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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mardi 4 novembre 1969 - Vol. 8 N° 76

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures sept minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de comités élus.

A l'ordre!

Présentation de motions non-annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

M. BERTRAND: Un instant...

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. BERTRAND: ... f)

Bill 62

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la première lecture de la Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal.

L'honorable ministre de l'Education.

M. CARDINAL: M. le Président, le projet de loi 62, Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal, est un projet de loi important dont je donnerai aujourd'hui les notes explicatives qui nous permettront d'en saisir la portée.

Ce projet propose le remplacement des municipalités et des commissions scolaires qui existent sur l'île de Montréal par onze nouvelles municipalités scolaires et onze nouvelles commissions dont les membres seront élus pour les deux tiers au suffrage universel et pour l'autre tiers par des représentants des parents.

Ces commissions, qui seront formées le 1er juillet 1971, auront essentiellement un rôle pédagogique et seront chargées d'offrir, à la fois, l'enseignement catholique, l'enseignement protestant et l'enseignement autre que catholique ou protestant aux enfants de leur territoire.

Le bill prévoit aussi la formation, dans chaque école, d'un comité composé de parents des élèves et chargé de veiller à la qualité de l'enseignement qui y est donné. Les membres de ces comités seront élus par les parents des élèves et désigneront parmi eux les membres du collège électoral chargé d'élire un tiers des commissaires.

L'autorité de ces commissions scolaires sera coordonnée par un conseil scolaire composé de quinze personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil qui devra choisir au moins un membre de chacune de ces onze commissions. Ce conseil sera propriétaire des équipements scolaires, percevra les taxes requises et mettra à la disposition des commissions scolaires les immeubles et les services dont elles auront besoin.

A ces fins, le projet de loi modifie la Loi de l'instruction publique en insérant à la fin de cette loi, trois séries de dispositions.

Le premier groupe de ces dispositions traite de l'organisation des nouvelles commissions scolaires. Il leur confie, en outre des fonctions pédagogiques déjà mentionnées, la tâche d'engager le personnel conformément aux conditions de travail établies par le conseil, d'utiliser les deniers qui leur sont remis par le conseil, d'administrer les équipements que celui-ci met à leur disposition et d'aviser le conseil sur l'implantation des équipements futurs.

Les commissions scolaires seront administrées par six commissaires élus pour un mandat de quatre ans. Quatre d'entre eux seront élus au suffrage universel. L'élection se tiendra le premier dimanche de novembre et toute personne qui est âgée de dix-huit ans, qui est de citoyenneté canadienne et qui est domiciliée dans un quartier de la commission le 1er septembre précédant l'élection a droit de voter dans ce quartier.

Les deux autres commissaires sont élus à la même date par un collège électoral formé de la moitié des membres des comités d'école.

Chaque commission scolaire doit nommer un directeur général ainsi qu'un directeur général associé chargé de l'enseignement catholique, un autre chargé de l'enseignement protestant et un troisième chargé de l'enseignement autre que catholique ou protestant.

Chaque commission doit faire approuver son budget, chaque année. Lorsqu'elle encourt une dépense qui n'y était pas prévue et qui n'a pas été autorisée par le ministre, sur la recommandation du conseil métropolitain, les personnes qui ont permis ou approuvé cette dépense peuvent être tsnues personnellement responsables du paiement des sommes en cause.

Le gouvernement pourra aussi, dans ce cas, suspendre les pouvoirs de la commission, nommer un administrateur et destituer les responsables.

Le deuxième groupe de dispositions qui sont ajoutées à la Loi de l'instruction publique traite des comités d'école. Pour les fins de ces comités, une école est un édifice ou une partie d'un édifice occupé par un groupement d'élèves et d'instituteurs sous l'autorité d'un directeur et oft les cours qui sont donnés sont conformes, soit au programme catholique, soit au program-

me protestant, soit au programme autre que catholique ou protestant.

En d'autres mots, le mot école désigne une communauté d'étudiants, sous une seule et même direction pédagogique et dans une des deux confessions déjà connues ou dans un groupe multi confessionnel.

Le nombre de membres d'un comité varie suivant le nombre d'élèves inscrits à l'école. En outre des membres élus par les parents, chaque comité comprend aussi, à titre de membres adjoints, le directeur de l'école et un représentant du personnel enseignant. C'est l'institutionnalisation juridique des ateliers pédagogiques.

Les membres de ces comités sont élus pour deux ans, sauf les premiers qui seront élus la moitié pour un an et l'autre moitié pour deux ans.

Chaque comité d'école dispose, pour la poursuite de ces fins, d'une allocation monétaire versée par la commission.

Enfin, un dernier groupe de dispositions concerne le conseil scolaire de l'île de Montréal et de l'île Bizard. Les membres du conseil sont nommés pour quatre ans et divers contrôles sont prévus quant à l'exercice des pouvoirs corporatifs du conseil, y compris les dispositions analogues à celles qui sont prévues pour les commissions scolaires en cas de dépenses non autorisées.

Ce conseil sera formé à la date de la sanction du bill et sera chargé, jusqu'au premier Juillet 1971, date de la formation des nouvelles commissions scolaires, de préparer la mise en place des nouvelles structures. Il sera composé, durant cette période, de treize membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, dont dix seront choisis parmi les membres des commissions qui existent présentement sur l'île de Montréal.

Durant cette période, le conseil sera plus particulièrement chargé de procéder à l'inventaire de l'actif et du passif des commissions existantes et de dresser un bilan d'intégration de leur personnel dans les nouvelles structures en effectuant les consultations appropriées.

Il pourra aussi exercer les pouvoirs des futures commissions scolaires en attendant leur formation, et celles-ci seront liées par les actes qu'il aura ainsi posé avant le 1er juillet 1971. Les commissions scolaires existantes seront dissoutes le premier Juillet 1971 et leurs biens ainsi que leurs obligations seront transmis au conseil qui pourra les répartir entre lui-même et les nouvelles commissions scolaires. Les personnes qui seront à l'emploi des commissions scolaires actuelles le 30 juin 1971 deviendront des employés soit du conseil, soit de nouvelles commissions scolaires le 1er juillet suivant, conformément au plan d'intégration dressé par le conseil.

Le projet de loi maintient toutefois les droits et obligations des employés et des associations accréditées pour les représenter. Jusqu'au 1er juillet 1971, les commissions existantes devront obtenir l'assentiment du conseil pour contracter une obligation ayant effet après cette date ou retenir les services d'une personne d'ici cette date.

Le projet prévoit aussi de nouvelles dispositions en matière de taxation scolaire sur l'île de Montréal à compter du 1er juillet 1971. Il prévoit que les immeubles ne seront plus inscrits sur une liste catholique ou une liste protestante ou une liste neutre, mais qu'ils feront désormais partie d'une catégorie groupant les immeubles qui sont la propriété de particuliers ou d'une autre, une seconde catégorie groupant ceux qui sont la propriété de corporations. De plus, tout immeuble appartenant à un particulier et évalué à plus de $100,000 fera l'objet d'une surtaxe pour la partie qui excède ce montant. Le taux alors applicable sera le même que celui qui sera en vigueur à l'égard des immeubles possédés par des corporations. Les taxes seront prélevées par les corporations municipales et remises au conseil scolaire métropolitain. Les rôles d'évaluation, servant à l'imposition de ces taxes, seront uniformisés pour toute l'île de Montréal en utilisant les facteurs de correction décrétés par la corporation de Montréal métropolitain. Les taux de taxe en vigueur pour l'année scolaire 71/72 et pour les années subséquentes seront déterminés par le conseil.

M. le Président, à ces notes je pourrais ajouter, pour le bénéfice des membres de l'Assemblée nationale, le détail de ces onze municipalités scolaires. Dans le projet de loi, vous avez la définition ou la désignation technique de ces municipalités sur le territoire desquelles les onze commissions scolaires exerceront les pouvoirs que nous venons de mentionner. Comme ces désignations techniques sont difficiles à saisir, j'ai fait préparer une carte et je suis heureux de pouvoir en remettre une copie pour chacun des membres de cette assemblée en même temps que le projet de loi lui-même sera distribué.

Comme dernière remarque, Je voudrais souligner que ce projet de loi se situe dans le contexte d'une politique du gouvernement concernant l'uniformisation des rôles et le remplacement éventuel de la taxe foncière par d'autres moyens de subvention des dépenses pour fins d'éducation.

M. LESAGE: Le ministre n'aura sans doute pas d'objection à répondre peut-être à une cou-

pie de demandes d'explications supplémentaires de ma part. Le projet de loi prévoit que, sur les 15 membres du conseil scolaire de l'île de Montréal, ils seront nommés par le gouvernement soit un par commission scolaire. Y a-t-il obligation pour le gouvernement de choisir ce membre parmi les quatre élus au suffrage universel, de façon à éviter cette possibilité qu'à un moment donné vous n'ayez, comme membres du conseil scolaire, que des non-élus, sinon élus par des comités de parents?

M. CARDINAL: M. le Président, tel que l'indique le projet de loi déposé, la seule obligation du gouvernement est de nommer 15 personnes dont onze sont choisies dans chacune des commissions scolaires.

M. LESAGE: J'ai compris cela.

M. CARDINAL; Cette personne choisie par la commission scolaire, la loi n'indique pas si elle sera choisie parmi les gens élus au suffrage universel ou parmi ceux qui viennent du collège électoral. Le gouvernement, d'après le projet de loi présenté — je réponds à la question telle qu'elle est posée — sera libre. Cependant, on admettra qu'il s'agit ici de modalités d'application de la Loi. Le gouvernement, dans ce cas comme dans tous les cas précédents, prendra ses responsabilités pour une plus grande démocratie...

M. LESAGE: M. le Président...

M. CARDINAL: ... de participation dans le domaine scolaire.

M. LESAGE: ... je ne vols pas que la question que j'ai posée donne lieu à un discours électoral ou partisan. Ma question était très simple. Tout ce que Je veux souligner au ministre de l'Education, c'est que le projet de loi pourrait être modifié. Qu'il y songe de façon à donner certaines garanties quant à la nomination de ces membres par le gouvernement pour qu'il y en ait au moins une majorité qui soit parmi ceux qui sont élus au suffrage universel. C'est tout ce que je demande.

M. CARDINAL: M. le Président, je comprends fort bien, je crois, la question du chef de l'Opposition. Je puis l'assurer qu'en parlant des responsabilités du gouvernement je ne fais, d'une part, aucune partisanerie; d'autre part, ces modalités pourront être examinées.

Le projet déposé aujourd'hui est ce que je pourrais appeler, M. le Président, un document de travail. Le gouvernement tient à un certain nombre de principes qui sont derrière ce projet de loi, mais, quant à ses modalités d'application, nous serons des plus heureux, soit devant la commission permanente de l'Education, soit en comité plénier, d'accepter les suggestions du chef de l'Opposition ou de tout autre membre de cette assemblée.

M. LESAGE: M. le Président, on comprendra que j'ai écouté la lecture des notes explicatives du ministre. C'est au tout début de ses remarques qu'il a mentionné le choix de onze des membres, un par commission scolaire. Ensuite, il a parlé de la méthode de choix des six membres de chacune des commissions scolaires. Alors, il m'est venu à l'esprit cette demande d'explications supplémentaires. J'en ai une autre et, cette fois-ci, c'est au sujet de la taxation.

Le ministre a dit qu'il y aurait deux catégories: la catégorie des individus, la catégorie des corporations et que, cependant, si un individu est propriétaire — je comprends très bien la raison; je n'ai pas besoin de faire de discours — d'un immeuble qui est évalué à au-delà de $100,000, il devra payer une surtaxe au même taux que le taux des corporations pour ce qui est supérieur à $100,000. Le ministre — je ne demande pas de réponse, il y pensera il est notaire, il a été administrateur d'une compagnie de fiducie — ne craint-il pas qu'il y ait danger qu'il y ait avantage pour une société commerciale ou une corporation à inscrire au nom d'une personne un immeuble parce que la surtaxe ne s'appliquerait qu'à partir de $100,000 et non à partir du premier dollar?

M. CARDINAL: M. le Président, je pense que le chef de l'Opposition sait fort bien que nous nous comprenons parfaitement sur ce qui vient d'être dit en termes généraux. Plus franchement, il a été d'usage — le praticien que J'ai été jadis l'a constaté — que, dans certaines corporations, pour éviter jusqu'à présent ce qui était la taxe des neutres, l'on inscrive, au nom de sa secrétaire ou de son secrétaire ou de qui que ce soit, un immeuble appartenant à une corporation. C'est justement pour tempérer d'une certaine façon ces usages que, dans le projet de loi, il y a cette disposition.

Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition qu'il y a lieu d'y réfléchir davantage. Ce qu'il faut éviter dans un sujet semblable, c'est que l'individu qui, bona fide, aura acquis un immeuble pour des fins commerciales, mais personnelles, ne soit taxé en entier sur toute la valeur.

L'on veut d'autre part éviter que ceux qui font partie d'une association ou d'une corpora-

tion et qui ont placé l'immeuble au nom d'un prête-nom ou d'un fiduciaire évitent cette taxation. C'est une pondération, si l'on peut dire ainsi, ou un système tempéré entre ces deux situations. Encore une fois, comme ce document sera déféré aux organismes consultatifs habituels de cette Chambre, toute suggestion ou réflexion qui viendra aux membres de cette Assemblée sera accueillie avec sympathie et intérêt par le ministre de l'Education et le gouvernement.

M. LESAGE: Qu'on me comprenne bien. Si j'ai soulevé ces deux points, c'est qu'ils me sont venus à 1'esprit en écoutant le ministre de l'Education. Il y en a probablement bien d'autres que je constaterai en lisant le projet de loi, mais je suis heureux de savoir que le projet de loi sera déféré à une commission de l'Assemblée où nous pourrons l'étudier. C'est ce que j'ai compris de la dernière déclaration du ministre de l'Education.

M. CARDINAL: Je pense que j'ai indiqué de façon suffisamment claire que ce projet, normalement, comme l'a été le projet de loi 56, ira, au temps qui sera déterminé par le Parlement, devant la commission permanente de l'Education où les personnes qui veulent se faire entendre, en plus des membres de cette Assemblée, pourront le faire et pourront ainsi nous suggérer d'amender ce projet de loi. Cependant, Je répète, pensant représenter ici l'opinion du gouvernement, qu'il y a certains principes qui sont importants dans ce projet, mais que les modalités d'application de ces principes, elles, seront certainement sujettes à suggestions, à modifications, même à perfectionnement.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. BERTRAND: Comme vient de le dire le ministre de l'Education, étant donné que nous avons la première lecture, c'est l'intention manifestée par le gouvernement que ce projet soit déféré au comité parlementaire de l'Education. Quant à la date, le ministre de l'Education et le chef de l'Opposition pourront s'entendre. Il s'agit de la commission permanente de l'Education.

Projet de loi déféré à la commission de l'Education

M. LESAGE: Si je comprends bien, le premier ministre et le ministre de l'Education font tous les deux motion pour que le projet de loi soit déféré dès maintenant à la commission permanente de l'Education.

M. BELLEMARE: Quant à s'entendre sur la date...

M. CARDINAL: On pourra peut-être s'entendre pour le 15 janvier.

M. LESAGE: Non, j'aurai peut-être un assez long discours à terminer ce jour-là.

M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

L'honorable ministre des Richesses naturelles.

Déclaration ministérielle

M. ALLARD: Je voudrais faire part à la Chambre d'une décision qui sera annoncée vers la fin de l'après-midi par l'Hydro-Québec concernant l'annonce des travaux de construction de la centrale hydro-électrique Manic 3 sur la rivière Manicouagan, travaux qui débuteront au printemps prochain. On estime que la réalisation coûtera quelque $300 millions et que ces travaux s'étendront sur une période de sept ans.

Les principales caractéristiques du nouvel aménagement comprennent un barrage de quelque 12 millions de verges cubes de terre; un deuxième barrage, moins considérable, en béton, sur lequel seront intégrés le déversoir et la prise d'eau; une centrale de six groupes de générateurs d'une puissance installée totale de 1,176,000 kilowatts. Le premier groupe générateur sera mis en service à la fin de l'année 1975 ou au début de l'été 1976. Quant aux autres groupes, ils seront prêts à temps pour satisfaire à toute demande supplémentaire d'environ 1,000,000 de kilowatts que l'on prévoit pour l'hiver 1977 et 1978. Ce barrage sera construit sur la rivière Manicouagan à 57 milles en amont de Baie-Comeau et atteindra près de 1,200 pieds de long par 355 pieds de haut. L'Hydro espère terminer la construction du barrage en trois ans. Manic 3 fera ainsi partie du complexe hydro-électrique Manlcouagan-Outardes qui comprendra finalement sept centrales d'une puissance globale de 5,500,000 kilowatts.

M. LESAGE: M. le Président, pendant la période de construction, faudra-t-il détourner la rivière pour permettre l'alimentation continue des centrales situées en aval?

M. ALLARD: II est fort probable, M. le Président, qu'on devra procéder de la même manière qu'on a fait à Manic 5. Dans une conférence de presse, dès la fin de l'après-midi, les Journalistes pourront poser des questions du genre de celle du chef de l'Opposition. Mais je crois qu'après avoir parlé avec le président, M. Giroux, on doit procéder à peu près de la même manière qu'à Manic 5.

M. LESAGE: M. le Président, pourquoi les Journalistes auraient-ils le droit de poser des questions et que le chef de l'Opposition n'aurait pas le droit d'en poser?

M. ALLARD: Parce que, malheureusement, M. le Président, la commission de l'Hydro-Québec ne siège pas dans cette Chambre. Si on veut poser des questions...

M. LESAGE: Autrement dit, le ministre ne peut pas me répondre.

M. ALLARD: Non, on peut convoquer le comité, si vous voulez, comme on l'a déjà fait. Au besoin, on pourra le faire encore.

M. LESAGE: Le ministre n'est pas au courant.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Duplessis.

Questions et réponses

Usine de bouletage

M. COITEUX: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Richesses naturelles ou au ministre de l'Industrie et du Commerce étant donné qu'il semble en veine de bonnes nouvelles aujourd'hui. Est-ce qu'il pourrait dire à cette Chambre et confirmer la rumeur très sérieuse à savoir que Iron Ore Company of Canada est sur le point d'annoncer la construction d'une usine de bouletage à Sept-Hes, investissement d'environ $150 millions? Dans la même question, est-il exact que Cartier Mining, incessamment, doit faire de nouveaux développements à mont Wright pour augmenter leur production de minerai de fer à Gagnon?

M. ALLARD: M. le Président, je suis au courant de la première question concernant Iron Ore, mais à ma connaissance nous n'avons été avisés d'aucune déclaration incessante, quoi qu'il y ait des pourparlers sérieux d'une construction du genre de celle dont il a parlé.

Quant à celle de Quebec Cartier Mining, je crois qu'une annonce devra être faite par la compagnie elle-même, dès demain.

M. LESAGE: Le développement du Mont Wright?

M. ALLARD: Je parle du développement du Mont Wright que la compagnie Quebec Cartier Mining annoncerait dès demain.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauharnois.

Fermeture d'une laiterie

M. CADIEUX: Est-ce que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation est au courant du fait qu'une importante compagnie laitière à Valleyfield vient d'être vendue et qu'à la suite de cette vente tous les producteurs de lait ou la grande majorité des producteurs de lait de la région de Valleyfield et du comté de Beauharnois ont été informés par lettre que leur lait ne serait plus acheté à l'avenir et qu'on n'aurait plus recours à eux puisque la nouvelle compagnie avait son propre service?

M. VINCENT: M. le Président, je remercie le député de Beauharnois de m'avoir donné préavis de sa question. Les quelques informations que j'ai pu obtenir avant d'entrer en Chambre sont à l'effet que, demain après-midi, il y aurait une réunion des producteurs fournisseurs de la laiterie en question, avec les nouveaux propriétaires. De plus, j'ai également demandé aux fonctionnaires concernés de me faire un rapport complet de toute la situation. J'ai reçu un brouillon tout à l'heure, mais je crois que ce n'est pas complet. J'aurai l'occasion, demain après-midi, de donner une réponse plus complète au député de Beauharnois.

M. CADIEUX: Est-ce que je peux demander au ministre s'il peut vérifier que, dans le contrat qui existait auparavant, les producteurs de lait ne devaient pas recevoir un avis de 30 jours, avant qu'ils se voient refuser la fourniture de leur lait? De plus, puis-je demander au ministre de me tenir au courant du rapport de ces fonctionnaires concernant ce cas précis?

M. VINCENT: D'accord.

M. MICHAUD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

Allocations de sécurité sociale

M. MICHAUD: Ma question s'adresse au ministre de la Famille et du Bien-Etre social. Est-ce que ce dernier pourrait expliquer à la Chambre l'avalanche de coupures qui se produit actuellement dans Montréal, au niveau des prestations et des allocations de sécurité sociale?

M. CLOUTIER: M. le Président, je ne sais pas si c'est une avalanche de coupures. De toute façon, j'ai déjà expliqué, au cours de l'étude des crédits et au cours des discussions de la commission parlementaire, que nous avions entrepris, depuis plusieurs mois, dans tous les bureaux de la province, une vérification des allocations versées. Cette vérification se fait de concert avec l'auditeur de la province et le ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Cette opération est en marche dans toute la province. Cependant, on sait que le service de bien-être de la ville de Montréal est un service autonome et indépendant qui administre des lois de la province.

Je ne sais pas si ces coupures auxquelles fait allusion le député viennent à la suite d'une vérification spéciale faite par le service de bien-être de la ville de Montréal, avec notre ministère. Il est possible que ce soit cela. De toute façon, si c'est le cas, cela vient à la suite de l'application plus rigoureuse des lois et de la réglementation actuelles, étant donné que tout le monde sait qu'on a décelé, évidemment, des abus qui sont intolérables. Ces vérifications nous prouvent que les déclarations des requérants ne sont pas toujours conformes à la vérité.

De toute façon, si quelqu'un se croit lésé par une décision rendue par un bureau de bien-être ou le service municipal de la ville de Montréal, par une réduction de son allocation, 11 est toujours loisible — je le recommande — de faire une nouvelle demande, une nouvelle représentation et d'apporter des faits qui pourront justifier une nouvelle enquête et une nouvelle vérification dans ce dossier. Je sais que plusieurs députés, pour ne pas dire la plupart, ont reçu à leur bureau des récipiendaires d'allocations sociales qui se sont plaints de leur allocation sociale. Dans tous les cas, je crois que les députés ont, avec raison, demandé la réouverture et la revérification des dossiers. Dans certains cas, il s'est avéré que nous devions recommander la réinstallation de l'allocation originale.

Alors, je comprends que le député ait été saisi de plusieurs cas à la fois — je ne sais pas de combien de cas — mais J'imagine qu'il y en a eu plusieurs en même temps. Je voudrais que l'on me donne tous les renseignements qui me permettent d'intervenir personnellement auprès de nos fonctionnaires, s'il y a eu des décisions rendues qui n'ont pas lieu d'être.

M. MICHAUD: Simple sous-question au ministre. Est-il prévisible que, dans un avenir rapproché, le ministère de la Famille va administrer directement le service de bien-être social de la ville de Montréal? Dans le cas actuel, le fait qu'il y ait deux niveaux d'autorité me semble entraîner des délais considérables.

M. CLOUTIER: M. le Président, il est dans la politique du ministère de la Famille et du Bien-Etre de rapatrier dans ses bureaux l'administration des lois sociales actuelles et de la future Loi d'aide sociale.

En ce qui concerne le service municipal de la ville de Montréal, on comprendra que c'est un service très important par le nombre d'employés qui sont là et par l'importance de la clientèle desservie. Je ne crois pas qu'il soit possible, à très court terme, d'absorber le service municipal de la ville de Montréal. Mais, de toute façon, j'ai commencé à avoir personnelle ment des contacts avec la ville de Montréal et des rencontres sont prévues à très court terme avec les fonctionnaires supérieurs de la ville de Montréal pour coordonner davantage nos efforts de façon à ce que le développement des services de ce côté là, du côté de la ville de Montréal se fasse parallèlement à celui des services de la province.

Si nous apportons des améliorations du côté de l'informatique, du côté de l'administration, nous voulons évidemment que la ville de Montréal, en même temps, apporte les mêmes améliorations. Mais, je ne crois pas que nous puissions, à court terme, étant donné l'importance du service, le réintégrer dans nos services.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.

M. LEVESQUE (Laurier): Si le ministre permet, à propos du sujet dont il vient de discuter assez longuement, on a laissé en plan, sauf erreur, la Loi d'aide sociale au moment où la commission discutait, devant des représentants d'organismes, des règlements. Il y avait en suspens le point des barèmes qui, évidemment — je crois que tout le monde était d'accord — est le point fondamental. Le ministre a-t-il une idée du moment où ces discussions pourront reprendre et surtout du moment où il serait prêt à présenter des barèmes de la Loi d'aide sociale?

M. CLOUTIER: Si le député se réfère au feuilleton d'aujourd'hui, il y a une séance d'annoncée pour jeudi matin de cette semaine, de dix heures à une heure, pour entendre les derniers groupes qui voulaient se présenter devant la commission.

Il y avait invitation de faite à des représentants des mouvements et des assistés sociaux de venir se présenter. Ce n'est pas terminé. Il y a des difficultés. Je ne sais pas si les assistés sociaux viendront Jeudi, mais, de toute façon, les derniers groupes viendront.

Après cette réunion, peut-être la semaine prochaine, il y aura lieu de tenir notre séance de la commission sur les points techniques, sur les tables et sur les coûts.

M. LEVESQUE (Laurier): Probablement les tables la semaine prochaine, alors?

M. CLOUTIER: Peut-être la semaine prochaine.

M. LEVESQUE (Laurier): Merci.

M. CLOUTIER: Mais certainement d'ici une quinzaine de Jours.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane.

Salaire des enseignants de Gaspé-Nord

M. BIENVENUE: Ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de l'Education. Le ministre a-t-il reçu un télégramme émanant de l'Association des enseignants des Monts, association qui groupe des membres du comté de Gaspé-Nord et surtout du beau et grand comté de Matane, se plaignant de ce que des membres de leur association, et en particulier ceux de Saint-Thomas-de-Cherbourg, de Saint-René-Goupil, de Saint-Joachim et de Saint-Nil, n'ont pas été payés depuis le mois de juin dernier?

Dans l'affirmative, le ministre entend-il prendre des mesures très immédiates pour mettre fin à cette injustice?

M. CARDINAL: M. le Président, j'ai revu, comme d'habitude, avant d'entrer dans cette Chambre, tous les télégrammes que j'avais reçus depuis le départ de vendredi, et il ne me semble pas que j'aie reçu le télégramme dont il est fait mention. Si les enseignants ne sont pas payés depuis juin et que la commission scolaire ne nous a pas avertis, il y a une première responsabilité — que j'ai déjà mentionnée dans cette Chambre — qui incombe à cette instance locale.

Mais je prends avis de la question du député de Matane, et dès mon retour au bureau je vérifierai ceci. S'il y a des retards dans les subventions d'équilibre budgétaire ou les subventions de fonctionnement, j'éteindrai ce nouvel incendie à la première occasion, comme je l'ai fait dans le territoire du Nord-Ouest et en d'autres occasions.

M. BIENVENUE: M. le Président, ce n'est pas une sous-question, mais une offre de collaboration au ministre. S'il ne trouvait pas ce télégramme, je lui enverrai ma copie avec plaisir.

M. CARDINAL: M. le Président, je remercie le député de son offre et je l'accepte.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntslc.

M. LEFEBVRE: M. le Président, J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt tout à l'heure les explications de l'honorable ministre de la Famille et du Bien-Etre social concernant les barèmes d'assistance sociale. Cependant, j'aimerais lui demander une éclaircissement parce que sa réponse m'a un peu estomaqué. Ai-je bien compris que le ministre a mentionné qu'il déposerait les barèmes d'assistance une fois que les audiences publiques de la commission parlementaire seraient terminées? Si c'est bien ce qu'il a dit, Je me demande pourquoi il ne les déposerait pas justement en prévision de la séance à laquelle les assistés sociaux doivent témoigner.

Qui, M. le Président, est mieux qualifié que les personnes concernées pour nous donner des réactions sur la valeur de ces barèmes? Ai-je bien compris le ministre?

M. CLOUTIER: M. le Président, sans vouloir être méchant pour le député, je lui dirai que cette question a été discutée abondamment au cours des deux premières séances de la commission, séances auxquelles le député n'a pas eu le plaisir d'assister.

UNE VOIX: Il était allé aiguiser ses couteaux au Japon.

M. CLOUTIER: J'ai expliqué à ce momant-là pourquoi il nous apparaissait plus raisonnable de procéder comme cela parce que, évidemment, si on avait déposé les tables dès la première séance, les discussions de fond sur le projet de loi, sur les principes du projet, les discussions fondamentales sur le projet de loi lui-même et sur la réglementation auraient tourné essentiellement autour des chiffres et nous nous serions perdus.

Je crois qu'il était préférable que nous ayons une discussion de fond avec les organismes qui sont venus devant la commission, quitte après cela à avoir une séance spéciale de la commission sur des projets de tables. On sait que la réglementation qui est devant la commission est un projet de réglementation, et les tables que j'apporterai devant la commission sont des projets de tables qui vont nous permettre de faire une discussion intelligente de la loi. C'est la seule raison pour laquelle les tables n'ont pas été déposées avant aujourd'hui afin de faire une discussion plus sérieuse et plus fondamentale du projet de loi.

M. LEFEBVRE: Le ministre se serait peut-être perdu, mais les assistés sociaux se seraient mieux retrouvés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Compagnie Daly & Morin

M. BELLEMARE: M. le Président, la semaine dernière je suis intervenu après une question de l'honorable député de Jacques-Cartier au sujet du malheureux conflit de Daly & Morin. On m'a reproché en certains milieux de ne pas avoir cité exactement la proposition patronale.

Je voudrais aujourd'hui, avec un texte écrit de la main même du contrôleur, Claude Moisan, lire la proposition patronale pour bien définir et essayer de déceler où sont les torts. « D'abord, le syndicat exige que tous les employés d'usine de Daly & Morin deviennent et demeurent membres du syndicat. Nous l'avons accepté. Ensuite, le syndicat veut le droit d'exiger le congédiement de tous les employés expulsés du syndicat et ce, pour n'importe quelle raison. C'est une chose que nous ne pourrons jamais accepter. « Etant donné le droit sacré que vous avez de travailler, la compagnie, de son côté, a convenu de limiter son droit de vous congédier. La compagnie ne pourra congédier un employé que pour cause juste et équitable. « L'employé pourra soumettre son cas à l'arbitrage. Cela est raisonnable et nous l'avons accepté. Par contre, nous exigeons la même chose du syndicat. Nous demandons que, lorsqu'un employé est congédié par suite de son expulsion du syndicat, il ait le même droit de soumettre son cas à un arbitre qui déterminera si c'est pour une cause juste et équitable. Le syndicat refuse une telle chose et continue d'exiger le droit de congédier pour n'importe quelle raison et refuse que ce soit soumis à un arbitre pour déterminer si c'est pour une cause juste et équitable. « De notre côté, il nous est impossible d'accepter une telle clause de sécurité syndicale. Si on laisse au syndicat le droit de pouvoir congédier tous nos employés pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leur travail et leur performance, nous voulons être sûrs que ce soit toujours pour une cause juste et raisonnable qui sera soumise à un arbitre. »

Employés d'hôpitaux

M. LESAGE: M. le Président, pendant que le ministre du Travail semble en veine de précisions, pourrait-il nous dire où il en est rendu, avec ses collègues, le ministre d'Etat à la Fonction publique et le député de Saint-Jacques,dans le règlement du menaçant conflit des hôpitaux?

M. BELLEMARE: Comme la question m'est posée, je dois rendre témoignage à mon distingué collègue, le député de Montcalm. Regardez sa figure un peu étirée; cela veut dire le nombre d'heures que lui et le député de Saint-Jacques ont passées, depuis vendredi dernier, à essayer de trouver la solution. Je lui laisse...

M. LESAGE: Les précisions.

M. BELLEMARE: ... le soin de répondre.

M. MASSE: M. le Président, effectivement, depuis jeudi dernier, le conseil des ministres est directement présent, par un de ses membres, dans cette négociation fort importante du secteur hospitalier. Les discussions se poursuivent depuis jeudi, aussi bien à Québec qu'à Montréal, en présence du plus haut niveau des représentants des divers syndicats. Nous nous sommes entendus, jusqu'à maintenant, sur un certain nombre de points, sur des lignes d'orientation.

Il est évident qu'il ne serait pas dans l'intérêt public de divulguer, à ce moment-ci, des montants, des points d'achoppement ou de règlement Je crois que cela pourrait nuire à la négociation. L'intérêt de la Chambre, comme l'intérêt du gouvernement, de la population et des milieux hospitaliers, c'est beaucoup plus d'en venir à une entente.

M. LESAGE: M. le Président, est-il exact qu'une entente de principe est intervenue quant à une convention collective avec certains groupes? Quand je parle de groupes, je parle, par exemple, du groupe des infirmières. Est-ce exact?

M. MASSE: II est vrai qu'il y a déjà une convention collective de signée avec un syndicat, ce-

lui des techniciens. Il y a des accords de principe avec un autre syndicat, mais nous n'avons pas encore signé cette convention collective, préférant, pour l'instant, continuer les négociations avec d'autres syndicats de ce secteur particulier, tel que le chef de l'Opposition l'a mentionné.

M. LESAGE: II est quand même exact qu'avec certains groupes (au singulier ou au pluriel) un accord de principe est intervenu?

M. MASSE: Oui. Parfaitement.

M. LESAGE: Et le ministre ne peut pas nous dire si c'est $15, $16 ou $18 millions?

M. BELLEMARE: Ah! Ah! Tut! Tut! S'il vous plaîtl

M. MASSE: M. le Président, l'objet des négociations comporte également ces questions-là.

M. LESAGE: Je le pense bien. Surtout cela. M. BELLEMARE: Quatre. M. BERTRAND: Quatre.

Bill 63

M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de l'honorable ministre de l'Education proposant que le bill 63 soit lu une deuxième fois.

Déclaration du premier ministre M. Jean-Jacques Bertrand

M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai pas l'intention de prononcer de discours, loin de là, j'ai déjà eu l'occasion de le faire. Je voudrais tout simplement, au cours du débat, discuter d'un article, entre autres l'article 3, qui, peut-être, aux yeux de certains, n'est pas suffisamment complet.

Il y en a qui ont fait la remarque qu'on s'occupe des immigrants à leur arrivée et qu'on ne s'en occupe pas par après. Ce n'est pas compliqué, le but. Nous croyions que, dans l'article, tout cela était contenu; non seulement à leur arrivée, mais pour les inciter également à envoyer leurs enfants à l'école française.

Je déclare immédiatement, au nom du gouvernement, que, lors de l'étude en comité plénier, nous apporterons un amendement pour y ajouter que, lorsque ces personnes s'établissent au Québec, les deux ministres s'organisent pour qu'ils acquièrent dès leur arrivée la connaissance de la langue française et qu'ils fassent instruire leurs enfants dans les institutions d'enseignement où les cours seront donnés en langue française.

Nous avions cru que cette incitation était suffisamment claire. Si elle ne l'est pas, nous n'avons aucune objection à dire que, dès la séance du comité plénier, nous ajouterons ces précisions...

Deuxièmement, dans le débat, on s'en aperçoit, on parle d'une politique globale. Les gens ont parlé du rôle de l'Office de la langue française. Tous les éléments sont mêlés. J'ai moi-même déclaré, dès le début, qu'il s'agissait d'une étape dans un domaine, mais ceux qui en ont parlé ont vite constaté que l'Office de la langue française comme tel ne comporte que deux lignes au sujet de son rôle; que dit l'article 14 de la Loi du ministère des Affaires culturelles, Statuts refondus 1964, chapitre 57, au sujet de l'Office, de son rôle? On dit: veiller à la correction et à l'enrichissement de la langue parlée et écrite. C'est tout.

Cela veut dire tout simplement du bon langage, ça veut dire du vocabulaire. Je pense que pour une meilleure compréhension du rôle de l'Office, en 1969, il y aurait lieu, peut-être, de profiter de ce projet de loi pour a jouter un nouvel article précisant le rôle de l'Office de la langue française. Et j'indique immédiatement que ce rôle pourrait être élargi et que l'on pourrait y ajouter le devoir et le pouvoir suivants: favoriser l'établissement de la langue française comme langue d'usage dans les entreprises publiques et privées, au Québec, et conseiller le gouvernement sur toutes mesures législatives et administratives qui pourraient être adoptées pour y parvenir, et élaborer même, avec ces entreprises, des programmes pour établir la langue française comme langue d'usage et pour assurer, même, à leurs dirigeants et à leurs employés une connaissance d'usage de la langue.

Au-delà des considérations de partisanerie politique, nous sommes conscients de ce devoir fondamental que nous avons depuis trop longtemps oublié au Québec, et je ne fais allusion à aucun parti politique, aucun événement. Nous sommes tous un peu coupables et nous allons bâtir des outils en vue de faire rayonner notre langue comme tous les bons Québécois patriotes le veulent, au-delà de la haine et au-delà des crachats.

M. Jean Lesage

M. LESAGE: M. le Président, j'apprécie hautement, avec mes collègues, le fait que le premier ministre nous ait fait part dès maintenant du sens de certaines modifications qu'il était prêt, avec ses collègues, à apporter au projet de loi.

Cela va certainement faciliter le débat de deuxième lecture. Certes, il y a probablement de mes collègues qui, en comité plénier, voudront discuter quand même de certains autres articles, mais disons que le pas ou les deux pas faits par le premier ministre sont certainement de nature à faciliter le débat de deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

M. Philippe Demers

M. DE MERS: Dans un propros très bref, où je tâcherai, faisant abstraction de ceux qui, hors de cette Chambre, nous affublent des pires qualificatifs allant de félon à ganelon, je voudrais mettre en lumière tamisée, je vous le concède, les raisons de mon adhésion au projet de loi présentement en discussion.

Alors que depuis toujours dans notre province les francophones et les anglophones jouissent de droits historiques et collectifs, à Saint-Léonard, en 1968, une crise a éclaté résultant d'un conflit inéluctable entre deux principes, c'est-à-dire celui du droit d'une collectivité à assurer sa survie et celui des individus à choisir leur mode d'éducation. On connaît les détails de cette triste affaire, je vous ferai grâce d'y revenir. De toute façon, francophones et anglophones s'engagent dans un cul-de-sac collectif d'où, un an après la première crise, aucune solution n'était apparue. Pourquoi? Parce qu'aucune loi ne régissait et ne régit au moment où je vous parle les droits linguistiques au Québec.

Il s'agit de savoir si nous devons et pouvons, sans manquer à nos devoirs les plus élémentaires, laisser au gré des commissions scolaires locales le soin de manipuler les droits de la langue selon les fantaisies ou les dominances de chaque quartier scolaire. N'est-il pas temps que les droits linguistiques soient incorporés dans une constitution québécoise et que ces droits soient munis de mécanismes de protection. Il ne se trouve personne dans cette Chambre — et je me demande s'il en est un à l'extérieur — qui voudrait voir se répéter dans le Québec des Maillardville et d'autres situations dont on a souffert dans le reste du Canada. Serions-nous légitimés, sous le prétexte de la souffrance qu'ont endurée les nôtres comme minorités, de faire endurer les mêmes traitements aux parents en les inquiétant sur l'avenir de leurs enfants? Le gouvernement, je devrais dire le Parlement, car l'unanimité, sauf quelques exceptions, ne pouvait faire autrement que d'agir comme il le fait... Le gouvernement a fait option pour une voix médiane entre l'unilinguisme français, ce qui impliquerait aujourd'hui par la loi la négation d'une justice que le Québec a toujours eu le souci d'accorder à la minorité anglophone, et un bilinguisme intégral qui aurait été peu réaliste. D'ailleurs, sous l'Union Nationale, nous sommes en excellente compagnie pour prendre la position que nous prenons aujourd'hui.

En 1966, notre programme « Objectifs 66 » reconnaissait l'existence de deux langues officielles dans la province et désirait conférer au français, langue de la majorité, le rang et le prestige de véritable langue nationale. En novembre 1967, entre le 27 et 28 de ce mois, à la conférence de Toronto intitulée « La confédération de demain », le premier ministre du Québec, l'honorable Daniel Johnson, parlant du rapport Laurendeau-Dunton disait ceci: « Nous voulons cependant dire qu'en général nous sommes d'accord avec les constatations de la commission et l'esprit de ses recommandations ». Quelles étaient ces recommandations? Adoption d'une loi des langues où le bilinguisme serait reconnu et institution d'un commissaire québécois aux langues officielles. Jusqu'ici, aucun reniement de ce que notre parti a toujours préconisé et professé. Si nous retournons en 1966, depuis cette date, nous n'avons jamais préconisé ni dans notre programme électoral ni dans les faits et jamais dans aucune déclaration de nos chefs le parti s'est engagé à instaurer l'unilinguisme.

Bien plus, la veille de sa mort, l'honorable Johnson, dans son testament politique... Dans le temps, tous les gens ont souhaité voir se réaliser ce voeu, et je cite sa déclaration: « Nous sommes entièrement disposés, sous une forme qu'il reste à déterminer, à garantir par de nouvelles dispositions constitutionnelles le droit de la langue anglaise au Québec. » II ajoutait toutefois « qu'il convenait, dans le même esprit, que les droits du français au Québec soient garantis ». Il poursuivait plus loin; « Ainsi, en d'autres termes, même si au Québec l'anglais et le français sont et continueront d'être langues officielles, il est normal que le gouvernement du Québec fasse preuve d'une sollicitude tout à fait particulière envers la langue française et qu'il mette tout en oeuvre pour en sti-

muler la vitalité et en faciliter l'usage dans tous les domaines. »

Comment le bill 63 se comporte-t-il, d'abord en face des objectifs de notre programme et les déclarations de M. Johnson? Il est vrai — je l'admets — que la solution suggérée n'est pas globale, qu'ainsi que l'a si bien affirmé le premier ministre, le bill 63 pose les premiers jalons d'une politique de langues et que les extrêmes, allant de l'unilinguisme au bilinguisme intégral, n'auraient qu'enchevêtré la situation.

Il nous semble, si l'on étudie objectivement ce projet, qu'il répond aux voeux de la majorité. L'enseignement sera, dit-on, généralement dispensé en français. S'il est donné en langue anglaise à la demande des parents anglophones, leurs enfants devront acquérir, par l'intermédiaire de cours et d'examens appropriés, une connaissance d'usage du français qui, d'après le ministre de l'Education, se définit « une langue que l'on possède suffisamment pour pouvoir l'entendre, la parler et l'écrire de façon qu'elle constitue un outil utilisable dans toutes les circonstances ordinaires de la vie ». C'est quasi une langue de travail. Les exigences du ministère de l'Education, enpourcentage d'étude en langue française, seraient de l'ordre de 40%. C'est la première fois, M. le Président, qu'un gouvernement oblige, au Québec, une minorité à apprendre le français. C'est un jalon qui, à 40%, consacre la primauté du français dans le domaine de l'enseignement.

En ce qui concerne les immigrants, ils auront, stipule le projet, l'obligation d'acquérir dès leur arrivée la connaissance du français. Avec la déclaration que vient de faire avant mol l'honorable premier ministre, obligeant les ministères de l'Education et de l'Immigration à incorporer les fils des nouveaux immigrants au domaine linguistique français, nous venons de franchir un pas considérable, pas qui n'a jamais été franchi dans la province, de telle sorte que nous pourrons augmenter notre collectivité québécoise en effectifs et que les immigrants qui ne l'ont jamais reçu recevront l'accueil auquel ils ont droit, et qu'en plus ils pourront faire d'excellents Canadiens français.

Je suis très heureux de la déclaration que vient de faire le premier ministre et des compléments qu'il lui a ajoutés en fonction de l'Office de la langue française. Je souscris en tous points à cette déclaration.

A ces mesures générales, notons la détermination du gouvernement d'instaurer la primauté du français dans la fonction publique et parapublique, de lancer un vaste programme de promotion et de diffusion du français dans toute la province en vue d'assurer une meilleure con- naissance de la langue et de permettre l'intégration des non-francophones à la collectivité québécoise, et d'adopter éventuellement d'autres mesures administratives pour affirmer partout l'usage du français.

En plus, la commission Gendron fera des recommandations au gouvernement et le projet qui est actuellement étudié — qui n'est pas un acte constitutionnel, mais qui est bien une loi—pourra ou être amendé ou être rescindé.

Il faudrait éviter de fausser le problème, aussi. Il faut entendre ceux qui protestent contre le bill 63 pour se rendre compte que beaucoup d'entre eux ont décidé de mettre toute raison de côté pour s'abandonner à des déclarations passionnées et extravagantes.

On déforme les faits, le texte de la loi, les déclarations et les intentions du premier ministre et du gouvernement. On reproche sans ambages au gouvernement de se lancer dans une politique linguistique sans avoir suffisamment examiné la question, alors que la commission de l'Education a tenu d'interminables séances et que les rapports qui ont été fournis à cette commission de l'Education sont tellement contradictoires que le gouvernement n'a pu y puiser aucun principe pour établir une politique de langue. Mais on pèche de la même façon en basant son argumentation sur les données incomplètes et que souvent l'on ignore.

Quand un communiqué d'un organisme affirme, par exemple, qu'on ne saurait amener les intéressés à étudier une langue qui n'a pas de statut de langue du travail, on omet de considérer la déclaration de l'honorable premier ministre qui dit ceci: « Si l'on veut que le français devienne langue de travail au Québec, il faut commencer par la base, par l'endroit le plus stratégique ment impliqué dans la vie de la nation, c'est-à-dire par l'enseignement. » Comment, en effet, faire travailler des gens en français si on n'a pas enseigné le français?

DES VOIX: Très bien!

M. DE MERS: C'est oublier aussi l'affirmation sans équivoque du premier ministre qu'il va venir à établir le français comme langue de travail au Québec. Quand on affirme que l'obligation faite aux anglophones d'être en mesure de parler et d'écrire couramment le français est très louable en soi, mais qu'elle risque de devenir lettre morte, faute de moyens appropriés, c'est passer sous silence le tout premier article du bill 63 qui fait une obligation au ministre de l'Education de prendre tous les moyens appropriés... Le deuxième article étend aux commissaires d'école et aux syndics la même obli-

gation. C'est oublier aussi la déclaration publique du premier ministre à l'effet que l'on prendrait, effectivement, les moyens appropriés pour que le français soit adéquatement enseigné aux enfants anglophones du Québec et que, consé-quemment, il faudra consentir les sacrifices nécessaires pour en défrayer le coût.

Il y a d'autres protestations. On a dit que ce n'était pas des petits commissaires d'école qui devraient dicter la langue à la province de Québec. Sur cette déclaration du gouvernement, on conteste au ministre le droit d'élaborer une politique de langue. Mais qui donc, au Québec, si ce ne sont les ministres concernés, le cabinet des ministres et le Parlement, dictera une politique de langue? Ce ne sont toujours pas ceux qui n'ont eu aucun mandat et qui, lorsqu'ils ont mis leur nom au bas d'un bulletin dans certains comtés, n'ont pas recueilli 1,000 votes.

D'autres voix affirment que le présent gouvernement n'aurait jamais reçu le mandat d'établir une politique de la langue au Québec. A ce compte, il faudrait rejeter les programmes des partis politiques et leur demander, chaque fois qu'ils ont une loi à adopter, même si on l'a prévu dans le programme électoral, de revenir devant le peuple. Où serait la démocratie? Où serait le parlementarisme? Comment la province fonctionnerait-elle? Nous avons, comme parlementaires, un mandat et je crois que nous avons tous les pouvoirs pour nous acquitter de ce mandat. Nous nous en rendrons dignes dans la mesure de nos capacités.

Ce projet, parrainé par le ministre de l'Education, avec l'appui du premier ministre et du conseil des ministres, sanctionné par le caucus, adopté en principe par l'Opposition, demande qu'à tous les niveaux de la société québécoise, anglophones et francophones, on cherche honnêtement et simplement à promouvoir la primauté du français, sa croissance et son usage dans les relations sociales et économiques. C'est là un appel au bon sens, au bon jugement de la population en vue d'en arriver à une solution réaliste d'un problème dont la gravité n'échappe à personne. On pourra nous reprocher de nous être trompés, mais jamais, alors qu'une situation si grave que celle de Saint-Léonard menaçait de prendre des proportions démesurées, on ne nous reprochera d'avoir failli à notre devoir.

C'est dans cet esprit que ce projet a été déposé. C'est en toute quiétude et sérénité que j'appuie le projet sachant qu'il pose les jalons, les prémisses d'une politique de langue qui deviendra bénéfique pour la collectivité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Deux- Montagnes.

M. Gaston Binette

M. BINETTE: M. le Président, je n'aurai que quelques mots à dire sur ce projet sur lequel déjà beaucoup de discours ont été faits par les préopinants.

Mais, je crois qu'à ce moment-ci, sur une question aussi importante, il est de mon devoir d'expliquer au moins le vote que je donnerai sur ce projet de loi.

Tout dépendant du point de vue où l'on se place, je serais porté à dire que le bill 63 est un bill qui vient trop tôt et trop tard à la fois. C'est également un bill qui en contient trop et trop peu à lafois. Cela vous semble peut-être un peu complexe, cet énoncé, mais je vais tenter de l'expliquer en quelques mots.

Ce que je veux dire, c'est que le gouvernement, par son bill, nous parle d'un élément de base, d'une étape dans l'établissement d'une politique linguistique globale au Québec. En nous parlant ainsi d'un élément de base d'une politique de la langue globale au Québec, je trouve que le projet de loi en contient trop peu. Si je dis qu'il en contient trop, c'est que le projet de loi que nous avons devant nous veut, en somme, régler un problème qui s'est présenté lorsque nous avons eu les événements de Saint-Léonard.

A ce moment-là, je dis que le projet aurait d'abord dû venir plus vite qu'il n'est venu. Il aurait dû venir au début de la crise de Saint-Léonard afin d'éviter les émeutes que nous avons connues et venir spécifiquement régler le cas de Saint-Léonard, comme semble être le but du projet de loi, éviter que d'autres cas comme celui de Saint-Léonard se produisent. C'est ce qui me fait dire que le bill vient trop tard et qu'il aurait dû venir beaucoup plus vite.

Le projet de loi que nous avons devant nous, intitulé Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, est, malheureusement, comme beaucoup d'autres projets de loi du gouvernement actuel, coiffé d'un titre qui en dit beaucoup plus que le contenu lui-même. En effet, sous un titre plutôt ronflant, nous trouvons — comme je l'ai dit précédemment — un contenu qui, en réalité, ne correspond pas à ce que laisse entendre le titre lui-même.

Dans le titre de la loi, on parle de promotion de la langue française, alors qu'on ratifie tout simplement une situation de fait, c'est-à-dire que l'on veut donner un statut juridique à l'enseignement de l'anglais au Québec et à la liberté des parents de choisir la langue de l'enseignement de leurs enfants, entre autres mesures.

Les droits de la minorité anglophone au Québec doivent être protégés et les parents doivent également avoir cette option. J'en suis. Il y a,

cependant, une question que tous se posent, à l'heure actuelle: Est-ce la langue française ou la langue anglaise qui est actuellement en danger au Québec? Je vous pose la question et je vous laisse y répondre vous-même, M. le Président.

Je me permets ici de reprendre une phrase du député de Gouin qui, lors de son intervention sur l'amendement proposé par le chef de l'Opposition, affirmait que cette loi aurait du s'intituler Loi pour éviter la répétition au Québec de cas comme celui de Sant-Léonard, ce qui aurait été beaucoup plus juste. Cette loi n'aurait pas été aussi contestée, si elle était venue il y a un an.

Je considère, avec d'autres qui ont exprimé cette opinion avant moi, que le gouvernement, en présentant un bill aussi incomplet, met la charrue devant les boeufs. C'était, d'ailleurs, la raison d'être de la motion du député de Louis-Hébert, mardi dernier, qui demandait de retarder le bill afin de le compléter.

C'est tellement vrai ce que je vous dis, M. le Président, que le premier ministre lui-même, cet après-midi, s'est senti dans l'obligation de préciser certains articles du bill 63. On tente évidemment de prouver que le bill 63 établit une certaine priorité du français au Québec. Le premier ministre a, en effet, parlé de la Loi de l'Office de la langue française au Québec et a cité le but de cette loi; il nous a mentionné qu'il avait l'intention d'élargir la portée de cette loi, ce qui est très valable et ce que, personnellement, j'appuie.

Mais lorsque le premier ministre a précisé le sort qui est fait aux immigrants dans ce bill, nous sentions qu'il avait un besoin d'élaborer et de tenter de prouver que le bill était réellement une promotion de la langue française au Québec. Donc, le bill que nous avons devant nous, avec les explications que nous avons reçues depuis qu'il est en discussion, contient des principes valables. Et contenant une partie des principes qui avaient, d'ailleurs, déjà été adoptés par le congrès de la Fédération libérale du Québec au mois d'octobre 1968, contenant, dis-je, quelques-uns de ces principes d'une politique linguistique globale discutée et approuvée en congrès plénier du Parti libéral en 1968, je crois qu'il est de mon devoir, à ce moment-ci, d'appuyer, même si le bill est incomplet, les principes qu'il comprend.

Si ce bill était venu en temps utile pour régler le cas spécifique de Saint-Léonard en attendant d'avoir une politique globale de la langue au Québec, je vous dis que nous n'aurions pas eu les démonstrations et les protestations et la contestation que nous avons connues la se- maine dernière. Personnellement, je ne conteste pas le droit de ceux qui veulent s'exprimer de prendre le moyen de la manifestation populaire et de descendre dans la rue. C'est un droit démocratique que des centaines d'années ont fourni aux sociétés qui se veulent réellement démocratiques. C'est un droit d'expression, c'est un droit que nous ne pouvons nier à ceux qui l'exercent. Mais nous pouvons parfois, par exemple, analyser la façon dont ce droit est exercé, analyser les moyens que les promoteurs de ces marches dans les rues emploient cour souvent forcer le sentiment ou forcer même la masse de personnes qui ne sont pas tellement au courant ou qui ne connaissent absolument pas la situation. On force ces jeunes étudiants, entre autres, à prendre la rue et à aller contester devant le Parlement sans que ces pauvres étudiants ne sachent exactement ce dont il s'agit.

C'est malheureux qu'à cette occasion des agitateurs en profitent pour exploiter le sentiment des jeunes, pour exploiter, je pense à ce moment-ci à certains professeurs, pour exploiter la confiance de leurs élèves et les faire descendre dans la rue au lieu de leur donner leurs cours régulièrement. J'ai même entendu un de ces professeurs dire à la télévision — et vous l'avez sans doute entendu, M. le Président — que le fait de descendre dans la rue pour l'étudiant, c'était une certaine étude pour lui, une certaine façon de connaître la vie, une certaine façon de se renseigner.

M. BELLEMARE: Diplômé de barricades. M. BINETTE: Quelque chose comme ça. M. PINARD: Une étude sur la voirie.

M. BINETTE: Alors, M. le Président, je ne nie donc pas le droit de contester, mais je dénonce, comme ceux qui l'ont fait avant moi, les moyens que prennent certains agitateurs pour inciter la jeunesse à descendre dans la rue et à protester contre une chose que souvent et malheureusement elle ne connaît pas.

Je ne parlerai pas du président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, que tous connaissent, M. Angers. Je crois bien que le président de la Société Saint-Jean-Baptiste a lui-même servi un peu de bouc émissaire aux agitateurs qui ont autre chose dans la tête que de seulement protéger la langue française au Québec.

Ce pauvre M. Angers, je crois qu'il s'est fait embarquer, comme on dit! Il s'est même tellement fait embarquer qu'à un moment ses paro-

les ont sans doute dépassé sa pensée lorsqu'il a comparé le premier ministre de sa province au général Wolfe, comme le rappelait d'ailleurs le premier ministre lui-même» Si je m'appelais François-Albert Angers...

M. LAPORTE: Tu ne serais pas ici.

M. BINETTE: ... si j'étais président d'une société... Non, je ne serais pas ici.

M. LAPORTE: Tu ne serais jamais capable de te faire élire.

M. BINETTE: Je ne serais jamais capable de me faire élire. Si je m'appelais François-Albert Angers, après avoir prononcé de telles paroles, je m'interrogerais. Je crois que je me dirais à moi-même: J'ai perdu « Montcalm ».

M. LAPORTE: Oh, pardon! DES VOIX: Oh!

M. BINETTE: M. le Président, trêve de ces jeux de mots. Je voudrais quand même que vous soyez bien au courant de ma position sur ce bill. Je voterai en faveur des principes qui y sont mentionnés parce qu'ils représentent une partie d'une politique linguistique globale au Québec, espérant cependant que d'autres modifications viendront compléter les principes qui sont émis dans ce bill lors de l'étude en comité plénier. Espérons également qu'en comité plénier s'il y a lieu on pourra y ajouter, si le règlement le permet, une déclaration — de principe du moins — établissant le français prioritaire au Québec.

M. le Président, pour toutes ces raisons je crois que j'aurais eu beaucoup d'autres choses à dire. J'aurais pu vous citer certaines phrases de « La nef des fous », de Georges Gusdorf. Les députés ont tous reçu ce livre, et je leur conseille de lire ce volume qui est d'une actualité cuisante...

M. LAFRANCE: C'est bien.

M. BINETTE: ... concernant la situation de crise que nous connaissons actuellement au Québec. L'auteur nous parle de la révolution de mai-juin 1968 faite en France par les étudiants universitaires. Ceux qui le liront revivront certains moments que nous avons vécus dernièrement à Québec, surtout vendredi dernier. Je profite de l'occasion pour remercier le ministre des Affaires culturelles qui nous a fait parvenir ce volume...

M. BELLE MARE: Sans commentaire.

M. BINETTE: ... d'une actualité cuisante. Je serai donc en faveur du bill 63 et j'espère que mes propos seront bien interprétés.

J'espère que M. François-Albert Angers — je reviens encore à lui — reprendra ses sens. Il semble qu'il ait l'intention de les reprendre. Il a l'intention aujourd'hui de se substituer au gouvernement en voulant établir un référendum dans toute la province. Je lui souhaite bon succès, mais je suis pratiquement certain du résultat qu'il obtiendra. Pour autant que ce M. Angers et son groupe exposent la situation exactement comme elle est, pour autant qu'on ne fausse pas la réalité et que les questions qui seront posées à ce référendum seront des questions précises, des questions qui ne seront pas orientées vers une réponse que les promoteurs voudront, je suis sûr que même le référendum de M. Angers parlera contre lui. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. André Léveillé

M. LEVEILLE: M. le Président, j'aimerais en quelques minutes seulement vous exprimer ma pensée sur le projet de loi no 63, Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, qui est à mon sens le projet de loi le plus positif jamais présenté en cette Chambre, précisément parce qu'il proclame comme premier principe, comme règle générale, la primauté du français dans l'enseignement.

Ce qu'il y a d'intéressant aussi, c'est qu'il n'exclut pas l'école anglaise et n'interdit pas son accès à ceux qui croient en avoir besoin.

Il admet donc des exceptions à la règle, il permet au ministre de l'Education de prendre les dispositions nécessaires afin que l'enseignement d'une connaissance d'usage de la langue française soit obligatoire pour les enfants à qui l'enseignement est donné en langue anglaise. Il permet de prendre les mesures nécessaires pour que les cours d'étude, du niveau de la première année à celui de la onzième inclusivement, soient donnés en langue française. Pour que ces mêmes cours puissent être donnés en langue anglaise, il faut que les parents en fassent la demande au moment de l'inscription. Et si ces mêmes cours sont donnés en langue anglaise, il ne faut pas oublier que les programmes d'étude et les examens

doivent, à ce moment-là, assurer une connaissance d'usage de la langue française et que le ministre doit prendre les mesures nécessaires à cette fin.

L'on peut constater aussi que le projet de loi permet au ministre de l'Immigration, de concert avec le ministre de l'Education, de prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes qui viennent s'établir au Québec acquièrent, dès leur arrivée, la connaissance de la langue française. Pas six mois après, dès leur arrivée! Et c'est stipulé dans la loi, M. le Président.

C'est, dans mon esprit, bien clair que ceux qui viendront s'établir au Québec devront acquérir la connaissance de la langue française dès leur arrivée. Je suis convaincu que la très grande majorité des Québécois qui veulent participer activement à la vie commerciale et industrielle de l'Amérique du Nord doivent avoir une connaissance suffisante de l'anglais, puisque c'est le moyen normal de communiquer avec près de 200 millions d'anglophones qui vivent sur ce continent. Je ne crois pas, M. le Président, avoir besoin d'insister sur ce point.

L'Union Nationale respecte une fois de plus un de ses objectifs de 1966. Nous pouvons lire à la page 11 du programme de l'Union Nationale, article 2; Donner au français le statut d'une langue nationale. Je cite; « L'Union Nationale reconnaît l'existence des deux langues officielles ». C'est avec ça qu'on a été élu. Tous les députés de ce côté-ci de la Chambre, sans exception. Toutefois, au Québec, il s'agit de mettre en valeur un héritage culturel dans des conditions particulièrement difficiles. Il faut donc conférer au français, langue de la majorité de la population, le rang et le prestige d'une véritable langue nationale.

Le projet de loi no 63 est un pas de plus vers cette solution. Ce que J'ai dit n'a d'autre but que de confirmer les explications qui ont été données antérieurement par le premier ministre et par d'autres ministres et collègues députés. Vous me permettrez d'user quelques instants encore de mon droit de parole. Je pense, en effet, aussi nécessaire que l'intervention que je viens d'effectuer pour le bénéfice de mes électeurs, le fait d'exprimer ma position vis-à-vis de certains événements malheureux et inadmissibles, à mon sens, qui ont entouré le présent débat. Essentiellement, il me semble de mon devoir de dénoncer la supercherie dont certaines personnes, pourtant bien pensantes habituellement, sont les victimes actuellement.

Un groupe d'individus, aux idées bien plus extrémistes qu'authentiquement proquébécoises, ne cesse de clamer que le projet de loi no 63 est la perte des Canadiens français, que le gouvernement du Québec, par ce projet de loi, consacre sa servilité à la domination des anglophones et bien d'autres clichés dont Je vous ferai grâce, car ces mêmes individus en usent avec une prodigalité qui n'a d'égale que leur vanité.

Je ne vois pas qu'il existe de la servilité vis-à-vis de qui que ce soit dans ce projet de loi. Je distingue encore moins la trahison, ne serait-ce que présumée, dont se rend coupable le gouvernement du Québec. Que je sache, la promotion de la langue française, surtout dans l'enseignement, ne constitue pas et ne constituera jamais une trahison. En réalité, pour les individus que je viens de mentionner, il ne s'agit que d'un stratagème grossier qui consiste à prêter à une personne ses propres intentions afin de mieux masquer la tromperie que l'on est en train soi-même d'accomplir. Pour employer leur propre langage imagé, la poudre qu'ils jettent aux yeux des personnes crédules, heureusement peu nombreuses, ne sert qu'à masquer la réalisation de leurs ambitions les plus profondes.

Tandis que nous nous évertuons — et nous réussissons graduellement — à donner au français la place qui lui revient au Québec, ils veulent imposer par la force et au mépris de toute règle démocratique cet unilinguisme dont les vertus magiques doivent balayer, à les en croire, tous nos problèmes. Ces esprits simples, par la vertu de cet unilinguisme inconditionnel, pensent fermement devenir maîtres en leur maison. Asseoir son autorité dans sa maison en mettant tout le monde dehors ne fait que conduire à la solitude et même à la pénible condition de prisonniers. Mais n'est-ce pas ce qu'ils désirent véritablement, faire du Québec leur fameuse forteresse? Une forteresse dont ils seraient, bien sûr, les maîtres uniques et incontestés, si on les laisse faire. Je vous demande alors où se situe la tromperie, voire même la trahison?

Qui, du gouvernement de l'Union Nationale ou de ces individus aux intentions finales peu réjouissantes manoeuvre véritablement le peuple québécois? Qui? Pour ma part, la vie de forteresse n'a jamais fait partie de mes aspirations profondes et, encore moins, avec de tels gardiens. Je crois plutôt que, face à leurs propositions de révolution, à leurs ambitions à courte vue, a leurs démarches désordonnées comme celles qu'il nous a été donné de voir tout récemment encore, il faut que nous persistions à leur opposer notre raison, notre modération et notre sens des responsabilités.

Nous pensons au Québec d'abord, non à nous-mêmes. C'est la raison pour laquelle le gouver-

nement de l'Union Nationale n'a cessé de repousser la thèse de l'unilinguisme et maintient celle du français, langue prioritaire. Le fait de pouvoir parler librement sa langue est un bien et un atout des plus précieux, certes, le garant d'une liberté intellectuelle indiscutable. Mais ce n'est pas, M. le Président, comme certains penseurs tentent de nous le faire croire, le remède miracle qui règle tous les problèmes comme par enchantement. La langue demeure le véhicule, le lien indispensable aux différents éléments qui font la prospérité d'un peuple. Encore faut-il que ces éléments soient tous réunis au départ. C'est en cela et en beaucoup d'autres domaines que leur forteresse n'est, en réalité, qu'un château de cartes. Il suffit de souffler dessus pour s'apercevoir que leurs arguments si impressionnants, leurs démonstrations si spectaculaires, ne tiennent pas debout.

Il en est ainsi de leur opposition à ce projet de loi numéro 63, lequel continue de représenter, quant à moi, une réelle promotion de la langue française au Québec.

M. le Président, afin de promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, je voterai pour le projet de loi numéro 63.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. MAILLOUX: M. le Président, quelle que soit la longueur du débat actuel, il appartient, je pense, à chacun d'exprimer en quelques mots les raisons du vote qu'il sera appelé à donner.

De brillants parlementaires m'ont précédé. Tout ce qui pouvait être dit en faveur, en demi-accord, vu les omissions du bill, ou contre le projet de loi, a été explicité. A travers ces allocutions, il y en a pour qui les arrangements nécessaires auraient dû être faits avec le moyen de communication qu'est la télévision pour que le peuple en soit témoin. Ceci aurait permis, je pense, d'aérer le débat. Je devais, M. le Président, être présent, vendredi matin, au dîner donné au Château Frontenac par la compagnie Donohue Limitée à l'occasion de la mise en marche de la quatrième machine à papier. Ces cérémonies, à caractère industriel, se produisent si peu souvent chez nous, malheureusement, que seule une raison grave m'a fait décliner et le dîner et la visite à Clermont dont le premier ministre a été, je crois, témoin dans l'exercice de ses fonctions.

M. le Président, mon télégramme d'excuses à la compagnie, vendredi matin, était motivé par la contestation qui avait commencé jeudi, chez nous, dans le milieu des écoles secondaires.

Vu l'aggravation du phénomène, vendredi, j'ai offert aux forces policières et aux autorités du comté mes humbles services pour rencontrer le millier de contestataires étudiants et tous les groupes qui en feraient la demande. Des rencontres ont eu lieu avec tous ceux-là tels ces mille étudiants qui l'ont demandé. Rencontres apolitiques. Il me fait plaisir, vu le globalisme qui a semblé se dégager des critiques faites à l'endroit de certains professeurs, et par le premier ministre et par le chef de l'Opposition, de signaler à cette Chambre qu'un document a été remis chez nous, vendredi matin, donnant à chaque enfant des explications très objectives du projet de loi, sans porter aucun jugement. M. le Président, je pourrai laisser entre les mains de la Chambre ce document, si l'on désire quand même rendre justice à la classe des enseignants dans le Québec.

Je représente ici très imparfaitement, peut-être, une collectivité essentiellement canadienne-française. On dit souvent que le Parlement, dans sa représentation, ne reflète pas les couches populaires de la société. Lors du dernier congrès du Parti québécois, on établissait que seul le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre était un ouvrier et que sa carte syndicale était passablement poussiéreuse. Je me suis demandé, à ce moment, si je ne pouvais pas trouver dans un tiroir des parchemins qui me feraient oublier mon insuffisance, qui me feraient oublier le cheminement que j'ai dû parcourir depuis l'âge de 18 ans, alors que, trop souvent, j'ai dû peiner à des salaires dérisoires durant de trop nombreuses années, et si je n'ai pas dû peiner avec plus de métiers que je n'ai de doigts aux mains.

Ce que la vie m'a appris, c'est que rien ne s'acquiert en ce bas monde sans un effort de tous les instants. Si je me désole àla pensée que je ne puis me vanter de posséder les parchemins que certains nous garochent à la figure depuis quelques jours et qui semblent leur permettre de parler ex cathedra, je me console en voyant l'abus que certains en font dans les circonstances actuelles.

Depuis le « désormais » de M. Paul Sauvé, jusqu'à maintenant plus de $10 milliards ont été dépensés en éducation pour en arriver aux résultats dont sont témoins estomaqués tous ceux qui ont peiné pour en payer la note.

Tout ce préambule, pour vous dire que ne possédant pas, devant l'étude de ce projet de loi, la vérité tranquille des sauveurs de la race, comme en ont fait mention certains journaux en me nommant, j'ai des doutes qu'il me faut peut-être un cheminement plus laborieux que d'autres pour en dissiper une partie. Je ne reprendrai pas les arguments apportés dans la discussion.

Si des parlementaires aguerris, des légistes brillants peuvent passer à travers une discussion en deuxième lecture, en se tenant à cheval sur les lignes de démarcation du règlement, vous comprendrez facilement que, pour quelqu'un qui vient des couches populaires de la société, mais qui veut quand même exprimer le point de vue des classes laborieuses dont il a fait partie durant 25 années de sa vie, il n'est pas facile pour lui d'expliciter sa pensée et qu'il n'est pas plus facile pour vous, M. le Président, d'user d'une plus grande tolérance.

Pour ne pas vous obliger à des rappels au règlement, je me contenterai de vous dire que des doutes, des points d'interrogation, des omissions qui nous viennent à l'esprit à l'étude du projet de loi, J'en ai. Mais en pensant également à l'acquis peut-être trop sommaire dans le sens de la priorité du français et en pensant au recours qu'a le Parlement et l'électeur lors d'une élection, on ne peut, dans ma pensée, malgré ces réserves, dont une partie sera peut-être et a déjà peut-être été dissipée en comité, on ne peut, dis-je, voter contre les principes du bill, si imparfaits qu'ils soient, au stade de la deuxième lecture.

Vous me permettrez cependant d'ajouter qu'ayant vécu ces 25 années dans le milieu du travail et du commerce je trouve quand mémo inconcevable, ayant moi-même été brimé dans mes aspirations comme unilingue français, je trouve inconvenant que le gouvernement n'ait pas jugé dans l'ordre de faire connaître en même temps sa législation sur la langue de communication dans ces sphères d'activité où une politique du français prioritaire doit être établie, et ce dans l'immédiat.

S'il n'est pas permis, à ce stade des procédures, de poser des questions, mes collègues et moi-même le ferons en comité. A ce moment, nous verrons si le gouvernement veut donner des réponses plus précises aux modérés auxquels j'appartiens.

On me permettra peut-être, en terminant ces brèves constatations, de répéter les conclusions d'un discours que j'adressais à mes concitoyens, hier après-midi, et dont les dernières phrases peuvent être admises à ce stade, je pense : « Les contestataires sérieux ont le droit d'exprimer leur point de vue. Les tenants de l'unilinguisme, malgré leurs vociférations, devront obtenir plus de 6% des votes pour prétendre parler au nom du peuple. Les activistes, les anarchistes que l'on retrouve au centre de toutes les contestations, peuvent, en faussant effrontément le problème, créer le climat d'hystérie que l'on rencontre dans la jeunesse. Ils conduisent directement cette jeunesse à la guerre civile que tous et chacun appréhendent. « Je voudrais posséder la tranquille vérité des supposés sauveurs de la race et d'autres de même acabit que vous connaissez. Ils ont un passé lourdement chargé. Je trouve triste et honteux que de très Jeunes, de trop Jeunes, traînent dans la boue le nom du premier ministre actuel, adversaire peut-êlre, mais que sept années de contacts journaliers m'ont fait connaître comme un homme de devoir à travers les imperfections humaines et politiques. « Un projet de loi, même douteux, ça peut se corriger et s'amender à chaque jour d'une session. Ce n'est quand même pas la fin du monde. Et, comme il n'aura force de loi qu'en juillet 1970, le peuple tout entier, pas seulement celui qui descend actuellement dans la rue pour contester, pourra se prononcer dans une élection générale qui peut être prochaine. « J'espère qu'à ce moment, les éternels sauveurs de la race qui ne font que libérer leur fiel actuellement voudront faire face à ce verdict. Quant à moi, conscient des imperfections du bill, mais également conscient des recours qu'a le Parlement et le peuple, et ne croyant pas à l'intensité des dangers dont on se gargarise actuellement dans trop de milieux de bonne ou de mauvaise foi, je prendrai mes responsabilités sans cette tranquille vérité, avec mes doutes et le peuple sera appelé à me juger. J'y ferai face, s'il le désire, et j'accepterai ce verdict. « Ceci implique donc que Je voterai pour le projet de loi, en deuxième lecture, reconnaissant les principes du projet de loi. Quant à mon vote, en troisième lecture, je désire connaître et approfondir les raisons qu'apportera le gouvernement en comité, et après consultation avec mes chefs, je déciderai. »

Je faisais appel, en terminant ce message à mes commettants, a tous les parents pour qu'ils prennent toutes leurs responsabilités et ne permettent pas que des activistes dangereux, qui parcourent et qui ont parcouru le milieu rural, durant cette fin de semaine dernière, fassent de leurs enfants des agitateurs inconscients.

Tel était l'essentiel, bien imparfaitement, du message que je voulais adresser.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jérôme Proulx

M. PROULX: M. le Président, le projet de loi numéro 63 aura permis à tous les Québécois de se poser des questions sur leur langue et sur la place qu'ils occupent en Amérique du Nord. En ce sens, cela aura été pour nous tous une occasion extraordinaire de réflexions et de méditations sur nous-mêmes et sur les autres.

J'avais quelques réserves à l'égard du projet numéro 63. Maintenant, ces réserves diminuent de plus en plus, à cause des amendements proposés par l'honorable premier ministre, uniquement, surtout, en raison de l'article principal. Le projet de loi numéro 63 avait pour premier effet d'accorder, à tous les parents, la liberté totale et absolue du choix de l'école pour leurs enfants.

On peut diviser les Québécois en trois catégories: les anglophones, les francophones et les Néo-Québécois. Pour ce qui est des anglophones, ce projet a pour effet de consacrer par une loi des droits qu'ils exerçaient et qu'ils exercent à juste titre depuis 200 ans. Ils n'en avaient pas besoin, puisque tous les reconnaissaient en fait. De plus, les anglophones Jouissent au Québec d'une situation extrêmement privilégiée à tous les points de vue, et plus particulièrement au point de vue scolaire. Leur réseau de polyvalentes est presque complété et ils ont cinq campus universitaires que tous peuvent fréquenter.

D'ailleurs le silence du groupe anglophone est extrêmement symptomatique aujourd'hui. Pourquoi aucun groupe n'a-t-il prononcé un seul mot, sinon parce que cette loi leur sourit? Je l'affirme: Je reconnais leurs droits fondamentaux. Ils sont des Québécois à part entière, qui ont un droit absolu et à leurs écoles et à leurs universités.

Les conséquences du projet de loi pour les francophones sont nombreuses et peuvent être surprenantes pour la survie des Canadiens français. Ç'est ouvrir la digue; ce serait faire sauter le barrage sans connaître les conséquences sur une période de cinq ou dix ans et il serait difficile, par la suite, de changer cette loi en la rendant plus restrictive.

Dans la régionale Honoré-Mercier, chaque année, dans la région où je demeure, 200 à 300 parents francophones demandent à envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Dans les locales situées sur le même territoire, environ une centaine de parents font la même demande. Il y a dans ma ville une école du nom de St Patrick où 40% des élèves sont de langue française et où l'enseignement se donne en anglais. C'est donc dire que, l'an prochain, il y aura quelques centaines d'enfants qui pourront s'inscrire dans les écoles anglophones publiques, puisque la porte est ouverte. Il en sera de même au niveau local et régional.

Les effets ou les conséquences administratives au niveau des locales et des régionales sont multiples. Le recensement ne sera plus de la même importance. Les horaires et les contingentements ne tiendront plus. La prévi- sion que toutes les locales et les régionales ont faite quant aux locaux et quant aux polyvalentes tiendra de moins en moins. Il en est de même pour les professeurs des écoles françaises et des écoles anglaises. C'est pourquoi les commissaires des écoles locales et régionales, les principaux et les professeurs, entre autres groupes, ont des raisons de s'opposer au projet 63. Leur voix s'ajoute aux voix sérieuses du Conseil supérieur de l'éducation, du Conseil des universités, des professeurs du polytechnique et de plusieurs professeurs d'universités.

Toutes ces personnes, à mon sens, ne sont certainement pas des démagogues, car c'est à elles que nous avons confié l'enseignement de nos enfants. C'est le gouvernement qui a nommé ces personnes-là, parce qu'elles étaient à mon avis, les plus sages et les plus compétentes.

De plus, les commissaires de l'école locale à Saint-Jean, ceux de la régionale Honoré-Mercier, une partie des commissaires des autres villes, plusieurs principaux d'écoles et directeurs d'étude de la région ont tous exprimé des réserves à l'égard du bill 63 tel qu'il est rédigé.

Ce projet de loi pourra leur susciter de multiples problèmes pour la rentrée de septembre 1970 et de septembre 1971. Leurs prévisions budgétaires, leurs programmes d'étude et leur programme de transport d'élèves seront aussi bouleversés. C'est pourquoi ils exprimaient des réserves.

Ce problème que j'ai exposé ici se présente dans les régions où il y a des populations mixtes: anglophones et francophones. Dans un milieu à 100% anglais, il n'y a pas de problème. Dans un milieu à 100% canadien-français, il n'y a pas de problème, non plus. Mais là où il y a des écoles anglaises à proximité d'écoles françaises, dans les régions frontalières par exemple, le problème se posera d'une façon aiguë. C'est le cas de ma région, de la rive-sud à Montréal, du nord-est de Montréal ou des régions situées près des frontières de l'Ontario et des Etats-Unis.

Ce serait donc ouvrir la digue, et les suites peuvent être surprenantes pour la vie et la survie de la nation canadienne-française, car l'assimilation, qui se fait à tous les niveaux, se fait principalement par l'école.

Il existait autrefois chez nous la barrière confessionnelle qui empêchait les Canadiens français de fréquenter l'école anglaise protestante.

Je me souviens très bien du temps où il fallait demander la permission à Mgr Charbonneau,

à Montréal, pour envoyer les enfants à l'université McGlll. Autrefois, c'est l'Eglise, le clergé, les grandes institutions d'enseignement, les collèges classiques, ces grands noyaux de civilisation canadienne-française qui assuraient la survivance du peuple canadien-français. Ces grandes malsons, répandues partout sur le territoire québécois, ont joué le rôle des grands monastères du Moyen Age qui ont su garder, conserver et perpétuer tous les trésors de la civilisation gréco-latine.

Aujourd'hui, c'est ailleurs qu'il faut chercher. C'est à l'Etat de Jouer ce rôle primordial que nos curés, nos évêques et nos communautés religieuses ont joué pendant si longtemps. La paroisse n'est plus ce qu'elle a été. Le monde du réel est devenu perméable à tous les courants de la civilisation nord-américaine. La nation québécoise est un carrefour — on le dit à toutes les occasions — à cause surtout de cette dénatalité effarante qui nous caractérise. Nous avons actuellement le taux le plus bas, 16.2 sur mille. Ce taux baisse d'année en année, de mois en mois. A cause aussi de ce flot de Néo-Québécols qui s'anglicisent à Montréal, de 80% à 90%. Troisièmement, à cause de l'urbanisation. Le Montréal métropolitain aura bientôt la moitié de la population du Québec. A cause, enfin, de l'industrialisation où la langue de travail est le plus souvent l'anglais.

C'est pourquoi j'avais — je dis bien j'avais — quelques réserves à l'égard de cette liberté totale accordée à tous pour le choix de l'école. De plus, la cour européenne des Droits de l'homme a rendu jugement — on l'a vu dans tous les journaux — dans ce sens, en mentionnant qu'il était normal qu'un Etat, sur un territoire donné, n'accorde pas cette liberté de choix lorsque le bien de la collectivité et l'intérêt supérieur de la nation le demandaient.

Toutes les remarques précédentes s'appliquent aux Néo-Québécois que nous avons nous-mêmes toujours négligés ici au Québec, alors qu'Ottawa et les autres provinces pratiquaient une politique réaliste et efficace d'une immigration massive; l'Ontario plus particulièrement. Le gouvernement actuel a eu l'heureuse initiative de créer un ministère de l'Immigration et son ministre actuel travaille d'une façon exceptionnelle pour intégrer les Néo-Québécois à la vie québécoise. Mais, reste toujours le fond du problème. Les enfants des Néo-Québécois auraient eu cette liberté de choix — mais les amendements que l'on propose vont changer tout le contexte — et je crois qu'ils auraient continué d'exercer cette liberté, car ils s'anglicisent à 90% à Montréal, alors que l'on sait qu'il entre au Québec, en moyenne depuis 1946, de 20,000 à 50,000 personnes des pays étrangers.

Ils s'anglicisent à Montréal et cela pour deux raisons. Premièrement, notre société leur aura toujours été fermée, tandis que le bloc anglophone était plus ouvert. Deuxièmement, ils vont d'instinct là où leurs chances de promotion sont plus évidentes.

Le projet de loi oblige également les anglophones à apprendre le français. Excellente mesure, qui coûtera évidemment très cher. Elle pourrait — j'exprime quand même une réserve — devenir un instrument d'anglicisation. Il va sans dire que certains parents francophones, connaissant la primauté de la langue anglaise dans le monde du travail et dans le monde des affaires, vont s'empresser d'envoyer leurs enfants dans des écoles anglaises, puisqu'on y dispensera un français convenable. En fin de compte, ce sont les Canadiens français qui deviendront bilingues.

Voici ce que dit le grand linguiste M. Mac-Kay sur le bilinguisme et sur ses dangers dans son livre « Le bilinguisme, phénomène mondial ». « Dans un pays bilingue, les frontières politiques ne coïncident pas avec les délimitations qu'entraînent des langues différentes. C'est dans des régions frontalières que, la plupart du temps, le degré de bilinguisme sera le plus élevé, ainsi qu'on peut le constater entre deux pays étrangers voisins. Le bilinguisme est maintenu par deux blocs unilingues. Si l'un des blocs devient bilingue, l'autre jouit d'une suprématie linguistique et peut alors assimiler la communauté bilingue.

Tel a été, dans le passé, le destin de plusieurs communautés bilingues. Aussi les nations bilingues voient-elles dans l'unilinguisme régional, le moyen de préserver leur bilinguisme national.

Le dernier espoir restait, pour beaucoup, le Parlement, l'Assemblée nationale, et c'est ici que se joue le sort du Québec.

C'était autrefois, à l'école, à l'église, dans nos campagnes éloignées que le Québec se sauvait. Tout cela aujourd'hui ne peut contrer les dangers qui menacent notre peuple et c'est ici qu'il faut le trouver. C'est d'ici que viendront la force et la lumière et c'est d'ici que doit venir la vérité.

On a beaucoup parlé, M. le Président, des marches qui se sont faites la semaine dernière. Je voudrais quand même, s'il était possible, donner un autre son de cloche sur ces manifestations et représenter cet élément de la population qui a quand même manifesté pour un problème fondamental.

Cette marée humaine s'est rendue devant ses chefs pour trouver son salut et ses forces. Elle est venue nous dire: Sauvez-nous. Autrefois,

c'était autour de l'église, près du curé, sur leur terre, au grand collège, au grand couvent. Aujourd'hui c'est devant le Parlement, c'est devant la maison de la nation que ces personnes manifestent et crient leur désespoir et leur angoisse. Ils veulent trouver ici leur raison de vivre et une volonté de continuer sur cette terre du Québec. Ce n'était pas uniquement des barbus qui manifestaient, ce n'était pas uniquement des extrémistes qui ont voulu tout casser. J'ai entendu, M. le Président, un médecin d'une cinquantaine d'années dire à ses quatre enfants qui étaient tous les quatre à l'université: Votre place, ce soir, c'est d'aller manifester. J'avais dans mon comté des hommes de 50 et de 60 ans qui ont dit à leurs fils de 20 et 25 ans: Allez manifester.

Ce ne sont pas tous des démagogues. Il y a parmi ces gens-là des gens sensibles à ces problèmes. Ce ne sont pas tous des particules qui ont circulé autour du Parlement. Ce ne sont pas tous des organisateurs en mal de publicité. C'étaient aussi des Québécois angoissés, troublés, et qui criaient leur désespoir profond et qui nous demandaient de les écouter. C'est ce qu'a fait le gouvernement, d'ailleurs. Ils étaient pris d'un sentiment d'impuissance et d'incapacité. Us se sentaient peut-être abandonnés. Ce peuple vient ici pour s'accrocher à quelque chose, à nous tous, pour que nous les comprenions. Plusieurs ont fermé leurs livres et leurs cahiers. Ils ont laissé leur travail, parce que d'autres choses les y poussaient. Ils ont quitté leur maison, ils ont tout abandonné pour monter ici au Parlement comme en pèlerinage, plusieurs d'entre eux. D'autres sont venus ici pour s'amuser, d'autres sont venus ici pour manifester sérieusement.

Permettez-moi une image: une partie de ce peuple marche depuis 1837. M. le Président. Il nous faut les comprendre et les aimer et les renvoyer chez eux avec la paix dans l'esprit et le calme dans l'âme. Quelque chose de profond les poussait à venir ici, une force mystérieuse les animait, un élan irrésistible les emportait. Ils sont venus par milliers de toutes les régions du Québec, en train, en autobus, en voiture, sur le pouce, ils sont venus ici au coeur même de leur patrie.

M. le président, ils ont entendu une voix, ils ont entendu une voix qui s'élevait dans le silence, c'était la voix du Québec, c'était la voix de Louis-Joseph Papineau qui traversait les siècles, c'était celle d'Honoré Mercier, c'était celle aussi d'Henri Bourassa qui clamait dans l'église Notre-Dame...

UNE VOIX: Voyons 1

M. LECHASSEUR: Connaissez-vous votre histoire?

M. PROULX: Bourassa...

M. LECHASSEUR: Est-ce que vous connaissez votre histoire, professeur d'histoire?

M. PROULX: Bourassa n'a jamais été un séparatiste.

M. LECHASSEUR: Non certain, et c'est lui qui a dit que les séparatistes ne s'entendraient jamais ensemble.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saint-Jean.

M. PROULX: Nous sommes dans un pays libre, et j'ai l'impression de représenter certainement un groupe de la population québécoise.

En conclusion, j'avais l'intention de voter contre ce projet de loi en deuxième lecture, mais à cause des amendements que l'honorable premier ministre nous a promis d'ajouter à ce projet de loi, je voterai en deuxième lecture pour le projet de loi no 63.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne.

M. Frank Hanley

M. HANLEY: J'aimerais offrir mes remerciements à l'avance à tous les membres de l'Assemblée nationale qui voteront pour le projet de loi no 63 et tout particulièrement à l'honorable premier ministre, au ministre de l'Education et à l'honorable chef de l'Opposition.

Ce projet de loi, en plus d'assurer des droits acquis à toutes les minorités, sera une protection pour tous les Canadiens français par l'encouragement accordé aux investisseurs étrangers dans la province de Québec. Je suis désappointé toutefois qu'il n'y ait rien de prévu dans cette loi pour que les Canadiens de langue française puissent apprendre l'anglais; car je crois qu'il est essentiel pour eux, quand ils entrent sur le marché du travail, qu'ils aient des connaissances en anglais, à cause du climat actuel existant dans la province de Québec depuis environ un an.

J'ai travaillé bien des fois douze heures par jour afin de résoudre les problèmes de pauvreté et de chômage. A mon avis, depuis 1938, l'année 1969 fut l'année la plus dure. Certaines industries ont quitté la province pour aller s'établir ailleurs. Par ce fait, le chômage a augmenté.

Je me demande si certains groupes individuels, lesquels sont responsables des manifestations organisées, réalisent l'effet que produisent ces manifestations sur l'économie de leur province. Les Québécois devront bientôt décider s'ils sont en faveur du système marxiste-léniniste ou du système capitaliste. Système capitaliste qui pourra être amendé afin que tous les Québécois aient une garantie de revenus en regard de la famille et du coût de la vie. J'espère que tous les Québécois s'uniront pour parfaire notre économie, laquelle est à la baisse depuis un an.

Je suis certain que chacun de vous prendra ses responsabilités, car je ne voudrais pas qu'aucun de nous revive la période de crise économique des années 1929 à 1938. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Notre-Dame-de -Grâce.

M. William Tetley

M. TETLEY: M. le Président, je voudrais appuyer le bill 63 et, avant de faire des commentaires au sujet de quelques défauts, puis-je dire très sincèrement que je serais ingrat, comme Québécois anglophone, de ne pas remarquer l'ampleur du bill qui présente des principes de liberté et de justice qui n'existent pas dans les neuf autres provinces du Canada.

Le bill 63 est un acte de très bonne foi. Puis-je, pour ma part, rendre hommage à tous les députés de langue française de cette Chambre qui appuient le projet? J'ajoute que je suis prêt aujourd'hui et dans l'avenir, comme Je l'ai toujours été dans le passé, à faire tout mon possible pour la protection et l'épanouissement de la langue française au Québec et au Canada.

C'est à ce sujet, M. le Président, que je voudrais parler, ici, aujourd'hui. Le bill contient trois grands principes : le libre choix des parents, le fait que les immigrants ne sont pas contraints, mais persuadés à apprendre la langue française et que les Québécois de langue anglaise auront l'occasion et le devoir d'acquérir une connaissance approfondie de la langue française à l'école. Mais le bill manque d'un quatrième principe, soit la protection de la langue française au Québec. J'ai déjà parlé de ce sujet lors du débat sur l'amendement de l'honorable chef de l'Opposition. Je n'ai pas l'intention ni le droit de me répéter ici.

Cependant, je déclare que le bill manque de ce grand principe de la langue prioritaire. A mon avis, le gouvernement aurait dû présenter une politique globale de la langue au lieu de lois par étapes. Le sujet est tellement important et ce manque d'une politique globale rend difficile la compréhension de la loi soit par nous, les députés, soit par le grand public.

Permettez-moi de mentionner et de citer quelques autres défauts. Le texte et le langage du bill sont vagues. Deuxièmement, les résultats du bill 63 dépendent d'autres lois des ministères de l'Education, des Affaires culturelles, de l'Immigration et du Travail. Les effets du bill dépendent d'actes administratifs des ministères que je viens de mentionner et de leurs fonctionnaires.

Je voudrais aussi noter qu'il va sans dire que le ministre de l'Education doit se mettre à l'oeuvre immédiatement pour trouver des professeurs spécialisés dans la langue française pour les écoles anglaises de la province de Québec. A cette fin, il faut augmenter, d'une façon appréciable, les subventions aux commissions scolaires où se trouvent les élèves de langue anglaise.

M. le Président, puis-je répéter que le bill 63 est un acte de très bonne foi? Je rends hommage, encore une fois, à tous mes collègues des deux côtés de la Chambre qui appuient ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.

M. Jean-Paul Lefebvre

M. LEFEBVRE: M. le Président, je pense que l'on notera facilement une nuance, à tout le moins, dans la pensée par laquelle je veux commencer mes remarques et celle qui a servi de conclusion à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce.

Peut-être cette différence provient-elle du fait que nous représentons des comtés très différents. M. le Président, je pense, quant à moi, que nous venons d'assister, cet après-midi, en Chambre, à l'une des volte-face les plus spectaculaires que le gouvernement actuel est encore produites.

Et pourtant, Dieu sait s'il a dû en produire sous la poussée des événements, sous la poussée des pressions et par suite de son manque chronique d'imagination, de courage et de science pour régler les problèmes fondamentaux du Québec!

M. le Président, nous n'avons pas encore le texte de ces fameux amendements que nous a annoncés le premier ministre, mais j'ai bien peur, quant à moi, que M. Xerox, cette fois, ait fonctionné en sens inverse et que le gouvernement s'apprête à présenter à cette Chambre les amendements que, tout le monde le sait, nous-mêmes nous nous proposions de présenter. Je pense qu'il n'est pas possible qu'un fait comme

celui-là passe inaperçu et qu'il est de notre devoir, sans esprit partisan, de le souligner.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Je dois signaler à l'honorable député d'Ahuntsic que ses remarques sont prématurées, car le problème des amendements viendra en comité plénier.

M. LEFEBVRE: Je le veux bien, M. le Président, mais ce n'est pas moi qui ai fait allusion aux amendements, c'est l'honorable premier ministre. Il y a fait allusion en cette Chambre au cours du débat de deuxième lecture.

M. LAPORTE: Je crois que cela a été suffisamment important pour amener le député de Saint-Jean à changer d'idée.

M. LE PRESIDENT: Je comprends, mais lorsque l'honorable premier ministre, dès le début de la séance, s'est levé pour faire un genre de déclaration ministérielle, il m'a paru avoir le consentement unanime de la Chambre. Je ne crois pas que cette déclaration puisse donner ouverture à un travail en comité à ce moment-ci de nos procédures.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis tout à fait de votre avis. De toute façon, ce n'était qu'une simple allusion. Mon propos portera sur la même matière qui a été l'objet du discours du premier ministre en deuxième lecture. Car je crois que nous avons vécu et que nous vivons encore, dans cette province, des événements suffisamment importants, suffisamment dramatiques pour que ce soit du devoir de chacun de nous d'exposer clairement sa position.

Pour ma part, Je représente en cette Chambre un comté qui a été fortement secoué par le bill 63. J'ai passé la grande partie de ma fin de semaine au téléphone et, déjà, avant mon retour à Montréal, ma femme également avait reçu bon nombre d'appels. Si bien que je crois que le temps est venu où chacun doit sortir de l'ambiguïté et montrer ses couleurs. C'est ce que j'ai l'intention de faire et je ne pense pas, M. le Président — et c'est la dernière allusion que j'y ferai — je ne pense pas que le premier ministre du Québec et député de Missisquoi puisse compter qu'il s'est entièrement dédouané avec le projet de loi 63 par l'annonce qu'il a faite d'amendements futurs en comité.

M. le Président, en dépit des efforts qui ont pu être faits par divers média d'information et d'éducation populaire pour faire comprendre à l'ensemble de la population le fonctionnement des débats parlementaires, il est certain que beaucoup de nos compatriotes, jeunes et moins jeunes, distinguent encore assez mal les objectifs d'un débat de deuxième lecture par rapport à ceux qui caractérisent le travail en comité plénier ou en troisième lecture. Je suggère que si l'on veut faire des « teach in », ceci serait peut-être un excellent sujet. Il me semble que, dans la population, on aurait grand profit à mieux comprendre le sens d'un vote en deuxième lecture et le sens d'un vote en troisième lecture.

Le grand avantage du débat auquel nous participons présentement, c'est de permettre une expression d'opinions non seulement sur le texte même du bill ou le détail de ses articles, mais plutôt sur le contexte dans lequel il se situe.

Tous les orateurs qui se sont exprimés jusqu'à maintenant, à commencer par le premier ministre lui-même, ont largement fait usage de la liberté que tous les parlementaires ont, à ce stade-ci du débat, de clarifier leurs opinions par rapport au projet de loi qui est devant nous, le projet no 63, mais aussi par rapport à la nature et aux fonctions d'une politique linguistique globale. Vous vous souviendrez, M. le Président, que le premier ministre y a fait allusion.

Avant de résumer mes propres impressions sur le bill 63 tel qu'il est devant nous - puisque vous venez de dire vous-même qu'il ne nous est pas possible de commenter maintenant les fameux amendements — j'aimerais relever certaines faiblesses que j'ai notées, quant à moi, dans l'argumentation du premier ministre, du député de Laurier et du ministre des Affaires culturelles.

Tout d'abord, le premier ministre. Il faut admettre que le premier ministre et député de Missisquoi a fait, jeudi dernier, en cette Chambre, un bon discours. On aura noté qu'à certains moments, il a été applaudi des deux côtés de la Chambre. Le fait est que son discours était bien meilleur que son projet de loi. Cela est surtout vrai pour la première partie de son exposé.

En effet, lorsque le député de Missisquoi a voulu appeler les splendeurs parisiennes et la manie des grandeurs à la rescousse de la francophonie et de la culture française au Canada, je pense que là il n'aura pas convaincu grand monde.

Mais j'aurais cependant deux reproches à formuler à l'endroit du premier ministre qui m'apparaissent beaucoup plus sérieux et beaucoup plus graves que celui-là. Tout d'abord on peut se demander pourquoi, après tant de mois d'attente, le gouvernement n'a pas jugé à propos de faire précéder le dépôt en Chambre de son projet de loi d'un livre blanc sur la politique linguistique que le gouvernement entend suivre

d'ici deux ans, c'est-à-dire d'ici à ce que nous ayons les recommandations de la commission Gendron.

C'est l'une des caractéristiques fondamentales du gouvernement actuel que de soumettre à la Chambre des textes de loi secs, peu éloquents, quant aux intentions réelles du gouvernement, et cela fait bien des fois que ça se produit. J'avais, pour ma part, formulé un reproche analogue dans le cas de la politique gouvernementale en matière de radio-télédiffusion éducative. Mais, quant au bill qui nous occupe aujourd'hui et qui passionne l'opinion publique, du moins de vastes secteurs de l'opinion publique, le premier ministre a commis une erreur encore plus colossale. Lors de son intervention, jeudi, il a lui-même justifié la décision du ministre des Affaires culturelles de reporter à cette semaine la conférence de presse supposément extrêmement importante que le ministre devait donner vendredi sous le fallacieux et ridicule prétexte que le ministre ne pourrait pas avoir les manchettes en raison des événements prévus pour vendredi et que tout le monde connaît.

Or,...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président,...

M. LEFEBVRE: M. le Président, ai-je la parole? Ai-je interrompu le ministre?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires culturelles a quand même le droit d'invoquer le règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose la question de privilège pour donner au député d'Ahuntsic, qui n'était pas ici, Je crois, la semaine dernière...

M. LEFEBVRE: Ceci est faux, M. le Président, j'étais là et J'ai entendu tout ce que le ministre a dit, y compris les choses ridicules que je relèverai tout à l'heure.

M. GOSSELIN: Vous n'avez rien compris! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De deux choses l'une: ou bien le député était ici et il a mal compris, ou il n'y était pas. Il n'a pas compris, de toute façon.

Alors, M. le Président, je pose la question de privilège pour faire observer à la Chambre ceci: si nous avons décidé de différer la conférence de presse que je devais donner, en ma qualité de ministre des Affaires culturelles, ce n'est pas parce que nous craignions de ne pas faire les manchettes, mais j'ai donné les raisons précises. J'ai dit que le contenu de cette conférence de presse était à ce point positif et important que nous ne voulions pas que cela fût noyé dans le tumulte des manifestations qui se déroulaient alors.

M. GOSSELIN: C'est ça.

M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre n'a aucune question de privilège, il vient de répéter, en termes prétentieux, la même chose que J'avais dite en termes très simples.

DES VOIX: Non.

M. LEFEBVRE: Donc, M. le Président...

M. LOUBIER: Tout le monde sait que vous êtes simple.

M. LEFEBVRE: Merci.

M. LOUBIER: Cela ne servait à rien d'ajouter ça.

M. LEFEBVRE: Qui a dit ça? quel brillant jeune homme?

M. LOUBIER: C'est moi-même, monsieur.

M. LEFEBVRE: Très bien. Mettez-y du plaisant, mon ami! Mettez-y du plaisant!

M. LOUBIER: Mettez-y de l'intelligence.

M. LEFEBVRE: M. le Président, si le ministre perd son calme, je vous inviterais à bien vouloir lui demander d'aller manifester devant le parlement. C'est là d'habitude qu'on le fait.

M. LOUBIER: Vous pourriez consulter votre chef, M. Chartrand, à ce sujet-là.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEFEBVRE: Comme il est gentil! M. le Président, puisque...

M. LOUBIER: Pour faire un autre petit voyage à Ottawa, lui demander ce qu'il en pense.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: Je vous remercie, M. le

Président, et comptez que je ne relèverai pas les sottises du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

Puisque cette conférence de presse...

M. LOUBIER: M. le Président, peut-être que, pour le député d'Ahuntsic, la vérité devient de la sottise, cela nous le concevons.

M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre va-t-il se taire et écouter, ou va-t-il continuer comme cela tout le temps?

M. LE PRESIDENT: Je croyais que l'honorable ministre invoquait le règlement pour faire retirer le mot sottises, alors j'ai cru bon de le laisser prendre la parole.

Mais maintenant, j'espère que nous aurons l'opportunité d'entendre l'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: J'aurai cet honneur d'exprimer a la Chambre ce que je pense être un point de vue raisonnable. Or, puisque cette conférence de presse devait précisément porter sur les intentions du gouvernement en ce qui concerne la langue de travail, il me semble que l'on peut, sans pouvoir être accusé de partisanerie, affirmer que l'attitude du gouvernement en était une de mépris à l'endroit des membres de la Chambre et de provocation à l'endroit des contestataires.

Au lieu, en effet, de retarder cette conférence de presse, s'il avait quelque chose de significatif à dire, le ministre eût dû la devancer.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne vois pas comment cette histoire de conférence de presse, qui, en fait, est une incidente, puisse faire l'objet d'un débat en deuxième lecture sur le bill 63.

M. LEFEBVRE: M. le Président, encore là, je le mentionne en passant. Je ne vais pas parler une demi-heure de la conférence de presse. Ce n'est pas moi qui ai fait des déclarations en Chambre là-dessus; c'est le premier ministre, de son siège, et c'est le ministre des Affaires culturelles dans le cadre de leurs discours. M. le Président, ne m'induisez pas en la tentation que vous savez. Je pense, M. le Président, que je dois pouvoir compter sur l'impartialité absolue...

M. LOUBIER: Une autre crise morale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

L'intervention de l'honorable ministre des Affaires culturelles au sujet d'une conférence de presse a été extrêmement courte et n'a été qu'une incidente. J'ai permis à l'honorable député d'Ahuntsic de faire une remarque qui est une incidente, mais je pense qu'il conviendra avec moi que ça ne peut faire l'objet d'un débat en deuxième lecture.

M. LEFEBVRE: Je suis parfaitement de l'opinion du président, mais, écoutez, f avais une phrase à dire et j'avais terminé. Je n'allais pas passer une heure sur ce point, bien sûr...

M. le Président, dans son intervention de jeudi, quelques minutes seulement avant de justifier son ministre des Affaires culturelles, le premier ministre lui-même avait admis que la langue de travail constitue un élément plus important d'une politique linguistique que la langue d'enseignement. Il avait lui-même affirmé que la relation de cause à effet est dans ce sens, c'est-à-dire que la langue de travail exerce plus d'influence sur la langue d'enseignement que la langue d'enseignement n'en exerce sur la langue de travail.

Je soumets que cette attitude du gouvernement, si l'on tient compte de ce qu'il y avait dans son fameux bill tellement médité longtemps, démontre le caractère incohérent de la démarche du gouvernement, à moins qu'il ne démontre les déchirements qui existent dans l'équipe ministérielle. Je pense qu'en fait cela prouve les deux.

J'en arrive aux propos du député de Laurier; je regrette qu'il ne soit pas là.

M. GOSSELIN: II est comme vous. Vous êtes souvent absent; lui aussi.

UNE VOIX: II est à la télévision.

M. LEFEBVRE: II y aurait plusieurs points à relever dans l'intervention du député de Laurier. Compte tenu de la limite de temps que nous impose le nouveau règlement, je me restreindrai à une seule observation. Au cours de son discours, jeudi soir dernier, le chef du Parti québécois déclarait notamment et je cite, car c'est important de le citer au texte. Du moins quant au style, je pense que le député de Laurier n'a pas de leçon de français à donner à quiconque. « C'est au point où il y a des gens,chez nos amis de langue anglaise, qui ne se gênent pas pour dire que, pourvu que ça continue et qu'on maintienne le genre sans limite avec toutes les pressions qui se sont faites ouvertement et celles qu'on devine en coulisse, qu'on maintienne sans limite, sans le circonscrire le statu

quo, qu'avant 1981 — c'est le député de Laurier qui parle; il prophétise — la majorité dans la région métropolitaine de Montréal sera anglaise, sera anglophone, si on aime mieux le jargon à la mode ».

Or, je constate que, depuis quelque temps, le député de Laurier ne semble pas très scrupuleux, c'est le moins qu'on puisse dire, sur le choix de ses statistiques. Bien sûr, il me répliquera — et il le ferait peut-être, s'il était ici — qu'il n'a pas lui-même fait ce verdict ou établi les prévisions que je viens de citer, -puisqu'il les attribue à des Anglais anonymes. Cela est fort commode. Mais, il les prend pourtant à son compte et c'est justement à partir de prévisions de ce genre que l'on sème la panique parmi la population québécoise et particulièrement chez les jeunes.

M. le Président, la meilleure source de renseignements que je connaisse sur ce point — et je suis sûr que le député de Laurier la connaissait lui-même — c'est l'opinion du démographe Jacques Henripin, celle qu'il avait exprimée en novembre 1967 et que le député de Laurier avait donc en sa possession sûrement jeudi dernier. Je ne parle pas de celle qui a été exprimée ce matin, j'y reviendrai. Que nous disait M. Henripin, qui passe pour être un des meilleurs experts en démographie, quant aux perspectives d'évolution du groupe canadien-français dans la région métropolitaine de Montréal? Je cite M. Henripin: « Voyons d'abord la situation en 1961. Dans l'ensemble de l'agglomération métropolitaine, il y avait, cette année-là, 65% de francophones. Notons, en passant, que 37,000 personnes d'origine française étaient anglophones, soit un pourcentage de 2.7%. 7.1% des personnes qui n'étaient pas d'origine française étaient francophones. Leur nombre était de 54,000, ce qui est plus que le nombre de ceux qui avaient fait le chemin inverse. Rien ne laisse croire donc, jusqu'à maintenant, que Montréal a été une machine à angliciser les Canadiens français. » C'est toujours M. Henripin qui parle. « Que peut-on augurer pour 1990? » Le député de Laurier parlait de 1980; ici, on va plus loin, on va à 1990. « En donnant à peu près toutes les chances possibles à l'élément anglophones, on peut s'attendre à une réduction du pourcentage des francophones de 65% à 61%. Bien sûr, c'est l'immigration qui explique cette réduction. Plus précisément, c'est le fait que la grosse majorité des immigrants qui viennent de l'extérieur du Québec restent ou deviennent anglophones. »

Voilà, M. le Président, un verdict sérieux. Voilà un verdict qui n'est pas de la démagogie.

Je soutiens que le député de Laurier, lorsqu'il véhicule des renseignements qu'il devrait savoir être faux, pour épeurer le monde et vendre sa marchandise, si honorable soit-il, fait de la démagogie. J'en ai les résultats de cette démagogie. Dans mon comté, il y a un certain nombre d'adhérents du Parti québécois, des jeunes surtout, qui m'arrivent tout énervés et qui me citent M. Lévesque, comme si c'était un pontife de la statistique alors que tout le monde sait très bien qu'il n'est pas très fort en chiffres. Ils me disent: « Est-ce vrai que nous allons disparaître, que nous sommes sur le point de disparaître? » C'est grave.

M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LAPORTE: Ah, tais-toi donc. Ah! Ah!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Gouin.

M. MICHAUD: M. le Président, quelles que soient les interprétations que l'on pourra donner à mon geste, je vous fais respectueusement observer que le mot « démagogique » est antiparlementaire. Je prierais donc le député d'A-huntsic de le retirer.

M. LAFRANCE: Quel zèle! Quel zèle!

M. LEFEBVRE: M. le Président, c'est un mot que je crois avoir entendu dans cette Chambre de nombreuses fois. Maintenant, je me fierai à votre jugement et si c'est antiparlementaire, je le retire très docilement. Mais, enfin, je crois que les faits que j'ai mentionnés valent pour eux-mêmes. Disons que c'est une mauvaise interprétation des chiffres.

M. le Président, j'aurais voulu, mais j'ai peur, parce que le temps...

UNE VOIX; ...démagogue.

M. LEFEBVRE: J'aurais voulu - mais le temps fuit dangereusement vite, en raison des nombreuses interruptions, dont je souhaite, M. le Président, que vous tiendrez compte tout de même — citer aussi les derniers chiffres de M. Henripin et de ses collègues. Je veux bien, si je ne les cite pas ici, ne pas être accusé de n'avoir pas voulu le faire. C'est simplement faute de temps. Tout le monde peut les lire dans le Devoir de ce matin. Je ne suis pas payé par M. Ryan pour faire de la publicité au Devoir, il en fait d'ailleurs très peu pour mol, mais je voudrais vous référer au Devoir. Vous verrez

que les prévisions, légèrement corrigées, sont quand même très loin des prévisions alarmistes du député de Laurier et d'autres personnes qui répandent les mêmes bobards.

J'en arrive au très honorable ministre des Affaires culturelles. Au cours de son intervention, le député de Chicoutimi a déclaré notamment, je le cite au texte: « Dans l'agitation actuelle, dans le tumulte qui empêche un grand nombre de citoyens d'entendre la voix de la raison, il est important de rappeler certains faits historiques et de montrer qu'il peut y avoir une similitude entre les situations qui existent à l'heure actuelle chez nous et les situations qui ont existé dans le passé dans d'autres pays. » Or, M. le Président, nous étions tous présents.

Nous savons que ce rappel historique — on devrait plutôt parler de court-circuit historique que cherchait à faire le ministre des Affaires culturelles — visait à démontrer que la politique linguistique préconisée par le chef du Parti québécois pourrait entraîner l'extermination des Canadiens anglais vivant au Québec, de la même façon que la politique antisémite d'un dénommé Hitler avait entraîné l'extermination des Juifs.

Or, M. le Président, je suis très heureux, après ce que je viens de dire dans la phrase précédente, n'ayant pour ma part, et tout le monde le sait, aucune sympathie — ce qui n'est peut-être pas le cas de tous mes collègues, en particulier de celui qui siège à ma gauche — pour les positions constitutionnelles du Parti québécois, ayant même beaucoup d'objections à ses positions en matière linguistique et ayant souvent...

M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement. Si la dernière déclaration du député d'Ahuntsic et son allusion au député qui siège à sa gauche — il n'y a personne entre lui et moi — me sont destinées, cela veut dire qu'il assimile ma pensée politique à des sympathies que j'aurais au Parti québécois. J'ai déclaré et je redéclare encore que je ne suis pas séparatiste, que je ne rejoindrai pas le parti québécois, que je suis membre du Parti libéral à part entière. Que cela soit dit une fois pour toute.

M. LEFEBVRE: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEFEBVRE: M. le Président, je n'ai dit que ce que j'ai dit, je le répète. J'ai dit que, pour ma part, je n'avais aucune sympathie pour les positions constitutionnelles du Parti québé- cois. Je n'ai pas dit que mon collègue les partageait, mais j'ai dit que dans mon interprétation...

M. GOSSELIN: ... en Floride.

M. LEFEBVRE: ... il avait certaines sympathies, c'est mon Interprétation. Il a droit de nier. Il n'a pas droit de dire ce que je pense. Or, c'est juste, c'est ce que...

M. MICHAUD: C'est votre interprétation... M. LEFEBVRE: ... je viens d'affirmer.

M. MICHAUD: C'est votre interprétation de centralisateur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Je dois avouer que depuis cinq minutes ou à peu près il m'a été absolument impossible de saisir quoi que ce soit de l'intervention du député d'Ahuntsic. J'aimerais bien l'entendre.

M. LEFEBVRE: Je suis très honoré, M. le Président, de cet intérêt que vous portez à mon propos. Je trouve cette Chambre bien tumultueuse. Cela me donne presque envie de retourner au Japon, où c'était très calme.

M. le Président, on discutait sérieusement.

UNE VOIX: Vous étiez seul?

M. LEFEBVRE: Non je n'étais pas tout seul, on était 100 millions.

M. le Président, avant que l'on m'interrompit, j'allais dire et je suis heureux — ah il est là — je suis heureux que le député de Laurier ait fait son entrée subrepticement au moment où justement je prenais sa défense.

M. LOUBIER: II parle aussi souvent que vous en Chambre.

M. LEFEBVRE: J'allais dire que, quant à moi, je trouve que les rapprochements qui ont été faits par le ministre des Affaires culturelles sont exorbitants et ne sont pas raisonnables. J'ai déjà mentionné que je n'ai pourtant aucune sympathie, ni pour le Parti québécois, ni pour les positions linguistiques du Parti québécois. Mais, je pense que les simplifications qu'a faites le ministre des Affaires culturelles ne sont pas dignes d'un membre du gouvernement. Je pense que ça aussi c'est du terrorisme intellectuel, que ça aussi c'est de nature à semer la panique. Je pense qu'il y a moyen de discuter dans des termes plus raisonnables

que ceux-là, et je vois le ministre du Travail qui m'approuverait, si ce n'était sa gêne.

M. BELLEMARE: C'est surtout... si l'honorable député voulait pour un instant regarder son livre de règlement et particulièrement l'article 556,...

M. LEFEBVRE: C'est parfait, je le regarderai tantôt.

M. BELLEMARE : ... cela, ça resterait du goût du député de Champlain, du ministre du Travail, parce que l'article 556 est très clair.

M. LEFEBVRE: Mais vous n'avez pas de point de règlement dans tout ça.

M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas un point de règlement.

M. LEFEBVRE: Est-ce que le ministre serait assez bon de se rasseoir et de me laisser parler?

M. BELLEMARE: L'article 556 est tellement clair que depuis une demi-heure vous auriez été hors d'ordre.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je regrette, je ne voudrais pas du tout que ce débat prenne un ton humoristique, parce que c'est, au contraire, extrêmement sérieux.

Je pense que l'on serait beaucoup plus justifié, contrairement à ce qu'a fait le ministre des Affaires culturelles, de lui rappeler que la cause principale du facisme auquel il faisait allusion, comme d'ailleurs de tous les extrémismes, ce sont la misère, la frustration et la colère face à la négligence, présumée ou réelle, de l'autorité en place.

Or, dans le cas du Québec, Je crois que la négligence et l'incompétence de l'autorité en place depuis trois ans sont largement démontrées. Je pense que ni le premier ministre ni aucun de ses ministres n'ont le droit de rendre seuls responsables de l'agitation quelques agitateurs, comme ils disent. Ils partagent cette responsabilité parce qu'ils dirigent un gouvernement qui n'a à peu près rien réglé et qui a présenté en cette Chambre un bill mal conçu. La preuve, c'est que le premier ministre est obligé de l'amender indirectement et par la bande dès la deuxième lecture.

M. BELLEMARE: Article 556.

M. LEFEBVRE: C'est trop simple pour le premier ministre de se laver les mains de tout cela et de dire: Ce sont quelques démagogues dehors qui créent le problème. Ce ne sont pas les démagogues dehors qui sont les seuls à créer le problème. Je ne les approuve pas et je les condamne aussi, mais ce n'est pas simplement par des appels moralisateurs que le premier ministre va régler la question. Le Québec n'est plus au collège. Le Québec veut évoluer. Ce n'est pas par des attitudes de frère directeur que le premier ministre va régler les problèmes. Ç'est en prenant ses responsabilités réelles. C'est en faisant cela. Si le ministre des Affaires culturelles veut parler de fascisme, s'il veut parler du danger de voir les autorités constituées renversées par le « mob rule», je lui dis qu'il devrait ajouter des chapitres à ses commentaires parce que, jusqu'à maintenant, il a fait de grossières simplifications. En conséquence et débordant... je vois que mon temps file, je vais en passer...

M. LOUBIER: Essayez de vous retrouver dans votre texte et ça va bien aller.

M. LEFEBVRE: Je comprends que je n'ai pas l'éloquence en cette Chambre du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, mais qu'est-ce que vous voulez? on n'a que les dons que la nature nous a donnés.

M. LOUBIER: En vertu du règlement, on n'exige pas de l'éloquence, on exige de la dignité, et depuis une demi-heure...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: Au sujet du projet de loi no 63, on a dit que la contestation émanait des milieux de l'enseignement. Ceci est vrai, mais ne constitue qu'une demi-vérité. Une analyse plus approfondie des diverses prises de position démontrerait que la contestation a été le fait non seulement des étudiants et d'un bon nombre d'enseignants, mais aussi d'une large proportion du milieu intellectuel, des milieux de fonctionnaires, d'employés de la Fonction publique et des cols blancs en général.

Les travailleurs industriels et les agriculteurs sont sans doute les deux groupes qui ont le moins réagi jusqu'ici aux propositions du bill 63, Dans le cas des ouvriers d'usine, cela peut sembler un peu paradoxal puisque — à mon avis du moins — ils sont au nombre des principales victimes des lacunes sérieuses que comporte le texte actuel de ce projet de loi. Mais ce paradoxe apparent est pourtant explicable. Par

hypothèse, du moins, l'on peut supposer que les travailleurs industriels réalisent mieux que quiconque le fait que la clé de voûte d'une politique linguistique se situe au niveau de la langue de travail.

Mieux que quiconque aussi, ils connaissent les difficultés - et, il faut l'admettre - les risques d'une action qui serait trop précipitée dans ce domaine.

Sur ce, Je voudrais, puisqu'il me reste peu de temps, M. le Président, résumer brièvement, après avoir fait la critique du point de vue des autres, mon propre sentiment vls-à-vis du projet de loi, tel qu'il est actuellement déposé devant la Chambre.

Le phénomène global de la prédominance de l'anglais comme langue de travail dans la région métropolitaine est largement connu. Certes, des enquêtes précises et scientifiques pour mesurer ce phénomène sous toutes ses facettes ne sont pas inutiles, mais nous n'avons guère besoin d'enquêtes pour affirmer qu'à plusieurs égards la minorité linguistique dans la région métropolitaine exerce l'influence et occupe la place qui normalement devraient revenir à la majorité.

Longtemps tolérée, grâce à une docilité dont certains se plaisaient, d'ailleurs, à vanter les mérites, cette situation est devenue intolérable aux Montréalais d'expression française. La masse des Jeunes et une bonne proportion de ceux qui se plaisent à se former une idée sur ce que devrait être l'évolution normale et globale de notre société se révoltent intérieurement, moralement, et presque autrement aussi, à la perspective de voir se perpétuer un tel état de choses. Je soumets que les membres de cette assemblée manqueraient gravement à leur devoir en se contentant de légiférer aux seules fins de garantir les droits acquis de la minorité, quant au libre choix de son école et d'assurer que les travailleurs anglophones qui entreront sur le marché du travail dans dix ou dans quinze ans, auront une connaissance raisonnable de la langue française.

En dépit des difficultés, il faut avoir le courage d'aller plus loin et de s'attaquer dès maintenant, fût-ce provisoirement, à la racine du mal. Si le premier ministre a eu vent des amendements libéraux, il a là toutes les solutions à son problème.

Est-il, M. le Président, encore possible, dans le climat de surchauffe où se trouve présentement une partie de l'opinion québécoise, d'établir un consensus sur des objectifs qui répondent aux aspirations, sinon de tous et chacun des citoyens, du moins de leur immense majorité? Quant à moi, je réponds « oui » à cette question. La seule condition qui est requise est que les membres du gouvernement et du groupe ministériel fassent passer l'urgence nationale au-delà de leur intérêt de parti et qu'ils recherchent avec nous, sans parti pris, les moyens de transformer le bill 63 en troisième lecture pour que, dès maintenant, il constitue vraiment la base d'une politique linguistique valable pour le Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

M. Pierre Laporte

M. LAPORTE: M. le Président, je crois que suffisamment de personnes ont déjà exprimé leur point de vue sur le bill 63. Je pense qu'il n'est pas anormal — c'est plutôt le contraire qui le serait — que je dise, le plus brièvement possible, trois choses. La première, c'est sur l'état de la langue française au Québec et sur la responsabilité des Québécois envers cette langue en fonction d'une chose dont a parlé le ministre du Travail, le livre blanc sur une politique culturelle pour le Québec. La deuxième chose que je voudrais dire s'adresse à nos compatriotes de langue anglaise qui ont paru, si on lit certains de leurs journaux, faire preuve d'une certaine impatience à l'endroit de ce qui se passe actuellement à l'Assemblée nationale.

Troisièmement, j'aurai quelques remarques à l'adresse du gouvernement et du projet de loi qu'il continue de proposer à cette Chambre.

Il eût été possible, M. le Président, si l'on s'était donné simplement la peine de ne pas ignorer ce qu'une administration précédente avait fait, de trouver prête et susceptible d'être transformée en une loi cohérente, une politique de français prioritaire pour le Québec. J'ai extrait du livre blanc sur une politique culturelle, quia été préparé à la fin de 1965 et au début de 1966, le chapitre 7, c'est-à-dire les pages 45 à 54. Au-delà des blagues que le ministre du Travail a pu faire, la semaine dernière, au-delà des remarques qu'il a pu se permettre sur des ratures, sur des modifications, le texte définitif comporte une analyse de la situation de la langue française au Québec. Il déclare qu'il appartient aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation. Il fixe, comme premier objectif, de faire du français, sans négliger la langue anglaise, une langue prioritaire au Québec. Quatrièmement, il parle des langues officielles dans l'Etat du Québec: l'anglais et le français et élabore, en termes suffisamment précis, ce que l'Office de la langue française pourrait faire pour que s'établissent chez nous les choses dont nous avons parlé dans l'amende-

ment proposé par les libéraux au bill 63: la priorité de la langue française et une langue de bonne qualité pour les Québécois.

Il y avait des propositons que je résume, parce que je voudrais terminer avant six heures. Recommandations:

Premièrement, que le gouvernement du Québec, vu l'état périlleux où se trouve la langue de la majorité, le français, prenne les moyens de conférer à cette langue le statut de langue prioritaire.

Deuxièmement, qu'en application de la loi portant création du ministère des Affaires culturelles tous les organismes de l'administration québécoise coopèrent au travail de l'Office de la langue française.

Troisièmement, que le gouvernement du Québec, en vue d'améliorer la qualité du français dans l'enseignement, institue une commission permanente composée de fonctionnaires de l'Office de la langue française et du ministère de l'Education.

Quatrièmement, que le ministère des Affaires culturelles crée, au sein de l'Office de la langue française, un service de recherche et d'étude linguistique, un centre de terminologie, une commission de sociologie et un service de l'affichage, de la réclame et des raisons sociales.

Cinquièmement, que le ministère des Affaires culturelles continue à accorder aux linguistes québécois les subventions nécessaires à leurs recherches, à leurs enquêtes et à la publication de leurs travaux.

Je dis que nous avions, bien avant que le gouvernement actuel n'assume la responsabilité de l'administration, proposé quelque chose que l'on aurait pu utiliser. Je regrette qu'on ne l'ait pas fait jusqu'ici.

Nos compatriotes de langue anglaise. J'ai lu certains éditoriaux. Je me suis étonné d'une certaine appréhension que l'on a manifestée, de certains titres de journaux qui laissaient supposer que nous retardions volontairement, nous les libéraux, l'adoption du bill 63. La réponse, quant à nous, était facile: Comment pouvons-nous retarder l'adoption d'une loi qui doit, en fait, entrer en vigueur le premier juillet 1970?

Ce que je veux dire à nos compatriotes de langue anglaise, c'est que nous sommes absolument d'accord — la majorité d'entre nous au moins — pour asseoir dans une législation le respect de leurs droits fondamentaux. Mais qu'ils ne s'étonnent ni ne s'impatientent si nous voulons, nous qui formons la majorité — et autant que possible dans le même projet de loi — obtenir pour nous, Canadiens français des protections, des garanties, et la promotion de notre langue et de notre culture.

J'ai eu l'occasion de causer avec des compatriotes de langue anglaise et je n'ai pu m'empêcher de les mettre sérieusement en garde contre une atitutde qui n'est pas celle de la majorité et qui semble actuellement — je me réfère à certains journaux — vouloir nous imposer à nous, comme une situation satisfaisante, le statu quo. Il ne faudrait pas, pour aucune considération, que dans le climat actuel du Québec, nos compatriotes de langue anglaise, qui s'intéressent avec raison à leurs droits à eux, négligent de nous accorder à nous le même appui total qui nous coûte actuellement, à chacun d'entre nous — parce que nous les appuyons — qui nous coûte ou qui nous vaut des injures de la part d'une partie de la population — le premier ministre en sait quelque chose — qui nous a valu, à nous, des appels téléphoniques furibonds, de certaines personnes, des gélégrammes, des lettres. On nous a fait passer pour des traîtres à la nation, ce qui me paraît à la fois ridicule, et stupide. J'ai même dit à des jeunes: Si vous avez l'intention de me traiter de traître, arrangez-vous pour être au moins à trois pieds de moi, parce que je ne l'endurerai pas longtemps.

Mais il ne faudrait pas que nos compatriotes de langue anglaise, pendant que nous nous exposons sciemment à de telles choses pour faire adopter un principe auquel nous croyons et qui est simplement justice — ce qui serait tragique en même temps — semblent vouloir nous dire à nous:

Occupez-vous de nos problèmes. Quant aux vôtres, mon Dieu, pourquoi ne vous satisferiez-vous pas, Canadiens français, d'une situation qui a été la vôtre depuis bon nombre d'années et qui fait que la langue française se détériore et que notre présence relative dans le Québec menace de diminuer sensiblement? S'il fallait utiliser encore un mois ou deux mois pour convaincre tous les intéressés qu'il est nécessaire, dans le même projet de loi, d'accorder à la langue française et aux Canadiens français au moins une égale mesure de justice, je pense qu'il serait bon, non seulement pour nous, il serait bon pour toute la population québécoise, que cela se fît et ce ne serait pas du temps perdu, ni du temps gaspillé.

On va constater, lorsque le gouvernement nous apportera ses amendements, que ce que nous avons proposé, après le discours du chef de l'Opposition, a été rédigé par lui et personne d'autre, en ma compagnie; Je ne permettrai pas qu'on accorde la paternité de ça à d'autres personnes. C'est nous qui l'avons proposé et

c'est le chef de l'Opposition, à son bureau, qui l'a rédigé avec mol, l'amendement, avec l'approbation du caucus, personne d'autre. On va constater que, parce que nous avons tenu, parce que nous nous sommes battus, parce que nous avons augmenté encore, quant à nous libéraux, certaines objections que l'on nous a faites, nous allons obtenir pour tout le Québec probablement ce qui va être quelque chose de salut public pour le gouvernement lui-même. Nous avons obtenu des amendements qui vont rendre la loi acceptable et qui — on me permettra de le souligner — a permis au député de Saint-Jean, après avoir obtenu pendant un certain temps une publicité considérable, a permis...

M. PROULX: J'Invoque mon privilège de député, M. le Président. A cause d'une nervosité et d'un certain émoi qui se sont présentés durant mon discours, j'aurais dû dire que je voterai contre le bill en deuxième lecture. Durant le brouhaha et à cause d'une certaine nervosité, j'aurais dû dire que je voterai contre le bill en deuxième lecture.

M. LAPORTE : Je m'excuse d'avoir parlé, je lui al fait changer d'idée apparemment.

M. LESAGE: Parlez encore. Continuez à parler.

M. PROULX: Je n'ai pas l'habitude parlementaire. Quand j'aurai votre expérience, je me contrôlerai davantage.

M. LAPORTE: C'est ça.

M. PROULX: Mais je voterai...

M. LAPORTE: Oui, vous l'avez déjà dit et vous bouffez mon temps là. Alors, M. le Président...

M. PROULX: ... en deuxième lecture contre le bill...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: M. le Président, si on veut me donner deux minutes, je vais terminer. Je voudrais, comme troisième argument — c'est le dernier point que Je voudrais souligner — après avoir insisté sur notre désir de rendre justice à tout le monde, dire que si j'avais été le gouvernement, au lieu de nous amener ce projet de loi qui a créé les remous que l'on sait dans la province de Québec, il eût été encore une fois possible d'apporter un projet de loi très simple pour régler, dans la justice, le problème de Saint-Léonard et ceux qui pourraient — problèmes analogues — naître ailleurs dans la province de Québec et préparer, pour plus tard, une politique linguistique complète et cohérente pour tous les Québécois.

Je maintiens ce point de vue. Le gouvernement pourrait, sans se diminuer, retirer ce projet de loi incomplet, qu'on est en train de rapiécer après avoir dit qu'on n'y toucherait jamais. Le gouvernement pourrait régler le problème de Saint-Léonard, régler le problems du droit de nos compatriotes anglophones aux écoles de leur choix et prendre le temps nécessaire — la commission Gendron, les études — pour proposer aux Québécois une politique linguistique cohérente. M. le Président, il est bien évident que nous ne sommes pas pleinement satisfaits du projet de loi no 63; loin de là. Nous en acceptons les principes fondamentaux. Je me permets de dire à cette Chambre que j'aurais espéré que nous puissions voter ce soir avant six heures.

Je sais que le ministre du Travail doit parler ce soir et peut-être aussi d'autres collègues. Je devrai être absent pour des raisons que quelques-uns d'entre nous pouvons imaginer. Si le vote se prenait ce soir, je ne pourrais voter. Je tiens à dire publiquement et solennellement que, si j'avais été présent en Chambre, j'aurais voté en faveur du principe du bill 63.

M. FLAMAND: M. le Président, je demande la suspension de la séance.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze.

Reprise de la séance à 20 h 15

M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Antonio Flamand

M. FLAMAND: M. le Président, nous avons beaucoup entendu parler, au cours de ce débat sur la Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, des enseignants, de leur attitude vis-à-vis du bill et surtout de leur participation à certaines manifestations.

Il était normal, je pense, que le milieu de l'enseignement, qui est directement concerné par l'application de ce bill, soit le premier sensibilisé, le premier qui donne certains signes de son approbation ou de sa désapprobation. Seulement, je voudrais signaler à la Chambre qu'il est extrêmement dangereux pour l'autorité qui est nécessaire aux professeurs lorsqu'ils enseignent à des enfants et à des adolescents de les rendre responsables de tous les péchés d'Israël.

A titre d'expérience comme ancien professeur — et tous ceux qui l'ont été, dans cette salle, en savent quelque chose — il devient extrêmement pénible parfois d'avoir affaire dans une classe à un seul élève dont les parents, pour quelque raison que ce soit, sont en conflit avec le professeur. Que dire lorsque toute une société les blâme continuellement de tout ce qui peut se passer et les rend continuellement responsables de toutes les manifestations qui peuvent avoir lieu?

On accuse certains professeurs — j'en al eu connaissance, cet après-midi, dans cette Chambre, à trois reprises — on ne les nomme pas, on ne les dénombre pas, mais, à ce compte-là, toute la profession en subit les répercussions. Je voudrais rappeler à certaines personnes certaines choses qui se sont passées l'an dernier. L'on se rappelle qu'à l'occasion du bill 85 il y a eu, devant le Parlement, une manifestation. On s'est empressé de blâmer les professeurs. Par la suite, une enquête a eu lieu et elle a révélé — c'est le ministre d'Etat à l'Education qui en a fait part à la Chambre, le 14 décembre — elle a révélé que non seulement les professeurs, au départ, n'étalent pas à l'origine de cette manifestation-là, mais que la commission scolaire, prévenue de ce qui allait se passer, n'avait absolument rien fait pour l'empêcher. Ce n'est qu'après que les professeurs se sont rendus sur les lieux pour essayer de voir à ce que tout se passe dans l'ordre.

Or, non seulement, à ce moment-là, ils n'étaient pas responsables de cette manifesta- tion-là, mais la commission scolaire, qui était le représentant direct des parents, n'avait pas fait ce qu'il fallait pour l'en empêcher.

Nous lisons dans le rapport Durham, que le meilleur moyen de résoudre l'opposition des deux groupes français et anglais c'est de noyer la population française sous le flot d'une immigration organisée méthodiquement, contrôlée au départ, accueillie à l'arrivée et assurée d'une situation privilégiée dans la colonie. Il propose également, sans opérer le changement trop vite ni trop rudement pour ne pas froisser les esprits et ne pas sacrifier le bien-être de la génération actuelle, d'établir éventuellement que le gouvernement de cette province soit assuré par une assemblée décidément anglaise. Ces deux parties du plan décidé par Lord Durham — on peut le voir aujourd'hui — n'ont pas été réalisées, du moins dans le Québec.

Nous pouvons sans doute assurer qu'après l'échec du gouvernement d'Union remplacé par la confédération actuelle, surtout la deuxième partie de son plan s'est avérée un échec, du moins partiel. Il faut cependant se rendre compte que, volontairement ou non, d'une manière scientifiquement contrôlée ou non, la confédération a permis d'appliquer à la lettre les premières recommandations du rapport Durham dans le reste du Canada.

Les statistiques nous montrent par exemple que, de 1901 à 1961, sur 7 millions d'immigrants qui sont entrés au Canada, 38% sont d'origine anglaise, tandis que 1.5% seulement sont de langue française, les autres par contre, soit 51.5% sont passés dans une proportion de 98% du côté anglophone. Les immigrants ont été choisis méthodiquement. Ils ont été assurés d'une situation privilégiée dans la colonie, et de cela nous pouvons nous en rapporter au présent où environ seulement 10% des immigrants qui arrivent au pays n'ont pas d'emplois qui les attendent.

On pourrait également se référer dans le passé à la colonisation des provinces de l'Ouest où des gens arrivant de l'extérieur étaient payés pour leur transport et leur installation, alors que les Canadiens français devaient subvenir ou quêter leur installation et l'argent nécessaire à leur transport. Ils étaient pourtant dans le pays des citoyens à part entière et souvent dans une situation plus difficile que la plupart des immigrants qui arrivaient à ce moment-là. Pas surprenant que, dans cette situation, les immigrants se soient rangés du côté des anglophones, c'est-à-dire du côté de ceux qui détenaient le pouvoir.

Si nous revenons au recensement de 1961, nous nous rendons compte que l'intention mentionnée dans le rapport visant à noyer les Canadiens français pour qu'ils deviennent progrès-

sivement anglais a réussi en grande partie dans le Canada tout entier, et pourrait éventuellement réussir au Québec.

Ainsi, en 1961, sur 5.5 millions de personnes qui se reconnaissaient dans le Canada une origine française, 400,000 avaient perdu leur langue; le groupe anglophone s'était enrichi, lui, de 2,600,000 de personnes parlant l'anglais. Même au Québec où il y avait, en 1961, 4,241,000 personnes d'origine française et 567,000 d'origine anglaise, les parlants français, qui étaient sept fois plus nombreux, avaient associé à leur groupe 28,000 personnes d'origines différentes alors que les Britanniques en avaient associé 130,000, ce qui faisait pour les anglophones, sept fois moins nombreux, des gains cinq fois plus élevés. Il n'est donc pas exagéré de dire qu'au Québec même, si les naissances devaient rester au niveau actuel d'environ 16 pour mille habitants alors que pour les Néo-Québécois, particulièrement les Italiens, elles se chiffrent à 27 par mille habitants, et si les conditions futures faites aux immigrants devaient rester les mêmes, les premiers objectifs du rapport Durham pourraient éventuellement devenir réalisables.

Situation renversante et bouleversante, écrit le père Arès. C'est la minorité, au Québec, qui possède la plus grande puissance assimilatrice. Une minorité de 10% assimile davantage — on a vu tantôt qu'elle assimile sept fois plus — qu'une majorité de 80%. Comment ne pas se dire que la minorité anglophone reçoit au Québec un traitement extrêmement dangereux puisqu'elle y est vivante à 123% alors que la majorité française réussit à peine à dépasser le minimum nécessaire à sa propre conservation, soit un degré de vitalité de 100.7%.

Bref, au Québec, la minorité anglophone se comporte en majorité et la majorité francophone se comporte en minorité. Les Franco-Québécois sont engagés dans un processus de minorisation et d'anglicisation. La langue des affaires est l'anglais, de même que la langue de travail, la plupart du temps. Parlant mal leur propre langue, obligés de travailler dans une langue qu'ils ne parlent pas ou qu'ils parlent mal, les francophones en sont arrivés à parler ce qu'on appelle du franglais. Par ailleurs, les Néo-Québécois, au lieu de s'intégrer normalement à la majorité, ont opté et continueront d'opter pour la minorité détenant le pouvoir économique.

Loin de tenter de freiner ce mouvement, l'Etat québécois a fourni tous les moyens possibles aux anglophones et à ceux qui voulaient les Joindre pour l'accélérer.

Les anglophones se sont bâti un empire scolaire où ils constituent eux-mêmes à peine le quart de la population étudiante qu'ils drainent dans leurs institutions payées par les fonds publics.

A titre d'exemple, la Fédération des sociétés Saint-Jean Baptiste du Québec rapportait, dans son mémoire présenté à l'occasion du projet de loi 85, qu'au début de l'année scolaire 1968-1969 la commission des écoles catholiques de Montréal a ouvert 75 nouvelles classes dont 65 de langue anglaise et seulement dix de langue française.

Nous ne traiterons pas ici du rôle des universités anglophones qui ont constamment refusé de s'intégrer au Québec tout en poursuivant sans relâche l'anglicisation des Néo-Québécois et souvent même des Québécois de langue française. Si l'on ajoute aux chiffres de la Commission des écoles catholiques de Montréal, chiffres que je ne rappellerai pas, les statistiques de fréquentation scolaire du secteur protestant et autres institutions anglaises, on atteint facilement un taux d'angliclsation de 90% des Néo-Québécois. C'est d'ailleurs ce qu'affirmait M. René Gauthier, commissaire au ministère de l'Immigration du Québec, devant les congressistes de l'Association des éducateurs de langue française en août dernier; « L'analyse du recensement de 1961, les diverses enquêtes et les statistiques scolaires indiquent que 90% des immigrants s'intègrent à la communauté anglophone du Québec, soit qu'ils soient déjà de langue anglaise, soit qu'ils optent pour celle-ci. Cette situation, ajoutait-il, vient consacrer en quelque sorte le caractère proprement anormal de la société québécoise ».

Pour ces raisons, il ne me semble pas que les mesures préconisées dans l'actuel projet de loi obligeant le ministre del'Education à prendre les dispositions nécessaires pour que les programmes d'étude édictés ou approuvés pour ces institutions d'enseignement et les examens qui les sanctionnent afin d'assurer une connaissance d'usage de la langue française aux enfants à qui l'enseignement est donné en langue anglaise soient suffisantes pour amener qui que ce soit du groupe anglophone à traverser la barrière culturelle et à venir augmenter le groupe des parlants français. Tout au plus lui assureront-elles la connaissance de notre langue, ce qui ne servira, à mon sens, qu'à affermir sa situation de privilégié qu'il possède déjà au Québec en faisant de lui un bilingue.

Pour ce qui est des mesures concernant les immigrants, elles non plus ne semblent pas suffisantes. En effet, assurer à l'immigrant la connaissance de la langue française sans qu'il y ait pour lui nécessité de la parler, c'est-à-dire sans qu'il y ait proclamation du français comme langue de travail, ne servira qu'à lui assurer une

situation privilégiée sur le territoire québécois. Lorsqu'il entre au pays, celui qui est sans emploi doit subir 20 semaines de français, mais il doit également subir 20 semaines d'anglais, ce qui, compte tenu de l'environnement, lui semblera beaucoup plus nécessaire et beaucoup plus utile que ces 20 premières semaines de français.

Bien plus, je me demande par quelles mesures on pourra atteindre les 90% de ceux qui, entrant au pays, ont déjà un emploi assuré. Je suis certain que nous les retrouverons à des recensements subséquents comme faisant partie du nombre des parlants anglais.

Le projet de loi, tel qu'il est rédigé actuellement, s'il a des effets heureux, en a en faveur du groupe anglophone — d'ailleurs, aucune protestation n'est venue de la part de ce groupe — en ce sens qu'ils n'auront plus besoin des Canadiens français pour occuper certaines fonctions où l'on doit faire affaires avec le groupe des parlants français et ça dans leur langue. Ce qui permettait, quand même, à plusieurs des nôtres qui étaient bilingues d'occuper des postes intéressants.

Bien plus, ce projet de loi, assure aux parents le libre choix de la langue d'enseignement de leurs enfants, que les parents soient d'origine anglaise ou autre. Ces mesures vont permettre, comme on l'a toléré dans le passé, au groupe anglophone d'augmenter ses effectifs de façon de plus en plus accélérée.

Quant aux Canadiens français eux-mêmes, si actuellement il ne leur est pas défendu d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise, il reste que, dans les faits, les commissaires d'école à qui pareilles demandes étaient faites pouvaient toujours se retrancher — on a vu, par un exemple que nous a donné cet après-midi, le député de Saint-Jean, que c'est ce que les commissaires d'école ont fait dans la région de Saint-Jean — derrière les difficultés de trouver des locaux, de trouver du personnel et, dans certains cas, refusaient simplement de le faire. Ceci pour empêcher cette désertion de certains des nôtres vers le groupe anglophone.

Mais, aujourd'hui, avec cette nouvelle loi, ils seront obligés d'obtempérer au désir des parents si des amendements ne sont pas apportés, ce qui se révèlera néfaste dans certaines régions, particulièrement à Montréal, d'ici peu d'années.

Nous avons vu aujourd'hui, dans le Devoir, à partir d'une étude faite par les démographes Jacques Henripin, Hubert Charbonneau et Jacques Légaré que, même dans une perspective optimiste, nous sommes, dans la région de Montréal, en voie de régression, et ce sans qu'une loi comme le bill 63 sans amendement inter- vienne pour favoriser ce processus d'anglicisation.

Je suis persuadé que le bilinguisme institutionnalisé tel qu'on le préconise n'est pas souhaitable en soi. Tout bilinguisme se fait au profit du plus fort, or nous ne sommes pas les plus forts en dépit de notre majorité numérique au Québec, majorité sérieusement menacée d'ailleurs dans une région tout aussi importante que celle de Montréal.

On a fait grand état depuis quelque temps de la liberté individuelle qui conférerait automatiquement aux futurs Néo-Québécois le droit de choisir la langue d'enseignement de leurs enfants. Il ne s'agit pas dans mon esprit de diminuer les privilèges des Néo-Québécois déjà installés au Québec et aux anglophones d'origine britannique déjà installés. Il s'agit de ne pas accorder ce privilège-là à des gens qui ne peuvent pas le réclamer car ils ne sont pas encore arrivés sur notre territoire, ils sont encore à l'étranger. Il ne s'agira pour eux que de connaître la situation ici dans le Québec; et ils ne pourront absolument pas, à ce moment-là, se prévaloir de leur liberté individuelle pour réclamer le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Ce qui n'est pas le cas pour ceux qui sont déjà installés. Là-dessus, je pense que toute la Chambre est d'accord.

Ce serait en faire des citoyens de seconde zone, a-t-on affirmé péremptoirement. Serait-ce en faire des citoyens de seconde zone que de les obliger à apprendre le français comme langue prioritaire? D'autant plus qu'à l'avenir tout étranger intéressé à venir s'installer au Canada saurait que, s'il vient au Québec, il devra d'abord apprendre le français, et que s'il désire aller ailleurs, en Amérique ou en Ontario, ce sera l'anglais qu'il devra apprendre en premier lieu.

La liberté de choix, il pourra donc l'exercer et l'exercera avant de partir de chez lui, comme il sait qu'il devra apprendre l'allemand s'il décide d'émigrer en Allemagne, comme il sait qu'il devra apprendre l'espagnol s'il décide d'émigrer en Amérique latine. Je crois que, tout comme les droits d'un individu sont limités par les droits d'un autre individu, les droits individuels sont limités par les droits collectifs quand il s'agit de sauvegarder un bien national. Et corollaire ment, dans le cas qui nous occupe, les droits des anglophones minoritaires sont limités par les droits des francophones majoritaires.

Le droit, pour les parents, de choisir l'école de leurs enfants n'est pas un droit infini. Il est mesuré par les droits des autres, il est mesuré par des droits supérieurs. La langue est

un bien national, non un bien individuel. Comme entité culturelle distinctive, une nation cesse d'exister, à mon sens, en tant que telle, quand elle perd son identité culturelle. Or, la langue est l'essentiel de l'identité culturelle.

J'ajoute que si le choix des individus, qu'ils soient francophones, anglophones ou Néo-Québécois, met en danger la qualité ou l'existence même de ce bien national, dans ce cas il me semble évident que l'Etat, gardien du bien public et des valeurs fondamentales de la nation, doit réglementer cette liberté individuelle. En conséquence, je devrai donc, en deuxième lecture, voter contre le bill, tout en espérant que les amendements qui seront apportés en comité plénier me permettront d'avoir une opinion différente lors de la troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire que le débat qui se terminera dans quelques minutes passera sûrement à l'histoire et par la force des convictions qu'a mise dans ce débat l'honorable premier ministre dans le discours très remarqué qu'il a fait dans cette Chambre et particulièrement à cause des raisons données qui ont motivé son intervention d'une manière toute particulière, pour bien expliciter la mesure gouvernementale.

Je dois dire, en vertu de l'article 556, puisque nous en sommes au principe, que nous devons rendre au premier ministre un témoignage particulier de courage et de force pour avoir voulu, lui, dans cette province, prendre toutes ses responsabilités et apporter devant cette Chambre le bill 63 tel qu'il est présenté.

Ce n'est pas facile en politique et en vie publique, M. le Président, en certaines circonstances particulières, de poser des gestes très concrets qui sont la définition même d'un bon parlementaire et qui indiquent bien la sincérité de l'homme public qui, ne craignant rien, pas plus le chantage que les menaces, décide un jour par devoir d'apporter devant cette Législature, devant ce Parlement une loi nécessaire aubien-fait de tout le monde et particulièrement pour protéger notre race canadienne-française, mais aussi toutes les minorités qui ont droit de vie dans cette province.

L'honorable chef de l'Opposition, au début de son intervention l'autre jour, nous a grandement réjouis. Il a lui aussi montré son courage.

Il a fait face lui aussi dans son propre parti à certaines contradictions, j'en suis sûr, mais fort de l'élément d'autorité et particulièrement de responsabilité publique qui l'ont toujours animé, je suis très heureux de dire que son intervention, jusqu'à la production de sa motion, nous a plu énormément.

M. LESAGE: Mais même la motion devrait vous plaire maintenant.

M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons entendu aussi plusieurs autres députés qui ont affirmé certaines craintes quant à leur conscience. Je pense que, dans cette Chambre, nous pourrions nous dispenser d'un vétérinaire et qu'il serait beaucoup plus important d'avoir un psychiatre. Je n'ai jamais vu des gens aussi traumatisés, tellement traumatisés que, dans l'espace d'un petit quart d'heure, on a changé de poulain. Je respecte leur opinion.

Je dis que c'est bien mal servir sa race quand on l'aime, quand on a vécu intensément dans un milieu nationaliste que de ne pas ce soir faire l'unanimité totale devant ce geste pour la première fois posé dans notre province. Je ne blâme ni l'Union Nationale ni M. Taschereau de ne pas l'avoir posé avant aujourd'hui. A cause des circonstances particulières qui se sont développées dans notre province, il est venu un temps où il fallait nécessairement prendre une attitude ferme et affirmer dans les faits ce que la tradition a toujours respecté.

C'est pourquoi, M. le Président, le gouvernement, l'exécutif, a longuement discuté du projet de loi. Nous en sommes venus à un consensus et nous avons décidé, puisque c'était de l'intérêt public, puisqu'il importait aux représentants du peuple, eux qui ont véritablement un mandat pour parler au nom de la nation, de légiférer. Et c'est ce peuple aujourd'hui qui est représenté dans cette assemblée parlementaire! Et c'est ce peuple qui va, dans quelques instants, voter en faveur d'une législation qui sera pour son bien, pour son intérêt et particulièrement pour son salut.

Quand je vois les alliances qui se sont faites ces jours derniers sur la place publique, je me pose des questions très sérieuses. Quand on n'a pas le courage particulièrement de rester en Chambre pour répondre et faire face à quelqu'un, à un député, à un ministre qui, dans des termes bien choisis, lui ont montré ce que valait le P.Q. Le courage de ces alliances que nous avons vues avec un Michel Chartrand pour qui la révolution est pour demain, qui, dans tous les mouvements de contestation, est prêt à mettre le feu, est prêt à bâillonner, est prêt à tirer sur la place publique contre l'autorité constituée. C'est lui

qui a répété: Vive Cuba! C'est lui qui a répété: Vive Castro! C'est lui qui a dit: Les bombes, le plastique aux universités! Un tel énergumène, s'il ne peut aujourd'hui recevoir l'adhésion de son mouvement, peut être qualifié comme le pire des révolutionnaires. Et c'est ça dont se servent aujourd'hui les éléments nationalistes dans la province de Québec pour véritablement enflammer notre peuple et demander, par de la sédition, à renverser un gouvernement. Le gouvernement, lui, fort de la responsabilité qui lui est donnée dans cette province d'exercer véritablement l'autorité, se voit demain matin devant ces réactionnaires, ces activistes dans une foire au désordre, dans une foire à l'insubordination aux lois et aux autorités. Un Michel Chartrand, un Bourgault, un Lemieux, alliés avec la quintessence d'un Albert Angers. Imaginez-vous quel mariage!

DES VOIX: Lévesque!

M. BELLEMARE: On a voulu ailler à ces honorables messieurs qui portent le titre de révolutionnaires avec un grand drapeau, qui sur la place publique croient véritablement, ne croient pas mais font semblant de défendre la démocratie et défendre le petit peuple, disent-ils. Vous pouvez m'en parler à moi qui, depuis des années, lutte contre ces gens à tous les instants en certains conflits ouvriers qui ont bouleversé la province. On les a fait disparaître dans le mouvement ouvrier, dans le règlement de la grève de la construction. On les a fait disparaître dans le règlement des fonctionnaires de la province. Il n'y a pas eu de grève. On les a fait disparaître dans le règlement de l'Hydro.

Il n'y a pas eu de grève. On les a fait disparaître dans le règlement des enseignants. Il n'y a pas eu de grève. On les a fait disparaître dans le règlement des hôpitaux. Il n'y a pas eu de grève et il n'y en aura pas, je l'escompte. C'est ça de la démocratie. C'est ça comprendre son rôle de législateur, être un homme actif en politique, être un véritable parlementaire, être membre d'une équipe et bien servir pas le parti mais la patrie qui a besoin de nous, en dehors des cadres d'un parti politique. Mais, fiers de la responsabilité qui nous incombe de tâcher d'établir des ponts qui puissent véritablement donner et recevoir un dialogue sain, pas un dialogue de démagogue, pas un dialogue où l'on est prêt à enflamer tout ce qui est sur notre passage, saccageant les autorités, les institutions, les personnes et les biens. Cela ce sont des révolutionnaires, et Dieu sait combien je les al rencontrés. Mais j'ai déjà dit à ces gens: Comptez sur moi comme ministre du Travail, vous avez acquis depuis de nombreuses années, à force de luttes terribles, de luttes gigantesques des droits; comptez sur moi pour vous les faire respecter.

Mais, comptez aussi sur moi pour vous faire faire vos devoirs envers la société, devoirs que vous n'avez pas toujours faits, mais que vous allez faire! Dieu sait combien, aujourd'hui, dans un climat serein, M. le Président, on a réussi à établir ce dialogue qui veut véritablement respecter le bien de tout le monde, rendre un service à la patrie, parler avec la langue du bon sens, non pas se croire des croisés parce qu'on a un drapeau, le drapeau de la province de Québec, et qu'on « se parade » avec une bouteille de bière de l'autre main. On pense qu'on est des croisés pour la grande croisade de la défense de la langue. Eh bien, il n'y en a pas dix parmi eux qui ont véritablement lu le bill.

Bien des gens, M. le Président, qui sont venus ici devant le parlement ou qui ont cassé des vitres un peu partout ne savaient seulement pas ce qu'il y avait d'écrit sur leur pancarte ou ne la comprenaient pas. Mais ça fait bien, ça fait snob, ça fait dans le vent d'être aujourd'hui dans la place publique et de crier contre l'autorité.

Ces jeunes, M. le Président, ne savent pas qu'ils obéissent souvent à" des brouilleurs de cartes, à des activistes qui, eux, ont derrière leurs pensées bien plus que la défense de la langue française ou la défense de notre Canadien chez nous. Eux autres, ils ont d'autres aspirations; elles sont voilées, cachées. Pourquoi les retrouve-t-on partout où il y a des mouvements de contestation? Pourquoi rencontre-t-on les mêmes révolutionnaires partout derrière ce drapeau qui se veut pur, qui se veut blanc, qui se veut rempli de bonnes intentions si ce n'est, M. le Président, pour semer partout la pagaille, l'insatisfaction qui, demain, produira chez nous cette révolution sanglante que d'autres pays ont connue?

Demain, dans les journaux, certains journalistes diront que je suis un chasseur de sorcières. Mais, moi, M. le Président, qui les connaît, qui les vois agir, je peux vous en donner ma parole que ces brasseurs d'anarchie, que ces brasseurs d'idées subversives n'ont qu'un but: tâcher de semer partout le mécontentement, tâcher de semer partout le malaise économique, dire qu'il y a du chômage, dire qu'il y a des pauvres et qu'ils sont exploités, dire qu'il y a des gens qui véritablement devraient être aidés. Mais qu'a fait Michel Chartrand? Qu'a fait René Lévesque quand il a été au gouvernement, pendant les années où il avait la responsabilité d'administrer? Rien, rien que rien,

excepté de faire de la télévision avec un tableau et une craie.

Le chef du P.Q., le vieux chef du P.Q. — oui, le vieux chef du P.Q. — déjà peureux, déjà prêt à prendre la fuite dès qu'on contredit ses idées. Le vieux chef du P.O. pourrait-il nous dire pourquoi ce M. d'Allemagne a été durement frappé dernièrement parmi les membres de son parti? Peut-être a-t-il une raison à nous donner pour expliquer pourquoi il n'a pas empêché ses P.Q. un peu partout dans la province, qui sont des professeurs, de semer, eux, la révolution et la sédition auprès de ces jeunes cerveaux, de ces enfants qui avaient bien plus besoin d'aller à l'école, d'entendre l'autorité d'un maître que d'un révolutionnaire, payé, on sait comment, avec l'argent de nos taxes, avec l'argent du populo, gracieusement payé par sa majesté!

Pourquoi, M. le Président, cette cabale sournoise? Est-ce que l'on n'a pas recherché — je ne veux pas prêter de motifs à personne — un certain gain politique? Je me pose la question. Je me demande, M. le Président, si ça ne rapportait pas quelque chose à quelqu'un cette attitude, dans les circonstances?

Le vieux chef du P.Q. nous a dit, dans une intervention qu'il a faite ici en Chambre, qu'il avait deux attitudes. Premièrement, pour ce qui était déjà acquis, pas d'objection! La reconnaissance des deux langues. Mais lorsque l'Etat deviendra souverain, ce sera un Etat unilingue!

Je serais drôlement chaussé si je me promenais avec un soulier blanc et un soulier noir dans le même appartement, le même jour. Quelqu'un m'en ferait la remarque: Vous vous êtes sûrement trompé de souliers ou de couleurs. Mais pour le vieux chef du P.Q. ça fait pareil, parce que c'est populaire. C'est populaire, prêcher une doctrine de deux poids, deux mesures. Devant l'opinion publique, pour ce qui est des droits acquis pour les faits établis, d'accord, les deux langues sont officielles. Mais dans notre nouvel Etat souverain; ce sera l'unilinguisme.

Très beau tableau, M. le Président.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je crois qu'on peut faire appel au règlement quand quelqu'un ment sciemment et fausse les faits...

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEVESQUE (Laurier): A la suite du ministre des Affaires culturelles qui en a fait autant...

M. BELLEMARE: M. le Président, je ne permettrai pas au chef du P.Q. de faire un discours dans mon discours. Son intervention, M. le Président, doit être...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

L'honorable député de Laurier a invoqué le règlement. Je pense qu'il est de mon devoir de l'entendre.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je dis simplement qu'à la suite du ministre des Affaires culturelles qui, lui, au moins, a accepté une partie de la rectification, le ministre du Travail vient de déformer mes propos et de fausser complètement ce que j'ai dit. Je crois qu'on a droit à une rectification, normalement, en Chambre. J'ai dit que, dans un Québec souverain, la langue officielle de l'Etat, des institutions publiques, avec une période de transition normale, serait le français, mais que les droits acquis par notre minorité anglophone — de la même façon que nous le proposons ici — au point de vue scolaire seraient respectés selon une formule que les amendements nous permettront peut-être d'expliquer. Je dis que le ministre du Travail peut vomir autant de bêtises qu'il voudra, mais il n'a pas le droit de fausser les faits...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. BELLEMARE: Je sais, M. le Président, que le vieux chef du P.Q. n'aime pas ça.

M. LEVESQUE (Laurier): Je n'aime pas les menteurs, non!!!

M. BELLEMARE: Vous savez, M. le Président, s'il n'aime pas les menteurs, il doit se trouver drôlement à la gêne dans sa peau...

Un menteur, s'il y en a eu un dans la vie publique... Je ne veux pas faire de personnalité, je ne dirai pas que c'est lui, je ne le dirai pas. Vous n'aurez pas besoin de vous lever, M. le Président, je ne l'accuserai pas d'être menteur. Pas du tout, il a fait ça toute sa vie, mais je ne le lui dirai pas. Pas du tout...

M. le Président, ce qui est révoltant, actuellement, dans la province de Québec, ce qui est extraordinaire, c'est d'entendre dans nos comtés quelle a été surtout la réaction du bon peuple. Moi qui ai particulièrement une politique du trottoir, malgré ce qu'en dit M. Hudon dans sa fameuse caricature, j'ai eu l'occasion, en fin de semaine, comme tous les autres membres de cette Chambre, d'entendre les réflexions qu'on a

faites dans mon comté. Je suis allé à deux réunions où il y avait plusieurs centaines de personnes. Je suis allé, comme un bon catholique, à la messe et sur le perron de l'église, n'en déplaise au vieux chef du P.Q. — je vais encore à la messe, moi, imaginez-vous ! sans hypocrisie, à part ça —j'ai entendu des réflexions. Qu'est-ce que ces gens-là m'ont dit? Je vous donne en mille cette déclaration que je vais faire.

Pas une des personnes que j'ai rencontrées qui ne m'a pas fortement encouragé à maintenir l'attitude qu'a prise le gouvernement avec le bill 63. Elles nous ont presque toutes dit: II est temps de faire de l'ordre dans la province de Québec et d'en mettre de l'ordre!

Tâchez donc, disaient-elles, de nous délivrer de cette salade de participation — tel que le dit le député de Laurier — salade de participation. Tâchez donc de nous délivrer de ces professeurs en science révolutionnaire. Tâchez donc surtout d'appliquer véritablement cette loi qui veut, elle, particulièrement rétablir, comme il convient, les droits sacrés de tout le monde.

Je ne parlerai pas des déclarations de l'honorable député de Chambly, lors de l'intervention qu'il a faite cet après midi à la toute fin de la séance. Il a voulu dire que le député de Champlain, sur le livre blanc, ne s'était pas tout à fait exprimé comme c'était écrit. Je ne veux pas le chicaner; au contraire, je veux simplement lui rappeler qu'un Jour il avait fait dans la province une déclaration sur l'unilinguisme que le chef du parti libéral du temps avait, dans le journal Le Devoir du 27 octobre 1965, à la veille de partir pour un voyage en Grèce...

M. LESAGE: Non, c'était l'ouverture de la Maison du Québec à Milan.

M. BELLEMARE : Avant son départ pour l'Italie. Je pensais qu'il était allé chercher le prix qu'on a appelé le prix...

M. LESAGE: Non, le 27 octobre 1965, c'était l'ouverture de la Maison du Québec à Milan.

M. BELLEMARE: C'est ça. Et le Proche Orient aussi. Je pensais que c'était là qu'était le prix Phénix, le prix de la Grèce.

M. LESAGE: Non, c'était en 1964.

M. BELLEMARE: Et le chef du parti libéral, à ce moment-là, le 27 octobre 1965, rabrouait son leader parlementaire de l'Opposition d'aujourd'hui et il disait: Quand je vais revenir, je vais arranger ça, moi, avec Pierre. Il disait, je lis textuellement, pour ne pas me faire dire demain que j'ai mal cité le chef du Parti libéral, M. Lesage, le 27 octobre 1965. M. Laporte avait déclaré,. une semaine avant, que c'était l'unilinguisme qui était recommandable. M. le premier ministre Jean Lesage a déclaré qu'il ne comprend pas...

M. LESAGE: M. le Président, je regrette infiniment, mais je me souviens très bien...

M. BELLEMARE: Laissez-moi lire mon texte.

M. LESAGE: ... qu'à ce moment-là il y avait eu une réunion...

M. PINARD: Donnez-nous la feuille.

M. LESAGE: ... des jeunes étudiants libéraux. J'étais à cette réunion avec le député de Chambly et le député de Verdun. Je suis sûr que le député de Verdun se souvient de cette réunion alors que tous les trois, le député de Verdun, le député de Chambly et moi avions convaincu les jeunes de ne pas adopter une résolution favorable à l'unilinguisme.

M. BELLEMARE: Très bien.

M. LESAGE: Nous étions tous les trois d'accord.

M. BELLEMARE: D'accord, alors nous allons regarder ce qui est marqué sur le journal.

M. LESAGE: Je ne sais pas ce que dit le journal. Je rapporte les faits, moi.

M. BELLEMARE: Ici, à droite, c'est marqué: Sur la priorité du français au Québec, M. Wagner est contre le français prioritaire et, de l'autre côté: « Laporte; L'anglais est déjà une langue prioritaire » Ce n'est pas moi qui ai écrit ça, ç'a été écrit en 1965.

Mme Casgrain, elle, a dit à la page suivante: « Je ne partage pas l'opinion de Laporte sur la langue prioritaire au Québec. » Cela, c'est en 1965. Et, M. Lesage, fâché, comme il faisait de ces crises : « Le premier ministre du Québec, l'honorable Jean Lesage, a déclaré formellement qu'il ne comprend pas du tout le sens de la déclaration qu'a faite le ministre des Affaires culturelles, M. Pierre Laporte, en fin de semaine et dans laquelle il a souhaité l'adoption prochaine d'une loi qui ferait du français la langue prioritaire du Québec. »

M. le Président, je suis prêt à lui envoyer ma coupure pour qu'il la déchire.

M. MICHAUD: Vous m'en ferez une copie, ça va m'être utile.

M. BELLE MARE: Cela a changé, la motion de la semaine dernière qui ferait du français la langue prioritaire au Québec!

M. LESAGE: M. le Président, je suis bien de bonne humeur, je ne déchirerai rien. Je voudrais purement et simplement offrir au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre un échange. S'il veut bien me permettre de me rafraîchir la mémoire en lisant ces articles du Devoir, qui ont évidemment été publiés alors que j'avais quitté le pays pour l'Italie et que je n'ai jamais lus parce que c'était le 27 octobre...

M. BELLE MARE: Vous êtes revenu?

M. LESAGE: Oui, c'est clair que je suis revenu, mais je n'ai pas lu les articles en question.

M. BELLE MARE: Bon. On a dû vous les montrer.

M. LESAGE: ... je ferai parvenir au ministre du Travail et de la Maln-d'Oeuvre - ce sera un échange de bons procédés — le texte d'un discours que j'ai prononcé au mois de mars 1965...

M. BELLE MARE: Je l'ai au complet.

M. LESAGE: ... où je me suis déclaré en faveur du français prioritaire.

M. BELLEMARE: Je l'ai au complet. D'ailleurs, il avait été noté dans une revue qu'on retrouve...

M. LESAGE: Avez-vous l'éditorial de M. Champoux sur ce discours?

M. BELLEMARE: J'ai celui de M. Champoux et j'ai celui du Montreal Star aussi.

M. LESAGE: Bon, alors!

M. BELLEMARE: Vous regrettez...

M. LESAGE: Alors, le français prioritaire pour le chef de l'Opposition, ça remonte avant 1965 au moins.

M. BELLEMARE: M. le Président, je ne voudrais pas faire une assemblée contradictoire.

M. LESAGE: Non, mais c'est vous qui avez commencé.

M. BELLEMARE: Simplement, en passant, pour tâcher de rendre le débat très serein, j'ai voulu rappeler ces petits faits d'histoire qui ne s'effacent pas facilement, ni de ma mémoire ni de mes dossiers. Lorsqu'on les consulte, on voit deux attitudes un peu différentes.

Et, M. le Président, j'aurais aimé que l'honorable député de Chambly fût ici. Je me serais amusé...

M. LEFEBVRE: Il a pris des cours du soir.

M. BELLEMARE: ...sur certaines de ses déclarations et particulièrement sur les conclusions qu'il tirait sur son livre blanc en ce qui concerne la langue prioritaire. Je respecte l'absence.

M. MICHAUD: Faites-le quand même; on est intéressé.

M. BELLEMARE: Mais, je signale qu'il y a quelques notes qui seraient fort intéressantes pour le débat; je ne les lirai pas. Comme le député d'Ahuntsic cet après- midi, vous me permettrez de ne pas citer tous mes chiffres.

Mais, ce bill qui fait l'objet de tant de discussions et qui, je pense, lorsque nous l'examinons plus à froid, sans entrer, puisque le règlement le défend, dans l'étude article par article, il s'agirait de savoir quels en sont les principes. Le premier principe qui existe dans la loi, c'est que le ministre de l'Education doit prendre les dispositions nécessaires pour que les programmes édictés ou approuvés pour ces institutions d'enseignement et les examens qui les sanctionnent assurent une connaissance d'usage de la langue française aux enfants à qui l'enseignement est donné en anglais. Cela, c'est unprincipe.

L'honorable ministre de l'Education doit prendre tous les moyens à sa disposition dans tous les examens qui sont passés pour s'assurer que ceux qui se présenteront à des examens qui aboutiront à la remise d'un certificat puissent passer leurs examens dans la langue française. Est-on contre ça? Est-on contre une connaissance d'usage de la langue française aux enfants à qui l'enseignement est donné en anglais? Est-ce trahir sa race? Est-ce abandonner ses principes? Est-ce mal servir la collectivité française d'Amérique? Je vous demande ce qu'il y a de mauvais dans ce principe.

On dit: On reconnaît par une loi ce qui existe traditionnellement depuis des années. Mais c'est bien, M. le Président.

Quand vous voyez la déclaration, dans une encyclique de Jean XXIII, ce qu'on lit ici: « A ce propos, nous devons déclarer de la façon la plus explicite que toute politique tendant à contrarier la vitalité et l'expansion des minorités constitue une faute grave contre la justice, plus grave encore quand ces manoeuvres visent à les faire disparaître ». Qu'y a-t-il de mauvais dans le principe no 1? Je comprends que les gens du P.Q. ne comprennent rien à cela; rien, sauf l'électoralisme qui perce.

M. le Président, quel est le deuxième grand principe de la loi? C'est que le ministre de l'Education, encore, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que les cours, au niveau de la première année jusqu'à la onzième inclusivement, adoptés et reconnus par les écoles publiques, catholiques ou protestantes selon le cas, soient dispensés a tous les enfants domiciliés dans le territoire soumis à leur juridiction s'ils sont jugés aptes à suivre ces cours et désireux de s'y inscrire. Peut-on être contre cela, contre le choix libre d'un Anglais d'apprendre dans sa langue la formation dont il a besoin et en vertu du principe no 1 de respecter la langue de la majorité et quand il s'agira de passer des examens, d'avoir la connaissance d'usage suffisante? Allons donc! Nous avons pratiqué chez nous un « fair play » particulier.

C'est M. Angers, le grand croisé de l'heure, qui disait ces jours derniers — il a tenté de définir cette dualité dans le Canada — sur le respect des minorités en dehors du Québec: « Ce qui importe à l'heure actuelle, c'est la reconnaissance du fait français à travers tout le Canada comme étant l'un des deux faits ethniques fondamentaux d'une confédération canadienne et comme comportant le droit national des Canadiens français, en tant que collectivité, de se gouverner eux-mêmes, selon leurs vues propres, dans tout cadre régional valable où ils peuvent constituer une majorité ». C'est M. Angers qui dit cela pour défendre les droits de la minorité française à travers le Canada.

Quand il s'agit de la province de Québec, il fait demi-tour et cela ne compte plus pour lui. Le principe énoncé dans l'article 2, peut-on être contre cela? Sommes-nous des traîtres? N'avons-nous pas véritablement assez confiance dans le peuple français du Québec pour croire qu'ils continuera de s'éduquer, de s'enrichir au point de vue mentalité et au point de vue intellectuel dans sa propre langue? C'est impensable quand, chez des Franco-Américains, après deux siècles d'histoire, lorsque nous allons les visiter, soit dans le Maine ou dans le New-Hampshire, nous retrouvons encore dans la maison la langue de la famille, ce bon vieux parler québécois.

Eux aussi ont eu la chance de s'anglifier. Eux, particulièrement, qui n'avaient pas d'écoles, qui étaient obligés de s'instruire dans la langue de la majorité. Eux aussi ont fait des efforts et ont conservé cette langue dans leur famille, ce qui les honore aujourd'hui, parmi les trois millions de Franco-Américains qui sont aux Etats-Unis.

Dans notre province, on dit que les Canadiens français opteraient pour apprendre l'anglais? C'est ridicule à la base même. C'est l'argument de ceux qui n'en ont plus, de ceux qui veulent essayer de se montrer plus vertueux et plus patriotes que nous. Ceux qui veulent véritablement bien servir la cause du Canada français, du Québécois chez nous, sont ceux qui, dans cette Chambre tout à l'heure, vont voter pour les principes contenus dans ce bill 63. C'est à l'honneur du parlement de Québec de voter cette loi à l'unanimité en deuxième lecture.

M. le Président, le troisième principe, le premier principe vous l'avez reconnu. Le ministre doit prendre des dispositions particulières pour que la connaissance d'usage de la langue de la majorité soit aux examens reconnue pour obtenir le diplôme de la province. Deuxième principe, le choix. Je trouve que c'est démocratique, je trouve que c'est logique et Je trouve que c'est ce que le gouvernement de ma province devait faire en reconnaissance d'une tradition qui est séculaire chez nous.

Ce n'est pas parce qu'on n'a pas reconnu ça dans les autres provinces pendant des années que nous devons, chez nous, faire de l'ostracisme. Non, nous avons été reconnus pour un peuple à vues larges, nous avons accepté chez nous ces Anglais, ce parler anglais qui avait certaines traditions. Nous les avons respectés, nous les avons aidés dans le système scolaire et nous avons voulu qu'ils vivent chez nous, côte à côte, comme des bons Québécois, anglais ou français, mais de bons Québécois qui veulent véritablement servir la nation.

Le troisième principe, M. le Président, c'est en ce qui regarde l'immigration. Eh bien, notre désir, le premier ministre l'a explicité cet après-midi; c'est, dès qu'un immigrant fera sa demande dans un bureau, soit en France, soit en Italie, soit en Angleterre pour venir s'établir dans la province de Québec, qu'il soit bien compris qu'il s'en va vivre dans une province française, qu'il sera obligé de faire les 20 semaines de bain naturel dans la langue française et que, comme on l'a dit cet après-midi, il devra continuer sa formation dans la langue de la majorité.

Et cela, ça sera bien défini en partant du lieu même où nous viennent les immigrants.

Qu'est-ce que voulez, c'est ça qui est tout le bill! Et nous sommes des traîtres? Nous avons commis un crime es nation...

M. LESAGE: Lèse-nation.

M. BELLEMARE: Mettez ça dans Lèse-nation, je n'ai pas d'objection. Je ne suis pas susceptible, je ne suis pas comme le vieux PQ, mol; je suis capable de me faire reprendre sans me choquer. Mais je ne dis pas, par exemple, que je suis savant sur tout.

Dans quelques minutes les cloches sonneront, et ça sera un moment historique pour ceux qui voteront en faveur d'un bill qui assure chez nous une tradition, mais qui reconnaît un fait français, un fait où on établit définitivement une priorité, où dans les principes mêmes de la loi nous la reconnaissons. Mais pourquoi soulever ces jeunes dans nos écoles, préparer cette révolution à même ces jeunes cerveaux à qui on lance un appel à la révolte sur la place publique?

Eh bien, M. le Président, pour plusieurs d'entre eux, c'était peut-être un soir de carnaval, mais pour nous, ce soir, c'est un soir de responsabilité parlementaire, c'est un soir où la nation sera fière de nous demain, parce que nous aurons pris une attitude véritablement logique avec notre passé, avec notre présent et particulièrement pour les années à venir.

Aujourd'hui nous légiférons dans l'éducation, demain ça sera dans le travail. Déjà, dans la langue du travail, combien de progrès avons-nous faits en silence sans le dire! Aujourd'hui, au ministère du Travail, les conventions collectives sont presque à 99% écrites et rédigées en français. En français, toutes les conventions collectives! Et nous donnons à ceux qui en demandent des traductions anglaises. Un pas considérable de fait dans l'atelier par l'étude de terminologie des mots, un « tire », un pneu et le reste et le reste pour donner véritablement à ces gens de l'atelier le respect de leur langue.

J'entendais quelques contestataires pas loin du Parlement, ici l'autre jour, qui disaient: « En tout cas, cré-moi ben i vont en manger une ...» — ça commence par C. J'ai dit: « Vous êtes venus contester ? » Il m'a dit: « Oui en c... Pensez-vous que ce sont pas des bâtards, des enfants...» J'ai dit: « Si vous êtes venus protester pour protéger la langue que vous parlez, vous seriez mieux de vous en aller chez vous ».

M. PINARD: Ils voulaient protéger la liturgie.

M. BELLEMARE: La liturgie! Il y a bien des saints qui sont délogés vous savez, surtout saint Jude. Alors, je remercie très sincèrement tous ceux qui ont participé à ce débat. Il y en a quelques-uns qui ont été un peu méchants, avant six heures, particulièrement quelques-uns à ma gauche. Non, à ma droite. Mais je sais que l'honorable député d'Ahuntsic s'était ennuyé de notre Chambre et il a voulu faire un discours de réparation, surtout devant son parti qui attendait sûrement cette nouvelle incursion dans un domaine particulier.

M. LEFEBVRE: Je sens que le ministre va être hors d'ordre.

M. BELLEMARE: Vous avez parfaitement raison, surtout quand je parle de vous.

M. LEFEBVRE: II y a un temps pour chaque chose.

M. BELLEMARE: Je pense que vous avez été hors d'ordre avant moi dans votre parti, mais je n'en parle pas.

Je termine et je dis donc merci au premier ministre qui mérite sûrement le témoignage de tout ce Parlement pour le courage qu'il a manifesté, pour la détermination qu'il a bien voulu apporter à présenter ce bill. Je suis sûr que le premier ministre a dû recevoir bien des témoignages de félicitations et il a reçu le tribut de l'injure. On ne l'a pas ménagé. Mais je lui dis: Ne vous en faites pas, mon cher premier. Pendant la grève de la construction, on m'a pendu onze fois, on m'a brûlé 22 fois, on m'a flagellé cent fois et on m'a même fait sortir de mes appartements quatre fois; tout ça pour régler une grève. Je suis sûr qu'aujourd'hui le calme est revenu. Ceux qui ont fait ces gestes sont peut-être les premiers à le regretter. Mais, derrière eux, il y avait des instigateurs, il y avait des agitateurs, eux on les retrouve partout. C'est avec fierté, avec bonheur et avec joie que l'équipe de l'Union Nationale, que l'équipe libérale, probablement à 100% comme chez nous, votera en faveur de la deuxième lecture du bill.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Que les honorables députés qui sont en faveur de la motion en deuxième lecture veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bertrand, Bellemare, Fréchette, Johnston, Vincent, Paul, Lizotte, Gosselin, Tremblay (Chicoutimi),

Allard, Morin, Russell, Lafontaine, Loubier, Cardinal, Maltais (Limoilou), Cloutler, Bolvin, Beaulieu, Boudreau, Mathieu, Lussier, Beaudry, Bernatchez, Gauthier (Roberval), Lavoie, Sauvageau, Plamondon, Gauthier (Berthier), Gagnon, Théoret, Demers, Léveillé, Desmeules,Croisetière, Hamel, Roy, Leduc (Laviolette), Martel, Martellani, Slmard, Gardner, D'Anjou, Bergeron, Picard (Dorchester), Shooner, Belliveau, Croteau, Gauthier (Trois-Rivières), Lesage, Séguin, Cliche, Pinard, Courcy, Levesque (Bonaventure), Arsenault, Wagner, Lafrance, Lacroix, Parent, Brisson, Hyde, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Binette, LeChasseur, Harvey, Coiteux, Blank, Bourassa, Choquette, Baillargeon, Cadieux, Fournier, Kennedy, Mailloux, Théberge, Lefebvre, Bienvenue, Fraser, Goldbloom, Houde, Leduc (Taillon), Pearson, Picard (Olier), Saindon, Saint-Germain, Tetley, Tremblay (Bourassa), Hanley.

M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont contre la motion en deuxième lecture veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Flamand, Proulx, Michaud, Tremblay (Montmorency), Lévesque (Laurier).

M. LE SECRETAIRE: Pour: 89 Contre: 5 Yeas: 89 Nays : 5

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture est adoptée.

Comité plénier

L'honorable ministre de l'Education propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plênier pour l'étude du bill 63.

L'honorable député de Gouin.

Amendement de M. Michaud

M. MICHAUD: M. le Président, je propose, si j'ai un secondeur, que la motion en discussion soit amendée...

M. LOUBIER: Le député d'Ahuntslc va seconder.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MICHAUD: ... et que le bill présentement à l'étude soit renvoyé au comité de la constitution, avec instruction d'entendre les parties intéressées et de faire rapport à la Chambre dans un délai de trois mois.

M. BELLEMARE: Je ne sais pas si l'honorable député pourra avoir l'aumône d'un secondeur.

M. MICHAUD: En vertu de l'article 560 de notre règlement...

M. LEVESQUE (Laurier): Je seconderai la motion du député de Gouin.

M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, vous avez dû remarquer que vous avez dit, il y a deux minutes, que la motion de deuxième lecture était adoptée. Cette motion de deuxième lecture permettait, en vertu de l'article 567, de faire la motion du renvoi à trois mois ou six mois. Sinon, cela équivaut à reprendre les choses ab origine.

M. CARDINAL: Comment? M. BERTRAND: Ab origine.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire que ce que veut le député, c'est de renvoyer le bill aux calendes grecques.

M. MICHAUD: Non, non, absolument pas. M. le Président, sur le point de règlement, je crois qu'il y a une interprétation...

M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai la parole; il n'y a pas de point d'ordre.

M. MICHAUD: Je croyais que vous aviez fini.

M. BELLEMARE: Je ne crois pas avoir manqué au règlement en disant, que la motion est hors d'ordre. D'ailleurs, ce bill vient d'être adopté en deuxième lecture par la majorité parlementaire. Il n'est plus question d'amendement en deuxième lecture. La deuxième lecture ayant été votée, le Parlement s'étant prononcé, la deuxième lecture est finie.

M. le Président, ce n'est pas tout à fait le temps de renvoyer le bill ad patres. Je pense plutôt qu'il faut être sérieux. On a joué le jeu de la démocratie. Il y a eu des gagnants. Il y a eu des perdants. M. le Président, vous avez vous-même déclaré la motion de deuxième lecture votée et acceptée. La motion que vous venez de faire, proposée par l'honorable ministre de l'Education, c'est pour aller en comité. Il ne peut y avoir à ce moment-ci, en vertu de notre règlement, d'amendement au bill qui vient d'être lu en deuxième lecture. Le député s'est justement servi de l'article 557...

M. MICHAUD: L'article 560.

M. BELLEMARE: ... dans lequel il est dit: « II peut être proposé d'amender toute motion de deuxième lecture. » Donc la motion de deuxième lecture est terminée par le vote de la Chambre et on dit, M. le Président, tout de suite après comment devra s'interpréter l'amendement, soit à trois mois, soit à six mois ou, au deuxième paragraphe: « Cet amendement ne peut contenir d'exposés de motifs et ne peut être amendé. » Cela, c'est notre article 557. La phase de la deuxième lecture étant terminée, on ne peut pas, sur une motion qui vient d'être faite d'aller en comité, en comité plénier, pour maintenant étudier article par article. Si l'honorable député veut faire, en troisième lecture, la motion qu'il vient de présenter, je lui donne le conseil de se référer à l'article 572 et il pourra trouver facilement les moyens de faire valoir son droit à une motion.

M. MICHAUD: M. le Président, sur le point de règlement...

M. LESAGE: Le ministre du Travail me permettrait-il une question?

M. BELLEMARE: Oui.

M. LESAGE: II s'agit d'un point de règlement. Il est clair que, sur le mérite de la question, je suis contre la motion. Mais, je voudrais demander au ministre du Travail comment il interprête l'article 560.

M. BELLEMARE: « Sauf les restrictions énoncées par l'article 561...

M. LESAGE: Lisez l'article 560. M. MICHAUD: Lisez-le.

M. BELLEMARE: M. le Président, je dis que la motion est irrégulière dans sa forme. Le député se sert des expressions contenues dans l'article 557 qui ne sont pas conformes parce qu'en vertu de la deuxième lecture, c'est le seul mérite qu'a cette proposition de pouvoir se servir du deuxième, du troisième ou du sixième mois.

M. MICHAUD: M. le Président, sur le point de règlement.

M. LE PRESIDENT: Je ne veux pas rendre de décision, je veux simplement indiquer un article qui, je crois, jetterait un peu de lumière sur le débat. J'invite les honorables députés à regarder l'article 316, troisièmement et peut-être en discuter, cela m'éclairerait.

M. MICHAUD: M. le Président, si vous me permettez, sur le point de règlement, je crois que le ministre du Travail confond l'article 560 avec l'article 557. Le ministre du Travail prétend que je n'ai pas le droit, à ce moment-ci, en vertu de l'article 557, de présenter une motion pour aller en comité élu.

Or, cette motion est présentée en vertu de l'article 560 qui dit ceci: « Sauf les restrictions énoncées dans le paragraphe 2 de l'article 561. » Vous retournez à l'article 561, et le paragraphe 2 dit ceci: « II n'est pas besoin de renvoyer à un comité plénier un bill de subside. » Ce qui n'est pas le cas actuellement. Et l'article 560 poursuit: « La Chambre, immédiatement après la deuxième lecture d'un bill public » — ce qui est le cas avec le projet de loi 63 qui vient d'être voté sur la deuxième lecture, sur le principe du bill — « se forme en comité plénier pour prendre ce bill en considération, à moins qu'il ne soit proposé de le renvoyer à un comité élu, » — tel est le sens de la proposition devant vous: renvoyer le bill à un comité élu, donc le comité de la constitution qui est un comité permanent de la Chambre, comité parlementaire auquel siègent des représentants ministériels et de l'Opposition — « qu'il n'ait été annoncé que des instructions seraient proposées ou que le bill, si la Chambre en a ordonné la réimpression... » Le reste n'est pas pertinent.

La note 5 de l'article 560 précise exactement quand une motion de cette nature doit être présentée à la Chambre. « Quand un député désire que le bill soit renvoyé à un comité élu, il peut faire une motion à cet effet dès que le bill a été lu une deuxième fois. » Ce qui vient d'arriver, nous avons lu le bill une deuxième fois...

DES VOIX: Vote! Vote!

M. BELLEMARE: Pas du tout, pas du tout. Nous, nous aimons mieux ne pas perdre notre temps.

M. MICHAUD: M. le Président, si vous voulez me laisser faire ma démonstration.

M. TREMBLAY (Montmorency): Laissez-le parler.

DES VOIX: Vote! Vote!

M. MICHAUD: J'ai tout mon temps. Alors,

M. le Président, la note 5 de l'article 560 dit que lorsqu'un député désire que le bill soit renvoyé à un comité élu... et là il ne faut pas confondre la substance de la motion qui est de renvoyer le bill à un comité élu avec certaines instructions, tel que nous le prescrit l'article 560, qui dit: « Cette motion n'a pas besoin d'être annoncée. »

Je soumets donc respectueusement qu'en vertu de cet article 560, note 5, la recevabilité de ma motion devrait être acceptée par la présidence que vous représentez.

M. LEVESQUE (Laurier): Je désire attirer l'attention de la Chambre sur l'article 316. Le député de Gouin vient d'expliquer comment il s'est basé pour sa motion sur l'article 560, en particulier sur le cinquièmement, je crois. L'article 316, auquel vous nous avez déférés vous-même, a mon humble avis, confirme encore davantage l'argumentation du député de Gouin parce que dans l'article 316, premièrement, on dit: « Quand la Chambre a décidé de se former immédiatement en comité plénier, ou quand il est lu un ordre du jour décidant la formation en comité plénier — ce qui est exactement ce qui s'est passé par votre bouche, sauf erreur, M. le Président, vous avez proposé la formation en comité plénier — « l'orateur met aussitôt en délibération cette motion » — que vous avez faite — « à moins qu'il ne soit proposé, dit l'article 316, premièrement, par une motion non annoncée, de révoquer l'ordre du jour et de renvoyer l'affaire a un comité élu. »

Maintenant, à troisièmement de l'article 316: « La motion peut être amendée mais non pas pour y ajouter des mots ». Donc, il s'agit simplement de substituer au renvoi au comité plénier, le renvoi à un comité élu. Alors, la motion présentée par le député de Gouin ne prétend pas amender du tout, je crois. La motion principale dit simplement ce que dit l'article 316 et confirme l'article 560 sur ce point: « Que le bill présentement à l'étude soit envoyé au comité de la constitution — qui, je crois, est un comité élu de cette Chambre — avec instruction... Si on croit que « instruction d'entendre les parties intéressées et de faire rapport à la Chambre dans un délai de trois mois » est de trop, je suis bien sûr que le député de Gouin pourrait rayer ces mots. C'est à vous, M. le Président, d'interpréter le cas.

L'essentiel est de le renvoyer à un comité élu sans amender autrement la motion principale sauf que, je suppose par souci de logique, le député de Gouin a dit: On devrait faire quelque chose au comité de la constitution. Main- tenant, les mots « trois mois », qui sont entre guillemets dans l'article 557,à propos de la deuxième lecture, reviennent ici simplement comme un délai raisonnable, mais je ne crois pas que notre règlement dise, nulle part, que, parce que « trois mois » ou « six mois » sont entre guillemets, quand il s'agit de la deuxième lecture, mécaniquement à l'article 557, il est exclu que si l'on revient avec le même argument de fond, c'est-à-dire l'idée de renvoyer un bill, il soit nécessaire de ne pas dire à quel moment on en reparlera. Ce qui n'est pas dit n'est pas défendu.

M. LE PRESIDENT: Si je me réfère à l'article 560, je pense qu'il faut tout de même le lire en tenant compte de l'article 558. Il s'agit d'une motion d'amendement. « Que saformula-tlon même l'indique bien et que la motion en discussion soit amendée ». C'était, je pense, la façon de procéder, sauf que les mots qui me donnent une sérieuse inquiétude sont les mots « avec instruction d'entendre les parties intéressées ». C'est le mot « instruction » qui me fait pencher de l'autre côté. Si on avait simplement fait une motion dans le but de la retarder ou de la reporter à plusieurs mois ou à plusieurs jours, je n'aurais pas eu le même doute. Mais si on lit l'article il, à l'article 558 qui, je pense, fait partie de la même section, on lit ceci: « Il est irrégulier, sur la motion de deuxième lecture, de proposer des instructions quand... » Excusez.

M. MICHAUD: Plénier. Tel n'est pas le cas.

M. LE PRESIDENT: Non, je pense que l'article 558 s'appliquait à la motion de deuxième lecture. Est-ce que je peux inscrire que la Chambre considère la motion comme recevable et veut se prononcer?

M. BELLEMARE: Vote.

DES VOIX: Vote.

M. BELLEMARE: Même vote.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si la motion est considérée comme recevable, je crois que le député de Gouin aurait besoin d'instruction et moi aussi, mais est-ce qu'il est exclu par notre règlement que cette motion puisse être justifiée en ce moment? Autrement dit, est-ce que la motion peut être débattue avant que le vote n'intervienne ou s'il faut que le vote intervienne immédiatement?

M. LE PRESIDENT: Si la Chambre décide de la non-recevabilité... Là, je demande à la Chambre de se prononcer et je fais cet appel en vertu de l'article 70, puisqu'il s'agit d'une question qui, je ne le cache pas, m'embarrasse. La Chambre, à ce moment-là, est souveraine. La Chambre, se prononçant sur la recevabilité ou la non-recevabilité, ceci peut naturellement clore le débat. Si la Chambre en vient à la conclusion qu'il s'agit d'une motion non recevable, il n'y aurait pas de débat.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais, si la Chambre considère que la motion est recevable... Je vous demande seulement une explication. D'abord, est-ce que vous-même devez rendre une décision, M. le Président, ou si vous la laissez à la Chambre?

M. LE PRESIDENT: Comme je viens de le dire, je m'en reporte à la Chambre, puisque la question est assez complexe. A ce moment-là, la Chambre peut décider de la recevabilité ou de la non-recevabilité. Si la Chambre en vient à la conclusion qu'il s'agit de non-recevabilité, à ce moment-là, il ne peut y avoir de débat.

M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que cela pourrait vouloir dire qu'une autre motion pourrait être présentée, limitant strictement la proposition à retourner le bill à un comité élu?

M. LE PRESIDENT: C'est-à-dire que...

M. MICHAUD: Afin d'éviter de faire perdre du temps à la Chambre, je veux bien reformuler ma motion d'une autre façon. Je propose... M. le Président...

M. LES AGE: M. le Président, on comprendra que, comme chef de l'Opposition, je suis placé dans une situation extrêmement délicate. Le président de la Chambre demande à la Chambre de se prononcer non pas sur le mérite, mais sur la régularité de la motion d'amendement. Pour ma part, je crois que la motion est régulière. Je voterai donc pour que la motion soit reçue comme régulière, mais je ne peux en aucune façon engager les membres de mon parti et, quant à mes députés, le vote sera libre.

C'est une opinion personnelle que j'exprime sur la recevabilité de la motion.

M. PAUL: Dois-je comprendre que l'honorable député de Gouin aurait l'intention de retirer sa motion pour en proposer une autre?

M. MICHAUD: Afin d'éviter de faire perdre du temps à la Chambre.

M. PAUL: M. le Président pourriez-vous demander à la Chambre si elle consent que l'honorable député de Gouin retire sa motion et qu'il nous en présente une autre?

M. MICHAUD: Bon. Volontiers. Que la motion en discussion, c'est-à-dire la motion pour aller en comité plénier...

M. PAUL: Je pense bien qu'il y aurait lieu, dans les circonstances, de savoir quel est le consentement de la Chambre sur l'opportunité qui pourrait être donnée à l'honorable député de Gouin de retirer sa motion. A ce moment-là, nous serons saisis d'une nouvelle motion.

M. MICHAUD: Est-ce que j'ai le consentement de la Chambre?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre consent?

DES VOIX: Oui.

M. MICHAUD: En vertu de l'article 560, note 5, des règlements, je propose donc que la motion en discussion soil amendée et que le bill présentement à l'étude soit renvoyé au comité de la constitution.

M. PAUL: Je soumets respectueusement que cette motion doit être rejetée et voici pourquoi. Tout d'abord, l'article 316 ne peut pas s'appliquer parce que la Chambre n'a pas décidé de se former en comité plénier. Par conséquent, nous sommes liés par l'article 560. La motion de l'honorable député, telle qu'elle est rédigée, ne comporte aucune instruction. Par conséquent...

M. MICHAUD: C'est de la bêtise.

M. PAUL: La motion de l'honorable député de Gouin est à l'effet de référer le bill au comité de la constitution.

M. MICHAUD: Avec instruction...

M. PAUL: Si le bill est référé au comité de la constitution, qu'est-ce qui va arriver? Aucune instruction n'est donnée au comité pour en faire l'étude, par qui? Avec des instructions d'étudier quoi? Et de faire rapport à la Chambre quand?

M. MICHAUD: C'est contraire à ce que le ministre du Travail vient de dire.

M. PAUL: Nous soumettons respectueusement que la motion de l'honorable député de Gouin, telle qu'elle est présentée devant cette Chambre, est tout à fait inutile, tout à fait irrecevable, parce que, si elle était adoptée, elle ne permettrait pas une étude logique et progressive du bill dont nous sommes actuellement saisis. Pour toutes ces raisons, en tenant compte de la motion qu'a bien voulu nous présenter l'honorable député de Gouin, je soumets qu'elle doit être rejetée.

Si nous nous en reportons à l'article 560, il faut y lire que des instructions doivent être données à un comité élu pour que nous puissions faire une étude intelligente du projet de loi déféré audit comité.

M. MICHAUD: M. le Président, sur le point de règlement soulevé par le ministre de la Justice, le premier amendement qui a été proposé tout à l'heure visait...

M. PAUL: M. le Président, je soumets respectueusement, je soulève à un point d'ordre...

M. MCHAUD: ... à donner des instructions au comité élu.

M. PAUL: En vertu de l'article 285 de notre règlement, l'honorable député ne peut pas se référer à une question dont la Chambre a été saisie et dont la Chambre s'est désaisie volontairement par la suite.

M. MICHAUD: M. le Président, sur le point d'ordre, l'article 560 — je ne ferai pas allusion à l'autre motion, je m'en tiendrai strictement à celle-ci — dit que « sauf les restrictions énoncées dans le paragraphe 2 de l'article 561 la Chambre, immédiatement après la deuxième lecture d'un bill public, se forme en comité plénier pour prendre ce bill en considération, à moins qu'il ne soit proposé de le renvoyer à un comité élu — et on ajoute — qu'il n'ait été annoncé que des instructions seraient proposées ou que le bill... »

Alors, je soumets respectueusement que les instructions ne sont pas corollaires au fait que le bill doit être envoyé à un comité élu. On peut très bien présenter deux motions. Une motion, qu'il soit renvoyé à un comité élu; une autre motion, qu'il soit renvoyé à un comité élu avec instructions. Je ne crois pas que le règlement, tel qu'il est formulé, précise... c'est-à-dire avec les deux virgules qui sont après les mots « considération, à moins qu'il ne soit proposé de le renvoyer à un comité élu,... » ceci veut dire que ce membre de phrase est une pres- cription impérative de notre règlement. La formulation que je viens de faire à l'effet que le bill doit être envoyé à un comité élu, donc le comité de la constitution, je pense bien qu'on ne saurait mettre en doute que le comité permanent de la Constitution soit un comité légitime et régulièrement formé. Donc, M. le Président, je crois que ma motion, telle qu'elle est présentée, sans instructions, est recevable comme était recevable celle qui était présentée avec des instructions au comité.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sur un point d'ordre, il me semble que le ministre de la Justice aurait eu intérêt à lire les deux articles qui sont concernés...

M. PAUL: Je les ai lu bien plus souvent que vous, les règlements.

M. LEVESQUE (Laurier): ... dont l'une a été suggérée par vous-même, M. le Président, parce que, ce que vient de dire le député de Gouin en parlant — je ne qualifierai pas le jeu parlementaire auquel on vient d'assister — mais en parlant de l'article 560, c'est-à-dire qu'à moins, dans l'article 560, à moins qu'il ne soit proposé de le renvoyer en comité élu, virgule, qu'il n'ait été annoncé que des instructions seraient proposées ou... ce qui, comme le dit le député de Gouin, permet d'interpréter comme des choses qui ne sont pas nécessairement complémentaires mais, au contraire, qui s'excluent. Mais si on va à l'article 316, cela devient infiniment plus clair. Voici ce que l'article 316 dit...

M. PAUL: Etes-vous capable de lire l'article 316, les premiers mots?

M. LEVESQUE (Laurier): Voici ce que l'article 316 dit : « Quand la Chambre a décidé de se former immédiatement en comité...

M. PAUL: Quand la Chambre s'est-elle prononcée et a-t-elle décidé de se former en comité plénier?

M. LEVESQUE (Laurier): « Quand la Chambre a décidé de se former immédiatement en comité plénier », virgule...

M. PAUL: Bon, elle ne l'a pas prononcé, la Chambre...

M. LEVESQUE (Laurier): ... « ou quand il est lu un ordre du jour décrétant la formation d'un comité plénier... » au moment où le comité plénier n'est pas formé, donc, c'est-à-

dire qu'il est propose... « l'orateur met aussitôt en délibération cette motion, à moins... » — et là cela devient clair, la logique à propos des instructions et du comité élu — ... « à moins qu'il ne soit proposé par une motion non annoncée de révoquer l'ordre du jour et de renvoyer l'affaire à un comité élu, virgule, où qu'il n'ait été annoncé que des instructions seraient proposées...

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député me permet une question?

M. LEVESQUE (Laurier): Alors partant de là, M. le Président...

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député me permet une question?

M. LEVESQUE (Laurier): Non. Partant de là, il me semble évident que l'article 560 complété par l'article 316, et surtout en tenant compte de la logique des deux étapes qu'on vient de parcourir et encore une fois sur lesquelles je ne qualifierai pas le petit jeu du ministre de la Justice, il me semble que c'est clair.

M. PAUL: Non, contentez-vous de vous qualifier vous-même.

M. MICHAUD: M. le Président, sur la motion...

M. LEVESQUE (Laurier): Maintenant si le ministre a une question, je peux répondre. Je voulais terminer ma phrase.

M. BELLEMARE: Le vieux, vieux, vieux chef...

M. LE PRESIDENT: Comme il est dix heures, j'étudierai cette question dans mes moments de loisir, et je rendrai une décision demain ou jeudi.

M. BERTRAND: Jeudi. M. LE PRESIDENT: Jeudi.

M. PAUL: Demain, nous étudierons la motion de l'honorable député de Gouin, au sujet du bill 99, la deuxième lecture du bill et peut-être la formation en comité plénier. Je dis peut-être...

M. MICHAUD: Il y a une résolution qu'on a renvoyée en comité élu.

M. PAUL: Par la suite, nous pourrions appeler la motion de l'honorable député de Gatineau.

Alors sur ce, M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain après-midi, trois heures.

M. LEVESQUE (Laurier): Avant qu'on ajourne, vu l'importance du sujet, est-ce que le premier ministre ou le leader parlementaire du gouvernement pourrait nous indiquer aussi précisément qu'ils le peuvent, sinon, bien tant pis, à quel moment le bill 63 reviendra devant le Parlement?

M. PAUL: J'invite l'honorable député de Laurier à être en Chambre demain à six heures et il connaîtra l'ordre du jour des travaux de jeudi.

DES VOIX: Très bien.

(Fin de la séance: 22 h 1)

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