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Version finale

28e législature, 3e session
(20 février 1968 au 18 décembre 1968)

Le mercredi 18 décembre 1968 - Vol. 7 N° 107

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures trente-sept minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

Membres des comités

M. BELLEMARE: M. le Président, je m'excuse. Auriez-vous l'obligeance d'accepter qu'on revienne à l'article de la présentation de motions non annoncées? Hier soir, il a été entendu que, pour remplacer les membres de certains comités, le chef du parti ou son représentant donnait un avis à la présidence.

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: Supposons qu'il n'y est pas. Ne pourrait-on pas dans ce cas, donner une copie au secrétaire des comités, en bas? Il prévoit les séances et peut en aviser les membres du comité.

M. LESAGE: D'accord.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: Non n'avons pas besoin de 48 heures non plus; 24 heures, ce serait assez.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, si le chef de l'Opposition n'avait pas d'objection, on pourrait ajouter à notre motion d'hier que copie doit être remise au secrétaire des comités.

M. LE PRESIDENT: Cette motion d'amendement sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. HYDE: Je dois comprendre que même s'il n'y a pas d'avis donné, le comité pourrait, la journée même... Si le ministre des Transports, par exemple, devait siéger à un comité et qu'à la dernière minute il lui était impossible de se rendre où le comité siégera, il va de soi que le comité — comme on le fait en Chambre d'habitude — aurait le droit de le remplacer, de consentement unanime.

M. BELLEMARE: Cela peut être une question de stratégie aussi, mais je ne le pense pas.

Nous ferons un essai loyal de cette nouvelle formule, pendant six, sept ou huit semaines. Nous verrons, à la reprise de la session, s'il y a lieu, à la modifier pour la rendre plus conforme aux impératifs que nous aura donnés l'expérience que nous allons vivre.

M. HYDE: Nous pourrions le faire à l'avenir. La seule raison pour laquelle je fais cette remarque, c'est qu'on complique l'affaire au lieu de la simplifier. Il me semble que cela va assez bien en Chambre et qu'on devrait accorder le même pouvoir au comité.

M. LE PRESIDENT:

Présentation de bills privés. Présentation de bills publics. Affaires du jour.

M. BELLEMARE: M. le Président, ce sont des réponses complémentaires, ce matin...

Questions et réponses

Régionale de Lignery

M. LESAGE: M. le Président, avant que nous passions aux réponses complémentaires. Lundi, à la suite de questions que j'avais posées jeudi, vendredi et samedi, le ministre d'Etat à l'Education a fait une déclaration concernant la situation qui prévaut à la commission scolaire régionale de Lignery, Laprairie, et particulièrement en ce qui touche l'école Romain-Robidoux. Or, d'après au moins un journal que j'ai lu ce matin, il semble bien que l'école soit toujours fermée. Les enseignants accusent la commission scolaire d'avoir procédé à ce qu'on appelle un « lock-out ». Les élèves, qui ont déjà perdu beaucoup de classe au début de l'année, car l'année scolaire a commencé avec un mois de retard, se voient privés de classe...

M. GRENIER: M. Lajoie, qui est revenu.

M. GERIN-LAJOIE: J'ai signalé tout simplement...

M. LESAGE: La joie règne aussi. Alors, M. le Président, à la fin de son exposé, lundi, le ministre d'Etat à l'Education avait déclaré que si une entente n'intervenait pas, il devait y avoir une réunion des commissaires avec les enseignants ou de la direction des écoles avec les enseignants. Il avait dit ceci, et je cite, à la page 4927, du journal des Débats: « Si une entente n'inter-

vient pas, le ministère de l'Education déléguera quelqu'un sur les lieux. » Je voudrais savoir, ce matin, si quelque chose se fait, si nous pouvons espérer que les étudiants pourront rentrer en classe incessamment, ce que le ministère de l'Education a fait. C'est une situation d'urgence, je crois.

M. CARDINAL: M. le Président, il est exact, d'après les renseignements que je possède, que l'école soit fermée présentement. C'est pourquoi j'ai demandé hier que l'on agisse comme on l'a fait dans le cas d'une autre commission scolaire. J'ai demandé que le sous-ministre en titre, c'est-à-dire mademoiselle Baron, qui est responsable de l'élémentaire et du secondaire, envoie dès aujourd'hui sur place quelqu'un du ministère, pour tenter de créer un comité qui réunirait les intéressés, c'est-à-dire les enseignants, la direction de l'école et les représentants du ministère en vue d'en arriver à une solution. Ce procédé a toujours été utilisé...

M. LESAGE: II faudrait bien que les commissaires soient là aussi, parce que ce sont eux qui ont pris les décisions.

M. CARDINAL: Oui, quand je parle de la direction de l'école, je comprends administrateurs et directeurs.

M. LESAGE: C'est-à-dire commissaires et direction.

M. CARDINAL: Exactement. C'est-à-dire tous les groupes intéressés qui se réunissent à une table de façon à en arriver à une entente, comme le cas s'est produit à la régionale de Chambly.

Il y a un fait nouveau aujourd'hui. L'honorable chef de l'Opposition sait qu'hier la responsable dont je viens de parler était occupée au comité plénier ici, puisque nous avons siégé toute la journée sur le bill 56. D'ailleurs, nous n'avions pas, à ce moment-là, de nouvelle récente de la commission scolaire. J'en ai obtenu ce matin, à la suite de l'article que j'ai moi-même lu dans un journal. J'ai demandé qu'on envoie, dès aujourd'hui et sans délai, un représentant du ministère sur place, de façon à créer cet organisme et à en arriver le plus rapidement possible à une solution, pour le bien des étudiants de cette commission scolaire.

M. LESAGE: Je regrette que ce soit la dernière journée de la session, parce que nous ne pourrons pas continuer à pousser dans le dos du gouvernement. Or, c'est souvent le seul moyen de le faire fonctionner. Le ministre d'Etat à l'Education avait dit qu'il déléguerait quelqu'un. Or, il n'y a personne de rendu, d'après ce que nous dit le ministre de l'Education.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

Question de privilège

M. LAFRANCE: Je me lève sur une question de privilège. Un collègue vient justement d'attirer mon attention sur une accusation que porte contre moi un pseudo-journaliste, en disant que, si je ne fais pas usage de boissons, c'est parce que je souffre du foie.

Je veux tout simplement faire une correction pour dire que ce n'est pas du foie, mais du coeur que je souffre devant la malhonnêteté de certains pseudo-journalistes.

M. BELLEMARE: Ce n'est pas un article; c'est seulement une caricature. Le député ne devrait pas se choquer.

M. LAFRANCE: Je ne me choque pas. Je ne suis pas choqué.

M. BELLEMARE: Nous sommes tous exposés à être caricaturés.

M. LAFRANCE: Je suis content de dire ce que j'ai sur le coeur.

Négociations à l'éducation

M. LESAGE : En l'absence du ministre d'Etat à la Fonction publique, pourrais-je demander au ministre de l'Education, et vice-premier ministre, quelle est la situation, ce matin, en ce qui touche les négociations entre le ministère et les commissions scolaires, d'une part, et la CEQ, d'autre part?

Quelle est la situation ce matin?

M. CARDINAL: M. le Président, je ne puis répondre à l'honorable chef de l'Opposition. Je puis prendre avis de cette question. Je comprends que c'est peut-être le dernier jour de la session, mais je sais que l'honorable ministre d'Etat à la Fonction publique doit être de retour d'un moment à l'autre. Je ne sais pas si cette question pourrait lui être posée à un autre moment, mais je n'ai pas de rapport récent sur la situation. Je ne connais pas de développement nouveau dans ce domaine.

M. BELLEMARE: M. le Président, le ministre d'Etat à la Fonction publique, l'honorable député de Montcalm, est bien au courant de la situation. Il en a suivi toutes les péripéties, toutes les données de jour en jour. Il a été tenu au courant des différentes rencontres qui ont eu lieu, surtout des derniers développements. Je pense que si la Chambre l'autorisait, dès le retour de l'honorable député de Montcalm en cette Chambre, nous pourrions peut-être l'entendre, à la demande de l'honorable chef de l'Opposition. Je pense que ce serait bien plus simple, car il y a un responsable de toute la fonction publique, et il a été décidé par le conseil des ministres que ce serait l'honorable député de Montcalm...

M. LESAGE: Oui, je suis bien d'accord. Je ne pouvais pas deviner s'il était absent pour la journée...

M. BELLEMARE: Non, non, non.

M. LESAGE: ... ou seulement quelque temps.

M. BELLEMARE: II va être ici.

M. LESAGE: S'il doit être ici, je serais heureux que le leader du gouvernement en Chambre accepte...

M. BELLEMARE: Certainement.

M. LESAGE: ... que nous revenions à la période des questions pour permettre au député de Montcalm de répondre a la question que j'ai posée.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LESAGE: Et aussi pour permettre toute autre question additionnelle qui pourrait être posée sur le même sujet, à la suite de la déclaration du ministre. Nous ne presserons pas le ministre de répondre dès son entrée en Chambre...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LESAGE: ... parce que je pense qu'il serait important, en ce dernier jour de la session, que nous sachions exactement où en sont les choses...

M. BELLEMARE: D'accord, très bien.

M. LESAGE: ... en ce qui concerne les menaces de grève, parce qu'il y a des menaces de grève pour le début de l'année.

Réponses complémentaires

M. BELLEMARE: Voici maintenant, les réponses complémentaires qui nous ont été demandées par l'honorable député de Louis-Hébert, en vertu de l'article 114. Il y en a une qui apparaît au journal des Débats, le 26 novembre 1968, et qui se lit comme ceci: On comprendra que je lise rapidement parce que je dicte beaucoup plus pour le journal des Débats afin que les leaders du gouvernement puissent y retracer mon intervention. Il y a lieu de se demander si ce chiffre est exact lorsqu'on examine d'autres réponses fournies. Voici quelques exemples seulement.

Premièrement, le 23 octobre 1968, soit le même jour, réponse de M. Russell, déclarant que, pour l'édifice Joffre seulement, le gouvernement a acheté pour $140,927.11 de tapis, document déposé 209.

Toujours à la même date, le 23 octobre 1968, réponse de M. Russell, déclarant que pour l'aménagement des bureaux ou suites des bureaux de tous les membres du Conseil exécutif, a Québec et ailleurs, le gouvernement a payé $19,224 pour l'achat des tapis du 16 juin 1966 au 29 mars 1968. C'est le document 206.

Et enfin le 12 août 1967, il y avait une réponse de M. Lafontaine, déclarant que le gouvernement avait négocié un contrat de $24,712.36 avec la compagnie Emilien Rochette et Fils limitée, relativement aux bureaux du cabinet du premier ministre. C'est la page 841 des journaux pour la session 1966-1967.

Il y a deux ou trois réponses qui semblaient contradictoires et incomplètes.

Après vérification et étude très sérieuse de tous les documents que j'ai ici en main, il n'y a aucune correction à apporter et les chiffres correspondent exactement aux réponses données.

La première question concernait les bureaux de l'édifice Joffre; c'était un montant de $ 140,000. L'autre concernait les bureaux des ministres, depuis le 16 juin; c'était $19,000. En ce qui concernait les bureaux du cabinet du premier ministre, c'était bien $24,000. J'ai ici toutes les pièces qui peuvent prouver qu'après compilation de tout ce qui est apparu au Service des achats et tout ce qu'on a retrouvé dans les documents qui ont été déposés, les documents 206 et 209, déposés à cette session, sont conformes et véridiques.

M. LESAGE: Un instant, M. le Président, sur ce point, si mon souvenir est bon, à une question générale, à savoir combien le gouvernement et tous ses ministères et commissions avaient acheté de tapis depuis le mois de juin

1966, on a répondu en donnant un chiffre. Or, ce chiffre est inférieur à l'addition des coûts des achats de tapis que le gouvernement a reconnu avoir faits, dans des réponses à des questions précises.

M. BELLEMARE: Je ferai remarquer, avant que l'honorable chef de l'Opposition aille trop loin, que le chiffre total qui nous avait été demandé, c'était pour l'aménagement: tentures, tapis et toute autre décoration intérieure.

M. LESAGE: Ameublement, tentures et toute autre décoration Intérieure.

M. BELLEMARE: Tout ça ensemble faisait un chiffre. Nous avons refait en détail tout ce qui regardait la question de l'honorable député qui nous avait demandé la vérification de ce qui concernait l'édifice Joffre, déclarant que, pour cet édifice, le gouvernement avait acheté pour $140,000 de tapis.

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: C'est exactement la réponse qu'on a donnée.

M. LESAGE: Oui, mais je pense que le ministre va comprendre la plainte que j'ai faite. Le 23 octobre 1968, on déclare que, depuis le 16 juin 1966, le gouvernement a acheté, pour ses offices, régies et commissions, pour $76,505 de tapis; ça c'est pour le tout.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE: Or, seulement pour l'édifice Joffre, on répond, le même jour, qu'il y a eu pour $140,000 d'achats de tapis. C'est là que je perds mon latin. Si on a acheté en tout pour $76,000, comment peut-on concilier cela avec une réponse disant que, pour l'édifice Joffre seulement, on en a acheté pour $140,000?

M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons fourni tous les documents que nous avions concernant les achats qui ont été faits pour le bureau du premier ministre; pour les bureaux des membres de l'Exécutif et aussi pour l'édifice Joffre.

Le chef de l'Opposition nous a demandé si ces chiffres correspondaient bien à l'autre réponse qui avait été faite par le premier ministre aux procès-verbaux et qui établissait le coût total des achats à $76,000, C'est pourquoi, ce matin, nous disons que les montants qui apparaissent dans nos réponses sont.,,.

M. LESAGE: C'est impossible. On nous répond que le gouvernement, pour tous ses services, offices, régies, commissions, a acheté pour $76,000 de tapis. Cela, c'est la réponse à la question générale. Or, à une question précise posée par un autre député, on dit que, pour l'édifice Joffre seulement, on en a acheté pour $140,000. Cela ne tient pas debout. C'est ça que je voudrais que le ministre nous explique, et nous n'avons pas d'explication.

Comment voulez-vous que nous croyions le chiffre de $76,000 quand le gouvernement lui-même nous dit que, pour un seul édifice, le gouvernement en a acheté pour $140,000?

M. BELLEMARE: M. le Président, je vais revérifier les $76,000 du 23 octobre et je donnerai, cet après-midi, la vraie réponse. Il n'y a rien à cacher.

M. LESAGE: M. le Président, je n'ai pas accusé juqu'à maintenant, sur ce point, le gouvernement de vouloir cacher quelque chose. Qu'on n'essaie pas de bâtir des bonshommes de paille pour les détruire.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE: J'ai demandé des explications, poliment Il y a quelque chose qui ne marche pas. Je demande qu'on me l'explique, c'est tout,,

M. BELLEMARE: Je vais certainement vous l'expliquer. Maintenant, l'autre question, M. le Président, c'était une intervention du 31 octobre 1968. C'était le feuilleton du 3 juillet, numéro 25, la question de M. Binette. Il y avait dans ça, M. le Président, une rectification.

M. LESAGE: Cela concernait le parc d'Oka?

M. BELLEMARE: Cela concernait le camping de l'île d'Orléans.

M. LESAGE: Très bien.

M. BELLEMARE: Il y avait également une question de M. Lavoie pour l'achat de certains campings à Saint-Jean, Ile d'Orléans; réponse donnée par le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, qui disait le 5 juillet, au député de Deux-Montagnes, article 20 du feuilleton: Il s'agit d'un contrat pour la construction d'une usine d'épuration. Dans le mentant de $678,857.57, qui est exact, il y avait un article qui avait été sauté dans la transcription,

et que nous regrettons de ne pas avoir fourni dans le temps, c'était un montant de $17,186.50 payé: i Les puits du Québec enregistré.

M. LESAGE: Les quoi?

M. BELLEMARE: Les puits... Nous déposons le document ce matin.

M. LESAGE: C'est bien, c'était le montant qui manquait.

M. BELLEMARE: û arrive, lorsqu'une liste est très longue, qu'à un moment donné, un montant saute. A l'autre question, en ce qui concerne la question de M. Binette du 24 avril, on nous avait demandé de produire le contrat de gestion, et nous avions produit, à ce moment-là, le contrat d'aménagement. Ce matin, nous déposons le contrat de gestion.

M. LESAGE: C'est-â-dire qu'il y avait eu erreur.

M. BELLEMARE: Oui, oui»

M. LESAGE: Vous aviez déposé le mauvais contrat.

M. BELLEMARE: C'est-â-dire que nous avions déposé le contrat d'aménagement,...

M. LESAGE: C'est ça,

M. BELLEMARE: ... au lieu de déposer le contrat de gestion.

M. LESAGE: C'est ça.

M. BELLEMARE: Ce matin, M. le Président, nous déposons le contrat de gestion.

L'autre question c'était pour le parc d'Oka. On nous demandait de fournir, pour le parc d'Oka, certains compléments à certaines réponses qui apparaissent au procès-verbal du 5 juillet. Je suis bien prêt à le déposer et à demander que ce soit une motion pour production de documents.

Nous reproduisons exactement les chiffres que l'ingénieur nous a fournis quant à la question qui complète maintenant celle posée par le député de Louis-Hébert.

M. LESAGE: Qui a eu le contrat et à quel prix en définitive? Il n'y a Jamais eu moyen de le savoir.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LESAGE: Il n'y a jamais eu moyen de savoir qui avait eu le contrat et à quel prix.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, vous allez l'avoir ici, dans les documents. Il y a maintenant d'autres questions auxquelles nous avons les réponses, à l'article 7.

M. LESAGE: Un instant. Cela était pour la construction d'une usine d'épuration des eaux.

M. BELLEMARE: Oui, c'est ça.

M. LESAGE: Ah oui. Maintenant, il reste deux observations que j'ai faites, une le 31 octobre, l'autre...

M. BELLEMARE: Il paraît que l'honorable chef de l'Opposition...

M. LESAGE: ... le 3 décembre.

M. BELLEMARE: ... à ce qu'on m'a dit, s'était entendu avec le ministre de la Voirie quant aux réponses qui devraient être données.

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: Avec le ministre de la Voirie, non?

M. LESAGE: Non, pas du tout.

M. GRENIER: Avec le député de D'Arcy-McGee. Il fait signe que oui.

M. LESAGE: Pardon?

UNE VOIX: Avec le député de D'Arcy-McGee.

M. BELLEMARE: Alors, je revérifierai...

M. LESAGE: II ne s'est certainement pas entendu avec moi en ce qui concerne les observations que j'ai faites sur l'octroi d'un contrat dans le comté de Missisquoi, nous ne savons pas si le contrat a été accordé à Les Constructions Frontières Limitée ou à Les Développements Frontenac Limitée, et nous ne savons pas à quel prix.

M. BELLEMARE: Je vais vérifier ça, M. le Président.

M. LESAGE: Et le ministre de la Voirie ne m'a donné aucun renseignement.

M. BELLEMARE: C'est ce qu'on m'a di., J'ai répété exactement.

M. LESAGE: Je n'ai reçu aucun renseignement du ministre de la Voirie.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, article no 7.

M. LESAGE: Il y a, en plus, les observations que j'ai faites le 3 décembre, concernant les permis et licences accordés à des Industries pour la fabrication de nouveaux produits. Nous avons eu une réponse du ministre de l'Industrie et du Commerce, à l'effet qu'il n'avait pas émis de permis et qu'il n'en émettait pas. C'est clair, on sait qu'il n'en émet pas. Mais nous avons demandé quels permis ont été émis par le gouvernement. Or, nous savons bien que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, entre autres, émet des permis pour la fabrication des succédanés du beurre et aussi des dérivés des produits laitiers. C'était le 3 décembre, journal des Débats, page 4457.

M. BELLEMARE: Je l'ai ça, M. le Président. Article no 7, M. le Président.

M. LESAGE: Alors, est-ce que je puis espérer avoir une réponse?

M. BELLEMARE: Oui, oui. J'ai des journées de 24 heures, moi aussi. Je pense bien que...

M. LESAGE: M. le Président, Je serais le dernier à vouloir presser outre mesure le ministre du Travail. Et les deux cas qui sont restés sans réponse ne relèvent pas de son ministère. Un des cas...

M. BELLEMARE: Non, mais c'est moi...

M. LESAGE: ... relève du ministre de la Voirie et l'autre, en particulier, du ministre de l'Agriculture et de la Colonisation,,

M. BELLEMARE: On a répondu, M. le Président, à 473 questions pendant la session. Avec tout ce qu'il reste à faire...

M. LESAGE: Mais quand même il y en aurait eu 1,000, il aurait fallu y répondre, c'est le devoir du gouvernement.

M. BELLEMARE: Certainement, seulement il y a une limite à mettre toute la responsabilité sur un seul homme. Oui, M. le Président.

M. LESAGE: M. le Président, je ne voudrais pas que le ministre du Travail s'Imagine que je lui fais des reproches, pas du tout. Je pourrais me servir d'une expression bien connue, il travaille comme un nègre. Je sais qu'il est fatigué, je ne voudrais pas aujourd'hui le rendre à bout. Mais c'est la dernière journée de la session, et voici deux cas qui ne relèvent pas directement du ministre. Il me semble que ces deux ministres pourraient obtenir les renseignements et me les donner au cours de la journée. Je veux décharger le ministre du Travail de ces choses-là.

M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons, entre les deux sessions, entre l'ajournement et la reprise des travaux parlementaires, déposé au moins 60 réponses. Nous n'avons pas essayé de prendre un faux-fuyant. Au contraire, nous disons que nous allons déposer tout ce qu'on nous a demandé. Mais avec les travaux que nous avons à accomplir ici, avec les autres choses que j'ai à mon ministère, avec les renseignements que nous sommes obligés de coordonner, c'est un travail fort onéreux et difficile. Et ce matin, j'ai justement l'Intention de le dire dans quelques minutes, pour tout ce qui restera au feuilleton, nous allons essayer, entre les deux sessions, de préparer tous les documents qui pourront être déposés. Quant aux autres, nous donnerons les raisons qui motiveront pourquoi nous ne le pouvons pas.

M. le Président, dans l'Opposition, on avait accepté, sur le même principe, de recevoir les documents entre les sessions. Nous continuons exactement la même politique, qui est bonne, d'ailleurs.

Article 7, M. le Président. Question de M. Laporte, réponse de M. Lussier.

Article 12, M. le Président. Question de M. Wagner, réponse de M. Bertrand.

Article 14. Question de M. Pinard, réponse de M. Lussier.

Article 60. Adresse de M. Lesage, réponse de M. Allard. Je voudrais ici la lire. Voici, M. le Président: « Qu'il soit présenté à l'honorable lieutenant-gouverneur une adresse le priant de faire déposer sur le bureau de cette Chambre copie de tous les arrêtés en conseil adoptés depuis le 1er juillet 1968 pour autoriser la Commission hydroélectrique de Québec â: a) Signer un accord avec Churchill Falls Labrador Corporation Limited; b)acquérir des unités, des titres hypothécaires et des actions de cette compagnie ». Réponse de M. Allard: « II n'est pas dans l'intérêt public, à l'heure présente, de déposer ces arrêtés en conseil, parce que le contrat entre Churchill Falls Labrador Corporation Limited et l'Hydro-Québec n'est pas encore signé ».

M. LESAGEs II n'est pas signé?

M. BELLEMARE: « Lorsque le contrat sera signé, ces documents seront déposés à l'Assemblée législative et les membres de l'Assemblée auront toute la latitude d'interroger les dirigeants de l'Hydro-Québec sur ce sujet, au comité des régies gouvernementales à caractère industriel et commercial ».

M. LESAGE: Quelle est la date de ce que lit le ministre? Est-ce aujourd'hui?

M. BELLEMARE: Votre question a été posée le 22octobre 1968 et la réponse est d'aujourd'hui.

M. LESAGE: Alors, aujourd'hui, le ministre peut déclarer qu'il n'y a pas encore de contrat de signé entre Churchill Falls Labrador Corporation Limited et l'Hydro-Québec?

M. BELLEMARE: Voulez-vous que le ministre responsable vous le dise?

M. ALLARD: M. le Président, le contrat entre CFLCO et 1'Hydro n'est pas signé. Cela se comprend facilement. Il s'agit d'un contrat excessivement important — c'est le plus gros contrat jamais signé en Amérique du Nord — qui présente des difficultés que vous comprenez. Les discussions devant nous conduire à la signature continuent très normalement. Nous avons bonne espérance qu'au tout début de l'année l'entente sera signée définitivement.

M. LESAGE: Alors, ce qui se fait actuellement, les relations entre l'Hydro-Québec et Churchill Falls Corporation Limited...

M. BELLEMARE: II n'y a aucun débat sur les questions répondues.

M. LESAGE: Ce n'est pas pour embêter le gouvernement; c'est pour tenter d'éclaircir la situation. Dois-je comprendre que les rapports actuels entre l'Hydro-Québec, d'une part, et Churchill Falls Labrador Corporation, d'autre part, se font sur la base de la lettre d'intention que l'Hydro-Québec a signée avec l'autorisation du gouvernement il y a déjà de nombreux mois?

M. BELLEMARE: Oui, c'est ça.

M. ALLARD: Disons que les ententes devront être conclues suivant les intentions du gouvernement et du Conseil exécutif.

M. LESAGE: Non, ce n'est pas cela. Ma question était très précise. Est-ce que les rapports, actuellement — il y en a constamment — entre 1'Hydro-Québec et Churchill Falls Corporation sont sur la base de la lettre d'intention...

M. BELLEMARE: A l'ordre! M. le Président, il ne vous voit pas.

M. LESAGE: ... qui a été signée avec l'autorisation du gouvernement?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Ce n'est pas un débat; c'est une question.

M. BELLEMARE: Non, il n'y a pas de débat là-dedans.

M. LE PRESIDENT: La réponse donnée originairement par l'honorable ministre du Travail aurait dû mettre fin immédiatement à cette question.

M. LESAGE: Comment mettre fin? M. le Président, toute motion pour production de documents peut faire l'objet d'un débat, d'abord.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il s'agissait d'une question...

M. LESAGE: Non, M. le Président, c'est une motion pour production de documents.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! La réponse de l'honorable ministre mettait fin à ce débat, si débat il y a eu. En effet, du moment qu'il y a déclaration à l'effet qu'il ne va pas de l'intérêt public de produire tel document, il faut s'en tenir à la déclaration du ministre.

M. LESAGE: M. le Président, toute motion pour production de documents, quelle que soit la déclaration du gouvernement, peut être débattue.

M. BELLEMARE: Ah bien, non!

M. LESAGE: Ce n'est pas parce qu'un gouvernement ou un ministre peut déclarer que ce n'est pas d'intérêt public qu'immédiatement tout le monde doit se prosterner en disant: Très bien, on se couche et puis on fait le mort.

M. GRENIER: A genoux!

M. LESAGE: Ce n'est pas cela du tout, et

surtout pas à genoux. C'est bon pour le député de Frontenac, de se mettre à genoux devant ses chefs. Lui, il comprend cela, se mettre à genoux.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Si l'honorable chef de l'Opposition entend débattre la motion, je pense qu'à ce moment-là il y aura lieu de le faire.

M. LESAGE: M. le Président, nous sommes à la dernière journée de la session. Au lieu d'entreprendre un long débat sur la motion, f ai posé une question précise. Je saurai à quoi m'en tenir si le ministre des Richesses naturelles veut bien me répondre.

M. ALLARD: Disons, M. le Président, que c'est suivant la lettre d'intention.

M. LESAGE: Pardon?

M. ALLARD: Suivant la lettre d'intention du gouvernement de conclure l'entente.

M. LESAGE: Alors, la réponse à ma question est affirmative.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président... M. DOZOIS: C'est encore plus avantageux... M. LESAGE: Pardon?

M. DOZOIS: C'est encore plus avantageux que la lettre d'intention.

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. LESAGE: Cela n'a pas d'importance; le contrat, n'est pas signé. Comment le ministre peut-il dire que c'est plus avantageux que la lettre d'Intention?

M. BELLEMARE: Parce que le conseil des ministres connaît le projet.

M. DOZOIS: Parce qu'on connaît le projet.

M. LESAGE: Oui, mais, si le conseil des ministres est en mesure de donner des réponses et de donner des appréciations, les contrats ou les lettres d'intention devraient être déposés pour que nous puissions contredire le gouvernement sur l'appréciation de la situation.

M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas là la question.

M. DOZOIS: Ce n'est pas dans l'intérêt public.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça...

M. ALLARD: D'ailleurs, M. le Président...

M. LESAGE: ...le gouvernement se vante, lui, pendant ce temps-là, puis nous ne sommes pas en mesure de savoir s'il a raison ou s'il a tort.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. DOZOIS: En temps opportun.

M. ALLARD: M. le Président, d'ailleurs, dès que le contrat aura été signé, dans le délai le plus court possible, une semaine si vous voulez, nous convoquerons le comité des régies et on pourra poser toutes les questions qu'on voudra.

M. BELLEMARE: M. le Président, article 61. Ordre de la Chambre, réponse de M. Allard,

M. LESAGE: Est-ce un refus encore ou bien si c'est... M. le Président...

M. BELLEMARE: C'est la même chose.

M. LESAGE: ... j'aime bien, quand on refuse, qu'on ne dise pas: Réponse. C'est une motion pour production de documents. Si le gouvernement refuse de produire les documents, qu'il le dise.

M. BELLEMARE: Certainement, aucune objection.

M. LESAGE: Qu'il invoque l'intérêt public.

M. BELLEMARE: Certainement. Certainement, M. le Président. L'honorable chef de l'Opposition qui était de si bonne humeur tout à l'heure...

M. LESAGE: Oui, je le suis encore, mais... M. BELLEMARE: ... la tempête.

M. LESAGE: ... nous nous sommes fait jouer le tour pour le rapport Dorion: Réponse déposée...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, M. le Président.

M. LESAGE: ... or, c'était un refus de produire.

M. BELLEMARE: Jamais dans cent ans, M. le Président!

M. LESAGE: Non, on disait là-dedans qu'on produirait plus tard.

M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons d'abord dit que dans le rapport Dorion, il y avait une entente tripartite qu'il fallait respecter et que nous ne répondrions pas. C'est ce que nous avons dit, puis nous nous sommes engagés à déposer les documents quand nous les aurions. Quand nous les avons reçus, nous les avons déposés. C'est ça qui est la vérité vraie.

M. LESAGE: Oui, et puis il y a un député du côté gouvernemental qui s'est emparé de la copie.

M. BELLEMARE: M. le Président, c'était son droit d'aller chez M., Châteauvert, qui est le dépositaire, dès que le document a été déposé, comme, plusieurs fois de votre côté, vous alliez les prendre sur la table.

M. LESAGE: II a été enlevé, le document. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: Enlevé? Non, M. le Président. Le député a certainement été chez M. Châteauvert le chercher. C'était son droit, d'ailleurs. C'était son droit d'y aller.

M. LESAGE: II est allé le chercher, oui. Et les autres députés ne l'avaient plus a leur disposition.

M. BELLEMARE: C'était son droit de faire ça, M. le Président,

M. LESAGE: Ce n'est pas son droit de l'apporter. Il doit le consulter sur place.

M. BELLEMARE: Non, M. le Président...

M. LESAGE: Il n'avait pas le droit de l'enlever. Il enlevait à ce moment-là le droit des autres députés de le consulter.

M. BELLEMARE: M. le Président, si l'officier n'a pas fait son devoir, c'est à l'officier qu'il faut s'en prendre, pas au député.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: Certainement au député qui n'a pas le droit d'agir comme ça.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: Jamais, M. le Président!

Ordre de la Chambre, 22 octobre 1968: Qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre, copie de tout contrat passé entre la Commission hydro-électrique de Québec d'une part et Churchill Falls (Labrador) Corporation d'autre part, depuis le 1er juillet 1968 jusqu'à ce jour.

Réponse de M. Allard: Le contrat entre l'Hydro-Québec et Chruchill Falls (Labrador) Corporation n'est pas signé. Lorsque le contrat sera signé, ces documents seront déposés à l'Assemblée législative et on aura toute la latitude voulue pour interroger les dirigeants de l'Hydro-Québec sur ce sujet au comité des régies gouvernementales à caractère industriel et commercial.

Article 63, M. le Président.

M. LESAGE: Oui, mais alors, quelle est la réponse du gouvernement?

M. BELLEMARE: Comment?

M. LESAGE: Quelle est la réponse du gouvernement à la motion? Il n'y a pas de contrat?

M. BELLEMARE: Ce n'est pas dans l'intérêt public de...

M. LESAGE: Non, non, il dit que ce n'est pas dans l'intérêt public.

M. ALLARD: Il n'est pas signé.

M. LESAGE: Alors, il n'y a pas de contrat.

M. ALLARD: Oui, mais il n'est pas signé.

M. LESAGE: Il n'y a pas de contrat.

M. BELLEMARE: II n'a pas encore perdu sa manie de vouloir essayer de plaider quand il a de mauvaises causes.

M. le Président, article 63, l'ordre de la Chambre de M. Lacroix, réponse de M. Russell.

M. LESAGE: Est-ce que le document est déposé...

M. BELLEMARE: Est-ce que je dois lire le document? Non.

M. LESAGE: ... ou bien si c'est un refus encore?

M., BELLEMARE: Une minute. Bon, nous allons déposer tout ça, mais seulement il y a des bénédictins, M. le Président. Il y a des bénédictins qui grattent ça.

M. le Président, article 58, ordre de la Chambre de M. Lesage: Qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie des minutes suivantes du Conseil de la trésorerie... M. Dozois.

M. DOZOIS: M. le Président. Je déclare qu'il n'est pas dans l'intérêt public de déposer les minutes du Conseil de la trésorerie. D'ailleurs, au Parlement fédéral, la coutume est bien établie à l'effet que les minutes du Conseil du trésor ne sont jamais déposées devant la Chambre des communes. Elles doivent être considérées comme des documents confidentiels.

M. LESAGE: M. le Président... M. PINARD: L'ottawamanie.

M. LESAGE: Je vous avoue que l'attitude du gouvernement, et en particulier celle du ministre des Finances est assez incompréhensible. Disons d'abord qu'il s'agit d'ordres du Conseil de la trésorerie, dont le ministre des Finances lui-même a rendu les numéros publics dans une réponse qu'il a donnée à une série de questions que j'avais posées.

Dans ces questions, je demandais de quelle façon avaient été utilisés certains montants qui, au cours du dernier exercice financier, avaient été puisés à même la réserve de $500,000 ou $1 million.

M. DOZOIS: Au fonds de secours, $1.5 million.

M. LESAGE: Du fonds de secours du ministère des Finances. Le ministre a répondu en me donnant chaque montant, et en me disant pourquoi cela avait été fait. Dans cette réponse, dans chaque cas, le ministre donnait le numéro de la décision ou du procès-verbal du Conseil de la trésorerie. Il était normal que je demande la production du document qui était à la base du transfert de crédits. C'était d'autant plus normal qu'au printemps de 1966, le ministre des Finances lui-même, le député de Saint-Jacques, le ministre du Travail, feu le premier ministre Johnson, et le premier ministre actuel, avaient demandé au gouvernement du temps, et plus particulièrement au ministre des Finances et premier ministre du temps, le député de Louis-Hébert, de former un comité des en- gagements financiers qui serait chargé spécifiquement de revoir une fois par mois les décisions du Conseil de la trésorerie. Le premier ministre et ministre des Finances du temps avait accepté la suggestion et il était entendu qu'un comité des engagements financiers serait établi par cette Chambre pour revoir, examiner.

M. DOZOIS: Un point d'ordre. J'estime qu'on ne peut revenir sur une question qui a été décidée par cette Chambre. Cette motion qu'a faite le chef de l'Opposition n'a pas été acceptée par la Chambre. Quand le comité des engagements financiers existera, si jamais il existe et s'il est proposé, on verra. Mais je ne peux revenir sur ce débat et dire pourquoi cela a été mis de côté, quand il pourra être institué. Je ne me rappelle pas le débat, mais, une chose est certaine, c'est que la Chambre s'est prononcée sur cette question.

M. LESAGE: C'est au mois de mars 1966 que le ministre des Finances avait fait cette motion.

M. DOZOIS: Le chef de l'Opposition a fait une motion en cette Chambre et la Chambre a déposé de cette motion.

M. LESAGE: Sur un point d'ordre et de règlement. La Chambre n'a pas décidé de la question au fond. Cela a été décidé sur un point d'ordre et de règlement.

M. DOZOIS: Il reste quand même qu'il y a eu une motion...

M. LESAGE: Pour invoquer que seul le gouvernement pouvait proposer la formation de comités. Une affaire qui n'a pas de bon sens.

M. DOZOIS: ... au feuilleton et la Chambre en a disposé. Cette motion traitait précisément de cette suggestion.

M. LESAGE: La Chambre en a disposé sur une question de forme.

M. DOZOIS: II en a disposé comme...

M. LESAGE: ET comme il est admis à la présidence, que lorsque la Chambre dispose d'une motion sur une question de forme et non pas sur le fond de la question, il reste toujours permis de débattre le fond de la question, parce qu'il n'y a pas de débat antérieur sur le fond. La question en discussion a été rejetée sur la forme, parce que le premier ministre du

temps a prétendu que seul le gouvernement avait le droit de proposer l'établissement de comités. Nous avons eu beau nous débattre et prouver l'incongruité d'une telle prétention, la force du nombre nous a renversés. Mais c'était sur une question de forme et non pas sur la question de fond. D'ailleurs, je n'ai pas l'intention d'insister plus longtemps. Je le rappelle au ministre des Finances et au ministre du Travail — particulièrement au ministre des Finances, c'est lui-même qui a demandé ça le contrôle des engagements financiers par la Chambre, par un comité de la Chambre en 1966. Et depuis ce temps-là, depuis deux ans et demi qu'on nous le refuse, alors que nous l'avions accepté comme gouvernement.

M. DOZOIS: On va en discuter.

M. LESAGE: Et aujourd'hui, simplement, on nous refuse la production de procès-verbaux du Conseil de la trésorerie dont les numéros nous ont été donnés par le ministre des Finances lui-même.

M. DOZOIS: Le président est debout.

M. LE PRESIDENT: Si l'honorable chef de l'Opposition insiste pour continuer, je dois dire immédiatement que je devrai réserver ma décision sur ce point parce que, personnellement, je n'ai pas pris connaissance de la motion que l'on allègue à l'appui des prétentions de l'honorable chef de l'Opposition qui dateraient de 1966. Je dois dire que les officiers de la Chambre eux-mêmes ne retracent pas facilement ce précédent qui aurait été créé en cette Chambre. Je vais donc le rendre sous réserve.

M. LESAGE: M. le Président, si vous le permettez, je vais mettre fin à l'affaire. J'ai l'intention, dès le début de la prochaine session de proposer de nouveau la formation d'un comité des engagements financiers. J'espère que cette fois-là nous pourrons débattre la question à fond et que le gouvernement ne se réfugiera pas derrière des arguments de forme, des arguments qui sont abracadabrants. J'ai de plus l'intention de faire la même motion l'an prochain, à la prochaine session. La même motion! J'espère que cette-fois là elle sera appelée au début de la session afin que nous puissions en discuter à fond.

Je ne voudrais pas le dernier jour de la session, alors que depuis déjà presque une heure nous siégeons, allonger inutilement les débats. Je crois que ce serait utile, mais que dans l'esprit de ceux qui sont en face de moi ce serait inutile. Je ne veux pas leur déplaire aujourd'hui. Alors, je recommencerai au début de la prochaine session mais je voudrais bien avoir l'occasion de débattre cette question à fond, pas simplement l'effleurer comme je suis obligé de le faire ce matin pour bien prouver au ministre du Travail que je comprends la situation dans laquelle il se trouve.

M. DOZOIS: Je voudrais qu'il soit clair que je me suis acquitté des engagements que j'avais pris envers le chef de l'Opposition à l'occasion de l'étude des crédits du ministère des Finances, le 14 juin 1968. L'on retrouve au journal des Débats à la page 1097, ce que je m'étais engagé à fournir au chef de l'Opposition. A la page 1097, à un moment donné, après avoir...

M. LESAGE: Je n'ai pas accusé le ministre des Finances de ne pas s'être rendu aux engagements qu'il avait pris au comité. Ce n'est pas cela du tout. Je dis qu'on a tort de ne pas produire les...

M. DOZOIS: Laissez-moi parler. J'estime que j'ai le droit de dire pourquoi je refuse...

M. LESAGE: Vous bâtissez un bonhomme de paille.

M. DOZOIS: Je ne tenterai pas de vous bâtir.

M. LESAGE: Bien, il y a longtemps que vous êtes brûlé.

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. DOZOIS: Alors à la page 1097, on voit ceci; « M. Lesage: Poste budgétaire quatre, est-ce que les $1,266,300 qui sont mentionnés ici... « M. Dozois: C'est le fonds de secours. « M. Lesage: Oui. Est-ce que le fonds de secours a été remboursé à chaque reprise pour chaque dépense, par une prévision dans les budgets supplémentaires? « M. Dozois: Règle générale, oui. En 1967-1968, il y en a quelques-uns qui n'ont pas été remboursés. « M. Lesage: Est-ce que le ministre aurait objection à nous fournir la liste des... « M. Dozois:... des ministères qui n'ont pas etc... « M. Lesage: ... des montants puisés au fonds de secours, mais qui n'ont pas été remboursés par des budgets supplémentaires?

« M. Dozois: Non, je n'ai pas d'objection. Vous trouveriez cela dans les comptes publics, « M. Lesage: Oui, je le sais mais... « M. Dozois; Non, je n'ai pas d'objection à vous le donner maintenant, mais je vous dis que c'est une information qui est du domaine public. Alors, je n'ai pas d'objection à vous la donner maintenant. « M. Lesage: C'est normal que je le demande. « M. Dozois: C'est normal que je vous dise oui. »

Par la suite, lorsque j'ai eu les renseignements des déboursés ou des dépenses imputés au fond de secours, j'en ai remis au chef de l'Opposition la liste. Cette liste avait été préparée et on mentionnait le numéro du CT du procès-verbal du Conseil de la Trésorerie. Le chef de l'Opposition est revenu à la charge et a posé cette question que je trouve à l'article 58 du feuilleton et me demande la production des procès-verbaux de la trésorerie. Je dis que, tant et aussi longtemps que la Chambre ne se sera pas prononcée — j'ajoute ceci pour la deuxième partie de sa question — sur la constitution d'un tel comité, qui pourra être discutée au comité des règlements qui siégera entre les deux sessions si l'on veut, je dis que je m'en tiens au fait que cela n'a jamais été l'usage de révéler le contenu des CT; on a toujours considéré comme n'étant pas d'intérêt public de révéler le contenu des CT.

Cette même pratique est suivie dans l'autre juridiction, qui est celle d'Ottawa. C'est tout

M. BELLEMARE: Très évident. Article 59, M. le Président.

M. DOZOIS: Même réponse.

M. LESAGE: Même débat.

M. DOZOIS: Même conclusion.

M. LESAGE: Alors, M. le Président, je poserai de nouveau la question, parce qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette affaire, des Placements T.R.

M. BELLEMARE: Bon, encore une cible. Je pense qu'on va l'abandonner, c'est certain.

M. LESAGE: Oui.

M. DOZOIS: Le bail a été produit.

M. LESAGE: Oui, mais nous voulons l'arrêté ministériel.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président...

M. LESAGE: Seulement par le bail, vous allez voir que ça ne tourne pas rond.

M. DOZOIS: Faites-en un débat.

M. BELLEMARE: Article 1, comité des subsides, M. le Président.

M. LEVESQUE (Laurier): Etes-vous rendu à l'ordre du jour?

M. BELLEMARE: Oui, à l'ordre du jour.

Comité sur la situation de la presse

M. LEVESQUE (Laurier): Permettez-moi de soulever une question de privilège, très rapidement. J'en ai averti le président; je regrette de n'avoir pas pu en toucher un mot au leader du gouvernement, car il a probablement la réponse. Il aurait pu m'éclairer en tout cas. Il s'agit des comités, et spécifiquement d'un comité, celui qui comprend neuf membres, sauf erreur, et qui vient d'être chargé d'étudier la situation de la presse et des moyens d'information en général, à la suite de la motion du député de Gouin.

Pour des raisons évidentes — parce que j'ai passé la plus grande partie de ma vie dans ce métier — j'ai suivi de très près la préparation du dossier par le député de Gouin. Pour les mêmes raisons, il me semble que je pourrais jouer un rôle utile à ce comité, à condition, évidemment, de pouvoir en faire partie.

Il y a, d'ailleurs, un précédent, parce que je suis membre du comité des régies gouvernementales à caractère industriel et commercial. Comme c'est la dernière journée de la session et que le comité peut être appelé à siéger avant la nouvelle session... J'ai eu beau lire et relire les articles 388 à 402 sur les comités spéciaux — je ne suis pas un grand procédurier — je n'ai rien trouvé qui touche mon cas. Y aurait-il une réponse à ça?

M. BELLEMARE: Je pourrai, je pense, au cours de la journée, indiquer la voie que devra suivre l'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): Trouvez-moi une voie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général.

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'ai une brève déclaration à faire.

M. LESAGE: Qu'est-ce qui arrive du reste du feuilleton?

Questions restées au feuilleton

M. BELLEMARE: J'ai dit, tout à l'heure, qu'aujourd'hui — on l'a fait exprès, à ma demande — nous avons résumé au feuilleton toutes les questions posées depuis le 27 novembre. Nous avons voulu les codifier toutes dans un dernier numéro de feuilleton pour que la référence soit plus facile.

Je dis que nous allons essayer, pendant le mois de janvier et une partie du mois de février, d'obtenir les réponses, car il y en a quelques-unes qui demandent une longue préparation et une longue compilation. Nous avons déjà du travail de fait dans plusieurs cas, mais on a inondé le feuilleton. Je ne critique pas l'Opposition. Dans un temps très bref, on avait vidé le feuilleton jusqu'au 22 octobre. Il n'en restait presque pas, une ou deux je pense. Cela nous avait donné beaucoup de travail dans les différents ministères. On a voulu recharger de nouveau le feuilleton. Nous avons fait diligence et, sur au-delà de 500 questions — il y a 528 questions — il y en a 473 auxquelles nous avons répondu, depuis le début de la session.

Nous allons continuer le travail de recherche et, dès qu'elles seront terminées, nous pourrons les remettre au greffier de l'Assemblée législative, si le chef de l'Opposition veut les avoir là le plus rapidement possible, ou nous pourrons attendre.

M. LESAGE: Que le ministre du Travail ne se surprenne pas si j'étais un peu fringant tout à l'heure. Le gouvernement répond à toutes les questions et produit tous les documents.

Tout ce que j'avais en mon nom, c'étaient quatre motions pour production de documents. Ce sont les quatre seules auxquelles on refuse de répondre en invoquant l'intérêt public. Je n'étais pas bien de bonne humeur...

M. BELLEMARE: Je comprends.

M. LESAGE: J'étais jaloux de mes collègues.

M. BELLEMARE: Je n'ai jamais connu le chef de l'Opposition jaloux. Parce que s'il avait été jaloux, il y a longtemps qu'il aurait développé un autre...

M. LESAGE: C'est de la discrimination à l'endroit du chef de l'Opposition.

M. BELLEMARE: Non, je ne crois pas.

M. LESAGE: Il y a quatre motions à mon nom, ce sont les quatre seules que l'on refuse.

M. BELLEMARE: Ce n'est certainement pas un nègre blanc Tout à l'heure, il a dit que je travaillais comme un nègre. Je lui retourne son compliment.

Je dis que j'espère que tout le monde comprendra que je ne peux pas faire plus. J'ai donné 100% de tout ce que je pouvais pour me rendre aux demandes que nous a faites l'Opposition. Il en reste, c'est sûr. Mais nous disons, comme nous l'avons fait dans toutes les autres sessions, que les documents qu'il sera possible de déposer, nous les déposerons. Les questions auxquelles il sera possible de répondre auront une réponse d'ici la prochaine session. Si le chef de l'Opposition aimait mieux que nous déposions les réponses entre les mains du greffier, au fur et à mesure que nous les aurons je n'y ai aucune objection.

M. LESAGE: Oui. Qu'elles soient déposées entre les mains du greffier, avec une copie additionnelle. Le greffier et moi, nous sommes les deux hommes qu'on retrouve le plus souvent dans les corridors, entre les sessions.

M. BELLEMARE: Nous allons compléter ça et nous enverrons même une copie au député qui a posé la question. Pour vous montrer notre grand désir de collaborer et d'essayer de renseigner et instruire l'Opposition, s'il y a moyen au sujet de nos activités nombreuses et surtout productives.

M. le Président, troisième lecture de la Loi de la ville de Montréal.

M. LESAGE: Le ministre du Travail aurait dû faire ça au sujet du rapport Dorion.

M. BELLEMARE: Dans le cas du rapport Dorion, je demande au député de Hull de dire s'il n'a pas eu la copie en même temps que le député de Gatineau.

M. LESAGE: Non.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: II a eu sa copie hier soir.

M. LESAGE: Le député de Papineau.

M. BELLEMARE: Le député de Hull a-t-il sa copie?

M. PARENT: A six heures hier soir. M. BELLEMARE: Bon! M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: C'est la même chose pour le député de Gatineau.

M. LESAGE: Pas le député de Gatineau, le député de Papineau.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: II l'a eu bien avant ça.

M. BELLEMARE: Oui, deux copies.

Une tempête dans un verre d'eau pour essayer de prendre le gouvernement en défaut. Eh bien, encore, « patate »!

M. LESAGE: Non, c'est le contraire. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE: Vous ne brouillerez pas l'Outaouais.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Avant que nous ne soyons trop dans les patates, nous allons appeler...

M. BELLEMARE : La troisième lecture du bill de la ville de Montréal, M. le Président.

Bill 295 Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la troisième lecture de la Loi concernant la ville de Montréal.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: Un instant. Pourrais-je poser une question?

M. DOZOIS: Tel qu'adopté hier soir.

M. LESAGE: Oui, tel qu'adopté hier soir, c'est-à-dire que le document qui m'a été remis, qui apparaissait comme un amendement à l'article neuf, remplaçant tout l'article 9,...

M. DOZOIS: C'est ça.

M. LESAGE: ... devient l'article 9 que nous adoptons en troisième lecture.

M. DOZOIS: Il n'y a plus d'alternative. M. LESAGE: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. BELLEMARE: M. le Président, troisième lecture adoptée. Article 5, bill 53.

Bill 53 Budget supplémentaire no 2

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forma en comité des subsides.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. LESAGE: M. le Président. J'aurais pu faire une motion de non confiance sur un sujet donné. Etant donné que ce sujet est l'objet d'un article dans le budget supplémentaire, quant à moi, j'interviendrai lorsque nous étudierons cet article en comité.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, je regrette. Je crois qu'à un moment donné, pendant la période des questions, du moins, j'ai cru que c'était pendant cette période, je me suis levé parce que j'avais justement une brève déclaration à faire et j'ai pris mon siège subséquemment, je ne sais si l'Opposition...

M. LESAGE: Nous n'avons pas d'objection. Si le ministre intérimaire de la Justice a une déclaration à faire, je n'ai aucune objection I ce qu'il la fasse.

M. LE PRESIDENT: Vu le consentement unanime, nous donnons la parole à l'honorable Solliciteur général.

Déclaration ministérielle Attentats à la bombe

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, M. Lucien Saulnier, le président de l'exécutif de la ville de Montréal, faisait récemment une déclaration par laquelle il informait le public que la ville de Montréal avait mis une somme de $10,000 à la disposition du chef Gilbert, de la Sûreté municipale de Montréal afin de faciliter les recherches, particulièrement en ce qui concerne les auteurs des attentats à la bombe.

En second lieu, au cours de cette déclaration, il avait fait appel à la collaboration de centrales syndicales, afin qu'elles coopèrent dans le même sens. Il avait, en troisième lieu, mentionné qu'il y avait dans ce travail et ces recherches difficiles, une collaboration étroite entre la Sûreté municipale de Montréal et la Sûreté du Québec. Et il invitait les autorités provinciales à collaborer au même titre, c'est-à-dire dans cette forme de recherche.

Hier, dans cette Chambre, le député de Verdun m'a demandé, à la suite de cet appel à la collaboration adressé aux autorités provinciales, si le gouvernement était disposé à collaborer et à y aller lui aussi d'un montant de $10,000, comme ce fut le cas, et tel qu'annoncé par M. Saulnier, pour la ville de Montréal.

Je voudrais déclarer ce matin que J'ai autorisé, après avoir consulté mes collègues, dans ce cas particulier et grave de la recherche de criminels terroristes, auteurs des attentats à la bombe, que soit mise à la disposition de M. Saint-Pierre, qui est actuellement l'assistant-directeur de la Sûreté du Québec et qui, très prochainement, deviendra le directeur de la Sûreté du Québec, une somme de $10,000, qu'il pourra utiliser à ces fins et suivant discrétion.

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre des Finances sera-telle adoptée?

M. BELLEMARE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. BELLEMARE: Comité des subsides.

Comité des subsides

M. FRECHETTE (Président du comité des subsides): Ministère des Affaires culturelles, poste 14.

M. BELLEMARE: Un instant.

M. LESAGE: Pour le ministère des Affaires culturelles, je pense qu'il s'agit beaucoup plus d'une question de finance...

M. BELLEMARE: Oui, oui. Dans une minute.

M. LESAGE: ... malgré que J'aurai des questions à poser.

M. BELLEMARE: Une minute.

M. DOZOIS: Est-ce qu'il y a eu une question? J'étais dans le corridor et je ne sais pas si on a posé une question durant mon absence.

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: Non. Nous avons attendu justement pour cela.

M. LESAGE: Les questions que j'avais à poser s'adressent beaucoup plus au ministre des Affaires culturelles qu'au ministre des Finances. Le ministre des Finances a eu l'amabilité, comme d'habitude, de me remettre des notes explicatives sur chacun des articles du budget supplémentaire. L'article à l'étude comporte l'autorisation de la dépense d'une somme de $2 millions, dont une partie, soit $1,200,000, me semble très bien expliquée dans les notes que m'a remises le ministre des Finances. Il s'agit d'une erreur comme il s'en produit au moment de la préparation du budget. On inscrit un montant brut de $4 millions alors qu'il aurait fallu inscrire un montant brut de $5,200,000 parce que la dépense sera de $5,200,000, avec une contribution fédérale de $1,200,000. Le montant net se trouve donc, à cause de la façon dont le budget principal est présenté de $2,800,000 seulement, et il manque $1,200,000 qu'il faut combler.

Mais, c'est la différence des $760,000, représentant des additions au contrat, principalement pour des équipements de scène, sur laquelle j'aurais bien voulu avoir des détails. Je trouve cela fort, $760,000 pour des équipements de scène. Je ne suis pas un expert, mais je trouve cela cher.

M. PINARD: Est-ce qu'il y a un plateau...

M. DOZOIS: Je pense que c'est très cher. Malheureusement, si on veut suspendre l'article, nous allons demander au ministre des Affaires culturelles de venir en Chambre. Je n'ai pas beaucoup plus de renseignements que le chef de l'Opposition. Je lui ai transmis les renseignements que j'avais. Je sais, cependant,

que les équipements de scène sont très, très dispendieux. J'en ai entendu parler lorsque la Place des Arts de Montréal a été construite.

M. LESAGE: Est-ce que cela a coûté cher? M. DOZOIS: Oui. Cela a coûté très cher,

M. LESAGE: Ce sont des scènes qui peuvent s'élever...

M. DOZOIS: Ah! mobiles, il y a les...

M. LESAGE: ... des plateaux hydrauliques des plateaux tournants.

M. DOZOIS: Il y a toutes les installations pour le déplacement des décors; les projecteurs, et., je sais que c'est très dispendieux. Si on veut suspendre l'étude de cet article, on m'Informe que mon collègue des Affaires culturelles sera là dans quelques instants.

M. LESAGE: D'accord. Mais quoi qu'en pense le député de Frontenac, je ne suis pas assez expert en théâtre pour avoir une idée du coût des aménagements de scène.

M. DOZOIS: Il est aussi possible que le ministre des Travaux publics soit en mesure de fournir des renseignements. Je ne sais pas, mais c'est lui qui a la responsabilité...

M. LESAGE: Si le ministre des Finances ne le sait pas, comment veut-il que je le sache?

M. DOZOIS: Si on veut suspendre l'article... Je ne pouvais pas prévoir les questions, je vais m'informer...

M. LESAGE: Très bien, monsieur. Il n'est pas besoin de se fâcher.

M. DOZOIS: Oh, je ne me fâche pas du tout.

M. LESAGE: Nous allons discuter d'agriculture.

M. DOZOIS: C'est cela.

M. BOUSQUET: Vous connaissez ça, le théâtre.

M. LESAGE: L'ancien ministre de l'Agriculture s'ennuit.

M. DOZOIS: Les arts agricoles.

M. LESAGE: Il y a longtemps qu'il n'est pas intervenu en Chambre.

M. DOZOIS: Vous pensez aux arts agricoles?

M. LE PRESIDENT: Alors, ce poste est en suspens?

M. LESAGE: Oui.

M. LE PRESIDENT: Agriculture et Colonisation, poste 3. Cet article est-il adopté?

Raffinerie de Saint-Hilaire

M. BOURASSA: J'ai une question à poser au ministre en ce qui a trait à la raffinerie de sucre. Est-il au courant du travail qui a été fait par un professeur de l'université d'Ottawa, travail qui a été publié, je crois, dans le Devoir récemment et qui suggère certains moyens d'augmenter l'efficacité de la raffinerie de Saint-Hilaire. On sait que, depuis un grand nombre d'années, il y a des déficits qui se prolongent et qui aggravent le déficit global de l'entreprise. M. Barker propose dans son étude une transformation du conseil d'administration, de même que l'élargissement des attributions de la raffinerie. Le ministre est-il au courant de cette étude-là et quelles sont ses intentions vis-à-vis de la raffinerie?

M. VINCENT: La semaine dernière ou il y a quinze jours, j'ai reçu une lettre de M. Barker professeur à l'université d'Ottawa, m'informant qu'il avait l'intention de faire connaître au public une étude que lui-même avait bien voulu faire en ce qui concerne l'administration de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Je lui ai répondu au début de la semaine, mais on m'a informé qu'une lettre avait paru dans le Devoir et dans le journal Le Droit. J'ai donc demandé de lire cette lettre.

Je puis confirmer, cet après-midi, qu'il est dans les intentions de la Corporation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, après l'analyse du rapport Comtois, Bélanger & Sirois, de faire des recommandations au conseil des ministres pour apporter des changements dans la structure administrative et même dans la composition de la Corporation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.

Entre la prorogation et la reprise de la nouvelle session, nous avons demandé au secrétaire de la corporation, Me Gamache, de bien vouloir réunir tous les membres de la corporation pour une journée complète, afin d'étudier toutes ces recommandations qui ont déjà fait l'objet

d'une analyse complète d'un groupe spécial. Par la suite, nous soumettrons au conseil des ministres une série de recommandations qui, je le crois, peuvent apporter certains changements administratifs.

Ces changements administratifs permettront-ils de réaliser des profits? J'aime autant le dire tout de suite: II n'est pas possible, dans le contexte actuel, surtout à cause du prix du sucre, de réaliser des profits avec la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.

M. BOURASSA: Oui, mais si on étendait ses attributions. Il y a deux ans, en novembre 1966, je pense, le ministre de même que le chef de l'Opposition avaient fait des suggestions en ce qui a trait à la canne à sucre. Alors, ça fait déjà deux ans, je pense, que le ministre s'intéresse au problème et il ne paraît pas être en mesure, ce matin, de dire si on va faire, oui ou non, des transformations.

M. VINCENT: M. le Président, je crois que le gouvernement du Québec est intéressé au problème depuis 1887.

M. BOURASSA: Oui, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire.

M. VINCENT: A cette époque, il était déjà question de la première raffinerie de sucre. La raffinerie que nous avons à l'heure actuelle à Saint-Hilaire existe depuis 1944, donc 22 ans avant que je sois nommé président de la Corporation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.

M. BOURASSA: Ce n'est pas une excuse, ça.

M. VINCENT: Non, d'accord, ce n'est pas une excuse, mais il reste quand même que, 22 ans avant que je sois nommé président de la Corporation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, on cherchait d'autres utilisations à l'usine. Nous en cherchons encore présentement et nous espérons recevoir des suggestions concrètes qui vont nous permettre d'utiliser pleinement les facilités physiques et la main-d'oeuvre que nous avons à Saint-Hilaire. D'ailleurs, encore récemment, l'adjoint parlementaire, M. Bernatchez, accompagné du gérant de la raffinerie et du directeur des services spéciaux de mise en marché, s'est rendu aux Etats-Unis pour voir fonctionner une usine polyvalente et pour revoir de quelle façon on utilisait au maximum les facilités physiques qu'ils ont là.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, avec toutes ces compilations, les suggestions qui nous sont venues de part et d'autre, nous voulons voir jusqu'où nous pourrons aller pour utiliser cette usine.

M. BOURASSA: Des voeux pieux, et le déficit augmente!

M. LEVESQUE (Laurier): Juste une question. Ce ne sera pas long. Il y a une chose qui me frappe, et Dieu sait que je ne suis pas un grand expert agricole, mais puisqu'on parle de sucre — j'en entends parler à l'occasion, dans divers coins au Québec — l'Allemagne par exemple, la France, couvrent une grande partie de leurs besoins, de leur consommation en sucre à partir de la betterave sucrière en faisant leur propre transformation. Je ne sais pas quelle est la proportion de leur marché de consommation domestique qu'ils réussissent à couvrir, mais chose certaine c'est que ces deux pays, 50 millions d'habitants dans le cas de la France, 60 millions et plus dans le cas de l'Allemagne de l'Ouest, je parle de l'Allemagne fédérale, réussissent... Et je lisais tout récemment un bulletin allemand, le bulletin que tout le monde doit recevoir, qui est distribué par le service d'information de la République fédérale allemande, où on se vantait que, dans ce domaine-là, je crois, on réussissait à satisfaire quelque chose comme 75% du marché domestique. Alors, ici dans Québec, on a 5 ou 6 millions d'habitants, peu importe ce qu'on peut aller trouver comme polyvalence aux Etats-Unis, etc., est-ce que le ministre pourrait nous dire quelle proportion de notre marché québécois on couvre actuellement avec notre propre production? Là, c'est vraiment une question d'Information, on pourra se poser des questions sur le reste après ou lors d'un autre débat.

M. VINCENT: C'est 6%.

M. LEVESQUE (Laurier): Je ne veuxpas faire répéter, est-ce que le député de Mercier avait posé cette question? Bon, Une seule autre question, quant à moi. Est-ce que le ministre a une idée de la progression ou de la régression de ce pourcentage du marché par rapport à la production? Je présume que le 6% vient à peu près exclusivement de Saint-Hilaire.

M. VINCENT: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre pourrait dire, depuis quelques années, en plus ou en moins, est-ce qu'il y a eu un changement dans ce pourcentage ou bien si c'est à peu près stable, ou stagnant si l'on veut?

M. VINCENT: C'est à peu près stable, mais il faut quand même admettre que certaines années, comme cette année, nous allons avoir un record de production de betteraves à sucre.

M. LEVESQUE (Laurier): De production, oui.

M. VINCENT: Environ 200,000 tonnes, je crois. Nous avons un record depuis le début. L'an dernier ou il y a deux ans, nous avions eu seulement 135,000 tonnes. Donc, ça peut varier quelque peu à tous les ans; mais la moyenne, je crois, a été établie à 6% depuis 1950, la moyenne des années,

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que ça veut dire — c'est la seule autre question, parce que ça m'en suggère une, et je vais arrêter pour vrai, je vais tenir ma promesse — est-ce que ça veut dire qu'il y a — évidemment ce n'est jamais écrit ces choses, à moins que ça le soit — une espèce d'entente, genre « gentlemens's agreement » avec ce qui est à toutes fins pratiques un cartel, avec le cartel sucrier, pour que ça ne dépasse pas certaines limites. Autrement dit que jusqu'à un certain point, notre production est tolérée sur notre propre marché.

M. VINCENT: Non, il n'y a pas d'entente ici au Canada en ce qui concerne les prix du sucre, mais il faut quand même admettre qu'il n'y a pas de politique de sucre au Canada.

M. LEVESQUE (Laurier): Je parle du Québec là, évidemment, ça Implique nécessairement des attitudes pancanadiennes, mais au Québec, non plus, il n'y a pas de politique sucrière du tout à ce point de vue.

M. VINCENT: Non. Mais il y a une chose que je dois dire quand même ici, cet après-midi, c'est que plus la production est considérable, considérant le prix du sucre tel qu'il est depuis 1965, plus le déficit est considérable. En 1966, pour la production de 1965, nous avons dépassé $1,400,000 de déficit à la raffinerie. L'an dernier, nous avions atteint tout près de $1,750,000 de déficit à la raffinerie. Cette année, avec la production de deux cent milliers de tonnes, le prix du secre étant à $6.80 les cent livres, nous dépasserons le million de dollars comme déficit, et j'aime autant ne pas avancer de chiffres, nous devons avoir un rapport cet après-midi, lors d'une séance spéciale des membres de la corporation, cet après-midi.

M. BOURASSA: Le déficit global, le déficit accumulé est de combien?

M. VINCENT: Il faudrait que j'aie tous les chiffres, mais il y a un déficit global accumulé, je parle de mémoire, de $5 millions, je crois.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre pourrait fournir une étude, un tableau de la situation, parce que c'est une entreprise, on vit dans le monde des entreprises, qui accumule des déficits. On finit par se sentir terriblement concombres. Je me souviens, quand nous étions au gouvernement, nous avions le même sentiment. Nous aurions dû l'avoir à ce moment-là, je le suppose, mais vu que nous ne l'avons pas, n'y aurait-il pas moyen d'avoir une étude qui pourrait être utile à la Chambre et certainement à la population aussi, pour qu'on arrête d'avoir des déficits inexpliqués? Pourquoi ne pas avoir un tableau un peu cohérent de l'Industrie du sucre, qui affecte directement sur le marché québécois cette entreprise qu'on a mis sur pied avec l'argent des contribuables et dont on bouche les trous indéfiniment, de façon à ce qu'on s'y retrouve? N'y aurait-il pas moyen d'avoir cela?

M. VINCENT: Oui, il serait possible d'avoir ce genre d'étude dont le député de Laurier parle. C'est d'ailleurs notre intention de distribuer à tous les députés de cette Chambre l'état des opérations de la raffinerie de sucre depuis 1944...

M. LEVESQUE (Laurier): Des analyses du marché.

M. VINCENT: C'est cela, des analyses du marché. Nous sommes à faire cette compilation. La compilation qui a été faite n'était pas complète. Nous avons demandé des chiffres supplémentaires. Il faut quand même ajouter ceci, c'est que, depuis 1944, le gouvernement du Québec garantit aux producteurs de betterave à sucre un prix de $13 la tonne, sans tenir compte de la teneur en sucre et du prix du sucre. Il y a un prix minimum garanti de $13 la tonne aux producteurs, qui ne tient absolument pas compte du prix du sucre, qui ne tient pas compte également de la teneur en sucre de la betterave. Ce qui n'existe nulle part au monde. Aux Etats-Unis, en Ontario, dans les pays d'Europe, on paye la betterave suivant le prix de revient du sucre et suivant la teneur en sucre, c'est cela, à la tonne.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est que l'on a

fait des industries rentables. Il s'agirait que nous puissions avoir des éléments pour voir si cela peut être rentable chez nous.

M. VINCENT: L'industrie elle-même est rentable, mais la production, à l'heure actuelle, est plus rentable au Québec à cause du prix garanti de $13 la tonne et également à cause d'un autre montant qui s'ajoute à ces $13 la tonne, et qui vient du fédéral.

M. LEVESQUE (Laurier): Et peut-être aussi à cause de notre insignifiance sur notre propre marché. C'est évident que si nous avons seulement 5% de notre marché, nous ne sommes pas forts.

M. VINCENT: Non parce qu'à l'heure actuelle, si nous comptions la subvention du gouvernement provincial...

M. LEVESQUE (Laurier): ... autrement dit, prix unitaire.

M. VINCENT: ... si nous comptions la subvention du gouvernement fédéral, cela veut dire qu'il y a une subvention pour la betterave à sucre d'environ $10 ou $11 la tonne.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais qu'est-ce que cela fait? Il faudrait les chiffres mais, en tout cas... C'est parce qu'il y a un prix unitaire, il y a la capacité de production. Autrement dit, une machine qui fait, quel que soit l'équipement, supposons 1,000 tonnes, est plus rentable qu'une machine qui en fait 10. Cela se relie directement à la place occupée sur le marché. Alors, si nous n'avons pas tous les chiffres, on ne peut pas juger.

M. VINCENT: Il nous faut absolument tous les chiffres. L'ex-ministre de l'Agriculture, qui a été président de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, va quand même confirmer ceci. C'est que la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire existe depuis 1944. Les machines qui ont été achetées en 1944 ou 1942 étaient déjà de vieilles machines, elles sont encore là, nous les utilisons encore pour faire une opération de 1,500 tonnes, au maximum 2,000 tonnes de betterave par jour que l'on peut usiner. Aux Etats-Unis, la nouvelle usine qu'un groupe est allé voir la semaine dernière peut usiner 3,000 tonnes par jour. C'est donc le double avec de la machinerie plus moderne, avec moins d'employés, on peut usiner le double de ce que nous pouvons usiner à Saint-Hilaire.

C'est pour cela qu'il faut faire une étude de rentabilité. D'ailleurs, le ministre des Finances nous a demandé, quand nous allons le voir pour faire combler nos déficits, s'il n'y aurait pas lieu de changer ce qui, à la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, date de 30 ou 40 ans.

M. BOURASSA: Une question du ministre des Finances.

M. DOZOIS: Je voudrais seulement ajouter quelques commentaires à ce que vient de dire le ministre de l'Agriculture. Je confesse, dès le début de ces remarques, que je ne connais pas l'agriculture et que je ne connais pas la culture de la betterave à sucre.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous lisez les chiffres.

M. DOZOIS: Oui, mais je me suis intéressé à ce problème parce que l'on me demande, justement à titre de ministre des Finances, des subventions assez substantielles chaque année.

UNE VOIX: Presque régulièrement.

M. DOZOIS: Il y a une chose qui me frappe d'une façon particulière, c'est que, dans ce commerce du sucre, on occupe seulement la petite place qu'on a signalée sur le marché du Québec et qu'on fait face, en apparence, à un trust considérable, qui est le trust du sucre dans toute l'Amérique et qui, lui, contrôle les prix.

Nous n'avons pas le choix. Lorsqu'on a établi que le prix du sucre était de $6.50 les 100 livres, il faut suivre.

Or, règle générale, le prix du sucre ne nous permet pas, en payant $13 la tonne comme nous le faisons, prix minimum, de faire des bénéfices et nous connaissons des déficits. Mais il arrive ceci d'assez cocasse, c'est que le gouvernement fédéral intervient pour aider les producteurs de betterave à sucre avec un subside lorsque le prix du sucre aescend, sans tenir compte que nous, nous payons $13 la tonne, quel que soit le prix du sucre. Si bien que nous nous trouvons dans la situation assez cocasse que, plus le prix du sucre est bas, plus nous perdons d'argent, mais plus le cultivateur reçoit d'argent pour sa tonne de betteraves.

UNE VOIX: Un autre argument de séparatiste.

M. DOZOIS: C'est assez cocasse, tout de même. Je me demande s'il ne faudrait pas ra-

juster le prix de la tonne, pour être plus objectif, et s'il ne faudrait pas que le subside vienne à la raffinerie de sucre plutôt qu'au cultivateur qui, si le marché est mauvais pour nous et que nous faisons des pertes, encaisse la compensation de la perte alors qu'il a un prix minimum garanti.

Or — le ministre de l'Agriculture en a fait mention — la raffinerie de sucre a été installée en 1942 ou 1943 avec, à cette époque, une machinerie de seconde main. Il y a 25 ans de ça. Moi, j'ai posé le problème suivant: N'y aurait-il pas lieu de dépenser quelques millions de dollars pour renouveler la machinerie et — ne serait-ce pas plus rentable — d'investir $1 million, $2 millions ou $3 millions — je ne sais pas ce que cela peut coûter — pour se moderniser? Parce que je pense bien que c'est une culture que nous ne pouvons pas abandonner.

M. LEVESQUE (Laurier): Et assurer la pénétration de notre damné marché à nous autres, toujours!

M. DOZOIS: Oui, peut-être. Alors tout ça est actuellement à l'étude.

M. VINCENT: Je voudrais ajouter quelque chose. Peut-être faudrait-il également casser la chaîne de fabrication que nous avons. A l'heure actuelle, nous recevons la betterave à sucre, nous l'usinons, nous fabriquons le sucre brut, nous en retirons la mélasse, nous en retirons la pulpe, nous ensachons le sucre, nous l'entreposons et par la suite, nous avons des vendeurs sur la route pour vendre le sucre.

N'y aurait-il pas lieu — et c'est ça que l'analyse nous apprendra — à un moment donné — d'ailleurs, nous avons demandé à des compagnies de nous faire des prix sur le sucre brut ou sur le sucre liquide, sur le sirop — au lieu de procéder à l'ensachage, à l'entreposage, de vendre le produit en sucre brut ou en sirop? C'est tout ça que nous analysons à l'heure actuelle pour éviter que la raffinerie de sucre continue ce processus jusqu'à la fin de la chaîne. Nous savons très bien que lorsque nous sommes obligés d'acheter pour$100,000ou$125,000 de sacs, que nous sommes obligés de payer au-dessus de $100,000 d'entreprosage, ce n'est certainement pas une façon de faire un profit pour la raffinerie, surtout lorsque nous sommes sur le marché seulement pour 6% de la consommation.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est ça, quand les quantités ne justifient pas...

M. VINCENT: Par la suite également, comme l'ont suggéré plusieurs députés, comme le suggèrent également plusieurs hommes d'affaires, si, avec les autres productions qui s'annoncent: production industrielle dans la région de colza, de soja et de mais, on pouvait arriver à avoir une usine quelque peu polyvalente, on pourrait faire autre chose à d'autres moments de l'année, parce qu'en définitive la betterave à sucre, ça dure entre 80 et 100 jours tous les ans. Le reste du temps, il n'y a rien à faire là, excepté entretenir la machinerie, effectuer les réparations nécessaires, faire la publicité auprès des producteurs, rencontrer ces derniers et élaborer de nouveaux plans de culture.

Donc, si nous pouvions utiliser cette bâtisse et ces terrains, ainsi que les facilités humaines que nous avons là, dans d'autres domaines, ça deviendrait probablement intéressant non pas pour réaliser des profits, mais pour permettre à la classe agricole de la région d'avoir un débouché pour un marché via la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire et pour permettre également à une partie de la population de la région de travailler à la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.

M. COURCY: En réponse au député de Laurier, c'est la capacité de l'usine qui fait notre possibilité de vente, parce qu'on n'a aucun problème de vente à l'usine. Qu'on produise 200,000 tonnes ou 300,000 tonnes de sucre, on vale vendre facilement; mais c'est l'usine qui a une capacité de 200,000 tonnes ou moins. On ne peut pas aller plus loin actuellement.

Maintenant les prix fixés aux cultivateurs sont de $13 la tonne. D'après le ministre des finances, une de ses suggestions voudrait réduire ce prix minimum pour pouvoir équilibrer...

M. VINCENT: Mais le député...

M. COURCY: ... les opérations, ce serait de réduire les opérations. Si nous regardons toute l'agriculture québécoise, dans tous les domaines de production, que ce soit pour le lait, pour le beurre, le porc, l'achat des engrais chimiques, que ce soit les grains de consommation qui viennent de l'Ouest, que ce soit même les grains de semence, tout est subventionné ou pratiquement dans le Québec. Il y a une raison, c'est parce que le coût de production au Québec coûte plus cher que dans l'Ontario et les autres provinces de l'Ouest.

Alors notre agriculture est subventionnée; autrement elle disparaîtrait. Elle disparaîtrait du Québec à cause de nos conditions climatiques et de nos conditions de sol.

Alors, est-ce que la betterave à sucre, avec $300,000 de déficit par année à la raffinerie, est-ce que ce n'est pas une subvention donnée aux cultivateurs?

M. VINCENT: C'est plus que $300,000 de déficit, c'est une subvention qui dépasse le $1 million.

M. COURCY: C'est une compensation à celui qui produit de la betterave à sucre, comme il y a compensation à celui qui produit du lait industriel, à celui qui élève du porc, ou du boeuf. Alors notre agriculture, en général, est subventionnée...

M. LEVESQUE (Laurier): Le député d'Abitibi-Ouest me permet-il? Quant au sol, je ne sais pas, mais puisque nous avons des experts, on m'a dit à quelques reprises qu'au point de vue du sol — les conditions climatiques, c'est autre chose, tous les pays ont des hivers, tous ceux que je nommais tantôt - mais on a un sol qui, dans plusieurs régions, est plutôt propice à la betterave, contrairement à d'autres cultures.

M. COURCY: Moins que l'on dit en général. Parce qu'une étude a été faite par M. Lagacé...

M. VINCENT: Dans Saint-Hyacinthe, c'est excellent.

M. LEVESOUE (Laurier): C'est ce qu'on m'a dit.

M. COURCY: ... directement dans des régions comme Portneuf, directement dans d'autres parties de la province, dans l'Ouest québécois, où les gens disaient: On devrait établir ici une usine de transformation pour la betterave à sucre; mais quand arrivent les études, faites entre autres par M. Lagacé, un expert à la raffinerie, il dit; A Sainte-Anne-de-la-Pocatière, à la ferme expérimentale, on a découvert qu'il y aurait peut-être des possibilités. C'était peut-être, à ce moment-là, une des régions qui pouvait s'adapter le mieux, mais le gouvernement doit-il partir une autre raffinerie, car l'industrie privée n'en partira jamais?

M. LEVESOUE (Laurier): On est mieux de rendre celle-là rentable.

M. COURCY: Oui, alors mieux vaut rendre celle-là rentable que d'essayer d'en ouvrir d'autres dans de mêmes conditions. Alors il y a eu des comités formés par le ministre, par l'ancien ministre aussi pour faire une étude, et nous arrivons à toutes sortes de recommandations: Transformer la canne à sucre, faire le cidre et transformer les autres produits de la pomme. Vous avez eu ces recommandations-là, nous avons eu aussi la recommandation de transformer l'ensachage en faisant du sirop et du sucre liquide, en faisant du sucre en vrac dans les silos pour satisfaire quelques maisons, par exemple les confiseries qui emploieraient plutôt ce genre de sucre que le sucre ensaché. C'est vrai. Mais il y a un investissement à faire, et le ministre le sait.

D'ailleurs, le ministre des Finances l'a dit tout à l'heure parce qu'il se pose la question. Ne devrions-nous pas investir quelques millions de plus pour l'améliorer et la rendre plus rentable? Moi, je dis je le crois sincèrement. Il en était question de mon temps et, d'ailleurs, il en est encore question. Le comité formé avec MM. Comtois, Bélanger et Sirois a fait des recommandations certaines, et j'apprends que l'adjoint parlementaire, M. Bernatchez, député de Lotbinière, est allé, avec cette commission probablement, faire des études aux Etats-Unis. Nous avons des méthodes de production ici, dans la province de Québec, qui diffèrent un peu de ce qui se passe à l'extérieur, à ma connaissance.

Nous avons surtout des méthodes de conservation qui. sont complètement différentes de celles d'ailleurs. Par exemple à l'usine, ici, on reçoit à un moment donné de 30,000 à 40,000 tonnes: on empile des tas de betteraves. On a jusqu'à 150,000 tonnes de betteraves qui sont empilées. Cela ne se produit pas comme ça ailleurs, parce qu'ailleurs on paie selon le pourcentage en sucre et le pourcentage en sucre diminue par exemple avec les gelées, diminue avec le chauffage, et avec la betterave en tas: le pourcentage diminuant, c'est la raffinerie qui en subit la baisse. C'est toujours la raffinerie qui subit le contre-choc.

Si nous regardons un peu ce qui se passe à l'extérieur, ce ne sont pas les raffineries qui subissent les chocs; ce sont les producteurs eux-mêmes qui, ne prenant pas soin de leur entreposage de betteraves avant de les transporter à la raffinerie, subissent eux-mêmes la baisse du pourcentage par la diminution en sucre.

Est-ce que nous pouvons, aujourd'hui, nous du Québec, continuer de payer les cultivateurs selon le pourcentage en sucre? Si nous le faisons, le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation ou le gouvernement du Québec sera dans l'obligation, par l'assurance-récolte, de payer la différence. Cela revient au même vu qu'une mauvaise année se produira et que la

betterave sera pauvre en sucre; alors, il y aura des réclamations auprès de l'assurance-récolte en disant: L'an passé, nous avions eu 15%; cette année nous avons seulement 8%. Donc il y a des dommages aux récoltes payables par l'assurance-récolte.

Alors on va être pris d'un côté comme de l'autre. Compenser par la raffinerie ou compenser par l'assurance-récolte, cela revient au même pour l'ensemble du gouvernement. Alors, étant donné, selon moi, que toutes les productions agricoles sont subventionnées, je ne trouve pas scandaleux, à un moment donné, que la betterave à sucre ait un prix minimal garanti. Nos cultivateurs pourront arriver à produire de la betterave à un prix raisonnable et je ne trouve pas scandaleux de leur fournir une subvention pour compenser les pertes s'il y en a. Cela se fait dans toutes les autres productions; pourquoi cela ne se ferait-il pas pour la betterave?

M. LESAGE: M. le Président, juste un instant, avant que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation ne réponde à la question du député d'Abitibi-Ouest...

M. DOZOIS: A moins que ça ne soit adopté...

M. LESAGE: Non, mais voici ce que...

M. DOZOIS: Nous n'avons pas d'objection...

M. LESAGE: Bien, un instant, ça va prendre un instant. Le ministre des Finances m'avise qu'il va y avoir une séance du Conseil de la trésorerie à laquelle doit assister le ministre des Travaux publics et ce dernier a, en ce qui concerne le Grand Théâtre de Québec, la réponse à la question que j'ai posée quant à la dépense du montant de $760,000 pour l'aménagement de la scène.

M. RUSSELL: Bien, voici...

M. LESAGE: Cela va prendre deux minutes.

M. RUSSELL: M. le Président...

M. LESAGE: Le ministre m'a donné la réponse dans le corridor; elle m'a satisfait, mais il faut qu'il la donne en Chambre.

M. RUSSELL: Voici, M. le Président: la scène fait partie du contrat principal; donc le coût global à la suite des soumissions publiques était de $1,200,000. Par suite de revisions par des spécialistes dans ce domai- ne — je ne connais pas ce système — de toute façon, le montant a été réduit à $750,000; c'est donc qu'il est compris dans ce montant et la balance des $2 millions est pour...

M. LESAGE s Cela a été expliqué.

M. RUSSELL: Si ça a été expliqué, c'est très bien.

M. LESAGE: Alors, le ministère des Affaires culturelles, adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. M. DOZOIS: Adopté.

M. BROWN: Mr. Speaker, there are several points that are most difficult for the farmers today and I would like to list these and find out how much of this money is going to help them out in these certain points?

One; The net income of the farmers today is insufficient and it is becoming increasingly so; this is a great burden on the farmers' shoulders.

Two; The market prices are below par. Does this budget in any way help out these market prices?

Three: The future on the milk policy undeclared by the Government, is that there is going to be a new policy coming out of this budget to help the farmers in setting up a normal price for fluid and commercial milk.

And, under the milk question, one of the greatest things bothering the farmers is what is happening to the surplus milk? Do they get a decreased price for it?

M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais attirer votre attention sur l'intervention que fait présentement l'honorable député de Brome. Il est question dans nos règlements, que nous devons étudier article par article en comité des subsides, des postes qui sont bien précis.

Au poste 3, il s'agit de la Direction générale de la production et de l'aménagement agricole, de cela strictement. On a fait un débat, pendant quelques minutes sur la raffinerie de Saint-Hilaire. J'attire votre attention, M. le Président, sur le fait que, si l'on parle du prix du lait, de l'aménagement ou de différentes choses — l'article porte ce titre-là, mais le débat devrait se restreindre — et si l'on veut refaire tout le débat fait en comité des subsides, lors de l'étude des budgets, nous serons sûrement obligés de passer plusieurs jours à discuter.

MR. BROWN: Well, Mr. Chairman, if the Government does not want to discuss these outsiding points, certainly, I am not going to ask them but it is something that all farmers are worrying about.

M. VINCENT: Non, M. le Président, je ne crois pas que c'est parce que le gouvernement ne veut pas discuter ces points particuliers; c'est parce qu'à l'heure actuelle nous avons au budget supplémentaire pour la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, plus un autre montant de $450,000 pour perte de récolte. Je prends note des observations de l'ex-ministre de l'Agriculture, le député d'Abitibi-Ouest, au sujet de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Je voulais simplement dire au député de Laurier et aux autres que, lorsque le ministre des Finances a parlé des subventions que nous payons aux producteurs de betterave à sucre, il voulait mentionner que, lorsque le prix du sucre était très bas, à $6 les cent livres, le gouvernement fédéral donnait une subvention plus forte aux producteurs.

Nous, nous continuons à payer $13 la tonne. Si, par hasard, le prix du sucre, comme ce fut le cas en 1963 ou 1964, augmentait à $10 ou $11 les cent livres, nous paierions encore aux producteurs $13 la tonne, alors que le gouvernement fédéral n'aurait probablement pas de subvention à verser aux producteurs. A ce moment-là, nous pourrions réaliser un profit. C'est cela que nous ne pouvons concevoir dans une politique bien établie concernant la raffinerie. Le producteur n'a pas, avec la politique actuelle, la protection qu'il devrait avoir. Si le prix du sucre est bas, d'accord, il reçoit une subvention du gouvernement fédéral et il reçoit encore $13 la tonne du gouvernement provincial. Si le prix du sucre est élevé, il ne reçoit plus rien du gouvernement fédéral et il ne recevra que $13 la tonne du gouvernement provincial.

M. COURCY: Oui.

M. VINCENT: Donc, ce n'est pas rationnel. En ce qui concerne la production de la bettra-ve, nous sommes conscients qu'il y a là tout près de 1,000 producteurs qui vont chercher un revenu — pour un bon pourcentage d'entre eux — très substantiel et très intéressant. On me dit que, l'an dernier, l'un des producteurs a reçu tout près de $40,000 de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire pour vente de bettraves. Ce producteur a fait une assez bonne année.

C'est intéressant de regarder également, sur le plan économique, l'apport de la raffi- nerie à la région de Saint-Hilaire. C'est pour cela que le ministre des Finances nous a demandé, avec raison, s'il n'y aurait pas lieu de réexaminer toute la structure physique de la raffinerie et même, peut-être, de demander au conseil des ministres des investissements d'un, de deux ou de trois millions répartis sur une période de X année, afin de rendre cette usine plus fonctionnelle et plus moderne, parce que réellement, nous devons le confirmer, elle ne répond plus aux exigences de 1968. Elle est encore à l'heure de 1944.

M. COURCY: Mais, il y a une raison à ce que le fédéral augmente ses subsides.

M. VINCENT: Oui, oui, je sais, mais il reste que cette politique-là n'a pas été bâtie avec nous.

M. COURCY: Nous sommes la seule raffinerie au monde...

M. VINCENT: Oui.

M. COURCY: ... qui paie sur le tonnage. Partout ailleurs, au Canada et même aux Etats-Unis et en Europe, on fait les paiements suivant le pourcentage de sucre dans la bettrave et suivant le prix du sucre. C'est comme dans nos beurreries au Québec, où l'on fait les paiements selon le pourcentage de gras et le prix de vente du beurre.

Alors, étant donné que nous avons la seule raffinerie comme ça, c'est vrai ce que le ministre dit: Parce que le cultivateur va retirer ses $13 la tonne, peu importe que le sucre soit à $15, $16 le sac ou qu'il soit à $6 ou $7 le sac. Mais le gouvernement donne plus, si le prix du sucre est moindre. Ici dans le Québec, nous avons fixé un prix, quand je dis nous, le gouvernement a fixé un prix de $13 la tonne. Peu Importe ce qui arrive. Il a pris le risque, à ce moment-là, d'établir une production nouvelle dans la province de Québec. Il faut bien se placer au temps où la raffinerie, en 1944, a été établie. Il s'agissait d'établir une production nouvelle dans la province de Québec. D'ailleurs, on a aidé aussi à l'établissement de vergers, à un moment donné. On a aidé à l'établissement de fraisières, un peu partout, dans la province. On a aidé à l'Introduction d'animaux de boucherie dans le Nord-Ouest québécois et ailleurs dans la province. On a aidé à l'établissement de la production de la pomme de terre, par exemple dans le Bas Saint-Laurent avec la Manic, que le ministre connaît. On a aidé à l'établissement de différentes productions. D'ailleurs,

c'est dans le programme de tous les partis, d'aider à établir dans le Québec des productions nouvelles qui sont adaptées. Dans le cas de la betterave à sucre, la production est adaptée au sol et au climat de cette région, mais que nous subventionnions en payant les déficits ou que nous subventionnions directement le producteur, ça revient au même. Maintenant les études qui ont été faites,...

M. BELLEMARE: Adopté.

M. COURCY: Non, M. le Président, juste un instant. Les études qui ont été faites par Comtois, Bélanger & Sirois, il y a une couple d'années que ces études-là ont été commandées...

M. VINCENT: Commandées, oui.

M. COURCY: Les études qui ont été commandées contiennent certainement des recommandations. Je vois difficilement que le ministre des Finances recommande qu'on fasse une étude, encore une fois, sur la rentabilité de l'industrie. Comtois, Bélanger & Sirois ont dû la faire, cette étude de rentabilité, après avoir visité différentes autres usines, non seulement au Canada, mais aux Etats-Unis, ont dû faire des recommandations, pour la transformation de l'usine et non seulement la transformation de la direction, comme Barker vient de faire actuellement. Alors tout ça existe. Il suffit, à un moment donné, de passer à l'action. Quelle sera l'action? Il appartient au conseil des ministres d'en décider. Il appartient au conseil des ministres, qui a en main les chiffres, qui a les recommandations, toutes les études actuellement faites, de passer à l'action. Quelles sont les intentions du ministre à ce sujet? A-t-il l'intention de passer à l'action sous peu, suivant les recommandations faites par ces différents comités qui ont été formés?

M. VINCENT: Je l'ai dit dès le début, une réunion se tiendra probablement au début de Janvier, la date n'est pas encore fixée. Tous les membres de la corporation, plus les principaux responsables de la raffinerie, doivent y faire une série de recommandations au conseil des ministres. A ce moment-là, bien...

M. COURCY: Quels sont les changements qui ont été opérés?

M. VINCENT: Voici. Toute une série de changements ont été apportés à la raffinerie de sucre. A l'heure actuelle, je sais que je pourrais les énumérer, mais Je pense que l'ex-ministre comprendra qu'il serait préférable qu'on ait tous les points. Je n'ai pas la documentation ici du tout, je n'ai pas le dossier de la raffinerie. Je parle seulement de mémoire, je ne voudrais pas donner des renseignements qui ne sont pas exacts. Je parle seulement de mémoire, mais je suis, je serai en mesure, dès la reprise de la session, au prochain comité de l'agriculture, d'avoir tous les renseignements. Je crois bien qu'à ce moment-là, et c'est une suggestion que je fais bien gentiment, à ce moment-là, je pense que, pour la première fois, nous devrions faire venir le gérant de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire et les principaux officiers, pour avoir une discussion de quelques heures, pour que les députés puissent poser des questions.

On parle de cette question de raffinerie depuis nombre d'années, mais jamais on est allé au fond du problème, jamais on n'a posé des questions aux Ingénieurs qui sont là, à M. La-gacé, qui est le gérant adjoint ou à M. Filion, qui est le gérant. Je pense que ce serait une suggestion qui devrait être acceptée...

M. COURCY: Oui.

M. VINCENT: ... pour qu'au prochain comité de l'agriculture, on puisse poser des questions aux officiers de la raffinerie.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. COURCY: Je crois bien que le bureau de direction de la raffinerie siège actuellement assez souvent avec ses officiers supérieurs à la raffinerie.

M. VINCENT: Oui.

M. COURCY: Cela se passait comme ça...

M. VINCENT: Oui.

M. COURCY: ... et toutes les questions pertinentes étaient posées à ces officiers-là, qui nous donnaient les réponses et qui faisaient des suggestions. Maintenant, adopté.

M. BELLEMARE: Adopté. Article du Conseil exécutif.

M. LE PRESIDENT: Conseil exécutif, poste 20.

M. BELLEMARE: Ce sont les $30,000 pour l'enquête qui a été demandée sur la langue.

Dommages aux récoltes

M. COURCY: Ce sont les subventions aux agriculteurs pour dommages aux récoltes de 1967, $450,000.

M. VINCENT: Très succintement, voici, c'est qu'en 1967, il y a eu des pertes de récoltes dans différents comtés de la province. A ce moment-là, le Conseil des ministres avait consenti à verser une Indemnité de $6 l'acre pour le grain ou pour les céréales. Nous avions fait des recherches, des enquêtes ou des analyses avec les groupements de l'UCC. Nous avions des listes de cultivateurs, à qui nous avons fait parvenir des chèques, mais, à ce moment-là, nous étions presque certains que la liste n'était pas complète, que nous devions faire d'autres vérifications, même des contre-vérifications. Ce qui est arrivé, c'est qu'en juin, juillet, nous avons payé avec toutes les pertes de récoltes pour 1967, $1,650,000. Et comme nous manquions de fonds à ce moment-là, nous avons dit: Nous demanderons un budget supplémentaire après que l'enquête sera complétée. C'est la raison pour laquelle nous demandons aujourd'hui $450,000. Les cultivateurs attendent ce montant depuis le mois de septembre, mais il fallait passer par le budget supplémentaire pour compléter les paiements qui ont été faits en juin, juillet et août aux cultivateurs de certains comtés de la province.

M. COURCY: Si je comprends bien, la nature des dommages, c'est?

M. VINCENT: C'est $6 l'acre, pour perte de céréales.

M. COURCY: Quelle est la nature des dommages? Quelles régions ont été affectées?

M. VINCENT: Cela a affecté le bas Saint-Laurent, la région autour de Québec ici. En Abitibi, en 1967, il y a également eu des dommages, et des demandes qui ont été acceptées par le ministère, qui a accepté, comme ce fut le cas au cours des deux, trois ou quatre dernières années, de donner une aide pour le transport et l'achat d'avoine de semence. Cela donnait satisfaction, après discussion dans la région de l'Abitibi mais, dans d'autres régions, il y avait des pertes complètes de grain quiétait resté sur le champ, et nous en étions venus à la conclusion que nous devions payer $6 l'acre pour tout l'acrage de grain ensemencé.

M. COURCY: Le ministre dit qu'il payait $6 l'acre.

M. VINCENT: Oui.

M. COURCY: Dans d'autres parties, comme le Nord-Ouest québécois, combien le ministre a-t-il payé?

M. VINCENT: L'aide au transport et à l'achat de l'avoine de semence.

M. COURCY: Cela se chiffre par combien, à l'acre?

M. VINCENT: Je n'ai pas les chiffres. M. COURCY: $2?

M. VINCENT: A peu près, mais je n'ai pas les chiffres. Maintenant, voici. Je pourrais quand même dire que nous avons réglé dans Portneuf, Lotbinière, la Beauce. Je reçois des demandes de dommages, dans la région de Nicolet, mais elle n'est pas comprise.

M. COURCY: Nicolet doit être compensé à $6 l'acre?

M. VINCENT: Non. Nicolet n'est pas compris.

M. COURCY: Lotbinière a été plus fort que le ministre.

M. VINCENT: Il ne s'agit pas d'être plus fort ou moins fort, c'est une question de climat.

M. COURCY: D'accord. Est-ce que le ministre peut me dire comment s'est faite cette enquête? Il me dit qu'après le début de l'exercice financier, ça veut dire au 31 mars 1968, le ministre a reçu des réclamations pour dommages aux récoltes de 1967, après le début de l'exercice. Cela veut dire qu'au 31 mars 1968 et à venir jusqu'à maintenant, le ministre a reçu des demandes pour dommages de récoltes pour 1967. C'est ça? C'est écrit ici.

M. VINCENT: C'est ça.

M. COURCY: Est-ce que le ministre peut me dire comment s'est faite cette évaluation, par qui elle a été faite. Est-ce en 1968?

M. VINCENT: La première évaluation a été faite sur les pertes de grain, les pertes de foin. Nous en sommes venus à la conclusion, à la fin de l'année financière, que nous paierions $6 l'acre de grain ensemencé au cours de l'année 1967.

M. COURCY: Quels officiers du ministère de l'Agriculture ont été capables, à l'automne 1968 ou à l'été 1968, d'établir les pertes sur des récoltes de 1967?

M. VINCENT: C'est justement. C'était absolument impossible avant le mois de mai.

M. COURCY: C'était impossible.

M. VINCENT: Il était impossible, au cours de l'hiver 67/68, de voir sur place quel était l'acrage de grain ensemencé l'année précédente. Mais, dès le mois de mai, dès juin, dans certaines régions, d'autres régions le 15 mai, un officier du ministère ou un administrateur du ministère pouvait quand même vérifier sur une ferme qu'il y avait là du chaume ensemencé l'année précédente, ce qu'il ne pouvait pas faire au mois d'avril ou au mois de février.

C'est la raison pour laquelle en février-mars, il nous était impossible de vérifier sous la neige, mais qu'en mai-juin, un représentant du ministère pouvait vérifier si M. Untel, qui avait fait une réclamation tardive, avait bien raison de réclamer pour 20, 25 ou 30 acres d'avoine ensemencées au cours de l'année 1967.

M. COURCY: Faire des réclamations pour 20, 25 ou 30 acres, c'est facile, mais ce n'est pas là-dessus que le ministre s'est basé.

M. VINCENT: Non, non, non.

M. COURCY: Le ministre a dû se baser sur la perte de récolte. D'ailleurs, c'est ce qu'il dit pour la perte de récolte. Comment le ministre et ses collaborateurs ont-ils pu un an après déterminer une perte de récolte?

M. VINCENT: La perte de récolte a été considérée comme réelle dans tous ces comtés. C'est là que le ministère en est arrivé à un barème qu'il a utilisé, soit $6 l'acre partout où les cultivateurs avaient ensemencé du grain en 1967.

M. COURCY: A l'exception du Nord-Ouest québécois cependant.

M. VINCENT: A l'exception du Nord-Ouest québécois, à l'exception des comtés de Drummond, Arthabaska, Nicolet, Joliette, l'Assomption et tous les autres comtés. Cela touche seulement une dizaine de comtés de la province.

M. COURCY: Mais est-ce que le ministre est capable d'expliquer comment il a pu faire l'évalution des dommages?

M. VINCENT: Bien, cela dépendait du temps qu'il faisait. Je ne peux pas expliquer pourquoi il n'y a pas eu de perte dans Nicolet et pourquoi il y en a eu dans Lotbinière.

M. COURCY: J'ai l'impression que le ministre de l'Agriculture...

M. VINCENT: Bien, il faut quand même affirmer ceci...

M. COURCY: ... a laissé le cultivateur déterminer lui-même sa perte.

M. VINCENT: Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de barème bien établi pour analyser les pertes de récoltes ou les dommages aux récoltes — l'ex-ministre est au courant — tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de critères bien établis, ce sera généralement fait au « piffomètre ». C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons proposé un régime d'assurance-récolte afin qu'à l'avenir, on puisse analyser sur place et de façon méthodique les pertes de récoltes. S'il n'y a pas de régime d'assurance-récolte, s'il n'y a pas de barème ou de critère bien établis, l'analyse des pertes de récoltes malgré la meilleure volonté de nos fonctionnaires, malgré la meilleure volonté de nos techniciens, de nos experts, malgré la meilleure volonté de nos professionnels, est très difficile à évaluer. Il faut faire cela en tenant compte de bien des facteurs, en tenant compte des déclarations des exploitants eux-mêmes, en tenant compte de l'expérience de nos fonctionnaires et de l'expérience, également, de reux qui travaillent dans ce domaine depuis six, sept, huit ou dix ans.

M. COURCY: Alors pour la nature des dommages, le ministre s'est basé...

M. BELLEMARE: Adopté.

M. COURCY: ... sur la déclaration des cultivateurs eux-mêmes...

M. BELLEMARE: A l'ordrel M. le Président.

M. COURCY: ... qui lui ont déclaré avoir perdu, par exemple, 50 minots d'avoine...

M. VINCENT: Déclaration des cultivateurs et contrevérification par la suite...

M. COURCY: Un an après, impossible. Cela, le ministre doit l'admettre.

M. VINCENT: Pardon?

M. COURCY: Le ministre doit admettre qu'un an après, il est impossible de faire la contre-vérification, tout ce qu'on peut faire, c'est retourner chez le cultivateur et lui demander; Tu as déclaré avoir perdu 1,000 minots d'avoine, est-ce vrai, oui ou non?

M. VINCENT: Si le cultivateur a fait sa déclaration ou sa réclamation au mois d'octobre 1967, un officier d'administration dans un comté donné ou dans une région donnée, peut aller sur place vérifier si M. Untel avait 15, 20 ou 30 acres d'ensemencées.

M. COURCY: C'est secondaire.

M. VINCENT: C'est secondaire, mais il faut quand même, si nous payons $6 l'acre, vérifier s'il y avait réellement 25 ou 30 acres de terrain d'ensemencées. Mais si la demande arrive au mois d'octobre ou novembre et que la neige est arrivée, l'officier ne peut pas vérifier s'il y avait réellement 20, 30 ou 35 acres d'ensemencées. C'est pour cela qu'il a fallu faire ces contrevérifications aux mois de mai et juin 1968.

M. COURCY: Si le ministre avait voulu donner une subvention à l'ensemencement, très bien, il a la bonne méthode, mais s'il veut couvrir des pertes de récolte, je ne comprends rien dans sa méthode.

Ce n'est pas le nombre d'acres qui compte; c'est le nombre de minots perdus à l'acre. Le ministre n'en a pas tenu compte du tout, mais il se base sur des recommandations qu'il a reçues de je ne sais où et qu'il ne peut pas contrôler un an après, pour nous demander, à un moment donné, de lui voter $450,000 pour couvrir des pertes qu'il ne connaît pas, et qui ont été approuvées par quelqu'un que je ne connais pas, mais que le ministre doit connaître, lui.

M. VINCENT: M. le Président, c'est une compensation...

M. COURCY: Le ministre doit le savoir.

M. VINCENT: ... pour perte de récoltes.

M. COURCY: Alors, combien à l'acre? Il y a eu une diminution.

M. VINCENT: $6 l'acre.

M. COURCY: Bien non, il y a eu une diminution; combien y a-t-il eu de perte à l'acre?

M. VINCENT: Il y a eu diminution.

M. COURCY: Dans le comté de Lotbinière, par exemple?

M. VINCENT: II y a eu diminution... M. COURCY: De combien?

M. VINCENT: ... de rendement à l'acre. Mais le barème de la compensation pour perte de récoltes a été établi à $6 l'acre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a jamais eu de critère, tant au niveau provincial que fédéral, avant le régime de l'assurance-récolte pour établir, surtout dans les grandes cultures, quelles étaient les pertes réelles de récoltes. Nous les avons, ces critères, en cequi concerne les pommes et en ce qui concerne d'autres productions; c'est plus facile. Mais, en ce qui concerne les céréales et les grandes cultures, là, c'est très difficile d'arriver avec un barème ou avec des critères pour établir clairement quelle était la perte réelle.

C'est pour ça qu'au cours des cinq, six ou sept dernières années, quand il a été question de payer pour perte de récoltes, nous avons donné une compensation pour perte de récoltes. D'ailleurs, l'ex-ministre, est parfaitement au courant. Lorsque le fédéral et le provincial en sont venus à une entente pour donner des coupons, on a établi les critères sur le nombre de bêtes que le cultivateur avait à nourrir et, suivant les régions, on donnait un coupon pour deux vaches, un coupon pour trois bêtes ou un coupon pour quatre bêtes. Nous avons essayé de trouver un barème pour compenser les pertes de récoltes sans regarder sur chaque ferme ou dans chaque région, de façon méthodique, systématique et jusqu'au fond, qu'elle était exactement la perte.

M. COURCY: Pas jusqu'au fond, même pas au bord! D'après le principe du ministre qui paie $6 l'acre, comment se fait-il que, dans le Nord-Ouest québécois, ce n'est pas sur la même base? Comment a-t-il pu, un an après, déterminer que, dans le Nord-Ouest québécois, c'était une diminution de 55% ou de 60%, alors que, dans Lotbinière — je prends ce comté-là en particulier — c'est 40%? Comment fait-11 pour découvrir cela un an après? Impossible. Alors, il a pris des chiffres quelque part, des chiffres qui n'ont pu être contrôlés, je le sais. Mais, je dis au ministre que, lorsque le gouvernement libéral était au pouvoir, nous payions des indemnités proportionnelles à la diminution du volume d'aliments récoltés et à la diminution de la productivité, contrôlée sur les fermes du Québec et dans cha-

cun des comtés du Québec par les employés du ministère de l'Agriculture.

Aujourd'hui, je dis qu'il n'y a eu aucun contrôle. Le ministre demande $450,000 pour verser un montant — je ne suis pas contre — qui a été établi suivant le nombre d'acres ensemencés et non suivant la perte des récoltes.

M. BELLEMARE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Ce poste sera-t-il adopté?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. BELLEMiRE: Le Conseil exécutif.

Conseil exécutif Enquête sur la langue française

M. Jean LesageM. LESAGE: M. le Président, il y a...

M. BELLEMARE: C'est un crédit nécessaire...

M. LESAGE: ... un seul article.

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: C'est $30,000...

M. BELLEMARE: ... pour permettre à la commission de fonctionner.

M. LESAGE: ... soit une partie des frais qui seront encourus, d'ici le 31 mars, par la commission d'enquête sur la situation de la langue française au Québec. Le premier ministre avait parlé d'un coût de $100,000, pour un délai de douze mois. C'est dans l'arrêté ministériel, d'ailleurs, je crois.

J'ai déjà déclaré, lorsque le premier ministre a annoncé la création de la commission d'enquête, lorsqu'il a déposé l'arrêté ministériel, j'avais l'intention de discuter de la priorité de la langue française, et le premier ministre m'avait garanti - à ce moment-là il était question du bill 85 - que le bill 85 ne nous empêcherait certainement pas, pas plus que l'existence de la commission d'enquête, de discuter des mesures à prendre pour assurer la priorité du français au Québec.

En fait, ce que j'ai l'intention de dire, M. le Président, c'est que, indépendamment de la commission d'enquête, il y a des mesures que le gouvernement pourrait prendre dès maintenant, sans attendre le rapport de la commission d'enquête pour concrétiser, assurer la priorité du français au Québec.

Le bill 85 tend principalement, dans sa rédaction actuelle, à maintenir le statu quo — je me sers des termes qui ont été employés par le premier ministre lui-même - « maintenir le statu quo », en autant que les droits de la minorité de langue anglaise sont concernés.

Pour ce qui est de la langue française, nous considérons qu'il faut agir, et agir dès maintenant, et qu'il y a moyen d'agir dans certains champs de compétence sans attendre le rapport de la commission d'enquête.

Lorsque le premier ministre a fait sa déclaration ministérielle, j'ai tout de suite admis qu'il y avait des situations complexes qui nécessitaient qu'une enquête soit faite afin que le gouvernement puisse savoir exactement où il allait en proposant telle ou telle législation ou encore en posant tel ou tel acte administratif.

Il y a cependant des mesures qui peuvent être prises dès maintenant et je dis que ces mesures doivent être prises en même temps que sont protégés les droits de la minorité.

Il est urgent de protéger le français.

M. BELLEMARE: Je ne voudrais pas être déplaisant pour l'honorable chef de l'Opposition...

M. LESAGE: La correction...

M. BELLEMARE: ... mais je veux simplement lui dire que nous n'avons aucune objection à le laisser aller dans son exposé, mais notre règlement à l'article 285, troisièmement, dit que tout ce qui a été référé à un comité pendant la session en cours ne peut pas faire le sujet d'un autre débat.

M. LESAGE: Un instant.

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. LESAGE: J'ai certainement le droit de signaler l'importance... Voici un article...

M. BELLEMARE: Est-ce que je peux finir mon intervention?

M. le Président, on ne doit se référer à une affaire renvoyée à un comité, inscrite au feuilleton ou annoncée au feuilleton, à moins que cette affaire et celle qui est en discussion ne soient fondées sur le même principe. C'est clair!

M. LESAGE: M. le Président, si c'était vrai, le gouvernement n'aurait même pas le droit de proposer la résolution qui est à l'étude!

M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas le droit... Oui, parce que...

M. LESAGE: Non.

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. LESAGE: C'est l'un ou c'est l'autre.

M. BELLEMARE: Un instant, M. le Président, je dis qu'on n'a pas le droit de se référer à une motion qui a été défaite pour renvoyer un bill en comité...

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: ... mais je dis qu'on peut parler de la langue.

M. LESAGE : Oui, c'est ce que je veux faire.

M. BELLEMARE: Oui, mais vous avez l'air à en parler drôlement en rapport avec le bill 85 par ce que vous dites...

M. LESAGE: Non, c'est une référence en passant.

M. BELLEMARE: Oh, que je vous connais! Le stratège!

M. LESAGE: C'est vous, le stratège!

M. BELLEMARE: Non, non, un instant! Je suis ici, le gardien responsable...

M. GRENIER: Il a des étoiles dans les yeux.

M. BELLEMARE: ... des règlements de la Chambre.

M. LESAGE : Je dis au gardien, M. le Président, « qu'il n'aura rien à garder durant mon discours ».

M. BELLEMARE: Eh bien je l'espère. Je vais vous suivre de proche, M. Lesage!

M. LESAGE: Si je mentionne le bill 85, et si je l'ai mentionné — et je vais le mentionner encore une fois seulement — c'est simplement pour bien situer le problème.

M. BELLEMARE: Si vous parlez de la langue, je n'ai pas d'objection!

M. GRENIER: Ils en parlent à Ottawa, nous pouvons en parler.

M. LESAGE: Alors je dis, M. le Président, que le bill 85 ne couvre qu'une facette du vaste ensemble que constitue le problème de la langue au Québec. Je dis que ce n'est pas la correction d'une injustice, à l'égard de la minorité qui peut donner entière satisfaction ou satisfaction à la majorité, dont une bonne partie voit sa propre langue en danger. Je dis, M. le Président, que, sur le plan de la langue française le Québec, hélas, respire péniblement. Sa respiration est difficile, voire douleureuse, et cela n'est pas la faute de la minorité de langue anglaise, c'est notre faute à nous, de la majorité de langue française au Québec.

L'Opposition considère - en cela, elle croit avoir l'appui de la très grande majorité des Québécois - que ce qu'il faut, c'est une politique de la langue, une politique complète qui couvrirait le problème tout entier. Il est clair que la commission d'enquête pour laquelle on nous demande une somme, une avance, disons de $30,000, pourra nous donner un apport important dans l'élaboration finale d'une politique complète de la langue.

Mais, en attendant, il y a des choses que nous pouvons faire. Je reviendrai là-dessus un peu plus loin, dans mon exposé, après avoir établi certains principes généraux et fait un court historique.

Etant donné l'intérêt capital de l'ensemble de cette question pour l'avenir du Québec; étant donné que l'on voudra savoir plus tard, ne serait-ce que par souci de l'histoire, le rôle que nous avons joué dans cette évolution de la langue et de la culture française dans ce pays, il y a certains faits, je crois, qu'il faut rappeler.

L'inquiétude et la préoccupation concernant la langue française ne sont pas nées d'hier. Pour nous, du parti libéral, c'est une question qui nous préoccupe depuis plusieurs années et sur laquelle nous avons déjà, dans le passé, pris des positions nettes et précises. Déjà, dans notre programme de 1960, nous proposions, à l'article 1, sous le titre: « La vie culturelle et le fait français » : « La création d'un ministère des Affaires culturelles ayant sous sa juridiction les organismes suivants: a) L'Office de la langue française; b) Le département du Canada français d'outre-frontière; c) Le Conseil provincial des arts; d) La Commission des monuments historiques; e) Le Bureau provincial d'urbanisme.

M. BELLEMARE: Celui de 1960?

M. LESAGE: Oui, j'ai bien dit de 1960.

M. BELLEMARE: Une minute, je n'étais pas rendu là...

M. BAILLARGEON: J'ai connu celui de 1966.

M. LESAGE: Je viendrai à celui de 1966 tantôt.

UNE VOIX: Je l'ai lu.

M. BOURASSA: Vous êtes documentés. Lisez-le plus souvent!

M. LESAGE: Le commentaire, qui, dans notre programme, faisait suite à cette liste, à cet énoncé, se lit comme suit: en partie: « Dans le contexte québécois, l'élément le plus universel est constitué par le fait français que nous nous devons de développer en profondeur. C'est par notre culture, plus que par le nombre, que nous nous imposerons. Conscients de nos responsabilités envers la langue française, nous lui donnerons un organisme qui soit à la fois protecteur et créateur. Conscients de nos responsabilités envers les 3 ou 4 millions de Canadiens français et d'Acadiens qui vivent au delà de nos frontières, en Ontario, dans les Maritimes, dans l'Ouest, dans la Nouvelle Angleterre et dans la Louisiane, le Québec se constituera la mère-patrie de tous.

Je veux dire que tout ce que nous avions proposé dans notre programme de 1960 n'existait pas.

Nous l'avons mis en oeuvre entre le mois de juillet 1960 et le mois de juin 1966. Nous en sommes fiers! Toutes les institutions dont nous avions préconisé la création, nous les avons créées et nous leur avons donné vie. Mais nous n'étions pas satisfaits. Nous ne voulions pas nous arrêter en route. Nous voulions aller plus loin encore. J'en donne comme preuve le fait qu'à notre programme officiel de 1966, il y avait un chapitre intitulé: « le Québec français... »

M. BAILLARGEON: C'est ça. M. BELLEMARE: Page 16.

M. LESAGE: « Pour conserver au Québec son caractère français... »

M. BOURASSA: C'est à lire ça.

M. LESAGE: « ... des mesures seront prises qui garantiront la vitalité de la langue en même temps qu'elles permettront à la majorité de la population de vivre en français, où que ce soit sur le territoire québécois. Des mesures seront prises qui assureront au Québec un visage français et, à la langue française, la place prioritaire qui lui revient, dans l'administration et les services publics, dans les relations industrielles, le commerce et, de façon générale, dans tous les secteurs de l'activité humaine. » « Donc, sans porter atteinte aux droits indéniables de la minorité anglophone, la langue française deviendra au Québec la principale langue de travail et de communications. De plus, pour que le Québec ait véritablement un visage français, l'affichage public sous toutes ses formes devra accorder une place prioritaire à la langue française. »

II s'agit là de bien plus que de simples pieuses intentions. C'est tellement vrai que j'ai prononcé un discours sur ce sujet à Saint-Georges-de-Beauce, pendant la campagne électorale de 1966. J'avais choisi ce dimanche après-midi parce que le discours était radiodiffusé à travers tout le Québec, ce qui démontre bien l'importance primordiale que f apportais au sujet de la langue française. C'est la raison pour laquelle f avais prononcé ce discours à cet endroit et à ce moment-là. C'était le dimanche après-midi seulement que les discours pouvaient être radiodiffusés à travers toute la province. Je vois que le ministre d'Etat à la Fonction publique, qui était un des « deus ex machina » de la campagne de l'Union Nationale...

M. MASSE: On m'en prête trop...

M. LESAGE: ... savait lui aussi qu'il y avait alternance le dimanche après-midi. Nous avions un certain temps pour la radiodiffusion des discours dans une assemblée. L'Union Nationale avait ensuite le même temps, au même poste. Un dimanche, nous étions les premiers et l'Union Nationale venait après. Le dimanche suivant, cela alternait quant au rang...

M. MASSE: ... et j'écoutais toujours, avec grand plaisir.

M. LESAGE: ... et j'écoutais toujours. Le plaisir, évidemment, vient de l'amabilité du ministre, parce que je n'irai pas jusque là.

M. MASSE: Ce n'est pas l'amabilité...

M. LESAGE: Ce n'était pas toujours avec plaisir... C'était, disons — je serai plus franc que le ministre — avec un grand intérêt.

M. MASSE: Ah oui, d'accord!

M. LESAGE: Alors, disons que ce discours avait été prononcé à cet endroit et à ce moment pour la raison que je viens de dire. J'avais exposé cette politique comme une politique que je croyais et que je crois encore réaliste et valable. Je crois que presque tous les éléments de cette politique pourraient être mis en oeuvre et auraient pu être mis en oeuvre soit par des législations, soit au moyen de mesures administratives, sans attendre les résultats ou le rapport d'une commission d'enquête.

Je crois que, depuis deux ans et demi que le gouvernement est au pouvoir, il aurait pu puiser nombre d'éléments de cette politique et les mettre en oeuvre avant ou en même temps que la législation tendant à protéger les droits de la minorité, c'est-à-dire à maintenir le statu quo en autant que la langue de la minorité est concernée.

Cela a été et c'est encore notre attitude.

S'il est nécessaire de maintenir le statu quo en autant que la langue de la minorité est concernée, il est essentiel, et peut-être encore plus essentiel, de sauver notre langue et de prendre tout de suite les moyens d'y parvenir.

Cette politique que j'avais exposée dis juin 1966 établissait le français comme langue prioritaire. D'ailleurs, c'était à notre programme en caractères gras. Cette politique, dis-je, visait à en faire la principale langue de travail et de communication au Québec. Nous voulions, par cette politique, agir sur trois plans: Premièrement, sur la qualité de notre français; deuxièmement, sur son utilisation chez nous, et, troisièmement, sur le visage français du Québec.

Pour améliorer la qualité du français au Québec, nous affirmions que le moyen fondamental, c'était l'éducation. A l'intérieur de notre système d'éducation, nous voulions améliorer l'enseignement du français, non seulement maintenir le statu quo pour la minorité, il n'en était pas question à ce moment-là, parce que ce n'était pas mis en cause. Mais nous croyions que l'accent devait être placé sur l'amélioration de l'enseignement du français, comme langue maternelle pour les Québécois de langue française et comme langue seconde pour les Québécois d'expression anglaise. Et, quand je dis ces mots que je viens de prononcer, je répète ce que j'avais dit à Saint-Georges-de-Beauce, textuellement. Je le répète, nous voulons améliorer l'enseignement — et là, je touche à l'éducation — l'enseignement du français comme langue maternelle pour les Québécois d'expression française et comme langue seconde pour les Québécois d'expression anglaise.

Enfin, nous étions déterminés à mettre plus d'accent sur une solide connaissance du français comme condition d'emploi dans la Fonction publique. En ce qui concerne l'utilisation du français au Québec, nous projetions de développer davantage les services de l'Office de la langue française en lui fournissant un personnel accru, en lui accordant un budget plus élevé, et en lui conférant toute l'autorité nécessaire pour améliorer le vocabulaire parlementaire et administratif et pour diffuser l'usage du français dans tous les domaines de l'activité économique. De plus, nous voulions constituer un conseil consultatif de la langue française, qui aurait groupé des participants venant de milieux industriels, des sociétés de commerce, des grandes centrales syndicales, des groupes de consommateurs du milieu de l'enseignement et des organismes bénévoles intéressés à l'avenir de la langue. Et ça, ça devrait se faire indépendamment de la commission d'enquête, et tout de suite pour que nous puissions rendre le français vraiment prioritaire dans tous les milieux que je viens de mentionner.

Nous avions commencé l'édition de glossaires spécialisés pour les différents métiers, les professions, les activités commerciales et industrielles. Nous avions décidé que dorénavant, les conventions collectives de travail seraient rédigées soit en français, soit en français et en anglais, mais en donnant la priorité au texte français pour fins d'interprétation. J'ai parlé au passé.

M. BELLEM ARE: Ah bon!

M. LESAGE: Nous voulions aussi que les publications, les instructions, et l'affichage dans les usines, dans les ateliers, les bureaux et les chantiers soient en français. Tout au moins que le français ait la priorité. Pour cela, il faudrait une législation, et je crois que cette législation aurait dû venir bien avant aujourd'hui. Enfin, nous comptions mettre à la disposition des sociétés commerciales et du public en général des services consultatifs rattachés à l'Office de la langue française, de façon à répandre le vocabulaire français approprié dans les domaines de l'information, de la publicité, des relations publiques, du travail, de l'industrie, du commerce et de la finance. Enfin, parmi les mesures envisagées pour redonner au Québec son véritable visage français, nous voulions éliminer — parce qu'il s'en trouve malheureusement encore — les anglicismes de tout l'affichage gouvernemental.

Dans le domaine de la signalisation routière, Dieu sait d'ailleurs que le ministre de laVoirie du temps, le député de Drummond, qui est à mes

côtés en ce moment et moi, avons eu joliment de difficultés à ce point de vue-là. Je félicite le député de Drummond d'avoir eu le courage de prendre les décisions d'abord et ensuite de les avoir mises en oeuvre pour que le français, sur nos routes, prenne la place qui lui revient, la première. Nous avions aussi décidé d'abandonner complètement — et nous avions commencé à le mettre en pratique — nous avions décidé d'abandonner ce qui se faisait, c'est-à-dire la traduction des noms de villes ou de sites français, comme nous voulions aussi que les termes fréquemment utilisés n' apparaissent qu' en français. Cela a été mis en oeuvre» Nous avons été vertement critiqués, le député de Drummond et mol, mais nous avons tenu et nous avions l'intention d'établir cette politique à travers toute la province. Pour ce qui est des panneaux-réclame, affiches et inscriptions de type permanent, nous étions déterminés à ce qu'ils apparaissent soit en français ou soit en français et en anglais, mais en accordant toujours la priorité au texte français. Cela aussi pourrait se faire par législation maintenant, sans attendre les rapports d'une commission d'enquête.

Nous aurions exigé que cette politique soit suivie également dans la documentation publiée par les services publics à l'intention des usagers et des consommateurs. Cela aussi peut être fait par législation. Notre politique de la langue prévoyait également que tous les actes publics d'une municipalité seraient en français sauf dans le cas de celles où la population anglophone dépasserait un certain pourcentage. Cela aussi pourrait se faire maintenant, sans attendre le rapport de la commission d'enquête.

Enfin, la même politique précisait aussi que toutes les entreprises ou sociétés incorporées en vertu des lois du Québec devraient posséder une raison sociale française. Cela aussi pourrait se faire maintenant par législation. C'était l'intention du gouvernement précédent, clairement exprimée. Mais le gouvernement actuel n'a rien fait, n'a pas présenté de législation, de projet de loi pour consacrer la priorité du français pour faire vraiment du français la langue d'usage, la langue de travail au Québec. Je dis que cela aurait dû se faire avant ou, au plus tard, en même temps que la présentation d'une loi pour maintenir le statu quo en autant que les droits de la minorité sont concernés.

C'était là, M. le Président, en quelques mots, j'ai fort résumé parce qu'à Saint-Georges-de-Beauce j'avais parlé une heure ou une heure et quart.

M. BELLEMARE: Je vous avais entendu!

M. LESAGE: J'espère que le ministre...

M. BELLEMARE: Je peux vous faire jouer le disquel

M. LESAGE: Ah! mais c'est excellent!

M. BELLEMARE: Ah oui! Je garde ça dans mes souvenirs!

M. LESAGE: Le ministre pourra se prouver à lui-même que je dis la même chose aujourd'hui que j'avais dite à ce moment-là, sauf que je le dis moins longtemps.

M. BELLEMARE: II y a des passages où vous paraissiez étouffer.

M. LESAGE: J'avais chaud!

M. BELLEMARE: Il faisait chaud. Vous aviez le ton très haut. J'ai été obligé de baisser mon appareil.

M. LESAGE: C'est parce qu'il y avait beaucoup de monde.

M. BELLEMARE: Ah, c'est ça! M. LESAGE: La foule!

M. BELLEMARE: C'était pour que tout le monde comprenne.

M. LESAGE: Alors c'était là, M. le Président, je le répète, en quelques mots, les grandes lignes de mon exposé à ce moment-là.

Nous voulions réellement faire du français, nous le voulons encore, toujours, faire du français la langue de la promotion sociale, économique et intellectuelle des Québécois d'expression française en leur donnant toute la motivation voulue pour la bien connaître, la parler et l'écrire correctement.

Nous sommes toujours convaincus qu'une telle politique ne porterait pas atteinte aux droits des autres Québécois. Il ne s'agit pas, par une politique de la langue, d'être injuste envers les Québécois de langue anglaise. Il s'agit tout simplement d'être plus juste pour les Québécois d'expression française qui constituent l'immense majorité de notre population. Il s'agit, en définitive, de consacrer par des lois les droits de la majorité.

Pourquoi, M. le Président, le gouvernement actuel s'est-il refusé à énoncer une politique analogue? Au lieu de prendre les mesures néces-

saires et urgentes qui s'imposent, le gouvernement nous annonce la création d'une commission d'enquête. Je le répète, cette commission d'enquête est, bien sûr, opportune et nous n'entendons pas en nier l'utilité. Ce que nous déclarons, toutefois, c'est qu'elle reporte à beaucoup trop tard, aux calendes grecques — ou qu'elle semble reporter aux calendes grecques — des mesures qui s'imposent de façon impérieuse et qui, d'ores et déjà, pourraient être adoptées en pleine connaissance de cause et sans attendre les recommandations de la commission.

J'espère que le gouvernement entendra mon appel et n'attendra pas le rapport de la commission ou, du moins, s'il se croit obligé de le faire, il demandera à la commission de lui faire des rapports intérimaires d'urgence sur des points précis afin que et le gouvernement et le parlement puissent agir sans délai. Parce qu'il est bien évident que, même avec la meilleure volonté du monde, les commissaires se verront dans l'incapacité de trancher en l'espace de douze mois une question aussi vaste que celle qui est soumise. Tant et si bien que les problèmes vitaux qui se posent à l'heure actuelle risquent d'attendre 18 mois et même deux ans avant que l'on ne leur apporte des solutions, à moins que le gouvernement n'agisse dans le sens que j'ai mentionné.

Je pense que le gouvernement, s'il le voulait, pourrait prendre dès maintenant, pourrait édic-ter certaines mesures concernant, par exemple, l'affichage public ou encore l'incorporation sous une raison sociale française des entreprises ou sociétés établies au Québec. Il pourrait aussi, comme je Pai dit il y a un instant, demander des rapports intérimaires s'il ne se croit pas suffisamment renseigné.

Bref, M. le Président, je crois que nous sommes aux prises avec une inquiétude croissante. Nous faisons face à un problème qui exige que nous procédions avec célérité. Le gouvernement nous semble attendre, hésiter, remettre à plus tard et se donner un long répit tout en ayant l'air d'agir. Nous prétendons, nous de l'Opposition, qu'il n'est plus possible d'attendre et qu'il vaut mieux agir, au risque de faire quelques petites erreurs plutôt que de n'en commettre qu'une; c'est la pire erreur que Pon puisse commettre que celle de ne rien faire.

Le gouvernement aurait dû nous soumettre, depuis deux ans ou au plus tard en même temps que le bill 85, d'autres projets de loi dont l'ensemble nous aurait dirigé vers une politique de la langue qui soit globale, cohérente et efficace. Le gouvernement peut être assuré de la collaboration de l'Opposition. Nous considérons qu'il doit agir; et nous, comme députés du Parlement du Québec, nous sommes prêts à agir. Je crois avoir prouvé que nous pouvons agir dès maintenant sur le plan législatif, que le gouvernement peut agir dès maintenant sur le plan administratif pour assurer la vie de la langue française, pour assurer qu'au Québec l'on vit, l'on travaille, l'on s'amuse en français, et pour que l'on puisse être baigné au Québec, dans une atmosphère de français tout en protégeant les droits fondamentaux de la minorité. C'est le but que nous devons atteindre, Pour l'atteindre, il faut agir. Nous, nous sommes prêts. Nous sommes prêts, M. le Président — et je termine par ces mots — à donner à la langue française la place qu'elle doit tenir au Québec d'aujourd'hui comme au Québec de demain, la place fortement prioritaire pour que — je le répète — nous vivions chez nous partout au Québec, pour que nous travaillions chez nous partout au Québec, pour que nous puissions jouir de nos loisirs partout chez nous au Québec dans notre langue magnifique, la plus belle, la langue française.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, je veux me joindre au chef de l'Opposition pour blâmer très sévèrement l'inaction du gouvernement actuel dans cette question tellement importante.

J'ai eu hier l'occasion de démontrer pourquoi cette question était vitale et essentielle dans les circonstances actuelles. Nous avons actuellement, ou dans les toutes prochaines années nous aurons une quarantaine de milliers de finissants de CEGEP ou d'universités qui accéderont au marché du travail, alors que, dans le contexte actuel, nous avons, pour ce que nous appelons « l'upper » ou le « middle management » 80% à 85% de ces administrateurs, au niveau supérieur ou au niveau intermédiaire, qui sont des Québécois de langue anglaise.

Nous avons donc là une contradiction dans les faits qui risque d'aboutir à une situation explosive, si nous ne prenons pas, aussi rapidement que possible, les mesures pour y remédier.

Nous avons, actuellement, un tel décalage, sur le plan linguistique, entre le milieu de l'éducation et celui du travail, que nous n'avons aucune raison de retarder, d'une façon ou d'une autre, l'application de mesures concrètes.

Or, qu'a fait le gouvernement depuis deux ans en face de ce problème, sauf une loi sur l'étiquetage des produits agricoles ou alimentaires, loi qui, selon les rapports qui nous sont faits, ne serait même pas appliquée? Pourtant

il y a des façons très nombreuses d'agir, notamment sur le plan administratif.

Le chef de l'Opposition, plus tôt, en a énumérées quelques-unes. En raison de son importance croissante, le Québec possède des outils non négligeables pour faire en sorte que la langue française puisse être utilisée dans les plus grandes institutions.

Il y a un progrès qui s'est fait depuis quelques années. Il y a des entreprises qui étaient unilingues et qui sont maintenant bilingues. Il faut, je pense, nous efforcer d'orienter ces entreprises vers l'utilisation accrue du français.

Pourquoi, M. le Président, le gouvernement ne négocierait-il pas avec les plus grandes entreprises du Québec pour faire en sorte que le français cesse d'être absent dans les principaux centres de décision économique du Québec? La tâche, c'est évident, n'est pas facile, si l'on considère que ces centres de décision, par exemple, les entreprises multinationales, les entreprises pancanadiennes, la très grande majorité d'entre elles, si ce n'est la totalité, relèvent d'intérêts étrangers. Mais le gouvernement n'a pas le choix. Il est assez étonnant de voir même ceux qui passent pour les plus nationalistes du gouvernement actuel ne proposer aucune mesure concrète pour atteindre cet objectif.

Quand nous voyons, M. le Président, le ministre des Affaires culturelles, dont nous pourrions souhaiter la présence en cette Chambre à l'occasion de ce débat, quand nous voyons le ministre des Affaires culturelles faire tellement de grands discours sur l'importance et la priorité sous tous rapports du Québec et que nous le voyons se contenter purement et simplement de discours, nous ne pouvons qu'en conclure que c'est là le meilleur prototype au Québec d'un nationalisme verbeux.

M. le Président, nous avons tous pris connaissance, il y a quelques semaines, des chiffres qui nous ont été émis dans le journal La Presse, à l'occasion d'extraits du troisième volume du rapport sur le bilinguisme et le bi-culturalisme. Ces chiffres étaient très éloquents par eux-mêmes. Ils révélaient la place des Québécois francophones dans l'économie de même que les revenus inférieurs qu'ils y gagnent par rapport aux autres. Je pense...

M. BELLEMARE: Est-ce que c'est le document de Mademoiselle Gagnon?

M. BOURASSA: C'est le document qui a été publié dans La Presse et dont l'on a reconnu ou l'on a admis, je crois, l'authenticité dans le milieu intéressé.

M. BELLEMARE: Etes-vous bien sûr qu'ils ont admis l'authenticité?

M. BOURASSA: Je pense qu'il n'y a eu aucun démenti; l'on a admis l'authenticité. L'on a simplement regretté que le rapport ait été publié.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est ça que l'on a dit. C'est pourquoi l'on parle de poursuivre...

M. BELLEMARE: Seulement, oui...

M. LESAGE: C'était un rapport qui avait été présenté par des experts à la commission et je pense que la commission l'a reconnu. L'on pense à prendre des poursuites, en tout cas!

M. LEVESQUE (Laurier): Ils ont tellement admis que c'était authentique qu'ils veulent poursuivre!

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: C'est-à-dire qu'Us sont allés perquisitionner hier dans la maison.

M. LESAGE: Ah! Les méthodes policières...

M. BOURASSA: M. le Président, le gouvernement peut agir sur le plan administratif — le chef de l'Opposition, comme je le disais tantôt, adonné des exemples — mais à travers tous ses services, je pense entre autres à l'administration fiscale, il pourrait forcer ou faire les pressions nécessaires pour inciter les grandes entreprises disons, en ce qui a trait à la fiscalité — à avoir des rapports d'impôt en français.

Il ne s'agit pas de forcer tous les individus, tous les Québécois non francophones — pour prendre cet exemple bien concret — à, évidemment, faire leur rapport d'impôt en français, parce qu'il peut arriver des cas où la justice élémentaire pourrait être lésée. Mais les grandes entreprises sont aptes et sont capables de s'organiser, de modifier la situation pour faire en sorte que le français soit au moins présent sous certains rapports. Et l'administration du gouvernement québécois, à travers tous ses ministères, tous ses services, peut faire énormément plus qu'elle ne le fait présentement.

Lorsque nous voyons, M. le Président, que les deux principaux problèmes actuellement au Québec, les deux problèmes qui se rejoignent et coïncident: la création de nouveaux emplois, la place du français au Québec, parce que les milliers et les milliers de jeunes qui accéderont au mar-

ché du travail veulent travailler en français. Lorsque nous voyons que dans ces deux problèmes prioritaires, le gouvernement est tout à fait inactif, nous ne pouvons que le blâmer très sévèrement.

Je veux reprendre en conclusion, M. le Président, ce qu'a dit le chef de l'Opposition: S'il est essentiel de protéger les droits de la minorité au Québec, il est encore plus essentiel de protéger les droits de la majorité, à cause des données de notre contexte. C'est pourquoi je veux signaler, en terminant, l'extrême importance de cette question. Il faut distinguer entre la question constitutionnelle proprement dite et la question linguistique. Je pense qu'en ce qui a trait à la question linguistique, notre parti a des positions vigoureuses et fortes. Lorsqu'il prendra le pouvoir, on pourra réaliser qu'il veut les appliquer aussi rapidement que possible.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre du Travail veut répliquer, ou pouvons-nous passer avant ou bien après?

M. LESAGE: En comité, nous pouvons parler autant de fois...

M. BELLEMARE: N'importe qui parle; vous avez le droit de parler tout de suite.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, non, d'accord. M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: Je veux simplement dire, M. le Président, que je ne connais pas un seul Québécois qui ne partagerait pas ce matin, ce que l'honorable chef de l'Opposition, le député de Mercier, ou ce que le député de Laurier dira probablement sur la langue.

Nous avons vécu durant des années un acheminement critique de tout notre groupe ethnique. Il faut aussi nous mettre dans le courant de l'histoire pour tâcher de nous rendre compte où nous en sommes aujourd'hui et où nous voudrions être demain.

En considération de toutes ces traditions qui ont été fièrement gagnées, pouce par pouce, nous nous sommes d'abord infiltrés dans ce qu'on appelle l'économique. Il n'y a pas si longtemps que notre participation en qualité de Canadiens français est un fait acquis dans l'économique. On commence, depuis quelques années, à nous reconnaître comme Canadiens — comme Canadiens, d'accord — comme Québécois, aussi, parlant français. Cette évolution a été lente; elle a duré des siècles! Nous étions un groupe qui avait plutôt subi des dé- faites et nous avons été des « conquis » pendant des années!

Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que lorsque l'Acte d'union a été signé, nous avions bien fraîches à la mémoire, les paroles d'un certain Lord Durham.

En 1967, la Confédération a reconnu certains droits — pas des privilèges, des droits — au français dans le Québec et dans la constitution canadienne. C'était encore un pas de géant, mais ce n'était pas le succès véritable puisque nous avons eu à vivre avec cet instrument qu'on appelle l'AANB.

M. LESAGE: L'AABN! Oui, l'AANB!

M. BELLEMARE: Cet instrument-là, je n'ai pas besoin de vous dire que ça n'a pas toujours été un sujet de progrès et d'harmonie. C'est à travers une source infinie de conflits et de perpétuels marchandages que nous avons pu, par nos représentants qui étaient sur la colline parlementaire à Ottawa, obtenir de la majorité, à ce moment-il, certaines reconnaissances mais à force de crier et en faisant valoir véritablement quelques arguments que nous avions gagnées dans la constitution canadienne. Cette période de négociations, cette période de conflits et de perpétuels marchandages, elle n'est pas née d'aujourd'hui; mais c'est l'évolution lente et progressive d'un peuple qui s'affirme, d'un peuple qui s'en va la tête bien haute, respectant sa tradition et son passé et qui, continuellement, requiert, demande, affirme qu'il est chez lui, dans sa province, et qui, avec ses moyens d'action, continue de grossir, de s'améliorer.

C'est justement ce que disait un jour l'abbé Groulx: « Ce n'est que par la possession véritable de notre économie, en occupant les véritables postes qui nous reviennent de droit que nous assurerons la survivance véritable de notre peuple ». Je pense que l'abbé Groulx avait parfaitement raison. C'est ce qui se produit. Il fallait pour ça, M. le Président, avoir des écoles; construire des écoles qui donneraient à notre génération, surtout aux plus jeunes, le goût de l'étude, pour compléter notre bagage scientifique; bâtir nos écoles secondaires et nos collèges classiques et les supporter, les agrandir; agrandir aussi nos universités et développer nos moyens d'action. Cela s'est fait graduellement et à un rythme plus rapide depuis 25 ou 30 ans. Nous sommes heureux de le constater. Plus nous avançons, plus nous nous affirmons, plus nous nous faisons respecter, pas seulement dans la province, mais à travers tout le pays, puisque déjà plusieurs gouvernements ont apporté de la législation pour reconnaître les deux langues.

Le gouvernement fédéral lui-même, aujourd'hui ou très prochainement, entamera une discussion en Chambre sur le respect, non seulement le respect, mais sur la reconnaissance officielle des deux langues. C'est un pas véritable, et c'est un gain majeur pour nous du Québec qui avons, pendant des années, avec des moyens de fortune, lutté âprement pour tâcher de nous imposer et de nous faire reconnaître véritablement, non seulement à l'échelle de la province, mais à l'échelle nationale et avec d'autres pays avec qui nous avons entretenu d'excellentes relations.

M. le Président, c'est une progression, c'est un acheminement critique qui, plus il va plus il est rapide. Nous nous en allons sûrement vers un perfectionnement et de notre langue et de nos coutumes; quand je dis coutume, je dis de nos législations. Je suis persuadé que ce qu'a dit, ce matin, l'honorable chef de l'Opposition, nous le savons, nous y croyons. Les moments opportuns pour le réaliser sont peut-être très prochains.

Vous avez, justement, dans les motifs qui ont fait qu'un ordre ministériel a été passé pour instituer une enquête royale sur les mesures à prendre pour assurer le plein épanouissement des droits linguistiques des citoyens du Québec, trois attendus qui sont sûrement le reflet de ce que je viens de dire.

Vu la complexité du problème linguistique au Québec et l'urgence d'y apporter des solutions — le discours du chef de l'Opposition en est le reflet — vu les responsabilités à l'égard de la langue de la majorité de ses citoyens, et nous le savons plus que tout autre, M. le Président, vu la nécessité d'une politique linguistique qui tienne compte du caractère du Québec en Amérique du Nord et de ses relations avec les autres provinces du Canada et aussi avec le gouvernement fédéral, nous croyons qu'il est essentiel de faire une enquête sur la situation de notre langue au Québec.

Nous devons rechercher les moyens les plus aptes à garantir l'exercice des droits linguistiques de la majorité dans le respect des droits de la minorité. C'était ce qui était contenu en partie dans l'arrêté en conseil qui instituait la Commission royale d'enquête sur les droits linguistiques.

Mais on a parlé tout à l'heure, dans les remarques de l'honorable chef de l'Opposition, d'un conseil consultatif de la langue. Sans en avoir un formellement institué dans une législation, n'existe-t-il pas, aujourd'hui, ce conseil consultatif de la langue dans la province de Québec? Est-ce qu'il n'y a pas des organisations qui ne portent pas le nom de conseil consulta- tif, mais qui servent dans le sens recommandé par le chef de l'Opposition? Et elles ont fait un travail immense. On a beau rire de l'appellation de la Saint-Jean-Baptiste et des choses qui touchent plus particulièrement notre langue. Dans certains milieux quand on parle de la Saint-Jean-Baptiste, on dit: Ouah! Mais il existe une société nationale qui a réellement fait pour la langue, pour la défense et la reconnaissance de nos droits, un travail qu'il faut reconnaître et pour lequel il faut dire merci.

Là, il en existe un, un conseil consultatif sur la langue. N'est-il pas vrai qu'il s'est tenu dans notre province des Etats généraux? Qui ont été les instigateurs des états généraux? C'était encore un pas, un pas d'affirmation de ce que nous sommes comme peuple, de ce que nous sommes comme groupe ethnique. Inutile de vouloir mettre dans la législation ce que le peuple n'est pas prêt à assimiler. On ne fera pas de la refrancisation à coups de loi. Jamais on ne pourrait mettre dans les cerveaux des jeunes ou des travailleurs ou de ceux qui ont à pratiquer leur profession ou leur métier, leur mettre obligatoirement dans la bouche ou dans le cerveau, des mots ou des expressions si cela n'est pas fait dans une ambiance et un climat qui soient propices.

Je regarde principalement le ministère du Travail. Depuis que j'y suis, nous avons fait énormément sans le dire, sans le crier, sans blâmer personne. Nous avons recommandé à toutes les associations, aux grandes centrales syndicales d'avoir des conventions collectives en français comme langue prioritaire. C'est le texte français qui prévaut dans l'application des conventions. Nous avons fait un travail énorme...

M. LESAGE: Celles du gouvernement... M. BELLEMARE: Pardon?

M. LESAGE: Les conventions signées par le gouvernement...

M. BELLEMARE: Non, les conventions qui sont signées par les centrales syndicales avec les grosses compagnies.

M. LESAGE : Il n'y a pas eu d'amendement à la loi...

M. BELLEMARE: II n'y a pas besoin d'avoir d'amendements...

M. LESAGE: Oui, oui.

M. BELLEMARE: Je dis qu'à la table des négociations, cela s'écrit dans les conventions collectives que le texte français aura priorité...

M. LESAGE: Dans toutes les conventions?

M. BELLEMARE : Pas nécessairement dans toutes les conventions, mais nous avons...

M. LESAGE: Pour que cela s'applique partout, il faut une loi...

M. BELLEMARE: Je dis et je répète ce que j'ai dit tout à l'heure. Inutile de vouloir mettre dans les lois ce que les gens ne voudront pas pratiquer. Il y a un « consortius »...

M. LESAGE: Un consensus!

M. BELLEMARE: En tout cas, vous savez ce que je veux dire...

M. LEVESQUE (Laurier): Mais c'est de l'anglais, ça!

M. BELLEMARE: C'est là que je vois combien la langue française est utile, pour ceux qui ont eu l'occasion de l'apprendre...

M. LESAGE: Non, mais « consensus », c'est anglais.

M. BELLEMARE: Combien de fois ai-je cherché des mots? Combien de fois j'avais dans l'idée quelque chose à dire et quand je l'entends dire par un honorable monsieur qui avait, lui...

M. LAFRANCE: On vous a toujours compris!

M. BELLEMARE: Oui, je l'espère bien. Mais c'est difficile quand même. Quand on a à chercher les mots pour définir nos expressions...

M. LEVESQUE (Laurier): Vous communiquez assez comme cela.

M. BELLEMARE: Alors, j'espère que ce n'est pas trop déplaisant; c'est peut-être le ton qui est mauvais, mais en tout cas, la force de mes expressions.

M. BOURASSA: Le voilà, le ministre! Un peu en retard, mais il arrive.

M. BELLEMARE: Le ministre de la langue, ah bon! Je dis donc, M. le Président, que l'honorable député de Chicoutimi — je vais lui faire rapport: on a dit que le ministre de la langue était absent tout à l'heure —... Alors l'homme qui doit défendre notre langue, M. le Président, je suis content de le voir. M. le Président, j'espère que ce travail immense qu'a fait mon distingué collègue — c'était justement sur cela que je voulais terminer — le travail immense qu'a fait l'honorable député de Chicoutimi auprès des compagnies importantes sera en fait reconnu. M. le Président il le dira, il les nommera. Il dira ce qu'il fera d'ici au premier janvier, M. le Président. Ensuite, il dévoilera lui-même les ententes qui étaient intervenues entre les compagnies importantes qui prendront, à partir du premier janvier 1969 ou quelque temps plus tard, les dispositions...

M. BOURASSA: Nous allons l'écouter.

M. BELLEMARE: Oui, vous allez l'écouter. Vous allez voir M. le Président qu'il ne mérite pas les reproches que vous semblez lui adresser; c'est un homme qui, dans le domaine linguistique, a fait énormément.

M. BOURASSA: De beaux discours.

M. BELLEMARE: Enormément, M. le Président! Je serai capable de bien défendre sa position et surtout de bien faire connaître ce qu'il a fait depuis qu'il est arrivé au ministère, particulièrement en ce qui a trait à notre problème linguistique.

M. le Président, je dis donc en terminant que ce n'est pas par des discours non plus que par des articles de programmes électoraux que nous allons réussir surtout à faire véritablement progresser le francophone dans ses habitudes et dans ses réalisations. Nous avons fait un acheminement graduel; nous avons traversé des difficultés énormes. En dépit de tout cela, quand je regarde particulièrement mon cas — je n'ai pas eu l'avantage d'aller plus loin qu'un certain degré de scolarité — je dis, M. le Président, qu'au contact de ceux avec qui j'ai vécu depuis 25 ans, au contact de ceux qui m'ont été d'une grande utilité au point de vue de formation personnelle, j'ai appris personnellement à parler mieux mon français, à m'exprimer mieux; c'est ce contact-là qui m'a fait meilleur. Je dis que même si cela avait été dant les lois, et que pour entrer dans ce Parlement, il avait fallu parler de façon impeccable le français cela ne m'aurait pas, M. le Président, rendu service. Cependant à vivre depuis 25 ans avec des hommes extraordinairement sympathiques, j'ai pu me donner une formation personnelle, et développer une langue d'expression de mes idées dans un language qui n'est parfois peut-être pas

châtié, mais qui au moins traduit bien le fond de ma pensée. Et c'est ça,M. le Président, qu'il faut comprendre. On aura beau mettre dans les textes de loi qu'il faut réaliser ceci, qu'il faut réaliser cela; mais il faut que le climat, il faut que tout ce qui entoure la vie d'un peuple, et par ses annonces et par sa publicité, par tout un lot de facteurs indépendants de ce qu'on peut écrire dans une loi, soit un canal direct vers la formation, l'orientation d'un meilleur parler, d'un respect meilleur pour notre langue.

Je suis très heureux, M. le Président, d'avoir pris part à ce débat pendant quelques minutes pour vous dire le fond véritable de notre pensée. Le gouvernement est désireux lui aussi de faire l'impossible pour que tous ensemble nous puissions — que ce soit ou non dans le programme de l'Union Nationale ou dans celui du parti libéral, du Parti Québécois ou autres groupements politiques... Il reste un fait indéniable, c'est que nous sommes tous animés d'un sentiment qui est noble, d'un sentiment qui nous est particulièrement très cher, celui du respect de nos traditions, de l'exercice de nos pouvoirs dans la juridiction qui nous est reconnue...

UNE VOIX: C'est un débat qui se fait...

M. LEVESQUE (Laurier): Je sais que le ministre des Affaires culturelles a à ses crédits, cette somme à justifier et à défendre, et je pense bien que, quelque remarque que l'on ait à faire, il préférera, et nous aussi d'ailleurs, avoir globalement les réponses ou les explications qu'il veut donner après que la plupart des remarques auront été faites de ce côté-ci,

II y a une certaine contradiction — je le note en passant — dans ce que vient de dire le ministre du Travail, si sympathique que soit le ton qu'il emploie, quand il dit que le climat — il ne le dit pas, mais il le laisse presque entendre — suffirait et une sorte de décision collective qui se ramifierait d'un individu à l'autre, parce qu'on comprendrait tous, et que des éléments comme ceux-là peuvent remplacer la législation. Je dis qu'il y a une contradiction puisque, si cette somme se trouve dans le budget supplémentaire, c'est justement parce qu'elle accompagnait un projet de loi. Il s'agissait de législation qui, très précisément dans le domaine de la langue, prétendait établir des balises linguistiques à l'intérieur de nos statuts. C'est peut-être quelque chose d'humiliant, mais nous sommes un de ces peuples — il ne doit pas y en avoir beaucoup dans le monde, je suis sûr que nous ne sommes pas les seuls — qui sont obligés de légiférer sur un domaine qui, normalement, devrait aller de soi.

Je voudrais préfacer quelques remarques que j'ai à faire... Je pense bien qu'il n'est pas question de faire un long débat pour refuser ou contester ces crédits, puisque, dans l'ensemble, tout le monde est d'accord pour admettre qu'il doit y avoir ce genre d'enquête. On peut le regretter tout de même. On peut le regretter et en même temps se poser une question sur, si vous voulez, la rentabilité de cette enquête-là. Le regretter, simplement parce que c'est un aveu d'impréparation de la part du gouvernement d'être obligé, après quand même deux ans et demi ou trois ans bientôt d'administration, après un programme électoral qui avait son éloquence, parlant de langue nationale, etc., d'être obligé de se rabattre sur une commission d'enquête avec un mandat global.

C'est là que se pose la question, c'est-à-dire après ce regret sur l'impréparation du gouvernement, je suis obligé d'ajouter une question. On lui donne douze mois. J'espère qu'on ne veut pas jouer. Douze mois pour faire globalement une enquête — puisqu'on n'était pas prêt, il va falloir qu'ils regardent — sur l'état de la langue française dans le Québec. Ce qui revient à dire, si c'est sérieux, une enquête sur toute la société québécoise au moins dans toutes ses articulations principales. En effet, la langue, essentiellement, si elle doit donner à cette enquête exactement la température, l'état de santé qui est le sien dans la société québécoise, il va falloir que, sérieusement, cette enquête, par le biais linguistique, aille se promener à peu près dans tous les principaux secteurs de notre vie collective. C'est vrai dans l'économie, c'est vrai dans les manuels scolaires, c'est vrai dans les structures mêmes de l'éducation. La question des droits de la minorité anglophone est directement impliquée là. C'est vrai sûrement dans une foule des coins les plus délicats de l'organisation de la société. A toutes fins pratiques, au sujet de notre langue comme véhicule collectif, une enquête qui prétend littéralement établir son état de santé doit aller voir partout, peut-être pas dans tous les détails, mais aller faire des prises de température, des prises de chiffres, des prises de situations précises, aussi de situations tangibles, à peu près dans tous les domaines de la vie québécoise.

Est-ce que douze mois, c'est réaliste si vraiment on veut faire ce travail-là pour qu'il serve longtemps? On peut avoir ses doutes. D'autant plus que le gouvernement, à toutes fins pratiques, part à zéro au point de vue de l'action depuis qu'il est là; c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu, sauf cette loi que mentionnait le député de Mercier... Enfin on peut se tromper là, on rajustera nos souvenirs s'il y a des choses qu'on

a oubliées en cours de route. Mais, sauf cette loi sur l'étiquetage des produits alimentaires ou agricoles, dont d'ailleurs l'application semble être extrêmement lente — enfin, c'est ce que j'ai cru remarquer par les lettres que j'ai reçues à ce sujet — sauf cette miniloi — on admettra que ce n'est pas caricaturer que de dire ça — dont l'application semble extrêmement problématique, il n'y a pas eu d'action. Donc, nous partons vraiment à pied-d'oeuvre là, et on donne douze mois.

Est-ce que cela peut suffire? C'est la première question que je me poserais.

Maintenant, juste pour faire quelques remarques et en essayant de ne pas gaspiller le temps de la Chambre, mais en reprenant certaines des choses qui ont été dites, en particulier par le ministre du Travail, je disais tout à l'heure que c'était humiliant d'être réduit à faire des enquêtes sur ce qui est notre existence même. En fait, nous n'existerions pas, nous n'aurions pas le Parlement ici à Québec, nous n'aurions pas l'Assemblée nationale, nous n'aurions rien à partir d'ici Jusqu'au dernier troisième rang du Québec, nous n'aurions rien de ce qui fait cette existence collective et de ce qui fait cette différence avec le reste du continent si, au coeur de tout cela, il n'y avait pas le fait que nous parlons une langue qui n'est pas celle du reste de l'Amérique.

C'est cela, l'élément principal de notre existence comme peuple. C'est humiliant, sûrement, d'être obligé d'enquêter là-dessus. Et s'il y a une enquête entreprise, une enquête aussi globale que celle-là, eh bien, cela veut dire que nous sommes encore profondément inquiets de cette existence même de notre groupe. A toutes fins pratiques, nous essayons de trouver — par le biais linguitique, puisque c'est la question essentielle — de nouvelles conditions rentables de survivance. C'est cela qui est triste et humiliant. Parce que ce sont des choses qui devraient aller de soi pour un peuple qui serait dans une situation normale. Nous savons que nous ne sommes pas dans une situation normale. Donc que le climat qui nous entoure, à l'échelle de tout le Canada — et le Québec est inséré dans le Canada — n'est pas un climat tellement tonifiant pour notre organisme collectif.

A ce point de vue-là, je voudrais juste noter une chose qui me paraît une reprise ou une espèce de perpétuation de la vieille grande illusion du Canada biculturel. Je voudrais reprendre une chose que disait le ministre du Travail quand il évoquait — sans trop de qualification, donc avec une sorte d'approbation implicite — le fait que cela s'améliore parce qu'entre autres choses, dans le reste du pays, via des commissions biculturelles ou B & B, et de nouvelles lé- gislations linguistiques, d'ailleurs quelque peu hasardeuses et pas encore adoptées — je n'ai pas besoin de dire qu'elles ne sont pas encore entrées dans les moeurs non plus dans le reste du pays... Le ministre du Travail a laissé entendre que, grâce à ces choses-là, ça irait de mieux en mieux.

Je retrouve cette même illusion dans le mandat même de la commission qui, en parlant du travail que devront faire les commissions, les met en garde — enfin, c'est une sorte de mise en garde — en leur disant: Bien, tenons compte quand même de nos liens — et forcément, il s'agit de liens linguistiques aussi et culturels — tenons compte de nos liens avec le reste du Canada.

Eh bien, moi, je dis que c'est une grande illusion parce que c'est toujours ainsi, ces dernières années, qu'on a essayé — très sincèrement, comme c'est sûrement le cas du ministre du Travail, dans d'autres cas, moins sincèrement — de faire décrocher le Québec de cette prise de conscience qui s'est amorcée chez nous dans tous les domaines, et en particulier dans le domaine culturel. On a tâché de nous faire décrocher en faisant miroiter cette grande illusion, cette espèce de masque nouveau qu'on a donné à cette vessie historique du biculturalisme ou du pays à deux cultures, du pays qui serait éventuellement suffisamment bilingue pour qu'on se sente chez soi partout. Ce n'est pas un mystère de constater de nouveau ce qui a été maintes fois répété — mais c'est comme si cela n'entrait pas dans certaine mentalité — que 34% ou 35%, c'est-à-dire au-delà d'un tiers de ce qu'on appelle nos minorités, sur la base du recensement de 1961, étaient déjà des assimilés complets, ne déclarant même pas le français comme une langue d'usage ou une langue maternelle reconnaissable chez eux.

Si on exclut le Nouveau-Brunswick et les 40% d'Acadiens qui forment à peu près un bloc de 200,000 dont la fragilité se déguise derrière cette proportion de 40% — parce qu'il est très fragile, ce bloc de 40% du Nouveau-Brunswick, à peu près 200,000, si on l'exclut du total, parce qu'il est moins entamé officiellement que le reste — déjà en 1961, partout à l'ouest du Québec, ce qu'on appelle nos minorités étaient déjà grugées et assimilées à 40% ou 45%, si on fait une moyenne.

En 1971, avec ou sans quarante-six autres rapports de la commission sur le biculturalisme, les districts bilingues invraisemblables à édifier dans le reste du pays et les lois linguistiques invraisemblables à faire accepter par l'ensemble de la population, en 1971, est-ce

qu'il restera même 40%, en dehors du Nouveau-Brunswick encore une fois et des Acadlens qui y ont leurs racines? Est-ce qu'il restera même 40% ou 30%, au prochain recensement, de ces minorités qui vivront?

En attendant certains rapports que je demande à des confrères qui sont journalistes dans certains coins, où on prétend nous faire gargariser avec des reprises de conscience, que ce soit au Manitoba ou ailleurs, et en fonction des quelques humbles enquêtes que j'ai pu faire pendant des séjours, depuis un an ou deux surtout, dans l'Ouest du pays, ma réponse, c'est que c'est une vessie absolument irréalisable. Il n'en sortira jamais aucune lumière...

M. LAFRANCE: Parlez-nous de la vessie du séparatisme.

M. LEVESQUE (Laurier): Si le député de Richmond me permet... parce que, parmi nos minorités, surtout dans l'Ouest, les plus vivantes sont très souvent les plus isolées. Il faut aller dans les villages qui, encore jusqu'à un certain point, continuent à survivre à l'ombre du clocher traditionnel, que ce soit dans le bout de Rivière...

M. LAFRANCE: Est-ce que le député me permettrait une question? Que veut-il faire en fin de compte? Pense-t-il que le séparatisme va régler le problème des minorités? Qu'il sorte donc de Québec au lieu de faire de la « poli ticaillerie » sur la question de la langue, comme il tente de le faire!

M. LEVESQUE (Laurier): Le député de Richmond pourrait-il arrêter de faire des crises de nerf, avant même que j'aie fini? Je ne sais pas ce qui le préoccupe de ce temps-ci.

M. LAFRANCE : C'est le député qui me fatigue. Premièrement, parce qu'il n'a pas de mandat; deuxièmement, parce qu'il essaie d'exploiter, pour des fins électorales, tous les problèmes du Québec. C'est ça qui me fatigue.

M. LEVESQUE (Laurier): Je dirai au député de Richmond, sur le premier point, que je suis fatigué de lui répondre; je lui ai répondu assez souvent.

M. LAFRANCE: Bien, moi, je vais lui parler au député de Laurier, de plus en plus.

M. LEVESQUE (Laurier): Sur le deuxième point, M. le Président, pour régler la question, je dois dire que j'essayais justement de ne pas faire un usage électoral de tout ça. Je dirai au député de Richmond que lorsque je voyais, tout à l'heure — je n'ai pas un mot à dire là-dessus — le chef de l'Opposition après le flamboyant débat qu'il y a fait sur le bill 85, reprendre le programme libéral pour l'assaisonner à la sauce nationaliste, cela me paraissait un peu électoral.

M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LEVESQUE (Laurier): Je commence à avoir mon voyage.

M. LAFRANCE: Moi aussi, j'ai mon voyage, depuis longtemps, des guenilles du Parti québécois !

M. LESAGE: J'invoque le règlement. Le député de Laurier n'a certainement pas le droit de m'accuser d'avoir fait, tout à l'heure, de la « politicaillerie ». Le député de Laurier devrait savoir que lui-même s'est prononcé pour les principes de protection des droits de la minorité, comme nous.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord.

M. LESAGE: Nous croyons, nous — lui, je ne sais pas ce qu'il croit — qu'il est plus important de protéger la langue de la majorité, quand elle a besoin d'être protégée — et elle a besoin de l'être même maintenant — qu'il est plus important de la protéger qu'il ne l'est de protéger les droits de la minorité. Les deux doivent se faire, mais ensemble. La priorité, c'est la protection de la langue de la majorité. C'est toujours ce que j'ai dit. Notre programme est là pour le prouver. Nous l'avons composé ensemble, le député de Laurier et moi.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, en grande partie, mais cela dit, le chef de l'Opposition serait-il d'accord pour approuver le député de Richmond, qui, au beau milieu de mon intervention et avant même que je sois entré dans la substance des remarques que j'ai à faire, se lève pour dire que c'est de l'électoralisme? Je pourrais répondre au député de Richmond que le discours que le chef de l'Opposition a fait tout à l'heure, pouvait être très rentable électoralement aussi. Non?

M. LESAGE: Mais, qu'est-ce que le député...

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, qu'il me

foute donc la paix! C'est tout ce que je veux dire. Je ne tiens pas à emmerder les autres, mais qu'il cesse d'emmerder tout le monde.

M. LAFRANCE: C'est l'expert dans tous les problèmes.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, je vous laisse l'alcoolisme; arrangez-vous avec cela.

M. LAFRANCE: Là-dessus, je pense que vous en connaissez plus que moi.

M. LEVESQUE (Laurier): Faites attention; vous avez des pendus de votre côté, qui sont moins sobres que moi.

Alors, cela dit, est-ce que je pourrais ajouter ceci à propos des minorités et de cette grande vieille illusion biculturelle? Le député de Richmond, s'il m'avait laissé tranquille, aurait reçu une réponse à la question qu'il posait avant même que j'aie fini ce bref développement. Les modestes expériences que j'ai faites récemment et tout ce que je lis là-dessus me donnent l'impression qu'on pourrait risquer d'abandonner la proie pour l'ombre si le Québec - un peu comme pouvait le laisser entendre le ministre du Travail tout à l'heure — gardait le moindrement cette illusion traditionnelle, la voyait miroiter de nouveau ou la laissait redorer par des funambules — parce qu'il y en a au fédéral, et Dieu sait qu'ils peuvent même être sincères — qui prétendraient que ça va marcher.

Je me souviens — si on me permet de l'évoquer — d'un cas que j'ai vécu, justement, au Manitoba, il y a quelques mois. J'ai parlé à ces gens-là qui habitent la grande banlieue de Winnipeg, Saint-Boniface, qui est aujourd'hui, à toutes fins pratiques, un morceau du « Greater Winnipeg ». Ce n'est plus, à l'ombre de la cathédrale, la vieille survivance paroissiale, la langue gardienne de la foi, etc. C'est une pièce intégrante dans une grande ville moderne où règnent aujourd'hui non plus les vieilles conditions de la survivance mais de la mobilité du travail. Les gars qui sortent des « high schools » qu'on les appelle écoles secondaires ou non, s'ils ne vont pas plus loin, sont littéralement parachutés dans un marché du travail qui forcément est uninlingue. Les Ukrainiens sont plus nombreux que les Franco-Manitobains.

J'en avais une douzaine, que j'ai eu l'occasion de rencontrer à la fin d'une journée. Eux, c'étaient des jeunes qui étaient allés jusqu'au niveau collégial ou universitaire, dans le sens anglo-saxon, c'est-à-dire « College » ou université. Ils étaient, autrement dit, dans beaucoup de cas, le fruit culturel de sacrifices invraisem- blables que leurs parents — ils sont très minoritaires, dans cette société-là, ceux qui s'imposent un effort pareil — s'étaient imposés. C'étaient, dans certains cas, des jeunes qui travaillaient à temps partiel pour continuer leurs études.

Ils m'ont décrit cette fatalité culturelle, parce qu'elle est reliée au gagne-pain, à notre époque, cette fatalité culturelle qui va assimiler, sans espoir possible de réaction à ce point de vue là, tous les produits du « high school » ou du secondaire, et qui est déjà en marche dans nos minorités de l'Ouest comme de l'Ontario.

J'ai dit à ces jeunes: Quel avenir entrevoyez-vous? J'ai posé la question à une douzaine du niveau collégial ou universitaire, en train d'apprendre des professions comme l'enseignement, comme le droit, après avoir été, eux, poussés à un niveau de culture qui en fait des gens cultivés en français au Manitoba. Ils ont dit: Pour nous, c'est plus tragique encore.

Je résume de longues discussions. Ils ont dit: Pour nous, c'est plus tragique encore, parce que plus ça a coûté cher en efforts dans nos familles, d'efforts personnels, plus on y a cru à cette culture française. Plus nous sommes équipés de cet outil, plus nous allons le trouver inutile et plus ce sera déchirant, si nous restons ici, médecins, enseignants, avocats, peu importe. Nous allons être parachutés dans cette même société, aujourd'hui mobile, où les 9/l0 ou les 19/20 de notre clientèle seront forcément des unilin-gues anglais, et où tout ce bagage culturel qu'on nous a donné sera, jusqu'à un certain point, un handicap.

Je leur ai posé une dernière question: J'ai dit: Que pouvez-vous envisager comme avenir, à ce point de vue-là? Onze sur douze ont répondu spontanément: Nous voudrions émigrer au Québec. Si vous aviez une politique d'immigration un peu cohérente, surtout vis-à-vis de gens comme nous, à l'intérieur du pays, notre avenir est dans le Québec. Si vous avez besoin d'enseignants, disaient deux d'entre eux qui étudient dans cette profession-là, nous sommes là. Avez-vous une politique quelconque, une façon de nous aider à nous intégrer dans le Québec? Je dis onze sur douze, parce que le douzième était une fille, elle était fiancée et ça lui causait un problème.

Cela est une expérience personnelle. Nous parlons en général de nos minorités, de ce que peuvent avoir comme effet des lois plus ou moins fumeuses comme les lois linguistiques qu'on prétend passer à Ottawa, comme les rapports à n'en plus finir, qui ont coûté des millions et des millions et qui n'en finissent plus d'être rédigés et « rerédigés », comme les rapports sur la B&B. Pendant ce temps-là, les gens vivent dans les

emplois qu'ils auront à aller chercher chez nos minorités, les jeunes qui s'instruisent et se demandent sur quel marché du travail ils vont déboucher. Cela n'a aucun rapport avec leur réalité vivante.

Alors, si ce que je dis est le moindrement vrai, dans la réalité, si, par exemple, certains membres du personnel du Canada français d'outre-frontière qui existe encore voulaient peut-être enquêter sur cette réalité vivante, humaine, de l'évolution de nos minorités, en particulier chez les jeunes générations, où il n'y a pas d'avenir pour elles, et que le fait était confirmé, ce serait tout simplement abandonner une illusion.

A mon humble avis, la seule minorité pour laquelle vraiment il y a une vie et non pas une espèce de vivotage qui ne serait même pas une survivance, de prolonger une agonie, mais la seule pour qui ça ne se pose pas, peut-être et ce n'est pas garanti, c'est le bloc acadien du Nouveau-Brunswick.

De toute façon, une chose est certaine, c'est que cette fragilité même qui paraît plutôt s'accélérer continuellement en dépit des illusions qu'on essaie de nous vendre, souligne à quel point, nous du Québec, nous n'avons pas le droit — pas plus en interprétant le mandat de la commission d'enquête dont nous discutons les crédits que dans les actions que nous avons à poser, en particulier dans le Parlement ici — d'affaiblir, si peu que ce soit, les exigences essentielles de notre société à nous, en fonction de ce que j'appelle, moi, une vessie culturelle et qu'on trouve dans le reste du pays.

Et Québec, dans ce contexte d'un pays qui, à toutes fins pratiques, est unilingue où, si vous voulez, le climat, les vents dominants sont anglophones, Québec a besoin de ne pas justement laisser s'affaiblir à aucun point de vue ses positions. On a besoin de légiférer. Le ministre des Affaires culturelles ne me contredira pas. Je relisais récemment — ç'a déjà plus d'un an d'existence — dans une des revues publiées par le ministère, le texte d'une intervention qu'il a faite. Je pense que c'est en septembre, à l'automne 1967 en tout cas, à la biennale de la langue française où, après avoir fait une analyse ou une sorte de diagnostic pas tellement ensoleillé d'ailleurs de l'état de notre langue et de l'ensemble de notre climat culturel dans le Québec, il répétait ce que disait le ministre du Travail et qui est indiscutable. C'est qu'on ne peut pas franciser des gens de force. C'est-â-dire qu'il y a toute une partie de l'effort qui doit venir d'une prise de conscience de l'ensemble de la population. Mais si j'ai bonne mémoire, il y avait toute une section aussi qui s'appelait, enfin c'est le sous-titre qu'on a don- né dans la reveue, si j'ai bonne mémoire « Les tâches de l'Etat ».

Et, indiscutablement, de façon très précise et très spécifique, les numéros jusqu'à 12 ou 13, dont certains à propos de l'immigration, des entreprises, de l'affichage, si j'ai bonne mémoire, étaient très spécifiques et très précis. Cela évoquait — ce qui est peut-être humiliant, mais qui est nécessaire dans notre contexte — des législations, de mesures ou des décisions administratives qui doivent aider et baliser jusqu'à un certain point ou encadrer cette prise de conscience collective. Autrement on l'attendra peut-être éternellement et jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Parce que, justement, on est dans le contexte d'un pays et, dans ce pays-là — et ça pénètre dans le Québec à travers l'Outaouais, comme si l'Outaouais n'existait pas — évidemment on est une province, c'est-à-dire jusqu'à un certain point une sorte de colonie interne, au moins au point de vue culturel et à bien d'autres points de vue. A ce point de vue là, de la steppe à l'ouest du Québec arrivent des vents qui sont passablement réfrigérants dans l'économie, dans le domaine social, dans le déchirement des instruments politiques, à tous les points de vue, pour notre culture et pour la solidité de la société française que nous prétendons garder et développer, non seulement faire survivre dans le Québec.

Alors, dans ce contexte qui est celui d'une province sur dix, on a besoin de légiférer. Et on en a besoin très rapidement parce que toutes les conditions traditionnelles de ce qu'on appelait la survivance sont changées ou achèvent de changer. Et notre problème dans le domaine culturel, est-ce qu'il n'est pas un peu celui qu'on trouve dans tous les autres domaines? Ne faut-il pas sortir d'un folklore du dix-neuvième siècle ou d'un début de vingtième siècle qui s'est trop prolongé et adapter notre société, là comme ailleurs, aux conditions du troisième tiers du vingtième siècle?

J'écoutais le ministre des Finances l'autre jour qui disait: Nous n'avons pas fini d'arrêter d'administrer le Québec à la mitaine au point de vue de la gestion, au point de vue de ce « management » qui fait partie des conditions essentielles d'efficacité d'une société. Ce que disait le ministre des Finances, c'est tout simplement qu'on continue à prolonger le dix-neuvième siècle ou les années de M. Duplessis. C'est-à-dire des budgets de quelque centaines de millions de dollars, des opérations que abusivement on simplifiait au point que ça ne correspondait pas aux besoins d'une société moderne...

M. LESAGE: On est loin de lalangue, là.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, je ne suis pas loin. Je dis simplement ceci, je voulais l'illustrer... Je m'excuse, je n'ai pas interrompu le chef de l'Opposition tout a l'heure et je ne crois pas qu'il doive se substituer au président...

M. LAFRANCE: Il a le droit de faire appel au règlement.

M. LEVESQUE (Laurier): ... pour indiquer à quel point on s'éloigne ou on ne s'éloigne pas du sujet.

M. LESAGE: C'est le droit de tout député en Chambre.

M. LEVESQUE (Laurier): Tout ce que je voulais faire — le président écoutait peut-être avec plus d'attention le chef de l'Opposition — c'était d'illustrer, et je crois que c'est relié très directement au sujet de ce crédit, une chose et que le chef de l'Opposition trouve que ça l'intéresse ou non, ça, c'est le cadet de mes soucis, quant à moi c'est une chose qui m'importe et qui me préoccupe.

M. LAFRANCE: Ce n'est pas une question d'Intérêt, c'est une question de règlement.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est d'illustrer simplement ceci. C'est que, dans ce domaine-là comme dans les autres — et ça va faire partie sûrement des préoccupations de la commission d'enquête — il faut sortir d'un certain folklore.

Parce que notre langue, c'est également vrai dans plusieurs, sinon la plupart des secteurs de notre vie collective, est jusqu'à un certain point un des éléments du Québec pour lequel nous raisonnons encore trop souvent en fonction de conditions qui sont dépassées. On dit souvent que la société, dans tous les pays, a de la misère à s'adapter à la révolution scientifique, technologique. Le ministre des Finances disait — et c'est pour ça que je l'évoquais — qu'on administre encore à la mitaine. On est rendu dans les deux ou trois milliards de budget, il y a 40,000 fonctionnaires, sans compter tous les groupes paragouvernementaux, qui dépendent du gouvernement, et jusqu'à un certain point, on n'est pas encore complètement sorti de la mitaine administrative.

Mutatis mutandis, la langue et la culture, c'est la même chose. On marche encore avec des sécurités dans certains milieux. Les jeunes nous donnent une leçon à ce point de vue-là.

Leurs inquiétudes et leurs contestations sont au moins accrochées directement à l'évolution très rapide de la société. Pendant ce temps, on marche encore, dans certains milieux et au point de vue législatif, administratif et au point de vue des lois que l'on peut concevoir dans le domaine linguistique, et c'est le danger que l'on court, on s'appuie sur un folklore, le maintien de la paix et de l'harmonie ou de l'ordre établi de 1890 ou de 1920, tandis qu'on a besoin de survivre aujourd'hui.

Notre langue et notre culture se trouvent en grande partie, la vitalité possible qu'elles auront dans la société des satellites, dans la société des entreprises modernes qui nous échappent et que nous ne contrôlons pas dans le Québec, dans la société des « mass-media », par exemple, des moyens de communications, entre autres des ondes, pour lesquels on se « décarcasse » pour faire un Radio-Canada parallèle à Radio-Canada, qui devrait aussi nous appartenir.

Dans tous ces domaines, se trouve la vitalité réelle d'une langue, à notre époque, et non pas dans la perpétuation des ordres établis d'autrefois, parce que cela ne répond plus à aucune réalité. Cela changerait d'une façon qui serait dramatique, bien sûr. Je vais faire une phrase seulement là-dessus, parce que je ne veux pas faire repartir le député de Richmond. Si au lieu d'être dans ce contexte fédéral-provincial, où nous sommes un peu une colonie intérieure, où notre Parlement donne un peu l'impression, souvent, de ne pas oser dépasser les problèmes municipaux ou régionaux dans ses préoccupations; si nous étions vraiment ce que notre nom prétend que nous sommes, une Assemblée nationale, nous serions alors un peuple qui subirait à ce moment-là une mutation psychologique incroyable, c'est-à-dire un peuple qui serait chez lui et qui, à ce moment-là, n'aurait pas besoin de s'humilier, j'en suis sûr, moi, — au point de légiférer pour assurer la survivance de sa langue.

Parce qu'un peuple qui est chez lui et qui a...

M. LAFRANCE: Est-ce que le député est naïf, par hasard?... Voir si le seul fait de régler nos problèmes en Amérique...

M. LEVESQUE (Laurier): C'est un domaine où le député de Richmond est un tel expert — la naïveté prolongée — je voudrais avoir son analyse...

M. LAFRANCE: J'aime mieux ça qu'être perfide!...

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, j'aimerais avoir son analyse...

M. LAFRANCE: Je vais la faire, l'analyse du député,...

M. LEVESOUE (Laurier): C'est ça. Bien, vous la ferez après, d'accord?... Pouvez-vous attendre?...

M. LAFRANCE: J'en al assez de ce bourrage de crâne, moi...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): Vous ne pourriez pas l'amener prendre un coup... Seigneur!... pour le calmer!...

M. LEDUC (Taillon): Cela, c'est intelligent!... Cela, ça prouve le grand jugement du député de Laurier!...

M. LEVESQUE (Laurier): Cela doit le travailler... Autrement dit, on n'aurait même pas besoin... c'est sûr - j'ai le droit d'avoir mon opinion, — si naive...

M. LAFRANCE: Commencez par avoir votre mandat...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAFRANCE: ... que le député ait donc l'honnêteté de demander un mandat de la population. Il a été élu libéral, lui qui est le « grand », le « seul pur » de la province de Québec, qu'il ait donc cette honnêteté, au moins!...

M. LEVESQUE (Laurier): Comme j'ai dit au député de Richmond, il ne me fera pas sortir de mes gonds, parce que, de toute façon, ses colères sont tellement fofolles, mais je l'ai dit déjà... Je ne prendrai même plus la peine de répondre à cela. Je l'ai faite, cette réponse-là, au premier ministre du temps qui s'appelait M. Johnson. S'il n'a pas voulu la prendre, ce n'est pas le député de Richmond qui va changer mes opinions...

M. LAFRANCE: C'est une pirouette de politicien!... C'est une pirouette de politicien!...

M. LEVESQUE (Laurier): Non, non, c'était public.

M. LAFRANCE: ... du 18e siècle, à part de cela...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): C'était public et cela a été répété. Ce n'est pas à quelques mois des élections sûrement, parce qu'on s'en rapproche, que je vais enlever de cette Chambre la seule voix qui, en ce moment, représente directement une foule grandissante de gens dans le Québec qui ont la même opinion, pas pour faire plaisir aux niaiseries de vieille démagogie de troisième ordre du député de Richmond...

M. LAFRANCE: Ouah!... Le député...

M. LEVESQUE (Laurier): Cela dit, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, retenez-vous! Cela dit - mieux vaut tard que jamais — tout ce que nous sommes dans ce contexte d'incertitude et d'insécurité collective et tant que nous y serons, c'est évident qu'il faut de la législation, de la réglementation parce qu'on a grugé, et tout le monde en est de plus en plus conscient.

Je pourrais lire de longs passages, mais c'est inutile — il peut les évoquer lui-même s'il le veut — de longs passages de ce discours remarquable que faisait le ministre des Affaires culturelles à la biennale de la langue française. On est grugé, aliéné pour employer un terme sociologique à la mode là, aliéné au travail pour des milliers, sinon des centaines de milliers de nos travailleurs dans les entreprises du Québec, aliéné par exemple en grande partie dans notre éducation et même chez certains de nos élites, une espèce d'inconscience invraisemblable qui leur fait véhiculer des espèces de chevaux de Troie dont ils n'ont même pas l'air de soupçonner l'existence.

Je lisais tout récemment qu'une de nos chambres de commerce — je pense que c'est celle de Montréal — a décidé, après en avoir parlé pendant des années, de commencer à propager de l'éducation économique chez nous. J'espère que le ministre de l'Education, premier ministre intérimaire a suivi cette chose-là parce qu'elle ne manque pas d'intérêt, et elle ne manque pas d'être un peu inquiétante par les prolongements qu'on peut y voir. Cette chambre de commerce, en autant que je sache, a décidé d'Importer des Etats-Unis, de quelques groupes d'entreprises qui ont préparé des cours et des manuels sur le « business education », d'importer toute une série de pu-

blications, et on nous dit que ce sera traduit et adapté. Mais qu'est-ce que cela va véhiculer comme valeur aussi bien que comme vocabulaire, je veux dire? J'ai des doutes déjà sur la traduction, sur la partie superficielle; mais sous la surface, qu'est-ce que cela va véhiculer, cette éducation économique importée du « big enterprise » américain, de son climat qui est sui generis aux Etats-Unis, qui véhicule toute une série de valeurs et d'interprétations de la société qui ne sont pas nécessairement adaptables, collables à la société québécoise. Par-dessus le marché, ce serait librement répandu, épandu à travers tout le Québec, comme une base d'éducation économique. Je souligne en passant, parce qu'il me semble que le ministère de l'Education, aussi bien que d'autres ministères devraient porter un intérêt extrêmement précis et, à mon humble avis, pas dépourvu d'inquiétudes, sur ce genre d'initiatives qui surgissent comme des champignons brusquement et derrière lesquels je voudrais savoir quelle sorte d'intérêt se trouve, sans compter les autres risques que je viens d'évoquer.

Mais tout ça pour dire que, dans ce contexte aujourd'hui, il faut absolument non seulement être conscient dans la population et faire des prêches continuelles pour dire à nos citoyens que c'est à eux de travailler et d'être conscient d'une sorte d'achat chez nous culturel ou linguistique; mais il faut que l'Etat, c'est-à-dire le gouvernement d'abord et le Parlement qui sont ici justement comme la plus haute autorité, la plus haute instance de la société québécoise, agissent et agissent sans trop de délai.

Les cris d'alarme, on n'a pas besoin de travailler très fort pour les trouver. On a distribué ce matin à tous les députés, par exemple, ce numéro le plus récent de Québec 68, dans lequel il y a une recension du Dictionnaire des difficultés de la langue française de M. Gérard Dagenais, et, dès le premier paragraphe, je trouve ceci: « Dans son dictionnaire, M. Dagenais écrit que nous devons, faute de disparaître, rester délibérément — j'insiste sur le mot, vous allez voir pourquoi — délibérément tributaire d'une grande culture. C'est ici, ce délibérément, la partie qui m'intéresse — dit le critique, M. Ethier Blais, je pense. Les Français parlent le français parce qu'ils sont Français, comme on respire. Les Allemands, l'allemand parce qu'ils sont Allemands; les Anglais, l'anglais parce qu'ils veulent être tout — enfin, ça ce sont des ironies en passant — et cela est naturel. Mais nous continuons à parler le français parce que nous avons choisi cette langue comme moyen de communication et, ce qui est plus important, parce qu'à chaque instant du jour, nous choisissons. C'est du reste ce qui fait qu'être Canadiens français, c'est proprement quelque chose d'extraordinaire. En dehors de ce choix et de cette langue, nous ne sommes rien de plus que le résidu d'un ratage colonial. Ce n'est pas gai à s'avouer, mais je pense que c'est un fait. On est une colonie ratée qui a failli être un pays, puis qui est disparue...

M. LAFRANCE: Il est à peu près temps que le député revienne. Je fais appel, M. le Président, au règlement. Ce n'est pas le temps de régler tous les problèmes canadiens-français, il s'agit de la langue.

Le député tourne autour et il se sert toujours, j'allais dire de choses qui ne seraient pas très parlementaires, mais je vous demande, M. le Président, s'il vous plaît, de le rappeler à l'ordre. Il aura d'autres occasions de parler du séparatisme ou de toutes ces idées qui le conduisent tout le temps comme une espèce d'idée fixe vers le séparatisme.

M. LEDUC (Taillon): Surtout, quand il aura un mandat.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela ne vaut même pas la peine de...

M. LAFRANCE: Cela vaut la peine, il va obéir comme les autres au règlement. Je vous demande, M. le Président, de le rappeler à l'ordre.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est à vous de vous prononcer...

M. LAFRANCE: Surtout qu'il n'a pas de mandat. C'est encore pire pour lui.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est à vous de vous prononcer, M. le Président, mais je vous ferai remarquer, premièrement, que j'achève et, deuxièmement, que le chef de l'Opposition, si j'ai bien saisi une parti de son discours qui ne manquait pas d'une certaine rentabilité au point de vue libéral, je suppose, a élaboré un peu sur tout le programme libéral dans ce domaine. Oui ou non?

M. LAFRANCE: Oui, certainement.

M. LEVESQUE (Laurier): Bon, et alors?

M. LAFRANCE: D'ailleurs, il a établi ses positions, c'est ce qu'il doit faire.

M. LEVESQUE (Laurier): J'établis les

miennes, que ça plaise ou non au député de Richmond.

M. LAFRANCE: Pour le séparatisme, non pas pour la langue.

M. LEVESQUE (Laurier): Si le député de Richmond, au lieu de chercher dans son immense cervelle tous les arguments qu'il peut trouver pour répéter toujours la même chose chaque fois qu'il se lève à toutes les cinq minutes depuis quelque temps, avait écouté, il se serait rendu compte que j'ai parlé de la langue en fonction du Québec, justement...

M. LAFRANCE: J'ai écouté, et ça s'en va vers un cul-de-sac, votre affaire.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est ça. Mais le cul-de-sac, nous, nous voulons en sortir. Je me suis permis de l'évoquer en deux ou trois phrases qui auraient été moins longues si le député de Richmond m'avait foutu la paix. Je me suis permis de l'évoquer, la sortie du cul-de-sac, parce que c'est dans le régime actuel que notre langue et notre culture sont comprimées dans un cul-de-sac. C'est pour ça que nous sommes obligés de légiférer, ce qui est humiliant pour un peuple. Légiférer sur sa propre existence, cela ne devrait pas être nécessaire, si nous n'étions pas dans ce cul-de-sac Le vrai cul-de-sac, c'est d'être une province qui est comme une sorte de colonie intérieure dans un pays.

M. LAFRANCE: C'est là, vous voulez nous conduire dans le cul-de-sac La province ne vous suivra pas.

M. PAUL: Je formule un point d'ordre. J'ai assisté avec beaucoup d'intérêt depuis quelques minutes à un échange de propos entre l'honorable député de Richmond et l'honorable député de Laurier. Je soumets respectueusement que l'honorable député de Richmond était tout à fait en droit de soulever la question de la pertinence du débat, et d'un autre côté, je crois que nous ne pouvons pas priver l'honorable député de Laurier de compléter ses remarques pour pouvoir passer à un autre poste de nos crédits. Je vois l'honorable député de Vaudreuil-Soulanges qui est brûlant du désir de parler de l'éducation. Je suis sûr qu'en observant nos règlements, nous pourrons peut-être progresser.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si vous pouviez obtenir, par vos regards sû- rement plus efficaces que les miens, que le député de Richmond reste assis sur ce fauteuil qui a l'air de lui brûler le postérieur, j'aurais fini très bientôt.

M. LEDUC (Taillon): C'est donc drôle!

M. LEVESQUE (Laurier): Je disais donc, pour enchaîner encore une fois avec ce que le député de Richmond m'a forcé à répéter, que dans le contexte - à mon humble avis colonial — dans lequel se trouve cette société française qui est tout impliquée dans ce morceau de budget que nous discutons, dans ce contexte colonial, nous sommes, et c'est humiliant, ça ne devrait pas exister, obligés de reprendre continuellement, comme une tapi-serie de Pénélope, cette damnée survivance qui remplace une vie assurée, une vitalité solide.

Puisque tel est le cas et que nous sommes dans le régime actuel, il est évident que la commission d'enquête doit déboucher sur une législation. Ce sera encore au minimum douze mois de perdus, sauf — et là-dessus je rejoins le chef de l'Opposition - si nous pouvions avoir le plus vite possible comme des espèces d'injections d'urgence, des rapports intérimaires de la commission d'enquête sur plusieurs des domaines que le bill 85, qui est maintenant retourné aux oubliettes, avait complètement négligés d'une façon qu'on ne s'explique pas encore vis-à-vis de cette protection essentielle de la majorité que nous sommes.

Par exemple, que dans le domaine économique, on fasse au moins des amorces le plus vite possible, parce que c'est dans l'économie en particulier qu'une langue est rentable ou ne l'est pas. Quand une langue arrête de fonctionner à l'entrée d'une usine ou à l'entrée d'un bureau ou qu'elle a cessé d'être utile au deuxième étage d'une entreprise — aussitôt que tu continues à monter, ça ne marche plus — il est évident qu'elle ne peut pas être très vivante.

Le groupe dont je fais partie s'est permis, ces derniers jours, de proposer publiquement une solution qui aurait pu être convenable dans le contexte actuel. On prenait un risque en faisant cela vis-à-vis de certains de nos plus chauds partisans. On avait l'air de reculer, même si on spécifiait que ce projet de loi — que je me suis permis de présenter comme un contreprojet — était un strict minimum, un pis aller, à l'intérieur du régime où nous vivons. A l'intérieur de ce régime-là, on aurait même pu aller plus loin, mais au moins qu'on touche l'économie dans le domaine des entreprises et de leur raison sociale.

Que ce soit dans les relations du travail, dans les relations de l'entreprise et de ses employés vis-à-vis du public ou dans le domaine des professions et des métiers, il ne devrait absolument pas être permis au Québec qu'un médecin ou un agent de police, par exemple, puisse exercer son métier ou sa profession en ne connaissant pas la langue de la majorité. Voilà deux domaines où cela peut même être un danger pour la sécurité ou pour la santé publiques. C'est tellement aberrant qu'on se demande comment on a pu tolérer cela chez nous, depuis des générations et des générations, comme une espèce de ségrégation, dans des domaines où, par définition, il faut au départ, être au service de l'ensemble de la population.

Cela devrait s'appliquer dans tous ces secteurs, sans compter l'affichage, dont on a parlé, l'étiquetage et la présentation des produits qui sont sur tous les marchés du Québec. Il faut faire le plus vite possible cette pénétration qui aurait dû exister depuis cent ans dans le domaine de l'économie. Notre langue est d'une rentabilité tellement faible que c'est probablement, même on peut dire sûrement, le pire handicap qui entraîne toutes ces autres faiblesses au fond.

Pour ce qui est du statut de la minorité anglophone, le chef de l'Opposition s'est permis de me poser la question tout à l'heure, comme si ce n'était pas clair. Pour essayer de rendre cela clair, on a même consulté des spécialistes pour établir une formule qu'on a également présentée dans ce contreprojet de loi. Cette formule ne vient pas de votre humble serviteur, mais, à notre avis, c'est une réponse valable. Je n'en ai vu nulle part ailleurs à ce damné dilemne que présente la minorité anglophone chez nous. D'un côté, il faut respecter les droits — c'est mon humble avis et c'est aussi l'avis du groupe dont je fais partie — de la minorité existante chez nous, c'est-à-dire de nos résidants, de nos contribuables, de nos concitoyens, s'ils ont choisi l'anglais.

D'un autre côté, est-ce qu'on doit leur laisser le droit de continuer indéfiniment, par assimilation, à augmenter leurs forces aux dépens de la société majoritaire que nous sommes? A qui appartient-il de fixer pour l'avenir les limites de cette minorité anglophone? A elle-même seule, avec tous les courants dominants du continent, du reste du pays et de l'économie qu'il nous faudrait un certain temps pour reprendre en main d'une façon convenable, même chez nous, avec tout ce qui l'appuie continuellement dans l'assimilation accélérée qui se produit, en particulier, dans la région de Montréal? C'est là que le problème est centré. Est-ce qu'il faut, en plus de tous ces facteurs avantageux qui jouent en sa faveur, en présumant que c'est cela qu'elle désire — je ne lui prête pas de conspiration, à cette minorité — lui permettre de nous noyer à Montréal? Il y a des gens qui, ont évoqué cette possibilité-là. Certains sur un ton triomphal, dans la minorité de langue anglaise, disaient à certains moment: Dans dix ou quinze ans, si on peut réussir, Montréal sera majoritairement anglais. A ce moment-là, ils pourront toujours courir, les « chiâleux » de Canadiens français. Il ne faudrait tout de même pas attendre que cela arrive.

Or, une chose qui est au fond de ce problème-là, si on ne se contente pas de rester toujours en surface, en se gargarisant de mots qui n'ont pas de définition réelle, comme quand on parlait au point de vue de l'immigration d'amener des immigrants susceptibles de s'adapter au milieu québécois... En fait, il n'y a pas un milieu québécois; il y en a deux au point de vue de la culture et de la langue. Il y a le milieu francophone et le milieu anglophone. Quand on fait des formules passe-partout comme celles-là, eh bien! on n'a pas de politique.

Or, le problème qui se pose, c'est celui-ci. D'une part, il faut respecter les droits des minorités. Si on veut, une société a même le droit de marcher sur les droits. Une société majoritairement a tous les droits, mais, comme je considère que nous sommes une société civilisée, on doit, à mon avis, garantir ces droits.

D'un autre côté, est-ce que l'on doit garantir, en même temps, la liberté totale de cette majorité de continuer à fixer elle-même l'assimilation qu'elle continuera à faire dans notre société? Nous, nous disons non.

Pour aller au fond du problème et pour montrer au moins une formule valable, une formule discutable au moins dans ce contre-projet de loi qu'on a présenté, après avoir consulté des spécialistes qui ont travaillé là-dessus, on a présenté une formule. J'espère qu'un de ces jours, via la commission d'enquête ou autrement, on en aura des nouvelles.

Pour terminer, je dirai ceci, pour ne pas allonger davantage... Vous voyez, M. le Président, je peux terminer plus vite quand le député de Richmond reste tranquille. Je finis en disant ceci: Ne pourrait-on pas suggérer à la commission d'enquête — je ne crois pas que ce soit spécifiquement évoqué dans son mandat — au moins d'élargir suffisamment ce mandat purement linguistique pour toucher ces autres instruments culturels. Pas seulement le domaine en particulier de l'éducation où se trouve fixé l'abcès qui tourne autour des droits scolaires des anglophones, mais tous ces autres ins-

truments culturels qui prennent une importance de plus en plus grande à notre époque: les ondes, les grands moyens de communication de masse, les « mass media », le cinéma qu'on a escamoté dans cette Chambre depuis que j'y siège, pour autant qu'on y ait touché; le cinéma qui est un des véhicules les plus importants et chez nous les plus aliénés de la culture et forcément de la langue aussi; la presse, puisque le comité parlementaire qui doit toucher à ça, touche nécessairement à un domaine qui est extraordinairement proche de la vitalité culturelle d'une société.

J'aimerais même qu'on n'oublie pas les manuels scolaires et les espèces de para-entreprises éducatives comme celles de la chambre de commerce que j'évoquais tout à l'heure, de façon à ce qu'au moins, parmi ces instruments principaux qu'on peut appeler culturels de nature, il y ait un tableau aussi cohérent et aussi spécifique que possible, puisqu'on doit se payer une enquête, eh bien qu'on aille jusqu'au fond au moins de ces instruments.

M. Denis Bousquet

M. BOUSQUET: M. le Président, seulement quelques mots pour dire que j'approuve la création de cette commission d'enquête sur la langue au Québec. Evidemment, il n'est pas question ici d'indépendantisme ni de séparatisme.

Il s'agit uniquement de demander à des experts de nous indiquer quels seraient, d'après eux, les moyens les plus efficaces pour remédier à une situation qui actuellement est passablement bien connue.

Le mandat de la commission durera douze mois, A mon sens, c'est une période raisonnable parce que, déjà, nous possédons beaucoup de données sur le sujet. Je pense que les commissaires devraient avant tout réfléchir sur les données que nous possédons déjà et nous aider à trouver les moyens d'assurer la survie de la communauté culturelle canadienne-française du Québec, tout en respectant les droits individuels de la minorité anglo-saxonne.

Nous savons tous qu'il y a ici deux droits en présence: le droit à la vie d'une communauté canadienne-française. C'est un droit indéniable, il n'y a pas de droits plus puissants que celui-là, le droit à la vie. Alors, à l'intérieur du respect de ce droit à la vie pour un peuple, je pense qu'il y a moyen de trouver une solution acceptable pour la minorité, une solution qui respectera les droits individuels et même les droits collectifs de cette minorité.

Evidemment, nous sommes placés dans une situation difficile. Il y a au Québec deux impé- ratifs fondamentaux: l'impératif économique et l'impératif culturel. De plus en plus chez nous, nous allons être obligés de nous demander si les deux sont concillables. Chez nous, un certain nombre ont déjà fait leur choix. Us ont accepté de donner la priorité et même l'exclusivité à l'Impératif économique. D'autres donnent la priorité à l'impératif culturel.

Il s'agit de savoir si les deux sont conciliables. Pour ma part, je crois que ces deux impératifs sont concillables.

Seulement, je ne nie pas que la recherche d'une solution sera longue et ardue. Je fais confiance aux commissaires pour nous aider à trouver une solution à ce problème, une solution qui permettra l'avancement économique des Canadiens français, leur épanouissement culturel, sans brimer, d'autre part, les droits de la minorité ou des minorités qui se trouvent chez nous. Je fais confiance à cette commission d'enquête, je suis persuadé qu'elle remplira son mandat avec conscience et que son rapport sera des plus fructueux. Il restera ensuite, à l'Assemblée nationale à prendre ses responsabilités et à trancher le débat dans le sens qui respectera le bien commun de tous les Québécois.

M. LE PRESIDENT: L'article 20 du Conseil exécutif est-il accepté?

M. Paul Gérin-Lajoie

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, peut-être juste un mot. Je me demandais si le premier ministre intérimaire dirait quelques mots. Sans doute cette question de la langue a fait l'objet de débats, ne serait-ce qu'incidemment, à l'occasion du bill 85 ou en d'autres moments, à l'occasion de la présente session. Alors, ce n'est sûrement le désir d'aucun membre de cette Chambre d'allonger inutilement le débat.

Seulement, je pense que l'occasion est bien indiquée de faire à ce moment-ci les interventions que nous faisons. C'est dans cet esprit-il que Je me lève moi-même, étant donné qu'à l'occasion du bill 85, le débat s'étant concentré sur une question de procédure, il est possible que certains éléments du public aient été laissés sous une fausse impression ou une impression incomplète, en ce qui concerne l'attitude de fond des membres de cette Chambre.

Je pense qu'il est important de souligner, comme d'autres l'ont fait avant moi, combien la question de la langue française se pose aujourd'hui, d'abord, comme une question d'urgence et également comme une question absolument fondamentale.

La langue, on le sait, c'est l'image et l'expression de l'âme, donc de l'être complet d'un

peuple. C'est donc dire que, dans la mesure où nous voulons survivre, comme entité distincte, avec notre culture, tout ce que cela comporte, eh bien, dans la même mesure, nous devons désirer profondément le maintien de notre langue et son enrichissement.

Le ministre du Travail a parlé, sans doute dans ce sens-il, tout à l'heure, mais je voudrais tout de même apporter une précision à une chose qu'il a dite et qui me laisse non seulement perplexe, mais un peu inquiet.

Le ministre du Travail a dit à peu près textuellement, à un moment donné, qu'il est inutile de mettre dans la législation ce que le peuple n'est pas prêt à accepter. Bien sur, cette affirmation est juste et je l'accepte dans son ensemble, sauf qu'il faut y apporter la nuance suivante: Le législateur ne doit pas violenter la population, il ne doit pas agir comme s'il croyait pouvoir imposer de force quoi que ce soit sous forme de loi, sous forme de décisions administratives, à un peuple, parce qu'un tel législateur, un tel gouvernement, serait rejeté par la population, un peu comme, en termes médicaux, ces derniers temps, on a entendu parler du rejet d'un organe, lors des transplantations chirurgicales.

Mais d'autre part, M. le Président, le gouvernement, les législateurs, les hommes publics ont certainement une responsabilité d'orientation de l'opinion publique, ils ont sûrement une responsabilité de leadership. La population est en droit de s'attendre de ces hommes publics qu'ils indiquent une voie à suivre, qu'ils indiquent des orientations, une direction. C'est dans ce sens-là, je pense, que d'autres se sont exprimés avant moi, ce midi, ou dans la matinée et que d'autres interventions ont été faites également à d'autres moments.

Le gouvernement et les législateurs n'ont pas le droit de rester sur leurs positions et d'attendre qu'une opinion publique ce soit formée d'elle-même avec l'aide, sans doute, de divers chefs de file dans notre société, à l'aide, par exemple, de l'action des milieux universitaires, avec l'aide de l'action de diverses sociétés à caractère national ou culturel, avec l'aide des milieux scolaires ou éducatifs en général.

Je pense que les hommes publics comme tels, d'une part, à cause du prestige attaché lieur fonction et, d'autre part, à cause de leur responsabilité dans la marche des affaires de la collectivité, ont le devoir, premièrement, de se former eux-mêmes une opinion sur des questions de cette importance-là et, deuxièmement, une fois leur propre opinion formée, de mettre tout en oeuvre pour amener l'opinion publique à adhé- rer à ces opinions, à les accepter et même je dirais à désirer leur mise en vigueur.

On sait que, dans l'histoire politique probablement de tous les peuples démocratiques, et c'est notre cas bien sûr, les hommes politiques, globalement, sont tentés, pour maintenir le pouvoir ou simplement par force d'inertie, d'attendre pour agir d'être vraiment poussés dans le dos, pour ne pas dire, dans certains cas, acculés au pied du mur par l'opinion publique. On sait que chez nous, comme ailleurs, cette attitude d'hommes politiques a été assez généralisée.

Mais je pense, M. le Président, que des hommes politiques vraiment conscients de leur responsabilité d'homme public, de législateur, d'homme de gouvernement, ne peuvent pas, en toute conscience envers eux-mêmes et envers ceux qu'ils représentent, se contenter d'une attitude comme celle que je viens de mentionner. Les hommes publics doivent être à l'avant-garde du développement de l'opinion publique.

C'est bien beau et c'est bien facile de dire que l'opinion publique c'est l'opinion de l'ensemble de la population qui se forge quotidiennement sous la pression de toutes sortes d'influences; mais cette opinion publique est influençable au premier chef par les hommes publics, S. cause de leur connaissance, à cause de l'expérience attachée aux fonctions qu'ils ont remplies, à cause aussi de la préparation qu'ils ont eue pour accéder au poste où ils sont aujourd'hui, sont en mesure d'exercer une très grande influence.

Et de plus, quand on pense aux moyens de diffusion dont disposent aujourd'hui les hommes publics, je pense qu'on se rend d'autant plus compte de l'importance du rôle qu'ils peuvent jouer. On sait que, lorsqu'on fait partie d'un gouvernement, on a non seulement la diffusion qui s'attache un peu au prestige de la fonction qu'on occupe, mais aussi les instruments spécifiques de diffusion que possède tout gouvernement et que possède en particulier le gouvernement actuel parce que, principalement dans le cas de l'Office de publicité et d'information du Québec, on a augmenté progressivement, au cours des dix dernières années, le rôle de cet office. Et on sait qu'aujourd'hui il a un rôle plus grand, en volume si je puis dire, en importance concrète auprès des média de communication et plus importante que jamais dans le passé.

On sait que les hommes publics, quels qu'ils soient, dès qu'ils occupent une fonction importante, dès qu'ils ont un message à transmettre, ils ont une très grande audience auprès de l'opinion par l'intermédiaire des média de communication.

Alors cette influence, M. le Président, nous avons tous collectivement l'obligation de l'utiliser pour contribuer à former l'opinion publique dans le sens des idées, des orientations auxquelles nous croyons, parce que les hommes publics ont le devoir de penser et de croire des choses.

M. le Président, j'aimerais mentionner une chose qui m'était venue à l'esprit à l'occasion du bill 25, je ne l'ai pas mentionnée, parce que je croyais que cela ne s'y prêtait pas tellement, étant donné la nature du débat que nous avons eu. Cela n'a pas été mentionné, à ma connaissance, par d'autres non plus. C'est une suggestion que j'aimerais faire au gouvernement. Elle me paraît très bien entrer dans le cadre du petit débat que nous avons à ce moment-ci. La question de la langue se pose, évidemment, à l'intérieur du Québec. Pour nous, que le Québec soit membre de la Confédération de 1867, d'une nouvelle confédération ou d'un Québec séparé, la question de la langue se pose pour le Québec, quel que soit son régime politique.

Mais, aujourd'hui, en 1968, la question de la langue ne se pose pas uniquement pour le Québec vu de façon isolée, mais elle se pose en relation avec le reste du Canada. Le gouvernement actuel, comme l'Opposition officielle, croit fermement à l'avenir du Québec comme faisant partie de la confédération. Le gouvernement actuel a participé à diverses conférences fédérales-provinciales depuis quelques années. Il a manifesté le désir de l'ensemble des Québécois de, non seulement continuer à participer à la confédération canadienne, mais à y jouer un rôle véritablement actif. Dans le cadre de l'ensemble du Canada, la question de la langue, française ou anglaise, se pose de façon très aiguë. Nous savons que le gouvernement fédéral a pris des initiatives dans ce domaine. Il a formé la fameuse commission Laurendeau-Dunton et, tout récemment, il a pris l'initiative de formuler et de proposer au Parlement fédéral un projet de loi.

Pourquoi le gouvernement du Québec, qui s'est attribué ou a cru qu'il possédait, depuis de nombreuses années, une responsabilité toute spéciale, en ce qui concerne la langue française et le groupe de langue française dans tout le Canada tout entier, ne prendrait-il pas l'initiative, soit son bill 85 dans sa forme actuelle, soit un bill 85 ou un énoncé au moins partiel de politique de langue, et de le présenter pour étude, soit à une conférence fédérale-provinciale, soit à une réunion du conseil des ministres de l'Education du Canada? Il y a une conférence fédérale-provinciale qui viendra vraisemblablement au début de février ou, à tout événement, au début de l'année 1969. Il y a des réunions du conseil des ministres de l'Education au moins une fois par année. Je pense que l'habitude s'est prise, depuis quelques années, d'en tenir deux fois par année: généralement une l'hiver et l'autre l'automne, en septembre ou à peu près.

Alors, pourquoi, à l'occasion des réunions du début de l'hiver, c'est-à-dire du début de l'année 1969, le gouvernement du Québec ne présenterait-il pas aux autres gouvernements provinciaux et même au gouvernement fédéral, à titre d'information, purement et simplement, le projet que nous songeons ou que le gouvernement songe à mettre en vigueur ou à inviter l'Assemblée législative à mettre en vigueur pour le Québec? Que ce soit le bill 85, dans sa forme actuelle, ou dans une forme révisée, qu'il s'agisse d'un projet de loi ou de toute autre décision administrative, on s'entend généralement au Québec pour dire qu'il faut protéger les droits des minorités? C'est même le cas du député de Laurier. Alors, pourquoi, étant donné le délai qui est maintenant imposé dans ce domaine-là, ne profitons-nous pas de ce délai pour que, parallèlement aux études qui vont se poursuivre au comité de l'éducation, pour soumettre ce projet aux autres gouvernements?

Dans un double but: D'une part, pour permettre au gouvernement et à la population du Québec de savoir ce que les autres gouvernements provinciaux ont l'intention de faire dans le domaine de la langue.

Puisqu'on parle tellement du problème de la langue française en dehors du Québec, en plus d'en parler à l'intérieur du Québec où le problème est grave, on l'a souligné tout à l'heure. Mais, puisqu'on en parle tellement de ce problème dans les autres provinces, pourquoi est-ce que le gouvernement du Québec ne jouerait pas vraiment son rôle de leadership à ce point de vue-là?

Et il y aurait une deuxième raison pour le soumettre. Eh bien, je pense qu'il serait intéressant d'obtenir les commentaires des chefs ou représentants des autres gouvernements à travers le Canada sur notre propre projet de loi. Je pense qu'après avoir vu la réaction des chefs politiques des autres milieux canadiens, les milieux québécois, quels qu'ils soient, seraient peut-être éclairés de façon significative sur la façon dont, à travers le Canada, on conçoit vraiment cette cohabitation du groupe de langue française et du groupe de langue anglaise.

Alors c'est une suggestion qui peut paraître plus une suggestion tactique qu'une suggestion de fond, mais je pense qu'en cette période, M. le Président, où on est en pleine gestation en

ce qui concerne la façon d'assurer le respect des droits linguistiques des majorités et des minorités, il ne serait peut-être pas mauvais de considérer des suggestions tactiques comme celles-là.

Alors, M. le Président, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, j'ai nettement l'impression que cette suggestion n'a pas été faite et disons qu'elle paraît peut-être faite un peu à brûle-pourpoint aux yeux du ministre de l'Education, vice-premier ministre; mais il jugera peut-être à propos de donner tout de suite quand même son opinion sur une suggestion comme celle-là.

Je voudrais terminer avec une observation d'un autre ordre, mais toujours sur le même sujet évidemment, c'est cette question de l'urgence du problème. Je sais que, depuis quelques années, M. le Président, il s'est trouvé à travers le Québec, des personnes, des groupes pour qualifier certains hommes politiques québécois de trop impatients et de trop pressés de mettre en oeuvre des réformes.

M. le Président, je pense qu'il faut relever cette accusation, quels que soient les milieux d'où elle soit venue. Je pense que nous devons, nous en particulier, les Canadiens français à l'intérieur du Québec, être bien conscients de l'urgence de certains problèmes et de l'urgence de problèmes qui touchent à notre existence même. Il ne faut pas, bien sûr, être alarmiste.

Il ne faut pas avoir l'air de partir en peur devant certaines situations qui apparaissent au premier abord troublantes, mais d'autre part, il ne faut pas non plus avoir les yeux fermés sur des situations qui sont fondamentalement inquiétantes et troublantes. Je pense que cette question de la langue, qui touche à notre avenir collectif en Amérique du Nord, en est une d'une très grande urgence.

Bien sûr qu'on a vécu 200 ans — on sait comment — depuis le régime britannique au Canada. Je pense que le rythme de vie d'aujourd'hui ne nous permet pas à nous, Canadiens français, de nous dire: On a vécu 200 ans en régime britannique, il n'y a pas de problème pour les cent ou deux cents ans à venir. Une telle attitude serait totalement de l'inconscience et de l'inconscience coupable de la part des hommes publics. Avec le rythme de vie d'aujourd'hui, au Québec comme dans le reste du monde, avec toute la matière qui pénètre chez nous de l'étranger, en particulier des Etats-Unis, pour ne pas parler de ce qui vient du reste du Canada, par tous les moyens de communications modernes, que ce soit la télévision, la radio, pas besoin de parler des satellites, pas besoin d'aller jusque là. Parlant des catalogues, parlant des moyens de publicité des grandes maisons d'affaires amé- ricaines ou à caractère international, tout cela est aujourd'hui, une véritable avalanche sur le peuple canadien-français.

Cela nous place dans une situation qui est d'une nature totalement différente de celle que le peuple canadien-français a connue dans le milieu rural qui a été le sein depuis environ deux cents ans. Devant cette situation d'urgence, nous avons le devoir de nous impatienter — entre guillemets — nous avons le devoir de bousculer un peu les événements. Bien sûr, et je fais allusion à ce qu'a dit le ministre du Travail tout à l'heure, nous ne pouvons pas — ce serait illusoire et nous n'atteindrions pas notre but — imposer de force des lois ou des décisions administratives à une population. Mais il est question cependant, premièrement de bien prendre conscience d'un problème; deuxièmement, de formuler des solutions; troisièmement, d'informer et d'orienter l'opinion publique; et finalement, de prendre des mesures concrètes.

J'ai mentionné ces quatre points comme s'ils devaient se dérouler dans un ordre chronologique. Mais j'aurais donné une fausse impression si j'avais donné celle-là, parce que déjà des choses sont à notre connaissance et elles peuvent être accomplies. Je ne voudrais pas, m'étant exprimé de la sorte, avec un premièrement, un deuxièmement, un troisièmement et un quatrièmement, donner l'impression que mon quatrièmement n'est destiné à être réalisé qu'après que les trois autres étapes auront été réalisées. Bien au contraire, il y a des choses qui doivent se faire maintenant. Il y a des choses qui pourront se faire dans deux, trois ou six mois, et d'autres plus tard. C'est pour cela que la création d'une commission d'enquête, tout nécessaire qu'elle soit, ne doit pas être un prétexte pour retarder la mise en vigueur de réformes ou l'adoption de mesures qui peuvent être mises en pratique dès maintenant. C'est dans cet esprit que je donne mon entier appui à l'adoption de ce poste budgétaire. J'espère qu'au cours des prochains mois, cette commission pourra, comme cela a été suggéré tout à l'heure, soumettre des rapports intérimaires.

Je termine par l'expression d'une petite inquiétude. Nous avons tellement d'expériences de ces commissions d'enquête qui doivent prendre un très court délai et qui, à toutes fins pratiques, prennent des années avant de soumettre des rapports. Alors, disons que cette inquiétude, je l'exprime avec l'espoir que dans ce cas-ci, les personnes qui ont été nommées par le gouvernement pour faire partie de cette commission, indépendamment de la connaissan-

ce personnelle qu'elles ont de l'urgence du problème, auront entendu l'appel des membres de cette Chambre, des deux côtés, au sujet de la très grande urgence qu'il y a d'apporter des solutions aux problèmes auxquels nous avons à faire face en matière de langue, et qu'elles pourront, à l'encontre de presque toutes les autres commissions d'enquête, s'en tenir au délai proposé.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL: Je n'ai pas l'intention d'allonger les débats qui déjà se prolongent. Il y a d'autres postes dans les crédits budgétaires. Je voudrais simplement apporter quelques précisions à la suite des exposés du député de Vaudreuil-Soulanges et du député de Laurier.

L'honorable député de Vaudreuil-Soulanges a commencé son exposé en exprimant une crainte, en mentionnant que peut-être les débats sur la motion se référant au bill 85 auraient laissé une fausse impression dans le public. Ceci est peut-être vrai au sujet de l'attitude de nos honorables amis d'en face à l'occasion du débat sur cette motion, mais je ne crois pas que ce soit le cas du parti ministériel. C'est pourquoi nous sentons moins le besoin de faire de longs exposés au sujet des crédits pour la commission qui étudiera la situation linguistique au Québec. Quant à la suggestion qu'il nous fait si généreusement, je répondrai à l'honorable député de Vaudreuil-Soulanges qu'elle est reçue avec sympathie.

Elle est faite de bonne foi et, de fait, étant moi-même membre et président du conseil des ministres de l'Education du Canada, je pourrai, en cette qualité, étudier cette suggestion. Quant à l'autre partie de la suggestion qui se rapporte aux relations avec le fédéral, je transmettrai cette suggestion à l'honorable premier ministre.

J'apporte trois précisions quant à l'exposé du député de Laurier. Il est drôle de constater que, d'une part, on mentionne que le délai accordé à la commission serait trop bref et que, d'autre part, dans une autre intervention, on dit qu'il serait peut-être trop long. Je souligne cependant, si on réfère au texte, que le délai de douze mois est le délai normal. Cependant, l'arrêté ministériel ajoute: « ... dans un délai de douze mois ou dans tout autre délai qui sera subséquemment fixé. » C'est-à-dire que la commission pouvant faire des rapports préliminaires, ce délai de douze mois pourra, selon les circonstances, être à nouveau rétabli en étant ou plus court ou plus long, quel que soit l'optimisme ou le pessimisme du député de Vaudreuil-Soulanges et de celui de Laurier.

Quant à la deuxième question posée par le député de Laurier — qui est plutôt un commentaire — à l'effet qu'il serait humiliant qu'une commission soit créée, Je ne partage pas du tout cette opinion. Je ne vois rien d'humiliant à établir une enquête sur les droits linguistiques au Québec. Il y a là une situation qu'il faut analyser chez nous, entre nous, et l'enquête nous décrira probablement une situation dont nous connaissons certains aspects, mais qu'il faudra corriger. Le député de Laurier est inquiet; nous le sommes aussi, et c'est pourquoi cette commission est créée. Cette inquiétude est saine. Elle permet vraiment de s'arrêter et de réfléchir dans la paix, dans la sérénité pour connaître la situation et les moyens de la corriger. Il n'est pas question, pour les francophones du Québec, simplement, comme on le répète si souvent, de survivre. Voilà plus d'un siècle qu'on répète cette phrase. Je pense que, dans le contexte où nous sommes, quel que soit le statut du Québec ou du Canada, dans le contexte nord-américain où nous sommes entourés par plus de 200 millions d'anglophones, le problème se posera et se posera toujours à moins qu'aussitôt que possible nous puissions, à la faveur des recommandations de cette commission, corriger cette situation non seulement pour survivre, mais pour voir s'épanouir au Québec la langue française.

Il y a un troisième point sur lequel je veux attirer l'attention de cette Chambre. L'honorable député de Laurier indique que le mandat devrait déborder le domaine de l'éducation. Il devrait relire le mandat de cette commission dans lequel on indique clairement qu'il s'agit de tous les secteurs d'activité, à la fois sur les plans éducatif, culturel, social et économique. Je pense que ceci est suffisamment large pour permettre à la commission d'analyser la situation tant de la langue de la majorité que de la langue de la minorité dans tous les secteurs d'activités humaines qui s'exercent au Québec.

Voilà les quelques précisions que je voulais apporter avant que ne soit adopté cet article des crédits budgétaires.

M. LE PRESIDENT: Article 20, adopté?

M. BOURASSA: Est-ce que le ministre des Affaires culturelles aurait des remarques?

M. BELLEMARE: Pardon? A l'ordre, M. le Président.

M. BOURASSA: Le ministre des Affaires culturelles devait répondre 3. des questions...

M. BELLEMARE: Article 6, l'éducation...

M. BOURASSA: J'invoque le règlement. Le ministre du Travail a dit tantôt que le ministre des Affaires culturelles répondrait à certaines questions que le député de Laurier et moi-même lui avons posées.

M. BELLEMARE: Alors, l'éducation...

M. BOURASSA: Nous allons dire que c'est un ministre de beaux discours, encore une fois. M. le Président, puis-je poser une question au ministre des Affaires culturelles?

M. BELLEMARE: Le ministre peut ne pas répondre...

M. BOURASSA: Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il y a présentement des négociations avec les grandes entreprises? C'est ce que le ministre du Travail a laissé entendre tantôt. Quelles sont ces négociations, quelles conclusions peut-on en attendre?

M. BELLEMARE: Article 6, éducation.

M. GERIN-LAJOIE: Question de règlement, nous ne sommes pas prêts à passer au poste éducation. Nous sommes au poste budgétaire du conseil exécutif ayant trait à la commission d'enquête. Le ministre ne devrait pas s'impatienter.

M. BOURASSA: Je pense que c'est un problème important.

Tout le monde a signalé l'urgence — je l'ai fait, le chef de l'Opposition, le député de Laurier, le ministre de l'Education aussi —je pense qu'il faut sortir des discours une fois pour toutes et voir si, concrètement, il se fait quelque chose sur cette question extrêmement vitale pour l'avenir des Canadiens français, et le ministre a un silence méprisant.

Alors je pose la question: Se fait-il des négociations, actuellement, avec les entreprises pour que la place du français soit plus importante?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté le discours qu'a prononcé le leader de la Chambre. Il a fait mention d'un travail qui s'accomplit à l'Office de la langue française. Ce qu'il a dit est exact et je puis le confirmer. Nous poursuivons d'autres démarches en vue de franciser certaines industries.

Peut-être pourrions-nous tenter une pointe du côté de chez le beau-père du député de Mercier?

M. BOURASSA: M. le Président, je pense que cette réponse, en plus d'être impertinente, révèle l'irresponsabilité tout à fait insurpassable du ministre des Affaires culturelles. J'ai signalé — et nous l'avons tous fait — l'extrême urgence de ce problème, tant sur le plan économique que sur le plan social.

Je pose une question au ministre responsable, pour voir s'il se fait quelque chose de précis et de concret pour atteindre les objectifs sur lesquels nous sommes tous d'accord. Il y répond d'une façon qui le mesure. Le ministre pourrait-il dire quel résultat concret on peut attendre des négociations qu'il fait présentement avec les grandes entreprises? Est-ce lui qui mène ces négociations, parce que là ça peut devenir inquiétant?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Mercier devrait se reporter aux diverses conférences de presse que j'ai données, notamment celle du mois de septembre, où j'ai déclaré, j'ai expliqué en long et en large ce que faisait l'Office de la langue française dans le domaine des relations avec les entreprises industrielles et commerciales.

Je ne sais pas si le député de Mercier a lu ça, je le renvoie à ces textes et il n'est pas besoin de sa voix...

M. BOURASSA: Cela m'a paru des voeux pieux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... si autorisée soit-elle dans les mathématiques, je n'ai pas besoin de sa voix pour nous faire comprendre que le problème est urgent. Nous l'avons conçu depuis très longtemps et nous avons assisté, au cours des derniers jours, à des séances d'obstruction systématique qui auraient pu nous convaincre de l'urgence, si nous n'avions été convaincus bien auparavant.

Je ne voudrais pas embarrasser le député de Mercier et l'obliger à retourner dans sa cave, avec son ami, le député de Laurier, que je respecte, et je leur proposerais, à ce moment-là, comme méditation dans la cave du député de Mercier — ce doit être une cave somptueuse, je n'en doute pas en pensant aux industries que vous connaissez — je lui proposerais de méditer sur les corrections apportées, par un certain chef d'un certain parti, à un projet de proclamation de la langue française prioritaire, et qui avait été présenté dans ce livre blanc qui n'a jamais reçu l'approbation du gouvernement libéral, du chef actuel de l'Opposition.

M. BOURASSA: Parlez du présent, là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II y a des annotations extrêmement intéressantes, des notes manuscrites signées J. L.

M. BOURASSA: M. le Président...

M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, je pense que le ministre des Affaires culturelles adopte une porte de sortie trop facile. Il peut revenir sur des documents antérieurs et faire des blagues. On va le prendre à la blague...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elles sonttrès significatives.

M. GERIN-LAJOIE: Je pense que ce qui est important, à l'heure actuelle, ce n'est pas d'aller fouiller dans les dossiers pour voir si on va trouver des notes manuscrites de tel ou tel chef ou homme de gouvernement, c'est de savoir ce que le gouvernement actuel fait ou entend faire, pour faire face à la situation dont on a parlé.

Le député de Mercier a posé des questions concrètes, pas des questions générales, des questions très précises. Je pense que le député de Mercier et les membres de cette Chambre sont en droit d'attendre des réponses aux questions posées, et non pas l'utilisation de faux-fuyants.

UNE VOIX: Un petit stop sous tout rapport.

M. LE PRESIDENT: Article 20, adopté. Article 8, adopté.

M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le ministre pourrait simplement nous dire ce dont il s'agit?

M. CARDINAL: M. le Président, il s'agit de subventions « d'opérations » pour les collèges d'enseignement général et professionnel. Je souligne que subvention « d'opérations » veut vraiment dire subventions nécessaires au fonctionnement de certains collèges durant l'année scolaire actuelle.

Cette augmentation de $3,500,000 est due à deux raisons. Premièrement, en cours d'année, après que le budget eut été établi, l'on se rappellera que le ministre de l'Education, au mois de juin, a créé les collèges d'enseignement général et professionnel de Saint-Jean et de Saint-Hyacinthe, lesquels n'étaient pas prévus au budget.

D'autre part, il y a eu une augmentation remarquable de la clientèle dans les 21 autres collèges d'enseignement général et professionnel.

En pratique, il y a à Saint-Hyacinthe, 950 élèves qui n'étaient pas prévus au budget; à Saint-Jean, 800 élèves n'étaient pas prévus au budget, ce qui fait 1,750 élèves. Il y a, de plus, dans les autres collèges, 3,350 élèves qui n'avaient pas été prévus au budget. Il y a donc 5,000 élèves au total, pour une période de neuf mois, qui n'étaient pas prévus au budget, ce qui, sur la base de 3,500 élèves — 9/12 de 5,000 - à environ $1,000 per capita, établit un budget supplémentaire de $3,500,000.

M. LE PRESIDENT: Le poste 8 est-il adopté?

Adopté. Poste 12.

M. GERIN-LAJOIE: Explications, s'il vous plaît.

M. CARDINAL: Au poste 12, cette somme de $1,200,000 est due, en fait, à une interprétation d'un article de la Loi des subventions aux institutions d'enseignement privé, que l'on appelait le bill 39 et qui constitue maintenant les chapitres 15-16 Elizabeth II, paragraphe 67. L'article 5 de cette loi prévoit que le montant de la subvention accordée à une institution d'enseignement privé, en vertu de l'article 3, comprend le montant des subventions qui lui sont accordées pour la même année scolaire, en vertu de la Loi de l'aide aux universités et tout montant payable par le gouvernement pendant cette année, à titre de traitement pour le personnel de cette institution d'enseignement privé.

Il s'agit ici des écoles normales dont le personnel, au sens large, dépend du ministère et dont la rémunération est payée directement par le ministère.

Cet article a été interprété différemment l'an passé. Cette année, à la suite d'une demande au ministère de la Justice, nous avons une interprétation qui nous oblige à soumettre ce budget supplémentaire. En effet, si l'on comprend, dans la subvention totale, le salaire du personnel, il faut se demander si le mot personnel désigne le personnel enseignant ou tout personnel même non enseignant.

L'an passé, les principaux d'écoles normales avaient été compris dans ce personnel. On nous demande de les exclure cette année. C'est une première raison qui n'explique pas entièrement les $1,200,000.

La deuxième raison, c'est que le nombre des élèves dans les écoles normales, comme dans le cas des collèges d'enseignement général et professionnel, a dépassé toutes les prévisions. Au lieu de 4,000 ou 5,000 élèves, tel

que prévu, il y a eu 7,500 élèves dans les écoles normales. Lors de l'établissement des prévisions budgétaires, le montant qui avait été prévu ne tenait compte ni de cette nouvelle interprétation de l'article 5, ni de cette augmentation considérable de 2,500 élèves au lieu de 5,000 pour l'établissement des crédits qui avaient été débattus en juin dernier.

Voilà donc les deux raisons qui expliquent ce budget de $1,200,000.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Poste 13? M. BELLEMARE : Direction générale.

M. CARDINAL: La construction des écoles ayant été accélérée, en cours d'exercice, le volume considérable de plans et devis de construction d'écoles a nécessité un nombre plus grand que prévu d'ingénieurs et d'architectes, lesquels rendent des services qui sont rémunérés sur une base d'honoraires.

Il y a donc, à ce poste, les honoraires de ces ingénieurs et architectes qui ont été engagés en surplus des prévisions, en même temps que leurs frais de voyages et certaines sommes minimes pour articles de bureau, etc, car ces ingénieurs et ces architectes travaillent dans des locaux qui sont à leur disposition au ministère.

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre pourrait-il nous dire s'il est exact que des professionnels, ingénieurs, architectes ou autres, sont obligés, dans bien des cas, de prendre des poursuites judiciaires contre le gouvernement pour être payés de leurs honoraires?

M. CARDINAL: Je répondrai, non, M. le Président. Je ne connais personnellement qu'un cas où il y a eu une poursuite. Je n'ai pas été informé et je n'ai pas reçu de procédures, ni de lettres d'avocat m'imformant de cette situation.

M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le ministère paie ces professionnels-là, ces honoraires-là, suivant le cours normal, après production des factures et vérification? Ou bien y a-t-il des délais dans ça comme dans les subventions aux commissions scolaires, tel que le ministre des Finances...

M. CARDINAL: M. le Président, je serai...

M. GERIN-LAJOIE: Si le ministre me permet, j'ajouterai simplement: tel que le ministre des Finances nous l'a exposé l'autre jour. Il a parlé de délais, et je m'imagine que ça s'applique à tout le monde.

M. CARDINAL: In cauda venenum. Je serai absolument franc. S'il y a lieu d'adopter un budget supplémentaire, c'est qu'il y a des sommes que nous ne pouvons pas actuellement acquitter à même le budget actuel. La réponse est donc: Pour autant que le permettait et le permet le budget.

M. GERIN-LAJOIE: Mais, M. le Président, il faut faire une distinction bien importante entre le budget et la situation de caisse. Le budget, c'est l'autorisation à payer, mais si l'argent n'est pas dans la caisse, on sait que ça impose des retards. Alors ma question, disons, portait plus sur les sorties de caisse, les paiements effectifs que sur des autorisations budgétaires.

M. CARDINAL: Ceci est peut-être dans l'ordre ou hors d'ordre. De toute façon, les sorties de caisse, dépendant du ministère des Finances, je ne me crois pas autorisé à porter des nuances de distinction en réponse à cette question.

M. GERIN-LAJOIE: Je ne sais pas si le ministre me comprend bien. Je ne me suis peut-être pas exprimé assez clairement. Ce que j'ai en vue, c'est que c'est le ministre qui autorise les paiements avant de les passer au ministère des Finances. Alors c'est pour cela que ma question, je pense, s'adresse à lui, comme chef du ministère de l'Education.

M. CARDINAL: Quand la question s'adresse à moi comme responsable du ministère de l'Education, je réponds, autant que le budget le permet, puisque je ne puis pas donner des autorisations ni émettre des directives hors des limites du budget. Lorsqu'il s'agit de l'émission des chèques, l'honorable député d'en face, se rappellera que c'est le ministère des Finances qui les émet.

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait expliquer pourquoi il n'y a rien de prévu dans le budget supplémentaire pour les arrérages extrêmement importants des subventions d'équilibre budgétaire qui sont reportées d'année en année?

M. CARDINAL: M. le Président, j'ai l'impression que ceci ne se rapporte pas à l'article du budget que j'ai devant mol.

M. BOURASSA: Non, mais je veux dire qu'il y a seulement $111,000.

M. LE PRESIDENT: C'est l'autre article.

M. BELLEMARE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Alors, poste 13, adopté.

M. BOURASSA: Alors je pose ma question pour le prochain article.

M. LE PRESIDENT: Poste 16.

M. BOURASSA: Je répète ma question. Est-ce que le ministre pourrait répondre à la question que j'ai posée: Pourquoi n'y a-t-il pas de budget supplémentaire pour les sommes très considérables d'arrérages des subventions d'équilibre budgétaire aux commissions scolaires? Le ministre est au courant que, d'année en année... Est-ce que le ministre pourrait répondre?

M. CARDINAL: S'il n'y a pas de budget supplémentaire de demandé, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'en demander.

M. BOURASSA: M. le Président, on connaît: les intérêts considérables qui sont payés par la province à des institutions financières; on connaft l'état de dépendance de la province vis-à-vis de certaines grandes institutions à cause de cette situation.

M. LESAGE: Le ministre des Finances lui-même a admis, dans son discours, l'autre jour, que pour les subventions aux commissions scolaires les paiements étaient en retard.

M. BOURASSA: En l'absence du ministre des Finances, est-ce que le ministre pourrait donner le montant des arrérages qui sont dus aux commissions scolaires?

M. CARDINAL: Ce n'est pas vraiment une discussion de budget. Vous posez une question qui se rapporte aux entrées et aux sorties de caisse.

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. CARDINAL: Vous posez une question qui se rapporte à un article qui n'est pas devant nous. Vous posez une question dont nous avons longuement discuté entre le 10 et le 17 juin 1968, lors du débat des crédits du budget du ministère de l'Education. Vous posez une question â laquelle l'honorable ministre des Finances a déjà répondu.

M. LESAGE: M. le Président, non, je pense que le ministre de l'Education devra se rendre compte qu'à chaque budget, lors de la présentation de chaque budget, principal, supplémentaire no 1, no 2, no 3, du moment que l'article ap-paraît au budget, qu'il s'agisse d'un budget principal ou d'un budget supplémentaire, nous pouvons, en comité des subsides, demander des explications et discuter de l'administration de l'ensemble des fonds.

Or, le ministre des Finances a lui-même admis, l'autre jour, à l'occasion du débat sur le bill de Montréal — je crois même que le ministre de l'Education était en Chambre à ce moment-là — que les versements de subventions aux commissions scolaires étaient en retard. D'ailleurs, c'est connu de tout le monde. La question posée par le député de Mercier a trait à ces retards. Il me semble que le ministre de l'Education, au lieu de tenter de se réfugier derrière la procédure, pourrait aimablement répondre au fond de la question, ce que normalement il devrait faire.

M. CARDINAL: Le chef de l'Opposition sait combien je suis aimable et souriant et que, par conséquent, je tente toujours de répondre aimablement aux questions. Cependant, j'apporte encore une précision. Il s'agit d'une question — Phonorable chef de l'Opposition vient de l'admettre lui-même dans son intervention — qui a trait aux paiements, aux sorties de caisse. Il s'est lui-même référé aux paroles de l'honorable ministre des Finances à l'occasion de son exposé, il y a quelques jours devant cette Chambre. C'est pourquoi, me réfugiant non pas derrière la procédure, mais m'en référant à ce que le ministre des Finances a lui-même mentionné, je mentionne tout simplement que la question telle que posée, se rapporte véritablement au ministère des Finances et non pas à l'administration du ministère de l'Education.

M. LESAGE: Oui, oui. Absolument, oui. Je connais assez l'administration gouvernementale pour savoir que chaque ministère est tout de même responsable des versements à faire en vertu des postes du budget.

M. BOURASSA: Le ministre est-il au courant du montant des arrérages?

M. CARDINAL: Par coeur je ne saurais le donner, comme ceci. Je pense que le ministre des Finances l'aurait probablement dans ses documents; mais je ne m'étais pas préparé à

répondre particulièrement à une question aussi précise.

M. BOURASSA: C'est un problème qui doit beaucoup ennuyer le ministre à cause des retards. Alors, il n'est pas au courant du montant global approximatif des arrérages?

M. CARDINAL: Aujourd'hui, non. M. le Président, encore une fois je pense qu'il faut apporter des précisions. La précision que j'apporte n'est ni pour blâmer un collègue ou un ministre, mais pour bien rappeler à l'Opposition qui a si bien connu l'administration — et du ministère de l'Education et du ministère des Finances — que le ministère de l'Education, lorsqu'il s'agit de versement de subventions ou de paiement d'honoraires, suit une certaine procédure, particulièrement dans le cas des versements aux commissions scolaires.

Lorsqu'il s'agit du retard d'un versement, ce n'est pas le ministre de l'Education qui l'annonce. Il s'agit véritablement d'un problème qui ne concerne en rien l'administration comme telle du ministère de l'Education. Dans ce cas — je l'ai mentionné à trois reprises en juin et lors de la reprise des séances du comité permanent de l'éducation il y a quelques semaines — le ministère de l'Education, dans ce domaine, avait lui-même posé tous les gestes nécessaires pour que ces subventions soient versées; qu'il avait, deuxièmement, de concert avec le ministère des Finances, créé un comité pour étudier la situation et y apporter des solutions; et qu'il avait, troisièmement, l'intention bien arrêtée de préparer et de présenter, dans ce domaine, un livre blanc sur le financement des commissions scolaires.

Si l'on déborde les cadres du simple versement, de la simple sortie de caisse, qui est vraiment un problème du ministère des Finances de tout le gouvernement à ce moment-là, l'on constate que ce problème, pris dans son ensemble, est vraiment un problème du financement de l'éducation. Les ministres qui m'ont précédé l'ont tous connu. Je ne pense pas que cet après-midi, même si l'on prend un plaisir qui n'est pas du tout malin d'ailleurs — je le vois aux sourires de nos honorables amis d'en face — à me poser ces questions, je ne pense pas que la réponse que je peux apporter sur un chiffre précis puisse changer en quoi que ce soit la situation. Ce renseignement, je ne l'ai pas présentement devant moi. Encore une fois, le paiement des subventions relève carrément, strictement, administrative-ment du ministre des Finances qui n'est malheureusement pas avec nous en cette Chambre.

M. BOURASSA: M. le Président, ce n'est pas par plaisir que je pose ces questions, c'est par devoir, parce que j'ai idée que la situation est extrêmement grave.

Si je disais au ministre que, pour les années 65/66, 66/67 et 67/68, il est possible que les arrérages qui sont dus aux commissions scolaires atteignent $100 millions. Je considère qu'il est absolument normal que, lorsque l'on nous présente un budget supplémentaire pour le ministère de l'Education, qu'on pose la question à savoir comment il se fait qu'avec des arrérages aussi importants et qui remontent à plusieurs années, il n'y ait rien qui soit prévu dans le budget supplémentaire pour y faire face.

M. BELLEMARE: M. le Président, il faut toujours être réaliste des faits,...

M. BOURASSA: C'est ce que nous sommes.

M. BELLEMARE: Le budget supplémentaire qui est apporté, c'est pour combler une prévision budgétaire qui a été demandée lors du dépôt du budget principal. Et ça, M. le Président, le budget supplémentaire qui est il pourrait, si je prenais simplement les chiffres que vient de citer l'honorable député de Mercier, il admet qu'il y a eu des retards en 65/66... Il y a eu des retards...

M. BOURASSA: Laissez donc faire les retards.

M. BELLEMARE: ... dans les années 66/67, c'est rouvrir un débat, M. le Président, qui va nous mener nulle part. Une chose certaine, M. le Président, si on veut politiser le débat, vous avez justement le temps pour le faire. Et je dis que si c'est ça qu'on veut, on va ressortir les chiffres qui ont été mis en arrérage, pendant des semaines et des mois, et on va en mettre devant la Chambre pour d'ici sept heures, huit heures, ce soir. Certainement qu'on va en mettre. Mais qu'est-ce que ça va nous donner? Actuellement, on demande, on veut faire un débat sur les arrérages qui sont dus par la province? D'accord. De votre temps, comme du nôtre, les entrées de caisse, M. le Président, sont peut-être difficiles, et c'est peut-être ce qu'a dit l'honorable député de Saint-Jacques l'autre jour. Mais ce n'est pas ça. On veut politiser pour dire: Le gouvernement de l'Union Nationale a laissé traîner des redevances des commissions scolaires pour $100 millions...

M. LESAGE: Il ne paie pas ses dettes.

M. BELLEMARE: ... et, dans l'opinion publique, le chiffre est lancé, $100 millions. Ce n'est pas ça. Le budget est voté...

M. LESAGE: C'est combien? Si ce n'est pas $100 millions.

M. BELLEMARE: ... M. le Président, le budget a été voté et le budget doit être exécuté dans la limite du temps, d'ici au 31 mars, et ça à cause des entrées, ça peut être plus difficile de satisfaire à toutes les échéances. Mais ce dont on a besoin actuellement, dans le budget supplémentaire qu'on discute, c'est le montant de $111,000. Et c'est ça. Mais on saisit cette occasion-là, comme on l'a fait tout à l'heure, avec l'enquête, pour faire sur les langues un grand discours qu'on n'avait pas pu faire en vertu du bill 85. On s'était réservé.

On ne voulait pas le digérer, ce discours-là. On a trouvé une soupape, on a trouvé un moyen pour sortir le discours. On a dit: D'accord, on est ici pour siéger, on va siéger. Et puis, M. le Président, si c'est ça que vous voulez, politiser Jusqu'à la dernière minute l'étude de tout ce qui se fait, au point de vue du budget supplémentaire, on va le faire. Mais ce n'est pas agréable. Cela ne sera pas agréable ce soir non plus, ni demain.

M. BOURASSA: M. le Président, je ne vois pas en quoi c'est politiser le débat de poser une question qui affecte des centaines d'institutions...

M. BELLEMARE: Voyons donc, vous les avez ici devant vous.

M. BOURASSA: Ma question à savoir pourquoi on n'a pas un budget supplémentaire, quand il y a tellement d'arrérages, il me semble que c'est une question normale, dans les circonstances.

M. CARDINAL: M. le Président, encore une fois...

M. BOURASSA: Bien oui, mais on n'a pas d'objection.

M. BELLEMARE: ... on va voter pour des budgets qui sont votés.

M. CARDINAL: Reprenons la question, l'on demande, à l'occasion d'un budget, pourquoi il y a des retards dans les versements. L'honorable député de Mercier, qui est un économiste distingué, un Juriste accompli, un député ex- périmenté, sait bien qu'il n'y a aucune relation entre un budget supplémentaire et des versements. Dans le budget de l'Education, à l'article 16, vous avez déjà une somme pour l'année 68/69 de $382,875, en subventions...

M. LESAGE: Des millions.

M. CARDINAL: Pardon, $382,875,000 en subventions aux commissions scolaires. C'est le budget. Ce budget n'exige pas de budget supplémentaire. Voilà la réponse à la question.

M. LACROIX: M. le Président, si, dans le budget réglementaire, le budget ordinaire, des fonds ont été prévus pour payer les subventions, à ce moment-là les appropriations sont là et le ministère devrait être en mesure d'effectuer les paiements des subventions qui sont dues aux commissions scolaires. Ainsi, par exemple, la semaine dernière, J'ai communiqué avec l'honorable ministre d'Etat à l'Education, concernant les cas particuliers des commissions scolaires des Iles-de-la-Madeleine, pour des subventions qui n'ont pas été payées pour l'année 66/67 et cette année. La commission scolaire de Fatima, en particulier, n'était pas capable de faire face à des obligations vis-â-vis de la caisse centrale Desjardins.

J'ai demandé à la personne au ministère de l'Education avec qui j'ai communiqué par la suite : Etant donné que les budgets ont été adoptés par la Chambre - à ce moment-là, les appropriations et les sommes nécessaires sont à la disposition du ministère — comment se fait-il que vous ne versez pas les subventions qui sont dues aux municipalités scolaires? Cette personne m'a répondu: Les montants que vous votez en Chambre, ça n'a aucune sorte d'importance et ça ne compte pas. Je ne peux pas admettre que le ministère de l'Education demande $300 ou $400 millions qui sont votés par les Chambres pour pouvoir verser des subventions et qu'un fonctionnaire vienne me dire que ces choses-là ne comptent pas et que le gouvernement pale quand il est capable.

Est-ce que le gouvernement a ou n'a pas l'argent disponible pour permettre aux commissions scolaires de faire face à leurs obligations? C'est là la question. Je ne crois pas que ce soit politiser le problème que de demander au gouvernement — puisque les sommes qui ont été votées par les Chambres sont à la disposition du ministère pour effectuer les versements aux commissions scolaires — comment il se fait que les subventions de 66/67 ne soient pas encore versées et que les subventions pour l'année courante ne le soient pas davantage.

M. CARDINAL: L'honorable député a répondu lui-même à sa question en faisant la différence entre le budget et la caisse. Je ne suis pas pour faire un cours sur le budget d'un Etat, mais vous avez des prévisions budgétaires qui sont fondées sur deux choses: d'une part, des entrées venant des impôts et de quelques rares autres sources et, d'autre part, des sorties prévues en fonction de besoins publics que veut satisfaire l'Etat. Il n'y a donc pas de relation de cause à effet entre la situation de caisse et le budget.

Quand l'honorable député me dit qu'un fonctionnaire aurait dit ceci, je ne vois pas en quoi ce fonctionnaire, que je ne connais pas, pourrait être autorisé à parler de la situation de caisse du gouvernement ou de la nature du budget du gouvernement. Il est exact qu'il y a des retards; nous en avons parlé à plusieurs reprises. Ces retards ne se rapportent pas du tout au budget. Le fait d'ajouter un budget supplémentaire n'ajoute pas plus d'argent en caisse pour faire les versements. L'honorable député de Mercier le sait.

L'on sait aussi que, chaque fois qu'on nous a soumis des cas d'urgence — que ce soit les députés de l'Opposition ou les députés ministériels, qui l'aient fait — le ministère de l'Education a toujours agi rapidement. Au cours du mois de décembre seulement, plus de $60 millions ont été versés en subventions à des commissions scolaires. Cela prouve que, suivant l'état de caisse et non pas le budget, le ministère de l'Education fait plus que son possible pour verser aux commissions scolaires les sommes qu'il est possible de leur verser, dans la situation de caisse présente.

M. BOURASSA: Le ministre de l'Education a raison, si les subventions qui sont promises aux commissions scolaires sont les mêmes que celles qui sont admises et acceptées par le ministère des Finances. Mais, s'il y a un décalage entre ce qui est promis par le ministère de l'Education, en fonction des normes admissibles, et ce qui est finalement accepté par le ministère des Finances, c'est là que la question du budget supplémentaire se pose.

M. LESAGE: Au poste 20, si le ministre veut bien lire une copie des notes que m'a remises le ministre des Finances. L'explication qu'il m'a donnée est la suivante: $111,500, ce montant est requis pour la Commission des écoles catholiques de Québec, qui avait oublié d'inscrire les élèves des institutions associées dans sa demande de subventions pour l'année 67/68. Etant donné la discussion que nous avons eue hier soir, le montant payé par la Commis- sion des écoles catholiques de Québec, aux institutions associées est-il le même pour chaque institution?

M. CARDINAL: Le barème est le même. J'ai fait cette vérification hier, à la suite du débat que nous avons eu en Chambre. L'on me dit que la situation, qui avait été soulignée par je ne sais plus quel député, est maintenant corrigée et que le barème est le même pour toutes les institutions.

M. LESAGE: Quel est-il?

M. CARDINAL: Le chiffre précis?

M. LESAGE: Le député qui a posé la question hier, c'est le député de Jean-Talon. Il est intéressé à avoir ce chiffre et, moi aussi, je le suis. Le ministre n'a qu'à en prendre note. Il n'est pas nécessaire qu'il me réponde aujourd'hui; il m'enverra un petit mot pour me dire le montant par élève. Je suis intéressé à le savoir.

M. CARDINAL: Je le ferai avec grand plaisir pour le bénéfice du député.

M. BELLEMARE: Adopté. Famille et Bien-Etre.

M. LE PRESIDENT: Famille et Bien-Etre social.

M. BELLEMARE: Avant de commencer la Famille et le Bien-Etre social, on avait dit à l'honorable chef de l'Opposition que le ministre d'Etat attaché à la Fonction publique serait prêt à faire la déclaration concernant les enseignants. Est-ce qu'on pourrait faire cela avant de commencer l'étude de l'autre article.

M. LESAGE: Oui, d'accord pendant que le député de Vaudreuil-Soulanges est ici. D'ailleurs, je préférerais que cela se fasse à ce moment-ci, si le ministre d'Etat à la Fonction publique est prêt à le faire.

Négociations avec les enseignants

M. MASSE: Ce que j'ai compris, si ce n'est pas exact, j'aimerais que le chef de l'Opposition me reprenne immédiatement, j'ai compris qu'on avait posé une question concernant le point dans le domaine de la négociation avec les enseignants. C'est cela?

M. LESAGE: Faire le point en ce qui con-

cerne la négociation entre le gouvernement et les commissions scolaires, d'une part, et la CEQ, d'autre part.

M. MASSE: D'accord. Il y a près de dix-huit mois, se tenaient les premières rencontres entre les parties. Les parties sont les trois groupes représentant le Syndicat des enseignants et les trois groupes représentant la partie patronale, c'est-à-dire, les deux groupes de commissions scolaires, protestantes et catholiques, et le gouvernement.

Il y aura un an le 19 décembre, le projet syndical était soumis. Des pourparlers intensifs se sont poursuivis durant plus de huit mois, à un rythme moyen de trois jours par semaine. Les mois entiers de septembre et octobre ont été consacrés à la conciliation, sous la présidence du juge Bousquet.

En novembre, à la suite d'une demande de médiation de la part des instituteurs, la partie patronale a offert la reprise des négociations, sous la présidence du juge Bousquet, à la condition que les corporations d'instituteurs prennent des dispositions pour mettre fin aux mesures de pression, par exemple, le refus d'affecter des enseignants à la suppléance, la question des périodes additionnelles et des activités pédagogiques en dehors des heures de classe.

Les enseignants ont refusé de respecter cette condition et les discussions ont aussitôt pris fin. Par la suite, les trois corporations d'instituteurs ont demandé l'arbitrage, les 21, 25 et 27 novembre respectivement. Le gouvernement et les commissions scolaires n'ont pu accepter de soumettre le conflit à l'arbitrage, en raison de la nature des principales clauses en litige, qui impliquaient que l'on se prononce sur les amendements aux lois existantes ou sur une augmentation des sommes d'argent consacrées à l'éducation, explication qui a été fournie à la partie syndicale par le négociateur en chef dans des lettres, Me Jean Cournoyer.

En revanche, la partie patronale a offert aux instituteurs de reprendre les discussions, afin de compléter les négociations et d'en arriver à la conclusion d'une entente collective.

Mercredi le 11 décembre, les instituteurs se sont présentés à la table des négociations. Les pourparlers ont repris hier après midi, lorsque la partie patronale a soumis aux représentants syndicaux une formule de protection des anciens brevets d'enseignement. Cet effort de la partie patronale apportait une solution à un problème important pour les enseignants. Les négociations devraient se continuer cette semaine sur d'autres points. Or, des négociations n'ont pas repris ce matin, les enseignants ne se présen- tant pas à la table de négociations. En effet, les négociateurs du gouvernement et des commissions scolaires ont été avisés, tard hier soir, que les représentants des instituteurs n'entendaient pas rencontrer la partie patronale aujourd'hui. Les négociateurs syndicaux estiment que la partie patronale ne leur aurait pas offert de propositions suffisamment intéressantes pour pouvoir leur permettre, selon eux, une conclusion et d'en arriver à la signature d'une convention collective.

Par contre, la partie patronale demeure toujours à la disposition des instituteurs, pour compléter les discussions. Des domaines très importants n'ont pas encore à notre avis, été suffisamment explorés.

Quels sont les principaux points qui ne sont pas encore réglés? Je les résume très brièvement. D'abord, la question du régime syndical.

Les instituteurs demandent une formule d'atelier que nous pourrions qualifier de plus que parfaite, c'est-à-dire que le syndicat, s'il expulse un membre de son assemblée, se verrait automatiquement accorder l'assurance que la commission scolaire congédierait l'enseignant.

Nécessairement la partie patronale n'a pu accepter cet atelier. Ce qui existe présentement dans ce domaine, c'est grosso modo la formule Rand.

Au sujet de la consultation, les instituteurs demandent le pouvoir de partager des décisions sur différents éléments alors que la partie patronale maintient son offre de consultation obligatoire sur toute décision d'ordre pédagogique de la commission scolaire.

Au sujet de la charge de travail et de la présence à l'école, les instituteurs demandent une charge individuelle déterminée au niveau provincial ainsi que le droit de ne pas être présent à l'école en dehors de ses périodes d'enseignement. L'offre patronale propose l'application d'un rapport maîtres-élêves, de 1 — 17 au secondaire, de 1 — 27 à l'élémentaire, au niveau de la commission, et négociations locales à l'Intérieur de ces rapports. L'offre inclut la présence des enseignants à l'école pendant les heures de classe des élèves.

Au sujet de la classification les instituteurs voudraient garder l'ancienne classification, même si — ont-ils laissé entendre dans les discussions — cette classification n'est pas fondée sur une base logique.

L'offre patronale, par contre, tout en ne prévoyant aucune perte de traitement, même des augmentations, veut trouver un accord sur

une formule qui permettrait aux détenteurs d'anciens brevets de garder leur classification.

Au sujet du perfectionnement considéré comme fort important, cette question n'a jamais fait l'objet de négociations même si les enseignants disent qu'ils attachent beaucoup d'importance à ce sujet.

Je tiendrais également, avec votre permission, M. le Président, à être très clair et de confirmer, au nom du gouvernement, s'il y a lieu de le faire, le mandat de Me Jean Cournoyer comme négociateur en chef de cette table patronale, négociateur en qui le gouvernement reconnaît toute intégrité, et il ne craint pas d'en faire le porte-parole du gouvernement à cette table patronale.

Egalement un sujet qui a été discuté, il y a quelque temps, à la table de négociation et qui indique bien la position gouvernementale et la position des commissions scolaires, c'est-â-dire la rétroactivité. L'offre d'augmentation des traitements n'inclut pas nécessairement la rétroactivité automatique au début de l'année, en septembre 1967. Nous considérons que la date d'application des échelles de traitement doit être l'objet de négociations et qu'il n'est pas — tant et aussi longtemps que les parties ne se seront pas entendues sur ce point — automatique que la rétroactivité devra s'appliquer au mois de septembre...

M. LESAGE: Le ministre a dit tout à l'heure: septembre 1967. Est-ce bien ça ou a-t-il fait erreur?

M. MASSE: Septembre 1968, excusez-moi. M. LESAGE: C'est 1968, n'est-ce pas?

M. MASSE: Nous étions dans le budget et j'ai confondu avec 1969...

M. LESAGE: C'est 1968.

M. MASSE: 1968.

M. LESAGE: C'est ça.

M. MASSE: Il n'est pas certain, tant que les parties ne se seront pas entendues, que cette rétroactivité commence au début de l'année. Elle peut fort bien prendre force à la date de la signature du contrat.

M. LESAGE: Le ministre sait fort bien que ce qu'il dit là est un des arguments qu'il emploiera pour tenter d'en arriver à un règlement final.

M. MASSE: Ce que je dis, c'est que la rétroactivité fait l'objet de négociations.

M. BELLEMARE: Il parlait lui de... Comment appeliez-vous cela?

M. MASSE: Il n'est pas du tout évident ni automatique qu'elle entre à la fin du contrat précédent. Voilà! Je suis prêt à répondre si le chef de l'Opposition a des questions à poser.

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre a-t-il idée de ce que sera le prochain geste, étant donné que chacun est chez soi du côté patronal et du côté syndical? Qu'arrivera-t-il ce soir, demain matin, après demain?

M. MASSE: M. le Président, le prochain geste — je l'ai exprimé tout à l'heure — c'est que la partie patronale demeure à la disposition des enseignants pour compléter les discussions. Nous sommes prêts à rencontrer les représentants des enseignants où que ce soit, peu importe l'heure. Un négociateur responsable, Me Jean Cournoyer, qu'il m'a fait plaisir de confirmer dans son mandat, est à la disposition des représentants des enseignants pour conclure le plus tôt possible le convention collective.

M. GERIN-LAJOIE: Mais une attitude comme celle que le ministre vient de décrire est particulièrement passive. Est-ce que c'est bien là l'image du gouvernement dans ces négociations-là, ou bien...

M. MASSE: Pardon!

M. GERIN-LAJOIE: L'attitude patronale que vient de nous décrire le ministre est vraiment passive. Elle est complètement passive, parce qu'il dit: Nous sommes à la disposition... et nous attendons. Est-ce vraiment la description de l'attitude du gouvernement dans cette négociation?

M. BELLEMARE: Non, non, non.

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre ne croit-il pas que le gouvernement doit avoir une attitude de leadership pour provoquer un règlement?

M. MASSE: M. le Président, je ne voudrais pas ouvrir un long débat. Depuis le début de ces négociations, depuis qu'on nous a confié le mandat des négociations dans le secteur public et parapublic, notre attitude a toujours été de faire en sorte que les conventions collectives se discutent et se concluent à la table des négociations que les parties ont acceptée.

Nous croyons encore au système — nous l'avons exprimé - des relations de travail qui existe à l'intérieur des lois, et ce n'est pas une attitude passive que de respecter la légalité et de demander aux parties de se rencontrer à la table des négociations. Nous ne croyons pas être passifs en voulant être présents. Au contraire, nous croyons assurer l'action de la négociation par notre présence à l'endroit où elle doit se trouver, c'est-à-dire à latable des négociations.

Nous espérons autant d'action de la part de la partie syndicale.

M. GERIN-LAJOIE: Le ministre croit-il qu'il n'y a vraiment aucun moyen de persuasion à sa disposition pour ramener les syndicats à la table des négociations?

M. MASSE: Je crois, M. le Président, que l'Intérêt de la conclusion d'une convention collective par la partie syndicale doit être un motif suffisamment profond pour l'intéresser à se présenter à l'endroit où cette convention peut se conclure, à la table des négociations.

M. BELLEMARE: C'est très bien, article 16. M. LE PRESIDENT: Adopté.

Bien-Etre et Famille

M. BELLEMARE: Adopté. Budget du ministère de la Famille et du Bien-Etre social, adopté.

M. GOLDBLOOM: Un instant, M. le Président, je regrette...

M. LE PRESIDENT: Article 16, adopté. M. GOLDBLOOM: M. le Président...

M. BELLEMARE: Ah oui, d'accord, j'ai vu le député qui se levait.

M. GOLDBLOOM: C'est après tout un ministère important et un montant important, le plus Important de tout le bill, du budget supplémentaire, M. le Président.

Cet article du budget supplémentaire est à plusieurs titres inquiétant.

Premièrement, à cause de l'importance du montant en question, qui s'additionne aux sommes déjà imposantes qui sont affectées à l'assistance sociale.

Deuxièmement, parce que c'est le chômage qui en est principalement responsable et troisièmement, parce que cette somme de $32 mil- lions n'est qu'un ajouté à un système défectueux dont la réforme en profondeur ne peut être différée.

Faute de cette réforme, nous risquons fort de consolider une infrastructure permanente de pauvreté dans une société de productivité et de consommation. Encore là, le niveau de notre productivité laisse beaucoup à désirer et celui de notre consommation ne reflète pas l'affluence que connaissent nos voisins du sud et de l'ouest.

J'ai devant moi La Presse du jeudi, 12 décembre 1968, et je cite brièvement le discours de M. Louis Hébert, président de la Banque canadienne nationale, à l'occasion de l'assemblée annuelle des actionnaires de cette banque. « La définition que l'on peut donner de la pauvreté n'est pas, bien entendu, la même en Amérique du Nord et en Asie. Le pauvre en Amérique du Nord serait certainement considéré comme un riche suivant les standards asiatiques. La pauvreté de notre société n'est pas la privation des choses nécessaires à la vie, comme le déclare le Conseil économique du Canada, mais une insuffisance d'accès à quelques-uns des biens, des services et des conditions de vie qui sont accessibles à tous les autres ».

Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, qu'il y a huit jours, le 10 décembre de cette année, une agence de bien-être social, la Family Service Association of Montreal, a tenu une conférence de presse à laquelle assistaient un certain nombre de personnes défavorisées, qui ont exposé leurs problèmes personnels selon les montants qui leur sont accordés par le ministère de la Famille et du Bien-Etre social.

II a été souligné que le maximum possible pour une famille des parents et trois enfants est actuellement de $190 et que le montant requis, selon des normes établies, l'an dernier, par le Montreal Diet Dispensary, serait de $336. Dans le cas d'une famille...

M. BELLEMARE: Pour trois personnes.

M. GOLDBLOOM: Deux adultes et trois enfants. Dans le cas d'une famille de deux adultes et quatre enfants, les chiffres sont respectivement $198 actuellement et $358, selon les calculs faits par l'agence dont j'ai fait mention.

M. le Président, je ne conteste pas le besoin d'ajouter ces $32 millions au budget existant de l'assistance sociale. Je conteste cependant l'utilisation que fait le gouvernement des sommes qui sont disponibles, comme j'ai contesté, il y a un an et demi, l'utilisation des $80 millions qui ont été affectés aux alloca-

tions familiales. Je conteste l'échéancier selon lequel la refonte de nos lois de sécurité sociale, ou plutôt d'assistance sociale dans ce cas, se fait toujours et sine die attendre.

Le gouvernement avait entrepris de refaire la structure de notre assistance sociale et d'en augmenter les bénéfices. Je trouve que les montants qui sont consacrés à ce poste budgétaire dans ce budget supplémentaire sont insuffisants pour rencontrer les besoins des personnes qui sont défavorisées et qui attendent l'augmentation des barèmes de bénéfice.

Je voudrais faire brièvement, M. le Président, allusion au dossier de ce projet gouvernemental. L'honorable ministre, le 20 septembre 1966, a fait une déclaration qui a paru dans Le Devoir de ce jour. Je m'excuse, il doit avoir fait la déclaration la veille, n'est-ce pas. Dans Le Devoir du mardi, 20 septembre 1966, on lit donc le titre « La législation sociale du Québec sera refondue, j'espère que ce sera pour bientôt, dit le nouveau ministre du Bien-Etre ».

Il y a plus de deux ans, et je me permets de citer la philosophie du ministre, que je trouve excellente. Il a dit: « Notant que, de mars à août 1966, la hausse moyenne du coût de la vie a été de 2.5 points, et que la plupart des spécialistes prévoient une hausse accrue au cours des prochains mois.

M. Cloutier a signalé qu'à de telles périodes d'inflation, les rentiers, les personnes à bas revenus et plus directement encore les bénéficiaires de la sécurité sociale sont singulièrement touchés. L'adoption du régime de rentes l'an dernier a marqué une étape en ce sens que pour la première fois dans un régime de sécurité sociale, l'on a prévu que l'augmentation des bénéfices en argent s'ajustera à l'augmentation du coût de la vie, a-t-il ajouté. Ce mécanisme n'a, malheureusement, jamais existé dans la structure des taux d'assistance sociale au Québec. « D'ici à ce que nous ayons pu faire une refonte des lois d'aide sociale, nous avons recours à un système d'aide supplémentaire et spéciale pour obvier à la rigidité des taux catégorisés. Cependant, après la refonte de la législation sociale que j'espère pour bientôt, nous aurons un système suffisamment souple pour s'adapter à la réalité des besoins sociaux. Les incidences économiques de la sécurité sociale ne sont pas encore clairement élucidées, a-t-il dit. L'impression très superficielle qui explique en partie pourquoi la sécurité sociale se trouve si souvent en butte à la critique demeure souvent parce que les dépenses de sécurité sociale sont de nature non productives et consti- tuent une charge sans contrepartie pour l'économie québécoise. « Nous tenons à détromper ces auditeurs à cet égard et souhaitons que se développe un état d'esprit dans le monde des affaires en vertu duquel l'on considérerait, même en période de lutte contre l'inflation, la sécurité sociale non plus inconsidérément comme un luxe improductif. Le ministre a déclaré: « L'expérience montre de façon convaincante que la sécurité sociale a un caractère productif parce qu'elle maintient le niveau des dépenses de consommation des familles pour lesquelles il est impensable de nier la satisfaction de besoins irrépressibles dans une société d'abondance comme la nôtre. En outre, s'il est vrai que les dépenses de consommation sont maintenues et qu'une redistribution des revenus est réalisée par l'intermédiaire de la sécurité sociale, il n'en est pas moins vrai que son rôle économique met à l'abri des variations de la conjoncture tout un lot de producteurs et de distributeurs de services. « C'est en ce sens-là qu'on peut affirmer que la sécurité sociale a une influence stabilisatrice pour l'ensemble de l'économie. Les effets de la sécurité sociale ne devraient donc pas être sous-estimés, faute de pouvoir toujours être exprimés en termes chiffrés et quantitatifs. » Je soumets respectueusement, M. le Président, que cette excellente philosophie n'a pas été mise en vigueur et que les chiffres que nous avons devant nous ne permettent pas d'espérer qu'elle sera mise en vigueur. En continuant, dans ce dossier, l'on trouve que le 21 juin 1967, le projet d'une loi-cadre engloberait toutes les lois de sécurité sociale. « Le ministre de la Famille et du Bien-Etre social, M. Jean-Paul Cloutier, a fait cette déclaration hier au cours de l'étude en comité des prévisions budgétaires de son ministère. » Le ministre, le 7 août 1967, est cité dans le journal La Presse, comme ayant donné de l'espoir aux assistés sociaux qui étaient en colère. Le 6 décembre 1967 — il y a plus d'une année — La Presse donne ce titre à son article ce jour-là: « Une certitude acquise: Nouvelle loi d'assistance sociale en avril prochain. » L'article se lit en partie comme suit: « La nouvelle loi de l'assistance sociale entrera en vigueur le 1er avril prochain. C'est la date limite que s'est fixée le gouvernement du Québec; c'est l'assurance donnée par le ministre de la Famille et du Bien-Etre, M. Jean-Paul Cloutier, hier aux représentants d'une dizaine de mouvements d'animation sociale de Montréal et de sa banlieue.

« Ces délégués étalent les invités du gouvernement au siège du Bien-Etre social, rue Saint-Denis. La loi sera appliquée par étapes, c'est-à-dire que l'on commencera par créer les services les plus urgents, par exemple celui de l'assistance aux économiquement faibles. » Encore, six mois plus tard, le 4 juin 1968: « Loi-cadre sur l'assistance sociale dès cette session. » Le 23 août 1968:

UNE VOIX: A l'ordre!

M. GOLDBLOOM: Unprojetdelois-cadres de l'assistance sociale sera soumis à la fin d'octobre. Et le ministre a annoncé qu'un projet de loi-cadre de l'assistance sociale sera présenté dès la reprise de la session, à la fin du mois d'octobre.

En prévision d'une loi-cadre de l'aide social, vaste plan de réorganisation administrative. Le Montreal Star du 24 août sous le titre, « Action at last », dit ceci: « Health and Welfare Minister Jean-Paul Cloutier promised this week, that there would be new welfare legislation this fall, we hope that this time he means what he says ». Et un peu plus loin: « Despite these two positive points, it is disturbing that the Minister made no mention of a readjustment of levels of assistance. The Boucher Commission Judged that allowances were too low five years ago. There have been no changes since, and needless to say the cost of living has gone up considerably during that time ».

Encore le 4 octobre, le ministre veut proposer l'adoption d'une loi unifiée de l'assistance sociale et vingt Jours plus tard, à notre grand regret, la Presse rapporte, que Québec reporte à l'an prochain l'étude du projet de loi-cadre de l'aide sociale. Les travailleurs sociaux protestent, l'appareil administratif n'est pas au point et enfin, le Star dit dans son numéro du 8 novembre: «The Quebec Government's attitude concerning the revision of welfare laws if it did not have such tragic consequences for the poor people involved, could be called a farce. It is a story of repeated promises, repeatedly and shamelessly broken. This week for the fourth time in two years, the Health and Welfare Minister is renegading on his own commitment to introduce the new legislation. This time however he is not setting a new date for action. »

M. le Président, tout ceci est profondément regrettable. Vu que le gouvernement n'a pas procédé à ce qui est urgent et nécessaire dans le domaine de l'assistance sociale, il y a des rumeurs qui circulent un peu partout dans la province. Il y en a une, la plus facile à lancer, qui dit que le gouvernement n'a pas assez d'argent. Il est clair qu'ayant écouté soigneusement le ministre des Finances l'autre jour, la province fait face à des difficultés financières. Il ne reste pas moins que, dans le cas des augmentations possibles, la moitié de ces sommes seraient disponibles du gouvernement central.

On dit: la loi conçue il y a plusieurs années déjà est maintenant démodée. M. le Président, je soumets respectueusement qu'il ne sera jamais démodé, quelle que soit la forme moderne que prendra notre système de sécurité sociale, de remplacer notre système actuel catégorisé par un système basé sur les besoins de chaque personne qui se présentera à la porte du ministère. On dit, et c'est le ministre qui l'a dit, lui-même, à certaines occasions, que l'appareil administratif n'est pas encore au point. Alors, M. le Président, nous connaissons l'attachement de mon ami le ministre à la saine administration. Je crois bien que, dans son foyer, parmi les lares et pénates, se trouve une petite déesse personnelle qui s'appelle saine administration.

Je crois, M. le Président, qu'il y a des personnes dans la population, et il y en a dans cette Chambre, qui sont fatiguées de faire des sacrifices devant l'autel de la saine administration. Le gouvernement, parce qu'après tout je ne voudrais pas tomber sur la tête personnelle du ministre, mais plutôt sur la tête collective du gouvernement.

Le gouvernement semble plus fort en administration qu'en résultats, et encore. Dans un de ces articles que j'ai omis tout à l'heure, il y a une explication qui est suggérée pour tout ce problème, une explication qui, à mon avis, est absolument fantaisiste et invraisemblable, mais je cite la Presse du 24 octobre de cette année. L'article est d'un journaliste sans doute très compétent et responsable. Pour ne pas le nommer, il s'appelle Michel Lord, et je cite les deux derniers paragraphes de son article: « Cependant, selon des sources fiables, il semble que ce ne seraient pas les véritables raisons du nouveau délai apporté dans l'adoption de cette loi. De fait, le Conseil des ministres se serait montré réticent devant certaines implications du nouveau projet de loi, principalement en matière financière. Dans la nouvelle loi, le ministère aurait voulu modifier les critères d'admissibilité à l'aide sociale, augmenter le montant des prestations en fonction des hausses du coût de la vie des dernières années. Selon ces mêmes sources, le ministre Cloutier n'aurait rencontré qu'hostilité chez ses collègues du Conseil des ministres, à propos de ces nouvelles dispositions de la Loi d'aide sociale.

Ces derniers estimeraient que le budget de l'aide sociale est déjà trop élevé et, plutôt que de songer à l'augmenter, il faudrait le diminuer ». Suggérer qu'il y ait hostilité et conflit à l'intérieur du gouvernement, c'est absolument inconcevable. Tout le monde sait que ce sont la colle, la corde et le ruban adhésif de la plus haute qualité qui empêchent le gouvernement de se désintégrer. Mais nous attendons toujours une mesure qui n'est pas attendue simplement par ceux qui parlent de ce côté-ci de la Chambre, mais par un grand nombre de personnes défavorisées et de personnes qui travaillent à l'aide des défavorisés. En terminant, si je condamne l'inaction du gouvernement dans ce domaine vital, par cette condamnation, je me fais le porte-parole de tous ceux qui s'occupent des défavorisés, de tous ceux qui sont défavorisés eux-mêmes et qui disent au gouvernement: Nous avons besoin de beaucoup plus que nous ne recevons actuellement, et cela dans un système complètement renouvelé, que le gouvernement nous promet depuis déjà trop longtemps et que nous ne voudrions pas attendre jusqu'à l'an prochain, mais que, malheureusement, nous nous trouvons maintenant à être obligés d'attendre au moins à la reprise des activités de cette Chambre en 1969.

M. HARVEY: Le ministre demande à la Chambre de voter $31,700,000 additionnels au budget régulier, pour payer les différentes allocations et, spécialement, l'assistance à domicile. Sans vouloir l'attaquer personnellement, ni vouloir attaquer le ministre des Richesses naturelles, qui est responsable devant cette Chambre d'une commission gouvernementale que l'on appelle la Commission hydro-électrique du Québec, je me demande s'il n'y aurait pas lieu, à ce stade-ci, de recommander au Cabinet, au Conseil des ministres, d'étudier très sérieusement la possibilité de reviser la décision prise récemment par les autorités de la Commission hydro-électrique du Québec, d'imposer la retraite aux travailleurs âgés de 60 ans. Voici pourquoi. Vous savez, M. le Président, et tous les membres de cette Chambre savent que les gens qui ont soixante ans aujourd'hui n'ont pas eu l'avantage de payer des contributions à une caisse de retraite depuis un nombre très considérable d'années. Vous savez également que l'entreprise privée, qu'on se plaît, à l'occasion, à critiquer...

Je donne un exemple concret. Au groupe Alcan, ici au Québec, lorsque certains employés, qui ont atteint l'âge de 60 ans, sont — et c'est vrai — moins productifs et empêchent la compagnie de réaliser un prix de revient qui ne lui permet pas de faire concurrence, leur offre, à 60 ou à 61 ans, de prendre leur retraite, en leur donnant, cependant, les mêmes bénéfices qu'ils auraient s'ils avaient atteint l'âge de 65 ans.

Nous avons récemment, sans critiquer une législation adoptée par cette Chambre, posé un geste ici comme législateurs. N'avons-nous pas également respecté les droits acquis pour le travailleur de 60 ans, qui est mis à la retraite à l'Hydro-Québec, une régie gouvernementale? Cette décision s'étendra peut-être demain à d'autres régies. J'ai à l'esprit des régies où, même s'il y a des conventions collectives... Cela s'étendra peut-être aux fonctionnaires en général et aux organismes pa-ragouvernementaux. Ces gens ont cinq ans de moins de contribution au régime de retraite de leur compagnie. Ils perdent cinq ans de bénéfice dans la Régie des rentes du Québec.

Il s'agit là d'un débalancement complet de la politique de sécurité sociale au Québec.

Si le législateur canadien a jugé à propos, après en avoir discuté longuement avec les ministres des différentes provinces du Canada, de réduire l'âge de la sécurité de vieillesse de 70 ans I 65 ans, c'est parce que l'on avait réalisé que, dans quelques années, on devrait réduire l'âge de la retraite en général à 60 ans.

Il est bien sûr que le jeune travailleur de 20 ans ou de 19 ans, qui commence à travailler aujourd'hui, a l'avantage, dès son entrée sur le marché du travail, de contribuer à une caisse de retraite. Ce jeune, s'il se marie, verra sa famille protégée. Il sera assuré d'une retraite et ses propres contributions lui éviteront de devenir, plus tard, un assisté social.

Dieu sait que ceux qui ont 60 ans aujourd'hui n'ont pas pu, eux, bénéficier des avantages que les jeunes ont! Ils ont dû également, devant ce train de vie que nous avons tous depuis une vingtaine d'années, s'acheter une maison. Ils ont seize ou dix-sept ans de termes de payés sur leur hypothèque et ils se volent placés sur des listes de rappel. Ils ne retourneront pas au travail. Ils seront appelés à retirer des prestations d'assistance à domicile. Le ministre sera le premier à admettre que l'assistance à domicile ou une allocation sociale ne permet que le strict nécessaire, et c'est tout à fait normal.

Je voudrais que le conseil des ministres, en réétudiant la décision — puisqu'il a autorité sur les commissions gouvernementales — prise par l'Hydro-Québec, prenne en considération que ces gens de 60 ans ont encore éga-

lement des enfants aux études, puisque, aujourd'hui, les jeunes vont aux études jusqu'à l'âge de 20, 22 et même 25 ans.

La grande majorité de ces gens de 60 ans, en plus d'avoir une habitation ou des obligations, ont encore à payer pour des honoraires professionnels ou encore pour des frais d'hospitalisation, parce que l'assurance-hospitalisation, pour eux, ne date que depuis quelques années. Ils n'avaient, auparavant, aucun avantage de bénéficier de la Loi de l'assistance publique, ayant des salaires assez élevés.

Il est bien sûr que ceux qui travaillaient pour la commission hydro-électrique du Québec étaient parmi ceux à qui on refuse régulièrement — et je ne dirais pas à tort — l'avantage pour leurs fils d'avoir un prêt ou une bourse d'étude, parce que leur salaire leur permettait de contribuer à l'éducation de leurs enfants. En les obligeant à prendre leur retraite, ils devront attendre la prochaine année scolaire pour avoir l'aide désirée pour permettre à leurs enfants de poursuivre leurs études et pour faire carrière.

Je voudrais, en toute objectivité, signaler ce problème.

Le cabinet se doit, en toute conscience, de reviser la décision prise par la Commission hydro-électrique du Québec de mettre à la retraite les travailleurs à l'âge de 60 ans, en imitant un geste posé par l'entreprise privée ici au Québec, le groupe Alcan, qui tente, par tous les moyens, de trouver des fonctions répondant aux capacités physiques de ses travailleurs âgés de 60 ans. Ou encore, quand il y a cette impossibilité, l'Alcan leur permet de prendre leur retraite, non pas en les privant de revenus, non pas en faisant en sorte qu'ils perdent leur propriété ou empêchent leurs enfants de continuer leurs études. Elle leur assure au contraire les mêmes avantages qu'ils auraient, s'ils avaient 65 ans. De plus, elle permet à ces gens, s'ils sont encore bons, de prendre un emploi temporaire dans d'autres secteurs et d'améliorer leur revenu, en attendant l'âge d'avoir l'allocation de sécurité de vieillesse qui est payée à tous les Canadiens.

Enfin j'ose espérer, connaissant personnellement le ministre de la Famille et du Bien-Etre social et de la Santé, qu'il insistera auprès de ses collègues du cabinet pour que cette décision de 1'Hydro-Québec soit revisée dans le plus bref délai.

M. BOURASSA: M. le Président, j'aurais simplement quelques remarques.

M. BELLEMARE: Moi aussi, parce que vous m'avez volé mon tour, tout à l'heure, pour me dire des bêtises. Vous allez passer après moi, cette fois-ci. Tout à l'heure, je vous avais laissé passer pour me dire des bêtises, mais pas cette fois-ci.

Je sais que l'honorable ministre de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre social aura lui aussi quelque chose à dire, à la suite de l'intervention de l'honorable député de Jonquière et de Kénogami, qui vient de soumettre un point particulier de relations de travail, pour les employés de 60 ans à l'Hydro-Québec. Je n'ai pas besoin de vous dire toute l'affection tendre et reconnue que j'ai pour l'Hydro-Québec J'ai déjà publiquement dit ce que je pensais de cette compagnie. Mais je dis qu'il est heureux que l'intervention de l'honorable député se fasse présentement. C'est sûr que cela sera consigné dans le journal des Débats et on pourra sûrement en envoyer une copie à quelqu'un, parce que les négociations doivent reprendre incessamment pour le renouvellement du contrat à l'Hydro-Québec.

Je pense que cela sera un des articles les plus discutés en négociation afin d'obtenir un compromis honorable. J'espère bien, et je veux que cela soit aussi dit au journal des Débats, qu'on aura à ce moment-là un égard particulier pour couvrir rétroactivement ceux qui sont pris aujourd'hui.

Je pense que c'est complet. Les négociations vont rouvrir. Je suis un de ceux qui les suivent du plus près. Comme dans les cinq grands contrats que nous avons eu à négocier, il y a deux ans, nous aurons à reprendre d'ici quelques jours des négociations nouvelles dans le secteur que vient de mentionner l'honorable député de Jonquière. Je m'engage personnellement à faire le nécessaire pour qu'on étudie à la table des négociations justement ce problème. C'est un problème humain, un problème, comme il l'a si bien dit, qui doit être résolu, pas en regard d'un objectif budgétaire, mais en regard de ce qu'un homme a pu donner à une compagnie au point de vue rendement.

M. HARVEY: Le ministre me permettra une intervention très rapide. Si j'ai attendu à l'article du budget du ministère de la Famille et du Bien-Etre social, c'est que je savais fort bien que si ces travailleurs perdent leur travail, leur emploi régulier, ils devront nécessairement avoir recours et demander de l'aide au ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Or mon collègue, le député de Saguenay, a tenté à la période des questions, de soulever un débat et on sait que les règlements ne nous le permettent pas.

J'attirerais cependant l'attention du ministre du Travail, leader de cette Chambre, sur un point très précis. Nous, les législateurs, nous nous affolons. Nous sommes souvent révoltés devant l'attitude que prennent certaines gens ou devant leur compréhension relativement à certaines législations que nous passons dans cette Chambre.

Tout à l'heure, voulant demeurer dans l'ordre, très calmement, je faisais allusion à une législation qui a été apportée et où on a, de part et d'autre, parlé de droits acquis. Comment voulez-vous que le travailleur raisonne qu'après avoir passé quelques années en cette Chambre, un législateur ait droit à des bénéfices si, après avoir dépensé toute sa vie dans l'industrie, on le met à sa retraite prématurément, cinq ans avant son temps, et on vend ça pour qu'il perde tout

Je remercie le ministre du Travail qui m'a dit qu'il verrait lui-même à ce que, lors des prochaines négociations, ce problème-là soit étudié à fond. Mais entre-temps, Je voudrais qu'il aille plus loin et qu'il soit le secondeur du ministre de la Famille, qui va certainement —s'il le veut bien, il me le dira lorsqu'il prendra la parole tout à l'heure — soulever au cabinet ce problè-me crucial qui risque de déséquilibrer la politique de sécurité sociale au Québec.

M. BELLEMARE: Sûrement.

M. BOURASSA: M. le Président, Je voudrais être aussi concis que possible sur cette question des sommes considérables qui doivent être accordées pour l'augmentation du budget du Bien-Etre social. On voit que, dans le budget supplémentaire de $40 millions, il y en a les trois quarts qui vont être consacrés à ce ministère.

Ce qui est inquiétant et ce qui doit être extrêmement préoccupant pour le ministre des Finances, c'est le taux de croissance dans les paiements sous ce rapport. Nous avons un budget qui atteindra, au ministère de la Famille et du Bien-Etre social, Je pense, avec le budget supplémentaire, quelque $450 millions de dollars, alors qu'en Ontario, le budget prévu pour cette année, Je pense, est d'environ $120 millions de dollars. Alors, il y a, dans cette sécurité sociale, des sommes de plus en plus importantes qui sont données pour faire face à des besoins qui sont évidents.

Si nous examinons certaines causes de cette augmentation, je pense à l'assistance médicale — le ministre est au courant, évidemment il pourra nous donner tantôt des raisons pour lesquelles l'assistance médicale coûte au -moins 50% de plus au Québec que dans la ville de New

York — je comprends que la comparaison avec la ville de New York, qui se trouve à assurer un plus grand nombre de personnes, des salariés, si mon information est bonne, dont le salaire est inférieur à $6,000, je pense que la comparaison ne peut pas se faire sous chaque point.

Mais il reste quand même qu'à cause des conditions actuelles, notamment le fait que nous n'ayons pas encore l'assistance-médicaments et que les médecins, selon la rumeur que l'on entend de plus en plus, exigent des honoraires pour remplacer les médicaments qu'ils peuvent procurer aux malades, bref à cause du fait que l'assistance-médicaments n'existe pas encore, nous avons une augmentation tris rapide, sous le titre de l'assistance médicale, et J'aimerais bien que tantôt le ministre puisse nous donner des explications sur le retard à appliquer l'assistance-médicaments.

Il y a aussi la question de la fraude dans le ministère du Bien-Etre social. C'est une question qui, je n'en doute pas, doit préoccuper le ministre; mais le ministre pourrait, encore là, nous informer sur cette expérience qui a eu lieu, qui a été publiée dans plusieurs journaux au cours de la grève des postes. Selon les rumeurs, il y aurait eu un très grand nombre de chèques qui étaient destinés aux bénéficiaires et qui sont revenus au ministère faute d'adresses, révélant ainsi un taux de fraude qui, paraît-il, serait très important.

Alors quand on connaît les problèmes financiers de la province actuellement, quand on connaît les limites de ces ressources financières et quand on peut soupçonner qu'il y ait une fraude relativement importante dans un des ministères dont la croissance des dépenses est l'une des plus rapides et dont le volume de dépenses est de plus en plus important, sa part relative dans le budget total, il est rigoureusement essentiel de prendre tous les moyens pour éliminer cette fraude et pour administrer aussi efficacement que possible les deniers publics.

On nous signale, M. le Président, que, depuis quelques années, il y a ce phénomène nouveau, c'est-â-dire ces célibataires de 18 à 35 ans, qui sont de plus en plus nombreux, parmi les bénéficiaires de l'assistance sociale. Encore là, j'aimerais avoir certains chiffres de la part du ministre.

Combien s'y trouvent? Comment y en a-t-il qui sont bénéficiaires? Quels moyens sont pris? Un fichier central ou toutes sortes d'autres moyens... Combien, pour reprendre une suggestion du chef de l'Opposition, reçoivent de l'assistance publique, disons à la dernière date que peut avoir le ministre? Et quel système

le ministre entend organiser ou est en train d'organiser pour assurer que ces jeunes puissent travailler là où existent des besoins? C'est-â-dire les contacts que le ministère a avec les centres de main-d'oeuvre, qu'ils soient provinciaux ou fédéraux.

Ce sont différentes questions qui mettent en relief les problèmes extrêmement épineux que cause la hausse très rapide des dépenses de sécurité sociale. J'ai déjà eu l'occasion de démontrer que depuis cinq ans... j'avais choisi une période de cinq ans pour éviter toute référence partisane, parce que ce n'est pas un phénomène qui est tout à fait récent, et je pense qu'on doit considérer cette question d'une façon aussi objective que possible.

Or, le budget prend de plus en plus d'importance. Le budget est l'une des causes des problèmes financiers très épineux de la province. Et c'est pouquoi c'est peut-être là qu'il faut faire le plus d'efforts pour améliorer l'administration. Mais la vraie solution — le ministre le sait — c'est évidemment d'essayer de diminuer le taux du chômage qui, au Québec, demeure très élevé puisque depuis un an, nous avons eu une détérioration qui fait qu'il y a 30% de plus de chômeurs par rapport à novembre 1967.

M. le Président, je pense que je peux ici commenter certaines remarques qui ont été faites hier, relativement à la situation économique du Québec reliée directement au problème du nombre d'assistés sociaux, par le ministre de l'Industrie et du Commerce, le député de Lafontaine. Nous voyons d'ailleurs aujourd'hui dans certains journaux des manchettes entre autres: « Prolifération des investissements au Québec ». Je ne pense pas, M. le Président, qu'en énumérant des cas particuliers — comme ç'a été fait hier — qui, inévitablement, constituent en fin de compte une liste assez imposante, on puisse conclure à une prolifération relative des investissements au Québec, surtout lorsqu'on voit que plusieurs de ces cas se situent dans le secteur pétrolier.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse de rappeler à l'honorable député qu'il fait référence à un débat antérieur, premièrement. Et deuxièmement, avec...

M. LESAGE: Curieusement à un débat sur le bill de la ville de Montréal.

M. LE PRESIDENT: Sur la ville de Montréal, oui. Et avec toute la bonne volonté possible, j'essaie de faire une relation entre ce qu'il dit actuellement et l'article à l'étude et mal- heureusement, je n'y arrive pas. J'invite donc l'honorable député à revenir à l'article en discussion.

M. BOURASSA: M. le Président, j'essaie de démontrer que la situation économique — je parle de la situation économique de façon générale — a des implications sur le budget du ministère du Bien-Etre social et je fais certaines remarques sur le nombre de nouveaux emplois qui peuvent être créés par des investissements au Québec.

Or, je signale que dans le secteur pétrolier, il en coûte beaucoup plus cher que dans un autre secteur pour créer un nouvel emploi, pour des raisons techniques qu'il serait fastidieux d'expliquer ici, et surtout en raison du fait que dans ce secteur, les investissements peuvent paraître importants, mais lorsqu'on sait qu'une très bonne partie de ces investissements vont se concrétiser sous forme d'importation d'équipement de l'extérieur du Québec, on réalise qu'en fin de compte elles ne produisent pas tellement de nouveaux emplois. C'est d'ailleurs pourquoi le chômage augmente tellement au Québec, malgré qu'il y ait des investissements qui se maintiennent dans le secteur manufacturier.

On peut jouer facilement avec les pourcentages. On compare le pourcentage de l'augmentation des investissements au Québec — le ministre du Travail regarde l'heure, je l'assure que ça ne sera pas tellement long...

M. BELLEMARE: Est-ce que vous me suivez jusque dans ce détail-là? Alors, je vais sortir et je ne vous dirai pas où je vais.

M. BOURASSA: Non, non. Je sais que le ministre du Travail a travaillé très dur aujourd'hui. Je ne veux pas abuser de la situation par un discours trop long.

M. BELLEMARE: Ce ne sera pas long, vous allez voir.

M. BOURASSA: M. le Président, quand nous comparons les pourcentages des différentes provinces, au Québec... Il est clair que dans le cas de l'Ontario où l'on a deux fois plus d'Investissements dans le secteur manufacturier que dans le Québec, il est plus difficile d'y accroître le pourcentage de croissance que dans le Québec que nous pouvons facilement jouer avec les pourcentages pour montrer une situation favorable. Ce qui compte ce sont les résultats réels. Les résultats réels doivent être considérés au niveau des nouveaux emplois qui sont créés. Or, nous voyons les résultats avec les statistiques de chômage...

Quand nous établissons des moyennes, par exemple, de 1961 à 1966, que nous comparons avec une moyenne de 1967 et 1968... c'est évident qu'en prenant une moyenne sur cinq ans... Si au départ les chiffres sont très élevés, nous pouvons arriver à des résultats tout à fait défavorables et qui n'expriment pas clairement la situation. D'ailleurs, un député hier me donnait un exemple concret en me disant qu'évidemment dans le lac Saint-Pierre si nous supposons qu'il y a une moyenne de quatre pieds et demi pour tout le lac, nous pouvons en théorie, traverser le lac; mais, nous savons fort bien, en pratique, ce qui arrive. J'ai constaté que cet exemple concret se trouvait à mettre en relief combien il était dangereux, pour prouver une thèse...

M. HOUDE: C'est mieux à la nage.

M. BOURASSA: ... comment il était risqué ou difficilement acceptable de recourir à de tels procédés. Le ministre de l'Industrie et du Commerce mentionnait les investissements privés et les investissements publics au Québec...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je sais très bien que, par nature, le député de Mercier n'est pas un récidiviste. Je lui rappelle tout simplement les deux arguments que j'ai employés tout à l'heure pour lui dire qu'à mon sens — je peux faire erreur dans mes remarques—l'argumentation qu'il développe actuellement n'entre pas dans le sujet que nous discutons.

M. BOURASSA: M. le Président, d'accord, je réfère à un débat antérieur, mais je pense que quelle que soit la référence qui est faite, le sujet dont je discute — la situation économique du Québec — est pertinent au débat. Je réfère à un exposé qui a été fait hier, à l'exposé très optimiste du ministre de l'Industrie et du Commerce. Je veux simplement signaler que quant aux immobilisations totales, dis-je, publiques et privées, ainsi qu'au plan des immobilisations ou des investissements publics, la part relative du Québec par rapport au Canada est nettement inférieure à la proportion de sa population.

C'est-à-dire que si nous prenons les proportions de 1967 qui, je pense, seront les mêmes pour l'année 1968, nous nous apercevons que dans le cas des immobilisations ou des investissements publics nous n'avons que 20% du total. Dans le cas des immobilisations totales, nous avons également seulement 21% du total. Alors, la façon de régler — le ministre sera d'accord là-dessus — du moins en partie, le problème de l'assistance-chômage et le problème du budget de plus en plus important du ministère du Bien-Etre social, c'est d'avoir une politique économique aussi vigoureuse que possible.

Or, il faut bien admettre que nous attendons encore des mesures qui auraient pu améliorer la situation: Le Centre de recherches industrielles, on l'a annoncé cinq ou six fois. Le ministre du Travail, lui-même, l'a annoncé à quelques reprises; le Centre de recherche minérale, l'Office de développement. Ce sont trois projets qui étaient, je le pense, tout à fait important pour renforcer la structure de notre économie. Le Conseil de recherche, également. Il y a actuellement un manque de coordination entre l'université, le monde des affaires et l'entreprise privée. Un conseil de recherche tel qu'il est proposé et tel qu'il est, je le pense, est prêt à être soumis depuis plusieurs années: il pourrait permettre une coopération plus étroite et ainsi éviter un dédoublement inutile. Il pourrait permettre ou apporter des résultats heureux sur le plan de la recherche ou sur le plan de la recherche de nouveaux produits avec toutes les conséquences que ceci, va apporter pour le développement économique.

Je veux simplement donner ici quelques mesures pour relancer l'économie. On pourrait organiser la recherche appliquée en l'axant, par exemple, sur les sous-produits de la forêt, dans une région donnée, ou sur les sous-produits de l'huile ou encore sur le potentiel minier, afin d'avoir des résultats concrets. On pourrait également formuler une politique de l'énergie. Encore là, ç'a été annoncé à plusieurs reprises. Le ministre des Richesses naturelles a annoncé une politique de l'énergie, pour bientôt, mais nous l'attendons encore. Nous sommes à la fin de la session, et rien n'existe encore sous ce rapport. Une politique de l'énergie pourrait assurer, dans le cas de certains moyens énergétiques, une tarification adaptée aux nécessités régionales. On a parlé récemment - on en avait parlé à plusieurs reprises dans le passé - des subventions qui sont données au développement de l'industrie. Je pense qu'avec les ressources financières limitées actuelles de la province il est important de faire en sorte que ces subventions soient aussi efficaces que possible. On doit donc les rendre plus flexibles, plus sélectives, au lieu de les donner à toutes les entreprises, même à celles qui viendraient de toute façon.

Si on voulait relancer l'économie d'une façon vigoureuse, on pourrait essayer d'augmenter l'impact des délégations commerciales. Actuellement, on a quelques délégations com-

merciales, mais il y a des régions entières, par exemple, le sud et l'ouest des Etats-Unis qui ne paraissent pas pressenties par le gouvernement du Québec. Je lisais, hier, un compte rendu de l'action du ministre de l'Industrie et du Commerce de l'Ontario, M. Randall qui, lui, depuis quelques années, entreprend de visiter et de contacter ces régions. On connaît les résultats pour l'Ontario. Alors, tant sur le plan des investissements que sur celui des exportations des produits québécois, il y a, pour le Québec, des possibilités d'action qui présentement ne semblent même pas considérées. M. le Président, voilà quelques moyens; il y en aurait d'autres: une utilisation plus dynamique du ministère de l'Industrie et du Commerce, la création de sociétés régionales, la formation d'une main-d'oeuvre dans une optique régionale. Les moyens ne manquent pas au gouvernement actuel pour relancer l'économie aussi vigoureusement que possible.

Oui, j'achève, quelques minutes seulement. Je vois que le ministre du Travail est impatient.

M. BELLEMARE: Vous l'avez dit une fois, deux fois, trois fois.

M. BOURASSA: Pardon?

M. BELLEMARE: C'est la quatrième fois que vous nous le dites.

M. BOURASSA: Ce n'est pas la quatrième fois que je donne ces exemples-là; c'est la première fois. Le ministre était absent; il ne peut pas dire si je répète ou non. Ce sont des propositions que je fais pour la première fois.

M. ROY: Encore une fois, la réplique au député de Lafontaine. Troisième fois ou quatrième fois.

M. BOURASSA: ... Là où je répète, M. le Président, c'est sur la nécessité de relancer l'économie. Je me sens d'autant plus justifié à répéter que le ministre ou son gouvernement répète ou annonce depuis sept ou huit fois des mesures qui sont essentielles et qu'il n'applique même pas, comme le Centre de recherche industrielle, le Centre de recherche minérale, une politique de l'énergie et l'Office de développement. Je pense que je suis autant justifié à répéter l'importance de ces mesures que le gouvernement l'est, lui, à répéter l'annonce de leur réalisation qui se fait encore attendre.

Quand on a une augmentation du chômage de 30%, je pense qu'il est normal, pour les députés de l'Opposition et surtout pour ceux qui ont une responsabilité en matière économique, d'insister aussi fermement que possible sur la nécessité d'une politique vigoureuse et concrète. Or, tant dans le domaine linguistique que dans le domaine économique — les deux priorités actuelles du Québec — on doit constater, si on examine le bilan, l'immobilisme du gouvernement.

Alors, M. le Président, je conclus que, pour arriver à apporter une solution à la croissance extrêmement rapide des dépenses de bien-être social, il y a deux solutions: une efficacité accrue sur le plan administratif - nous entendrons tantôt le ministre du Bien-Etre social sur les mesures qui seront prises à cet effet — et une politique économique qui tienne compte des priorités actuelles du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Famille et du Bien-Etre social.

M. CLOUTIER: Je vais tenter de résumer le plus brièvement possible mes remarques. Vous comprendrez que ce n'est pas facile, étant donné que c'est un sujet extrêmement vaste, extrêmement complexe, et qui demanderait évidemment que j'élabore assez longuement sur certains points particuliers. De toute façon, je tenterai de m'en tenir aux aspects qui ont été soulevés. Je tenterai de répondre particulièrement aux questions posées directement dans les interventions des trois membres de l'Opposition, questions directes ou questions que laissent supposer les observations qu'ils ont faites.

D'abord, je voudrais noter tout de suite que mes remarques seront faites comme d'habitude en dehors de toute partisanerie. C'est également je crois, le caractère qu'ont voulu donner à leurs remarques aussi les trois députés qui ont pris la parole avant moi. Je note, comme d'habitude évidemment avec plaisir, la gentilhommerie du député de D'Arcy-McGee. En termes de sport, on pourrait dire qu'il lance mais qu'il retient son lancer. De toute façon, il est un concurrent très sérieux au trophée Lady Bing. Le député de D'Arcy-McGee a raconté les déclarations que j'aurais faites, relativement à la Loi d'aide sociale. Il a insisté, il a voulu faire ressortir, je pense bien, le caractère urgent de cette loi-cadre d'aide sociale. Je ne nierai pas que c'est une législation extrêmement importante. Elle a demandé de la part du ministère de la Famille, de la part de nos officiers, elle demande encore du travail, elle demande de la discussion et elle demande de la consultation.

II est exact qu'à certains moments, on l'adit quatre fois, je pense qu'on peut se résumer à deux sessions, il est exact que, dans des interventions publiques en Chambre et en dehors de cette Chambre, j'ai manifesté un désir très vif pour que cette loi soit introduite ici à l'Assemblée législative. Je n'ai pas l'intention de tenter de justifier les événements qui m'ont amené à différer la présentation de ce projet de loi. Je voudrais seulement insister sur certains aspects particuliers qu'on ne doit pas oublier, et sur lesquels j'ai déjà eu l'occasion d'élaborer lors de conférences de presse. Je voudrais revenir particulièrement aux aspects suivants: C'est qu'au cours de nos travaux de réorganisation du ministère de la Famille et du Bien-Etre social, au cours de nos travaux de restructuration du ministère, au cours de cette opération de régionalisation, nous nous sommes aperçus que, pour mettre en place et que pour administrer une loi aussi importante, une loi qui a des implications tellement importantes et du point de vue financier, et du point de vue économique et du point de vue social, il nous fallait nous assurer que nous avions réellement des mécanismes administratifs étanches, bien établis. Il nous fallait un personnel de qualité, bien entraînê, plus nombreux, bien formé. Il nous fallait établir, dans chaque région, des points de service que nous avons identifiés et qui sont au nombre de 67 bureaux locaux et de 10 bureaux régionaux. Nous nous sommes basés en cela sur la carte administrative de la province.

On se rend compte, avec tout ce que cela suppose de communications à l'intérieur du gouvernement, avec la Fonction publique, pour le recrutement, l'entraînement à la sélection et à la formation de ce personnel, avec le Conseil de la trésorerie et la direction des effectifs, de ce que cela suppose d'effectifs nouveaux. On sait que cela représente avec l'intégration, le personnel que nous irons chercher dans les agences sociales, et le personnel nouveau que nous recrutons à partir de concours et celui que nous allons recruter dans les promotions de CEGEP, cela représente dis-je, 500 nouveaux agents de sécurité sociale. Ajoutez à cela les autres mécanismes de coordination et de gestion centrale, vous pouvez vous imaginer, et j'allais oublier évidemment tout cet aménagement physique de 77 bureaux, avec la collaboration du ministère des Travaux publics, vous vous imaginez quelle opération d'envergure cela représente.

Ce qui a davantage arrêté notre attention, c'est ce besoin, cette importance de posséder, dans ce domaine de la distribution, des sommes qui totalisent, dans l'assistance-chômage seulement, $160 millions avec ces sommes supplé- mentaires, et au delà de $200 millions, si on ajoute toutes les autres prestations qui sont distribuées.

Pour des sommes aussi importantes, il est essentiel que nous ayons des mécanismes de distribution complètement étanches, où la fraude, où la mauvaise distribution seront exclus. Non seulement cela. Il nous faut en même temps avoir des mécanismes de prévention et de réhabilitation. On sait l'Incitation, pour une certaine classe de la population, que ce soient des handicapés physiques, des handicapés mentaux, que cette dépendance sociale soit occasionnée par d'autres problèmes, comme celui, le plus courant, du chômage. H est important que nous ayons en même temps l'établissement de mécanismes, d'abord de prévention et de réhabilitation avec les autres ministères du gouvernement. C'est pourquoi j'ai sensibilisé à diverses reprises, et encore durant toute l'année 1968, mes collègues du cabinet, mes collègues des autres ministères, particulièrement les ministères à vocation économique, sur l'importance qu'il y avait pour eux de travailler en étroite collaboration avec le ministère de la Famille. Je vous donnerai quelques exemples.

Nous avons, avec le ministère du Travail et le ministère de l'Education, il y a plusieurs mois, il y a de cela près d'un an, mis en place un comité spécial à l'échelon ministériel. Les trois ministres se sont rencontrés avec des fonctionnaires pour établir tout ce mécanisme de coordination entre nos trois ministères, pour la formation, particulièrement, de ceux qu'a nommés le député de Mercier, les célibataires de 18 à 35 ans, afin de les faire déboucher autant que possible sur ces programmes de formation professionnelle. C'est un exemple.

Nous avons mis en place d'autres mécanismes de coordination avec d'autres ministères. Je suis heureux de mentionner particulièrement la collaboration que j'ai reçue du ministère des Terres et Forêts. A la suite de ces projets pilotes qui ont été amorcés, nous avons cette année donné plus d'envergure à ce programme. Il fonctionne maintenant dans le territoire de l'aménagement de l'Est du Québec, en Gaspésie et dans le bas du fleuve. Il fonctionne également dans deux autres régions de la province. Nous comptons l'étendre dans toutes les régions de la province où il y a une main-d'oeuvre qui peut être récupérée pour ce travail de sylviculture et de reforestation. Nous espérons, par l'entente que nous avons conclue avec le gouvernement fédéral, en vertu du régime canadien d'assistance publique, la partie trois, nous comptons, dis-je, être en mesure de détourner ces sommes que nous versions

en allocations du bien-être social, en assistance-chômage et partagées avec le fédéral à 50% maintenant pour donner des salaires à ceux qui vont faire ce travail de reforestation et de sylviculture.

En plus de la revalorisation que nous donnons à ces ouvriers, autrefois ouvriers de la forêt ou ouvriers fermiers, Je pense que nous pourrons leur faire acquérir aussi, en les faisant déboucher sur ces programmes de formation professionnelle, un métier afin qu'ils ne soient plus des assistés sociaux mais des gens qui auraient réintégré le marché normal du travail.

Avec d'autres ministères, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, nous avons également pour les pêcheurs, particulièrement au moyen de subsides de la part du ministère de l'Industrie et du Commerce, de primes plus généreuses, d'un système d'encouragement à ce qu'ils exercent leur métier, empêché des centaines d'entre eux de venir sur nos listes d'assistés, leur permettant plutôt de faire un travail utile, un travail rémunérateur.

Voilà brièvement ce que nous avons fait avec quelques-uns des ministères seulement, parce qu'il y en a d'autres. J'aurai l'occasion, plus tard au cours d'autres interventions, notamment au cours de l'étude des crédits, l'an prochain, d'expliquer en détail toute l'importance que nous attachons, au ministère de la Famille et du Bien-Etre social, à ces mécanismes de réhabilitation et de retour à la vie normale.

On s'interroge, dans le domaine de l'assistance sociale, sur un autre aspect important du problème: l'augmentation du nombre d'assistés. Sans entrer dans des considérations techniques comme l'analyse de toutes les sortes de chômage, sans entrer dans des considérations trop économiques — je pense pas que ce soit le rôle du ministre cet après-midi d'intervenir spécialement dans cette dimension du problème, même s'il me préoccupe de façon particulière — je vous dirai qu'il y a des raisons très faciles à identifier expliquant cette augmentation très importante du nombre des assistés.

Il y a d'abord tous ces métiers et professions qui disparaissent. Il y a un nombre important de cultivateurs qui, à venir jusqu'à récemment, travaillaient sur des terres à revenu marginal et qui, devant l'insuffisance des revenus, ont abandonné cette vocation, n'ayant comme seule ressource que cette assistance publique, cette assistance sociale.

Il y a des métiers de la forêt qui disparaissent à la suite de l'Industrialisation, des changements technologiques. Il y a des métiers de la pêche qui disparaissent également et qui font s'allonger de plus en plus le nombre d'assistés sociaux sur nos listes.

Il y a aussi la disparition de certains programmes, et je voudrais mentionner le plus important. Récemment, le gouvernement fédéral a annoncé la disparition du programme de travaux d'hiver. On avait habitué jusqu'alors des centaines et des centaines de travailleurs à bénéficier de ces programmes. Sans aucun avertissement, sans aucune formule de remplacement valable, si ce n'est le fait qu'on a invoqué que c'était remplacé par des programmes d'aménagement régional et des programmes de formation professionnelle. On a aboli ce programme et maintenant, des centaines de travailleurs qui auraient trouvé du travail en vertu de ces programmes deviennent par la force des choses des assistés sociaux.

Je ne veux pas porter de jugement sur la valeur de ces programmes de travaux d'hiver.

J'ai été l'un de ceux qui, ayant travaillé longtemps au niveau municipal, un de ceux qui se sont posé des questions sur l'utilité et les améliorations désirables à ce programme de travaux d'hiver. Mais c'est un fait que sa disparition — nous l'avons constaté au ministère de la Famille — a contribué à augmenter le chômage.

Tout à l'heure, le député de Mercier a parlé aussi d'autres incitations telles que l'assistance médicale. Evidemment, là aussi, c'est un autre facteur qui s'ajoute, facteur d'incitation, pour une certaine partie de la population, à requérir des secours et des prestations d'assistance-chômage ou d'allocations catégorisées.

M. le Président, évidemment je ne pense pas qu'aujourd'hui on puisse le faire, je ne veuxpas entrer dans ces discussions d'assistance médicale, d'assurance-maladie. Notre position là-dessus est bien connue. Il y aura lieu prochainement de répéter la position ou les principes qui nous guident ici dans le Québec à l'égard de ces programmes qui ont été lancés par un autre ordre de gouvernement. Mais il reste un fait: avant d'élargir un programme d'assistance médicale, avant d'inaugurer un programme d'assurance-maladie, quel qu'il soit, même selon la position que j'ai exprimée maintes fois, par étapes, avant d'Instaurer également un régime d'assistance-médicaments qui viendrait compléter un régime d'assistance médicale, je ne crois pas qu'on puisse oublier que, là aussi, en posant ce geste, il y a là davantage une incitation pour une autre partie de la population, à recourir à l'assistance du ministère. Je parle de ceux qui ne sont pas des assistés sociaux, mais qui sont juste au-dessus de la barre, ceux qui sont considérés comme des marginaux. Il y

aura là une incitation avec cette législation d'assistance médicale, devant cette législation d'assistance-médicaments, il y aura une incitation encore accrue et considérable à s'inscrire sur des listes d'assistés sociaux. Je ne pense pas qu'on puisse poser ce geste d'instaurer un système d'assistance-médicaments en le dissociant d'une mesure d'assurance-maladie. Je pense que l'étape de l'assurance-maladie ou de l'assistance-médicale élargie qui va venir aider une autre partie de la population, pourra être accompagnée à ce moment-là d'une mesure d'assistance-médicaments. Je pense qu'il y a, comme on dit dans un langage bien imagé, un timing, c'est l'expression du ministre du Travail, son expression favorite... un timing dont nous devons tenir compte.

Le député de Mercier a soulevé la question des fraudes, M. le Président, vous comprendrez que c'est un sujet extrêmement délicat. Je pense que l'Opposition ne peut pas me faire le reproche d'être assez prudent dans les déclarations que je dois faire à ce moment-ci, étant donné cette vaste opération que nous avons commencée il y a déjà plusieurs mois, plus précisément l'an dernier, au ministère de la Famille, alors que nous avons mécanisé pour les fins des allocations familiales et que nous avons aussi entrepris de mécaniser et de moderniser l'administration en vue de la loi d'aide sociale. Nous nous sommes rendu compte à ce moment-là de certaines irrégularités, En fouillant davantage, en accentuant l'importance de cette opération-enquête, nous avons découvert — et maintenant c'est public — ce que je peux qualifier d'un réseau organisé de fraudes dans le domaine du bien-être social.

Ce que l'on sait actuellement, les arrestations que l'on a vues et les sanctions qui ont été prises peuvent nous faire croire qu'il y avait un lien entre ces différents individus. C'est dans ce sens-là que je dis que c'était identifié dans ce bureau local que l'on connaît. Il y avait un système qui tendait de plus en plus à se généraliser. Nous sommes intervenus. Nous avons confié au ministère de la Justice les résultats de nos propres enquêtes et le ministère de la Justice a imposé les sanctions qui s'imposaient.

Nous avons étendu cette opération d'investigation à toute la province. Je peux vous dire que, dans ce domaine-là, des dossiers ont déjà été transmis au ministère de la Justice et que d'autres seront transmis. Dans tous les cas, les sanctions seront exercées. Il faut bien distinguer entre deux sortes d'activités. Il y a la fraude directe, mais il y a aussi cette activité des assistés sociaux qui, par des déclarations plus ou moins exactes, par des revenus non déclarés — revenus du travail ou autres — ne se conforment pas aux lois dans le domaine de l'assistance sociale. Alors, c'est dans ce sens qu'il y a deux séries de fraudes bien distinctes.

Je l'ai déclaré déjà, nous irons au bout de cette opération extrêmement importante qui fait partie de toute l'implantation de ce réseau de bureaux et qui fait partie également de la mécanisation et de la régionalisation. De cette façon, les sommes importantes que nous pourrons récupérer et que nous n'aurons pas besoin de distribuer pourront servir à verser des allocations plus généreuses à ceux qui en ont véritablement besoin.

Le député de Mercier m'a demandé quelles étaient les statistiques quant aux célibataires de 18 à 30 ans. En janvier 1968, d'après les statistiques que j'ai ici, il y en aurait eu 14,000 dans toute la province, qui retiraient des bénéfices de l'assistance-chômage. Je veux répondre aux questions plus précises que m'a posées le député, en lui disant que le conseil des ministres a accepté de prendre des mesures spéciales en ce qui concerne ce secteur de nos assistés sociaux.

Il est plus difficile, pour eux, d'accéder aux allocations d'assistance-chômage. D'abord, ils ne doivent posséder aucun bien, aucun argent, alors que d'autres personnes peuvent posséder $200. Les célibataires de 18 à 30 ans ne doivent avoir aucun montant d'argent en leur possession.

M. BOURASSA: C'est une directive du ministère?

M. CLOUTIER: C'est une directive du conseil des ministres, approuvée par un arrêté en conseil. Deuxièmement, les célibataires âgés de 18 à 30 ans doivent se prévaloir de tous les mécanismes de formation professionnelle. Ils n'ont pas le choix entre utiliser ou ne pas utiliser les mécanismes de réadaptation à leur disposition. Quand ils soumettent une demande dans les bureaux locaux, il y a une formule qui s'en va au centre de main-d'oeuvre fédéral et au centre de main-d'oeuvre provincial, de sorte que, s'ils refusent un emploi, tout de suite, l'allocation est enlevée automatiquement.

Il y a également, M. le Président, une différence d'allocation. Ils ont des allocations moins généreuses que les célibataires de plus de 30 ans ou les gens qui ont des familles ou qui ont charge de famille. Voilà, M. le Président, les mesures que nous avons prises dans le cas de ces assistés sociaux de 18 à 30 ans, afin de leur faciliter le retour à la vie normale et l'utilisation des mécanismes de réhabilitation!

De plus, et je pense que c'est un aspect important que je dois souligner, en attendant notre

loi-cadre d'aide sociale, le conseil des ministres a adopté des mesures intérimaires, des mesures qui vont coordonner les allocations actuellement distribuées, qui vont coordonner les normes en vertu desquelles toutes ces allocations sont actuellement distribuées. Ces normes intérimaires, qui coincident avec l'ouverture des 67 nouveaux bureaux, et qui sont une étape intermédiaire entre la situation actuelle et la situation qui existera avec la nouvelle loi d'aide sociale, ont donc pour but de rationaliser les prestations versées, d'uniformiser les critères. Je pense que c'est une étape importante sur laquelle, jusqu'à maintenant je n'avais pas eu l'occasion d'élaborer. Je le fais cet après-midi, et j'aurai plus tard l'occasion de donner des observations additionnelles sur l'importance de cette opération.

M. le Président, je ne sais pas si les membres de l'Opposition, les trois députés qui sont intervenus dans ce débat, voudraient que j'explicite davantage ou voudraient que je traite d'autres aspects en particulier.

M. LESAGE : J'ai une question à poser.

M. CLOUTIER: Je voudrais aussi répondre au député de Jonquière qui a soulevé un problème particulier. Je veux l'assurer que je m'intéresserai de façon particulière à ce problème. Nous aurons, les ministères des Richesses naturelles et de la Famille, cette coordination qui nous permettra d'étudier ce problème particulier qu'il a soulevé, ce mécanisme de coordination, comme j'en ai créé avec la collaboration de mes collègues, avec les Terres et Forêts, avec le Travail et le ministère de l'Education. Je vois que le chef de l'Opposition a une question.

M. LESAGE: Oui, j'ai une question. Je ne sais pas si le ministre de la Famille et du Bien-Etre l'a mentionné tout à l'heure. J'ai dû m'absenter de la Chambre pour étudier des modifications apportées par le Conseil législatif à deux projets de loi. Quel est le nombre de récipiendaires d'assistance-chômage et d'assistance publique à domicile? Je réfère à l'article que nous étudions.

M. CLOUTIER: Au total, ou les célibataires de 18 à 30 ans?

M. LESAGE : Non. Quel est le nombre total des récipiendaires d'allocations d'assistance-chômage et d'assistance publique?

M. CLOUTIER: Le ministre des Finances, je pense, a donné le chiffre, en 68/69: 158,000, si ma mémoire est bonne. En vertu de l'assistance- chômage...

M. LESAGE: A quelle date cela?

M. CLOUTIER: C'est la moyenne que le ministre des Finances a donnée pour 68/69.

M. LESAGE: Quelle était la moyenne pour l'année précédente?

M. CLOUTIER: Pour 68/69, en juin, j'ai ici un tableau qui me donne les bénéficiaires d'assistance-chômage, mais ce sont ceux qui sont invalides pour 12 mois et moins : il y en a 104,684. Le chef de l'Opposition veut savoir pour l'année précédente, en 67/68?

M. LESAGE: Le mois de juin ne m'intéresse pas particulièrement. Quel était le nombre de récipiendaires d'assistance-chômage et d'assistance publique au mois d'octobre 1968? Quel était le nombre des mêmes assistés pour le mois d'octobre 1967.

M. CLOUTIER: Je n'ai pas le chiffre du mois d'octobre 1968.

M. LESAGE : Quel est le dernier chiffre connu?

M. CLOUTIER: Bien le dernier que le ministre des Finances a donné, c'est le chiffre de $158,000 qui correspond au chiffre demandé, et le chiffre sur le budget principal est le chiffre du budget supplémentaire. Cela c'est l'assistance-chômage. Mais ce que le chef de l'Opposition veut avoir, c'est une comparaison.

M. LESAGE: Un instant. Le 158,000, c'est la moyenne de l'année ça.

M. CLOUTIER: C'est la moyenne de l'année.

M. LESAGE: Bien, pour l'année précédente, quelle est la moyenne? Je veux savoir quelle est l'augmentation dans douze mois, c'est aussi simple que ça.

M. CLOUTIER: Je n'ai pas un tableau ici. Je voudrais que le chef de l'Opposition me comprenne bien. Je n'ai pas un tableau qui me donne globalement les statistiques qui correspondent à ce que le ministre des Finances a données. Je vais lui donner ici la répartition

des bénéficiaires d'assistance-chômage pour les aptes et inaptes au travail pour moins de douze mois. C'est parce qu'il y a deux groupes, que je vais vous donner...

M. LESAGE: Je le sais, je ne demande pas de division. Je demandais une comparaison sur une base annuelle: c'esttout. Ce qui arrive, c'est que ces deux articles: allocations d'assistance à domicile aux personnes employables et aux personnes non employables, c'est la division évidemment que fait le ministre dans le moment, pour l'année financière 1966/67, d'après les comptes publics, le paiement total a été de $80,529,830.34; pour l'année 1967/68, les prévisions budgétaires, plus un mandat spécial, s'élèvent à $117,375,000, c'est-à-dire une augmentation de $37 millions en 1967/68 par rapport à 1966/67, et jusqu'à maintenant, sans compter la prévision additionnelle de $8 millions à $9 millions que m'a mentionné le ministre des Finances, il y a $154,700,000 de prévu, ce qui fera au-delà de $160 millions, probablement $162 millions, ce qui veut dire une augmentation encore cette année de $45 millions, alors que nous avions eu une augmentation de $31 millions l'année dernière.

M. le Président, c'est joliment inquiétant...

M. CLOUTIER: Voici, M. le Président...

M. LESAGE: C'est pour ça que j'étais intéressé à connaître le nombre de récipiendaires, pour savoir s'il y avait seulement le nombre des récipiendaires qui augmentait ou bien si les allocations augmentaient, ou encore il y avait... Je pense que le ministre comprend très bien le calcul mathématique que je voulais faire.

M. CLOUTIER: Il y a deux causes d'augmentation, évidemment il y a le nombre de bénéficiaires et il y a aussi le taux moyen des prestations...

M. LESAGE: Oui, d'accord.

M. CLOUTIER: Voici, si le chef de l'Opposition me permet, disons en juin cette année, en juin 1968, il y avait 136,209 en vertu de ce programme-la dont on parle, et au mois de juin l'an dernier, il y avait 86,209.

M. LESAGE: Augmentation de 30,000.

M. CLOUTIER: Il y a une augmentation de 50,000.

M. LESAGE: Cinquante mille? M. CLOUTIER: Cinquante mille.

M. LESAGE: Ce sont les employables ou les non employables?

M. CLOUTIER: Ce sont les assistances-chômage, ce sont les non employables et les employables, c'est le tableau complet.

M. LESAGE: Les deux groupes? M. CLOUTIER: Les deux.

M. LESAGE: Une augmentation de 50,000 récipiendaires...

M. CLOUTIER: Une augmentation de 50,000... M. LESAGE: ... de juin 1967 à juin 1968.

M. CLOUTIER: Oui. L'augmentation la plus spectaculaire, M. le Président, c'est à Montréal.

M. LESAGE: Oui, c'est à Montréal. Cela je pense bien que c'est... Oui.

M. CLOUTIER: Oui. Sur les 50,000, je pense que si je regardais dans mon dossier ici, je pourrais donner au chef de l'Opposition... Je pense que Montréal absorbe une proportion de 60% à 75% de cette augmentation.

M. LESAGE: Je pense que le ministre comprenait très bien l'objet de mes questions: Voyant les chiffres de la dépense réelle en 66/67, les prévisions de 67/68 et les prévisions nouvelles pour 68/69, il est clair qu'il y a, depuis 1966, une augmentation très, très forte, d'année en année, pendant que, de 64/65 à 65/66, d'après les comptes publics, l'augmentation était de moins de $6 millions; en 66/67 par rapport à 65/66, elle n'était que de $9 millions. On voit le saut formidable que la dépense a fait en 67/68 par rapport à 66/67, et maintenant, en 68/69 par rapport à 67/68.

Le chiffre d'augmentation de 50,000 en juin 1968 par rapport à juin 1967 explique, dans le nombre des « récipiendaires », clairement la hausse prodigieuse des chiffres du chômage depuis que le gouvernement de l'Union Nationale est au pouvoir.

M. CLOUTIER: Je voudrais attirer l'attention du chef de l'Opposition sur les chiffres réels qu'il a donnés tantôt. Il y a une correction à fai-

re dans le livre vert, qui nous a été présenté au mois de mars 1968, aux chiffres réels de l'an dernier. Ce sont les chiffres qui avaient été prévus. Les chiffres réels sont beaucoup plus élevés. Les chiffres qui ont été inscrits dans la colonne 67/68 dans le livre vert pour l'assistance-chômage.,,.

M. LESAGE; J'ai additionné le montant prévu à un mandat spécial.

M. CLOUTIER: Vous l'avez additionné, bon.

M. LESAGE: Oui, J'ai tout additionné. Le gouvernement ne peut pas dépenser d'argent en dehors de ce qui est prévu dans le budget principal, dans les budgets supplémentaires et dans les mandats spéciaux. Or, j'ai tout additionné ça. Il peut peut-être y avoir un montant qui a été puisé dans le fonds de secours de $1.5 million mais ce serait négligeable si on le compare au chiffre global de $117,375,000, qui est l'addition de tout ce que Je viens de mentionner.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Législation. Poste 3.

M. BELLEMARE: Vous avez passé votre petit fion.

M. LESAGE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Poste 8.

M. LESAGE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté également. Terres et forêts, poste 6.

M. LESAGE: Cela fait un montant global de $815,000 pour les incendies de forêt et la protection des forêts. Quelle est la comparaison avec les chiffres antérieurs?

M. DOZOIS: L'an dernier Je ne sais pas exactement. Je vais regarder. La protection des forêts?

M. LESAGE: Oui, c'est ça. Chaque année, d'ordinaire, c'est couvert par un mandat spécial à l'automne et étant donné que nous sommes en session, ça doit être dans le budget supplémentaire.

M. DOZOIS: L'an dernier, on a dépensé $1,616,000, du moins cela a été voté en 1967-1968. Cette année, il y avait un crédit de $2,070,000.

M. LESAGE: A la protection?

M. DOZOIS: Au Service de la protection forestière.

M. LESAGE: Combat des incendies, poste 10.

M. DOZOIS: Les incendies mêmes! Je ne sais pas si c'est I part, un instant.

M. LESAGE: N'est-ce pas $500,000? C'est le poste 6, division 10. Je pense que c'est $500,000.

M. DOZOIS: Oui, c'est $500,000.

M. LESAGE: Alors, ceci fait $815,000. Je voulais savoir comment cela se compare avec l'année dernière.

M. DOZOIS: Cela va faire $815,000 de votés pour cette année. Je ne sais pas quelle a été la dépense l'an dernier.

M. LESAGE: La dépense de l'an dernier, parce que dans la colonne...

M. DOZOIS: Dans la colonne de crédit de l'an dernier c'est...

M. LESAGE: Je comprends mais les mandats spéciaux ne sont pas mentionnés.

M. DOZOIS: Je sais qu'il y a eu un budget supplémentaire l'an dernier.

M. LESAGE: Oui, un mandat spécial. Je ne me souviens pas du montant.

M. DOZOIS: Si on veut suspendre la question, Je vais m'informer.

M. LESAGE: Non, je regarderai. J'aurai ça dans les comptes publics.

M. DOZOIS: II y a eu des incendies et nous les avons éteints.

M. LESAGE: Le gouvernement n'allume pas beaucoup d'incendies à la vitesse qu'il va.

M. DOZOIS: Cela fait une semaine que nous essayons d'éteindre le feu de l'Opposition.

M. LESAGE: Adopté. L'autre poste. M. LE PRESIDENT: Poste 6 adopté.

M. LESAGE: Je ne comprends pas très bien pourquoi la commission Dorion coûte plus cher cette année qu'elle a coûté l'an dernier.

M. DOZOIS: C'est que son mandat a été prolongé.

M. LESAGE: Pourquoi ça coûte plus cher quand le mandat est prolongé que quand il ne l'est pas?

M. DOZOIS: Pour payer les dépenses suscitées par la prolongation du mandat de la commission du 30 juin 1968 au 30 juillet 1969, en vertu de l'arrêté en conseil...

M. LESAGE: Comment est-ce que ça se fait que ça coûte plus cher cette année que l'an dernier?

M. DOZOIS: Je ne sais pas. Nous pouvons suspendre la question et on pourrait...

M. LESAGE: Il me semble que le ministre aurait pu être ici pour nous donner.

M. BELLEMARE: Oui, oui, il doit être ici.

Il a passé l'après-midi ici.

M. LESAGE: Alors, suspendons, on a peut-être une chance qu'il revienne. Travauxpublics.

M. LE PRESIDENT: Travaux publics.

M. LESAGE: La seule explication que... la prévision, c'est $3,180,000, je crois, au budget supplémentaire?

M. RUSSELL: Oui, il y a $3,180,000 de prévus.

M. LESAGE: Pourquoi un tel saut de $l million au service téléphonique?

M. RUSSELL: Le montant additionnel est d'abord l'augmentation des appels téléphoniques, interrurbains et autres. Il y a aussi des installations qui n'étaient pas prévues telles que le réseau de radio-téléphone dans le bas du fleuve, pour la justice, qui coûte un montant de $250,000.

M. LESAGE: C'était ça, alors il est installé?

M. RUSSELL: Il est installé, il est en opération.

M. LESAGE: Pour la Sûreté provinciale?

M. RUSSELL: Oui.

M. LESAGE: Pour la Sûreté du Québec.

M. RUSSELL: La police provinciale. Maintenant, il y a un montant de $200,000, c'est une entente que nous avons avec le Bell Téléphone... Pardon?

M. PINARD: Ce n'est pas la police nationale? M. RUSSELL: La police? M. LE PRESIDENT: Adopté. M. PINARD: La police nationale.

M. RUSSELL: Je ne sais pas si cela va être nationale ou internationale...

M. LE PRESIDENT: Alors, il y a un poste en suspens. D,

M. RUSSELL: Il y a $200,000 pour l'entente que nous avons faite avec le Bell Téléphone pour l'opération des consoles et d'autres installations qui n'étaient pas prévues, installations à l'Education, pour les écoles régionales qui sont sur notre réseau et qui coûtent $110,000 annuellement. Il y a plusieurs autres transferts d'installations qui, dans le passé, étaient payées à même les autres ministères. Aujourd'hui, elles sont défrayées par le ministère des Travauxpublics.

M. LESAGE: Cela coûte plus cher, quand c'est le ministre des Travaux publics qui défraie le coût.

M. RUSSELL: Non, cela coûte plus cher aux Travaux publics...

M. LESAGE: ... il prend une commission.

M. RUSSELL: ... parce que cela apparaît aux Travaux publics.

M. LESAGE: Je comprends.

M. RUSSELL: Anciennement, celaapparais-sait dans les autres ministères. Actuellement, au fur et à mesure que l'on fait de nouvelles installations, c'est contrôlé par les Travaux publics.

M. LESAGE: Quand l'argent change de poches, il s'en perd en chemin.

M. RUSSELL: Pardon?

M. LESAGE: Quand l'argent change de poches, il s'en perd en chemin.

M. RUSSELL: Cela change de ministère. J'espère qu'il y aura un meilleur contrôle. Nous espérons établir un meilleur contrôle, surtout à partir du 20 janvier prochain.

M. LE PRESIDENT: Adopté? M. BELLEMARE: Adopté.

M., LESAGE: Le ministre des Terres et Forêts n'est pas ici, alors, je regarderai dans les comptes publics.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

M. BELLE MARE: On vous donnera la réponse tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: Poste budgétaire 11, adopté aussi, aux Terres et Forêts.

M. BELLEMARE: Adopté! M. le Président fait rapport.

M. FRECHETTE (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a adopté les résolutions.

M. LEBEL (président): L'honorable ministre des Finances propose que les résolutions soient maintenant lues et agréées. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. BELLEMARE: Bill...

M. LESAGE: Un instant. Sur la motion d'adoption... ah! il y a un bill?

M. DOZOIS: Il y en a un de présenté en première, deuxième et troisième lectures.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Comité des voies et moyens

M. LESAGE: Sur la motion pour aller en comité des voles et moyens, le député de Drummond a une question à poser.

M.DOZOIS: Très bien.

M. PINARD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que la Chambre se forme en comité des voies et moyens. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. PINARD: La première de mes questions.

Je voudrais savoir si les députés auront avant la prorogation de la présente session le rapport Vandry, qui est une étude sur le transport et les communications pour le Québec métropolitain, étude qui a été commandée par l'ancien gouvernement, qui a été poursuivie par le gouvernement actuel et qui va coûter autour de $700,000.

Les journaux nous apprennent que le ministre de la Voirie donne aujourd'hui une conférence de presse à ses bureaux pour rendre officiel le contenu du rapport Vandry. Or, il nous avait fait la promesse formelle, après de multiples interventions de la part des député de l'Opposition, que ce rapport Vandry serait rendu officiel, mais devant la Chambre.

Nous apprenons encore une fois de plus que les députés sont lésés dans leurs droits fondamentaux et qu'ils ne pourront prendre connaissance du contenu du rapport Vandry.

M. DOZOIS: M. le Président...

M. LESAGE: Le député a certainement le droit de se plaindre.

M. DOZOIS: Je comprends, mais il est en train de porter une accusation. La raison est bien simple, c'est que c'est au cours de cet après-midi que les ingénieurs on remis au ministre de la Voirie le rapport en question.

M. LESAGE: C'est tout arrangé, ça, comme d'habitude.

M. DOZOIS: Le ministre, j'imagine, va prendre les moyens pour en faire parvenir incessamment des copies à tous les députés.

UNE VOIX: C'est ça.

M. PINARD: M. le Président, j'accepterais l'explication qui vient d'être fournie par le ministre des Finances s'il était vrai que les députés de l'Opposition n'avaient pas prévu la manoeuvre dont je viens de parler. A de multiples occasions, j'ai demandé au ministre de la Voirie et au premier ministre de nous donner l'assurance que le rapport Vandry serait déposé devant cette Chambre afin que les députés prennent connaissance de son contenu.

M. DOZOIS: Il ne l'a pas reçu.

M. PINARD: M. le Président, la manoeuvre est assez grosse pour qu'on la voie.

M. DOZOIS: Ah, je ne sais pas si le député...

M. PINARD: C'est une autre des nombreuses études commandées par le gouvernement qui sera rendue publique avant que les députés n'en prennent connaissance.

M. DOZOIS: C'est trop bas de nous prêter des motifs pareils.

M. PINARD: Je trouve que c'est la preuve additionnelle que les députés sont lésés dans leurs droits fondamentaux. Ils doivent être les premiers informés en cette Chambre.

DES VOIX: A l'ordre! M. MASSE: A l'ordre!

M. DOZOIS: Il prétend que c'est une affaire organisée.

M. LESAGE: Certainement.

M. DOZOIS: On nous prête des motifs, M. le Président.

M. LESAGE: C'est cousu de fil blanc.

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. DOZOIS: Si vous voulez faire rapport...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que laformation du comité des voies et moyens est adoptée?

Adopté.

Il est aussi inscrit que le comité s'est formé et que le président a fait rapport.

Est-ce qu'il y a consentement unanime pour la troisième lecture?

De consentement unanime, le ministre des Finances propose la troisième lecture...

M. DOZOIS: Première, deuxième et troisième lectures.

M. LE PRESIDENT: ...du bill 297. Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

Messages du Conseil législatif

M. LE PRESIDENT: La Chambre me permettra de communiquer des messages reçus du Conseil législatif. « Conseil législatif, le 18 décembre 1968.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté avec des amendements qu'il la prie d'agréer le bill suivant:

Bill no 96 intitulé Loi du notariat. »

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. » « Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté avec des amendements qu'il la prie d'agréer le bill suivant:

Bill no 289 intitulé: Loi modifiant la loi des établissements industriels et commerciaux. »

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

M. BELLEMARE: M. le Président, dans l'amendement je pense...

M. LESAGE: Pour le notariat, le bill 96, j'ai lu les amendements. D'accord.

M. BELLEMARE: C'est très facile, M. le Président, il s'agit simplement d'ajouter « les biens déclarés insaisissables ».

M. LESAGE: Il y a plus que ça, mais je suis d'accord.

M. LE PRESIDENT: Ces amendements sont-ils agréés? Agréés.

M. BELLEMARE: Lebill289, c'est un amendement de concordance pour rendre service...

M. LESAGE: Non. Ce n'est pas de concordance.

M. BELLEMARE: ... à ceux qui ont une production en chaîne et qui, lors de l'adoption de l'amendement dans la loi des établissements commerciaux, se sont sentis lésés par l'application des 48 heures. Alors, nous avons rencontré, à la demande du chef de l'Opposition, ces honorables messieurs. Ils nous ont convaincus du bien-fondé de leurs justes représentations. Alors, nous avons mis neuf heures au

lieu de huit heures. Au lieu de 48 heures, nous avons permis une production de 54 heures. M. le Président, nous avons aussi dit que la journée de travail, au lieu de commencer, tel que spécifié, à 6 heures, commencera à 7 heures, mais qu'elle se terminera, au lieu de 5 heures, à 6 heures. Ceci pour permettre la production en chaîne. L'article 7 est aussi modifié, Dans la troisième ligne de l'alinéa, le mot 48 heures est remplacé par 54 heures, pour les quinze jours qui précèdent les fêtes. Pour les Jeunes qui travaillaient dans ces établissements commerciaux, nous trouvions que 65 heures, c'était trop considérable, et nous avions mis cela à 48 heures, pour faire un peu la même concordance avec les heures de travail.

On nous a représenté qu'entre les deux, 65 heures et 48 heures, nous pouvions peut-être aller à 54 heures, vu que c'est pour une période bien limitée, c'est la période des fêtes. Nous avons cru que c'était nécessaire.

M. LESAGE: Dans le cas du travail des femmes la nuit, comprenons-nous bien, il n'y a aucune modification...

M. BELLEMARE ; Non.

M. LESAGE: En ce qui concerne les articles qui traitent du travail des femmes la nuit, les modifications apportées par le Conseil législatif le sont à des amendements apportés par le ministère, mais non à la suite du rapport d'une commission d'enquête.

M. BELLEMARE: Non.

M. LESAGE; Je veux que ce soit bien compris.

M. BELLEMARE: Oui, ce sont deux choses différentes.

M. LESAGE: Deux choses différentes.

M. BELLEMARE: D'ailleurs, je l'avais dit...

M. LESAGE: Dans le bill 289, il y avait deux genres de modifications à apporter modifiant la Loi des établissements industriels et commerciaux. D'abord, des modifications concernant le travail des femmes la nuit,...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. LESAGE: ... à la suite d'une commission d'enquête. Il y avait d'autres amendements apportés par le ministère lui-même...

M. BELLEMARE: C'est ça, sur le travail des jeunes.

M. LESAGE: ... qui n'étaient pas à la suite du rapport d'une commission d'enquête et qui tendaient à diminuer le nombre d'heures de travail pour les femmes, surtout, chaque jour, et chaque semaine.

Ce qui arrive, c'est qu'il y a des femmes qui travaillent dans des usines où il y a production à chaîne...

M. BELLEMARE: En série.

M. LESAGE: ...il est prouvé que ces femmes ne travaillent que cinq jours par semaine, à neuf heures, ce qui fait 45 heures, c'est moins que les 48 heures, mais c'est réparti sur cinq jours au lieu de six.

M. BELLEMA.RE: Cinq jours à huit heures, ça faisait 40 heures, et présentement...

M. LESAGE: Oui, et évidemment, les hommes doivent, eux, travailler neuf heures, les spécialistes sont sur la même chaîne. Alors, c'est pour ça que le ministre, apporte cette modification. Nous sommes prêts. Ma seule hésitation, c'est quant aux 54 heures, mais si c'est pour la période des fêtes seulement,...

M. BELLEMARE: Seulement.

M. LESAGE: ... je ne puis évidemment, m'opposer. Cela permet même aux étudiants...

M. BELLEMARE: De bénéficier.

M. LESAGE: De profiter considérablement de cette période.

M. BELLEMARE: Ces bills-là sont renvoyés.

M. LE PRESIDENT: Ces amendements sont-ils agréés? Agréés.

Message du Conseil législatif

M. LE PRESIDENT: Un message reçu du Conseil législatif. « Conseil législatif, le 18 décembre 1968.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté sans amendement, les bills suivants;

Bill no 56, intitulé Loi de l'enseignement privé;

Bill no 290, intitulé Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction;

Bill no 291, intitulé Loi modifiant la loi du salaire minimum;

Bill no 295, intitulé Loi concernant la ville de Montréal;

Bill no 296, intitulé Loi favorisant l'aménagement des environs du nouvel aéroport international de la région de Montréal.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif ».

M. LESAGE: II y a quelque chose dans le titre du dernier bill qui ne semble pas...

M. BELLEMARE: Oui, un instant. M. LESAGE: ... correct.

M. BELLEMARE: Oui, oui. M. le Président, on n'y voit pas l'amendement que la Chambre avait fait...

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: ... pour faire changer les mots « favorisant l'aménagement des environs du nouvel aéroport international ».

M. LESAGE: Le titre a été changé, ici en Chambre.

M. BELLEMARE: Oui, oui. Nous allons téléphoner au conseil pour voir si on a pris garde à l'erreur qui a été commise là. L'erreur vient probablement du fait qu'ils ont copié exactement ce qu'il y avait sur le bill.

M. DOZOIS: Pour ne pas le réimprimer.

M. LE PRESIDENT: Comme il s'agit probablement d'une erreur de copiste, le secrétaire de l'Assemblée...

M. LESAGE: Nous allons attendre son rapport.

M. BELLEMARE: Ce matin, M. le Président, l'honorable chef de l'Opposition m'a dit que deux questions n'avaient pas reçu de réponse; particulièrement, celle qui a fait l'objet d'une rectification, à la page 4457 , le mardi 3 décembre 1968, et je cite: « M. Lesage: M. le Président, en vertu de l'article 114, j'ai une remarque toute particu- lière à l'intention du ministre du Travail comme leader de la Chambre. J'attire son attention sur la page 759 des procès-verbaux. Il s'agit de la séance du 27 novembre, mercredi dernier. Question de M. Brisson: Premièrement, combien de permis ou de licences le gouvernement a-t-il accordés à des industries pour la fabrication de nouveaux produits, depuis le 1er janvier 1967 jusqu'au 30 septembre 1968? »

Page 760, réponse de M. Beaudry: « Le ministère de l'Industrie et du Commerce n'accorde pas de permis ou de licence aux industries qui fabriquent de nouveaux produits.

Or, M. le Président, ce n'est que la réponse d'un ministère. Nous savions que le ministère de l'Industrie et du Commerce n'accordait pas de tels permis. Mais, le ministère du Revenu en accorde dans certains cas, de même que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, en particulier lorsqu'il s'agit de succédanés des produits laitiers.

Alors, la réponse donnée par le ministre de l'Industrie et du Commerce vaut pour son ministère mais ne saurait valoir pour le gouvernement. J'attire l'attention du ministre du Travail ».

D'abord, si nous nous référons aux procès-verbaux de l'Assemblée législative, la question posée par M. Brisson était exactement celle-ci: « Depuis le 1er janvier 1967 jusqu'au 30 septembre 1968, quel est le nombre d'industries établies au Québec qui ont réalisé des projets d'expansion? » Sur cette question-là, je dis que le ministère du Revenu ne donne aucun permis sur cela. Il y a ce qu'on appelle...

M. LESAGE: D'accord, pas besoin d'élaborer.

M. BELLEMARE: ... la taxe de vente. M. LESAGE: J'ai compris.

M. BELLEMARE: Bon, Au ministère de l'Agriculture, on pourra fournir, en temps opportun, la liste des nouveaux produits qui ont été mis sur le marché...

M. LESAGE: J'en prends note.

M. BELLEMARE: Ou s'ils ont connu une nouvelle expansion.

M. LESAGE : J'en prends note.

M. PINARD: La margarine colorée?

M. BELLEMARE: Je ne comprends rien.

M. PINARD: C'est la margarine colorée?

M. BELLEMARE: Quelle piste de course, dites-vous?

M. PINARD: La margarine colorée!

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, ce matin l'honorable chef de l'Opposition m'a fait remarquer qu'il voulait... Non, pas une course; nous allons nous entendre pour une piste d'atterrissage. Ce matin, l'honorable député de Louis-Hébert, le chef de l'Opposition, me disait qu'il n'avait pas eu de réponse satisfaisante dans le contrat qui avait été accordé au Développement F rontenac Limitée pour un montant de $58,268. Je dois lui dire ceci: Après étude des soumissions, il faut constaté que les Constructions Frontière Limitée, soit le plus bas soumissionnaire, n'était pas eligible car cette entreprise ne possédait pas l'expérience exigée en vertu des barèmes et des réglementations du ministère de la Voirie.

Considérant que les Construction Frontière Limitée n'ont jamais exécuté des travaux de pavage et de béton bitumineux, je pense que le ministère était justifié de confier ces travaux au Développement Frontenac Limitée au montant de $58,000. Alors, c'est la réponse que je..»

M. LESAGE: Quel montant? M. BELLEMARE: $58,268.22. M. LESAGE: D'accord. M. BELLEMARE: C'est cela.

M. LESAGE: D'accord, je ne dis pas que c'était bien de faire cela.

M. BELLEMARE: Quant à l'autre question, le chef de l'Opposition me dit: II y a une erreur dans votre compilation de tapis. Vous ne vous y entendez pas trop, trop!

Le 23 octobre 1968, une réponse avait été faite par monsieur Johnson: $76,505.64, procès-verbaux 75. Nous avons fait des fouilles, des recherches très, très, très pressantes, en profondeur...

M. LESAGE: C'est vrai que les tapis sont épais.

M. BELLEMARE: ... et nous avons trouvé la véritable raison, M. le Président, parce que ces chiffres sont exacts. Ce sont les achats qui ont été faits au Bureau des achats de la pro- vince pour la période mentionnée entre les dates qui ont été comprises et c'est exactement le montant de $76,505.64. Ce qui, dans les autres réponses, peut peut-être laisser un peu de doute dans l'esprit de certains membres de l'Opposition — qui, à mon sens, connaissent pourtant assez l'organisation de nos travaux — c'est que les autres, ce sont des contrats qui ont été donnés...

M. LESAGE: Ah bon! ç'a été acheté à contrat.

M. BELLEMARE: Cela a été donné à contrat pour les aménagements de l'édifice Joffre, du Conseil exécutif et les bureaux des ministres. Cela, M. le Président, c'est toute la différence...

M. LESAGE: Alors le prix du tapis c'était dans le prix du contrat?

M. BELLEMARE: Non, non, non. Qu'on s'en fait...

M. PINARD: Une feuille de papier.

M. BELLEMARE: Alors, entre l'achat du tapis par le Bureau des achats de la province et les contrats qui ont été donnés, il n'y a aucune erreur.

M. le Président, je voudrais simplement...

M. LESAGE: II serait intéressant de savoir combien de contrats de cette nature le gouvernement a passés, parce que des tapis, il y en a.

M. BELLEMARE: M. le Président, cela fera le sujet d'une autre question, à une autre session.

M. LESAGE: C'est ça. C'est exactement ce qui va se produire.

UNE VOIX: Envoyez ça au feuilleton.

M. BELLEMARE: Je m'en doute bien. M. le Président, je voudrais dire, au sujet des comités qui vont siéger en dehors de la session, celui de la presse en particulier, que tous ceux qui voudront y assister seront les bienvenus.

Il y aura peut-être une exception dans l'envoi des avis aux membres du comité. Respectant la part que prend ici en cette Chambre le député de Montréal Laurier, je pense qu'il lui serait peut-être utile, vu qu'il n'appartient à aucune organisation et que son parti n'est pas très nombreux, de recevoir une convocation

du secrétaire des comités. Je pense que c'est normal et raisonnable. J'ai vu l'honorable député de Laurier et il se dit bien d'accord. Il s'est excusé, ayant dû se rendre dans un salon funéraire et il m'a demandé de dire son accord quant à la convocation par le secrétaire des comités et quant aux documents qui seront rendus publics par le fait même qui...

M. LACROIX: Est-ce son parti qui est mort?

M. BELLEMARE: Non, il est allé voir Grégoire.

M. le Président...

M. LACROIX: ... pas par la poste d'Ottawa, il va être insulté.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Voeux du Nouvel An M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: Nous voici au terme d'une session qui aura été extrêmement féconde, non seulement parce que nous y avons adopté des mesures exceptionnellement nombreuses et importantes, mais plus encore parce que, après d'inévitables tâtonnements, nous avons enfin réussi, grâce à une action concertée de tous les partis représentés dans cette Chambre, à mettre en marche le véritable processus de la revalorisation de nos institutions parlementaires.

M. LESAGE: Cela s'est passé pas loin de nous.

M. BELLEMARE: C'est un travail fort substantiel, un travail de qualité, un travail varié aussi, un travail abondant. Cette session qui se termine, commencée le 20 février 1968 et ajournée le 5 juillet, reprise le 22 octobre et qui se termine aujourd'hui, le 18 décembre, aura duré 107 jours. Il y aura eu 462 heures et demie de travail de la part de nos législateurs. 99 bills publics ont été introduits et 43 bills privés ont franchi toutes les étapes de la procédure parlementaire.

Je suis très heureux de dire que cette session qui a été divisée en deux, pour toutes sortes de raisons, nous a donné l'occasion, je pense, de repenser assez profondément nos bases, notre parlementarisme, et surtout l'emploi que nous faisons de plus en plus de l'office de nos comités. Vous ne m'en voudrez pas, si je vous rappelle ici que plusieurs lois ont apporté pour toute la population des effets qui seront sûrement ressentis par celle-ci d'une manière très pratique. Nous avons d'abord, et je tiens à le signaler, un nouveau ministère de l'Immigration, un Office du plan, un protecteur du peuple, le mariage civil, le Conseil des universités, l'Université du Québec, des lois très importantes modifiant, dans le domaine du travail, les relations patronales-ouvrières. Nous avons aussi une amélioration considérable dans la Loi des cités et villes, et l'abolition du Conseil législatif.

Je dois dire que ceci prouve que, lorsque les parlementaires veulent véritablement faire un travail méthodique et apporter à l'exercice de leurs prérogatives tout ce qu'il peut y avoir de diligence, nous pouvons produire un travail fort efficace.

Me serait-il permis de remercier très sincèrement, d'abord le chef de l'Opposition, qui a donné à tous un exemple de travail et de ponctualité? Je crois que si nous voulons être de véritables parlementaires, il faut être en Chambre et prêcher d'exemple. Plusieurs autres députés mériteraient qu'on les félicite de ce côté-là. Le chef de l'Opposition donne un exemple merveilleux de l'assiduité et de la ponctualité. Il fait un travail difficile, il a devant lui un gouvernement qui est puissant et fort, déterminé. Le chef de l'Opposition a vu, dans les agissements du gouvernement, sa détermination de travailler en faveur de l'intérêt public, mais particulièrement sa détermination de prouver à la population du Québec qu'il veut continuer à protéger ses intérêts en demeurant le plus longtemps possible au pouvoir.

Je dis donc merci au chef de l'Opposition et à son équipe. Mais je voudrais ne pas oublier un nom qui mérite d'être signalé, celui de l'honorable député de Chambly, le leader de l'Opposition dans cette Chambre. C'est avec plaisir que nous avons, depuis le 22 octobre dernier, collaboré à une planification de nos travaux. Et Dieu sait combien cette collaboration nous a été pratique, utile et fort nécessaire pour accomplir, dans l'exercice de notre mandat, tout ce que nous commandaient les devoirs impérieux de notre charge. Le député de Chambly est un dur jouteur, mais aussi un planificateur modèle. Je le remercie de sa bonne collaboration.

Je voudrais, M. le Président, adresser mes remerciements à tous mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, qui nous ont prouvé combien leur assiduité, leur ponctualité et leur solidarité nous étaient nécessaires pour continuer le travail d'équipe que nous faisons dans cette Chambre.

Merci très sincère à tous et à chacun. Us ont fait sûrement des sacrifices de famille pour se priver certainement de vacances ou de repos nécessaires, mais ils ont donné à laprovince un exemple fantastique, car, lorsqu'ils ont à remplir un mandat, ils sont en Chambre et très assidus. Je les remercie de leur collaboration et surtout, dans les dures épreuves que nous avons traversées, de leur solidarité et de la confiance qu'ils m'ont manifestées.

M. le Président, à vous particulièrement, qui vous êtes chargé d'une tâche difficile, celle de remplacer un des grands orateurs qu'aura connus cette Chambre. Je sais, M. le Président, avec combien d'habileté vous vous êtes acquitté, depuis que vous êtes investi de cette lourde responsabilité, de votre charge.

Nous avons été à même de constater, surtout lorsque vous vous levez, surtout par vos longs silences, combien cela nous rappelait facilement à l'ordre.

Je sais combien votre charge est difficile, combien celui qui parle présentement peut vous avoir causé de soucis. Je n'ai pas toujours accepté de bon coeur vos décisions, mais étant fidèle à la discipline qui veut que dans cette Chambre vous soyez le maître, je me suis incliné et j'ai accepté — souvent sans récriminer trop fort — vos sages décisions qui, peut-être après y avoir bien pensé, étaient pour le plus grand bien de l'Assemblée législative.

Félicitations, merci très sincère et nos meilleurs voeux, M. le Président.

M. LACROIX: Heureusement que vous n'êtes pas dans l'Opposition...

M. BELLEMARE: Je voudrais, M. le Président, remercier le greffier de l'Assemblée législative, homme de grand mérite, ainsi que les hauts officiers de cette Chambre qui avec désintéressement et dévouement sont fidèles, assidus, et qui souvent amènent des corrections que nous avions oublié de faire à certaines motions.

Je les remercie et je les félicite très sincèrement.

M. le Président, me serait-il permis de dire aux membres de la tribune de la presse que nous avons vivement apprécié tout ce qu'ils ont écrit à notre sujet et surtout tout ce qu'ils n'ont pas écrit au sujet de l'Assemblée législative.

Je les remercie de cette délicate attention à notre égard. Ils peuvent être sûrs que nous avons apprécié les comptes rendus dans tous les moyens d'information qui sont représentés ici. Nous leur disons notre profonde gratitude et nous savons qu'ils accomplissent une dure besogne. Ils ont un devoir à accomplir, ils ont une responsabilité; ils y font face avec les moyens du bord. Ils ont sûrement vis-à-vis de leurs employeurs la responsabilité de bien faire le travail qui leur est confié. Merci infiniment de votre coopération et merci de nous avoir permis à nous particulièrement, puisque vous étiez nos gardiens, de relever les débats parce qu'en certaines circonstances si nous nous étions laissé aller, nous savons que, le lendemain, nous aurions pu payer chèrement, dans vos colonnes, nos excès de langage.

Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que mes remerciements vont aussi au sergent d'armes, puisqu'il est un haut officier, ainsi qu'au vice-président de notre comité plé-nier, qui a assumé, de main de maître, cette dure responsabilité.

Je voudrais terminer en rappelant, aujourd'hui, en quelques phrases, la figure d'un grand disparu. Au début de cette session, il y avait, parmi nous, un homme qui n'aurait jamais pensé que, lorsque cette session se terminerait, son siège serait devenu vacant.

M. le Président, l'honorable Daniel Johnson aura donné à sa province le meilleur de lui-même et aura prouvé qu'il existe des hommes extrêmement bien préparés pour jouer des rôles difficiles dans des circonstances exceptionnelles.

Daniel Johnson était un homme de coeur. La Providence lui avait donné une intelligence merveilleuse, une mémoire prodigieuse, un coeur d'une immensité incomparable.

Je voudrais, encore une fois, comme leader de cette Chambre, avoir à son endroit un souvenir et lui dire combien tous, aujourd'hui, nous regrettons très sincèrement cette disparition, pénible non seulement pour un parti politique, mais pour toute la province de Québec.

Je voudrais, puisqu'il y a 22 ans aujourd'hui même il était élu député de Bagot, vous dire combien nous avons, nous particulièrement, souffert de son absence.

Qu'importe, forts dans notre épreuve, nous avons eu l'avantage d'avoir pour le remplacer, un de ses coéquipiers, qui était son bras droit, l'honorable député de Missisquoi, qui, lui aussi, dans cette Chambre, par un travail généreux, a apporté sa contribution au bien public. Je ne pense pas que nous puissions aujourd'hui terminer cette session sans avoir à son endroit une pensée et surtout sans lui souhaiter très sincèrement de nous revenir en pleine santé pour continuer encore pendant longtemps, avec une énergie renouvelée, après un repos cent fois mérité, ce travail qu'il a si bien com-

mencé pour le plus grand bien de sa province qu'il aime sincèrement.

Puisque l'occasion m'en est fournie d'une manière particulière.

Je voudrais offrir, à la fin de cette session, et comme le temps des fêtes sera dans quelques jours, l'expression de mes meilleurs voeux à chacune de vos familles et à chacun de vos enfants.

Je formule, M. le Président, un très joyeux Noël pour chacun d'entre vous et qu'une année sainte, une année heureuse soit le complément des efforts que vous devez faire pour obtenir véritablement le succès qui vous est donné.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai eu l'occasion de dire et de redire à plusieurs reprises mes regrets et les regrets de mes collègues, regrets exprimés à l'occasion de la disparition de l'honorable Daniel Johnson.

Il est certain que, lorsqu'à débuté cette session, au mois de février, nous ne pouvions personne nous douter qu'aujourd'hui, il ne serait pas des nôtres pour la prorogation de la session. Et, lorsque je regarde le leader du gouvernement en Chambre et le ministre des Finances, et que je pense à leur rôle, à mon rôle, eh bien, je ne puis faire autrement que d'avoir un sentiment qu'il manque quelqu'un aujourd'hui, qu'il manque quelqu'un parmi nous. Et il est certain que la disparition de M. Johnson a créé un vide dans cette Chambre.

La session qui se termine aujourd'hui, je pense bien que sa principale caractéristique c'est sa longueur. Elle a commencé le 20 février... C'est ça le 20 février? C'est tellement loin en arrière qu'on s'en rappelle à peine. Le 20 février, et elle se termine aujourd'hui le 18 décembre.

Cela a été long, très long. Oui c'était long, je suis habitué aux sessions longues. Quant à nous de l'Opposition libérale, nous avons essayé de remplir notre rôle du mieux possible. Nous avons apporté notre collaboration la plus franche au gouvernement pour la préparation même en certains cas, l'amélioration et l'adoption des lois progressives qui ont été présentées.

Nous nous sommes opposés aux mesures que nous ne croyons pas ou peu susceptibles de vraiment servir le bien commun. Nous avons fait ressortir ce que nous considérons comme les faiblesses, les lenteurs, la stagnation du gouvernement actuel, particulièrement dans le domaine économique, parce que cela nous inquiète.

Le gouvernement a attendu en fin de session pour apporter ses mesures les plus importantes. C'est une mauvaise habitude, tout le monde le reconnaît, et je pense que les ministres sont les premiers à le reconnaître. On dit toujours qu'on ne recommencera plus, mais c'est un peu comme cela à presque toutes les sessions. Il va falloir que des efforts soient tentés à nouveau pour que lalégislation importante soit présentée plus I bonne heure au cours de chaque session.

Je comprends que, quelque fois il y a urgence, qu'un ministre rempli d'esprit de travail, comme le ministre du Travail, veut absolument améliorer sa législation avant qu'une session se termine, au cas od il y aurait des élections et qu'il ne serait pas réélu. Mais, il faut être plus patient, même si on est un grand travailleur comme le ministre du Travail.

Je voudrais le remercier, en parlant du ministre du Travail, des compliments qu'il a faits au député de Chambly. Je suis bien d'accord. Je pense que le ministre du Travail et le député de Chambly ont très bien travaillé cette année et ont conçu des plans, des tactiques, de la stratégie pour le plus grand avantage de notre institution et de ses membres. Je les en félicite tous les deux, et je veux retourner au ministre du Travail le compliment qu'il m'a fait lorsqu'il m'a dit que l'avais été travailleur et ponctuel. Je pense que je n'ai pas grand mérite à l'être, pas plus que le ministre du Travail n'en a. Je lui retourne avec grand plaisir le compliment, parce que, depuis que je suis en cette Chambre, depuis 1960, c'est la preuve qu'il a donnée; la ponctualité, le travail acharné, et cela, qu'il siège d'un côté ou de l'autre de la Chambre.

Merci, monsieur le greffier; merci, également, à tous ceux qui vous assistent dans votre tâche; merci au personnel qui est sous votre direction, M. le Président, et sous la direction du greffier. Je voudrais, moi aussi, souligner le travail de nos amis de la Tribune de la presse. Sans eux, c'est clair, l'Assemblée nationale ne serait pas ce qu'elle est, ce serait impossible. L'effet de leur présence se fait sentir de beaucoup plus d'une façon, même si la principale, évidemment, est celle qu'a mentionnée le ministre du Travail.

J'ai parlé il y a un instant du personnel, je ne voudrais pas oublier les petits pages. Et je voudrais bien que ceux qui ont été bien servis par les pages sachent reconnaître chacun des leurs et ne les oublient pas à la veille des fêtes.

M. le Président, il me reste à vous offrir à vous mes compliments et mes meilleurs voeux

à l'occasion des fêtes, et je vous prie de transmettre à madame Lebel et aux membres de votre famille distinguée nos voeux les plus sincères.

Une autre qui est absent de cette Chambre c'est le premier ministre du Québec, le député de Missisquoi. Lorsque j'ai appris par les journaux, lundi, qu'il était entré chez lui, je me suis empressé de lui faire parvenir un télégramme, au nom de mes collègues libéraux et en mon nom, lui disant que nous étions heureux de savoir qu'il avait pu regagner son foyer, formulant pour lui des voeux d'excellent et complet repos et lui disant notre hâte de le revoir parmi nous» Si j'ai pensé que je devais mentionner ce télégramme que je lui ai fait parvenir, c'est que je voudrais maintenant lui offrir ce que je ferai personnellement, nos meilleurs voeux d'heureuses fêtes, et je pense spécialement aussi à madame Bertrand et à sa belle famille, à tous les membres de sa belle famille. J'ai reçu du premier ministre et de madame Bertrand, les voeux à l'occasion des fêtes, et la carte de voeux porte une magnifique photographie d'une très belle famille.

Alors, M. le Président, je vous ai offert mes voeux, je voudrais maintenant offrir à tous mes collègues de la Chambre mes souhaits d'un joyeux Noël, d'une bonne et heureuse année, et je pense que, dans les circonstances, on me permettra d'insister sur des voeux d'excellente santé pour tous et chacun de nos collègues et des voeux de bonheur familial, de joie, de prospérité pour tous et chacun et pour tous les membres de leur famille respective.

M. LE PRESIDENT: On me permettra de remercier l'honorable ministre du Travail et l'honorable chef de l'Opposition pour leurs voeux et pour les félicitations qu'ils ont bien voulu m'adresser. Je tiens à remercier tous les membres de cette Chambre de la coopération qu'ils m'ont apportée. Ils ont changé cette terrible aventure que j'appréhendais en une expérience enrichissante. Je remercie tous les employés, tous les fonctionnaires, et tout spécialement M. Sénécal, M. Blondin et M. Lessard, dont les services me sont indispensables.

Je veux aussi souligner le travail important et imposant qu'a rempli l'honorable député de Sherbrooke, mon collègue, vice-président de la Chambre, qui m'a rendu le travail facile.

Je veux aussi saluer les gens de la Tribune de la presse et je suggère qu'advenant la refonte d'un règlement, ils ne fassent plus partie du chapitre des étrangers au cours de 1969.

A tous les membres de cette Chambre, je veux, en guise de remerciement pour la coopération qu'ils m'ont accordée, les assurer que, dans une modeste église de village, le 25 décembre, je demanderai pour tous et chacun une excellente santé. Je pense que c'est le meilleur voeu que l'on puisse faire à des hommes qui ont reçu de l'histoire le périlleux défi de vivre héroïquement l'heure de la contestation; A tous: Joyeux Noël et Heureuse année!

Message du Conseil législatif

M. LE PRESIDENT: Un dernier message reçu du Conseil législatif; « Conseil législatif, le 18 décembre 1968.

Ordonné que le greffier reporte à l'Assemblée législative le bill no 297 intitulé: Loi octroyant à Sa Majesté les deniers requis pour les dépenses du gouvernement pour l'année financière se terminant le 31 mars 1969 et pour d'autres fins du service public et informe cette Chambre que le Conseil législatif l'a voté.

Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil législatif. »

M. BELLEMARE: II y a eu tout à l'heure, dans la transmission des documents, une erreur que nous avons signalée, et maintenant, on nous assure que c'est la secrétaire qui a fait l'erreur, puisque le bill, loi favorisant l'aménagement du site et des environs d'un nouvel aéroport international au Québec.

M. LE PRESIDENT: On me permettra, avant que la Chambre s'ajourne à loisir, de vous dire que j'ai aménagé une salle d'attente en attendant le message du Conseil législatif.

M. LACROIX: Est-ce que le député de l'Islet s'en va pratiquer l'autopsie du Conseil législatif?

LE SERGEANT D'ARMES: M. le Président, un messager de Son Honneur le lieutenant-gouverneur. Mr. Speaker, a messenger from His Honour the Lieutenant Governor.

M. LE PRESIDENT: Faites entrer le messager. Admit the messenger.

LE MESSAGER: M. le Président, Son Hon-neuf l'honorable lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette Chambre dans la salle du Conseil législatif.

Mr. Speaker, it is His Honour the Honourable Lieutenant Governor's pleasure that the Members of this House do attend immediately in the Chamber of the Legislative Council.

(18 h 2)

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