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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mardi 28 octobre 1969 - Vol. 8 N° 72

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures cinq minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de M. Jean-Jacques Croteau

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai l'honneur de vous présenter M. Jean-Jacques Croteau, député du district électoral de Sainte-Marie. M. Croteau a prêté le serinent prévu par la loi et réclame maintenant le droit de siéger.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics. Affaires du Jour.

L'honorable chef de l'Opposition.

Questions et réponses

Employés d'hôpitaux

M. LESAGE: Je voudrais demander au maire réélu de Saint-Jean-des-Piles s'il est survenu, dans le conflit qui met aux prises, d'un côté, le gouvernement et les hôpitaux, et, de l'autre, les employés d'hôpitaux ou une partie des employés d'hôpitaux, des développements dontil voudrait mettre la Chambre au courant.

M. BELLEMARE: Je remercie, d'abord, l'honorable chef de l'Opposition de ses aimables félicitations. Ce fut une lutte sensationnelle, une opposition farouche. Il est vrai qu'en fin de semaine nous avons été pris par une représentation à Ottawa, au Bureau international du travail, dont nous fêtons présentement le 50e anniversaire par des assises qui se tiennent sous la présidence de l'honorable M. Bryce Mackasey, le ministre du Travail à Ottawa.

Je suis revenu, il n'y a pas très longtemps, pour reprendre mes activités ici, en Chambre. Je dois dire que, demain matin, nous avons une réunion générale avec le ministre attaché à la Fonction publique, avec les officiers du ministère de la Santé, avec l'honorable député de Montmagny, ainsi que l'honorable ministre d'Etat à la Santé, de même que toute la table de négociation patronale et les principaux représentants du ministère du Travail, c'est-à-dire le sous-ministre en titre, le sous-ministre adjoint et moi-même.

Cette réunion est convoquée pour demain matin, neuf heures trente. Nous pourrons, je pense, dans le courant de la journée de demain, probablement annoncer à la population et surtout à ceux qui sont à la table des négociations les mesures nouvelles que nous entendons prendre et que nous recommanderons au Conseil exécutif, mercredi soir, lors d'une séance du conseil.

M. LESAGE: J'espère que l'Esprit-Saint inspirera tous ceux qui seront à cette réunion demain et que les lumières d'en haut pourront les aider à préparer des propositions qui, éventuellement et dans un délai assez bref, je l'espère, amèneront un règlement de ce conflit qui inquiète énormément tout le monde.

Il est clair que le ministre ne sera pas en mesure demain après-midi de nous dire ce qui sera offert à la table des négociations.

M. BELLEMARE: Le chef de l'Opposition a dit « offert ». Il ne faudrait pas que demain, dans les journaux, on dise que le ministre du Travail a dit « offert ».

M. LESAGE: Non, c'est moi qui l'ai dit.

M. BELLEMARE: Ah bon! Parce qu'il y a une grande différence.

M. LESAGE: Disons que je suis réaliste. M. BELLEMARE: Un devint

M. LESAGE: Ce n'est pas nécessaire d'être un grand devin pour savoir que la réunion de demain est une réunion pour réexaminer toute la situation et voir quelles seraient les modifications à apporter aux offres patronales afin d'entraîner l'adhésion de la partie syndicale. C'est clair.

J'espère que jeudi...

M. BELLEMARE: Vous n'avez pas lu les deux articles de...

M. LESAGE: ... le ministre sera en mesure de me donner des nouvelles et de bonnes nouvelles.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

Présence en Chambre du député Desmeules

M. LAPORTE: M. le Président, invoquant l'article 193 de notre règlement: « Est réputée

question de privilège toute question qui concerne les droits de la Chambre prise comme corps, sa sécurité, sa dignité ou la liberté de ses délibérations, ou qui concerne les droits, la sécurité, la conduite ou l'honneur des députés considérés individuellement... » je voudrais poser au premier ministre et au ministre de la Justice la question suivante: Est-ce qu'il est vrai, selon des renseignements qui me sont parvenus ce matin, que le député de Lac Saint-Jean, M. Léonce Desmeules, serait absent de cette Chambre parce qu'il est actuellement séquestré dans le comté de Lac Saint-Jean où des gens ont pris des moyens physiques pour le forcer à assister ce soir à une assemblée relativement au bill 63?

UNE VOIX: Il est en haut

M. BERTRAND: Je n'ai absolument aucune nouvelle à ce sujet...

M. BELLEMARE: On va faire enquête immédiatement.

M. BERTRAND: ... mais nous allons nous enquérir immédiatement. Je demande à notre whip, M. Lavoie, de bien vouloir communiquer avec le comté, sans délai.

M. LAPORTE: J'ai reçu ce matin un appel téléphonique en provenance du lac Saint-Jean me disant: Je serais très étonné que le député Desmeules soit à son siège. Nous avons pris les dispositions pour le garder manu militari parmi nous.

M. BELLEMARE: On dit qu'il est ici, quelqu'un l'a vu.

M. LAPORTE: Puisqu'il a été vu!

M. BERTRAND: J'obtiens des renseignements à l'instant.

M. LAPORTE: Il s'est échappé? M. BELLEMARE: instanter.

M. LAPORTE: D'ailleurs, on sent qu'il a toute la force voulue pour résister à une attaque!

M. BERTRAND: La réponse vient d'entrer. M. ROY: Il vous a passé entre les pattes.

M. BELLEMARE: Il faudra faire attention à vos « télégraphes ».

M. LAPORTE: Vous...

M. BERTRAND: Il vient de passer à une élection.

Evasion de prisonniers

M. LAPORTE: Je voudrais demander au ministre de la Justice, les nécessités de l'Opposition étant ce qu'elles sont, ses commentaires aussi précis que possible sur une accusation presque directe qui a été portée contre lui à l'effet qu'il est responsable, le ministre de la Justice, de l'évasion spectaculaire de neuf prisonniers à Montréal la semaine dernière.

M. PAUL: Je ne savais pas que je pouvais en être responsable. De toute façon, je crois que l'honorable député de Chambly se réfère à une déclaration du président du Syndicat des agents de la paix, M. Pion. J'ai déjà rencontré à deux reprises différentes M. Pion avec quelques membres de son exécutif aux fins de connaître la nature des plaintes qu'il avait à porter sur le personnel qu'il avait à sa disposition et quant aux recommandations qu'il avait l'intention de soumettre au ministère de la Justice pour, d'après lui, apporter quelques réformes ou mesures de sécurité additionnelles à celles qui existent déjà. Nous avions convenu d'une rencontre, le ou vers le 17 novembre, avec M. Pion et son exécutif. Je suis surpris d'apprendre la réaction de M. Pion. Sans doute qu'il a été poussé à faire cette déclaration pour des raisons que j'ignore totalement.

J'ai déjà informé cette Chambre qu'un rapport du Dr Gauthier, directeur du service de la probation, m'avait assuré que toutes les mesures de sécurité avaient été prises et que des modifications avaient été apportées suivant les recommandations de la commission Prévost, mais il demeure toujours assez difficile d'obtenir le maximum de protection et d'efficacité lorsqu'il est hors de tout doute que des interventions se font de l'extérieur.

Je déclare à nouveau, M. le Président, que l'enquête menée en cette affaire n'est pas encore complétée. J'ai discuté de cette question hier avec M. le directeur de la Sûreté du Québec, et je regrette que M. Pion m'attribue l'évasion massive de neuf détenus le ou vers le 18 octobre dernier. De toute façon, je vais prendre connaissance de la déclaration de M. Pion pour voir quelle pourrait être la meilleure conduite à tenir dans les circonstances.

M. LAPORTE: M. le Président, ce n'est pas nécessairement une question supplémentaire,

mais M. Pion ayant déclaré catégoriquement que l'on avait demandé au ministre de la Justice de donner plus de protection au fourgon qui sert à transporter les prisonniers et que cette protection n'a pas été accordée, lorsque le ministre pourra étudier la question, comme il nous le suggère, f aimerais qu'il éclaire cette Chambre sur cette accusation précise portée par M. Pion.

M. PAUL: Sur ce point précis, M. le Président, Je dois dire qu'aucune demande en ce sens n'a été présentée ou portée à mon attention par M. Pion.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

Centre d'accueil Saint-Vallier

M. MICHAUD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. Est-ce que ce dernier a pris connaissance d'une pétition signée par plusieurs centaines de citoyens du quartier Saint-Edouard, situé dans le comté de Gouin, au sujet des conditions désastreuses qui sont faites au Centre d'accueil Saint-Vallier? Dans l'affirmative, est-ce qu'il entend prendre une décision à brève échéance?

M. PAUL: Je n'ai pas encore été saisi de la requête dont parle l'honorable député de Gouin. Je vais m'informer immédiatement si cette requête m'a été adressée, et si elle n'est pas de ma compétence, je verrai à communiquer avec mon collègue concerné pour pouvoir discuter de tout le problème.

M. MICHAUD: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Jacques-Cartier.

Compagnie Daly à Morin

M. SAINT-GERMAIN: Ma question s'adresse, M. le Président, au ministre du Travail.

Est-ce qu'il y a des développements nouveaux au sujet des pourparlers en vue de résoudre la grève de Daly à Morin, à Lachine?

M. BELLEMARE: En ce qui concerne la grève de Daly à Morin, je dois dire que la semaine dernière M. Daly le père et son fils sont venus rencontrer, au bureau de Montréal, nos officiers, nos négociateurs ainsi que M. Moreau, particulièrement, qui est le négociateur en chef à Montréal. De longues séances se sont tenues pour régler ce malheureux conflit.

Il ne restait que quatre points à régler jeudi. C'est-à-dire les contrats à forfaits, la sécurité syndicale, les mésententes et la question salariale, qui n' était pas dans le cas, je pense, la plus importante. Ce qu'on voulait surtout obtenir de la compagnie, c'était la sécurité syndicale, c'est-à-dire l'atelier complet.

J'étais particulièrement confiant vendredi, lorsque, ayant réglé presque toutes les questions normatives, on s'était entendu sur une certaine formulation de la sécurité syndicale dans l'usine même. Pour donner plus de poids à cette entente, on a décidé de soumettre le tout aux employés, mais par bulletin secret. Je dois dire, malheureusement, qu'après tous les efforts que nous avons tentés, malgré toutes les concessions qui ont été faites de part et d'autres — particulièrement de la compagnie qui a été très loin dans la reconnaissance d'un atelier syndical — un vote a été pris, et c'est à 80%, vendredi, qu'on a refusé d'accepter le compromis offert.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Olier.

M. PICARD (Olier): M. le Président, une question additionnelle au ministre. Est-il au courant que la compagnie Daly à Morin, d'après un renseignement que j'ai reçu à 2 h 45 cet après-midi de la part d'un des directeurs de la compagnie, se voit maintenant forcée de déménager en Ontario et qu'actuellement, au moment où je vous parle, il y a déjà pour $120,000 d'équipement de déménagé dans une de ces villes de l'Ontario où était auparavant une succursale de la compagnie, qu'on a embauché 50 nouveaux employés pour la fabrication des stores de toile et que, même s'il y avait un règlement du conflit, ces 50 employés seraient maintenus à leur poste en Ontario, et que cette division de la compagnie ne reviendra pas au Québec?

M. BELLEMARE: Je dois dire, malheureusement, que l'honorable député d'Olier a parfaitement raison. C'est bien regrettable qu'on n'ait pu trouver un terrain d'entente. M. Daly lui-même, le père, m'a officiellement dit que c'était fini et qu'il déménagerait toute son industrie, si possible, d'ici trois mois.

M. PICARD (Olier): Question additionnelle au ministre. Le ministre est-il au courant que les deux seules clauses qui empêchent la solution de ce problème sont, premièrement, la clause de l'atelier fermé — il n'y a pas de compagnie au Canada qui l'ait accordée encore, exception faite de l'industrie du vêtement — ; deuxièmement, que les griefs soient applicables

à n'importe quoi et non pas seulement aux contrats signés, que la question salariale, en autant que la compagnie Daly à Morin est concernée, est réglée à la satisfaction et des syndicats et des employeurs.

M. BELLEMARE: Le député a raison. La compagnie a offert une formule mitigée d'atelier parfait, avec la seule restriction qu'elle pourrait engager sa main-d'oeuvre où elle le désire. En advenant l'exclusion du syndicat d'un membre, l'employé concerné aurait le droit de soumettre son cas à l'arbitrage, et en vertu de la clause de sécurité syndicale que la compagnie a offerte, ils auraient l'obligation de le congédier. Cela, c'est la formule soumise. Je pense que c'est le plus loin que pouvait aller la compagnie Daly à Morin. Je connais particulièrement le cas et c'est une espèce de « pattern » qu'on veut faire dans tout cet alignement d'industries qui ne l'ont pas, contrairement à ce qui existe dans le vêtement où cette clause existe.

La compagnie Daly à Morin, malheureusement, ne pouvant pas porter toute cette responsabilité, se voit dans l'obligation maintenant de mettre ses 400 hommes à pied d'ici à trois mois.

M. LE PRESIDENT: Affaires du Jour.

Bill 63 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la deuxième lecture de la Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec.

L'honorable ministre de l'Education.

M. FLAMAND: M. le Président, j'invoque le règlement.

M.. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il faut, quand même, que j'entende l'honorable député de Rouyn-Noranda.

Question de privilège Motion de division

M. FLAMAND: M. le Président, j'invoque le règlement de cette Chambre qui nous permet d'intervenir, dans le cas que je vais citer, sur toute motion qui est discutée à partir du moment où elle est prise en délibéré jusqu'au moment où elle est mise aux voix. Je me lève sur un point d'ordre et je voudrais invoquer les articles 231 à 235 de notre règlement, chapitre 14, intitulé « Des motions portant division d'une question complexe ».

Afin que nous connaissions tous exactement le problème que nous allons étudier, vous me permettrez, pour le bénéfice de cette Chambre, de résumer brièvement les articles 231 à 235. L'article 231 déclare que, « sur la motion non annoncée de tout député, la Chambre peut ordonner qu'une question complexe en délibération soit divisée. »

M. BELLEMARE: C'est contre le règlement, totalement. D'ailleurs, M. le Président, ce n'est pas l'endroit de le faire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il faudra remarquer que l'honorable ministre de l'Education a déjà proposé la motion de deuxième lecture et qu'il s'agissait d'une motion annoncée. Je pense que, dans ces circonstances, à moins qu'on ne me signale une irrégulairté, je dois céder la parole à l'honorable ministre de l'Education. L'honorable député de Rouyn-Noranda aura le privilège d'intervenir à un autre moment.

M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL; M. le Président, le projet de loi 63 pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec stipule que les cours dispensés dans les écoles publiques, de la première à la onzième année inclusivement, sont donnés en langue française. Il s'agit de l'article 2 de ce projet de loi.

Le projet de loi prévoit même, en ce qui concerne les enfants dont les parents demanderont que ces cours soient donnés en langue anglaise, que les programmes d'études et les examens doivent leur assurer une connaissance d'usage de la langue française.

De plus, l'article 1, amendant la Loi du ministère de l'Education impose au ministre l'obligation d'établir des programmes et de déterminer des examens qui assureront que les étudiants fréquentant toutes ces institutions, comme le dit le projet, acquièrent cette connaissance d'usage de la langue française. Le ministre, d'ailleurs devra prendre les mesures nécessaires à cette fin.

Enfin, le projet de loi stipule que le ministre de l'Immigration doit prendre, de concert avec le ministre de l'Education, les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent, dès leur arrivée, la connaissance de la langue française.

Je pense qu'à cette heure, ces dispositions du projet de loi, résumées en trois articles, spnt bien connues. Je crois qu'il convient maintenant d'expliquer plus avant un point particulier qui concerne plus directement l'éducation, à savoir ce que signifie pour nous « langue d'usage ».

La langue d'usage, dans notre esprit, c'est une langue que l'on possède suffisamment pour pouvoir l'entendre, la parler et l'écrire de façon qu'elle constitue un outil utilisable dans toutes les circonstances ordinaires de la vie. Il s'agit d'une notion vivante appelée à évoluer au fur et à mesure que seront franchies les différentes étapes vers la primauté du français dans les faits.

A ce sujet, l'article 1 du projet de loi actuellement a l'étude stipule que le ministre de l'Education doit prendre les dispositions nécessaires pour que les programmes d'étude, édictés ou approuvés, et les examens qui les sanctionnent assurent une connaissance d'usage de la langue française aux enfants à qui l'enseignement est donné en langue anglaise dans toutes les institutions qui tombent sous la juridiction du ministère, c'est-à-dire tous les niveaux Jusqu'à l'université exclusivement.

Dans cette perspective, je puis informer l'Assemblée que le ministère de l'Education a déjà effectué des recherches et rédigé une étude sur l'enseignement en français dans les écoles de langue anglaise. Ce document de travail a été examiné par les sous-ministres et constitue un point de départ en vue d'assurer l'introduction progressive du français comme langue d'enseignement dans les écoles de langue anglaise.

Cette étude sur l'introduction progressive du français comme langue d'enseignement dans les écoles de langue anglaise a été basée sur l'hypothèse suivant laquelle cet enseignement pourrait atteindre jusqu'à 40% de l'horaire d'un élève au secondaire, dans une école anglaise.

Le ministère étudiera plus avant les conditions pédagogiques et techniques qui devront prévaloir pour l'introduction progressive de cet enseignement, en tenant compte de la motivation des élèves, de l'équipement, des ressources disponibles en professeurs, etc.

Les questions d'ordre pédagogique se rapportent, par exemple, au degré nécessaire de connaissance du français comme langue seconde avant qu'on puisse utiliser cette langue seconde comme langue d'enseignement.

Il faudra également choisir les matières pour lesquelles la langue d'enseignement sera le français, choisir les méthodes pédagogiques et les moyens techniques pour assurer le succès de cette entreprise. Evidemment, comme la loi le prévoit, au niveau des examens, on tiendra compte du caractère progressif de cette introduction du français.

Tout ceci sera réalisé en tenant compte de la nécessité et de l'avantage de motiver des élèves vis-à-vis d'un tel enseignement, l'enseignement étant une participation des élèves eux-mêmes à la tâche des enseignants.

M. le Président, nous entretenons l'espoir que, par de telles mesures, introduites au niveau des programmes d'enseignement et vérifiées par les examens, maintenant entière responsabilité de l'Etat, nous pourrons faire contrepoids aux incitations à l'anglais que fournit naturellement notre environnement en Amérique du Nord, tant par l'attraction économique que par les moyens de communication.

M. le Président, il a été dit que ce projet de loi constituait une étape dans la politique globale de la langue que notre gouvernement entend établir. C'est, en tout cas, quant au ministère de l'Education, une première étape dans le domaine de l'enseignement.

M. le Président, ces brèves explications données à la loi et à son application, qui s'ajoutent aux notes explicatives données en première lecture, donnent une idée, je pense, précise de ce projet de loi.

Je laisse à l'honorable premier ministre le soin d'expliquer plus avant cette politique d'ensemble de la langue, comme je laisse au ministre de l'Immigration le soin d'expliquer en détail la stipulation concernant les personnes qui s'établissent au Québec.

M. le Président, je pense que ces explications permettront aux membres de cette Chambre de réaliser la véritable nature de ce projet de loi 63.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès de l'honorable chef de l'Opposition.

L'honorable député de Rouyn-Noranda m'a adressé une note par laquelle il veut me demander une directive. Je pense qu'il serait sage qu'on lui laisse ce privilège.

M. FLAMAND: J'avais un point de règlement à soulever. Je croyais que l'article 286 de notre règlement m'y donnait droit. Est-ce que vous pourriez, M. le Président, me dire à quel moment je peux invoquer la division de la question qui nous est soumise?

M. LE PRESIDENT: La division de la question dont parle l'honorable député de Rouyn-Noranda, à mon humble avis, ne peut se poser ici, puisque la motion de deuxième lecture est la motion suivante: L'honorable ministre de l'Edu-

cation propose que le bill 63 soit lu une deuxième fois. Je me demande bien comment on pourrait réussir à diviser une motion de ce genre, il y aura une façon, pour l'honorable député de Rouyn-Noranda, d'Intervenir en deuxième lecture, de faire son exposé et, ensuite, peut-être proposer un amendement. Il y a une série de procédures qu'il y aurait lieu d'explorer. Mais, la motion de division ne peut se présenter ici, à mon humble avis.

M. FLAMAND: Je me référais à une intervention faite lors de l'étude du bill 25 en 1967 par le député de Chambly qui avait également demandé cette division du bill 25, mais après il ne s'était pas prévalu de son droit de parole. C'était au cours de son exposé sur la deuxième lecture.

M. LAPORTE: C'est ça. Si vous m'en aviez parlé, je vous aurais aidé!

M. FLAMAND: Comment expliquez-vous qu'à ce moment-là on ait donné la permission au député de Chambly de faire cette objection et qu'on me la refuse actuellement?

M.PAUL: Je crois que tous les députés dans cette Chambre sont en mesure de connaître la meilleure façon de procéder quant à la présentation de motions, quant à la manière de soulever les questions de privilège ou autres. Je crois que, dans les circonstances, pour que nous puissions procéder avec ordre et logique dans l'étude de la deuxième lecture de ce bill, vous avez suffisamment renseigné l'honorable député de Rouyn-Noranda pour que nous ayons l'avantage d'entendre l'honorable chef de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: L'an dernier, après une série de contestations et de manifestations qui sont allées jusque dans les rues de Saint-Léonard et surtout à la veille d'une élection partielle où le gouvernement faisait l'impossible pour tenter d'obtenir le vote anglophone, le premier ministre avait pris l'engagement solennel de proposer à l'Assemblée nationale un projet de loi qui consacrerait dans la législation un droit que les parents du Québec avaient toujours eu par tradition, celui de faire éduquer leurs enfants dans la langue officielle de leur choix. Le projet de loi portant le numéro 85 fut effectivement lu en première lecture.

Les péripéties qui ont précédé et suivi la présentation de ce projet de loi font maintenant partie de la petite histoire duQuébec. On se rappellera l'attitude de certains membres de l'Union Nationale qui ont presque conduit leur parti au bord du précipice en menaçant de démissionner si le bill 85, le bill Bertrand, était adopté. Parmi ces députés, il y avait, entre autres, le ministre de l'Education, le ministre des Affaires culturelles et celui des Affaires intergouvernementales. On se rappellera la discussion mouvementée, véhémente même, lorsque fut présentée en Chambre, en l'absence du premier ministre, la fameuse motion de référence du bill 85 — ou comme je l'ai appelé tantôt, le bill Bertrand — à la commission de l'Education avant sa deuxième lecture. Je vois, M. le Président, que vous êtes inquiet. Pourrais-je vous souligner que je me réfère à un débat de la session antérieure et non pas de la présente session. C'était en décembre 1968.

M. LAPORTE: Vous pourriez peut-être suggérer au président de quoi il est inquiet!

M. BELLEMARE: Il y a un article qui est bien clair en deuxième lecture.

M. LESAGE: Il y a un autre article qui est bien clair en deuxième lecture, c'est qu'on ne doit pas se référer à des articles précis du bill. C'est ce qu'a fait le ministre de l'Education, tout ce qu'il a fait d'ailleurs, dans un mouvement de conviction et d'enthousiasme, il y a quelques instants.

M. LE PRESIDENT: Sur ce point, j'ai remarqué qu'un député, de son siège, sans invoquer la question du règlement, m'a signalé que l'honorable ministre de l'Education procédait article par article. Mais j'ai quand même constaté que le bill ne contenait que trois articles. Il était assez difficile, je pense, de lui demander de ne pas en mentionner un ou deux ou même trois, pourvu qu'à ce moment-là il ne propose pas d'amendement ou qu'il ne discute pas d'un amendement possible ou d'un article en particulier d'une façon technique. C'est pourquoi j'ai cru de mon devoir de le laisser continuer.

M. LESAGE: M. le Président, je ne suis d'ailleurs pas intervenu. J'étais bien conscient de la procédure suivie par le ministre de l'Education.

Alors, je dis que le gouvernement de l'Union Nationale revient maintenant avec un nouveau projet de loi qui, à toutes fins pratiques, du moins dans les principes, est la réplique du

bill 85 dont le gouvernement a été à la fois le père et le fossoyeur, sauf que le bill 63, ou bill Cardinal, fait disparaître les dispositions visant à encourager les immigrants à faire instruire leurs enfants dans les écoles reconnues par le ministre de l'Education comme étant de langue française. La volte-face du gouvernement sur ce point que je viens de mentionner nous laisse perplexes, je vous l'avoue. Mais cela nous amène à nous interroger sur les raisons qui, au mois de décembre 1968, ont pu motiver l'action du groupe minoritaire de l'Union Nationale qui s'opposait au bill 85, c'est-à-dire au bill Bertrand.

En fait le bill 63, ou bill Cardinal, et le bill 85, ou bill Bertrand, c'est du pareil au même. C'est tellement vrai que le ministre de l'Education n'a trouvé rien de mieux pour expliquer, l'autre jour, la différence entre les deux projets de loi — c'est ce qu'il a fait en première lecture — que de dire qu'il y avait une marge de 22 numéros entre le numéro du bill Bertrand et le numéro du bill Cardinal. Quelle insignifiance, M. le Président! Oui, quelle insignifiance! Le ministre est tellement peu convaincu, manque tellement d'enthousiasme pour présenter ce bill, il est même tellement superficiel, qu'il nous a donné comme autre distinction entre les deux projets, le changement de titre du projet de loi.

Depuis quand, M. le Président, le titre d'un bill influence-t-il son contenu? A moins que nous retournions avec le ministre de l'Education actuel aux jours sombres du duplessisme, alors que tout était dans les titres et rien dans les projets de loi. Ce qui est important, M. le Président, ce sont les principes qu'un projet de loi contient et les articles qui définissent ces principes.

Le ministre de l'Education aura beau soulager sa conscience, que Je crois troublée, par des subterfuges, tels que ceux qu'il nous a servis, la seule chose qu'il parvient à faire, M. le Président, c'est de provoquer, à cause de la gravité du problème, parce qu'il s'agit d'un problème grave, des sourires qui voudraient bien cependant être discrets.

Qu'est-ce qui s'est passé au conseil des ministres? Nous avons bien le droit de nous le demander. Ceux-là mêmes qui étaient prêts à démissionner l'an passé font maintenant patte blanche et acceptent de cacher la désunion de leur parti en utilisant, à des fins que je considère partisanes, M. le Président, les ondes de la radio et de la télévision. En suivant la conférence de presse donnée à la télévision, jeudi dernier, on avait l'impression de voir ce que certains ont appelé la ligne Maginot de la francophonie de l'Union Nationale...

M. BELLEMARE: M. le Président, j'en appelle au règlement.

M. le Président, je pense que notre article 556 est clair. Ce n'est pas la rétrospective d'un parti qu'il s'agit de faire, mais bien l'étude en deuxième lecture qui restreint le débat à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du bill dans son ensemble. Ce n'est pas, M. le Président, le curieux tissage, que fait présentement le chef de l'Opposition, d'un parti politique. M. le Président, si vous lui permettez cette rétrospective, je lui promets de lui en servir une à ma manière.

UNE VOIX: Ce sont des menaces?

M. BELLEMARE: Ce ne sont pas des menaces, mais je crois que le bill 63 est un bill qui ne doit pas fournir ces espèces de relations entre ce qui a existé et ce qui existe dans un parti politique. C'est l'à-propos, la portée, les principes fondamentaux, la valeur intrinsèque du bill dans son ensemble. C'est ça, M. le Président, que l'honorable chef de l'Opposition a le devoir aujourd'hui de faire en respectant notre règlement. Et non pas ces commérages de cabotin.

M. LESAGE: Ce n'est pas moi qui suis allé à la télévision, le ministre du Travail non plus.

M. LAPORTE: Parlant sur le point d'ordre, Je m'étonne — il est généralement un peu plus lent à se mettre en colère — que le ministre du Travail devienne, aussi rapidement, aussi peu conséquent avec les articles de notre règlement.

Il est permis, en vertu de l'article 556 — vous le connaissez fort bien, M. le Président, de même que le ministre du Travail qui a sans doute oublié de citer ce paragraphe — de « discuter la portée, la valeur intrinsque d'un article, si cet article contient... » Excusez-moi...

On peut discuter en deuxième lecture, dit notre règlement, « toute autre méthode d'atteindre les fins du bill. »

M. BELLEMARE: Ce n'est pas...

M. LAPORTE: Un instant, M. le Président. Si le ministre du Travail a oublié de dire tout ce qu'il avait à dire, ce n'est pas de notre faute...

M. BELLEMARE: Non, non...

M. LAPORTE: Le chef de l'Opposition est en train, pour éclairer la population et cette Chambre sur le sérieux que l'on peut apporter au présent projet de loi, peut-être, d'en expliquer l'his-

torique, il n'est pas anormal, pour que cette Chambre puisse porter jugement, de souligner les contradictions nombreuses, les contradictions publiques, les contradictions à l'intérieur de l'Union Nationale. Nous serons peut-être justifiés de nous demander, et c'est probablement ce que le chef de l'Opposition s'apprête à faire, lequel des deux aura raison: celui qui a approuvé ou celui qui a désapprouvé le principe du bill dans le conseil des ministres qui est actuellement devant nous.

M. le Président, le chef de l'Opposition a tout à fait le droit, actuellement, de faire l'historique du projet de loi à l'Intérieur de l'Union Nationale, et le ministre du Travail sera parfaitement libre de nous servir, comme il dit, une réplique à sa manière. Mais sur ce bill, il devra nous dire si c'est la manière Cardinal ou la manière Bertrand.

M. BELLEMARE: Oui, ça va être plutôt la porte qu'il lui reste à prendre.

M. LESAGE: M. le Président, d'ailleurs je faisais, au moment où le ministre du Travail m'a interrompu... Mais est-ce que je n'ai pas le droit de dire un mot sur le point d'ordre?

M. BELLEMARE: Oh oui, certainement, excusez-moi.

M. LESAGE: Au moment où le ministre du Travail m'a interrompu en invoquant le règlement, je référais à une conférence de presse télévisée, jeudi après-midi, où cinq ministres du gouvernement de l'Union Nationale ont donné leurs vues sur le bill à l'étude. Je ne puis pas être plus dans l'ordre de la discussion que cela. Si je n'ai pas le droit de commenter les déclarations publiques du premier ministre, du ministre de l'Education et de leurs trois compagnons sur l'essence du projet de loi — cela, ce sont des commentaires qui ont été faits à la face de tout le public du Québec — il me semble que si je n'ai pas le droit de faire ça, aussi bien me rasseoir. Je n'ai pas eu cette occasion-là; la tribune que j'ai, c'est celle-ci. J'ai certainement le droit de référer aux déclarations ou à l'attitude des cinq ministres en question qui s'adressaient à toute la population du Québec.

M. LE PRESIDENT: Si j'ai été distrait ou si j'ai failli à ma tâche, ce n'est sûrement pas en laissant l'honorable chef de l'Opposition prononcer ses dernières paroles car cette question précise de l'émission télévisée, je pense qu'il est du droit du chef de l'Opposition d'en parler ici.

M. LESAGE: Justement, M. le Président, je reprends mes notes. Je disais — et je répète ce que j'ai dit — qu'en suivant la conférence de presse donnée à la télévision jeudi dernier, on avait l'impression de voir ce que certains ont appelé la ligne Maglnot de la francophonie de l'Union Nationale — ligne qui porte trois noms bien connus — enfoncée ou tout au moins contournée par le premier ministre et le ministre de l'Immigration.

L'an dernier, des têtes fortes de l'Union Nationale menaçaient de démissionner plutôt que de voter le bill 85. Aujourd'hui, alors qu'on s'approche des élections, ces mêmes membres du conseil des ministres donnent à la télévision le spectacle d'une unité ministérielle replâtrée, mais personne ne peut être dupe.

En effet, les députés réfractaires, eux — ceux qui ne sont pas ministres — continuent de maintenir leur position de l'an dernier. Tous les députés de l'Union Nationale, sauf, me semble-t-il, ceux qui ont le titre de ministre et ce qui s'y rattache.

Il est clair que les membres du gouvernement ne se sont pas entendus sur une politique linguistique. Depuis plus de trois ans, nos amis d'en face se gargarisent de francophonie, parlent de faire du français une langue nationale. Or, ils n'ont pas réussi à accoucher d'une seule mesure concrète et précise qui puisse influencer directement le monde des affaires, du commerce et de l'Industrie pour que le français devienne la véritable langue de travail au Québec.

Autrement dit, le gouvernement de l'Union Nationale n'a rien fait « pour que le français devienne la langue de travail des Québécois, comme l'anglais est la langue de travail des Ontariens. » A ce moment-ci, je me sers de paroles utilisées par feu le premier ministre Johnson.

Quoi qu'il en soit, l'attitude des députés libéraux, en cette Chambre, ne peut être différente de celle qu'ils ont prise l'an dernier, lors du fameux bill 85.

Nous voudrions être en mesure d'analyser un projet de loi beaucoup plus complet que ce bill statu quo dont le gouvernement nous propose l'étude. Il s'agit bien, en effet, d'un projet de loi qui consacre le statu quo ante, puisque le bill Cardinal ne fait que confirmer, à toutes fins utiles, un droit qui a toujours existé au Québec jusqu'à la décision majoritaire des commissaires d'école de Saint-Léonard, en 1967.

La seule différence — et le ministre de l'Education l'a mentionnée tout àl'heure — c'est qu'on devra parfaire l'étude du français dans les écoles où l'anglais est la langue d'enseignement.

Les députés de l'Opposition libérale voteront

pour le bill 63 en deuxième lecture, car les deux principes que ce bill contient sont parties intégrantes de notre politique linguistique. Mais, en lait, nous serions beaucoup plus à l'aise de voter pour ce bill en deuxième lecture si le gouvernement, plutôt que de ne copier qu'une partie de la politique linguistique libérale, l'avait copiée au complet. Nous aurions aimé que le bill 63 soit, en quelque sorte, le reflet complet et intégral de notre programme politique.

Que disions-nous dans notre programme politique, en 1966, sous le titre: « Le Québec français »? « Pour conserver au Québec son caractère français, des mesures seront prises qui garantiront la vitalité de la langue, en même temps qu'elles permettront à la majorité de la population de vivre en français, où que ce soit sur le territoire québécois. Des mesures seront prises qui assureront au Québec un visage français et à la langue française la place prioritaire qui lui revient dans l'administration et les services publics, dans les relations industrielles, le commerce et, de façon générale, dans tous les secteurs de l'activité humaine. Donc, sans porter atteinte aux droits indéniables de la minorité anglophone, la langue française deviendra au Québec la principale langue de travail et de communication. »

Cela, c'était le programme de 1966. Une proportion de 47% de ceux qui ont voté — on peut le dire, du moins, en théorie — ont voté pour ce programme.

L'Union Nationale avait dans son programme, si je ne m'abuse — et je crois répéter ce que le premier ministre a dit l'autre jour — que le français devait être la langue nationale au Québec Il y a 41 et quelques pour cent de la population qui ont voté pour ce principe.

Cela veut dire qu'en 1966 le moins que l'on puisse dire c'est que, si l'on interprète le vote, 88% de ceux qui ont voté au Québec lors de l'élection générale se sont déclarés en faveur du français, langue d'usage, du français, langue de travail, langue de communication, du français prioritaire.

Et en 1968, lors de notre contres du mois d'octobre à Montréal, les 4, 5 et 6 de ce mois, au quatorzième congrès du parti, la résolution suivante a été adoptée: — et, M. le Président, je tiens à la consigner au journal des Débats. J'avais dit d'ailleurs, lors de mes commentaires en première lecture, que je le ferais à ce moment-ci. « Attendu que l'Etat, particulièrement au Québec, a le devoir d'élaborer une politique linguistique; « Attendu que les citoyens de langue française du Québec ont droit non seulement à l'usa- ge généralisé de leur langue, mais ont aussi droit à une langue vivante; « Attendu qu'au Québec ce droit n'est pas en pratique entièrement reconnu; « Attendu, d'autre part, que les droits linguistiques de la minorité de langue anglaise doivent être intégralement et efficacement protégés; « Attendu que, pour la langue française comme pour la langue anglaise, il faut aller au-delà des principes et les traduire dans une politique linguistique réaliste et cohérente; « Il est résolu que le prochain gouvernement libéral soit invité à adopter une politique linguistique basée sur les principes suivants: « lo. Prendre les moyens nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec et les dispositions pour y assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé; « 2o. Garantir aux anglophones du Québec le droit non seulement théorique, mais pratique d'envoyer leurs enfants aux écoles de leur choix; « 3o. Reconnaître la nécessité pour les anglophones québécois sans exception de recevoir dans les écoles de leur choix des cours suffisants en quantité et en qualité pour maîtriser la langue de la majorité; « 4o. Le besoin vital par l'éducation, une meilleure information et l'animation sociale d'amener un nombre croissant d'immigrants à opter pour la langue et la culture françaises; « 5o. L'acceptation des principes énoncés dans le rapport de la commission d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme ».

Il y a en fait, si l'on excepte les principes énoncés dans la commission BB, la commission Laurendeau-Dunton, quatre paragraphes à la résolution. On peut reconnaître dans le projet de loi une volonté ou velléité, suivant le cas, de reconnaître en pratique les principes énoncés aux paragraphes 2, 3 et 4 que je viens de lire. Mais ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi, c'est le premier « résolu », celui que nous, les libéraux, à notre congrès d'octobre 1968, nous avions inscrit en première place de notre résolution. Je le relis à nouveau: « Prendre les moyens nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec et les dispositions pour y assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé ».

M. le Président, lors des discussions qui ont eu lieu en cette Chambre le 18 décembre 1968 au cours de l'étude du budget supplémentaire accordant à l'Exécutif les crédits demandés pour la Commission d'enquête sur la situation

de la langue française au Québec, la commission Gendron, j'avais donné beaucoup de détails relatifs à la position de notre parti face au problème linguistique. On retrouvera l'essentiel de mes propos aux pages 5118 et 5119 des Débats de l'Assemblée législative pour la session 1968.

Les propos que j'avais tenus à ce moment-là n'avaient pas été inspirés à la hâte; ils reflétaient l'essentiel de la politique linguistique que le Parti libéral du Québec proposait dans son programme électoral de 1966 et dont j'avais donné les détails lors d'un discours que j'avais prononcé à Saint-Georges de Beauce au cours de la campagne de 1966.

Voici ce que je disais, la citation n'est pas très longue. Page 5117 du débat de l'an dernier: « L'Opposition considère, et en cela elle croit avoir l'appui de la très grande majorité des Québécois, que ce qu'il faut, c'est une politique de la langue, une politique complète qui couvrirait le problème tout entier, il est clair que la commission d'enquête, pour laquelle on nous demande une avance de $30,000, pourra nous donner un apport important dans l'élaboration finale d'une politique complète de la langue. Mais, en attendant, il y a des choses que nous pouvons faire. » Je reviendrai là-dessus un peu plus loin. Ai-je jamais, au cours de ce discours, mentionné des choses qui pourraient être faites législativement et administrativement — pas seulement administrativement, mais législativement — pour assurer que les voeux exprimés, tant dans notre programme de 1966 que dans notre résolution d'octobre 1968, deviennent une réalité au Québec?

Parlant de ce discours de Saint-Georges de Beauce, je pense que j'ai rarement prononcé un discours qui, trois ans et demi plus tard, s'avère aussi utile pour bien souligner que notre politique linguistique à nous, les libéraux, est connue depuis longtemps. Ce discours, dont on a fait des gorges chaudes surtout à cause du moment choisi et de l'endroit pour le prononcer, où J'avais été le premier à le faire, peut-être d'ailleurs par erreur, je n'ai pas l'intention de le reprendre. Je ne veux pas non plus répéter le résumé que j'en ai donné en Chambre dans ce discours auquel je viens de faire allusion, le 18 décembre 1968.

Disons simplement qu'il est, d'abord, dans le détail, le premier paragraphe de la résolution adoptée par le congrès général de notre parti au mois d'octobre 1968. Nous voulions — et c'est cela que nous reprochons au gouvernement de ne pas proposer dans le projet de loi à l'étude — prendre les moyens nécessaires pour que le français devienne effectivement la langue prio- ritaire et la langue de travail au Québec. Le français, langue prioritaire et langue de travail, c'est la politique des libéraux depuis des années et des années. A preuve, ici je voudrais faire allusion à la déclaration du premier ministre devant les caméras de télévision d'Etat jeudi dernier. Le personnel du journal des Débats a préparé une transcription officielle; c'est dans cette transcription, au feuillet R/2, page 1, que je retrouve ces paroles du premier ministre, prononcées jeudi dernier: « Que le français devienne langue de travail au Québec, cela devient maintenant un nouvel objectif de l'Union Nationale. »

Ce « maintenant », c'est un nouveau « désormais » d'après ce que je puis comprendre. Cela veut dire que, jusqu'à jeudi dernier, jusqu'à la semaine dernière, ce n'était pas la politique de l'Union Nationale de faire du français la langue prioritaire, la langue de travail au Québec Ce n'est que de cette façon que je puis interpréter ces paroles du premier ministre. Je cite à nouveau: « Que le français devienne langue du travail à Québec. Cela devient maintenant un nouvel objectif de l'Union Nationale. »

Cela a pris trois ans et demi, au gouvernement de l'Union Nationale, pour copier la politique du Parti libéral telle qu'énoncée dans son programme de 1966, pour tenter de copier, pour l'évoquer dans des termes assez faibles, Je vous remercie, il y a lieu de se demander si le gouvernement est pris de panique, il essaie, nous semble-t-il, d'improviser des mesures législatives dont l'objet ne semble pas être la solution au problème réel au Québec, mais bien plutôt celle des problèmes intérieurs dans les rangs de l'Union Nationale.

Le bill Cardinal, celui qui est à l'étude, comme le défunt bill Bertrand, le bill 85, ne couvre qu'une seule facette du vaste ensemble que constitue le problème de la langue au Québec.

Ce n'est pas la correction d'une injustice à l'égard de la minorité qui peut donner entière satisfaction à la majorité dont une bonne partie voit sa propre langue en danger.

Le projet de loi Cardinal ne fait rien pour assurer le progrès de la langue française dans la région métropolitaine de Montréal en particulier. Il met de côté tout le problème de l'intégration des immigrants à la vie française du Québec, si ce n'est qu'il suggère au ministre de l'Immigration l'obligation d'organiser des cours de français pour les nouveaux arrivés.

Le français au Québec, plus particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal, respire difficilement. Je l'ai déjà dit: Ce n'est pas la faute de la minorité anglophone; c'est notre faute à nous, les Canadiens de lan-

gue française, et surtout la faute du gouvernement de l'Union Nationale — c'est ça qu'il faut qu'il réalise — qui n'a pas eu la force de poursuivre la politique que le gouvernement libéral avait mise de l'avant de 1960 à 1966. Nous considérons, M. le Président, je le répète, qu'il est urgent d'avoir au Québec une politique linguistique globale.

L'Union Nationale, qui est incapable de faire l'unanimité dans ses rangs, camoufle son inaction en créant une commission dont les recommandations seront peut-être dépassées lorsqu'elles seront publiées. Ce qui me renverse, c'est que le bill à l'étude, le bill Cardinal, ne contient absolument rien pour favoriser le progrès du français dans le monde du travail. Il n'y a rien pour prescrire l'usage du français dans les communications, dans les usines, dans les ateliers, dans les bureaux d'affaires. Par exemple, il n'y a rien dans le bill Cardinal qui soit de nature à inciter les sociétés à utiliser des raisons sociales de langue française.

Si le gouvernement, qui se gargarise toujours de francophonie, mettait autant d'efforts à concevoir une législation favorisant le progrès du français au Québec qu'il en a mis à des chinoiseries, à ce que j'appelle des querelles de drapeaux et de tapis rouge au Gabon, au Niger et même à Paris, le français au Québec s'en porterait beaucoup mieux et ce serait certainement plus profitable pour les Québécois que certaines visites de personnalités politiques françaises qui n'apportent rien, sinon...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Ces derniers propos ne se rattachent pas au principe du bill et je suis obligé de rappeler à l'ordre l'honorable chef de l'Opposition.

M. LESAGE: M. le Président, le point dont je voulais convaincre le gouvernement, c'était de cesser de s'occuper des tapis rouges et d'étudier. Si au lieu de « gaboner », le gouvernement avait...

M. BELLEMARE: A l'ordre! Lâchez les tapis, puis occupez-vous de vos rouges.

M. LESAGE: Cela va donc bien mal dans l'Union Nationale! Quand le ministre du Travail est de mauvaise humeur comme ça, ça ne marche pas.

M. BELLEMARE: Non, je ne suis pas de mauvaise humeur.

M. LESAGE: Bien, c'en a l'air!

M. BELLEMARE: Ah non, non, non! J'ai eu des félicitations à Ottawa dernièrement.

M. COURCY: De la mélasse.

M. LESAGE: M. le Président, le bill Cardinal est une réplique affaiblie du bill Bertrand. Pourtant, contre ce dernier bill, le ministre de l'Education avait lutté avec acharnement. D'ailleurs, le ministre de l'Education se rappelle sans doute les conseils que je lui donnais — c'était peut-être un peu présomptueux — en lui lisant un passage du Prince de Machiavel. Je reprends ces propos...

M. CARDINAL: Oui?

M. LESAGE: ... que je tenais en Chambre, le 14 décembre 1968. Je disais alors au ministre de l'Education et je le répète: « Et tu verras toujours que celui qui n'est pas ton ami te priera de demeurer neutre ».

UNE VOIX: Hou! Hou!

M. LESAGE: Je ne sais pas si le « hou, hou » vient du ministre des Affaires culturelles, mais il en a fait des hou hou à la télévision, à Format 30, hier soir.

Je reprends les conseils du Prince de Machiavel, et ça fera peut-être du bien au ministre de l'Education: « Et tu verras toujours que celui qui n'est pas ton ami te priera de demeurer neutre et celui qui f es ami te sollicitera à te découvrir par les armes. Les princes mal résolus pour éviter les présents dangers suivent le plus souvent la neutralité et le plus souvent aussi sont ruinés ».

Est-ce que le ministre de l'Education me permettrait aujourd'hui de lui donner un autre conseil et lui dire qu'il serait préférable pour lui d'expliquer en détail les contradictions qui ont été siennes depuis quelque temps, car autrement il risque, ça m'inquiète, de ruiner à jamais sa carrière politique.

M. BELLEMARE: L'article 556. Il est torturé.

M. LESAGE: Je ne torture rien.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable chef de l'Opposition a parlé de contradiction dans les opinions de l'honorable ministre, mais j'attends qu'il nous dise si ce sont des contradictions qui se réfèrent au principe du bill; je n'ai pas encore eu le temps de le savoir.

M. LESAGE: Certainement, j'ai déjà expliqué la différence et les différences qu'il y a entre le bill Bertrand et le bill Cardinal. Ce sont les contradictions auxquelles je fais allusion. Vous savez, une girouette au vent, ça ne va jamais bien loin; ça tourne, mais ça reste en place. Nous aurions aimé, nous, de ce côté-ci de la Chambre que le ministre de l'Education entende la voix du bon sens, qu'il accepte le principe fondamental, toujours reconnu au Québec, du droit des parents de faire éduquer leurs enfants dans la langue de leur choix. Mais nous aurions aussi voulu qu'il se tienne debout et qu'avec ses collègues il prépare un projet de loi qui fasse réellement du français la langue prioritaire au Québec, un projet de loi qui aurait fait en sorte que le français au Québec soit susceptible de devenir la langue de travail chez nous, comme l'anglais est la langue de travail en Ontario.

En conclusion, je répéterai que les libéraux en cette Chambre voteront éventuellement en faveur du bill 63 en deuxième lecture, mais il est de notre devoir de souligner, par une proposition d'amendement, la faiblesse fondamentale du projet de loi à l'étude en espérant encore que le gouvernement est disposé dès maintenant à en combler les lacunes.

Motion d'amendement

M. LESAGE: Je propose donc, secondé par le député de Chambly, que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots après le mot « que » par les suivants: « La Chambre est d'avis que le bill 63, intitulé Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, ne soit pas lu une deuxième fois maintenant, parce qu'il ne contient pas les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec et pour y assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé ».

M. BELLEMARE: A la face même de la motion qui vient d'être présentée...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Rouyn-Noranda invoque son privilège de député. Disons que c'est mon devoir de l'entendre, quoique je n'aie pas vu l'honorable député debout. A l'ordre! Il faut quand même que j'entende l'honorable député de Rouyn-Noranda pour savoir s'il y a question de privilège ou pas. L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. FLAMAND: Tantôt au début du débat, f al soulevé une question de règlement, et vous m'avez signalé que Je ne pouvais pas soulever cette question à ce stade-ci de nos délibérations.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai tenté il y a quelques instants de rejoindre l'honorable député de Rouyn-Noranda. Je reconnais une erreur que j'ai faite au début de la séance. A ce moment où très peu de gens reconnaissent leur erreur, il me fait plaisir de le faire. J'ai rendu une décision qui était partiellement vraie à l'effet que l'honorable député de Rouyn-Noranda ne pouvait intervenir à ce moment-ci, puisque l'honorable ministre de l'Education avait déjà la parole. Il sera permis, comme à tout député en cette Chambre, à l'honorable député de Rouyn-Noranda d'intervenir sur la motion de deuxième lecture. A ce moment-là, puisqu'il m'a demandé une directive, je puis dire qu'il lui sera permis également de présenter une motion, s'il veut le faire ainsi. Mais, actuellement, il y a déjà une motion devant la Chambre, et c'est une motion qui, à mon sens, n'a pas encore soulevé de question de privilège.

L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'apprêtait à parler sur cette motion, je ne vois pas comment nous pourrions ouvrir ici une parenthèse. Je réitère que le député de Rouyn-Noranda aura tous les privilèges qui appartiennent aux députés de cette Chambre. Il peut être sûr que j'userai, à son endroit, des mêmes attitudes que j'emploie à l'égard de tous les députés.

M. FLAMAND: Pour ce qui est de la décision qui a été rendue...

DES VOIX: A l'ordre!

M. FLAMAND: ... dans une cause...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. FLAMAND: ... à l'égard de M. Pierre Laporte, est-ce qu'il existe deux règlements ici?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si le député de Rouyn-Noranda voulait bien m'écouter, j'ai dit tout à l'heure que je serais disposé à l'entendre et j'ai même reconnu mon erreur. Est-ce que l'on exigera que je me mette à genoux? J'espère bien que non. Je la reconnais et je dis qu'en temps opportun, je serai disposé à entendre l'honorable député.

L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: M. le Président, la motion d'amendement que vient de proposer l'honorable chef de l'Opposition avant la deuxième lecture du bill 63 est complètement irrégulière, et vous l'avez deviné comme lui, probablement. Mais c'est une tentative... Je ne lui prête pas d'intention, mais je me réserverai probablement, dans le discours que j'aurai à prononcer, de lui rappeler certains faits, moi aussi, qui peut-être rafraîchiront sa mémoire et le mettront en garde contre certaines accusations qu'il a portées.

M. le Président, l'article 558 - et vous le connaissez — dit, quant aux amendements de deuxième lecture: « Sauf les amendements mentionnés dans l'article 557... » Et dans l'article 557, on dit: « il ne peut être proposé d'amender toute motion de deuxième lecture en en retranchant le mot « maintenant » et y ajoutant des mots exprimant un terme, comme « dans six mois », « dans trois mois » ou « dans un mois ». Cela n'est pas permis.

Deuxièmement: « Cet amendement ne peut contenir d'exposés de motifs... » contrairement à ce qui existe.

Troisièmement: « Si un tel amendement est adopté, le bill ne peut être réinscrit au feuilleton des affaires avant l'expiration du terme dit».

M. LESAGE: La...

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. LESAGE: ... motion est faite en vertu de l'article 558, et non pas de l'article 557.

M. BELLEMARE: A l'article 558, quatrièmement, M. le Président, dans les notes...

M. LESAGE: L'article 558.

M. BELLEMARE: ...vous verrez, dans la jurisprudence qui a été établie, qu' « il est irrégulier de proposer un amendement qui attache quelque condition à la deuxième lecture du bill. » Vous verrez un peu plus loin, M. le Président, qu' « il est irrégulier de proposer un amendement qui n'énonce rien de plus qu'une négation directe du principe dont le bill s'inspire. »

M. BERTRAND: C'est ça.

M. BELLEMARE: Et huitièmement: « Il est irrégulier de proposer un amendement qui n'énonce rien de plus qu'une simple négation de la motion de deuxième lecture. »

M. le Président, je n'ai pas besoin d'être un juriste très avancé pour comprendre ces quelques lignes qui, à mon sens, vont vous faire découvrir que la motion de l'honorable député, même si elle est inspirée par un sentiment qui fut peut-être très noble avant d'arriver ici dans ce Parlement, est complètement irrégulière. Je vous demanderais, dans la situation présente, de bien vouloir rejeter cette motion.

M. BERTRAND: Très bien!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. Pierre Laporte

M. LAPORTE: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'Intérêt les arguments du ministre du Travail à l'encontre de la motion qui vient d'être proposée par le chef de l'Opposition. Le ministre du Travail invoque deux arguments. Premièrement, que la motion d'amendement proposée par le chef de l'Opposition mettrait une condition à l'adoption du bill en dexlème lecture, ce qui rendrait sa motion irrégulière, et, deuxièmement, que l'amendement du chef de l'Opposition serait, en quelque sorte, la négation même du projet de loi proposé par le gouvernement, ce qui, là encore, rendrait la motion irrecevable.

Afin d'éclairer le jugement que vous aurez à rendre, M. le Président, puis-je vous référer à l'un des présidents remarquables que cette Chambre a connus, votre prédécesseur immédiat, le député de Maskinongé, qui occupe maintenant les très importantes fonctions de ministre de la Justice dans le cabinet actuel.

Le député de Maskinongé a eu l'occasion d'analyser avec force détails les arguments que nous propose aujourd'hui le ministre du Travail, dans une décision qu'il a rendue le 26 février 1967, alors que l'honorable chef de l'Opposition avait proposé un amendement rédigé comme suit: « La Chambre est d'avis que le bill 2, intitulé Loi concernant la cité de Saint-Michel, ne soit pas lu maintenant une deuxième fois, parce qu'il ne contient pas de dispositions ordonnant la tenue d'une enquête publique sur l'administration municipale de la cité de Saint-Michel au cours des cinq dernières années ». Vous trouverez cette décision, M. le Président, à la page 33 des journaux de l'Assemblée législative du 23 février 1967.

Le président de l'époque a analysé d'abord la motion, se demandant si elle contenait oui ou non, une condition. Se référant à une décision qui avait été rendue lors d'un autre Parlement,

il avait noté qu'une motion d'amendement du député de Stanstead avait été rejetée parce qu'elle contenait, celle-là, une condition. Le texte de la motion disait qu'on se saurait voter la deuxième lecture « avant que »...

Il est intéressant de noter, disait le président de l'Assemblée nationale, que la motion de l'honorable député de Stanstead avait, dans sa rédaction, la conjonction « avant que ». Cette conjonction rendait conditionnelle la deuxième lecture du bill 67 alors à l'étude; d'où, décision de renvoi de cette motion en vertu de la note 4 de notre règlement, sous l'article 558.

Je continue à citer le président qui occupait alors le fauteuil, le député de Maskinongé. « Or, disait-il, dans la motion présentée par l'honorable chef de l'Opposition, on trouve la locution conjonctive « parce que». Larousse définit cette locution conjonctive, « parce que »: exprime la cause, la raison, le motif. Est-ce que le texte de la motion, tel que rédigé, disait le président de l'Assemblée nationale, n'exprime pas une raison et un motif pour que le bill 2 ne soit pas lu maintenant? Je n'y vols aucunement une condition, disait-il, pour permettre de juger la non-recevabilité de cette motion, en vertu de la note 4 de l'article 558. »

M. le Président, après une décision aussi claire, une analyse aussi profonde des locutions, « parce que » et « avant que », je vous rappelle que ce que vous avez à décider aujourd'hui, c'est de la recevabilité de la motion du chef de l'Opposition, dans laquelle vous trouverez la même locution conjonctive, « avant que». Donc, M. le Président, de l'aveu même de l'actuel ministre de la Justice, qui était alors président de l'Assemblée nationale, il ne s'agit pas là d'une condition.

Est-ce qu'il s'agit — deuxième argument du ministre du Travail — de la négation même du principe du bill? « La motion, disait le président de l'Assemblée nationale en 1967, a-t-elle pour effet de nier le principe, l'à-propos de mettre en tutelle la cité de Saint-Michel? Je déclare que non. » Dans le cas actuel, il en serait venu — j'en suis certain, M. le Président — à la même conclusion, puisque la motion d'amendement du chef de l'Opposition se lit comme suit: « Ne soit pas lu une deuxième fois maintenant parce qu'il ne contient pas les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec et pour y assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé. »

Si je m'en réfère aux déclarations qui ont été faites par le premier ministre, qui ont été faites par le ministre de l'Education en autant que je me souvienne, au cours des journées qui ont précédé, ils ont affirmé que c'était l'implantation du français prioritaire au Québec, que le projet de loi, que l'on nous soumettait, le bill 63, aurait effectivement pour conséquence d'accorder au français le statut de langue prioritaire. Si nous en venons, nous, à la conclusion que le bill, tel que rédigé, ne conduit pas à l'implantation du français prioritaire quiconque peut soulever cet argument, à l'encontre des prétentions du chef de l'Opposition... sauf le gouvernement. J'invite celui qui, peut-être, me donnera la réplique à déclarer que ce projet de loi — et c'est le gouvernement qui va parler — ne contient pas le principe du français prioritaire et qu'en proposant cet amendement, nous nions le principe même du bill! C'est la décision qu'il aura à prendre s'il veut insister sur l'argument à l'effet que l'amendement du chef de l'Opposition est la négation même du bill. Mais qu'on ne vienne plus, après cela, prétendre que, par ce projet de loi, on introduit au Québec le français prioritaire.

Il sera intéressant d'entendre l'argumentation sur ce point-là!

Je dis donc que l'amendement proposé par le chef de l'Opposition est tout à fait conforme à notre règlement. L'article 558 permettait au chef de l'Opposition « de donner quelque raison particulière de ne pas lire immédiatement le bill. » Il ne s'agit pas, manifestement, d'un « money bill » ; il ne s'agit pas, puisque la décision a déjà été rendue, dans cette Chambre, de façon très claire, d'une condition que l'on imposerait à l'adoption du bill. Il ne s'agit pas de la négation du principe du bill, il s'agit simplement d'une raison pour que le bill ne soit pas voté.

M. le Président, je pense que vous avez tous les arguments nécessaires, théoriques, pour reconnaître la recevabilité de l'amendement du chef de l'Opposition. Si vous voulez, je vais épargner cette lecture à la Chambre, et retrouver toute la jurisprudence citée par l'ancien président de cette Assemblée nationale. Vous pourrez consulter la page 36 où il cite les auteurs de droit' parlementaire May et Bourinot, la page 37 où il cite Beauchesne, la page 37 où il cite Dawson et vous aurez là toute la jurisprudence qui vous permettra de confirmer, une fois de plus, la validité de l'article 558 et, en partant de cette argumentation, la recevabilité de la motion d'amendement du chef de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. Yves Michaud

M. MICHAUD: M. le Président, parlant sur

le point de règlement, je crois que la motion du chef de l'Opposition est recevable. Elle est recevable, d'une part, dans le cadre de nos règlements parlementaires et elle permettra également au gouvernement, en l'acceptant dans sa forme et sa teneur, de dissiper les profondes ambiguïtés qui se dessinent autour de l'étude et de la discussion du présent projet de loi.

Comme le ministre du Travail, je ne suis pas un expert en droit, mais je crois que si l'on lit très attentivement l'article 558, le gouvernement va se rendre compte que la motion du chef de l'Opposition est recevable.

Si je connais bien mon français, il est dit: « Sauf les amendements mentionnés dans l'article 557, nul amendement ne peut être proposé sur une motion de deuxième lecture si ce n'est sous la forme d'une résolution se rattachant directement au sujet du bill et énonçant quelque raison particulière de ne pas lire immédiatement le bill. »

Or, cette résolution présentée par le chef de l'Opposition, il est clair qu'elle se rattache directement au sujet du présent projet de loi qui s'Intitule « Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec ». Je comprendrais que la motion serait éventuellement déclarée irrecevable si le bill 63 n'avait pas ce titre un peu hypocrite et s'Intitulait carrément « Loi pour régler le problème de Saint-Léonard » ou « Loi pour disposer des droits des minorités linguistiques ».

A ce moment-là, la motion serait sans doute irrecevable. Mais étant donné que le gouvernement, en titrant la loi de cette façon, a voulu devant cette Chambre poser tout le problème de la promotion de l'enseignement du français, conséquemment du français prioritaire non seulement dans le domaine de l'enseignement, mais dans le domaine du travail, il est clair que la motion est recevable.

Si, d'ailleurs, l'on se reporte aux annotations de notre parfait glossaire du parfait petit parlementaire, l'on verra que rien ne justifie le président de déclarer et rien ne justifie les prétentions du gouvernement à ce que soit déclarée irrecevable la motion, il est dit, à l'article 2 par exemple, qu'il est irrégulier de proposer un amendement qui vise d'autres bills que celui qui est en discussion. Ce n'est pas le cas avec l'amendement du chef de l'Opposition. « Il est irrégulier de proposer — à la note 3 — un amendement qui se rapporte à quelque détail du projet de loi en discussion ou qui énonce davantage quelques modifications de texte proposables lors de l'étude en comité. » Ce n'est pas le cas dans la motion qui vient d'être présentée par le chef de l'Opposition. « Il est irrégulier de proposer — note 4 — un amendement qui attache quelque condition à la deuxième lecture du bill. » L'amendement du chef de l'Opposition n'attache aucune condition; elle dit simplement que ce bill ne soit pas lu maintenant, parce qu'il ne prévoit pas les moyens nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec.

M. le Président, je m'en voudrais — vous connaissez l'objectivité, j'imagine, dont je fais généralement preuve dans les débats dans cette Chambre — de prêter des motifs au gouvernement. Je m'en voudrais de lui prêter des intentions. Bien sur, on dit souvent qu'on ne prête qu'aux riches, mais enfin... Je veux simplement dire ceci: Si le gouvernement déclare irrecevable la motion du chef de l'Opposition, c'est donc qu'il refuse le débat fondamental sur le problème de la langue française prioritaire au Québec. C'est donc qu'il veut circonscrire le présent débat uniquement au problème des droits des minorités linguistiques, problème, bien sûr, qui devrait normalement être débattu à l'intérieur d'une grande politique de la langue.

Si le gouvernement maintient son attitude en opposant une fin de non-recevoir absolue, il pourrait éventuellement être accusé — je ne dis pas dans cette Chambre, parce que nous connaissons ses bonnes intentions, mais par d'autres éléments de la population — de mauvaise foi. Il pourrait être accusé de vouloir court-circuiter le problème fondamental qui nous réunit ici aujourd'hui et qui se situe au niveau, non seulement de la protection des droits des minorités linguistiques, ce qui pourrait être éventuellement une position raisonnable, mais également au niveau de la protection et de la promotion des droits linguistiques de la majorité du Québec.

Le débat doit s'engager dans la forme, l'esprit et la teneur tels que présentés par le chef de l'Opposition, parce qu'il se situe au coeur même de la discussion publique. Je crois que si le gouvernement maintient son attitude, si avec le rouleau compresseur de sa majorité il défait cette motion présentée par le chef de l'Opposition, il contribuera à augmenter les profondes ambiguïtés qui sont autour de ce projet de loi. Il contribuera à augmenter les résistances et à ce que se dessinent des oppositions de plus en plus farouches à un projet de loi qui, en soi, pourrait être éventuellement acceptable, mais qui ne l'est pas s'il n'est inscrit dans une politique générale, politique globale de la langue française.

Pour ces raisons, je crois que vous devriez accepter la motion du chef de l'Opposition, je crois que le gouvernement devrait se rendre de

bonne grace à la décision positive que vous rendrez éventuellement, ce qui nous permettra tous ensemble, Je dirais, dans un climat à la fois serein et même fraternel, de disposer de cette question extrêmement épineuse, émotive pour le plus grand bien et servant en cela les plus grands intérêts du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, je suis placé dans la position de celui qui, ayant été juge, redevient avocat et se voit reprocher...

M. LESAGE: ... de sortir de ses jugements.

M. PAUL: Qui voit son adversaire ou son confrère citer devant le prétoire une jurisprudence afin d'essayer de mettre en contradiction celui qui aurait créé cette propre jurisprudence.

M. LAPORTE: Jurisprudence de qualité.

M. PAUL: Ce n'est pas la première fois, M. le Président, que je vois...

M. BELLEMARE: Vous le reconnaissez en retard.

M. PAUL: ... le député de Chambly lire, boire la jurisprudence que votre prédécesseur a pu établir. Mais je crois que, dans le présent cas, même si la jurisprudence citée était parfaite et excellente, elle ne peut trouver champ d'application.

M. LAPORTE: Il me semblait, aussi!

M. PAUL: Parce que, M. le Président, il s'agit de lire exactement la portée de la motion proposée par l'honorable chef de l'Opposition. Je me référerai à des notes contenues dans notre règlement. Ce que je trouve curieux, c'est qu'il n'y a pas très longtemps on reprochait à celui qui vous parle d'être un formaliste, d'être celui qui était esclave, en quelque sorte, du règlement qui doit régir nos délibérations. Mais, tel n'est pas le problème aujourd'hui, parce qu'on vous soumet le texte d'un amendement qui ne doit pas être considéré en regard des expressions « parce que » ou « bien que » ou ainsi de suite. Mais plutôt en vous référant à l'article 558, paragraphe 9 — pour tenter de vous rappeler, pas de vous convaincre, parce que vous l'êtes déjà, connaissant avec quelle science vous interprétez les règlements de cette Chambre — vous avez sans doute saisi, à la note 9 de l'article 558, toute la richesse de droit que l'on rencontre dans ce texte.

M. LAPORTE: Un instant.

M. PAUL: Il est irrégulier de proposer d'amender la motion de deuxième lecture en y ajoutant seulement des mots.

M. LESAGE: Mais je les retranche.

M. PAUL: Je vois déjà l'honorable chef de l'Opposition qui prétend que sa motion fait plus que d'ajouter des mots. C'est ce que nous allons voir.

M. LESAGE: Elle commence par en retrancher.

M. PAUL: Nous voyons...

M. LAPORTE: Ouais! Cela va être fort!

M. PAUL: Pour analyser quelle est la portée de l'amendement proposé par l'honorable chef de l'Opposition, il faut d'abord s'en reporter au titre du bill, Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec. L'honorable chef de l'Opposition, dans sa motion, d'amendement, dit; « ... ne soit pas lu une deuxième fois, parce qu'il ne contient pas les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec ...» Et là, j'attire votre attention, M. le Président, sur le mot « et »: «... et pour y assurer la normalisation progressive du français écrit et parler ». Alors, je vais vous soumettre bien respectueusement que nous n'avons que des mots qui n'ajoutent absolument rien au principe du bill et surtout dans l'application quotidienne et pratique qu'en feront tant le ministre de l'Education que le ministre de l'Immigration, parce que, si nous nous référons aux texte de l'article 1 et au texte de l'article 3, nous verrons que les deux ministères doivent tout mettre en oeuvre et prendre les mesures nécessaires pour que les études du niveau de la première à celui de la onzième année, et même au collégial, soient de telle façon que celui qui voudra obtenir un diplôme puisse posséder la connaissance suffisante du français.

Par conséquent, le cours devra être orienté, devra être présenté pour qu'il y ait une normalisation progressive du français écrit et parlé.

Cette deuxième partie de la motion du chef

de l'Opposition n'ajoute donc absolument rien aux moyens visés et mis en action dans le bill pour que le français tant parlé qu'écrit connaisse une normalisation progressive, et pour cela, il faut M. le Président, s'en reporter au texte du bill.

Il ne s'agit pas tout simplement de réciter le texte de la motion pour en venir immédiatement à la conclusion qu'il s'agit d'autre chose que d'ajouter des mots. Je dis que la motion telle que présentée par l'honorable chef de l'Opposition, si elle était acceptée, n'accorderait absolument rien au point de vue pratique aux effets que le bill aura, une fois adopté par notre assemblée.

On me rétorquera, M. le Président, que dans cette partie de la motion dont j'ai parlé qui tend à assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé, il y a la consécration d'un principe qui dit que le français devienne effectivement la langue prioritaire au Québec.

Voilà la justification qu'apporte l'honorable chef de l'Opposition au soutien de sa motion. Encore là, M. le Président, je vous invite à regarder le troisième paragraphe de l'article 2 où il est dit que ces cours doivent être donnés en langue française. Par conséquent, dans le bill même, on fait du français la langue prioritaire au Québec.

M. LAPORTE: Est-ce que je peux poser une question au ministre?

M. PAUL: Peut-être après, s'il vous plaît? M. LESAGE: C'est tellement laborieux que...

M. PAUL: Cela n'est pas laborieux, c'est subtil. Je comprends que le chef de l'Opposition...

M. LAPORTE: Je voulais demander au ministre si c'est cela la politique du français prioritaire du gouvernement.

M. BELLEMARE: Non, non, on y reviendra, vous ne l'avez pas demandé.

M. BERTRAND: On reviendra.

M. BELLEMARE: Vous viendrez le demander plus tard.

M. LAPORTE: C'est ça votre français prioritaire? Il est à nous dire cela.

M. BELLEMARE: On va attendre.

M. LESAGE: Ne le laissez pas dire.

M. PAUL: Je dis donc, M. le Président...

M. BELLEMARE: Non, non, non.

M. LESAGE: Il va être fâché.

M. PAUL: Je dis donc, M. le Président, que le chef de l'Opposition veut d'abord faire du français la langue prioritaire au Québec. Je dis que, par notre bill, nous donnons une priorité au français dans l'enseignement.

M. BERTRAND: Oui, c'est ça.

M. PAUL: Par conséquent, quelle priorité accordons-nous dans le principe du bill présentement à l'étude par la motion proposée par le chef de l'Opposition? Absolument rien de plus.

Si on n'ajoute rien par la motion du chef de l'Opposition quant à la priorité du français, dans l'enseignement du français écrit ou parlé, et si d'autre part...

M. MICHAUD: Pas vrai. Ce n'est pas vrai!

M. PAUL: ... par la motion du chef de l'Opposition... Est-ce que l'honorable député voudrait avoir la gentillesse de me laisser aller, je ne l'ai pas interrompu. Pour ce qui est du fond même du débat, on pourra y revenir. Je comprends que vous, qui n'êtes pas procédurier, vous soyez égaré.

Je dis donc...

M. MICHAUD: Dieu me garde de votre procédure.

M. PAUL: Je dis donc, M. le Président, que dans la motion du chef de l'Opposition qui contient deux justifications, la justification pour que vous acceptiez cette motion, c'est d'abord parce qu'elle ne contient pas les dispositions nécessaires pour que quoi? Pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec.

Je dis que le bill a une disposition à cet effet. Deuxièmement, le bill contient ce qui est nécessaire, dans sa rédaction actuelle — par l'obligation qu'il impose au ministre de l'Education et au ministère de l'Immigration de prendre les moyens nécessaires à cette fin — pour assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé. Quel principe nouveau nous apporte le chef de l'Opposition dans sa motion? Absolument rien. C'est pourquoi, malgré tout l'effort déployé par l'honorable député de Chambly aux fins de tenter de vous intimider par une

jurisprudence qui ne peut trouver champ d'action dans le présent cas, je soumets respectueusement que la motion d'amendement proposée par l'honorable chef de l'Opposition doit être rejetée en vertu de l'interprétation de la note 9 de l'article 558 où il est dit qu'il est « irrégulier de proposer d'amender la motion de deuxième lecture en y ajoutant seulement des mots. » Quel sera le sens pratique de la motion du député de Louis-Hébert, l'honorable chef de l'Opposition? Absolument rien, parce que le but ou le principe visé par sa propre motion est déjà atteint dans le texte, tant par le titre du bill que par ses dispositions.

M. LAPORTE: C'est le fond, ça. Quand on discutera la motion d'amendement, vous nous direz si véritablement c'est contenu. Vous êtes à discuter le fond, là.

M. PAUL: Je dirai que ce n'est pas le fond. Si, à un moment donné, le chef de l'Opposition — Je respecte son opinion, mais je ne la partage pas — prétend que le bill actuel ne contient pas les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec, etc, c'est parce qu'il s'est référé au bill pour en faire une analyse objective.

M. LAPORTE: Cela c'est bien.

M. PAUL: Bon. C'est donc dire, M. le Président, que, dans la position que vous occupez, vous, vous devez également faire une étude objective du bill pour savoir s'il contient déjà les dispositions que le chef de l'Opposition veut amener au soutien de sa motion ou de son argumentation pour que la deuxième lecture du bill ne se fasse pas immédiatement. Je soumets respectueusement qu'au point de vue pratique la motion du chef de l'Opposition n'est étoffée que de mots qui ne contiennent pas d'idées nouvelles et qui ne peuvent, dans l'application courante, apporter davantage au principe et aux obligations déjà inscrits dans le titre du bill et dans le corps du bill.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à mettre de côté la jurisprudence qu'on vous a citée, parce que cette jurisprudence ne trouve pas champ d'application en regard de la redondance inutile de la motion qui nous est faite par l'honorable chef de l'Opposition en nous proposant tout simplement d'ajouter, ou de pérorer au sujet du texte de loi déjà soumis pour étude en deuxième lecture.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: Je serai très bref et je dirai ceci: Si vous décidiez, M. le Président, de ne pas maintenir l'objection soulevée par le ministre du Travail, et que la motion que j'ai présentée est conforme au règlement, quelle serait la discussion au fond sur la motion présentée? Exactement celle que vient d'entamer le ministre de la Justice. Le gouvernement soutiendrait comme vient de le faire le ministre de la Justice, que, contrairement à ce que j'ai prétendu tout au long de mon intervention, le projet de loi contient les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec.

Cela, c'est le tond de la question. Ce qui veut dire, M. le Président, que du même coup, tout en justifiant la régularité de la motion présentée, le ministre de la Justice a mis de côté une des deux objections du ministre du Travail, à savoir que la motion allait à l'encontre du principe du bill.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition me permettrait une question?

M. LESAGE: Bien sûr.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition parle sur le point d'ordre soulevé par le ministre du Travail ou sur la motion?

M. LAPORTE: Sur le point d'ordre.

M. LESAGE: Sur le point d'ordre. Je ne suis pas intervenu sur... Si je comprends bien, le ministre du Travail a fait valoir son objection. Le député de Chambly a répondu. Le député de Gouin est intervenu sur la question de règlement, et c'est le ministre de la Justice qui a répondu. J'use de mon droit indéniable de parole sur la question de règlement.

M. BELLEMARE: C'est sur le point d'ordre? M. LAPORTE: C'est ça!

M. LESAGE: Je répète, afin que le ministre de la Justice suive bien mon argument dans le cadre de la question de règlement. Je dis que si c'était admis comme régulier, cette motion que j'ai présentée, la discussion qui se ferait serait justement de savoir si le projet de loi contient ou ne contient pas les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec. C'est ça, la dis-

cussion qu'a entamée le ministre de la Justice. Cela, c'est la discussion du fond, et en ce faisant, il a admis au nom du gouvernement, que l'un des deux arguments soulevés par le ministre du Travail n'était pas valide, à savoir que la motion allait à l'encontre du principe du bill.

Tout cela règle le cas.

M. BELLEMARE: Voyons donc! M. BERTRAND: Voyons donc!

M. LESAGE: Deuxièmement, le ministre du Travail a prétendu qu'il y avait une condition. Le ministre de la Justice n'en a pas dit un mot, parce qu'il sait fort bien qu'il n'y a pas de condition. Lui-même a jugé, quand il était président de la Chambre...

M. PAUL: M. le Président, je me vois dans l'obligation de me prévaloir des dispositions de l'article 200, immédiatement

M. BELLEMARE: L'article 200, c'est ça.

M. PAUL: Je ne voudrais pas, M. le Président, que l'honorable chef de l'Opposition me juge quant aux arguments que je n'ai pas invoqués.

M. LESAGE: Sur une abstention...

M. PAUL: Il n'a pas le droit, M. le Président, de me reprocher de ne pas avoir discuté le point soulevé par l'honorable ministre du Travail. J'ai traité le problème sur un point particulier en vertu de la note 9 de l'article 558. L'honorable chef de l'Opposition n'a pas le droit de me reprocher ou de tenter d'interpréter mon silence quant au point soulevé par l'honorable ministre du Travail.

M. BERTRAND: C'est tout!

M. LESAGE: M. le Président, c'est parce que Je connais tellement bien le ministre de la Justice, son goût pour la procédure, jusqu'à quel point il en est féru, que son silence ne pouvait être interprété que comme une éloquente admission.

M. PAUL: Vous n'avez pas le droit, en vertu de l'article 285, dix-neuvièmement, de me prêter des intentions.

M. BELLEMARE: C'est ça, l'article 285. M. LESAGE: Pour en revenir à la discus- sion, je dis donc que tout ce que le ministre de la Justice a plaidé, c'est le fond de la question. Le ministre de la Justice s'est référé plus particulièrement — il vient de le redire — à la note 9 de l'article 558. Je vais la lire, M. le Président: « Il est irrégulier de proposer d'amender la motion de deuxième lecture en y ajoutant seulement des mots. » Mais ce sont des mots à la motion de deuxième lecture, et pour savoir exactement ce que veut dire la note 9, on n'a qu'à lire la note 10: « Tout amendement à la motion de deuxième lecture doit porter substitution des mots à certains mots de cette motion. » On ne peut pas simplement proposer que des mots soient ajoutés à la motion. Il faut qu'il y ait substitution.

La motion que j'ai présentée, secondé par le député de Chambly, comporte substitution de tous les mots après le mot « que » par d'autres mots. C'est absolument régulier. D'ailleurs, c'était la procédure qui avait été suivie lorsque le député de Maskinongé, président de la Chambre, avait rendu un jugement déclarant recevable une telle motion, rédigée de la même façon.

M. le Président, je voudrais également vous référer à une décision que vous avez vous-même rendue, déclarant irrecevable une motion du député de Stanstead le lundi 17 juillet 1967, à 4 h 31 du matin.

UNE VOIX: A quelle heure?

M. LESAGE: A 4 h 31 du matin.

M. BELLEMARE: Il devait y en avoir..

M. LESAGE: C'était lors de la discussion sur le projet de la commission scolaire de Montréal. Le bill 67. A ce moment-là, la motion du député de Stanstead...

M. BELLEMARE: Combien de motions? M. LAPORTE: Combien de quoi?

M. LESAGE: ... n'avait pas été considérée comme régulière par le président.

M. BELLEMARE: Quatre motions.

M. LESAGE: Cependant, le président avait des doutes, il n'était pas sûr de son affaire. Il était obligé, étant donné l'heure tardive ou matinale — qu'on dise ce qu'on voudra — de rendre une décision, quitte à la corriger plus tard. C'est ce qu'on voit à cette décision. Alors, si cette décision était mauvaise, c'est une raison de plus pour admettre le bien-fondé de la présente motion.

M. PAUL: M. le Président, je me lève sur une question de privilège. Je n'ai pas dit que ce jugement était mauvais. J'ai dit que ce n'était pas la meilleure décision que j'aie rendue.

M. LESAGE: Bon, très bien. Mais, à ce moment-là, la décision avait été rendue de déclarer irrégullère la motion d'amendement, parce qu'elle invoquait deux choses qui n'étaient pas parties au principe du bill, contrairement au cas qui est devant nous. Alors au cas où quelqu'un... M. le Président, comme Je veux pas intervenir vingt fois...

M. BELLEMARE: Non, non, c'est simplement pour rétablir les faits dans leur ensemble. C'était la quatrième ou la cinquième motion que l'on faisait, ce matin-là, sur le même sujet. Le président du temps avait lui-même dit pourquoi on voulait, par une opposition systématique... Si vous regardez les quatre autres motions qui ont été faites...

M. LESAGE: M. le Président, si je réfère à l'index qui apparaît au début du fascicule des Débats de l'Assemblée nationale — l'Assemblée législative, à ce moment-là — pour le 17 juillet, il y avait eu une motion d'ajournement de M. Laporte. La motion d'amendement de M. Vaillancourt était la première motion d'amendement. L'autre motion d'amendement a été présentée par le député de Westmount, et c'était une motion classique de renvoi à trois mois ou à six mois. La motion du député de Stanstead était une motion d'amendement, avec les mots « parce que ». Mais, ce qui était indiqué après les mots « parce que », c'était que ce projet de loi ne devait pas être lu « avant que le gouvernement n'y apporte des modifications susceptibles d'assurer le progrès de l'éducation à Montréal, notamment pour opérer la démocratisation de la commission des écoles ». Alors, on sortait du bill et on avait utilisé les mots « avant que » et non pas les mots « parce que ».

Je voulais, tout de suite, attirer l'attention de la présidence sur cette décision qui a été rendue, déclarant une motion d'amendement irrecevable. Je dis pourquoi elle était irrecevable et je voulais dire à la présidence qu'avant de rédiger la motion d'amendement que j'ai proposée au bill 63 j'ai bien examiné cette décision rendue le 17 juillet 1967 — c'était le 18, je crois bien, parce que c'était à 4 heures du matin — et que j'ai voulu éviter les difficultés auxquelles nous aurions à faire face si nous ne faisions pas attention aux remarques que nous trouvons dans le jugement rendu par le président à ce moment-là.

J'attire votre attention, M. le Président, il s'agit de la motion du député de Stanstead; nous en retrouvons le texte aux pages 47 et 48 du journal des Débats pour la session de 1967 et la décision du président aux pages 48, 50 et 51.

Je crois, M. le Président, qu'il s'agit d'une décision fort importante que la présidence a à rendre. Je sais que c'est de la procédure, mais ce n'est pas nous qui l'avons soulevée. Nous sommes disposés à discuter du fond de la motion. Alors, nous attendons la décision de la présidence sur la régularité de la motion d'amendement.

M. LE PRESIDENT: Je dois me prévaloir de l'article 70 et demander à la Chambre cinq minutes de réflexion avant de rendre ma décision. Ces cinq minutes pourront être, peut-être, sept ou huit minutes.

M. LESAGE: Oui, j'ai pensé que, si la présidence préfère obtenir un délai jusqu'à huit heures, nous n'aurions aucune objection à continuer l'étude des crédits. Je ne voudrais pas être accusé de faire perdre le temps de la Chambre.

M. PAUL: Tout dépendrait; j'ai vécu...

M. LESAGE : Cinq minutes pour aller chercher des papiers...

M. PAUL: ... cette expérience, de même que mon collègue, l'honorable député de Verchères. Les cinq minutes sont vites passées, dans des circonstances semblables.

M. LAPORTE: Si le président se contentait de relire votre décision.

M. PAUL: Non, c'est parce que le président est trop prudent; il va lire davantage.

M. BELLEMARE: Vous savez que, maintenant, en vertu de nos règlements, le président peut requérir certains experts de la Chambre pour le conseiller.

M. LAPORTE: Je suis disposé à l'accompagner.

M. BELLEMARE: Je suis sûr que vous ne serez pas invité.

M. LESAGE: Il serait bien mal vu que le ministre du Travail soit consulté comme expert.

M. BELLEMARE: Je ne me prends pas pour un autre.

M. PAUL: Je pense, M. le Président, qu'il serait peut-être bon, pour connaître la recevabilité de la motion, de suspendre nos travaux à loisir, suivant le temps dont vous aurez besoin.

M. LE PRESIDENT: Les experts sont déjà choisis et la Chambre suspend ses travaux à loisir.

Décision sur la motion d'amendement

M. LE PRESIDENT: C'est l'une des rares fois depuis que j'occupe le fauteuil que j'envie la situation du juge qui est redevenu avocat, mais il faut bien que je prenne mes responsabilités. Je l'ai fait en consultant les experts en procédure parlementaire, les experts et les hauts fonctionnaires de la Chambre.

J'ai relu attentivement le préambule du bill 63 et j'en suis venu à la conclusion que, dans la motion qui est présentée par l'honorable chef de l'Opposition, il s'agit d'un effort manifeste de vouloir élargir le principe du bill, et ceci est permis, je pense, à ce moment-ci des procédures. Si on ne peut pas le faire à ce moment-ci, je me demande bien quand on pourrait le faire.

Je me suis posé aussi une autre question. On dira peut-être que j'ai procédé par l'absurde, mais j'ai procédé par élimination en me référant à l'article 558; j'ai pris chacun des sous-paragraphes et je les ai analysés assez attentivement. J'en suis venu à la conclusion que les articles 2 à 13 ne pouvaient pas trouver ici leur application. J'en suis ainsi venu à la conclusion finale à l'effet que la motion était recevable, puisque ce n'est qu'au paragraphe premier que je peux vraiment loger cette motion.

M. LAPORTE: M. le Président, si le gouvernement n'a rien à dire, on va demander le vote.

M. BELLEMARE: Vote! M. BERTRAND: Vote!

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

M. LAPORTE: M. le Président, il est bien évident que le gouvernement n'a pas réussi à faire son lit sur cette motion, qu'il va...

M. BERTRAND: On peut faire des discours quand on le veut.

M. LAPORTE: Oui, oui. Vous avez le droit de faire des discours quand vous le voulez.

M. le Président, disons que ce délai va permettre au gouvernement de se remettre de la surprise qui est maintenant sienne. Nous allons avoir l'occasion très précise de savoir comment l'Union Nationale va voter sur la priorité du français dans la province de Québec. C'est ça.

M. BERTRAND: Ah, Seigneurl M. Pierre Laporte

M. LAPORTE : Nous allons savoir une bonne fois si le gouvernement de l'Union Nationale, qui, dans son programme électoral de 1966, nous a parlé d'une langue nationale, va se contenter de proposer aux Canadiens le brouet clair que comporte le bill 63.

C'est pourquoi, par la motion d'amendement qu'a déposé le chef de l'Opposition, nous réclamons des mesures concrètes pour que le français prioritaire s'installe dans la province de Québec par autre chose que des voeux pieux.

Nous avons tout à fait l'intention de nous déclarer d'accord avec le principe du respect du droit des minorités et du respect du droit des parents d'envoyer leurs enfants aux écoles de leur choix. Mais nous avons également l'intention de demander au gouvernement ce qu'il entend faire pour doter la province de Québec d'une véritable politique des langues. Pourquoi le français prioritaire? Parce que nous sommes d'avis, de ce côté-ci de la Chambre, qu'il est nécessaire de protéger les droits des minorités, mais il est nécessaire également de reconnaître que l'état de la langue française au Québec n'a rien de particulièrement réjouissant et que c'est le devoir du gouvernement de nous dire ce qu'il entend faire.

Que pourrait être une politique de français prioritaire? Nous avons, au moins sur ce sujet —l'équipe que nous représentons — l'impression d'avoir proposé au Québec, depuis plusieurs années, une politique constante. Dès 1966, à la face de tous les électeurs de la province de Québec nous avons proposé aux citoyens de faire du français véritablement la langue de travail au Québec. Après la perte du pouvoir, il eut été possible d'imaginer que beaucoup de libéraux se seraient — employons le verbe ressaisir — ressaisis et auraient été tentés de reculer sur cette question.

Or, à notre congrès d'octobre 1968, après un débat qui a duré deux jours, dans un atelier qui a été fréquenté par 200 à 300 délégués, une politique des langues pour le Québec a été proposée.

Je ne la répéterai pas, pour ne pas utiliser inutilement le temps de la Chambre; le chef de l'Opposition l'a récitée en entier tout à l'heure. Non seulement l'atelier a voté à l'unanimité le texte qui avait été proposé, mais c'est revenu devant l'assemblée générale du congrès où plus de 1,800 délégués ont voté, à l'unanimité moins une seule voix, la politique que nous voudrions voir s'Implanter dans la province de Québec.

Ce que nous n'acceptons pas c'est qu'après des mois, des années de tergiversation, le gouvernement se soit servi d'une politique que nous avons élaborée, qu'il aurait pu utiliser dès 1966 ou 1967, en en retranchant ce qui, quant à nous, était l'article 1 de cette politique: la priorité réelle du français au Québec. Nous sommes en faveur d'une politique des langues, évidemment. Mais nous acceptons difficilement qu'on donne à nos compatriotes de langue anglaise ce qui est juste, qu'on leur donne des garanties, et qu'on accorde au français une enquête qui va durer trois ou quatre ans.

Nous acceptons difficilement que le gouvernement ose prétendre que son bill 63 est une politique des langues.

M. BERTRAND: Nous ne l'avons jamais dit.

M. LAPORTE: Bon.

M. BERTRAND: C'est un élément.

M. LAPORTE: Ce que l'on vous demande, c'est de nous donner les autres éléments. Nous avons l'assertion du premier ministre: ce n'est qu'un des éléments. Je pense que, dans une discussion aussi importante que celle-là pour l'avenir même du groupe ethnique que nous représentons dans la province de Québec, nous sommes en droit, que nous soyons de langue française ou de langue anglaise, que nous soyons membres du gouvernement ou de l'Opposition, de demander au premier ministre quels sont les autres éléments de sa politique des langues.

Qu'est-ce qui est contenu dans le projet de loi de restructuration sur l'île de Montréal? Quelles mesures, législatives ou non, entend-il prendre pour aller au-delà de ce qu'on nous propose actuellement?

Nous sommes en droit de dire au premier ministre: Vous êtes en contradiction flagrante avec tout ce que vous avez prêché depuis deux ans. Je n'aurais, M. le Président, pour l'illustrer qu'à rappeler, face à ce projet de loi que nous discutons actuellement, la déclaration faite par le premier ministre lui-même lorsqu'il a annoncé, par un arrêté ministériel, qu'une commission d'enquête se mettait en route pour étu- dier l'état de la langue française au Québec.

Si vous voulez m'excuser deux secondes, M. le Président, je vais retracer ce document très intéressant.

Texte du premier ministre annonçant qu'il y aurait une enquête royale sur l'état de la langue française au Québec: « Jusqu'à quel point y a-t-il péril en la demeure? Disons que là-dessus les avis sont partagés. Certains proclament qu'au train où vont les choses, le français est appelé à disparaître à plus ou moins brève échéance ce qui, soit dit en passant, n'est pas de nature à encourager les nouveaux venus à opter pour notre langue et notre culture. « D'autres, sans nier qu'il y a des problèmes à résoudre et des redressements à opérer, soutiennent que dans l'ensemble le français fait malgré tout des progrès constants. »

Est-ce que le premier ministre a changé d'idée? Est-ce qu'aujourd'hui...

M. BERTRAND: Voyons donc!

M. LAPORTE: ... il n'a plus besoin de la commission Gendron pour savoir si oui ou non le français est en péril et pour agir tout de suite? Je cite toujours le premier ministre: « Je reconnais que nous n'avons ici ni toutes les informations, ni toutes les connaissances nécessaires pour trancher la question. C'est l'un de ces domaines où le législateur doit nécessairement recourir aux lumières des spécialistes. »

Qu'est-ce que c'est que cette façon de nous amener un des éléments de la politique linguistique du gouvernement quand la commission Gendron est en pleine étude et que le premier ministre lui-même admet qu'il avait besoin de l'aide des spécialistes?

Je cite toujours le premier ministre: « Pour agir avec toute V efficacité nécessaire, il importe que nous sachions d'abord quelle est exactement la situation de la langue française au Québec, dans le domaine économique comme dans tous les autres domaines. Pour obtenir des réponses à ces questions et à toutes les autres que l'on peut se poser, le gouvernement a décidé de créer une commission d'enquête pour étudier — je cite toujours — spécifiquement et en profondeur le problème des langues au Québec, avec tout ce qui s'y rattache, y compris les droits linguistiques de la majorité et de la minorité. »

Je demande au premier ministre ce que vient faire son projet de loi, lui qui avait besoin de la commission Gendron pour déterminer les droits linguistiques de la majorité et de la minorité. « Nous espérons que la commission pourra faire rapport dans les douze mois. » C'est évidemment un espoir qui s'est évanoui, ça fait

déjà longtemps. Suivant ces recommandations, disait le premier ministre, « des mesures pourront alors être prises pour compléter et ordonner dans un ensemble bien structuré notre politique linguistique. En attendant, disait-il, tous comprendront sans doute la nécessité de maintenir le statu quo en ce qui concerne le libre choix pour les parents des institutions anglophones ou francophones que fréquentent leurs enfants. ».

Ou le premier ministre a décidé d'abandonner le texte qu'il nous a livré il y a quelques mois, et, alors, qu'il nous propose une politique linguistique totale ou, si le premier ministre croit toujours ce qu'il nous a dit il y a quelques mois, qu'il se contente de régler le problème très urgent créé à Saint-Léonard — ce que tout le monde va accepter très rapidement — et qu'il prenne le temps nécessaire pour proposer à la province de Québec une véritable et totale politique des langues.

Voilà pourquoi l'amendement du chef de l'Opposition dit au premier ministre que l'on nous en donne trop et pas assez. On nous en donne trop pour régler un seul problème immédiat et pas assez pour satisfaire l'appétit non seulement des Canadiens français de la province de Québec, mais également de tous les Canadiens anglophones, parce qu'eux aussi sont intéressés non seulement à régler le problème crucial dont j'ai parlé tout à l'heure, mais à savoir où nous allons dans la province de Québec dans le domaine des langues. C'est une des choses qu'on nous répète continuellement. Je le dis encore une fois au premier ministre: Le moment est venu pour lui d'imprimer à la politique de son gouvernement un minimum de leadership pour que nous sachions où nous nous en allons. Ce que l'on nous propose actuellement est la preuve la plus irréfutable que nous ayons eue jusqu'ici de l'incohérence absolue du gouvernement actuel.

Rappelez-vous — on le signalait tout à l'heure — d'où nous sommes partis. En 1966, promesse de faire — sans précision, évidemment — de la langue française la langue nationale des Canadiens français. Problème de Saint-Léonard qu'on laisse naître, qu'on laisse pourrir sur place. Bill 85, premier et très profond signe de division à l'intérieur de l'Union Nationale. Bill 85 référé à une commission où le ministre des Affaires culturelles, entre autres personnes, s'est chargé de voir à ce que le bill soit enterré. Problèmes croissants à Saint-Léonard. Promesse du premier ministre d'agir sans délai.

On nous revient avec un bill 63 qui n'est même plus ce que le bill 85 était. Divisions nouvelles à l'intérieur de l'Union Nationale, qui ont commencé d'éclater en public dès cet après-midi. Comment voulez-vous que la province se sente rassurée avec un tel gouvernement et une telle politique des langues? C'est pour cette raison que nous nous croyons justifiés de dire au premier ministre : Bill 63, oui, mais, ensuite? Si vous avez suffisamment de renseignements pour proposer le bill 63, vous en avez sûrement assez pour nous dire quelle sera la politique de restructuration des écoles sur l'île de Montréal et pour nous dire ensuite de quelle façon vous allez instaurer, si tant est que le gouvernement veuille le faire, dans la province de Québec le français prioritaire.

Cela devrait être d'autant plus facile que cela ne fait presque plus de discussion. Il y a au moins deux de mes collègues de langue anglaise qui m'ont dit aujourd'hui: Le français prioritaire, qu'on l'appelle prioritaire ou d'une autre expression, c'est devenu une chose acceptée, une chose nécessaire dans la province de Québec. Pourquoi le gouvernement n'est-il pas en mesure de nous dire tout de suite ce qu'il va en faire du français prioritaire? Pourquoi le gouvernement, au lieu de laisser s'élever dans la province de Québec le tollé auquel on assiste actuellement, n'a-t-il pas été en mesure de dire au cours d'une conférence de presse: Voici le premier élément de notre plitique, mais vous pouvez vous attendre que sans délai nous allons vous proposer deux ou trois autres mesures afin que tout le monde se sente servi par cette politique et qu'on n'ait pas l'impression qu'une fois de plus on crée des classes favorisées.

C'est ça que la province de Québec attend. C'est le sens de l'amendement proposé par le chef de l'Opposition. M. le Président, le premier ministre a l'occasion de dire à la province de Québec ce qu'il entend lui donner comme politique des langues. Les membres de son parti auront l'occasion de voter sur la priorité de la langue française au Québec. Nous attendons et les déclarations du premier ministre et le vote.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. Yves Michaud

M. MICHAUD: M. le Président, parlant sur la motion présentée par le chef de l'Opposition, je dois dire qu'il y a des moments dans la vie des hommes politiques où il y a des choix qui s'imposent. Ces moments-là sont généralement les plus troublés, les plus fiévreux parce que les passions, les extrémismes de tout genre, les vérités sommaires viennent troubler la sérénité de la réflexion. Je pense bien que tous ici, dans cette Chambre, à l'occasion de l'étude de ce pro-

Jet de loi, nous sommes à des degrés divers passablement inquiets, certains déchirés et d'autres qui sont peut-être sereins et tranquilles; ceux-là, je les admire. Mais nous devons faire un effort particulier, il me semble, afin de ne pas nous laisser entraîner parce que le danger existe toujours dans le sillage des demi-vérités passionnelles ou des combats menés pour le seul plaisir de l'esthétique de la contestation ou de la contradiction.

Il y a dans ces choses extrêmement importantes également le risque que les calculs, les ambitions, les aspects fragmentaires et les peurs aussi, il y a ce risque que tout cela vienne fausser la vérité objective des faits et des situations parce que nous portons tous en nous-mêmes, il faut avoir le courage de nous l'avouer, que nous soyons de droite ou de gauche, conservateurs, modérés, nous portons tous le poids, parfois irritant, de nos calculs, de nos intérêts, fussent-ils ennoblis par la poursuite d'un idéal ou d'un grand rêve.

Le tout est de savoir, dans des questions — je le répète — aussi graves et aussi porteuses de conséquences pour l'avenir, Jusqu'à quel point il est possible de sacrifier, les uns aux autres, sans perdre sa propre estime et sans dévier des buts que nous poursuivons. Car c'est là l'essentiel — et j'en fais uniquement une parenthèse — je pense que confrontés comme nous sommes avec ces problèmes déchirants, il est plus important pour chacun de se respecter soi-même, de vivre sans honte dans sa peau que de chercher à tout prix et au prix de toutes les concessions possibles et imaginables l'admiration ou l'approbation des autres, lesquels autres sont probablement, eux, plus occupés à se demander ce que l'on pense d'eux.

Je le répète, M. le Président, je voudrais avoir, abordant cette question vitale pour l'avenir du peuple québécois, la tranquille et parfois béate certitude de ceux qui voteront pour ou contre le projet de loi, assurés qu'ils sont très fermement que leur prise de position respective est rigoureusement conforme à la fois au droit naturel, à la liberté individuelle des citoyens et aux intérêts supérieurs de la collectivité qu'ils représentent.

Je voudrais avoir cette certitude, mais je dois avouer que je ne l'ai pas. Parce que le projet de loi que le gouvernement propose à l'adoption de l'Assemblée nationale, s'il demeure tel quel, si le gouvernement refuse la motion présentée par le chef de l'Opposition, le projet de loi charriera en même temps du bon et du pire. D'un côté, nous aurons une loi qui prétendra régler une situation, alors qu'elle l'aggravera. De l'autre, nous aurons une loi qui consacrera et affirmera certains droits individuels inaliénables, mais elle mettra en danger les droits collectifs qui sont une nouvelle dimension du débat politique moderne.

C'est ce genre de loi, le projet de loi no 63, tel qu'il est rédigé et ne prenant pas toutes les dispositions pour établir clairement les intentions du gouvernement de faire de la langue française une langue prioritaire chez nous, c'est ce genre de lois dont l'Imprécision, le vague, l'ambigu et aussi, dois-je le dire, peut-être l'hypocrisie involontaire et l'énoncé de bonnes intentions rendent finalement non-signifiants et inatteignables les buts qu'elle prétend poursuivre.

J'ai bien conscience, M. le Président, qu'en prononçant pareils propos je cours plus d'un risque et j'encours le risque de recevoir plus d'une condamnation. Car, malgré les progrès accomplis par la conscience humaine depuis des siècles, malgré le raffinement de nos débats politiques et malgré l'éclectisme de certaines de nos options, nous vivons de plus en plus dans un monde de vérités assénées, d'arguments-chocs et de slogans faciles, hors desquels il n'est point de salut. Si je dis, par exemple, que le projet de loi no 63...

M. BELLEMARE: Je voudrais soulever un point d'ordre dans cet énoncé si merveilleux, rempli d'esprit. M. le Président, je suis franchement pendu à ses lèvres tellement il m'a séduit. Je dis, que toute cette belle dialectique...

M. MICHAUD: Cessez donc ce ridicule!...

M. BELLEMARE: M. le Président, je me demande, en vertu de l'amendement sur quelle ligne porte cette argumentation...

M. MICHAUD: J'en arrive...

M. BELLEMARE: Parce que nous sommes sur l'amendement.

Il vient de parler du bill et de répéter que c'est en vertu du bill que nous sommes actuellement, M. le Président, par votre sage décision, à étudier l'amendement.

M. MICHAUD: M. le Président, en parlant sur un point du règlement soulevé...

M. BELLEMARE: ... s'il y avait possibilité d'attirer votre attention sur...

M. MICHAUD: ... par l'honorable ministre du Travail, je soumets respectueusement que les propos que je tiens sont dans l'esprit et dans la lettre de nos règlements parlementai-

res. Je le soutiens parce que l'amendement soulevé par le chef de l'Opposition vise à inclure dans le projet de loi une disposition faisant de la langue française au Québec la langue prioritaire. Je pense que c'est là rejoindre le débat fondamental.

M. PAUL: M. le Président, j'invoque le règlement. Nous allons nous référer en premier lieu à l'article 273. Il y a des règles de la pertinence du débat. Vous avez accepté l'amendement aux fins de ne pas accepter immédiatement la deuxième lecture parce que le projet de loi ne contiendrait pas les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec, etc.

Nous soumettons que nous ne devons pas nous écarter, même en étudiant l'amendement, du principe du bill présentement à l'étude qui est l'enseignement du français. Le projet de loi que nous avons devant nous, c'est une loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec. Ce n'est pas l'occasion de faire une dissertation complète sur l'histoire de la langue française, de son statut actuel, en dehors de l'enseignement, même si, par l'amendement qui a été présenté, nous pouvons apporter des arguments comme fin de non recevoir du bill présentement à l'étude. C'est ça.

L'Opposition doit se brancher, elle doit dire qu'elle est contre le bill. Elle doit dire qu'elle ne veut pas que le bill soit présenté actuellement, c'est ça l'amendement de l'Opposition...

M. BELLEMARE: C'est ça.

M. PAUL: ... ce n'est pas la thèse ouverte sur toutes les pensées et les théories, ainsi que la situation juridique du français au Québec, il s'agit d'étudier l'amendement en regard du projet de loi que nous avons devant nous.

Or, par l'amendement, l'Opposition nous invite à ne pas procéder avec cette loi. C'est cela qui est actuellement le débat, la clôture dans laquelle s'est placée l'Opposition. Je soumets respectueusement, M. le Président, que toute argumentation aux fins d'établir une politique de la langue française, dans le domaine du travail, dans le domaine des affaires culturelles, dans le domaine des relations entre la fonction publique et ses employés, c'est une question tout à faire contraire au règlement parce que l'amendement que vous avez reçu doit rester dans les cadres de l'objet du projet de loi présentement à l'étude, qui est le domaine de l'enseignement

L'Opposition doit nous apporter des arguments à l'effet que nous ne devons plus procéder avec le bill. C'est ça que l'Opposition a demandé par son amendement. Qu'elle nous dise pourquoi nous ne devons, pas, nous du gouvernement, continuer à étudier le projet de loi qui aura pour effet de stimuler et de faire rayonner l'enseignement du français au Québec! C'est ça la position de l'Opposition. C'est ça que l'Opposition nous invite à discuter. Que l'Opposition nous dise pourquoi nous ne devons pas agir dans le domaine de l'enseignement du français. C'est ça l'amendement de l'Opposition!

L'immobilisme, M. le Président, ne vient plus du gouvernement; il vient de l'Opposition, parce qu'on veut présenter des arguments...

M. LAPORTE: M. le Président...

M. PAUL: ... qui n'ont aucune relation avec l'article...

(Le président est debout)

M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur le rappel au règlement, il est bien évident que la motion d'amendement ne porte pas uniquement et principalement sur le fait que l'on doive immédiatement voter ou ne pas voter la deuxième lecture, il s'agit — et c'est ça qui ajoute à la discussion...

M.PAUL: Maintenant.

M. LAPORTE: ... de cet après-midi - de savoir si le gouvernement est disposé, oui ou non, à introduire dans la législation la priorité de la langue française. Le député de Gouin est parfaitement justifié, en étudiant l'amendement, de donner ce qui lui semble être l'état de la langue française, de faire un historique, s'il le veut, du français au Québec pour conclure, lui, qu'il est urgent que le gouvernement se rende à notre suggestion, il ne s'agit pas de nous lever...

M. BELLEMARE: Non, non.

M. LAPORTE: ... à tour de rôle, revenant à des discussions que J'ai déjà entendues dans cette Chambre autrefois — le ministre du Travail s'en souvient — quand on disait: Le principe du bill, c'est telle chose; dites-nous si vous êtes pour ou contre. Ce qu'il s'agit de discuter, ce n'est pas de savoir si on est pour voter maintenant, c'est pour savoir si on est en faveur d'introduire dans le projet de loi des dispositions menant I la priorité de la langue française. En ce sens, l'intervention du député de Gouin, est tout à fait justifiée et dans l'ordre.

M. MICHAUD: M. le Président, plus précisément...

M. BELLEMARE: Dites-le que vous êtes contre.

M. BERTRAND: C'est ça.

M. LAPORTE: Attendez notre vote!

M. BERTRAND: Dites-le donc que vous êtes contre!

M. BELLEMARE: N'essayez pas de prendre...

M. BERTRAND: Vous voulez jouer sur deux tableaux.

M. MICHAUD: M. le Président, plus précisément, sur le point d'ordre soulevé...

M. LAPORTE: Vous allez être tassé dans le coin tout à l'heure, j'ai hâte.

M. MICHAUD: M. le Président...

M. BERTRAND: Vous allez être assis entre deux chaises.

M. PAUL: M. le Président, Je demande la suspension des travaux.

M. MICHAUD: Il est six heures moins quart.

M. BERTRAND: Vous allez être assis entre deux chaises.

M. PAUL: Il est six heures.

M. LESAGE: En attendant, vous êtes pris dans...

M. MICHAUD: J'expliquerai...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La Chambre suspend ses travaux Jusqu'à huit heures quinze, ce soir.

Reprise de la séance à 20 h 16

M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Gouin.

M. MICHAUD: M. le Président, à l'ajournement du débat, à la suspension de nos travaux devrais-Je dire, j'étais à commenter la proposition du chef de l'Opposition...

M. BELLEMARE: M. le Président, avec toute la déférence que mon honorable ami voudra bien me permettre, je voudrais vous demander s'il y a eu une décision de rendue quant au point d'ordre que j'ai soulevé tout à l'heure.

M. MICHAUD: J'allais parler sur le point d'ordre.

M. LE PRESIDENT: Alors, l'honorable député de Gouin, sur le point d'ordre; après quoi, Je rendrai ma décision.

M. MICHAUD: M. le Président, sur le point d'ordre qui a été soulevé par l'honorable ministre de la Justice, avant que nous suspendions nos travaux, ce dernier a mis en cause le sens de mon intervention contre les règlements de la Chambre.

L'amendement du chef de l'Opposition est libellé de la façon suivante: « Que le projet de loi ne soit pas lu maintenant, c'est-à-dire tout de suite, parce qu'il ne contient pas les moyens nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec et parce qu'il ne contient pas les dispositions pour y assurer la normalisation progressive du français écrit et parlé. »

M. le Président, je comprends l'irritation de certains de nos amis du côté ministériel. Je voudrais quand même que l'on envisage ce débat avec tout le calme, la pondération et la sérénité qui devraient normalement présider à nos travaux.

Pourquoi le projet de loi ne doit pas être lu maintenant — c'est le sens de l'Intervention du chef de l'Opposition — c'est parce qu'il ne contient pas les dispositions pour faire de la langue française une langue prioritaire.

Nous voulons, par cet amendement, forcer, inciter, conseiller le gouvernement de telle sorte que la loi qui sera discutée contienne les éléments positifs...

M. PAUL: M. le Président, Je regrette d'interrompre l'honorable député de Gouin, il présume sans doute de la directive que vous voudrez bien nous donner quant à la portée du débat présentement à l'étude dans cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: Je pense que l'honorable député de Gouin enchaînait ses remarques sur le fond de la motion, remarques qu'il a faites sur le point d'ordre soulevé par l'honorable ministre du Travail.

On vient de relire cette motion, elle dit ceci: « La Chambre est d'avis que le bill 63, intitulé Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, ne soit pas lu une deuxième fois maintenant, parce qu'il ne contient pas les dispositions nécessaires pour que le français devienne effectivement langue prioritaire, etc. »

Je pense qu'il serait sage que l'on traite de ces dispositions qui manqueraient ou qui seraient nécessaires et que l'on s'en tienne vraiment au cadre de la motion.

M. MICHAUD: C'est donc notre avis que la loi ne contient pas les dispositions nécessaires pour faire du français la langue prioritaire au Québec. C'est le sens véritable de cette proposition du chef de l'Opposition. Je comprends que le gouvernement est dans une mauvaise posture parce qu'il aura tout à l'heure à voter pour ou contre le français prioritaire au Québec. C'est là le sens de la proposition qui est devant nous.

M. BERTRAND: Voyons donc!

M. MICHAUD: La loi ne contient pas cette disposition. Pourquoi? Parce que la loi dispose d'un certain problème linguistique. Elle dispose du problème de l'enseignement du français dans les écoles anglophones du Québec. Elle dispose également du droit des parents à l'école de leur choix. C'est ça, la mécanique et l'économie de la loi. Elle ne dit rien quant à l'établissement du français prioritaire au Québec. Elle contient également des mesures hypothétiques pour inciter les immigrés à s'intégrer à la communauté culturelle francophone, mais elle ne contient rien, rien n'est dit sur les droits de la majorité, sur la volonté qu'aurait le gouvernement de décréter que le français est langue prioritaire au Québec. Alors, nous disons au gouvernement: En même temps que vous consacrerez dans un projet de loi les droits linguistiques de la minorité, veuillez consacrer également les droits linguistiques de la majorité en décrétant dans le préambule de votre loi, avant l'article no 1 ou à l'article 1 a), que le français est langue prioritaire au Québec.

Nous disons au gouvernement: Etablissez clairement la priorité du français et le reste viendra par surcroît. L'Union Nationale ira-t-elle jusqu'à renier son programme et à refuser de voter pour l'établissement du français prioritaire au Québec? C'est là le fond de la question. C'est là le sens de la proposition qui nous est soumise. Le premier ministre, le ministre de l'Education, le ministre des Affaires culturelles, tous les éléments pseudonationalistes de l'Union Nationale iront-ils jusqu'à voter contre? Iront-ils Jusqu'à pousser l'indécence, jusqu'à voter contre une proposition comme celle qui est là devant nous?

M. PAUL: Oui!

M. MICHAUD: Vous me répondez: Oui. J'ajoute, si le ministre de la Justice répond oui, que vous cumulez l'indécence, l'impudeur et l'hypocrisie. C'est ça, le sens du débat.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Gouin reconnaîtra qu'il ne lui appartient, ni avant, ni après le vote, de commenter la façon d'agir des membres de la Chambre, de leur prêter des motifs et d'employer des termes qui, au surplus, ne sont sûrement pas parlementaires.

M. MICHAUD: M. le Président, je reviens sur la proposition fondamentale. Les ministériels voteront-ils oui ou non, contre l'établissement d'un principe statuant dans nos textes législatifs — en effet, il s'agit d'une loi lourde de conséquences pour l'avenir — les ministériels voteront-ils contre la proposition du chef de l'Opposition visant à faire du français la langue prioritaire au Québec? M. le Président, la loi acutelle, sans cette précision essentielle, indispensable, est dangereuse; elle est piégée. Elle a des conséquences imprévisibles sur l'avenir de toute une collectivité et sur l'avenir de toute la société québécoise, tout court. Elle est dangereuse pour plusieurs raisons, sans cette précision essentielle que le chef de l'Opposition a apportée. Je les résume...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Gouin ne peut aborder ici l'étude du bill lui-même. Nous ne sommes pas rendus, à cause de la motion qui est devant la Chambre, à cette étape qui est l'étude en deuxième lecture. Une autre étude suivra, soit l'étude en comité. A ce moment-ci, il faut que l'honorable député s'en tienne, tel que l'indique la motion, à nous dire les dispositions qui n'existent pas il ne peut pas commenter celles qui existent.

M. MICHAUD: M. le Président, je dis que le gouvernement devrait accepter la proposition qui est devant lui, parce qu'elle s'inspire, à la source même, des propos qu'a tenus le premier mi-

nistre l'année dernière, alors que le gouvernement présentait un arrêté ministériel créant la commission Gendron. Le premier ministre lui-même, dans un débat, page 4,646 journal des Débats du lundi 9 décembre 1968, a accepté d'emblée la proposition que le chef de l'Opposition fait actuellement. Il a accepté d'emblée, pourquoi? Le premier ministre dit ceci, parlant des problèmes linguistiques et justifiant la création de la commission Gendron, et je cite: « Etant donné ce contexte ou nous sommes immergés, ce n'est pas la langue de la minorité qui est la plus vulnérable au Québec, mais celle de la majorité. » Le premier ministre a dit cela. Donc, dans son esprit, il établit la priorité des problèmes au niveau de la langue de la majorité, non pas au niveau des droits linguistiques des minorités.

Le premier ministre a ajouté ceci : « Il importe que nous sachions d'abord,... » Alors, si je comprends bien mon français, d'abord veut dire en premier lieu. Le premier ministre dit: « Il importe que nous sachions d'abord quelle est exactement la situation de la langue française au Québec, dans le domaine économique, comme dans tous les autres domaines. »

M. le Président, il est clair que le projet de loi no 63, tel qu'il est, parce qu'il ne contient pas l'affirmation de la langue française comme statut prioritaire, met la charrue devant les boeufs. Il demande à l'Assemblée nationale de consacrer le principe des droits linguistiques des minorités, alors que rien n'est dit sur les problèmes et sur les droits de la majorité francophone du Québec.

Nous, nous disons que le projet de loi no 63, tel qu'il est présenté de façon insidieuse, parce que nous ne pourrons pas voter en toute connaissance et en toute intelligence de la situation. Dans quelques semaines, le ministre de l'Education présentera un projet de loi sur la restructuration scolaire. Si le gouvernement acceptait d'établir comme principe la priorité du français au Québec et non d'établir ce qui pourrait être interprété dans divers milieux, et ce qui est déjà interprété comme étant, avec le bill 63, le principe de la parité des langues, si le gouvernement établissait le principe de la priorité du français, nous dirions, à ce moment-là: Apportez immédiatement le bill 63.

Comment pouvons-nous voter une loi, à l'heure actuelle, à l'heure ou je vous parle, au moment où nous ne connaissons pas ces implications pratiques et réelles dans la vie quotidienne? Comment voulez-vous qu'un comté que je représente, qui est situé au coeur même du débat linguistique, en pleine métropole, que nous puissions intelligemment voter les principes conte- nus dans le bill 63, si ces principes ne sont chapeautés par un autre principe, celui-là qui est contenu dans la proposition du chef de l'Opposition, affirmant que le français doit être prioritaire au Québec?

Nous ne pouvons pas nous contenter des bonnes intentions du gouvernement. Nous ne pouvons pas nous contenter des animations qui sont faites à la télévision, à la radio, parce que j'ai des raisons sérieuses de douter de la crédibilité du gouvernement de l'Union Nationale qui s'est,...

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. MICHAUD: Bien sûr, qui s'est toujours défilé lorsque les intérêts vitaux et supérieurs de la nation du Québec étaient en cause. La Loi sur les manuels scolaires, c'était un problème...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il est évident que cette question ne se rattache pas du tout à la motion qui est actuellement débattue devant cette Chambre.

M. MICHAUD: M. le Président, je me rends volontiers à vos remarques. J'ajouterai simplement ceci: Il n'est pas pensable que cet amendement que nous proposons soit rejeté du revers de la main par les ministériels; il n'est pas pensable, parce que cet amendement pourrait jeter un peu de lest dans tout ce débat passionné et passionnel, il pourrait même sauver la face des gouvernementaux s'ils acceptaient d'inclure dans le projet de loi l'affirmation d'un principe voulant que le français soit langue prioritaire au Québec, il ne semble pas que ce soit trop demander aux ministériels. Comment peuvent-ils, logiquement et raisonnablement, voter contre cette proposition? Il me semble que cela fait injure à l'intelligence pure, d'une part; d'autre part, au programme même de l'Union Nationale. Devons-nous, devant leur opposition, leur fin de non-recevoir, juger et tirer les conclusions que nous avons, depuis trois ans, un gouvernement qui joue de l'imposture à la petite semaine...

M. BELLEMARE: A l'ordre! DES VOIX: A l'ordre!

M. MICHAUD: ... parce qu'il refuse, parce qu'il aurait refusé cet amendement présenté par le chef de l'Opposition? Cet amendement vise simplement à établir un principe au sujet duquel tous les parlementaires de cette Chambre sont d'accord, y compris les parlementaires anglophones, qui souhaitent légitimement voir assu-

rée la protection des droits de la minorité, bien sûr, mais qui ne sont pas opposés à ce que le français prioritaire au Québec puisse avoir droit de cité et que la culture que nous représentons puisse largement se développer à l'intérieur d'un ensemble fédéral, cautionnant, par là, l'originalité de l'ensemble canadien.

Il me semble qu'il y a là au moins une unanimité. Est-ce à dire que dans quelques instants le gouvernement, par une attitude hostile à cette proposition, votera contre le français prioritaire au Québec? Là est toute la question. Je me refuse à croire, pour ma part, que le gouvernement ne s'amendera pas; je me refuse à croire qu'il n'appréciera pas à leur juste mesure les intérêts véritables du Québec, non seulement du Québec francophone, mais également de tous les citoyens qui vivent en terre québécoise.

Pour ces raisons, Je crois que notre plaidoyer devrait être entendu.

S'il n'est pas entendu, j'estime que l'Union Nationale portera toute sa vie la marque d'une infamie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Notre-Dame-de-Gràce.

M. William Tetley

M. TETLEY: M. le Président, Je voudrais, évidemment, appuyer l'amendement de l'honorable chef de l'Opposition. Son amendement est à l'effet qu'on ajoute aux trois grands principes qui se trouvent dans le bill 63 un quatrième principe: la langue prioritaire. Evidemment, je ne peux pas parler pour tous les anglophones en Chambre, au Québec ou même dans mon comté, mais je peux certainement parler en mon nom et au nom, je crois, de la grande majorité.

Le bill 63 donne — et je suis très fier que le bill donne ces trois droits — trois grands principes: le libre choix aux parents; deuxièmement, que les enfants de langue anglaise au Québec apprennent le français et troisièmement que les immigrants soient persuadés et non forcés à apprendre le français.

Mais il y a un quatrième principe qui va aider la communauté française de notre province, et c'est le principe de la langue prioritaire. C'est pourquoi j'appuie la motion du chef de l'Opposition.

Les Anglais parlent toujours du principe de « fair play ». Ils se flattent en qualifiant le principe de « British fair play ». Dans ce débat, aujourd'hui, il faut, je crois, en vertu de ce grand principe de « British fair play », de « flair play » ou de justice française, adopter en même temps le principe de la langue prioritaire au Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: M. le Président, s'il y a possibilité, je voudrais parler exclusivement sur la motion en discussion que l'honorable chef de l'Opposition a déposée sur la table de l'Assemblée nationale cet après-midi. Je voudrais commencer par une citation qui m'a frappée il y a quelque temps, lorsque je l'ai lue et qui, je crois, s'adapte bien, ce soir, à nos discussions: « Tous, sous des mots contradictoires, nous exprimons les mêmes élans. Nous nous divisons sur des méthodes qui sont le fruit de nos raisonnements, non sur les buts; ils sont les mêmes ».

Je crois que tout ce Jeu que fait présentement l'Opposition ne tient qu'à un seul mot: celui de ne pas vouloir accepter son passé. Son passé qui a été, en certaines circonstances et dans bien des domaines assez fulgurant, comme l'énonce si souvent l'honorable chef de l'Opposition quand il parle de sa révolution tranquille.

M. LAFRANCE: Cela va faire avancer la chose!

M. BELLEMARE: Si l'honorable chef de l'Opposition, qui a présenté cet après-midi cette motion d'amendement au bill 63, pouvait véritablement être sincère, être logique avec lui-même, s'il pouvait démontrer que c'est véritablement ce qu'il a prêché et que c'est ce qu'il a toujours voulu appliquer dans la province, je pense que nous ne serions pas en face d'une motion comme celle-là.

Le chef de l'Opposition a eu l'occasion, en maintes circonstances, lorsqu'il était dans un autre Parlement, de faire valoir ses principes sur la défense de la langue au Québec. Il a été premier ministre de la province de Québec, il a fait mettre, dans les statuts de la province de Québec, le chapitre que nous retrouvons dans les Statuts refondus de 1964 au sujet de l'Office du ministère des Affaires culturelles, dans lequel il réservait une part extraordinaire à la défense de la langue française au Québec.

M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement. A plusieurs reprises j'ai été rappelé à l'ordre par les ministériels, parce que je ne m'en tenais pas au libellé de la proposition du chef de l'Opposition visant à décréter que « le bill ne soit pas lu maintenant parce qu'il ne contient pas les dispositions nécessaires pour fai-

re de la langue française la langue prioritaire au Québec ».

Je soumets respectueusement à votre attention que l'honorable ministre du Travail s'écarte singulièrement des règles de notre procédure parlementaire, et je vous prierais de le rappeler à l'ordre.

M. PAUL: M. le Président, sur le point de règlement invoqué par l'honorable député de Gouin, il faut entendre toute l'argumentation de l'honorable ministre du Travail pour convenir que la motion de l'honorable chef de l'Opposition n'est pas recevable, parce que cette motion aurait dû être présentée hier, c'est-à-dire entre 1960 et 1966 et qu'elle ne doit pas être acceptée maintenant.

Le chef de l'Opposition, M. le Président, ne veut pas que cette motion soit présentée maintenant. L'honorable ministre du Travail va nous dire pourquoi cette motion doit être lue immédiatement et maintenant votée.

M. TREMBLAY (Bourassa): A l'ordre!

M. BELLEMARE: Nous avons été cet après-midi, M. le Président, fort patients, moi particulièrement qui développe, un peu plus que d'autres, certains défauts, surtout celui d'être impulsif. J'ai fait des efforts héroïques, cet après-midi, lorsque j'ai entendu l'honorable chef de l'Opposition nous relater certains faits, particulièrement quand il a parlé de cette motion.

M. le Président, je pense que j'exerce, ce soir, un droit parlementaire, et en vertu de la procédure que nous suivons dans cette Chambre, j'essaie de me rattacher, le plus possible, à cette motion qu'a présentée l'honorable chef de l'Opposition concernant un point de vue tout à fait différent du nôtre.

Le chef de l'Opposition, M. le Président, veut, lui, que nous ne votions pas le bill 63. Il ne veut pas. Il demande à la Chambre de ne pas voter le bill 63. Il dit non au gouvernement, par sa motion, de vouloir véritablement voter le bill 63 dans le domaine de l'éducation, lui qui a fait un grand discours pour dire qu'il était en faveur du bill.

M. LESAGE: Oui.

M. BELLEMARE: Changement d'attitude lorsqu'il présente sa motion et qu'il dit: Je demande à la Chambre de voter contre le bill 63, c'est-à-dire...

M. PAUL: C'est ça.

M. BERTRAND: C'est ça.

M. LESAGE: J'invoque mon privilège de député. Le ministre n'a pas le droit de déformer mes paroles, il me suffira de lire ce que j'ai dit cet après-midi et que Je retrouve au feuillet R/3690, page 1: « Les députés de l'Opposition libérale voteront pour le bill 63 en deuxième lecture car les deux principes que le bill contient sont partie intégrante de notre politique linguistique. Mais, en fait, nous serions beaucoup plus à l'aise de voter pour ce bill en deuxième lecture si le gouvernement, plutôt que de ne copier qu'une partie de la politique linguistique libérale l'avait copiée au complet. »

M. BELLEMARE: M. le Président, imaginez-vous, nous traiter de copieux eux autres! Après avoir mis dans des statuts, M. le Président, des lois qui ne disent absolument rien, qui n'ont aucune résonance, au sujet de la priorité du français qu'on veut nous imposer aujourd'hui.

M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, j'ai invoqué cette fois-ci le règlement.

UNE VOIX: Quel article?

M. LESAGE: M. le Président, vous avez maintenu le député de Gouin dans les lignes très strictes de l'amendement proposé. Il me semble que le leader du gouvernement en Chambre devrait donner l'exemple en suivant les directives que vous avez déjà données.

M. LE PRESIDENT: Il est exact que j'ai demandé à l'honorable député de Gouin de ne pas attaquer à ce moment-ci l'étude de la deuxième lecture parce que nous étions à l'étude d'une motion, mais si ma mémoire est fidèle, cet après-midi on a quand même réclamé le droit de faire un certain historique de cette matière. On a même, si ma mémoire est fidèle, je ne veux pas induire la Chambre en erreur... A l'ordre! Il me semble que c'est l'honorable chef de l'Opposition, avant de présenter sa motion...

M. LESAGE: M. le Président, si vous me le permettez, respectueusement, mon intervention était une intervention de deuxième lecture. Je ne puis pas revenir en deuxième lecture. Tous les

députés pourront me répondre lorsque nous aurons disposé de la motion d'amendement que j'ai présentée. Mais moi, j'ai perdu mon droit de parole en deuxième lecture. C'est à ce moment-là que j'ai fait l'historique. Ma motion est arrivée à la fin de mon intervention et, par conséquent, mon intervention était une intervention de deuxième lecture. La motion d'amendement est arrivée à la fin, tout à fait, de mes remarques.

J'ai donc épuisé mon droit de parole sur la deuxième lecture du bill, de même que sur la motion d'amendement que j'ai proposée, et c'est dans cette partie de ma discussion du bill en deuxième lecture que j'ai fait un historique.

M. LE PRESIDENT: Je vais vérifier. Je prends la parole du chef de l'Opposition, bien sûr, mais je veux vérifier si ce n'est pas l'honorable député de Chambly qui, parlant sur la motion, a quand même fait voir des contradictions possibles entre l'attitude de certains députés a un certain moment au sujet du bill 85 et ensuite une autre attitude au sujet du bill actuel. Si ma mémoire fait défaut... J'ai demandé le texte afin de vérifier rapidement... Je suis pleinement d'accord avec l'honorable chef de l'Opposition sur ce point et je le remercie d'avoir rafraîchi ma mémoire, mais j'ai demandé le texte du discours de l'honorable député de Chambly afin de vérifier. Il semble bien que je lui ai permis de toucher et à l'historique et à certaines contradictions possibles dans la politique du gouvernement actuel.

M. BERTRAND: C'est ça.

M. BELLEMARE: L'honorable député de Chambly — le chef de l'Opposition pourra relire son texte — l'a fait, l'historique, tout à l'heure et vous le lui avez permis. L'honorable député de Gouin a commencé à élaborer dans des phrases qui lui sont bien propres et bien personnelles tout le « scénario », le scénario et nous l'avons presque entendu complètement Jusqu'aux dernières phrases, les quelques phrases que vous lui avez permis d'ajouter quand nous avons malheureusement cru que c'était assez, que le règlement souffrait trop violemment et que nous l'avons rappelé à l'ordre.

Priorité de la langue, dit l'amendement. Vrai ou faux? Priorité de la langue française au Québec.

Il faut toujours être conséquent avec soi-même pour être le parrain d'une motion telle que celle-là. Qu'est-ce qu'on a fait durant qu'on avait au pouvoir tous les mécanismes nécessaires pour assurer chez nous cette priorité de la langue française? Des programmes, M. le Président.

En 1960, programme de la langue où l'on disait: Conscients de nos responsabilités envers la langue française, nous lui donnerons un organisme qui soit, à la fois, protecteur et créateur. En 1966: Pour conserver au Québec son caractère français, des mesures seront prises qui garantiront la vitalité de langue. En 1968, dans l'Opposition, une résolution qui fait état de leur position. Mais au pouvoir, M. le Président, priorité de la langue,...

M. BERTRAND: Zéro.

M. BELLEMARE: ... cela voulait dire ce qu'on retrouve dans la loi, dans les Statuts refondus de 1964, le passage de la section 2 de la Loi du ministère des Affaires culturelles. On n'a pas fait un bill 63 pour la langue, mais on a fait une loi spécifique, Loi du ministère des Affaires culturelles, dans laquelle on a introduit, à la section 2, l'Office de la langue française. Ah! monsieur, on parlait de titres ronflants cet après-midi. « L'Office de la langue française est formé des personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil. » Il n'y a pas de priorité, je vous le signale. Ces gens-là se contredisent maintenant, ne veulent pas voter pour le bill 63 en deuxième lecture...

M. BERTRAND: C'est ça.

M. BELLEMARE: ... parce que nous voulons assurer, dans le domaine de l'éducation, certains critères de base, de priorité à la langue française. Non. « Ils doivent veiller sous la direction du ministre à la correction, à l'enrichissement de la langue parlée et écrite. » Pas de priorité. « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, prescrire à tous les organismes de l'administration provinciale les mesures à prendre pour coopérer au travail de l'Office de la langue française et lui faire porter fruit. » Pas de priorité pour eux autres en 1964, même dans l'Opposition aujourd'hui. Après avoir dit qu'ils voteraient en faveur du bill 63, ils sont devant un cas de conscience. Là, ils disent: Si nous donnons l'impression de voter avec le gouvernement, on va nous accuser d'être des lâcheurs. Non, nous allons faire une motion et, cette motion-là, nous allons dire au gouvernement: Nous autres, si on était au pouvoir,...

M. BERTRAND: Comment est-ce qu'on appelle ça, déjà?

M. BELLEMARE: M. le Président, notre Seigneur, dans l'Evangile, appelait cela des se-

pulcres blanchis! Moi, je ne suis pas comme ce pharisien. Je donne la dime. Je parle de priorité de langue.

M. BERTRAND: C'est ça.

M. BELLEMARE: Eux? Non.

M. BERTRAND: Ce sont des pécheurs!

M. BELLEMARE: Ils ne vont pas assez loin encore. Nous autres, si nous avions été au pouvoir, nous aurions respecté cette résolution des 4, 5 et 6 octobre 1968. On est bien pour ça, M. le Président. Mais la priorité de la langue, dans les faits, quand ils ont eu la responsabilité de l'administration...

M. BERTRAND: Non!

M. BELLEMARE: ...c'était non. Aujourd'hui, ça paraît bien. On veut donner l'impression qu'on vote contre le bill Eh bien, ayez donc le courage de voter contre le bill 63, ayez...

M. MICHAUD: M. le Président,...

M. BELLEMARE: M. le Président, c'est la motion.

M. MICHAUD: ...sur un point de règlement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Gouin.

M. MICHAUD: Nul plus que moi n'apprécie en cette Chambre la verdeur des propos du ministre du Travail. Nul plus que moi n'apprécie son verbe torrentiel, mais je dois, hélas! récidiver et vous proposer respectueusement la proposition suivante à l'effet que le ministre du Travail fait à la lettre et à l'esprit un débat de deuxième lecture et qu'il ne s'en tient pas aux prescriptions impératives et rigoureuses de notre règlement qui l'obligerait à dire pourquoi le bill devrait être lu maintenant, sans contenir la disposition très claire de l'établissement du français comme langue prioritaire.

Je soumets respectueusement...

M. BELLEMARE: M. le Président...

M. MICHAUD: Je termine. Pour la sénérité de nos débats, il est clair qu'il ne saurait y avoir des mesures d'exception et des tolérances privilégiées à l'endroit de l'un ou l'autre parlementaire.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable député de Gouin — j'ai retrouvé le texte auquel je faisais allusion, il y a quelques instants — à relire le journal des Débats, à la page 3,706. C'était l'allocution de l'honorable député de Chambly. Je pense ne pas employer deux poids, deux mesures.

L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. BELLEMARE: D'ailleurs, M. le Président, à l'article 273, l'honorable député de Gouin serait largement bien servi, s'il savait lire et comprendre.

Mais, pendant qu'on forgeait les armes qui semblent, aujourd'hui, révolutionnaires dans l'Opposition, pendant qu'on adoptait ces lois, pas sur la priorité de la langue, mais sur l'organisation d'un office, il y avait, parmi les membres solidaires de ce gouvernement, le chef du P.Q. D'ailleurs, je lui réserve une attention toute particulière d'amitié sur le bill lui-même, parce que mon intervention viendra après la sienne. J'ai des petites nouvelles que j'ai ramassées un peu dans ses vieux papiers, dans ses déclarations un peu...

M. LESAGE: Je pense, M. le Président...

M. BELLEMARE: D'accord. Vous êtes d'accord sur ça?

M. LESAGE: Non, mais je suis d'accord pour dire que vous êtes hors d'ordre.

M. LEVESQUE (Laurier): Mois, je suis d'accord.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. LEVESQUE (Laurier): Mol, je suis d'accord.

M. BELLEMARE: Vous êtes d'accord. J'espère bien que vous allez être d'accord quand j'aurai fini aussi. M. le Président, le chef de l'Opposition nous apporte une motion pour que nous puissions, en vertu de nos règlements, abandonner le bill 63. Un instant! M. le Président, un amendement de la sorte tuerait le bill 63. Or, il a dit, cet après-midi, qu'il était d'accord, lui et les libéraux, pour voter en faveur du bill 63 à cause des trois grands principes que nous émettons. Je dis que changer à la dernière minute par un amendement, comme celui qu'il nous a transmis cet après-midi, c'est faire «vire-vent, vire-capot ». C'est regretter un passé où il a été, lui et son équipe, inactif; c'est vou-

loir prêcher la vertu quand, aujourd'hui, par sa motion, il désire véritablement voir le bill 63 abandonné.

M. BERTRAND: C'est ça.

M. BELLEMARE: J'ai eu l'occasion de parler avec quelques députés libéraux qui nous ont dit: Ayez le courage, messieurs, de ne pas tourner, même si Lesage fait une motion.

Que le chef de l'Opposition commence donc par regarder dans sa maison avant de regarder dans la nôtre! C'est vrai que, chez nous, il y aura peut-être des divergences d'opinions...

UNE VOIX: Nommez-les!

M. BELLEMARE; ... mais, Je dis, par exemple, que nous sommes capables, nous du gouvernement, après avoir pris une décision unanime au Conseil exécutif, l'avoir soumise à notre caucus, de défendre notre position et notre législation.

Langue prioritaire, M. le Président? Le député de Chambly a été ministre des Affaires culturelles pendant de nombreuses années, il a commencé sa carrière dans un Journal nationaliste où l'on reconnaissait la priorité de la langue française, il est venu dans un cabinet libéral, comme ministre des Affaires culturelles, il a écrit un livre blanc dont le chef de l'Opposition sait la contenance et surtout le contenu de l'époque, il sait, lui particulièrement, au conseil des ministres quels sont les paragraphes du livre blanc qui ont été enlevés.

Priorité de la langue, quand on est au pouvoir et qu'on n'a pas le sens de la responsabilité.

M. LESAGE: M. le Président, J'invoque le règlement. Le ministre doit savoir que le livre blanc en question n'a pas fait l'objet d'études au conseil des ministres et j'ai les procès-verbaux de toutes les séances du conseil des ministres, de 1960 à 1966. J'affirme, de mon siège, que le livre blanc n'a pas fait l'objet d'études du conseil des ministres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, à plusieurs reprises, le député de Chambly a contredit le député de Louis-Hébert.

M. BELLEMARE! C'est vrai. M. LESAGE: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous permettez, M. le Président, Je voudrais rectifier les faits. A l'occasion de l'étude du budget du ministère des Affaires culturelles, deux années successives, le député de Chambly a affirmé que le Uvre blanc préparé à son ministère, au ministère qu'il dirigeait à l'époque, avait reçu l'approbation du conseil des ministres.

M. LESAGE: Le livre blanc en question a été étudié par le premier ministre du temps qui a fait ses commentaires au ministre des Affaires culturelles. C'est ça ce qui s'est passé.

M. BELLEMARE: M. le Président, il va falloir rafraîchir la mémoire de l'honorable chef de l'Opposition...

M. LESAGE: Revenez-en donc à ma motion, ce serait préférable.

M. BELLEMARE: A votre motion. M. LESAGE: Observez le règlement!

M. BELLEMARE: Retirez donc votre motion, ce sera beaucoup plus simple, au lieu de nous faire faire des débats comme nous faisons sur la motion,...

M. LESAGE: M. le Président, j'ai l'intention de répondre à l'invitation qui vient...

M. BELLEMARE: ... il serait bien plus logique de parler du bill 63 dans son ensemble...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, le ministre du Travail vient de faire une invitation au chef de l'Opposition, après avoir multiplié les insinuations. Nous considérons qu'un petit pain est mieux, quand on ne peut pas avoir un gros pain. Nous croyons que le bill pourrait être considérablement amélioré en y introduisant les mesures nécessaires pour assurer la priorité du français au Québec, c'est le sens de la motion. Si le gouvernement ne veut pas le faire, qu'il le dise, nous allons voter.

UNE VOIX: Une minute.

M. BERTRAND: Cela fait mal!

M. BELLEMARE: Il vient de montrer son vrai visage et il ne voudrait plus que ça paraisse. Un instant. Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que nous commençons à la regretter cette motion parce que nous savons maintenant qu'ils veulent voter contre le bill, surtout le bill 63, qui apportera une dimension nouvelle

quant à la priorité du français dans l'enseignement. Ils veulent voter contre, mais ils prennent un moyen détourné en disant, par la motion: Priorité de la langue dans tous les domaines.

Ces honorables messieurs ont donc la contradiction facile! On nous adit, cet après-midi, avec beaucoup d'emphase: Nous sommes en faveur du bill. D'ailleurs, vous respectez notre résolution du mois d'octobre 1968. Il a pris la peine de toute la lire, n'est-ce pas, M. le Président? A la fin de son intervention, pensant vouloir véritablement surprendre le gouvernement par une motion — d'ailleurs que nous avons acceptée, M. le Président, parce que votre décision, nous la respectons... — M. le Président, ai-je entendu le député de Mercier?

M. BOURASSA: Oui, et vous allez m'entendre tantôt, aussi.

UNE VOIX: Cela, ça va être terrible.

M. ROY: L'ancien et le nouveau en même temps.

M. BELLEMARE: Je fais des voeux pour que vous ne dépensiez pas inutilement vos forces, vous en aurez certainement besoin d'ici à la fin. On dirait que plus nous vous regardons à la télévision, plus vous faiblissez, on dirait.

M. TREMBLAY (Bourassa): Il a 36 ans, lui. Il n'a pas 60 ans, il a 36 ans.

M. BELLEMARE: Je reviens à la motion, M. le Président. Il est bien entendu qu'en deuxième lecture, tel que le veut notre règlement, les amendements comme ils sont aujourd'hui insérés dans cette motion ne seraient pas recevables pour le gouvernement. Ah, vous n'avez pas besoin de vous sortir le cou, je n'ai pas parlé contre le président, j'ai dit: pour le gouvernement.

M. LESAGE: J'ai compris. M. BELLEMARE: D'accord?

M. LESAGE: Vous voulez dire que c'est une motion de non-confiance. Mais pensez-vous que je pourrais exprimer confiance au gouvernement?

M. BELLEMARE: Mais ne pensez pas, mon cher monsieur, qu'on peut vous... Après les conseils que vous avez donnés au ministre de l'Education cet après-midi: le grand Machiavel...

M. LESAGE: Oui. Le Prince de Machiavel.

M. BELLEMARE: Machiavel. Je pense que s'il avait pratiqué ce qu'il enseigne, il n'aurait pas vu la fin de sa carrière si tôt. On ne donne pas des conseils à un homme comme lui, surtout lorsqu'on est dans la position du chef de l'Opposition. Je continue, M. le Président, sur la priorité. La priorité de la langue, M. le Président, un homme comme le chef de l'Opposition, qui regrette un passé où il aurait pu agir, et il ne l'a pas fait. Un homme qui aurait pu faire de la législation et empêcher lui, les désordres qui se sont produits depuis des années dans la province. C'est lui, le grand responsable, et son équipe, de ne pas avoir prévenu, par une priorité de la langue, ce qui est arrivé. Priorité de la langue par le leader de l'Opposition qui a sorti un livre blanc que nous avons, couvert de ratures.

M. LESAGE: Je l'ai dit.

M. BELLEMARE: Oui, M. le Président, qui les a rayés, les principes de la ...

M. LESAGE: M. le Président, si le ministre veut...

M. BELLEMARE: ... priorité de la langue?

M. LESAGE: ... faire allusion à. un document secret du cabinet, qu'il le dépose avant de faire des insinuations.

M. BELLEMARE: M. le Président, on l'a demandé dans l'Opposition pendant des années. On a demandé pendant des années — j'étais dans l'Opposition en 1964, 1965 — de déposer ce fameux livre blanc. On nous disait: Oui, nous allons le déposer. Le cabinet en a pris connaissance et il y a des améliorations à apporter. Nous l'avons retrouvé, ce livre, rempli de ratures et surtout de certaines annotations. Mais si on avait été véritablement décidé comme on semble l'être aujourd'hui, d'appliquer la priorité de la langue, pourquoi, avec les moyens qu'on avait dans ce temps-là au pouvoir, ne l'a-t-on pas fait? A-t-on eu peur?

M. LESAGE: C'est parce que...

M. BELLEMARE: A-t-on oublié ses propres programmes? Etait-ce une politique de façade pour amener aujourd'hui une motion dans laquelle on voudrait faire croire aux gens, aux gens d'un côté et aux gens de l'autre, qu'on a été contre le principe, pas tout à fait contre le principe, mais qu'on a été contre?

Non, M. le Président, il ne peut pas être question d'amender la loi. Ce n'est pas le privilège de l'Opposition d'amender un bill du gouvernement. C'est contre toute la procédure parlementaire de ce Parlement. On a pris un moyen détourné pour discuter d'une motion qui, à mon sens, respectant le jugement que vous avez rendu sur la validité de la motion, entraîne l'Opposition à se donner un nouveau visage, celui de paraître grande aux yeux de ceux qui lui ont dit: Vous avez mal fait d'appuyer le gouvernement sur le bill 63. Eh bien, ces gens-là auront l'occasion de voter sur le bill 63. S'ils sont véritablement sérieux avec la motion dans laquelle ils reprochent au gouvernement de ne pas avoir fait l'effort voulu afin d'assurer la priorité de la langue, qu'ils votent contre!

Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que cette motion est ni plus ni moins une façade.

M. MALTAIS (Saguenay): Saint-Léonard! M. BELLEMARE: M. le Président...

M. MALTAIS (Saguenay): Oui, me voilà et je n'ai pas fini de venir vous voir.

M. BELLEMARE: Combien y a-t-il d'articles dans le bill?

M. MALTAIS (Saguenay): Plus que vous ne le pensez et moins qu'il devrait y en avoir, il y en a trois et il devrait y en avoir 25, comme dans le bill 85.

M. BELLEMARE: Le député devrait, s'il veut véritablement faire un grand discours, au lieu de jeter à tâtons certains arguments comme ceux...

M. MALTAIS (Saguenay): M. le Président, j'invoque le règlement. Parlant de « A tâtons », j'ai écouté le ministre tout le long de son discours...

M. BELLEMARE: Je continue donc: « que la motion pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec ne doit pas être lue une deuxième fois ». Si le bill n'est pas lu une deuxième fois maintenant, qu'est-ce que cela veut dire? Demandons-nous-le. C'est dans la motion du chef de l'Opposition. Si le bill n'est pas lu une deuxième fois maintenant, c'est la mort du bill 63. Donc, ils sont contre.

Ils ne veulent pas qu'on adopte des mesures pour donner à l'enseignement un rôle prioritaire dans l'éducation. Ils sont contre. J'ai rare- ment vu une motion, surtout en deuxième lecture, pour apporter autant de façade. Ces honorables amis, forts de leurs arguments, ont pensé terrasser le gouvernement. Ecoutez, il y a toujours une limite! Il y a le règlement qui nous indique la procédure parlementaire que nous devons suivre. Il y a nécessairement l'article 557 qui dit que les amendements ne sont permis qu'en telle circonstance, en deuxième lecture, et la façon dont ils doivent se libeller.

Après avoir lu l'article 557, nous avons actuellement une motion qui nous dit: « Que la Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec ne soit pas lue une deuxième fois maintenant. » Pourquoi? Parce qu'on veut que le gouvernement laisse tomber sa loi, le bill 63, et qu'on revienne en Chambre avec un nouveau bill dans lequel on dirait qu'on assure la priorité de la langue française au Québec et la normalisation progressive du français parlé et écrit. Les libéraux, forts de leur passé d'inaction — c'étaient des gens immobiles quant à la défense véritable de la priorité de la langue — ont pensé que, demain, en première ligne, on aurait la motion Lesage.

On a voulu, tout à l'heure, faire des comparaisons pour essayer de diviser les gens au pouvoir en parlant du bill Bertrand et du bill Cardinal. On nageait dans cela; on essayait Mais, parlez-nous donc de la fois où vous avez perdu M. Aquin. Pouquoi M. Aquin a-t-il quitté votre parti? Il y a dû y avoir une vraie raison. Il est sorti du P.Q. pour la même raison.

M. MICHAUD: M. Tremblay est bien parti du vôtre.

M. BELLEMARE: Lui, le vieux du chef du P.Q. veut nous dire ce soir pourquoi M. Aquin a laissé son parti.

M. MICHAUD: Pourquoi M. Tremblay a-t-il laissé le vôtre?

M. BELLEMARE: Je dirai au chef de l'Opposition que c'est axactement pour les mêmes raisons: la langue!

M. MICHAUD: M. Tremblay aussi.

M. BELLEMARE: L'attitude linguistique qu'avait prise le gouvernement libéral du temps.

M. MICHAUD: Et M. Tremblay? M. BELLEMARE: M. le Président...

M. MICHAUD: Pourquoi M. Tremblay vous a-t-il quitté?

M. BELLEMARE: ... cette motion doit être battue ou retirée par le chef de l'Opposition. Je pense qu'il va la retirer maintenant; j'en suis assuré. S'il ne la retire pas, je serai porté à dire que le chef du parti libéral a deux attitudes, deux visages.

M. LESAGE: M. le Président, je regrette.

M. BELLEMARE: Bon, je vais retirer « deux visages ».

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESAGE: M. le Président, j'ai invoqué mon privilège. Je ne voudrais pas être obligé de redire ce que j'ai dit cet après-midi quant à l'attitude de l'Opposition libérale. J'ai dit que nous avions l'intention de voter pour le bill 63, mais que nous croyions que le gouvernement devrait l'améliorer et le compléter avant de nous demander de le voter et que nous nous sentirions plus à l'aise alors.

M. BELLEMARE: M. le Président, le chef de l'Opposition trouve toujours, dans mon discours, des moments pour expliquer de nouveau son changement d'attitude.

M. LESAGE: C'est ce que j'ai dit cet après-midi.

M. BELLEMARE: Il dit, M. le Président, qu'il a demandé à ses députés libéraux, ce matin au caucus, de voter en faveur du bill. Ils ont tous été probablement très surpris de voir la motion, cet après-midi, que vous avez apportée.

D'après mes antennes...

M. LESAGE: Il avait des antennes sur la tête.

M. MICHAUD: Elles sont foncées vos antennes.

UNE VOIX: C'est comme votre pilule.

M. BELLEMARE: J'ai installé un satellite ce matin, M. le Président, au caucus; j'avais des voix. M. le Président, je dis donc que le chef de l'Opposition saisit toute occasion pour essayer de se racheter en disant: Non, nous allons voter en faveur du bill 63. Mais il dit une chose et il en pratique une autre.

Il dit, M. le Président: « Que la Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec ne soit pas lue une deuxième fois maintenant ». Cela veut dire quoi, cela,

M. le Président, en vertu de notre règlement? M. le Président, cela veut dire que ce pour quoi le bill a été fait, il faudrait le retirer et en refaire un autre au goût de l'Opposition. Je dis que si jamais, dans vingt ans, l'Opposition libérale revient au pouvoir, elle le changera s'il n'est pas bon, le bill 63.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, nous n'avons aucun doute que, demain, dans les journaux et à la radio nous verrons en gros titres: Le parti libéral recule et refuse la deuxième lecture du bill 63.

Je crois, M. le Président,...

M. MICHAUD: ...le français prioritaire.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député de Gouin a une question?

M. MICHAUD: Mais je vous rends ce que vous m'avez fait tout à l'heure.

M. PAUL: Je crois, M. le Président, qu'il faut se reporter à la déclaration que nous faisait cet après-midi l'honorable chef de l'Opposition, et je me réfère au feuillet R/3690 où l'honorable chef de l'Opposition s'exprimait ainsi: « Les députés de l'Opposition libérale voteront pour le bill 63 en deuxième lecture, car les deux principes de ce bill sont partie intégrante de notre politique linguistique. »

Or, voici, M. le Président, que l'honorable chef de l'Opposition, après avoir fait la genèse de ce qu'il croit être le bill 85,...

M. LESAGE: M. le Président, je demanderais d'être cité au complet et je demanderais cette justice. Je demanderais au ministre de la Justice d'être juste et de lire la phrase qui suit.

M. PAUL: Je n'ai pas l'intention de relire tout le discours du chef de l'Opposition.

M. le Président, l'honorable chef de l'Opposition demandera à un de ses députés de le faire.

M. LESAGE: Ah, vous tronquez les textes. M. PAUL: Non, je ne tronque pas les textes.

M. LESAGE: Le ministre de la Justice ne doit pas...

M. PAUL: Je viens de lire, M. le Président, le mot à mot d'une déclaration que l'on retrouve au feuillet R/3690 et voici que le chef de l'Opposition, par sa motion, conclut à ce que le gouvernement ne vote pas maintenant la deuxième lecture du bill 63. Pourquoi avoir adopté telle attitude? Est-ce que les députés libéraux ont peur des protestations extérieures et qu'ils préfèrent se faire des petits amis de ceux-là qui protestent actuellement contre le bill 63?

M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement. Je dis qu'on ne saurait nous imputer de motifs, et particulièrement celui qui vous parle, surtout après que, tout à l'heure, j'aie pris la peine de bien citer au complet ce que j'ai dit cet après-midi et que le ministre de la Justice a commencé de lire seulement.

Alors je demanderais qu'on ne nous impute pas de motifs et qu'on s'en tienne à ce que j'ai dit cet après-midi. Je pense que je peux demander cette mesure de justice de la part du ministre de la Justice.

M. PAUL: Je me suis interrogé, M. le Président et le peuple jugera. Si on avait voulu être logique entre la déclaration rapportée au feuillet R/3690 et la motion, on se serait prévalu de l'article 557 de notre règlement et on aurait demandé que la deuxième lecture se fasse dans huit jours, se fasse dans quinze jours, se fasse dans un mois ou dans deux mois, mais non.

On refuse la deuxième lecture du bill 63 sans alternative et on espérait que le gouvernement refuserait d'aller de l'avant avec ce bill 63. Messieurs, si vous ne voulez pas du bill 63, le gouvernement va prendre ses responsabilités. Nous allons voter contre l'amendement, d'abord, et pour le principe de la deuxième lecture du bill 63.

Je crois que vos honorables amis qui siègent à votre gauche ont une physionomie qui en dit long en ce moment. On les volt tristes et atterrés, parce qu'ils n'ont pas réalisé les conséquences de la motion qui est en face de nous.

UNE VOIX: Il ne voit pas clair.

M. PAUL: Je fais appel à l'expérience parlementaire de l'honorable député de Verchères, j'ai vu tout à l'heure l'honorable député de Westmount. Eux qui connaissent très bien le règlement, qu'est-ce qui arriverait si nous votions en faveur de la motion qui est présentée devant nous? Le bill tomberait. Le gouvernement ne tombera pas et le bill va rester.

C'était l'occasion d'avoir une politique et une argumentation logiques et de nous dire: Nous ne voterons pas le bill en deuxième lecture maintenant, mais dans quinze jours ou dans six mois. Là, le gouvernement pourra adopter ou présenter certains amendements. Mais non! On ne veut pas prendre cette précaution. On préfère tout simplement que le bill meure, parce qu'on n'a pas pris les précautions nécessaires. On ne voudrait pas maintenant que le gouvernement aille de l'avant pour enfin donner à la langue française le rayonnement qu'il lui faut d'abord dans le domaine de l'enseignement. Ce n'est pas en refusant d'adopter ce bill en deuxième lecture maintenant que nous allons faire quelque chose dans le domaine des langues. Non. Nous allons d'abord commencer par attaquer ce domaine et nous verrons des politiques logiques mises de l'avant tant par le ministre des Affaires culturelles, le ministre des Terres et Forêts, le ministre de l'Agriculture, le ministre de l'Immigration et tous les autres. C'est là que nous aurons une politique globale de la langue au Québec et qui fera que cette langue deviendra prioritaire.

Ah! non. On s'aperçoit qu'il serait peut-être plus rentable au point de vue politique si cette loi n'était pas présentée. C'est pourquoi on se demande la justification de cette motion présentée par l'honorable chef de l'Opposition. Pardon?

Il sera temps tout à l'heure pour l'honorable député de Mercier de justifier — je l'invite— la présentation de cette motion et les conséquences qui en résulteraient, si elle était adoptée. Pourquoi ne pas avoir demandé que la deuxième lecture soit retardée de quinze jours, un mois, six mois? Là nous verrions une logique entre l'argumentation présentée par l'honorable chef de l'Opposition et la motion qu'il nous a préparée en guise d'amendement, mais non.

UNE VOIX: Excellente suggestion.

M. PAUL: Nous n'avons pas de suggestion à faire. Nous avons une loi à présenter. Vous voterez contre, mais, nous, nous allons voter pour. Ceux-là qui nous demandaient depuis quinze jours; Quand le bill de l'enseignement des langues va-t-il être présenté?. ...Vous l'avez et vous le refusez. Pourquoi? Est-ce que l'honorable député de Charlevoix a une question à poser?

M. MAILLOUX: Oui, j'aurais une question à poser. Que le ministre explique donc à cette Chambre, suite à l'argumentation du ministre de l'Education cet après-midi... si on veut faire de la langue française une langue prioritaire alors qu'il manque 5,000 professeurs de français, comment va-t-on enseigner le français aux enfants de langue anglaise?

M. PAUL: Comment allez-vous résoudre le problème en refusant même d'adopter cette loi qui va rayonner dans le domaine de l'enseignement? Vous ne voulez pas du tout d'amélioration.

M. MAILLOUX: Solutionnez donc votre problème.

M. PAUL: C'est beau de se lever et de parler de graves problèmes, de grandes théories et de la nécessité de donner à la langue française une priorité au Québec. Mais, commençons donc par faire un premier pas. M. le Président, je m'adresse à ceux qui siègent à votre gauche, qui ne veulent même pas que nous agissions dans le domaine de l'enseignement. Mais non, on a peur. Ce n'est pas ça? L'honorable député de D'Arcy-McGee pourrait-il nous dire quels seraient les résultats si nous allions voter en faveur de la motion?

M. LESAGE: Le ministre de la Justice n'a pas le droit de poser des questions au député.

M. PAUL: J'ai le droit de m'interroger moi-même.

M. LESAGE: Oui, interrogez-vous, mais n'interrogez pas le député.

M. PAUL: J'ai le droit de m'interroger et j'ai également le droit de poser...

M. LESAGE: Que le ministre... M. PAUL: ... des questions...

M. LESAGE: ... s'interroge donc sur ce qu'il doit faire sur la motion, sur la façon dont il doit améliorer le bill. Il est temps qu'il le fasse.

M.PAUL: Il n'y a pas de doute, M. le Président, que nous allons voter contre la motion.

M. LESAGE: Alors, votez.

M. PAUL: Votez! Non, cela ne presse pas. Maintenant, ils s'aperçoivent qu'ils ont fait un faux pas et, là, ils voudraient que nous fassions oublier devant le public la déclaration faite par l'honorable chef de l'Opposition sur le principe de deuxième lecture et l'inutilité de la motion présentée aux fins d'amender la deuxième lecture du bill 63. Il y a quatre jours, M. le Président, jeudi ou vendredi de la semaine dernière, le chef de l'Opposition nous pressait d'agir. Il nous posait des questions chaque jour: Est-ce que le gouvernement en est venu à une décision?

Est-ce que le conseil des ministres a « finalisé » le projet des langues au Québec? Maintenant que nous avons pris nos responsabilités...

M. BERTRAND: Ils veulent nous empêcher...

M. PAUL: ... il y en a d'autres qui ont peur de prendre les leurs,

M. le Président, sur le plan pratique, si la motion est adoptée, c'est une invitation qui nous est faite de ne pas légiférer dans ce domaine qui a assez éveillé l'opinion publique. Si l'Opposition prétend que notre loi est si mauvaise, qu'on soit logique et qu'on en vote le principe en deuxième lecture. Le règlement prévoit la présentation de motions ou de bills privés et, là, on ira de l'avant avec une politique dans le domaine des langues, que ce soit dans le domaine de l'Education, des Terres et Forêts, du Transport ou autres, mais qu'on commence donc par être logique avec la grande déclaration de principe qui est faite.

Mais non, M. le Président, on a peur maintenant d'avancer. Je ne comprends plus le chef de l'Opposition.

M. LESAGE: Je pense que le ministre de la Justice ne se comprend plus très bien lui-même.

M. PAUL: Il a reçu la même formation politique que la mienne.

M. BERTRAND: Non, quand même, de grâce!

M. PAUL: Je dis la même formation... M. LESAGE: Vendu...

M. PAUL: ... politique; je ne dis pas que nous l'avons absorbée de la même façon. Je dis que nous avons été tous deux formés à l'école de la politique fédérale. Aujourd'hui, je me demande si on ne préférerait pas l'unilinguisme du côté de l'Opposition.

UNE VOIX: Tout de même, tout de même!

M. PAUL: Ah, je comprends mon bon ami, l'honorable député de Verchères. Je sais qu'il souffre moralement de cette motion. Je sais qu'il voudrait nous voir adopter au plus tôt la deuxième lecture du bill 63, mais, avant, nous allons justifier le vote que nous allons donner contre la motion d'amendement, parce qu'un vote en faveur de cette motion aurait pour effet... Je m'en réfère à l'article 559: « Quand la motion de deuxiè-

me lecture est simplement rejetée par un vote négatif ou quand une résolution adverse au bill est adoptée par voie d'amendement, le bill disparaît du feuilleton des affaires. »

Mais, pour être honnête, j'ajoute: Mais il peut y être inscrit de nouveau sur une motion annoncée.

M. BELLEMARE: Un nouveau bill.

M. PAUL: Un nouveau bill, nouveau débat. Non, M. le Président. Je me demande si l'honorable chef de l'Opposition ne se rendra pas à l'invitation aimable que lui a faite le ministre du Travail aux fins de retirer sa motion. Nous commençons à déceler une certaine hésitation...

M. BELLEMARE: Un petit effort!

M. LESAGE: Non, mais est-ce que le gouvernement craint réellement de ne pas ramasser toutes ses brebis?

M. PAUL: Non, M. le Président...

M. BELLEMARE: Attendez et vous verrez...

M. LESAGE: J'ai eu l'impression que le ministre du Travail et le ministre de la Justice voulaient convaincre les députés de l'Union Nationale qu'il fallait qu'ils votent contre la motion du chef de l'Opposition.

M. BELLEMARE: Non, non!

M. PAUL: Non, voici, M. le Président. Le ministre du Travail et le ministre de la Justice,...

M. LESAGE: Les deux ministres travaillaient beaucoup plus pour leur propre troupeau que pour nous.

M. PAUL: ... tous les ministres et la quasi totalité de la députation ministérielle partagent les mêmes opinions d'action immédiate, et non pas dans six mois ou dans un an.

M. LESAGE: Nous allons pouvoir le constater quand le ministre...

M. PAUL: Et nous sommes prêts à voter sur le principe de la deuxième lecture du bill 63.

M. LESAGE: On va commencer par voter sur la motion.

M. PAUL: Ah, justement! On va commen- cer par voter sur l'amendement, alors qu'on veut, sous prétexte de magnanimité d'âme, d'idéologie linguistique, nous laisser croire que nous allons être embarrassés par cette motion si nous votons contre, sous prétexte que nous aurions refusé de reconnaître ou de faire en sorte que le français devienne effectivement langue prioritaire au Québec. Non, M. le Président. Si nous votons pour cet amendement, nous ferons en sorte que le bill 63 meure. J'aimerais qu'il y en ait un du côté de l'Opposition qui nous explique ce qu'il adviendra du bill si la motion proposée par l'honorable chef de l'Opposition est agréée. Il faudra alors que le gouvernement recommence tout. De l'immobilisme, M. le Président. De l'immobilisme, vous en avez du côté de ceux qui siègent à votre gauche. De l'action positive, un geste concret, une législation logique qui constitue un premier pas afin d'aller de l'avant dans le domaine de la langue française, c'est le bill 63. Parce que le gouvernement veut agir, parce que les députés ministériels n'ont pas peur de se prononcer sur le principe du bill 63, ils voteront contre l'amendement de l'Opposition, qui aurait pour effet de tuer le bill.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Que les honorables députés qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Lesage, Laporte, Séguin, Cliche, Courcy, Lacroix, Brown, Parent, Brisson, Hyde, Binette, LeChasseur, Coiteux, Blank, Bourassa, Choquette, Fortier, Cadieux, Fournier, Vaillancourt, Kennedy, Mailloux, Théberge, Maltais (Saguenay), Bienvenue, Goldbloom, Houde, Leduc (Taillon), Michaud, Pearson, Picard (Olier), Saint-Germain, Tetley, Tremblay (Bourassa), Tremblay (Montmorency).

M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bertrand, Bellemare, Fréchette, Johnston, Vincent, Paul, Lizotte, Gosselin, Tremblay (Chicoutimi), Allard, Morin, Russell, Lafontaine, Loubier, Cardinal, Maltais (Limoilou), Cloutier, Boivin, Beaulieu, Boudreau, Mathieu, Lussier, Bernatchez, Gauthier (Roberval), Lavoie, Sauvageau, Plamondon, Gauthier (Berthier), Gagnon, Théoret, Demers, Léveillé, Desmeules, Croisetière, Hamel, Roy, Leduc (Laviolette), Martel, Simard,

Gardner, Murray, Bergeron, Picard (Dorchester), Shooner, Belliveau, Croteau, Gauthier (Trois-Rivières), Cournoyer.

Pour 35. Contre 48.

Yeas 35. Nays 48.

M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement est rejetée.

L'honorable premier ministre.

M. BERTRAND: M. le Président, maintenant, j'ai l'honneur de demander l'ajournement du débat.

M. PAUL: M. le Président, demain, ce sera la journée des députés. Nous continuerons l'étude de la motion inscrite au nom de l'honorable député de Brome, qui figure au numéro 14 du feuilleton de ce jour. Ensuite, nous appellerons le bill 99, inscrit au nom de l'honorable député de Gouin. Si, par hasard, il arrivait que ces discussions doivent être interrompues ou ajournées, nous pourrions peut-être convenir de procéder à l'étude des crédits.

Je rappelle que, demain, deux commissions doivent siéger. A la salle 81-A, la commission municipale pour étudier le problème du logement et de la construction domiciliaire au Québec siégera à dix heures et, à la salle 91-A, la commission de la Justice continuera l'étude du bill 10, Loi concernant les régimes matrimoniaux.

Sur ce, M. le Président, j'ai l'honneur de proposer l'ajournement de la Chambre à demain après-midi...

M. LAPORTE: M. le Président, si le leader parlementaire me le permettait, je proposerais, sans avis, qu'à la commission des Affaires municipales le nom de Pierre Laporte soit remplacé par celui de Georges Tremblay.

M. BERTRAND: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LAPORTE: Je voudrais également que M. Jérôme Choquette en fasse partie; je dirai à M. le Secrétaire qui il remplace.

M. PAUL: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain après-midi, trois heures.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi, trois heures.

(Fin de la séance: 21 h 55)

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