement apporterait à la loi générale, j'admets que nous ne sommes pas prêts, cette année, à l'apporter.

Le député d'Ahuntsic, bien qu'il ait avisé cette Chambre qu'il n'était pas assuré du concours du chef de l'Opposition...

M. LEFEBVRE: Ne « charriez » pas, on discute sérieusement.

M. GABIAS: ... a osé... Ah, quand on parle du chef de l'Opposition, ce n'est pas sérieux!

M. LEFEBVRE: Non, non, c'est très sérieux, mais vous étirez mes propos.

M. GABIAS: M. le Président, j'avais cru que le député d'Ahuntsic...

M. LESAGE: C'est, sans doute, ce que l'on appelle un coq-à-l'âne.

M. GABIAS: Je suis certain que le coq, c'est vous, et que l'âne, ce n'est pas moi.

M. LESAGE: Non, mais ça vous ressemble.

M. LEFEBVRE: M. le Président, si je croyais que le ministre a voulu traiter le président d'âne, j'invoquerais le règlement, mais je suis sûr qu'il regardait dehors.

M. GABIAS: Les ressemblances, M. le Président...

UNE VOIX: C'est une pure coïncidence.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je compte sur un certain mouvement coopératif pour revenir au bill 293.

M. GABIAS: M. le Président, le député d'Ahuntsic a fait une suggestion. Nous allons l'étudier et, s'il y a lieu, après avoir consulté le mouvement coopératif, mes officiers supérieurs qui s'occupent en particulier du mouvement coopératif et les légistes, nous pourrions, en troisième lecture, apporter l'amendement suggéré par le député d'Ahuntsic, pourvu que ça ne cause pas préjudice aux autres mouvements coopératifs et que ça corrige un cas particulier qui souffrirait de ne pas bénéficier d'un tel amendement dans la présente loi.

A la suite des informations supplémentaires qui ont été fournies par le ministre de l'Agriculture, je demande que la deuxième lecture soit votée, si possible, à l'unanimité. Même si tous les amendements désirés n'y sont pas contenus, je crois sincèrement que le bill 293 apporte des amendements qui aideront grandement le mouvement coopératif.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Insitutions financières propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 293. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. FRECHETTE (président du comité plénier).

M. BELLEMARE: Est-ce qu'on peut suspendre les travaux de la Chambre maintenant? On pourrait recommencer à trois heures.

M. LESAGE: Bien, le ministre des Institutions financières a parlé de la possibilité d'apporter une modification en troisième lecture. Normalement, c'est en comité que ça se fait Alors, je me demande s'il ne vaudrait pas mieux rapporter progrès et aller en comité demain pour ce bill.

M. BELLEMARE: Demain ou cet après-midi?

M. LESAGE: Demain, après que le ministre aura considéré l'opportunité d'apporter une modification dans le sens qu'il vient de mentionner. Il a dit qu'il le ferait à l'étape de la troisième lecture. Or, l'étape au cours de laquelle nous pouvons apporter des amendements à un bill, c'est réellement l'étape du comité.

M. GABIAS: On sait tout cela, M. le Président. Simplement, cela arrive couramment dans cette Chambre, de consentement unanime, et avec le privilège de revenir en comité, s'il y a discussion. Je pense que le chef de l'Opposition, s'il ne veut pas se chicaner sur les mots...

M. LESAGE: Je ne veux pas me chicaner.

M. GABIAS: ... devrait se rendre... C'est évident que c'est en deuxième lecture, lors de l'étude du comité, qu'on apporte des amendements. Tout le monde sait ça.

M. LESAGE: Bon, alors?

M. GABIAS: Pourquoi remettre ça à demain?

M. LESAGE: Oui, oui, mais...

UNE VOIX: Allez-vous avoir le temps de...

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, nous allons rapporter progrès et, à trois heures, nous reviendrons, nous demanderons, peut- être, la permission de la Chambre pour introduire...

M. LESAGE: Ah, j'ai compris qu'à trois heures il y aurait la cérémonie traditionnelle de présentation des députés nouvellement élus.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: Après ça bien nous continuerons le travail.

M. BELLEMARE: Le comité ad hoc siégera sur la loi 290.

M. LESAGE: Après la cérémonie.

M. BELLEMARE: Après la cérémonie.

M. LESAGE: Si j'ai des changements à apporter quant...

M. BELLEMARE: Aux noms. M. LESAGE: ... aux membres... M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. LESAGE: ... du comité, je le ferai savoir au ministre, après la présentation des deux députés.

M. BELLEMARE: Alors, je dois attendre pour changer, j'en ai...

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: Très bien. Alors, rapportez progrès, M. le Président.

M. FRECHETTE (président du comité plé-nier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité n'a pas fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger à nouveau.

M. LEBEL (président): Quand siégera-t-il? A la prochaine séance?

La Chambre suspend ses travaux jusqu'à trois heures cet après-midi.

Reprise de la séance à 15 h 13

M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!

Présentation de MM. Cardinal et Tetley

M. BELLEMARE: M. le Président, je fais motion pour que les travaux normaux de la Chambre soient suspendus à cause des événements qui vont se produire d'ici quelques minutes.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

J'ai l'honneur d'informer la Chambre que f ai reçu du président général des élections les certificats d'élection suivants: « A l'Orateur, « Assemblée législative de Québec, « Hôtel du Gouvernement, « Québec. « Monsieur,

Je certifie que conformément à un bref d'élection émis le 16 octobre 1968, et adressé à M. Jean-Paul Gauthier, gérant, domicilié à Saint-Théodore, M. Joseph-Jean-Guy Cardinal, notaire, a été, ainsi qu'il appert du rapport qui se trouve dans les archives de mon bureau, élu député du collège électoral de Bagot à l'Assemblée législative de Québec, en remplacement de l'honorable Daniel Johnson, avocat, décédé. » « A l'Orateur, « Assemblée législative de Québec, « Hôtel du Gouvernement, « Québec. « Monsieur,

Je certifie que, conformément à un bref d'élection émis le 16 octobre 1968, et adressé à M. Hector Langlois, avocat, domicilié à Montréal, M. William Tetley, avocat, a été, ainsi qu'il appert du rapport qui se trouve dans les archives de mon bureau, élu député du collège électoral de Notre-Dame-de-Grâce à l'Assemblée législative de Québec, en remplacement de M. Eric Kierans, démissionnaire. »

M. BELLEMA.RE: M. le Président, j'ai l'honneur de vous présenter Jean-Guy Cardinal, député du collège électoral de Bagot. M. Cardinal a prêté et souscrit sur le rôle le serment prescrit par la loi. Il réclame maintenant le droit de siéger.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai l'honneur de vous présenter William Tetley, député du collège électoral de Notre-Dame-de-Grâce. M. Tetley a prêté et souscrit sur le rôle le serment prescrit par la loi. Il réclame maintenant le droit de siéger.

Mr. President, I have the honour to present to you Mr. William Tetley, member elect for the electoral division of Notre-Dame-de-Grâce, who has taken and subscribed on the roll the oath required by law and now claims the right to take his seat.

M. BELLEMARE: J'ai cru entendre, ce matin, que l'honorable président de cette auguste assemblée nous ferait un accueil fort sympathique à la fin de nos travaux aujourd'hui.

M. le Président, j'aurais quelques changements à apporter quant à la composition du comité qui doit siéger cet après-midi au sujet du bill 290. Je proposerais que le nom de M. Gabias soit remplacé par celui de M. Murray.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté. A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, en ce qui concerne le même comité ad hoc pour l'étude du bill 290, je propose que le nom de M. Lesage soit remplacé par celui de M. Cliche, et celui de M. Bourassa par celui de M. Maltais (Saguenay).

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BELLEMARE: Il va être sûrement utile.

M. MALTAIS (Saguenay): Le ministre du Travail me connaît.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, je vous demanderais de retourner en comité plénier pour le bill 293 et durant l'étude de ce bill... Pardon?

M. LESAGE: Est-ce que le ministre va apporter les modifications qu'il nous a laissé espérer?

M. BELLEMARE : Nous allons suivre l'ordre de la Chambre et, en temps et lieu, nous y verrons.

M. LESAGE: « En temps et lieu ». C'est encore à la model Je pensais que, maintenant, c'était: « On y verra ».

M. BELLEMARE: M. le Président, avec la permission de la Chambre, le comité ad hoc siégera à la chambre 81, immédiatement pour étudier le bill 290.

M. LE PRESIDENT: Alors, de nouveau en comité plénier pour l'étude du bill 293.

Comité plénier

M. FRECHETTE (Président du comité plénier): A l'ordre! Bill 293. Article 1.

M. LESAGE: Je vais profiter de l'étude de l'article 1 pour demander au ministre des Institutions financières s'il a eu l'occasion, depuis la suspension de la séance, à une heure moins quart, d'étudier la possibilité d'apporter certaines modifications dont nous avons longuement discuté ce matin. Je n'ai pas l'intention de reprendre la discussion, à ce moment-ci.

M. GABIAS: M. le Président, le chef de l'Opposition sait, par expérience, que le présent gouvernement agit vite et bien. Nous avons le plaisir de soumettre cet amendement dont je fais parvenir deux copies au chef de l'Opposition et une copie au greffier.

Cet amendement deviendrait l'article 5 du bill 293. Ladite loi est modifiée en insérant, après l'article 120, le suivant, 120-A: « La fédération des magasins Co-Op, après avoir adopté un règlement spécial à cet effet, peut aussi admettre comme membre toute personne autre qu'une association. Ce règlement détermine les conditions d'adhésion, d'admission, d'éligibilité, de représentation et de participation. »

Je crois, M. le Président, que cela rencontrera les vues unanimes de cette Chambre. Cet amendement corrige, d'abord, une situation de fait à la Fédération des magasins Co-Op, qui veut que, déjà, un immeuble soit en construction et que des projets soient mis à exécution. Or, ce projet serait placé dans une situation défavorable si l'amendement que je propose n'était pas accepté.

Je comprends que le chef de l'Opposition — je ne dis pas que ce n'est pas avec raison — aurait préféré qu'un tel droit soit donné à l'ensemble des fédérations ou des associations coopératives. Je puis assurer le chef de l'Opposition et cette Chambre que, dès le début de la prochaine session - alors que nous aurons été capables de mesurer toutes les implications qu'un tel amendement aurait si on le donnait à toutes les fédérations d'associations coopératives — nous serons en mesure de nous rendre d'abord aux demandes des fédérations et du Conseil supérieur de la coopération également. L'amendement que nous soumettons cet après-midi fait suite à une suggestion, en premier lieu, des magasins Co-Op, que nous connaissons bien à travers la province. Il fait suite aussi à un écho du chef de l'Opposition, à un écho du député d'Ahuntsic et également à un écho du député de Laurier. C'est un problème que nous connaissions, mais je le redis, sur lequel on n'avait pas assez insisté pour que nous le considérions comme une priorité. Mais, ce matin, nous avons convenu qu'il s'agissait d'une priorité, et nous avons réuni les cerveaux les plus compétents en cette matière pour qu'à l'occasion de l'ajournement, le présent amendement soit rédigé. J'informe la Chambre que le Conseil supérieur de la coopération est satisfait de cet amendement...

M. LESAGE: Je le pense bien.

M. GABIAS: ... que tout le monde est satisfait de l'amendement. J'espère qu'il pourra être à la satisfaction des membres de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, ce serait une belle occasion, pour le député d'Ahuntsic, le député de Laurier et celui qui vous parle, de dire des méchancetés, mais je n'ai pas l'intention de le faire...

M. GABIAS: Allez-y, allez-y.

M. LESAGE: ... je ne veux pas gaspiller le climat. Le climat est excellent, cet après-midi, et j'ai bien l'intention de ne rien faire pour lui enlever de sa sérénité. Tout de même, il est remarquable que le ministre ait admis implicitement que ce n'est que lorsque le gouvernement est poussé dans ses derniers retranchements, qu'il arrive à la dernière minute avec des solutions empiriques pour éteindre les feux, pour voir au plus pressant. Jamais une étude approfondie n'a été faite en temps utile. Mais c'est assez sur ce sujet. Je crois qu'il était de mon devoir de le dire, et le député d'Ahuntsic, qui est présentement à une séance de comité, l'aurait sans doute dit à ma place, si je ne l'avais pas dit.

M. GABIAS: Vous étiez moins loin.

M. LESAGE: Disons, pour le moment, M. le Président, que cette modification suggérée au

projet de loi par le ministre des Institutions financières règle le cas le plus urgent et peut-être des cas parmi les plus urgents. Il appartiendra évidemment aux fonctionnaires du ministère d'examiner toute la loi puisque ça n'a pas été fait, et particulièrement les articles que j'ai mentionnés ce matin. Il leur appartiendra de voir de quelle façon on pourrait apporter à ces articles, ou peut-être d'autres articles de la loi, suivant ce que disait ce matin le ministre, les modifications qui feront qu'une personne, au sens juridique du mot, ou encore, si ce n'est pas possible, une personne physique puisse devenir membre à part entière d'une fédération de coopératives.

Et je retiens l'assurance du ministre que nous aurons cette réponse très tôt après le début de la prochaine session.

M. GABIAS: Article 1, adopté.

M. le Président, je me permets de remercier le chef de l'Opposition de ne pas avoir sauté trop haut à l'occasion des remarques qui ont été adressées à l'Opposition. J'aurais tout de même préféré qu'il insiste davantage sur la célérité du gouvernement à se rendre à une demande qui était juste et normale, à mon sens, et qui réglait un problème aigu qui, si je ne m'abuse, existait du temps où le chef de l'Opposition était le chef du gouvernement. Mais passons sous silence toutes ces carences qui ont pu exister autrefois et adoptons, dans la joie de l'unanimité, l'article 1 du bill 293.

M. LESAGE: D'accord, M. le Président, mais si je puis exprimer un espoir, espérons que nous aurons le même succès lorsque nous étudierons le bill 294.

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté.

M. GABIAS: Cela dépend de ce qui sera suggéré.

M. LE PRESIDENT: Article 2, adopté. M. GABIAS: Article 3, adopté. M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté. M. GABIAS: Articles 4 et 5, adoptés.

M. LE PRESIDENT: Un instant. Article 4, adopté. L'article 5, c'est l'amendement?

M. GABIAS: Oui.

M. LE PRESIDENT: L'article 5 devient donc l'article 6. Adopté.

M. FRECHETTE (Président du comité plé-nier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a adopté le bill 293 avec un amendement qu'il vous prie d'agréer.

M. LEBEL (président): Le bill amendé se-ra-t-il agréé? Agrée.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre des Institutions financières propose que le bill soit lu une troisième fois.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. LESAGE: Oui, avant que le ministre ne change d'idée.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. GABIAS: On vient de me reprocher de ne pas changer assez souvent d'idée et maintenant, on me reproche de le faire trop souvent.

M. LESAGE: Vous êtes sur la bonne voie, et nous voulons que vous y restiez.

M. GABIAS: C'est vraiment une bonne opposition.

Bill 294

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des caisses d'épargne et de crédit.

L'honorable ministre des Institutions financières.

M. Yves Gabias

M. GABIAS: M. le Président, on pourrait à l'unanimité me dispenser de la formule sacramentelle.

Il s'agit d'une loi modifiant la Loi des caisses d'épargne et de crédit. Depuis fort longtemps, le Conseil de la coopération du Québec, les caisses d'épargne et de crédit et les fédérations réclamaient qu'on ajoute à leurs pouvoirs, de telle sorte que les fédérations de caisses d'épargne et de crédit obtiennent des pouvoirs additionnels de placement, notamment l'acquisition, à certaines conditions, d'actions

de banques d'épargne, de compagnies de fidéi-commis, de compagnies d'assurance et de sociétés industrielles ou commerciales.

Aujourd'hui, nous nous rendons à ces demandes. On pourra, à la lecture de ce projet de loi, se rendre compte que les conditions sont assez sévères.

UNE VOIX: Un peu, oui!

M. GABIAS: Mais, bien que sévères, ces conditions sont agréées par les fédérations. Je ne sache pas — à moins que les fédérations aient été timides et elles n'ont pas l'habitude de l'être — qu'on se plaigne de ce projet de loi d'aucune façon, parce que nous n'avons reçu aucune protestation.

Au contraire, fe ferais rougir les gens d'en face, si je leur faisais part de tous les compliments qui nous ont été adressés.

M. LACROIX: Soyons modeste.

M. GABIAS: Parce que nous sommes modestes de nature, nous dispenserons cette Chambre de toute ces louanges, mais nous voulions tout de même qu'elle sache qu'il y a unanimité chez les fédérations pour le projet de loi que nous soumettons. Bien entendu, et c'est bien humain. On aurait peut-être préféré que la loi donne des ouvertures plus larges, que la loi donne des pouvoirs plus étendus, c'est tout à fait normal.

Tout individu, toute association réclame souvent plus pour recevoir moins ou réclame plus sachant que le législateur, dans sa sagesse, n'accordera que les pouvoirs requis et nécessaires. Inutile d'insister ainsi que nous le pourrions, M. le Président, pour faire l'éloge des caisses d'épargne et de crédit dans la province. Nous pourrions faire l'éloge des pionniers de ces caisses d'épargne et de crédit qui ont sensibilisé une population à ces problèmes d'épargne, à ces problèmes de placement et qui ont considérablement aidé dans les régions les plus éloignées de notre province, au développement économique et je dirais même au développement culturel et social de la population de ces endroits.

Le mouvement est tellement connu que je n'insisterai pas sur les mérites des pionniers non plus que sur les mérites des continuateurs des pionniers et des mérites de ceux qui sont intimement et activement mêlés au domaine des caisses d'épargne et de crédit.

Mais le gouvernement actuel a reconnu que ces institutions avaient acquis la maturité suffisante, avaient le personnel compétent suffi- sant pour obtenir les droits qu'on leur accorde dans ce bill 294. Je pourrais, M. le Président, vous lire une série de télégrammes. Dans chacun de ces télégrammes, on réclame l'amendement ou les amendements contenus dans le bill 294. Tous nous disent qu'il s'agit d'un pouvoir nécessaire au développement, à l'épanouissement, au progrès de nos caisses d'épargne et de crédit. Tous s'accordent également pour que ce pouvoir que l'on accorde dans le bill 294 soit limité à l'an 1970. Et cela, parce que la commission Parizeau à ce moment aura fait son rapport sur la refonte de toutes ces lois qui concernent les caisses d'épargne et de crédit, qui concernent également toutes les institutions financières, possiblement les compagnies et les coopératives. C'est dans l'attente de ce rapport, rapport qui doit être remis au cabinet, au conseil des ministres au cours de l'hiver 1969, que nous présentons ce projet de loi, pour corriger temporairement une situation mais une situation qui sera de nouveau améliorée à la suite du rapport Parizeau de la commission Parizeau et à ce moment-là il nous sera possible de soumettre à cette Chambre un projet de loi refondant ou amendant en profondeur ces lois concernant les institutions financières, coopératives et compagnies.

Le bill 294 est donc présenté à la suite de demandes unanimes et réitérées des fédérations concernées. Il est également déposé parce qu'il s'agit d'une nécessité pour assurer le développement de ces institutions et parce que nous sentons que ces caisses d'épargne et de crédit, de même que les responsables de ces institutions ont besoin de la coopération du gouvernement, et de droits additionnels. C'est avec plaisir et empressement que le gouvernement actuel fait suite aux demandes de ceux qui s'intéressent aux caisses d'épargne et de crédit. Nous espérons que ce projet de loi sera adopté à l'unanimité par les membres de cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mercier.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: Très brièvement, pour enchaîner sur les remarques du ministre et puisqu'on aura certainement l'occasion, au cours de la discussion en comité, de formuler certaines suggestions, il faut, évidemment, se féliciter que le gouvernement ait finalement cédé aux représentations qui lui étaient faites de la part des caisses populaires pour répondre à des situations qui exigeaient des gestes immédiats. Il était nécessaire de présenter ce projet

de loi pour permettre à un instrument important du développement économique du Québec de répondre à des besoins nouveaux, dans des conditions nouvelles.

Outre de pouvoir répondre aux besoins de crédit de leurs membres — ce qui a été fait avec succès, depuis un très grand nombre d'années comme l'a, d'ailleurs, souligné le ministre — les caisses populaires et les caisses d'épargne tiennent à participer davantage au développement industriel. Déjà, elles y ont participé, assez indirectement, d'accord, grâce à l'appui qu'elles ont apporté au gouvernement du Québec en achetant des titres de la province qui ont permis des investissements publics. Il faut l'admettre et le signaler, à cette occasion, ce concours des caisses populaires dans l'achat des titres de la province a été extrêmement précieux et il l'est d'autant plus à l'heure actuelle que les marchés financiers sont de plus en plus difficiles. Dans la mesure où ce concours diminue la dépendance vis-à-vis des circuits financiers extérieurs à la collectivité canadienne-française, il faut constater qu'ils sont un apport extrêmement utile au financement de nos investissements publics.

On a parfois reproché aux caisses populaires de ne pas investir davantage ou d'une façon plus positive et plus directe dans le développement industriel du Québec. Je pense que, lorsqu'on l'a fait, on a oublié que les textes législatifs limitaient singulièrement la volonté de ces institutions de vouloir participer à ce développement industriel. En conséquence, il était injuste de leur reprocher de ne pas y participer assez.

Une autre raison peut justifier la présentation de ce projet de loi qui permettra, entre autres, aux caisses populaires d'investir sous forme d'actions: c'est qu'aujourd'hui, avec le taux d'inflation que nous connaissons — un taux d'inflation qui se situe à environ 4% par an — si on veut protéger la croissance des portefeuilles de quelque institution que ce soit, il est absolument vital que ces institutions puissent avoir une liberté de manoeuvre plus grande qui leur permette d'investir davantage sous forme d'actions. Il est, en effet, reconnu que ce sont les placements sous cette forme qui constituent une plus grande protection contre l'inflation.

Il est donc justifié, à plusieurs titres, de donner aux caisses populaires des reponsabilités accrues. Ces responsabilités pourront contribuer à répondre à la première priorité actuelle au Québec, c'est-à-dire créer de nouveaux emplois. C'est donc une mesure importante et opportune. Elle est d'autant plus opportune que nous constatons depuis quelque temps l'accélération d'une situation qui exis- tait déjà, c'est-à-dire la vente de plusieurs de nos entreprises, c'est-à-dire des entreprises appartenant à des Québécois francophones, à des intérêts américains ou à des intérêts étrangers.

Il est essentiel, plus que jamais, de fournir des instruments aussi efficaces que possible aux Québécois, non seulement pour stimuler leur développement économique, mais pour essayer d'avoir une part plus grande dans les centres de décision.

L'objectif de ce bill, je pense l'avoir démontré, et d'ailleurs le ministre et notre parti, nous sommes d'accord là-dessus, est donc vital et important. C'est pourquoi son application doit être faite de la meilleure façon. Nous sommes d'accord sur les objectifs, mais nous constatons qu'il y a dans ce bill des inconvénients ou des faiblesses qui nous apparaissent inadmissibles. Quelles que soient les raisons qui peuvent les expliquer ou les excuser, on peut quand même difficilement admettre que le ministre ait un pouvoir discrétionnaire, du moins apparemment, pour autoriser des transactions éventuelles des caisses populaires.

Il ne faut pas avoir une expérience tellement grande des affaires pour réaliser comment cette disposition sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir en comité plénier, et qui donne ce pouvoir discrétionnaire ou capricieux au ministre, pourra être préjudiciable aux négociations que pourront avoir les caisses populaires avec des entreprises. Car ces entreprises ou ces parties se trouveront elles aussi à examiner les conditions dans lesquelles les transactions pourront être faites. Elles pourront constater très facilement ce pouvoir discrétionnaire du ministre qui, à mon sens, introduit dans ce circuit économique des éléments extrinsèques ou étrangers qui peuvent singulièrement, dans des cas concrets, même si, sur papier, on ne peut le réaliser immédiatement, nuire à la bonne marche ou à la réalisation des objectifs que nous voulons rechercher avec ce projet de loi.

C'est pour moi une entrave sérieuse, et qu'il y aura lieu de discuter tantôt. Ce projet de loi permet donc de diversifier les placements, de favoriser un développement économique dans des secteurs possiblement nouveaux, de favoriser une meilleure utilisation des économies. Il est donc juste de constater que les caisses populaires pourront ainsi constituer un instrument plus efficace au service du Québec.

Au même titre que la Société générale de financement, que la Caisse de dépôt ou que l'HydroQuébec, mais dans un cadre évidemment différent, les caisses populaires pourront remplir une fonction essentielle en regard de nos prio-

rités. D'autant plus que l'un de ces quatre principaux instruments au service de notre collectivité, la Caisse de dépôt, est de moins en moins en mesure de diversifier ses placements, puis-qu'à cause de la situation financière du gouvernement, elle a près des trois quarts de son portefeuille sous forme d'émissions du gouvernement ou de sociétés gouvernementales. C'est une raison de plus pour permettre à des institutions comme les caisses populaires de pouvoir diversifier davantage leurs placements.

Le gouvernement du Québec doit donc soutenir cette recherche de nouveaux objectifs, d'autant plus que les intérêts des caisses populaires coïncident étroitement avec ceux de la collectivité où elles agissent.

Somme toute, ce bill, moyennant certaines modifications dans son application, ce bill peut constituer un nouveau départ pour les caisses populaires et leur permettre de remplir les fonctions qu'elles veulent assumer et qui sont conformes à nos priorités.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition. Je voudrais faire remarquer à la Chambre que l'intervention-réplique de l'honorable ministre mettra fin au débat de deuxième lecture et le signaler aux membres de la Chambre qui désirent intervenir.

L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: Je m'empresse d'apporter une très modeste contribution parce que je ne crois pas pouvoir ajouter beaucoup à ce qui a été dit par l'honorable député de Mercier. Il s'agit, à mon sens, au point de vue de la technique législative, d'un projet de loi qui est un expédient. Je parle au point de vue de la technique législative. Je constate que le ministre des Institutions financières l'admet.

M. GABIAS: Admis.

M. LESAGE: Ce que je ne comprends pas très bien, c'est que, depuis des mois et des mois, on a laissé entendre aux autorités des fédérations et des unions de caisses que la loi serait modifiée à la présente session pour leur permettre une plus grande liberté de manoeuvre dans leurs investissements.

Elles ont besoin de cette liberté de manoeuvre — tout le monde est d'accord — car ces institutions se font dire de plus en plus que les capitaux considérables qui sont réunis à leur enseigne sont loin d'exercer l'influence dynamique à laquelle on pourrait s'attendre pour l'avancement et la consolidation de l'économie québécoise — et je pense qu'on peut l'ajouter — particulièrement du secteur francophone.

Dans un mémoire que j'ai reçu, et qui est sans doute un texte similaire pour le moins à un mémoire qu'a reçu le gouvernement, je lis ce qui suit: « Pour atteindre une telle influence, il faut de toute nécessité que disparaissent les obstacles juridiques restreignant le champ de manoeuvre des caisses en matière d'investissement. Actuellement, ce n'est que pas les canaux étroits des prêts hypothécaires ou par le truchement de la Société générale de financement qu'une partie des capitaux des caisses peut être dirigée vers des entreprises créatrices de nouveaux emplois. Toutes les autres avenues leur sont pratiquement fermées. Et ce n'est bien souvent qu'en usant de mille stratagèmes — il m'en vient plusieurs à l'esprit en lisant cette phrase — ou en obtenant de peine et de misère un article ad hoc dans un projet de loi particulier que les caisses parviennent à acquérir des titres de propriété et de contrôle sur certaines corporations financières susceptibles de prolonger leurs propres actions. « Il s'impose que la situation soit régularisée — j'insiste là-dessus — et que les caisses d'épargne et de crédit puissent diversifier l'éventail de leurs placements, de manière à être en mesure d'utiliser les outils voulus pour participer de plein droit à la mise sur pied, à l'achat ou à la consolidation d'entreprises financières, commerciales ou industrielles. « Evidemment, nous reconnaissons que l'exercice des pouvoirs ainsi réclamés devrait être soumis à certaines règles de prudence. Et c'est dans cet esprit, d'ailleurs, que nous jugeons à propos de n'en faire bénéficier, surtout au début, que les fédérations, et selon des modalités bien précises. »

Nous pouvions nous attendre à ce que la loi elle-même détermine ces modalités. En fin de compte, par l'expédient législatif que constitue le bill 294, le gouvernement demande un blanc-seing. Le gouvernement laissera au ministre des Institutions financières une discrétion absolue de juger si une demande d'autorisation faite par une fédération de caisses tombe sous le coup de règlements que nous ne connaissons pas, qui sont à édicter.

C'est donc dire que c'est non seulement au gouvernement que nous donnons un blanc-seing, mais c'est au ministre.

Le ministre nous demande par ce bill une

discrétion absolue qui se superpose à un blanc-seing donné au gouvernement. Je dis que c'est une technique législative contraire à notre système parlementaire. Aussi bien demander purement et simplement aux législateurs la permission de légiférer à leur place. C'est à ça que revient le bill. On me répondra: La loi ne s'appliquera que jusqu'en 1970. Cela n'enlève rien au vice de fond, du projet de loi. Au contraire, ça nous sert à démontrer que le gouvernement lui-même est conscient que c'est une législation à proscrire - une méthode de législation à proscrire - puisqu'on ne veut se servir de cet expédient que jusqu'en 1970. Quelle est alors la garantie que peuvent avoir les intéressés de ce que sera la situation après 1970?

Si des décisions sont prises, en vertu de règlements à édicter et que ces règlements sont contredits par une loi à venir en 1970, quelle sera la situation de ceux qui auront agi en vertu des règlements existant d'ici 1970? On me répondra sans doute : Eh bien! mon Dieu, nous verrons à protéger les droits acquis, comme nous le ferions, s'il y avait des changements à la législation. Mais le Parlement, comme tel, n'aura pas la responsabilité qu'il aurait s'il avait lui-même édicté les conditions en vertu desquelles les caisses d'épargne et de crédit peuvent détenir des actions ou des intérêts dans des institutions financières.

Pourtant, il me semble que la volumineuse législation qui existe en ce qui concerne les investissements dans des sociétés financières, commerciales ou industrielles, par ceux qui ont charge de l'administration des biens d'au-trui, est bien connue. C'est par la loi et non par des règlements que la loi fédérale des banques détermine les pouvoirs des banques dans ce domaine. C'est 14, 15, 16 Elizabeth II, chapitre 87, loi fédérale. Les banques d'épargne du Québec, c'est le chapitre 93, du même statut fédéral. La caisse de dépôt et de placement, c'est 13, 14 Elizabeth II. chapitre 23, loi provinciale, où les pourcentages sont tous Indiqués, pourcentage de l'avoir que l'on peut investir dans des compagnies à fonds social, pourcentage et conditions de l'investissement à faire dans chacune de ces sociétés.

L'article 981-0 du code civil, qui a été amendé à la dernière session est très précis également au paragraphe i).

Il me semble que le ministre, ses fonctionnaires et disons-le donc tout de suite, le comité des institutions financières - c'est comme ça qu'il s'appelle, n'est-ce pas? - qui avait été créé, il y a déjà longtemps par le gouvernement antérieur, auraient pu — en se basant non seule- ment sur ces textes, mais sur l'expérience de ces institutions: les banques, les banques d'épargne, la Caisse de dépôt et placement, les fiduciaires, les tuteurs, les curateurs, de même que sur la vieille expérience acquise en vertu de 981-0 du code civil — déterminer des conditions que nous aurions aimé voir dans le projet de loi à l'étude.

Evidemment, on a, en fin de session, décidé, encore une fois, d'éteindre un feu, comme je le disais tantôt, et on arrive avec un projet de loi préparé suivant une technique législative absolument contraire aux règles les plus élémentaires de notre système parlementaire. Je le regrette infiniment, parce que j'ai la conviction bien nette qu'on aurait pu procéder autrement.

On ne se sert que d'un seul critère dans le bill; il faut qu'une fédération ait un actif de $2,500,000, et c'est tout. Tout le reste sera décidé par le gouvernement et par le ministre. Oui, le ministre peut bien se taper l'estomac du plat de sa main, en disant: C'est moi, c'est moi, le roi qui déciderai. C'est ça qui est mauvais; c'est ça qui comporte un risque pour le présent et pour l'avenir. Je pourrais être méchant, mais je ne le serai pas.

M. GABIAS: Allez, allez.

M. LESAGE: Non, je ne le serai pas. Je ne ferai pas de personnalité.

M. GABIAS: Je ne vous reconnaîtrai pas. M. LESAGE: Je dis, M. le Président... M. GABIAS: Je ne vous reconnaîtrai plus.

M. LESAGE: ... que, même avec toute la science financière du ministre, même avec son immense expérience dans ce domaine...

M. BOURASSA: Son objectivité,

M. LESAGE: ... il y a risque d'erreurs...

M. LACROIX: C'est impossible.

M. LESAGE: ... (au pluriel) qui peuvent avoir des conséquences graves. Il est clair que les institutions, qui agiront avec la permission du ministre en vertu de règlements que nous ne connaissons pas, prendront des risques pour l'avenir. J'espère que ces risques ne seront pas trop forts.

Lorsque nous serons en comité, comme le disait le député de Mercier, nous aurons des remarques à faire et des modifications à propo-

ser. Nous espérons que le ministre montrera le même degré de compréhension qu'il a montré cet après-midi, à l'occasion de l'étude du bill 293 en comité.

M. GABIAS: M. le Président, j'ai l'intention de me prévaloir de mon droit de réplique, à moins que d'autres députés de l'Opposition ou de ce côté-ci ne désirent parler.

M. LE PRESIDENT: Alors, l'honorable député de Portneuf.

M. Marcel Plamondon

M. PLAMONDON: M. le Président, j'aimerais juste prendre quelques minutes pour manifester mon approbation face à l'acceptation et à la présentation de ce bill, surtout en ce moment où on reproche très souvent à nos Canadiens français leur faible participation au financement de nos diverses institutions et où l'on constate qu'une très large part de nos capitaux sont investis dans les sociétés d'épargne et de crédit.

Ces institutions ont pris une place très importante dans notre économie. C'est pourquoi je crois qu'il est nécessaire que l'on participe davantage au développement industriel et économique de notre province en permettant à ces institutions d'acquérir des actions ordinaires de compagnies.

Par le fait même, c'est une participation accrue des nôtres au contrôle et à l'administration de ces sociétés.

Bien sûr, ce bill ne règle pas le problème d'une façon définitive. On ne préjuge pas des recommandations qui seront faites à la suite des études en cours, mais, en attendant, nous permettons à ces institutions de prendre une action précise. Avec toute la prudence qui s'impose en pareil cas, je pense que le bill assurera un essor considérable et accru à nos entreprises, par la participation qu'elles pourront apporter à leur financement, et, par le fait même, par le contrôle qu'elles assumeront et par leur participation à l'administration des compagnies qui sont à la base de notre développement industriel et économique.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières.

M. Yves Gabias

M. GABIAS: M. le Président, il ressort bien clairement des discours prononcés tant par le député de Portneuf que par le chef de l'Opposi- tion et le député de Mercier, que vous êtes en présence d'une excellente loi.

M. BOURASSA: Simplifiez un peu.

M. LACROIX: A quelques exceptions près.

M. GABIAS: Mais, que voulez-vous, on cherche le pou dans la veilloche de foin.

M. BOURASSA: Le député de Trois-Rivières, cela?

M. GABIAS: II est clair que je peux être le pou dans le veilloche de foin de l'autre côté, mais ce n'est pas cela qui importe.

M. LACROIX; Cela ne pique pas fort.

M. GABIAS: Je pense que ce qui importe... Non, mais c'est fatigant, par exemple,... c'est d'apporter un correctif temporaire à une loi contre laquelle existaient de nombreuses critiques, des critiques fondées. En écoutant le chef de l'Opposition — cela ne le surprendra peut-être pas — j'ai retrouvé plusieurs de mes arguments. Lorsque nous avons préparé ce projet de loi...

M. LESAGE: Je n'ai pas pris cela pour l'admission que le ministre a faite.

M. GABIAS: Oui, oui. Plusieurs des arguments soulevés par le chef de l'Opposition, je les ai soutenus en face du comité des institutions financières parce que, comme le chef de l'Opposition, je savais que les compagnies de fidéicommis n'ont pas de limite quant aux participations. Je savais que, pour les banques, c'est 10%. Je savais également que c'était 30%, dans d'autres cas...

M. LESAGE: La Caisse de dépôt.

M. GABIAS: ... que l'on trouve dans la loi des assurances. Je demandais pourquoi ne pas inclure un pourcentage dans le projet de loi que nous sommes en train de préparer. Il y avait d'autres limitations que j'aurais aimé trouver et lire dans la loi. Mais nous sommes présentement à préparer la refonte de ces dispositions législatives concernant les placements des institutions financières, y compris les caisses d'épargne et de crédit, et on m'a fait comprendre qu'il serait peut-être encore plus désavantageux, pour les caisses d'épargne et de crédit, d'augmenter le nombre des limitations, à cause de ce projet de refonte qui est en préparation.

En fait, on insiste parce que le ministre aurait beaucoup de pouvoirs. Cela paraît faire beaucoup de pouvoirs pour une seule personne. On oublie cependant que des règlements devront être adoptés, déposés devant l'Assemblée législative, publiés, et que ces règlements tiendront évidemment compte des recommandations que nous font les mouvements d'épargne et de crédit.

Le chef de l'Opposition a lu un extrait du mémoire qui avait été présenté à l'honorable premier ministre, en 1967, je crois, où on demandait les pouvoirs que nous retrouvons dans le bill 294. Ce mémoire comprenait également des projets d'amendements suggérés. Vous verrez, M. le Président, qu'à l'article 106, on demandait d'accorder à une fédération le pouvoir de déposer à toute banque. Elle pouvait également déposer à une compagnie de fiducie, à une autre fédération et à une caisse, à la condition qu'elles aient leur siège social dans les limites de la province.

A 106-b du même mémoire, on suggérait qu'une fédération puisse également faire les placements suivants: dans les fonds ou obligations du gouvernement du Canada, de la province de Québec, et vous en avez toute une série. Vous aviez 106-c, 106-d et 106-e où on fixait à 15% de leur actif total le montant dont ces institutions pouvaient disposer en actions ordinaires ou autres, comme on l'accorde dans le présent projet de loi.

Mais malgré toutes les objections que j'ai fait valoir, avec la même compétence que le chef de l'Opposition, on n'a pas voulu... Ce n'est pas moi qui ai voulu cela, M. le Président; quoiqu'on veuille me prêter des intentions, ce n'est pas moi qui ai voulu avoir ce pouvoir qu'on suppose discrétionnaire. Je fais part à cette Chambre d'une lettre qui a été adressée à l'honorable Jean-Jacques Bertrand, premier ministre du gouvernement du Québec. « Monsieur le premier ministre, « Le comité d'étude sur les institutions financières a été saisi — il s'agit d'une lettre écrite le 9 décembre 1968 — d'un projet à l'effet de donner aux caisses d'épargne et de crédit le pouvoir d'acheter des actions ordinaires de compagnies. A cette occasion, on a soulevé la question d'une refonte complète des pouvoirs de placement des caisses d'épargne et de crédit. « Etant donné que le rapport du comité d'étude sur les institutions financières va comporter plusieurs recommandations spécifiques à ce sujet, les membres du comité suggèrent que l'on se contente, pour le moment, d'autoriser les fédérations des caisses d'épargne et de crédit dont l'actif dépasse $2,500,000 à acheter des actions ordinaires sous la surveillance et le contrôle du ministre des Institutions financières au cours de la plus courte des deux périodes soit deux ans ou, le cas échéant, d'ici à ce que soient modifiés les pouvoirs généraux de placement des caisses d'épargne et de crédit.

Il va de soi que les actions qui auraient été achetées au cours de cette période pourront être gardées par les fédérations des caisses quoi qu'il advienne. « Veuillez agréer, monsieur le premier ministre, l'expression de mes sentiments dévoués et respectueux,

« Jacques Parizeau, président,

« Comité d'étude sur les institutions financières. »

Ce n'est qu'après réception de cette lettre, M. le Président, que j'ai consenti qu'un tel pouvoir me soit accordé dans le bill 294. Il est clair qu'il s'agit d'un pouvoir exorbitant du droit commun. Comme l'a dit le chef de l'Opposition il s'agit d'une législation qui apporte un accroc à la technique générale de nos lois, mais il est également clair que nous sommes en présence d'un projet de loi qui veut, au lieu de geler, au lieu d'empêcher les institutions financières de se développer d'ici à ce que le rapport Parizeau nous soit soumis, d'ici à ce que la loi générale soit refondue.

Nous voulons en protégeant toujours le public, que ces institutions puissent progresser et entrer dans un champ d'action qui leur a été refusé jusqu'ici. Je crois que M. Parizeau et que le comité des institutions financières — dont les membres sont des gens sérieux, des gens compétents qui veulent le progrès et le développement de nos caisses d'épargne et de crédit — n'ont pas signé une telle lettre à la légère et ont bien réfléchi avant de recommander au premier ministre de cette province que la législation présentée contienne des dispositions qui permettent à nos caisses d'épargne et de crédit d'utiliser des pouvoirs nécessaires d'ici à 1970. Je n'aurais pas voulu, pour un seul instant, être le complice de personnes qui auraient préféré ne rien faire plutôt que de présenter une loi comme nous le faisons, non pas à la vapeur, mais connaissant tous les événements et bien conscients que nous rendons service aux caisses d'épargne et de crédit, à ceux qui oeuvrent dans ce domaine et à l'économie de la province de Québec.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE GREFFIER-ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 294.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. FRECHETTE (Président du comité plénier): Article 1.

M. LESAGE: Si le comité n'a pas d'objection, est-ce qu'à l'article 1 nous ne pourrions pas étudier séparément 106 a) et 106 b)?

M. GABIAS: Oui.

M. BOURASSA: Le ministre des Institutions financières, dans son exposé, a mentionné que les caisses populaires ou les institutions concernées étaient totalement d'accord avec le bill. Est-ce qu'il a reçu le télégramme à l'effet qu'il semblait y avoir une restriction?

M. GABIAS: Lequel?

M.BOURASSA: Un télégramme qui a été envoyé hier.

M. LESAGE: Adressé au premier ministre et au ministre des Institutions financières.

M. BOURASSA: Puis-je lire le télégramme?

M. GABIAS: Oui. Par qui?

M. BOURASSA: Je vais vous le dire. « Apprécions la présentation du bill 294 permettant aux fédérations des caisses d'épargne et de crédit de participer davantage au développement économique du Québec; toutefois, aurions préféré connaître les modalités d'exercice de ce pouvoir. La Fédération de Québec des unions des caisses populaires. Par M. Charron, directeur général. »

M. GABIAS: C'est un voeu pieux.

M. BOURASSA: La Fédération de Montréal des caisses populaires.

M. GABIAS: Oui, je l'ai.

M. BOURASSA: Comment le ministre peut-il sérieusement interpréter ça comme un voeu pieux, puisqu'on signale, d'une façon expresse et au moment opportun, qu'on est sérieusement inquiété par cette modalité? Les arguments que le ministre des Institutions financières a apportés tantôt ne sont pas, à mon sens, convaincants. J'ai signalé, au cours de mon exposé, que tous ceux qui ont à négocier doivent examiner toutes les conditions. Mettez-vous à la place de n'importe quelle entreprise qui aura à négocier avec les caisses populaires. Si elles voient que le député de Trois-Rivières est nécessairement dans le portrait, j'imagine qu'elles pourront avoir un certain scepticisme.

M. GABIAS: Pourquoi?

M. BOURASSA: Parce qu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire, d'un pouvoir inconditionnel qui est accordé au ministre pour accepter les transactions. Quelles sont les limites?

M. GABIAS: Les règlements.

M. BOURASSA: Ils ne sont pas encore adoptés. Ils ne sont pas soumis. D'ailleurs, on va en discuter tantôt. Il reste à voir quand les règlements seront soumis.

M. GABIAS: Ce ne sera pas long.

M. BOURASSA: Mais, au rythme des promesses gouvernementales, quand vous dites que ce n'est pas long...

M. GABIAS: Le député de Mercier semble oublier que, ce matin, on a fait une demande et que, cet après-midi, nous sommes arrivés avec l'amendement.

Le député a-t-il la mémoire aussi courte? N'est-il pas satisfait? Quand on se rend à ses demandes, n'est-il pas satisfait?

M. LESAGE : Un amendement rétréci à un point précis.

M. GABIAS: Nous allons avoir des règlements précis sur des points précis.

M. LESAGE: Rétrécis? J'espère que non.

M. GABIAS: Pas rétrécis mais précis.

M. LESAGE: Votre amendement de ce matin est rétréci.

M. GABIAS: Précis.

M. BOURASSA: Je pense que le ministre, à moins qu'il nous donne la garantie que les règlements seront soumis... Quand le ministre dit que ce n'est pas long, c'est combien de temps? Demain, après-demain? Au début de la semaine prochaine? Le ministre pourrait-il répondre à cette question? Quand les règlements seront-ils...

M. GABIAS: Bien, je vais consulter mes officiers supérieurs. Je crois que, d'ici quinze jours, ces règlements seront adoptés et seront publiés disons la première semaine de janvier, dans la Gazette officielle, à moins que mes officiers soient d'avis contraire. Je sais qu'une partie de ces conditions qu'on aurait voulu voir publier dans la loi, étaient prêtes et j'étais de cet avis. On semble oublier, dans les rangs de l'Opposition, que j'étais de leur avis, que l'on devait mettre ces conditions dans la loi. Ce sont les membres du comité des institutions financières qui nous ont demandé de ne pas le faire.

M. BOURASSA : On n'examine pas les arrière-pensées du ministre.

M. GABIAS: Ce n'est pas une arrière-pensée, je viens de lire la lettre que... je vais la déposer, si vous le désirez. Je déposerai une copie de cette lettre...

M. LESAGE: Je l'ai lue, elle apparaît...

M. BOURASSA: On parle de surveillance, je crois.

M. GABIAS: Je vais la déposer. Je n'ai pas l'original mais, en tout cas...

M» LACROIX: Me permettez-vous une question? Dans la lettre de M. Parizeau, que le ministre a lue, on parle de surveillance, « sous la surveillance du ministre des Institutions financières ». Je crois qu'il y a une marge entre la surveillance du ministre des Institutions financières et les règlements qui donnent au ministre lui-même, qui édlctent des règlements qui peuvent aller jusqu'à l'extrême. Je pense que la lettre de M. Parizeau ne dit pas qu'on veut demander au ministre d'avoir tous les pouvoirs. On y consent à ce que le ministre exerce une surveillance dans les transactions à être faites.

M. GABIAS: Si le député des Iles-de-la-Madeleine veut écouter comme il le faut: « Sous la surveillance et le contrôle du ministre des Institutions financières ». Ce n'est pas moi qui ai inventé cela. C'est parce que les membres du comité nous disent; Nous ne voulons pas que, par la loi, la Législature préjuge à l'avance des conditions que nous pourrons, nous, dans notre rapport, recommander. Ce qu'on n'a pas ajouté dans la lettre, c'est que nous devrions être extrêmement prudents. Je prends l'engagement devant cette Chambre d'être extrêmement prudent, sans, pour cela, dire qu'on ne fait rien.

M. BOURASSA: Ce sont là de vrais voeux pieux.

M. GABIAS: Le député de Mercier doit prendre ma parole, d'abord en Chambre, pas pieusement ni méchamment. Il doit la prendre purement et simplement.

M. BOURASSA: Le ministre dit: Je vais être prudent.

M. GABIAS: Nous allons être très prudents. Les officiers supérieurs des institutions financières, leurs conseillers, nos conseillers — je pense que c'est faire injure aux fédérations d'épargne et de crédit que de laisser croire que ces gens-là ne sont pas sérieux, qu'ils ont présenté des projets qui ne sont pas sérieux...

M. BOURASSA: La façon dont le ministre parle, c'est assez pour qu'ils le prennent pas au sérieux et s'inquiètent des modalités.

M» GABIAS: C'est la façon dont le député...

M. LACROIX: On a confiance aux gens des fédérations. C'est au ministre qu'on n'a pas confiance.

M. GABIAS: ... de Mercier vient de parler.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre me permet une question qui pourrait être une suggestion?

M. GABIAS: Oui, je sais que le député de Laurier va avoir des suggestions heureuses.

M. LEVESQUE (Laurier): Ecoutez, c'est une loi spéciale que nous avons devant nous et c'est là tout le coeur de la loi. C'est pour cela qu'en deuxième lecture, cela ne servait à rien d'ajouter au consentement unanime qui se dessinait, si tout le monde est d'accord que cela ajoute,

tout en servant un cas spécifique, un principe important d'extension — c'est dans l'article 1 — du rôle du mouvement coopératif dans l'économie. Il y a longtemps que cela aurait dû être fait. Cette autorisation du ministre, on le sait aussi, tombe dans le discrétionnaire dans la loi, d'une façon que le ministre lui-même admet. Il donne des raisons. On sait que cela peut viser des cas spécifiques. Autrement dit, on a bien l'intention de l'approuver, soit en rectifiant certaines choses ou peut-être aussi en permettant de conclure des opérations nécessaires au mouvement des caisses populaires. On veut leur permettre soit de rectifier des choses qui ont été faites plus ou moins en contournant les entraves, soit peut-être d'aller plus loin.

Il se peut aussi qu'il y ait d'autres opérations qui pourraient essayer de passer et qui seraient peut-être moins recommandables, sous le couvert d'une loi. Je crois que c'est ça qui est la raison principale. Il reste que tout est laissé à la discrétion d'un homme. Est-ce que la surveillance et le contrôle qu'évoquait le comité d'étude des institutions financières ne pourraient pas au moins aller — il me semble que dans des cas importants et tous les cas qui peuvent arriver dans cette loi sont importants — au moins à un arrêté en conseil, c'est-à-dire comme les règlements eux-mêmes, mais chaque cas devenant au moins l'objet d'une étude par le cabinet au complet, c' est-à-dire avec l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil et non pas du ministre seul?

M. LESAGE: J'irais plus loin que ça, M. le Président. Dans les lois actuelles, toutes celles que j'ai mentionnées, le cadre dans lequel des investissements peuvent être effectués se trouve dans la loi. Il appartient aux gens sérieux comme la fédération des caisses de porter un jugement, à savoir si la transaction qu'ils vont faire est à l'intérieur des cadres de la loi. Il appartient à ceux qui ont la surveillance de ces lois de prendre les procédures nécessaires si une institution dépasse les cadres de la loi. Il n'est jamais question d'obtenir l'autorisation soit du ministre, soit du lieutenant-gouverneur en conseil, pour agir à l'intérieur des cadres de la loi. Du moment qu'on agit à l'intérieur des cadres de la loi, on peut agir.

Ici, comme on n'est pas prêt pour toutes sortes de raisons invoquées par le ministre, à déterminer dans la loi le cadre, on dit que ce cadre sera déterminé par règlements, que ces règlements seront publiés. Une fois les règlements publiés, n'appartiendrait-il pas aux institutions elles-mêmes sans avoir à obtenir une autorisation absolument discrétionnaire soit d'un minis- tre, soit du lieutenant-gouverneur en conseil, de prendre leurs responsabilités et d'agir? Il me semble que ce serait ça la façon normale de procéder.

Il s'agirait d'enlever dans le premier alinéa de l'article 106A, troisième, quatrième et cinquième lignes, les mots « avec l'autorisation du ministre des Institutions financières, compagnies et coopératives » et d'enlever dans le deuxième alinéa la première ligne, de ne faire qu'un seul alinéa avec l'article 106A et ça se lirait; « Toute fédération dont l'actif total excède $2,500,000 a le pouvoir d'acquérir et détenir des actions ordinaires anciennement acquittées d'une corporation conformément aux règlements adoptés à cette fin en vertu de l'article 106B et aux conditions qui y sont déterminées. »

Alors, on procéderait d'une façon absolument normale.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le chef de l'Opposition me permet...

M. LESAGE: Oui, oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Je suis parfaitement d'accord, mais vu que c'était une espèce de compromis...

M. LESAGE: Je pensais bien que l'ancien ministre, le député de Laurier, serait d'accord avec l'amendement que je viens de suggérer. C'est une procédure beaucoup plus normale.

M. LEVESQUE (Laurier): Non seulement je suis d'accord, mais c'est la chose qui devrait être faite puisqu'il s'agit d'une loi qui donne trop de discrétion. D'un autre côté, à supposer que le ministre se soit engagé, soit tenu — on est devant une loi spéciale qui a ce caractère terriblement arbitraire que prennent presque nécessairement les lois spécifiques. Il s'agit de régler un cas. Il s'agit peut-être de régler quelques cas. Le principe que sous-entend le règlement de ces cas, à mon humble avis, est un principe extrêmement valable — tout le monde l'a admis en deuxième lecture, ceux qui ne disaient mot consentaient, ce dont je suis — seulement vu que c'est une loi très spécifique, on voit très bien l'intention de ce contrôle ou de cette surveillance pour employer les termes du comité d'étude sur les institutions financières.

On veut régler un cas, mais on fait une loi. Et la loi pourrait permettre que d'autres cas spécifiques qui n'ont pas nécessairement la même valeur vis-à-vis du gouvernement ou de l'intérêt public de la population, se glissent par les fentes qui pourraient toujours rester.

C'est toujours le problème que posent, je crois, ces damnées lois, parfois nécessaires, qui sortent, qui sont exorbitantes, si on veut, de la législation normale.

Mais tout en étant forcément d'accord avec le chef de l'Opposition sur le fait que les règlements devraient le prévoir, et en étant surtout d'accord avec le député de Mercier, sur le fait que les règlements devraient être, dans un cas comme celui-ci, déposés en même temps que la loi, de façon à ce que tout le monde sache ce qu'on vote en cette Chambre — autrement, on vote quelque chose aveuglément — il me semble que, normalement, le ministre devrait avoir ses règlements et les déposer afin que nous sachions ce que ça implique.

Mais à supposer que le ministre, tenant en main la majorité en cette Chambre, décide de ne pas aller aussi loin que, normalement, il devrait aller, est-ce que, au moins, ça ne devrait pas aller — Dieu sait que je n'insiste pas — au lieutenant-gouverneur en conseil et non pas dans le cabinet d'un seul homme?

M. LESAGE: Comme demande subsidiaire.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah! très subsidiaire.

M. GABIAS: Quand le chef de l'Opposition et le député de Laurier s'entendent en cette Chambre, M. le Président, je commence à être méfiant. Mais ce n'est pas par caprice...

M. LEVESQUE (Laurier): Il va même m'arriver d'être d'accord avec vous, si je crois que c'est dans l'intérêt québécois.

M. LACROIX: Là, ce serait inquétant. Ce serait conservateur, mais à l'extrême.

M. LEVESQUE (Laurier): Assis où je suis, je ne peux plus être partisan.

M. GABIAS: M. le Président, le député des Iles-de-la-Madeleine ne devrait pas parler de conservateur, parce que c'est justement son chef qui affiche du conservatisme cet après-midi. Il ne veut pas de nouveau dans la loi.

M. LACROIX: II n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.

M. GABIAS: Il veut que nous restions accrochés aux vieilles formules...

M. LACROIX: Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.

M. GABIAS: ... légales.

M. BOURASSA: M. le Président.,.

M. GABIAS: Il veut retourner à ses vieilles formules.

M. LACROIX: Le ministre devrait faire attention...

M. GABIAS: Nous, nous en cherchons une nouvelle.

M. LACROIX: Il devrait discuter plus sérieusement.

M. GABIAS: Nous voulons libéraliser le chapitre 293 en présentant le bill 294.

M. le Président, ce n'est pas par caprice que nous avons rédigé, tel qu'il est soumis à cette Chambre, l'article 106-a. Il est exact que nous entendons corriger deux situations en particulier.

M. LESAGE: Oui, nous les connaissons, mais le ministre n'a pas besoin d'un pouvoir discrétionnaire pour ça.

M. GABIAS: Non, M. le Président, nous entendons corriger deux cas en particulier.

M. LESAGE: Oui, je les connais, et le ministre n'a pas besoin de pourvoirs discrétionnaires pour ça.

M. GABIAS: Il en a besoin, M. le Président. M. LESAGE: Non, non.

M. GABIAS: Pour les ratifier, ces deux cas.

M. LESAGE: Ce n'est pas nécessaire. M. GABIAS: Oui.

M. LESAGE: Faites vos règlements en conséquence.

M. GABIAS: Je regrette, M. le Président, mais je sais ce dont je parle.

M. LESAGE: Moi aussi.

M. GABIAS: J'en ai besoin. J'ai également besoin de ce pouvoir discrétionnaire pendant une période bien limitée au cas où, comme l'a dit le député de Laurier, il existerait une ou

deux autres situations semblables, qui ne sont pas présentement à ma connaissance. Elles ne le sont pas. Mais nous ne voulons pas, et c'est le but du législateur, pendant cette période d'un an et demi, être aux prises avec une foule de demandes, être aux prises avec une loi générale qui permettrait à toutes les caisses d'épargne et de crédit d'entrer dans ce champ d'action de l'achat d'actions ordinaires.

Aussi longtemps que la refonte à laquelle fait allusion le président du comité des institutions financières n'aura pas été déposée, la seule discrétion que nous aurons pendant cette période sera probablement celle de refuser, sauf si on nous apporte des cas aussi favorables que les deux auxquels je fais allusion.

C'est pourquoi le comité a insisté pour que ce soit le ministre des Institutions financières qui exerce la surveillance et le contrôle. Ce pouvoir discrétionnaire va disparaître avant deux ans. Aussitôt que le rapport du comité Parizeau aura été soumis au Conseil exécutif et aussitôt que le projet de loi aura été préparé, la Chambre sera saisie de ce nouveau projet de loi.

Le pouvoir discrétionnaire contenu dans le bill 294 sera heureusement disparu.

M. BOURASSA: Je suppose que vous appliquez les recommandations d'un rapport qui a été fait. Or, l'expérience démontre que beaucoup de rapports et beaucoup de recommandations de rapports restent sur les tablettes.

M. GABIAS: Mais pas celui-là.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre — je n'ai pas très bien saisi si sa réponse était purement philosophique ou si c'était positif ou négatif — refuse globalement l'amendement qui a été proposé?

M. GABIAS: A la suggesion du comité Parizeau,

M. LEVESQUE (Laurier): Le comité Parizeau dit: Surveillance et contrôle du ministre. Je pense bien que le ministre, qui ne se prend pas pour un autre, sait très bien que, dans ce cas-là, il est une des parties intégrantes d'un gouvernement qui comporte plusieurs hommes et dont la forme normale de décision est le Conseil exécutif.

M. GABIAS: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Je dois que, dans un sens, c'est pour la protection même du ministre, parce qu'il va y avoir des cas spécifi- ques — on le sait; ne nous racontons pas de romances — qui pourront être très importants à juger. Alors, comme le font les règlements — il n'y en aura quand même pas une avalanche; cela on le sait, mais il peut y en avoir — est-ce qu'au moins ça ne pourrait pas être avec l'autorisation du lieutenent-gouverneur en conseil?

M. BOURASSA: Pourquoi le ministre s'opposerait-il à ça?

M. GABIAS: Parce que je me base et que je me fie sur la recommandation du comité Parizeau.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais le ministre m'a peut-être mal compris. Ce que je voulais dire, c'est que, quand le comité...

M. GABIAS: C'est parce que je me fie à ce comité-là.

M. LEVESQUE (Laurier): ... dit ça, il veut dire le Conseil exécutif. Le ministre ne se prend pas pour tout le conseil, je le sais bien.

M. GABIAS: Non, non.

M. LEVESQUE (Laurier): Le comité écrivait nécessairement vite et, quand on dit le ministre — enfin, il suffit d'avoir passé un peu par là — ça peut vouloir dire tout le gouvernement ou le ministre, peu importe. Bon. Le ministre en soi n'est qu'une partie intégrante du gouvernement. Pourquoi interpréterait-il comme étant une recommandation qui s'adresse à lui personnellement ce qui ne veut pas nécessairement dire ça dans le rapport? Pourquoi le Conseil exécutif au complet, c'est â-dire le lieutenant-gouverneur en conseil, ne devrait-il pas donner l'autorisation? En fait, c'est dans l'intérêt même du ministre, parce que ça va être des cas spécifiques.

M. GABIAS: Je le sais fort bien, M. le Président; c'est une objection que j'ai soulevée. Le comité a été, non pas induit en erreur, au contraire; il a insisté pour que je prenne cette responsabilité.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est flatteur, mais ça peut être écrasant.

M. GABIAS: Et ce n'est qu'après... On m'a même tordu les poignets, M. le Président.

DES VOIX: Ah!

M. GABIAS: Quoi qu'en pense l'Opposition.

Parce que, à ce moment, j'assume une responsabilité que, normalement, je ne devrais pas assumer.

M. LEVESQUE (Laurier): Justement, le ministre...

M. GAB1AS: Oui, je le conçois, mais on m'a demandé de l'assumer, M. le Président.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous devriez la partager.

M. GABIAS: Et, comme...

M. LESAGE: Le ministre n'a pas les poignets cassés, c'est clair.

M. GABIAS: Non, non, parce que j'aiplus de résistance que ça.

M. LESAGE: Ils n'ont pas tordu fort.

M. GABIAS: Mais, M. le Président, je le répète sérieusement, c'est à la demande expresse du comité que j'ai finalement accepté cette responsabilité qui sera surtout — et j'en préviens la Chambre et les mouvements d'épargne et de crédit — une discrétion de refuser, pas autre chose, d'ici à ce que le projet de refonte soit remis entre nos mains, et déposé devant cette Chambre.

M. LEVESQUE (Laurier): Le ministre n'a-t- il pas dit tout à l'heure aussi que les règlements qui sont évoqués déjà à l'article 1 ne sont pas prêts?

M. GABIAS: La majeure partie des règlements sont prêts, M. le Président; c'est pourquoi je crois honnêtement que ces règlements seront publiés d'ici à quinze jours. La majeure partie sont contenus dans un projet que nous avions préparé au ministère. Quoi qu'en dise le chef de l'Opposition, nous avions un projet de préparé depuis assez longtemps et ça n'a pas été...

M. LESAGE: Depuis très longtemps et il y a longtemps qu'il est discuté.

M. GABIAS: Depuis assez longtemps.

M. LESAGE: Et puis il y a longtemps, à part ça, qu'il est discuté avec les gens des caisses populaires.

M. GABIAS: Depuis assez longtemps.

M. LESAGE: Or, le gouvernement n'aboutit pas, comme d'habitude.

M. GABIAS: Voyons donc, M. le Président! M. BOURASSA: ... des numéros spéciaux.

M. GABIAS: Le chef de l'Opposition a été agréable, plus ou moins, mais, là, il commence à être désagréable.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais honnêtement...

M. GABIAS: Je me demande bien pourquoi.

M. LEVESQUE (Laurier): ... pourquoi ne les déposez-vous pas, puisque vous avez un projet depuis longtemps, afin qu'on sache, au moins en partie, ce sur quoi on vote?

M. GABIAS: Oui, mais c'est ça. Quand il sera complet, nous allons le publier, d'ici à quinze jours, à moins qu'il y ait des événements imprévus.

M. LEVESQUE (Laurier): Comme quoi?

M. GABIAS: Les seules possibilités, c'est que les officiers supérieurs s'absentent ou ne soient pas présents mais, à part cela, il n'y a aucune autre possibilité que cela dépasse 15 jours.

M. BOURASSA: M. le Président, je ne veux pas poursuivre indéfiniment la discussion...

M. GABIAS: Non, j'espère.

M. BOURASSA: Mais je veux simplement signaler au ministre que tout ce qu'il apporte à l'appui de son point de vue, ce sont des arguments d'autorité. Il y a eu une suggestion très modérée, de la part du député de Laurier, disant que ce pourrait être le lieutenant-gouverneur en conseil, au lieu que ce soit purement et simplement le ministre. Le ministre le refuse, en disant tout simplement: On m'a suggéré de faire cela.

M. GABIAS: Non, on m'a supplié,

M. BOURASSA: Quand on connaît la lenteur d'application, de façon générale, de tous les rapports qui sont faits — le ministre ne sera pas surpris, si je lui dis que, dans le cas du présent gouvernement, c'est encore pire — on peut se demander si cet article-là n'a pas

plus de conséquence que lui-même prétend qu'il en a.

M. LESAGE: M. le Président, comme le dit le député de Mercier, l'argument du ministre n'est pas très fort. C'est un argument d'autorité qui revient à peu près à ceci.

M. GABIAS: Oui, oui.

M. LESAGE: Je suis sûr de détenir la vérité parce qu'à moi, elle m'a été révélée. C'est à peu près cela, c'est son argument.

M. GABIAS: C'est à peu près cela.

M. LESAGE: C'est là son argument. Je voudrais demander au ministre combien il y a de fédérations dont l'actif total dépasse $2,500,000.

M. GABIAS: Je peux répondre.

M. LESAGE: Certainement.

M. GABIAS: J'ai ici la liste des fédérations.

M. LESAGE: Non, je n'ai pas besoin des noms. Est-ce bien onze?

M. GABIAS: Douze...

M. LESAGE: II y en a douze?

M. GABIAS: Douze et peut-être treize. Depuis le rapport du 31 janvier 1968, concernant la Fédération des caisses d'économie du Québec, qui était tout près de $2,500,000.

M. LESAGE: Oui, mais pour les caisses d'épargne et de crédit, c'est onze.

M. GABIAS: Oui.

M. LESAGE: Alors, inutile d'insister sur les amendements proposés à l'article 106-a). Alors, sur division.

M. LE PRESIDENT: Article 106-a) adopté sur division.

M. LESAGE: A l'article 106-b) le ministre n'a-t-il pas l'impression qu'il manque quelque chose dans les règlements?

M. GABIAS: Oui.

M. LESAGE: Il faudrait bien ajouter que si le lieutenant-gouverneur...

M. GABIAS: Le mot « inspecteur ».

M. LESAGE: Non, je suis rendu moins loin que cela. J'allais suggérer au ministre de remplacer le mot « vérificateur «parlemot « inspecteur » parce que, d'après la loi, quand il s'agit de fédération, ce sont des inspecteurs et non des vérificateurs.

M. GABIAS: C'est cela. Des inspecteurs ou des vérificateurs.

M. LESAGE: De toute façon, je suppose que cela va se faire. Cela peut se faire tout de suite. Au paragraphe e): « L'étendue de la vérification que doivent faire les inspecteurs de toute fédération... » au lieu de « vérificateurs ».

M. GABIAS: ... faire les vérificateurs ou inspecteurs de toute fédération ».

M. LESAGE: Mais ce ne sont pas des vérificateurs, ce sont des inspecteurs.

M. GABIAS: Mais, il y a des vérificateurs, à cause de la loi fédérale.

M. LESAGE: Ce sont des inspecteurs.

M. GABIAS: L'article 41-e). Il faudraitqu'il y ait concordance.

M. LESAGE: C'est le ministre, là, qui plie l'échine devant le pouvoir central.

M. GABIAS: Non, non.

M. LESAGE: M. le Président, la remarque que je voulais faire est la suivante: II me semble qu'il manque, dans 1'énumération faite à l'article 106-b), des catégories de sujets sur lesquels les règlements doivent porter, la proportion du total des actions d'une corporation qu'une fédération peut acquérir et détenir. On parle bien de la quote-part de l'actif de la fédération qui peut être investie dans des actions de corporations...

M. GABIAS: Oui.

M. LESAGE: Mais on ne dit pas quelle est la proportion des actions d'une corporation donnée qui peut être acquise par une fédération. C'est le genre de limitation que l'on trouve dans plusieurs lois concernant les investissements, quand il s'agit de l'argent des tiers. C'est le cas de l'article 981-o). C'est le cas de la Caisse de dépôt et de placement, des compagnies d'assurances, etc.

M. GABIAS: A ce sujet, précisément, les études de la commission Parizeau sont très sérieuses dans ce domaine.

Nous savons consulté les membres de la commission pour suggérer un pourcentage...

M. LESAGE: II faudrait...

M. GABIAS: ... d'actions dans une institution donnée...

M. LESAGE: Oui.

M. GABIAS: ... soient acquises par...

M. LESAGE: Nous disons la même chose, mais j'ajoute qu'il faudrait que le lieutenant-gouverneur en conseil ait le pouvoir de faire des règlements à ce sujet-là.

M. GABIAS: II peut y en avoir.

M. LESAGE: Non, pas en vertu de 106 b). Lisez 106 b) et ce n'est pas mentionné. C'est un oubli. Lisez-le.

M. BOURASSA: Un autre oubli.

M. LESAGE: Lisez 106 b). Vous allez constater que ce n'est pas mentionné. Le ministre lui-même vient de dire qu'il va falloir déterminer cette proportion. Or, il ne demande pas à la Législature le pouvoir de le déterminer par règlement.

M. GABIAS: Bien c'est... On ne lit pas de la même façon, 106 b) dit: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter des règlements... »

M. LESAGE: Oui.

M. GABIAS: « ... pour déterminer, pour les fins de l'article 106 a) et l'acquisition d'actions ordinaires... »

M. LESAGE: Oui.

M. GABIAS: « ... b), les corporations ou les catégories de corporations dont une fédération peut acquérir et détenir des actions. »

M. LESAGE: Oui, mais nous sommes en droit strict. Le ministre sait ça, et à moins qu'un pouvoir ne soit strictement donné d'éditer tels règlements, le lieutenant-gouverneur en conseil ne pourra pas en faire.

M. GABIAS: On l'a.

M. LESAGE: Non! Je parle de la proportion des actions d'une corporation donnée que peut détenir une fédération. Cela c'est dans les autres lois qu'on a mentionnées. Je ne reviens pas là-dessus. Mais si le lieutenant-gouverneur ne veut pas ce pouvoir, est-ce que ça signifie qu'il est prêt à laisser les fédérations acquérir 100%, le contrôle absolu de certaines compagnies et à leur discrétion, sans que ce soit réglementé?

M. GABIAS: Oui, ça va jusque là dans l'étude qui est faite, par l'autorité des institutions,

M. LESAGE: Non, ça ce n'est pas sérieux. Tout de même!

M. GABIAS: Bien c'est très sérieux.

M. LESAGE: La réponse du ministre n'est pas sérieuse.

M. GABIAS: C'est très sérieux.

M. LESAGE: Je pense que le ministre aurait avantage à avoir ses fonctionnaires avec lui. Il répondrait mieux aux questions posées.

M. GABIAS: Ah, M. le Président, ça ne m'intimide pas, les remarques...

M. LESAGE: Mais ça n'a pas de bon sens la réponse du ministre.

M. GABIAS: ... du chef de l'Opposition. Cela a été étudié, M. le Président, et c'est à la demande du comité que nous n'incluons pas le pourcentage d'actions d'une institution donnée qui pourrait être acquise...

M. LESAGE: Est-ce que le ministre a une lettre?

M. GABIAS: ... par une fédération, ça peut être 5%, ça peut être 10%, ça peut être 30%...

M. LESAGE: 100%.

M. GABIAS: Cela peut être 40%, ça peut être 50%, M. le Président.

M. LESAGE: Cela peut être 100%aussi.

M. GABIAS: Bien il n'a pas été question de

100% exactement, mais ça peut être plus que 30% et, dans certains cas, il peut être possible que ce soit 75%.

M. LESAGE: M. le Président, je pense que le ministre n'a pas compris. Il ne pourra pas...

M. GABIAS: Ah peut être que c'est le chef de l'Opposition qui ne comprend pas.

M. LESAGE: II ne pourra pas déterminer le pourcentage parce qu'il ne demande pas le pouvoir de le faire.

M. BOURASSA: C'est seulement 100%.

M. GABIAS: On le demandera, M. le Président, on l'indiquera dans le règlement ou dans les conditions...

M. LESAGE: Vous ne pourrez pas, C'est ça.

UNE VOIX: Vous n'aurez pas le droit de le faire.

M. LESAGE: Vous ne demandez pas le pouvoir de le faire. Est-ce que le ministre va comprendre? Je veux lui rendre service.

M. GABIAS: M. le Président, oui, oui, oui! Mais le chef de l'Opposition n'a pas lu l'article 106-a). Qu'il le lise donc comme il faut et il verra que la dernière ligne c'est « et aux conditions qui y sont déterminées ».

UNE VOIX: A 106 d). M. GABIAS: Bon, alors...

M. LESAGE: ... M. le Président, c'est justement, c'est le ministre et non le lieutenant-gouverneur en conseil par réglementation qui déterminera ça. Et je dis que c'est très mauvais non seulement comme législation, mais comme pratique. Qu'on laisse dans ce domaine-là l'entière discrétion au ministre. C'est inacceptable. Absolument inacceptable.

M. GABIAS: Alors soyez contre, c'est tout.

M. BOURASSA: C'est important que le ministre réalise que, d'après la loi qui nous est soumise, il peut seulement autoriser des achats de 100%. Est-ce que le ministre réalise que, d'après cette loi-là, c'est seulement 100% qu'il pourra accepter? Et c'est ça que je veux lui faire comprendre. Ce n'est pas pour rien...

M. GABIAS: C'est l'interprétation que le député donne.

M. BOURASSA: ... que les caisses populaires ont envoyé un télégramme. Vous invoquez toujours le comité comme argument autorité. Nous, nous avons des arguments ici bien précis que nous vous soumettons. Tout ce que vous répétez, ce sont les avis qui vous ont été donnés par le comité. Nous, on a un télégramme, on a des arguments bien précis et bien concrets à vous soumettre.

M. GABIAS: J'ai écouté les arguments du chef de l'Opposition et du député de Mercier. Ce sont des arguments d'autorité qu'ils donnent: C'est ça que vous devriez comprendre. C'est ça qui devrait être fait.

M. BOURASSA: Vous vous donnez le pouvoir...

M. GABIAS: Sur quoi se base-t-on?

UNE VOIX: Sur la loi.

M. BINETTE: Le ministre n'est pas sérieux.

M. GABIAS: Sur absolument rien. Sauf qu'il faudrait prendre leur parole comme étant la bonne.

M. LESAGE: Mais non!

M. GABIAS: Il n'y a pas de: Mais non!

M. LESAGE: C'est le texte.

M. GABIAS: Le texte de loi est très clair, si on veut le lire comme il faut.

M. LEVESQUE (Laurier): Le ministre me permet-il?

M. GABIAS: Si vous voulez, je vais finir de répondre.

M. LEVESQUE (Laurier): Il s'agit d'une question qui, peut-être, aiderait à la réponse; je ne le sais pas.

M. GABIAS: Bien, je ne le sais pas! Je vais finir tout de même et vous pourrez poser la question par la suite. Les gens de l'Opposition ont un langage très libre en disant: Le ministre ne comprend rien; le ministre devrait lire. Ce sont des trucs qui sont très bien connus dans

cette enceinte, mais le ministre ne se laissera pas prendre par de tels propos. J'espère que le public, non plus, ne se laissera pas prendre par de tels propos. Ce sont des trucs usés, des trucs qui n'ont plus leur raison d'être entre gens sérieux. Je demanderais à l'Opposition de revenir à un ton sérieux et de discuter comme il convient la loi.

M. LESAGE: Les capacités et les connaissances du ministre seront jugées par ceux qui l'entendent.

M. GABIAS: Qu'ils discutent sensément! Nous sommes ouverts aux propositions, mais pas aux accusations qui sont lancées de cette façon. Si l'on croit que nous serons le moindrement intimidés par de telles réflexions!

M. LEVESQUE (Laurier): Il y a une question d'information que je voulais poser au ministre. Même si les fonctionnaires ne sont pas là; ils sont toujours utiles dans des lois techniques comme celle-là, quelle que soit, par ailleurs la compétence d'un ministre. Le ministre parlait tout à l'heure d'un projet de règlement à peu près complet qui a servi et qui doit sûrement être dans son dossier. La question passablement spécifique que posait le chef de l'Opposition, est la suivante: Quelle est la proportion d'actions d'une corporation ou d'une institution quelconque qui est prévue? Y a-t-il un mécanisme prévu? C'est peut-être quelque part dans le projet de règlement. C'est peut-être déguisé comme une des possibilités des alinéas qui sont là, mais ça ne paraît franchement pas dans les alinéas tels qu'ils sont écrits.

Pendant que j'y suis, je suis sûr que le ministre corrigera ce qui me semble être une erreur, à la fin. Vu qu'il y a des urgences; on le sait, puisqu'il y a des choses en marche à propos de cas spécifiques. A la fin, au dernier paragraphe, cela a l'air d'impliquer qu'il faut que les règlements soient déposés devant la Chambre. Or, la Chambre va être prorogée d'ici quelques jours. Le ministre dit que les règlements ne seront prêts que dans quinze jours probablement, peut-être au début de janvier. D'après le ministre du Travail, la session ne reprendra peut-être pas avant février. Dieu sait ce qui peut arriver! Il peut y avoir des délais, on ne sait jamais. Les plus beaux plans des souris et des hommes, surtout en politique, ça change à l'occasion.

Si la session devait retarder, pourquoi mettre « la Législature », puisque, dans d'autres lois éminemment plus importantes —j'ai devant moi la Loi prévoyant les règlements de la Régie de l'assurance-dépôts — on dit: « Ces règlements seront soumis à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil et entrent en vigueur à la date de leur publication dans la Gazette. » Cela suffit normalement, si la loi est approuvée. Comme vous prévoyez qu'il y aura l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil et qu'ils doivent être publiés dans la Gazette officielle, ça doit être une erreur d'avoir mis « la Législature », parce qu'il y a une incertitude là. Si ce n'est pas nécessaire dans une loi aussi importante que l'assurance-dépôts, pourquoi serait-ce nécessaire ici? Cela doit être un oubli.

M. GABIAS: C'est la nouvelle formule qui est employée. Il est clair que ces règlements vont entrer en vigueur dès leur publication.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas clair, comme c'est écrit.

M. GABIAS: Cela a été bien vérifié. Il est clair que nous ne pourrons pas les déposer devant la Législature avant la prochaine session, mais ils seront en vigueur dès leur adoption et dès leur publication dans la Gazette officielle.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais pourquoi ne le dit-on pas?

M. LESAGE: Ce n'est pas ce que dit l'article. L'article dit qu'ils vont être en vigueur dès leur adoption, mais, puisqu'on en est au dernier alinéa — je reviendrai tantôt sur le sujet que nous discutions — il faudrait bien que les règlements soient publiés sans délai dans la Gazette officielle du Québec.

Us ne peuvent pas être déposés sans délai en Chambre si nous ne sommes pas en session. Ils peuvent être déposés à l'ouverture de la session, seulement lorsque la Chambre siège. Ce qui importe, c'est que les intéressés soient au courant des règlements et, par conséquent, il faut dire que les règlements seront publiés sans délai dans la Gazette officielle de Québec et déposés devant la Législature. Si on veut bien examiner la construction de la phrase, c'est la publication dans la Gazette officielle qui doit être faite sans délai pour que les intéressés en prennent connaissance tout de suite. Il peut arriver — le ministre l'a dit — que la session ne soit pas en cours.

M. GABIAS: Ils vont être publiés sans délai.

M. LESAGE: S'ils doivent être publiés sans délai, qu'on le dise. Je suggère que le dernier alinéa de l'article 106 b) proposé soit modifié de façon qu'il se lise comme suit: « Ces règle-

ments sont publiés sans délai dans la Gazette officielle de Québec et déposés auprès de la Législature. »

M. GABIAS: Sans délai. M. le Président, est-ce que vous avez pris note de la correction à apporter au sous-paragraphe 1?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. GABIAS: ... Ajouter « ou inspecteur. »

M. LE PRESIDENT: Inspecteur, oui.

M. LESAGE: Est-ce que le ministre est d'accord pour la publication sans délai?

M. GABIAS: Ah!, je n'ai pas d'objection. Si cela peut satisfaire l'Opposition.

M. LESAGE: Pour plaire au ministre, nous allons garder la même rédaction. Cela va être un peu ampoulé mais disons: « Ces règlements sont déposés sans délai auprès de la Législature... « il faut commencer par la publication » ... sont publiés sans délai dans la Gazette officielle et déposés auprès de la Législature ». C'est la meilleure formule. Cela va?

UNE VOIX: Les règlements?

M. LESAGE: Oui. Pour revenir à la question que nous discutions, avant d'apporter cet amendement au dernier alinéa, est-ce que dans les projets de règlements qui sont à l'étude depuis déjà un bon moment il n'y avait pas justement une proposition à l'effet que, dans la loi projetée on puisse lire quelque chose comme ceci; « ... une fédération ne peut détenir plus de 30% des actions ordinaires d'une même entreprise, sauf dans le cas des banques et des banques d'épargne de Québec, et des compagnies de fi-déicommis ou sociétés de fiducie? »

M. GABIAS: On tiendra compte des recommandations de l'Opposition.

M. LESAGE: J'ai posé une question précise. Est-ce que dans le projet de loi qui a été discuté entre les hauts fonctionnaires du ministère d'une part, et les têtes dirigeantes des fédérations de caisses d'autre part, il n'y avait pas un paragraphe qui aurait pu se lire dans les termes que je viens d'énoncer?

M. GABIAS: De mémoire, je ne m'en souviens pas.

M. LESAGE: Le ministre doit avoir le document devant lui?

M. GABIAS: Je ne crois pas.

M. BOURASSA: Bien voyons! Vous êtes venu ici comment? Avec quoi?

M. GABIAS: Concernant le règlement? Non.

M. LESAGE: Le ministre n'a pas ce document devant lui?

M. GABIAS: Bien, je ne sais pas, quel est le document?

M. LESAGE: Ah! ce n'est pas moi qui en ai parlé. C'est le ministre qui a référé à ce document à plusieurs reprises en disant qu'un projet avait été étudié sérieusement et continuait à être étudié sérieusement. Ce projet-là, le ministre doit l'avoir devant lui.

M. GABIAS: Le chef de l'Opposition fait erreur. Tout à l'heure, j'ai lu les recommandations du mémoire et là, on me fait lire un projet de réglementation que je n'ai pas. Le chef de l'Opposition connaît le règlement; il réfère à un document, je lui demanderais de le déposer.

M. LESAGE: Je ne suis pas un ministre, M. le Président.

M. GABIAS: Je lui demanderais de déposer le document.

M. LESAGE: Un ministre a cette obligation. Que le ministre lise le règlement. Il ne s'applique pas à un simple député.

M. BINETTE: M. le Président, si le ministre ne veut pas accepter ce que le chef de l'Opposition vient de dire concernant la proportion, est-ce que lui, dans sa tête, il a quelque chose qu'il prévoit? Quelle est la proportion des parts d'une compagnie que le ministre prévoit qu'une fédération peut acheter?

M. GABIAS: Suivant les pouvoirs qui nous sont accordés...

M. BINETTE: Est-ce que ça peut aller jusqu'à 100%?

M. GABIAS: ... chaque cas sera étudié individuellement.

M. BINETTE: Est-ce que ça peut aller jusqu'à 100%?

M. GABIAS: S'il faut aller jusqu'à 30%, nous irons à 30%; si ça va à 20%, nous irons à 20%.

M. BINETTE: Est-ce que ça peut aller jusqu'à 100%? C'est la question que je pose au ministre.

M. G ABIAS: Tout dépendra de l'étude qui sera faite par les personnes très compétentes en la matière...

M. BINETTE: Est-ce que ça peut aller jusqu'à 100%, oui ou non?

M. GABIAS: ... et suivant les rapports qui nous seront remis.

M. BINETTE: Est-ce que ça peut aller jusqu'à 100%? J'aimerais avoir une réponse, oui ou non?

M. GABIAS: M. le Président, je n'ai pas à répondre à de telles questions. Que le député continue ses hypothèses tranquilles et qu'il y réponde lui-même.

M. BINETTE: Non, c'est une question tout à fait logique que je pose au ministre, à savoir si une fédération peut, avec les...

M. GABIAS: C'est une hypothèse à laquelle je n'ai pas à répondre.

M. BINETTE: ... pouvoirs que le ministre aurait ici...

M. GABIAS: Je n'ai à répondre à aucune de ces hypothèses.

M. BINETTE: ... acheter jusqu'à 100% des parts, des actions d'une corporation. C'est simple de répondre oui ou non.

M. BOURASSA: On veut voir si c'est dans les pouvoirs du ministre, et vous dites que c'est une hypothèse.

M. GABIAS: Adopté, M. le Président.

M. BINETTE: Le député de Trois-Rivières n'est pas sérieux.

M. BOURASSA: C'est une faiblesse qui doit étonner ceux qui l'entendent.

M. GABIAS: Article 106 b) adopté, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Article 2, adopté. Article 3, adopté.

M. FRECHETTE (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a adopté avec un amendement le bill 294 qu'il vous prie d'agréer.

M. LEBEL (président): Le bill amendé sera-t-il agréé?

M. LESAGE: Sur division. M. LE PRESIDENT: Sur division.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre des Institutions financières propose que le bill 294 soit lu une troisième fois. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. GABIAS: M. le Président, je demanderais l'ajournement de la Chambre. Présentement, il y a un comité qui siège en bas, à la chambre 81. Nous devons également avoir une réunion du cabinet, et je crois que, suivant les informations qu'on vient de nous rapporter, le comité continuera à siéger à la chambre 81 une partie de la soirée, sinon toute la soirée.

M. LESAGE: M. le Président, nous ne sommes pas prêts à accepter l'ajournement de la Chambre. Nous avons du travail extrêmement sérieux et important à accomplir.

Apparaît au feuilleton, pour deuxième lecture, le bill 85. Nous sommes prêts à entamer la discussion du bill 85 en deuxième lecture, soit le principe. Je me perds en conjectures sur les raisons qui peuvent motiver le gouvernement de ne pas procéder immédiatement à l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture. C'est un projet de loi d'une importance que je n'ai pas besoin d'expliciter. Il s'agit de la protection des droits d'une minorité, droits qui ont été bafoués par une commission scolaire...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois malheureusement interrompre l'honorable chef de l'Opposition. Qu'il s'oppose à la motion d'ajournement, pour ma part, je suis bien disposé à entendre son argumentation. Il conviendra toute-

fois, je pense, qu'il appartient à un ministre ou au premier ministre d'appeler un texte de loi plutôt que tel autre. A ce moment-là, on conviendra que si je laisse s'engager un débat sur un bill en particulier, il faudrait probablement aussi que, ce précédent étant invoqué, je laisse un débat s'engager sur d'autres bills, sur un projet de loi comme, par exemple, celui de la ville de Montréal, et d'autres lois. Par conséquent, l'honorable chef de l'Opposition conviendra que je ne peux sûrement ici laisser faire de commentaires, en particulier sur une loi quin'apas été appelée.

M. LESAGE: Très bien, M. le Président, mais je ne pourrai pas demander que l'on procède à l'étude de la Loi concernant la ville de Montréal, puisque ce projet de loi n'appert qu'à l'appendice du feuilleton. Ce n'est pas devant la Chambre, pas même pour première lecture.

J'ai une autre raison, une raison sérieuse, que je n'aurais pas voulu être obligé d'invoquer, mais que je suis forcé de mentionner dans les circonstances.

Au cours d'une conversation téléphonique avec le premier ministre, hier midi, alors que ce dernier m'a téléphoné de sa chambre d'hôpital, je lui ai demandé qui proposerait la seconde lecture, qui s'occuperait du bill 85. Il m'a répondu que ce serait le ministre de l'Education. Nous avons, à ce moment-là, causé du fait que le ministre de l'Education entrerait en Chambre pour la première fois, et y siégerait pour la première fois, cet après-midi.

La conclusion de notre conversation sur ce point, c'est que, cet après-midi, nous entreprenions l'étude du bill 85, bill dont la deuxième lecture serait proposée par celui qui a été nommé, hier, vice-premier ministre.

D'ailleurs, hier, à l'ajournement, le leader de la Chambre confirmait, non pas ce que j'appellerai une entente, mais la conclusion tirée de la conversation que j'avais eue avec le premier ministre, hier midi.

Nous sommes prêts à procéder aux travaux de la Chambre. Le gouvernement n'est pas prêt, comme d'habitude...

UNE VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE : Il n'est jamais prêt. Depuis le début de la session, le gouvernement nous arrive toujours, à la dernière minute, avec des lois qui ne sont pas autre chose que des expédients.

M. BERGERON: Soyez donc sérieux! Soyez donc sérieux!

M. LESAGE: Pas autre chose que des expédients, M. le Président.

M. BERGERON: Soyez donc sérieux! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: C'est le gouvernement de l'incohérence, un gouvernement qui ne sait pas où il va, parce qu'il est profondément divisé, parce que le parti de l'Union Nationale...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce qu'il en est de votre côté?

M. LESAGE: ... est profondément divisé dans ses rangs, et, d'ailleurs, les premiers...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La démagogie qui commence.

M. LESAGE: ... à élever la voix comme saint Pierre...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La démagogie qui commence avec le chef de l'Opposition.

M. LESAGE: ... sont les plus grandes causes de division dans le parti.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Essayez donc de prouver ce que vous dites là.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Démagogue et malappris.

Toutes les accusations que porte le chef de l'Opposition...

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... actuellement, nous prouvent que c'est un démagogue et un malappris.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Oh! M. le Président, j'invoque le règlement. Le ministre de la Culture vient d'accuser celui qui vous parle d'être un démagogue. Il vient de le dire en des termes non équivoques.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non équivoques, si, si.

M. LESAGE: Bon! II l'a admis lui-même. M. le Président, ai-je besoin d'insister auprès de vous pour que vous demandiez au député de Chicoutimi de retirer ses paroles? C'est un langage qui n'est pas parlementaire.

M. LE PRESIDENT: J'invite l'honorable ministre des Affaires culturelles à retirer cette expression.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'admets que j'ai employé des expressions non parlementaires. Disons que le chef de l'Opposition n'est ni démagogue, ni malappris. Je prends sa parole pour ce qu'elle vaut, mais je vais m'empresser de la repasser à un brocanteur.

UNE VOIX: C'est pire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, je demande que ses dernières paroles soient retirées.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demande à l'honorable ministre des Affaires culturelles de retirer ses paroles sans condition et sans faire un long discours.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. le Président, j'ai retiré mes paroles sans condition. J'ai dit, tout simplement, que je retirais mes paroles.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai dit que le chef de l'Opposition n'est ni un démagogue ni un malappris, que j'étais obligé de prendre sa parole et que je la prenais pour ce qu'elle vaut. C'est la parole d'un brocanteur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: C'est encore pire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable ministre des Affaires culturelles de bien vouloir retirer ses paroles et de les retirer dans les termes les plus courts, les plus précis et les plus concis, de retirer l'expression démagogue.

M. HOUDE: Dis-le plus fort.

M. LESAGE: Je ne suis pas satisfait.

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel Si l'honorable ministre dit qu'il les a retirées, je considère qu'il les a retirées. On ne peut tout de même pas douter de sa parole. J'étais déjà, debout lorsque cet incident s'est produit...

M. LESAGE: M. le Président, avant que vous alliez plus loin sur la décision que vous venez de rendre à l'effet que vous êtes satisfait de la façon dont le député de Chicoutimi a retiré ses paroles, je considère qu'il ne les a pas retirées, M. le Président. Il ne les a pas retirées sans condition, il a ajouté l'insulte grossière à l'injure.

M. LE PRESIDENT: Je pense avoir déjà donné, lors d'une décision antérieure, mon opinion sur ce point. J'ai assez souvent accepté qu'un député se lève et dise: Je me rends à votre décision. Au lieu d'employer la formule sacramentelle: Je retire mes paroles. Je n'ai pas l'intention d'exiger des formules très sévères et très strictes.

Si on dit: M. le Président, je les retire, ou je les ai retirées, ou je me rends à votre décision, je pense qu'on devrait être satisfait d'une ou l'autre de ces formules.

M. LESAGE: M. le Président, je voudrais examiner le feuilleton. Il suffit d'examiner le feuilleton du jour pour constater que nous avons encore beaucoup de pain sur la planche. Il n'y a certainement aucune raison, aucune excuse qui justifient à ce moment-ci l'ajournement de nos travaux.

Nous sommes le 12 décembre. Il y a des projets de loi importants devant nous. Nous sommes ici prêts à en discuter. On nous a dit du côté gouvernemental qu'on serait prêt à en discuter cet après-midi. Non seulement du côté gouvernemental, fait-on preuve encore une fois d'hésitation, d'insouciance, d'incohérence...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est faux. Absolument faux encore une fois.

M. LESAGE: ... mais on manque aux ententes prises, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est faux, M. le Président, c'est faux ce que dit le chef de l'Opposition.

M. LESAGE : On manque à la parole donnée par le leader du gouvernement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le chef de

l'Opposition est encore dans l'erreur. Il dit encore des sottises et des choses malhonnêtes.

M. LESAGE: M. le Président, je demande que le député de Chicoutimi retire ce qu'il vient de dire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je retire, M. le Président, le terme malhonnête, mais vous savez de quelle façon je qualifierais en dehors de cette Chambre les propos d'un homme qui n'a jamais respecté ses paroles.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, tout de même! Mais, s'il est malade, M. le Président, s'il vous plaît...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est le chef de l'Opposition qui a été malade longtemps.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On sait de quelle façon il se traitait, avec quel remède.

M. LESAGE: II est malade.

M. CADIEUX: C'est un grand malade.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Puisqu'on sent le besoin de continuer les travaux, j'espère qu'on ne restera pas ici jusqu'à six heures pour assister à un dialogue de la qualité de celui qu'on vient d'entendre, et je demanderais qu'on revienne le plus rapidement possible à l'étude de la motion qui est devant la Chambre. C'est le privilège du chef de l'Opposition de contester la motion, toute motion étant débattable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a menti. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas son vrai visage de mentir.

M. LESAGE: C'est encore antiparlementaire.

M. FOURNIER: II est malade. Ce n'est pas nouveau.

UNE VOIX: S'il était un homme, au moins! UNE VOIX: Elle est indisposée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce genre d'injure ne m'atteint pas, monsieur, parce qu'elle est à votre niveau. Le crapaud ne peut que baver, on sait ça.

M. HOUDE: Vous êtes les deux à la fois, vous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tiens, le batracien qui parle.

M. HOUDE: Les deux à la fois. Petite Jeannette!

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Article 3, deuxième lecture du bill 44, Loi modifiant la loi de l'instruction publique. C'est en plan. On m'a dit qu'on n'en proposerait pas l'adoption à cette session-ci. Article 4, bill 53, Loi de l'Office de développement et d'aménagement du Québec. On m'a dit encore, du côté gouvernemental, qu'on ne proposerait pas l'adoption de cette loi en deuxième lecture à la présente session. Article 5, bill 89, Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux, au nom du ministre de l'Industrie et du Commerce. Le premier ministre lui-même m'a dit que le gouvernement ne procéderait pas à la deuxième lecture de ce bill à la présente session. Article 6, je le passe pour le moment. Article 7, deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des associations coopératives. Ce bill a été adopté en deuxième et en troisième lecture.

M. GABIAS: C'est ça.

M. LESAGE: Article 8, deuxième lecture du bill 294, Loi modifiant la loi des caisses d'épargne et de crédit, M. Gabias. Ce bill a été adopté aujourd'hui en deuxième et en troisième lecture. Il reste donc, au feuilleton, l'article no 6, deuxième lecture du bill 85, Loi modifiant la loi du ministère de l'Education, la loi du Conseil supérieur de l'éducation et la loi de l'instruction publique. Nous sommes prêts à procéder et nous considérons important et urgent de procéder à l'étude de ce projet de loi. Je n'ai pas besoin de rappeler tout ce que le premier ministre a dit au sujet de ce projet de loi. Je n'ai pas besoin de répéter tout ce qui s'est écrit, tout ce qui s'est dit. Ce projet de loi revêt une importance considérable. Je considère que nous devons procéder avec les travaux de la Chambre. Il reste un article. Allons-y.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges.

M. GERIN-LAJOIE: Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'étirer un débat sur une motion comme celle-là. Je crois, cependant, qu'il est important que les attitudes des membres de cette Chambre soient clairement exprimées. Quant à nous de l'Opposition, nous voulons établir de façon très claire notre attitude collective au sujet de la motion d'ajournement qui a été proposée par l'honorable ministre des Institutions financières.

Je dois exprimer mon grand étonnement qu'une motion comme celle-là soit proposée à ce moment-ci, de façon tout à fait inattendue, sans aucun préavis sur le plan personnel entre le leader parlementaire du gouvernement et le chef de l'Opposition, comme cela se fait normalement.

Nous nous serions attendus, à tout le moins, que le ministre des Institutions financières, en faisant une telle proposition, nous donne des explications, des raisons pour ajourner ainsi les travaux de la Chambre et perdre trois quarts d'heure avant le dfher et toute une soirée de délibérations.

M. GABIAS: Un quart d'heure.

M. GERIN-LAJOIE: Ce n'est... Pardon?

M. GABIAS: Un quart d'heure. Pas trois quarts d'heure avant le dîner.

M. GERIN-LAJOIE: De 5 h 15 à 6 heures?

M. GABIAS: Ah! oui, je pensais que vous parliez du lunch.

M. GERIN-LAJOIE: Nous nous trouverions à perdre, selon la proposition du ministre, trois quarts d'heure avant le dîner et toute la soirée qui aurait normalement été consacrée à nos délibérations, en particulier sur le bill 85 qui est un bill d'une grande importance, de nature à donner lieu sûrement à une longue étude ou, enfin, à une étude sérieuse de la part des membres de cette Chambre.

Que le gouvernement ait des raisons pour proposer l'ajournement, eh bien! nous n'en savons rien. Je pense bien qu'il est absolument anormal et je dirais même que c'est — est-ce exagéré de m'exprimer de la sorte? — la manifestation d'un certain mépris des membres de cette Chambre que de proposer ainsi un ajournement, sans nous donner des raisons qui, au moins, de prime abord, paraissent valables pour procéder de cette façon.

M. GABIAS: C'est arrivé souvent de votre temps, très fréquemment.

M. GERIN-LAJOIE: Ce que je dis, c'est que je trouve fort étonnant et absolument inacceptable qu'on nous propose, à nous les membres de cette Chambre, d'accepter une motion d'ajournement sans nous donner de raison.

On nous demande de voter, ou enfin d'acquiescer, au moins, à une motion d'ajournement, sans nous donner de raisons. Et ce n'est un secret pour personne que le gouvernement vise à ce que la session se termine à la fin de la présente semaine.

M. BERGERON: Voyons!

M. GERIN-LAJOIE: Je dis que ce n'est un secret pour personne, parce que cela a été exprimé publiquement en cette Chambre par le leader gouvernemental à un moment donné au début de la semaine, et nous, de l'Opposition, étions évidemment bien disposés à mettre tout en oeuvre pour atteindre cet objectif, si toutefois cet objectif pouvait être obtenu tout en nous permettant d'accomplir d'ici là notre devoir en ce qui concerne tous les projets de loi et toutes les responsabilités qui nous incombent.

Dans les circonstances, vraiment, je pense qu'il est absolument inacceptable pour nous d'acquiescer à la motion d'ajournement. Je ferai donc la proposition suivante, que je ne mettrai pas sous forme de motion d'amendement, au ministre des Institutions financières: Si, toutefois, le gouvernement a besoin de certains moments de réflexion pour mettre au point certains travaux, si le gouvernement désire que certains autres travaux soient terminés et qu'à ce moment précis où nous sommes, les représentants du gouvernement qui sont en Chambre ne sont pas en mesure de procéder à l'étude du bill 85, eh bien, pourquoi le gouvernement ne proposerait-il pas tout simplement la suspension de la séance jusqu'à huit heures ce soir?

Nous aurions perdu trois quarts d'heure, une demi-heure avant le souper. Ce serait désagréable, mais enfin, ce ne serait pas aussi grave que perdre complètement toute la soirée de huit heures à dix ou onze heures ce soir. Dans les circonstances, je dois m'opposer, appuyant en cela le chef de l'Opposition, à la motion d'ajournement, ajoutant que si le ministre voulait substituer à sa motion d'ajournement une motion de suspension de nos travaux jusqu'à huit heures ce soir, je pense que mes collègues de l'Opposition seraient d'accord pour acquiescer à cette demande modifiée de la part du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que j'ai bien com-

pris que l'honorable député de Vaudreuil-Soulanges n'en faisait pas une motion d'amendement?

M. GERIN-LAJOIE: Non, je n'en fais pas une motion d'amendement.

J'en fais simplement une suggestion au proposeur de cette motion. Si toutefois le proposeur voulait substituer à sa propre motion une motion selon les termes de cette suggestion, eh bien nous serions disposés à ce moment-là à l'accepter.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. DOZOIS: M. le Président, je pense qu'il y a des membres de cette Chambre qui ont la mémoire un peu courte. Nous sommes à la veille de proroger une session qui a duré, comme vous le savez, depuis le mois de février jusqu'au mois de juillet, si ma mémoire est fidèle. Cette session a été reprise, après des événements que l'on connaît, le 22 octobre et nous voici rendus au 12 décembre, après un travail sessionnel très lourd. Je crois que ceux qui prétendent qu'il n'y a rien eu de fait dans cette Chambre ne sont pas réalistes et que personne ne va croire une telle affirmation.

La législation qui a été adoptée en cette Chambre depuis le 22 octobre a été une législation considérable, substantielle et importante. Je pense que personne ne peut nier une telle affirmation. De plus, tout le monde est au courant de l'événement triste qui nous arrive. Le gouvernement est frappé de cette façon deux fois en l'espace de quelques mois. Fort heureusement, cette deuxième situation est moins grave que la première. Je trouve, M. le Président, que c'est un manque de coopération légitime...

M. GERIN-LAJOIE: Donnez des raisons!

M. DOZOIS: ... de la part de l'Opposition d'insister, de ne pas voter une motion d'ajournement proposée conformément aux règlements, et j'estime que l'Opposition devrait tenir compte des circonstances.

D'ailleurs, lorsqu'on lit les journaux de l'Assemblée législative, le journal des Débats, et que l'on regarde ce qui se passe habituellement dans les derniers jours d'une session...

Il est évident que nous en sommes aux derniers jours. Il est arrivé très souvent dans le passé — et ceux qui siègent dans cette Chambre depuis plusieurs années se le rappelleront — que, de 1960 à 1966, dans les derniers jours de la session, il est arrivé fréquemment que la Chambre se soit ajournée à loisir. Des séances qui commençaient à deux heures et à deux heures et trente, trois heures, la Chambre ajournait parce que certains travaux n'étaient pas prêts.

Je ne me rappelle pas exactement — c'est en 1964 ou en 1965 — l'ancien gouvernement avait un projet de loi qui était urgent, qui devait être adopté avant la prorogation, qui n'était pas terminé. L'Opposition avait accepté d'ajourner ses travaux malgré que nous aussi nous avions hâte de retourner dans nos foyers, car ces sessions se prolongeaient, on s'en rappelle, au mois de juillet et au mois d'août. Nous avons eu deux sessions qui ont été prorogées, de mémoire, je pense, le 6 ou le 5 août.

Nous avons l'intention de terminer cette session demain ou samedi au plus tard. Si c'est nécessaire, nous siégerons la semaine prochaine. Nous avons un bill assez important à terminer, à étudier, bill qui nous a causé... — je dois l'avouer, je dirai pourquoi demain, lorsque nous étudierons cette question très importante de la ville de Montréal — nous avons également un budget supplémentaire.

Je me suis absenté de cette Chambre cet après-midi, M. le Président, précisément pour mettre le point final à ce budget supplémentaire. C'est difficile, mais ce n'est rien de nouveau. Un budget supplémentaire, l'ancien gouvernement en a présenté un la veille de la prorogation en 1965.

M. LESAGE: Ce n'est pas de ça qu'on discute.

M. DOZOIS: Mais on discute tout simplement, M. le Président...

M. LESAGE: Il y a de l'ouvrage au feuilleton, on ne parle pas des bills de demain.

M. DOZOIS: De l'ouvrage au feuilleton, on sait fort bien que les bills 44 et 53 ont été étudiés au comité de l'éducation, si je me rappelle bien, et qu'il est convenu qu'on en présente un autre pour les remplacer. Je crois que c'est...

M. LESAGE: Cinquante-six.

M. DOZOIS: ... le député qui aposé la question...

M. LESAGE: Cinquante-six et soixante et un. Oui, c'est demain ça, mais aujourd'hui il y en a un bill pour deuxième lecture au feuilleton.

M. DOZOIS: Oui.

M. LESAGE: Pourquoi ne procède-t-on pas?

M. DOZOIS: Pourquoi? Parce que le gouvernement a des travaux à terminer précisément pour ces séances qui s'annoncent demain et samedi.

Il a jugé à propos de soumettre aux membres de cette Chambre, que la Chambre devrait maintenant s'ajourner à demain.

M. LESAGE : II n'y a pas de raison.

M. DOZOIS: II n'y en a peut-être pas pour le chef de l'Opposition, mais, comme le chef de l'Opposition n'est plus premier ministre...

M. ROY: Qu'il aille à ses cours de recyclage.

M. DOZOIS: ... le gouvernement pense, lui, qu'il n'est que raisonnable, dans les circonstances, précisément en vue de pouvoir terminer cette session d'ici deux ou trois jours au plus tard, le gouvernement prétend et pense qu'il est important pour nous de proposer cette motion d'ajournement. Je soumets qu'elle devrait être adoptée.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je regrette de dire qu'ayant entendu l'honorable ministre des Finances, et avec toute l'estime que j'ai pour lui, je suis plus inquiet que je ne l'étais avant qu'il ne se lève. Le bill 85 est un bill qui a été inscrit au feuilleton. J'ai devant moi La Presse d'aujourd'hui. Le titre de l'article principal en est: M. Cardinal annonce que le bill 85 sera étudié dès cette session...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois réitérer les remarques que j'ai faites au cours de l'intervention de l'honorable chef de l'Opposition. La motion qui est devant la Chambre est débattable, mais je pense qu'on ne peut se permettre de faire un commentaire sur un bill en particulier qui n'a pas été appelé par le gouvernement.

On peut fort bien argumenter à l'effet qu'il y a un programme législatif qu'il faut étudier, mais je pense qu'on ne peut pas, à ce moment-ci, faire des commentaires sur un bill donné.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je n'avais pas l'intention de faire des commentaires sur le bill, mais bien sur les intentions du gouvernement de procéder ou de ne pas procéder à ce qui reste sur le feuilleton. L'honorable chef de l'Opposition a fait état de ce qui reste à étudier par cette Chambre. Il est clair que ce qui reste consiste en un projet de loi auquel je viens de faire allusion, un projet de loi qui touche les intérêts de la ville de Montréal, sur lequel l'honorable ministre des Finances ne semble pas prêt à procéder immédiatement, et un budget supplémentaire sur lequel, également, il a dit qu'il n'est pas prêt à procéder immédiatement. Donc, de notre coté, nous nous opposons à l'ajournement de la Chambre, parce que nous croyons que l'on devrait appeler le seul bill qui est prêt et qui est d'importance et d'intérêt provincial. Nous ne voudrions pas faire perdre le temps de la Chambre. Si je suis inquiet, c'est devant les intentions du gouvernement en ce qui concerne ce bill. Après tout, dans le même journal, le premier ministre de la province dit que nous ne pouvons attendre les résultats de l'enquête royale, parce qu'il y a des problèmes spécifiques à régler et que le projet de loi en question a été établi pour les résoudre.

M. LE PRESIDENT: Je dois signaler à l'honorable député de D'Arcy-McGee qu'on s'engagerait ici sur un débat d'un tout autre ordre. Il semble qu'on ne serait plus devant une motion d'ajournement, mais que l'on discuterait d'un bill ou des événements qui ont entouré un bill en particulier.

Je n'ai pas d'objection, je le répète, à ce que l'on dise qu'il faille procéder jusqu'à six heures et ensuite reprendre ce soir, pour passer à travers du programme législatif qui apparaît pour cette session-ci, mais je pense qu'on ne pourrait pas entreprendre des commentaires sur un bill en particulier.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je dirai simplement ceci: Le gouvernement nous propose d'ajourner nos travaux jusqu'à demain. Il nous reste des choses sérieuses à faire. De notre côté, nous sommes prêts à les faire. La population de la province attend de nous que certaines choses soient réglées; nous avons des choses à dire là-dessus. Nous ne serons peut-être pas tous d'accord dans cette Chambre sur les moyens à prendre. Il y aura sans doute des débats au cours desquels des modifications seront proposées à des projets de loi, mais, M. le Président...

M. HYDE: M. le Président, sur la question de règlement, il semble que parler du bill 85, cela énerve les membres du gouvernement.

M. ROY: Lentement, vos membres de l'Assemblée législative.

M. HYDE: M. le Président, le député de D'Arcy-McGee a fait référence à ce bill 85. Le chef de l'Opposition a fait la même chose et je suis certain que chaque député, quand il considère la motion qui est devant la Chambre, pense au bill 85, un bill sur lequel tout le monde attend une décision de nous.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. HYDE: J'allais simplement non pas parler du bill mais attirer votre attention sur un article du règlement qui prévoit les débats qu'on peut faire sur les motions d'ajournement de la Chambre. C'est l'article 274, sur les cas, où l'ajournement de la Chambre est proposé par motion principale. C'est ce que le ministre a fait. Il a fait une motion principale simplement pour ajourner la Chambre sans donner aucune raison. Mais il l'a fait par motion principale.

Il n'y avait rien devant la Chambre. Alors quand la motion d'ajournement est faite à ce moment-là, la discussion peut porter sur toutes les questions d'administration, sauf celles qui requièrent une mesure législative ou qui ne peuvent être soulevées que par une motion directe. Tout ce que le député de D'Arcy-McGee exprime, c'est donc son inquiétude qu'on ne procède pas aux travaux normaux de la Chambre. Le chef de l'Opposition a fait un relevé de tout ce qui reste au feuilleton. Il n'est pas nécessaire de le refaire. Mais tout ce qu'il reste à faire devant la Chambre, c'est l'étude du bill 85. Le député de D'Arcy-McGee, tout ce qu'il a fait, a été de demander, comme les autres députés de ce côté de la Chambre l'ont fait auparavant, quelles sont les raisons qui motivent le gouvernement de ne pas procéder avec le feuilleton qu'on a actuellement. Nous attendons toujours des explications du côté du gouvernement, sur les raisons pour lesquelles on ne procède pas normalement aux affaires du jour. C'est tout ce que le député de D'Arcy-McGee voudrait poser comme question.

M. GOLDBLOOM: Je terminerai en disant simplement ceci: Nous avons du travail à faire. Nous, de notre côté, nous sommes prêts. Il y a des choses sérieuses à discuter. Il y a des citoyens de cette province qui attendent de nous des décisions sur des questions importantes. Si le gouvernement n'est pas prêt à procéder pour régler ces questions, la population en jugera.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: La motion de l'honorable ministre des Institutions financières peut, dans les circonstances, se comparer à une motion que tout député en cette Chambre pourrait présenter en vertu de l'article 188 de nos règlements. Si l'honorable Secrétaire de la province a présenté cette motion, c'est parce que l'intérêt public est en jeu, et je vais m'expliquer.

M. le Président, l'honorable ministre des Finances vient de faire référence à certains événements malheureux qui ont placé cette Chambre, et spécialement les honorables députés qui siègent à votre droite, dans une situation un peu confuse. Tout d'abord, après le décès de l'honorable Daniel Johnson, nous avons quand même continué le travail sessionnel dont la date de reprise avait été fixée au 22 octobre. Grâce à la collaboration des honorables députés d'en face, de nombreux comités ont tenu des séances pratiques et une législation très intéressante a été adoptée par cette Chambre. Il y a même actuellement un comité qui siège pour l'étude du bill 290, où le travail est mené avec beaucoup d'efficacité, mais qui est surtout prolongé par la présence des représentants de la CSN, et de la FTQ et d'autres, qui ont des représentations à faire, ce qui empêche certains députés d'être présents en cette Chambre cet après-midi.

Des événements imprévus et regrettés de tous, j'en suis sûr, ont été portés à la connaissance des honorables députés de cette Chambre hier matin lorsque nous avons été informés de l'indisposition temporaire de l'honorable premier ministre. Il nous a donc fallu dans les circonstances...

M. LESAGE: C'est lui qui m'a dit que nous procéderions à l'étude du bill 85 cet après-midi. Il m'a dit cela de l'hôpital.

M. PAUL: Si l'honorable chef de l'Opposition se réfère à une conversation qu'il a eue avec l'honorable premier ministre avant son hospitalisation...

M. LESAGE: Non. De sa chambre d'hôpital hier midi, le premier ministre m'a dit au cours d'une conversation téléphonique que nous procéderions a l'étude du bill 85 en deuxième lecture cet après-midi.

Le ministre du Travail, leader du gouvernement, l'a confirmé hier soir et l'a annoncé pour aujourd'hui. De plus, au cours d'une conversation téléphonique ce matin, le leader du gouvernement en Chambre m'a dit que nous procéderions à l'étude du bill 85 cet après-midi et il a voulu discuter avec moi d'autre chose au sujet du bill 85 comme devant se produire cet après-midi. Je n'insiste pas sur les détails.

M. PAUL: Je remercie l'honorable chef de l'Opposition de ne pas insister sur les détails. Mais une chose est certaine, c'est que si cette motion a été présentée par l'honorable ministre des Institutions financières, elle ne l'a pas été pour le plaisir de la chose. Il faut comprendre qu'il y a encore deux législations... Est-ce que l'honorable député de Beauharnois a une question à me poser?

M. CADIEUX: Non, je voulais applaudir au départ du député de Chicoutimi.

M. PAUL: Si cette demande a été formulée, c'est parce qu'il y a des bills qui ont des répercussions possibles sur l'économie de notre province, et spécialement pour un grand nombre de citoyens de la province, soit les habitants de la ville de Montréal.

Vous comprendrez que l'honorable ministre des Finances a besoin d'exposer à ses collègues du cabinet les implications possibles de cette législation qui sera sûrement étudiée demain devant cette Chambre.

Il y a également la question du budget supplémentaire que doit présenter l'honorable ministre des Finances. Je crois qu'il a prévenu l'honorable chef de l'Opposition à cet effet. Encore là, il va de soi que ces mesures doivent être analysées et étudiées au cabinet.

Il reste le bill 85. Je me permets de différer d'opinion avec mon honorable ami, le député de Westmount, lorsqu'il croit que ce bill peut créer une certaine nervosité lorsque, d'une façon directe ou indirecte, un honorable collègue y fait une référence.

Nous soumettons que ce bill pourrait facilement, sans porter préjudice aux droits de qui que ce soit, être reporté à demain pour son étude et l'analyse de sa présentation.

Devant tous ces faits, je comprends trop l'esprit humain de nos honorables amis pour douter un seul instant que cette demande ne soit pas fondée sur des impératifs de consultations que les membres du cabinet doivent avoir, en vue de présenter, d'ici la fin de cette session, une législation qui comportera des données et des justifications de telle législation.

C'est pourquoi, M. le Président, je n'ai aucun doute que tous les honorables députés, en ce moment, dans leur conscience, dans le plus intime d'eux-mêmes, comprennent cette demande. Les événements ont nécessairement bouleversé la marche normale et prévue de nos travaux, par suite de l'hospitalisation de l'honorable premier ministre. Cette demande pose sur la tête de celui qui remplit ces fonctions des responsabilités qui lui commandent de consulter ses collègues, afin que cette dernière étape de nos travaux puisse être aussi effective, se terminer avec la collaboration et la bonne entente qui a marqué cette session, spécialement, M. le Président, depuis que vous avez l'honneur d'occuper les responsabilités et le fauteuil que vous occupez présentement.

Alors, M. le Président, voilà pourquoi l'honorable ministre des Institutions financières a présenté cette motion. Voilà pourquoi nous donnerons des explications et, je dirai plus, des justifications qui permettront aux honorables députés de comprendre le pourquoi de cette motion. J'assimilerais moi, cette motion, comme je le disais au début de mes remarques, à un caractère d'intérêt public, et on pourrait le comparer à l'article 188, en raison des implications que les législations futures peuvent avoir sur l'économie du Québec ou sur un groupe important de ses citoyens.

Pour toutes ces raisons, je n'ai aucun doute que la Chambre se rendra de bon gré à cette motion de l'honorable député des Trois-Rivières.

M. LESAGE: Vote, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

M. CARDINAL: M. le Président...

DES VOIX: Encore un peu, encore un peu.

UNE VOIX: Cela vous fait bien mal!

UNE VOIX: On va faire une procession pour le ministre de l'Education.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! J'ai l'impression que les nouveaux députés seront mal impressionnés, si le dialogue continue comme ça à profusion.

L'honorable ministre de l'Education.

M. CARDINAL: M. le Président, mes collègues ont déjà donné les raisons qui militent en faveur de la motion d'ajournement qui a été faite. Le débat autour de cette demande raisonnable n'avance en rien, je pense, les travaux de la Chambre.

Les travaux de cette Chambre exigent une certaine collégialité. L'on comprendra que les

responsabilités, que j'ai dû assumer en si peu de temps, exigent, comme on l'a mentionné, que je consulte mes collègues, que je réunisse le cabinet et que j'étudie très sérieusement la situation avec eux.

L'on a, dans les interventions que j'ai entendues cet après-midi, utilisé un bill qui se rapporte à des questions fondamentales pour des fins qui sont probablement politiques, mais non pas de grande politique.

M. LESAGE: C'est votre bill! M. CARDINAL: L'intention... M. LESAGE: C'est votre bill! M. CARDINAL: M. le Président... M. FOURNIER: C'est le vôtre!

M. CARDINAL: M. le Président, l'intention du gouvernement est d'étudier sérieusement ce bill. Le gouvernement entend le faire de façon telle que le peuple du Québec puisse le juger. Le gouvernement a du travail à compléter. Ce travail de fin de session se fait normalement comme dans les autres cas. Ce n'est pas la première fois qu'en fin de session une semblable motion d'ajournement est faite dans les derniers jours. Elle devrait être normalement reçue et je pense que les motifs que l'on a invoqués à l'appui de cette demande justifient entièrement cette Chambre d'accepter cette motion.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Que les honorables députés qui sont en faveur de la motion d'ajournement veuillent bien se lever.

M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Bellemare, Fréchette, Johnston, Vincent, Dozois, Lizotte, Gosselin, Gabias, Tremblay (Chicoutimi), Masse, Allard, Russell, Lafontaine, Paul, Maltais (Limoilou), Cloutier, Cardinal, Boivin, Mathieu, Lussier, Beaudry, Charbonneau, Morin, Lavoie (Wolfe), Bernatchez, Flamand, Gauthier (Roberval), Sauvageau, Gauthier (Berthier), Gagnon, D'Anjou, Léveillé, Desmeules, Grenier, Martel, Roy, Leduc (Laviolette), Demers, Picard (Dorchester), Martellani, Bousquet, Simard, Proulx, Croisetière, Plamondon, Théorêt, Bergeron, Murray, Shooner, Hamel, Gardner, Hanley, Lévesque (Laurier), Tremblay (Montmorency).

M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont contre la motion d'ajournement veuillent bien se lever.

M. LE GREFFIER-ADJOINT: MM. Gérin-Lajoie, Séguin, Pinard, Courcy, Levesque (Bonaventure), Lafrance, Lacroix, Brown, Hyde, Cliche, Mme Kirkland-Casgrain, Binette, LeChasseur, Harvey, Lavoie (Laval), Blank, Beaupré, Cadieux, Fournier, Vaillancourt, Kennedy, Mailloux, Théberge, Maltais (Saguenay), Lefebvre, Bienvenue, Choquette, Fraser, Goldbloom, Houde, Pearson, Picard (Olier), Saint-Germain, Tetley, Tremblay (Bourassa).

M. LE GREFFIER: Pour: 54 Contre: 35 Yeas: 54 Nays : 35

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée. L'honorable chef de l'Opposition.

UNE VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, en l'absence du premier ministre, je me suis abstenu de voter. Si j'avais voté, j'aurais voté contre la motion.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de demander l'ajournement de la Chambre à demain matin, onze heures. Le comité ad hoc sur les relations industrielles du travail, sur le bill 290, siégera quand même ce soir à huit heures.

M. BLANK: Qu'est-ce qu'il y a, demain?

M. BELLEMARE: Demain, il y a d'abord ce qui est en avis au feuilleton. Nous allons probablement terminer nos travaux sur la loi de la construction. Nous avons le budget supplémentaire qui doit venir. Il y a les amendements au Conseil législatif. Il y a une foule d'autres choses qui sont prévues.

M. LAVOIE (Laval): Le bill 85, qu'est-ce qu'il devient?

M. BELLEMARE: Bien, ne vous faites pas de bile.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin, onze heures.

(18 h 18)

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