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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mardi 25 mars 1969 - Vol. 8 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures deux minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions.

L'honorable député d'Iberville.

Pétitions

M. CROISETIERE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion pour qu'il me soit permis de présenter la pétition de la Corporation des électroniciens du Québec, demandant l'adoption d'une nouvelle loi constituant en corporation la Corporation des électroniciens du Québec.

M, LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté. L'honorable député d'Yamaska.

M. SHOONER: M. le Président, pour M» Murray, j'ai l'honneur de faire motion pour qu'il me soit permis de présenter la pétition de la Corporation du village de Bois-des-Filion, demandant l'adoption d'une loi l'autorisant à modifier certains de ses règlements.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté. L'honorable député d'Yamaska.

M. SHOONER: M. le Président, pour M. Murray, j'ai l'honneur de faire motion pour qu'il me soit permis de présenter la pétition de la ville de Laval, demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté. L'honorable député de Richelieu.

M, MARTEL: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion pour qu'il me soit permis de présenter la pétition de la commission scolaire de Contrecoeur, comté de Richelieu, demandant l'adoption d'une loi abrogeant une certaine loi.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées.

L'honorable Secrétaire de la province.

Commission spéciale du bill 89

M. PAUL: M. le Président, vendredi dernier, j'ai Informé la Chambre de mon intention de présenter aujourd'hui une motion...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais le silence le plus complet dans les galeries, s'il vous plaît.

L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: Je voudrais donc apporter certains faits qui pourront permettre aux collègues de cette Chambre de juger du besoin de l'adoption de cette motion.

Au mois de décembre dernier, le bill 89, intitulé Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux était adopté en première lecture. Ce bill fut référé au comité de l'industrie et du commerce. Ce comité a entendu 45 mémoires et il a tenu trois séances. On comprendra facilement que ce bill est aujourd'hui mort, si l'on tient compte des règles qui régissent nos travaux.

D'un autre côté, il est nécessaire d'envisager la présentation, dès cette session, d'une nouvelle législation. Le comité des industries et du commerce n'existe plus en raison de la présentation de votre rapport, M. le Président, par lequel de nouvelles commissions étaient créées pour diriger la marche des travaux de la Chambre. C'est pourquoi nous avons pensé qu'il y aurait peut-être avantage à créer une commission spéciale qui serait constituée des mêmes membres que ceux qui composaient l'ancien comité de l'industrie et du commerce, ce qui nous permettrait, maintenant que nous avons entendu les différents mémoires, d'envisager laprésen-tation d'un nouveau texte de loi dans une phraséologie autre que celle que l'on peut retrouver au bill 89.

C'est dans cet esprit de travail nécessaire que je présente cette motion pour permettre aux membres de cette nouvelle commission ou de l'ancien comité de continuer l'étude des différents mémoires, analyser les différentes modifications qui pourraient être présentées ou suggérées à l'honorable ministre du Commerce et de l'Industrie. En même temps, ce dernier pourrait discuter avec les membres de la commission des amendements qu'ils pourraient apporter dans un nouveau texte de loi.

Je crois que cette commission spéciale, en

tenant encore une ou deux séances, sera en mesure de recommander à l'honorable ministre du Commerce et de l'Industrie la présentation d'une nouvelle loi qui puisse rencontrer, autant que possible, les désirs de tous les collègues de l'Assemblée et surtout répondre aux différents arguments qui ont été soulevés par les différents corps publics entendus devant le comité. Par conséquent, la motion que je désire présenter pourrait se lire comme suit: « Qu'une commission spéciale soit instituée avec mission de continuer le travail commencé par le comité de l'industrie et du commerce concernant l'étude d'un projet de loi intitulé Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux, bill 89. Que tous les mémoires, notes et rapports présentés et soumis au comité de l'industrie et du commerce lui soient remis.

Que cette commission soit autorisée à siéger pendant que la Chambre est en séance et les jours où la Chambre ne tient pas de séance avec pouvoir d'entendre des témoins et d'envoyer chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont elle aura besoin. Que cette commission fasse rapport à la Chambre au cours de la présente session.

Que MM. Baillargeon, Beaudry, Brisson, Cadieux, Charbonneau, Gauthier (Berthier), Goldbloom, Harvey, Houde, Lacroix, Leduc (Laviolette), Léveillé, Levesque (Bonaventure), Lussier, Martel, Murray, Paul, Sauvageau, Shooner, Simard et Saint-Germain, forment ladite commission spéciale. Nous avons voulu, M. le Président, présenter une commission spéciale avec le même nombre de membres que l'ancienne commission qui avait effectué un excellent travail.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauharnois.

M. CADIEUX: M. le Président, J'adresse ma question à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que cette commission recevra encore des mémoires ou si les membres siégeront seulement?

M. PAUL: Je crois qu'il avait été entendu — l'honorable député s'en rappelle — que la dernière séance que nous avons eue devait être la dernière pour la présentation de mémoires. Cependant, si demain 11 y avait un ou deux autres corps intermédiaires qui désiraient se faire entendre, nous pourrions les entendre.

Je suis sûr que l'honorable député est intrigué par le texte que l'on rencontre dans le corps de la motion. C'est parce que j'ai voulu me servir du texte sacramentel que l'on re- trouve dans la formation de chaque commission de notre Assemblée.

M. CADIEUX: Est-ce que dans l'esprit du ministre de l'Industrie et du Commerce, il y a un délai de prévu pour la fin des études de cette commission? Est-ce qu'on doit siéger encore plusieurs fois ou si, dès la reprise des travaux de la Chambre, après les vacances de Pâques, nous pourrons être en face d'un projet de loi?

M. BEAUDRY: Oui, M. le Président, nous devons siéger demain et si c'est possible, une autre semaine lorsque nous reviendrons du congé de Pâques. Nous soumettrons à l'Assemblée une législation dans le plus bref délai possible.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

Présentation de bills privés.

L'honorable député de Napierville-Laprairie

M. BAILLARGEON: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion pour qu'il me soit permis de présenter la pétition de la ville de Candiac demandant l'adoption d'une loi modifiant sa charte.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime à ce que nous retournions à la présentation de pétitions? Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Présentation de bills publics. Affaires du jour.

L'honorable ministre d'Etat à la Fonction publique.

M. MASSE: M. le Président, je désire informer...

M. LACROIX: Vous avez reçu un coup de masse.

M. MASSE: Vous allez voir pourquoi J'avais la tête ailleurs.

Déclaration ministérielle Offres monétaires aux employés d'hôpitaux

M, MASSE: Je désire informer les membres de l'Assemblée nationale que le comité patro-

nal de négociations dans le secteur hospitalier, composé de représentants du gouvernement ou des hôpitaux, transmet aujourd'hui, à ce moment-ci, le 25 mars, à Montréal, à chacun des divers organismes syndicaux concernés, les offres monétaires. Ces offres de traitements s'appliquent à 84,000 employés d'hôpitaux. Ces offres de salaires entraînent des déboursés additionnels de $138,108,000, répartis sur trois ans, en deux périodes de dix-huit mois. Au cours de la première étape de dix-huit mois, le déboursé additionnel s'élèvera à$48,592,000, ce qui représente une augmentation annuelle de 9.2%. Pour la seconde période, un déboursé de $40,924,000, représentant une augmentation annuelle de 7.2%, s'ajoute au premier montant de $48,592,000.

Au début de la deuxième période, le total des salaires versés annuellement à ce groupe d'employés sera de $406,570,000. Ces offres sont conformes à la politique salariale du gouvernement établie pour les secteurs publics et parapublics. Dans un effort de rationalisation de la structure salariale des hôpitaux, six critères principaux ont guidé l'élaboration des offres.

Premièrement, alignement des traitements sur ceux des secteurs comparables.

Deuxièmement, établissement de lignes de carrières pour diverses catégories d'employés.

Troisièmement, normalisation de la structure salariale.

Quatrièmement, incitation au perfectionnement.

Cinquièmement, parité de rémunération pour des fonctions similaires.

Sixièmement, élimination des disparités régionales.

A ce stade-ci des négociations, les divers organismes syndicaux et les représentants patronaux ont paraphé ou se sont entendus sur la quasi-totalité des clauses normatives. Nous sommes convaincus que la négociation des clauses monétaires se fera avec le même sérieux et le même souci d'efficacité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Le ministre d'Etat à la Fonction publique a dit qu'il y avait six critères principaux qui étaient à la base de l'offre faite quant à la rémunération. Il a parlé de parité d'émoluments ou de salaires. Le ministre pourrait-il nous dire comment se comparent les chiffres des offres faites dans l'ensemble, en ce qui concerne la rémunération dans les hôpitaux, comment se comparent ces chiffres avec ceux qui servent de base de salaires dans les hôpitaux, par exemple en Ontario et en Alberta?

M. MASSE: Sans entrer dans les détails, nous avons tenu compte, dans l'élaboration de la structure des salaires dans le secteur hospitalier, comme dans les autre secteurs d'ailleurs, de ce que nous versons pour des emplois similaires dans d'autres secteurs publics, tenant compte de l'offre et de la demande en personnel, tenant compte également de ce qui est payé dans les autres régions nord-américaines.

M. LESAGE: Oui.

M. MASSE: C'est l'ensemble de ces trois facteurs qui nous amène, dans la structure des traitements, à fixer le traitement pour une sténodactylo à l'hôpital X à un montant de tant. Je ne voudrais pas entrer dans tous les détails de l'offre.

M. LESAGE: C'est parce qu'il a été dit souvent que l'exploitation des hôpitaux dans le Québec — cela a été dit, je ne vous garantis pas que ce soit vrai, c'est en même temps une question - il a été dit, je le répète, l'exploitation des hôpitaux dans le Québec était plus dispendieuse, en général ou en moyenne, qu'en Ontario ou en Alberta. Les offres maintiennent-elles cette différence plus avantageuse pour les employés d'hôpitaux du Québec, si elle existe?

M. MASSE: Pour reprendre les termes du chef de l'Opposition: ç'a été dit.

M. LESAGE: Oui.

M. MASSE: Et pour reprendre les termes des dirigeants syndicaux: Cela ne dépend certainement pas uniquement des traitements.

M. LESAGE: Cela ne dépend pas de l'échelle des traitements?

M. MASSE: Comme disent les chefs syndicaux: Cela ne dépend pas uniquement de l'échelle des traitements.

M. LESAGE: Cela dépend du nombre des employés?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

Questions et réponses L'Office de radio du Québec

M. MICHAUD: Le premier ministre peut-il commenter cette nouvelle ahurissante diffusée hier soir, sur les ondes d'un poste de télévision montréalais, à l'effet que l'actuel chef du cabinet du premier ministre serait nommé à la présidence de l'Office de radio-télédiffusion du Québec? Pas de commentaire?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauharnois.

M. CADIEUX: Le député de Gouin ne s'attendait pas à avoir une réponse. C'est pour cela que je pose ma question immédiatement.

M. LE PRESIDENT: Je croyais avoir dit que la question devrait être référée au feuilleton.

L'honorable député de Beauharnois.

Atelier pédagogique Saint-Thomas

M. CADIEUX; Une question au ministre de l'Education. A-t-il reçu un télégramme d'une association de parents et de maîtres qui s'appelle l'Atelier pédagogique de Saint-Thomas, 39 Jacques-Cartier, Valleyfleld, et me permettrait-il de lui lire ce télégramme-là? C'est une question d'urgence. Avec la permission du ministre et la vôtre.

M. LE PRESIDENT: Malheureusement, même si le ministre donnait sa permission, je me verrais dans la triste obligation de la refuser.

M. CADIEUX: Est-ce que je peux demander au ministre s'il est au courant que 1,070 élèves n'auront plus de locaux, si la construction d'une régionale à Salaberry-de-Valleyfield n'est pas entreprise immédiatement?

M. LE PRESIDENT: Cette question doit être référée au feuilleton. L'honorable député de Verdun.

M. CADIEUX: Avec votre permission... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CADIEUX: II reste que ces gens-là sont très inquiets...

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. CADIEUX: ... et la décision doit être prise immédiatement. C'est très urgent, c'est une question de jours dans le moment. On vient d'apprendre que le CEGEP ne louerait plus les locaux nécessaires et que 1,070 étudiants seront dehors très bientôt.

M. GRENIER: A l'ordrel

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LACROIX: Ils ne veulent plus laisser parler le ministre de l'Education. Il est beau, mais il n'est pas fin!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable député de Verdun.

Question de privilège

M. WAGNER: Je pose la question des privilèges des membres de cette Chambre. Le vendredi matin 21 mars, le premier ministre a donné les réponses suivantes aux questions suivantes. Je cite la page 528 des Débats de la Chambre: « Sixième question, a): « Est-il exact que les procureurs de la couronne, avant cette demande de cautionnement, avaient eu une entrevue avec les officiers supérieurs de la police de Montréal, au cours de laquelle entrevue ces derniers s'étaient objectés avec véhémence à toute suggestion de cautionnement pour « Sonny » Coe? » « Réponse du premier ministre: « La réponse est non. » « Question b): « Est-ce que le procureur de la couronne ou les procureurs de la couronne ont fait part de cette rencontre aux officiers supérieurs du ministère de la Justice? » « Réponse du premier ministre: « Non, puisqu'il n'y eut point d'entrevue. »

En répondant comme il l'a fait, le premier ministre et ministre de la Justice, en se basant sur les rapports de ses officiers, n'a pas fourni une version vraie, exacte et complète des faits au sujet de l'affaire « Sonny » Coe, induisant ainsi la Chambre en erreur et causant notamment un préjudice grave aux autorités policières de la ville de Montréal.

M. BERTRAND: Je soulève un point d'ordre.

Le député de Verdun met en doute ma parole et la version des faits que j'ai présentée à cette Chambre.

M. LESAGE: Non.

M. BERTRAND: J'aimerais bien que, dès le début, il indique sa source de renseignements.

M. LESAGE: M. le Président, sur le point d'ordre soulevé par le premier ministre, j'ai ici le texte que vient de lire le député de Verdun, et je voudrais bien rappeler à la présidence que le député de Verdun a dit ceci: « Le premier ministre et ministre de la Justice, en se basant sur les rapports de ses officiers, n'a pas fourni une version vraie. »

Par conséquent, il n'a pas mis en doute la bonne foi du premier ministre.

M. BERTRAND: On y verra.

M. LESAGE: Bien, je relis ce que le député de Verdun a lu.

M. WAGNER: M. le Président, avec votre permission, je continue. Je dis qu'induisant ainsi en erreur la Chambre et causant notamment un préjudice grave aux autorités policières de la ville de Montréal qui s'étaient objectées de multiples fois à ce que le marchandage de « Sonny » Coe soit accepté par la Couronne et à ce qu'un cautionnement lui soit accordé, les faits sont les suivants:

Le 27 février, la police de Montréal apprend que le marchandage qu'elle a refusé le 18 février a été accepté par les substituts du procureur général. Une conversation téléphonique a eu lieu entre un haut fonctionnaire du département de la police de Montréal et le procureur chef de la Couronne, Me Louis Paradis, aux fins de mettre ce dernier en garde de ne pas tomber dans un piège aussi évident.

Le même jour, 27 février, une rencontre a lieu à l'édifice de la Sûreté municipale entre un haut fonctionnaire de la police de Montréal et un autre substitut du procureur général, Me Girouard, celui-là même qui fit les représentations devant le juge Coderre au nom du procureur général. La police de Montréal fit part à ce dernier de ses objections et de son refus d'accepter le marchandage de « Sonny » Coe.

Le 6 mars, dans l'avant-midi, avant que le cautionnement ne soit accordé, autre conversation téléphonique entre un haut fonctionnaire de la police de Montréal et le procureur chef de la Couronne, Me Louis Paradis, au cours de laquelle conversation la police de Montréal réitère ses objections au cautionnement. A la demande même du substitut en chef du procureur général, l'objection verbale de la police de Montréal et les raisons qui la motivent sont confirmées par écrit dans une lettre adressée au procureur chef de la Couronne, Me Louis Paradis, livrée à ce dernier le matin du 6 mars, à l'intention du ministre de la Justice, et reçue par le ministre de la Justice qui en possède l'original ou une copie depuis le 6 mars.

Le 6 mars, dans l'après-midi, le cautionnement est accordé à « Sonny » Coe. Par la suire, les objections de la police ont été de nouveau confirmées auprès des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, y inclus le sous-ministre chargé des affaires criminelles, et finalement le ministre de la Justice lui-même.

Voilà les faits qu'il est dans l'intérêt public que le premier ministre nie ou confirme. Le comportement du ministre qui persiste à voiler la vérité en se réfugiant derrière des subtilités techniques...

DES VOIX: A l'ordre!

M. WAGNER: ... nous paraît incompréhensible.

M. BERTRAND: C'est du sadisme.

M. LE PRESIDENT: Je pense que l'honorable député de Verdun conviendra avec moi que la dernière partie de son intervention est antiparlementaire, et je l'invite à retirer ses paroles.

M. WAGNER: M. le Président, je me rends à votre demande et je continue. La question à. laquelle le ministre de la Justice devrait répondre est celle-ci: Y a-t-il eu, à quelque moment, auprès des substituts du procureur général des objections verbales, téléphoniques, écrites ou autres de la part du département de police de Montréal avant l'octroi du cautionnement à « Sonny » Coe?

Et pour tirer au clair toute cette affaire, nous suggérons que la commission parlementaire de l'administration de la justice soit appelée à siéger immédiatement et qu'elle tienne des audiences publiques...

DES VOIX: A l'ordre!

M. MALTAIS (Saguenay): Les bandits sont-ils protégés, un peu!

M. LESAGE: L'article 195.

M. LE PRESIDENT: Je comprends que l'honorable député de Verdun veut conclure sa question de privilège par une motion ou...

M. LESAGE: Une réclamation en vertu de l'article 195.

M. WAGNER: Alors, M. le Président, que la commission de l'administration de la justice soit appelée à siéger immédiatement, qu'elle tienne des audiences publiques, qu'elle puisse convoquer tous les témoins impliqués, y compris l'intermédiaire de M. Coe, ce monsieur X qui a réussi à vendre sa marchandise aux autorités provinciales de la justice.

Qu'elle puisse prendre connaissance de la correspondance et autres documents, et qu'elle obtienne ainsi que la lumière la plus totale soit faite sur cette affaire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

M. BERTRAND: M. le Président, la déclaration que j'ai faite, devant la Chambre, est fondée, de l'aveu même de celui î qui j'ai parlé à l'hôtel de ville de Montréal, hier après-midi, à qui j'ai lu la réponse et qui m'a dit: Votre réponse est fondée. Celui-là même auquel 11 fait allusion. Et j'aimerais bien, dans des circonstances comme celle-ci, savoir où le député de Verdun a obtenu le renseignement selon lequel une lettre a été transmise au procureur chef de la couronne à Montréal, lettre de nature strictement privée et confidentielle, que j'ai vue par après, mais qui a été transmise au procureur chef de la couronne, le jour du cautionnement.

UNE VOIX: Avant le cautionnement.

M. BERTRAND: Alors, je me demande où le député de Verdun est allé chercher des renseignements strictement privés, privilégiés et confidentiels.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: Inventez-en des nouvelles, au moins! Vingt-cinq ont dit cela avant vous. Vous n'avez même pas l'avantage d'être original.

M. BERGERON: II n'a pas compris encore et il ne comprendra jamais, non plus.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je regrette de perdre quelques dialogues fort Intéressants, semble-t-il.

L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: M. le Président, une question au premier ministre. A la suite de l'intervention qu'il vient de faire, à la suite de celle du député de Verdun et devant le début de confirmation que le premier ministre a faite, n'y aurait-il pas lieu d'acquiescer à la demande du député de Verdun de convoquer, sans délai, la Commission parlementaire de la justice, afin de tirer cette affaire au clair?

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai déjà répondu que toute cette affaire n'était pas d'intérêt public.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Richmond.

Questions et réponses Manifestation à l'université McGill

M. LAFRANCE: M. le Président, le premier ministre pourrait-il, pour rassurer ceux qui s'inquiètent, et avec raison, d'une certaine manifestation qui devait être tenue en fin de semaine à l'université McGill, informer la Chambre des mesures qu'il a prises ou des mesures qu'il entend prendre, afin que cette manifestation monstre ne devienne pas une manifestation monstrueuse?

M. ROY: Pour réussir, ils vont réussir. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAFRANCE: Un instant, c'est très objectif mon affaire, M. le Président. Pendant que les québécois, non seulement ceux de Montréal, mais ceux de la région avoisinante s'inquiètent, avec raison, que leurs enfants ne deviennent les victimes des Gray, des Lemieux et des Chartrand, qu'entend faire le premier ministre ou le gouvernement pour prévenir ces manifestations?

M. ROY: Vous leur faites de la publicité.

M. LAFRANCE: Veux-tu te taire. M. le Président, le député de Joliette pourrait au moins écouter de façon intelligente, s'il ne peut pas parler intelligemment.

M. BERTRAND: Le député de Richmond veut-il qu'on lui réponde?

En réponse à la question du député de Richmond, je tiens à dire que le directeur de la Sûreté du Québec a toujours reçu, et en particulier dans ce cas, instruction de collaborer de la manière la plus étroite avec la Sûreté municipale de Montréal. Au sujet de toutes les manifestations où l'on peut déceler, et on le décèle souvent assez longtemps à l'avance, que des actes de violence peuvent être posés, des

instructions ont déjà été données et elles ont été répétées au directeur général de la Sûreté du Québec.

J'aurai d'ailleurs l'occasion, probablement demain après-midi, de faire une déclaration ministérielle à ce sujet.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine.

Parc Forillon

M. LACROIX: Ma question s'adresse à l'honorable ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Est-ce que l'honorable ministre a des informations à fournir à la Chambre concernant le parc Forillon que le gouvernement fédéral voudrait organiser en Gaspésie et qui a une très grande importance au point de vue touristique pour le Bas Saint-Laurent et la Gaspésie?

M. LOUBIER: Il y a quelques mois déjà, le conseil des ministres a désigné, comme ministre responsable de l'application du plan du BAEQ, le ministre délégué £ la Fonction publique. Ce ministre est aussi responsable d'un autre organisme dans le cadre de l'application de ce plan, organisme qui porte le nom d'ODEQ.

Evidemment, toutes les questions du genre sont subséquemment étudiées par le conseil des ministres, Le ministre responsable de l'application de ce plan est le ministre délégué à la fonction publique.

M. LACROIX: Question supplémentaire, M. le Président. L'honorable ministre croit-il que le ministre responsable de la réalisation du plan du BAEQ et de l'ODEQ est une entrave à la réalisation de ce parc?

M. MASSE: Il est évident que les questions du député sont cousues de fil blanc, pour ne pas dire de fil rouge. Je ne peux que lui répondre qu'au moment où il pose sa question des gens sont à Ottawa en train de discuter de cette question. Tel que prévu par l'entente de coopération que le député devrait avoir lue, ils sont en train de négocier l'application de cette entente qui n'avait pas été réglée précédemment.

M. LACROIX: Une question à l'honorable premier ministre. Pourfaciliter la réalisation du plan du BAEQ, pour faciliter le développement de la Gaspésie, du Bas Saint-Laurent et des Iles-de-la-Madeleine, n'y aurait-il pas possibilité de nommer un ministre à l'esprit moins étroit?

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: M. le Président, puisqu'on parle de cette entente intervenue entre la province de Québec et le gouvernement fédéral, le ministre, qui l'a sans doute lue, est-il au courant que le premier ministre de l'époque, M.Daniel Johnson, a lui-même signé cette entente qui prévoit la création en Gaspésie d'un parc fédéral, et que c'est bien dit dans l'entente?

M. MASSE: C'est évident que c'est dit dans l'entente qu'il y aurait des discussions au sujet...

M, LAPORTE: Non, non.

M, MASSE: ... de l'aménagement...

M. LAPORTE: N'est-il pas dit dans l'entente qu'un parc sera cédé par bail à l'un des deux gouvernements?

M. MASSE: Même si cela était, ce n'est pas écrit 99 ans.

M. LAPORTE: Non, M. le Président, mais je veux demander au ministre quel est le sens de cette querelle que l'on veut créer aujourd'hui en faisant, encore une fois, de la fausse autonomie, lorsque le principe d'un parc est admis dans l'entente signée par M. Johnson.

M. MASSE: Lorsque deux gouvernements, chacun à l'intérieur de ses responsabilités, négocient l'application d'une entente, je ne vois pas pourquoi l'Opposition doive crier à la querelle, alors que ces gouvernements font exactement le travail qu'ils doivent faire et s'entendent sur l'application de cette entente.

M. LAPORTE: Je voudrais simplement répondre sous forme de question: Le ministre est-il au courant que l'Opposition pose ce genre de questions et fait ce genre de débat parce qu'on est en train de régler sur le dos des Gaspésiens une querelle politique au sein de l'Union Nationale?

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. LUSSIER: M. le Président, j'ai l'honneur de...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Sur le même sujet?

M. LUSSIER: Même sujet. ... déposer le rapport du transport en commun dans l'agglomération de Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bonaventure.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Est-ce que le ministre délégué à la Fonction publique et responsable de l'exécution du plan pourrait nous dire quelles sont les démarches qu'il a entreprises récemment ou qu'il a l'intention d'entreprendre prochainement afin de sortir de cette impasse?

M. MASSE: J'ai dit précédemment, en réponse à une question que présentement des fonctionnaires de l'ODEQ sont à Ottawa en train de négocier cette question d'après les instructions du ministre délégué à l'ODEQ.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. MALTAIS (Saguenay): M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Sous le titre: « Le RIN cède ses archives à la Bibliothèque nationale du Québec », l'Office d'information et de publicité du Québec nous dit que ces importants documents:banderoles, photographies, affiches — il ne parle pas de bombes, par exemple — ont été...

M. LE PRESIDENT: Il semble dès maintenant que je peux déclarer qu'il s'agit d'une excellente question à inscrire au feuilleton.

M. MALTAIS (Saguenay): C'est d'intérêt public C'est un communiqué qui est émis par les contribuables: l'Office d'information et de publicité du Québec.

M. LE PRESIDENT: C'est sans doute d'intérêt public et d'un grand intérêt pour tous les membres de cette Chambre, mais Je n'en vols pas l'urgence.

M. MALTAIS (Saguenay): Alors, pourrais-je poser une question supplémentaire, qui sera également au feuilleton? Pourrais-je demander les commentaires du premier ministre concernant le fait que, par contrat, la Bibliothèque nationale s'est engagée à en distribuer partout et si Geoffroy en aura une copie?

M. BERTRAND: Comme la première question n'a pas été permise, Je ne peux pas répondre à la question supplémentaire.

M. MALTAIS (Saguenay): Retenez-vous en arrière, c'est mieux!

Rapport Lacasse

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le rapport que vient de déposer le ministre des Affaires municipales et qu'on est à distribuer présentement, est celui dont un résumé apparaît dans un quotidien publié ce midi et où l'on déclare — et c'est à ma grande surprise — que le document a été déposé ce matin à l'Assemblée nationale? Est-ce que l'Assemblée nationale a siégé ce matin, M. le Président? C'est encore une façon d'informer tout le monde avant les représentants du peuple. C'est la vieille méthode de l'Union Nationale.

M. LUSSIER: Ne faites pas la question et la réponse.

M. TREMBLAY: Des espions... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LUSSIER: M. le Président, nous avons tenu ce midi une conférence de presse.

M. LESAGE: C'est cela.

M. LUSSIER: II avait été clairement entendu et accepté de tous les membres qu'il y avait un embargo qui devait être respecté jusqu'à cinq heures. Il est extrêmement regrettable qu'un journal ait fait fi de cette entente et qu'il n'ait pas respecté l'éthique que les journalistes et les journaux veulent voir s'établir. Je ne puis que déplorer cet état de chose.

Contrat de la Churchill Falls

M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le contrat entre l'Hydro-Québec et Churchill Falls Corporation a été signé?

M. BERTRAND: D'après les derniers renseignements que j'ai eus du président, il n'y a pas tellement longtemps, le contrat n'a pas encore été signé.

M. LESAGE : Le premier ministre croit-il qu'il est raisonnable de laisser les représentants du peuple dans l'ignorance, quant aux conditions de la lettre d'intention signée par l'Hydro-Québec à l'endroit de Churchill Falls Corporation, lorsque, en vertu de cette lettre d'intention, sans doute, puisque le premier ministre vient de le dire, le contrat n'est pas encore

signé, l'Hydro-Québec a signé des lettres d'intention s'engageant à vendre au gouvernement de l'Ontario 28 milliards de kilowatts-heures de l'électricité venant de Churchill Falls, et à l'Hydro du Nouveau-Brunswick, tout récemment, jeudi ou vendredi dernier, 5 milliards de kilowatts-heures.

Croit-il raisonnable, premièrement, de tenir les représentants du peuple dans l'ignorance des conditions de la lettre d'intention signée à l'égard de Churchill Falls Corporation, et, deuxièmement, de ces lettres d'intention signées avec l'Hydro de l'Ontario et l'Hydro du Nouveau-Brunswick? Il faut bien se rappeler que c'est l'Assemblée nationale qui donne au gouvernement le pouvoir d'approuver les bilans de l'Hydro-Québec et que c'est l'Assemblée nationale qui donne au gouvernement le pouvoir de garantir les emprunts de l'Hydro-Québec. Il s'agit d'une dépense de quelques centaines de millions de dollars par l'Hydro-Québec pour le développement des chutes Churchill, et le gouvernement garantit les emprunts que fait l'Hydro-Québec pour sa part dans le coût du développement de ce pouvoir hydro-électrique.

Le premier ministre a-t-il l'intention de déposer, avant l'ajournement de Pâques, lesdites lettres d'intention, pour que nous puissions savoir si nous sommes justifiés, nous et le gouvernement de continuer d'engager l'argent des contribuables dans cette aventure.

Est-ce qu'il le fait aux meilleures conditions possibles? C'est très sérieux. Il s'agit d'un montant très considérable.

M. BERTRAND: A la première partie de la question du chef de l'Opposition, des réponses ont déjà été données. Premièrement, je puis l'assurer que ce n'est pas une aventure et que, de l'aveu même de tous ceux qui ont examiné le problème, ce sera une excellente affaire pour le Québec.

Deuxièmement, la commission du ministère des Richesses naturelles pourra siéger. Dès que le contrat aura été signé, le président viendra exposer devant la commission le problème, la solution qu'on a recommandée, tous les faits et toutes les informations qui seront de nature à éclairer la Chambre, en particulier les membres du comité et le public. Quant aux lettres d'intention relatives à la vente de l'électricité, le chef de l'Opposition sait que, dans ce domaine-là, il faudra une loi. Cette loi avait d'ailleurs, été proposée, alors que nous étions dans l'Opposition, par le chef de l'Opposition du temps, qui devint premier ministre et à qui j'ai succédé. Alors, dans les deux cas, la Chambre sera pleinement et entièrement renseignée. On peut en croire celui qui parle et le ministre des Richesses naturelles, qui est au courant du problème.

M. LESAGE: Il n'en reste pas moins que l'argent des contribuables, par la garantie donnée par le gouvernement, est engagé pour des centaines de millions de dollars, sans que les représentants des contribuables ne soient au courant des conditions. Alors, c'est le point sur lequel j'ai voulu insister.

Maintenant, je dois poser une question additionnelle au premier ministre, étant donné la nature de sa réponse. Peut-il nous dire à quel moment le contrat sera signé? Cela fait un an que son prédécesseur et lui nous disent que le contrat est à veille d'être signé.

M. BERTRAND: Je puis donner au chef de l'Opposition la réponse suivante. J'ai eu l'occasion de rencontrer le président de l'Hydro-Québec, à mon bureau de l'Hydro, à Montréal, un lundi matin, il y a déjà au-delà de trois semaines. A ce moment-là, M. Lessard m'a dit qu'on essayait, en prenant toutes les précautions, de procéder avec le plus de diligence possible et que ça pourrait être signé à la fin de mars ou en avril, mais il n'était pas certain quant à la date. Je lui ai posé exactement la même question que me pose le chef de l'Opposition et je crois qu'il a tenu les mêmes propos à mon collègue, le ministre des Richesses naturelles.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: Est-ce que je peux demander au ministre des Affaires municipales — que je remercie en passant de sa célérité à déposer ce rapport — si ce rapport, avant d'être déposé à l'Assemblée nationale, a reçu l'approbation du conseil des ministres?

M. BERTRAND: Il a été soumis.

M. LUSSIER: Il a été soumis au conseil des ministres et je le rends public aujourd'hui.

M. LESAGE: Le conseil des ministres l'a regardé passer, sans commentaire?

M. LAPORTE: M. le Président, partant de cette réponse du ministre des Affaires municipales, est-ce que je puis, demander au premier ministre comment il se fait qu'un rapport, daté du 11 mars 1969, nous est remis le 25 mars 1969, après avoir été soumis au conseil des

ministres, alors que le rapport Rioux, qui est soumis au conseil et qui a été déposé il y a déjà plusieurs semaines.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre!

M. LAPORTE: .. n'est pas encore déposé à l'Assemblée nationale?

M. BERTRAND: On notera que nous n'avons qu'un rapport dans ce cas-là, alors que, dans l'autre cas, il y aurait...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un rapport minoritaire.

M. BERTRAND: ... trois volumes et un rapport minoritaire. Or, le rapport minoritaire ne nous est pas encore parvenu.

M; TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas le même problème.

Le rapport Rioux

M. LAPORTE: Est-ce que je peux demander au ministre de l'Education, maintenant que le professeur Rioux a donné une importante entrevue au journal Le Soleil, dans lequel il résume de nouveau le rapport qui avait été publié presque in extenso dans les journaux, s'il a l'intention de faire à cette Chambre l'insigne faveur de lui remettre le rapport?

M. CARDINAL: Je ne suis pas autorisé à remettre ce rapport. Je pense qu'à plusieurs reprises, j'ai tenté d'expliquer le plus clairement possible au député de Chambly que c'était le conseil des ministres qui avait l'autorité de décider quand ce rapport, qui était devant lui, serait déposé devant cette Assemblée nationale.

M. LAPORTE: Devant la très grande brièveté des renseignements que le gouvernement nous donne de façon officielle sur le rapport Rioux, est-ce que le ministre nous suggérerait de surveiller les journaux afin de prendre également connaissance du rapport minoritaire?

Je me permets de souligner avec quel...

M. ALLARD: Vous n'êtes jamais contents. C'est trop tôt ou trop tard.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: Oui, comme le monsieur qui disait: Avant l'heure c'est pas l'heure et après l'heure ce n'est plus l'heure. Tâchez de déposer vos rapports à temps.

M. ALLARD: Vous n'êtes jamais satisfait de l'heure.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: J'aurais une question à poser au premier ministre. Le député de Chambly a posé au ministre des Affaires municipales une question qui, pour lui, n'était en fait qu'une prémisse pour en arriver au rapport Rioux. Mais lorsqu'il a demandé au ministre des Affaires municipales si le conseil des ministres avait approuvé les conclusions du rapport, le ministre a répondu: II a été soumis. J'ai glissé et il l'a laissé passer, mais étant donné que cela a été soumis au conseil des ministres, je suis justifié de demander au premier ministre si le gouvernement a approuvé les conclusions et les recommandations du rapport Lacasse, s'il a décidé de les mettre en oeuvre et quand.

M. BERTRAND: Non, mais nous sommes bien résolus à les étudier et à les examiner de très près.

M. LESAGE: II y a de la gratuité dans ça.

M. BERTRAND: D'ailleurs, le ministre des Affaires municipales a un comité qui travaille là-dessus et qui doit nous présenter un mémoire au conseil.

M. LESAGE: On recommande encore la gratuité pour les piétons sur la Traverse de Lévis?

M. BERTRAND: Ah! Vous avez hâte!

M. LAPORTE: C'est gratuit... s'ils traversent à la nage.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: En hiver, la course en canot.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le temps réservé aux questions est maintenant expiré.

Bill 1

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des mines.

L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. ALLARD: Ce bill a été.,.

M. LAPORTE: Voulez-vous m'excuser une seconde? Question de procédure ou de travaux de la Chambre. Est-ce qu'après l'étude du bill sur les mines nous revenons à l'étude des crédits ou si c'est le bill 7? Les subsides tout de suite après?

M. BERTRAND: Le ministère des Terres et Forêts doit continuer. Nous avons quatre lois. Articles 3, 4, 8 et 9 de l'ordre du jour.

M. LAPORTE: Nous passons les quatre lois avant de revenir aux crédits?

M. BERTRAND: Oui, avant les subsides. M. Paul Allard

M. ALLARD: Ce bill a pour but d'amender deux articles de la Loi des mines, soit l'article 46 et l'article 76.

Ces amendements ont été demandés par le Conseil régional du développement et par les différents groupements du Bas-du-Fleuve qui travaillent, comme on le sait, depuis de nombreuses années à améliorer la situation économique qui est actuellement un problème pour cette partie de la province. Nous avions, par l'article 46, déjà apporté un amendement pour favoriser le territoire au nord du 52e parallèle. Etant donné que les conditions de climat y sont plus difficiles que dans le sud de la province; étant donné que les conditions existant dans le Bas-du-Fleuve peuvent, jusqu'à un certain point, être comparables à celles des régions situées au nord du 52e parallèle, c'est à cet effet que nous avons voulu étendre le même privilège qui existe dans cette région au Bas-du-Fleuve. En vertu do l'article 46, une section spéciale concerne le territoire situé au-delà du 52e parallèle.

En vertu de la loi telle que présentée ordinairement, il y a douze mois pendant lesquels une concession demeure valide. Or, par cet amendement, on veut prolonger à 24 mois la période actuelle de douze mois. Comme on le sait, la période des travaux au nord du 52e ainsi qu'en Gaspésie étant une période excessivement réduite à cause du climat, cela empêchait de pouvoir continuer ou faire progresser normalement les travaux de recherche.

Pour donner une concordance à cet article 46, on a prolongé aussi, à l'article 76, la quantité d'heures de travail à être effectuées sur certaines concessions. Etant donné qu'en vertu de la loi, présentement, sauf au nord du 52e, il fallait cinq heures de travail par année, nous avons prolongé à dix heures pour deux ans, ce qui permet à des prospecteurs ou à des compagnies minières de faire d'abord leurs concessions la première année, d'y effectuer certains travaux, mais leur donnant la latitude de faire, dans cette deuxième année, les heures réglementaires, c'est-à-dire dix heures, au lieu de cinq heures par année.

Tout ceci dans le but de favoriser le travail de recherche au point de vue minier en Gaspésie, secteur où, comme on le sait, il y a actuellement des découvertes intéressantes, des développements prometteurs. Comme la situation économique de ce secteur demande des considérations particulières, nous avons cru bon d'accepter la proposition faite par les différents comités de citoyens du Bas-du-Fleuve, demandant de profiter des avantages qu'on donnait à la région située au nord du 52e parallèle.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Est.

M. Lucien Cliche

M. CLICHE: J'ai étudié le projet de loi que présente le ministre des Richesses naturelles. Evidemment, les amendements qu'on apporte à la Loi des mines étant minimes, j'ai été un peu surpris que l'on s'en tienne uniquement à ces quelques modifications qui reportent à deux ans les travaux qui sont normalement faits au cours d'une année. A la fin d'une année, on doit faire rapport des travaux qui devaient être faits au cours de l'année précédente. La même procédure revient à la fin de la deuxième année. On donne deux ans pour faire la même somme de travaux qui étalent faits pendant la première année et pendant la deuxième année.

Je déplore, à juste titre, que les amendements apportés par le ministre à la Loi des mines ne soient de nature à inciter à une plus grande exploration minière dans la province, à une découverte plus intensifiée de gisements miniers. J'aurais aimé que le ministre donne suite à des suggestions qui lui ont été faites, à des recommandations et sans doute à des conseils qui lui furent donnés d'inciter, par une politique fiscale spéciale, une plus grande recherche, comme je le disais, de gisements miniers. Je pense que la compagnie Soquem fait un effort tout spécial dans ce sens. Une somme d'un million par année lui est attribuée pour fins de recherche de gisements. La somme, à mon point de vue, est bien dépensée. Cela marche assez bien dans ce sens, mais l'exploration qui serait faite par des individus ou par des com-

pagnles minières produirait aussi nécessairement, avec le temps, des découvertes intéressantes de gisements miniers dans le sol québécois.

Je suis convaincu que le ministre a déjà reçu une suggestion à l'effet de réduire des droits qui furent augmentés par notre gouvernement, concernant les permis de mise en valeur. On sait qu'il faut d'abord un permis de jalonnement, qui coûte $10.

Une fois le jalonnement fait, les concessions de terrains miniers jalonnés demeurent durant une période de douze mois la propriété de celui qui les a jalonnés. A la fin de cette période, pour conserver ses droits sur les terrains qu'il a jalonnés, le prospecteur, le détenteur de ces concessions doit faire rapport au ministère des travaux qu'il doit faire, selon la Loi des mines.

En plus, on exige des droits de $10 pour le permis de mise en valeur. En d'autres termes, le renouvellement des droits, la continuation du droit qu'a le détenteur coûte $10 par permis de mise en valeur, tel qu'on l'appelle, plus $0.25 l'acre pour le premier renouvellement. Lorsque intervient le deuxième renouvellement, c'est $0.75 l'acre et encore $10 pour le permis.

Cette augmentation de droits a été faite en 1965, dans une bonne intention, sûrement; je ne veux pas blâmer le ministre des Richesses naturelles de l'époque. A ce moment-là 11 y avait deux théories: est-ce que l'on permet de détenir des concessions minières à l'infini pendant une période indéterminée ou allant jusqu'à dix ans, avec des droits réduits, ou doit-on augmenter les droits et inciter les gens à faire des travaux, des découvertes, ou abandonner les concessions afin que d'autres y fassent des recherches à leur tour?

Je crois que l'expérience a démontré que comparativement à d'autres provinces, les droits exigés par le Québec dans ce domaine sont exorbitants, trop élevés, A ce moment-là" les droits imposés par les autres provinces pour jalonner des territoires miniers étaient inférieurs aux nôtres. Mais, depuis, il y a eu une augmentation, et encore actuellement il en coûte plus cher que dans toute autre province du Canada pour jalonner, pour maintenir des terrains miniers en vigueur. Je parle des droits, non des travaux, qui sont demandés par la province.

Il est heureux que la province retire des revenus intéressants de ses richesses naturelles. Nous sommes tous en faveur de cela sauf lorsque cela arrive à un point où les droits étant trop élevés, la recherche diminue et qu'on va chercher ailleurs dans d'autres provinces. L'on doit, je pense, si l'on veut arriver à la même somme de revenus de nos richesses na- turelles, trouver une autre formule de taxation sur les profits. Cela fait moins mal de taxer des profits de celui qui en fait que de taxer celui qui fait uniquement de la recherche, car à ce moment-là il ne sait pas s'il fera ou non des profits. Il fait un investissement et on le taxe. J'en suis, mais dans une certaine proportion.

J'aurais voulu que les amendements comportent une amélioration à la loi et que l'on accorde une certaine réduction. Je pense que le prospecteur a besoin de cette réduction. Ceux qui s'occupent de la question minière ou qui demeurent dans des villes minières savent par expérience que la grande majorité des recherches sont celles que les prospecteurs font par leur travail, leurs courses, leurs recherches, et les gisements sont généralement découverts par eux. Je pense à la région de Chibougamau, aux autres régions de Val d'Or, Cadillac, Malartic, Rouyn ainsi qu'aux régions ontariennes et aux territoires miniers des Cantons de l'Est.

Alors il faut une période d'au moins trois ans, sinon quatre, à un prospecteur, pour lui permettre de bien connaître son terrain, d'avoir le temps de le parcourir, car les saisons n'étant pas toujours favorables, cela lui prend un certain temps.

Alors c'est plus dispendieux au Québec qu'ailleurs au Canada. Si je fais cette suggestion, c'est uniquement dans le but d'aider la prospection, d'aider le prospecteur et non pas d'aider les grandes compagnies qui, évidemment, en profiteraient, c'est certain, car la loi ne peut pas s'appliquer uniquement à certaines personnes, elle doit s'appliquer à tout le monde dans ce domaine.

Alors, je demande au ministre de bien vouloir étudier cette situation. Cela voudrait dire une réduction pas tellement sensible. Et si l'on veut récupérer un montant, ne perdre aucun revenu, on peut, par une autre méthode de taxation de profits, pour ceux qui en font évidemment, récupérer des sommes qui seraient ainsi perdues.

Je pense qu'ici, au Québec, on nous donne certains chiffres qui équivaudraient à ceux que je donne présentement. On dit que pour détenir, pendant sept années, un terrain minier de même superficie, en Ontario il en coûterait $1,320 alors qu'au Québec il en coûte $4,850 pour la même période. C'est peut-être un nombre d'années un peu trop élevé. Mais disons que c'est un exemple.

M. ALLARD: M. le Président, je comprends très bien l'exposé du député d'Abitibi-Est. Je me demande cependant s'il entre strictement dans les questions de principe du bill en discus-

sion. SI le député le veut — Je comprends son point de vue et je suis d'opinion que nous pouvons nous rencontrer sur bien des sujets —je me demande s'il n'y aurait pas lieu de faire ces discussions lors de l'étude des crédits, au moment où l'on discuterait spécifiquement des amendements à être apportés à la Loi des mines.

M. CLICHE: J'ignore quelle serait la décision du président actuel sur une question légale semblable, mais disons que je pense que les députés ont le droit de discuter non pas seulement de ce que la loi contient, mais également de ce que la loi devrait contenir. Quels sont les amendements que le ministre devrait apporter? Ce sont les considérations que je voulais faire concernant les droits.

Maintenant, les amendements que le ministre apporte présentement ne feront, comme je le disais, que permettre que l'on fasse sur une période de deux ans les travaux qui devraient être faits à chaque année.

Je lui demande pourquoi 11 n'a pas eu l'idée d'inclure d'autres territoires. Je ne m'objecte en aucune façon à ce que les districts électoraux de Bonaventure, Gaspé-Nord, Gaspé-Sud, Iles-de-la-Madeleine et toute cette région-là, incluant le Témiscouata et Rivière-du-Loup, bénéficient des avantages qu'il accorde. Mais, je ne vois pas pourquoi d'autres territoires qui font partie de zones défavorisées ne profitent pas eux aussi des avantages qui sont accordés présentement par la loi.

Je comprends que, dans la région de la Gaspésie, les difficultés d'exploration sont peut-être plus grandes qu'ailleurs dans la province. Les chiffres qui m'ont été fournis récemment démontrent que, pour la moyenne des travaux de forage effectués par les compagnies minières, le coût d'un pied de forage dans ma région, en Abitibi, est inférieure à $5. En Gaspésie, la moyenne est de $13 à $15, pour différentes raisons : formation du roc, difficulté d'avoir de l'eau éloignement, manque de routes carrossables. Il convient donc très bien que l'on accorde à cette région l'avantage de faire en deux ans les travaux qui devraient être faits à chaque année. Mais j'aimerais bien que l'on inclue dans ces amendements d'autres régions, encore une fois, dites défavorisées. Il y en a d'autres. Je pense que la région d'Abitibi que je représente, au point de vue de la taxation, des privileges fiscaux, etc., qui tombe dans la même catégorie que toutes les régions désignées au paragraphe 2 du bill numéro 1.

Je voudrais bien que le ministre s'en occupe et je me permettrai peut-être de proposer un amendement. C'étaient donc les remarques que je voulais faire à ce stade-ci.

M. ALLARD: M. le Président, je prends bonne note des remarques du député d'Abitibi-Est. Tout d'abord, sur la possibilité d'étendre à d'autres territoires le privilège que l'on accorde au Bas-du-Fleuve, privilège qui existait d'abord uniquement en faveur de cette partie du territoire au nord du 52e, disons que le principe peut valablement être étudié afin de considérer la possibilité de l'étendre ailleurs. Mais étant donné que le territoire du Bas-du-Fleuve sert actuellement de territoire pilote, si les résultats s'avéraient avantageux, je ne verrais pas pourquoi, d'ici très peu de temps, on ne pourrait pas l'étendre au reste de la province ou à d'autres régions aussi défavorisées que celle du Bas-du-Fleuve.

Quant aux recommandations faites par le député au sujet de l'Incitation au développement minier, j'en suis à me demander s'il ne serait pas au courant de certaines propositions que nous sommes à étudier présentement dans le but de fournir des incitations à la recherche minière, donc au développement minier.

Pour répondre aux propositions faites par le député d'Abitibi-Est, je dois dire que nous avons toute une série d'études et que nous sommes à compiler ces recommandations. Même si elles représentent une diminution pour la province en revenus directs, je crois qu'il y aurait avantage, à un moment donné, à faire un sacrifice de certains droits pour inciter un développement plus fort qui, dans l'ensemble, rapporterait beaucoup plus à la province que la perte de quelques droits dont le député faisait mention tout à l'heure.

Ces recommandations sont présentement étudiées par le ministère. Nous espérons, dans un avenir assez rapproché, être en mesure d'accorder certaines réductions du genre de celles qui sont proposées et, peut-être, d'en ajouter d'autres qui seraient de nature à inciter le développement minier dans la province.

M. CLICHE: Par une législation que le ministre présenterait à cette session-ci?

M. ALLARD: n y aurait peut-être lieu, d'abord, de s'entendre sur les avantages à offrir avant d'arriver avec une loi. Des documents sont prêts, il reste à obtenir l'accord du Conseil de la trésorerie et du ministère des Finances afin de savoir s'il est possible, dès cette année, d'accorder des réductions du genre de celles qui sont proposées par le député.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill no 1.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. FRECHETTE (président du comité plénier): A l'ordre! Alors, article 1, adopté?

M. CLICHE: Un instant, s'il vous plaît. A l'article 1, n'y aurait-il pas lieu d'ajouter des territoires de la côte nord du Saint-Laurent? Là, je vois que c'est uniquement la péninsule gaspésienne, incluant les Iles-de-la-Madeleine, qui bénéficiera de la présente loi. Pourquoi la Côte Nord n'en bénéficierait-elle pas, particulièrement, le comté de Duplessis, le comté de Charlevoix et le comté de Saguenay?

M. ALLARD: Je comprends très bien la recommandation faite par le député. Comme je viens de l'expliquer, étant donné qu'il s'agit d'un territoire pilote, je crois qu'il y aurait lieu, pour cette année, d'expérimenter ce que pourrait donner un tel avantage. S'il y avait lieu, un peu plus tard, je n'aurais personnellement aucune objection à étendre à d'autres territoires la recommandation faite à l'article 1 pour le territoire du Bas-du-Fleuve.

M. CLICHE: Le ministre devrait suivre étroitement la marche des choses et voir si la loi donne les avantages qu'elle devrait donner. Les amendements que l'on apporte peuvent avoir des conséquences désavantageuses pour l'exploration minière. Cela peut aider et celapeut nuire, selon l'attitude que le ministère prendra.

M. ALLARD: C'est justement là, peut-être, qu'il y aurait lieu de laisser fonctionner, pendant un certain temps, la loi telle qu'amendée afin de décider après si réellement c'est un avantage et si, dans ce cas-là, on doit l'étendre à d'autres territoires.

M. CLICHE: Je veux mentionner le désavantage qui serait le suivant; Si l'on donne deux ans au détenteur d'une concession minière pour faires les travaux qu'il devrait effectuer à chaque année, on accorde deux ans de validité à ses droite miniers. Pendant ces deux années, il a la liberté de faire ou de ne pas faire les travaux. Actuellement il a un an. Il peut jouer pendant 12 mois. Pendant ce temps-là, 11 peut faire ou ne pas faire les travaux. S'il ne les fait pas, évidemment il perd ses droits. Mais pendant une année, il a eu des droits sur ce territoire minier. Maintenant on prolonge cette période à deux ans.

M. ALLARD: Si le député me permet... justement là, la raison en est les conditions de climat qui existent en Gaspésie. A toutes fins pratiques, il arrive que les compagnies ou les prospecteurs ne peuvent pénétrer qu'à la fin de juin sur leur territoire à cause des conditions de circulation en forêt. Il leur reste les mois de juin, juillet, août et parfois septembre. On estime à trois mois seulement la période possible de travaux étant donné le climat spécial, comme celui qui existe au nord du 52e. C'est pourquoi nous avons prolongé cette période à deux ans, ce qui faciliterait la poursuite des travaux.

Avec la période unique d'un an, il arrive que des compagnies, au bout d'un an, n'ayant pas eu le temps d'en faire suffisamment et n'ayant pas obtenu de résultats assez encourageants, discontinuent étant donné qu'elles sont limitées à douze mois pour faire leurs travaux. C'est en vertu de ces conditions spéciales que nous proposons deux ans. C'est pour permettre justement de continuer un travail qui aboutirait peut-être alors qu'autrement il peut être laissé en chemin.

M. COITEUX: M. le Président, les remarques que le ministre des Richesses naturelles vient de faire apportent un argument de plus à la demande formulée tantôt par le député d'Abitibi-Est à l'effet que ces droits devraient être étendus à la Côte Nord. Lorsqu'on parle de conditions climatiques, ce qui semble être le facteur principal déterminant cet amendement à la Loi actuelle des mines, lorsqu'on traverse sur la Cote Nord, où l'on a en plus un territoire complètement Inorganisé au point de vue du transport comparativement à la Gaspésie, je crois que, premièrement, on ne peut pas prétendre qu'il y a un meilleur climat sur la Côte Nord qu'en Gaspésie au point de vue de ce genre de travail. Deuxièmment, le transport est beaucoup plus difficile et onéreux pour le prospecteur qui veut oeuvrer dans ces territoires-là. Ils se trouvent tout de même de 400 à 500 milles de Sept-Iles. Si vous entrez à l'intérieur, vous

avez tout de suite dans les 700 à 800 milles de transport pour les gens qui vont oeuvrer en bas du 52e. L'argument du ministre porte à faux s'il ne considère que le climat.

M. ALLARD: Je comprends parfaitement la demande du député. Comme le disait tout à l'heure le député d'Abitibi-Est, il est possible que cet amendement soit bon, mais il est aussi possible qu'il ne le soit pas. Je crois qu'il y aurait avantage à faire l'expérience dans un territoire pilote, un territoire donné. Si, à ce moment-là, on réalise qu'il y a réellement avantage à procéder de cette manière, personnellement je n'ai aucune objection à l'étendre à d'autres territoires. Comme le député, je connais les conditions climatiques de son coin de pays. Elles sont certainement aussi difficiles, sinon plus, que celles du Bas-du-Fleuve. Je pourrais peut-être conseiller au député de mettre sur pied un conseil économique dans son coin, conseil qui ferait les recommandations qui ont été faites par ceux du Bas-du-Fleuve.

M. CLICHE: M. le Président, j'ajouterai que si le ministre voulait réellement compléter sa loi et aider de façon très efficace l'exploration minière dans ce coin de la Gaspésie où il y a déjà un plan d'aménagement — je suis très sérieux dans mes remarques — il faudrait qu'il aide de façon directe l'exploration minière. J'ai déjà demandé à feu Pierre Beauchemin, un des pionniers de l'industrie minière au Québec, quelle politique le gouvernement devait adopter pour inciter les compagnies minières à faire plus d'exploration et à découvrir plus de gisements. A ce moment-là — cela fait déjà une dizaine d'années — sa réponse avait été d'aider en subventionnant l'exploration ou en accordant des privilèges fiscaux à l'exploration minière.

Si le ministre veut absolument concourir au plan d'aménagement et au développement économique du Bas Saint-Laurent, 11 devrait aider au forage, car c'est la façon la plus directe de trouver des gisements miniers. On peut penser qu'il y en a, mais il faut toujours faire le forage pour la vérification finale, pour obtenir la teneur, le volume, etc.

Etant donné qu'il est originaire, lui, de la Gaspésie et qu'il protège ce coin de pays, pourquoi, avec une loi qui aiderait réellement ne subven-tionne-t-il pas le forage à diamant qui coûte plus cher en Gaspésie qu'ailleurs dans la province? Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est environ $13 à $15 le pied en Gaspésie, comparativement à $4 ou $5 en Abitibi. On devrait subventionner le forage à diamant, car, directement, cela favoriserait l'exploration minière en Gaspésie.

M. ALLARD: Si le député d'Abitibi-Est prête des intentions de protéger un coin de pays qui m'est cher, je crois qu'il pourrait, de la même façon, m'aider souventefois à faire valoir des droits spéciaux en faveur de la Beauce, son pays d'origine.

En ce qui concerne la Gaspésie, vous n'êtes pas sans savoir que, par l'entremise de Soquem, nous avons déjà consacré un pourcentage d'argent — le chiffre m'échappe — à des travaux de recherche. Le député a été heureux d'apprendre, l'an dernier, que le plus gros pourcentage des sommes mises à la disposition de Soquem était dépensé dans la région du Nord-Ouest, qui est la sienne, mais que la Gaspésie, je crois, venait en second lieu avec un pourcentage aussi Intéressant pour des recherches, du forage et pour essayer de stimuler les découvertes minières.

M. LE PRESIDENT: Alors, article 1 adopté. Article 2.

M. ALLARD: A l'article 2, comme je l'ai dit tout à l'heure au député, étant donné qu'on accorde une période de deux ans, on permet, dans la deuxième année de faire les dix heures d'ouvrage, si, la premiere année, à cause de la période très courte qui permet des travaux sur le terrain, on peut ne pas être suffisamment avancé pour faire de l'exploration véritablement. En effet, souvent, ça peut prendre un mois, deux mois, trois mois à se rendre aux endroits où on veut faire le travail. Cet article permet, dans la deuxième année, de faire compter le travail minier dont on n'a pas pu se prévaloir durant la première saison.

M. LE PRESIDENT: Adopté? Article 3 adopté.

M. FRECHETTE (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté le bill 1 sans amendement.

M. LEBEL (président): Ce rapport sera-t-il adopté?

Adopté.

Troisième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

De consentement unanime, est-ce que la motion de troisième lecture sera adoptée?

Adopté.

M. BERTRAND: Pour accommoder pendant quelques minutes le député de Chambly, nous pourrions peut-être appeler immédiatement

l'article 6, bill 8, Loi modifiant le code civil.

Il n'y a rien de...

M. LESAGE: Bien, voici, justement...

M. BERTRAND: Si on aime mieux le remettre à jeudi, je n'ai aucune objection.

M. LESAGE: M. le Président, j'avais les meilleures intentions du monde, mais, pour me servir d'une expression qui est chère au député de Maskinongé, j'ai consulté mes avocats pratiquants...

M. BERTRAND: Oui, combien en avez-vous?

M. LESAGE: ... et ils n'ont pu prendre connaissance du projet de loi qu'aujourd'hui. Par suite d'une erreur, la semaine dernière, le bill n'a été distribué que vendredi, après dîner...

M. BERTRAND: Vous avez raison. J'avais demandé qu'il soit distribué, mais il ne l'avait pas été.

M. LESAGE: Nos collègues étaient partis pour Montréal; ils sont revenus à midi et ils viennent de prendre connaissance du bill. Le député d'Outremont me demandait quelques heures de grâce.

M. BERTRAND: Nous pourrons peut-être le prendre jeudi. Alors, d'ici là, vous aurez le temps de l'examiner.

M. LESAGE: Très bien.

M. BERTRAND: Le ministre de l'Education sera ici dans quelques minutes. Alors, nous pourrons appeler l'article 8.

M. LESAGE: Disons que je suis prêt à faire mon possible.

M. BERTRAND: Nous appellerons d'abord l'article 8, ensuite, l'article 9.

M. LESAGE: L'article 8, c'est le bill 6?

M. BERTRAND: Les bills 5 et 6. Il y en a deux. Alors, article 8.

Bill 5

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi du Conseil supérieur de l'éducation.

L'honorable ministre de l'Education.

M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre. Ce bill, comme je l'ai indiqué, lors du débat en première lecture, est purement une modification de la loi actuelle du Conseil supérieur.

Il a été présenté à la demande même du Conseil supérieur. Il a surtout pour but de préciser le sens et la portée de certains articles de la loi du conseil, d'une part, et également, d'autre part, d'ajouter aux quatre commissions du conseil une cinquième, celle de l'éducation des adultes.

Ces modifications — j'y reviendrai...

M. LESAGE: C'est un petit peu plus que ça.

M. CARDINAL: Oui. Je compléterai. Ces modifications répondent, d'ailleurs, dans l'ensemble/ aux désirs exprimés par le conseil lui-même et par ses commissions. Je ne reprendrai pas chacun des articles des notes explicatives...

M. LESAGE: Nous ferons ça en comité.

M. CARDINAL: ... qui sont, je crois, suffisantes. Je préciserai cependant qu'en plus d'ajouter cette commission de l'éducation des adultes, l'on remplace les commissions existantes par une commission de l'enseignement collégial. Cette commission de l'enseignement collégial vient du fait, comme on le sait, que les collèges d'enseignement général et professionnel ont peu à peu pris sous leur responsabilité, l'enseignement en matière technique et professionnelle. Les derniers articles corrigent tout simplement les inexactitudes de la version anglaise de la loi. Je pense que l'on connaît déjà l'excellent travail du Conseil supérieur de l'éducation, que ces modifications ne changent en rien la conception de ce conseil et ne font que mettre plus à jour la législation qui le gouverne.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: Je suis d'accord avec le ministre. Ce projet de loi a pour but de préciser et de clarifier certaines dispositions de la loi du Conseil supérieur de l'éducation, mais il a également pour but, ce que j'appellerai, peut-être en mauvais français, un réaménagement des commissions du conseil.

Lorsque le conseil a été créé par 12, 13 Eli-

zabeth II, chapitre 15, Je crois — Je parle de mémoire, c'est sujet à correction — c'était sur la foi des recommandations de la commission Parent, à son tome I, page 116, paragraphe 199. Ce paragraphe se lit comme suit: « Le Conseil supérieur de l'éducation devra donner son avis sur un grand nombre de problèmes, conseiller le gouvernement et même les associations privées. A cause de l'ampleur de cette tâche et de la diversité des sujets, nous ne croyons pas que le conseil doive se composer de spécialistes. Il devra être en quelque sorte polyvalent et capable de Juger des questions dans une perspective d'ensemble. Mais il faudra nécessairement que le conseil soit assisté de commissions qui réuniront précisément les spécialistes d'un domaine ou d'un secteur particulier. Nous recommandons que le conseil ne multiplie pas ses commissions et que celles-ci soient limitées à trois: La commission de l'enseignement élémentaire et secondaire, la commission de l'enseignement technique et la commission de l'enseignement supérieur. C'est Il chacune de ces commissions que le conseil référera, selon le cas, les questions touchant l'un ou l'autre secteur de l'enseignement. »

Le conseil supérieur de l'éducation a été formé par législation en 1964, par 12 - 13 Elizabeth 11, chapitre 15, comme je le disais tantôt. Lorsque la commission a écrit son tome 2, l'on pouvait lire à la page 184, le paragraphe 300, dont je cite un extrait: « Nous avons insisté sur le caractère polyvalent de l'enseignement secondaire et des instituts — ce qu'on appelait, évidemment, dans le rapport Parent, des instituts, c'est devenu des CEGEP au niveau collégial — Je continue la citation: « Dans ce contexte, nous croyons qu'une commission de l'enseignement technique et professionnel ne se légitime plus. Les spécialistes de l'enseignement technique et professionnel devraient plutôt collaborer avec les représentants de l'enseignement secondaire et de l'enseignement préuniversitaire pour favoriser la polyvalence souhaitée. »

Dans le tome 3, à la page 187, paragraphe 918, — ce paragraphe se lit en partie comme suit — Je cite, à partir du début de paragraphe: « Les enseignements techniques, agricoles, commerciaux et ménagers de niveau secondaire, ainsi presque entièrement intégrés à l'école régionale polyvalente supposent que la direction des programmes du ministère de l'Education comporte un ou plusieurs spécialistes de ces enseignements. Il en va de même pour la commission de l'enseignement secondaire du conseil supérieur de l'éducation créée par la loi établissant un ministère de l'Education. « Quant à la commission de l'enseignement technique et professionnel créée par la même loi, nous avons recommandé dans le chapitre consacré aux instituts qu'elle devienne la commission de l'enseignement préuniversitaire et professionnel. »

La recommandation, par conséquant, de la commission Parent, c'était que soit formée une commission de l'enseignement préuniversitaire, qu'on appelle l'enseignement collégial, une commission de l'enseignement collégial et professionnel. Je ne voudrais pas que mon collègue, le ministre de l'Education, s'imagine que je lui cherche une querelle de mots, pas du tout. Je veux soumettre une chose qui m'est venue à l'idée, à la lecture de ces extraits du rapport Parent, à la lecture de son projet de loi, lorsque j'ai songé, par exemple, que, pour ce qui est du niveau collégial, on traduit généralement les institutions par le mot CEGEP. Je comprends qu'il y a des institutions privées, mais enfin CEGEP, ça veut dire collèges d'enseignement général et professionnel. On laisse à ces collèges d'enseignement de niveau collégial le titre, la qualification: professionnel, général ou professionnel. Je comprends que c'est le niveau collégial, mais, d'un autre côté, le ministre de l'Education a souligné lui-même, à un moment donné, même à plusieurs reprises — une fois il l'a fait devant moi au comité de l'éducation, à la commission parlementaire de l'éducation — que nous n'avions peut-être pas eu un nombre satisfaisant, tout au moins un nombre d'étudiants qui répondaient à l'attente dans le secteur professionnel postsecondaire. Le ministre se souviendra de cette discussion que nous avons eue en commission, lorsque nous avons parlé de la possibilité, par exemple, d'orienter les étudiants plus vers le secteur professionnel, pour que la proportion de ceux qui se dirigent vers le secteur professionnel soit relativement plus importante qu'elle ne l'est présentement.

Les Journaux, les commentateurs ont repris ces arguments. J'ai devant moi, tout simplement pour me rafraîchir la mémoire, un article de M. Gilles Boyer, paru dans le Soleil du 22 octobre 1968, c'est un éditorial où il disait ceci. Je me permets de citer, ce sera très bref, M. le Président, si vous voulez me permettre, par exception. « Théoriquement, les CEGEP devaient répondre à ces besoins — les besoins de l'enseignement professionnel — a côté d'un enseignement conduisant à l'université où l'on formerait un certain nombre d'étudiants à la pratique des sciences, de nos traditionnelles professions libérales et d'autres disciplines plus nouvelles, telles les sciences sociales, les CEGEP devaient préparer directement des étudiants à la pratique de carrières techniques et professionnelles.

« Or, les CEGEP ont pris une tangente imprévue. Ne signale-t-on pas que 75% des élèves se dirigent vers l'université et seulement 25% vers l'enseignement technique et professionnel? Au départ, on envisageait une orientation dans des proportions à peu près inverses. »

Alors, je me demande, afin que les commissions du conseil, non seulement au fond mais dans la forme, dans la description, couvrent tout le champ, s'il n'y aurait pas lieu d'appeler cette nouvelle Commission de l'enseignement collégial, Commission de l'enseignement collégial et professionnel, afin que nous ne l'oubliions pas en Chambre et afin que les membres de cette Commission de l'enseignement collégial soient en partie des gens versés dans l'enseignement professionnel.

Avec la disparition de la Commission de l'enseignement technique et professionnel, il faudra quand même s'assurer qu'à la Commission des études secondaires — parce qu'il y a une Commission des études secondaires — il y ait des membres qui soient des spécialistes de l'enseignement technique et professionnel.

Je crois qu'à cette nouvelle commission de niveau collégial, il faudra également des experts dans le domaine de l'enseignement technique et professionnel puisque, je le répète encore une fois, le projet de loi aura pour effet, une fois adopté, de faire disparaître cette Commission de l'enseignement technique et professionnel.

Je le fais, non pas sous forme de critique mais pour mieux décrire, peut-être, si l'on veut, l'importance que j'attache au coup de barre qu'il y a à donner afin que nos jeunes puissent mieux se préparer, en plus grand nombre, aux fonctions techniques et professionnelles qui les attendent sur le marché du travail.

Mon Intention, cet après-midi, est de dire de nouveau mon immense inquiétude. Qu'on songe qu'en 1968, dans le Québec, seulement 3,000 nouveaux emplois ont été créés. En effet, il y a eu une augmentation de 162,000 à travers le Canada, dont 3,000 seulement dans le Québec. C'est vrai qu'il n'y a eu que 32,000 nouveaux arrivés sur le marché du travail, en 1968, dans le Québec. Il y a eu une augmentation de 29,000 chômeurs par rapport à 1967, ce qui veut dire qu'il n'y a eu que 3,000 emplois de créés.

Quand on sait que d'ici 1974, il y aura — c'est un chiffre net que je donne — 500,000 nouveaux arrivés sur le marché du travail, je pense qu'il y a de quoi s'inquiéter. Il y a de quoi faire un effort non seulement au ministère de l'Industrie et du Commerce et non seulement dans le domaine économique, mais aussi au ministère de l'Education pour orienter les jeunes, les préparer de la façon la plus parfaite possible aux car- rières qui sont susceptibles de s'offrir à eux. J'espère que nous n'aurons pas à nous baser sur l'année 1968, parce que ce serait terriblement inquiétant. Si nous prenons 1968 comme exemple, ces carrières ne seront pas tellement nombreuses.

Alors, c'est cette inquiétude, ce souci que je veux traduire par les quelques remarques que je viens de faire. J'ai dit que d'ici 1974, il y aurait environ 500,000 nouveaux arrivés sur le marché du travail. Il y en a eu 32,000 seulement l'année dernière, c'est vrai.

Mais, s'il n'y en a eu que 32,000, ça été à cause de la prolongation de la scolarité, qui s'est fait sentir pleinement en 1968. Ceux dont la scolarité a été prolongée vont déboucher tous ensemble, à un moment donné, sur le marché du travail. Il n'est pas surprenant que cette inquiétude se reflète sur la jeunesse, et elle se reflète. Je sais que le ministre de l'Education a souvent des contacts avec les jeunes. J'en ai moi-même fréquemment, et cette inquiétude se traduit extérieurement par toutes sortes de manifestations. Je ne parle pas spécifiquement de la violence, comprenons-nous bien; Je parle de la contestation plus souvent non violente dont nous sommes témoins.

Alors, il faudrait absolument mettre l'accent sur l'enseignement technique et professionnel. Il ne faudrait pas que le geste que nous allons poser cet après-midi, en faisant disparaître la commission de l'enseignement technique et professionnel du Conseil supérieur de l'éducation, soit interprété comme une espèce d'abandon de la part des membres de l'Assemblée nationale.

Alors, pourquoi ne pas ajouter, au nom de cette commission de l'enseignement collégial, comme on l'a fait pour les CEGEP, la commission de l'enseignement collégial et professionnel? Je le soumets simplement comme étant une idée qui a peut-être sa valeur. Peut-être y a-t-il des objections? Enfin, j'ai pensé que c'était une contribution que Je pouvais apporter.

M. CARDINAL: M. le Président, Je désirerais tout d'abord remercier le chef de l'Opposition de sa suggestion et le féliciter de son souci vis-a-vis de la classe étudiante et de son entrée sur le marché du travail. Il est évident que l'article 3 de ce projet de loi apporte la modification la plus importante à la loi, puisqu'il permet de modifier les structures des commissions qui étaient déjà prévues dans la loi.

L'article 24 actuel de cette loi qui est maintenant connue comme étant le chapitre 234 des Statuts refondus 1964, indique; « Une commis-

sion de l'enseignement élémentaire, une commission de l'enseignement secondaire, une commission de l'enseignement technique et professionnel et une commission de l'enseignement supérieur du Conseil sont instituées ». Cet article 24, d'ailleurs, concrétisait la dernière recommandation du rapport Parent.

Le nouvel article 24 prévoit une commission de l'enseignement élémentaire —il en existe une déjà — une commission de l'enseignement secondaire — ce qui est le statu quo — une commission de l'enseignement collégial — qui vient, en quelque sorte, remplacer en partie du moins, et pour un de ses aspects, cette commission de l'enseignement technique et professionnel — et une commission de l'éducation des adultes.

Je me permettrai de dépasser l'intervention du chef de l'Opposition et de faire des commentaires sur les deux modifications apportées à cet article.

La première remarque, c'est que je n'ai pas d'objection, personnellement, à accepter la suggestion du chef de l'Opposition et a modifier, en ce sens, le texte du projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale. Cependant, J'expliquerai pourquoi le texte a été ainsi rédigé, tant pour la commission de l'enseignement au niveau collégial que pour la commission de l'éducation des adultes. C'est que le conseil supérieur, en modifiant sa loi, a voulu, en quelque sorte, calquer ses diverses commissions sur les divisions déjà existantes au ministère de l'Education et qui s'appellent l'élémentaire, le secondaire, le collégial, l'enseignement supérieur et l'éducation des adultes. C'est purement une raison de concordance entre les divisions du ministère de l'Education et les commissions qui existeraient, après l'adoption de ce projet de loi, au Conseil supérieur de l'éducation.

M. LESAGE: Pourrais-je poser une question? Je pense bien que, si le député de Vaudreuil-Soulanges était ici, il aurait pu me donner le renseignement. Je ne suis pas au courant de tous les mécanismes du ministère de l'Education, mais existe-t-il, au ministère, une division de l'enseignement technique et professionnel?

M. CARDINAL: Non, comme telle, non. M. LESAGE: Pas comme telle.

M. CARDINAL: Comme tel, l'enseignement technique et professionnel maintenant, M. le Président, est contenu soit au niveau de l'enseignement secondaire lorsque des écoles de métiers ont été intégrées aux écoles secondaires polyvalentes ou au niveau collégial. J'ajoute une explication additionnelle — c'était ce vers quoi je me dirigeais — c'est que le niveau de l'enseignement collégial — il y a une direction de l'enseignement collégial au ministère — comprend à la fois et le réseau des collèges d'enseignement général et professionnel et les institutions privées qui ne sont pas nécessairement des institutions où il existe un enseignement technique et professionnel.

Il y a donc deux raisons pour lesquelles le texte a été ainsi rédigé: la concordance avec les directions générales du ministère et, d'autre part, le fait que la commission de l'enseignement collégial au Conseil supérieur de l'éducation non seulement s'occuperait des CEGEP, des collèges d'enseignement général et professionnel, mais aussi de l'enseignement donné dans les institutions privées à ce niveau et qui survivront grâce en particulier I l'adoption du bill 56.

Le chef de l'Opposition est allé plus loin quand il a parlé de la préparation des étudiants qui quittent les collèges d'enseignement général et professionnel pour le marché du travail. Il a manifesté une inquiétude que j'avais moi-même manifesté. Il a rappelé une chose qui est parfaitement exacte au comité permanent de l'éducation, devenu maintenant la commission de l'éducation de l'Assemblée nationale. J'avais alors rappelé aux membres de cette commission les efforts que fait le ministère, en collaboration avec le ministère du Travail, pour, d'une part, inciter les étudiants à se mieux préparer à ces tâches dans le domaine technique et professionnel et, d'autre part, étudier ce marché de façon à avoir dans nos collèges d'enseignement général et professionnel des options qui préparent ces jeunes d'aujourd'hui à ce marché de demain et d'après demain.

Les mots, évidemment, ne changent pas la réalité des choses,, Les mots, cependant, sensibilisent et les mots ont une certaine symbolique. Je serais d'accord avec le chef de l'Opposition mais si le fait de modifier le texte actuel de l'article 24 était interprété dans le public comme étant une certaine démission du ministère de l'Education vis-à-vis de nos préoccupations dans le domaine technique et professionnel, ceci serait malheureux. D'autre part, je rappelle quand même, une fois de plus, qu'il faudrait bien se comprendre dans l'emploi des mots et que si, dans le projet de loi, l'on prévoit qu'il s'agit d'une commission de l'enseignement technique et professionnel — ou tout autre terme qu'on trouvera qui ressemble à

CEGEP, collège d'enseignement général et professionnel; on pourrait dire commission de l'enseignement général et professionnel — il faudrait comprendre que cela déborde les CEGEP et s'applique aussi aux insitutitions de niveau collégial qui ne sont pas des CEGEP au sens du projet de loi qui portait le numéro 21, adopté il y a deux ans.

C'est la seule réserve qui me porte à une certaine prudence avant de modifier le texte. Ce n'est pas une objection de principe. Je pense que, même si les juristes ne peuvent pas référer au journal des Débats pour interpréter les effets d'une loi, il y aura quand même eu cette discussion qui n'en est pas une dans le fond. C'est une mise au point sur l'emploi des termes dans cet article 24 qui assurera à la population que la création de cette commission et la disparition de l'autre ne changeront en rien les préoccupations ni du conseil ni du ministère quant à l'enseignement technique et professionnel.

J'ajoute cependant, pour être complet, qu'il en est de même pour la commission de l'éducation des adultes qui a justement été prévue dans le nouvel article 24 pour la même raison que l'enseignement collégial, parce que le ministère de l'Education, conscient de l'importance du secteur de l'éducation des adultes, a mis sur pied une direction générale de l'éducation des adultes le 31 mars 1966.

Le conseil supérieur ne fait donc, dans ces deux suggestions, dans ce projet de loi, que suivre les initiatives qui ont déjà été réalisées au ministère de l'Education au niveau de l'enseignement collégial et dans le domaine de l'éducation des adultes,

M. LE PRESIDENT: La deuxième lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SERCRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill no 5. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Tousles articles adoptés à l'unanimité?

M. LAPORTE: Adopté tel quel.

UNE VOIX: Adopté.

M. CARDINAL: Adopté tel que rédigé.

M. LESAGE: Pour les articles 1 et 2, oui. Quant à l'article 3, tout ce que je voudrais rappeler au ministre, c'est que la recommandation de la commission Parent, la dernière sur le sujet au tome III, à l'article 918, que j'ai cité tantôt, se lit comme suit: « Que disparaisse la commission de l'enseignement technique et professionnel et qu'elle devienne la commission de l'enseignement préuniversitaire et professionnel. » C'est pour cela que je pensais à la commission de l'enseignement collégial. Préuniversitaire ou collégial, c'est la même chose. Nous suivrions exactement la recommandation de la commission Parent.

M. CARDINAL: Vous voulez dire « de l'enseignement collégial et professionnel »?

M. LESAGE : Oui. Nous suivrions alors exactement la dernière recommandation de la commission Parent sur ce sujet.

M. CARDINAL: D'accord. « De l'enseignement collégial et professionnel ». Article 4.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 3, adopté.

M. CARDINAL: Avec modification.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'amendement...

M. LESAGE : Sur la quatrième ligne.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A la quatrième ligne, il faut ajouter « professionnel ».

M. LESAGE: « Collégial et professionnel ».

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): « Collégial et professionnel ». Alors, adopté avec amendement. Article 4. Adopté.

M. LESAGE: Oui.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Article 5.

M. LESAGE: Cela va.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Articles 6, 7, 8 et 9 adoptés.

M. FRECHETTE (Président du comité plé-

nier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a adopté le bill 5 avec un amendement qu'il vous prie d'agréer.

M. LEBEL (Président): Le bill amendé sera-t-i1 agréé?

Agréé.

Troisième lecture à la prochaine séance ou à une séance...

M. LESAGE: Voici, M. le Président. Justement, c'est la première fois qu'une modification est apportée à un projet de loi en comité plénier. Est-ce que nous ne devrions pas mettre en pratique les bonnes résolutions que nous avions tous lors de l'abolition du Conseil législatif, et revoir le bill tel que modifié, à moins qu'il y ait grande urgence? Je ne veux pas...

M. BERTRAND: Ces bills pourront être sanctionnés jeudi ou vendredi. Il n'y a aucune urgence.

M. LESAGE: C'est beaucoup plus pour la question de principe. Je pense bien que l'amendement est très mineur, mais quand même.

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition a raison.

M. LESAGE: Soyons prudents.

M. BERTRAND: II faudrait que nos fonctionnaires aient le temps de relire le bill, de voir s'il n'y a pas des corrections ou des fautes qu'il nous faudrait corriger.

M. LE PRESIDENT: La troisième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. BERTRAND: Article 9.

Bill 6

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de L'Education propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi de l'admission à l'étude de professions.

L'honorable ministre de l'Education.

M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi très bref, qui parle par lui-même. Je rappellerai cependant que cette loi n'est rien d'autre qu'une disposition de concordance pour accorder les faits avec des lois qui ont été adoptées depuis un certain temps. Il s'agit de remplacer l'exigence du baccalauréat ès arts par celle du diplôme de fin d'études collégiales. On sait que le premier ministre tenait à ce que les corporations ou chambres professionnelles intéressées soient consultées; ce qui a été fait directement et par l'intermédiaire du conseil interprofessionnel. Aucune des chambres que je mentionnerai n'a eu d'objection.

Je mentionnerai en particulier que les lois ou les chambres qui seront affectées par ce projet de loi sont les suivantes: Il s'agit tout d'abord du Barreau qui est régi par la Loi du Barreau, 15-16 Elizabeth II. chapitre 77, particulièrement à l'article 53; la Chambre des notaires, qui est régie par la Loi du notariat, Statuts refondus 1964, chapitre 248, article 37; le Collège des médecins, régi par la Loi médicale, Statuts refondus 1964, chapitre 249, article 30.

La Loi des dentistes, statuts de 1964, chapitre 253, article 65. La Loi de pharmacie, chapitre 255 des statuts de 1964, article 8. La Loi des médecins vétérinaires, chapitre 259 des mêmes statuts, article 27. La Loi des agronomes, chapitre 260 des mêmes statuts, article 22. La Loi des architectes, chapitre 261 des mêmes statuts, article 8. La Loi des arpenteurs, chapitre 263, des Statuts refondus 1964, articles 31 et 33.

M. LESAGE: II n'y a pas une Loi des curés?

M. CARDINAL: Je n'en connais pas, mais, si on retourne au passé, l'on verra que, pour devenir curé, l'obligation du baccalauréat n'était pas nécessaire.

M. LESAGE: En effet.

M. CARDINAL: II fallait avoir une licence en théologie.

M. LESAGE: En effet.

M. CARDINAL: Je ne ferai aucun commentaire par suite de ce fait historique. Je pense que...

M. LESAGE: Le chef de l'Opposition n'apas reçu de mandat.

M. CARDINAL: Je pense qu'il est Important de rappeler, comme dernier mot, que le baccalauréat ès arts qui, pour toutes ces professions, il y a de nombreuses années, constituait la seule porte étroite d'entrée — soit, autrefois, sous le régime de la cléricature, par la voie d'un examen de la Chambre professionnelle, soit, maintenant, par le passage à des facultés dites pro-

fessionnelles — avec les années, s'est tellement modifiée que, sous l'appellation B.A. ou baccalauréat ès arts, une multitude de réalités très différentes étaient en fait reconnues comme à peu près équivalentes. Jamais les B.A. anglais n'ont été l'équivalent du baccalauréat de nos collèges classiques, donné par les facultés des arts, ni même du baccalauréat français qui est un diplôme terminal d'études secondaires.

Cette loi vient mettre de l'ordre en donnant une équivalence officielle au diplôme d'études collégiales, qui sera à l'avenir décerné par le ministère de l'Education aux étudiants qui auront terminé un cours dans un collège d'enseignement général et professionnel grâce au comité mixte, qui a travaillé au ministère avec les représentants des facultés et les représentants des collèges, en est arrivé à un accord absolument unanime sur la possibilité d'accès à toutes ces facultés avec l'obtention d'un diplôme d'études collégiales, ce projet de loi ne fait que rendre officiel ce qui déjà peut devenir, une réalité de par l'entente entre tous les intéressés qui volontairement ont voulu mettre de l'ordre dans ce domaine et accepter les modifications qui se sont produites dans le domaine de l'éducation au cours des dernières années.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: Un mot seulement. Je voudrais attirer l'attention du ministre de l'Education sur le fait que je n'ai pas réussi à obtenir une définition de l'expression « études collégiales ». J'ai communiqué avec les conseillers juridiques du gouvernement et j'ai demandé à M. Normand où je pourrais trouver une définition de l'expression « études collégiales ».

M. BERTRAND: Ah, il n'y en a pas.

M. LESAGE: Bien, c'est important. Nous disons que le diplôme d'études collégiales est tenu pour être l'équivalent du diplôme de bachelier às arts. Alors, qu'est-ce que c'est? Je le sais que ça va être déterminé par le ministre de l'Education, mais, dans le moment, on ne sait pas ce que c'est.

M. BERTRAND: II a la réponse.

M. LESAGE: Ah bon, tant mieux! J'ai bien fait d'appeler M. Normand. Il a alerté le ministre. Je sais qu'en vertu de la Loi du Conseil supérieur de l'éducation que nous venons de modifier, le Conseil supérieur de l'éducation veut adopter des règlements, etc, en vertu de l'article 28, je crois, mais rien dans la loi ne défi- nit ce que veut dire exactement l'expression « études collégiales ». Je sais que le ministre peut me répondre: C'est la même chose pour le baccalauréat ès arts. Il l'a même mentionné dans son Intervention en disant qu'on l'avait interprété de toutes sortes de façons. Alors, Je le...

M. CARDINAL: Plus que ça.

M. LESAGE: ... laisse de côté, la déclaration du ministre quant à ce que pouvait vouloir dire ou ne pas vouloir dire l'expression « bachelier ès arts », pour dire: Ne serait-il pas important de savoir exactement ce que ça veut dire « études collégiales »? Dans nos lois, ce n'est pas défini; ça l'a peut-être été par règlement. Si ça l'a été, je serais fort intéressé de le savoir.

Je sais aussi que le député de d'Arcy-McGee a des observations à faire sur la formule à employer dans l'article. Je dois dire dès maintenant — puisque je ne puis parler qu'une fois en deuxième lecture — que je partage, je ne dirai pas ses inquiétudes, mais enfin son point de vue quant à l'opportunité d'employer la formule de l'article 1, qui serait l'article 3 de la loi.

M. PAUL: Je ne veux pas être procédurier outre mesure, mais il ne faudrait pas cependant que l'intervention que se propose de faire l'honorable député de d'Arcy-McGee soit considérée comme un précédent, puisque l'honorable ministre de l'Education a usé de son droit de réplique.

M. LESAGE: Le ministre de l'Education n'a pas usé de son droit de réplique. Il répondait à une question que j'ai posée. J'ai posé une question. Il a purement et simplement dit qu'il avait la réponse aux questions que j'avais posées aux conseillers juridiques du gouvernement.

M. PAUL: Très bien.

M. LESAGE: Il n'est pas intervenu en réplique.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de d'Arcy-McGee.

M. Victor-C. Goldbloom

M. GOLDBLOOM: L'honorable ministre de l'Education, en présentant ce projet de loi à la Chambre, a dit qu'il ne s'agit que d'une certaine concordance avec des lois qui existent déjà. Je crois, à mon humble avis, que ce projet de loi

va un peu plus loin. Son principe est excellent. Son principe est de faciliter l'accès à l'étude de plusieurs professions dites libérales à certaines jeunes personnes qui éprouveraient une difficulté plus grande si la durée des études était plus longue, non seulement parce que le coût de ces études sera réduit par l'adoption de ce projet de loi, mais que les jeunes en question seront en mesure de gagner leur vie à un âge moins avancé.

Il est à noter que la diminution des exigences préalables sera, dans certains cas, contrebalancée jusqu'à un certain point par la modification du cours de formation professionnelle; mais le résultat ultime en sera néanmoins que la durée totale des études sera raccourcie d'au moins une année. Ce sera, somme toute, un résultat heureux car nous connaissons un besoin pressant d'effectifs dans plusieurs des domaines professionnels qui seront touchés, surtout ceux de la santé.

Une mise en garde s'impose, cependant. Au fur et à mesure que nous raccourcissons la formation de nos hommes professionnels, nous les privons d'une culture générale qui est déjà réduite, en comparaison de celle que nous connaissions chez les médecins et autres professionnels d'autrefois. Nous les obligerons donc, de plus en plus, à être ce que nous souhaitons qu'ils soient tous, c'est-à-dire étudiants perpétuels.

Le seul commentaire qu'il me reste à faire est celui-ci: dans les notes explicatives, nous lisons que le projet prévoit que les détenteurs de diplômes d'études collégiales peuvent être admis à l'étude et à l'exercice d'une profession de la même façon que s'ils détenaient un baccalauréat ès arts. La loi exprime cette idée différemment. Le texte du projet de loi déclare qu'une personne détentrice d'un diplôme d'études collégiales est réputée détenir un baccalauréat ès arts décerné par une université du Québec.

Je souligne que le principe de ce projet de loi est de déclarer qu'une personne détentrice d'un diplôme d'études collégiales est admissible au même titre que celle qui détient un baccalauréat à l'étude de certaines professions.

Mais je crois qu'il n'est pas juste de dire que celui qui ne détient qu'un diplôme d'études collégiales détient, par l'effet de cette loi, un diplôme pour lequel il n'a pas fait les études et qu'il n'a pas mérité, un diplôme donc qui ne lui a pas été décerné par l'université concernée. Tout de même, je trouve excellent le principe fondamental du bill.

M. CARDINAL: M. le Président, vous me permettrez de répondre non pas aux trois objections, mais aux trois commentaires qui ont été donnés au sujet de ce projet de loi no 6.

La première chose qui a été mentionnée, c'est qu'il n'y avait pas de définition. Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition. Il n'y avait pas non plus dans le passé de définition du B.A. D'ailleurs, comme il l'a mentionné lui-même, j'ai indiqué que ce mot recouvrait des réalités différentes» La réponse est, je pense, dans le texte même du projet de loi et dans la réglementation du ministère.

On dit: « Toute personne qui détient un diplôme d'études collégiales ...» Si on s'arrêtait là, je serais d'accord qu'il n'y aurait pas de définition, qu'il n'y aurait pas de qualification. Mais l'on ajoute « ... décerné par le ministre de l'Education ou une université du Québec ». L'on vient donc de le qualifier. Je pense que si on le qualifiait davantage, on arrêterait une fois de plus la loi à une réalité qui est celle d'aujourd'hui. Ce diplôme collégial, que le ministère a le droit de définir et qu'il définira lui-même de par ses réglementations comme il l'a fait pour le diplôme d'études secondaires est vraiment une réalité qui, au cours des années, va évoluer, au fur et à mesure que les collèges d'enseignement général et professionnel évolueront.

Je soumets donc humblement qu'il vaut mieux ne pas aller plus loin dans une définition qui arrêterait, si vous voulez, la notion de ce diplôme à ce qu'il peut être aujourd'hui et à ce qui pourrait être modifié dans un très court terme. Nous sommes à l'an II des CEGEP. Même si nous sommes à l'an II des CEGEP, l'on sait qu'il existe encore des étudiants qui sont dans des collèges et qui obtiendront un baccalauréat ès arts, des étudiants qui sont dans des universités de langue anglaise et qui obtiendront un B.A. général, un B.A. with honour ou un B.A. spécialisé, des étudiants qui sont dans des collèges d'enseignement général et professionnel et qui obtiendront le premier diplôme collégial qui sera décerné et qui sera certainement modifié par la suite.

Je pense qu'il vaut mieux avoir une référence à l'autorité qui définira par sa réglementation ce diplôme plutôt que de tenter d'en faire une définition dans la loi. Sur ce point, je pense bien que le chef de l'Opposition ne s'est pas opposé au texte qui est là. Je soumettrais qu'il vaudrait mieux...

M. LESAGE: Non.

M. CARDINAL: ... s'en tenir à sa définition très générale ou plus exactement à cette qualification plus générale qui est donnée dans la loi.

Deuxième commentaire ou objection. Ledé-puté de D'Arcy-McGee en voulant répéter mes

termes, dit que j'avais affirmé qu'il s'agissait d'une concordance avec des textes de loi. Evidemment, nous n'avions pas eu le temps ni un ni l'autre de relire le journal des Débats. Je crois plutôt avoir dit qu'il s'agissait d'une concordance entre un texte de loi et la réalité actuelle après les modifications apportées au ministère de l'Education. Au contraire, dans toutes les lois que j'ai mentionnées, il est fait mention du baccalauréat ès arts.

Enfin, la troisième chose, qui est la plus importante de toutes et sur laquelle je voudrais défendre le texte, c'est la question d'équivalence. Je défendrai le texte pour deux raisons. Une première raison appartient à la consultation que nous avons eue. Pour ce projet de loi, tel qu'il est rédigé, j'ai mentionné tantôt que nous avions d'abord sollicité la consultation des groupes professionnels sur le principe. Sur le principe, ceux-ci ont été d'accord. Les facultés universitaires ont été d'accord. Sur le texte, il a fallu beaucoup de temps, presque une année avant que l'on en vienne à un accord qui satisfasse tous les groupes. D'ailleurs, il y a des textes de loi dont j'ai cité des articles et que l'on pourrait compiler pour voir comment la concordance entre les textes, la réforme du texte par cette loi et ce texte omnibus pourrait être faite.

Si on voulait modifier ce texte, j'en serais malheureux puisque j'aurais l'impression qu'il faudrait presque une nouvelle consultation des intéressés qui ont accepté le texte tel quel.

La deuxième raison que je donnerai au député de D'Arcy-McGee et au chef de l'Opposition, c'est qu'on me permettra de référer à une expérience passée. Lorsqu'il s'agit de définir les équivalences de diplômes, 11 faut bien savoir pour quelles fins les diplômes sont considérés équivalents.

Lorsque l'on dit, par exemple, que quelqu'un qui détient un diplôme d'études collégiales est réputé détenir un baccalauréat, ceci ne signifie en rien que les études ont une valeur égale ou inégale, ceci signifie simplement que, pour certaines fins — là, j'en référerai au texte du projet de loi — « ces études sont réputées équivalentes ».

C'est pourquoi le texte, après avoir dit « est réputé détenir un baccalauréat » ajoute « pour les fins de son admission àl'étude et à l'exercice ». Ce n'est que pour ces fins spécifiques que cette « réputation » est acceptée. On ne peut pas l'étendre à d'autres fins. Celui qui détient un diplôme d'études collégiales ne peut pas prétendre, pour d'autres fins, qu'il a l'équivalent d'un baccalauréat. Et celui qui le serait à la fois en dehors de la réalité et dépasserait de beau- coup l'extension et la compréhension de ce projet de loi.

Je soumets donc que ce texte étant très bref, ayant reçu l'assentiment d'une consultation générale, ayant été en quelque sorte plébiscité par les groupes intéressés, étant une concordance entre les réalités actuelles, les structures de l'éducation et les textes qui existent déjà et qui parfois datent de chacune des chambres professionnelles, je soumettrais qu'à moins de raisons très graves, on devrait le conserver dans son texte actuel.

M. LE PRESIDENT: Ces recommandations sont-elles adoptées? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose maintenant que je quitte le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill no 6.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. BERTRAND: Il y a plus de commentaires sur le nouveau président que sur le projet de loi.

M. ROY (président du comité plénier): Article 1.

M. BERTRAND: Adopté.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, on me permettra de faire un bref commentaire. Evidemment, avec les explications que le ministre vient de nous fournir en deuxième lecture, je ne voudrais en rien déranger l'entente et la compréhension qui ont été atteintes avec une certaine difficulté et pendant un certain laps de temps, par le ministre, par le truchement de consultations auxquelles je n'ai pas eu l'honneur de participer.

Il me semblerait toujours qu'on aurait pu dire que celui qui détient le diplôme collégial est admissible au même titre que celui qui détient un baccalauréat ès arts à l'étude et à l'exercice d'une profession. C'est le commentaire que j'aurais voulu faire, mais j'accepte volontiers les explications que donne le ministre, et je crois qu'il est dans l'intérêt de tous que nous acceptions ce qui a déjà été accepté par les professions concernées.

M. CARDINAL: Merci, M. le député. Vous me permettrez, M. le Président, d'ajouter qu'il y a non pas urgence immédiate à adopter ce texte, mais certains étudiants sont présentement dans une situation où, dès ce printemps, ils auront à avoir ou non une équivalence. Alors, il ne faudrait pas recommencer une consultation.

Je remercie le député de D'Arcy-McGee de sa compréhension.

M. FRECHETTE (président du comité plénier): Alors, article 1 adopté.

Articles 2 et 3 également.

M. le Président, J'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté sans amendement le bill no 6.

M. LEBEL (président): Ce rapport sera-t-il adopté? Adopté. Troisième lecture.

M. BERTRAND: Oui, celui-là, M. le Président, je pense bien que nous pouvons l'adopter.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Est-ce que, de consentement unanime, la troisième lecture est adoptée?

M.BERTRAND: Oui, oui. M. LE PRESIDENT: Adopté. M. BERTRAND: Article 4.

Bill 7

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi électorale.

L'honorable premier ministre.

M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: M. le Président, je m'en voudrais de priver cette Chambre des quelques notes que j'ai fait préparer I l'appui de ce projet de loi.

Vous pouvez être assuré que je laisserai suffisamment de temps au député de Chambly pour qu'il puisse prononcer son discours avant six heures.

M. LAPORTE: Merci.

M. BERTRAND: M. le Président, ce projet de loi, on l'aura noté, vise à abolir les restrictions privant la majorité des Indiens du Québec de leur droit de vote aux élections provinciales. Je voudrais donner quelques notes historiques sur ce droit de vote des Indiens du Québec aux élections fédérales et provinciales.

L'article 41 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 prévoyait: « Jusqu'à ce que le Parlement du Canada en ordonne autrement, toutes les lois qui, au moment de l'Union, seront en vigueur dans chacune des provinces, seront applicables, dans cette province,à l'élection des députés à la Chambre des communes. »

On s'est donc servi des listes électorales provinciales pour les élections fédérales de 1867 jusqu'à l'adoption d'une Loi électorale fédérale, en 1885. Or, la Loi électorale du Québec du temps ne comportait aucune restriction concernant le droit de vote des Indiens. Comme on s'est servi, au fédéral, des listes électorales provinciales, les Indiens du Québec votaient aux élections fédérales. A partir de 1885, il y eut des listes électorales distinctes pour les élections fédérales, lesquelles furent établies, pour ce qui concerne les Indiens, en conformité avec les dispositions de la Loi fédérale des élections de 1885. Cette loi a été abrogée en 1898 et, jusqu'en 1920, ce furent, encore une fois, les conditions d'éligibilité provinciales qui furent en usage pour les élections fédérales. En 1920, une nouvelle loi fédérale a été adoptée concernant les conditions d'éligibilité. Les Indiens vivant dans les réserves se virent privés de leur droit de vote. La situation resta à peu près la même jusqu'en 1960, alors que toutes les restrictions concernant le droit de vote des Indiens furent abrogées.

Le droit de vote des Indiens aux élections provinciales.

La Loi électorale québécoise ne comportait aucune restriction à ce sujet avant l'adoption, le 5 mars 1915, de la Loi modifiant la loi électorale, 5, George V, chapitre 17. Cet article 5 privait les Indiens vivant dans des réserves de leur droit de vote aux élections provinciales. Cette disposition, on la retrouve reproduite à l'article 48 de la Loi électorale actuelle et elle est encore en vigueur aujourd'hui.

Quelle est la situation actuelle du droit de vote des Indiens dans les autres provinces? En Nouvelle-Ecosse, les Indiens ont toujours eu le droit de vote aux élections provinciales. Il en est de même à Terre-Neuve, depuis l'entrée de cette dernière province dans la Confédération, en 1949. Les Indiens ont obtenu le droit de vote aux élections provinciales en Colombie-Britannique, en 1949; au Manitoba, en 1952; en Ontario, en 1954; en Saskatchewan, en 1960; au Nouveau-Brunswick et dans l'Ile-du-Prince-Edouard, en 1963 et en Alberta, en 1965.

Pour ce qui est des élections territoriales, les Indiens ont toujours eu le droit de vote dans les Territoires du Nord-Ouest. Ils ont obtenu ce droit au Yukon, en 1960.

La situation actuelle au Québec.

Un certain nombre d'Indiens, notamment ceux de la baie James, de même que les Esquimaux du Nouveau-Québec, ont le droit de voter aux élections provinciales, mais ils l'ont tout simplement parce qu'ils ne vivent pas dans des réserves. Ce droit est cependant fort illusoire, puisque les territoires du Nouveau-Québec et de Mistassini ne font partie d'aucun district électoral.

H faudrait un autre projet de loi modifiant la Loi de la division territoriale, Statuts refondus de Québec 1964, chapitre 5, pour corriger cette anomalie.

Quant à la plupart des Indiens du sud, c'est-à-dire à la majorité des Indiens du Québec, ils n'ont pas le droit de voter aux élections provinciales, parce qu'ils vivent dans des réserves et qu'ils tombent ainsi dans le champ d'application de l'article 48, que nous allons abroger, de notre loi électorale.

Ainsi, par rapport aux autres provinces, le Québec fait donc, à l'heure actuelle, cavalier seul dans le domaine du droit de vote des Indiens. Une telle attitude paraît de moins en moins justifiée.

Quelle est l'attitude des Indiens devant le droit de vote? On sait que les Indiens étalent et sont encore, dans une certaine mesure, fort divisés sur l'opportunité pour eux de voter aux élections, tant fédérales que provinciales. C'est sans doute un peu pour cela que l'on a tant tardé, même en dehors du Québec, à leur accorder le droit de vote.

Il ne s'agit d'ailleurs pas, par notre projet de loi, bien entendu, puisque le vote n'est pas obligatoire pour les citoyens, d'obliger les Indiens à voter. Ils auront le droit de le faire, même s'ils considèrent qu'ils seront ainsi susceptibles, à tort toutefois, de perdre des droits, et il leur sera évidemment loisible de ne pas s'en prévaloir comme le font malheureusement plusieurs citoyens à l'occasion des élections, tant fédérales que provinciales.

Il serait trop long d'énumérer les motifs qui justifient l'octroi de ce droit de vote au Québec. Je me bornerai à en énumérer quelques-uns. Premièrement, bien qu'ils jouissent de certains avantages fiscaux, en vertu de la Loi sur les Indiens — par exemple, les Indiens ne paient pas d'impôt sur le revenu gagné dans les réserves; de toute façon, la plupart d'entre eux n'ont pas suffisamment de revenu, règle générale, pour le payer — ils sont quand même assujettis à diverses formes d'imposition, tel- les que la taxe de vente provinciale, l'impôt sur le revenu gagné en dehors des réserves. Et, comme l'a souligné récemment le comité Athorm-Tremblay, c'est le régime de l'imposition sans représentation, ce qui évidemment est contraire à nos principes démocratiques.

Deuxièmement, M. le Président, je crois que l'abolition de cette restriction contribuera à faire disparaître les préjugés de certains blancs à l'égard des Indiens, comme de certains Indiens à l'égard des blancs.

Et, troisièmement, l'octroi de ce droit de vote aux Indiens pourra peut-être les amener à se sentir un peu plus québécois et à s'intéresser davantage aux affaires publiques du Québec.

M. le Président, voila les quelques considérations historiques et autres que je voulais soumettre en deuxième lecture à l'attention de cette Chambre, au moment où je propose ce projet de loi, lequel, iI n'y a aucun doute, aurait dû être adopté depuis assez longtemps.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. Pierre Laporte

M. LAPORTE: M. le Président, le principe du bill 7, c'est de modifier la Loi électorale. La modification que l'on nous propose aujourd'hui et qui m'apparaît, quant à mol, des plus raisonnables, c'est d'accorder à ceux que nous appelons les Indiens le droit de vote.

Nous avons opté, dans la province de Québec, depuis assez longtemps déjà, pour le vote universel.

Il est alors normal que nous poussions le principe jusque dans ses conclusions les plus complètes et que le droit de vote universel ne souffre que les exceptions les plus nécessaires. A mon avis — d'autres collègues pourront exprimer le même avis ou parler en sens contraire — c'est une amélioration, et je crois que cette Chambre devrait s'empresser d'adopter cette loi sans trop de discussion.

Il est évident que, pour certains, les Indiens n'ont jamais eu de droits véritablement reconnus chez eux, au Canada. Il est bien évident que, pour certains, les Indiens n'ont pas reçu de l'Etat toute l'instruction qui leur permettrait de porter un jugement qui nous paraîtrait suffisamment fondé sur ces questions. Je crois que nous devons nous excuser collectivement, si nous avons raison, auprès des Indiens de les avoir traités de cette manière pendant si longtemps. S'il le faut, nous devrions mettre les bouchées doubles pour qu'ils deviennent des citoyens à part entière dans le Québec.

Ce projet de loi me fournit l'occasion de discuter d'un autre problème qui, lui aussi à mon avis, est relié au respect des règles de la démocratie, je veux dire le problème moderne, récent, nouveau, des députés qui se font élire dans les cadres de ce que la loi appelle un parti reconnu, et qui changent ensuite d'allégeance. Nous vivons, au Québec, à ce point de vue, dans une situation un peu particulière puisque c'est chez nous seulement, à l'exception peut-être — n'ayant pas eu le temps de vérifier — de la Colombie-Britannique, que l'on reconnaît officiellement l'existence des partis politiques et qu'on leur accorde, à certaines conditions, l'usage exclusif d'un nom.

Le Parti libéral du Québec, l'Union Nationale ou tout autre parti, quel qu'il soit, qui a présenté aux dernières élections 10 candidats, ou qui se propose d'en présenter 10 à l'élection en cours, n'a qu'à adresser au président général des élections pour voir son nom reconnu officiellement et protégé complètement. Ceci n'existe ni au fédéral, ni dans aucune province canadienne, encore une fois, peut-être à l'exception de la Colombie-Britannique. Nous vivons sous un régime de partis reconnus. Je cite le paragraphe 20 de l'article 2 des Statuts refondus du Québec, 1964, le chapitre 7, Loi électorale: « Parti reconnu » désigne le parti du premier ministre ou du chef de l'Opposition officielle, et un parti qui, aux dernières élections générales avait dix candidats officiels ou qui, aux élections générales en cours, est admis à désigner un agent officiel, suivant l'article 375. »

Le parti qui est admis à désigner un agent officiel est celui qui présente dix candidats ou qui en a présenté dix aux élections précédentes. Ce droit exclusif au nom est confirmé par l'article 117 de notre Loi électorale. Nous lisons en effet au paragraphe d) les mots suivants —je résume le début de l'article —: « Nul bulletin de présentation n'est valide, s'il n'est accompagné, lors de sa remise au président des élections: « d) de la désignation de son parti ou de l'indication indépendant. »

Aujourd'hui, dans le Québec, on se présente devant les électeurs non seulement avec son nom à soi, comme c'était le cas jusqu'en 1966, mais avec le nom de son parti, que personne d'autre n'a le droit d'utiliser, ou alors, on se présente sous l'étiquette indépendante ou sans aucune mention sur le bulletin de vote.

Vous vous rappellerez, M. le Président, que ce changement n'a pas été apporté seulement pour protéger le nom d'un parti politique, mais parce que, jusqu'en 1966, on avait, en quelque sorte, fait le « commerce » des noms de candidats et des noms de partis politiques. Et aucun des deux principaux partis politiques représentés en cette Chambre ne peut réclamer l'exclusivité de cette méthode.

Cela a commencé vers les années 1950. On a inventé...

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse d'interrompre l'honorable député de Chambly. Il semble y avoir une sorte de consentement unanime de la Chambre à ce que cet exposé se fasse actuellement?

M. PAUL: Oui.

M. LE PRESIDENT: Alors, il y a consentement unanime. Je m'excuse d'avoir interrompu. Le député de Chambly.

M. LAPORTE: Je parlerais autrement. Quel serait le principe, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: J'ai cru comprendre que le principe du bill était presque uniquement de donner le droit de vote aux Indiens. Mais puisqu'il y a consentement unanime, disons que le scrupule disparaît.

M. LAPORTE: M. le Président, je vous remercie de votre intervention et je remercie cette Chambre de son accord unanime, mais je prétends n'en point avoir besoin, puisqu'on vertu des règlements, je veux discuter le principe. Encore une fols, je rermercie la Chambre. Mais si l'on me refusait le droit de parler, j'Invoquerais le règlement pour dire que, au stade de la deuxième lecture, j'ai le droit de discuter le principe du bill. Si l'on avait intitulé le bill, « Loi pour accorder le droit de vote aux Indiens », ce serait le principe du bill, mais le principe du bill, c'est « Amendement à la Loi électorale ». Alors, à ce moment-là, M. le Président...

M. BERTRAND: Je pense que la remarque du député de Chambly est à propos. Dorénavant, nous verrons, en faisant imprimer le bill, à spécifier davantage.

M. LAPORTE: M. le Président, je vous remercie de votre intervention. Je remercie cette Chambre, qui évite une discussion de procédure, que — disons — je déteste de plus en plus. Alors, le commerce des noms a commencé vers les années 1950. On trouvait un homonyme, ou on trouvait un presque homonyme, afin de brouiller les cartes. Je vais vous don-

ner deux exemples, M. le Président. En 1960, M. Marcel Dupré, candidat libéral dans le comté de Maisonneuve, a eu contre lui un adversaire qui n'était connu ni de A ni de B, qu'on n'a jamais vu, qui n'a fait aucune assemblée, qui s'est contenté de déposer un bulletin de présentation. Ce fut le commencement et la fin de sa campagne électorale. Il portait le nom de Maurice Dupré. Or, ce Maurice Dupré a obtenu 2,267 voix et M. Marcel Dupré, candidat bona fide, a été battu par 2,130 voix.

Dans le comté de Laurier, il y avait un M. René Lévesque, candidat libéral, journaliste...

UNE VOIX: Ci-devant libéral.

M. LAPORTE: Bien, il n'était pas ci-devant, il était ci-après, à ce moment-là.

M. PAUL: II était ci-courant.

M. LAPORTE: Il était si désireux de battre l'Union Nationale qu'il nous a aidés. Alors il y avait René Lévesque, journaliste, et l'on a présenté contre lui un autre René Lévesque, artiste. Je vois le député de Dorion qui ouvre de grands yeux, parce qu'il a été...

M. BEAULIEU: En 1960?

M. LAPORTE: Oui, c'était en 1960. Comme il vivait dans ces circonscriptions, il a dû lui-même être abasourdi par cette pléthore de René Lévesque: René Lévesque, candidat libéral journaliste; René Lévesque, artiste, que personne n'a jamais retrouvé, ni avant, ni pendant, ni après l'élection.

M. BERTRAND: Ce n'était pas un évadé, au moins?

M. LAPORTE: Ce n'était pas un évadé, mais il a pris 910 voix dans le comté de Laurier et M. René Lévesque, candidat libéral, a été élu avec 129 voix de majorité. Donc, que ceci se soit passé contre les libéraux ou que les libéraux aient utilisé cette méthode contre des candidats de l'Union Nationale, ni l'un ni l'autre n'étaient justifiés de le faire et nous avons eu raison collectivement, à l'Assemblée nationale — qui portait le nom plus simple d'Assemblée législative, à l'époque — de modifier la loi pour protéger les candidats et les partis politiques. On ne peut plus, aujourd'hui, se présenter libéral indépendant. On peut l'être, mais on n'a pas le droit, sur le bulletin de vote, à l'étiquette libéral indépendant. On ne saurait — je suis certain que le seul fait d'accoler ces mots va vous faire sourire — se présenter aujourd'hui comme Union Nationale progressiste. Non seulement c'est impensable, mais c'est illégal.

M. BERTRAND: Voulez-vous parler du député de Montmorency?

M. LAPORTE: Moi, je veux lui parler; apparemment, vous ne voulez plus le faire vous autres. On ne peut plus, aujourd'hui, se présenter que sous une étiquette protégée ou comme indépendant ou sans aucune indication sur le bulletin de vote. Quels sont les avantages attachés à ce système, car nous ne l'avons pas fait seulement pour protéger les candidats? Le premier avantage est que ceci contribue à mettre fin à une variété de véritables fraudes électorales.

UNE VOK: Parlez-vous des Indiens?

M. LAPORTE: Mais non. Comme d'habitude, le député est en retard. Là, j'ai presque envie de dire: Sortez du bois. Je vais demander à mes collègues de tenter de me laisser parler sans interruption, non pas que je déteste les interruptions — je les provoque parfois — mais parce que j'ai un sujet assez délicat. Je sais que bon nombre de mes collègues partagent mon point de vue et qu'il en est d'autres qui ne sont pas d'accord, des deux côtés de la Chambre. Alors, j'aimerais mieux que l'on me laisse terminer cette thèse, que je ne trouve pas comique, que je ne trouve pas facile, mais que je crois être dans l'intérêt d'une démocratie réelle au Québec.

Quels sont les avantages de ce système du parti reconnu? La première raison qui nous a conduits vers ce système, c'était pour mettre fin à ce que j'ai appelé tout à l'heure une véritable fraude électorale. Les milliers de gens qui ont voté pour Maurice Dupré, en 1960, croyaient voter pour Marcel Dupré et les 910 électeurs qui ont voté pour René Lévesque, artiste, avaient l'impression de voter pour René Lévesque, journaliste. Deuxièmement, ce système a pour avantage de donner une véritable reconnaissance juridique aux partis politiques. Autrefois, on avait l'impression que, chez nous comme dans le reste du Canada, les partis avaient quelque chose d'illicite, d'illégal, parce que nulle part, dans aucune loi, on n'admettait ou ne reconnaissait leur existence. Aujourd'hui, on est légalement, on est officiellement et on est exclusivement du parti libéral du Québec, ou de l'Union Nationale ou du parti québécois ou de tout autre parti, à la condition que l'on ait présenté à la dernière élection ou que l'on présente à l'élection en cours au moins dix candidats

et que l'on enregistre son nom auprès du président général des élections.

Troisièmement, le candidat a l'assurance, avec le nom protégé, de profiter à fond de l'étiquette sous laquelle il se présente car il apparaît sur le bulletin de vote sous son nom. Puis-je me citer en exemple? En 1956, j'ai décidé de faire une première incursion en politique provinciale» Je me suis présenté comme indépendant. J'ai été battu. En 1961, je n'étais ni plus ni moins fin, ni plus ni moins acceptable qu'en 1956. Je me suis présenté sous l'étiquette d'un parti reconnu. J'ai été élu. J'ai personnellement, dans ma carrière politique, tiré avantage de mon acceptation d'une philosophie politique, celle du parti libéral du Québec.

La protection d'un nom légalement accepté nous amène aujourd'hui à certaines conséquences logiques. Quand un député décide d'abandonner le parti reconnu sous l'étiquette duquel il s'est présenté, la loi devrait prévoir qu'il devra abandonner son siège et redemander un mandat à ses électeurs.

Aujourd'hui, on présente aux citoyens ce que j'appellerais un « package deal », c'est-à-dire qu'on présente Juan-Jacques Bertrand, Union Nationale. C'est un tout indissoluble en vertu de la loi. Personne d'autre, qu'il s'appelle Jean-Jacques Bertrand et qu'il soit ou ne soit pas de l'Union Nationale, ne peut offrir aux électeurs ce tout complet qui s'appelle — le premier ministre m'excusera de répéter — Jean-Jacques Bertrand, Union Nationale. Personne d'autre, aux prochaines élections provinciales, ne pourra prendre le nom du député de Laurier, René Lévesque, y accoler les mots Parti québécois et se présenter contre ce parti que dirige actuellement M. René Lévesque.

Nous offrons aux citoyens un ensemble qu'on ne saurait dissoudre. En 1966, les électeurs du comté de Laurier n'ont pas élu M. René Lévesque, Parti québécois, mais comme le disait le bulletin de vote, René Lévesque, libéral. Dans le comté de Montmorency, les électeurs, en 1966, n'ont pas élu Gaston Tremblay, Parti nationaliste chrétien, mais Gaston Tremblay, Union Nationale, Je ne suis pas du tout convaincu que si les électeurs de Laurier ou de Dorion ou de Montmorency ou de quelque autre comté avaient eu l'assurance que celui qu'ils élisaient comme membre d'un parti reconnu allait abandonner son parti après quelques mois, je ne suis pas du tout convaincu que le sort de l'élection aurait été le même.

Autrement dit, maintenant que nous avons adopté une des lois électorales les plus progressistes — deux journalistes très exigeants, MM. Dominique Clift et Richard Daignault, ont écrit à l'époque que la loi électorale qui avait été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée législative était une des plus avancées en Amérique du Nord nous devons aujourd'hui démocratiquement assumer les conséquences de cette législation.

Les trois députés dont j'ai mentionné les noms — François Aquin est le troisième — ont profité non seulement de l'étiquette sous laquelle ils se sont présentés, mais la loi leur a donné, par leur décision de se présenter pour un parti reconnu, d'autres avantages.

En effet, l'article 380 de la loi dit que « le président général des élections rembourse, jusqu'à concurrence de $0.15 par électeur inscrit, les dépenses électorales encourues et acquittées par l'agent officiel de chaque candidat. »

L'Etat, pour la première fois en Amérique du Nord, prévoit que, pour chacun des candidats, une partie des dépenses permises équivalant à peu près à 60% du coût de l'élection sera remboursée.

Il y a deux partis, sauf exception — la seule exception, c'est le député indépendant de Sainte-Anne, Frank Hanley, et peut-être le candidat dans Westmount — le candidat ministériel et le candidat de l'Opposition officielle sont automatiquement éligibles au remboursement du 60% des dépenses.

M. Lévesque, M. Aquin, le docteur Gaston Tremblay ont bénéficié de ces sommes d'argent qui ont facilité leur élection. S'ils s'étaient présentés indépendants ou sans aucune étiquette ou pour un parti non reconnu, il aurait fallu qu'ils obtiennent 20% des voix données au vainqueur afin d'obtenir le même remboursement.

On ne peut pas accepter d'une part les avantages d'un parti reconnu et abandonner ensuite ce parti reconnu, sans encourir les conséquences de cette décision d'abandonner le parti qui nous a valu une équipe, des structures, qui nous a valu le respect de la loi, parce que le nom en est exclusif, et qui, dans les cas qui nous intéressent, a valu la contribution de l'Etat à l'élection.

Allons plus loin. Trois députés élus sous des noms protégés sont devenus ou parti québécois, ou indépendant, ou parti nationaliste chrétien. Je pose la question: Auraient-ils été élus, en 1966, sous ces étiquettes? Rares sont les indépendants qui ont été élus dans la province de Québec depuis 1867.

J'avais d'abord imaginé que j'en ferais l'énumération. Nous retrouvons des noms fort intéressants, mais je ne voudrais pas prendre indûment le temps de la Chambre. Disons que, sur approximativement 2,200 députés, depuis

la Confédération, à l'Assemblée législative et à l'Assemblée nationale, 34 ont réussi à se faire élire sous une étiquette indépendante. Le plus connu est évidemment Henri Bourassa, en 1908. Vous avez Armand Lavergne, dans Montmagny, en 1908 et en 1912. Vous avez des députés qui se sont présentés d'abord pour un parti politique, l'ont abandonné et ont ensuite été élus comme indépendants. Ils sont très rares.

Vous avez Champlain, Deux-Montagnes, Benjamin Beauchamp, Georges Duhamel — j'imagine que ce n'est pas l'écrivain français — dans Iberville, en 1886 et en 1887, sous l'étiquette nationale.

Vous avez, dans le comté de Maisonneuve, M. William Tremblay, qui s'est présenté sous une étiquette fort particulière et qui illustrait bien, pour les électeurs, le rôle qu'il voulait jouer; il s'est présenté sous l'étiquette oppositionniste, en 1927, il a été élu. Vous avez M. Frank Hanley — je pense que c'est lui qui détient le record — il s'est présenté en 1948, en 1952, 1956, 1960 et 1962 comme indépendant et il a toujours été élu. Je me souviens qu'en 1952, Je ne nommerai pas son adversaire, qui était un représentant du parti de l'Union Nationale, a la veille de l'élection, j'avais rencontré ce candidat à une assemblée à Trois-Rivières où M. Duplessis adressait la parole, alors que tous les candidats ferraillaient dur dans leur comté, ce monsieur était à Trois-Rivières. Nous avons demandé à ce candidat: « Espérez-vous être élu demain? » Il dit: « Yes, that would prove that God has a sense of humour. » Vous avez M. René Chaloult qui a été élu deux fois. Vous avez M. Alexandre Chauveau, dans Rimouski, en 1875.

Alors, en tout et partout, depuis la Confédération, vous avez 34 députés qui ont réussi à se faire élire ou réélire sous l'étiquette d'indépendants. Ce qui m'amène à dire que les chances de ceux qui optent pour autre chose qu'un parti reconnu, qui se présentent comme indépendants ou pour des tiers partis, démarrent déjà avec une infériorité qui est attestée par les statistiques que je viens de donner. Aujourd'hui, ils sont classés parmi ceux que l'on appelle généralement les « vire-capots ».

J'aimerais vous donner l'exemple le plus fameux pour démontrer combien ce système peut conduire à un résultat contraire à celui qui a été prévu par les électeurs, qui sont les maîtres. En 1878, il y avait 65 comtés dans la province de Québec. Les partis de Boucherville et de Joly de Lotbinière faisaient élire chacun 32 députés. Le 65e était M. Arthur Turcotte, lndépen-dans de Trois-Rivières, conservateur. M. Turcotte a accepté d'être orateur pour les libéraux qui se sont maintenus au pouvoir du 8 mars 1878 au 30 octobre 1879, alors qu'ils ont été renversés par Chapleau, à la suite de cinq défections dans le parti libéral, soit Alexandre Chauveau, Etienne-Théodore Paquet, Ernest Racicot, Louis-Napoléon Fortin et Edmond-James Flynn.

M. BERTRAND: Ernest Racicot?

M. LAPORTE: Ernest Racicot.

M. BERTRAND: Le député de Missisquoi?

M. LAPORTE: Il était justement député de Missisquoi. Il a été élu en 1878 sous l'étiquette libérale.

M. BERTRAND: C'est ça, avocat.

M. LAPORTE: C'est ça. C'est passé à l'histoire, c'est demeuré célèbre dans l'histoire de la province de Québec, sous l'appellation des cinq veaux. On se souviendra que Rumilly, que les historiens, que les journalistes...

M. BERTRAND: Ils étaient avec Chauveau.

M. LAPORTE: C'est ça. Disons que c'était un peu moins grave pour au moins deux d'entre eux parce qu'ayant été nommés ministres dans le gouvernement qu'ils avaient contribué à mettre au pouvoir, ils devaient à ce moment-là retourner devant les électeurs pour se faire réélire. Deux d'entre eux ont dû se représenter at ils ont été réélus. Mais la loi qui obligeait les ministres à se représenter devant les électeurs a été amendée en 1927.

M. le Président, je voudrais aller un peu plus loin pour montrer que l'on peut véritablement, si la loi n'est pas amendée, se trouver en présence d'une fraude considérable. J'imagine que quatre ou cinq ou dix indépendantistes, une option parfaitement légale et défendable pour ceux qui y croient, que quatre ou cinq membres du Parti nationaliste chrétien s'infiltrent pour des fins électorales dans un des deux partis traditionnels. Ces gens-là réussissent à se faire choisir comme candidats. Il y en a quatre ou cinq de chaque côté, dans les deux partis traditionnels et au lendemain des élections, alors que les électeurs ont voté pour cinq candidats de l'Union Nationale at pour cinq candidats libéraux, vous avez dix bonshommes qui disent: Nous autres, nous sommes des indépendantistes ou nous sommes du Parti nationaliste chrétien. Je prétends qu'à ce moment-là vous auriez immédiatement dans cette Chambre sept ou huit ou dix ou douze représentants de partis politi-

ques qui n'ont jamais reçu sous cette étiquette de mandat des électeurs. Le lendemain des élections, avec la loi actuelle, ils pourront s'écrier: Surprise! Je suis un membre du Parti québécois. Je suis un membre du Parti communiste. Je suis un membre du Parti nationaliste chrétien. Je suis maoïste.

M. le Président, ce stratagème pourrait, en pure fraude, donner un ou plusieurs députés à des partis politiques sous l'étiquette desquels ils n'auraient jamais été élus. Nous avons décidé à l'unanimité de cette Chambre de protéger les noms des partis politiques. Nous devons maintenant accepter que cette protection existe pour le candidat qui se présente — et ça, la loi le reconnaît — que la protection existe pour l'électeur qui vote. Et le premier ministre actuel, et le député de Laurier, et le chef du parti libéral, et tous ceux qui actuellement dirigent des groupes politiques insistent sur une chose en affirmant que les électeurs ont droit à des options claires.

Nous sommes unanimes sur le principe, nous sommes unanimes pour l'affirmer. J'affirme donc que l'électeur, même sur son bulletin de vote et surtout sur son bulletin de vote, a droit à une option claire, savoir très exactement pour qui il vote.

Théoriquement, l'électeur se sert de ce bulletin de vote une fois tous les quatre ans. Quand on décide de frauder l'électeur en le privant de son droit de vote, en faisant voter quelqu'un à sa place ou en l'amenant à voter pour un candidat qu'il n'approuve pas — je reviens à la situation telle qu'elle était avant 1966 — c'est une violation directe de la démocratie. Il faut protéger l'électeur; 11 faut protéger le parti politique qui s'offre pour l'administration publique. Si le chef d'un parti reconnu donne sa signature pour dire que M. Untel est son candidat — pas seulement son candidat personnel, mais qu'il accepte d'être candidat pour un parti donné — il a le droit de savoir que ceux qui se présentent sous cette étiquette le font véritablement.

IL faut que cette Chambre se protège également. Qu'il y ait ici, avec le temps, des membres du Parti québécois ou des nationalistes chrétiens ou des libéraux ou des membres de l'Union Nationale, c'est la volonté des électeurs. On ne doit pas faire de fabrication maison, de candidats de nouveaux ou d'anciens partis, lorsque les électeurs n'ont pas donné leur consentement. Cette Chambre a le droit de savoir, au moment où elle sort des élections, à quel député de quel parti elle a affaire.

Je veux insister sur un sujet bien important: la liberté absolue de chacun des députés encet-te Chambre de voter comme il l'entend. Si les députés libéraux, de l'Union Nationale, des indépendants ou des gens des tiers partis veulent voter pour ou contre le gouvernement, à quelque moment d'une Législature, c'est un droit strict et c'est un droit que l'on doit défendre en conscience. C'est une chose. L'amendement que je vais suggérer, parce que je n'en ai pas à proposer, ne couvre absolument pas le cas, et ne peux pas le couvrir, d'un député qui décide de ne pas abandonner son parti, mais, parce qu'il a changé d'option, décide de voter systématiquement contre son parti.

Mais si un député a suffisamment de conscience ou de fierté pour décider qu'il abandonne officiellement, il doit avoir également conscience qu'il devra aller redemander un mandat à ceux qui l'ont élu sous une autre étiquette.

M. le Président, beaucoup de députés ont parlé de ce problème, beaucoup de députés m'ont parlé de ce problème. Je sais que c'est un sujet de conversation favori dans maintes réunions. C'est le député de Chambly qui aura attaché le grelot. Il n'en est ni fier, ni gêné. Il croit que, dans l'établissement chez nous d'une démocratie continuellement en progrès, il était normal qu'il le fasse. C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que je réclamerai, en temps et lieu, que la Loi électorale soit de nouveau amendée, afin de prévoir que tout député élu sous l'étiquette d'un parti reconnu soit automatiquement déchu de son siège, s'il abandonne son parti, et qu'une élection partielle soit tenue dans les délais prévus par la loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

M. LOUBIER: Je demanderais, M. le Président, la suspension des travaux de la Chambre. Maintenant, en ce qui me concerne, j'en aurai à peine pour cinq ou six minutes. Cela fera suite aux propos tenus par le député de Chambly.

UNE VOIX: Ce n'est pas nécessaire. M. PAUL: Huit heures quinze.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze ce soir.

Reprise de la séance à 20 h 17

M. LEBEL (président): L'honorable ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: J'aimerais faire suite aux propos tenus par le leader de l'Opposition dans le cadre de l'amendement qui devrait être porté à l'attention de la Chambre concernant le ou les députés qui, au cours de l'exercice d'un mandat, après avoir été élus sous la bannière d'une formation politique, décident, pour une raison ou une autre, d'abandonner cette formation politique, de demeurer quand même en Chambre et de siéger comme député avec tous les droits et les privilèges que leur fonction comporte.

Je pense que c'est faire justice au leader de l'Opposition que d'affirmer qu'il a cerné la question avec beaucoup d'à propos et qu'il l'a traitée, tant sur le plan historique que sur le plan constitutionnel et que sur le plan strictement démocratique ou des valeurs démocratiques. J'aurais souhaité que ceux que l'on a appelés les veaux, au temps de M. Chauveau, soient en Chambre pour pouvoir juger des argumentations présentées. En même temps, ils auraient peut-être eu l'occasion de faire entendre leurs voix pour expliquer leur attitude. Mais ce n'est pas nouveau. Ce sont ceux qui sont presque toujours absents qui crient aux quatre coins du Québec qu'ils ont des droits et des privilèges comme députés, mais qui ne viennent pas siéger comme un véritable député devrait le faire.

De toute façon, j'ai déjà exprimé antérieurement mon opinion et je ne veux pas par là relancer mon collègue le député de Chambly, mais j'ai déjà publiquement condamné des députés, ici, en Chambre, premièrement, et deuxièmement, en comité, lors de la discussion de mes crédits, j'ai déjà exprimé non seulement ma désapprobation mais mon mépris pour ces députés, de quelque formation politique qu'ils soient, qui s'étaient conduits ou qui avaient l'intention de se conduire de cette façon. Je l'ai fait en Chambre, il y a quelques mois, à l'endroit du député de Laurier, et j'ai récidivé avec infiniment de plaisir et de vigueur, lors de la discussion de mes crédits budgétaires la semaine dernière en comité.

Or, M. le Président, je pense que, pour un député, comme je ne voudrais pas répéter les arguments présentés par le leader de l'Opposition, il l'a fait avec beaucoup d'à-propos, et à mon sens, il a cerné le problème et donné une véritable perspective à cet état de choses.

Cependant, j'aimerais souligner davantage un aspect de la question, savoir; qu'un député, à brûle-pourpoint, pour quelque raison que ce soit, a abandonné le parti politique auquel il appartient, sous l'étendard duquel il s'est présenté, avec le programme duquel il s'est présenté, sans compter l'atout extrêmement important et quasi indispensable, et qui est consacré par la loi, des montants qui lui sont remis lorsqu'il est candidat officiel d'une formation politique en règle avec la loi, lorsqu'il a joui également de la publicité de ce parti, lorsqu'il a Joui également du prestige du chef du parti, quel qu'il soit, car le chef a toujours du prestige, a toujours du panache pour des clientèles données. Lorsqu'un candidat devient député, qu'il prêche devant sa population, qu'il se présente sous l'étendard du parti libéral ou de l'Union Nationale, qu'il jouit des sommes d'argent, de la publicité, sans compter qu'après avoir vérifié le résultat des élections, depuis 1936, mais depuis 1940 et 1944 plus particulièrement, il est prouvé que, dans la presque totalité des comtés de la province de Québec, il y a 75% à 80% des électeurs qui ne changent pas d'allégeance. Ce qui veut dire que, par exemple dans Nicolet, en 1936, il y avait 52% des voix pour l'Union Nationale, 44% pour le parti libéral, et tout la trajectoire. Il y a en 1940, 44%; en 1944, 48%; 49% en 1948; 50% en 1952 contre 49.2%; 54% contre 41.7%; 52.8% contre 47%, etc. etc.

Vous prenez les comtés un 3. un, et quel que soit le candidat en lice, comme individu, quelle que soit sa personnalité, quelle que soit sa valeur, quel que soit son panache, un candidat pour le parti libéral ou pour l'Union Nationale, dès le départ, a une clientèle assurée d'entre 35% et 42% et c'est immuable depuis vingt ans, selon les statistiques.

C'est donc dire, de façon pratique et réaliste, qu'un candidat libéral dans le comté de Bellechasse par exemple — peu importe quel sera le candidat contre lui — peut compter au départ, indépendamment de sa qualité et de sa valeur, sur 40% à 42% du vote. La différence du résultat ou de la victoire se situe, dans presque la totalité des comtés, entre 2%, 4%, 6%, 8% et, très exceptionnellement, 10%.

Je pense que si l'on veut être lucide, si l'on veut être objectif — c'est un autre argument de fait qui s'ajoute à tous les arguments de droit et d'histoire qui ont été soumis par le député de Chambly — il me semble que si l'on veut vivre en démocratie sous le régime d'une constitution, si l'on veut que cette démocratie soit vivante, que, réellement, le peuple gouverne, que ce vieil adage qui a traversé les siècles: « vox populi, vox Del » s'applique bien dans un système démo-

cratique, si l'on veut que le droit sacré du peuple à une démocratie vivante s'applique il faut, à mon sens, respecter le verdict qu'une population a donné lors d'une élection.

Un vote, cela devient, cela demeure et cela restera l'instrument le plus précieux pour le peuple vivant en démocratie, parce qu'une fois tous les quatre ans — ordinairement, selon l'usage — c'est le peuple qui, pour une journée, est maître de ses destinées. C'est le peuple qui, pour une journée, a dans ses mains le sort du gouvernement qu'il désire et c'est lui qui, librement, une fois, se sert de cet instrument et fait que la démocratie a encore de la valeur.

Or, un député élu — j'essaie, même si j'ai de la difficulté, de retenir des expressions qui marqueraient mon profond mépris, comme je l'ai déjà dit... Quand un député ou quand un parti politique est au pouvoir durant quatre ans, on dit parfois comme argument: Oh, le parti libéral, l'Union Nationale, les partis reconnus ont prôné tel programme, ont juré qu'ils réaliseraient tel projet! Eh bien! Il appartient au peuple, après quatre ans, selon l'usage, de décider, s'il a été trompé, qu'il doit continuer à avoir confiance en cette équipe.

On sait fort bien qu'un programme politique, de quelque parti que ce soit... Il faut être honnête; la conjoncture change tellement rapidement, tant sur le plan économique que sur le plan social, qu'il faut attendre trois ou quatre ans pour pouvoir se prononcer d'une façon objective. A la lumière des événements qui se sont déroulés, du climat politique qui régnait et des conditions socio-économiques qui ont prévalu durant cette période-là, il appartient au peuple de juger de la valeur de l'action ou encore de la valeur des hommes après que leur mandat a été complété.

Si un député change d'allégeance après six mois ou un an, à mon sens, c'est un sabotage direct des fondations mêmes de notre système démocratique. Pour reprendre un peu les propos du député de Chambly, si l'on versait dans l'extrême, sans être dramatiques et sans chasser les sorcières à satiété, un groupe de députés pourrait réussir à s'infiltrer par le soupirail dans un parti politique et, à gagner, par toutes sortes d'artifices, la confiance d'une convention se présentant sous tel étendard politique. Cela deviendrait, à ce moment-là, un cheval de Troie et, dès que l'élection serait passée, dès que le parti politique auquel ils ont adhéré serait au pouvoir, ces gens-là auraient la corde pour faire danser qui que ce soit ou, encore bien pire, pourraient arriver en Chambre avec des idéologies diamétralement opposées à celles prêchées par le ou lesdits partis politiques et même verser, à ce moment-là, dans des idéologies politiques ou dans des philosophies qui ne seraient jamais acceptées par la population qui les aurait élus.

Je pense que les députés qui ont, depuis quelque temps, pour une raison ou pour une autre, quitté la formation politique avec laquelle ils s'étaient assuré un siège en Chambre, usurpent le siège qu'ils occupent actuellement ou qu'ils n'ont reçu aucun mandat démocratique des populations qui les ont élus.

Quelques-uns, qui veulent être plus théoriques que pratiques et qui veulent se lancer dans de très, très hautes considérations qui donnent le vertige à tous ceux qui veulent vivre les pieds sur terre et être pratiques, vont dire: Oh, mais, sur le plan de ma conscience, je ne pouvais plus demeurer dans tel parti politique. Je ne pense pas que l'un ou l'autre des partis politiques soit dans un état de dégradation tel qu'il s'en trouve un, deux ou trois pour dire que ça n'a plus de sens et qu'ils sont absolument égorgés par leur conscience.

Le député de Chambly l'a souligné à bon escient, chaque député en cette Chambre — et c'est un droit acquis et consacré — chaque député dans cette Chambre a pleine liberté, lorsqu'il y a un vote sur un projet de loi quelconque ou sur des amendements quelconques, de faire valoir sa conscience. Il n'y a pas un député qui soit prisonnier d'un parti politique à tel point que, si sa conscience l'étreint tellement et le fait dépérir moralement, il ne puisse pas avoir une position virile et, à ce moment-là, se prononcer, même si c'est contre son parti.

UNE VOIX: Très bien!

M. LOUBIER: M. le Président, d'autres diront: Oui, mais lorsque je me suis présenté pour tel parti politique, il avait un programme donné, il avait une philosophie donnée. Comment expliquer ce paradoxe si, au bout d'un an, de six mois, de trois mois ou d'un an et demi, le même député alors que le mandat n'est pas terminé, puisqu'il est de quatre ans, sait d'avance que le programme ne sera pas réalisé, ou que l'orientation d'un parti ne sera pas complètement définie, et que le parti politique — qu'il soit de l'Opposition ou qu'il soit au pouvoir, que ce soit pour une raison d'option constitutionnelle, d'option d'éducation ou d'autres options socio-économiques — ... comment peut-il savoir d'avance que le programme ne sera pas réalisé, alors que le mandat et le terme des élections sont, selon l'usage, de quatre ans?

Ce sont des faux-fuyants faciles qui cachent beaucoup d'autres buts inavoués, qui cachent

beaucoup d'autres objectifs individuels qui ne sont pas ceux à la hauteur de l'intérêt de la collectivité ou du parti politique en question.

M. le Président, je dis que c'est un sabotage. Je dis que, de la part de ces gens-là, comme Je l'ai fait et comme je l'ai déclaré dans le passé, c'est une tricherie monumentale. Lorsque l'on plaide la valeur sentimentale, morale de la conscience d'un député en question, lorsque l'un ou l'autre de ces députés se sent la mission, entend des voix, et que c'est le destin d'un peuple qu'il veut sauver, et que si, à ce moment-là, il veut arriver à sa vocation, répondre aux voix qu'il l'appellent vers des sommets idéalistes, s'il est si sûr de sa vocation, si sa mission est tellement sacrée, est tellement élevée, s'il est tellement convaincu qu'il répond là à un désir de la population, il a justement le devoir de retourner devant sa population. Il doit se faire donner un mandat précis pour répondre à ces voix qui l'appellent la nuit ou autrement et là, par sa population, recevoir un mandat net, précis, non équivoque, pour répondre à ces voix qui veulent le diriger vers les plus hauts sommets.

M. CADIEUX: Il va manquer de voix! M. LOUBIER: Alors, M. le Président...

M. CADIEUX: Il se peut qu'il lui manque des voix à cette occasion-là.

M. LOUBIER: M. le Président, en terminant, comme Je l'ai signalé, la question a été très bien traitée, le sujet très bien couvert par le député de Chambly. Mais je ne voulais pas, en ce qui me concerne en tout cas, qu'on me dissocie de la proposition faite par le député de Chambly. Au contraire, Je trouve qu'elle est bienvenue, elle est à propos, et non pas pour des considérations mesquines de parti politique.

Il y a le jeu des principes qui se situe au-dessus de ces considérations partisanes. A mon sens, il est temps de mettre de l'ordre, de régulariser la situation et de prévoir, dans la loi, des situations telles que celles que nous avons vécues dernièrement.

En terminant, je dirai que l'amendement suggéré devrait être inséré au plus tôt dans la Loi électorale. A ce moment-là, je plaide pour son bien-fondé. Je dis qu'il s'agit de la dignité même des députés, non pas parce qu'ils ont déserté une formation politique, mais parce qu'ils ont trahi le mandat qu'ils ont reçu. Il y va de leur dignité comme membres de l'Assemblée nationale. Je pense que cet amendement les proté- gerait de ce que j'appellerais une lâcheté. Deuxièmement, il y va du respect de la démocratie. C'est souvent dans la bouche de ceux-là qu'on entend le plus souvent le mot « démocratie », l'expression « Il faut répondre aux impératifs de notre destin comme peuple » ou l'expression « reconquête de notre autonomie sur tous les plans ». Comme je le disais au début, pour employer l'expression de M. Chauveau, ce sont ces veaux qui ne sont pas en Chambre et qui devraient l'être pour essayer d'expliquer leur présence.

Troisièmement, je pense qu'il faut régler cette situation par considération pour les collègues de cette Chambre et par considération pour la Chambre elle-même. Ces gens-là savent fort bien intérieurement qu'ils n'ont pas de mandat et qu'ils n'oeuvrent pas dans les cadres démocratiques qui nous permettent d'évoluer actuellement. Ils vont à l'encontre de la volonté de la population; ils vont à l'encontre de la loi et ils pêchent surtout contre leur propre dignité, contre leur propre fierté. Je félicite le député de Chambly d'avoir fait cette suggestion. Quant à moi, j'y abonde à 100% et j'appuierai, de toutes les façons, les efforts qui seront faits pour insérer le plus rapidement possible cet amendement dans la Loi électorale.

M. Georges-E. Tremblay

M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, le député de Chambly a fait un très bon discours cet après-midi, ainsi que le député de Bellechasse. Seulement, moi, je vois une chose dans le parti libéral — je ne sais pas si on l'a dans d'autres partis; je respecte les autres partis — je regarde cela d'un autre point de vue. Je crois que, dans cette Chambre, même si je suis député libéral, j'ai le droit de voir cela d'une autre façon. Un député nouvellement élu doit passer au moins deux ans dans cette Chambre avant de savoir ce qui s'y passe. Si les nouveaux députés sont honnêtes envers cette Chambre, ils l'admettront.

Le député de Bellechasse a parlé des programmes électoraux. Je crois que j'aurais un bon discours à faire dans cette Chambre là-dessus; il durerait cinq heures. Je ne ferais pas de politique de parti, à ce moment-là. Dans les programmes électoraux, on essaye d'endormir la population pour se faire élire. Je trouve cela très malhonnête. Je vous l'avoue sincèrement, c'est très malhonnête. Je peux vous dire que, dans mon comté, je ne me suis pas fait élire de cette façon-là. Quand on arrive dans cette Chambre et qu'on entend les discours disant qu'il faut être des hommes de parti, je suis

bien d'accord là-dessus. De là à marcher à terre — moi, je suis gros et la bedaine me traînerait à terre — je ne suis pas d'accord sur ce point-là.

Il faut toujours dire comme les chefs de parti. Mais ce sont les gens de nos comtés, l'élec-torat que nous devons représenter.

Quand je vois ceux qui sont élus depuis 1960 ou 1962, remarquez bien, je leur laisse leur idée, je leur laisse leur conviction. Mais, mol ma conviction c'est que le député qui est élu en cette Chambre — remarquez bien que ce n'est pas ma conviction, ça va peut-être l'être d'ici dix ans, on ne le sait jamais — s'il est au pouvoir, si ça ne lui plaît pas et que le gouvernement ne suit pas la règle, ne suit pas son programme, il a le droit de représenter sa population comme il l'entend. Il a eu le mandat de représenter ses électeurs et, à ce moment-là, s'il ne représente pas ses électeurs, s'il suit le programme et que le programme n'est pas suivi, comme on dit souvent, comme l'Union Nationale, à l'heure actuelle — si vous regardez le programme de l'Union Nationale, M. le Président, il y avait 108 promesses, il y en a si peu près 8 ou 9 qui sont réalisées à l'heure actuelle — alors, je ne blâmerais pas un député de l'Union Nationale qui à un moment donné, dirait: Je ne peux plus siéger avec les choses avec lesquelles je me suis fait élire. Je ne peux pas être contre ça.

Je suis assez honnête que si mon parti était au pouvoir et qu'il faisait la même chose que l'Union Nationale, je ne l'accepterais pas. Je suis honnête avec vous. Je vous le dis, parce que Je me suis fait élire avec l'étiquette de l'Union... non, pas de l'Union Nationale, jamais...

M. le Président, ça prend un député libéral pour dérider l'Union Nationale, parce qu'à l'heure actuelle, ils sont tellement sérieux avec leur prochain congrès, franchement, ça prend un député libéral pour les dérider un peu. Cela me fait plaisir, seulement, j'ai été élu avec le parti libéral.

Il y a seulement une chose, et mon discours ne sera pas long.

M. ROY: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Bourassa): ... il y a une chose que je ne pourrais pas voter. Remarquez bien, je ne suis pas contre mon parti, je ne suis pas contre le ministre de la Chasse, de la Pêche et des Sports et tout ça. Seulement, M. le Président, je n'accepterais pas...

M.BERTRAND: Etc.

M. TREMBLAY (Bourassa): ... qu'un député dans cette Chambre — remarquez bien, je ne me lève pas souvent en cette Chambre, M. le Président, Je ne me lève pas souvent, parce que j'ai eu le malheur de passer proche de me faire sortir de cette Chambre, parce que je posais trop de questions — Seulement, ce soir il y a une chose que je peux vous dire, que je vous demande, M. le Président. Je demande à cette Chambre qu'on laisse la liberté aux députés. Qu'on laisse la liberté et, dans l'avenir, encore plus la liberté aux députés de voter sur les lois et sur les choses qui représentent le député lui-même. C'est la seule chose que je peux vous demander, M. le Président. Je vous laisse sur ça. Seulement il y a une chose que je ne peux pas. Je ne peux pas admettre qu'un député ne pourra voter suivant son opinion.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. MICHAUD: M. le Président, le projet de loi que...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MICHAUD: M. le Président, le...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Gouin.

M. Yves Michaud

M. MICHAUD: M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous, projet de loi no 7, projet de loi gouvernemental visant à donner aux Indiens domiciliés dans nos réserves le droit de vote et d'être inscrits sur les listes électorales, a d'incontestables mérites.

Je pense qu'il est temps que l'on donne enfin le droit de vote aux Indiens à cette tranche de la population qui n'a peut-être pas écrit, un peu par notre faute, la plus belle page d'histoire du Québec et qui ne s'est pas inscrite dans la lignée de la tradition démocratique parlementaire.

M. le Président, c'est un souci de démocratisation de la part du gouvernement qui est louable. Je serais bien le dernier des derniers à essayer de critiquer ce projet de loi qui est valable en sol.

Le gouvernement du Québec veut faire d'une portion de notre population, d'une catégorie de nos concitoyens, des hommes libres, égaux en droit, des contribuables à part entière, habiles à choisir leurs représentants, ce sont là, si j'ose ainsi m'exprimer, des vertus cardinales

de tout gouvernement. L'Union Nationale ajoute donc, et le gouvernement comme tel, un élément de démocratisation à nos lois déjà existantes, et je dis: Bravo!

Je ne trouve pas étrange que le gouvernement manifeste autant de libéralisme à l'endroit des Indiens de cette catégorie de nos citoyens, mais je trouve, par ailleurs, un peu suspecte cette commode et tranquille impudeur au sujet du problème numéro 1 de la démocratie québécoise, lequel problème est la représentation équitable du peuple au sein de l'Assemblée nationale. Tout notre système politique repose sur le régime représentatif par le moyen du suffrage universel qui assure la représentation du peuple dans nos parlements et dans nos assemblées délibérantes.

Pour choisir nos gouvernements, nous avons une idée simple, commode, facile, incontestable : la règle de la majorité, c'est-à-dire que ceux qui sont appelés à exercer la décision politique sont censés représenter l'expression majoritaire de la volonté populaire régulièrement exprimée par le truchement des scrutins et des élections. Cette règle de la majorité, nous la vivons tous les jours, toutes les semaines dans ce parlement, alors que le gouvernement présente des lois, lesquelles lois deviennent en vigueur une fois qu'elles ont passé par le chemin de la règle de la majorité.

Or, cette règle qui est tellement respectée ici, il est arrivé et il arrive encore qu'elle soit ouvertement bafouée au Québec, que les gouvernements, et plusieurs furent ceux-là d'entre eux qui exercent le pouvoir, ne représentent pas l'expression majoritaire de la volonté nationale. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Bellechasse et ministre du Tourisme qui parlait d'élus du peuple, d'hommes politiques qui pouvaient usurper leur siège en changeant d'étiquette politique après avoir été élus sous la bannière d'un autre parti.

M. LOUBIER: Sans repasser devant le peuple.

M. MICHAUD: Bien sûr, il y a une indécence dans ce fait, mais il y a également une indécence, et celle-là plus grande, dans le fait que, par le truchement du découpage électoral, des gouvernements puissent arriver en exercice du pouvoir, ne représentant pas l'expression de la volonté populaire, l'expression de la règle de la majorité et puissent gouverner. Et je dis que s'il y a dans le cas du député élu sous l'étiquette d'un parti qui change éventuellement de parti, une usurpation de pouvoirs, il y a une usurpation de pouvoirs beaucoup plus grande dans le cas d'un groupe politique. Je ne veux pas faire d'allusions personnelles ou d'allusions collectives, même à des groupes politiques existants. Je dis qu'à la base même de notre système, il y a un vice fondamental à corriger.

Je ne veux pour seul exemple d'usurpation de pouvoirs, et je le choisis à titre d'exemple uniquement parce qu'il a pu se répéter au cours de l'histoire politique du Québec, à la dernière législative de juin 1966, le parti libéral du Québec obtient 48% des suffrages exprimés, l'Union Nationale en obtient 41%. Et je m'étonne que cela ne dérange pas le sommeil de nos démocrates. Je m'étonne que ceux qui partent toujours en guerre contre les abus de pouvoirs, contre les usurpations de pouvoirs demeurent si aphones et si hébétés devant un des vices fondamentaux de notre système représentatif. Je me dis: Pourquoi tous les partis politiques qui se succèdent à la barre du pouvoir, pourquoi ces feintes, ces calculs, ces hésitations, ces reculs, cette volonté obstinée de ne pas vouloir, une fois pour toutes, regarder les choses en face et, ensemble, corriger ce qui m'apparaît comme le vice fondamental de la démocratie québécoise? Les gouvernements du Québec — c'est arrivé — sont presque toujours en état permanent d'usurpation du pouvoir au profit d'une caste de citoyens privilégiés.

D'un côté, le gouvernement, avec le projet de loi no 7, donne le droit de vote aux Indiens; de l'autre, il maintient une situation injuste qui fait que les électeurs des centres urbains sont sous-représentés au Parlement de leur nation.

M'expliquera-t-on, M. le Président, enfin un Jour en vertu de quel principe un électeur de Brome, de Bagot, de Montcalm, de Bellechasse, de Missisquoi, a cinq fois plus de poids, d'autorité et de prestige...

M. BERTRAND: C'est élémentaire.

M. MICHAUD: ... pour choisir ses gouvernants qu'un électeur de Gouin, de Dorion, d'Ahuntsic, de Verdun ou de Maisonneuve? Au nom de quel principe de justice et d'équité, par quel artifice, par quelle aberration de l'esprit peut-on admettre cette situation de nos gouvernants qui tolèrent qu'il existe dans notre société démocratique des citoyens inférieurs qui sont les citoyens urbains sous-représentés au Parlement de leur nation?

Je me dis que cette situation est nocive non seulement pour les centaines et les centaines de milliers de Québécois qui vivent dans les centres urbains, mais qu'elle est également nocive pour ceux-là même des citoyens que cette situation prétend protéger. Cette situation du mau-

vais découpage de la carte électorale défavorise les citoyens des comtés ruraux sur les plans économique, politique et social parce qu'elle crée un état de balkanisation de nos régions, de morcellement et de découpage contraires aux propres intérêts des citoyens qui vivent dans les comtés ruraux du Québec. La carte électorale du Québec, à l'heure actuelle, fait plus que créer des injustices sur le plan de la représentation du peuple. Elle rend impraticable et elle freine les politiques de développement régional avant même que celles-ci soient mises en application.

Je me demande, M. le Président, au nom de quoi cela arrive. Tout le monde sait qu'aucune planification ne peut véritablement réussir que si elle est greffée, articulée sur des régions homogènes et intégrées. Or, la situation actuelle est désastreuse parce qu'elle repose d'abord sur le maintienne privilèges anciens, sur un refus, je le répète, obstiné de la part des gouvernements de corriger la représentation parlementaire et de l'adopter aux conditions présentes de notre société. Pourquoi, M. le Président, au nom de quoi cette situation humiliante qui fait que des centaines de milliers de Québécois sont sous-représentés, situation qui provoque, et c'est d'autant plus grave, l'avortement systématique des efforts de redressement et de développement régional?

Parce que le Parlement de Londres, il y a cent ans, a voté dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique une loi protégeant des comtés en vertu de situations qui existaient alors et qui ne doivent plus avoir cours aujourd'hui.

Le monde change, évolue avec une rapidité extrême. Nous sommes à l'époque de la cybernétique, de l'informatique. Nous sommes à l'époque des cosmonautes qui violent les espaces intersidéraux. Et, sur des problèmes comme ceux-là, nous avançons à petits pas d'enfants; nous balbutions des réformes alors que se pose à notre attention un problème aussi crucial et grave que celui de la représentation des citoyens dans un Parlement, dans une assemblée délibérante.

La réforme de nos collèges électoraux s'Impose, comme il faut d'ailleurs, je pense, réviser toute notre conception de la représentation parlementaire. Je le dis ici sans scandale; il va falloir un jour songer à la représentation des fractions minoritaires de l'opinion publique, ce que nous appelons les tiers partis, tiers partis qui sont, je crois, injustement balayés par le système du bipartisme. Les gouvernements sont en état et en acte de mensonge permanent lorsqu'ils laissent se perpétuer des situations injustes comme celle du découpage élec- toral actuel et aussi lorsqu'ils écartent automatiquement à la représentation à l'Assemblée nationale les tiers partis.

Il y a ce problème — et celui-là est grave — de la légitimité du pouvoir quand il ne représente, comme c'est le cas actuel, comme cela a été le cas il y a des décennies, quand il ne représente qu'une fraction de la souveraineté populaire.

Le problème soulevé par le député de Chambly, repris par le député de Bellechasse, de l'affiliation d'un élu du peuple a un parti politique, de la possibilité ou de l'éventualité pour ce dernier de changer d'allégeance, bien sûr est un problème grave.

Je suis de ceux qui croient également qu'il y a une indécence à se faire élire sous l'étiquette d'un parti pour ensuite en changer. Mais je me dis que cela, bien que condamnable, est moins condamnable encore que le système actuel qui fait que le découpage électoral est injuste d'une part, et d'autre part que le système actuel ne favorise pas, par un réflexe de défense tout à fait normal que Je m'explique bien, les partis, dits traditionnels, de l'émergence des nouvelles forces politiques au Québec, car il faut bien se rendre compte qu'il y en a.

Nous évoluons, insensiblement peut-être, vers une sorte de pluralisme politique, vers une multiplicité des partis. Je n'ai qu'à regarder l'histoire présente: il y a le Parti québécois, le Parti nationaliste chrétien, le Crédit social; il y avait le RIN, le RN, le Parti libéral unifié de récente date, le Ralliement crédltiste, l'Union des électeurs, le Bloc populaire, il y a une vingtaine d'années. Le moins que l'on puisse dire sans sourire, c'est que le jeu de la politique québécoise est plus prolifique pour engendrer des nouveaux partis que les Québécoises elles-mêmes, depuis quelques années.

Tout cela devrait nous faire un peu réfléchir sur les conditions d'exercice de la démocratie québécoise. Ce n'est peut-être pas par hasard que ces groupuscules politiques naissent au rythme des amours et au rythme des saisons. Il y a, bien sur, une explication à cela. N'est-il pas permis de se demander, sans crier au scandale, si nos partis tratltlonnels ne devraient pas être assez tolérants pour protéger en leur propre sein et admettre la multiplicité des tendances et des orientations?

Je prends l'exemple américain. Je constate qu'il y a deux grands partis traditionnels: le parti démocrate et le parti républicain. A l'intérieur de ces formations politiques, toutes les tendances, toutes les familles, si vous voulez, spirituelles et politiques peuvent être intégrées

et harmoniser leurs conflits éventuels à l'intérieur de mêmes formations.

Il y a l'exemple américain, il y a également l'exemple français. En France, le parti gaulliste, sur beaucoup de points extrêmement dur et extrêmement intransigeant, tolère cependant dans son sein une famille spirituelle marginale qui s'appelle les républicains indépendants sous la conduite de M. Giscard-D'Estaing. Et M. Giscard-D'Estaing n'est pas excommunié de la majorité gaulliste parce que lui ou son groupe peuvent à l'occasion différer d'opinion sur tel ou tel point de la politique française.

Ce n'est pas faire scandale, je pense, que de réfléchir sur ces questions. Je suis d'autant plus à l'aise pour dire toutes ces choses qu'à l'intérieur de la formation politique à laquelle j'appartiens, j'ai toujours joui d'une extreme totale liberté de parole et d'expression.

Je me demande si des réflexes tratitionnels de peur, dont l'exemple le plus frappant a été le discours du député de Bellechasse, des réflexes que je dirais normaux, des réflexes normaux parce que, bien sûr, cela vient briser les règles du jeu, je me demande si les réflexes traditionnels de défense des partis dits reconnus, devant la montée des tierces formations, servent finalement les fins de la discussion et du débat politique.

Je dis que le danger des tiers partis — bien sûr, je le constate — c'est le morcellement de l'opinion publique en groupuscules et ses conséquences inévitables, c'est-à-dire l'instabilité ministérielle, l'impossibilité, finalement, pour les citoyens de se choisir des gouvernements.

D'ailleurs, l'histoire n'est pas éloquente sur les excès de la démocratie, le régime de la représentation proportionnelle, par exemple, la multiplicité des formations politiques dans la république de Weimar, ces excès qui ont préparé le lit — c'est vrai — du fascisme et du nazisme hitlérien.

Je dis qu'il y a là des problèmes tout aussi graves qu'a favorisés la multiplicité des groupes et des formations. Finalement, nous desservons le bien commun. Mais là-dessus, pour ma part, et ne parlant qu'en mon nom, je serais plutôt porté à libéraliser les partis traditionnels reconnus, à ouvrir, à l'intérieur de ceux-ci, les voies les plus grandes, les plus libérales de la contestation politique plutôt qu'à favoriser l'émiettement de la pensée politique dans des groupuscules, dans des cénacles ou des chapelles qui seront toujours intolérantes, parce qu'ils sont à la poursuite d'un pouvoir lointain et inaccessible.

H y a ce problème et tant d'autres que, à l'occasion de l'étude d'une loi électorale, nous devrions nous poser, le problème du financement des partis politiques par l'Etat. Je suis un de ceux qui croient que les partis politiques devraient être financés par l'Etat, puisqu'un pas a déjà été fait par l'ancien gouvernement pour financer les dépenses électorales des candidats qui briguent les suffrages à une élection. Je crois que nous devrions faire un pas en avant, répondre à cette partie torturée, inquiê-te, angoissée, à tort ou à raison, de l'opinion qui est d'accord avec le financement des partis politiques par l'Etat.

Tout cela pour dire qu'en ces choses, à l'occasion de l'étude d'une telle loi, il reste beaucoup à faire, que nous sommes tragiquement en retard, bien que nous votions des lois progressistes dans beaucoup de secteurs, pour tout ce qui concerne l'amélioration de notre système. Nous sommes éternellement, je pense, retardataires dans l'amélioration du système du régime représentatif de la carte électorale, qui est à la base même du fonctionnement de notre système démocratique. Je dis: Le peuple du Québec tolérera-t-il encore longtemps nos hésitations, nos calculs, notre prudence un peu maladive devant ces problèmes qui devraient nous solliciter de toutes parts et qui devraient revendiquer notre attention la plus immédiate? Je pose la question et j'y réponds un peu en disant: Je me permets de douter que la société québécoise tolérera longtemps notre inaction dans ce domaine.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette); L'honorable député de Duplessis.

M. Henri Coiteux

M. COITEUX: M. le Président, dès la présentation du bill 7, après avoir pris connaissance des notes explicatives, Je m'étais proposé d'Intervenir. Naturellement, le titre de la loi: Loi modifiant la loi électorale, a ouvert les portes à beaucoup d'autres discussions très intéressantes, mais il n'en reste pas moins vrai que la raison qui motivait mon intervention, au départ, est restée la même. Je puis dire ici que je suis cent pour cent d'accord avec le député de Chambly, avec le député de Bellechasse, pour qu'un député élu, s'il veut continuer à siéger en Chambre, s'il change d'allégeance politique — ce qui est son droit — se doive, en saine démocratie, de retourner devant ses électeurs et de leur dire: Voici, je me suis fait élire libéral, Je me suis fait élire Union Nationale, mais aujourd'hui,

Je suis autre chose, et je viens vous demander un mandat clair et net.

Je pense qu'à ce moment-là, personne ne serait lésé. On ne conteste pas, aux gens qui veulent nous laisser, le droit de le faire. Ce que l'on conteste, c'est la fausse représentation, étant donné, comme l'a mentionné tantôt le député de Bellechasse, qu'ils ont profité de la propagande d'un parti, de l'argent d'un parti reconnu, et que ces gens-là sont aujourd'hui élus avec toute la représentativité et la force d'un parti. Ils sont, I mon sens, usurpateurs du titre de député, tel que confié par les électeurs.

Pour ce qui est de la remarque, beaucoup plus scientifique, du député de Gouin, je suis d'accord, en principe, sur ce qu'il a dit au point de vue de la représentativité.

Mais, lorsque tout cela se discutera, j'espère bien être présent, parce que représentant un comté qui a tout de même 700 milles vers le nord et 650 milles vers l'est, je crois que si on veut donner au comté de Duplessis le même nombre d'électeurs que dans le comté de Gouin, le travail physique du représentant public sera tout simplement impossible.

Même au point de vue des principes qu'on préconise et que je partage, il y a sûrement certaines exceptions qui devront, lors de la discussion de ce problème, être envisagées.

Là où je veux en venir, c'est que, représentant d'un comté qui possède, à mon sens, le plus grand nombre d'Indiens actuellement dans le Québec, je me devais de me lever pour approuver, en deuxième lecture, le principe d'une loi par laquelle nous donnerons le droit de vote aux Indiens.

D'ailleurs, lors du premier discours que J'ai fait en cette Chambre, en 1960, j'ai été appelé à commenter le vote des Esquimaux, étant donné qu'ils n'avaient pas voté pour moi. Le député de Bagot du temps me taquinait et me demandait comment expliquer que le vote des Esquimaux n'ait pas été libéral.

Je lui disais qu'en 1960, les Esquimaux — étant complètement à l'extérieur du reste de la province et n'ayant presque pas pris de contacts directs avec la population actuelle du Québec — ne pouvaient pas psychologiquement donner un vote qui signifiait quelque chose pour l'administration de la province. En effet, les facteurs qui les incitaient à voter pour tel ou tel gouvernement étaient loin d'être basés sur un minimum de connaissances nécessaires pour donner un vote efficace dans l'administration de la société québécoise.

Je disais que les Indiens du Québec avaient beaucoup plus de raisons d'obtenir au plus tôt de la province le droit de vote. Actuellement, nous avons à Sept-Iles une très grosse réserve indienne. Nous avons des résidents à Moliotonam. Nous avons une réserve indienne à la Romaine, une à. Saint-Augustin, une à Mingan et une à Schefferville. Ces gens-là, depuis des années, vivent en contact direct avec la population québécoise. Presque tous, du moins les adultes, possèdent suffisamment de français pour se rendre compte de l'efficacité des lois et peuvent porter un jugement beaucoup plus proche de la vérité que les Esquimaux.

C'est pourquoi je suis heureux que cette loi vienne aujourd'hui de façon que ces gens, qui sont actuellement psychologiquement prêts à donner un Jugement valable sur la politique du Québec, deviennent enfin des citoyens à part entière de la province de Québec. Je serai heureux de voter, en deuxième lecture, pour l'adoption de ce bill.

DES VOIX Vote! Vote!

M. Gaston Tremblay

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, quelques mots seulement sur ce bill 7. Je félicite le gouvernement d'avoir amendé cette loi afin d'accorder aux Indiens un droit qu'ils auraient dû posséder depuis longtemps, le droit de vote que l'on devrait aussi, par la même occasion, accorder aux Esquimaux.

En ce qui concerne les incidences qu'on a faites lors de ce bill concernant le grand scandale qu'il y a pour un député de quitter les cadres traditionnels d'un parti, l'Union Nationale ou le parti libéral, je trouve que c'est un peu ridicule d'en parler. Cette liberté de conscience que doit posséder le député, 11 doit pouvoir l'exprimer par les gestes qui s'imposent en certaines circonstances, surtout dans les circonstances que j'ai vécues l'automne dernier.

L'Indécence qu'il y a, c'est Justement de discuter et de vouloir, au fond, nier le droit du député de laisser son parti qui a oublié son programme. Qu'on ait cette liberté, M. le Président! Que la Chambre fasse une loi d'exception et je sais ce que le public en pensera! Il est absolument nécessaire, pour la liberté parlementaire, que les députés puissent s'exprimer en dehors des cadres des vieux partis tradition-nalistes.

M. ROY: Essayez donc celai Essayez donc de vous faire élire!

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre!

M. TREMBLAY (Montmorency): Lorsque l'on connaît la discipline que l'on impose aux députés, lorsque l'on connaît aussi l'esprit de parti que manifestent certains députés...

M. ROY: Essayez-donc de vous faire élire avec votre parti!

M. TREMBLAY (Montmorency): ... qui vont Jusqu'à la négation des biens du peuple et de la population qu'ils représentent, je pense que la liberté et le droit du député d'exprimer librement ses opinions en dehors des cadres des vieux partis, en dehors des principes du bipartisme que l'on veut actuellement faire reconnaître, doivent être conservés. Je ne pense pas qu'il soit logique qu'on ait pris la peine d'en parler, même à l'occasion du bill 7.

Malheureusement, je n'ai pu assister à la séance de cet après-midi; j'aurais voulu me préparer davantage pour répondre aux prétextes...

M. LEDUC (Taillon): Le devoir d'un député, c'est d'être en Chambre.

M. TREMBLAY (Montmorency): J'y suis, sauf en de très rares occasions. Peut-être que certains membres de cette Chambre savaient que je ne serais pas ici cet après-midi.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre I

M. LAPORTE: Si J'avais su que le député de Montmorency ne serait pas en Chambre...

M. LOUBIER: Il n'est jamais là.

M. ROY: Il n'est jamais en Chambre, pas plus ce soir que d'habitude.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. LAPORTE: J'aurais été heureux que le député de Laurier, auquel j'ai remis les notes que j'ai utilisées cet après-midi, et le député de Montmorency aient été en Chambre. J'ai fait une intervention assez délicate. Je pense que c'est le rôle d'un député élu, même s'il renonce à son parti, d'être en Chambre.

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, je conclus en disant qu'il est absolument nécessaire que le député conserve sa liberté d'expression en cette Chambre, même en dehors des cadres des vieux partis. Je suis sûr que je représente ici une partie importante de l'opi- nion de la population... Voulez-vous me laisser parler, s'il vous plaît, messieurs!

M. ROY: Allez vous faire exorciser!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY: Faites-vous exorciser!

M. DEMERS: Un petit coup de goupillon!

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, je voterai pour le bill 7. Je trouve cependant un peu saugrenues ces digressions qu'on a apportées au bill 7 concernant la représensation de certains comtés par des députés qui ont eu le courage, en fait, de s'affirmer comme indépendants et d'émettre des idées qui représentaient celles du peuple.

M. ROY: Vous n'aurez pas le courage de vous présenter comme indépendant. Jamais!

M. LOUBIER: Vous n'avez pas le courage de vous présenter devant le peuple, par exemple.

M. ROY: Vous n'avez pas eu le courage de vous présenter comme indépendant.

M. LE PRESIDENT: (M. Fréchette): A l'ordre!

M. TREMBLAY (Montmorency): Si le gouvernement veut bien démissionner, j'aurai le courage de me représenter.

M. ROY: Essayez cela tout de suite.

M. TREMBLAY (Montmorency): Devant les promesses oubliées, Je sais que le gouvernement n'a pas ce courage. Il a usurpé son droit de représenter la population. Lui-même n'a pas le courage de se présenter devant 1'électorat.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre I

M. ROY: Vous ne représentez personne, sauf Léo Tremblay.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre!

M. ROY: Vous profitez de l'occasion d'être ici pour l'assister.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre!

M. TREMBLAY (Montmorency): Soyez assuré que je serai présent à ce moment-là.

M. GRENIER: Démission immédiate!

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre!

UNE VOIX: Démission!

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre! Je remarque que le dialogue s'est...

M. LOUBIER: C'est le plus célèbre « patro-neux » qu'il y ait.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): ... engagé entre...

M. LOUBIER: C'est le plus vulgaire « pa-troneux » qu'il y ait.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): ... les collègues des deux côtés...

M. TREMBLAY (Bourassa): Soyez polis pour un membre de la Chambre.

M. LE PRESIDENT: (M. Fréchette): A l'ordre!

M. GRENIER: Demandez au député qu'il ne réponde pas.

M. LOUBIER: Il est tellement « patro-neux! »

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Je voudrais bien, si l'on a des messages à transmettre à des collègues, qu'on les fasse passer par la présidence.

L'honorable député de Saint-Laurent.

M. Léo Pearson

M. PEARSON: M. le Président, Je serai très bref. Ce sera le discours le plus court que vous aurez entendu sur ce bill. Je ferai simplement quelques brèves remarques, sans trop de commentaires, qui se limiteront à quelques suggestions. Premièrement, je suggérerais que le gouvernement statue sur des élections partielles qui auraient lieu, par exemple, à chaque année, peut-être à date fixe si un comté l'exigeait.

Une autre suggestion qui pourrait être étudiée à son mérite également, ce serait qu'au lieu, à un moment donné, lorsqu'on est élu pour cinq ans, de risquer qu'il y ait des élections au bout de deux ans ou de trois ans, qu'un gouvernement dure cinq ans et qu'on statue également sur une date, comme les conseils municipaux ou les commissions scolaires et que les élections aient lieu à date fixe, au bout de cinq ans, par exemple. Alors, le gouvernement le sachant, se prépareraient en conséquence.

Troisièmement, je suggérerais, M. le Président, qu'il y ait une revision plus régulière de la carte électorale. Je donne comme exemple mon comté où on s'est servi, je crois, d'une carte assez ancienne. Lorsque les élections de 1966 sont arrivées, une paroisse complète avait poussé depuis la revision de cette carte-là. Un autre exemple: depuis 1966, 11 y avait dans mon comté environ 50,000 électeurs. Depuis à peine deux ans et demi que je suis élu, il y a déjà un nouveau comté dans mon comté puisque nous sommes rendus à près de 60,000 électeurs, ce qui veut dire déjà une augmentation de 10,000.

C'est presqu'un nouveau comté comparé à certains autres. A cause de cela Je suggérerais qu'on fasse une revision plus régulière, qu'un comité peut-être permanent revise régulièrement ces choses-là pour faire de petits changements, sans risquer qu'il y ait un chambardement complet.

J'ai l'impression qu'on attend, avant de reviser la carte électorale, de changer la province au complet. Or, il y a des situations particulières, comme celle qui existe actuellement dans mon comté. Probablement que des situations semblables existent dans d'autres comtés où on pourrait changer, disons, deux ou trois rues de comté.

Quatrièmement, M. le Président, j'ai l'impression, c'est une opinion personnelle, qu'on ne devrait pas prendre le mors aux dents quant aux députés qui peuvent quitter le parti ou changer d'étiquette. S'ils ont trompé la population, j'ai l'impression que la population va se souvenir de leur adresse et qu'ils ne feront pas plus qu'un terme. S'ils ont changé d'étiquette à cause d'un problème de conscience, à ce moment-là ce sera au peuple également à juger.

Mais Je pense qu'on devrait, par contre, si Je me réfère à une Idée mentionnée par le député de Chambly cet après-midi, statuer pour éviter, à un moment donné, s'il y avait une espèce d'infiltration, qu'un gouvernement découvre, quelques jours après les élections, que quatre ou cinq députés détiennent la balance du pouvoir et risquent à tout moment de jeter le gouvernement par terre. On pourrait statuer, rendre illégal le fait qu'un certain nombre de députés, se liant ensemble du côté ministériel, puissent, par exemple, paralyser un gouvernement ou faire du chantage. Je pense que ce se-

rait beaucoup plus sérieux. Il y aurait beaucoup plus de conséquences graves que statuer tout simplement sur le fait qu'un député puisse changer de parti.

A ce moment-là, Je pense que le peuple, se servant de son gros bon sens, s'il juge qu'on a usurpé son vote, se vengera à l'élection qui viendra. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier. A l'ordre!

M. René Lévesque

M. LEVESQUE (Laurier): Puisqu'on parle du bill 7, qui est un amendement à la Loi électorale, je pense bien que je n'ai pas besoin de dire, ayant été, pendant un certain temps, dans un domaine, que connaît bien aussi le député de Duplessis, qui concerne les gens du Grand-Nord du Québec ou les Indiens de nos réserves, je n'ai pas besoin de dire que je suis favorable à cet amendement.

Je regrette que l'idée ne nous en soit pas venue dans le temps où j'étais dans un autre gouvernement, parce que Je trouve que c'est une réparation extrêmement tardive, mais mieux vaut tard que jamais, d'une injustice qui avait été commise et qui s'était perpétuée aux dépens de gens qui sont nos concitoyens. En fait c'est une injustice qui est tellement tardive qu'il faudra peut-être se faire à l'idée que ça va prendre un certain temps.

Il va falloir attendre, et je crois que les premières réactions le démontent, il va falloir attendre pour briser peu à peu le mur d'indifférence et même, dans beaucoup de cas, le mur de méfiance qu'on va trouver chez nos concitoyens Indiens qui, trop longtemps, ont été négligés, admettons-le, dans certains cas, méprisés, certainement exploités, et qui se méfient de l'homme blanc et de ce qu'ils appelleraient sûrement, ceux des Indiens qui ont fait leurs humanités, des cadeaux grecs qu'on prétend leur faire.

De toute façon, que, dans nos lois, soit inscrit ce droit fondamental pour des gens qui sont nos concitoyens, encore une fois, mieux vaut tard que jamais.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est très tard.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est très tard. On né sera pas surpris, d'autre part, si je ne suis pas parfaitement d'accord avec le long et vertueux développement que le député de Chambly a fait cet après-midi sur un autre aspect de la Loi électorale. Je le remercie, en passant, de la courtoisie qu'il a eue de me faire parvenir ses notes. Je regrette d'avoir été absent. Je cherchais justement le député d'Ahuntsic...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah! oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... qui s'intéresse en particulier à des aspects de notre régime électoral, à la carte électorale, depuis longtemps. J'ai découvert, tout à l'heure, qu'il n'y était pas. Il y a d'autres absents. Il y a quelques jours — c'était jeudi ou vendredi — j'aurais pu être méchant. J'avais averti des journalistes en haut — il y en a deux qui s'en souviennent — qu'on n'avait même pas quorum en Chambre. Or, la Chambre n'était pas divisée en comité des crédits, et elle ne comptait pas trente députés. A un moment donné, il y en avait 24.

M. LAPORTE: Vous y étiez?

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, justement, curieusement, j'y étais. Ce qui prouve qu'il est plus facile de camoufler les absentéistes professionnels, comme il y en a des doux côtés de la Chambre, quand ils sont noyés dans un groupe où l'anonymat se déguise facilement. On le sait. Il faudrait peut-être cesser certaines hypocrisies. De toute façon, je voulais simplement...

M. LEDUC (Taillon): L'année dernière, sur 62 votes, vous avez voté trois fois.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): Je voulais simplement remercier le député de Chambly de la courtoisie qu'il avait eue de me faire parvenir ses notes. Forcément, je n'ai pas eu grand temps pour les étudier. Je voudrais également demander — afin de garder tout le respect que je dois à la seule représentante de l'élément féminin dans cette Chambre — au député de Marguerite-Bourgeoys, si ça ne la dérangeait pas d'aller faire son monologue à sa place. Parce que le député de Marguerite-Bourgeoys, quand ses sentiments prennent le dessus sur sa raison, a une voix relativement perçante.

M. LAPORTE: Elle reste en désaccord avec vous.

M. LEVESQUE (Laurier): Elle peut rester en désaccord, mais pourquoi pas à sa place?

M. LEDUC (Taillon): Vous sentez-vous i votre place, vous?

M. BERTRAND: Le député de Laurier va y goûter. Il n'a pas fini.

M. PAUL: Est-ce qu'il a peur de se faire jouer dans le dos?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): Ayant très rapidement lu ces notes, ayant eu, forcément — je n'entrerai pas dans les détails; je n'y étais pas — un certain petit rapport résumé de l'intervention apparemment très éloquente du député de Bellechasse et comme je ne doute pas qu'il y ait un certain nombre d'honorables gentlemen des deux côtés dont ça rejoint aussi bien les convictions partisanes que certaines inquiétudes partisanes qui commencent à se développer dans nos vieux partis, je trouve que le député de Chambly, malgré tout, restreint dangereusement le problème.

Il trouve l'occasion, dans un amendement qui sera probablement le seul à la Loi électorale, cette année... Enfin, si je pense aux précédents, là, je me dis que, si le gouvernement avait eu à amender la Loi électorale d'une façon substantielle, il l'aurait probablement fait, car je ne soupçonne pas le député de Missisquoi de nous apporter des grenailles une par une.

Donc, le bill 7 est probablement la somme totale de la réforme électorale que le gouvernement entrevoit. Je trouve — et on me permettra de le dire — que le souci que le député de Chambly, dans son intervention, porte au développement de la démocratie dans notre vie électorale est dangereusement restreint et assez caricatu-rallement étriqué. Comme le député de Gouin — j'ai peut-être perdu des passages — il aurait pu, comme leader du parti d'Opposition en Chambre, s'intéresser quelque peu aux problèmes — Dieu sait que son propre parti en a été la victime — de la carte électorale qui est un des éléments fondamentaux.

M. LAPORTE: J'invoque le règlement. Je veux bien que le député de Laurier caricature mon intervention. J'ai dit au député de Gouin, avant qu'il intervienne, que la carte électorale ne relevait pas de la loi que nous étudions actuellement, le bill 7. Il faudra un autre bill et, lorsque ce bill sera amené ou lorsque nous ferons un programme électoral, nous en parlerons.

Actuellement, il s'agit de modifier la loi électorale du Québec, qui n'a rien à voir, légalement, au point de vue de la procédure parlementaire, avec la carte électorale, rien du tout.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas tout à fait un appel au règlement, mais c'est une précision que j'accepte. C'est vrai que cela ne concerne pas directement la loi électorale, mais puisque...

M. BERTRAND: Si le député de Laurier me le permet...

M. LEVESQUE (Laurier): Ah Seigneur, je suis flatté de votre intervention.

M. BERTRAND: Nous avons laissé le député de Gouin en parler quand même. Il a parlé de la redistribution électorale tantôt. Il en a parlé, si le député de Montréal-Laurier veut en parler...

M. LEVESQUE (Laurier): Ce ne sera pas très long. Je voulais simplement souligner que lorsqu'on se préoccupe aussi intensément que le député de Chambly semble le faire, dans ses notes soigneusement préparées, de la démocratie de notre régime, je suis surpris qu'un sujet aussi fondamental au point de vue démocratique n'ait pas semblé le préoccuper. Je suis sûr que le gouvernement s'en préoccupe, le député de Missisquoi en particulier, parce que je voudrais quand même arriver à une conclusion assez rapidement la-dessus.

M. LEDUC (Taillon): Ce ne sera pas facile.

M. LEVESQUE (Laurier): Le député de Mlsslsquoi a souvent parlé comme tant d'autres dans notre vie publique — je suis prêt S croire que le député de Missisquoi est peut-être beaucoup plus sincère que beaucoup d'autres — il a souvent parlé, dis-je, de démocratiser la vie publique dans le Québec, de la démocratiser vraiment et non pas seulement de se gargariser avec des mots. Alors, je note simplement comme une des choses dont l'absence m'a frappé, dans l'intervention vertueusement démocratique qu'on vient de me fournir, cette absence pour l'instant officielle de préoccupation à propos de la carte.

Il y a une autre chose...

M. LAPORTE: Peut-être parlez-vous du problème que j'ai soulevé.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais ce n'est pour l'instant, on ne sait pas...

M. LEVESQUE (Laurier): Il y a une autre chose qui est également grave et qui, elle, est

singulièrement pernicieuse, qui doit intéresser aussi le député de Missisquoi, parce qu'il a parlé de la démocratie interne dans les partis, et cela concerne directement la loi électorale.

Vous avez dans cette Chambre deux partis que nous appelons officiels...

UNE VOIX: C'est cela.

M. LEVESQUE (Laurier): Que la loi reconnaît d'une façon exclusive sous le nom de parti du premier ministre et parti du chef de l'Opposition. Sauf erreur, ce bipartisme légal qui, à mon humble avis, ne reflète plus grand chose dans le pluralisme réel de la société québécoise, est encore la structure évidente sur laquelle repose notre loi électorale, en dépit des réformes — qu'il ne faut pas sous-estimer — qui lui ont été apportées ces dernières années. Vous avez deux partis dans cette Chambre qui, au niveau de leurs candidats, dans 108 comtés du Québec, reçoivent maintenant un financement public qui atteint des montants considérables et qui le reçoivent automatiquement.

M. LEDUC (Taillon): C'est effrayant de parler comme cela.

Lisez donc la loi électorale. Après cela, vous pourrez passer des commentaires comme ceux que vous venez de passer. La connaissez-vous, votre loi électorale?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le nouveau parti est le plus vieux.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre!

M. LEDUC (Taillon); Commencez donc par faire vos preuves et vous critiquerez après.

M. LE PRESIDENT: (M. Fréchette): A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): Mais recevant ce financement...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le plus jeune et le plus vieux des partis...

M. LEVESQUE (Laurier): Nous en discuterons en détail.

Mais recevant ce financement, ils ne sont pas obligés et ils sont quand même subventionnés très largement à même les fonds publics par cette voie-là... En réalité — on regardera les textes, peu importe la théorie, nous ne chicanerons pas là-dessus — mais en pratique c'est un fait. Recevant ainsi des subventions très substantielles, ils ne sont pas obligés de publier en même temps l'ensemble de leurs sources de revenus, d'étaler en même temps le détail de leurs dépenses aussi bien que de leurs revenus, et le total, surtout quand nous savons qu'en même temps qu'ils reçoivent ces subventions à même les fonds publics, ils sont entretenus depuis toujours et d'une façon que peut-être les chefs de parti connaissent...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah bon!

M. LEVESQUE (Laurier): Parce qu'il est arrivé des cas où les chefs de parti ne le savaient même pas, parce qu'ils étaient contestés à l'intérieur de leur formation politique, mais qu'en général, seuls les chefs de parti et leur caissier, la plupart du temps désigné par eux-mêmes, connaissent.

Donc, traditionnellement, la vie publique du Québec, telle qu'elle est représentée dans cette Chambre, à part les quelques indépendants, sur lesquels, pour l'instant, portent les notes démocratiques du député de Chambly, la vie publique du Québec repose — j'aime beaucoup Alcide parlant de Sarto Marchand —

UNE VODC: Nous ne sommes pas capables de vous suivre... Allez donc droit au but...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

UNE VOIX: Parlez-nous de Melchers!

M. LEVESQUE (Laurier): Donc, la vie publique du Québec — oui, j'en parlerai si j'ai le temps, avec plaisir — repose sur deux vieilles formations politiques qui datent du 19e siècle, qui, depuis, tel que cela a été consigné pour les deux niveaux de gouvernement dans ce rapport qui s'appelle le rapport Barbeau qui ramasse de la poussière depuis trois ans à l'autre niveau de gouvernement et que les grands démocrates de cette Chambre n'ont pas l'air de consulter très souvent, reposent sur le financement par les gros intérêts...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement de la façon suivante. Il y a actuellement au feuilleton de l'Assemblée nationale une motion du député de Laurier, M. Lévesque, sur le financement des partis politiques. Je me réserve le droit de discuter la motion et d'aborder tous les sujets qui sont actuellement traités par le député de Laurier. Je ne pense pas que sur ce que nous discutons actuellement, il y ait lieu d'aborder cette question-là.

C'est lui qui a inscrit la motion et je me propose d'y aller à fond quand il en parlera. Deux fois déjà, je l'ai invité à discuter publiquement, complètement, à la télévision devant n'importe qui de ce problème du financement des partis politiques. J'ai reçu jusqu'à maintenant une réponse négative. Mais en vertu des règlements de notre Assemblée nationale, ce n'est pas le temps, puisque lui-même a une motion au feuilleton sur laquelle je discuterai, ce soir de parler de ça, mais bien des amendements à la loi électorale.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sur le point d'ordre, cette motion pour laquelle normalement je n'ai pas de secondeur et que le député de Chambly m'a offert...

M. LAPORTE: Je vous seconderai avec plaisir.

M. LEVESQUE (Laurier): ... discrètement l'autre jour de soutenir en la transformant en proposition de création d'un comité...

M. LAPORTE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... sur cette motion, il est évident que le même sujet revient. Je n'ai pas eu le temps de consulter mon éminent caucus pour savoir s'il m'était interdit de discuter de ce sujet-là qui concerne directement la loi électorale, qui n'est pas impliqué dans le bill 7. Pas plus que ne l'étaient les notes savantes du député de Chambly.

M. LAPORTE: Parlez donc du sujet de l'affaire!

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais je ne vols pas en quoi il y avait une question de règlement là-dedans. Les éminentes intentions du député de Chambly ne constituent pas une question de règlement.

M. LAPORTE: M. le Président, ce que je veux savoir, c'est si le député de Laurier est d'avis, oui ou non, que lorsqu'on change d'option en cours de route on doit retourner devant les électeurs.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LAPORTE: La caisse électorale, c'est une autre affaire.

M. LEVESQUE (Laurier): Donc, vous avez dans cette Chambre, et c'est directement im- pliqué dans la loi électorale, deux vieilles formations politiques entretenues. J'ai fait partie de l'une d'entre elles pendant près de sept ans. J'ai appris dans cette formation politique — et le député de Chambly en sait quelque chose...

M. LAPORTE: A être élu.

M. LEVESQUE (Laurier): ... à quel point sont entretenus en coulisses par les gros intérêts qui sont intéressés toujours au maintien...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Sarto Marchand... les mêmes qui vous financent...

M. LEVESQUE (Laurier): ... ce qui est complètement faux... un système et un régime pernicieux, extrêmement dangereux où la caisse centrale...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LEVESQUE (Laurier): ... administre les fonds...

M. LESAGE: Oui, mais il y a une motion au nom du député de Laurier qui apparaît au feuilleton et qui porte justement sur le financement des partis politiques. Comme question de fait, j'attends que cette motion soit appelée pour répondre à ce qui, je crois, sera le discours du député de Laurier, basé sur la motion qu'il a inscrite au feuilleton.

Il prétend, le député de Laurier, que nous avons oublié le rapport Barbeau. Nous ne l'avons pas oublié. Comme question de fait, le rapport Barbeau, dans la plupart de ses conclusions et de ses recommandations, suit de très près les règles qui ont été édictées par cette Chambre, par l'Assemblée législative du temps.

M. LEVESQUE (Laurier): C'est un point d'ordre?

M. LESAGE: C'est un point d'ordre... par l'Assemblée législative du Québec, à l'instigation du gouvernement dont faisait partie le député de Laurier. Il y a au feuilleton une motion qui porte directement sur le financement des partis politiques et il est clair qu'à l'occasion d'un autre débat, on ne saurait toucher à cette question. Le règlement est formel sur ce point. En conséquence, je pense que ce serait causer une injustice à l'égard de ceux qui ont déjà participé au débat de deuxième lecture sur ce bill,

de les mettre dans une situation où ils ne pourraient répondre au député de Laurier.

M. LE PRESIDENT: Cet après-midi, lors de l'intervention de l'honorable député de Chambly, on se rappellera que J'ai momentanément rappelé à l'ordre l'honorable député de Chambly, qui, d'après moi, dépassait les cadres du débat qui était soumis à cette Chambre.

A ce moment-là, il m'a paru que le consentement unanime de la Chambre était accordé à l'honorable député de Chambly pour discuter Jusqu'à un point qui m'a paru, je le répète, outrepasser les cadres du bill qui était soumis à cette Chambre. A ce moment-là, m'appuyant sur le consentement unanime de la Chambre qui, d'après moi, est souveraine, et qui dépasse de beaucoup la décision que peut rendre humblement le président de cette Chambre, j'ai permis l'élargissement de débat.

H m'a cependant été permis, à l'heure du dîner, de réfléchir longuement sur cette question. Je dois dire que le titre du bill — c'est mon humble opinion, je vous la soumets respectueusement, mais je pense l'approfondir dans les jours qui vont suivre — le titre du bill, d'après moi, ne justifie par l'élargissement du débat jusqu'au point où nous sommes allés aujourd'hui. Pas plus que le libellé d'une procédure, dans le domaine de la procédure civile, ne Justifie ou ne permet d'aller plus loin que les conclusions. Pour m'expliquer, Je soumets à cette Chambre l'exemple d'une procédure qui serait libellée en procédure civile exception à la forme, et qui, en fait, serait une exception déclinatoire ou serait une autre procédure; ceci ne permettrait pas, je pense, au juge de décider comme s'il s'agissait d'une exception à la forme, iI devrait juger par le contenu de la procédure et par les conclusions de la procédure.

Dans le cas qui nous occupe présentement, je dois dire que nous avons élargi le débat d'une façon très considérable, du consentement unanime de la Chambre. Mais ça ne devraitpas aller, Je pense, jusqu'à discuter devant cette Chambre, ce soir, d'autres lois que la Loi électorale. Nous avons accepté, lors de l'intervention de l'honorable député de Chambly, de discuter de toute la loi électorale, contrairement à l'opinion que j'ai soumise respectueusement à cette Chambre, mais je pense que tout le monde conviendra qu'au moins l'on ne devrait pas dépasser les cadres de la loi électorale proprement dite. J'invite donc l'honorable député de Laurier à s'en tenir à. la loi électorale, comme Je l'ai permis aux autres membres de cette Chambre, au cours des délibérations. L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je suis forcément d'accord avec votre décision, ce que vous venez d'expliquer comme façon d'interpréter l'élargissement du débat. Si je vous comprends bien, nous avons donc le droit — j'avais presque fini, d'ailleurs, au moment où cette petite esclandre vous a ramené de vos appartements — de discuter de l'ensemble de la loi électorale. Je parlais du financement des partis, au moment où vous êtes revenu. Le financement des partis auquel d'ailleurs a fait allusion, dans sa propre intervention, le député de Chambly, fait d'une façon assez évidente partie intégrante de la loi électorale. C'est un des sujets.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien voyons. Ai-je compris ou n'ai-je pas compris?

M. LEDUC (Taillon): Vous n'avez pas compris.

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. LEDUC (Taillon): Essayez de suivre ce qui se passe et vous allez comprendre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. PAUL: M. le Président, les remarques que vous nous avez adressées étaient teintées d'un esprit juridique remarquable. Pour celui qui a voulu comprendre, vous avez tracé une ligne de conduite que nous devons suivre dans l'étude de la loi dont la Chambre est présentement saisie.

Les directives que vous nous avez données doivent être scrupuleusement suivies. Si l'honorable député de Laurier voulait parler du financement des partis politiques, il pourrait le faire en suivant vos directives, s'il ne s'était pas placé lui-même dans une camisole de force. Si nous nous référons au feuilleton du mercredi 19 mars, à l'article 45, nous voyons que le député de Laurier a fait inscrire une motion traitant du mode de financement des partis politiques. De ce fait, il ne peut en discuter en vertu des dispositions de l'article 285, onzièmement, de notre règlement qui dit qu'on ne peut « se référer à une affaire renvoyée à un comité, inscrite au feuilleton ou annoncée dans le feuilleton ».

Je crois que c'était le sens des remarques de l'honorable chef de l'Opposition. D'ailleurs, lorsque l'honorable député de Chambly s'est

levé — je l'avais fait presque au même moment que lui — c'était justement pour vous rappeler cet article et surtout pour signaler au député de Laurier qu'il ne pouvait discuter de n'importe quel sujet, même si, par tolérance, nous avons permis qu'il s'attaque rapidement à la Loi de la division territoriale, qui était le chapitre 5 de nos statuts, alors que nous sommes à étudier la Loi électorale, qui est le chapitre 7 de nos statuts.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, pour vous éviter d'avoir à vous prononcer sur l'intervention pontificale du Secrétaire de la province, j'avais terminé sur ce chapitre-là. Je veux simplement noter, à l'intention — il me semble que je l'ai noté assez clairement — du premier ministre qui, avec son cabinet, prend des décisions sur les réformes possibles ici et que j'ai souvent entendu parler de démocratie d'une façon qui m'impressionne, que notre carte électorale est dans un triste état et que les partis politiques traditionnels qui sont tous deux dans cette Chambre sont financés partiellement à même les fonds publics et partiellement à même des caisses en coulisse.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LEDUC (Taillon): Il n'a rien compris. Il n'a absolument rien compris.

M. LOUBIER: II essaie de minimiser les autres pour couvrir ses turpitudes. Il barbouille les autres pour essayer...

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. LEDUC (Taillon): C'est chef d'un parti, à part ça,

M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. LOUBIER: Pour couvrir ses infamies, il salit tout le monde.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que l'honorable député de Laurier a très bien compris le sens des remarques que j'ai adressées à cette Chambre, il y a quelques instants.

Je regretterais de me voir dans la triste obligation de rappeler nominativement à l'ordre le député de Laurier. Je compte donc qu'il s'en tiendra au principe du bill qui est actuellement devant cette Chambre, compte tenu de l'élargissement que nous lui avons donné cet après-midi.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, pour être bien clair, si je mentionne la motion qui est au feuilleton, est-ce que je mentionne par là un sujet exclu? J'avoue que je n'ai pas eu le temps de faire une longue étude de procédures sur des notes que le député de Chambly m'a remises ce soir. Si j'étais absent, c'était peut-être ma faute, mais je suis arrivé ce soir pour discuter d'un cas ou l'on parle aussi bien de moi, comme député dans cette Chambre, en élargissant un débat d'une façon assez dramatique, cet après-midi, à propos d'un bill qui concernait, au départ, les Indiens et les Esquimaux.

Je veux bien qu'on se barre les jambes dans la procédure jusqu'à deux milles par-dessus la télé, mais je prétends qu'on doit avoir le droit de parler, dans cette Chambre, de sujets qui concernent la Loi électorale, puisqu'on l'a élargie.

M. LEDUC (Taillon): Il n'a rien compris, encore.

UNE VOIX: Laissez-le parler.

M. LOUBIER: II vient faire une comédie une fois par mois en Chambre.

M. LEDUC (Taillon): Le député de Laurier n'est pas brillant.

M. LOUBIER: Si vous veniez plus souvent en Chambre, vous en connaîtriez peut-être plus.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LOUBIER: Il est toujours parti. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: IL est toujours absent.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je comprends que l'honorable député de Laurier me reproche peut-être l'attitude que j'ai prise cet après-midi. Il faut quand même admettre, je pense, que la Chambre est souveraine. Je ne suis que l'humble porte-parole de cette Chambre. Lorsque la Chambre, de consentement unanime, adopte une attitude, je dois la respecter comme humble président de cette Chambre. Je pense que l'honorable député de Laurier devrait adopter la même attitude.

Si j'ai permis, cet après-midi, en mon âme et conscience, un élargissement du débat — ce qui m'a paru l'être, du moins — c'est que je me suis appuyé, à ce moment-là, sur le consentement unanime de la Chambre. Ce soir, il est

manifeste que la Chambre ne donne pas son consentement...

M. LE VESQUE (Laurier): J'ai cru le remarquer.

M. LE PRESIDENT: ... parce que l'honorable député de Laurier dépasse les limites que nous avons, de consentement unanime, adoptées et acceptées d'emblée cet après-midi. Mais ce soir, puisque nous avons fixé certaines limites cet après-midi, je pense que l'honorable député de Laurier, qui est un parlementaire d'expérience, voudra bien accepter de ne pas les dépasser.

UNE VOIX: Laissez-le parler.

M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, j'ai bien conscience de ne pas priver le député de Laurier de son droit de parole car, au feuilleton, il a inscrit une motion qui lui donnera le droit — a ce moment-là Je me ferai le défenseur de son droit — de discuter de tout ce problème. Mais, aujourd'hui, il faut s'en tenir aux limites qui ont été tracées cet après-midi, du consentement unanime de la Chambre. J'espère que j'ai été clair cette fois-ci.

L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): D'accord, M. le Président. De toute façon, 11 restait les points essentiels des notes extraordlnairement préoccupantes, au point de vue démocratique, du député de Chambly. Ce qui le fatigue terriblement, cela m'Intéresse de le savoir; et si on a élargi le débat avec ce bel ensemble, d'un consentement unanime, c'est vraiment que cela fatigue des deux côtés. Cela implique quelque chose.

M. LOUBIER: Présentez-vous donc devant le peuple.

M. LEVESQUE (Laurier): Je pense que le président a dit...

M. LAPORTE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: Cet après-midi, vous avez rappelé le député de Chambly à l'ordre parce qu'il élargissait le débat.

Vous avez déclaré à ce moment-là: Puisque vous avez l'unanimité. J'ai dit, M. le Président: Je n'invoque pas l'unanimité, je prétends que j'ai le droit, en vertu des règlements de l'Assemblée nationale, de discuter de toute la loi électorale, puisque le bill est intitulé amendement à la Loi électorale. Ce n'est donc pas par privilège, ce n'est pas par consentement unanime. Je suis prêt ce soir à défendre le droit du député de Laurier au consentement unanime de la Chambre, à discuter de n'importe quel article de la Loi électorale, n'importe quand. Il en a le droit comme moi, mais je n'accepte pas que le député de Laurier discute du financement des partis politiques parce qu'il a inscrit une motion que je me propose d'ailleurs de discuter quand elle sera étudiée. Deuxièmement, s'il veut parler de la carte électorale, ce n'est pas le bill qu'on étudie actuellement. Je suis prêt à discuter n'importe quelle chose, mais ce soir, nous parlons de la Loi électorale. Qu'il en parle comme 11 voudra. Peut-être peut-il pendant quelques minutes traiter du problème que j'ai discuté cet après-midi, son cas à lui qui a lâché le parti, pour en accepter un autre.

M. BERTRAND: M. le Président, en parlant sur le point d'ordre qui vient d'être soulevé par le député de Chambly, je voudrais ajouter que personne en cette Chambre ne voudra, malgré les allusions malveillantes que le député de Laurier vient de faire aux députés des deux côtés de cette Chambre, priver le député de Montréal-Laurier de son droit de parole ici. Mais nous aimerions l'entendre, c'est clair, sur le problème qui a été soulevé — les deux autres nous en parlerons en temps et lieu — cet après-midi par le député de Chambly, problème auquel j'ai déjà personnellement fait allusion, comme d'autres députés en cette Chambre, à savoir si un député élu dans une formation politique à l'occasion d'une élection générale et qui abandonne son parti, doit, oui ou non, se représenter devant le peuple pour faire sanctionner et confirmer le nouveau choix, ou la nouvelle option qu'il a prise.

M. le Président, le député de Laurier dira ce qu'il voudra, il s'agit là d'un principe. Il peut avoir une opinion...

M. LEVESQUE (Laurier): SI vous vous taisez...

M. BERTRAND: ... qui ne soit pas la nôtre. Qu'il exprime son opinion, personne ne va l'en empêcher.

M. LEVESQUE (Laurier): Si vous vous taisez, c'est ce que je vais faire, parce que s'il n'y avait pas de point d'ordre, ni d'un bord ni de l'autre...

M. LOUBIER: Arrêtez d'insulter tout le mondii.

M. LEVESQUE (Laurier): J'étais en train justement d'aborder le sujet. J'ai dit, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): ... que ce que j'avais trouvé curieux, en parlant des trois députés qu'a mentionnés le député de Chambly qui avaient changé d'allégeance — et ça m'avait frappé — c'est que vous-même, M. le Président, aviez dit que quand on a élargi le débat du bill 7 sur ce sujet-là cet après-midi, si je vous ai bien compris, vous aviez cru sentir un consentement unanime à cet élargissement.

C'est là-dessus que le député de Chambly s'est levé. Je ne comprends pas encore pourquoi. Tout ce que je disais, c'est que ça me paraissait refléter...

M. LEDUC (Taillon): Ce n'est pas drôle d'être chef de parti, puis de ne pas comprendre.

M. LEVESQUE (Laurier): ... ce consentement unanime que vous avez vous-même évoqué. Quand on a élargi le débat cet après-midi sur ce sujet, ça me paraissait évoquer une certaine inquiétude qui règne des deux côtés à propos de ces députés qui peuvent changer d'allégeance.

Le député de Chambly a mentionné trois députés. Il aurait pu en mentionner quatre. Seulement, il a été d'une délicatesse et d'une discrétion exceptionnelle, parce qu'on n'a parlé que de partis et non pas du député de Robert-Baldwin, qui s'est fait élire contre le parti libéral et qui est allé le rejoindre. Le député de Marguerite-Bourgeoys doit en savoir quelque chose.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, sûrement, j'ai été élue par la population.

M. LEVESQUE (Laurier): Qui a été élu contre le parti libéral et qui a ensuite changé son allégeance vis-à-vis des électeurs qui l'avaient élus. Je comprends cette délicatesse extrême, mais j'aimerais bien, si on fait un cas de tout ça, que le député de Chambly aille jusqu'à quatre.

M. LEDUC (Taillon): Revenez donc au sujet. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LOUBIER: Je comprends que c'est gênant. M. LE PRESIDENT: Pour me permettre d'en- tendre et de juger en temps opportun les propos de l'honorable député de Laurier, je pense que tout le monde conviendra qu'il faut actuellement l'écouter en silence, comme on doit le faire pour tous les membres de cette Chambre. L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): Je disais donc qu'il y en avait quatre et non trois, et que le député de Chambly a eu une légère absence de mémoire que Je comprends très bien. Je n'ai pas à Juger les trois autres cas. Je voudrais simplement, très rapidement, parler du mien.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il y en a seulement un qui est important, non les trois autres.

M. LEVESQUE (Laurier): Remarquez que J'ai été flatté depuis quelque temps. Le premier ministre, dans son premier discours de la session, m'a lancé un défi, me disant qu'aussitôt que j'aurais démissionné, il ouvrirait le comté de Laurier à une élection de remplacement. Il y en a plusieurs autres. Je sais que le whip du gouvernement, le député de Wolfe, s'est également lancé récemment dans une diatribe à ce sujet. Maintenant, c'est le leader du gouvernement.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: II a raison.

M. LEVESQUE (Laurier): Je trouve ça flatteur, parce que plus on s'acharne, plus ça souligne que ça inquiète.

M. LOUBIER: Plus ça souligne que c'est répugnant.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): Je rappellerais, si on me permet tout simplement de parler pendant quelques minutes qui restent...

M. LOUBIER: Allez-y, ça fait trois quarts d'heure que vous babillez et que vous tournez autour.

M. LEVESQUE (Laurier): Je croyais qu'il y avait des choses plus Importantes que ça au point de vue démocratique, mais c'est curieux comme ça ne vous intéresse pas.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Vous êtes si souvent en Chambre.

M. LEVESQUE (Laurier): Je te jure que le genre de parti que vous représentez, vos préoc-

cupations de démocratie m'impressionnent terriblement. L'offre dont le premier ministre m'a gratifié récemment, dans un discours où la limite d'une demi-heure ne m'a permis de reprendre le sujet, l'offre, Je l'avais faite moi-même à deux reprises à son prédécesseur, le premier ministre Johnson, dans cette Chambre, pendant la première session qui a suivi.

Je voudrais expliquer cela en deux mots, ma démission du parti libéral, à l'automne 1967, c'est-à-dire, pendant la session 1967-1968, strictement en ces termes; Pourvu que vous ne « taponniez » pas pendant des mois pour laisser traîner un comté pour ne pas savoir ce qui se passe. Je l'ai fait, l'offre, et à deux reprises. Pourquoi Je ne la fais plus maintenant? Je n'accepterai pas, malgré tous les haro sur le baudet, aussi bien du chef du gouvernement que de ses partisans...

M. BERGERON: Peureux.

M. LEVESQUE (Laurier): ... de deuxième ou de troisième rangée, que les allusions ou les notes pseudo-démocratiques du député de Chambly... Je vais l'expliquer en deux mots.

Quand J'ai lâché le parti libéral...

M. BERGERON: Peureux.

M. LEVESQUE (Laurier): ... à l'automne 1967, au moment où l'on prétendait imposer, par deux dirigeants seulement qui tordaient tous les bras publiquement, à la télévision ou ailleurs — le chef du parti et le député de Notre-Dame-de-Grâce, aujourd'hui parti pour des mondes meilleurs — qu'on prétendait, dis-Je, imposer, sur un sujet fondamental qui n'avait pas été discuté ni décidé à ce moment-là, par aucun congrès du parti...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Son ami.

M. LEVESQUE (Laurier): ... un véritable système de crois ou meurs, Je suis parti, pas longtemps. Je suis aussi parti — je le ferai noter à des gens ici — avec les quatre cinquièmes...

M. CADIEUX: J'invoque mon privilège de député simplement pour déclarer ceci: Qu'on ne m'a jamais tordu un bras et que j'ai toujours pu dire, au sein de mon parti, ce que Je croyais et ce que Je pensais. C'est faux que le chef du parti ou qu'un autre ait tordu les bras d'un député dans le parti libéral. Vous n'avez pas le droit de déclarer cela. Si nous avions gardé le pouvoir, vous seriez encore avec nous autres.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela est douteux. J'ai dit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LACROIX: On ne peut pas tordre les bras des absents.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il m'est permis... A l'ordre! A l'ordre!

M. LOUBIER: M. le Président, il n'a pas répondu, il s'en est sauvé. Il a dit n'importe quoi.

M. LE PRESIDENT: Avant qu'il soit 10 heures, je me permets de rappeler aux honorables membres de cette Chambre qu'il est permis d'exprimer leur opinion fermement, vigoureusement, mais jamais avec violence. Sur ce, Je reconnais qu'il est dix heures.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si J'avais le consentement unanime, J'en aipour deux ou trois minutes.

M. BERTRAND: Oui, allez-y. Je n'ai pas d'objection à ce que le député de Laurier termine; 11 n'est pas encore dix heures.

M. LOUBIER: Autrement, nous pouvons être deux mois sans le revoir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: M. le Président, comme je suis convaincu que le député de Laurier sera avec nous jeudi, puis-je déclarer qu'il est dix heures?

M. LE PRESIDENT: Il est dix heures.

M. LAPORTE: M. le Président, puis-je demander au premier ministre ce que nous ferons demain?

M. BERTRAND: Nous aurons le budget supplémentaire demain. Etant donné l'urgence, le ministre des Finances sera prêt à discuter ce budget supplémentaire, de même que le sixième...

M. LEVESQUE (Laurier): Je m'excuse. Il paraît que, réglementairement, je dois demander l'ajournement du débat.

M. BERTRAND: Oui, avec plaisir. Alors demain, le sixième et le douzième...

M. LESAGE: Non, c'est le sixième et plus. M. BERTRAND: Oui, le sixième et plus,

M. LESAGE: Ce sont les crédits provisoires, et il y a un budget supplémentaire de quelques millions de dollars. Le ministre des Finances m'a remis les détails. Nous serons prêts à en discuter demain, comme d'ailleurs des crédits provisoires.

M. BERTRAND: Je dois dire que c'est extrêmement urgent que nous votions ces crédits demain.

M. LESAGE: Entendu.

M. BERTRAND: Demain, à trois heures.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain, trois heures.

(Fin de la séance: 22 heures)

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