Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures sept minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions.
Lecture et réception de pétitions.
Présentation de rapports de comités élus.
A l'ordre!
Présentation de motions non-annoncées.
Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics.
M. BERTRAND: Un instant...
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. BERTRAND: ... f)
Bill 62
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la
première lecture de la Loi concernant l'organisation scolaire sur
l'île de Montréal.
L'honorable ministre de l'Education.
M. CARDINAL: M. le Président, le projet de loi 62, Loi concernant
l'organisation scolaire sur l'île de Montréal, est un projet de
loi important dont je donnerai aujourd'hui les notes explicatives qui nous
permettront d'en saisir la portée.
Ce projet propose le remplacement des municipalités et des
commissions scolaires qui existent sur l'île de Montréal par onze
nouvelles municipalités scolaires et onze nouvelles commissions dont les
membres seront élus pour les deux tiers au suffrage universel et pour
l'autre tiers par des représentants des parents.
Ces commissions, qui seront formées le 1er juillet 1971, auront
essentiellement un rôle pédagogique et seront chargées
d'offrir, à la fois, l'enseignement catholique, l'enseignement
protestant et l'enseignement autre que catholique ou protestant aux enfants de
leur territoire.
Le bill prévoit aussi la formation, dans chaque école,
d'un comité composé de parents des élèves et
chargé de veiller à la qualité de l'enseignement qui y est
donné. Les membres de ces comités seront élus par les
parents des élèves et désigneront parmi eux les membres du
collège électoral chargé d'élire un tiers des
commissaires.
L'autorité de ces commissions scolaires sera coordonnée
par un conseil scolaire composé de quinze personnes nommées par
le lieutenant-gouverneur en conseil qui devra choisir au moins un membre de
chacune de ces onze commissions. Ce conseil sera propriétaire des
équipements scolaires, percevra les taxes requises et mettra à la
disposition des commissions scolaires les immeubles et les services dont elles
auront besoin.
A ces fins, le projet de loi modifie la Loi de l'instruction publique en
insérant à la fin de cette loi, trois séries de
dispositions.
Le premier groupe de ces dispositions traite de l'organisation des
nouvelles commissions scolaires. Il leur confie, en outre des fonctions
pédagogiques déjà mentionnées, la tâche
d'engager le personnel conformément aux conditions de travail
établies par le conseil, d'utiliser les deniers qui leur sont remis par
le conseil, d'administrer les équipements que celui-ci met à leur
disposition et d'aviser le conseil sur l'implantation des équipements
futurs.
Les commissions scolaires seront administrées par six
commissaires élus pour un mandat de quatre ans. Quatre d'entre eux
seront élus au suffrage universel. L'élection se tiendra le
premier dimanche de novembre et toute personne qui est âgée de
dix-huit ans, qui est de citoyenneté canadienne et qui est
domiciliée dans un quartier de la commission le 1er septembre
précédant l'élection a droit de voter dans ce
quartier.
Les deux autres commissaires sont élus à la même
date par un collège électoral formé de la moitié
des membres des comités d'école.
Chaque commission scolaire doit nommer un directeur
général ainsi qu'un directeur général
associé chargé de l'enseignement catholique, un autre
chargé de l'enseignement protestant et un troisième chargé
de l'enseignement autre que catholique ou protestant.
Chaque commission doit faire approuver son budget, chaque année.
Lorsqu'elle encourt une dépense qui n'y était pas prévue
et qui n'a pas été autorisée par le ministre, sur la
recommandation du conseil métropolitain, les personnes qui ont permis ou
approuvé cette dépense peuvent être tsnues personnellement
responsables du paiement des sommes en cause.
Le gouvernement pourra aussi, dans ce cas, suspendre les pouvoirs de la
commission, nommer un administrateur et destituer les responsables.
Le deuxième groupe de dispositions qui sont ajoutées
à la Loi de l'instruction publique traite des comités
d'école. Pour les fins de ces comités, une école est un
édifice ou une partie d'un édifice occupé par un
groupement d'élèves et d'instituteurs sous l'autorité d'un
directeur et oft les cours qui sont donnés sont conformes, soit au
programme catholique, soit au program-
me protestant, soit au programme autre que catholique ou protestant.
En d'autres mots, le mot école désigne une
communauté d'étudiants, sous une seule et même direction
pédagogique et dans une des deux confessions déjà connues
ou dans un groupe multi confessionnel.
Le nombre de membres d'un comité varie suivant le nombre
d'élèves inscrits à l'école. En outre des membres
élus par les parents, chaque comité comprend aussi, à
titre de membres adjoints, le directeur de l'école et un
représentant du personnel enseignant. C'est l'institutionnalisation
juridique des ateliers pédagogiques.
Les membres de ces comités sont élus pour deux ans, sauf
les premiers qui seront élus la moitié pour un an et l'autre
moitié pour deux ans.
Chaque comité d'école dispose, pour la poursuite de ces
fins, d'une allocation monétaire versée par la commission.
Enfin, un dernier groupe de dispositions concerne le conseil scolaire de
l'île de Montréal et de l'île Bizard. Les membres du conseil
sont nommés pour quatre ans et divers contrôles sont prévus
quant à l'exercice des pouvoirs corporatifs du conseil, y compris les
dispositions analogues à celles qui sont prévues pour les
commissions scolaires en cas de dépenses non autorisées.
Ce conseil sera formé à la date de la sanction du bill et
sera chargé, jusqu'au premier Juillet 1971, date de la formation des
nouvelles commissions scolaires, de préparer la mise en place des
nouvelles structures. Il sera composé, durant cette période, de
treize membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, dont dix
seront choisis parmi les membres des commissions qui existent
présentement sur l'île de Montréal.
Durant cette période, le conseil sera plus
particulièrement chargé de procéder à l'inventaire
de l'actif et du passif des commissions existantes et de dresser un bilan
d'intégration de leur personnel dans les nouvelles structures en
effectuant les consultations appropriées.
Il pourra aussi exercer les pouvoirs des futures commissions scolaires
en attendant leur formation, et celles-ci seront liées par les actes
qu'il aura ainsi posé avant le 1er juillet 1971. Les commissions
scolaires existantes seront dissoutes le premier Juillet 1971 et leurs biens
ainsi que leurs obligations seront transmis au conseil qui pourra les
répartir entre lui-même et les nouvelles commissions scolaires.
Les personnes qui seront à l'emploi des commissions scolaires actuelles
le 30 juin 1971 deviendront des employés soit du conseil, soit de
nouvelles commissions scolaires le 1er juillet suivant, conformément au
plan d'intégration dressé par le conseil.
Le projet de loi maintient toutefois les droits et obligations des
employés et des associations accréditées pour les
représenter. Jusqu'au 1er juillet 1971, les commissions existantes
devront obtenir l'assentiment du conseil pour contracter une obligation ayant
effet après cette date ou retenir les services d'une personne d'ici
cette date.
Le projet prévoit aussi de nouvelles dispositions en
matière de taxation scolaire sur l'île de Montréal à
compter du 1er juillet 1971. Il prévoit que les immeubles ne seront plus
inscrits sur une liste catholique ou une liste protestante ou une liste neutre,
mais qu'ils feront désormais partie d'une catégorie groupant les
immeubles qui sont la propriété de particuliers ou d'une autre,
une seconde catégorie groupant ceux qui sont la propriété
de corporations. De plus, tout immeuble appartenant à un particulier et
évalué à plus de $100,000 fera l'objet d'une surtaxe pour
la partie qui excède ce montant. Le taux alors applicable sera le
même que celui qui sera en vigueur à l'égard des immeubles
possédés par des corporations. Les taxes seront
prélevées par les corporations municipales et remises au conseil
scolaire métropolitain. Les rôles d'évaluation, servant
à l'imposition de ces taxes, seront uniformisés pour toute
l'île de Montréal en utilisant les facteurs de correction
décrétés par la corporation de Montréal
métropolitain. Les taux de taxe en vigueur pour l'année scolaire
71/72 et pour les années subséquentes seront
déterminés par le conseil.
M. le Président, à ces notes je pourrais ajouter, pour le
bénéfice des membres de l'Assemblée nationale, le
détail de ces onze municipalités scolaires. Dans le projet de
loi, vous avez la définition ou la désignation technique de ces
municipalités sur le territoire desquelles les onze commissions
scolaires exerceront les pouvoirs que nous venons de mentionner. Comme ces
désignations techniques sont difficiles à saisir, j'ai fait
préparer une carte et je suis heureux de pouvoir en remettre une copie
pour chacun des membres de cette assemblée en même temps que le
projet de loi lui-même sera distribué.
Comme dernière remarque, Je voudrais souligner que ce projet de
loi se situe dans le contexte d'une politique du gouvernement concernant
l'uniformisation des rôles et le remplacement éventuel de la taxe
foncière par d'autres moyens de subvention des dépenses pour fins
d'éducation.
M. LESAGE: Le ministre n'aura sans doute pas d'objection à
répondre peut-être à une cou-
pie de demandes d'explications supplémentaires de ma part. Le
projet de loi prévoit que, sur les 15 membres du conseil scolaire de
l'île de Montréal, ils seront nommés par le gouvernement
soit un par commission scolaire. Y a-t-il obligation pour le gouvernement de
choisir ce membre parmi les quatre élus au suffrage universel, de
façon à éviter cette possibilité qu'à un
moment donné vous n'ayez, comme membres du conseil scolaire, que des
non-élus, sinon élus par des comités de parents?
M. CARDINAL: M. le Président, tel que l'indique le projet de loi
déposé, la seule obligation du gouvernement est de nommer 15
personnes dont onze sont choisies dans chacune des commissions scolaires.
M. LESAGE: J'ai compris cela.
M. CARDINAL; Cette personne choisie par la commission scolaire, la loi
n'indique pas si elle sera choisie parmi les gens élus au suffrage
universel ou parmi ceux qui viennent du collège électoral. Le
gouvernement, d'après le projet de loi présenté je
réponds à la question telle qu'elle est posée sera
libre. Cependant, on admettra qu'il s'agit ici de modalités
d'application de la Loi. Le gouvernement, dans ce cas comme dans tous les cas
précédents, prendra ses responsabilités pour une plus
grande démocratie...
M. LESAGE: M. le Président...
M. CARDINAL: ... de participation dans le domaine scolaire.
M. LESAGE: ... je ne vols pas que la question que j'ai posée
donne lieu à un discours électoral ou partisan. Ma question
était très simple. Tout ce que Je veux souligner au ministre de
l'Education, c'est que le projet de loi pourrait être modifié.
Qu'il y songe de façon à donner certaines garanties quant
à la nomination de ces membres par le gouvernement pour qu'il y en ait
au moins une majorité qui soit parmi ceux qui sont élus au
suffrage universel. C'est tout ce que je demande.
M. CARDINAL: M. le Président, je comprends fort bien, je crois,
la question du chef de l'Opposition. Je puis l'assurer qu'en parlant des
responsabilités du gouvernement je ne fais, d'une part, aucune
partisanerie; d'autre part, ces modalités pourront être
examinées.
Le projet déposé aujourd'hui est ce que je pourrais
appeler, M. le Président, un document de travail. Le gouvernement tient
à un certain nombre de principes qui sont derrière ce projet de
loi, mais, quant à ses modalités d'application, nous serons des
plus heureux, soit devant la commission permanente de l'Education, soit en
comité plénier, d'accepter les suggestions du chef de
l'Opposition ou de tout autre membre de cette assemblée.
M. LESAGE: M. le Président, on comprendra que j'ai
écouté la lecture des notes explicatives du ministre. C'est au
tout début de ses remarques qu'il a mentionné le choix de onze
des membres, un par commission scolaire. Ensuite, il a parlé de la
méthode de choix des six membres de chacune des commissions scolaires.
Alors, il m'est venu à l'esprit cette demande d'explications
supplémentaires. J'en ai une autre et, cette fois-ci, c'est au sujet de
la taxation.
Le ministre a dit qu'il y aurait deux catégories: la
catégorie des individus, la catégorie des corporations et que,
cependant, si un individu est propriétaire je comprends
très bien la raison; je n'ai pas besoin de faire de discours d'un
immeuble qui est évalué à au-delà de $100,000, il
devra payer une surtaxe au même taux que le taux des corporations pour ce
qui est supérieur à $100,000. Le ministre je ne demande
pas de réponse, il y pensera il est notaire, il a été
administrateur d'une compagnie de fiducie ne craint-il pas qu'il y ait
danger qu'il y ait avantage pour une société commerciale ou une
corporation à inscrire au nom d'une personne un immeuble parce que la
surtaxe ne s'appliquerait qu'à partir de $100,000 et non à partir
du premier dollar?
M. CARDINAL: M. le Président, je pense que le chef de
l'Opposition sait fort bien que nous nous comprenons parfaitement sur ce qui
vient d'être dit en termes généraux. Plus franchement, il a
été d'usage le praticien que J'ai été jadis
l'a constaté que, dans certaines corporations, pour éviter
jusqu'à présent ce qui était la taxe des neutres, l'on
inscrive, au nom de sa secrétaire ou de son secrétaire ou de qui
que ce soit, un immeuble appartenant à une corporation. C'est justement
pour tempérer d'une certaine façon ces usages que, dans le projet
de loi, il y a cette disposition.
Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition qu'il y a lieu d'y
réfléchir davantage. Ce qu'il faut éviter dans un sujet
semblable, c'est que l'individu qui, bona fide, aura acquis un immeuble pour
des fins commerciales, mais personnelles, ne soit taxé en entier sur
toute la valeur.
L'on veut d'autre part éviter que ceux qui font partie d'une
association ou d'une corpora-
tion et qui ont placé l'immeuble au nom d'un prête-nom ou
d'un fiduciaire évitent cette taxation. C'est une pondération, si
l'on peut dire ainsi, ou un système tempéré entre ces deux
situations. Encore une fois, comme ce document sera déféré
aux organismes consultatifs habituels de cette Chambre, toute suggestion ou
réflexion qui viendra aux membres de cette Assemblée sera
accueillie avec sympathie et intérêt par le ministre de
l'Education et le gouvernement.
M. LESAGE: Qu'on me comprenne bien. Si j'ai soulevé ces deux
points, c'est qu'ils me sont venus à 1'esprit en écoutant le
ministre de l'Education. Il y en a probablement bien d'autres que je
constaterai en lisant le projet de loi, mais je suis heureux de savoir que le
projet de loi sera déféré à une commission de
l'Assemblée où nous pourrons l'étudier. C'est ce que j'ai
compris de la dernière déclaration du ministre de
l'Education.
M. CARDINAL: Je pense que j'ai indiqué de façon
suffisamment claire que ce projet, normalement, comme l'a été le
projet de loi 56, ira, au temps qui sera déterminé par le
Parlement, devant la commission permanente de l'Education où les
personnes qui veulent se faire entendre, en plus des membres de cette
Assemblée, pourront le faire et pourront ainsi nous suggérer
d'amender ce projet de loi. Cependant, Je répète, pensant
représenter ici l'opinion du gouvernement, qu'il y a certains principes
qui sont importants dans ce projet, mais que les modalités d'application
de ces principes, elles, seront certainement sujettes à suggestions,
à modifications, même à perfectionnement.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BERTRAND: Comme vient de le dire le ministre de l'Education,
étant donné que nous avons la première lecture, c'est
l'intention manifestée par le gouvernement que ce projet soit
déféré au comité parlementaire de l'Education.
Quant à la date, le ministre de l'Education et le chef de l'Opposition
pourront s'entendre. Il s'agit de la commission permanente de l'Education.
Projet de loi déféré à la
commission de l'Education
M. LESAGE: Si je comprends bien, le premier ministre et le ministre de
l'Education font tous les deux motion pour que le projet de loi soit
déféré dès maintenant à la commission
permanente de l'Education.
M. BELLEMARE: Quant à s'entendre sur la date...
M. CARDINAL: On pourra peut-être s'entendre pour le 15
janvier.
M. LESAGE: Non, j'aurai peut-être un assez long discours à
terminer ce jour-là.
M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
L'honorable ministre des Richesses naturelles.
Déclaration ministérielle
M. ALLARD: Je voudrais faire part à la Chambre d'une
décision qui sera annoncée vers la fin de l'après-midi par
l'Hydro-Québec concernant l'annonce des travaux de construction de la
centrale hydro-électrique Manic 3 sur la rivière Manicouagan,
travaux qui débuteront au printemps prochain. On estime que la
réalisation coûtera quelque $300 millions et que ces travaux
s'étendront sur une période de sept ans.
Les principales caractéristiques du nouvel aménagement
comprennent un barrage de quelque 12 millions de verges cubes de terre; un
deuxième barrage, moins considérable, en béton, sur lequel
seront intégrés le déversoir et la prise d'eau; une
centrale de six groupes de générateurs d'une puissance
installée totale de 1,176,000 kilowatts. Le premier groupe
générateur sera mis en service à la fin de l'année
1975 ou au début de l'été 1976. Quant aux autres groupes,
ils seront prêts à temps pour satisfaire à toute demande
supplémentaire d'environ 1,000,000 de kilowatts que l'on prévoit
pour l'hiver 1977 et 1978. Ce barrage sera construit sur la rivière
Manicouagan à 57 milles en amont de Baie-Comeau et atteindra près
de 1,200 pieds de long par 355 pieds de haut. L'Hydro espère terminer la
construction du barrage en trois ans. Manic 3 fera ainsi partie du complexe
hydro-électrique Manlcouagan-Outardes qui comprendra finalement sept
centrales d'une puissance globale de 5,500,000 kilowatts.
M. LESAGE: M. le Président, pendant la période de
construction, faudra-t-il détourner la rivière pour permettre
l'alimentation continue des centrales situées en aval?
M. ALLARD: II est fort probable, M. le Président, qu'on devra
procéder de la même manière qu'on a fait à Manic 5.
Dans une conférence de presse, dès la fin de l'après-midi,
les Journalistes pourront poser des questions du genre de celle du chef de
l'Opposition. Mais je crois qu'après avoir parlé avec le
président, M. Giroux, on doit procéder à peu près
de la même manière qu'à Manic 5.
M. LESAGE: M. le Président, pourquoi les Journalistes
auraient-ils le droit de poser des questions et que le chef de l'Opposition
n'aurait pas le droit d'en poser?
M. ALLARD: Parce que, malheureusement, M. le Président, la
commission de l'Hydro-Québec ne siège pas dans cette Chambre. Si
on veut poser des questions...
M. LESAGE: Autrement dit, le ministre ne peut pas me
répondre.
M. ALLARD: Non, on peut convoquer le comité, si vous voulez,
comme on l'a déjà fait. Au besoin, on pourra le faire encore.
M. LESAGE: Le ministre n'est pas au courant.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Duplessis.
Questions et réponses
Usine de bouletage
M. COITEUX: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
des Richesses naturelles ou au ministre de l'Industrie et du Commerce
étant donné qu'il semble en veine de bonnes nouvelles
aujourd'hui. Est-ce qu'il pourrait dire à cette Chambre et confirmer la
rumeur très sérieuse à savoir que Iron Ore Company of
Canada est sur le point d'annoncer la construction d'une usine de bouletage
à Sept-Hes, investissement d'environ $150 millions? Dans la même
question, est-il exact que Cartier Mining, incessamment, doit faire de nouveaux
développements à mont Wright pour augmenter leur production de
minerai de fer à Gagnon?
M. ALLARD: M. le Président, je suis au courant de la
première question concernant Iron Ore, mais à ma connaissance
nous n'avons été avisés d'aucune déclaration
incessante, quoi qu'il y ait des pourparlers sérieux d'une construction
du genre de celle dont il a parlé.
Quant à celle de Quebec Cartier Mining, je crois qu'une annonce
devra être faite par la compagnie elle-même, dès demain.
M. LESAGE: Le développement du Mont Wright?
M. ALLARD: Je parle du développement du Mont Wright que la
compagnie Quebec Cartier Mining annoncerait dès demain.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauharnois.
Fermeture d'une laiterie
M. CADIEUX: Est-ce que le ministre de l'Agriculture et de la
Colonisation est au courant du fait qu'une importante compagnie laitière
à Valleyfield vient d'être vendue et qu'à la suite de cette
vente tous les producteurs de lait ou la grande majorité des producteurs
de lait de la région de Valleyfield et du comté de Beauharnois
ont été informés par lettre que leur lait ne serait plus
acheté à l'avenir et qu'on n'aurait plus recours à eux
puisque la nouvelle compagnie avait son propre service?
M. VINCENT: M. le Président, je remercie le député
de Beauharnois de m'avoir donné préavis de sa question. Les
quelques informations que j'ai pu obtenir avant d'entrer en Chambre sont
à l'effet que, demain après-midi, il y aurait une réunion
des producteurs fournisseurs de la laiterie en question, avec les nouveaux
propriétaires. De plus, j'ai également demandé aux
fonctionnaires concernés de me faire un rapport complet de toute la
situation. J'ai reçu un brouillon tout à l'heure, mais je crois
que ce n'est pas complet. J'aurai l'occasion, demain après-midi, de
donner une réponse plus complète au député de
Beauharnois.
M. CADIEUX: Est-ce que je peux demander au ministre s'il peut
vérifier que, dans le contrat qui existait auparavant, les producteurs
de lait ne devaient pas recevoir un avis de 30 jours, avant qu'ils se voient
refuser la fourniture de leur lait? De plus, puis-je demander au ministre de me
tenir au courant du rapport de ces fonctionnaires concernant ce cas
précis?
M. VINCENT: D'accord.
M. MICHAUD: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
Allocations de sécurité sociale
M. MICHAUD: Ma question s'adresse au ministre de la Famille et du
Bien-Etre social. Est-ce que ce dernier pourrait expliquer à la Chambre
l'avalanche de coupures qui se produit actuellement dans Montréal, au
niveau des prestations et des allocations de sécurité
sociale?
M. CLOUTIER: M. le Président, je ne sais pas si c'est une
avalanche de coupures. De toute façon, j'ai déjà
expliqué, au cours de l'étude des crédits et au cours des
discussions de la commission parlementaire, que nous avions entrepris, depuis
plusieurs mois, dans tous les bureaux de la province, une vérification
des allocations versées. Cette vérification se fait de concert
avec l'auditeur de la province et le ministère de la Famille et du
Bien-Etre social. Cette opération est en marche dans toute la province.
Cependant, on sait que le service de bien-être de la ville de
Montréal est un service autonome et indépendant qui administre
des lois de la province.
Je ne sais pas si ces coupures auxquelles fait allusion le
député viennent à la suite d'une vérification
spéciale faite par le service de bien-être de la ville de
Montréal, avec notre ministère. Il est possible que ce soit cela.
De toute façon, si c'est le cas, cela vient à la suite de
l'application plus rigoureuse des lois et de la réglementation
actuelles, étant donné que tout le monde sait qu'on a
décelé, évidemment, des abus qui sont intolérables.
Ces vérifications nous prouvent que les déclarations des
requérants ne sont pas toujours conformes à la
vérité.
De toute façon, si quelqu'un se croit lésé par une
décision rendue par un bureau de bien-être ou le service municipal
de la ville de Montréal, par une réduction de son allocation, 11
est toujours loisible je le recommande de faire une nouvelle
demande, une nouvelle représentation et d'apporter des faits qui
pourront justifier une nouvelle enquête et une nouvelle
vérification dans ce dossier. Je sais que plusieurs
députés, pour ne pas dire la plupart, ont reçu à
leur bureau des récipiendaires d'allocations sociales qui se sont
plaints de leur allocation sociale. Dans tous les cas, je crois que les
députés ont, avec raison, demandé la réouverture et
la revérification des dossiers. Dans certains cas, il s'est
avéré que nous devions recommander la réinstallation de
l'allocation originale.
Alors, je comprends que le député ait été
saisi de plusieurs cas à la fois je ne sais pas de combien de cas
mais J'imagine qu'il y en a eu plusieurs en même temps. Je
voudrais que l'on me donne tous les renseignements qui me permettent
d'intervenir personnellement auprès de nos fonctionnaires, s'il y a eu
des décisions rendues qui n'ont pas lieu d'être.
M. MICHAUD: Simple sous-question au ministre. Est-il prévisible
que, dans un avenir rapproché, le ministère de la Famille va
administrer directement le service de bien-être social de la ville de
Montréal? Dans le cas actuel, le fait qu'il y ait deux niveaux
d'autorité me semble entraîner des délais
considérables.
M. CLOUTIER: M. le Président, il est dans la politique du
ministère de la Famille et du Bien-Etre de rapatrier dans ses bureaux
l'administration des lois sociales actuelles et de la future Loi d'aide
sociale.
En ce qui concerne le service municipal de la ville de Montréal,
on comprendra que c'est un service très important par le nombre
d'employés qui sont là et par l'importance de la clientèle
desservie. Je ne crois pas qu'il soit possible, à très court
terme, d'absorber le service municipal de la ville de Montréal. Mais, de
toute façon, j'ai commencé à avoir personnelle ment des
contacts avec la ville de Montréal et des rencontres sont prévues
à très court terme avec les fonctionnaires supérieurs de
la ville de Montréal pour coordonner davantage nos efforts de
façon à ce que le développement des services de ce
côté là, du côté de la ville de
Montréal se fasse parallèlement à celui des services de la
province.
Si nous apportons des améliorations du côté de
l'informatique, du côté de l'administration, nous voulons
évidemment que la ville de Montréal, en même temps, apporte
les mêmes améliorations. Mais, je ne crois pas que nous puissions,
à court terme, étant donné l'importance du service, le
réintégrer dans nos services.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.
M. LEVESQUE (Laurier): Si le ministre permet, à propos du sujet
dont il vient de discuter assez longuement, on a laissé en plan, sauf
erreur, la Loi d'aide sociale au moment où la commission discutait,
devant des représentants d'organismes, des règlements. Il y avait
en suspens le point des barèmes qui, évidemment je crois
que tout le monde était d'accord est le point fondamental. Le
ministre a-t-il une idée du moment où ces discussions pourront
reprendre et surtout du moment où il serait prêt à
présenter des barèmes de la Loi d'aide sociale?
M. CLOUTIER: Si le député se réfère au
feuilleton d'aujourd'hui, il y a une séance d'annoncée pour jeudi
matin de cette semaine, de dix heures à une heure, pour entendre les
derniers groupes qui voulaient se présenter devant la commission.
Il y avait invitation de faite à des représentants des
mouvements et des assistés sociaux de venir se présenter. Ce
n'est pas terminé. Il y a des difficultés. Je ne sais pas si les
assistés sociaux viendront Jeudi, mais, de toute façon, les
derniers groupes viendront.
Après cette réunion, peut-être la semaine prochaine,
il y aura lieu de tenir notre séance de la commission sur les points
techniques, sur les tables et sur les coûts.
M. LEVESQUE (Laurier): Probablement les tables la semaine prochaine,
alors?
M. CLOUTIER: Peut-être la semaine prochaine.
M. LEVESQUE (Laurier): Merci.
M. CLOUTIER: Mais certainement d'ici une quinzaine de Jours.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane.
Salaire des enseignants de Gaspé-Nord
M. BIENVENUE: Ma question, M. le Président, s'adresse au ministre
de l'Education. Le ministre a-t-il reçu un télégramme
émanant de l'Association des enseignants des Monts, association qui
groupe des membres du comté de Gaspé-Nord et surtout du beau et
grand comté de Matane, se plaignant de ce que des membres de leur
association, et en particulier ceux de Saint-Thomas-de-Cherbourg, de
Saint-René-Goupil, de Saint-Joachim et de Saint-Nil, n'ont pas
été payés depuis le mois de juin dernier?
Dans l'affirmative, le ministre entend-il prendre des mesures
très immédiates pour mettre fin à cette injustice?
M. CARDINAL: M. le Président, j'ai revu, comme d'habitude, avant
d'entrer dans cette Chambre, tous les télégrammes que j'avais
reçus depuis le départ de vendredi, et il ne me semble pas que
j'aie reçu le télégramme dont il est fait mention. Si les
enseignants ne sont pas payés depuis juin et que la commission scolaire
ne nous a pas avertis, il y a une première responsabilité
que j'ai déjà mentionnée dans cette Chambre qui
incombe à cette instance locale.
Mais je prends avis de la question du député de Matane, et
dès mon retour au bureau je vérifierai ceci. S'il y a des retards
dans les subventions d'équilibre budgétaire ou les subventions de
fonctionnement, j'éteindrai ce nouvel incendie à la
première occasion, comme je l'ai fait dans le territoire du Nord-Ouest
et en d'autres occasions.
M. BIENVENUE: M. le Président, ce n'est pas une sous-question,
mais une offre de collaboration au ministre. S'il ne trouvait pas ce
télégramme, je lui enverrai ma copie avec plaisir.
M. CARDINAL: M. le Président, je remercie le député
de son offre et je l'accepte.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntslc.
M. LEFEBVRE: M. le Président, J'ai écouté avec
beaucoup d'intérêt tout à l'heure les explications de
l'honorable ministre de la Famille et du Bien-Etre social concernant les
barèmes d'assistance sociale. Cependant, j'aimerais lui demander une
éclaircissement parce que sa réponse m'a un peu estomaqué.
Ai-je bien compris que le ministre a mentionné qu'il déposerait
les barèmes d'assistance une fois que les audiences publiques de la
commission parlementaire seraient terminées? Si c'est bien ce qu'il a
dit, Je me demande pourquoi il ne les déposerait pas justement en
prévision de la séance à laquelle les assistés
sociaux doivent témoigner.
Qui, M. le Président, est mieux qualifié que les personnes
concernées pour nous donner des réactions sur la valeur de ces
barèmes? Ai-je bien compris le ministre?
M. CLOUTIER: M. le Président, sans vouloir être
méchant pour le député, je lui dirai que cette question a
été discutée abondamment au cours des deux
premières séances de la commission, séances auxquelles le
député n'a pas eu le plaisir d'assister.
UNE VOIX: Il était allé aiguiser ses couteaux au
Japon.
M. CLOUTIER: J'ai expliqué à ce momant-là pourquoi
il nous apparaissait plus raisonnable de procéder comme cela parce que,
évidemment, si on avait déposé les tables dès la
première séance, les discussions de fond sur le projet de loi,
sur les principes du projet, les discussions fondamentales sur le projet de loi
lui-même et sur la réglementation auraient tourné
essentiellement autour des chiffres et nous nous serions perdus.
Je crois qu'il était préférable que nous ayons une
discussion de fond avec les organismes qui sont venus devant la commission,
quitte après cela à avoir une séance spéciale de la
commission sur des projets de tables. On sait que la réglementation qui
est devant la commission est un projet de réglementation, et les tables
que j'apporterai devant la commission sont des projets de tables qui vont nous
permettre de faire une discussion intelligente de la loi. C'est la seule raison
pour laquelle les tables n'ont pas été déposées
avant aujourd'hui afin de faire une discussion plus sérieuse et plus
fondamentale du projet de loi.
M. LEFEBVRE: Le ministre se serait peut-être perdu, mais les
assistés sociaux se seraient mieux retrouvés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
Compagnie Daly & Morin
M. BELLEMARE: M. le Président, la semaine dernière je suis
intervenu après une question de l'honorable député de
Jacques-Cartier au sujet du malheureux conflit de Daly & Morin. On m'a
reproché en certains milieux de ne pas avoir cité exactement la
proposition patronale.
Je voudrais aujourd'hui, avec un texte écrit de la main
même du contrôleur, Claude Moisan, lire la proposition patronale
pour bien définir et essayer de déceler où sont les torts.
« D'abord, le syndicat exige que tous les employés d'usine de Daly
& Morin deviennent et demeurent membres du syndicat. Nous l'avons
accepté. Ensuite, le syndicat veut le droit d'exiger le
congédiement de tous les employés expulsés du syndicat et
ce, pour n'importe quelle raison. C'est une chose que nous ne pourrons jamais
accepter. « Etant donné le droit sacré que vous avez de
travailler, la compagnie, de son côté, a convenu de limiter son
droit de vous congédier. La compagnie ne pourra congédier un
employé que pour cause juste et équitable. «
L'employé pourra soumettre son cas à l'arbitrage. Cela est
raisonnable et nous l'avons accepté. Par contre, nous exigeons la
même chose du syndicat. Nous demandons que, lorsqu'un employé est
congédié par suite de son expulsion du syndicat, il ait le
même droit de soumettre son cas à un arbitre qui
déterminera si c'est pour une cause juste et équitable. Le
syndicat refuse une telle chose et continue d'exiger le droit de
congédier pour n'importe quelle raison et refuse que ce soit soumis
à un arbitre pour déterminer si c'est pour une cause juste et
équitable. « De notre côté, il nous est impossible
d'accepter une telle clause de sécurité syndicale. Si on laisse
au syndicat le droit de pouvoir congédier tous nos employés pour
des raisons qui n'ont rien à voir avec leur travail et leur performance,
nous voulons être sûrs que ce soit toujours pour une cause juste et
raisonnable qui sera soumise à un arbitre. »
Employés d'hôpitaux
M. LESAGE: M. le Président, pendant que le ministre du Travail
semble en veine de précisions, pourrait-il nous dire où il en est
rendu, avec ses collègues, le ministre d'Etat à la Fonction
publique et le député de Saint-Jacques,dans le règlement
du menaçant conflit des hôpitaux?
M. BELLEMARE: Comme la question m'est posée, je dois rendre
témoignage à mon distingué collègue, le
député de Montcalm. Regardez sa figure un peu
étirée; cela veut dire le nombre d'heures que lui et le
député de Saint-Jacques ont passées, depuis vendredi
dernier, à essayer de trouver la solution. Je lui laisse...
M. LESAGE: Les précisions.
M. BELLEMARE: ... le soin de répondre.
M. MASSE: M. le Président, effectivement, depuis jeudi dernier,
le conseil des ministres est directement présent, par un de ses membres,
dans cette négociation fort importante du secteur hospitalier. Les
discussions se poursuivent depuis jeudi, aussi bien à Québec
qu'à Montréal, en présence du plus haut niveau des
représentants des divers syndicats. Nous nous sommes entendus,
jusqu'à maintenant, sur un certain nombre de points, sur des lignes
d'orientation.
Il est évident qu'il ne serait pas dans l'intérêt
public de divulguer, à ce moment-ci, des montants, des points
d'achoppement ou de règlement Je crois que cela pourrait nuire à
la négociation. L'intérêt de la Chambre, comme
l'intérêt du gouvernement, de la population et des milieux
hospitaliers, c'est beaucoup plus d'en venir à une entente.
M. LESAGE: M. le Président, est-il exact qu'une entente de
principe est intervenue quant à une convention collective avec certains
groupes? Quand je parle de groupes, je parle, par exemple, du groupe des
infirmières. Est-ce exact?
M. MASSE: II est vrai qu'il y a déjà une convention
collective de signée avec un syndicat, ce-
lui des techniciens. Il y a des accords de principe avec un autre
syndicat, mais nous n'avons pas encore signé cette convention
collective, préférant, pour l'instant, continuer les
négociations avec d'autres syndicats de ce secteur particulier, tel que
le chef de l'Opposition l'a mentionné.
M. LESAGE: II est quand même exact qu'avec certains groupes (au
singulier ou au pluriel) un accord de principe est intervenu?
M. MASSE: Oui. Parfaitement.
M. LESAGE: Et le ministre ne peut pas nous dire si c'est $15, $16 ou $18
millions?
M. BELLEMARE: Ah! Ah! Tut! Tut! S'il vous plaîtl
M. MASSE: M. le Président, l'objet des négociations
comporte également ces questions-là.
M. LESAGE: Je le pense bien. Surtout cela. M. BELLEMARE: Quatre. M.
BERTRAND: Quatre.
Bill 63
M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de l'honorable
ministre de l'Education proposant que le bill 63 soit lu une deuxième
fois.
Déclaration du premier ministre M. Jean-Jacques
Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
prononcer de discours, loin de là, j'ai déjà eu l'occasion
de le faire. Je voudrais tout simplement, au cours du débat, discuter
d'un article, entre autres l'article 3, qui, peut-être, aux yeux de
certains, n'est pas suffisamment complet.
Il y en a qui ont fait la remarque qu'on s'occupe des immigrants
à leur arrivée et qu'on ne s'en occupe pas par après. Ce
n'est pas compliqué, le but. Nous croyions que, dans l'article, tout
cela était contenu; non seulement à leur arrivée, mais
pour les inciter également à envoyer leurs enfants à
l'école française.
Je déclare immédiatement, au nom du gouvernement, que,
lors de l'étude en comité plénier, nous apporterons un
amendement pour y ajouter que, lorsque ces personnes s'établissent au
Québec, les deux ministres s'organisent pour qu'ils acquièrent
dès leur arrivée la connaissance de la langue française et
qu'ils fassent instruire leurs enfants dans les institutions d'enseignement
où les cours seront donnés en langue française.
Nous avions cru que cette incitation était suffisamment claire.
Si elle ne l'est pas, nous n'avons aucune objection à dire que,
dès la séance du comité plénier, nous ajouterons
ces précisions...
Deuxièmement, dans le débat, on s'en aperçoit, on
parle d'une politique globale. Les gens ont parlé du rôle de
l'Office de la langue française. Tous les éléments sont
mêlés. J'ai moi-même déclaré, dès le
début, qu'il s'agissait d'une étape dans un domaine, mais ceux
qui en ont parlé ont vite constaté que l'Office de la langue
française comme tel ne comporte que deux lignes au sujet de son
rôle; que dit l'article 14 de la Loi du ministère des Affaires
culturelles, Statuts refondus 1964, chapitre 57, au sujet de l'Office, de son
rôle? On dit: veiller à la correction et à l'enrichissement
de la langue parlée et écrite. C'est tout.
Cela veut dire tout simplement du bon langage, ça veut dire du
vocabulaire. Je pense que pour une meilleure compréhension du rôle
de l'Office, en 1969, il y aurait lieu, peut-être, de profiter de ce
projet de loi pour a jouter un nouvel article précisant le rôle de
l'Office de la langue française. Et j'indique immédiatement que
ce rôle pourrait être élargi et que l'on pourrait y ajouter
le devoir et le pouvoir suivants: favoriser l'établissement de la langue
française comme langue d'usage dans les entreprises publiques et
privées, au Québec, et conseiller le gouvernement sur toutes
mesures législatives et administratives qui pourraient être
adoptées pour y parvenir, et élaborer même, avec ces
entreprises, des programmes pour établir la langue française
comme langue d'usage et pour assurer, même, à leurs dirigeants et
à leurs employés une connaissance d'usage de la langue.
Au-delà des considérations de partisanerie politique, nous
sommes conscients de ce devoir fondamental que nous avons depuis trop longtemps
oublié au Québec, et je ne fais allusion à aucun parti
politique, aucun événement. Nous sommes tous un peu coupables et
nous allons bâtir des outils en vue de faire rayonner notre langue comme
tous les bons Québécois patriotes le veulent, au-delà de
la haine et au-delà des crachats.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, j'apprécie hautement, avec mes
collègues, le fait que le premier ministre nous ait fait part dès
maintenant du sens de certaines modifications qu'il était prêt,
avec ses collègues, à apporter au projet de loi.
Cela va certainement faciliter le débat de deuxième
lecture. Certes, il y a probablement de mes collègues qui, en
comité plénier, voudront discuter quand même de certains
autres articles, mais disons que le pas ou les deux pas faits par le premier
ministre sont certainement de nature à faciliter le débat de
deuxième lecture.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.
M. Philippe Demers
M. DE MERS: Dans un propros très bref, où je
tâcherai, faisant abstraction de ceux qui, hors de cette Chambre, nous
affublent des pires qualificatifs allant de félon à ganelon, je
voudrais mettre en lumière tamisée, je vous le concède,
les raisons de mon adhésion au projet de loi présentement en
discussion.
Alors que depuis toujours dans notre province les francophones et les
anglophones jouissent de droits historiques et collectifs, à
Saint-Léonard, en 1968, une crise a éclaté
résultant d'un conflit inéluctable entre deux principes,
c'est-à-dire celui du droit d'une collectivité à assurer
sa survie et celui des individus à choisir leur mode d'éducation.
On connaît les détails de cette triste affaire, je vous ferai
grâce d'y revenir. De toute façon, francophones et anglophones
s'engagent dans un cul-de-sac collectif d'où, un an après la
première crise, aucune solution n'était apparue. Pourquoi? Parce
qu'aucune loi ne régissait et ne régit au moment où je
vous parle les droits linguistiques au Québec.
Il s'agit de savoir si nous devons et pouvons, sans manquer à nos
devoirs les plus élémentaires, laisser au gré des
commissions scolaires locales le soin de manipuler les droits de la langue
selon les fantaisies ou les dominances de chaque quartier scolaire. N'est-il
pas temps que les droits linguistiques soient incorporés dans une
constitution québécoise et que ces droits soient munis de
mécanismes de protection. Il ne se trouve personne dans cette Chambre
et je me demande s'il en est un à l'extérieur qui
voudrait voir se répéter dans le Québec des Maillardville
et d'autres situations dont on a souffert dans le reste du Canada. Serions-nous
légitimés, sous le prétexte de la souffrance qu'ont
endurée les nôtres comme minorités, de faire endurer les
mêmes traitements aux parents en les inquiétant sur l'avenir de
leurs enfants? Le gouvernement, je devrais dire le Parlement, car
l'unanimité, sauf quelques exceptions, ne pouvait faire autrement que
d'agir comme il le fait... Le gouvernement a fait option pour une voix
médiane entre l'unilinguisme français, ce qui impliquerait
aujourd'hui par la loi la négation d'une justice que le Québec a
toujours eu le souci d'accorder à la minorité anglophone, et un
bilinguisme intégral qui aurait été peu réaliste.
D'ailleurs, sous l'Union Nationale, nous sommes en excellente compagnie pour
prendre la position que nous prenons aujourd'hui.
En 1966, notre programme « Objectifs 66 » reconnaissait
l'existence de deux langues officielles dans la province et désirait
conférer au français, langue de la majorité, le rang et le
prestige de véritable langue nationale. En novembre 1967, entre le 27 et
28 de ce mois, à la conférence de Toronto intitulée
« La confédération de demain », le premier ministre
du Québec, l'honorable Daniel Johnson, parlant du rapport
Laurendeau-Dunton disait ceci: « Nous voulons cependant dire qu'en
général nous sommes d'accord avec les constatations de la
commission et l'esprit de ses recommandations ». Quelles étaient
ces recommandations? Adoption d'une loi des langues où le bilinguisme
serait reconnu et institution d'un commissaire québécois aux
langues officielles. Jusqu'ici, aucun reniement de ce que notre parti a
toujours préconisé et professé. Si nous retournons en
1966, depuis cette date, nous n'avons jamais préconisé ni dans
notre programme électoral ni dans les faits et jamais dans aucune
déclaration de nos chefs le parti s'est engagé à instaurer
l'unilinguisme.
Bien plus, la veille de sa mort, l'honorable Johnson, dans son testament
politique... Dans le temps, tous les gens ont souhaité voir se
réaliser ce voeu, et je cite sa déclaration: « Nous sommes
entièrement disposés, sous une forme qu'il reste à
déterminer, à garantir par de nouvelles dispositions
constitutionnelles le droit de la langue anglaise au Québec. » II
ajoutait toutefois « qu'il convenait, dans le même esprit, que les
droits du français au Québec soient garantis ». Il
poursuivait plus loin; « Ainsi, en d'autres termes, même si au
Québec l'anglais et le français sont et continueront d'être
langues officielles, il est normal que le gouvernement du Québec fasse
preuve d'une sollicitude tout à fait particulière envers la
langue française et qu'il mette tout en oeuvre pour en sti-
muler la vitalité et en faciliter l'usage dans tous les domaines.
»
Comment le bill 63 se comporte-t-il, d'abord en face des objectifs de
notre programme et les déclarations de M. Johnson? Il est vrai je
l'admets que la solution suggérée n'est pas globale,
qu'ainsi que l'a si bien affirmé le premier ministre, le bill 63 pose
les premiers jalons d'une politique de langues et que les extrêmes,
allant de l'unilinguisme au bilinguisme intégral, n'auraient
qu'enchevêtré la situation.
Il nous semble, si l'on étudie objectivement ce projet, qu'il
répond aux voeux de la majorité. L'enseignement sera, dit-on,
généralement dispensé en français. S'il est
donné en langue anglaise à la demande des parents anglophones,
leurs enfants devront acquérir, par l'intermédiaire de cours et
d'examens appropriés, une connaissance d'usage du français qui,
d'après le ministre de l'Education, se définit « une langue
que l'on possède suffisamment pour pouvoir l'entendre, la parler et
l'écrire de façon qu'elle constitue un outil utilisable dans
toutes les circonstances ordinaires de la vie ». C'est quasi une langue
de travail. Les exigences du ministère de l'Education, enpourcentage
d'étude en langue française, seraient de l'ordre de 40%. C'est la
première fois, M. le Président, qu'un gouvernement oblige, au
Québec, une minorité à apprendre le français. C'est
un jalon qui, à 40%, consacre la primauté du français dans
le domaine de l'enseignement.
En ce qui concerne les immigrants, ils auront, stipule le projet,
l'obligation d'acquérir dès leur arrivée la connaissance
du français. Avec la déclaration que vient de faire avant mol
l'honorable premier ministre, obligeant les ministères de l'Education et
de l'Immigration à incorporer les fils des nouveaux immigrants au
domaine linguistique français, nous venons de franchir un pas
considérable, pas qui n'a jamais été franchi dans la
province, de telle sorte que nous pourrons augmenter notre collectivité
québécoise en effectifs et que les immigrants qui ne l'ont jamais
reçu recevront l'accueil auquel ils ont droit, et qu'en plus ils
pourront faire d'excellents Canadiens français.
Je suis très heureux de la déclaration que vient de faire
le premier ministre et des compléments qu'il lui a ajoutés en
fonction de l'Office de la langue française. Je souscris en tous points
à cette déclaration.
A ces mesures générales, notons la détermination du
gouvernement d'instaurer la primauté du français dans la fonction
publique et parapublique, de lancer un vaste programme de promotion et de
diffusion du français dans toute la province en vue d'assurer une
meilleure con- naissance de la langue et de permettre l'intégration des
non-francophones à la collectivité québécoise, et
d'adopter éventuellement d'autres mesures administratives pour affirmer
partout l'usage du français.
En plus, la commission Gendron fera des recommandations au gouvernement
et le projet qui est actuellement étudié qui n'est pas un
acte constitutionnel, mais qui est bien une loipourra ou être
amendé ou être rescindé.
Il faudrait éviter de fausser le problème, aussi. Il faut
entendre ceux qui protestent contre le bill 63 pour se rendre compte que
beaucoup d'entre eux ont décidé de mettre toute raison de
côté pour s'abandonner à des déclarations
passionnées et extravagantes.
On déforme les faits, le texte de la loi, les déclarations
et les intentions du premier ministre et du gouvernement. On reproche sans
ambages au gouvernement de se lancer dans une politique linguistique sans avoir
suffisamment examiné la question, alors que la commission de l'Education
a tenu d'interminables séances et que les rapports qui ont
été fournis à cette commission de l'Education sont
tellement contradictoires que le gouvernement n'a pu y puiser aucun principe
pour établir une politique de langue. Mais on pèche de la
même façon en basant son argumentation sur les données
incomplètes et que souvent l'on ignore.
Quand un communiqué d'un organisme affirme, par exemple, qu'on ne
saurait amener les intéressés à étudier une langue
qui n'a pas de statut de langue du travail, on omet de considérer la
déclaration de l'honorable premier ministre qui dit ceci: « Si
l'on veut que le français devienne langue de travail au Québec,
il faut commencer par la base, par l'endroit le plus stratégique ment
impliqué dans la vie de la nation, c'est-à-dire par
l'enseignement. » Comment, en effet, faire travailler des gens en
français si on n'a pas enseigné le français?
DES VOIX: Très bien!
M. DE MERS: C'est oublier aussi l'affirmation sans équivoque du
premier ministre qu'il va venir à établir le français
comme langue de travail au Québec. Quand on affirme que l'obligation
faite aux anglophones d'être en mesure de parler et d'écrire
couramment le français est très louable en soi, mais qu'elle
risque de devenir lettre morte, faute de moyens appropriés, c'est passer
sous silence le tout premier article du bill 63 qui fait une obligation au
ministre de l'Education de prendre tous les moyens appropriés... Le
deuxième article étend aux commissaires d'école et aux
syndics la même obli-
gation. C'est oublier aussi la déclaration publique du premier
ministre à l'effet que l'on prendrait, effectivement, les moyens
appropriés pour que le français soit adéquatement
enseigné aux enfants anglophones du Québec et que,
consé-quemment, il faudra consentir les sacrifices nécessaires
pour en défrayer le coût.
Il y a d'autres protestations. On a dit que ce n'était pas des
petits commissaires d'école qui devraient dicter la langue à la
province de Québec. Sur cette déclaration du gouvernement, on
conteste au ministre le droit d'élaborer une politique de langue. Mais
qui donc, au Québec, si ce ne sont les ministres concernés, le
cabinet des ministres et le Parlement, dictera une politique de langue? Ce ne
sont toujours pas ceux qui n'ont eu aucun mandat et qui, lorsqu'ils ont mis
leur nom au bas d'un bulletin dans certains comtés, n'ont pas recueilli
1,000 votes.
D'autres voix affirment que le présent gouvernement n'aurait
jamais reçu le mandat d'établir une politique de la langue au
Québec. A ce compte, il faudrait rejeter les programmes des partis
politiques et leur demander, chaque fois qu'ils ont une loi à adopter,
même si on l'a prévu dans le programme électoral, de
revenir devant le peuple. Où serait la démocratie? Où
serait le parlementarisme? Comment la province fonctionnerait-elle? Nous avons,
comme parlementaires, un mandat et je crois que nous avons tous les pouvoirs
pour nous acquitter de ce mandat. Nous nous en rendrons dignes dans la mesure
de nos capacités.
Ce projet, parrainé par le ministre de l'Education, avec l'appui
du premier ministre et du conseil des ministres, sanctionné par le
caucus, adopté en principe par l'Opposition, demande qu'à tous
les niveaux de la société québécoise, anglophones
et francophones, on cherche honnêtement et simplement à promouvoir
la primauté du français, sa croissance et son usage dans les
relations sociales et économiques. C'est là un appel au bon sens,
au bon jugement de la population en vue d'en arriver à une solution
réaliste d'un problème dont la gravité n'échappe
à personne. On pourra nous reprocher de nous être trompés,
mais jamais, alors qu'une situation si grave que celle de Saint-Léonard
menaçait de prendre des proportions démesurées, on ne nous
reprochera d'avoir failli à notre devoir.
C'est dans cet esprit que ce projet a été
déposé. C'est en toute quiétude et
sérénité que j'appuie le projet sachant qu'il pose les
jalons, les prémisses d'une politique de langue qui deviendra
bénéfique pour la collectivité.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Deux-
Montagnes.
M. Gaston Binette
M. BINETTE: M. le Président, je n'aurai que quelques mots
à dire sur ce projet sur lequel déjà beaucoup de discours
ont été faits par les préopinants.
Mais, je crois qu'à ce moment-ci, sur une question aussi
importante, il est de mon devoir d'expliquer au moins le vote que je donnerai
sur ce projet de loi.
Tout dépendant du point de vue où l'on se place, je serais
porté à dire que le bill 63 est un bill qui vient trop tôt
et trop tard à la fois. C'est également un bill qui en contient
trop et trop peu à lafois. Cela vous semble peut-être un peu
complexe, cet énoncé, mais je vais tenter de l'expliquer en
quelques mots.
Ce que je veux dire, c'est que le gouvernement, par son bill, nous parle
d'un élément de base, d'une étape dans
l'établissement d'une politique linguistique globale au Québec.
En nous parlant ainsi d'un élément de base d'une politique de la
langue globale au Québec, je trouve que le projet de loi en contient
trop peu. Si je dis qu'il en contient trop, c'est que le projet de loi que nous
avons devant nous veut, en somme, régler un problème qui s'est
présenté lorsque nous avons eu les événements de
Saint-Léonard.
A ce moment-là, je dis que le projet aurait d'abord dû
venir plus vite qu'il n'est venu. Il aurait dû venir au début de
la crise de Saint-Léonard afin d'éviter les émeutes que
nous avons connues et venir spécifiquement régler le cas de
Saint-Léonard, comme semble être le but du projet de loi,
éviter que d'autres cas comme celui de Saint-Léonard se
produisent. C'est ce qui me fait dire que le bill vient trop tard et qu'il
aurait dû venir beaucoup plus vite.
Le projet de loi que nous avons devant nous, intitulé Loi pour
promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, est,
malheureusement, comme beaucoup d'autres projets de loi du gouvernement actuel,
coiffé d'un titre qui en dit beaucoup plus que le contenu
lui-même. En effet, sous un titre plutôt ronflant, nous trouvons
comme je l'ai dit précédemment un contenu qui, en
réalité, ne correspond pas à ce que laisse entendre le
titre lui-même.
Dans le titre de la loi, on parle de promotion de la langue
française, alors qu'on ratifie tout simplement une situation de fait,
c'est-à-dire que l'on veut donner un statut juridique à
l'enseignement de l'anglais au Québec et à la liberté des
parents de choisir la langue de l'enseignement de leurs enfants, entre autres
mesures.
Les droits de la minorité anglophone au Québec doivent
être protégés et les parents doivent également avoir
cette option. J'en suis. Il y a,
cependant, une question que tous se posent, à l'heure actuelle:
Est-ce la langue française ou la langue anglaise qui est actuellement en
danger au Québec? Je vous pose la question et je vous laisse y
répondre vous-même, M. le Président.
Je me permets ici de reprendre une phrase du député de
Gouin qui, lors de son intervention sur l'amendement proposé par le chef
de l'Opposition, affirmait que cette loi aurait du s'intituler Loi pour
éviter la répétition au Québec de cas comme celui
de Sant-Léonard, ce qui aurait été beaucoup plus juste.
Cette loi n'aurait pas été aussi contestée, si elle
était venue il y a un an.
Je considère, avec d'autres qui ont exprimé cette opinion
avant moi, que le gouvernement, en présentant un bill aussi incomplet,
met la charrue devant les boeufs. C'était, d'ailleurs, la raison
d'être de la motion du député de Louis-Hébert, mardi
dernier, qui demandait de retarder le bill afin de le compléter.
C'est tellement vrai ce que je vous dis, M. le Président, que le
premier ministre lui-même, cet après-midi, s'est senti dans
l'obligation de préciser certains articles du bill 63. On tente
évidemment de prouver que le bill 63 établit une certaine
priorité du français au Québec. Le premier ministre a, en
effet, parlé de la Loi de l'Office de la langue française au
Québec et a cité le but de cette loi; il nous a mentionné
qu'il avait l'intention d'élargir la portée de cette loi, ce qui
est très valable et ce que, personnellement, j'appuie.
Mais lorsque le premier ministre a précisé le sort qui est
fait aux immigrants dans ce bill, nous sentions qu'il avait un besoin
d'élaborer et de tenter de prouver que le bill était
réellement une promotion de la langue française au Québec.
Donc, le bill que nous avons devant nous, avec les explications que nous avons
reçues depuis qu'il est en discussion, contient des principes valables.
Et contenant une partie des principes qui avaient, d'ailleurs,
déjà été adoptés par le congrès de la
Fédération libérale du Québec au mois d'octobre
1968, contenant, dis-je, quelques-uns de ces principes d'une politique
linguistique globale discutée et approuvée en congrès
plénier du Parti libéral en 1968, je crois qu'il est de mon
devoir, à ce moment-ci, d'appuyer, même si le bill est incomplet,
les principes qu'il comprend.
Si ce bill était venu en temps utile pour régler le cas
spécifique de Saint-Léonard en attendant d'avoir une politique
globale de la langue au Québec, je vous dis que nous n'aurions pas eu
les démonstrations et les protestations et la contestation que nous
avons connues la se- maine dernière. Personnellement, je ne conteste pas
le droit de ceux qui veulent s'exprimer de prendre le moyen de la manifestation
populaire et de descendre dans la rue. C'est un droit démocratique que
des centaines d'années ont fourni aux sociétés qui se
veulent réellement démocratiques. C'est un droit d'expression,
c'est un droit que nous ne pouvons nier à ceux qui l'exercent. Mais nous
pouvons parfois, par exemple, analyser la façon dont ce droit est
exercé, analyser les moyens que les promoteurs de ces marches dans les
rues emploient cour souvent forcer le sentiment ou forcer même la masse
de personnes qui ne sont pas tellement au courant ou qui ne connaissent
absolument pas la situation. On force ces jeunes étudiants, entre
autres, à prendre la rue et à aller contester devant le Parlement
sans que ces pauvres étudiants ne sachent exactement ce dont il
s'agit.
C'est malheureux qu'à cette occasion des agitateurs en profitent
pour exploiter le sentiment des jeunes, pour exploiter, je pense à ce
moment-ci à certains professeurs, pour exploiter la confiance de leurs
élèves et les faire descendre dans la rue au lieu de leur donner
leurs cours régulièrement. J'ai même entendu un de ces
professeurs dire à la télévision et vous l'avez
sans doute entendu, M. le Président que le fait de descendre dans
la rue pour l'étudiant, c'était une certaine étude pour
lui, une certaine façon de connaître la vie, une certaine
façon de se renseigner.
M. BELLEMARE: Diplômé de barricades. M. BINETTE: Quelque
chose comme ça. M. PINARD: Une étude sur la voirie.
M. BINETTE: Alors, M. le Président, je ne nie donc pas le droit
de contester, mais je dénonce, comme ceux qui l'ont fait avant moi, les
moyens que prennent certains agitateurs pour inciter la jeunesse à
descendre dans la rue et à protester contre une chose que souvent et
malheureusement elle ne connaît pas.
Je ne parlerai pas du président de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal, que tous connaissent, M. Angers. Je
crois bien que le président de la Société
Saint-Jean-Baptiste a lui-même servi un peu de bouc émissaire aux
agitateurs qui ont autre chose dans la tête que de seulement
protéger la langue française au Québec.
Ce pauvre M. Angers, je crois qu'il s'est fait embarquer, comme on dit!
Il s'est même tellement fait embarquer qu'à un moment ses
paro-
les ont sans doute dépassé sa pensée lorsqu'il a
comparé le premier ministre de sa province au général
Wolfe, comme le rappelait d'ailleurs le premier ministre lui-même»
Si je m'appelais François-Albert Angers...
M. LAPORTE: Tu ne serais pas ici.
M. BINETTE: ... si j'étais président d'une
société... Non, je ne serais pas ici.
M. LAPORTE: Tu ne serais jamais capable de te faire élire.
M. BINETTE: Je ne serais jamais capable de me faire élire. Si je
m'appelais François-Albert Angers, après avoir prononcé de
telles paroles, je m'interrogerais. Je crois que je me dirais à
moi-même: J'ai perdu « Montcalm ».
M. LAPORTE: Oh, pardon! DES VOIX: Oh!
M. BINETTE: M. le Président, trêve de ces jeux de mots. Je
voudrais quand même que vous soyez bien au courant de ma position sur ce
bill. Je voterai en faveur des principes qui y sont mentionnés parce
qu'ils représentent une partie d'une politique linguistique globale au
Québec, espérant cependant que d'autres modifications viendront
compléter les principes qui sont émis dans ce bill lors de
l'étude en comité plénier. Espérons
également qu'en comité plénier s'il y a lieu on pourra y
ajouter, si le règlement le permet, une déclaration de
principe du moins établissant le français prioritaire au
Québec.
M. le Président, pour toutes ces raisons je crois que j'aurais eu
beaucoup d'autres choses à dire. J'aurais pu vous citer certaines
phrases de « La nef des fous », de Georges Gusdorf. Les
députés ont tous reçu ce livre, et je leur conseille de
lire ce volume qui est d'une actualité cuisante...
M. LAFRANCE: C'est bien.
M. BINETTE: ... concernant la situation de crise que nous connaissons
actuellement au Québec. L'auteur nous parle de la révolution de
mai-juin 1968 faite en France par les étudiants universitaires. Ceux qui
le liront revivront certains moments que nous avons vécus
dernièrement à Québec, surtout vendredi dernier. Je
profite de l'occasion pour remercier le ministre des Affaires culturelles qui
nous a fait parvenir ce volume...
M. BELLE MARE: Sans commentaire.
M. BINETTE: ... d'une actualité cuisante. Je serai donc en faveur
du bill 63 et j'espère que mes propos seront bien
interprétés.
J'espère que M. François-Albert Angers je reviens
encore à lui reprendra ses sens. Il semble qu'il ait l'intention
de les reprendre. Il a l'intention aujourd'hui de se substituer au gouvernement
en voulant établir un référendum dans toute la province.
Je lui souhaite bon succès, mais je suis pratiquement certain du
résultat qu'il obtiendra. Pour autant que ce M. Angers et son groupe
exposent la situation exactement comme elle est, pour autant qu'on ne fausse
pas la réalité et que les questions qui seront posées
à ce référendum seront des questions précises, des
questions qui ne seront pas orientées vers une réponse que les
promoteurs voudront, je suis sûr que même le
référendum de M. Angers parlera contre lui. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
M. André Léveillé
M. LEVEILLE: M. le Président, j'aimerais en quelques minutes
seulement vous exprimer ma pensée sur le projet de loi no 63, Loi pour
promouvoir l'enseignement de la langue française au Québec, qui
est à mon sens le projet de loi le plus positif jamais
présenté en cette Chambre, précisément parce qu'il
proclame comme premier principe, comme règle générale, la
primauté du français dans l'enseignement.
Ce qu'il y a d'intéressant aussi, c'est qu'il n'exclut pas
l'école anglaise et n'interdit pas son accès à ceux qui
croient en avoir besoin.
Il admet donc des exceptions à la règle, il permet au
ministre de l'Education de prendre les dispositions nécessaires afin que
l'enseignement d'une connaissance d'usage de la langue française soit
obligatoire pour les enfants à qui l'enseignement est donné en
langue anglaise. Il permet de prendre les mesures nécessaires pour que
les cours d'étude, du niveau de la première année à
celui de la onzième inclusivement, soient donnés en langue
française. Pour que ces mêmes cours puissent être
donnés en langue anglaise, il faut que les parents en fassent la demande
au moment de l'inscription. Et si ces mêmes cours sont donnés en
langue anglaise, il ne faut pas oublier que les programmes d'étude et
les examens
doivent, à ce moment-là, assurer une connaissance d'usage
de la langue française et que le ministre doit prendre les mesures
nécessaires à cette fin.
L'on peut constater aussi que le projet de loi permet au ministre de
l'Immigration, de concert avec le ministre de l'Education, de prendre les
dispositions nécessaires pour que les personnes qui viennent
s'établir au Québec acquièrent, dès leur
arrivée, la connaissance de la langue française. Pas six mois
après, dès leur arrivée! Et c'est stipulé dans la
loi, M. le Président.
C'est, dans mon esprit, bien clair que ceux qui viendront
s'établir au Québec devront acquérir la connaissance de la
langue française dès leur arrivée. Je suis convaincu que
la très grande majorité des Québécois qui veulent
participer activement à la vie commerciale et industrielle de
l'Amérique du Nord doivent avoir une connaissance suffisante de
l'anglais, puisque c'est le moyen normal de communiquer avec près de 200
millions d'anglophones qui vivent sur ce continent. Je ne crois pas, M. le
Président, avoir besoin d'insister sur ce point.
L'Union Nationale respecte une fois de plus un de ses objectifs de 1966.
Nous pouvons lire à la page 11 du programme de l'Union Nationale,
article 2; Donner au français le statut d'une langue nationale. Je cite;
« L'Union Nationale reconnaît l'existence des deux langues
officielles ». C'est avec ça qu'on a été élu.
Tous les députés de ce côté-ci de la Chambre, sans
exception. Toutefois, au Québec, il s'agit de mettre en valeur un
héritage culturel dans des conditions particulièrement
difficiles. Il faut donc conférer au français, langue de la
majorité de la population, le rang et le prestige d'une véritable
langue nationale.
Le projet de loi no 63 est un pas de plus vers cette solution. Ce que
J'ai dit n'a d'autre but que de confirmer les explications qui ont
été données antérieurement par le premier ministre
et par d'autres ministres et collègues députés. Vous me
permettrez d'user quelques instants encore de mon droit de parole. Je pense, en
effet, aussi nécessaire que l'intervention que je viens d'effectuer pour
le bénéfice de mes électeurs, le fait d'exprimer ma
position vis-à-vis de certains événements malheureux et
inadmissibles, à mon sens, qui ont entouré le présent
débat. Essentiellement, il me semble de mon devoir de dénoncer la
supercherie dont certaines personnes, pourtant bien pensantes habituellement,
sont les victimes actuellement.
Un groupe d'individus, aux idées bien plus extrémistes
qu'authentiquement proquébécoises, ne cesse de clamer que le
projet de loi no 63 est la perte des Canadiens français, que le
gouvernement du Québec, par ce projet de loi, consacre sa
servilité à la domination des anglophones et bien d'autres
clichés dont Je vous ferai grâce, car ces mêmes individus en
usent avec une prodigalité qui n'a d'égale que leur
vanité.
Je ne vois pas qu'il existe de la servilité vis-à-vis de
qui que ce soit dans ce projet de loi. Je distingue encore moins la trahison,
ne serait-ce que présumée, dont se rend coupable le gouvernement
du Québec. Que je sache, la promotion de la langue française,
surtout dans l'enseignement, ne constitue pas et ne constituera jamais une
trahison. En réalité, pour les individus que je viens de
mentionner, il ne s'agit que d'un stratagème grossier qui consiste
à prêter à une personne ses propres intentions afin de
mieux masquer la tromperie que l'on est en train soi-même d'accomplir.
Pour employer leur propre langage imagé, la poudre qu'ils jettent aux
yeux des personnes crédules, heureusement peu nombreuses, ne sert
qu'à masquer la réalisation de leurs ambitions les plus
profondes.
Tandis que nous nous évertuons et nous réussissons
graduellement à donner au français la place qui lui
revient au Québec, ils veulent imposer par la force et au mépris
de toute règle démocratique cet unilinguisme dont les vertus
magiques doivent balayer, à les en croire, tous nos problèmes.
Ces esprits simples, par la vertu de cet unilinguisme inconditionnel, pensent
fermement devenir maîtres en leur maison. Asseoir son autorité
dans sa maison en mettant tout le monde dehors ne fait que conduire à la
solitude et même à la pénible condition de prisonniers.
Mais n'est-ce pas ce qu'ils désirent véritablement, faire du
Québec leur fameuse forteresse? Une forteresse dont ils seraient, bien
sûr, les maîtres uniques et incontestés, si on les laisse
faire. Je vous demande alors où se situe la tromperie, voire même
la trahison?
Qui, du gouvernement de l'Union Nationale ou de ces individus aux
intentions finales peu réjouissantes manoeuvre véritablement le
peuple québécois? Qui? Pour ma part, la vie de forteresse n'a
jamais fait partie de mes aspirations profondes et, encore moins, avec de tels
gardiens. Je crois plutôt que, face à leurs propositions de
révolution, à leurs ambitions à courte vue, a leurs
démarches désordonnées comme celles qu'il nous a
été donné de voir tout récemment encore, il faut
que nous persistions à leur opposer notre raison, notre
modération et notre sens des responsabilités.
Nous pensons au Québec d'abord, non à nous-mêmes.
C'est la raison pour laquelle le gouver-
nement de l'Union Nationale n'a cessé de repousser la
thèse de l'unilinguisme et maintient celle du français, langue
prioritaire. Le fait de pouvoir parler librement sa langue est un bien et un
atout des plus précieux, certes, le garant d'une liberté
intellectuelle indiscutable. Mais ce n'est pas, M. le Président, comme
certains penseurs tentent de nous le faire croire, le remède miracle qui
règle tous les problèmes comme par enchantement. La langue
demeure le véhicule, le lien indispensable aux différents
éléments qui font la prospérité d'un peuple. Encore
faut-il que ces éléments soient tous réunis au
départ. C'est en cela et en beaucoup d'autres domaines que leur
forteresse n'est, en réalité, qu'un château de cartes. Il
suffit de souffler dessus pour s'apercevoir que leurs arguments si
impressionnants, leurs démonstrations si spectaculaires, ne tiennent pas
debout.
Il en est ainsi de leur opposition à ce projet de loi
numéro 63, lequel continue de représenter, quant à moi,
une réelle promotion de la langue française au Québec.
M. le Président, afin de promouvoir l'enseignement de la langue
française au Québec, je voterai pour le projet de loi
numéro 63.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député
de Charlevoix.
M. Raymond Mailloux
M. MAILLOUX: M. le Président, quelle que soit la longueur du
débat actuel, il appartient, je pense, à chacun d'exprimer en
quelques mots les raisons du vote qu'il sera appelé à donner.
De brillants parlementaires m'ont précédé. Tout ce
qui pouvait être dit en faveur, en demi-accord, vu les omissions du bill,
ou contre le projet de loi, a été explicité. A travers ces
allocutions, il y en a pour qui les arrangements nécessaires auraient
dû être faits avec le moyen de communication qu'est la
télévision pour que le peuple en soit témoin. Ceci aurait
permis, je pense, d'aérer le débat. Je devais, M. le
Président, être présent, vendredi matin, au dîner
donné au Château Frontenac par la compagnie Donohue Limitée
à l'occasion de la mise en marche de la quatrième machine
à papier. Ces cérémonies, à caractère
industriel, se produisent si peu souvent chez nous, malheureusement, que seule
une raison grave m'a fait décliner et le dîner et la visite
à Clermont dont le premier ministre a été, je crois,
témoin dans l'exercice de ses fonctions.
M. le Président, mon télégramme d'excuses à
la compagnie, vendredi matin, était motivé par la contestation
qui avait commencé jeudi, chez nous, dans le milieu des écoles
secondaires.
Vu l'aggravation du phénomène, vendredi, j'ai offert aux
forces policières et aux autorités du comté mes humbles
services pour rencontrer le millier de contestataires étudiants et tous
les groupes qui en feraient la demande. Des rencontres ont eu lieu avec tous
ceux-là tels ces mille étudiants qui l'ont demandé.
Rencontres apolitiques. Il me fait plaisir, vu le globalisme qui a
semblé se dégager des critiques faites à l'endroit de
certains professeurs, et par le premier ministre et par le chef de
l'Opposition, de signaler à cette Chambre qu'un document a
été remis chez nous, vendredi matin, donnant à chaque
enfant des explications très objectives du projet de loi, sans porter
aucun jugement. M. le Président, je pourrai laisser entre les mains de
la Chambre ce document, si l'on désire quand même rendre justice
à la classe des enseignants dans le Québec.
Je représente ici très imparfaitement, peut-être,
une collectivité essentiellement canadienne-française. On dit
souvent que le Parlement, dans sa représentation, ne reflète pas
les couches populaires de la société. Lors du dernier
congrès du Parti québécois, on établissait que seul
le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre était un ouvrier et que sa
carte syndicale était passablement poussiéreuse. Je me suis
demandé, à ce moment, si je ne pouvais pas trouver dans un tiroir
des parchemins qui me feraient oublier mon insuffisance, qui me feraient
oublier le cheminement que j'ai dû parcourir depuis l'âge de 18
ans, alors que, trop souvent, j'ai dû peiner à des salaires
dérisoires durant de trop nombreuses années, et si je n'ai pas
dû peiner avec plus de métiers que je n'ai de doigts aux
mains.
Ce que la vie m'a appris, c'est que rien ne s'acquiert en ce bas monde
sans un effort de tous les instants. Si je me désole àla
pensée que je ne puis me vanter de posséder les parchemins que
certains nous garochent à la figure depuis quelques jours et qui
semblent leur permettre de parler ex cathedra, je me console en voyant l'abus
que certains en font dans les circonstances actuelles.
Depuis le « désormais » de M. Paul Sauvé,
jusqu'à maintenant plus de $10 milliards ont été
dépensés en éducation pour en arriver aux résultats
dont sont témoins estomaqués tous ceux qui ont peiné pour
en payer la note.
Tout ce préambule, pour vous dire que ne possédant pas,
devant l'étude de ce projet de loi, la vérité tranquille
des sauveurs de la race, comme en ont fait mention certains journaux en me
nommant, j'ai des doutes qu'il me faut peut-être un cheminement plus
laborieux que d'autres pour en dissiper une partie. Je ne reprendrai pas les
arguments apportés dans la discussion.
Si des parlementaires aguerris, des légistes brillants peuvent
passer à travers une discussion en deuxième lecture, en se tenant
à cheval sur les lignes de démarcation du règlement, vous
comprendrez facilement que, pour quelqu'un qui vient des couches populaires de
la société, mais qui veut quand même exprimer le point de
vue des classes laborieuses dont il a fait partie durant 25 années de sa
vie, il n'est pas facile pour lui d'expliciter sa pensée et qu'il n'est
pas plus facile pour vous, M. le Président, d'user d'une plus grande
tolérance.
Pour ne pas vous obliger à des rappels au règlement, je me
contenterai de vous dire que des doutes, des points d'interrogation, des
omissions qui nous viennent à l'esprit à l'étude du projet
de loi, J'en ai. Mais en pensant également à l'acquis
peut-être trop sommaire dans le sens de la priorité du
français et en pensant au recours qu'a le Parlement et l'électeur
lors d'une élection, on ne peut, dans ma pensée, malgré
ces réserves, dont une partie sera peut-être et a
déjà peut-être été dissipée en
comité, on ne peut, dis-je, voter contre les principes du bill, si
imparfaits qu'ils soient, au stade de la deuxième lecture.
Vous me permettrez cependant d'ajouter qu'ayant vécu ces 25
années dans le milieu du travail et du commerce je trouve quand
mémo inconcevable, ayant moi-même été brimé
dans mes aspirations comme unilingue français, je trouve inconvenant que
le gouvernement n'ait pas jugé dans l'ordre de faire connaître en
même temps sa législation sur la langue de communication dans ces
sphères d'activité où une politique du français
prioritaire doit être établie, et ce dans l'immédiat.
S'il n'est pas permis, à ce stade des procédures, de poser
des questions, mes collègues et moi-même le ferons en
comité. A ce moment, nous verrons si le gouvernement veut donner des
réponses plus précises aux modérés auxquels
j'appartiens.
On me permettra peut-être, en terminant ces brèves
constatations, de répéter les conclusions d'un discours que
j'adressais à mes concitoyens, hier après-midi, et dont les
dernières phrases peuvent être admises à ce stade, je pense
: « Les contestataires sérieux ont le droit d'exprimer leur point
de vue. Les tenants de l'unilinguisme, malgré leurs
vociférations, devront obtenir plus de 6% des votes pour
prétendre parler au nom du peuple. Les activistes, les anarchistes que
l'on retrouve au centre de toutes les contestations, peuvent, en faussant
effrontément le problème, créer le climat
d'hystérie que l'on rencontre dans la jeunesse. Ils conduisent
directement cette jeunesse à la guerre civile que tous et chacun
appréhendent. « Je voudrais posséder la tranquille
vérité des supposés sauveurs de la race et d'autres de
même acabit que vous connaissez. Ils ont un passé lourdement
chargé. Je trouve triste et honteux que de très Jeunes, de trop
Jeunes, traînent dans la boue le nom du premier ministre actuel,
adversaire peut-êlre, mais que sept années de contacts journaliers
m'ont fait connaître comme un homme de devoir à travers les
imperfections humaines et politiques. « Un projet de loi, même
douteux, ça peut se corriger et s'amender à chaque jour d'une
session. Ce n'est quand même pas la fin du monde. Et, comme il n'aura
force de loi qu'en juillet 1970, le peuple tout entier, pas seulement celui qui
descend actuellement dans la rue pour contester, pourra se prononcer dans une
élection générale qui peut être prochaine. «
J'espère qu'à ce moment, les éternels sauveurs de la race
qui ne font que libérer leur fiel actuellement voudront faire face
à ce verdict. Quant à moi, conscient des imperfections du bill,
mais également conscient des recours qu'a le Parlement et le peuple, et
ne croyant pas à l'intensité des dangers dont on se gargarise
actuellement dans trop de milieux de bonne ou de mauvaise foi, je prendrai mes
responsabilités sans cette tranquille vérité, avec mes
doutes et le peuple sera appelé à me juger. J'y ferai face, s'il
le désire, et j'accepterai ce verdict. « Ceci implique donc que Je
voterai pour le projet de loi, en deuxième lecture, reconnaissant les
principes du projet de loi. Quant à mon vote, en troisième
lecture, je désire connaître et approfondir les raisons
qu'apportera le gouvernement en comité, et après consultation
avec mes chefs, je déciderai. »
Je faisais appel, en terminant ce message à mes commettants, a
tous les parents pour qu'ils prennent toutes leurs responsabilités et ne
permettent pas que des activistes dangereux, qui parcourent et qui ont parcouru
le milieu rural, durant cette fin de semaine dernière, fassent de leurs
enfants des agitateurs inconscients.
Tel était l'essentiel, bien imparfaitement, du message que je
voulais adresser.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. Jérôme Proulx
M. PROULX: M. le Président, le projet de loi numéro 63
aura permis à tous les Québécois de se poser des questions
sur leur langue et sur la place qu'ils occupent en Amérique du Nord. En
ce sens, cela aura été pour nous tous une occasion extraordinaire
de réflexions et de méditations sur nous-mêmes et sur les
autres.
J'avais quelques réserves à l'égard du projet
numéro 63. Maintenant, ces réserves diminuent de plus en plus,
à cause des amendements proposés par l'honorable premier
ministre, uniquement, surtout, en raison de l'article principal. Le projet de
loi numéro 63 avait pour premier effet d'accorder, à tous les
parents, la liberté totale et absolue du choix de l'école pour
leurs enfants.
On peut diviser les Québécois en trois catégories:
les anglophones, les francophones et les Néo-Québécois.
Pour ce qui est des anglophones, ce projet a pour effet de consacrer par une
loi des droits qu'ils exerçaient et qu'ils exercent à juste titre
depuis 200 ans. Ils n'en avaient pas besoin, puisque tous les reconnaissaient
en fait. De plus, les anglophones Jouissent au Québec d'une situation
extrêmement privilégiée à tous les points de vue, et
plus particulièrement au point de vue scolaire. Leur réseau de
polyvalentes est presque complété et ils ont cinq campus
universitaires que tous peuvent fréquenter.
D'ailleurs le silence du groupe anglophone est extrêmement
symptomatique aujourd'hui. Pourquoi aucun groupe n'a-t-il prononcé un
seul mot, sinon parce que cette loi leur sourit? Je l'affirme: Je reconnais
leurs droits fondamentaux. Ils sont des Québécois à part
entière, qui ont un droit absolu et à leurs écoles et
à leurs universités.
Les conséquences du projet de loi pour les francophones sont
nombreuses et peuvent être surprenantes pour la survie des Canadiens
français. Ç'est ouvrir la digue; ce serait faire sauter le
barrage sans connaître les conséquences sur une période de
cinq ou dix ans et il serait difficile, par la suite, de changer cette loi en
la rendant plus restrictive.
Dans la régionale Honoré-Mercier, chaque année,
dans la région où je demeure, 200 à 300 parents
francophones demandent à envoyer leurs enfants à l'école
anglaise. Dans les locales situées sur le même territoire, environ
une centaine de parents font la même demande. Il y a dans ma ville une
école du nom de St Patrick où 40% des élèves sont
de langue française et où l'enseignement se donne en anglais.
C'est donc dire que, l'an prochain, il y aura quelques centaines d'enfants qui
pourront s'inscrire dans les écoles anglophones publiques, puisque la
porte est ouverte. Il en sera de même au niveau local et
régional.
Les effets ou les conséquences administratives au niveau des
locales et des régionales sont multiples. Le recensement ne sera plus de
la même importance. Les horaires et les contingentements ne tiendront
plus. La prévi- sion que toutes les locales et les régionales ont
faite quant aux locaux et quant aux polyvalentes tiendra de moins en moins. Il
en est de même pour les professeurs des écoles françaises
et des écoles anglaises. C'est pourquoi les commissaires des
écoles locales et régionales, les principaux et les professeurs,
entre autres groupes, ont des raisons de s'opposer au projet 63. Leur voix
s'ajoute aux voix sérieuses du Conseil supérieur de
l'éducation, du Conseil des universités, des professeurs du
polytechnique et de plusieurs professeurs d'universités.
Toutes ces personnes, à mon sens, ne sont certainement pas des
démagogues, car c'est à elles que nous avons confié
l'enseignement de nos enfants. C'est le gouvernement qui a nommé ces
personnes-là, parce qu'elles étaient à mon avis, les plus
sages et les plus compétentes.
De plus, les commissaires de l'école locale à Saint-Jean,
ceux de la régionale Honoré-Mercier, une partie des commissaires
des autres villes, plusieurs principaux d'écoles et directeurs
d'étude de la région ont tous exprimé des réserves
à l'égard du bill 63 tel qu'il est rédigé.
Ce projet de loi pourra leur susciter de multiples problèmes pour
la rentrée de septembre 1970 et de septembre 1971. Leurs
prévisions budgétaires, leurs programmes d'étude et leur
programme de transport d'élèves seront aussi bouleversés.
C'est pourquoi ils exprimaient des réserves.
Ce problème que j'ai exposé ici se présente dans
les régions où il y a des populations mixtes: anglophones et
francophones. Dans un milieu à 100% anglais, il n'y a pas de
problème. Dans un milieu à 100% canadien-français, il n'y
a pas de problème, non plus. Mais là où il y a des
écoles anglaises à proximité d'écoles
françaises, dans les régions frontalières par exemple, le
problème se posera d'une façon aiguë. C'est le cas de ma
région, de la rive-sud à Montréal, du nord-est de
Montréal ou des régions situées près des
frontières de l'Ontario et des Etats-Unis.
Ce serait donc ouvrir la digue, et les suites peuvent être
surprenantes pour la vie et la survie de la nation canadienne-française,
car l'assimilation, qui se fait à tous les niveaux, se fait
principalement par l'école.
Il existait autrefois chez nous la barrière confessionnelle qui
empêchait les Canadiens français de fréquenter
l'école anglaise protestante.
Je me souviens très bien du temps où il fallait demander
la permission à Mgr Charbonneau,
à Montréal, pour envoyer les enfants à
l'université McGlll. Autrefois, c'est l'Eglise, le clergé, les
grandes institutions d'enseignement, les collèges classiques, ces grands
noyaux de civilisation canadienne-française qui assuraient la survivance
du peuple canadien-français. Ces grandes malsons, répandues
partout sur le territoire québécois, ont joué le
rôle des grands monastères du Moyen Age qui ont su garder,
conserver et perpétuer tous les trésors de la civilisation
gréco-latine.
Aujourd'hui, c'est ailleurs qu'il faut chercher. C'est à l'Etat
de Jouer ce rôle primordial que nos curés, nos
évêques et nos communautés religieuses ont joué
pendant si longtemps. La paroisse n'est plus ce qu'elle a été. Le
monde du réel est devenu perméable à tous les courants de
la civilisation nord-américaine. La nation québécoise est
un carrefour on le dit à toutes les occasions à
cause surtout de cette dénatalité effarante qui nous
caractérise. Nous avons actuellement le taux le plus bas, 16.2 sur
mille. Ce taux baisse d'année en année, de mois en mois. A cause
aussi de ce flot de Néo-Québécols qui s'anglicisent
à Montréal, de 80% à 90%. Troisièmement, à
cause de l'urbanisation. Le Montréal métropolitain aura
bientôt la moitié de la population du Québec. A cause,
enfin, de l'industrialisation où la langue de travail est le plus
souvent l'anglais.
C'est pourquoi j'avais je dis bien j'avais quelques
réserves à l'égard de cette liberté totale
accordée à tous pour le choix de l'école. De plus, la cour
européenne des Droits de l'homme a rendu jugement on l'a vu dans
tous les journaux dans ce sens, en mentionnant qu'il était normal
qu'un Etat, sur un territoire donné, n'accorde pas cette liberté
de choix lorsque le bien de la collectivité et l'intérêt
supérieur de la nation le demandaient.
Toutes les remarques précédentes s'appliquent aux
Néo-Québécois que nous avons nous-mêmes toujours
négligés ici au Québec, alors qu'Ottawa et les autres
provinces pratiquaient une politique réaliste et efficace d'une
immigration massive; l'Ontario plus particulièrement. Le gouvernement
actuel a eu l'heureuse initiative de créer un ministère de
l'Immigration et son ministre actuel travaille d'une façon
exceptionnelle pour intégrer les Néo-Québécois
à la vie québécoise. Mais, reste toujours le fond du
problème. Les enfants des Néo-Québécois auraient eu
cette liberté de choix mais les amendements que l'on propose vont
changer tout le contexte et je crois qu'ils auraient continué
d'exercer cette liberté, car ils s'anglicisent à 90% à
Montréal, alors que l'on sait qu'il entre au Québec, en moyenne
depuis 1946, de 20,000 à 50,000 personnes des pays étrangers.
Ils s'anglicisent à Montréal et cela pour deux raisons.
Premièrement, notre société leur aura toujours
été fermée, tandis que le bloc anglophone était
plus ouvert. Deuxièmement, ils vont d'instinct là où leurs
chances de promotion sont plus évidentes.
Le projet de loi oblige également les anglophones à
apprendre le français. Excellente mesure, qui coûtera
évidemment très cher. Elle pourrait j'exprime quand
même une réserve devenir un instrument d'anglicisation. Il
va sans dire que certains parents francophones, connaissant la primauté
de la langue anglaise dans le monde du travail et dans le monde des affaires,
vont s'empresser d'envoyer leurs enfants dans des écoles anglaises,
puisqu'on y dispensera un français convenable. En fin de compte, ce sont
les Canadiens français qui deviendront bilingues.
Voici ce que dit le grand linguiste M. Mac-Kay sur le bilinguisme et sur
ses dangers dans son livre « Le bilinguisme, phénomène
mondial ». « Dans un pays bilingue, les frontières
politiques ne coïncident pas avec les délimitations
qu'entraînent des langues différentes. C'est dans des
régions frontalières que, la plupart du temps, le degré de
bilinguisme sera le plus élevé, ainsi qu'on peut le constater
entre deux pays étrangers voisins. Le bilinguisme est maintenu par deux
blocs unilingues. Si l'un des blocs devient bilingue, l'autre jouit d'une
suprématie linguistique et peut alors assimiler la communauté
bilingue.
Tel a été, dans le passé, le destin de plusieurs
communautés bilingues. Aussi les nations bilingues voient-elles dans
l'unilinguisme régional, le moyen de préserver leur bilinguisme
national.
Le dernier espoir restait, pour beaucoup, le Parlement,
l'Assemblée nationale, et c'est ici que se joue le sort du
Québec.
C'était autrefois, à l'école, à
l'église, dans nos campagnes éloignées que le
Québec se sauvait. Tout cela aujourd'hui ne peut contrer les dangers qui
menacent notre peuple et c'est ici qu'il faut le trouver. C'est d'ici que
viendront la force et la lumière et c'est d'ici que doit venir la
vérité.
On a beaucoup parlé, M. le Président, des marches qui se
sont faites la semaine dernière. Je voudrais quand même, s'il
était possible, donner un autre son de cloche sur ces manifestations et
représenter cet élément de la population qui a quand
même manifesté pour un problème fondamental.
Cette marée humaine s'est rendue devant ses chefs pour trouver
son salut et ses forces. Elle est venue nous dire: Sauvez-nous. Autrefois,
c'était autour de l'église, près du curé,
sur leur terre, au grand collège, au grand couvent. Aujourd'hui c'est
devant le Parlement, c'est devant la maison de la nation que ces personnes
manifestent et crient leur désespoir et leur angoisse. Ils veulent
trouver ici leur raison de vivre et une volonté de continuer sur cette
terre du Québec. Ce n'était pas uniquement des barbus qui
manifestaient, ce n'était pas uniquement des extrémistes qui ont
voulu tout casser. J'ai entendu, M. le Président, un médecin
d'une cinquantaine d'années dire à ses quatre enfants qui
étaient tous les quatre à l'université: Votre place, ce
soir, c'est d'aller manifester. J'avais dans mon comté des hommes de 50
et de 60 ans qui ont dit à leurs fils de 20 et 25 ans: Allez
manifester.
Ce ne sont pas tous des démagogues. Il y a parmi ces
gens-là des gens sensibles à ces problèmes. Ce ne sont pas
tous des particules qui ont circulé autour du Parlement. Ce ne sont pas
tous des organisateurs en mal de publicité. C'étaient aussi des
Québécois angoissés, troublés, et qui criaient leur
désespoir profond et qui nous demandaient de les écouter. C'est
ce qu'a fait le gouvernement, d'ailleurs. Ils étaient pris d'un
sentiment d'impuissance et d'incapacité. Us se sentaient peut-être
abandonnés. Ce peuple vient ici pour s'accrocher à quelque chose,
à nous tous, pour que nous les comprenions. Plusieurs ont fermé
leurs livres et leurs cahiers. Ils ont laissé leur travail, parce que
d'autres choses les y poussaient. Ils ont quitté leur maison, ils ont
tout abandonné pour monter ici au Parlement comme en pèlerinage,
plusieurs d'entre eux. D'autres sont venus ici pour s'amuser, d'autres sont
venus ici pour manifester sérieusement.
Permettez-moi une image: une partie de ce peuple marche depuis 1837. M.
le Président. Il nous faut les comprendre et les aimer et les renvoyer
chez eux avec la paix dans l'esprit et le calme dans l'âme. Quelque chose
de profond les poussait à venir ici, une force mystérieuse les
animait, un élan irrésistible les emportait. Ils sont venus par
milliers de toutes les régions du Québec, en train, en autobus,
en voiture, sur le pouce, ils sont venus ici au coeur même de leur
patrie.
M. le président, ils ont entendu une voix, ils ont entendu une
voix qui s'élevait dans le silence, c'était la voix du
Québec, c'était la voix de Louis-Joseph Papineau qui traversait
les siècles, c'était celle d'Honoré Mercier,
c'était celle aussi d'Henri Bourassa qui clamait dans l'église
Notre-Dame...
UNE VOIX: Voyons 1
M. LECHASSEUR: Connaissez-vous votre histoire?
M. PROULX: Bourassa...
M. LECHASSEUR: Est-ce que vous connaissez votre histoire, professeur
d'histoire?
M. PROULX: Bourassa n'a jamais été un
séparatiste.
M. LECHASSEUR: Non certain, et c'est lui qui a dit que les
séparatistes ne s'entendraient jamais ensemble.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Saint-Jean.
M. PROULX: Nous sommes dans un pays libre, et j'ai l'impression de
représenter certainement un groupe de la population
québécoise.
En conclusion, j'avais l'intention de voter contre ce projet de loi en
deuxième lecture, mais à cause des amendements que l'honorable
premier ministre nous a promis d'ajouter à ce projet de loi, je voterai
en deuxième lecture pour le projet de loi no 63.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne.
M. Frank Hanley
M. HANLEY: J'aimerais offrir mes remerciements à l'avance
à tous les membres de l'Assemblée nationale qui voteront pour le
projet de loi no 63 et tout particulièrement à l'honorable
premier ministre, au ministre de l'Education et à l'honorable chef de
l'Opposition.
Ce projet de loi, en plus d'assurer des droits acquis à toutes
les minorités, sera une protection pour tous les Canadiens
français par l'encouragement accordé aux investisseurs
étrangers dans la province de Québec. Je suis
désappointé toutefois qu'il n'y ait rien de prévu dans
cette loi pour que les Canadiens de langue française puissent apprendre
l'anglais; car je crois qu'il est essentiel pour eux, quand ils entrent sur le
marché du travail, qu'ils aient des connaissances en anglais, à
cause du climat actuel existant dans la province de Québec depuis
environ un an.
J'ai travaillé bien des fois douze heures par jour afin de
résoudre les problèmes de pauvreté et de chômage. A
mon avis, depuis 1938, l'année 1969 fut l'année la plus dure.
Certaines industries ont quitté la province pour aller s'établir
ailleurs. Par ce fait, le chômage a augmenté.
Je me demande si certains groupes individuels, lesquels sont
responsables des manifestations organisées, réalisent l'effet que
produisent ces manifestations sur l'économie de leur province. Les
Québécois devront bientôt décider s'ils sont en
faveur du système marxiste-léniniste ou du système
capitaliste. Système capitaliste qui pourra être amendé
afin que tous les Québécois aient une garantie de revenus en
regard de la famille et du coût de la vie. J'espère que tous les
Québécois s'uniront pour parfaire notre économie, laquelle
est à la baisse depuis un an.
Je suis certain que chacun de vous prendra ses responsabilités,
car je ne voudrais pas qu'aucun de nous revive la période de crise
économique des années 1929 à 1938. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Notre-Dame-de
-Grâce.
M. William Tetley
M. TETLEY: M. le Président, je voudrais appuyer le bill 63 et,
avant de faire des commentaires au sujet de quelques défauts, puis-je
dire très sincèrement que je serais ingrat, comme
Québécois anglophone, de ne pas remarquer l'ampleur du bill qui
présente des principes de liberté et de justice qui n'existent
pas dans les neuf autres provinces du Canada.
Le bill 63 est un acte de très bonne foi. Puis-je, pour ma part,
rendre hommage à tous les députés de langue
française de cette Chambre qui appuient le projet? J'ajoute que je suis
prêt aujourd'hui et dans l'avenir, comme Je l'ai toujours
été dans le passé, à faire tout mon possible pour
la protection et l'épanouissement de la langue française au
Québec et au Canada.
C'est à ce sujet, M. le Président, que je voudrais parler,
ici, aujourd'hui. Le bill contient trois grands principes : le libre choix des
parents, le fait que les immigrants ne sont pas contraints, mais
persuadés à apprendre la langue française et que les
Québécois de langue anglaise auront l'occasion et le devoir
d'acquérir une connaissance approfondie de la langue française
à l'école. Mais le bill manque d'un quatrième principe,
soit la protection de la langue française au Québec. J'ai
déjà parlé de ce sujet lors du débat sur
l'amendement de l'honorable chef de l'Opposition. Je n'ai pas l'intention ni le
droit de me répéter ici.
Cependant, je déclare que le bill manque de ce grand principe de
la langue prioritaire. A mon avis, le gouvernement aurait dû
présenter une politique globale de la langue au lieu de lois par
étapes. Le sujet est tellement important et ce manque d'une politique
globale rend difficile la compréhension de la loi soit par nous, les
députés, soit par le grand public.
Permettez-moi de mentionner et de citer quelques autres défauts.
Le texte et le langage du bill sont vagues. Deuxièmement, les
résultats du bill 63 dépendent d'autres lois des
ministères de l'Education, des Affaires culturelles, de l'Immigration et
du Travail. Les effets du bill dépendent d'actes administratifs des
ministères que je viens de mentionner et de leurs fonctionnaires.
Je voudrais aussi noter qu'il va sans dire que le ministre de
l'Education doit se mettre à l'oeuvre immédiatement pour trouver
des professeurs spécialisés dans la langue française pour
les écoles anglaises de la province de Québec. A cette fin, il
faut augmenter, d'une façon appréciable, les subventions aux
commissions scolaires où se trouvent les élèves de langue
anglaise.
M. le Président, puis-je répéter que le bill 63 est
un acte de très bonne foi? Je rends hommage, encore une fois, à
tous mes collègues des deux côtés de la Chambre qui
appuient ce projet de loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. Jean-Paul Lefebvre
M. LEFEBVRE: M. le Président, je pense que l'on notera facilement
une nuance, à tout le moins, dans la pensée par laquelle je veux
commencer mes remarques et celle qui a servi de conclusion à mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce.
Peut-être cette différence provient-elle du fait que nous
représentons des comtés très différents. M. le
Président, je pense, quant à moi, que nous venons d'assister, cet
après-midi, en Chambre, à l'une des volte-face les plus
spectaculaires que le gouvernement actuel est encore produites.
Et pourtant, Dieu sait s'il a dû en produire sous la
poussée des événements, sous la poussée des
pressions et par suite de son manque chronique d'imagination, de courage et de
science pour régler les problèmes fondamentaux du
Québec!
M. le Président, nous n'avons pas encore le texte de ces fameux
amendements que nous a annoncés le premier ministre, mais j'ai bien
peur, quant à moi, que M. Xerox, cette fois, ait fonctionné en
sens inverse et que le gouvernement s'apprête à présenter
à cette Chambre les amendements que, tout le monde le sait,
nous-mêmes nous nous proposions de présenter. Je pense qu'il n'est
pas possible qu'un fait comme
celui-là passe inaperçu et qu'il est de notre devoir, sans
esprit partisan, de le souligner.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: Je dois signaler à l'honorable
député d'Ahuntsic que ses remarques sont
prématurées, car le problème des amendements viendra en
comité plénier.
M. LEFEBVRE: Je le veux bien, M. le Président, mais ce n'est pas
moi qui ai fait allusion aux amendements, c'est l'honorable premier ministre.
Il y a fait allusion en cette Chambre au cours du débat de
deuxième lecture.
M. LAPORTE: Je crois que cela a été suffisamment important
pour amener le député de Saint-Jean à changer
d'idée.
M. LE PRESIDENT: Je comprends, mais lorsque l'honorable premier
ministre, dès le début de la séance, s'est levé
pour faire un genre de déclaration ministérielle, il m'a paru
avoir le consentement unanime de la Chambre. Je ne crois pas que cette
déclaration puisse donner ouverture à un travail en comité
à ce moment-ci de nos procédures.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis tout à fait de votre
avis. De toute façon, ce n'était qu'une simple allusion. Mon
propos portera sur la même matière qui a été l'objet
du discours du premier ministre en deuxième lecture. Car je crois que
nous avons vécu et que nous vivons encore, dans cette province, des
événements suffisamment importants, suffisamment dramatiques pour
que ce soit du devoir de chacun de nous d'exposer clairement sa position.
Pour ma part, Je représente en cette Chambre un comté qui
a été fortement secoué par le bill 63. J'ai passé
la grande partie de ma fin de semaine au téléphone et,
déjà, avant mon retour à Montréal, ma femme
également avait reçu bon nombre d'appels. Si bien que je crois
que le temps est venu où chacun doit sortir de l'ambiguïté
et montrer ses couleurs. C'est ce que j'ai l'intention de faire et je ne pense
pas, M. le Président et c'est la dernière allusion que j'y
ferai je ne pense pas que le premier ministre du Québec et
député de Missisquoi puisse compter qu'il s'est
entièrement dédouané avec le projet de loi 63 par
l'annonce qu'il a faite d'amendements futurs en comité.
M. le Président, en dépit des efforts qui ont pu
être faits par divers média d'information et d'éducation
populaire pour faire comprendre à l'ensemble de la population le
fonctionnement des débats parlementaires, il est certain que beaucoup de
nos compatriotes, jeunes et moins jeunes, distinguent encore assez mal les
objectifs d'un débat de deuxième lecture par rapport à
ceux qui caractérisent le travail en comité plénier ou en
troisième lecture. Je suggère que si l'on veut faire des «
teach in », ceci serait peut-être un excellent sujet. Il me semble
que, dans la population, on aurait grand profit à mieux comprendre le
sens d'un vote en deuxième lecture et le sens d'un vote en
troisième lecture.
Le grand avantage du débat auquel nous participons
présentement, c'est de permettre une expression d'opinions non seulement
sur le texte même du bill ou le détail de ses articles, mais
plutôt sur le contexte dans lequel il se situe.
Tous les orateurs qui se sont exprimés jusqu'à maintenant,
à commencer par le premier ministre lui-même, ont largement fait
usage de la liberté que tous les parlementaires ont, à ce
stade-ci du débat, de clarifier leurs opinions par rapport au projet de
loi qui est devant nous, le projet no 63, mais aussi par rapport à la
nature et aux fonctions d'une politique linguistique globale. Vous vous
souviendrez, M. le Président, que le premier ministre y a fait
allusion.
Avant de résumer mes propres impressions sur le bill 63 tel qu'il
est devant nous - puisque vous venez de dire vous-même qu'il ne nous est
pas possible de commenter maintenant les fameux amendements j'aimerais
relever certaines faiblesses que j'ai notées, quant à moi, dans
l'argumentation du premier ministre, du député de Laurier et du
ministre des Affaires culturelles.
Tout d'abord, le premier ministre. Il faut admettre que le premier
ministre et député de Missisquoi a fait, jeudi dernier, en cette
Chambre, un bon discours. On aura noté qu'à certains moments, il
a été applaudi des deux côtés de la Chambre. Le fait
est que son discours était bien meilleur que son projet de loi. Cela est
surtout vrai pour la première partie de son exposé.
En effet, lorsque le député de Missisquoi a voulu appeler
les splendeurs parisiennes et la manie des grandeurs à la rescousse de
la francophonie et de la culture française au Canada, je pense que
là il n'aura pas convaincu grand monde.
Mais j'aurais cependant deux reproches à formuler à
l'endroit du premier ministre qui m'apparaissent beaucoup plus sérieux
et beaucoup plus graves que celui-là. Tout d'abord on peut se demander
pourquoi, après tant de mois d'attente, le gouvernement n'a pas
jugé à propos de faire précéder le
dépôt en Chambre de son projet de loi d'un livre blanc sur la
politique linguistique que le gouvernement entend suivre
d'ici deux ans, c'est-à-dire d'ici à ce que nous ayons les
recommandations de la commission Gendron.
C'est l'une des caractéristiques fondamentales du gouvernement
actuel que de soumettre à la Chambre des textes de loi secs, peu
éloquents, quant aux intentions réelles du gouvernement, et cela
fait bien des fois que ça se produit. J'avais, pour ma part,
formulé un reproche analogue dans le cas de la politique gouvernementale
en matière de radio-télédiffusion éducative. Mais,
quant au bill qui nous occupe aujourd'hui et qui passionne l'opinion publique,
du moins de vastes secteurs de l'opinion publique, le premier ministre a commis
une erreur encore plus colossale. Lors de son intervention, jeudi, il a
lui-même justifié la décision du ministre des Affaires
culturelles de reporter à cette semaine la conférence de presse
supposément extrêmement importante que le ministre devait donner
vendredi sous le fallacieux et ridicule prétexte que le ministre ne
pourrait pas avoir les manchettes en raison des événements
prévus pour vendredi et que tout le monde connaît.
Or,...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président,...
M. LEFEBVRE: M. le Président, ai-je la parole? Ai-je interrompu
le ministre?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires
culturelles a quand même le droit d'invoquer le règlement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose la question de
privilège pour donner au député d'Ahuntsic, qui
n'était pas ici, Je crois, la semaine dernière...
M. LEFEBVRE: Ceci est faux, M. le Président, j'étais
là et J'ai entendu tout ce que le ministre a dit, y compris les choses
ridicules que je relèverai tout à l'heure.
M. GOSSELIN: Vous n'avez rien compris! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De deux choses l'une: ou bien le
député était ici et il a mal compris, ou il n'y
était pas. Il n'a pas compris, de toute façon.
Alors, M. le Président, je pose la question de privilège
pour faire observer à la Chambre ceci: si nous avons
décidé de différer la conférence de presse que je
devais donner, en ma qualité de ministre des Affaires culturelles, ce
n'est pas parce que nous craignions de ne pas faire les manchettes, mais j'ai
donné les raisons précises. J'ai dit que le contenu de cette
conférence de presse était à ce point positif et important
que nous ne voulions pas que cela fût noyé dans le tumulte des
manifestations qui se déroulaient alors.
M. GOSSELIN: C'est ça.
M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre n'a aucune question de
privilège, il vient de répéter, en termes
prétentieux, la même chose que J'avais dite en termes très
simples.
DES VOIX: Non.
M. LEFEBVRE: Donc, M. le Président...
M. LOUBIER: Tout le monde sait que vous êtes simple.
M. LEFEBVRE: Merci.
M. LOUBIER: Cela ne servait à rien d'ajouter ça.
M. LEFEBVRE: Qui a dit ça? quel brillant jeune homme?
M. LOUBIER: C'est moi-même, monsieur.
M. LEFEBVRE: Très bien. Mettez-y du plaisant, mon ami! Mettez-y
du plaisant!
M. LOUBIER: Mettez-y de l'intelligence.
M. LEFEBVRE: M. le Président, si le ministre perd son calme, je
vous inviterais à bien vouloir lui demander d'aller manifester devant le
parlement. C'est là d'habitude qu'on le fait.
M. LOUBIER: Vous pourriez consulter votre chef, M. Chartrand, à
ce sujet-là.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: Comme il est gentil! M. le Président, puisque...
M. LOUBIER: Pour faire un autre petit voyage à Ottawa, lui
demander ce qu'il en pense.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député
d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: Je vous remercie, M. le
Président, et comptez que je ne relèverai pas les sottises
du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.
Puisque cette conférence de presse...
M. LOUBIER: M. le Président, peut-être que, pour le
député d'Ahuntsic, la vérité devient de la sottise,
cela nous le concevons.
M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre va-t-il se taire et
écouter, ou va-t-il continuer comme cela tout le temps?
M. LE PRESIDENT: Je croyais que l'honorable ministre invoquait le
règlement pour faire retirer le mot sottises, alors j'ai cru bon de le
laisser prendre la parole.
Mais maintenant, j'espère que nous aurons l'opportunité
d'entendre l'honorable député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: J'aurai cet honneur d'exprimer a la Chambre ce que je pense
être un point de vue raisonnable. Or, puisque cette conférence de
presse devait précisément porter sur les intentions du
gouvernement en ce qui concerne la langue de travail, il me semble que l'on
peut, sans pouvoir être accusé de partisanerie, affirmer que
l'attitude du gouvernement en était une de mépris à
l'endroit des membres de la Chambre et de provocation à l'endroit des
contestataires.
Au lieu, en effet, de retarder cette conférence de presse, s'il
avait quelque chose de significatif à dire, le ministre eût
dû la devancer.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne vois pas comment cette histoire de
conférence de presse, qui, en fait, est une incidente, puisse faire
l'objet d'un débat en deuxième lecture sur le bill 63.
M. LEFEBVRE: M. le Président, encore là, je le mentionne
en passant. Je ne vais pas parler une demi-heure de la conférence de
presse. Ce n'est pas moi qui ai fait des déclarations en Chambre
là-dessus; c'est le premier ministre, de son siège, et c'est le
ministre des Affaires culturelles dans le cadre de leurs discours. M. le
Président, ne m'induisez pas en la tentation que vous savez. Je pense,
M. le Président, que je dois pouvoir compter sur l'impartialité
absolue...
M. LOUBIER: Une autre crise morale.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
L'intervention de l'honorable ministre des Affaires culturelles au sujet
d'une conférence de presse a été extrêmement courte
et n'a été qu'une incidente. J'ai permis à l'honorable
député d'Ahuntsic de faire une remarque qui est une incidente,
mais je pense qu'il conviendra avec moi que ça ne peut faire l'objet
d'un débat en deuxième lecture.
M. LEFEBVRE: Je suis parfaitement de l'opinion du président,
mais, écoutez, f avais une phrase à dire et j'avais
terminé. Je n'allais pas passer une heure sur ce point, bien
sûr...
M. le Président, dans son intervention de jeudi, quelques minutes
seulement avant de justifier son ministre des Affaires culturelles, le premier
ministre lui-même avait admis que la langue de travail constitue un
élément plus important d'une politique linguistique que la langue
d'enseignement. Il avait lui-même affirmé que la relation de cause
à effet est dans ce sens, c'est-à-dire que la langue de travail
exerce plus d'influence sur la langue d'enseignement que la langue
d'enseignement n'en exerce sur la langue de travail.
Je soumets que cette attitude du gouvernement, si l'on tient compte de
ce qu'il y avait dans son fameux bill tellement médité longtemps,
démontre le caractère incohérent de la démarche du
gouvernement, à moins qu'il ne démontre les déchirements
qui existent dans l'équipe ministérielle. Je pense qu'en fait
cela prouve les deux.
J'en arrive aux propos du député de Laurier; je regrette
qu'il ne soit pas là.
M. GOSSELIN: II est comme vous. Vous êtes souvent absent; lui
aussi.
UNE VOIX: II est à la télévision.
M. LEFEBVRE: II y aurait plusieurs points à relever dans
l'intervention du député de Laurier. Compte tenu de la limite de
temps que nous impose le nouveau règlement, je me restreindrai à
une seule observation. Au cours de son discours, jeudi soir dernier, le chef du
Parti québécois déclarait notamment et je cite, car c'est
important de le citer au texte. Du moins quant au style, je pense que le
député de Laurier n'a pas de leçon de français
à donner à quiconque. « C'est au point où il y a des
gens,chez nos amis de langue anglaise, qui ne se gênent pas pour dire
que, pourvu que ça continue et qu'on maintienne le genre sans limite
avec toutes les pressions qui se sont faites ouvertement et celles qu'on devine
en coulisse, qu'on maintienne sans limite, sans le circonscrire le statu
quo, qu'avant 1981 c'est le député de Laurier qui
parle; il prophétise la majorité dans la région
métropolitaine de Montréal sera anglaise, sera anglophone, si on
aime mieux le jargon à la mode ».
Or, je constate que, depuis quelque temps, le député de
Laurier ne semble pas très scrupuleux, c'est le moins qu'on puisse dire,
sur le choix de ses statistiques. Bien sûr, il me répliquera
et il le ferait peut-être, s'il était ici qu'il n'a
pas lui-même fait ce verdict ou établi les prévisions que
je viens de citer, -puisqu'il les attribue à des Anglais anonymes. Cela
est fort commode. Mais, il les prend pourtant à son compte et c'est
justement à partir de prévisions de ce genre que l'on sème
la panique parmi la population québécoise et
particulièrement chez les jeunes.
M. le Président, la meilleure source de renseignements que je
connaisse sur ce point et je suis sûr que le député
de Laurier la connaissait lui-même c'est l'opinion du
démographe Jacques Henripin, celle qu'il avait exprimée en
novembre 1967 et que le député de Laurier avait donc en sa
possession sûrement jeudi dernier. Je ne parle pas de celle qui a
été exprimée ce matin, j'y reviendrai. Que nous disait M.
Henripin, qui passe pour être un des meilleurs experts en
démographie, quant aux perspectives d'évolution du groupe
canadien-français dans la région métropolitaine de
Montréal? Je cite M. Henripin: « Voyons d'abord la situation en
1961. Dans l'ensemble de l'agglomération métropolitaine, il y
avait, cette année-là, 65% de francophones. Notons, en passant,
que 37,000 personnes d'origine française étaient anglophones,
soit un pourcentage de 2.7%. 7.1% des personnes qui n'étaient pas
d'origine française étaient francophones. Leur nombre
était de 54,000, ce qui est plus que le nombre de ceux qui avaient fait
le chemin inverse. Rien ne laisse croire donc, jusqu'à maintenant, que
Montréal a été une machine à angliciser les
Canadiens français. » C'est toujours M. Henripin qui parle.
« Que peut-on augurer pour 1990? » Le député de
Laurier parlait de 1980; ici, on va plus loin, on va à 1990. « En
donnant à peu près toutes les chances possibles à
l'élément anglophones, on peut s'attendre à une
réduction du pourcentage des francophones de 65% à 61%. Bien
sûr, c'est l'immigration qui explique cette réduction. Plus
précisément, c'est le fait que la grosse majorité des
immigrants qui viennent de l'extérieur du Québec restent ou
deviennent anglophones. »
Voilà, M. le Président, un verdict sérieux.
Voilà un verdict qui n'est pas de la démagogie.
Je soutiens que le député de Laurier, lorsqu'il
véhicule des renseignements qu'il devrait savoir être faux, pour
épeurer le monde et vendre sa marchandise, si honorable soit-il, fait de
la démagogie. J'en ai les résultats de cette démagogie.
Dans mon comté, il y a un certain nombre d'adhérents du Parti
québécois, des jeunes surtout, qui m'arrivent tout
énervés et qui me citent M. Lévesque, comme si
c'était un pontife de la statistique alors que tout le monde sait
très bien qu'il n'est pas très fort en chiffres. Ils me disent:
« Est-ce vrai que nous allons disparaître, que nous sommes sur le
point de disparaître? » C'est grave.
M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LAPORTE: Ah, tais-toi donc. Ah! Ah!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Gouin.
M. MICHAUD: M. le Président, quelles que soient les
interprétations que l'on pourra donner à mon geste, je vous fais
respectueusement observer que le mot « démagogique » est
antiparlementaire. Je prierais donc le député d'A-huntsic de le
retirer.
M. LAFRANCE: Quel zèle! Quel zèle!
M. LEFEBVRE: M. le Président, c'est un mot que je crois avoir
entendu dans cette Chambre de nombreuses fois. Maintenant, je me fierai
à votre jugement et si c'est antiparlementaire, je le retire très
docilement. Mais, enfin, je crois que les faits que j'ai mentionnés
valent pour eux-mêmes. Disons que c'est une mauvaise
interprétation des chiffres.
M. le Président, j'aurais voulu, mais j'ai peur, parce que le
temps...
UNE VOIX; ...démagogue.
M. LEFEBVRE: J'aurais voulu - mais le temps fuit dangereusement vite, en
raison des nombreuses interruptions, dont je souhaite, M. le Président,
que vous tiendrez compte tout de même citer aussi les derniers
chiffres de M. Henripin et de ses collègues. Je veux bien, si je ne les
cite pas ici, ne pas être accusé de n'avoir pas voulu le faire.
C'est simplement faute de temps. Tout le monde peut les lire dans le Devoir de
ce matin. Je ne suis pas payé par M. Ryan pour faire de la
publicité au Devoir, il en fait d'ailleurs très peu pour mol,
mais je voudrais vous référer au Devoir. Vous verrez
que les prévisions, légèrement corrigées,
sont quand même très loin des prévisions alarmistes du
député de Laurier et d'autres personnes qui répandent les
mêmes bobards.
J'en arrive au très honorable ministre des Affaires culturelles.
Au cours de son intervention, le député de Chicoutimi a
déclaré notamment, je le cite au texte: « Dans l'agitation
actuelle, dans le tumulte qui empêche un grand nombre de citoyens
d'entendre la voix de la raison, il est important de rappeler certains faits
historiques et de montrer qu'il peut y avoir une similitude entre les
situations qui existent à l'heure actuelle chez nous et les situations
qui ont existé dans le passé dans d'autres pays. » Or, M.
le Président, nous étions tous présents.
Nous savons que ce rappel historique on devrait plutôt
parler de court-circuit historique que cherchait à faire le ministre des
Affaires culturelles visait à démontrer que la politique
linguistique préconisée par le chef du Parti
québécois pourrait entraîner l'extermination des Canadiens
anglais vivant au Québec, de la même façon que la politique
antisémite d'un dénommé Hitler avait entraîné
l'extermination des Juifs.
Or, M. le Président, je suis très heureux, après ce
que je viens de dire dans la phrase précédente, n'ayant pour ma
part, et tout le monde le sait, aucune sympathie ce qui n'est
peut-être pas le cas de tous mes collègues, en particulier de
celui qui siège à ma gauche pour les positions
constitutionnelles du Parti québécois, ayant même beaucoup
d'objections à ses positions en matière linguistique et ayant
souvent...
M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement. Si la
dernière déclaration du député d'Ahuntsic et son
allusion au député qui siège à sa gauche il
n'y a personne entre lui et moi me sont destinées, cela veut dire
qu'il assimile ma pensée politique à des sympathies que j'aurais
au Parti québécois. J'ai déclaré et je
redéclare encore que je ne suis pas séparatiste, que je ne
rejoindrai pas le parti québécois, que je suis membre du Parti
libéral à part entière. Que cela soit dit une fois pour
toute.
M. LEFEBVRE: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: M. le Président, je n'ai dit que ce que j'ai dit, je
le répète. J'ai dit que, pour ma part, je n'avais aucune
sympathie pour les positions constitutionnelles du Parti québé-
cois. Je n'ai pas dit que mon collègue les partageait, mais j'ai dit que
dans mon interprétation...
M. GOSSELIN: ... en Floride.
M. LEFEBVRE: ... il avait certaines sympathies, c'est mon
Interprétation. Il a droit de nier. Il n'a pas droit de dire ce que je
pense. Or, c'est juste, c'est ce que...
M. MICHAUD: C'est votre interprétation... M. LEFEBVRE: ... je
viens d'affirmer.
M. MICHAUD: C'est votre interprétation de centralisateur.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
Je dois avouer que depuis cinq minutes ou à peu près il
m'a été absolument impossible de saisir quoi que ce soit de
l'intervention du député d'Ahuntsic. J'aimerais bien
l'entendre.
M. LEFEBVRE: Je suis très honoré, M. le Président,
de cet intérêt que vous portez à mon propos. Je trouve
cette Chambre bien tumultueuse. Cela me donne presque envie de retourner au
Japon, où c'était très calme.
M. le Président, on discutait sérieusement.
UNE VOIX: Vous étiez seul?
M. LEFEBVRE: Non je n'étais pas tout seul, on était 100
millions.
M. le Président, avant que l'on m'interrompit, j'allais dire et
je suis heureux ah il est là je suis heureux que le
député de Laurier ait fait son entrée subrepticement au
moment où justement je prenais sa défense.
M. LOUBIER: II parle aussi souvent que vous en Chambre.
M. LEFEBVRE: J'allais dire que, quant à moi, je trouve que les
rapprochements qui ont été faits par le ministre des Affaires
culturelles sont exorbitants et ne sont pas raisonnables. J'ai
déjà mentionné que je n'ai pourtant aucune sympathie, ni
pour le Parti québécois, ni pour les positions linguistiques du
Parti québécois. Mais, je pense que les simplifications qu'a
faites le ministre des Affaires culturelles ne sont pas dignes d'un membre du
gouvernement. Je pense que ça aussi c'est du terrorisme intellectuel,
que ça aussi c'est de nature à semer la panique. Je pense qu'il y
a moyen de discuter dans des termes plus raisonnables
que ceux-là, et je vois le ministre du Travail qui
m'approuverait, si ce n'était sa gêne.
M. BELLEMARE: C'est surtout... si l'honorable député
voulait pour un instant regarder son livre de règlement et
particulièrement l'article 556,...
M. LEFEBVRE: C'est parfait, je le regarderai tantôt.
M. BELLEMARE : ... cela, ça resterait du goût du
député de Champlain, du ministre du Travail, parce que l'article
556 est très clair.
M. LEFEBVRE: Mais vous n'avez pas de point de règlement dans tout
ça.
M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas un point de règlement.
M. LEFEBVRE: Est-ce que le ministre serait assez bon de se rasseoir et
de me laisser parler?
M. BELLEMARE: L'article 556 est tellement clair que depuis une
demi-heure vous auriez été hors d'ordre.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je regrette, je ne voudrais pas du
tout que ce débat prenne un ton humoristique, parce que c'est, au
contraire, extrêmement sérieux.
Je pense que l'on serait beaucoup plus justifié, contrairement
à ce qu'a fait le ministre des Affaires culturelles, de lui rappeler que
la cause principale du facisme auquel il faisait allusion, comme d'ailleurs de
tous les extrémismes, ce sont la misère, la frustration et la
colère face à la négligence, présumée ou
réelle, de l'autorité en place.
Or, dans le cas du Québec, Je crois que la négligence et
l'incompétence de l'autorité en place depuis trois ans sont
largement démontrées. Je pense que ni le premier ministre ni
aucun de ses ministres n'ont le droit de rendre seuls responsables de
l'agitation quelques agitateurs, comme ils disent. Ils partagent cette
responsabilité parce qu'ils dirigent un gouvernement qui n'a à
peu près rien réglé et qui a présenté en
cette Chambre un bill mal conçu. La preuve, c'est que le premier
ministre est obligé de l'amender indirectement et par la bande
dès la deuxième lecture.
M. BELLEMARE: Article 556.
M. LEFEBVRE: C'est trop simple pour le premier ministre de se laver les
mains de tout cela et de dire: Ce sont quelques démagogues dehors qui
créent le problème. Ce ne sont pas les démagogues dehors
qui sont les seuls à créer le problème. Je ne les approuve
pas et je les condamne aussi, mais ce n'est pas simplement par des appels
moralisateurs que le premier ministre va régler la question. Le
Québec n'est plus au collège. Le Québec veut
évoluer. Ce n'est pas par des attitudes de frère directeur que le
premier ministre va régler les problèmes. Ç'est en prenant
ses responsabilités réelles. C'est en faisant cela. Si le
ministre des Affaires culturelles veut parler de fascisme, s'il veut parler du
danger de voir les autorités constituées renversées par le
« mob rule», je lui dis qu'il devrait ajouter des chapitres
à ses commentaires parce que, jusqu'à maintenant, il a fait de
grossières simplifications. En conséquence et débordant...
je vois que mon temps file, je vais en passer...
M. LOUBIER: Essayez de vous retrouver dans votre texte et ça va
bien aller.
M. LEFEBVRE: Je comprends que je n'ai pas l'éloquence en cette
Chambre du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, mais
qu'est-ce que vous voulez? on n'a que les dons que la nature nous a
donnés.
M. LOUBIER: En vertu du règlement, on n'exige pas de
l'éloquence, on exige de la dignité, et depuis une
demi-heure...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député
d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: Au sujet du projet de loi no 63, on a dit que la
contestation émanait des milieux de l'enseignement. Ceci est vrai, mais
ne constitue qu'une demi-vérité. Une analyse plus approfondie des
diverses prises de position démontrerait que la contestation a
été le fait non seulement des étudiants et d'un bon nombre
d'enseignants, mais aussi d'une large proportion du milieu intellectuel, des
milieux de fonctionnaires, d'employés de la Fonction publique et des
cols blancs en général.
Les travailleurs industriels et les agriculteurs sont sans doute les
deux groupes qui ont le moins réagi jusqu'ici aux propositions du bill
63, Dans le cas des ouvriers d'usine, cela peut sembler un peu paradoxal
puisque à mon avis du moins ils sont au nombre des
principales victimes des lacunes sérieuses que comporte le texte actuel
de ce projet de loi. Mais ce paradoxe apparent est pourtant explicable. Par
hypothèse, du moins, l'on peut supposer que les travailleurs
industriels réalisent mieux que quiconque le fait que la clé de
voûte d'une politique linguistique se situe au niveau de la langue de
travail.
Mieux que quiconque aussi, ils connaissent les difficultés - et,
il faut l'admettre - les risques d'une action qui serait trop
précipitée dans ce domaine.
Sur ce, Je voudrais, puisqu'il me reste peu de temps, M. le
Président, résumer brièvement, après avoir fait la
critique du point de vue des autres, mon propre sentiment vls-à-vis du
projet de loi, tel qu'il est actuellement déposé devant la
Chambre.
Le phénomène global de la prédominance de l'anglais
comme langue de travail dans la région métropolitaine est
largement connu. Certes, des enquêtes précises et scientifiques
pour mesurer ce phénomène sous toutes ses facettes ne sont pas
inutiles, mais nous n'avons guère besoin d'enquêtes pour affirmer
qu'à plusieurs égards la minorité linguistique dans la
région métropolitaine exerce l'influence et occupe la place qui
normalement devraient revenir à la majorité.
Longtemps tolérée, grâce à une
docilité dont certains se plaisaient, d'ailleurs, à vanter les
mérites, cette situation est devenue intolérable aux
Montréalais d'expression française. La masse des Jeunes et une
bonne proportion de ceux qui se plaisent à se former une idée sur
ce que devrait être l'évolution normale et globale de notre
société se révoltent intérieurement, moralement, et
presque autrement aussi, à la perspective de voir se perpétuer un
tel état de choses. Je soumets que les membres de cette assemblée
manqueraient gravement à leur devoir en se contentant de
légiférer aux seules fins de garantir les droits acquis de la
minorité, quant au libre choix de son école et d'assurer que les
travailleurs anglophones qui entreront sur le marché du travail dans dix
ou dans quinze ans, auront une connaissance raisonnable de la langue
française.
En dépit des difficultés, il faut avoir le courage d'aller
plus loin et de s'attaquer dès maintenant, fût-ce provisoirement,
à la racine du mal. Si le premier ministre a eu vent des amendements
libéraux, il a là toutes les solutions à son
problème.
Est-il, M. le Président, encore possible, dans le climat de
surchauffe où se trouve présentement une partie de l'opinion
québécoise, d'établir un consensus sur des objectifs qui
répondent aux aspirations, sinon de tous et chacun des citoyens, du
moins de leur immense majorité? Quant à moi, je réponds
« oui » à cette question. La seule condition qui est requise
est que les membres du gouvernement et du groupe ministériel fassent
passer l'urgence nationale au-delà de leur intérêt de parti
et qu'ils recherchent avec nous, sans parti pris, les moyens de transformer le
bill 63 en troisième lecture pour que, dès maintenant, il
constitue vraiment la base d'une politique linguistique valable pour le
Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. Pierre Laporte
M. LAPORTE: M. le Président, je crois que suffisamment de
personnes ont déjà exprimé leur point de vue sur le bill
63. Je pense qu'il n'est pas anormal c'est plutôt le contraire qui
le serait que je dise, le plus brièvement possible, trois choses.
La première, c'est sur l'état de la langue française au
Québec et sur la responsabilité des Québécois
envers cette langue en fonction d'une chose dont a parlé le ministre du
Travail, le livre blanc sur une politique culturelle pour le Québec. La
deuxième chose que je voudrais dire s'adresse à nos compatriotes
de langue anglaise qui ont paru, si on lit certains de leurs journaux, faire
preuve d'une certaine impatience à l'endroit de ce qui se passe
actuellement à l'Assemblée nationale.
Troisièmement, j'aurai quelques remarques à l'adresse du
gouvernement et du projet de loi qu'il continue de proposer à cette
Chambre.
Il eût été possible, M. le Président, si l'on
s'était donné simplement la peine de ne pas ignorer ce qu'une
administration précédente avait fait, de trouver prête et
susceptible d'être transformée en une loi cohérente, une
politique de français prioritaire pour le Québec. J'ai extrait du
livre blanc sur une politique culturelle, quia été
préparé à la fin de 1965 et au début de 1966, le
chapitre 7, c'est-à-dire les pages 45 à 54. Au-delà des
blagues que le ministre du Travail a pu faire, la semaine dernière,
au-delà des remarques qu'il a pu se permettre sur des ratures, sur des
modifications, le texte définitif comporte une analyse de la situation
de la langue française au Québec. Il déclare qu'il
appartient aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour
rétablir la situation. Il fixe, comme premier objectif, de faire du
français, sans négliger la langue anglaise, une langue
prioritaire au Québec. Quatrièmement, il parle des langues
officielles dans l'Etat du Québec: l'anglais et le français et
élabore, en termes suffisamment précis, ce que l'Office de la
langue française pourrait faire pour que s'établissent chez nous
les choses dont nous avons parlé dans l'amende-
ment proposé par les libéraux au bill 63: la
priorité de la langue française et une langue de bonne
qualité pour les Québécois.
Il y avait des propositons que je résume, parce que je voudrais
terminer avant six heures. Recommandations:
Premièrement, que le gouvernement du Québec, vu
l'état périlleux où se trouve la langue de la
majorité, le français, prenne les moyens de conférer
à cette langue le statut de langue prioritaire.
Deuxièmement, qu'en application de la loi portant création
du ministère des Affaires culturelles tous les organismes de
l'administration québécoise coopèrent au travail de
l'Office de la langue française.
Troisièmement, que le gouvernement du Québec, en vue
d'améliorer la qualité du français dans l'enseignement,
institue une commission permanente composée de fonctionnaires de
l'Office de la langue française et du ministère de
l'Education.
Quatrièmement, que le ministère des Affaires culturelles
crée, au sein de l'Office de la langue française, un service de
recherche et d'étude linguistique, un centre de terminologie, une
commission de sociologie et un service de l'affichage, de la réclame et
des raisons sociales.
Cinquièmement, que le ministère des Affaires culturelles
continue à accorder aux linguistes québécois les
subventions nécessaires à leurs recherches, à leurs
enquêtes et à la publication de leurs travaux.
Je dis que nous avions, bien avant que le gouvernement actuel n'assume
la responsabilité de l'administration, proposé quelque chose que
l'on aurait pu utiliser. Je regrette qu'on ne l'ait pas fait jusqu'ici.
Nos compatriotes de langue anglaise. J'ai lu certains éditoriaux.
Je me suis étonné d'une certaine appréhension que l'on a
manifestée, de certains titres de journaux qui laissaient supposer que
nous retardions volontairement, nous les libéraux, l'adoption du bill
63. La réponse, quant à nous, était facile: Comment
pouvons-nous retarder l'adoption d'une loi qui doit, en fait, entrer en vigueur
le premier juillet 1970?
Ce que je veux dire à nos compatriotes de langue anglaise, c'est
que nous sommes absolument d'accord la majorité d'entre nous au
moins pour asseoir dans une législation le respect de leurs
droits fondamentaux. Mais qu'ils ne s'étonnent ni ne s'impatientent si
nous voulons, nous qui formons la majorité et autant que possible
dans le même projet de loi obtenir pour nous, Canadiens
français des protections, des garanties, et la promotion de notre langue
et de notre culture.
J'ai eu l'occasion de causer avec des compatriotes de langue anglaise et
je n'ai pu m'empêcher de les mettre sérieusement en garde contre
une atitutde qui n'est pas celle de la majorité et qui semble
actuellement je me réfère à certains journaux
vouloir nous imposer à nous, comme une situation satisfaisante,
le statu quo. Il ne faudrait pas, pour aucune considération, que dans le
climat actuel du Québec, nos compatriotes de langue anglaise, qui
s'intéressent avec raison à leurs droits à eux,
négligent de nous accorder à nous le même appui total qui
nous coûte actuellement, à chacun d'entre nous parce que
nous les appuyons qui nous coûte ou qui nous vaut des injures de
la part d'une partie de la population le premier ministre en sait
quelque chose qui nous a valu, à nous, des appels
téléphoniques furibonds, de certaines personnes, des
gélégrammes, des lettres. On nous a fait passer pour des
traîtres à la nation, ce qui me paraît à la fois
ridicule, et stupide. J'ai même dit à des jeunes: Si vous avez
l'intention de me traiter de traître, arrangez-vous pour être au
moins à trois pieds de moi, parce que je ne l'endurerai pas
longtemps.
Mais il ne faudrait pas que nos compatriotes de langue anglaise, pendant
que nous nous exposons sciemment à de telles choses pour faire adopter
un principe auquel nous croyons et qui est simplement justice ce qui
serait tragique en même temps semblent vouloir nous dire à
nous:
Occupez-vous de nos problèmes. Quant aux vôtres, mon Dieu,
pourquoi ne vous satisferiez-vous pas, Canadiens français, d'une
situation qui a été la vôtre depuis bon nombre
d'années et qui fait que la langue française se
détériore et que notre présence relative dans le
Québec menace de diminuer sensiblement? S'il fallait utiliser encore un
mois ou deux mois pour convaincre tous les intéressés qu'il est
nécessaire, dans le même projet de loi, d'accorder à la
langue française et aux Canadiens français au moins une
égale mesure de justice, je pense qu'il serait bon, non seulement pour
nous, il serait bon pour toute la population québécoise, que cela
se fît et ce ne serait pas du temps perdu, ni du temps
gaspillé.
On va constater, lorsque le gouvernement nous apportera ses amendements,
que ce que nous avons proposé, après le discours du chef de
l'Opposition, a été rédigé par lui et personne
d'autre, en ma compagnie; Je ne permettrai pas qu'on accorde la
paternité de ça à d'autres personnes. C'est nous qui
l'avons proposé et
c'est le chef de l'Opposition, à son bureau, qui l'a
rédigé avec mol, l'amendement, avec l'approbation du caucus,
personne d'autre. On va constater que, parce que nous avons tenu, parce que
nous nous sommes battus, parce que nous avons augmenté encore, quant
à nous libéraux, certaines objections que l'on nous a faites,
nous allons obtenir pour tout le Québec probablement ce qui va
être quelque chose de salut public pour le gouvernement lui-même.
Nous avons obtenu des amendements qui vont rendre la loi acceptable et qui
on me permettra de le souligner a permis au député
de Saint-Jean, après avoir obtenu pendant un certain temps une
publicité considérable, a permis...
M. PROULX: J'Invoque mon privilège de député, M. le
Président. A cause d'une nervosité et d'un certain émoi
qui se sont présentés durant mon discours, j'aurais dû dire
que je voterai contre le bill en deuxième lecture. Durant le brouhaha et
à cause d'une certaine nervosité, j'aurais dû dire que je
voterai contre le bill en deuxième lecture.
M. LAPORTE : Je m'excuse d'avoir parlé, je lui al fait changer
d'idée apparemment.
M. LESAGE: Parlez encore. Continuez à parler.
M. PROULX: Je n'ai pas l'habitude parlementaire. Quand j'aurai votre
expérience, je me contrôlerai davantage.
M. LAPORTE: C'est ça.
M. PROULX: Mais je voterai...
M. LAPORTE: Oui, vous l'avez déjà dit et vous bouffez mon
temps là. Alors, M. le Président...
M. PROULX: ... en deuxième lecture contre le bill...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAPORTE: M. le Président, si on veut me donner deux minutes,
je vais terminer. Je voudrais, comme troisième argument c'est le
dernier point que Je voudrais souligner après avoir
insisté sur notre désir de rendre justice à tout le monde,
dire que si j'avais été le gouvernement, au lieu de nous amener
ce projet de loi qui a créé les remous que l'on sait dans la
province de Québec, il eût été encore une fois
possible d'apporter un projet de loi très simple pour régler,
dans la justice, le problème de Saint-Léonard et ceux qui
pourraient problèmes analogues naître ailleurs dans
la province de Québec et préparer, pour plus tard, une politique
linguistique complète et cohérente pour tous les
Québécois.
Je maintiens ce point de vue. Le gouvernement pourrait, sans se
diminuer, retirer ce projet de loi incomplet, qu'on est en train de
rapiécer après avoir dit qu'on n'y toucherait jamais. Le
gouvernement pourrait régler le problème de Saint-Léonard,
régler le problems du droit de nos compatriotes anglophones aux
écoles de leur choix et prendre le temps nécessaire la
commission Gendron, les études pour proposer aux
Québécois une politique linguistique cohérente. M. le
Président, il est bien évident que nous ne sommes pas pleinement
satisfaits du projet de loi no 63; loin de là. Nous en acceptons les
principes fondamentaux. Je me permets de dire à cette Chambre que
j'aurais espéré que nous puissions voter ce soir avant six
heures.
Je sais que le ministre du Travail doit parler ce soir et
peut-être aussi d'autres collègues. Je devrai être absent
pour des raisons que quelques-uns d'entre nous pouvons imaginer. Si le vote se
prenait ce soir, je ne pourrais voter. Je tiens à dire publiquement et
solennellement que, si j'avais été présent en Chambre,
j'aurais voté en faveur du principe du bill 63.
M. FLAMAND: M. le Président, je demande la suspension de la
séance.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit
heures quinze.
Reprise de la séance à 20 h 15
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs! L'honorable
député de Rouyn-Noranda.
M. Antonio Flamand
M. FLAMAND: M. le Président, nous avons beaucoup entendu parler,
au cours de ce débat sur la Loi pour promouvoir l'enseignement de la
langue française au Québec, des enseignants, de leur attitude
vis-à-vis du bill et surtout de leur participation à certaines
manifestations.
Il était normal, je pense, que le milieu de l'enseignement, qui
est directement concerné par l'application de ce bill, soit le premier
sensibilisé, le premier qui donne certains signes de son approbation ou
de sa désapprobation. Seulement, je voudrais signaler à la
Chambre qu'il est extrêmement dangereux pour l'autorité qui est
nécessaire aux professeurs lorsqu'ils enseignent à des enfants et
à des adolescents de les rendre responsables de tous les
péchés d'Israël.
A titre d'expérience comme ancien professeur et tous ceux
qui l'ont été, dans cette salle, en savent quelque chose
il devient extrêmement pénible parfois d'avoir affaire dans une
classe à un seul élève dont les parents, pour quelque
raison que ce soit, sont en conflit avec le professeur. Que dire lorsque toute
une société les blâme continuellement de tout ce qui peut
se passer et les rend continuellement responsables de toutes les manifestations
qui peuvent avoir lieu?
On accuse certains professeurs j'en al eu connaissance, cet
après-midi, dans cette Chambre, à trois reprises on ne les
nomme pas, on ne les dénombre pas, mais, à ce compte-là,
toute la profession en subit les répercussions. Je voudrais rappeler
à certaines personnes certaines choses qui se sont passées l'an
dernier. L'on se rappelle qu'à l'occasion du bill 85 il y a eu, devant
le Parlement, une manifestation. On s'est empressé de blâmer les
professeurs. Par la suite, une enquête a eu lieu et elle a
révélé c'est le ministre d'Etat à
l'Education qui en a fait part à la Chambre, le 14 décembre
elle a révélé que non seulement les professeurs, au
départ, n'étalent pas à l'origine de cette
manifestation-là, mais que la commission scolaire, prévenue de ce
qui allait se passer, n'avait absolument rien fait pour l'empêcher. Ce
n'est qu'après que les professeurs se sont rendus sur les lieux pour
essayer de voir à ce que tout se passe dans l'ordre.
Or, non seulement, à ce moment-là, ils n'étaient
pas responsables de cette manifesta- tion-là, mais la commission
scolaire, qui était le représentant direct des parents, n'avait
pas fait ce qu'il fallait pour l'en empêcher.
Nous lisons dans le rapport Durham, que le meilleur moyen de
résoudre l'opposition des deux groupes français et anglais c'est
de noyer la population française sous le flot d'une immigration
organisée méthodiquement, contrôlée au
départ, accueillie à l'arrivée et assurée d'une
situation privilégiée dans la colonie. Il propose
également, sans opérer le changement trop vite ni trop rudement
pour ne pas froisser les esprits et ne pas sacrifier le bien-être de la
génération actuelle, d'établir éventuellement que
le gouvernement de cette province soit assuré par une assemblée
décidément anglaise. Ces deux parties du plan
décidé par Lord Durham on peut le voir aujourd'hui
n'ont pas été réalisées, du moins dans le
Québec.
Nous pouvons sans doute assurer qu'après l'échec du
gouvernement d'Union remplacé par la confédération
actuelle, surtout la deuxième partie de son plan s'est
avérée un échec, du moins partiel. Il faut cependant se
rendre compte que, volontairement ou non, d'une manière scientifiquement
contrôlée ou non, la confédération a permis
d'appliquer à la lettre les premières recommandations du rapport
Durham dans le reste du Canada.
Les statistiques nous montrent par exemple que, de 1901 à 1961,
sur 7 millions d'immigrants qui sont entrés au Canada, 38% sont
d'origine anglaise, tandis que 1.5% seulement sont de langue française,
les autres par contre, soit 51.5% sont passés dans une proportion de 98%
du côté anglophone. Les immigrants ont été choisis
méthodiquement. Ils ont été assurés d'une situation
privilégiée dans la colonie, et de cela nous pouvons nous en
rapporter au présent où environ seulement 10% des immigrants qui
arrivent au pays n'ont pas d'emplois qui les attendent.
On pourrait également se référer dans le
passé à la colonisation des provinces de l'Ouest où des
gens arrivant de l'extérieur étaient payés pour leur
transport et leur installation, alors que les Canadiens français
devaient subvenir ou quêter leur installation et l'argent
nécessaire à leur transport. Ils étaient pourtant dans le
pays des citoyens à part entière et souvent dans une situation
plus difficile que la plupart des immigrants qui arrivaient à ce
moment-là. Pas surprenant que, dans cette situation, les immigrants se
soient rangés du côté des anglophones, c'est-à-dire
du côté de ceux qui détenaient le pouvoir.
Si nous revenons au recensement de 1961, nous nous rendons compte que
l'intention mentionnée dans le rapport visant à noyer les
Canadiens français pour qu'ils deviennent progrès-
sivement anglais a réussi en grande partie dans le Canada tout
entier, et pourrait éventuellement réussir au Québec.
Ainsi, en 1961, sur 5.5 millions de personnes qui se reconnaissaient
dans le Canada une origine française, 400,000 avaient perdu leur langue;
le groupe anglophone s'était enrichi, lui, de 2,600,000 de personnes
parlant l'anglais. Même au Québec où il y avait, en 1961,
4,241,000 personnes d'origine française et 567,000 d'origine anglaise,
les parlants français, qui étaient sept fois plus nombreux,
avaient associé à leur groupe 28,000 personnes d'origines
différentes alors que les Britanniques en avaient associé
130,000, ce qui faisait pour les anglophones, sept fois moins nombreux, des
gains cinq fois plus élevés. Il n'est donc pas
exagéré de dire qu'au Québec même, si les naissances
devaient rester au niveau actuel d'environ 16 pour mille habitants alors que
pour les Néo-Québécois, particulièrement les
Italiens, elles se chiffrent à 27 par mille habitants, et si les
conditions futures faites aux immigrants devaient rester les mêmes, les
premiers objectifs du rapport Durham pourraient éventuellement devenir
réalisables.
Situation renversante et bouleversante, écrit le père
Arès. C'est la minorité, au Québec, qui possède la
plus grande puissance assimilatrice. Une minorité de 10% assimile
davantage on a vu tantôt qu'elle assimile sept fois plus
qu'une majorité de 80%. Comment ne pas se dire que la minorité
anglophone reçoit au Québec un traitement extrêmement
dangereux puisqu'elle y est vivante à 123% alors que la majorité
française réussit à peine à dépasser le
minimum nécessaire à sa propre conservation, soit un degré
de vitalité de 100.7%.
Bref, au Québec, la minorité anglophone se comporte en
majorité et la majorité francophone se comporte en
minorité. Les Franco-Québécois sont engagés dans un
processus de minorisation et d'anglicisation. La langue des affaires est
l'anglais, de même que la langue de travail, la plupart du temps. Parlant
mal leur propre langue, obligés de travailler dans une langue qu'ils ne
parlent pas ou qu'ils parlent mal, les francophones en sont arrivés
à parler ce qu'on appelle du franglais. Par ailleurs, les
Néo-Québécois, au lieu de s'intégrer normalement
à la majorité, ont opté et continueront d'opter pour la
minorité détenant le pouvoir économique.
Loin de tenter de freiner ce mouvement, l'Etat québécois a
fourni tous les moyens possibles aux anglophones et à ceux qui voulaient
les Joindre pour l'accélérer.
Les anglophones se sont bâti un empire scolaire où ils
constituent eux-mêmes à peine le quart de la population
étudiante qu'ils drainent dans leurs institutions payées par les
fonds publics.
A titre d'exemple, la Fédération des
sociétés Saint-Jean Baptiste du Québec rapportait, dans
son mémoire présenté à l'occasion du projet de loi
85, qu'au début de l'année scolaire 1968-1969 la commission des
écoles catholiques de Montréal a ouvert 75 nouvelles classes dont
65 de langue anglaise et seulement dix de langue française.
Nous ne traiterons pas ici du rôle des universités
anglophones qui ont constamment refusé de s'intégrer au
Québec tout en poursuivant sans relâche l'anglicisation des
Néo-Québécois et souvent même des
Québécois de langue française. Si l'on ajoute aux chiffres
de la Commission des écoles catholiques de Montréal, chiffres que
je ne rappellerai pas, les statistiques de fréquentation scolaire du
secteur protestant et autres institutions anglaises, on atteint facilement un
taux d'angliclsation de 90% des Néo-Québécois. C'est
d'ailleurs ce qu'affirmait M. René Gauthier, commissaire au
ministère de l'Immigration du Québec, devant les congressistes de
l'Association des éducateurs de langue française en août
dernier; « L'analyse du recensement de 1961, les diverses enquêtes
et les statistiques scolaires indiquent que 90% des immigrants
s'intègrent à la communauté anglophone du Québec,
soit qu'ils soient déjà de langue anglaise, soit qu'ils optent
pour celle-ci. Cette situation, ajoutait-il, vient consacrer en quelque sorte
le caractère proprement anormal de la société
québécoise ».
Pour ces raisons, il ne me semble pas que les mesures
préconisées dans l'actuel projet de loi obligeant le ministre
del'Education à prendre les dispositions nécessaires pour que les
programmes d'étude édictés ou approuvés pour ces
institutions d'enseignement et les examens qui les sanctionnent afin d'assurer
une connaissance d'usage de la langue française aux enfants à qui
l'enseignement est donné en langue anglaise soient suffisantes pour
amener qui que ce soit du groupe anglophone à traverser la
barrière culturelle et à venir augmenter le groupe des parlants
français. Tout au plus lui assureront-elles la connaissance de notre
langue, ce qui ne servira, à mon sens, qu'à affermir sa situation
de privilégié qu'il possède déjà au
Québec en faisant de lui un bilingue.
Pour ce qui est des mesures concernant les immigrants, elles non plus ne
semblent pas suffisantes. En effet, assurer à l'immigrant la
connaissance de la langue française sans qu'il y ait pour lui
nécessité de la parler, c'est-à-dire sans qu'il y ait
proclamation du français comme langue de travail, ne servira qu'à
lui assurer une
situation privilégiée sur le territoire
québécois. Lorsqu'il entre au pays, celui qui est sans emploi
doit subir 20 semaines de français, mais il doit également subir
20 semaines d'anglais, ce qui, compte tenu de l'environnement, lui semblera
beaucoup plus nécessaire et beaucoup plus utile que ces 20
premières semaines de français.
Bien plus, je me demande par quelles mesures on pourra atteindre les 90%
de ceux qui, entrant au pays, ont déjà un emploi assuré.
Je suis certain que nous les retrouverons à des recensements
subséquents comme faisant partie du nombre des parlants anglais.
Le projet de loi, tel qu'il est rédigé actuellement, s'il
a des effets heureux, en a en faveur du groupe anglophone d'ailleurs,
aucune protestation n'est venue de la part de ce groupe en ce sens
qu'ils n'auront plus besoin des Canadiens français pour occuper
certaines fonctions où l'on doit faire affaires avec le groupe des
parlants français et ça dans leur langue. Ce qui permettait,
quand même, à plusieurs des nôtres qui étaient
bilingues d'occuper des postes intéressants.
Bien plus, ce projet de loi, assure aux parents le libre choix de la
langue d'enseignement de leurs enfants, que les parents soient d'origine
anglaise ou autre. Ces mesures vont permettre, comme on l'a
toléré dans le passé, au groupe anglophone d'augmenter ses
effectifs de façon de plus en plus accélérée.
Quant aux Canadiens français eux-mêmes, si actuellement il
ne leur est pas défendu d'inscrire leurs enfants à l'école
anglaise, il reste que, dans les faits, les commissaires d'école
à qui pareilles demandes étaient faites pouvaient toujours se
retrancher on a vu, par un exemple que nous a donné cet
après-midi, le député de Saint-Jean, que c'est ce que les
commissaires d'école ont fait dans la région de Saint-Jean
derrière les difficultés de trouver des locaux, de trouver du
personnel et, dans certains cas, refusaient simplement de le faire. Ceci pour
empêcher cette désertion de certains des nôtres vers le
groupe anglophone.
Mais, aujourd'hui, avec cette nouvelle loi, ils seront obligés
d'obtempérer au désir des parents si des amendements ne sont pas
apportés, ce qui se révèlera néfaste dans certaines
régions, particulièrement à Montréal, d'ici peu
d'années.
Nous avons vu aujourd'hui, dans le Devoir, à partir d'une
étude faite par les démographes Jacques Henripin, Hubert
Charbonneau et Jacques Légaré que, même dans une
perspective optimiste, nous sommes, dans la région de Montréal,
en voie de régression, et ce sans qu'une loi comme le bill 63 sans
amendement inter- vienne pour favoriser ce processus d'anglicisation.
Je suis persuadé que le bilinguisme institutionnalisé tel
qu'on le préconise n'est pas souhaitable en soi. Tout bilinguisme se
fait au profit du plus fort, or nous ne sommes pas les plus forts en
dépit de notre majorité numérique au Québec,
majorité sérieusement menacée d'ailleurs dans une
région tout aussi importante que celle de Montréal.
On a fait grand état depuis quelque temps de la liberté
individuelle qui conférerait automatiquement aux futurs
Néo-Québécois le droit de choisir la langue d'enseignement
de leurs enfants. Il ne s'agit pas dans mon esprit de diminuer les
privilèges des Néo-Québécois déjà
installés au Québec et aux anglophones d'origine britannique
déjà installés. Il s'agit de ne pas accorder ce
privilège-là à des gens qui ne peuvent pas le
réclamer car ils ne sont pas encore arrivés sur notre territoire,
ils sont encore à l'étranger. Il ne s'agira pour eux que de
connaître la situation ici dans le Québec; et ils ne pourront
absolument pas, à ce moment-là, se prévaloir de leur
liberté individuelle pour réclamer le droit d'envoyer leurs
enfants à l'école anglaise. Ce qui n'est pas le cas pour ceux qui
sont déjà installés. Là-dessus, je pense que toute
la Chambre est d'accord.
Ce serait en faire des citoyens de seconde zone, a-t-on affirmé
péremptoirement. Serait-ce en faire des citoyens de seconde zone que de
les obliger à apprendre le français comme langue prioritaire?
D'autant plus qu'à l'avenir tout étranger intéressé
à venir s'installer au Canada saurait que, s'il vient au Québec,
il devra d'abord apprendre le français, et que s'il désire aller
ailleurs, en Amérique ou en Ontario, ce sera l'anglais qu'il devra
apprendre en premier lieu.
La liberté de choix, il pourra donc l'exercer et l'exercera avant
de partir de chez lui, comme il sait qu'il devra apprendre l'allemand s'il
décide d'émigrer en Allemagne, comme il sait qu'il devra
apprendre l'espagnol s'il décide d'émigrer en Amérique
latine. Je crois que, tout comme les droits d'un individu sont limités
par les droits d'un autre individu, les droits individuels sont limités
par les droits collectifs quand il s'agit de sauvegarder un bien national. Et
corollaire ment, dans le cas qui nous occupe, les droits des anglophones
minoritaires sont limités par les droits des francophones
majoritaires.
Le droit, pour les parents, de choisir l'école de leurs enfants
n'est pas un droit infini. Il est mesuré par les droits des autres, il
est mesuré par des droits supérieurs. La langue est
un bien national, non un bien individuel. Comme entité culturelle
distinctive, une nation cesse d'exister, à mon sens, en tant que telle,
quand elle perd son identité culturelle. Or, la langue est l'essentiel
de l'identité culturelle.
J'ajoute que si le choix des individus, qu'ils soient francophones,
anglophones ou Néo-Québécois, met en danger la
qualité ou l'existence même de ce bien national, dans ce cas il me
semble évident que l'Etat, gardien du bien public et des valeurs
fondamentales de la nation, doit réglementer cette liberté
individuelle. En conséquence, je devrai donc, en deuxième
lecture, voter contre le bill, tout en espérant que les amendements qui
seront apportés en comité plénier me permettront d'avoir
une opinion différente lors de la troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire
que le débat qui se terminera dans quelques minutes passera
sûrement à l'histoire et par la force des convictions qu'a mise
dans ce débat l'honorable premier ministre dans le discours très
remarqué qu'il a fait dans cette Chambre et particulièrement
à cause des raisons données qui ont motivé son
intervention d'une manière toute particulière, pour bien
expliciter la mesure gouvernementale.
Je dois dire, en vertu de l'article 556, puisque nous en sommes au
principe, que nous devons rendre au premier ministre un témoignage
particulier de courage et de force pour avoir voulu, lui, dans cette province,
prendre toutes ses responsabilités et apporter devant cette Chambre le
bill 63 tel qu'il est présenté.
Ce n'est pas facile en politique et en vie publique, M. le
Président, en certaines circonstances particulières, de poser des
gestes très concrets qui sont la définition même d'un bon
parlementaire et qui indiquent bien la sincérité de l'homme
public qui, ne craignant rien, pas plus le chantage que les menaces,
décide un jour par devoir d'apporter devant cette Législature,
devant ce Parlement une loi nécessaire aubien-fait de tout le monde et
particulièrement pour protéger notre race
canadienne-française, mais aussi toutes les minorités qui ont
droit de vie dans cette province.
L'honorable chef de l'Opposition, au début de son intervention
l'autre jour, nous a grandement réjouis. Il a lui aussi montré
son courage.
Il a fait face lui aussi dans son propre parti à certaines
contradictions, j'en suis sûr, mais fort de l'élément
d'autorité et particulièrement de responsabilité publique
qui l'ont toujours animé, je suis très heureux de dire que son
intervention, jusqu'à la production de sa motion, nous a plu
énormément.
M. LESAGE: Mais même la motion devrait vous plaire maintenant.
M. BELLEMARE: M. le Président, nous avons entendu aussi plusieurs
autres députés qui ont affirmé certaines craintes quant
à leur conscience. Je pense que, dans cette Chambre, nous pourrions nous
dispenser d'un vétérinaire et qu'il serait beaucoup plus
important d'avoir un psychiatre. Je n'ai jamais vu des gens aussi
traumatisés, tellement traumatisés que, dans l'espace d'un petit
quart d'heure, on a changé de poulain. Je respecte leur opinion.
Je dis que c'est bien mal servir sa race quand on l'aime, quand on a
vécu intensément dans un milieu nationaliste que de ne pas ce
soir faire l'unanimité totale devant ce geste pour la première
fois posé dans notre province. Je ne blâme ni l'Union Nationale ni
M. Taschereau de ne pas l'avoir posé avant aujourd'hui. A cause des
circonstances particulières qui se sont développées dans
notre province, il est venu un temps où il fallait nécessairement
prendre une attitude ferme et affirmer dans les faits ce que la tradition a
toujours respecté.
C'est pourquoi, M. le Président, le gouvernement,
l'exécutif, a longuement discuté du projet de loi. Nous en sommes
venus à un consensus et nous avons décidé, puisque
c'était de l'intérêt public, puisqu'il importait aux
représentants du peuple, eux qui ont véritablement un mandat pour
parler au nom de la nation, de légiférer. Et c'est ce peuple
aujourd'hui qui est représenté dans cette assemblée
parlementaire! Et c'est ce peuple qui va, dans quelques instants, voter en
faveur d'une législation qui sera pour son bien, pour son
intérêt et particulièrement pour son salut.
Quand je vois les alliances qui se sont faites ces jours derniers sur la
place publique, je me pose des questions très sérieuses. Quand on
n'a pas le courage particulièrement de rester en Chambre pour
répondre et faire face à quelqu'un, à un
député, à un ministre qui, dans des termes bien choisis,
lui ont montré ce que valait le P.Q. Le courage de ces alliances que
nous avons vues avec un Michel Chartrand pour qui la révolution est pour
demain, qui, dans tous les mouvements de contestation, est prêt à
mettre le feu, est prêt à bâillonner, est prêt
à tirer sur la place publique contre l'autorité
constituée. C'est lui
qui a répété: Vive Cuba! C'est lui qui a
répété: Vive Castro! C'est lui qui a dit: Les bombes, le
plastique aux universités! Un tel énergumène, s'il ne peut
aujourd'hui recevoir l'adhésion de son mouvement, peut être
qualifié comme le pire des révolutionnaires. Et c'est ça
dont se servent aujourd'hui les éléments nationalistes dans la
province de Québec pour véritablement enflammer notre peuple et
demander, par de la sédition, à renverser un gouvernement. Le
gouvernement, lui, fort de la responsabilité qui lui est donnée
dans cette province d'exercer véritablement l'autorité, se voit
demain matin devant ces réactionnaires, ces activistes dans une foire au
désordre, dans une foire à l'insubordination aux lois et aux
autorités. Un Michel Chartrand, un Bourgault, un Lemieux, alliés
avec la quintessence d'un Albert Angers. Imaginez-vous quel mariage!
DES VOIX: Lévesque!
M. BELLEMARE: On a voulu ailler à ces honorables messieurs qui
portent le titre de révolutionnaires avec un grand drapeau, qui sur la
place publique croient véritablement, ne croient pas mais font semblant
de défendre la démocratie et défendre le petit peuple,
disent-ils. Vous pouvez m'en parler à moi qui, depuis des années,
lutte contre ces gens à tous les instants en certains conflits ouvriers
qui ont bouleversé la province. On les a fait disparaître dans le
mouvement ouvrier, dans le règlement de la grève de la
construction. On les a fait disparaître dans le règlement des
fonctionnaires de la province. Il n'y a pas eu de grève. On les a fait
disparaître dans le règlement de l'Hydro.
Il n'y a pas eu de grève. On les a fait disparaître dans le
règlement des enseignants. Il n'y a pas eu de grève. On les a
fait disparaître dans le règlement des hôpitaux. Il n'y a
pas eu de grève et il n'y en aura pas, je l'escompte. C'est ça de
la démocratie. C'est ça comprendre son rôle de
législateur, être un homme actif en politique, être un
véritable parlementaire, être membre d'une équipe et bien
servir pas le parti mais la patrie qui a besoin de nous, en dehors des cadres
d'un parti politique. Mais, fiers de la responsabilité qui nous incombe
de tâcher d'établir des ponts qui puissent véritablement
donner et recevoir un dialogue sain, pas un dialogue de démagogue, pas
un dialogue où l'on est prêt à enflamer tout ce qui est sur
notre passage, saccageant les autorités, les institutions, les personnes
et les biens. Cela ce sont des révolutionnaires, et Dieu sait combien je
les al rencontrés. Mais j'ai déjà dit à ces gens:
Comptez sur moi comme ministre du Travail, vous avez acquis depuis de
nombreuses années, à force de luttes terribles, de luttes
gigantesques des droits; comptez sur moi pour vous les faire respecter.
Mais, comptez aussi sur moi pour vous faire faire vos devoirs envers la
société, devoirs que vous n'avez pas toujours faits, mais que
vous allez faire! Dieu sait combien, aujourd'hui, dans un climat serein, M. le
Président, on a réussi à établir ce dialogue qui
veut véritablement respecter le bien de tout le monde, rendre un service
à la patrie, parler avec la langue du bon sens, non pas se croire des
croisés parce qu'on a un drapeau, le drapeau de la province de
Québec, et qu'on « se parade » avec une bouteille de
bière de l'autre main. On pense qu'on est des croisés pour la
grande croisade de la défense de la langue. Eh bien, il n'y en a pas dix
parmi eux qui ont véritablement lu le bill.
Bien des gens, M. le Président, qui sont venus ici devant le
parlement ou qui ont cassé des vitres un peu partout ne savaient
seulement pas ce qu'il y avait d'écrit sur leur pancarte ou ne la
comprenaient pas. Mais ça fait bien, ça fait snob, ça fait
dans le vent d'être aujourd'hui dans la place publique et de crier contre
l'autorité.
Ces jeunes, M. le Président, ne savent pas qu'ils
obéissent souvent à" des brouilleurs de cartes, à des
activistes qui, eux, ont derrière leurs pensées bien plus que la
défense de la langue française ou la défense de notre
Canadien chez nous. Eux autres, ils ont d'autres aspirations; elles sont
voilées, cachées. Pourquoi les retrouve-t-on partout où il
y a des mouvements de contestation? Pourquoi rencontre-t-on les mêmes
révolutionnaires partout derrière ce drapeau qui se veut pur, qui
se veut blanc, qui se veut rempli de bonnes intentions si ce n'est, M. le
Président, pour semer partout la pagaille, l'insatisfaction qui, demain,
produira chez nous cette révolution sanglante que d'autres pays ont
connue?
Demain, dans les journaux, certains journalistes diront que je suis un
chasseur de sorcières. Mais, moi, M. le Président, qui les
connaît, qui les vois agir, je peux vous en donner ma parole que ces
brasseurs d'anarchie, que ces brasseurs d'idées subversives n'ont qu'un
but: tâcher de semer partout le mécontentement, tâcher de
semer partout le malaise économique, dire qu'il y a du chômage,
dire qu'il y a des pauvres et qu'ils sont exploités, dire qu'il y a des
gens qui véritablement devraient être aidés. Mais qu'a fait
Michel Chartrand? Qu'a fait René Lévesque quand il a
été au gouvernement, pendant les années où il avait
la responsabilité d'administrer? Rien, rien que rien,
excepté de faire de la télévision avec un tableau
et une craie.
Le chef du P.Q., le vieux chef du P.Q. oui, le vieux chef du P.Q.
déjà peureux, déjà prêt à
prendre la fuite dès qu'on contredit ses idées. Le vieux chef du
P.O. pourrait-il nous dire pourquoi ce M. d'Allemagne a été
durement frappé dernièrement parmi les membres de son parti?
Peut-être a-t-il une raison à nous donner pour expliquer pourquoi
il n'a pas empêché ses P.Q. un peu partout dans la province, qui
sont des professeurs, de semer, eux, la révolution et la sédition
auprès de ces jeunes cerveaux, de ces enfants qui avaient bien plus
besoin d'aller à l'école, d'entendre l'autorité d'un
maître que d'un révolutionnaire, payé, on sait comment,
avec l'argent de nos taxes, avec l'argent du populo, gracieusement payé
par sa majesté!
Pourquoi, M. le Président, cette cabale sournoise? Est-ce que
l'on n'a pas recherché je ne veux pas prêter de motifs
à personne un certain gain politique? Je me pose la question. Je
me demande, M. le Président, si ça ne rapportait pas quelque
chose à quelqu'un cette attitude, dans les circonstances?
Le vieux chef du P.Q. nous a dit, dans une intervention qu'il a faite
ici en Chambre, qu'il avait deux attitudes. Premièrement, pour ce qui
était déjà acquis, pas d'objection! La reconnaissance des
deux langues. Mais lorsque l'Etat deviendra souverain, ce sera un Etat
unilingue!
Je serais drôlement chaussé si je me promenais avec un
soulier blanc et un soulier noir dans le même appartement, le même
jour. Quelqu'un m'en ferait la remarque: Vous vous êtes sûrement
trompé de souliers ou de couleurs. Mais pour le vieux chef du P.Q.
ça fait pareil, parce que c'est populaire. C'est populaire,
prêcher une doctrine de deux poids, deux mesures. Devant l'opinion
publique, pour ce qui est des droits acquis pour les faits établis,
d'accord, les deux langues sont officielles. Mais dans notre nouvel Etat
souverain; ce sera l'unilinguisme.
Très beau tableau, M. le Président.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je crois qu'on peut faire
appel au règlement quand quelqu'un ment sciemment et fausse les
faits...
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): A la suite du ministre des Affaires culturelles
qui en a fait autant...
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne permettrai pas au chef du
P.Q. de faire un discours dans mon discours. Son intervention, M. le
Président, doit être...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!
L'honorable député de Laurier a invoqué le
règlement. Je pense qu'il est de mon devoir de l'entendre.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je dis simplement
qu'à la suite du ministre des Affaires culturelles qui, lui, au moins, a
accepté une partie de la rectification, le ministre du Travail vient de
déformer mes propos et de fausser complètement ce que j'ai dit.
Je crois qu'on a droit à une rectification, normalement, en Chambre.
J'ai dit que, dans un Québec souverain, la langue officielle de l'Etat,
des institutions publiques, avec une période de transition normale,
serait le français, mais que les droits acquis par notre minorité
anglophone de la même façon que nous le proposons ici
au point de vue scolaire seraient respectés selon une formule que
les amendements nous permettront peut-être d'expliquer. Je dis que le
ministre du Travail peut vomir autant de bêtises qu'il voudra, mais il
n'a pas le droit de fausser les faits...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre.
M. BELLEMARE: Je sais, M. le Président, que le vieux chef du P.Q.
n'aime pas ça.
M. LEVESQUE (Laurier): Je n'aime pas les menteurs, non!!!
M. BELLEMARE: Vous savez, M. le Président, s'il n'aime pas les
menteurs, il doit se trouver drôlement à la gêne dans sa
peau...
Un menteur, s'il y en a eu un dans la vie publique... Je ne veux pas
faire de personnalité, je ne dirai pas que c'est lui, je ne le dirai
pas. Vous n'aurez pas besoin de vous lever, M. le Président, je ne
l'accuserai pas d'être menteur. Pas du tout, il a fait ça toute sa
vie, mais je ne le lui dirai pas. Pas du tout...
M. le Président, ce qui est révoltant, actuellement, dans
la province de Québec, ce qui est extraordinaire, c'est d'entendre dans
nos comtés quelle a été surtout la réaction du bon
peuple. Moi qui ai particulièrement une politique du trottoir,
malgré ce qu'en dit M. Hudon dans sa fameuse caricature, j'ai eu
l'occasion, en fin de semaine, comme tous les autres membres de cette Chambre,
d'entendre les réflexions qu'on a
faites dans mon comté. Je suis allé à deux
réunions où il y avait plusieurs centaines de personnes. Je suis
allé, comme un bon catholique, à la messe et sur le perron de
l'église, n'en déplaise au vieux chef du P.Q. je vais
encore à la messe, moi, imaginez-vous ! sans hypocrisie, à part
ça j'ai entendu des réflexions. Qu'est-ce que ces
gens-là m'ont dit? Je vous donne en mille cette déclaration que
je vais faire.
Pas une des personnes que j'ai rencontrées qui ne m'a pas
fortement encouragé à maintenir l'attitude qu'a prise le
gouvernement avec le bill 63. Elles nous ont presque toutes dit: II est temps
de faire de l'ordre dans la province de Québec et d'en mettre de
l'ordre!
Tâchez donc, disaient-elles, de nous délivrer de cette
salade de participation tel que le dit le député de
Laurier salade de participation. Tâchez donc de nous
délivrer de ces professeurs en science révolutionnaire.
Tâchez donc surtout d'appliquer véritablement cette loi qui veut,
elle, particulièrement rétablir, comme il convient, les droits
sacrés de tout le monde.
Je ne parlerai pas des déclarations de l'honorable
député de Chambly, lors de l'intervention qu'il a faite cet
après midi à la toute fin de la séance. Il a voulu dire
que le député de Champlain, sur le livre blanc, ne s'était
pas tout à fait exprimé comme c'était écrit. Je ne
veux pas le chicaner; au contraire, je veux simplement lui rappeler qu'un Jour
il avait fait dans la province une déclaration sur l'unilinguisme que le
chef du parti libéral du temps avait, dans le journal Le Devoir du 27
octobre 1965, à la veille de partir pour un voyage en
Grèce...
M. LESAGE: Non, c'était l'ouverture de la Maison du Québec
à Milan.
M. BELLEMARE : Avant son départ pour l'Italie. Je pensais qu'il
était allé chercher le prix qu'on a appelé le prix...
M. LESAGE: Non, le 27 octobre 1965, c'était l'ouverture de la
Maison du Québec à Milan.
M. BELLEMARE: C'est ça. Et le Proche Orient aussi. Je pensais que
c'était là qu'était le prix Phénix, le prix de la
Grèce.
M. LESAGE: Non, c'était en 1964.
M. BELLEMARE: Et le chef du parti libéral, à ce
moment-là, le 27 octobre 1965, rabrouait son leader parlementaire de
l'Opposition d'aujourd'hui et il disait: Quand je vais revenir, je vais
arranger ça, moi, avec Pierre. Il disait, je lis textuellement, pour ne
pas me faire dire demain que j'ai mal cité le chef du Parti
libéral, M. Lesage, le 27 octobre 1965. M. Laporte avait
déclaré,. une semaine avant, que c'était l'unilinguisme
qui était recommandable. M. le premier ministre Jean Lesage a
déclaré qu'il ne comprend pas...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette infiniment, mais je me
souviens très bien...
M. BELLEMARE: Laissez-moi lire mon texte.
M. LESAGE: ... qu'à ce moment-là il y avait eu une
réunion...
M. PINARD: Donnez-nous la feuille.
M. LESAGE: ... des jeunes étudiants libéraux.
J'étais à cette réunion avec le député de
Chambly et le député de Verdun. Je suis sûr que le
député de Verdun se souvient de cette réunion alors que
tous les trois, le député de Verdun, le député de
Chambly et moi avions convaincu les jeunes de ne pas adopter une
résolution favorable à l'unilinguisme.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. LESAGE: Nous étions tous les trois d'accord.
M. BELLEMARE: D'accord, alors nous allons regarder ce qui est
marqué sur le journal.
M. LESAGE: Je ne sais pas ce que dit le journal. Je rapporte les faits,
moi.
M. BELLEMARE: Ici, à droite, c'est marqué: Sur la
priorité du français au Québec, M. Wagner est contre le
français prioritaire et, de l'autre côté: « Laporte;
L'anglais est déjà une langue prioritaire » Ce n'est pas
moi qui ai écrit ça, ç'a été écrit en
1965.
Mme Casgrain, elle, a dit à la page suivante: « Je ne
partage pas l'opinion de Laporte sur la langue prioritaire au Québec.
» Cela, c'est en 1965. Et, M. Lesage, fâché, comme il
faisait de ces crises : « Le premier ministre du Québec,
l'honorable Jean Lesage, a déclaré formellement qu'il ne comprend
pas du tout le sens de la déclaration qu'a faite le ministre des
Affaires culturelles, M. Pierre Laporte, en fin de semaine et dans laquelle il
a souhaité l'adoption prochaine d'une loi qui ferait du français
la langue prioritaire du Québec. »
M. le Président, je suis prêt à lui envoyer ma
coupure pour qu'il la déchire.
M. MICHAUD: Vous m'en ferez une copie, ça va m'être
utile.
M. BELLE MARE: Cela a changé, la motion de la semaine
dernière qui ferait du français la langue prioritaire au
Québec!
M. LESAGE: M. le Président, je suis bien de bonne humeur, je ne
déchirerai rien. Je voudrais purement et simplement offrir au ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre un échange. S'il veut bien me
permettre de me rafraîchir la mémoire en lisant ces articles du
Devoir, qui ont évidemment été publiés alors que
j'avais quitté le pays pour l'Italie et que je n'ai jamais lus parce que
c'était le 27 octobre...
M. BELLE MARE: Vous êtes revenu?
M. LESAGE: Oui, c'est clair que je suis revenu, mais je n'ai pas lu les
articles en question.
M. BELLE MARE: Bon. On a dû vous les montrer.
M. LESAGE: ... je ferai parvenir au ministre du Travail et de la
Maln-d'Oeuvre - ce sera un échange de bons procédés
le texte d'un discours que j'ai prononcé au mois de mars 1965...
M. BELLE MARE: Je l'ai au complet.
M. LESAGE: ... où je me suis déclaré en faveur du
français prioritaire.
M. BELLEMARE: Je l'ai au complet. D'ailleurs, il avait été
noté dans une revue qu'on retrouve...
M. LESAGE: Avez-vous l'éditorial de M. Champoux sur ce
discours?
M. BELLEMARE: J'ai celui de M. Champoux et j'ai celui du Montreal Star
aussi.
M. LESAGE: Bon, alors!
M. BELLEMARE: Vous regrettez...
M. LESAGE: Alors, le français prioritaire pour le chef de
l'Opposition, ça remonte avant 1965 au moins.
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne voudrais pas faire une
assemblée contradictoire.
M. LESAGE: Non, mais c'est vous qui avez commencé.
M. BELLEMARE: Simplement, en passant, pour tâcher de rendre le
débat très serein, j'ai voulu rappeler ces petits faits
d'histoire qui ne s'effacent pas facilement, ni de ma mémoire ni de mes
dossiers. Lorsqu'on les consulte, on voit deux attitudes un peu
différentes.
Et, M. le Président, j'aurais aimé que l'honorable
député de Chambly fût ici. Je me serais amusé...
M. LEFEBVRE: Il a pris des cours du soir.
M. BELLEMARE: ...sur certaines de ses déclarations et
particulièrement sur les conclusions qu'il tirait sur son livre blanc en
ce qui concerne la langue prioritaire. Je respecte l'absence.
M. MICHAUD: Faites-le quand même; on est
intéressé.
M. BELLEMARE: Mais, je signale qu'il y a quelques notes qui seraient
fort intéressantes pour le débat; je ne les lirai pas. Comme le
député d'Ahuntsic cet après- midi, vous me permettrez de
ne pas citer tous mes chiffres.
Mais, ce bill qui fait l'objet de tant de discussions et qui, je pense,
lorsque nous l'examinons plus à froid, sans entrer, puisque le
règlement le défend, dans l'étude article par article, il
s'agirait de savoir quels en sont les principes. Le premier principe qui existe
dans la loi, c'est que le ministre de l'Education doit prendre les dispositions
nécessaires pour que les programmes édictés ou
approuvés pour ces institutions d'enseignement et les examens qui les
sanctionnent assurent une connaissance d'usage de la langue française
aux enfants à qui l'enseignement est donné en anglais. Cela,
c'est unprincipe.
L'honorable ministre de l'Education doit prendre tous les moyens
à sa disposition dans tous les examens qui sont passés pour
s'assurer que ceux qui se présenteront à des examens qui
aboutiront à la remise d'un certificat puissent passer leurs examens
dans la langue française. Est-on contre ça? Est-on contre une
connaissance d'usage de la langue française aux enfants à qui
l'enseignement est donné en anglais? Est-ce trahir sa race? Est-ce
abandonner ses principes? Est-ce mal servir la collectivité
française d'Amérique? Je vous demande ce qu'il y a de mauvais
dans ce principe.
On dit: On reconnaît par une loi ce qui existe traditionnellement
depuis des années. Mais c'est bien, M. le Président.
Quand vous voyez la déclaration, dans une encyclique de Jean
XXIII, ce qu'on lit ici: « A ce propos, nous devons déclarer de la
façon la plus explicite que toute politique tendant à contrarier
la vitalité et l'expansion des minorités constitue une faute
grave contre la justice, plus grave encore quand ces manoeuvres visent à
les faire disparaître ». Qu'y a-t-il de mauvais dans le principe no
1? Je comprends que les gens du P.Q. ne comprennent rien à cela; rien,
sauf l'électoralisme qui perce.
M. le Président, quel est le deuxième grand principe de la
loi? C'est que le ministre de l'Education, encore, doit prendre toutes les
mesures nécessaires pour que les cours, au niveau de la première
année jusqu'à la onzième inclusivement, adoptés et
reconnus par les écoles publiques, catholiques ou protestantes selon le
cas, soient dispensés a tous les enfants domiciliés dans le
territoire soumis à leur juridiction s'ils sont jugés aptes
à suivre ces cours et désireux de s'y inscrire. Peut-on
être contre cela, contre le choix libre d'un Anglais d'apprendre dans sa
langue la formation dont il a besoin et en vertu du principe no 1 de respecter
la langue de la majorité et quand il s'agira de passer des examens,
d'avoir la connaissance d'usage suffisante? Allons donc! Nous avons
pratiqué chez nous un « fair play » particulier.
C'est M. Angers, le grand croisé de l'heure, qui disait ces jours
derniers il a tenté de définir cette dualité dans
le Canada sur le respect des minorités en dehors du
Québec: « Ce qui importe à l'heure actuelle, c'est la
reconnaissance du fait français à travers tout le Canada comme
étant l'un des deux faits ethniques fondamentaux d'une
confédération canadienne et comme comportant le droit national
des Canadiens français, en tant que collectivité, de se gouverner
eux-mêmes, selon leurs vues propres, dans tout cadre régional
valable où ils peuvent constituer une majorité ». C'est M.
Angers qui dit cela pour défendre les droits de la minorité
française à travers le Canada.
Quand il s'agit de la province de Québec, il fait demi-tour et
cela ne compte plus pour lui. Le principe énoncé dans l'article
2, peut-on être contre cela? Sommes-nous des traîtres? N'avons-nous
pas véritablement assez confiance dans le peuple français du
Québec pour croire qu'ils continuera de s'éduquer, de s'enrichir
au point de vue mentalité et au point de vue intellectuel dans sa propre
langue? C'est impensable quand, chez des Franco-Américains, après
deux siècles d'histoire, lorsque nous allons les visiter, soit dans le
Maine ou dans le New-Hampshire, nous retrouvons encore dans la maison la langue
de la famille, ce bon vieux parler québécois.
Eux aussi ont eu la chance de s'anglifier. Eux, particulièrement,
qui n'avaient pas d'écoles, qui étaient obligés de
s'instruire dans la langue de la majorité. Eux aussi ont fait des
efforts et ont conservé cette langue dans leur famille, ce qui les
honore aujourd'hui, parmi les trois millions de Franco-Américains qui
sont aux Etats-Unis.
Dans notre province, on dit que les Canadiens français opteraient
pour apprendre l'anglais? C'est ridicule à la base même. C'est
l'argument de ceux qui n'en ont plus, de ceux qui veulent essayer de se montrer
plus vertueux et plus patriotes que nous. Ceux qui veulent véritablement
bien servir la cause du Canada français, du Québécois chez
nous, sont ceux qui, dans cette Chambre tout à l'heure, vont voter pour
les principes contenus dans ce bill 63. C'est à l'honneur du parlement
de Québec de voter cette loi à l'unanimité en
deuxième lecture.
M. le Président, le troisième principe, le premier
principe vous l'avez reconnu. Le ministre doit prendre des dispositions
particulières pour que la connaissance d'usage de la langue de la
majorité soit aux examens reconnue pour obtenir le diplôme de la
province. Deuxième principe, le choix. Je trouve que c'est
démocratique, je trouve que c'est logique et Je trouve que c'est ce que
le gouvernement de ma province devait faire en reconnaissance d'une tradition
qui est séculaire chez nous.
Ce n'est pas parce qu'on n'a pas reconnu ça dans les autres
provinces pendant des années que nous devons, chez nous, faire de
l'ostracisme. Non, nous avons été reconnus pour un peuple
à vues larges, nous avons accepté chez nous ces Anglais, ce
parler anglais qui avait certaines traditions. Nous les avons respectés,
nous les avons aidés dans le système scolaire et nous avons voulu
qu'ils vivent chez nous, côte à côte, comme des bons
Québécois, anglais ou français, mais de bons
Québécois qui veulent véritablement servir la nation.
Le troisième principe, M. le Président, c'est en ce qui
regarde l'immigration. Eh bien, notre désir, le premier ministre l'a
explicité cet après-midi; c'est, dès qu'un immigrant fera
sa demande dans un bureau, soit en France, soit en Italie, soit en Angleterre
pour venir s'établir dans la province de Québec, qu'il soit bien
compris qu'il s'en va vivre dans une province française, qu'il sera
obligé de faire les 20 semaines de bain naturel dans la langue
française et que, comme on l'a dit cet après-midi, il devra
continuer sa formation dans la langue de la majorité.
Et cela, ça sera bien défini en partant du lieu même
où nous viennent les immigrants.
Qu'est-ce que voulez, c'est ça qui est tout le bill! Et nous
sommes des traîtres? Nous avons commis un crime es nation...
M. LESAGE: Lèse-nation.
M. BELLEMARE: Mettez ça dans Lèse-nation, je n'ai pas
d'objection. Je ne suis pas susceptible, je ne suis pas comme le vieux PQ, mol;
je suis capable de me faire reprendre sans me choquer. Mais je ne dis pas, par
exemple, que je suis savant sur tout.
Dans quelques minutes les cloches sonneront, et ça sera un moment
historique pour ceux qui voteront en faveur d'un bill qui assure chez nous une
tradition, mais qui reconnaît un fait français, un fait où
on établit définitivement une priorité, où dans les
principes mêmes de la loi nous la reconnaissons. Mais pourquoi soulever
ces jeunes dans nos écoles, préparer cette révolution
à même ces jeunes cerveaux à qui on lance un appel à
la révolte sur la place publique?
Eh bien, M. le Président, pour plusieurs d'entre eux,
c'était peut-être un soir de carnaval, mais pour nous, ce soir,
c'est un soir de responsabilité parlementaire, c'est un soir où
la nation sera fière de nous demain, parce que nous aurons pris une
attitude véritablement logique avec notre passé, avec notre
présent et particulièrement pour les années à
venir.
Aujourd'hui nous légiférons dans l'éducation,
demain ça sera dans le travail. Déjà, dans la langue du
travail, combien de progrès avons-nous faits en silence sans le dire!
Aujourd'hui, au ministère du Travail, les conventions collectives sont
presque à 99% écrites et rédigées en
français. En français, toutes les conventions collectives! Et
nous donnons à ceux qui en demandent des traductions anglaises. Un pas
considérable de fait dans l'atelier par l'étude de terminologie
des mots, un « tire », un pneu et le reste et le reste pour donner
véritablement à ces gens de l'atelier le respect de leur
langue.
J'entendais quelques contestataires pas loin du Parlement, ici l'autre
jour, qui disaient: « En tout cas, cré-moi ben i vont en manger
une ...» ça commence par C. J'ai dit: « Vous
êtes venus contester ? » Il m'a dit: « Oui en c...
Pensez-vous que ce sont pas des bâtards, des enfants...» J'ai dit:
« Si vous êtes venus protester pour protéger la langue que
vous parlez, vous seriez mieux de vous en aller chez vous ».
M. PINARD: Ils voulaient protéger la liturgie.
M. BELLEMARE: La liturgie! Il y a bien des saints qui sont
délogés vous savez, surtout saint Jude. Alors, je remercie
très sincèrement tous ceux qui ont participé à ce
débat. Il y en a quelques-uns qui ont été un peu
méchants, avant six heures, particulièrement quelques-uns
à ma gauche. Non, à ma droite. Mais je sais que l'honorable
député d'Ahuntsic s'était ennuyé de notre Chambre
et il a voulu faire un discours de réparation, surtout devant son parti
qui attendait sûrement cette nouvelle incursion dans un domaine
particulier.
M. LEFEBVRE: Je sens que le ministre va être hors d'ordre.
M. BELLEMARE: Vous avez parfaitement raison, surtout quand je parle de
vous.
M. LEFEBVRE: II y a un temps pour chaque chose.
M. BELLEMARE: Je pense que vous avez été hors d'ordre
avant moi dans votre parti, mais je n'en parle pas.
Je termine et je dis donc merci au premier ministre qui mérite
sûrement le témoignage de tout ce Parlement pour le courage qu'il
a manifesté, pour la détermination qu'il a bien voulu apporter
à présenter ce bill. Je suis sûr que le premier ministre a
dû recevoir bien des témoignages de félicitations et il a
reçu le tribut de l'injure. On ne l'a pas ménagé. Mais je
lui dis: Ne vous en faites pas, mon cher premier. Pendant la grève de la
construction, on m'a pendu onze fois, on m'a brûlé 22 fois, on m'a
flagellé cent fois et on m'a même fait sortir de mes appartements
quatre fois; tout ça pour régler une grève. Je suis
sûr qu'aujourd'hui le calme est revenu. Ceux qui ont fait ces gestes sont
peut-être les premiers à le regretter. Mais, derrière eux,
il y avait des instigateurs, il y avait des agitateurs, eux on les retrouve
partout. C'est avec fierté, avec bonheur et avec joie que
l'équipe de l'Union Nationale, que l'équipe libérale,
probablement à 100% comme chez nous, votera en faveur de la
deuxième lecture du bill.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
Que les honorables députés qui sont en faveur de la motion
en deuxième lecture veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bertrand, Bellemare, Fréchette,
Johnston, Vincent, Paul, Lizotte, Gosselin, Tremblay (Chicoutimi),
Allard, Morin, Russell, Lafontaine, Loubier, Cardinal, Maltais
(Limoilou), Cloutler, Bolvin, Beaulieu, Boudreau, Mathieu, Lussier, Beaudry,
Bernatchez, Gauthier (Roberval), Lavoie, Sauvageau, Plamondon, Gauthier
(Berthier), Gagnon, Théoret, Demers, Léveillé,
Desmeules,Croisetière, Hamel, Roy, Leduc (Laviolette), Martel,
Martellani, Slmard, Gardner, D'Anjou, Bergeron, Picard (Dorchester), Shooner,
Belliveau, Croteau, Gauthier (Trois-Rivières), Lesage, Séguin,
Cliche, Pinard, Courcy, Levesque (Bonaventure), Arsenault, Wagner, Lafrance,
Lacroix, Parent, Brisson, Hyde, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Binette, LeChasseur,
Harvey, Coiteux, Blank, Bourassa, Choquette, Baillargeon, Cadieux, Fournier,
Kennedy, Mailloux, Théberge, Lefebvre, Bienvenue, Fraser, Goldbloom,
Houde, Leduc (Taillon), Pearson, Picard (Olier), Saindon, Saint-Germain,
Tetley, Tremblay (Bourassa), Hanley.
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont
contre la motion en deuxième lecture veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Flamand, Proulx, Michaud, Tremblay
(Montmorency), Lévesque (Laurier).
M. LE SECRETAIRE: Pour: 89 Contre: 5 Yeas: 89 Nays : 5
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture est
adoptée.
Comité plénier
L'honorable ministre de l'Education propose que je quitte maintenant le
fauteuil et que la Chambre se forme en comité plênier pour
l'étude du bill 63.
L'honorable député de Gouin.
Amendement de M. Michaud
M. MICHAUD: M. le Président, je propose, si j'ai un secondeur,
que la motion en discussion soit amendée...
M. LOUBIER: Le député d'Ahuntslc va seconder.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MICHAUD: ... et que le bill présentement à
l'étude soit renvoyé au comité de la constitution, avec
instruction d'entendre les parties intéressées et de faire
rapport à la Chambre dans un délai de trois mois.
M. BELLEMARE: Je ne sais pas si l'honorable député pourra
avoir l'aumône d'un secondeur.
M. MICHAUD: En vertu de l'article 560 de notre règlement...
M. LEVESQUE (Laurier): Je seconderai la motion du député
de Gouin.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, vous avez dû
remarquer que vous avez dit, il y a deux minutes, que la motion de
deuxième lecture était adoptée. Cette motion de
deuxième lecture permettait, en vertu de l'article 567, de faire la
motion du renvoi à trois mois ou six mois. Sinon, cela équivaut
à reprendre les choses ab origine.
M. CARDINAL: Comment? M. BERTRAND: Ab origine.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire que ce que veut le
député, c'est de renvoyer le bill aux calendes grecques.
M. MICHAUD: Non, non, absolument pas. M. le Président, sur le
point de règlement, je crois qu'il y a une interprétation...
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai la parole; il n'y a pas de
point d'ordre.
M. MICHAUD: Je croyais que vous aviez fini.
M. BELLEMARE: Je ne crois pas avoir manqué au règlement en
disant, que la motion est hors d'ordre. D'ailleurs, ce bill vient d'être
adopté en deuxième lecture par la majorité parlementaire.
Il n'est plus question d'amendement en deuxième lecture. La
deuxième lecture ayant été votée, le Parlement
s'étant prononcé, la deuxième lecture est finie.
M. le Président, ce n'est pas tout à fait le temps de
renvoyer le bill ad patres. Je pense plutôt qu'il faut être
sérieux. On a joué le jeu de la démocratie. Il y a eu des
gagnants. Il y a eu des perdants. M. le Président, vous avez
vous-même déclaré la motion de deuxième lecture
votée et acceptée. La motion que vous venez de faire,
proposée par l'honorable ministre de l'Education, c'est pour aller en
comité. Il ne peut y avoir à ce moment-ci, en vertu de notre
règlement, d'amendement au bill qui vient d'être lu en
deuxième lecture. Le député s'est justement servi de
l'article 557...
M. MICHAUD: L'article 560.
M. BELLEMARE: ... dans lequel il est dit: « II peut être
proposé d'amender toute motion de deuxième lecture. » Donc
la motion de deuxième lecture est terminée par le vote de la
Chambre et on dit, M. le Président, tout de suite après comment
devra s'interpréter l'amendement, soit à trois mois, soit
à six mois ou, au deuxième paragraphe: « Cet amendement ne
peut contenir d'exposés de motifs et ne peut être amendé.
» Cela, c'est notre article 557. La phase de la deuxième lecture
étant terminée, on ne peut pas, sur une motion qui vient
d'être faite d'aller en comité, en comité plénier,
pour maintenant étudier article par article. Si l'honorable
député veut faire, en troisième lecture, la motion qu'il
vient de présenter, je lui donne le conseil de se référer
à l'article 572 et il pourra trouver facilement les moyens de faire
valoir son droit à une motion.
M. MICHAUD: M. le Président, sur le point de
règlement...
M. LESAGE: Le ministre du Travail me permettrait-il une question?
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: II s'agit d'un point de règlement. Il est clair que,
sur le mérite de la question, je suis contre la motion. Mais, je
voudrais demander au ministre du Travail comment il interprête l'article
560.
M. BELLEMARE: « Sauf les restrictions énoncées par
l'article 561...
M. LESAGE: Lisez l'article 560. M. MICHAUD: Lisez-le.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis que la motion est
irrégulière dans sa forme. Le député se sert des
expressions contenues dans l'article 557 qui ne sont pas conformes parce qu'en
vertu de la deuxième lecture, c'est le seul mérite qu'a cette
proposition de pouvoir se servir du deuxième, du troisième ou du
sixième mois.
M. MICHAUD: M. le Président, sur le point de
règlement.
M. LE PRESIDENT: Je ne veux pas rendre de décision, je veux
simplement indiquer un article qui, je crois, jetterait un peu de
lumière sur le débat. J'invite les honorables
députés à regarder l'article 316, troisièmement et
peut-être en discuter, cela m'éclairerait.
M. MICHAUD: M. le Président, si vous me permettez, sur le point
de règlement, je crois que le ministre du Travail confond l'article 560
avec l'article 557. Le ministre du Travail prétend que je n'ai pas le
droit, à ce moment-ci, en vertu de l'article 557, de présenter
une motion pour aller en comité élu.
Or, cette motion est présentée en vertu de l'article 560
qui dit ceci: « Sauf les restrictions énoncées dans le
paragraphe 2 de l'article 561. » Vous retournez à l'article 561,
et le paragraphe 2 dit ceci: « II n'est pas besoin de renvoyer à
un comité plénier un bill de subside. » Ce qui n'est pas le
cas actuellement. Et l'article 560 poursuit: « La Chambre,
immédiatement après la deuxième lecture d'un bill public
» ce qui est le cas avec le projet de loi 63 qui vient
d'être voté sur la deuxième lecture, sur le principe du
bill « se forme en comité plénier pour prendre ce
bill en considération, à moins qu'il ne soit proposé de le
renvoyer à un comité élu, » tel est le sens
de la proposition devant vous: renvoyer le bill à un comité
élu, donc le comité de la constitution qui est un comité
permanent de la Chambre, comité parlementaire auquel siègent des
représentants ministériels et de l'Opposition «
qu'il n'ait été annoncé que des instructions seraient
proposées ou que le bill, si la Chambre en a ordonné la
réimpression... » Le reste n'est pas pertinent.
La note 5 de l'article 560 précise exactement quand une motion de
cette nature doit être présentée à la Chambre.
« Quand un député désire que le bill soit
renvoyé à un comité élu, il peut faire une motion
à cet effet dès que le bill a été lu une
deuxième fois. » Ce qui vient d'arriver, nous avons lu le bill une
deuxième fois...
DES VOIX: Vote! Vote!
M. BELLEMARE: Pas du tout, pas du tout. Nous, nous aimons mieux ne pas
perdre notre temps.
M. MICHAUD: M. le Président, si vous voulez me laisser faire ma
démonstration.
M. TREMBLAY (Montmorency): Laissez-le parler.
DES VOIX: Vote! Vote!
M. MICHAUD: J'ai tout mon temps. Alors,
M. le Président, la note 5 de l'article 560 dit que lorsqu'un
député désire que le bill soit renvoyé à un
comité élu... et là il ne faut pas confondre la substance
de la motion qui est de renvoyer le bill à un comité élu
avec certaines instructions, tel que nous le prescrit l'article 560, qui dit:
« Cette motion n'a pas besoin d'être annoncée. »
Je soumets donc respectueusement qu'en vertu de cet article 560, note 5,
la recevabilité de ma motion devrait être acceptée par la
présidence que vous représentez.
M. LEVESQUE (Laurier): Je désire attirer l'attention de la
Chambre sur l'article 316. Le député de Gouin vient d'expliquer
comment il s'est basé pour sa motion sur l'article 560, en particulier
sur le cinquièmement, je crois. L'article 316, auquel vous nous avez
déférés vous-même, a mon humble avis, confirme
encore davantage l'argumentation du député de Gouin parce que
dans l'article 316, premièrement, on dit: « Quand la Chambre a
décidé de se former immédiatement en comité
plénier, ou quand il est lu un ordre du jour décidant la
formation en comité plénier ce qui est exactement ce qui
s'est passé par votre bouche, sauf erreur, M. le Président, vous
avez proposé la formation en comité plénier «
l'orateur met aussitôt en délibération cette motion »
que vous avez faite « à moins qu'il ne soit
proposé, dit l'article 316, premièrement, par une motion non
annoncée, de révoquer l'ordre du jour et de renvoyer l'affaire a
un comité élu. »
Maintenant, à troisièmement de l'article 316: « La
motion peut être amendée mais non pas pour y ajouter des mots
». Donc, il s'agit simplement de substituer au renvoi au comité
plénier, le renvoi à un comité élu. Alors, la
motion présentée par le député de Gouin ne
prétend pas amender du tout, je crois. La motion principale dit
simplement ce que dit l'article 316 et confirme l'article 560 sur ce point:
« Que le bill présentement à l'étude soit
envoyé au comité de la constitution qui, je crois, est un
comité élu de cette Chambre avec instruction... Si on
croit que « instruction d'entendre les parties intéressées
et de faire rapport à la Chambre dans un délai de trois mois
» est de trop, je suis bien sûr que le député de
Gouin pourrait rayer ces mots. C'est à vous, M. le Président,
d'interpréter le cas.
L'essentiel est de le renvoyer à un comité élu sans
amender autrement la motion principale sauf que, je suppose par souci de
logique, le député de Gouin a dit: On devrait faire quelque chose
au comité de la constitution. Main- tenant, les mots « trois mois
», qui sont entre guillemets dans l'article 557,à propos de la
deuxième lecture, reviennent ici simplement comme un délai
raisonnable, mais je ne crois pas que notre règlement dise, nulle part,
que, parce que « trois mois » ou « six mois » sont
entre guillemets, quand il s'agit de la deuxième lecture,
mécaniquement à l'article 557, il est exclu que si l'on revient
avec le même argument de fond, c'est-à-dire l'idée de
renvoyer un bill, il soit nécessaire de ne pas dire à quel moment
on en reparlera. Ce qui n'est pas dit n'est pas défendu.
M. LE PRESIDENT: Si je me réfère à l'article 560,
je pense qu'il faut tout de même le lire en tenant compte de l'article
558. Il s'agit d'une motion d'amendement. « Que saformula-tlon même
l'indique bien et que la motion en discussion soit amendée ».
C'était, je pense, la façon de procéder, sauf que les mots
qui me donnent une sérieuse inquiétude sont les mots « avec
instruction d'entendre les parties intéressées ». C'est le
mot « instruction » qui me fait pencher de l'autre
côté. Si on avait simplement fait une motion dans le but de la
retarder ou de la reporter à plusieurs mois ou à plusieurs jours,
je n'aurais pas eu le même doute. Mais si on lit l'article il, à
l'article 558 qui, je pense, fait partie de la même section, on lit ceci:
« Il est irrégulier, sur la motion de deuxième lecture, de
proposer des instructions quand... » Excusez.
M. MICHAUD: Plénier. Tel n'est pas le cas.
M. LE PRESIDENT: Non, je pense que l'article 558 s'appliquait à
la motion de deuxième lecture. Est-ce que je peux inscrire que la
Chambre considère la motion comme recevable et veut se prononcer?
M. BELLEMARE: Vote.
DES VOIX: Vote.
M. BELLEMARE: Même vote.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si la motion est
considérée comme recevable, je crois que le député
de Gouin aurait besoin d'instruction et moi aussi, mais est-ce qu'il est exclu
par notre règlement que cette motion puisse être justifiée
en ce moment? Autrement dit, est-ce que la motion peut être
débattue avant que le vote n'intervienne ou s'il faut que le vote
intervienne immédiatement?
M. LE PRESIDENT: Si la Chambre décide de la
non-recevabilité... Là, je demande à la Chambre de se
prononcer et je fais cet appel en vertu de l'article 70, puisqu'il s'agit d'une
question qui, je ne le cache pas, m'embarrasse. La Chambre, à ce
moment-là, est souveraine. La Chambre, se prononçant sur la
recevabilité ou la non-recevabilité, ceci peut naturellement
clore le débat. Si la Chambre en vient à la conclusion qu'il
s'agit d'une motion non recevable, il n'y aurait pas de débat.
M. LEVESQUE (Laurier): Mais, si la Chambre considère que la
motion est recevable... Je vous demande seulement une explication. D'abord,
est-ce que vous-même devez rendre une décision, M. le
Président, ou si vous la laissez à la Chambre?
M. LE PRESIDENT: Comme je viens de le dire, je m'en reporte à la
Chambre, puisque la question est assez complexe. A ce moment-là, la
Chambre peut décider de la recevabilité ou de la
non-recevabilité. Si la Chambre en vient à la conclusion qu'il
s'agit de non-recevabilité, à ce moment-là, il ne peut y
avoir de débat.
M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que cela pourrait vouloir
dire qu'une autre motion pourrait être présentée, limitant
strictement la proposition à retourner le bill à un comité
élu?
M. LE PRESIDENT: C'est-à-dire que...
M. MICHAUD: Afin d'éviter de faire perdre du temps à la
Chambre, je veux bien reformuler ma motion d'une autre façon. Je
propose... M. le Président...
M. LES AGE: M. le Président, on comprendra que, comme chef de
l'Opposition, je suis placé dans une situation extrêmement
délicate. Le président de la Chambre demande à la Chambre
de se prononcer non pas sur le mérite, mais sur la
régularité de la motion d'amendement. Pour ma part, je crois que
la motion est régulière. Je voterai donc pour que la motion soit
reçue comme régulière, mais je ne peux en aucune
façon engager les membres de mon parti et, quant à mes
députés, le vote sera libre.
C'est une opinion personnelle que j'exprime sur la recevabilité
de la motion.
M. PAUL: Dois-je comprendre que l'honorable député de
Gouin aurait l'intention de retirer sa motion pour en proposer une autre?
M. MICHAUD: Afin d'éviter de faire perdre du temps à la
Chambre.
M. PAUL: M. le Président pourriez-vous demander à la
Chambre si elle consent que l'honorable député de Gouin retire sa
motion et qu'il nous en présente une autre?
M. MICHAUD: Bon. Volontiers. Que la motion en discussion,
c'est-à-dire la motion pour aller en comité plénier...
M. PAUL: Je pense bien qu'il y aurait lieu, dans les circonstances, de
savoir quel est le consentement de la Chambre sur l'opportunité qui
pourrait être donnée à l'honorable député de
Gouin de retirer sa motion. A ce moment-là, nous serons saisis d'une
nouvelle motion.
M. MICHAUD: Est-ce que j'ai le consentement de la Chambre?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre consent?
DES VOIX: Oui.
M. MICHAUD: En vertu de l'article 560, note 5, des règlements, je
propose donc que la motion en discussion soil amendée et que le bill
présentement à l'étude soit renvoyé au
comité de la constitution.
M. PAUL: Je soumets respectueusement que cette motion doit être
rejetée et voici pourquoi. Tout d'abord, l'article 316 ne peut pas
s'appliquer parce que la Chambre n'a pas décidé de se former en
comité plénier. Par conséquent, nous sommes liés
par l'article 560. La motion de l'honorable député, telle qu'elle
est rédigée, ne comporte aucune instruction. Par
conséquent...
M. MICHAUD: C'est de la bêtise.
M. PAUL: La motion de l'honorable député de Gouin est
à l'effet de référer le bill au comité de la
constitution.
M. MICHAUD: Avec instruction...
M. PAUL: Si le bill est référé au comité de
la constitution, qu'est-ce qui va arriver? Aucune instruction n'est
donnée au comité pour en faire l'étude, par qui? Avec des
instructions d'étudier quoi? Et de faire rapport à la Chambre
quand?
M. MICHAUD: C'est contraire à ce que le ministre du Travail vient
de dire.
M. PAUL: Nous soumettons respectueusement que la motion de l'honorable
député de Gouin, telle qu'elle est présentée devant
cette Chambre, est tout à fait inutile, tout à fait irrecevable,
parce que, si elle était adoptée, elle ne permettrait pas une
étude logique et progressive du bill dont nous sommes actuellement
saisis. Pour toutes ces raisons, en tenant compte de la motion qu'a bien voulu
nous présenter l'honorable député de Gouin, je soumets
qu'elle doit être rejetée.
Si nous nous en reportons à l'article 560, il faut y lire que des
instructions doivent être données à un comité
élu pour que nous puissions faire une étude intelligente du
projet de loi déféré audit comité.
M. MICHAUD: M. le Président, sur le point de règlement
soulevé par le ministre de la Justice, le premier amendement qui a
été proposé tout à l'heure visait...
M. PAUL: M. le Président, je soumets respectueusement, je
soulève à un point d'ordre...
M. MCHAUD: ... à donner des instructions au comité
élu.
M. PAUL: En vertu de l'article 285 de notre règlement,
l'honorable député ne peut pas se référer à
une question dont la Chambre a été saisie et dont la Chambre
s'est désaisie volontairement par la suite.
M. MICHAUD: M. le Président, sur le point d'ordre, l'article 560
je ne ferai pas allusion à l'autre motion, je m'en tiendrai
strictement à celle-ci dit que « sauf les restrictions
énoncées dans le paragraphe 2 de l'article 561 la Chambre,
immédiatement après la deuxième lecture d'un bill public,
se forme en comité plénier pour prendre ce bill en
considération, à moins qu'il ne soit proposé de le
renvoyer à un comité élu et on ajoute qu'il
n'ait été annoncé que des instructions seraient
proposées ou que le bill... »
Alors, je soumets respectueusement que les instructions ne sont pas
corollaires au fait que le bill doit être envoyé à un
comité élu. On peut très bien présenter deux
motions. Une motion, qu'il soit renvoyé à un comité
élu; une autre motion, qu'il soit renvoyé à un
comité élu avec instructions. Je ne crois pas que le
règlement, tel qu'il est formulé, précise...
c'est-à-dire avec les deux virgules qui sont après les mots
« considération, à moins qu'il ne soit proposé de le
renvoyer à un comité élu,... » ceci veut dire que ce
membre de phrase est une pres- cription impérative de notre
règlement. La formulation que je viens de faire à l'effet que le
bill doit être envoyé à un comité élu, donc
le comité de la constitution, je pense bien qu'on ne saurait mettre en
doute que le comité permanent de la Constitution soit un comité
légitime et régulièrement formé. Donc, M. le
Président, je crois que ma motion, telle qu'elle est
présentée, sans instructions, est recevable comme était
recevable celle qui était présentée avec des instructions
au comité.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sur un point d'ordre, il
me semble que le ministre de la Justice aurait eu intérêt à
lire les deux articles qui sont concernés...
M. PAUL: Je les ai lu bien plus souvent que vous, les
règlements.
M. LEVESQUE (Laurier): ... dont l'une a été
suggérée par vous-même, M. le Président, parce que,
ce que vient de dire le député de Gouin en parlant je ne
qualifierai pas le jeu parlementaire auquel on vient d'assister mais en
parlant de l'article 560, c'est-à-dire qu'à moins, dans l'article
560, à moins qu'il ne soit proposé de le renvoyer en
comité élu, virgule, qu'il n'ait été annoncé
que des instructions seraient proposées ou... ce qui, comme le dit le
député de Gouin, permet d'interpréter comme des choses qui
ne sont pas nécessairement complémentaires mais, au contraire,
qui s'excluent. Mais si on va à l'article 316, cela devient infiniment
plus clair. Voici ce que l'article 316 dit...
M. PAUL: Etes-vous capable de lire l'article 316, les premiers mots?
M. LEVESQUE (Laurier): Voici ce que l'article 316 dit : « Quand la
Chambre a décidé de se former immédiatement en
comité...
M. PAUL: Quand la Chambre s'est-elle prononcée et a-t-elle
décidé de se former en comité plénier?
M. LEVESQUE (Laurier): « Quand la Chambre a décidé
de se former immédiatement en comité plénier »,
virgule...
M. PAUL: Bon, elle ne l'a pas prononcé, la Chambre...
M. LEVESQUE (Laurier): ... « ou quand il est lu un ordre du jour
décrétant la formation d'un comité plénier...
» au moment où le comité plénier n'est pas
formé, donc, c'est-à-
dire qu'il est propose... « l'orateur met aussitôt en
délibération cette motion, à moins... » et
là cela devient clair, la logique à propos des instructions et du
comité élu ... « à moins qu'il ne soit
proposé par une motion non annoncée de révoquer l'ordre du
jour et de renvoyer l'affaire à un comité élu, virgule,
où qu'il n'ait été annoncé que des instructions
seraient proposées...
M. PAUL: Est-ce que l'honorable député me permet une
question?
M. LEVESQUE (Laurier): Alors partant de là, M. le
Président...
M. PAUL: Est-ce que l'honorable député me permet une
question?
M. LEVESQUE (Laurier): Non. Partant de là, il me semble
évident que l'article 560 complété par l'article 316, et
surtout en tenant compte de la logique des deux étapes qu'on vient de
parcourir et encore une fois sur lesquelles je ne qualifierai pas le petit jeu
du ministre de la Justice, il me semble que c'est clair.
M. PAUL: Non, contentez-vous de vous qualifier vous-même.
M. MICHAUD: M. le Président, sur la motion...
M. LEVESQUE (Laurier): Maintenant si le ministre a une question, je peux
répondre. Je voulais terminer ma phrase.
M. BELLEMARE: Le vieux, vieux, vieux chef...
M. LE PRESIDENT: Comme il est dix heures, j'étudierai cette
question dans mes moments de loisir, et je rendrai une décision demain
ou jeudi.
M. BERTRAND: Jeudi. M. LE PRESIDENT: Jeudi.
M. PAUL: Demain, nous étudierons la motion de l'honorable
député de Gouin, au sujet du bill 99, la deuxième lecture
du bill et peut-être la formation en comité plénier. Je dis
peut-être...
M. MICHAUD: Il y a une résolution qu'on a renvoyée en
comité élu.
M. PAUL: Par la suite, nous pourrions appeler la motion de l'honorable
député de Gatineau.
Alors sur ce, M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain après-midi, trois heures.
M. LEVESQUE (Laurier): Avant qu'on ajourne, vu l'importance du sujet,
est-ce que le premier ministre ou le leader parlementaire du gouvernement
pourrait nous indiquer aussi précisément qu'ils le peuvent,
sinon, bien tant pis, à quel moment le bill 63 reviendra devant le
Parlement?
M. PAUL: J'invite l'honorable député de Laurier à
être en Chambre demain à six heures et il connaîtra l'ordre
du jour des travaux de jeudi.
DES VOIX: Très bien.
(Fin de la séance: 22 h 1)