L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 7 mai 1969 - Vol. 8 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures deux minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus.

L'honorable député de Joliette.

Comité sur le camionnage

M. ROY: M. le Président, le comité des relations industrielles sur le camionnage a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son premier rapport. Votre comité a été institué par motion le 17 décembre 1968, avec mission de continuer le travail entrepris par le sous-comité des relations industrielles sur le camionnage, avec pouvoirs de siéger après la prorogation, d'entendre des témoins, afin de poursuivre l'étude des normes de travail dans le camionnage.

Ledit comité s'est réuni le 20 février 1969.

Ont été soumis à la considération des membres du comité les documents suivants:

Les recommandations du rapport Lippé;

Les mémoires de l'Association nationale des camionneurs-artisans indépendants Inc., de l'Association du camionnage du Québec Inc., du Syndicat des camionneurs du comté de Lévis, de la Fédération des associations des camionneurs de la Mauricie. De plus, ces mêmes organismes ont saisi le comité d'une étude des vingt recommandations du rapport Lippé.

Le mémoire de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec;

Le résumé des délibérations du groupe de travail mis sur pied le 3 juillet 1968, au cours d'une séance du comité permanent des relations industrielles;

Les données extraites du rapport Lippé au sujet des pesanteurs minimales des véhicules; Un extrait de l'arrêté en conseil 1045 du 27 mai 1964, ainsi que les arrêtés en conseil numéro 2484 du 29 décembre 1964 et numéro 133 du 12 février 1966 portant sur les véhicules extra-lourds, les ensembles de trois véhicules et les limites quant à leur pesanteur et leur longueur totale.

Le comité recommande l'audition, lors de sa prochaine réunion, du président de l'Association des pâtes et papiers. Je dépose également le numéro du journal des Débats où paraît le compte rendu des délibérations de la séance du 20 février 1969. Respectueusement soumis.

M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il adopté? Adopté.

Présentation de motions non annoncées. L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais faire motion pour que M. Tremblay (Chicoutimi) remplace M. Plamondon à la commission de la présidence du conseil exécutif.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

Présentation de bills privés. Présentation de bills publics. Affaires du jour.

L'honorable député d'Ahuntsic.

Question de privilège

M. LEFEBVRE: M. le Président, je veux invoquer mon privilège de député pour rectifier certains événements qui ont été l'objet de commentaires et en cette Chambre et à l'extérieur de cette Chambre et qui ont été mentionnés, je pense, en mon absence, par l'honorable Secrétaire de la province.

Du 23 avril au 1er mai, j'ai pris part aux séances de la commission parlementaire de l'éducation. En l'absence du député de Vaudreuil-Soulanges, et à sa demande, j'ai assumé pendant plusieurs jours la responsabilité d'orienter le travail de l'Opposition au sein de cette commission.

Le jeudi 1er mai, au cours du débat sur une motion concernant la convocation d'une autre commission parlementaire, le député de Chicoutimi et ministre des Affaires culturelles a donné un compte rendu que je juge contraire à la réalité de l'atmosphère qui a régné à la commission de l'éducation. Dans des termes et pour des motifs qui sont consignés au journal des Débats, vous avez jugé à propos, M. le Président, de me retirer le droit de répliquer au député de Chicoutimi.

J'admets volontiers avoir été très étonné, voir irrité, de cette décision. Le journal des Débats reproduit fidèlement les propos que j'ai tenus à ce moment-là. Plus tard, le même jour, j'ai rencontré, dans la salle des conférences de la tribune de la presse, quelques membres de la tribune. Mes commentaires ont alors porté principalement sur l'atmosphère

qui avait régné à la commission de l'éducation. Ce n'est point le moment de rappeler ici les nombreux griefs que j'ai énumérés pour justifier ma déception quant au climat peu parlementaire qui a régné durant ces séances.

Je regrette, M. le Président, que certains comptes rendus aient attribué à la présidence de l'Assemblée nationale des critiques qui visaient la commission de l'Education. Quant à la présidence de l'Assemblée nationale, la remarque que j'ai faite aux journalistes, en dehors de la Chambre, était substantiellement la même que celle que j'ai faite en Chambre. J'ai toutefois pris soin d'ajouter que c'était la première fois que j'avais à me plaindre de l'une de vos décisions. Vos propres paroles indiquent, M. le Président, que cette décision ne vous a pas été agréable ni facile.

Cependant, pour corriger le tort injustifié qu'un titre de compte rendu aurait pu faire à votre personne ou à la fonction que vous occupez, je suis disposé à convenir que vous avez agi de bonne foi. Quant aux jugements que les observateurs indépendants pourront porter sur l'ensemble des événements auxquels je viens de faire allusion, je crois que la lecture du journal des Débats de la séance plénière du 1er mai et les comptes rendus de la commission de l'éducation, pour les 30 avril et 1er mai, sont les meilleures pièces au dossier.

Soyez assuré, M. le Président, que j'apprécie la difficulté et l'importance de votre tâche.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: M. le Président, lundi dernier, je vous avais demandé de me conserver l'avantage de soulever une question de privilège lorsque l'honorable député d'Ahuntsic serait de retour en Chambre. A la suite de la question de privilège soulevée par l'honorable député d'Ahuntsic, je déclare ne pas avoir de question de privilège à soulever.

M. BERTRAND: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Si on me le permettait, sur la même question, je veux d'abord remercier l'honorable député d'Ahuntsic. Je dois dire que, de prime abord, lorsque j'ai été prévenu, suivant nos nouveaux règlements sessionnels, que cette question de privilège serait soulevée, j'aurais souhaité, personnellement, que cette question n'ait pas à être soulevée, mais on m'a vite rappelé et je me suis rappelé moi-même que la présidence était une chose et le président une autre chose.

Ce dernier se contente de réclamer des membres de la Chambre leur coopération et leur sympathie, tandis que la présidence est plus exigeante. Elle doit réclamer et maintenir son prestige et son autorité. Je sais que tous les membres de cette Chambre sont conscients de cette nécessité de l'autorité et du prestige de la présidence, qui seront encore plus appréciés, le jour où ils viendront à disparaître.

Je remercie donc l'honorable député d'Ahuntsic et je souhaite fermement que ce genre d'incident ne se répète plus. Je remercie aussi les membres de la Chambre.

L'honorable premier ministre.

Capture de « Sonny » Coe

M. BERTRAND: M. le Président, on vient de m'informer que « Sonny » Coe, l'évadé, aurait été arrêté à Montréal, au domicile de son amie.

M. LESAGE: Est-ce que l'information est exacte, cette fois-ci?

M. BERTRAND: Il serait actuellement sous les verrous à Montréal. Je tiens à remercier les corps policiers et les policiers qui ont procédé à l'arrestation de cet évadé.

M. LESAGE: M. le Président, lorsque le premier ministre nous avait annoncé que « Sonny » Coe était sous les verrous, il n'avait pas utilisé le conditionnel. Il avait dit: « Sonny » Coe est maintenant sous les verrous et, à ce moment-là, il ne l'était pas. J'espère que nous pouvons avoir plus confiance au premier ministre quand il parle au conditionnel qu'au présent.

M. BERTRAND: Vous pouvez toujours avoir confiance en lui, au passé, au présent et pour l'avenir.

M. LESAGE: Au conditionnel.

M. BERTRAND: Les renseignements me sont parvenus instanter de mon secrétaire, en provenance du bureau du sous-ministre qui s'occupe des affaires criminelles.

M. LAPORTE: A-t-il eu le temps de faire une demande de cautionnement?

M. BERTRAND: J'espère bien que s'il en fait une, elle lui sera refusée.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. BERTRAND: Qu'importe!

Questions et réponses

Wabush Mines

M. BELLEMARE: M. le Président, hier l'honorable chef de l'Opposition me posait une question au sujet de la Wabush Mines. Ce matin, l'honorable député du comté de Duplessis me téléphonait pour obtenir certains renseignements. Je dois dire à la Chambre qu'effectivement la grève a pris effet à minuit et une minute à Pointe-Noire. Cette grève affecte 460 employés. Je crois qu'il y a une différence assez considérable entre la demande des métallos, dirigés par M. Bouchard, et l'offre de la compagnie.

La compagnie, il est bon de le savoir, offrait pour la première année une augmentation de $0.12, soit 3.7%; pour la deuxième année, une augmentation de $0.08, soit 2.6% et une augmentation de $0.08, soit 2.5% pour la troisième année, plus une augmentation de $0.09 sur les écarts entre les différentes tâches à cause de la durée de la convention qui est trois ans.

Très peu de clauses normatives ont été réglées à ce jour. Il faut vous rappeler, M. le Président, que durant la pratique et l'exercice de cette convention collective qui vient de se terminer, nous avons rencontré énormément de difficultés au ministère, du Travail avec les arrêts spontanés des employés qui, brisant les accords, ont débrayé jusqu'à sept fois. Maintenant, le syndicat demande $0.50 d'augmentation pour la première année; $0.25 pour la deuxième et $0.25 pour la troisième année, ce qui fait $1 l'heure, comparativement à l'offre de $0.37 faite par la compagnie.

Depuis plusieurs années, on avait pris comme position de s'aligner sur ce qu'on payait dans le même domaine aux Etats-Unis. Cette année, il y a eu des ententes signées aux Etats-Unis. Il y a eu une augmentation de $0.44 l'heure répartie sur trois ans, plus $0.10 d'augmentation sur les écarts entre les différentes tâches. Notre conciliateur, M. Jean-Marc Jodoin, est d'avis, d'après ses dossiers, que le règlement pourrait être effectué sur la base du règlement des Etats-Unis, plus $0.10. On nous informe que M. Jean Gérin-Lajoie, le directeur des métallos, sera là aujourd'hui et demain afin de rencontrer les différentes associations et les différents groupes.

La conciliation se poursuit aujourd'hui à la compagnie Iron Ore, à Schefferville. Le conciliateur nous mentionne qu'il a un peu plus d'espoir de ce côté-là, bien que l'on soit à établir un « pattern » pour les trois grandes organisations: Wabush Mines, Iron Ore et Qué- bec Cartier Mining. A la Québec Cartier Mining, toutes les clauses normatives sont réglées, ou presque; il n'en reste qu'une. Mais à l'Iron Ore et à la Québec Cartier Mining, les offres patronales et les demandes syndicales sont identiques à celles qui ont été faites à la compagnie Wabush Mines.

M. le Président, je sais que les délais pour l'intervention du conciliateur ont été prolongés à la Québec Cartier Mining jusqu'au 14 mai, tandis que l'on a prolongé les délais aussi pour l'Iron Ore jusqu'au 11 mai prochain, à midi.

Je dois dire que M. Jodoin, après son rapport de ce matin, est retourné immédiatement sur les lieux pour tâcher de trouver une solution après des discussions qui doivent avoir lieu, ce soir et demain, avec les principaux intéressés.

Iron Ore et Cartier Mining

M. COITEUX: Est-ce que l'honorable ministre pourrait me dire si la compagnie Iron Ore ainsi que Cartier Mining ont déterminé des délais pour, eux aussi, déclencher la grève?

M. BELLEMARE: Je viens de dire, dans ma déclaration, qu'en ce qui regarde Iron Ore on a prolongé la conciliation jusqu'au 14 mai. En ce qui regarde Cartier Mining, ç'a été prolongé jusqu'au 11 mai.

M. COITEUX: Est-il exact que le ministère aurait demandé que, d'un côté ou de l'autre, surtout de la part des employés, on donne un avis de 72 heures avant le déclenchement d'une grève?

M. BELLEMARE: Ce n'est pas dans le code du travail.

M. COITEUX: Apparemment, il y aurait eu entente.

M. BELLEMARE: Il peut y avoir certainement des ententes; ce sont des compromis qui peuvent se faire. On a beaucoup hésité, hier, à Wabush avant de déclencher cette grève. Je ne sais pas, je ne veux pas faire de prédictions, mais on s'approche d'un règlement Il y a des questions normatives qui ne sont presque pas réglées à Wabush, mais qui sont entièrement réglées à Iron Ore et à Cartier Mining. Quand il s'agit de la question salariale, les offres patronales sont toujours les mêmes et celle des métallos n'a pas changé.

M. LEVESQUE (Laurier): Si le ministre du

Travail le permet, c'est à propos de la question des salaires.

M. COITEUX: Juste une question. Le ministre est certainement au courant qu'il serait catastrophique pour la région, étant donné que ça affecterait 90% de l'économie. Les efforts ne doivent donc pas être ménagés pour essayer de régler ce conflit, parce que ça implique aussi indirectement tout le transport du matériel qui se fait actuellement aux chutes Churchill où il y a environ 2,500 hommes au travail et où on prévoit qu'il y aura 6,000 hommes. S'il y avait une grève du chemin de fer Quebec North Shore Labrador Railway, qui transporte le matériel pour Churchill, en plus de la catastrophe économique que cela représenterait pour les locaux, tout le travail de Churchill serait beaucoup affecté. Il ne faut pas oublier que nous avons un très fort pourcentage de gars du Québec qui travaillent à ces projets.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire que chaque grève cause, en tout temps et partout, des perturbations qui dérangent sûrement tout le commerce et l'intérêt public. Seulement, qu'est-ce que vous voulez, c'est consigné dans nos lois et nous respectons les droits de chacun. C'est pourquoi nous avons voulu aussi, en vertu des pouvoirs qui sont conférés au ministère du Travail, déléguer, depuis au moins trois semaines, M. Jean-Marc Jodoin sur les lieux. C'est un excellent conciliateur qui a déjà à son crédit de nombreuses conciliations où il a réussi. Après l'avoir vu ce matin, on peut sûrement dire que tout ce qu'il sera humainement possible de faire va être fait.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, à propos du « pattern » sur les salaires, est-ce que les demandes des métallos sont en « pattern »? Le ministre a mentionné, je crois, $0.50, $0.25, c'est-à-dire $1 sur trois ans comme demande syndicale.

M. BELLEMARE: L'heure.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien, forcément oui, mais sur trois ans, comme demande syndicale à Wabush. Est-ce la même demande syndicale qui revient?

M. BELLEMARE: C'est la même offre partout.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais la demande syndicale?

M. BELLEMARE: La même offre partout M. LEVESQUE (Laurier): Bon.

M. BELLEMARE: La demande de Wabush, la demande d'Iron Ore et la demande de Cartier Mining sont exactement sur le même principe.

M. LEVESQUE (Laurier): Donc il y a un « pattern » dans les deux cas.

M. BELLEMARE: Comme les métallos ont toujours négocié en regard de ce qui existe aux Etats-Unis ou ailleurs, le « pattern » qui a été fait cette année aux Etats-Unis est de $0.44 pour trois ans, avec $0.10 d'augmentation.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce qu'il a été signé aux Etats-Unis? A $0.44 est-ce qu'ils ont signé?

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, est-ce la raison pour laquelle le « pattern » du syndicat ici est de $1 sur trois ans, plutôt que $0.44 aux Etats-Unis? Est-ce que ça veut dire qu'ils courent après la parité complète, qu'ils ne l'ont pas encore ou quelque chose du genre?

M. BELLEMARE: Non, je ne pense pas; au contraire, je pense qu'elle est pas mal atteinte.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, est-ce que ça veut dire qu'on prétend dépasser...

M. BELLEMARE: Oui.

M. LEVESQUE (Laurier): ... les salaires américains?

M. BELLEMARE: Si on acceptait la demande syndicale, on les dépasserait au moins de 22% ou 23%.

M. LEVESQUE (Laurier): Se pourrait-il qu'on se serve tout simplement des secteurs canadiens comme les...

M. BELLEMARE: Je pense que, dans toute grève, il y a toujours une offre et une demande. Et c'est après des compromis que l'on vient

à rencontrer le « guide line », c'est-à-dire la mesure raisonnable entre les parties, et je pense qu'on s'en vient vers ça.

M. LEVESQUE (Laurier): Vers le règlement américain,

M. BELLEMARE: Peut-être un peu plus à cause du 10. Même, on met dans notre offre 9% et le conciliateur ajoute 10%.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture.

Versement à la Régie des rentes

M. VINCENT: L'honorable chef de l'Opposition posait une question jeudi dernier sur les crédits du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. Je viens tout juste d'obtenir les renseignements. La question était la suivante: Pour combien de cultivateurs le gouvernement a-t-il fait les versements à la Régie des rentes entre le 1er avril 1968 et le 1er avril 1969? Ici je reçois la réponse de M. Robert Després, sous-ministre du Revenu: « Pour faire suite à une conversation téléphonique de vendredi dernier, vous trouverez ci-après les renseignements demandés concernant les remboursements effectués pour l'année d'imposition 1967, de la moitié de la contribution au régime de rentes des travailleurs autonomes gagnant moins de $2,000 dans le cas des célibataires ou $4,000 dans le cas des travailleurs mariés. Le total de ces remboursements pour l'année d'imposition 1967 s'est élevé à $1,910,877. Le nombre de contribuables ayant bénéficié de ces remboursements pour l'année d'imposition 1967 s'est chiffré par 60,840. De ce nombre, on estime que 36,000 sont des cultivateurs. On ne connaîtra pas avant l'automne de 1969 la somme des remboursements qui seront faits à cette catégorie de contribuables pour l'année d'imposition 1968. Toutefois le budget de 1969/70 prévoit une somme de $2,600,000. »

Gaspé Copper Mines

M. BELLEMARE: Dans un article paru dans le Soleil le 6 mai 1969, M. François Aubin prédit qu'il y aura 1,000 Gaspésiens en grève à la Gaspé Copper, à Murdochville et à la Consolidated Bathurst, à New Richmond. Je sais que l'honorable député serait bien intéressé à avoir quelques nouvelles. On n'a pas pris de vote de grève à la Gaspé Copper. Il y aura demain matin, le 8 mai, à dix heures, une réunion de conciliation devant M. Pilotte qui doit rencontrer les parties et qui reste en place jusqu'au 13 mai, date limite.

M. LEVESQUE (Bonaventure): A quel endroit?

M. BELLEMARE: A la Gaspé Copper.

M. LEVESQUE (Bonaventure): A Murdochville.

M. BELLEMARE: Oui. A la Consolidated Bathurst, à New Richmond, deux votes de grève ont été pris dans les deux locaux qui sont intéressés aux négociations de la nouvelle convention collective. Les séances de conciliation se continueront demain à dix heures. La poursuite de la conciliation devrait expirer le 13 mai. Le conciliateur est M. Jean-Paul Lafleur, et dans les deux cas, il y a un espoir assez ferme de règlement.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

Urwick Currie

M. LESAGE: Lundi, j'avais d'abord téléphoné au premier ministre au sujet du rapport Urwick Currie et, juste avant l'ordre du jour, je lui avais demandé s'il avait l'intention de déposer le rapport bientôt. Il m'a répondu qu'à la suite de la conversation téléphonique que nous avions eue ensemble, il avait demandé des renseignements et devait me tenir au courant au plus tôt. Puis-je lui rappeler cet échange.

M. BERTRAND: C'est le ministre d'Etat délégué à la Fonction publique qui s'occupe surtout de ces problèmes. On m'informe que ce n'est pas un rapport qui doit être rendu public. C'est un rapport qui a été commandé pour le ministre et pour le ministère et non pas pour être déposé publiquement. Le ministre pourra quand même en parler, lors de l'étude de mes estimations budgétaires. Lorsque nous étudierons le poste de la Commission de la fonction publique, il pourra en parler, mais le rapport ne devrait pas être produit.

M. LESAGE: Je devrai avoir recours aux extraits qui ont paru dans les journaux pour poser des questions. Alors, il serait peut-être bon que le ministre fasse vérifier si les extraits de ce rapport qui ont paru dans les jour-

naux sont exacts, afin que je puisse poser mes questions à partir de citations authentiques.

M. MASSE: Je demanderai à mon cabinet de vérifier s'il y a une relation entre les extraits qui ont été reproduits dans les journaux, si extraits il y a eu. Je vais demander de vérifier d'abord s'il y a eu des extraits. Je n'en ai pas pris connaissance.

M. LESAGE: Oui, c'était dans le journal. Je ne les ai pas devant moi, parce que nous n'étudions pas les crédits de la présidence du Conseil de l'exécutif cet après-midi, mais je les avais devant moi l'autre jour lorsque j'ai posé ma question au premier ministre. Il s'agit d'articles publiés dans le journal Le Soleil sous la signature, je crois, de M. Gilbert Athot.

M. MASSE: Je demanderai de vérifier cela, et nous en discuterons, je crois bien, aux crédits de la Fonction publique dans quelques jours.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.

Commissaires d'école à Montréal

M. LEFEBVRE: Ma question s'adresse aussi bien au ministre de l'Education ou au premier ministre, qui ont reçu tous deux une communication de la part de plusieurs groupes importants de Montréal, au sujet de la nomination des commissaires d'école à Montréal. Je poserai peut-être directement la question au ministre de l'Education: A-t-il l'intention d'accepter l'offre de collaboration que lui ont transmise le comité conjoint des parents, l'Alliance et tous les autres groupes dont il a reçu le message?

M. CARDINAL: M. le Président, je suis toujours disposé à accepter toutes les offres de collaboration et à les étudier avec le conseil des ministres pour prendre avec eux la décision la plus judicieuse dans les circonstances.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: Je voudrais produire le rapport de l'éditeur officiel du Québec, en vertu des dispositions des articles 25 et 26 de la Loi d'interprétation, Statuts refondus du Québec, 1964, chapitre 1.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Sud.

Inondations en Gaspésie

M. FORTIER: J'ai trois questions à poser au premier ministre. Voici ma première question. Comme de fortes inondations ont causé des dommages de plusieurs millions de dollars à la propriété municipale, à la propriété privée de Cap-Chat à Newport, en Gaspésie, le gouvernement du Québec a-t-il demandé l'aide du gouvernement fédéral afin de contribuer à dédommager la région atteinte par les raz de marée de l'hiver dernier en Gaspésie?

M. BERTRAND: Je prends avis de cette première question. Comme le député ne m'en a pas parlé, je prends avis de sa question pour y répondre demain.

UNE VOIX: Demain ou après-demain.

M. FORTIER: Voici ma deuxième question. Est-ce que des conseils municipaux de la région ont demandé de l'assistance financière ou de l'aide en vertu de quelque programme de mesures d'urgence? Si cette requête a été formulée, le gouvernement a-t-il formé une commission pour évaluer l'étendue des dommages?

M. BERTRAND: Je prends avis des trois questions.

M. FORTIER: C'est la deuxième seulement.

M. BERTRAND: J'en prends avis quand même.

M. LAPORTE: ... plus vite que cela. M. LACROIX: ... décision et action. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. FORTIER: Voici la troisième question. Est-ce que le premier ministre pourrait considérer comme une demande officielle que je fais, au nom des municipalités de Gaspé-Sud et Gaspé-Nord, de former une commission pour se rendre sur les lieux pour rencontrer les autorités municipales?

M. BERTRAND: J'en prends avis également. Nous verrons à la suite des réponses qui seront fournies aux deux premières.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. L'honorable ministre de l'Immigration.

M. BEAULIEU: J'ai l'honneur de déposer

le rapport de la Régie de l'assurance-dépôt du Québec pour l'exercice terminé le 31 décembre 1968. En annexe, se trouvent l'état des irais d'administration et le rapport du vérificateur du Québec.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: Conformément à la coutume établie, qu'il me soit permis de produire ou de faire produire certaines réponses aux questions qui figurent au feuilleton...

Projets de loi de M. Michaud

M. LAPORTE: M. le Président, avant que nous ne passions à d'autres articles de l'ordre du jour, le Secrétaire de la province m'excusera, il y a au feuilleton de l'Assemblée nationale depuis le 11 mars 1969 un projet de loi inscrit au nom de M. Michaud et un autre projet de loi en date du 25 mars...

M. BERTRAND: Je peux dire que nous nous sommes entendus avec le député de Gouin tout à l'heure.

M. LAPORTE: M. le Président, je sais que le premier ministre s'est entendu avec le député de Gouin pour dire que ce serait appelé la semaine prochaine. Il restera à ce moment-là à peine quatre semaines de session. Il n'y a aucune espèce de raison pour que ce ne soit pas appelé aujourd'hui. Je ne prétends même pas que je suis d'accord. Cela ne prendrait que deux secondes.

M. BERTRAND: C'est entendu.

M. MICHAUD: M. le Président, je suis prêt. Si le premier ministre veut bien accéder, je suis prêt, moi, à faire la lecture...

M. BELLE MARE: Ce n'est pas fini.

M. MICHAUD: ... de la première lecture. Il y 4 a trois lignes par chaque projet de loi.

M. BELLEMARE: Le leader de l'Opposition n'a pas fini de vous expliquer.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. BELLEMARE: Entendez-vous sur le « timing ».

M. LAPORTE: M. le Président, je me souviens que le 18 mars 1969, le leader du gouvernement avait dit: « A cette occasion, je voudrais qu'il soit bien entendu que le gouvernement a bien l'intention de respecter la note 2 de l'article 126 qui prévoit que les ministres n'ont pas de contrôle sur l'ordre à suivre dans les affaires inscrites au nom des simples députés. »

S'il ne s'agissait que des deux bills du député de Gouin, évidemment il pourrait faire — je lui en ai dit un mot tout à l'heure, d'ailleurs — avec le premier ministre ou les autres ministres toutes les ententes imaginables. Nous sommes en présence d'un principe. Il n'est pas normal que ce soit le premier ministre ou le gouvernement qui décide à quel moment les projets de loi inscrits au nom des simples députés seront appelés.

Je n'ai pas d'objection personnellement à ce que ces deux projets de loi ne soient appelés que la semaine prochaine à la condition que l'on s'entende clairement sur une chose qui est simplement le respect du droit des parlementaires. Lorsque des députés inscriront des projets de loi, ils seront appelés le mercredi suivant en première lecture parce qu'autrement quel est le droit? On a le droit d'inscrire des projets de loi sur toute question excepté les « money bills ». Cela peut durer toute la session sans qu'ils soient jamais appelés. Cela m'est arrivé l'an dernier.

Alors, nous nous entendons sur ça, je suis tout à fait disposé — et mes collègues aussi — à prendre la parole du premier ministre à l'effet qu'à l'avenir les projets de loi inscrits au nom des députés vont être appelés le mercredi qui va suivre leur inscription.

M. BERTRAND: Je n'ai aucune objection à respecter ce droit.

Place Royale à Québec

M. LAPORTE: C'est un pas dans la bonne direction. Très bien. Est-ce que je peux également, à la période des questions — j'en ai encore deux — demander au ministre des Affaires culturelles, qui a retrouvé un sourire, éphémère aujourd'hui, j'imagine, si l'on peut espérer avoir bientôt, avant l'étude de ses crédits, le rapport des activités du comité consultatif concernant la Place Royale à Québec, document qui doit être produit dans les trente jours de l'ouverture de chaque session?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le ministre des Affaires culturelles don-

nera réponse en temps et lieu et n'entend pas se faire dicter par l'Opposition sa ligne de conduite.

M. LAPORTE: Je dirai d'abord que le ministre est trop modeste. Il devrait s'appeler l'honorable ministre des Affaires culturelles à tout le moins. Deuxièmement, ce n'est pas l'Opposition qui dicte sa ligne de conduite au ministre des Affaires culturelles, mais bien le règlement de l'Assemblée nationale qui dit que dans les trente jours de l'ouverture de chaque session, le ministre...

Je comprends, M. le Président, que ce comité consultatif, apparemment, n'a pas eu une très grande activité, mais cela peut être dit dans un rapport. C'est une loi de 1966-1967, chapitre 25, article 7, et ce n'est pas l'Opposition qui dicte. Alors je m'adresse au premier ministre lui-même.

Dois-je comprendre que le ministre des Affaires culturelles est toujours sous l'autorité du premier ministre, en dépit des événements récents? Je demande au premier ministre d'insister auprès de son collègue pour qu'il respecte la loi.

M. BERTRAND: Le ministre des Affaires culturelles est responsable de son ministère et s'en acquitte bien.

M. CADIEUX: Ce n'est pas un cadeau!

M. BELLEMARE: Bon, en voiture!

M. LAPORTE: Cela est de la solidarité...!

M. LESAGE: C'est une responsabilité...

M. BELLEMARE: En voiture.

M. LESAGE: Ont-ils le droit de s'arrêter?

M. LAPORTE: Je comprends le premier ministre de ne pas se rendre responsable de ce ministre-là.

M. BERTRAND: Le député de Chambly a très mal compris.

M. PINARD: C'est que tout le monde...

M. BERTRAND: Il veut prêter aux autres des motifs et des intentions qu'ils n'ont pas.

Aéroport de Sainte-Scholastique

M. LAPORTE: M. le Président, ma dernière question que j'adresse au premier ministre sur un tout autre sujet est: Si la fantaisie me prenait de poser des questions sur le problème de Sainte-Scholastique, dois-je imaginer que je pourrais le faire pendant l'étude des crédits des Affaires municipales, le ministre qui, en somme, a été le porte-parole du gouvernement sur cette question?

M. BERTRAND: Pas d'objection. M. LAPORTE: Moi non plus.

M. BERTRAND: Le ministre des Affaires municipales répondra. Il est capable de répondre et il a très bien présenté la thèse du Québec.

M. LAPORTE: C'est toujours ce que j'ai compris.

M. BERTRAND: Grâce à lui, en certains milieux, on commence à voir clair.

M. LAPORTE: Je voulais le féliciter, mais je vais attendre ses crédits.

M. LESAGE: Pour M. Ryan, la dernière... M. BELLEMARE: En voiture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. BELLEMARE: « All aboard ».

Questions inscrites au feuilleton

M. PAUL: Question numéro 9, inscrite au nom de M. Lacroix, il y aurait lieu de faire motion pour que cette question soit transformée en motion pour production de documents. Réponse de M. Russell.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. RUSSELL: Documents produits, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 20, au nom de M. Houde, réponse de M. Cardinal.

M. CARDINAL: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 31, de M. Cadieux, réponse de M. Russell.

M. RUSSELL: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 53, de M. Tessier, réponse de M. Vincent.

M. VINCENT: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 58, de M. Courcy, réponse de M. Vincent.

M. VINCENT: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 59, de M. Courcy, réponse de M. Vincent.

M. VINCENT: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 60, de M. Pearson, réponse de M. Russell.

M. RUSSELL: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 61, de M. Leduc (Taillon), réponse de M. Russell.

M. RUSSELL: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 70, de M. Leduc (Taillon), réponse de M. Russell.

M. RUSSELL: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 85, de M. Lefebvre, réponse de M. Bellemare.

M. BELLEMARE : Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 91, de M. Leduc (Taillon), réponse de M. Gosselin.

M. LIZOTTE: Pour M. Gosselin, lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 97, de M. Leduc (Taillon), réponse de M. Bellemare.

M. BELLEMARE: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Question numéro 100, de M. Leduc (Taillon), réponse de M. Iizotte.

M. LIZOTTE: Lu et répondu, M. le Président.

M. PAUL: Numéro 118, ordre de la Chambre au nom de M. Courcy, adopté, documents déposés par M. Vincent.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Numéro 121, adresse au nom de M. Parent, réponse de M. Bertrand.

M. BERTRAND: Lu et répondu, M. le Président.

Ce que je viens de produire, c'est une réponse complémentaire concernant la question numéro 37...

M. PAUL: Numéro 37, au feuilleton du 23 avril 1969.

M. BERTRAND: ... quant à la demande de M. Parent, il n'est pas dans l'intérêt public que ce rapport soit rendu public alors que les consultations sur le sujet entre le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario ne sont pas encore terminées.

M. PARENT: M. le Président, des rapports ont été déposés qui n'engagent aucun gouvernement, rapports contenant des recommandations à chacun des niveaux du gouvernement. Je ne pense pas que ces documents-là soient d'intérêt public...

M. BERTRAND: Bien.

M. PARENT: ... il s'agit de recommandations qui ont été faites aux trois gouvernements concernés. Je me demande pourquoi, à ce moment-ci, on pourrait s'objecter à les déposer, quand cela n'engage aucunement les gouvernements.

M. BERTRAND: La réponse tient quand même, M. le Président. Nous sommes à l'heure actuelle en pourparlers avec le gouvernement d'Ottawa et le gouvernement d'Ontario. Il y a des consultations qui ont lieu. La réponse est là, il n'est pas d'intérêt public de produire ces rapports pour le moment.

Numéro 133. M. le Président, nous appelons le numéro 133.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: Merci, M. le Président.

Motion de M. Bousquet concernant le textile

M. PAUL: L'ajournement sur cette motion a été demandé par l'honorable ministre du Travail et je comprends qu'en vertu de l'article 261, l'honorable ministre du Travail devrait normalement reprendre le débat sur cette motion cet après-midi.

Or, à la suite d'une conversation téléphonique que j'ai eue hier soir avec l'honorable député de Drummond, il fut convenu que si le consentement unanime de la Chambre était accordé pour réserver le droit de parole de l'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, l'honorable député de Drummond pourrait nous faire part de ses remarques sur la motion du textile et suspendre l'étude des crédits du ministère de la Voirie à la commission de la Voirie jusqu'à ce que l'honorable député ait eu l'avantage de faire son discours sur la motion du textile.

Je demanderais donc que le droit de parole de l'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre soit réservé en raison de cet échange de courtoisie de bon aloi de part et d'autre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre donne son consentement unanime? Accepté.

M. PINARD: J'ai bien compris que la séance de la commission de la Voirie était suspendue jusqu'à ce que j'aie terminé mes remarques.

M. BERTRAND: Oui.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond.

M. BERTRAND: Si le député de Drummond me le permet, il est bien entendu que nous allons en bas reprendre les travaux de la commission de la présidence du conseil pour entendre les intéressés.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre!

L'honorable député de Drummond.

M. Bernard Pinard

M. PINARD: M. le Président, j'aimerais souligner tout de suite l'intérêt que je porte à la motion présentée par l'honorable député de Saint-Hyacinthe, le mercredi 30 avril, relativement à la situation faite à l'industrie du textile au Canada et en particulier dans la province de Québec.

Etant député depuis 1952, sauf les années 1956 à 1960, du comté de Drummond où l'industrie du textile est l'industrie prédominante qui donne de l'emploi à près de 7,500 travailleurs, vous comprendrez, M. le Président, que c'est mon devoir...

M. BELLEMARE: Le député dit 7,500 dans Drummond?

M. PINARD: Je parle de la grande entreprise du textile et des entreprises connexes qui emploient également de la main-d'oeuvre féminine. Enfin, les statistiques peuvent être un petit peu imprécises...

M. BELLEMARE: Oui.

M. PINARD: ... parce qu'il y a eu tellement de congédiements massifs dans cette industrie depuis un certain temps. Je pense que le chiffre exact serait de 6,000 environ. La Canadian Celanese, la Dominion Textile, la Dominion Dyeing and Finishing, enfin... De toute façon, les statistiques ne sont pas précises si je m'en tiens au rapport statistique soumis par le ministère de l'Industrie et du Commerce et les statistiques ne remontent qu'à 1961.

M. BELLEMARE: C'est l'institut du textile qui vient de les publier?

M. PINARD: Oui. Enfin, c'est peut-être dans le mémoire. On a donné, comme main-d'oeuvre totale dans la province de Québec, Cowansville: 1,475 employés; Drummondville: 4,200 employés. Alors, je crois que c'est une main-d'oeuvre importante et qui mérite d'être protégée.

Je ne prolongerai pas mes remarques sur les causes du malaise dans l'industrie du textile. Je crois qu'elles sont connues car ce n'est pas un phénomène nouveau. Je me souviens qu'à l'époque où j'étais député de l'Opposition, de 1952 à 1956, on a présenté une requête relativement au marasme où se trouvait l'industrie du textile priant le gouvernement fédéral d'agir et d'établir des mesures de contingentement, de relever, si possible, le tarif douanier pour prévenir l'importation ou l'exportation massives — selon le point de vue où l'on se place — de produits du textile fabriqués à meilleur marché dans des pays étrangers. Importation ou exportation massives qui faisaient que le volume des ventes des produits fabriqués par l'entreprise manufacturière du textile au Québec diminuait sensiblement chaque année, ce qui provoquait des mises à pied et

perturbait, en quelque sorte, l'équilibre de l'économie québécoise et canadienne.

Durant les années qui ont suivi, alors que le parti au pouvoir a changé, des demandes de même nature ont été faites pour alerter l'autorité fédérale de nouveau sur cette question primordiale de l'industrie du textile. Tout cela pour établir qu'au départ il ne s'agit pas là d'un problème où la partisanerie politique doit y trouver son compte. Au contraire, je crois davantage à la collaboration étroite, consciencieuse et efficace des membres de cette Chambre, de quelque côté qu'ils siègent. Il me semble qu'une des suggestions que J'avais faites à l'époque de créer une espèce de « task force », de comité d'étude sur cette situation du textile.

Ce comité serait composé de représentants des deux partis, représentants peut-être plus affectés que d'autres par cette difficulté qui prévaut dans l'industrie du textile, pour être en mesure de rencontrer des experts venant du secteur manufacturier. Il y aurait là les grands gérants de l'entreprise textile, les experts qui sont actuellement au service du ministère de l'Industrie et du Commerce à Québec ainsi qu'au ministère du Travail, les représentants syndicaux qui — on le conçoit facilement, M. le Président — sont autant que nous, et peut-être davantage, soucieux de faire respecter les droits humains des membres de leurs associations, et surtout de voir à ce que les conditions de travail soient plus respectées qu'elles ne l'ont été dans le passé. J'avais alors émis ce voeu qu'il se forme à l'intérieur de nos rangs, de nos partis, une commission qui aurait pour but spécifique de rechercher les causes du malaise et de rechercher aussi les solutions possibles. Cette commission aurait pu aussi entrer en discussion avec les responsables des ministères à Ottawa. Nous aurions pu avoir recours aux services techniques des économistes qui travaillent pour le gouvernement, des ingénieurs qui se spécialisent dans le génie industriel, dans la production. Nous aurions pu aussi avoir recours aux spécialistes de la recherche qui auraient pu peut-être trouver aux profits des manufacturiers, des débouchés nouveaux, des produits nouveaux susceptibles de capter l'intérêt du marché canadien et du marché extérieur, de façon à revigorer cette industrie du textile qui, il y a jusqu'à quelques années du moins, a été péréclitante et en danger de disparaître complètement du moins dans certains secteurs. Parce que les faillites ont été nombreuses dans ce domaine et parce qu'il y a eu aussi des fermetures d'usines très nombreuses, il y a eu aussi des fusionnements des amalgamations, de façon a renforcer la structure manufacturière et aussi la concurrence dans ce domaine.

M. le Président, je me suis intéressé...

M. BELLEMARE: L'honorable député sait-il qu'il y a déjà eu un organisme de ce genre au ministère de l'Industrie et du Commerce et qu'il a fonctionné?

M. PINARD: Oui, je sais qu'il y en a eu...

M. BELLEMARE: Avec M. Bélanger, le sous-ministre.

M. PINARD: Oui, et je pense que l'économiste Jacques Parizeau a fait aussi des recherches à la demande du conseil des ministres sous le régime de M. Lesage, alors que j'avais présenté moi-même au conseil des ministres un travail demandant l'aide spécifique du ministère de l'Industrie et du Commerce, dirigé à l'époque par l'honorable Gérard-D. Levesque. C'est à ce moment-là que le conseil des ministres a autorisé l'économiste Jacques Parizeau et d'autres experts de son choix à travailler à cette question, pour que des solutions soient proposées, non seulement aux autorités gouvernementales de Québec, mais également d'Ottawa. Je pense que ce sont des études extrêmement précieuses.

J'ai cependant retenu, des études faites par l'économiste Jacques Parizeau, que l'industrie du textile n'était pas suffisamment compétitive, ne faisait pas suffisamment de recherches pour trouver des débouchés nouveaux, pour manufacturer des produits nouveaux, qu'elle traînait de l'arrière et que, bien souvent, sur le plan technologique, elle n'était pas à la fine pointe alors que des pays comme le Japon, Formose et d'autres pays étrangers ont trouvé là une raison de redonner une vigueur nouvelle à leur économie. Ils se sont lancés à bride abattue dans la fabrication de produits textiles naturels, mais de plus en plus de produits textiles synthétiques à très bon marché, pour venir en quelque sorte inonder le marché canadien, pour faire directement concurrence aux entreprises manufacturières de chez nous, qui ne sont pas capables de mettre leurs produits en vente sur le marché canadien et aussi sur le marché extérieur, à aussi bon prix.

Je pense bien que si on considère que l'échelle des salaires dans les principales villes du Québec est moins élevé que dans certaines villes des provinces les plus riches, et notamment

l'Ontario, il est juste de dire que, le pouvoir d'achat étant moins élevé au Québec qu'ailleurs, les pères et mères de famille nombreuse, même s'ils veulent encourager l'achat de produits manufacturés chez nous, se voient dans l'obligation, pour des raisons d'ordre financier, d'acheter un produit qui n'a peut-être pas la même qualité. Il s'agit de produits textiles: un vêtement, des chaussures, mais restons dans le domaine du textile. Ce sont des vêtements qui se vendent à meilleur prix dans les Miracle Mart ou dans les grands magasins à succursales, qui font des affaires d'or au Québec. Nous ne pouvons donc pas adresser de reproche à l'acheteur québécois, surtout à l'acheteur qui se recrute dans le monde ouvrier, parce que véritablement il y a là un problème financier qu'il faut examiner tout de suite. Il est bien difficile pour nous d'adresser des reproches, même si nous voudrions tous qu'il se fasse une meilleure politique d'achat chez nous. Mais, ça ne justifie pas l'entreprise manufacturière de ne pas rechercher des solutions elle-même, de ne pas aller plus loin dans le domaine de la recherche. Je me souviens qu'à Drummondville la compagnie Celanese a ouvert, en 1966, un centre de recherche qui devait être au départ un centre de recherche pure, mais aussi un centre de recherche industrielle pour trouver le moyen de manufacturer des produits textiles nouveaux avec les fibres synthétiques. Cela aurait eu pour résultat spécifique de diminuer le coût de production et de leur permettre de fabriquer à meilleur compte des vêtements, des tissus, des fibres synthétiques qui auraient été revendues à d'autres manufactures qui les auraient tissées selon les goûts du public acheteur et des pays importateurs de leurs produits.

Qu'est-il advenu de ce centre de recherche ouvert en 1966 par feu le premier ministre Johnson à Drummondville? Eh bien, il a été presque immédiatement fermé. Pour quelle raison exacte? Je l'ignore. Ce qui est certain, c'est que 75 ingénieurs-chimistes et techniciens ont été mis à pied; un certain nombre d'entre eux temporairement, mais la plupart de façon permanente. J'ai ici une lettre du chimiste en chef de ce centre de recherche, datée du 5 février 1968. Il dit ceci: « Veuillez accepter mes plus sincères remerciements pour m'avoir fait parvenir, avec votre lettre du 1er février 1968, photocopie des épreuves des bills 6 et 7 de la session de janvier 1966. » Le bill 6 prévoyait la création du Conseil de la recherche scientifique et le bill 7 prévoyait l'octroi de la charte du centre de recherche industrielle du Québec

Je cite encore la lettre: « Il m'intéresserait grandement d'être tenu au courant à l'avenir de tout progrès possible, surtout en rapport avec le projet du centre de recherche industrielle. » Il s'agit d'une lettre du chimiste en chef de ce centre de recherche industrielle de la Canadian Celanese, qui m'a écrit le 5 février 1968 pour me dire ses craintes quant à l'avenir. « En effet, des réductions considérables aux crédits accordés jusqu'à maintenant pour la compagnie Chemcell à l'administration de son centre de technologie à Drummondville m'obligent à congédier 26 employés, y compris huit diplômés d'université. Il s'agit de gens qui étaient bien établis à Drummondville et que je me dois d'aider à trouver un nouvel emploi. S'il se forme au Québec un centre de recherche industrielle, Je n'hésiterais pas à y recommander plusieurs de ces ingénieurs, physiciens, chimistes ou tech-nologistes, surtout à cause de leur expérience dans la recherche et le développement appliqué à l'industrie. Espérant que le gouvernement au pouvoir agira bientôt selon les plans que vous et vos confrères du Parlement à l'époque aviez élaborés. « Dans le cas contraire, je crains fort qu'encore une fois une bonne partie de nos chercheurs émigré aux Etats-Unis pour exercer leur profession dans un milieu favorable. »

Je dois admettre, en toute justice, qu'après quelques années de retard, finalement, ce centre de recherche a été créé. Il est peut-être arrivé un peu trop tard pour fournir de l'emploi à ces physiciens, chimistes, technologistes qui ont dû émigrer ailleurs au Canada et aux Etats-Unis pour être en mesure de faire vivre convenablement leur famille.

Je me suis demandé s'il n'y avait pas moyen pour le ministère de l'Industrie et du Commerce ou pour tout autre ministère — le ministère de l'Education, par exemple — de faire servir le centre de recherche industrielle de la Canadian Celanese à Drummondville à des fins éducatives. Cela permettrait de prolonger, si l'on veut, l'enseignement technique spécialisé qui est donné dans nos écoles d'arts et métiers, dans nos écoles de technologie et peut-être aussi à l'Institut du textile de Saint-Hyacinthe. Cet enseignement bien spécialisé serait donné au centre de recherche industrielle de la Canadian Celanese à Drummondville, qui avait, au départ, des buts bien spécifiques: recherche pure et recherche industrielle. Je crois qu'à ce moment-là il y aurait possibilité de trouver des débouchés nouveaux pour notre jeunesse qui sort de plus en plus nombreuse chaque année avec des diplômes en technologie, mais qui n'est pas capable de trouver, sur notre marché local, régional ou provincial, des emplois

à la mesure de sa connaissance plus spécialisée.

A mon avis, il s'agit d'une perte presque sèche. Je sais que la compagnie Canadian Celanese à Drummondville utilise quand même, de façon très réduite, son centre de recherche. Elle l'a converti en un service de production industrielle. Mais, s'il y avait eu une meilleure collaboration, un dialogue plus étroit et plus rapide entre l'entreprise Canadian Celanese à l'époque et les autorités gouvernementales à Québec, en particulier au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, peut-être que ce centre de recherche industrielle n'aurait pas fermé ses portes. Peut-être, aurait-il pu être intégré dans les structures du ministère de l'Education, au niveau des collèges d'enseignement général et professionnel, de façon à jouer un rôle actif dans l'enseignement technique spécialisé qui doit être donné de plus en plus à nos jeunes.

M. BELLEMARE: Est-ce que le député pourrait me dire, s'il me le permet...

M. PINARD: Oui.

M. BELLEMARE: ... si le centre de recherche de Drummondville ne s'est pas employé à faire faire une planification et une automatisation des métiers? Je crois qu'après que cela a été fait à Drummondville on a subi, un peu partout dans la province, une planification dans certaines industries qui, en remplaçant des hommes par des machines plus modernes, ont produit à meilleur coût. La planification a été faite.

M. PINARD: Oui.

M. BELLEMARE: Cela s'est fait à Drummondville.

M. PINARD: Je l'admets, parce que la compagnie Canadian Celanese, du temps de la guerre, employait tout près de 6,000 personnes, 5,600. Disons qu'elle s'est laissé traîner un peu les pieds. Elle a fait d'excellents profits durant la guerre, mais elle ne s'est pas aperçu que des pays concurrents s'en allaient vers la fine pointe de la technologie dans l'entreprise manufacturière du textile. Elle s'est trouvée dans une situation difficile sur la plan économique et sur la plan de la concurrence. Elle a essayé de rattraper rapidement les retards, mais, pendant ce temps-là, elle a perdu des marchés considérables et ses profits ont diminué dangereusement. Elle a fait cet effort de rattrapage sur le plan technologique, mais au détriment de. la main-d'oeuvre.

M. BELLEMARE: C'est cela.

M. PINARD: Ils ont automatisé à outrance, permettez-moi le mot...

M. BELLEMARE: C'est dans votre laboratoire que cela s'est produit.

M. PINARD: ... le processus de production, mais en diminuant de façon très considérable la main-d'oeuvre. Comment a-t-on pu recycler cette main-d'oeuvre très spécialisée qui ne peut pas aller dans tous les autres corps de métier? Cela a fait monter de façon assez aigiie le taux du chômage à Drummondville et dans la région.

Je pense qu'il y a, quand même, eu un redressement notable de la situation. Je dois en donner le crédit et à l'entreprise et à ceux qui, oeuvrant dans les gouvernements aussi bien à Ottawa qu'à Québec, ont su lui donner un certain élan pour pallier cette situation qui était de plus en plus désastreuse.

J'ai été heureux d'entendre le ministre de l'Industrie et du Commerce faire des remarques qui, à mon avis, ont été très objectives et qui n'ont pas eu pour résultat de politiser le débat. Il a voulu s'en tenir à des considérations d'ordre administratif et d'ordre politique dans le bon sens du mot.

Il a voulu de bonne foi rechercher les causes du malaise et aussi rechercher — parce qu'il y a quand même des responsabilités au niveau provincial — des solutions qui seraient plus directement appliquées pour empêcher qu'une main-d'oeuvre considérable soit mise à pied à cause de la situation économique difficile qui est faite à l'entreprise du textile.

Le mémoire — il faut l'admettre aussi quand on le lit attentivement — pose le problème aux deux niveaux de la responsabilité gouvernementale; à Ottawa et à Québec.

M. BELLEMARE: A Ottawa.

M. PINARD: Plus directement à Ottawa en ce sens que le mémoire s'attaque — je l'admets bien — à toute la politique commerciale du gouvernement canadien en ce qui concerne les tarifs douaniers imposés sur les produits venant de l'extérieur et qui mettent en danger la production canadienne. Politique commerciale aussi qui entre dans le cadre des accords bien spécifiques du GATT et du Kennedy Round ainsi que des accords de 1962 sur le coton. Mais ça, c'est un domaine très spécla-

lisé, très spécifique, très complexe où il nous est bien difficile, à nous les profanes d'entrer pour en discuter.

C'est une des raisons pour lesquelles je voudrais qu'il se forme un comité composé d'un nombre bien représentatif, de députés de cette Chambre, mais surtout composé des députés qui représentent les régions ou les comtés où l'industrie du textile est prédominante, de façon que nous fassions des recherches avec des spécialistes pour pouvoir aller à Ottawa, nous, discuter avec les autorités compétentes des problèmes qui existent chez nous. Nous serons ainsi en mesure de prouver à notre population ouvrière que nous nous préoccupons véritablement de ses problèmes, ce qui augmentera non seulement le respect de l'autorité envers les hommes publics, mais prouvera aussi, je pense, de façon beaucoup plus éclatante, que les hommes publics s'occupent réellement des intérêts de tous leurs commettants à quelque niveau que ce soit.

J'imagine facilement que le gouvernement fédéral ne s'opposera pas à une pareille initiative venant des autorités du gouvernement provincial. Je crois que ce sera même un geste bienvenu parce que J'ai lu dans le Hansard, le journal des Débats de la Chambre des communes, du jeudi 20 mars 1969, que cette idée que J'avais émise à l'époque... Je pense que vous-même, M. le Président, à titre de député de Sherbrooke, avez fait un accueil favorable à cette suggestion que j'ai faite à l'époque dans une conférence de presse, parce que vous représentez un comté où l'industrie du textile est très importante et qu'il y a eu des malaises très graves dans votre comté. Vous avez trouvé que cette idée semblait avoir beaucoup de bon sens et qu'elle permettrait aux députés un peu mis en cause par rapport à d'autres de faire un travail constructif.

Cette idée a été reprise par des députés fédéraux, et je crois qu'on est en train de créer actuellement au sein de la députation fédérale ce comité ou ce « task force » qui aura pour mission plus directe d'étudier les malaises de l'industrie du textile et de proposer au gouvernement d'Ottawa certaines solutions, d'accord en cela avec les ministres responsables soit au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, soit au niveau du ministère du Revenu, soit au niveau du ministère des Finances parce qu'il est directement impliqué dans toute cette question.

Nous pouvons d'emblée nous déclarer d'accord avec la motion qui a été présentée par l'honorable député de Saint-Hyacinthe pour autant qu'on nous donne la preuve que ce n'est pas une occasion — je l'admets, ça n'a pas été fait jusqu'ici, et je ne voudrais pas que dans la publicité qui sera faite en dehors de la Chambre, ce le soit — pour le gouvernement de repartir en guerre contre un autre gouvernement, le gouvernement d'Ottawa...

M. PAUL: M. le Président...

M. PINARD: Je suis convaincu à l'avance que ce ne sera pas les propos de ceux qui me suivront dans ce débat.

M. PAUL: ... l'honorable député ne devrait pas prêter au gouvernement des intentions qu'il n'a pas. Jusqu'ici, il a lui-même signalé que l'honorable ministre du Commerce et de l'Industrie était intervenu d'une façon bien objective dans le débat. D'autres collègues vont également le faire, tant de son côté que du côté ministériel. Je crois que la question est trop importante pour que nous politisions ce problème.

Je ne crois pas que l'honorable député soit justifié de vouloir nous prêter des motifs ou l'occasion de partir une autre guerre avec Ottawa.

M. PINARD: Je prends note des remarques de l'honorable Secrétaire de la province. Je suis bien convaincu qu'il serait le dernier à vouloir faire ce que j'ai peut-être dit, sur le plan hypothétique.

Le tarif, il faut bien l'admettre, n'est pas le seul problème en cause et qui affecte plus directement l'industrie du textile. Il y a une foule d'autres questions, en dehors du tarif lui-même, qui font que l'industrie du textile vit dans ces temps présents une situation difficile. Il faut bien comprendre qu'il y a tout un problème de rationalisation de cette industrie, de modernisation de son équipement, de meilleure administration de l'entreprise, qui font que cette entreprise qui date des dix-huitième et dix-neuvième siècles n'a pas été à la hauteur du renouveau technologique dont nous avons été témoins ailleurs dans le monde, et particulièrement du côté du pays voisin.

Le Canada, il faut bien l'admettre, à cause de la grandeur de son territoire, mais à cause aussi de la faible densité de sa population et de son faible taux d'industrialisation par rapport à ce qui existe dans le pays voisin, les Etats-Unis, doit jouer un rôle international. C'est à la fois un pays importateur et exportateur. Il doit, à mon avis, consentir des accords avec les pays étrangers, de façon à équilibrer la balance commerciale du Canada, de façon aussi à permettre

l'entrée de produits étrangers sur son territoire mais, à la condition, cependant, que nos manufacturiers canadiens puissent exporter et trouver preneur sur les marchés étrangers. C'est un équilibre qui, d'après les experts, est assez difficile à maintenir, parce que nous ne sommes pas dans une position concurrentielle aussi forte que nos puissants voisins les Etats-Unis qui, eux, étant très riches, très fortement industrialisés, ayant une forte population de consommateurs, sont dans une meilleure situation que le Canada pour exporter. Ils sont, à la fois, aussi exportateurs de capitaux pour relancer l'économie de pays où l'économie est déficitaire, pour automatiser, industrialiser davantage certains territoires étrangers où ils ont intérêt à aller investir et a aller vendre eux-mêmes leurs produits.

Alors, le Canada est dans une situation difficile et je crois que tous mes collègues en cette Chambre l'admettront. Mais, ce n'est pas une raison pour que le gouvernement canadien ne se montre pas plus sévère dans l'application du système de contingentement volontaire qui est actuellement en vigueur, parce que toutes sortes de trucs ont été employés, qui ont trompé la vigilance des autorités du gouvernement canadien.

On m'a dit qu'il y a même des importateurs qui se rendent sur les marchés étrangers, à Formose, en Chine, au Japon, qui achètent des produits textiles fabriqués avec des fibres synthétiques, à très bon marché, parce qu'elles sont produites à faible coût de revient, qui réussissent à arranger les étiquettes de façon que ça ne soit presque pas perceptible pour les inspecteurs qu'il s'agit d'un produit fabriqué à l'étranger et importé au Canada. Ils le mettent sur le marché de la consommation à des prix tellement réduits que, comparé au prix d'un vêtement fabriqué par l'industrie manufacturière canadienne québécoise, à ce moment-là, l'acheteur, ça saute aux yeux, voit une différence parfois de 30%, 40% et même 50%, si ce n'est pas davantage, dans le cas de certains articles du textile.

Alors, il faut que le gouvernement fédéral recherche un système de surveillance et de contrôle beaucoup plus efficace et beaucoup plus sévère. On comprend pourquoi. Le gouvernement canadien est obligé de se montrer moins protectionniste que le gouvernement américain envers l'entreprise américaine du textile qui a peut-être évolué un peu plus vite que l'entreprise canadienne mais qui est encore considérablement en retard par rapport à certaines entreprises du textile étrangères, du Japon, par exemple, de Formose et d'autres pays.

Eh bien, le gouvernement américain, se trouvant dans une position de force sur le plan économique, sur le plan industriel et sur le plan des investissements, est plus en mesure que le gouvernement canadien de donner un régime protectionniste aux industries du textile aux Etats-Unis, ce que le gouvernement canadien ne peut pas faire dans les circonstances.

Alors, M. le Président, je pense que le comité dont j'ai parlé tantôt, pourrait soumettre des propositions aux autorités fédérales, du moins émettre le voeu que des mécanismes appropriés de surveillance soient mis en place pour limiter l'entrée sur notre territoire des produits textiles étrangers, pour rendre plus sévère la politique des contingentements volontaires. Le mot le dit, c'est volontaire de la part des pays exportateurs étrangers, s'ils veulent bien consentir à respecter les accords qu'ils ont signés avec le gouvernement canadien.

Mais je voudrais bien qu'il s'ajoute à cette politique de contingentement volontaire un système de surveillance et de contrôle, mais aussi avec des clauses de pénalité. Prenons le cas, par exemple, d'un pays — que nous ne nommerons pas, mais que tous connaissent, je pense bien — qui a dépassé l'année dernière et de beaucoup sur le plan du pourcentage et du volume, le contingentement fixé et qui voudrait cette année, en 1969, jouer le même truc. A ce moment-là, le gouvernement canadien devrait avoir les moyens de pénaliser ce pays exportateur qui n'a pas joué les règles du jeu et dire: En 1968, vous aviez un quota évalué à tant en argent ou à telle quantité en volume, en pourcentage, vous l'avez dépassé de tant. Cette année, en 1969, nous allons calculer le pourcentage qui a dépassé le contingentement qui vous avait été imposé et que vous aviez accepté de respecter et il tiendra compte du quota qui sera en vigueur pour votre entreprise en 1969.

Alors cette entreprise, étant punie, n'aura pas tendance à récidiver dans les années à venir. Ce serait une façon, je pense, de faire mieux respecter les accords du contingentement volontaire.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre!

Je souhaiterais ardemment pouvoir continuer d'entendre l'honorable député de Drummond parce que le sujet m'intéresse particulièrement et tous les membres de la Chambre aussi. Mais à moins qu'il nous dise qu'il est le délégué officiel du chef de l'Opposition sur le sujet, je me dois de lui signaler qu'effectivement la période de temps mise à sa disposition est maintenant écoulée.

M. PINARD: Je pense que, précisément, M. le Président, il avait été entendu que, vu que j'étais le représentant d'un comté où l'entreprise du textile est plus prédominante qu'ailleurs, eh bien, que je serais le porte-parole officiel de l'Opposition dans ce domaine. Je ne voudrais pas que ce soit l'occasion pour moi de prolonger mes remarques, sauf que j'aurais quelques propos additionnels à tenir pour terminer l'exposé que j'avais préparé, de façon que je puisse aller discuter le budget de la Voirie à la commission de la Voirie.

Ce que je viens de dire pourrait être cadré dans ce qu'on pourrait appeler une politique de moyens à court terme. Que dire maintenant d'une politique à long terme? Eh bien, le ministre de l'Industrie et du Commerce à Ottawa, l'honorable Jean-Luc Pépin, a déjà annoncé à la Chambre des Communes, le 20 mars 1969, que son ministère et d'autres ministères du gouvernement canadien procédaient à l'inventaire de toute cette industrie manufacturière du textile pour connaître de façon plus spécifique les secteurs qui sont rentables par rappont à ceux qui le sont moins ou qui ne le sont plus du tout, de façon à pouvoir apporter des correctifs à la situation et peut-être aussi, et c'est là un souhait que je fais, apporter une législation dans le plus bref délai possible pour aider financièrement à la recherche technique dans ce secteur de l'entreprise manufacturière.

Il pourrait en arriver aussi, si possible, à donner des structures techniques, qui prodigueraient des conseils sur le plan de l'administration plus moderne et de moyens de production plus modernes à cette entreprise qui n'a pas toujours les moyens de dépenser des sommes importantes dans le domaine de la recherche et dans le domaine de la modernisation de ces moyens administratifs. Je pense que cela a été fait dans le cas de l'accord automobile intervenu entre le Canada et les Etats-Unis. Je pense que, dans le cas de l'automobile, cette politique a donné des avantages économiques indubitables à l'entreprise manufacturière automobile canadienne. Cela a permis, jusqu'à un certain point, la presque parité des salaires dans certains secteurs de production.

Je crois que cela est possible dans le domaine du textile. J'émets le voeu que notre commission, s'étant penchée de façon plus directe sur cette possibilité, en fasse la suggestion au gouvernement canadien qui verra s'il y a moyen d'appliquer cette formule dans le plus bref délai possible.

Il y a aussi la possibilité d'aider non seulement l'industrie elle-même, mais également les villes où cette industrie du textile est prédomi- nante, de façon à accroître l'embauche, de diminuer le nombre des sans-travail qui ont bien de la difficulté à se recycler dans d'autres entreprises, parce qu'après quarante ans de travail dans une industrie du textile, M. le Président, vous comprenez comme moi qu'il est bien difficile pour un ouvrier de se recycler dans d'autres métiers. Mais je crois que s'il a été possible pour la compagnie Kodak, qui a le plus grand nombre de ses entreprises industrielles aux Etats-Unis... A un moment donné, cette compagnie a vu que sa production était mise en danger par la production étrangère, surtout la production japonaise. Le Japon s'est mis à produire des appareils de cinématographie d'aussi bonne qualité et à bien meilleur compte que les produits de la compagnie Kodak, compagnie qui a fait des affaires d'or jusqu'ici. Il a été possible, dis-je, à la compagnie Kodak, à cause précisément de la recherche qui était en vigueur chez elle, de diminuer un peu sa production dans le domaine des appareils de cinématographie et de diversifier sa production de sorte qu'elle est entrée, elle aussi, dans le domaine de l'industrie du textile.

Le Secrétaire de la province sait fort bien que la compagnie Kodak s'est lancée dans l'industrie du textile avec des fibres nouvelles, des fibres synthétiques.

M. PAUL: Du polyester.

M. PINARD: Du polyester. Elle fabrique du tissu textile de haute qualité, qui est très recherché de ce temps-ci par les fabricants de modes pour les tissus à vêtements légers qui sont surtout achetés par la gent féminine. Grâce aussi à une politique de commercialisation, de mise en marché et de publicité bien vigoureuse et bien agressive, la compagnie Kodak a réussi à maintenir son rang sur le marché et à faire des affaires rentables à tout point de vue. Il y a aussi la possibilité, pour le gouvernement canadien, d'adopter des mesures de dégrèvement fiscal, de dépréciation accélérée, en plus de toutes les politiques d'aide financière directe qui peuvent être données aux entreprises manufacturières du textile qui voudront démontrer un effort réel de modernisation de leur entreprise sur le plan technologique, sur le plan production et sur le plan administration.

Ce sont là les remarques que je fais en terminant. Je pense qu'il y a aussi un autre ministère qui pourrait être mis à contribution et qui pourrait faire l'objet de nos travaux en commission.

C'est l'action directe et indirecte qui pourrait être donnée par le nouveau ministère

de l'Expansion économique régionale dirigé par l'honorable Jean Marchand. Ce ministère, chargé plus spécifiquement de l'aménagement du territoire, de la déconcentration économique et industrielle, serait en mesure de refaire la carte des zones désignées, comme on les appelle communément chez nous. Il pourrait aider, financièrement et autrement, des régions nouvellement désignées où sévit un marasme économique, où il y a un fort taux de chômage, parce que la main-d'oeuvre ne peut trouver des emplois diversifiés puisque l'entreprise prédominante, par exemple, dans la région de Drummondville est l'entreprise du textile. A Trois-Rivières, il y a également l'entreprise du coton, mais aussi l'entreprise papetière qui crée quand même une plus grande diversification dans les emplois, alors que les niveaux de salaire ne sont pas du tout comparables. Les salaires sont beaucoup plus élevés dans l'entreprise papetière que dans l'entreprise du textile. Je crois qu'il y aurait immensément à faire de ce côté et que notre comité pourra faire des propositions très concrètes aux autorités fédérales.

M. le Président, il y aurait aussi à faire une espèce de campagne d'éducation, d'information, qui pourrait être sous la responsabilité plus spécifique du gouvernement québécois, par son ministère de l'Industrie et du Commerce, incitant nos concitoyens à accorder plus d'attention aux produits manufacturés au Canada et dans la province de Québec, même s'il peut y avoir une petite différence de prix, en autant cependant que cette différence ne va pas jusqu'à 50% ou 60%.

Alors, ce serait une politique d'achat chez nous, une politique qui ne ressemblerait en aucune façon aux anciennes propagandes d'achat chez nous faites soit par les sociétés Saint-Jean-Baptiste ou par d'autres sociétés nationales qui, à mon avis, ont manqué complètement le but visé.

Il faudrait que ce soit bien planifié, qu'avec les études approfondies des habitudes du marché, du prix de revient de certains produits sur le marché, de façon que le public, tout en recherchant la qualité, tout en recherchant le meilleur prix possible, soit quand même en mesure de donner son encouragement aux entreprises de chez nous, aux entreprises canadiennes et à nos entreprises québécoises. II y a là aussi, M. le Président, de la place pour un travail efficace de la part de notre comité.

En terminant, M. le Président, je voudrais souhaiter que ce comité soit formé dans le plus bref délai possible, parce qu'il est indéniable que c'est à l'industrie du textile, celle qui est la plus en danger au Canada et au Québec, qu'il faut peut-être porter le plus d'attention. Je sais que la grande entreprise du textile se montre plus agressive, fait de l'investissement, de l'automatisation. Mais je me demande si elle pourra tenir longtemps le coup si les gouvernements, aux deux niveaux de responsabilité, n'étudient pas plus en profondeur la situation, de façon à donner le coup de main qui s'impose, et encore une fois, de façon non partisane. Je vous remercie, M. le Président, de l'attention que vous m'avez accordée et aussi pour le surtemps que vous m'avez accordé, étant bien convaincu, comme vous l'êtes, que j'avais, moi aussi, un devoir à remplir et des commettants à représenter ici dans cette Chambre dont c'est ma responsabilité de défendre les intérêts bien compris.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais rappeler aux honorables députés que la commission des crédits de la Voirie va commencer à siéger immédiatement à la chambre 91.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

M. Philippe Demers

M. DEMERS: M. le Président, il me fait énormément plaisir d'appuyer la motion de l'honorable député de Saint-Hyacinthe.

Je me permets au début de la relire en vous exemptant des « attendus ». « Cette Chambre prie les autorités fédérales d'adopter avec diligence les moyens appropriés et justes pour mettre fin à cette concurrence indésirable desdits produits étrangers sur le marché de la province. « b) de créer un climat de confiance indispensable au Québec dans l'industrie manufacturière des textiles pour permettre une augmentation suffisante et rapide du nombre des emplois productifs; « c) de tendre vers une part plus rationnelle et plus équitable des exportations de pays à faibles salaires comparé à celles d'autres pays; « d) d'assurer la viabilité d'une expansion d'une industrie textile québécoise capable de concourir au progrès économique de la province. « Qu'ordre soit donné au secrétaire de l'Assemblée nationale... Je vous passe ceci, sachant que le secrétaire de l'Assemblée nationale s'acquittera de son devoir.

A la suite de l'exposé de la motion, le député de Saint-Hyacinthe établissait, dans un discours bien étoffé situant le problème dans ses

dimensions vraies, le réel problème des textiles au Canada et surtout dans la province de Québec. A sa suite, le ministre de l'Industrie et du Commerce, dans un discours réaliste, dépolitisé à l'extrême et d'une objectivité tout à son honneur faisait lui aussi l'historique, commentait la situation et suggérait des méthodes pour remédier à cette situation qui devient de plus en plus déplorable.

J'aurai, comme contribution, quelques remarques à faire en guise d'introduction. Je pourrai peut-être faire l'historique de l'industrie des textiles en vous disant ce qu'elle comprend. Elle comprend en effet tous les établissements qui fabriquent les filés ou les tissus en faisant appel à un ou à plusieurs procédés.

L'industrie des textiles primaires se divise en trois branches: les filés et les tissus de coton, les lainages, les textiles synthétiques. Cependant, à des fins de statistiques, on y inclut les auvents, les tentes, les voiles, linoléum, tapis, etc., c'est-à-dire des produits résultant d'une transformation plus poussée des textiles primaires, sauf les vêtements et articles de tricot.

L'industrie du textile est de plus en plus mécanisée. On utilise de nouvelles machines automatiques à rendement plus élevé, avec réduction des frais d'entretien. Cependant, les procédés étant normalisés et la machinerie d'acquisition facile, la concurrence y est très forte. Est-ce que cette industrie a une certaine importance? Je crois que oui, et je tenterai de le démontrer bien sommairement.

En 1965, l'industrie des textiles du Québec représentait, dans le secteur manufacturier, 3.9% du nombre des établissements, 8.4% des salaires, 9.1% de la main-d'oeuvre, 7.7% de la valeur des expéditions et 7.3% de la valeur ajoutée. Je demande à la Chambre la permission de déposer au fur et à mesure que j'énonce, que je débite mon modeste discours, des tableaux qui seront attachés, si vous me le permettez, au journal des Débats afin d'illustrer ce que j'avance. C'est dire que je dépose actuellement le tableau no 1. (Voir annexe). Alors qu'au Québec, en 1957, 405 établissements employaient 38,334 personnes, le nombre des effectifs a augmenté de plus de 7,500 et le nombre des établissements de 33%. Pour la période de 1957 à 1965, selon les mêmes données, l'industrie textile a augmenté de 69.7% dans les salaires et traitements, de 81.7% et la valeur ajoutée est de 86.3%.

Par contre, le nombre des effectifs ne s'est accru que de 19.2% et celui des établissements, de 8.1%. Au Québec, l'industrie du textile pré- sente une forte concentration au niveau des expéditions et de l'emploi: 7% des établissements rendent compte de 66% de la valeur des expéditions et emploient près de 60% des effectifs, dans le groupe des industries de grande taille. Je dépose le tableau numéro 2, (voir annexe).

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre. J'ai péché par omission lorsque l'honorable député de Saint-Maurice a demandé la permission de produire ces documents pour qu'ils soient annexés au journal des Débats. Je demande cette permission à la Chambre. Est-ce que la Chambre consent?

M. CADIEUX: D'accord.

M. VAILLANCOURT: D'accord.

M. DEMERS: Je remercie la Chambre qui, avec spontanéité, acquiesce à la demande du président. Peu de gens ont eu à se lever. Je continue mon exposé. La localisation des entreprises de l'industrie du textile revêt une grande importance du point de vue de la décentralisation industrielle. Elles emploient une main-d'oeuvre considérable et constituent souvent la principale source d'emplois dans les régions où elles sont installées, surtout dans les petits centres.

L'industrie cotonnière est concentrée dans la région des Cantons de l'Est; 60% de la production du Québec s'y trouve, et dans la région de Richelieu où s'effectue 25% de la production. Ces deux régions possèdent également presque tous les établissements des textiles synthétiques et des tissus de laine. Le tableau numéro 3 confirme ce que j'avance. Je me prévaux de l'autorisation qui a été donnée et je le remets au page pour le journal des Débats. Je le remettrai tout à l'heure. Il est en dessous de mes documents. (Voir annexe)

Le Québec produit la grande partie des tissus filés et des tissus de coton du Canada. L'industrie cotonnière est traditionnelle au Québec; la seconde est l'industrie synthétique. Voici le tableau numéro 4. (Voir annexe).

La politique commerciale: Dans le commerce international des textiles du Canada, il faut noter que les exportations comptent pour très peu, alors que les importations constituent le facteur important. On note que les importations de coton ont monté de 90% de 1949 a 1963, alors que la demande canadienne s'est accrue de 30%.

Dans les textiles synthétiques, on note un plus grand accroissement de la demande; 36% a été satisfait par les importations qui ont quadruplé. Une baisse de 22% de la demande totale

de la laine s'est faite au détriment des usines canadiennes, alors que les importations ont augmenté. C'est ici qu'entre le tableau numéro 5. (Voir annexe).

Les exportations de textile canadien ont bébéficié d'une stabilité raisonnable. Cependant, bien souvent, il arrive que les ventes canadiennes sont constituées de matières premières destinées à combler les pénuries.

Il y a demande de tissus canadiens à cause de leur variété et de leur nouveauté. De plus en plus, les textiles canadiens sont acheminés vers la Grande-Bretagne. Je donne ici les textiles qui sont exportés dans l'univers et particulièrement vers la Grande-Bretagne. Tableau numéro 6. (Voir annexe).

Les tissus qui sont les plus vendus sont le coton et les fibres synthétiques. L'Australie et la Nouvelle-Zélande importent des quantités croissantes de textiles canadiens, alors que les importations d'Europe servent à combler des pénuries temporaires.

Des importations d'Europe servent à combler des pénuries temporaires. Les importations ont des répercussions sur la fabrication de vêtements et d'autres produits textiles secondaires, car on aurait pu normalement les fabriquer au Canada.

Tableau no 7: (voir annexe) On peut noter, à la lecture de ce tableau, un afflux stupéfiant de tissus étrangers qui freinent l'économie des textiles canadiens. Le Canada est un pays dont les marchés sont ouverts sans contrainte aux importations de textiles manufacturés.

La politique commerciale canadienne — c'est là, à mon sens, que se trouve le problème — dans les produits textiles est désavantageuse pour les producteurs canadiens, du moins, pour certains produits. Les importations massives des pays à faible prix de revient — c'est ce qu'a illustré le député de Saint-Hyacinthe et ce fut corroboré par l'honorable ministre, ainsi que par le député de Drummond, qui a tenu tout à l'heure les mêmes propos — créent un problème par l'afflux sur notre marché de textiles produits à des coûts qui ne sont même pas compétitifs. Ces produits envahissent notre marché canadien et nuisent beaucoup à notre industrie québécoise et canadienne.

La réduction de la valeur du dollar de 1957 à 1963 a amélioré la position concurrentielle du Canada. Cependant, la dévaluation n'a eu aucun effet sur les importations des pays à faible coût de revient, tel le Japon. Le taux de change canadien est un facteur important à envisager dans la solution du problème du textile. Les surtaxes à l'importation ont permis aux producteurs canadiens de démontrer la qualité de leurs pro- duits et de mieux accaparer le marché canadien pour certains produits.

Le système de contingentement semble peu efficace. Le député de Drummond, tout à l'heure, a élaboré sur ce sujet et je n'y reviendrai pas. Souvent, les accords sont partiels et ne sont portés à la connaissance des industriels canadiens qu'à la toute fin de la période pour laquelle ils seront valables.

L'élimination des barrières tarifaires entre le Canada et les Etats-Unis amènerait, à mon sens, la disparition d'une grande partie de l'industrie canadienne dont la productivité est substantiellement moins élevée.

En conclusion, pour le Québec, la politique commerciale canadienne est d'une importance extrême, car, comme on l'a noté et comme on le notera encore sans doute, l'industrie y est fortement concentrée. En effet, en 1964, le Québec possédait plus de 45% des entreprises textiles du Canada et plus de 61% des employés. Quant aux salaires et traitements, la proportion était de plus de 56%, tandis que la valeur des expéditions dépassait 58%.

Je note, dans le Courrier de Saint-Hyacinthe, une nouvelle qui vous intéressera. J'en parle ici afin que ce soit rapporté: «Le comité de l'Institut des textiles industriels du CEGEP de Saint-Hyacinthe entreprendra une tournée des CEGEP de la province pour faire connaître aux étudiants l'option textile, les débouchés dans l'industrie et la possibilité de devenir boursier de la fondation Tex-Cop. Les techniques du textile comprendront deux options distinctes: chimie, teinture; production et contrôle. Les étudiants qui s'Inscrivent à l'une et à l'autre de ces options assistent aux mêmes cours pendant les trois premières sessions afin de compléter leur formation de base. »

C'est une nouvelle qui va remettre le monde du textile à l'écoute des grandes techniques du textile et qui fera peut-être qu'un jour on pourra, dans la province de Québec, avoir un excellent produit. Si on venait à empêcher une trop grande intrusion des marchés étrangers sur le notre, on pourrait ainsi non seulement conserver notre marché, mais le développer à tel point que les gens qui travaillent dans le textile pourraient obtenir des salaires équivalents à ceux qui sont donnés dans d'autres industries.

C'est pourquoi avec infiniment de plaisir, j'appuie la motion du député de Saint-Hyacinthe et demande que, lorsqu'on la transportera à la commission qui a été créée, on puisse l'étudier plus S. fond, après avoir convoqué tous les spécialistes dans le domaine du textile pour que dans la province, un peu partout, dans les petites, les moyennes et les grandes villes,

l'Industrie du textile garde sa place et puisse obtenir sur le marché canadien et étranger cette même place qui lui revient.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député de Stanstead.

M. Georges Vaillancourt

M. VAILLANCOURT: M. le Président, seulement quelques mots sur la motion concernant l'industrie du textile. L'industrie du textile est très importante dans notre province, étant donné qu'elle fournit de l'emploi environ à 50,000 personnes, hommes et femmes. Seulement dans mon comté, le comté de Stanstead, l'industrie du textile fournit de l'emploi à environ 3,500 personnes, si nous incluons les industries du vêtement.

Les industries du textile ont donné les premiers produits qui ont été ouvrés au Québec. Aujourd'hui, cette industrie se classe au deuxième rang dans la province par l'importance de sa main-d'oeuvre manufacturière, après l'industrie du vêtement. Elle surpasse donc, à cet égard, des industries aussi importantes que la fabrication des pâtes et papiers.

Les usines de textile du Québec, comme je le disais tout à l'heure, fournissent plus de 50,000 emplois dans la province de Québec, soit 60% environ du total national et la valeur annuelle de leur production s'établit à quelque $850 millions. Si on fournissait aux usines de textile du Québec l'occasion de poursuivre leur expansion et de répondre aux exigences d'un secteur plus vaste du marché canadien du textile, elle accroîtraient vraisemblablement leurs effectifs de main-d'oeuvre de 17,000 à 18,000, dont un quart environ seraient des techniciens spécialisés et ce d'ici dix ans si cette industrie continue de se perfectionner en maintenant au plus haut niveau possible son rendement, son immobilisation au Canada au cours des six dernières années. Les conditions optimales de rendement n'impliquent pas nécessairement de vastes unités de production, mais une forte proportion de la production du textile dans le Québec, comme dans le reste du Canada, provient massivement des grandes usines dans lesquelles l'industrie s'est concentrée afin d'assurer une échelle de production optimale par rapport aux conditions actuelles du marché. Ce fait est nettement apparent dans les régions du textile prospères comme les Cantons de l'Est et la vallée du Saint-Maurice.

Un équilibre entre les exportations et les importations sur le marché du textile est très désirable pour cette industrie. Notre pays enre- gistre un déficit de la balance commerciale d'approximativement $500,000 au seul chapitre du textile ouvré.

En dernière analyse, l'avenir de l'industrie canadienne dépend de l'importance de l'apport du marché domestique qu'elle sera appelée à servir au regard des importations.

A l'heure actuelle, les importations détiennent au-delà de 40% du marché total canadien des textiles. C'est dans le remplacement de la plupart de ces importations que l'industrie voit ses meilleures chances de progrès.

L'industrie du textile continue ses efforts en vue d'accroître ses exportations. A la suite de campagnes intensives, ses ventes à l'étranger sont passées de $20 millions en 1949 à au-delà de $50 millions en 1966. Un grand nombre de marchés d'exportation demeureront cependant fermés à l'industrie canadienne du textile en dépit des efforts qui ont été faits sur le plan international, notamment par le Kennedy Round, les négociations du GATT.

C'est d'ailleurs un fait économique bien connu qu'aucune industrie ne peut espérer établir un important commerce d'exportation sans d'abord s'être assurée d'une maîtrise raisonnable des marchés domestiques. Aussi longtemps que le Canada n'aura pas adopté une politique des textiles à long terme, l'industrie ne disposera pas d'une maîtrise suffisante des marchés domestiques pour réaliser, son plein potentiel.

En ce moment, une proportion trop grande des marchés canadiens est détenue par les textiles des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l'Europe, de l'Asie et du Japon. En 1954, alors que le Canada gratifiait le Japon d'un traitement de nation plus défavorisée à l'occasion d'une entente commerciale spéciale, les Japonais expédièrent ici pour $4 millions de textile. En 1966, le tout avait atteint approximativement $56,300,000. Et tout indique que l'inondation continue à monter. Par exemple, au cours des années 1964 à 1966 inclusivement, l'augmentation fut de l'ordre de 72.7%.

L'industrie canadienne a tout fait pour s'acclimater à ces importations en invitant la concurrence directe, en cherchant constamment de nouveaux marchés et de nouveaux produits. Jusqu'à un certain degré, ce fut un succès, mais souvent, lorsque la nouvelle ligne était introduite et prouvait qu'elle avait un certain potentiel, les Japonais faisaient irruption sur le marché, copiaient la ligne et, en moins d'une saison ou deux, avaient forcé le producteur canadien, qui avait conçu, développé et promu la ligne à ses propres frais, à se retirer du marché.

M. le Président, les importations en prove-

nance du Japon tendent à être parfaitement compétitives au chapitre de la qualité, mais très inférieures quant au prix et, par le fait même, détruisent toute structure de prix du marché domestique. Cest pourquoi les augmentations des importations, en aussi grande quantité que celles que nous avons connues au cours des récentes années sur un marché de la taille du nôtre, sont considérées excessives.

Le plus grand avantage que possède le Japon sur le marché canadien réside dans les salaires excessivement bas qu'il paie. La moyenne des salaires des employés du textile est approximativement un quart des salaires payés dans notre pays. Et quoiqu'on parle beaucoup des avantages marginaux japonais dans l'industrie du textile, ceux-ci sont inférieurs au rapport que nous connaissons au Canada.

M. le Président, il existe un besoin réel, d'objectifs de marchés auxquels tendraient les efforts, et de l'industrie et du gouvernement, de sorte que les importations ne continuent pas leur pénétration excessive de nos marchés les uns après les autres. Une telle politique définie par l'industrie et le gouvernement du pays pourrait être communiquée à la faveur de négociations internationales aux nations avec lesquelles nous avons des échanges commerciaux.

M. le Président, pour toutes les raisons qui ont été mentionnées par les orateurs qui m'ont précédé, j'appuierai la motion du député de Saint-Hyacinthe, qu'un ordre soit donné au secrétaire de l'Assemblée nationale de faire parvenir sans délai au premier ministre du Canada, le très honorable Pierre-Elliot Trudeau, etc. Merci.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'horable député de Beauharnois.

M. Gérard Cadieux

M. CADIEUX: M. le Président, j'ai voulu demeurer dans cette Chambre pendant quelques minutes — et même quelques heures — afin d'écouter mes collègues parler et donner des arguments en faveur de la motion qui est devant nous.

J'abrégerai énormément mes propos puisque j'aimerais également assister à la séance de l'autre comité qui siège à la salle 91. De toute façon, je voulais que l'on sache que, dans le comté de Beauharnois et plus spécifiquement à Salaberry-de-Valleyfield, un fort pourcentage de la population est embauché dans l'industrie du textile. Si l'on considère que, depuis des années, le chômage tend à augmenter constamment au Québec, je ne puis faire autrement que d'appuyer cette motion et de demander au gouvernement intéressé, le gouvernement fédéral, de trouver une solution à long terme pour régler ce problème de l'industrie du textile. Ce faisant, il pourrait régler un peu le problème du chômage et ceci surtout au Québec.

On l'a dit avant moi, il y a tout de même une cinquantaine de milliers de travailleurs qui sont engagés dans l'industrie du textile, ce qui représente au-delà de 10% de toute la main-d'oeuvre. Dans les comtés comme ceux de Drummond, Saint-Hyacinthe, Stanstead et Beauharnois, cela se chiffre par 20% et souvent jusqu'à 30% de la main-d'oeuvre disponible engagée dans cette industrie du textile.

Dernièrement, à Salaberry-de-Valleyfield, la Dominion Textile a mis à pied tout près de huit cents personnes. Je sais bien que ce n'est pas la faute de la compagnie. Elle doit tenir compte des problèmes économiques auxquels elle a à faire face. Même, je me dois également de féliciter la compagnie, les syndicats et les dirigeants du Centre de la main-d'oeuvre du Canada et du Québec pour avoir mis sur pied un comité de recyclage et avoir tenté de réengager la majeure partie de ces huit cents personnes.

Il y en a quelques centaines qui ont trouvé un autre emploi dans d'autres compagnies et à l'usine de finition à Saint-Timothée, dans le comté de Beauharnois. D'autres personnes, malheureusement, n'ont pas pu se placer ailleurs étant donné qu'il s'agissait de personnes âgées de 50, 55 et souvent de 60 ans et plus. Nous savons que, présentement, à cet âge-là c'est toujours très difficile de trouver un nouvel emploi.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Drummond, celui de Stanstead et les autres qui ont parlé auparavant. Je voudrais relever la suggestion du député de Drummond à l'effet qu'un comité soit formé sans tarder — que ce soit un comité de la Chambre ou un comité interministériel, on pourra l'appeler comme on voudra — qui sera composé des députés des deux côtés de cette Chambre afin que l'on puisse vider la question et se tenir plus au courant des moyens à prendre et des suggestions à faire au gouvernement fédéral. Je crois que ce comité pourrait éclairer les membres de cette Chambre. Il pourrait avoir à sa disposition des recherchistes qui nous soumettraient tout le problème. Il aurait certainement beaucoup de poids dans les propositions que nous ferions au gouvernement fédéral.

En terminant, je voulais souligner que, depuis quelque temps, le gouvernement du Québec a lancé une campagne: Québec sait faire. Mais, à cause de tous les arguments apportés tantôt, parce qu'il y a au-delà de 50,000 personnes qui vivent directement ou indirectement de l'industrie du textile, parce que Québec possède 60% de la main-d'oeuvre engagée dans le textile et ceci à travers tout le Canada, parce que, pour nous, l'industrie du textile est vitale, parce que plus de 10% de toute la main-d'oeuvre québécoise travaille dans l'industrie du textile, je me demande si nous ne pourrions pas demander au gouvernement — et au comité qui sera formé et qui se penchera sur le problème, — d'intensifier sa publicité afin d'inciter les gens à acheter des produits québécois en ce qui concerne le textile.

Ce serait vraiment un moyen très efficace.

Nous pourrions faire comprendre aussi à toute notre population que pour enrayer une partie du chômage, il faut commencer par l'achat chez nous et leur faire comprendre que le Québec sait très bien faire dans le domaine du textile.

Je crois qu'on annonce, que le gouvernement annonce, dans ses émissions « Québec sait faire » plusieurs produits qui n'engagent à toutes fins pratiques que très peu de personnes. Peut-être annonce-t-on des choses qui peuvent engager 50, 100 personnes ici au Québec, et n'insiste-t-on pas assez pour demander aux gens, pour informer les gens que le Québec sait faire dans des domaines qui engagent — on l'a répété et on le redit encore — plus de 50,000 personnes au Québec.

Ce sont quelques suggestions. Je ne veux pas m'étendre plus longtemps. Presque tous les arguments ont été employés par ceux qui m'ont précédé et, comme je le disais tantôt, j'aimerais énormément pouvoir aller siéger à une autre commission qui siège présentement à la salle 91. Alors, pour les arguments que je viens d'apporter, pour les arguments de mes prédécesseurs, je me ferai un plaisir et un devoir de voter en faveur de la motion qui est devant nous.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): J'ai reconnu l'honorable Secrétaire de la province, mais avant le début de son intervention, je voudrais quand même faire une mise au point de la nature suivante:

Lorsque l'honorable député de Drummond a fait son intervention, il y a quelques minutes, la Chambre et la présidence lui ont permis d'excéder de quelque dix minutes le temps normalement prévu d'une demi-heure. J'ai invoqué à ce moment-là le fait qu'il y avait une délégation de pouvoirs de la part du chef de l'Opposition vis-à-vis le député de Drummond. Effectivement, cette raison que j'ai invoquée n'est pas légalement valide, parce que c'est effectivement seulement à l'occasion du débat sur le discours inaugural et sur le discours du budget que le chef de l'Opposition et le premier ministre peuvent déléguer leurs pouvoirs. C'est donc en vertu d'un consentement unanime de la Chambre que l'honorable député de Drummond a excédé la demi-heure permise. Je voudrais bien, si la même situation se présentait pour l'opinant qui vient de demander la parole, que le même consentement lui soit accordé.

M. VAILLANCOURT: Oui, d'accord, M. le Président.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, fort de l'appui de mon honorable ami, le député des Iles-de-la-Madeleine, je voudrais commencer mes remarques en félicitant tout d'abord l'honorable député de Saint-Hyacinthe pour l'argumentation qu'il a apportée au soutien de sa motion, qui retient l'attention et l'intérêt de tous les honorables collègues qui, de près ou de loin, sont intéressés à la question du textile.

Pour quelques-uns, on se surprendra de constater cet après-midi l'absence en cette Chambre de nombreux députés, mais il ne faut pas oublier qu'il faut marier cette intéressante étude à laquelle nous nous livrons cet après-midi avec la marche de l'étude des crédits du ministère de la Voirie et une étude bien spéciale et d'importance primordiale qui se fait également à la commission de la présidence du Conseil exécutif.

Mais ce qui importe, M. le Président, de retenir, c'est l'unanimité qui a jusqu'ici entouré l'étude de la motion présentée par l'honorable député de Saint-Hyacinthe. La question du textile a des implications qui ne sont pas nouvelles, puisqu'en 1953, l'honorable premier ministre, M. Bertrand, saisissait la Chambre d'une motion à caractère identique à celle qu'a soulevée l'honorable député de Saint-Hyacinthe. Il faut vivre dans un comté comme celui que j'ai l'honneur de représenter, pour s'arrêter sur le caractère d'urgence de cette motion et sur la nécessité qu'il y avait de son étude à l'Assemblée nationale. Je m'en voudrais de ne pas rendre un tribut d'hommage à tous les travailleurs du textile de mon comté et spécialement ceux de Louiseville qui, depuis 1929 dans certains cas, sont des employés fidèles, industrieux et dévoués au service des différentes compagnies qui trans-

forment le textile sous une forme ou sous l'autre à Louiseville.

Il me fait plaisir de vous signaler l'intérêt toujours soutenu qu'a apporté la compagnie The Associated Textiles of Canada Limited pour parfaire les connaissances techniques d'un grand nombre de ses employés du textile, qu'elle a dirigés pour des études spécialisées à l'école du textile de Saint-Hyacinthe. Dans certains cas, elle est allée jusqu'à leur accorder des bourses d'étude pour qu'ils aillent se spécialiser en Caroline du Sud et même jusqu'en Australie. Cette compréhension entre l'employeur et l'employé et ce commun accord pour trouver des techniques modernes de production font que la compagnie The Associated Textiles ne souffre pas trop aujourd'hui de cette concurrence que les industriels versés dans la même production doivent rencontrer. Je sais également qu'il y a un autre industriel de Louiseville, M. Alexandre Béland, propriétaire, principal actionnaire et président de la compagnie The Empire Shirt Manufacturing Limited qui s'occupe de la fabrication de chemises depuis 75 ans. Malgré la concurrence rencontrée également dans ce domaine par suite des importations de textiles japonais, coréens et autres — question sur laquelle j'ai l'intention de revenir dans quelques instants — cette compagnie, par des prouesses et par un travail soutenu, ainsi que par des recherches constantes, à maintenu au travail environ 175 employés. Lorsque l'on constate que la compagnie Tooke a fermé deux usines au Québec depuis quelques mois et que d'autres compagnies ont été obligées d'adopter forcément la même attitude ailleurs dans l'Ontario, c'est avec raison que l'on doit se réjouir de l'efficacité de travail et de ce climat d'harmonie, de compréhension et de rendement qui existe entre les employeurs et la main-d'oeuvre hautement qualifiée au service de la compagnie The Empire Shirt Manufacturing Company Limited.

Je me suis toujours intéressé à cette question du textile. Mes premières armes dans la vie publique remontent à 1958, alors que j'étais élu, le 31 mars de cette année, député du comté de Berthier-Maskinonge de Lanaudière. Dès la première session, ouverte le 12 mai 1958, je prenais part au débat sur l'adresse en réponse au discours du trône — c'est l'expression que l'on a conservée à Ottawa — alors que, le 19 mai, je traitais ce problème du textile qui existait au Québec et dans mon comté. Par la suite, c'est avec intérêt que j'ai dû même au sein de mon parti, protester, avec celui qui est devenu juge de la cour des Sessions de la paix, l'honorable juge Maurice Allard, député fédéral du comté de Sherbrooke, contre cette libéralisation de l'importation du textile ou du coton au Canada, au détriment de cette industrie qui existe surtout dans l'Est du pays et spécialement au Québec, pour sauver l'agriculture de l'Ouest Ce n'est pas que nous en ayons eu dans le temps et que j'en aie encore aujourd'hui contre une économie forte de l'Ouest canadien, mais il me semble que le gouvernement fédéral, quelle que soit la couleur politique des éléments constitutifs qui l'ont composé, a toujours négligé d'établir un équilibre entre l'économie de l'Est du pays, dans un secteur spécialisé comme celui du textile, et l'économie que commandait l'agriculture prospère et forte de l'Ouest du pays.

C'est peut-être là une conséquence de ce marché moussé dans la vente du blé canadien que l'on a dû nécessairement consentir à un certain équilibre d'échanges commerciaux. Si, d'une part, le Canada a vendu beaucoup de blé à la Chine communiste, il a fallu qu'il existe cet échange international entre la Chine et le Canada. Alors que l'on ouvrait les portes des greniers de l'Ouest vers la Chine et d'autres pays, nécessairement nous étions en retour inondés d'exportations de ces pays qui, dans trop de cas, affectaient l'industrie du textile, que j'appellerai plutôt l'industrie de l'aiguille. Dans le textile, nous devons également tenir compte de la fabrication des chemises, des blouses, des pantalons et en un mot de tout ce qui est fabriqué de cotonnade ou de textiles synthétiques mais l'on peut résumer en disant qu'il s'agit ici d'une branche connue comme étant l'industrie de l'aiguille.

Dès 1967, alors que j'occupais les fonctions de président de cette auguste Assemblée, je ne me désintéressais pas pour autant de l'intérêt collectif de mes commettants. Le 21 juin 1967, j'adressais à l'honorable député de Champlain, qui cumulait à l'époque les doubles fonctions de ministre du Travail et de ministre de l'Industrie et du Commerce, une correspondance qui commençait dans les termes suivants: « Qu'il me soit permis de vous rappeler l'existence d'un problème dont vous êtes déjà, j'en suis sûr, très bien informé puisqu'il s'agit de la situation du textile dans la province de Québec et spécialement dans mon comté de Maskinongé où l'industrie de l'aiguille est celle où l'embauche est plus élevée ».

Un peu plus loin dans ma lettre, je disais: « Je reconnais volontiers que le commerce international relève de la juridiction fédérale. Mais n'y aurait-il pas avantage à présenter, par exemple, une motion à l'Assemblée législative pour inviter le gouvernement canadien à tenir

compte des intérêts économiques de l'Est du pays, spécialement québécois, en regard de la situation désastreuse actuellement imposée à nos propres industries par l'Indifférence des barrières tarifaires et susceptible de concurrencer au profit des nôtres la production des textiles étrangers où le coût de la main-d'oeuvre est parfois cinq fois moins élevé qu'il ne l'est chez nos fr abricants québécois, le tout sans tenir compte des mesures sociales totalement inconnues comme, par exemple, au Japon, en Chine, aux Philippines, au Pakistan, aux Indes, en Corée du Sud. »

L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque, l'honorable député de Champlain, me faisait tenir réponse en date du 19 Juillet 1967 dans les termes suivants: « Les représentants de l'industrie textile canadienne ont déjà, ces dernières années, maintes fois saisi le gouvernement fédéral de ce problème commercial aigu. Au printemps de 1966, mon prédécesseur au ministère de l'Industrie et du Commerce, l'honorable Gérard-D. Levesque, avait directement porté à l'attention du ministre des Finances du Canada l'intérêt que le gouvernement du Québec attache à l'importante Industrie québécoise du textile et les craintes que suscitait la pénétration croissante de l'industrie du Japon sur les marchés canadiens. « Ces démarches n'ont cependant pas infléchi le cours des choses, ainsi qu'en témoigne la réponse de M. Mitchell Sharp, dont vous trouverez ci-joint les principaux paragraphes ».

Et j'en passe, quant à la teneur de la lettre de l'honorable Mitchell Sharp, qui se trouvait alors ministre, je crois des Finances. Tout cela pour vous dire, M. le Président, que j'abonde dans les remarques faites par l'honorable député de Drummond, qui nous signalait, lors de ses propos, que le gouvernement précédent avait déjà fait une ébauche ou du moins avait lui-même été saisi de cette situation désastreuse qui existe chez nous dans le domaine du textile.

L'honorable ministre du Commerce, dans une lettre subséquente datée le 10 août 1967, me disait ceci: « Comme je vous le mentionnais dans ma lettre le 19 juillet, nous pourrions alors utiliser le procédé d'une motion de l'Assemblée législative, cette procédure ayant obtenu l'agrément explicite du ministère des Affaires Intergouvernementales. Les fonctionnaires de mon ministère ont récemment rencontré les représentants de l'industrie textile du Québec et restent en contact étroit avec eux pour suivre l'évolution de cet important secteur industriel de chez nous. »

Quand on sait quel dynamisme, quel dé- vouement et quel esprit de travail caractérisent l'honorable député de Champlain, vous n'êtes pas sans vous imaginer qu'à maintes reprises, subséquemment, j'ai été verbalement informé du résultat des démarches, du travail accompli par ce comité de fonctionnaires qui avait été chargé d'entrer en communication avec les industriels du textile et également avec les autorités fédérales, pour tâcher de saisir ce problème dans le but, si possible, d'y apporter une solution avantageuse, efficace pour les travailleurs du textile québécois.

Mais l'honorable ministre du Travail d'aujourd'hui, ministre de l'Industrie et du Commerce à l'époque, avait discuté de cette question avec l'honorable premier ministre, feu M. Daniel Johnson. Je m'en voudrais de ne pas vous signaler l'intervention personnelle faite au mois de mai 1968 par feu M, Daniel Johnson sur cette importante question du textile québécois.

Le 24 mai 1968, feu M. Daniel Johnson adressait une lettre à l'honorable premier ministre du Canada, M. Pierre Elliot Trudeau, et cette lettre commençait dans ses termes: « M. le premier ministre, vous connaissez bien l'importance de l'industrie textile dans la vie économique du Québec et vous n'ignorez pas d'autre part, j'en suis persuadé, les perturbations qui agitent depuis plusieurs années déjà les circuits de production et d'écoulement des produits textiles à travers le monde. Cette nouvelle conjoncture très instable et guère encourageante est entièrement dominée par la multiplication des usines de fabrication textile dans les pays où les coûts de production sont peu élevés, et par la recherche par ces mêmes pays de débouchés commerciaux à l'intérieur des pays riches, déjà eux-mêmes producteurs importants mais incapables de faire face à une telle concurrence. »

Et un peu plus loin dans sa lettre, M. Johnson rappelait que, de toutes les provinces canadiennes, le Québec, avec ses 50,000 personnes engagées dans le textile, est certes celle qui ressent le plus vivement les effets alarmants de cette rapide détérioration d'un secteur entier de son industrie.

Revenant à la charge le 12 juin 1968, l'honorable Johnson écrivait au très honorable Pierre Elliot Trudeau une autre lettre dont je tire un extrait qui se lit comme suit: « La politique actuelle de contingentement — l'honorable député de Saint-Maurice a élaboré cette question et je vois qu'il connaît très bien le problème puisqu'il y a également dans son comté beaucoup de personnes intéressées à l'industrie de l'aiguille — alors le premier ministre Daniel Johnson disait donc: — ne per-

met pas aux manufacturiers canadiens de tissus de coton primaire de prévoir la dimension du marché. C'est aujourd'hui qu'il leur faudrait savoir ce que seront les contingents d'exportation en 1969 pour préparer leur production et leur mise en marché. Or, ils ne connaîtront les contingents pour les divers pays qu'au hasard du succès des négociations. « Cest vers la fin de 1969 — remarquez bien que la lettre était en date du 12 juin 1968 — qu'ils sauront ce qu'aurait pu être, dans l'ensemble, le marché que votre gouvernement leur aura réservé cette année-là. »

Des le mois de juillet 1968, l'honorable Daniel Johnson précédait une action arrêtée de certains industriels et des syndicats intéressés directement ou indirectement dans l'industrie du textile et je viens à ce point très brièvement. L'honorable Daniel Johnson disait: « Il s'agit donc de définir un seuil global suffisant pour la production canadienne dans son ensemble, tout particulièrement dans le secteur du coton. Je puis vous assurer, au surplus que les représentants compétents de l'industrie cotonnière entretiennent de très vives appréhensions quant au nouveau code antidumping. »

C'était là le noeud du problème. Cest tellement vrai que, dans le cours du mois d'octobre dernier, nous avons assisté à une action commune de la part des principaux intéressés dans l'industrie du textile. En effet, la Confédération des syndicats nationaux, l'Union des ouvriers du textile d'Amérique, les Ouvriers unis des textiles d'Amérique et l'Institut canadien des textiles ont soumis conjointement au gouvernement fédéral un mémoire pour l'inciter à adopter — et c'est là le noeud, comme je le disais tout à l'heure, de tout le problème du textile au pays et spécialement pour le Québec et l'Est du Canada — une politique commerciale pour les textiles. Ce mémoire a été présenté au cabinet fédéral. C'est un exemple remarquable de bonne entente, d'intérêts communs visés entre, d'une part, employeurs et, d'autre part, employés, pour tacher de maintenir une industrie constamment en butte aux difficultés et aux conséquences d'une importation irrationnelle des produits du textile chez nous.

Cette action commune entre employeurs et employés devrait servir d'exemple dans d'autres domaines de l'activité québécoise afin que dans certains cas nous puissions nous asseoir à la même table pour tacher de trouver une solution à une situation économique que doivent supporter les industriels dans un secteur donné, et d'autre part les employés qui doivent, dans certaines circonstances, comme c'est le cas du textile, faire face à un licencie- ment temporaire ou à un congé temporaire de la part de son employeur aux prises avec un surplus de production qu'il ne peut écouler sur le marché canadien.

Le gouvernement fédéral a prêté une oreille attentive à ce mémoire par les différentes associations qui ont fait front commun pour discuter du problème du textile. Le gouvernement fédéral n'a pas encore — malgré sa bonne volonté, j'en suis sur, et pour des raisons que j'ai préalablement mentionnées — pu trouver ou établir cette politique commerciale pour les textiles, désirée par, d'une part, les industriels et, d'autre part, les syndicats du textile et ce, à cause des implications des échanges internationaux.

Si, d'une part, le gouvernement fédéral veut arrêter complètement l'importation des produits du textile, il en subira nécessairement des conséquences dans son commerce extérieur, se trouvant de plus en plus en butte aux difficultés que présente toujours la vente des produits des cultivateurs de l'Ouest canadien.

Par conséquent, les intéressés ne veulent pas arrêter l'importation. Ils sont prêts à concurrencer l'importation, en autant qu'elle soit maintenue à son niveau actuel. Si les industriels, si les syndicats étaient informés quelques mois à l'avance de la masse globale d'importation de textiles qui entrera au pays, à ce moment-là les industriels pourraient planifier et organiser leur production. C'est ce qu'ils veulent.

La demande de ce groupe d'employeurs et d'employés du textile n'est pas à l'effet d'arrêter toute importation, mais la justification de leur démarche est pour permettre, comme je le disais tout à l'heure, une concurrence dans le domaine de la production et pour établir certaines données qui leur permettront de connaître à l'avance le coût de production d'une marchandise nouvelle sur le marché ou déjà existante dans la catégorie du textile.

L'industrie du textile est au nombre des plus avancées dans le monde de la technologie, et les industriels n'ont pas cessé d'investir pour se donner des usines plus modernes. En effet, depuis huit ans, les industriels en textile ont capitalisé pour un montant de $270 millions.

L'organisation des industries du textile est complète et même très sophistiquée. Mais la difficulté, pour ces industriels, est de connaître jusqu'à quel degré ils seront submergés par l'importation des textiles venant des pays étrangers. Ah, il existe des contingentements ou contingents volontaires, mais, comme le signalait tout à l'heure l'honorable député de Drummond, ces contingentements sont dépassés par toutes sortes d'astuces industrielles. C'est ce qui fait

que les importations, par exemple, du Japon ont dépassé de beaucoup celles dont, volontairement, les deux pays avaient convenu et arrêté.

L'industrie du textile, M. le Président, emploie 110,000 personnes. De ce nombre, environ 50,000 sont directement attachées à l'industrie même du textile, c'est-à-dire à la transformation et à la fabrication du textile. Mais il y a beaucoup d'industries connexes — par exemple, la fabrication de blouses, de pantalons et de chemises — qui viennent grossir cette masse ouvrière Jusqu'à 110,000 employés. Ce sont des gens directement attachés par des industries secondaires ou connexes au textile et qui voient à la bonne marche de cette industrie caractéristique, spécialement au Québec.

Une industrie florissante du vêtement est nécessaire à l'industrie du textile, attendu que des importations perturbatrices de vêtements sont également dommageables à l'une ou à l'autre des spécialités de la production du textile. La situation devient de plus en plus alarmante quand on constate, par exemple, qu'à Drummondville, des 4,200 employés du textile, qui constituent plus de 60% du personnel manufacturier de cette ville, quelque 700 ont été licenciés de façon permanente et 225 autres l'ont été temporairement. Ces chiffres remontent au 1er Janvier 1967, c'est-à-dire que ce licenciement ou que cette réduction de personnel, de l'Importance que Je viens de signaler, s'est écoulée du 1er janvier 1967 au 15 mars 1969.

A Cowansville dans le Québec, le textile compte 1,475 employés. Il est le principal employeur du personnel manufacturier. Une forte proportion de la main-d'oeuvre, soit 350 ouvriers, ne travaille qu'à temps partiel, devant chômer une semaine toutes les cinq ou six semaines. La situation est-elle différente à Montmorency? La population de cette ville est de 6,000 habitants, environ. L'usine textile de l'endroit, qui depuis longtemps employait 947 personnes, n'en occupe plus que 799. Or, nous savons que c'est la seule industrie d'importance dans cette ville.

A Magog, une population de 13,800 habitants, environ. Le textile occupait, depuis longtemps, 85% de la main-d'oeuvre. Cette proportion a été beaucoup moindre au cours de l'année écoulée; il y a beaucoup de chômage chez les employés du textile. Ces bouleversements et ces pertes économiques pour des travailleurs condamnés au chômage total ou partiel seraient facilement évitables s'il était possible de planifier cette industrie dans le cadre d'une politique bien comprise. Mais, les conditions présentes déjouent toutes les prévisions en obligeant les entreprises à prendre des mesures parfois improvisées, voire brusquées, pour faire face aux changements imprévisibles du marché, changements causés par les importations à faible coût de revient.

Il faut quelque assurance de stabilité pour que les travailleurs jouissent d'un niveau de vie économique et social convenable, ce qui ne pourra pas leur être accordé si l'industrie du textile est en butte aux mêmes difficultés et conséquences d'importation qu'elle vit et qu'elle traverse actuellement.

Quand on considère les importations chez nous dans le domaine du textile, on est en droit de se demander quel avenir est réservé à cette industrie qui est la troisième en importance au pays pour la main-d'oeuvre et la plus nombreuse et la plus importante au Québec.

Qu'il me soit permis de vous fournir certaines données qui émanent du Bureau de la statistique du Canada, où on retrouve que dans l'industrie première et l'industrie des métaux et transport, le nombre d'employés au Canada est de 374,713, dont 87,598 au Québec.

Dans le commerce des aliments et boissons, au Canada, 223,713; au Québec, 55,506. Textiles et vêtements, nombre total d'employés dans cette branche de notre Industrie canadienne: 181,450; pour le Québec seulement, 108,345. Par conséquent, l'industrie du textile et du vêtement est la première quant au nombre d'employés embauchés au Québec. Si l'on tient compte des difficultés et des conséquences de l'importation, nous verrons que cette industrie est de plus en plus menacée au Québec Le tout comme conséquence d'Importations vraiment alarmantes. Ainsi, par exemple, pour l'importation des tissus mélangés rayonne-polyester nous avons comme importation totale, en 1967, 516,700 Uvres. En 1968, 934,000 livres. Par conséquent, augmentation de plus de 80%. Venant du Japon, 143,900 livres en 1967; en 1968, 269,000 livres, augmentation de 86.9%. C'est là que je rejoins certains chiffres donnés par mon honorable ami le député de Stanstead lorsqu'il a parlé de cette question, il y a quelques instants.

Pour les tissus mélangés de polyester-coton, qui sont encore des importations de textiles en partie synthétiques mais qui sont également fabriqués au Québec — si ces importations étalent d'avance contingentées, notre industrie textile, spécialité de polyester-coton, ne serait pas dans l'obligation de réduire son personnel, comme je l'ai mentionné il y a quelques instants —. Les importations totales en 1967 ont été de 2,876,300 livres; en 1968, de 6,305,700 livres. Donc, augmentation de 140.9% en une année.

Le tissu des vêtements, qui est une branche du textile comprise dans ce catalogue ou cette catégorie que je décrivais comme étant l'industrie de l'aiguille, n'échappe pas non plus aux conséquences de l'importation puisque, par exemple, pour ce qui a trait aux chemises en 1967, il s'est importé 509,000 douzaines de chemises de coton. En 1968, 312,300 douzaines. Par conséquent, une réduction de 38.7%. Déjà, on pourrait commencer à crier: Victoire! Mais cette production de coton est remplacée par une production synthétique qui vient englober et déséquilibrer davantage cet écart entre la consommation canadienne et la production canadienne, parce que nous verrons tout à l'heure qu'il s'importe près de 14 millions de chemises de l'étranger, en une année, au Canada.

Les importations de chemises synthétiques en 1967 ont été de l'ordre de 535,400 douzaines. En 1968, 988,700 douzaines. Par conséquent, augmentation de 84.7%, comparativement à 99,400 douzaines en 1963, dans le domaine synthétique, c'est 988,700 en 1968. Dans l'espace de cinq ans, seulement dans le domaine de la chemise en tissu synthétique, en a subi une concurrence d'importation de 900,000 douzaines de chemises. Pour ce qui est des autres, nous avons, en 1967, 28,300 douzaines d'importation; en 1968, 145,500 douzaines. C'est donc dire, entre 1968 et 1967, une augmentation de 414%.

Quand je parle d'autres, cette catégorie comprend les mélanges de coton et de fibres synthétiques dans lesquels la proportion synthétique est 50% inférieure en poids. Les pays asiatiques sont les plus importants exportateurs de chemises. Ils figurent ensemble pour 92.7% et 95.9% du total des importations de chemises au Canada en 1967 et 1968. Les blouses sont encore un secteur de l'industrie de l'aiguille, et, encore là — je vais me dispenser de donner tous ces chiffres — nous en arrivons à une augmentation d'importation en 1968, comparé à 1967, de 12.9%.

M. VAILLANCOURT: Déposez vos tableaux.

M. PAUL: C'est trop barbouillé. Ce n'est pas que je ne voudrais pas être agréable, mais peut-être que, si l'occasion nous est donnée de nous rendre à la demande de l'honorable député de Drummond, nous pourrons analyser de près ces chiffres. Vous comprendrez qu'étant avocat, je ne suis pas un manufacturier de chemises. Comme je le disais tout à l'heure, je suis toujours intéressé à cette industrie de l'aiguille. Les données que j'ai sont très bien contrôlées et proviennent de certains gros fabricants de chemises.

Par exemple, dans le cas de la chemise, il arrive que l'on puisse trouver sur le marché canadien des chemises synthétiques au coût de $20 de moins la douzaine que le prix d'achat du coton pour fabriquer ces chemises ici au Québec. Cela fera sans doute l'affaire des familles nombreuses qui peuvent se procurer du vêtement à bon compte. Mais, d'un autre coté, les conséquences...

M. VAILLANCOURT: Est-ce que vous parlez de l'importation venant du Japon?

M. PAUL: De tous les pays.

M. VAILLANCOURT: De tous les pays.

M. PAUL: Et, si vous permettez, je pourrais vous donner quelques chiffres concernant la chemise. Je sais que mon honorable ami peut être intéressé par ces données. On a importé en 1968 — les statistiques que je donne sont toutes pour 1968 — 13,800 douzaines de chemises de la Pologne. C'est du coton véritable.

M. LAPORTE: En 1968? M. PAUL: En 1968.

M. LAPORTE: Pour le gouvernement de l'Union nationale?

M. PAUL: Je crois que l'honorable député de Chambly...

M. LAPORTE: On aurait dû lancer des oeufs communistes sur ces chemises-là.

M. PAUL: ... aurait dû... Je comprends qu'il était pris ailleurs, mais nous avons analysé les conséquences des importations.

M. LAPORTE: Oui. Moi, ce n'était pas ces conséquences que j'analysais. Je le regrette.

M. PAUL: Si on avait frappé...

M. VAILLANCOURT: Cest une vieille histoire.

UNE VOIX: ... vous avez frappé...

M. PAUL: Non, nous avons frappé et les industriels québécois frappent des noeuds dans la concurrence à laquelle ils doivent faire face dans la production de la chemise, du coton ou de la chemise.

La Roumanie, 4,000 douzaines de chemises

de coton importées en 1968; de Hong-Kong, alors que le quota volontaire ou l'entente internationale entre le Canada et Hong-Kong est de 142,000 douzaines de chemises, nous avons importé 800,700 douzaines de chemises, 166,600 douzaines de synthétiques, alors que le quota était de 75,000 douzaines, nous en avons importé 228,800 douzaines. Par conséquent...

M. VAILLANCOURT: De quel pays?

M. PAUL: De Hong-Kong. De la Chine communiste, les chiffres, encore là, nous démontrent une importation extraordinairement concurrentielle et néfaste pour notre industrie de l'Est du Québec et notre industrie québécoise.

M. VAILLANCOURT: Est-ce de l'importation au Canada ou au Québec?

M. PAUL: Au Canada. Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression qu'il existe des barrières tarifaires entre le Québec et les autres provinces. Je souhaite qu'il n'en existe jamais.

M. VAILLANCOURT: Moi de même.

M. PAUL: Mais ce qu'il est important de souligner, c'est que nous avons des importations qui nous viennent du Japon, de Tai-Wan, de la Corée, de la Malaisie, de Singapour, de ports d'Asie, des Etats-Unis et d'ailleurs. Par conséquent — c'est là que je soutiens l'argumentation ou le chiffre que j'ai donné tout à l'heure — nous importons 1,446,000 douzaines de chemises par année. C'est une branche de l'industrie du textile.

M. VAILLANCOURT: Est-ce que vous avez le montant en dollars?

M. PAUL: Malheureusement non, mais je ferai remarquer à mon honorable ami qu'il a été tout à l'heure très juste dans ses remarques. Quand on sait qu'au Japon, actuellement, on paie les ouvriers $0.35 l'heure pour la fabrication de la chemise alors qu'ici au Québec et au pays... J'ai certainement les données ou les chiffres où l'on parle de cette question de salaires et d'importations —

M. VAILLANCOURT: Moi, j'ai dit que le salaire au Japon était d'environ le quart de la moyenne du salaire au Canada, au Québec.

M. PAUL: C'est ça. Alors que les chiffres officiels sont de 5% plus élevés dans la moyenne du pays.

Au Canada, nous importons pour $19.32 per capita de textiles alors qu'aux Etats-Unis on en importe pour $10.89. Le tout résulte d'une difficulté économique à résoudre entre cette diversité de production que l'on rencontre chez nous entre l'ouest et l'est du pays.

Il n'est pas surprenant que les conséquences de cette concurrence internationale qu'il faut subir, je l'admets, mais qu'on devrait contrôler, que les effets de ces procédés de pénétration sur les industries canadiennes soient nombreux et variés. Il a fallu abandonner la production de séries importantes, fermer des usines en grand nombre, mettre à pied beaucoup d'employés — je vous ai donné certains chiffres tout à l'heure — enrayer la croissance de régions prometteuses du marché, fragmenter la production parce que les importations ont remplacé des articles fondamentaux, baisser considérablement le niveau des prix, diminuer l'emploi au lieu de l'accroître, limiter l'amélioration du niveau de vie des employés et laisser remplacer par des importations à faible coût de revient le volume de nombreux produits canadiens sur notre marché au détriment des importations de source traditionnelle.

Je termine ici mes remarques.

J'aurais quelques données que je réserverai pour l'éventuelle commission susceptible d'être créée, peut-être une commission de l'Industrie et du Commerce, où l'on analysera tout ce problème afin que nous puissions faire aux autorités fédérales des suggestions à court et à long termes.

Je ne blâme pas les autorités fédérales parce que, comme je le disais tout à l'heure au début de mes remarques, j'ai vécu la même situation alors que j'étais député fédéral et que j'ai fait, en quelque sorte, les mêmes recommandations que je fais aujourd'hui. Il est à espérer que l'honorable ministre de Drummond, M. Pepin, puisse, au cours de ces négociations, trouver une solution pour limiter la masse globale d'importations, plutôt que de transiger à l'unité avec les pays exportateurs de textile.

Je sais que l'Assemblée nationale a étudié cette question avec beaucoup d'objectivité. Au lieu de partir en guerre et de reprocher à l'autorité fédérale de ne rien faire pour cette question, il faut plutôt faire une pression digne par la voie du secrétaire de l'Assemblée, consécutivement à une motion qui, je l'espère sera adoptée par l'Assemblée nationale, afin que les autorités fédérales puissent, si possible, se pencher avec plus d'urgence sur le caractère économique d'importance primordiale

que représente l'Industrie du textile, chez nous, au Québec.

Quand nous constatons que, dans la ville de Montréal, il y a environ 50,000 hommes ou femmes qui gagnent leur vie dans un secteur ou dans l'autre du textile et que de nombreux employés sont remerciés temporairement de leurs services, pour une période, d'une, de deux, de trois ou de quatre semaines, à des intervalles malheureusement répétés, je crois que ce problème devient d'intérêt général pour tout le Québec.

Il est intéressant de constater que, dans l'étude de problèmes à caractère économique, il y a toujours possibilité de se pencher sur des problèmes, de les sortir de l'ornière politique et d'analyser l'objectivité avec laquelle les députés ont participé à ce débat. Ce sont autant de facteurs qui contribueront sûrement à faire pression sur le gouvernement fédéral, pour que le problème soit résolu et qu'on se rende à la demande présentée lors du mémoire soumis au gouvernement fédéral l'automne dernier, afin que les producteurs de textile puissent être prévenus, non pas à la fin d'une année de calendrier, mais quelques mois avant le début d'une nouvelle année de calendrier, sur ce que sera la masse globale d'importations. Ainsi, nos industriels, comme ils l'ont mentionné dans leur mémoire, sont disposés à faire face à la concurrence pour garder un équilibre économique à travers tout le pays, pour que cette industrie qui nous intéresse de près au Québec et dans l'est du Canada puisse continuer à procurer des emplois nombreux à ceux-là qui, en certains cas, y ont passé leur vie, comme chez nous, par exemple, à Louiseville, où il y a des employés qui gagnent leur vie à la compagnie The Associated Textile depuis près de quarante ans.

Je sais que la situation existe ailleurs dans la province également. C'est avec beaucoup de plaisir que j'appuie la motion présentée par l'honorable député de Saint-Hyacinthe.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. LAPORTE: Est-ce que l'honorable député de Saint-Hyacinthe entend exercer son droit de réplique?

M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable député de Saint-Hyacinthe sera-t-elle adoptée?

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. PAUL: M. le Président, avant de proposer l'ajournement de la Chambre, je voudrais rappeler l'ordre des travaux pour demain. Nous pourrions siéger de dix heures trente à midi trente, ou peut-être jusque vers une heure, afin de permettre à l'honorable député de Mercier, si le temps est nécessaire, de compléter son discours parce que nous reprendrons le débat sur le budget.

Par la suite, nous pourrions, de consentement unanime, procéder à l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture ici en haut et, en bas, à l'étude des crédits de la Voirie, afin de permettre à nos honorables amis de commencer à se préparer à cette atmosphère de colloque, qui nous les ramènera, lundi, remplis d'un esprit de collaboration vraiment remarquable et soutenu, comme celui que nous avons connu depuis le début de la présente session.

M. CADIEUX: Une « colloquaboration ».

M. LAPORTE: Je me sens vraiment trop ému pour répondre au ministre.

M. PAUL: Réservez-vous. M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain matin, dix heures trente.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin, dix heures trente.

(Fin de la séance: 17 h 59)

ANNEXE Référer à la version PDF 1438 page

ANNEXE Référer à la version PDF 1439 page

ANNEXE Référer à la version PDF 1440 page

ANNEXE Référer à la version PDF 1441 page

ANNEXE Référer à la version PDF 1442 page

ANNEXE Référer à la version PDF 1443 page

ANNEXE Référer à la version PDF 1444 page

ANNEXE Référer à la version PDF 1445 page

Document(s) associé(s) à la séance