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(Quinze heures deux minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus.
L'honorable député de Mégantic.
Commission permanente de l'administration de la
justice (1er rapport)
M. BERGERON: M. le Président, la commission permanente de
l'administration de la justice a l'honneur de soumettre à votre
honorable Chambre son premier rapport.
Votre commission a décidé de rapporter avec des
modifications le bill suivant: Bill no 10, Loi concernant les régimes
matrimoniaux.
Votre commission a étudié ledit projet de loi en
conformité avec le mandat confié par la Chambre le 28 mars 1969.
Onze réunions publiques ont été tenues soit les 21 mai, 4
et 11 juin, 13 et 28 août, 17 et 25 septembre, 15 et 29 octobre, 12 et 19
novembre 1969. Plusieurs organismes et particuliers dont la liste est
dressée en annexe (voir annexe) ont donné leur avis et
présenté leurs observations et commentaires sur le projet de loi
en question. Le document de travail produit par l'Office de revision du code
civil a fait l'objet d'une étude approfondie au sein de la
commission.
Après délibération, votre commission suggère
à votre honorable Chambre que les modifications contenues et reproduites
au journal des Débats soient apportées au présent projet
de loi dont la commission demande la réimpression. Votre
président dépose également les exemplaires du journal des
Débats, fascicules nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 où
paraît le compte rendu des délibérations des séances
susmentionnées.
M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il adopté?
M. LESAGE: Je vois une certaine difficulté à adopter le
rapport, étant donné qu'un des paragraphes du rapport se lit
comme suit: « Après délibération, votre commission
suggère à votre honorable Chambre que les modifications contenues
et reproduites au journal des Débats soient apportées au
présent projet de loi dont la commission demande la réimpression.
La réimpression, d'accord, mais de là à dire que nous
acceptons d'emblée... Nous pouvons recevoir, mais non les adopter.
M. BERTRAND: En comité.
M. LESAGE: Je suis bien disposé à accepter le rapport de
la commission sous réserve des droits de la Chambre, et tels que je
viens de les exprimer, les droits de la Chambre et du comité
plénier.
M. BERTRAND: En comité plénier, nous verrons quels sont
les amendements qui peuvent être apportés.
M. LESAGE: C'est dangereux d'accepter des rapports comme ça.
M. LE PRESIDENT:
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics. Affaires du jour.
L'honorable député de Gatineau.
Questions et réponses
M. FOURNIER: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre de la Voirie relativement à la visite qu'il a eue
hier, et qui a duré une heure, avec le président de la Commission
de la capitale nationale, M. Fullerton. Est-ce que le ministre a des
déclarations à faire relativement aux routes que nous attendons
depuis dix ans dans la région?
M. LAFONTAINE: Donc, 1969 moins 10 ans, cela donne 1959! M. le
Président, j'ai reçu M. Fullerton qui voulait tout simplement me
rencontrer. Ce n'était pas hier, c'était avant-hier. L'entrevue a
été extrêmement cordiale, longue, mais il n'en est rien
sorti comme objectifs intéressants.
M. FOURNIER: Question supplémentaire. Est-ce qu'il existe encore
des difficultés relativement à l'Hydro-Québec et son
territoire pour les ponts qui doivent traverser la rivière
Outaouais?
M. LAFONTAINE: Disons que si le député veut venir me
rencontrer au bureau... Vu qu'il est député de la région,
je n'ai aucune objection à lui montrer tous les plans que nous avons,
lui montrer la marche des travaux. Il n'y a rien à cacher
là-dedans. Nous avons fait d'énormes progrès dans
l'alignement de la route numéro 8 dans les limites de la ville de
Hull.
M. FOURNIER: Question supplémentaire. Etant donné les
différentes déclarations faites
depuis un certain nombre d'années dans la région, c'est la
raison pour laquelle je m'adresse à cette Chambre, de façon que
soit consigné au journal des Débats...
M. LAFONTAINE: M. le Président, le député de
Gatineau admettra avec moi que je n'ai jamais fait de déclaration
relativement à la capitale nationale, malgré que j'aie eu dans le
passé certaines rencontres avec M. McIlraith. Nous nous sommes entendus,
M. Mcllraith et celui qui vous parle, pour ne faire aucune déclaration
publique.
M. FOURNIER: Ce serait peut-être le temps d'en faire.
M. LAFONTAINE: Pardon?
M. FOURNIER: Ce serait peut-être le temps d'en faire.
M. LAFONTAINE : Bien, disons que si le gouvernement du Québec
était prêt en 1967, les plans du pont sur la rivière
Gatineau étaient prêts, nous étions prêts à
procéder, à faire les soumissions publiques, et à ce
moment-là, le gouvernement fédéral a dit: Vous ne passerez
pas sur notre territoire.
M. FOURNIER: M. le Président, je dois ajouter que...
(Le président est debout) M. BERTRAND: Article 3.
Bill 63 Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de l'honorable
ministre de l'Education proposant que le bill 63 soit lu une troisième
fois.
L'honorable député de Bourget.
M. Paul-Emile Sauvageau
M. SAUVAGEAU: M. le Président, en ma qualité de
représentant d'une circonscription de l'île de Montréal,
j'aurais quelques observations à faire sur le bill présentement
devant cette Chambre.
Il est certain que cette mesure prend, à Montréal et dans
sa région, une importance capitale par suite des résultats
bénéfiques qu'il est facile de prévoir pour toute notre
population.
Le bill 63 m'apparaît tout d'abord empreint d'un esprit de
Justice, de bon sens et de grand réalisme. Esprit de justice,
c'est-à-dire mesure d'équité pour la communauté de
langue française du Québec. Pour la première fois dans les
lois de notre province, on reconnaît la primauté de la langue
française dans toute l'étendue de notre territoire. Ce qui
signifie que 80% des Québécois pourront bénéficier
sans conteste d'un enseignement général en français. Quant
à la minorité à qui l'on enseigne notre langue tant bien
que mal et souvent selon ses propres désirs, elle devra désormais
accorder au français toute la place qui lui revient au
Québec.
En vertu du bill, il n'existe plus dans le Québec aucune
école unilingue anglaise. Les programmas de ces écoles devront
désormais contenir des dispositions assurant à tous les
élèves anglophones, à partir de
l'élémentaire, une connaissance d'usage de la langue
française. Dans ce domaine, les institutions de langue anglaise n'auront
plus discrétion. Il appartiendra au ministère de l'Education de
voir à ce que ce principe soit respecté dans les cours et dans
les examens.
C'est ce qui s'appelle établir la primauté du
français comme mesure de justice envers la majorité, tout en
respectant le droit de la minorité à l'école de son
choix.
Le bill 63 n'est pas une sorte de compromis. Au contraire, pour la
première fois au Québec, on inaugure une politique dynamique et
généralisée du français dont toutes les
conséquences, à court terme comme à long terme
découlent des intentions du législateur.
Dans un avenir rapproché, à Montréal et dans sa
région, le citoyen d'origine française pourra s'adresser dans sa
propre langue, dans tous les domaines de la vie quotidienne et sera certain de
se faire comprendre.
Ceci veut dire également que le citoyen de langue anglaise, au
sortir de l'école, aura une connaissance suffisante du français
qui lui permettra de s'associer et de s'intégrer pleinement à la
communauté de langue française.
D'autre part, une mesure visant à l'unilinguisme, dans le
contexte actuel de l'Amérique du Nord où vivent quelque 200
millions de personnes d'origine anglo-saxonne, eût été une
mesure inacceptable, tant pour la population d'expression française que
pour la population d'expression anglaise. Nous sommes entourés par des
centaines de millions d'individus dont le seul véhicule d'expression est
la langue anglaise. Nous, citoyens du Québec, avons, surtout dans la
région de Montréal, des rapports presque quotidiens avec ce vaste
ensemble anglo-saxon. Il serait superflu de démontrer ici les
liens économiques et sociaux qui nous unissent étroitement
aux autres provinces du Canada et aux Etats-Unis. Qu'il me suffise de dire que
la population de langue française du Ouébec serait dans une
position d'infériorité pratique s'il fallait écarter pour
elle les possibilités d'apprendre la langue anglaise.
Je pourrais citer comme exemple le cas d'une employée de Bell
Canada. Peut-on concevoir une téléphoniste recevant à
Montréal un appel d'une autre province ou des Etats-Unis alors qu'elle
ne pourrait le comprendre ou y répondre? Cela signifierait que nous
fermerions automatiquement la porte à une foule d'emplois où la
langue anglaise est nécessaire. Cela signifierait également que
nous nous isolerions du monde où nous vivons.
Il est juste et raisonnable qu'à l'intérieur de notre
territoire l'on puisse s'adresser en français et être compris.
C'est à cela que vise le bill 63, si on a la bonne foi de bien
l'étudier et de bien considérer toutes ses dispositions.
On dit avec raison que ce bill pose la première étape
d'une politique nationale; d'autres étapes, qui découlent des
dispositions mêmes de ce bill, seront posées dans l'avenir,
à mesure que les circonstances le permettront. L'unilinguis-me
intégral aurait donc été, dans les circonstances, une
mesure injuste et inopérante pour toute notre population et certainement
contraire aux principes élémentaires de la liberté et du
bon sens.
Le gouvernement de l'Union Nationale a donc pris ses
responsabilités et il demande aujourd'hui à l'Assemblée
nationale, souveraine dans ce domaine et seul corps vraiment
représentatif de toute la population, d'approuver cette mesure. Nous
devons le faire sans hésiter. Nous respectons les citoyens de bonne foi
qui peuvent avoir des points de vue différents sur cette question. Ils
ont droit de les faire valoir d'une façon démocratique. Nous
respectons également les points de vue des groupements, mais pour autant
qu'ils représentent vraiment la population et les véritables
intérêts de la population. Par contre, nous nous élevons
contre ceux qui prétendent que les membres de cette Chambre n'ont pas le
droit d'adopter le bill présentement devant nous.
Lorsqu'ils affirment que le recours aux élections n'est pas un
moyen valable et qu'il faut désormais employer d'autres méthodes
pour imposer ses vues, je dis que c'est en somme faire appel à la
révolte.
Alors, que devient-il de la démocratie si chère aux
contestataires puisque la base de la démocratie est justement le droit
de liberté, mais d'une liberté bien comprise?
Ils prétendent également n'avoir pas les moyens de se
soumettre au verdict de l'électorat, face aux partis
représentés dans cette Chambre. Pourtant ils font partie d'un
groupement de contestataires qui, depuis quatre à cinq ans, poursuivent
une campagne d'endoctrinement qui aurait coûté des millions de
dollars à d'autres groupes si ces derniers s'étaient
avisés de marcher sur leurs traces. J'ajoute que cet argument ne tient
plus depuis que la majeure partie des dépenses électorales sont
remboursables par la province.
Ce ne sont donc pas, pour ce groupe-là, les moyens qui manquent
de se présenter devant l'électorat. C'est plutôt qu'ils
constatent d'eux-mêmes le peu d'appui qu'en réalité ils ont
dans la population.
La vigilance, c'est le prix de la liberté et cette
liberté, c'est aujourd'hui l'Assemblée nationale
représentant le peuple qui en est la dépositaire. Nous sommes
conscients d'accomplir une action de portée nationale, et c'est pourquoi
cette Chambre doit prendre seule toutes ses responsabilités.
Quant aux adversaires de la mesure, ils pourront toujours, un jour ou
l'autre, faire changer la loi. Mais qu'ils aient d'abord le courage de se
présenter devant l'électorat.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne.
M. HANLEY: J'avais un petit discours écrit sur un papier et
quelqu'un me l'a volé.
M. BERTRAND: On vous a volé votre discours?
M. HANLEY: Oui.
M. BERTRAND: Est-ce que le député de Sainte-Anne a
rapporté ça au ministre de la Justice?
M. HANLEY: Non, je veux donner une chance aux journalistes avant. Est-ce
que les journalistes font le tour de la Chambre après les
assemblées?
M. BERTRAND: Non. Avez-vous laissé traîner votre discours
dans votre pupitre?
M. HANLEY: Ah, je l'ai ici, dans ma tête. M.BERTRAND: Ah, il n'est
pas volé.
UNE VOIX: Vous l'avez envoyé à l'impression?
M. BERTRAND: Ah oui, vous l'avez envoyé à
l'impression.
M. Frank Hanley
M. HANLEY: Premièrement, M. le Président, ça fait
longtemps dans cette Chambre, trois semaines, que personne n'a dit un mot en
anglais. En anglais, ça fait trois semaines, depuis l'étude du
bill 63.
MR. BLANK: I spoke in English.
M. HANLEY: C'était avant la deuxième lecture. M. le
Président, aujourd'hui, en quelques minutes, pas plus de 55 ou 60
minutes, je veux exprimer mes points de vue en anglais et j'espère
les journalistes, avez-vous un petit bouton pour la cloche? Voulez-vous
sonner votre bouton pour faire descendre tous les journalistes devant moi?
M. le Président, je pense que les journalistes doivent m'accorder
la même courtoisie qu'ils ont accordée à quelques autres
députés ici. Avez-vous une cloche? Sonnez la cloche. J'ai quelque
chose à dire.
Mr. President, I am born 61 years ago in this province. After listening
to the attacks upon the English inside the House and outside, I feel like a
foreigner in my own home. I feel very uneasy within the walls of our National
Assembly and I cannot understand for what reason there should be such attacks
against the English people by francophones concerning bill 63.
In Montreal for a week now, I have had calls to my two offices and at my
home from the English people asking me why I did not take a stand and give some
leadership to the English people concerning bill 63. I said: for your
information and they also called the Montreal Star I had a
prepared text. I printed 50 copies and I sent 40 copies to the Press Gallery.
And if not a line was published then you had better challenged the
newspaper.
But, it is very embarrassing when you take a stand and when not a single
line is published to the public when the representatives of the public, the
newspaper men, should write what has been discussed in Parliament and not slant
their own views editorials.
I am not now challenging the press, I am just enlightening them as to
what the subscribers of the Star, and the Gazette, and La Presse and all other
papers expect of the representatives of the public in all Parliaments and
municipal councils. I cannot control just what news the managing editor or the
city editor of any newspaper will publish. But, I do know this;
For 20 years until a couple years ago, every time a Member of Parliament
spoke in answer to the throne speech from every county, in French or English,
he had his opinion published in the local paper whether it be French of
English.
This apparently has disappeared and I question the managing editor of
the Montreal Star and other newspapers as to why they are only giving headlines
to two Members of this Assembly.
MR. PRESIDENT: I am sorry, but the remarks of the Honourable Member for
St.Ann are not in connection with the principle of the bill, and I cannot
permit those remarks now.
MR. HANLEY: We have good relations and I am going to say a good word
about our relations after my survey, and maybe my remarks will make the
journalists very happy. Now, I was discussing bill 63. On bill 63 I have been
approached by my electors as to why I did not express an opinion.
The reason I brought the subject up is the French language, Mr.
President, is stronger today than it has been for fifty years and I defy any
Member of this Assembly or any citizen of this province to prove to me that the
French language is not stronger today than in 1919, 1929, 1939, 1949, and the
French language will always be strong. The French culture will always be strong
because the English are interested In maintaining French as a priority language
within the Province of Quebec.
The English are interested in French culture and when we are attacked
because we do not understand the French problem, we can answer that we possibly
understand the French problem more than a lot of French-speaking Quebecers.
Mr. President, as an example of the good faith of the English, before
bill 63 was presented I had a discussion with the principal of Ecole Saint-Jean
in Ste.Ann, a predominately French school we agreed to an experience. In
September, I had the parents register 40 English-speaking children five years
of age to be integrated with 120 French children, in four classes, in a
predominately French school. Is that not showing goodwill by the
English-speaking minority?
When you are arguing that the working language should be French, what I
cannot understand is this.
My French-speaking people, first of all, have given me instructions that
they want work first and language after. What good is the French language if
you have not got work? And how come that, for 30 years, every time I had a
request
for a letter of recommendation by a French speaking Montrealer, he or
she has requested a letter to work for an English speaking industry. Why? I
listened with great interest to the Member for St. Jean when he stated that he
worked for General Dynamics and the working language in General Dynamics was
English. Why did he not go and apply for a job with a French firm if he was not
satisfied with the working conditions in General Dynamics? I can tell you why,
but I am getting off the line of Bill 63.
Now, I am going to make 80% of the representatives of the press rather
happy today because I believe 80% of the members representing the press are
separatists. I am going to make them very happy of Bill 63 and on French as the
priority language. After having my friends salesmen and others, travelling
throughout the Province make a survey throughout the Province,
I would predict that within 5 to 9 years, the Province of Quebec will
separate and become independent. Now, let me say this is good news to many many
members of the press. So, if you are just patient for 5 to 9 years, there is a
possibility that you will have a 100% French language and the English language
will disappear. And this is my prediction.
The problem is: Who will lead the separatist movement in Government in 5
or 9 years? It depends upon the future of Quebec. Speaking again on the
priority language in a separate Quebec, it will be all French.
I think I am justified in warning the French people that if they want an
all French language in an independent and separate Quebec, they have got to pay
the price. They have got to expect a decreased economy. They have got to accept
that British Columbia may join another union. They have got to accept that the
Atlantic provinces may join another union. And they may be faced with a
critical problem concerning economy.
In my opinion this is the price that they will pay for a completely
French language State.
II will go on with the majority of Quebecers if they want to separate
and become independent. We are making every effort we can, as an English
speaking people, to learn the French language.
It is not easy, but it is sad because of the study of this bill 63. It
has lead to a disunited front in the county of St. Ann, demonstrations against
bill 63, seven-year-old carrying sticks and placards in front of the schools of
English-speaking children; seven years old English-speaking children, their
friends, were not aware of what they were demonstrating for and, the
seven-year-old outside were not aware of what they were demonstrating for or
against. This is sad. After 40 years that I have worked to unite our people of
St. Ann, there is a separation. It started with the seven-year-old, and it has
reached the golden agers.
On the 1st of December, in the county of St. Ann, there is local going
to open for golden agers, French only. I repeat it started with the
seven-year-old and now it is the senior citizens. There is all of my work,
after 40 years, demolished, because of the tactics pursued by certain
irresponsible elements outside of this Parliament, organizing innocent children
to demonstrate against their friends, when, as I repeat, we the English
speaking people cooperated in every way with the majority of people, we
cooperated in every way to become part of the Quebec society. Now I am rather
discouraged, I do not know how many years it will take to repair the damages
because of certain accusations and attacks on the English speaking concerning
bill 63.
I must say, Mr. President, that it is time that the silent
English-speaking majority a-waken. We are going to fight for our rights in this
Province and we are going to fight against any individual or any political
party who will attempt to destroy the English and remove our rights from us. I
predict that the good, solid French-thinking citizen will join us, the English
minority, in the fight for our rights.
The first fight will be with the Press. I remember when the members
representing certain newspapers, again on language, in 1963, disagreed with
their superiors, with the owners of the papers. They demonstrated outside the
paper, I joined the French-speaking reporters of the newspaper La Presse in
support of their demands as an Englishman.
Another proof of our co-operation, our sincerity, our endeavours to be
proud of the French element: I joined the French-speaking of CBC when they
demonstrated and they striked against their organization, as an English man. I
have worked with French people, for $0.08 an hour and my welfare check building
the boulevard Taschereau back in the 30's, I have always been associated with
French-speaking people. Thirty years later, I am not going to stand and let any
group, any political party, any organization take away that unity that existed
for forty years, between the French and English in Montreal.
And it is time, if they are curious yellow, the English-speaking
wheelers and dealers, it is time that they stood up and they were counted. I
offered my services on bill 63 to go before English-speaking groups. I said
that if they do not do more for the poor and the underprivileged in
which we have 90% French-speaking people within the category that they
can help, that they will loose their identity in Quebec, that Quebec will
separate.
My colleague from Robert-Baldwin also is leading a movement to try to
have the French people understand the English mentality. We are not going to
allow a boisterous, noisy minority influence the majority of French speaking
Que-becers against the English. I would say in all sincerity, from now on,
regardless of your political party, your political affiliations, your desire
for a political future, your only live once, you pass through this life; why
organize to destroy during this life when you could be organizing for a united
front in Quebec? And I will tell you something on Bill 63, and the language
rights: The people suffering because of this bill 63 is the little French
merchant, is the French labour, the French working man because the economy of
our provin-ce has never been as bad, in the last thirty years.
I predicted, in may 1968, that the next twelve months will be bad and I
predict today that the next twelve months won't be any better. Why? Because a
certain element of French speaking organizations creating an economic problem
within our province that is affecting their own people.
They are going to suffer. The French business man, the small merchants
and don't tell me that certain members of the French élite have not
moved their money out of Quebec.
Do not tell me, on bill 63, they are concerned about the future of
French. The economy, this bill, is the key of security. It could be the
beginning of another economical move forward for Quebecers.
Going back to the French language bill... In 1948, the late Maurice
Duplessis started the move towards a better economy for all Quebecers,
regardless of racecreed. From 1948 until 1963, Quebec was considered as the
powerhouse of the nation. We are not considered today as the powerhouse of the
nation. We are all concerned, because we do not know where we stand.
The Americans will invest, yes, I am not concerned about the Americans
investing in Quebec but what will happen if Quebec separates with the wrong
leadership? Americans will never allow Quebec to become another Cuba, but the
little French merchant, who is not as big and strong in his power than the
Americans, will suffer if there is a change.
I repeat en français, parce que les journalistes ne
comprennent pas en anglais : D'ici cinq ou neuf ans, oui, Québec
se séparera et deviendra un Etat indépendant, when you are aware
of the facts that 80% of the French speaking students at the present time are
for an independent Quebec. They want the French language only. Now, there is
only one chance that Quebec may not separate in five or nine years. In 1970, I
am not concerned. I know who is going to win the next elections. I am not
concerned about separating in 1970, but I am concerned about five, six or nine
years from now.
Unless the students, who feel that the language is more important than
the economy as they become older and more mature, unless they change their
minds, you just cannot stop Quebec from separating.
Mr. President, I have expressed my honest and sincere opinions and
feelings concerning the present problem within our own province. And, once
again, I plead, not for Hanley, I could not care less, you find me another man
in St. Ann that will give twelve hours a day, seven days a week to the poors;
and I will take a rest. But until I find, regardless of race or religion, a man
to replace me and give his time to the people of St.Ann's, regardless of
language, then I will fight till the end and I will find out if separatism is
going to take over St. Ann or not.
But in my final plea, I would ask, on behalf of the majority of
French-speaking people of Quebec, on behalf of your own province, on behalf of
your economy, to the 80% French-speaking journalists who are separatist minded
to give a second thought because it could affect the journalists as well as it
could affect the French merchants of the French labourers.
I would suggest, in closing, that the Press examine the speeches of each
and every individual Member, who has spoken on bill 63, that they review their
list of texts and Hansard, and they give space to each and every Member of this
Assembly who has spoken in favour of bill 63. I think that the journalists
would be rendering a public service. And I don't think there are many Members
of this Assembly who would disagree. I am appealing to the pressmen, if they
love their province, if they love their people, if they want to do something
for their province and for their people, then they have got to change their
attitude and take another stand or they may be affected in five or nine years
as the little French merchants and the French labourers.
In closing, Mr. Speaker, I repeat to each and every Member of this
Assembly, as a member of the English-speaking silent minority, from now on we
are going to fight for our rights in this province.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. Yves Michaud
M. MICHAUD: M. le Président, l'opposition circonstancielle,
à ce stade-ci de nos travaux, est au seuil de rendre les armes
parlementaires. J'ai bien l'impression, intervenant pour la dernière
fois ou presque dans ce débat, que je vais livrer mon chant du cygne.
C'est le temps de rendre les armes parlementaires, parce que tout a
été fait ou tout a été dit pour essayer d'amener le
gouvernement à ce que nous croyons être une cause et des
idées justes et défendables.
Notre combat n'aura pas été mené en vain, parce
qu'il aura eu, Je le crois, une valeur de témoignage. Tout Canadien
français, et cela malgré nos divisions partisanes ou politiques,
porte en lui la mémoire de longs siècles d'attachement et de
résistance pour être lui-même. Je dis que nous nous
apprêtons à rendre les armes parlementaires et à
déposer le fer de lance de notre parole devant une majorité
sourde et parfois butée, et Je le dis sans amertume et sans
dépit.
Mais, il ne faudrait pas pour autant que tous ceux qui ne partagent nos
opinions et c'est leur droit fondamental en cette Assemblée
nationale crient et chantent victoire trop vite, qu'ils n'entonnent pas
trop tôt leur Te Deum parlementaire. Parce que ce problème aura
éveillé et le chef de l'Opposition le disait dans son
discours plus que tout autre les masses populaires et la conscience des
Québécois, puisqu'il s'agit d'une question linguistique
profondément vitale pour l'avenir du peuple québécois. Il
aura éveillé les forces vives de la société.
Je me dispenserai de faire état des 205 associations dont
certaines, bien sûr, sont des groupuscules et des particules dans notre
société. Mais, dans ce document où 205 associations,
représentant les corps intermédiaires et les groupements de
citoyens, s'opposent au projet de loi 63, il en est qui ont un poids important
dans l'analyse, la conduite et la direction des affaires publiques du
Québec.
A ces 205 associations se sont ajoutés hier les Métallos
unis d'Amérique, c'est-à-dire une branche d'une centrale
syndicale affiliée à une association internationale qui n'a pas
donné dans le passé de preuves de nationalisme
débridé. Les Métallos demandent le retrait du bill 63.
Aujourd'hui même, au moment où je vous parle, la
Fédération des travailleurs du Québec est saisie d'une
résolution qui a été adoptée dans l'une de ses
instances au cours du congrès pour faire échec au projet de loi
63. C'est donc une opposition que nous avons essayé d'incarner ici au
cours de ces longs, tumultueux et parfois passionnés débats.
L'opposition circonstancielle et il me semble que pour la
vérité de la situation il est essentiel de le dire s'est
faite sous deux drapeaux alliés, mais différents. Le
député de Laurier, dans toutes ses interventions, a
envisagé le problème et la situation dans l'optique de la
souveraineté du Québec et du parti, du groupe politique qu'il
représente ici à l'Assemblée nationale,
c'est-à-dire à travers un choix, une interprétation, un
projet du devenir québécois. Nos drapeaux, je le
répète, étalent alliés, mais différents. Ma
lutte a été faite au nom de ce que Je crois être un
fédéralisme pur, c'est-à-dire à travers une
définition du statut particulier, plate-forme constitutionnelle du parti
auquel j'adhère.
Je crois encore et j'espère ne pas me faire d'illusion
qu'une politique linguistique de français prioritaire, même
par voie d'Imposition dans certains cas, est pensable dans un régime
fédéral. Le fédéralisme n'existant ou ne devant
exister que pour privilégier au maximum les cultures, les
particularismes des Etats membres de la fédération, si cette
définition du fédéralisme que je crois orthodoxe
devait être repoussée, à ce moment-là nous ne
vivrions plus dans un régime fédéral, mais dans un
régime unitaire.
Il y eut, au cours de ce débat, des extrémistes de part et
d'autre. Il y eut, à l'extrême gauche, des groupuscules que
j'appellerais les maoïstes de l'unilinguisme. Il y eut également,
à l'autre extrême, que je qualifierais d'extrême-droite les
orangistes du bilinguisme dont on retrouve l'expression et la violente
opposition au projet de loi 63 dans le journal La Presse au cours d'une
réunion à laquelle participait un des candidats au congrès
d'investiture pour le choix d'un leader pour le Parti libéral du
Québec. Les anglophones qui se sont dits non satisfaits du bill 63,
qu'ils jugeaient ne pas aller assez loin dans la reconnaissance juridique de
leur demande, ces anglophones ont exigé qu'on amende le projet de loi de
M. Bertrand de façon à éliminer toute hypothèse de
coercition que pourrait employer le gouvernement québécois pour
intégrer les citoyens et les immigrants à la majorité
française si les mesures d'incitation qu'il entend adopter se
révèlent inefficaces.
Il y eut donc beaucoup d'extrémisme dans ces débats
acharnés dont l'Assemblée nationale a été le
théâtre et le témoin depuis quelques semaines. Nous avons
essayé, nous, de nous situer entre ces deux formes d'extrémisme
par toute une série d'amendements que nous croyions et que nous
croyons encore légitimes, recevables et acceptables.
Des séries d'amendements qui ne préjudiciaient en rien les
droits acquis de la minorité linguistique anglophone, de ceux-là
qui, parmi nos compatriotes, ont fait route avec nous depuis des siècles
et qui ont droit à la reconnaissance légitime de leur culture,
différente de la nôtre. Nous croyions ces amendements
légitimes parce qu'ils avaient pour but, dans une ultime tentative, de
freiner l'assimilation galopante d'une certaine partie de notre groupe culturel
par la minorité anglophone.
Tous ces amendements ont été refusés. Pourquoi?
Parce que le gouvernement entend limiter son action à des seules
politiques d'incitation qui sont, dans mon esprit, vouées à
l'avortement et à la faillite. Quand je dis ces choses, M. le
Président, ce n'est pas une projection d'intellectuel, ce n'est pas une
appréhension irréelle de la réalité que je fais.
Ces politiques seront vouées à la faillite, et elles le sont
déjà. Il y a quelques jours, dans le journal La Presse, un
article en tête de cahier, disait ceci: « Malgré les efforts
de persuasion des trois commissions scolaires, Saint-Léonard, Lachine et
la CECM, les immigrants préfèrent l'école anglaise.
»
Voilà le résultat des politiques incitatrices
jusqu'à ce jour. L'article dit ceci: « Une expérience
destinée à favoriser l'intégration des enfants
d'immigrants à l'école française par
l'intermédiaire de classes d'accueil facultatives est en train de
s'effriter d'elle-même, faute d'élèves et cela,
malgré des efforts financiers, des efforts de persuasion assez
considérables de la part des trois commissions scolaires de
Montréal. Les immigrants de frafche date préfèrent
inscrire leurs enfants à l'école anglaise, même s'ils ne
connaissent ni le français ni l'anglais. La classe d'accueil est
vouée à l'échec tant qu'on laissera aux immigrants la
liberté de choix absolue de la langue d'enseignement. » A la
commission scolaire de Lachine, par exemple, on n'a pu instituer aucune classe
d'accueil, pas une seule, parce que, là non plus, il n'y avait pas assez
d'élèves. « Un porte-parole de la commission scolaire
estime que les enfants susceptibles de s'inscrire dans d'éventuelles
classes d'accueil sont aujourd'hui, dans une proportion de 80%, dans les
écoles anglaises de la commission. Sur l'immense territoire de la
commission des écoles catholiques de Montréal, il n'y a que sept
classes d'accueil, c'est-à-dire 129 élèves en tout, en
majorité d'origine latine. On est en train, là, d'étudier
et de réorienter la formule, parce que les simples politiques
d'incitation sont vouées lamentablement à l'échec.
»
M. le Président, cela est tellement vrai que d'autres, dans la
société québécoise, ont pu, en dehors de nous,
interpréter cette même réalité de la même
façon que nous l'interprétons, nous. Claude Ryan écrivait
dans le Devoir: « Pour ceux qui éprouvaient encore des doutes
quant à l'existence d'une pente presque fatale qui pousse les enfants
des immigrants vers l'école anglophone de Montréal, l'article de
la Presse aura servi de pénible, mais salutaire rappel au réel,
c'est-à-dire au concret des choses. » « On feint de croire,
dans l'Union Nationale et dans le parti Libéral, que cette situation
sera modifiée par le bill 63. Il y a fort à craindre qu'on se
trompe lourdement. Le projet de loi, malgré le titre ronflant dont on
l'a chapeauté et toutes les parures dont on essaie maintenant de
l'orner, confirme en effet, quant au fond, la situation qui a existé
depuis longtemps à Montréal. Il exprime une
velléité d'action, mais il n'apporte aucune solution
véritable et concrète à un problème qui,
hélas, est très immédiat et très aigu. »
Au nom de ce réalisme, M. le Président, il y eut
également un témoignage que j'apporte en dernière
instance, celui d'un autre homme politique avec qui, nous du Parti
libéral, avons fait des luttes, qui a été un des grands
bâtisseurs de la « révolution tranquille » et qui a
été le grand bâtisseur et animateur de la réforme de
l'éducation.
Il s'agit de M. Paul Gérin-Lajoie qui dit ceci et
ça, je le verse au dossier, parce que ça rejoint une partie de
nos inquiétudes et de notre interprétation . «
Laissons aux Anglais leurs écoles et tentons plutôt d'imposer le
français comme langue de travail dans les entreprise anglophones.
» M. Gérin-Lajoie, qui est un de nos plus brillants
constitutionnalistes et qui connaît bien la réalité
québécoise et le problème dont il parle, ajoute: «
Sur le problème de la langue que devraient choisir les immigrants venant
s'installer au Québec, M. Gérin-Lajoie considère que le
français devrait être obligatoire. »
Donc, il va complètement à l'encontre du principe soutenu
par les ministériels à l'effet que le libre choix devrait
être absolu et inconditionnel. Je poursuis: « ... devrait
être obligatoire à la première génération,
c'est-à-dire à la première génération
d'immigrants, et que le libre choix ensuite se fasse pour les
générations suivantes. » Or, une génération,
c'est vingt ans, et M. Lajoie en arrive par l'appréhension, l'analyse,
l'étude et l'interprétation du réel et de la situation
actuelle du Québec en matière linguistique à recommander
que l'on sorte du libre choix absolu et des politiques d'incitation et que l'on
impose le français à la
première génération d'immigrants qui arriveront
dans le Québec. Je ne sache pas que M. Gérin-Lajoie soit un
séparatiste, je ne sache pas que M. Paul Gérin-Lajoie soit un
extrémiste, et je ne sache pas qu'on puisse l'identifier à tous
ceux-là et à certains qui ont été identifiés
comme étant ceux-là qui, dans le Québec, pouvaient
empoisonner les jeunes ou créer des situations anarchiques et
intolérables à la conscience de nos démocrates.
La preuve est déjà faite que les politiques d'incitation
ne suffiront pas. Ce débat a été centré et
on le rejoint dans l'article 2 toujours sur le droit des autres, mais
jamais sur le droit de nous autres; peut-être faudrait-il en arriver un
jour tris prochain à penser un peu à nous. Le chef de
l'Opposition, dans son intervention, a parlé fort justement de droits de
ceux qui font partie à la fois de notre héritage national, qui
ont été ici les premiers sur cette terre et qui sont les
héritiers de cultures peut-être deux fois millénaires. Il a
parlé du droit des Esquimaux, du droit des Micmacs, des Montagnais, des
Cris, de tous ces groupes ethniques qui ont une langue aborigène et qui
font partie de nous. Mais non, le projet de loi 63 s'intéresse
davantage, par sa philosophie contenue, abusive et intolérante du droit
absolu des parents, au droit absolu des Chinois, je l'ai dit, des
Arméniens ou des Grecs qui ne sont pas encore ici. Est-ce que c'est
trahir que de nous intéresser aux droits d'une collectivité et
aux éléments de la collectivité? J'ai senti, lorsque le
chef de l'Opposition parlait, que le premier ministre était d'accord, et
j'espère qu'il y aura bientôt des politiques mises en oeuvre par
le gouvernement pour favoriser et c'est là l'esprit du
fédéralisme l'éclosion, le plein rayonnement et la
pleine expansion des cultures locales ou régionales qui contribuent
à l'enrichissement d'un peuple, ces cultures amérindiennes, par
exemple, qui pourraient ajouter à la culture québécoise
dans son ensemble.
J'entends bien que l'on accorde le maximum de libertés et de
droits à la minorité la plus dorlotée et la plus
dorée du monde qu'est la minorité anglo-saxonne au Québec.
Jamais, au cours de ces longues interventions que j'ai faites, jamais je ne me
suis érigé en faux contre la reconnaissance la plus absolue du
droit des anglophones à choisir la langue de leur culture. Et ça,
je le répète, parce que cela a été mal
interprété. Mais bien que je reconnaisse ce droit fondamental du
citoyen à choisir, surtout le citoyen qui a des droits acquis ici, je le
répète, à la minorité la plus dorlotée du
monde qui a le meilleur traitement, le député de
Notre-Dame-de-Grâce disait que le projet de loi 63 donnait plus de
liberté ici à nos anglophones que les francophones dans les
autres provinces du Canada n'en avaient. Mais, chaque fois que l'on ose penser
un peu à nous-mêmes, il est hélas! des exagérations,
et le grand cri du fanatisme retentit. Il retentit chez des gens de bonne foi.
Ceux-là, je les respecte. Mais il retentit également chez
d'autres qui sont et qui se comportent comme les valets de nos maîtres,
des commissaires prébendes de l'autre intolérance, de ceux qui,
chez nous, veulent garder jalousement leurs privilèges, qui
bénéficient d'un statut particulier, personnel, qu'ils refusent
cependant à une collectivité.
Alors, M. le Président, c'est contre cette intolérance que
je continuerai, pour ma part, à me battre partout où ma faible
voix pourra être entendue, conscient par là de mener un combat un
peu solitaire, mais parce que je crois en toute sincérité et en
toute honnêteté que je défends une cause valable et des
principes valables.
C'est cette intolérance qui fait qu'il y a tellement de
déchirements et de passions autour du projet de loi numéro 63. Ne
sont pas intolérants uniquement ceux qui sont les zélotes ou les
défenseurs de l'unilinguisme, il faudrait bien se rendre compte qu'il y
a d'autres formes d'intolérance chez nous. M. le Président, je
continuerai, à l'extérieur évidemment puisque j'ai dit que
je m'apprêtais à rendre les armes parlementaires, avec mes faibles
moyens, de me battre pour des idées que je crois légitimes. Ici,
je ne peux plus continuer parce que je risquerais, peut-être,
l'accusation de sédition parlementaire, accusation, soit dit en passant,
qui revient un peu trop souvent et qui porte en elle les germes d'une profonde
atteinte aux libertés civiles et aux droits fonda mentaux. On en a
parlé ici des droits fondamentaux sur le plan de la langue; il y a aussi
un combat que nous devrions mener à brève échéance
sur les libertés civiles au Québec. Cela aussi, ça me
semble menacé.
M. le Président, je propose donc un dernier amendement, comme un
dernier appel, sans illusion et un peu désespéré. Un de
nos poètes, Gaston Miron, écrit dans un de ses plus beaux
poèmes: « Je m'écris sous la loi d'émeute ».
M. le Président, j'écris cet amenement, moi, sous la loi du
nombre, avec peu d'espoir qu'il dérange une seule des terribles
certitudes, un seul des conforts engraissés dont j'ai été
l'auditeur et le témoin depuis trois semaines. Mais l'important dans ces
combats que nous menons, ce n'est pas de réussir, mais c'est d'essayer
et de témoigner, c'est d'être valeur de témoignage. Nous
sommes, à ce stade-ci de nos débats, des témoins, oui,
mais en puissance fatiguée, je le concède. Or, ce dernier
amende-
ment que je m'apprête à proposer, qui pourrait faire en
sorte qu'à travers ce livre blanc troué de notre culture qu'est
le projet de loi 63, ce dernier amendement pourrait faire en sorte, s'il
était accepté, qu'au cours des six prochains mois l'on puisse
ensemble avec calme et sérénité travailler à
l'élaboration d'une politique plus concrète en matière de
la langue. Ce dernier amendement, dis-je, M. le Président, pourrait
faire en sorte qu'à travers, et nous inspirant que quelques-uns des
modes d'action et des modalités du projet de loi 63 s'il était
amélioré, pourrait faire en sorte qu'à travers tous nos
débats et toutes nos divisions, le Québec trouve enfin sa parole,
la parole à laquelle il a droit, c'est-à-dire la parole de sa
culture.
J'ajoute, en terminant, ce que j'ai peut-être dit mais que je
voudrais réaffirmer avec plus de convictions, qu'il y a des heures
graves que nous allons vivre, des semaines ou des mois. Si le Québec est
incapable d'exprimer totalement et pleinement toute la culture et la langue
dont il est le dépositaire depuis des siècles, si, à
divers niveaux de gouvernement, si, à divers niveaux de
résistance à l'intérieur de notre propre
collectivité, mais à d'autres niveaux de résistance,
à d'autres paliers de gouvernement, l'on nous refuse constamment les
moyens d'exprimer notre identité, notre culture et de mettre en oeuvre
des politiques pour que nous soyons nous-mêmes, si on fait comme hier, si
on oppose des refus catégoriques de négocier simplement sur le
projet du ministère de la Famille, d'une meilleure redistribution des
allocations familiales, si on fait ça, nous, on a un problème de
natalité ici... Je m'interromps là-dessus, M. le
Président, je sais que je suis en dehors de l'article 572, mais je me
permets avec votre bienveillance, un peu de tolérance, étant
donné que d'autres avant moi ont bénéficié de cette
même mansuétude, je dis...
M. LE PRESIDENT: Je regrette d'interrompre l'honorable
député de Gouin, mais sur ce point, je ne peux laisser passer sa
remarque, car, hier, j'ai eu l'occasion de dire aux membres de la Chambre que
si, par distraction, par oubli ou par erreur de ma part, il arrivait qu'un
député outre passe les règlements de cette Chambre ou
vraiment s'éloigne du sujet, c'est le devoir du député,
à ce moment-là, d'attirer l'attention de la présidence qui
se fera un devoir d'intervenir...
M. MICHAUD: Je reviens donc, M. le Président, à l'article
572 de notre règlement, sur la portée et les conséquences
du projet de loi. Difficultés temporaires.
M. BERTRAND: N'ajustez pas votre appareil.
M. MICHAUD: Ajustez votre appareil. M. le Président, pour que le
Québec trouve enfin sa parole, la parole à laquelle il a droit
et, là, je veux dire sa culture, cet amendement pourrait être in
extremis, un cri désespéré. J'ai parlé du chant du
cygne. Le premier ministre retournant à ses humanités et à
ses belles lettres comprendra que « les chants les plus
désespérés sont souvent les chants les plus beaux »
et il en sait « d'immortels qui sont de purs sanglots ».
M. le Président, je dépose donc cet amendement. Je
propose, secondé appuyé, devrions-nous dire en meilleur
français par le député de Laurier: « Que la
motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots
après le mot soit par les suivants amendement rigoureusement
conforme à la formule 62 de notre bréviaire parlementaire
Renvoyé à la commission de la constitution, avec instruction de
l'amender de façon que la majorité francophone du Québec
se voie dotée de tous les instruments nécessaires à son
plein rayonnement linguistique et culturel ».
Tout le monde a des copies. J'en ai remis au président, au
premier ministre et au chef de l'Opposition, hier. J'en ai peut-être
encore. Est-ce que le premier ministre a une copie?
M. BERTRAND: Oui, vous avez eu l'amabilité de me la remettre
hier.
M. TETLEY: Puis-je en avoir une? M. MICHAUD: Oui, volontiers.
M. FLAMAND: M. le Président, j'aimerais dire quelques mots sur
l'amendement proposé par le député de Gouin. Nous
avons...
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès de l'honorable
député de Rouyn-Noranda, mais je voudrais que, prenant la parole,
il m'éclaire surtout sur la recevabilité de la motion, car je
dois lui signaler que j'ai de très sérieux doutes.
M. MICHAUD: Ah, ben non! Ne recommencez pas!
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sur cette motion,
pourriez-vous expliquer les doutes que vous avez? Parce que cela nous laisse
sur une drôle de position.
M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, c'est en vertu de l'article 158 que je suis
intervenu. Cet article permet au président de la Chambre de signaler ce
qui lui paraît une irrégularité et, ensuite, de demander
aux honorables députés de l'éclairer sur la
recevabilité. Mais là où j'ai un doute très
sérieux, c'est sur les instrutions qui accompagnent la motion de renvoi
au comité. En effet, il est dit dans les instructions qu'il sera
demandé au comité d'amender de façon que « la
majorité francophone du Québec se voie dotée de tous les
instruments j'insiste sur le mot tous nécessaires à
son plein rayonnement linguistique et culturel ».
Or, on sait fort bien qu'à tous les moments de la deuxième
lecture, il a été déclaré, à maintes
reprises, qu'il s'agissait d'une base, d'un commencement, d'une première
étape, d'un premier pas, etc. Il va sans dire que le gouvernement n'a
pas voulu apporter tous les instruments et tous les moyens pour favoriser le
développement de la culture. C'est ce qui me paraît
déborder nettement le principe du bill, à mon humble avis.
M. MICHAUD: M. le Président, sur la recevabilité de la
motion, j'ai pris note avec un sourire un peu amusé de vos observations.
Si le règlement me le permet, il suffirait de dire, si on veut
être de bon compte, « des » instruments à la place de
« tous ». Si vous voulez l'accepter telle qu'elle a
été rédigée, je changerais par « se voie
dotée des instruments ».
M. LE PRESIDENT: Excusez. Ce n'est pas le président de la Chambre
qui peut, à ce moment-là, permettre à l'honorable
député de présenter un sous-amendement. Il faudra le
consentement unanime de la Chambre.
M. BERTRAND: Nous n'avons pas d'objection, M. le Président,
à ce que l'on apporte une correction. Nous nous réservons, bien
entendu, le droit de voter contre la motion.
C'est un autre problème. Mais pour permettre l'expression
d'opinions sur leur motion, nous n'avons pas d'objection à ce que...
M. MICHAUD: M. le Président, par simple souci du langage,
étant donné le caractère un peu absolu de « tous les
», que vous avez signalé, je proposerais donc de changer la motion
« que le Québec se voit doté d'instruments
nécessaires à son plein rayonnement linguistique et culturel.
» Ce qui enlèverait son caractère absolutiste à la
motion telle qu'elle était antérieurement
rédigée.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.
M. BERTRAND: ... secondeur. M. René Lévesque
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sans prendre trop de
temps de la Chambre, je voudrais appuyer la motion du député de
Gouin telle qu'elle est acceptée dans sa forme amendée, mais dont
l'essentiel est de demander le renvoi du bill 63 à la commission de la
Constitution, ce qui éviterait parce qu'au besoin, je crois que
le débat me le permet, il y aura un dernier amendement qui serait autre
chose, mais qui permettrait jusqu'à la dernière minute de voir
avec le gouvernement s'il n'y a pas moyen de prendre un temps de
réflexion ce qui éviterait, dis-je, évidemnent, car
il tient à son bill, de prétendre l'envoyer aux oubliettes
complètement. Donc, de le renvoyer à une commission élue
comme l'une des motions permises, de façon à ce qu'il puisse
être réévalué et retravaillé dans ce
coin-là.
Je pense bien que la latitude que vous avez permise, M. le
Président, jusqu'ici me permettra de dire qu'avec cette motion, nous
arrivons presque au terme d'un débat qui, dans cette Chambre et au
dehors, sur le seul projet de loi 63, dimanche aura duré un mois si nous
tenons compte du fait qu'il a été présenté le 23
octobre. Sur l'affaire elle-même qui lui a donné naissance, si
nous remontons jusqu'à Saint-Léonard comme l'a fait le chef de
l'Opposition, un an et demi.
Ce débat est l'un des plus importants que ce Parlement ou
même que le Québec culturel ait jamais vus et je voudrais faire
remarquer c'est l'une des premières choses qui sousten-dent, je
crois, la motion du député de Gouin que ce débat ne
sera pas fini, loin de là, après la sanction de ce bill si la
machine législative continue sans interruption et que ce bill est
voté et sanctionné dans les jours qui viennent.
Voyez-vous M. le Président, on dit de le renvoyer à la
commission de la Constitution. Il s'agit d'abord d'un sujet fondamental, d'un
de ces sujets hier, je crois que le député de Montcalm a
souligné longuement à quel point ce genre de sujet ne pouvait pas
être séparé, si l'on veut, de l'ensemble des contentieux
constitutionnels et je crois que tout le monde sera d'accord absolument
fondamental. La langue que nous parlons, la langue que n'importe quelle
population, n'importe quel individu parle comme sa langue maternelle, sa langue
de culture in-
dividuelle et la langue de son milieu, celui dans lequel il
prétend faire une vie normale, cette langue, c'est le véhicule de
sa personnalité à un tel point j'ai vu ça chez des
anthropologues qu'une des définitions de l'homme, c'est l'animal
qui parle. C'est un sujet viscéral, c'est le seul animal qui parle pour
autant qu'on sache. D'une autre façon, animal raisonnable, ce n'est pas
absolument garanti, mais animal qui parle, c'est toujours vrai, sauf pour les
muets, et même ceux-là trouvent le moyen de compenser. C'est
donc... pardon?
M. BERTRAND: Je vais taquiner le député de Laurier pour
dire qu'il en est la preuve.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, et le premier ministre nous a donné
de belles démonstrations pathétiques en deuxième lecture,
entre autres. L'animal peut parler sans être convaincant, mais il
parle.
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LEVESQUE (Laurier): La langue estdonc un sujet qui est
viscéral entre tous. De plus, dans toutes les sociétés
civilisées, c'est reconnu comme l'un des sujets les plus impartants, un
des aspects les plus importants des droits de l'homme comme individu, et de
plus en plus. Regardons l'exemple wallon, l'exemple suisse, enfin tous les
exemples qui ont été évoqués au cours de ce
débat et d'autres qu'on a probablement oubliés.
De plus en plus, c'est reconnu aussi comme un des aspects fondamentaux
du droit des peuples ou du droit des communautés culturelles. Donc
je me souviens de l'avoir dit à une étape
antérieure de ce débat il s'agit, quand on
légifère sur la langue des gens, quelle que soit la valeur en soi
de la législation, il s'agit vraiment d'une intervention au cerveau d'un
peuple ou d'une communauté. C'est aussi fondamental que ça, je
crois. D'ailleurs, le climat dans lequel ça s'est déroulé
devrait, sauf pour les aveugles, démontrer que c'est vrai.
Cela, c'est la première chose. Ce sont de ces sujets absolument
fondamentaux, viscéraux et accrochés aux droits de l'homme et aux
droits des communautés, à tel point que normalement, dans toutes
les sociétés que je connaisse, quand on prétend toucher
d'une façon permanente à ces droits-là, il y a
l'obligation, que s'imposent les sociétés, de vastes
consultations et de débats qui vont dans le domaine constitutionnel. Il
s'agit de ce que l'on appelle aux Etats-Unis peu importe qu'aux
Etats-Unis le « melting pot » ait éliminé
l'obligation de parler de la langue il s'agit vraiment
d'éléments du « bill of rights » ou de droits de
l'homme, de droits de l'homme collectif, de droits de l'homme individuel avec
les réconciliations qui peuvent être nécessaires dans un
cas comme le nôtre. Mais, de toute façon, d'un sujet tellement
fondamental que normalement ça va dans les textes consacrés.
Cela, c'est un problème constitutionnel.
Deuxièmement, sur ce sujet, par-dessus le marché, c'est la
première fois de son histoire, sauf erreur, que le Parlement du
Québec se mêle de légiférer. Et il l'a fait depuis
quelques semaines d'une façon dont la responsabilité
première appartient forcément au gouvernement du jour. Il a
amené son texte de loi le premier ministre l'a dit, on l'a
répété il a fait son lit, il va coucher dedans.
Mais, la responsabilité première de ce précédent
qui est créé par un gouvernement qui est celui d'aujourd'hui,
gouvernement de l'Union Nationale présidé par le
député de Missisquol avec, comme ministre de l'Education, le
député de Bagot, comme leader parlementaire, le
député de Champlain; le député de Maskinongé
comme expert en procédure et ministre de la Justice. Ce gouvernement du
Québec, pour la première fois dans l'histoire du Québec,
de la façon qu'on a vue depuis quelques semaines, légifère
sur ce sujet-là à partir d'une seule chance.
Evidemment, on peut dire que cette responsabilité est
partagée par l'Opposition officielle. Le député de
Richmond, dans son intervention dont les accents brûlants, hier,
soulignaient encore le caractère folklorique, n'a-t-il par
proclamé l'évidence, quand il a dit que le chef de l'Opposition,
député de Louis-Hébert, avait joué « un
rôle discret, mais souvent stratégique dans la marche de ce projet
de loi »? Il s'agit donc vraiment d'un projet de loi bipartisan
mais ça, c'est une Incidente d'un projet de loi
foncièrement bipartisan qui a été voté par la
coalition de nos deux vieux partis dans cette Chambre. Mais c'est la
façon dont on passe cette loi après des mois et des mois
le chef de l'Opposition l'a évoqué d'inaction et de
tergiversations sur un problème qui était là depuis
longtemps, aux tous derniers milles d'une session sans avoir du tout, je crois,
préparé ni l'opinion publique, ni le Parlement lui-même.
Là, il y a un deuxième argument pour le renvoi à une
commission élue, commission qui s'occupe de choses fondamentales ou qui
est censée s'en occuper comme la commission de la constitution. Je l'ai
dit, je le répète, M. le Président, sur les points les
plus centraux et potentiellement les plus inquiétants en tout cas
les plus imprévisibles dans leurs conséquences de cette
législation, nous n'avons rien obtenu de
cohérent du gouvernement, ni nos concitoyens non plus, en dehors
de cette Chambre, en ce qui concerne l'arrière-plan technique
parce qu'il y a une technique dans ce domaine-là comme dans les autres
dans le monde d'aujourd'hui l'arrière-plan, si on veut,
scientifique de cette législation.
Je donne un exemple, dans le domaine de l'immigration, qui est couvert
par cette loi, il y avait un rapport. Ce rapport avait été
déposé on a cru que c'était une réponse de
dire qu'il avait été déposé - et il
suggérait des mesures. Le gouvernement n'est pas obligé de les
suivre. Ce rapport suggérait des mesures qui n'ont pas été
suivies. On n'a pas expliqué pourquoi ce seul et unique rapport connu
sur le problème de l'immigration avait littéralement
été mis de coté.
Il suggérait des mesures prescriptives, des mesures
administratives précises, des mesures qu'on appelle, en faisant la fine
bouche, coerci-tives, auxquelles ces gens, qui avaient été
mandatés par le gouvernement, étaient arrivés à la
conclusion que le gouvernement mettait cela de côté, mais sans
l'avoir étudié devant nous, sans nous avoir justifié
d'aucune façon la politique exactement contraire aux recommandations
qu'ils proposent dans ce bill. Je n'insisterai pas longuement sur l'article 2,
nous l'avons fait tout le long du débat.
L'article 2, qui est l'un des principes, qui, en fait, est le seul
principe ne déguisons rien de ce bill, c'est-à-dire
le maintien, par législation, du libre choix absolu du statu quo.
Là encore, les conséquences sont imprévisibles au point
où les députés dans cette Chambre ont dit, y compris les
gros canons de l'Opposition comme du gouvernement: Si on va à
l'échec, on pourra toujours y revenir. Seulement, ces gens-là ont
dit cela, dans cette Chambre, sur les conséquences imprévisibles
de ce maintien du libre choix dans un climat d'assimilation
accéléré comme ce qui se passe dans les milieux
d'immigration de Montréal.
Ces gens-là ont dit cela dans cette Chambre pour faire adopter ce
bill, au moment où les démographes, qui sont les seuls experts en
science des populations de toutes les sociétés d'aujourd'hui, se
sentaient suffisamment inquiets M. Henripin et compagnie pour
publier dans les journaux, en anticipant sur la publication d'un volume qui
devait paraître en décembre, des chiffres et des conclusions qui
prouvent que la situation est inquiétante, à leur point de vue,
autour de 1986 à un tel point qu'à ce moment-là la
majorité pourrait être devenue anglophone dans la région
métropolitaine de Montréal. La majorité
démographique pourrait très bien, d'après les projections,
être devenue anglopho- ne dans la région métropolitaine de
Montréal, eux-mêmes le disaient: autour de 53%; c'est leur
projection jusqu'en 1986. Mais, sans changement légal et sans changement
scolaire. Légal et scolaire, ne nous racontons pas de romance, l'article
2 du bill 63 est tout un changement légal et tout un changement
scolaire.
Donc, on s'en va gaiement vers l'inconnu avec cette loi. Le chef de
l'Opposition en était bien conscient, je retrouve sa citation.
Après avoir parlé de la philosophie libérale avec
un petit ou un grand L il dit qu'il veut éviter la coercition.
Tout le monde veut éviter la coercition, surtout quand on emploie ce
mot-là. Mais après avoir dit cela, il a insisté à
nouveau, dans le débat de troisième lecture, sur sa proposition
d'une commission parlementaire de surveillance sur l'efficacité du bill
63 en disant qu'il faut suivre l'évolution de la situation parce qu'en
cas d'échec il faudra revoir le sujet; il faudra revoir toute la
situation.
Nous disons que, dans l'état où elle se trouve, une telle
loi de statu quo, telle qu'incorporée dans l'article 2, face à
une situation dont tous les éléments connus, pour la
région métropolitaine de Montréal, crient, proclament que
ce statu quo est dépassé et que cette loi est vouée
à l'échec à ce point de vue-là, on fait simplement
reculer pour mieux sauter. Comme le disait un éditorialiste, parmi les
plus sérieux du Québec, peut-être qu'on se prépare
aussi dangereusement des lendemains plus radicaux.
Il y a plus grave encore en ce qui concerne cette motion de renvoi.
Premièrement, on traite un sujet fondamental que, normalement, une seule
Chambre, dans aucun pays, normalement j'ai bien dit, ne traitera de cette
façon légère et rapide. Deuxièmement, la
façon dont on a amené le projet de loi, les députés
de la Chambre dont je suis il y en a d'autres qui en sont conscients,
même ceux qui ne l'ont pas dit n'étaient pas suffisamment
renseignés sur ses conséquences possibles dans un domaine aussi
fondamental que celui-là.
Il y a plus grave que cela. Le député de Richmond a
traité hier de sans-culottes, je crois, quelques députés
dans cette Chambre qui ont entretenu ce débat pendant près de
trois semaines en grande partie, enfin, disons pendant deux semaines: ce qu'on
a appelé l'opposition circonstancielle.
Cet effort qu'on a fait pour empêcher ce projet de loi de passer
à la vapeur était, entre autres choses, pour permettre Justement
à d'Innombrables citoyens mal renseignés, inquiets, avec raison
et que personne n'avait préparés sur un sujet aussi
viscéral, de retrouver, dans cette Chambre d'abord, une voix insistante
une
voix, je veux dire quatre ou cinq et à d'autres
d'évaluer et de préciser leurs attitudes. On aurait pu avoir
et ce n'est pas exclu encore, au moins partiellement, dans le climat et
à cause de la façon dont cette loi a été
amenée une rupture totale ou, en tout cas, extrêmement
périlleuse entre ce pays légal j'emploie l'expression
courante des politicologues, je crois qu'est le Parlement et une grande
partie du pays réel, c'est-à-dire du pays vivant, s'agitant,
travaillant, s'inquiétant, qui grouille alentour de nous.
Et c'est pendant que quelques députés, dont trois
démissionnaires que je n'appelle pas des sans-culottes, que
j'appelle des gens courageux face à la ligne rigide des partis
employaient de leur mieux tous les moyens parlementaires, y compris la
procédure (pourquoi pas, M. le Président?) dont on avait voulu un
peu abuser au début pour escamoter le débat nous nous
sommes servi, nous, en deuxième semaine pour le prolonger mais,
c'est pendant que ces quelques députés, qui étaient la
seule opposition réelle sur ce point, jouaient à fond, de leur
mieux, le jeu parlementaire, afin d'éviter, entre autres choses, que
trop de Québécois cessent de croire complètement aux
institutions de la démocratie parlementaire ceux que le
député de Richmond appelait des sans-culottes, trahissant ainsi,
je crois, son ignorance béate et presque crypto-totalitaire de ce qu'est
la démocratie organisée que des démographes ont eu
le temps de publier les documents dont je parlais. Cela est venu pendant le
débat. Un des plus grands syndicats du Québec, International,
celui des Métallos je ne répète pas, le
député de Gouin l'a évoqué a eu le loisir de
préciser son opposition à ce bill démissionnaire.
La Fédération des sociétés
Saint-Jean-Baptiste, majoritairement à une majorité
écrasante des délégués présents, en tout cas
a pu établir finalement, tant ç'a été un
point chaud pour elle, une option constitutionnelle. Le député de
Richmond a dit, je crois, que ces gens-là trahissaient leur
pensée. Je crois que c'est une courte vue, ça. Cela a
plutôt permis à ces hommes de définir clairement la plus
importante de toutes les attitudes, qui identifie des hommes assez libres pour
être lucides et courageux, c'est-à-dire non pas l'asservissement
aux cadres désuets du passé, mais ce que l'on appelle aujourd'hui
la fidélité à l'avenir. Cela existe aussi, surtout pour un
peuple en pleine transition, la loyauté à ce que doit être
le Québec de demain et non pas l'accrochage au cadre désuet du
Québec de mon grand-père. Le Québec, ce n'est pas une
réalité figée, puis ça ne doit pas l'être ou,
alors, ça ne vaudrait même pas la peine de se battre.
Donc, je me résume, M. le Président. Nous demandons que ce
bill soit renvoyé à la commission de la constitution, commission
élue de la Chambre. Premièrement, parce qu'il traite d'un sujet
fondamental que normalement un Parlement, mal préparé,
unicaméral comme le nôtre... Ce n'est pas moi qui vais pleurer la
disparition de cette espèce de Sénat caricatural qui s'appelait
le Conseil législatif, mais il demeure cela a été
discuté à ce moment-là qu'il n'y a pas de Chambre
de réflexion, qu'il n'y a pas de période, si vous voulez, de
maturation pour des législations.
Cela n'a pas tellement d'importance s'il s'agit d'un budget annuel,
malgré que ce soit grave. S'il s'agit des heures de fermeture des
magasins, on peut tout de même survivre, mais c'est plus grave s'il
s'agit de la langue que parlent les gens, du maintien de traditions qui sont
pour le moins extraordinairement anciennes et qui viennent, comme le disait le
premier ministre, de toutes les générations d'avant, puis
d'après 1867. On est loin de 1867, puis on est loin d'avant 1867, dans
une société qui a changé. Est-ce que, sur un sujet aussi
fondamental, il n'est pas normal de consulter, sur ce bill, la commission
élue de la Chambre qui a été chargée de ces
sujets-là?
Deuxièmement, la façon dont le bill a été
amené, dans son incohérence finale, le va vite auquel on a voulu
le soumettre, le climat qui pendant trois semaines a prouvé avec les
exemples que l'on vient de donner... C'est en train de s'approfondir quand on
voit des gens comme les Métallos, quand on voit des institutions qui ont
longuement hésité, qui étalent plutôt conservatrices
de tradition, comme la Fédération des sociétés
Saint-Jean-Baptiste, dans ce climat qui est vraiment un point tournant,
préciser d'une façon aussi sensationnelle et aussi dramatique des
attitudes, est-ce que ce n'est pas le temps pour le gouvernement de se donner
sur ce sujet une période de réflexion minimum?
Est-ce qu'on ne peut pas et c'est mon dernier argument à
l'appui de la motion aussi se demander si le gouvernement n'est pas en
train de dépasser complètement, peut-être au point de vue
juridique là-dessus je ne voudrais pas argumenter, mais en tout
cas au point de vue politique et social, et ça compte pour les
gouvernements modernes, ça devrait est-ce que le gouvernement
n'est pas en train de dépasser son mandat? On pourra toujours nous
répondre: Un jour les électeurs seront consultés. C'est
vrai. Il a fait son lit le gouvernement il sera jugé
là-dessus comme sur le reste. Mais, actuellement, est-ce que le
gouver-
nement et le premier ministre a été un des hommes
qui a présidé justement à la création du
comité de la constitution, qui s'intéresse depuis longtemps
à ces choses ne devrait pas se poser la question in extremis de
nouveau? Est-ce qu'on avait le mandat, dans un Parlement unlcaméral, sur
un projet de loi tellement incomplet et tellement honnêtement
incohérent que l'article 1, l'article 3 et en particulier
l'article 4 qui n'existait pas sont devenus, à toutes fins
pratiques je m'excuse, il me vient un mot jouai, et c'est le seul qui me
vient à l'esprit des « amanchures, » des jalons
préliminaires, des morceaux plus ou moins soutirés, mais de
façon tellement générale qu'on puisse dire quand
même qu'on lui laisse son mandat, plus ou moins soutiré à
la commission Gendron, pour aménager, si vous voulez, le paravent autour
de l'article 2, qui est simplement la promesse qu'on tient, qu'on a faite au
moment des élections à propos de Saint-Léonard à
nos concitoyens de langue anglaise?
Est-ce qu'on ne peut pas se poser la question du mandat réel? Je
lisais, et c'est le chef de l'Opposition qui a attiré l'attention de la
Chambre là-dessus, et je relisais je n'ai pas envie de
l'interpréter, je ne suis pas un expert constitutionnel ni un expert en
cour d'Appel le jugement des éminents juges de la cour d'Appel sur
l'affaire de Saint-Léonard, à propos de l'Injonction
interlocutoire qui a été refusée en première
instance et que la cour d'Appel prétend, dans un jugement longuement
motivé, avoir dû être accordée aux requérants.
Il y a une partie de ça qui me frappe. Je crois que c'est le juge
Brossard qui a rédigé l'essentiel du jugement, parce que c'est
à la première personne. Je cite: « Avec
déférence, dit la cour d'Appel, je suis d'avis que c'est à
tort que le premier juge a basé sa réponse affirmative à
cette question sur le fait qu'aucun texte de la Loi n'impose aux commissaires
l'obligation de dispenser l'enseignement dans chacune des deux langues
officielles on sait ça et sur le fait que leur
décision de ne dispenser que l'enseignement en français ne
pouvait en l'espèce être jugée discriminatoire au motif que
leur discrimination « résulte nécessairement il cite
le jugement de première instance de l'exercice d'un pouvoir
discrétionnaire attribué par la loi. » Tout de suite
après ce jargon enfin je dis jargon, sauf tout respect ce
style juridique savant, dont l'essentiel est que la loi n'en parle pas, voici
le passage suivant: « A partir de l'admission que la loi serait
silencieuse sur le sujet, il me paraît, à ce stade, difficile de
ne pas conclure, au contraire, que les appelants, n'exerçant que des
pouvoirs à eux délégués par le législateur
provincial, commissions scolaires, ne peuvent prétendre avoir un pouvoir
qui ne leur est pas expressément conféré par lui, par le
pouvoir provincial. La question de savoir si le législateur aurait
lui-même le pouvoir constitutionnel de leur accorder la juridiction
qu'ils se sont arrogée ne se pose pas encore, faute d'avoir
été à date régulièrement plaidée
». Là, il y a juridiquement quelque chose qui me trouble, et cela
est fondamental. Je crois que le chef de l'Opposition en a parlé en
argumentant d'une autre façon. On peut se demander si, sur un sujet
qu'on a laissé trafner, pourrir par rapport à un incident
où il aurait été si facile de geler le statu quo
j'en reparlerai en troisième lecture sur l'ensemble de la loi et
ne pas empiéter sur l'avenir d'aucune façon, la cour d'Appel nous
arrive également pendant ce débat que certains hommes,
quelques-uns seulement, ont réussi à prolonger pour que beaucoup
de gens puissent approfondir leur réflexion.
La cour d'Appel arrive et nous rappelle à quel point il est grave
de se donner des mandats dans un domaine où la loi n'existe pas et
où jamais même on n'a dans l'économie de nos institutions
qui marchent tellement par jurisprudence, plaidé le fond du
problème. Cela, c'est une chose qui me fatigue, moi, quand on volt
légiférer à la va vite deux partis qui peuvent avoir
toutes sortes de raisons additionnelles à un souci
d'équité pour aller si vite tout à coup.
Quant au mandat que j'appellerais politique et social j'ai des
doutes sur le mandat même juridique ou constitutionnel, en tout cas, si
on l'interprétait avec toute la conscience précise qu'il faut y
mettre je veux seulement citer un extrait de l'éditorial du 4
novembre de M. Ryan dans le Devoir. M. Ryan est un des hommes, justement, un
des éditorialistes les plus réfléchis, on le sait tous, et
qui se pose des questions sur le fond des problèmes.
Il disait ceci: « Le projet de loi 63 ouvre en fait un
débat nouveau mais fondamental sur la légitimité politique
dans une matière comme celle qui est visée par les auteurs du
projet. Ce projet est destiné à affecter, de manière
décisive, l'avenir de la communauté canadienne-française.
Par-delà la mécanique littérale de notre régime,
nous ne connaissons que deux situations dans lesquelles semblables
décisions puissent être prises de manière légitime.
La première situation serait celle où existerait un accord
général de l'opinion, comme ce fut le cas lors de l'adoption du
drapeau québécois ou à l'occasion de certaines
conférences fédérales-provinciales. Les
événements des der-
niers jours ont assez montré que pareille situation n'existe pas
aujourd'hui. » Il n'y a pas de consensus. Je ne dirai pas, moi, comme
certains députés: J'ai 98% de mes électeurs dans ma poche
ou les bons parents traditionnels de mon comté. Je ne dirai pas que j'ai
98% des Québécois dans ma poche ou que nous les avons dans notre
poche, nous les oppositionnistes, parce que ce genre de démagogie
désuète n'est pas employable. Mais il y a une chose qui est
visible...
M. LAFRANCE: Le député est un expert en
démagogie.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, je vous jure, M. le Président, que
jamais je ne donnerai de démonstration de démagogie primaire et
béate comme celle du député de Richmond hier. Jamais je
n'irais jusque là!
M. LAFRANCE: Cela,c'est une façon de répondre à mes
arguments! Si le député est si honnête et si courageux,
qu'il essaie donc de contester mon opinion au lieu de lancer des injures comme
il le fait toujours.
M. LEVESQUE (Laurier): Je vais lui donner un exemple. Est-ce que vous me
permettez de lui répondre, M. le Président? Je suis bien
obligé de le faire, si vous ne prenez pas ça sur mon temps.
Hier, le député de Richmond parlait, j'ai pris une note,
cela c'est vraiment...
M. LAFRANCE: M. le Président, il faudrait que ce soit
enlevé sur son temps parce que j'ai beaucoup de difficulté
à l'écouter!
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, est-ce que vous me diriez
combien il me reste de temps? Je sais...
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'intervention de l'honorable
député de Laurier a effectivement débuté à 4
h 12,
M. LEVESQUE (Laurier): II me reste deux minutes?
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): C'est ça.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, le plaisir que j'aurais
à répondre au député de Richmond je remettrai
ça pour la troisième lecture. Donc, on est loin d'avoir ce
consensus qui est l'une des façons de faire passer des sujets
fondamentaux comme ça, comme au moment du drapeau. « La
deuxième situation dit M. Ryan serait celle où se
trouverait un gouvernement qui, après un débat dur et rigoureux,
aurait reçu une majorité claire des électeurs pour agir.
» Je rappellerai le cas de la nationalisation de
l'électricité, comme un exemple où on va chercher un
mandat, et la langue, c'est autrement plus important que quelques compagnies
d'électricité, si grosses soient-elles. Or, actuellement, nous
sommes devant une Chambre où il y a un premier ministre qui tient son
mandat d'un congrès de 2,000 délégués, à peu
près. C'est un fait, on n'y peut rien, mais c'est un fait de
démocratie parlementaire.
M. BERTRAND: Quant à ça, de qui tenez-vous votre mandat et
comment avez-vous été élu?
M. LEVESQUE (Laurier): Ce qui est assez curieux, c'est que vous avez
actuellement dans cette Chambre un premier ministre qui, sur une chose
fondamentale comme celle-là, sans consensus, ne tient son mandat que de
2,000 délégués. Vous avez un chef de l'Opposition qui sera
parti au mois de janvier et qui collabore...
M. BERTRAND: Il a clairement énoncé, dans son discours en
deuxième lecture...
M. LEVESQUE (Laurier): ... et qui coopère...
M. BERTRAND: ... qu'il se basait sur le programme de son parti aux
élections de 1966.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela, M. le Président, J'y reviendrai en
troisième lecture.
Les attitudes du parti libéral dans ce débat, j'y
reviendrai quand nous parlerons de l'article 4, en troisième lecture. Je
veux conclure sur la motion du député de Gouin.
Je dis que le premier ministre a un mandat de 2,000
délégués. C'est un fait. Je ne le blâme pas. Je dis
que c'est un fait. Comme premier ministre, son nom est attaché à
ce bill, avec le ministre de l'Education et le député de
Chicoutimi. Le chef de l'Opposition ne sera plus là, à partir de
la mi-janvier, comme chef du parti libéral. L'opposition a
été tenue dans cette Chambre par cinq députés
uniquement, dont un démissionnaire du caucus libéral, un ancien
libéral qui est aujourd'hui du Parti québécois; deux
députés de l'Union...
M. LAFRANCE: Ce n'est pas juste, il y a eu de l'opposition de la part de
l'Opposition officielle.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, on en reparlera de votre opposition!
M. LAFRANCE: Cessez votre démagogie!
M. LEVESQUE (Laurier): On en reparlera de votre opposition, de votre
pseudo-mini-mi-cro-opposition pour la frime. Deux députés qui
étaient élus dans l'Union Nationale et un député
qui a été également élu dans l'Union Nationale et
qui, aujourd'hui, a rallié le Ralliement des créditistes. Ce qui
fait qu'un Parlement ce qu'on appelle en anglais un « rot
Parliament », dans tous les coins, qui achève son existence,
où les vieux partis sont en train visiblement de se fissurer,
prétend à la vapeur...
M. LAFRANCE: M. le Président...
M. LEVESQUE (Laurier): ... faire adopter un bill sur un sujet
fondamental. Je dis, en terminant, que j'appuie la motion du
député de Gouin de renvoyer ce projet de loi à la
commission élue de la Chambre, qui s'appelle la commission de la
constitution, pour toutes ces raisons, y compris le fait qu'un Parlement qui,
visiblement, a fait son temps et qui est coupé du pays réel
même à l'intérieur des partis qui sont ici, de plus en
plus, est en train d'abuser complètement de son mandat et même,
jusqu'à un certain point, du climat réel du Québec.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable ministre de la
Justice.
M. Rémi Paul
M. PAUL: M. le Président, je crois que tous ceux qui ont eu
l'avantage d'assister à l'étude du bill 63 ou qui ont pris
connaissance, par la voix du journal des Débats, de tous ceux qui, de
près ou de loin, ont participé à l'une ou l'autre des
étapes de l'étude de ce bill conviendront qu'il y a
sûrement, parmi tous les députés de cette Chambre, un
désir sincère de voir rayonner au Québec la langue et la
culture françaises, tout en consacrant certains principes de droit
naturel qui peuvent appartenir à d'autres ethnies.
Je ne mets aucunement en doute la sincérité de tous ceux
qui ont présenté une opposition reconnue comme circonstancielle.
Aujourd'hui, nous sommes en face d'une motion présentée par
l'honorable député de Gouin. Personnellement, je juge cette
motion comme rétrograde. Elle n'apporte rien et est tout à fait
inutile, inefficace.
J'ai bien l'intention de donner certains arguments à l'appui de
ce jugement que je porte sur la motion de l'honorable député de
Gouin. Tout d'abord, il faut s'arrêter aux termes de la motion pour
savoir exactement ce que veut le député de Gouin, ainsi que son
secondeur et sûrement l'opposition circonstancielle.
En lisant le texte de la motion, nous voyons qu'elle aurait pour effet,
si elle était adoptée, de renvoyer à la commission de la
constitution, avec instruction de l'amender de façon que la
majorité francophone du Québec se voie dotée d'instruments
nécessaires à son plein rayonnement linguistique et culturel.
Qu'est-ce qu'on enverrait à cette commission de la constitution?
Ce serait sûrement le bill 63.
La motion est basée sur l'article 573 et spécialement la
note 7. C'est pourquoi, tout à l'heure, l'honorable premier ministre
vous a signalé que cette motion, avec la modification apportée
dans sa présentation par l'honorable député de Gouin,
devenait, à notre humble point de vue, comme acceptable.
Mais, ce n'est pas tout de rédiger une motion et d'employer des
mots ou des termes que l'on retrouve dans une note ou un article de notre
règlement. Si nous lisons le texte, nous retrouvons le mot instruction,
« renvoyer à la commission de la constitution avec instruction de
l'amender ».
Ce serait du droit parlementaire nouveau à l'effet qu'une
commission permanente de la Chambre ait le droit d'amender une loi votée
en première, deuxième lectures et en comité
plénier. Ce n'est pas ça les instructions au sens de la note 7 de
l'article 573. Les instructions veulent dire: « avec mission de »,
« devoir de » et « voir à ce que ». Si la motion
du député de Gouin avait été à l'effet que
ce bill soit renvoyé à la commission de la constitution afin
qu'elle entende les corps intermédiaires ou des représentations,
nous dirions il y a une certaine logique, où qu'il peut se
présenter certains avantages à ce que ce bill soit renvoyé
à la commission de la constitution. Mais non, on veut tout simplement
renvoyer à la commission de la constitution, avec instruction de
l'amender, le bill 63 par un groupe, je crois que c'est de quinze ou dix-sept
parlementaires. Dix-sept parlementaires vont recevoir une
délégation de la Chambre et mettre de côté toutes
les règles de procédure reconnues, les règles de
débat, et nous allons, en blanc, donner aux membres de cette commission,
le pouvoir, les instructions d'amender. Amender après quoi, basé
sur quelles justifications, sur quelles normes, en vertu de quelles
considérations? Non, on ne dit rien de ça. On dit tout
simplement: Renvoyer le bill à la commis-
sion de la constitution avec instruction de l'amender. Dans quel but?
Sous prétexte que les membres de la commission de la constitution...
même si c'est illégal ça ne fait rien, on ne demande
pas d'étudier l'opportunité de revenir en Chambre, de reformer le
comité plénier et de considérer de nouveaux amendements,
ce n'est pas ce que l'on dit.
M. MICHAUD: Le ministre me permettrait-il une question?
M. PAUL: Oui.
M. MICHAUD: Engage-t-il le débat sur la recevabilité de la
motion?
M. PAUL: Oui, c'est sur la recevabilité de la motion.
M. MICHAUD: II semble que... M. PAUL: Sur le fond de la motion. M.
MICHAUD: Sur le fond.
M. PAUL: Oui, nous l'avons jugée recevable, même si elle
est inutile.
M. MICHAUD: Ah bon!
M. PAUL: M. le Président, supposons que, demain matin, la
commission de la constitution soit formée pour étudier le bill
63, que va-t-elle faire? Il n'y a aucune instruction ou mandat précis
qui lui sera donné par la Chambre sauf des instructions de l'amender,
même si elle ne peut pas l'amender. D'une seule décision, sans
aucun débat, voici que quinze ou dix-sept membres seront investis d'une
autorité supreme, supérieure à la collectivité des
108 députés, pour amender un projet de loi d'une façon
autre que celle qui est prévue par nos règlements. Là, on
essaiera de doter le Québec d'instruments nécessaires à
son plein rayonnement linguistique et culturel.
M. le Président, de deux choses l'une. Ou on veut la mort du
bill, ou on veut réellement l'améliorer. Si on veut
l'améliorer, si on veut réellement que la langue et la culture
française rayonnent dans le Québec, pourquoi présenter une
motion qui rendrait le présent projet de loi tout à fait
inefficace et inopérant?
Par contre, si nous nous référons à la
portée du bill, au texte des articles, nous verrons dans ce projet de
loi tous les moyens nécessaires pour le rayonnement linguistique et
culturel de la langue française. Je ne dis pas que les moyens qui sont
prévus et l'autorité qui est donnée à l'Office de
la langue française par l'article 4, qui comprend l'article 14 et
l'article 14 a), est ce qu'il y a de plus complet. Non, M. le Président.
Mais de là à trouver d'autres moyens, l'endroit pour les
suggérer, au lieu de faire des débats de procédure,
ç'aurait été en deuxième lecture, ç'aurait
été en comité plénier avec des recommandations et
des modes d'action bien déterminés. Non, M. le
Président.
On dit aujourd'hui: Prenez le bill et envoyez-le à la commission
de la constitution. On ne peut pas l'amender à la commission de la
constitution. On n'a pas le mandat de recevoir des mémoires ou de
recevoir des requêtes, d'entendre des corps intermédiaires.
Ç'est dans ce sens-là que j'ai dit que c'est une motion inutile,
parce qu'accepter...
M. MICHAUD: Accepteriez-vous une motion comme celle-là?
M. PAUL: M. le Président, je dis que ce n'est pas acceptable,
parce que c'est inutile, ça ne donnera rien.
M. MICHAUD: On peut en faire une autre.
M. PAUL: Et le présent projet de loi, même s'il n'est pas
ce qu'il y a de meilleur, je crois que dans les circonstances il permet
à tous les organismes intéressés, et surtout aux membres
de ces organismes, de travailler de concert pour un meilleur français
dans le Québec et également pour le rayonnement de la culture
française.
M. le Président, si nous examinons la motion, nous verrons que
l'on voudrait, par cette motion, que le projet de loi devienne lettre morte
comme il en est arrivé du projet de loi portant le numéro 85. La
commission qui serait chargée de l'étude du projet de loi non
adopté, parce qu'il faudrait dès maintenant l'envoyer devant la
commission, ne pourrait pas entendre de corps intermédiaires. Et
même si on faisait des amendements de façon à ce que ce
pouvoir soit donné, nous assisterions à la même parade
d'extrémistes qui sont venus, à l'occasion du bill 85, nous
présenter des théories tout à fait contraires dans le sens
le plus pur de la philosophie, sans aucun terme de modération ou sans
faire de suggestions afin que nous puissions réellement aller de l'avant
dans le domaine de la langue au Québec.
Je dis que les pouvoirs qui sont accordés par l'article 4 sont
bien supérieurs à l'inactivité, à l'inaction dans
ce domaine des langues que nous proposent le député de Gouin et
le député de Laurier si on adoptait une motion qui, en soi,
n'aurait
pas d'autre effet que de faire mourir le projet de loi devant la
commission. Ce qu'il y a de plus drôle, M. le Président, c'est que
l'honorable député de Laurier disait tout à l'heure; Le
gouvernement a trop attendu, nous avons assisté à des mois
d'inaction et de tergiversations et aujourd'hui nous agissons dans un domaine
qui est un domaine fondamental.
Je sais, tout en comptant le nombre de membres présents en
Chambre, que lorsque l'heure du vote sera arrivée... n'ayez crainte, M.
le Président.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je vous ferai remarquer,
comme c'est mon droit d'après le règlement, qu'à cette
étape extraor-dinairement importante de la troisième lecture, on
est assez loin d'avoir le quorum minimal que la Chambre requiert pour
siéger. C'est un fait.
M. LAFRANCE: Vous voulez essayer de gagner du temps.
UNE VOIX: On est trente.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien, depuis quelques minutes, n'est-ce pas le
ministre de la Justice, parlant un peu dans le même style que le
député de Richmond hier?
M. PAUL: Nous pourrions peut-être convenir d'un quorum
circonstanciel.
M. LEVESQUE (Laurier): Je faisais remarquer...
M. PAUL: D'ailleurs, nous sommes 32. M. FLAMAND: Sonnez les cloches.
M. LEVESQUE (Laurier): Je suis sûr que nous sommes maintenant
32.
M. FLAMAND: Sonnez les cloches.
M. PAUL: II est vrai, M. le Président, que le domaine de la
langue est un domaine fondamental. Mais, il ne faut pas oublier une chose; il y
a d'autres organismes qui doteront le Québec d'Instruments de plein
rayonnement linguistique et culturel. Je veux parler du rapport que nous
produira éventuellement la commission Gendron.
L'honorable député de Gouin voudrait, lui le grand
démocrate, le grand libéral, que nous envoyions notre motion
devant une commission alors que, s'il s'agit d'un droit fondamental, c'est
devant cette Assemblée que tous les dépu- tés doivent y
participer. Au moins 107 députés peuvent s'intéresser et
participer aux débats, alors que le projet de loi,
référé à la commission de la constitution, ne
pourrait permettre que la participation effective de quinze
députés à l'étude de ce projet de loi. Je dis que
le bill 63, Loi pour promouvoir la langue française au Québec,
comprend des organismes et des moyens d'action qui pourront faire rayonner la
culture linguistique et culturelle française au Québec.
Je voudrais attirer votre attention, M. le Président, sur les
pouvoirs spéciaux que l'on peut lire dans le troisième paragraphe
de l'article 14-A de la loi. « L'office, dans l'exercice de
l'autorité conférée par le présent article,
possède tous les pouvoirs d'un commissaire nommé en vertu de la
Loi des commissions d'enquête. » Voilà un moyen d'action
immédiat mis à la disposition du gouvernement. Quand je parle du
gouvernement, je veux dire du Parlement, parce que l'honorable premier
ministre, dans une déclaration qu'il faisait hier, n'a pas exclu
l'opportunité et peut-être la nécessité de
créer un organisme de surveillance pour que le projet de loi devienne
opérant dans tous les milieux. « L'Office de la langue
française, sous la direction du ministre, doit veiller à la
correction et à l'enrichissement de la langue parlée et
écrite. » N'est-ce pas déjà un moyen d'action pour
assurer le rayonnement linguistique et culturel français dans le
Québec? Deuxièmement, « conseiller le gouvernement sur
toute mesure législative ou administrative qui pourrait être
adoptée pour faire en sorte que la langue française soit la
langue d'usage dans les entreprises publiques et privées au
Québec. » Par hasard, les honorables députés de
l'opposition circonstancielle sont-ils contre ces mesures positives
adoptées par la Chambre pour que la culture et la langue
françaises rayonnent davantage au Québec?
Je me demande quel est l'animus... Je n'ai pas le droit de prêter
de motifs aux honorables députés de l'opposition
circonstancielle, mais j'ai le droit de m'interroger moi-même sur
l'opportunité et sur les avantages d'une telle motion. J'ai le droit de
me poser des questions.
J'ai le droit de me demander où l'on veut aller, si ce n'est de
faire mourir purement et simplement ce projet de loi qui, tout en
n'étant pas ce qu'il y a de mieux parce que nous
légifèrerons davantage au fur et à mesure que nous
recevrons des recommandations de l'Office de la langue française,
lorsque nous serons en possession des recommandations de la commission Gendron
est un pas que jusqu'ici on aurait dû probablement faire bien
avant pour assurer
la culture et le rayonnement de la langue française, et
également les droits de certaines autres minorités au
Québec.
L'honorable député de Laurier n'a pas l'air
d'approuver.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, j'écoutais avec ravissement
l'harmonie traditionnelle du discours du ministre de la Justice...
M. PAUL: Traditionnelle, je dis que ce n'est pas une tradition, c'est
une exception, parce que c'est la première fois que Je discute sur le
fond...
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne parlais pas du fond. Je ne voudrais pas que
le ministre de la Justice...
M. PAUL: Non, M. le Président, je donne les raisons pour
lesquelles on ne doit pas accepter une motion aussi inutile. Inutile, qui
n'apportera rien, qui va nous placer dans le même cul-de-sac où
nous étions au mois de mars dernier avec le bill 85.
M. LEVESOUE (Laurier): Est-ce que le ministre permet que je
précise?
M. PAUL: Oui.
M. LEVESOUE (Laurier): Quand Je disais que son style était
traditionnel c'était inconscient je ne parlais pas du
fond. Je dis que le style du ministre est agréablement traditionnel. Si
je parlais du fond, ce serait d'autres qualificatifs, mais ce ne serait pas
parlementaire.
M. PAUL: Je comprends qu'il y a certains partis politiques dont les
membres se spécialisent à promouvoir le « jouai »
dans le Québec, mais je crois que ce n'est pas la majorité des
députés dans cette Chambre qui ont pour mission d'inculquer un
tel rayonnement de la langue et une telle dégradation de la langue
française dans le Québec. Je sais qu'il y en a qui se piquent
d'implanter dans nos écoles le langage du « jouai », et je
crois que l'honorable député de Laurier n'aurait pas besoin de
regarder longtemps ses calepins de notes pour y trouver des adeptes.
Je dis donc que nous n'avons aucune raison d'accepter cette motion parce
que l'Office de la langue française va élaborer, de concert avec
les entreprises privées, des programmes pour faire en sorte que la
langue française y soit la langue d'usage et pour assurer à leurs
dirigeants et à leurs employés une connaissance d'usage de cette
langue. Mais non, les honorables députés de l'opposition
circonstancielle sont contre ça! Même si ce n'est pas beaucoup
c'est encore trop pour eux, parce qu'ils voudraient tout simplement que le
projet de loi devienne mort-né devant une commission qui n'a aucun
pouvoir d'amender les lois. On ne demande pas de faire des recommandations pour
apporter des amendements au présent projet loi. Non, M. le
président, on demande tout simplement à la Chambre de poser un
geste qui est contre tout le système parlementaire reconnu. Je vois le
député de Gouin, mais est-ce qu'il sait lire, lui, qui aime
toujours nous bercer...
M. MICHAUD: Oui.
M. PAUL: ... de son éloquence et de son érudition
littéraire? Est-ce que le député de Gouin peut lire...
M. MICHAUD: Oui.
M. PAUL: ... ce qu'il a écrit dans sa motion? A moins qu'il n'en
soit pas l'auteur : « Renvoyé à la commission de la
constitution avec instruction de l'amender. »
M. MICHAUD: M. le Président, puisque le ministre de la Justice me
demande si j'en suis l'auteur, j'en suis l'auteur et j'en ai même
corrigé le texte.
M. PAUL: C'est plus grave, si vous en êtes l'auteur.
M. MICHAUD: Il vient de parler tout à l'heure de la
nécessité de réformer le système parlementaire,
alors, comme je vois déjà le visage du ministre de la Justice
empourpré et ravagé par la luxure procédurière, je
lui dis simplement ceci...
M. PAUL: M. le Président, je crois que le député de
Gouin est très mal placé pour parler de luxure.
M. MICHAUD: Procédurière.
M. LAFRANCE: Luxure du langage.
M. PAUL: Je dis donc, M. le Président, qu'il n'y a rien à
comprendre dans la prétendue tenue nationaliste de l'opposition
circonstancielle qui nous refuse à nous, la majorité dans cette
Chambre, de poser des gestes, même positifs, dans le domaine de la langue
au Québec. Non, ça leur fait mal au coeur! On n'est pas d'accord
avec
On ne rencontre pas la philosophie de pensée de ceux-là
qui ont protesté, qui n'avalent qu'un prétexte pour parader et
protester!
Quelques-uns même parlent tellement bien le français qu'on
a de la misère aies comprendre quand ils sont à la
télévision. L'Office de la langue française doit
conseiller le gouvernement sur toute mesure législative ou
administrative qui pourrait être adoptée en matière
d'affichage. Un autre geste de l'avant, un autre acte positif que l'Office de
la langue française recommandera dans l'administration. Mais non, le
député de Gouin, le député de Laurier et
probablement les autres membres de l'Opposition circonstantielle vont se lever
sous le signe du whip ou du chef pour appuyer la motion de mort du
député. Si encore nous avions des recommandations, des
suggestions positives, des moyens d'action de nature à améliorer
le présent projet de loi, nous serions hésitants. Nous dirions
enfin: Nous leur reconnaissons une certaine sincérité d'action et
de parole, mais non! Nous assistons...
M. MICHAUD: Qu'à cela ne tienne, nous allons en présenter
d'autres.
M. PAUL: Ce n'est pas surprenant. Mais ce qu'il y a de regrettable c'est
que les journalistes, conscients de l'attitude, que je ne qualifierai pas, ont
jugé que la population en avait assez de ces débats qui se
déroulent ici et de cette obstruction positive de la part de
l'opposition circonstantielle.
M. MICHAUD: Mais branchez-vous! Vous nous invitez à
présenter d'autres amendements!
M. PAUL: Je vous invite, M. le Président, à analyser la
logique de la motion. Tous ces grands défenseurs de la langue
française ne veulent même pas que nous leur donnions un peu, pour
s'en tenir à leur propre appréciation de la présente loi,
ils ne veulent même pas que la collectivité
canadienne-française reçoive quelque chose de positif dans le
domaine de La langue. C'est déjà trop! Ou vous êtes
sincères, ou vous ne comprenez absolument rien à la portée
de l'amendement que vous avez présenté à cette
Chambre.
M. MICHAUD: Trop peu, trop tard.
M. PAUL: Je dis qu'il y a des pouvoirs qui sont donnés dans la
loi aux ministres, à l'Office de la langue française, des
pouvoirs que l'on peut retracer dans le chapitre 11 des Statuts revisés
du Québec. Nous verrons là que l'Office de la langue
française, ayant des pouvoirs généraux qu'accorde le
chapitre des commissions d'enquête, nous verrons que la commission aura
le droit de convoquer des témoins, de traduire ceux-là qui
auraient une attitude vraiment négative à l'endroit de la langue
française, ceux-là qui ne voudraient pas accepter dans leur
milieu de travail l'usage de la langue française, l'Office aura le droit
de les traduire, de les entendre, mais ce n'est pas encore assez pour nos amis
d'en face, de l'opposition circonstantielle.
Je dis que c'est une motion qui devrait être
dénoncée dans tous les milieux nationalistes pour prouver la
sincérité de ceux-là qui se sont battus depuis quinze
jours dans cette Chambre. Je me demande ce que M. François-Albert Angers
pensera lorsqu'il lira que le député de Gouin, appuyé par
le député de Laurier, ont même refusé de consentir
et d'accepter un projet de loi qui apporte une reconnaissance et un rayonnement
de la langue française. Je dis que le FQF...
M. LEVESQUE (Laurier): Une fois parti, qu'est-ce que Michel Chartrand va
penser? C'est parce qu'il y a des renversements...
M. PAUL: Je sais qu'il y a beaucoup de communion de pensée entre
Michel Chartrand et vous, et c'est dans les mêmes milieux que vous
recrutez vos clientèles.
Quand quelqu'un vous a qualifié de Michel Chartrand de
l'Assemblée nationale, c'était le qualificatif le plus
véridique que l'on pouvait vous donner.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, Je ne sais pas s'il y a
une question de privilège à soulever, je vous en laisse juge.
UNE VOIX: II se sent visé.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est ou bien un excès d'honneur ou bien
une indignité, ce que vient de proférer le ministre...
M. PAUL: Est-ce que vous, par hasard, vous jugeriez indigne Michel
Chartrand?
M. LEVESQUE (Laurier): J'ai dit...
M. PAUL: Est-ce que vous jugez que c'est une indignité de citer
son nom?
M. LEVESQUE (Laurier): C'est un excès d'honneur ou une
indignité, je ne sais pas exactement.
M. PAUL: C'est un excès d'honneur, sûrement pour lui, pas
pour vous.
M. LEVESQUE (Laurier): Mais je sais, par exemple, qu'il y a une question
de privilège de la Chambre à soulever...
M. PAUL: La quelle?
M. LEVESQUE (Laurier): ... devant le ministre de la Justice...
M. PAUL: Laquelle?
M. LEVESQUE (Laurier): ... qui fait de la pure démagogie, ce
n'est pas de la Justice.
M. PAUL: Non, M. le Président, je ne fais pas de la
démagogie. Je dis que nous sommes devant un projet de loi, et le
député de Laurier nous a reproché tout à l'heure
d'avoir retardé à présenter notre projet de loi, d'avoir
eu des tergiversations. Il est le premier à empêcher que ce
présent projet de loi soit adopté par l'Assemblée
nationale. Et je dis que la motion, telle que rédigée par le
député de Gouin, c'est la motion la plus ridicule, la plus
inefficace, la plus inutile que le Parlement ait probablement eu à
étudier depuis de nombreuses années.
M. MICHAUD: Voulez-vous d'autres adjectifs, je vais vous en trouver.
M. PAUL: Et je dis que, pour toutes ces raisons, j'ai la conviction que
l'élément sain de l'Assemblée nationale s'opposera avec
beaucoup d'empressement à une...
M. MICHAUD: C'est donc gentil!
M. PAUL: ... motion tout à faite inutile.
M. MICHAUD: M. le Président, en vertu de l'article 297 de notre
règlement, je demande que le vote soit enregistré, si la motion
est mise aux voix.
M. PAUL: Pourquoi?
M. LEVESQUE (Laurier): Si la motion est mise aux voix...
M. MICHAUD: Si la motion est mise aux voix.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que vous la mettez aux voix?
M. MICHAUD: Oui, il n'y a plus personne qui parle.
M. BERTRAND: Bien, il y a quelqu'un qui veut parler là.
M. MICHAUD: Ah bon!
M. LEVESQUE (Laurier): C'est cela, s'il y a quelqu'un.
M. GOLDBLOOM: Allez-y. M. FLAMAND: Non, non.
M. BERTRAND: II y a le député de Rouyn-Noranda qui veut
parler aussi.
M. GOLDBLOOM: Le député de Rouyn-Noranda était
debout.
M. FLAMAND: Je voulais proposer le vote. M. BERTRAND: Vote.
M. FLAMAND: Je voulais proposer le vote. M. BERTRAND: Qu'on appelle les
députés.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
Que les honorables députés qui sont en faveur de la motion
de l'honorable député de Gouin veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Mi-chaud, Lévesque (Laurier),
Tremblay (Montmorency), Proulx, Flamand.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Que les honorables députés qui
sont contre veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bertrand, Fréchette, Johnston,
Paul, Lizotte, Allard, Morin, Masse, Russell, Loubier, Cardinal, Maltais
(Limoilou), Cloutier, Boivin, Beaulieu, Boudreau, Mathieu, Lussier, Beaudry,
Bernatchez, Lavoie, Sauvageau, Plamondon, Gauthier (Berthier),
Théorêt, Demers, Léveillé, Desmeules,
Croisetière, Hamel, Roy, Leduc (Laviolette), Martel, Martellani,
Gardner, D'Anjou, Bergeron, Picard (Dorchester), Shooner, Belliveau,
Crôteau, Lesage, Séguin, Courcy, Levesque (Bonaventure),
Arsenault, Lafrance, Lacroix, Beaupré, Binette, LeChasseur, Coiteux,
Blank, Choquette, Baillargeon, Kennedy, Mailloux, Théberge, Lefebvre,
Bienvenue, Fraser, Goldbloom, Pearson, Picard (Olier), Tetley, Hanley.
M. LE SECRETAIRE: Pour: 5. Contre: 66. Yeas: 5. Nays: 66.
M. LE PRESIDENT: La motion est rejetée. L'honorable
député de Saint-Laurent.
M. Léo Pearson
M. PEARSON: M. le Président, j'ai quelques brèves
remarques à faire, en troisième lecture, sur le bill 63.
Quand j'ai vu arriver le bill 63, personnellement, j'en ai
été très surpris, même abasourdi. Je me suis dit: ce
n'est pas possible qu'après avoir vécu l'expérience du
bill 85, le gouvernement n'ait rien appris. Son attitude faisait mentir le
proverbe: chat échaudé craint l'eau chaude...
M. ROY: L'eau froide.
M. PEARSON: Mais non, le même gouvernement décide de
replonger tête première, avant que les blessures du bill 85 ne
soient cicatrisées.
C'est ainsi que son parrain, le ministre de l'Education, illustre les
différences entre les deux bills en disant que c'est le bill 85 moins 22
articles. Autant le parrain était contre le bill 85, autant il est pour
le bill 63. Aussi n'est-il pas surprenant que je me sois personnellement
posé des questions, que j'aie revécu l'aventure du bill 85
où il y eut une opposition à l'intérieur du parti
ministériel, il y eut des remous au sein de la population pour aboutir
au renvoi à la commission de l'Education et finalement à la
création de la commission Gendron.
A ce moment, l'Opposition avait surtout porté ses remarques sur
le fait que le bill était nettement incomplet, rempli de trous et
voulait la deuxième lecture afin de proposer des amendements et
compléter ce bill infirme.
J'avais dit, à cette époque, soit le 16 décembre
1968: C'est une solution globale de la langue que le gouvernement aurait
dû apporter. Au lieu de cela, il a voulu corriger une situation anormale
tout en préparant, pour plus tard, je l'ai supposé, une politique
globale faisant l'objet d'un bill à venir.
Quelles sont les questions qui me sont instinctivement venues à
l'esprit, lors du dépôt du bill 63? Je me suis dit pourquoi un
bill aussi infirme? Est-ce par naïveté, inconscience ou vengeance?
Pourquoi le dépôt, à ce moment précis?
Est-ce pour affirmer une autorité sur un parti, se venger d'un
échec, remplir une pro- messe électorale, améliorer le
visage d'un leadership, bénéficier d'une partie des $50 millions
qu'Ottawa s'apprête à voter ou forcer un réalignement des
forces au sein de l'Union nationale et du Parti libéral? Quelles ont
été les réactions ou les conséquences
immédiates du dépôt du bill 63?
La première réaction a été une explosion
d'émotivité. Plusieurs revivaient, en une courte période
de temps, des centaines d'années de frustration et sentaient en
même temps les dangers lointains, mais aussi actualisés de
l'assimilation. Bref, une partie de la population a senti et vécu dans
le présent les frustrations du passé et les inquiétudes de
l'avenir, en faisant appel à ce qu'il y avait de plus profond, son
identité.
Je ne sais pas comment un sociologue ou un anthropologue pourrait
qualifier ce phénomène. J'ai moi-même senti cette douleur,
M. le Président. Aussi, je ne suis pas surpris qu'elle ait pu donner
lieu à certains écarts de langage. Il faudrait être aveugle
ou singulièrement inconscient pour l'ignorer complètement ou
qualifier ceux qui ont ressenti plus vivement que d'autres ce drame de
cinglés, de rêveurs ou d'irréalistes.
J'ai senti également, pour la première fois de ma vie, la
douleur de me voir traité de traître, de lâche ou de vendu.
Je me suis demandé alors si les milliers de manifestants et j'en
ai vu des milliers qui avaient à peine douze à quatorze ans
voyaient des choses que, malgré des efforts sincères, je
ne voyais pas, au moins de façon aussi dramatique. Je me sentais alors
un peu diminué vis-à-vis de moi-même. Pourtant, en faisant
un examen de conscience, je ne trouvais rien dans mon attitude qui pouvait
s'apparenter avec de la traîtrise ou de la lâcheté.
Aujourd'hui, n'est-il pas de notoriété publique que
l'homme politique est presque automatiquement qualifié de menteur, de
véreux, d'ambitieux et même d'un être capable de sacrifier
sa mère et tous ses principes au profit de ses ambitions? J'ai donc
intérieurement, comme d'autres, essuyé plusieurs de ces insultes.
J'ai pensé que c'était une partie du métier.
J'ai fait ensuite un effort pour me dégager du contexte
émotif, car durant la tempête, ce n'est pas le temps de perdre la
tête. J'ai donc, à tête reposée, tenté
d'analyser exactement ce qui pouvait soulever autant de passion, tenté
de déceler le bien ou le mal-fondé des craintes exprimées,
ce qui rendait le projet de loi dangereux ou odieux pour une partie non
négligeable de la population.
L'article 2, en particulier, en est responsable. Il est à lui
seul rempli de dynamite... Il appelle instinctivement la réaction. Pour
certains, il présente un danger d'hémorragie des francophones
vers le secteur anglophone. Je ne partage pas cette inquiétude au
même degré. Je me suis dit pourtant qu'on ne corrige pas des
centaines d'années d'histoire instantanément; autrement, c'est la
révolution. Egalement, la langue n'est pas le seul correctif. Ainsi, le
désintéressement des francophones pour les carrières
scientifiques, commerciales, pratiques, la peur du risque et de l'avenir, un
certain manque de confiance en soi, la difficulté à s'adapter au
système d'éducation visant à éduquer la
liberté de l'enfant plutôt que de le mouler à
l'obéissance et à la soumission, la démission du monde
adulte ne sont que quelques exemples du chemin à parcourir avant de
pouvoir marcher la tête haute.
J'ai pensé que si nous trouvions des moyens d'atténuer
certains dangers du bill, si nous empêchions la possibilité
d'hémorragie, comme certains le pensent, si nous trouvions un moyen de
renverser la vapeur relativement a l'intégration des immigrés au
secteur anglophone, si nous apprenions de la bouche même du gouvernement
les étapes qu'il veut franchir nous indiquant du fait même
l'objectif visé, si nous réussissions à amender le bill,
etc., cela calmerait certaines appréhensions. Le bill servirait alors
d'avertissement que les choses ne seront plus les mêmes au Québec
dans le futur, que d'ici quelques années, soit après le
dépôt du rapport Gendron, le gouvernement apportera une politique
globale de la langue, se servant en plus de l'expérience incitatrice du
bill 63, justifiant alors des mesures plus directes si l'expérience se
soldait par un échec.
Personnellement, notre peuple ayant attendu très longtemps, je
suis prêt à attendre deux ans, surtout si je sens que là,
vraiment, nous résoudrons en grande partie, sinon en totalité, ce
problème. Il faudrait, à mon sens, être drôlement
radical pour exiger davantage. A ces impatients, je dirais, comme la fourmi
à la cigale: Mais vous, que faisiez-vous au temps chaud?
Vous qui avez aujourd'hui 40, 50 ou 60 ans, qui avez subi durant tout ce
temps la frustration, qui avez crié dans le désert, qui avez
parlé à des sourds, aujourd'hui que vous avez en face de vous des
hommes politiques conscients, des interlocuteurs valables, vous sautez à
l'extrême. Vous exigez que ces gens se mettent à genoux, vous
boycottez, par exemple, la commission Gendron; où voulez-vous en venir
exactement? Après avoir attendu toute votre vie, vous ne vous sentez
plus maintenant la force morale de coopérer, aussi près du
but?
Qu'est-ce que deux ans? Vous avez un rôle de leader à jouer
et je crains que quelques-uns parmi vous perdent la tête. Après
avoir bâti tout le contexte une bonne partie de votre vie, votre
impatience et votre radicalisme risquent de détruire tout ce que vous
avez érigé, risquent de déclencher une véritable
guerre entre les deux groupes ethniques du Québec, guerre dont les frais
incomberont, en forte partie sinon en totalité, aux Canadiens
français.
Les conséquences immédiates du dépôt du bill
63, M. le Président. Premièrement, certains corps
intermédiaires ont eu l'impression d'avoir été les dindons
de la farce, que les séances de la commission de l'Education et de la
commission Gendron n'étaient qu'un camouflage, qu'une façon
élégante pour le gouvernement de sauver la face temporairement,
que le gouvernement voulait passer un sapin ou un Québec à la
vapeur, ayant échoué une première fois à prix assez
élevé.
La réaction a été immédiate,
spontanée, violente. De cette réaction provoquée par
l'attitude rigide du gouvernement, au début, on est complètement
sorti du contexte du bill 63. Ce furent, premièrement, les
déclarations contestant globalement le Parlement, la
société pourrie, les traîtres, etc., puis les
réactions du ministère de la Justice concernant le droit à
l'expression d'opinions ou de manifestations, conséquences indirectes,
entraînant la ville de Montréal à voter un règlement
interdisant les manifestations à cause des dangers de désordre,
les accusations de sédition, les appels du premier ministre et de
plusieurs députés au respect de l'autorité
constituée, les démissions de deux députés de
l'Union Nationale et d'un député libéral. Je respecte, en
passant, le jugement qu'ils ont posé, j'admire leur courage, mais il
serait injuste et faux de leur part de penser que tous les autres...
M. MICHAUD: Du caucus, pas du parti.
M. PEARSON: ... sont des traîtres, que tous ceux qui ont
porté un jugement différent ne sont que des opportunistes ou des
suiveux. Je suis d'accord que dans les deux partis, de tels êtres
existent peut-être, mais il en reste quand même un certain nombre
qui ont une conscience, une pensée personnelle.
Leur sincérité ne peut être mise en doute simplement
parce qu'à la suite de réflexions similaires, ils ont pu arriver
à des conclusions différentes.
En premier lieu, je mentionnais que j'ai été
surpris, j'ai dit également mon scepticisme en signalant
certaines questions qui me sont venues instinctivement à l'esprit. J'ai
écouté les arguments invoqués par ceux qui sont pour et
ceux qui sont contre. J'ai lu également, analysé, essayé,
au moins en partie, de quitter la subjectivité. J'avais
décidé personnellement, en deuxième lecture, que je ne
pouvais voter pour le projet de loi tel que déposé,
additionné de déclarations du premier ministre indiquant qu'il
n'accepterait aucun amendement, laissant sous-entendre que ça passerait
ou que ça casserait. Cela, malgré les risques électoraux
personnels.
Ici, je voudrais signaler que le député de Saint-Laurent,
pour le simple fait qu'honnêtement il a essayé, durant cette
aventure, de faire acte de tout être intelligent, a automatiquement perdu
électoralement un certain nombre de votes, comme tous ceux qui se sont
posé des questions. Je l'ai fait car, par tempérament et par
formation, j'ai été habitué à marcher debout, j'ai
voulu me reconnaître au lendemain du bill 63, j'ai voulu, si vous voulez,
pouvoir continuer à vivre avec moi-même.
Une remarque au sujet d'une accusation par laquelle je me suis senti
personnellement visé comme faisant partie d'un groupe. Dans le journal
Le Soleil du lundi 17 novembre 1969, un article de M. Raynald Tremblay dit,
« M. René Levesque, lors de la convention pour le choix d'un
candidat dans le comté de Dubuc, aurait accusé selon
l'article les deux vieux partis d'avoir fait coalition dans l'affaire du
projet de loi 63 pour préserver les intérêts communs.
» Etant membre de l'un de ces vieux partis, ou partis de guenille, comme
aime à le répéter M. Lévesque, je me suis senti
personnellement visé. J'ai toujours eu de l'estime pour le
député de Laurier, même après son départ du
Parti libéral, je ne m'en suis jamais caché,
indépendamment du fait que je ne suis pas d'accord avec sa pensée
politique. Cependant, je considère que la vérité a des
droits et que la démagogie ne doit pas dépasser certaines
limites. Ayant vécu en entier la douloureuse expérience non
terminée du projet de loi 63, je mets le député de Laurier
au défi de prouver son accusation ou simplement de me convaincre
personnellement de la vérité de ses avancés.
Je mets mon siège de député en jeu à cet
effet. Je n'ai jamais accepté de me laisser manipuler par qui que ce
soit. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer. S'il a raison, je
démissionnerai non seulement du caucus, mais aussi comme
député. Je pense que le temps était bien mal choisi pour
torturer aussi allègrement la vérité.
Qu'est-ce que le parti libéral a fait durant cette aventure, M.
le Président? Premièrement, il a essayé d'empêcher
le bill d'être adopté à la vapeur. Il a fait ressortir
l'inopportunité de sa présentation immédiate, dans le
contexte actuel, après l'expérience acquise par les
péripéties du bill 85. Il a illustré ses trous
béants. Il a signalé, également, les dangers contenus dans
l'article 2 en particulier. Il a démontré qu'il est conscient des
inquiétudes d'une partie de la population. Il a tenté de contrer
les dangers des articles 2 et 3, en les balisant, en essayant d'atténuer
les risques d'hémorragie vers le secteur anglophone. Il a essayé
de replacer le boeuf devant la charrue par des amendements sur la langue
d'usage ou prioritaire ou langue de travail.
Il a éprouvé les déclarations d'intention du
gouvernement par des suggestions, par exemple, commission de surveillance,
appel devant l'Office de la langue française. Il a interrogé le
gouvernement sur les objectifs visés, sur le but poursuivi. Il a obtenu
la confirmation que certains articles ne sont que provisoires, qu'un essai, que
le résultat de l'expérience pourra amender le bill, que le
rapport de la commission Gen-dron apportera d'autres mesures.
A mon sens, M. le Président ce bill le premier ministre et
le ministre de l'Immigration l'ont déclaré sous une forme ou une
autre est devenu un bill incitateur, un bill-expérience ou un
bill-avertissement. Tel que présenté, il contenait, même
dès le début, des principes valables qui étaient
Inacceptables; toutefois, à cause de leur infirmité trop
apparente. Le premier ministre, en annonçant des amendements, ouvrait la
porte à d'autres amendements, amenant ainsi la possibilité de
corriger certains défauts ou d'atténuer certains dangers. Tel
qu'il est actuellement en troisième lecture, à mon sens, il n'est
pas parfait, mais il est un premier pas, un départ, un
bill-avertissement, un bill annonçant la direction.
Les résultats façonneront, à mon sens, le prochain
bill en ajoutant l'étude des recommandations du rapport Gendron et
l'expérience acquise avec le bill 63.
Je continue de croire que l'objectif final à atteindre est une
politique globale de la langue. Dans ce contexte, M. le Président, je
voterai pour le bill 63, en troisième lecture.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, vu qu'il est 5 h 55 et
que je voudrais exercer mon droit de parole en troisième lecture, est-ce
que je pourrais demander l'ajournement du débat?
M. BERTRAND: Suspension du débat... Le débat est
suspendu.
M. PAUL: Suspendu jusqu'à huit heures.
M. LEVESQUE (Laurier): Suspension du débat.
M. PAUL: A huit heures.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux Jusqu'à huit
heures.
Reprise de la séance a 20 heures
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable député de Laurier.
M. René Lévesque
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je voudrais exercer le
droit de parole normal que j'ai en troisième lecture sur le bill 63.
Je voudrais commencer en évoquant une phrase du
député de Montcalm. Hier, au cours de ce débat en
troisième lecture, le député de Montcalm disait qu'en ce
qui concerne le sujet traité par le bill 63, tous sont d'accord sur les
buts: « les divergences n'apparaissent qu'au niveau des moyens
».
C'est une de ces phrases, genre vérité de La Palice, qui,
justement, nous permettent de centrer, je crois, le débat, enfin qui me
permet à moi de centrer la façon dont je veux exercer mon droit
de parole pendant à peu près une demi-heure au maximum, comme
c'est prévu, quand il s'agit de discuter en troisième lecture,
avec la latitude normale et presque anormale qui s'est exercée depuis le
début hier; on est sur le contenu et sur les articles du bill, nous les
jugeons. Et c'est là justement que la vérité de La Palice
du député de Montcalm apparaît. C'est vrai que sur les buts
nous sommes tous d'accord. Nous regardons le titre qui a changé comme on
le sait: Loi pour la promotion de la langue française.
Nous sommes tous d'accord, nous nous faisons tous de beaux discours des
deux côtés de la Chambre, nous sommes pour la vertu contre le
péché, tout le monde est d'accord sur les principes.
En fait, justement, les divergences n'apparaissent qu'au niveau des
moyens. Pourquoi? Parce que toute la Politique, avec un P majuscule, c'est
l'art des moyens, ce sera toujours vrai dans l'histoire des
sociétés humaines.
Or, à ce niveau des moyens, les grands moyens qui sont, à
toutes fins pratiques, les seuls instruments de la politique, moi, mon opinion,
en troisième lecture, qui demeure la même depuis le début,
c'est que, fondamentalement, nous sommes devant une loi incohérente et
mauvaise. Incohérente, je ne recommencerai pas, sur l'ensemble, de
paraphraser ce qu'a dit lui-même le député de
Louis-Hébert quand il a parlé, je crois, en troisième
lecture, d'une collection de pièces détachées. A toutes
fins pratiques il y a même des pièces qui sont apparues en cours
de route.
Il y a quatre lois fondamentales qui sont im-
pliquées dans ce petit projet de loi, trois ministres. On a
rapaillé des choses, c'est une loi qui est devenue comme une
espèce de commencement de jalon, de ce qu'on appelait une politique
linguistique globale, on s'en défendait en première lecture et en
deuxième lecture. Maintenant, on dit qu'on pose des jalons. Mais,
intellectuellement, je crois que c'est un exercice de camouflage, l'ensemble de
cette loi qu'on a quelque peu améliorée au niveau du camouflage,
avec les amendements qui ont été apportés, je voudrais en
parler un peu plus loin, mais ça demeure une parodie de politique
linguistique et une loi qui est potentiellement dangereuse et qui, par
conséquent, est foncièrement mauvaise à cause de son
article 2.
L'article 2, c'est le libre choix, le statu quo. Là-dessus, je
voudrais préfacer mon très bref commentaire par une citation, que
j'espère correcte, des propos du chef de l'Opposition, hier, en
troisième lecture. Le chef de l'Opposition a dit: L'unilinguisme, au
point de vue scolaire ou à d'autres points de vue, c'est une utopie,
c'est illusoire dans le sens de prétendre enlever à plusieurs
centaines de milliers de nos concitoyens des droits qu'ils ont acquis par
tradition et qu'au point de vue de l'équité ou de la justice,
comme au point de vue bon sens politique, il serait en effet utopique,
illusoire de prétendre le leur enlever. Je voudrais dire ça
dès le début, parce que le Parti québécois a
également cette opinion.
Le chef de l'Opposition a ajouté, en parlant des unilinguismes
totaux, globaux qui prétendraient abolir d'un trait de plume plusieurs
centaines de milliers de nos concitoyens au point de vue culturel: « On
ne règle jamais un problème en proclamant qu'il n'existe plus
». C'est vrai. Ce n'est pas par une feuille de papier et par certains
délires excessifs qu'on va faire disparaître cette
réalité sociale, culturelle et aussi économique, ne
l'oublions pas, qui s'appelle les quelques centaines de milliers de nos
concitoyens québécois de langue anglaise. Cela a toujours
été la position de celui qui vous parle et c'est ce que vous
retrouvez également dans le programme du Parti
québécois.
On ne règle pas un problème en proclamant qu'il n'existe
plus, d'accord. Mais l'article 2, lui, prétend régler un
problème en établissant une loi permanente et en passant à
côté du problème, parce que le problème existe. Le
chef de l'Opposition l'a dit à peu près comme ceci,
répétant ce qu'on dit depuis le début et que l'opposition
circonstancielle a répété à satiété
pendant la discussion de l'article 2 en comité: « Les droits de la
majorité ne peuvent pas être garantis dans la négation des
droits de la minorité; il faut trouver un point d'équilibre entre
les deux ». C'est ce qu'a dit le chef de l'Opposition, je suis
parfaitement d'accord.
La seule chose qu'il y a, c'est que l'article 2, à notre avis, ne
trouve pas ce point d'équilibre; il passe à côté du
problème. Le problème, c'est que, dans la région
métropolitaine de Montréal, à cinquante milles de rayon du
Mont Royal, vous n'avez pas loin de la moitié de la population du
Québec. Vous avez, au point de vue démographique, une
assimilation galopante des immigrants, une dénatalité de la
communauté québécoise de langue française, ce qui
fait qu'il est prévisible que, d'ici une vingtaine d'années, on
pourrait être en minorité dans ce coeur démographique du
Québec, coeur industriel, coeur culturel, coeur à tous les points
de vue. Cela, ce n'est pas permis pour un gouvernement. Un des premiers devoirs
des gouvernements, c'est de prévoir. L'article 2 ne prévoit rien.
Le long du chemin, on a dit: On corrigera, on rafistolera au besoin, si on
s'aperçoit que c'est dangereux.
Or, tous les indices sont à l'effet que c'est dangereux. Je cite
le chef de l'Opposition: « II faut trouver ce point d'équilibre
entre les droits de la majorité et les droits de la minorité.
» Le programme du Parti québécois, qui a été
laborieusement mis au point j'évoque le programme de notre parti,
comme le chef du Parti libéral a évoqué le programme
libéral dit à ce propos, j'en cite l'essentiel: «
Dans le secteur anglophone de l'éducation, les écoles primaires
et secondaires c'est bien de cela que parle l'article 2 seront
subventionnées au prorata de la population. » L'an dernier
c'est très général, c'est un principe dans un
contre-projet au défunt caduc bill 85, qui a été
retiré, mais dont le coeur était le même, on a fait
l'effort cela a été reproduit dans les journaux
difficile d'essayer d'établir une formule.
Je me souviens que, pendant son intervention sur la motion du
député de Gouin cet après-midi, le ministre de la Justice
disait: Nous serions hésitants, s'il y avait des recommandations
positives. Il faut vraiment faire le na'if à un point invraisemblable
pour oublier que, sans arrêt pendant la discussion en comité, qui
était le moment de présenter des amendements, nous nous sommes
tués pour essayer d'en présenter qui feraient ce point
d'équilibre entre les droits de la majorité, qui sont
menacés, et les droits de la minorité, qu'il ne faut pas abolir
ou piétiner. Le coeur de ce contre-projet essayait d'expliciter le
programme du Parti québécois, aussi bien pour un Québec
souverain qu'a fortiori pour le Québec provincial et menacé
d'aujourd'hui.
C'était une formule de contingentement des
places-élèves qui aurait pu entrer dans l'article 2, qui
aurait rendu l'article 2 une balise ce point d'équilibre, si vous
voulez impersonnelle qui n'aurait pas amené l'épluchage
des familles ou des gens, une balise basée sur les
places-élèves dans Québec, respectant tous les droits
acquis de la minorité actuelle, y compris même de nos
anglicisés. Leur choix est fait, personne ne les a empêchés
de le faire, on est d'accord. Mais, protégeant l'avenir au point de vue
des fonds publics et des subventions aux écoles publiques, assurant
à ces gens-là leur augmentation normale au point de vue
démographique, ne leur fermant pas la porte des écoles
privées de toute façon, mais disant: Jusque là, mais pas
plus loin au point de vue du « subventionnement » de l'assimilation
de la région métropolitaine de Montréal. On a
refusé, on a dit: Ce n'est pas dans la tradition
québécoise.
J'ai évoqué à ce moment-là, et je le
rappelle, une loi de 1869 de la belle province de Québec, au tout
début de la confédération, qui déjà
établissait le contingentement, sur une autre base, évidemment,
puisqu'à ce moment-là les seules bases de diversification
étaient la religion et non pas la langue.
Mais, entre protestants et catholiques, basé sur les derniers
recensements, on contingentait, dans la Loi de 1869 du Québec, les fonds
publics dans la région de Montréal et dans tout le Québec,
à tous les niveaux. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire que c'est
contre la tradition, que ça n'a jamais été fait etc. On
l'a refusé, bon, on l'a refusé comme un mur, d'accord.
A partir de là, le coeur de ce bill, étant ce maintien
désuet d'une tradition dangereuse, aux effets imprévisibles, mais
qui, de toute façon, ne seront pas bons pour nous, vicie cette loi et
fait qu'en troisième, comme en deuxième, comme en première
lecture, à notre humble avis, l'opposition circonstancielle et celui qui
vous parle, M. le Président, ce n'est pas une bonne loi. C'est une loi
mauvaise pour nous, comme peuple, mauvaise pour nous comme communauté
culturelle, même si on veut faire de l'optimisme désuet comme le
député de Richmond l'a fait hier. Je voulais lui répondre
en lui donnant juste cet exemple-là, cet après-midi, mais le
temps ne me l'a pas permis; je voulais juste le mentionner en passant.
Je n'ai pas à mettre en doute la sincérité du
député de Richmond, mais j'ai quand même à
répliquer à quelque chose qui ne répond plus aux
conditions d'aujourd'hui et qui, peut-être, jusqu'à un certain
point, permet d'expliquer certaines des réactions du premier ministre
qui vient de la même région où on entretient des illusions,
à cause d'une sorte de triomphalisme qui vient du fait que les Cantons
de l'Est ont déjà été anglais. Cela s'appelle
aujourd'hui l'Estrie, comme le dit, enfin, couramment le député
de Richmond. Je paraphrase à peine là; il me corrigera si je me
trompe. Il a dit hier que, plutôt que de faire du pessimisme par rapport
à l'avenir du Québec nous on parle de la région
métropolitaine de Montréal il faudrait regarder l'exemple
de l'Estrie qui, sans manifestation, sans coercition, sans excitation
enfin, c'est à peu près ça, je crois s'est
francisée depuis le milieu du 19e siècle.
M. BERGERON: C'est vrai.
M. LEVESQUE (Laurier): ... alors que tout était anglais.
M. BERGERON: C'est vrai. Si c'est vrai?
M. LEVESQUE (Laurier): Ah oui, d'accord, c'est vrai, mais c'est
dépassé.
M. BERGERON: C'est dépassé, ah bon!
M. LEVESQUE (Laurier): Ah oui, c'est ça, vivons dans le folklore.
C'était au moment où la natalité québécoise
était presque caricaturale, où on pouvait parler de la revanche
des berceaux. A ce moment-là, les trop-pleins de population de la Beauce
et de la vallée de La Chaudière s'en allaient dans les Cantons de
l'Est. J'ai des amis dont les familles ont émigré. Tout le monde
doit en connaître; ils s'en allaient du côté des Cantons de
l'Est, pendant que les Cantons de l'Est refluaient, à petite
natalité, une bonne partie de la population anglophone vers
Montréal où elle est maintenant concentrée. C'est vers la
même époque, d'ailleurs, que la natalité superprolifique
des Québécois faisait aussi que Montréal, ville anglaise
en majorité, est redevenue majoritairement ville française. Le
phénomène correspondant se produisait à Montréal.
On n'est plus à cette époque-là. La natalité
québécoise... Je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais
les berceaux sont remontés au grenier.
M. BERGERON: II n'y a que le député de Laurier qui entend
parler de quelque chose dans la province de Québec.
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne vais pas discuter avec le
député. Je dis simplement que la natalité sur laquelle on
s'appuyait, c'est fini. Par ailleurs, les grandes vagues d'immigration sont
venues au tournant du siècle, d'abord, et
ensuite après la deuxième guerre mondiale. Celles qui se
sont multipliées depuis la deuxième guerre mondiale sont un autre
genre d'immigration que les premières. Dans le cas des Italiens, c'est
typique. Ils s'en vont tous du côté anglais, c'est un fait. Qu'on
le veuille ou non, c'est un fait actuellement. Donc, les conditions ne sont
plus les mêmes et qu'on ne nous donne pas des exemples triomphalistes,
des trucs de la fin du 19e siècle alors qu'on s'en va vers la fin du 20e
et que les conditions socio-économiques et culturelles ont
changé. Or, il y a eu un précédent dans le
contingentement...
M. BERGERON: Est-ce que le député de Laurier me
permettrait une question?
M. LEVESQUE (Laurier): Non, comme c'est mon droit. J'ai droit à
une demi-heure maximum, d'après ce qu'on m'a dit; c'est vrai? Bon, il y
a déjà douze minutes de passées, je crois, dix à
douze minutes. Donc, je continue.
L'article 2 est fondamentalement vicieux à notre avis pour toutes
les raisons que je viens de donner. Le précédent du
contingentement qui est impersonnel, qui n'oblige pas, puisqu'il s'occuperait
uniquement des places-élèves qui sont subventionnées en
disant à notre minorité anglophone: On ne vient pas vous tordre
le bras et commencer à éplucher vos familles et vos ascendants
pour savoir qui est anglicisé et qui était le grand-père;
était-il anglophone ou francophone? c'est-à-dire verser dans les
environs du racisme comme quand on épluche des gens, c'est
foncièrement une méthode de contingentement impersonnel disant
à notre minorité: Voici le nombre de places subventionnées
à laquelle vous avez droit; votre avenir démographique, voici
comment il sera assuré. C'est vous autres qui administrerez ça.
C'est la meilleure façon de protéger une société
sans éplucher les autres et en leur laissant leurs droits. On s'est
buté à un mur. Il y avait un précédent pourtant, et
on ne l'avait même pas remarqué en 1969 dans Québec. On
s'est buté à un mur, cela a été refusé. A
cause de ça, le bill est vicieux. Je ne parlerai que pour mémoire
de l'article 3 parce que ce caractère d'incitation de l'article 3 sur
les immigrants demeure du folklore.Ceux qui n'en sont pas convaincus pourront
vérifier les faits suivants qu'on m'a appris aujourd'hui. A propos des
immigrants, ça passe complètement à côté du
problème, l'incitation. En voici trois exemples que l'on m'a
rapportés. Trois commissions scolaires. Peut-être que le
député d'Ahuntsic, et je ne demande pas de réponse, si
ça l'intéresse pourra vérifier et peut-être
préciser.
M. LEFEBVRE: J'ai entendu à la radio.
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne sais pas, mais je pense que c'est un
domaine qui l'intéresse. Voici ce qu'on m'a appris: trois commissions
scolaires, celle de Montréal, celle de Lachlne et celle de
Saint-Léonard ont institué des classes d'accueil où l'on
offrait d'enseigner le français aux enfants des nouveaux immigrants.
On a tout fait pour inciter et persuader les parents. Evidemment, dans
le cas de Saint-Léonard, il y a peut-être des raisons de climat
pour que cela ne marche pas, mais La-chine et Montréal, c'est autre
chose. On a dépensé, pour ce faire, beaucoup de temps et
d'énergies. Quelques rares élèves se sont
présentés. Les parents préfèrent mordicus inscrire
leurs enfants à l'école anglaise afin qu'ils puissent
s'intégrer du côté anglophone et, éventuellement, du
côté américain, et accéder à de meilleurs
postes dans le monde du travail. Ces écoles d'accueil fermeront
bientôt avant même que le gouvernement n'établisse à
coup de millions des institutions semblables, enfin, si on pense à
l'incitation dont on nous parle.
A toutes fins pratiques, l'incitation, dans la région même
où il en est question, parce que ce n'est tout de même pas au Lac
Saint-Jean ou en Gaspésie que le problème se pose ou dans le Bas
du fleuve, l'incitation, pour autant que les exemples en sont là, non
seulement ne donne pas de résultat je ne demande pas de
réponse, je dis: les exemples qu'on m'a donnés pour
l'instant, mais tourne plutôt au négatif, et je n'ai rien de plus
à dire sur l'article 3.
Mais ce qui est intéressant, c'est l'article 4, M. le
Président. Cela, c'est devenu, si vous voulez, la façon de sauver
ce bill. Ah, ça c'est quelque chosel C'est la langue de travail,
éventuellement la langue d'usage, comme le rappelait le chef de
l'Opposition ça retourne, jusqu'à un certain point,
à des principes du programme libéral au niveau des principes
généraux le centre dos dirigeants d'entreprises dans sa
première recommandation, récemment, parlait d'établir le
français comme langue de travail, question de la rentabilité de
la langue.
C'est vrai que nous sommes portés à désin-carner
ces problèmes-là trop souvent, à s'imaginer que cela va se
régler ailleurs que dans le travail quotidien et dans la vie
quotidienne. Parce qu'une langue, ce n'est pas qu'une âme, c'est un
corps, et le corps de notre langue est débile parce que trop souvent
je vais donner l'exemple de New Richmond, il y en a d'autres, je ne
recommencerai pas les exemples très souvent, le corps, la
substance rentable de la
langue existe tellement peu qu'à toutes fins pratiques un gars
finit par vomir sa langue en même temps que sa personnalité si on
ns fait pas attention, tellement cette rentabilité n'est pas
assurée. Donc, on a raison de dire, je crois, qu'une bonne partie sinon
l'essentiel du fond du problème est de ce côté-là.
Mais qu'est-ce qu'on en a fait? A partir d'un projet de loi qui n'en parlait
pas, on a, tant bien que mal, tricoté en Chambre, ici, un article 4 qui
devient deux articles du la Loi du ministère des Affaires
culturelles.
On a confiance que l'Office de la langue française, c'est le
coeur, je crois, de la confiance qu'on y met, surtout du côté
libéral parce que cela a été l'essentiel des amendements.
On a confiance que l'Office de la langue française pourra corriger des
situations injustes pour les employés et les travailleurs, mieux que
comme; c'était prévu, ei je cite: « Grâce aux
pressions qui seront exercées inévitablement par le droit d'aller
porter plainte en cas d'iniquité linguistique, le droit d'aller porter
plainte qui est accordé aux travailleurs francophones par 14a) de la loi
nouvelle, je veux dire des nouveaux articles de la Loi du ministère des
Affaires culturelles.
On a passé le fardeau aux travailleurs. On leur demande ce
qu'à mon humble avis le Parlement n'a pas eu le courage de faire
à eux, les travailleurs, à New Richmond et ailleurs, d'avoir le
courage d'aller se plaindre de leurs patrons, ou de tout le climat linguistique
d'une entreprise. Et là, l'article 14 a) dit que l'office aura le droit
d'examiner toute la « patente » et de faire des recommandations.
C'est bien ça. A mon humble avis, c'est également rêver en
couleur.
Je vais donner une analogie. Pourquoi n'a-ton pas établi un
principe général? Des analogies, je pourrais en donner deux ou
trois. Je prends celle du « check off » volontaire, de la
déduction à la source, qui est dans l'article 38 du code du
travail, qui, autrefois, était une matière de négociation.
On en fait une règle générale. Maintenant les patrons sont
obligés d'accepter le « check off ». Autrement dit, on a
établi un principe et on a dit: Il faut l'appliquer.
Evidemment on peut nous dire et le chef de l'Opposition a
évoqué cette réponse-là Tous les cas sont
d'espèce dans le domaine qui nous préoccupe. Par
conséquent, il faudrait examiner les cas d'espèce. C'est
là-dessus, d'ailleurs, que le chef de l'Opposition a dit que les
amendements qu'on avait proposés à l'article 4 au moins
à deux reprises, je crois qui tous ont été
jugé irrecevables, pour des raisons en tout cas, je respecte la
magistrature de la Cham- bre mais pour des raisons de technique ou de
formulation essentiellement, que ces amendements n'étaient pas
réalistes, parce qu'on prétendait établir par des
prescriptions le domaine de la langue du travail comme d'autres domaines
auxquels je reviendrai rapidement. Parce que presque tous les cas sont des cas
d'espèce, et qu'on ne doit pas les trancher au couteau! Je crois que
c'est à peu près cela. Le chef de l'Opposition a même dit:
C'est beaucoup mieux, dans ce domaine-là la langue de travail
d'étudier avec les dirigeants des entreprises la façon de
faire respecter le français, sans nuire à leurs affaires. Je
cite: « Eux, ils comprennent ça, ces gens-là. »
Sous-entendu: Des gens comme nous autres proposant des amendements
précis, nous ne comprenons rien. Mais eux, ils comprennent ça. On
voit ça dans le Devoir, ce matin. Eux, ils comprennent. Il y en a eu un
paquet à la commission Gendron qui comprennent ça. Ce matin, on
nous rapporte le cas d'un M. Wright qui comprend ça, c'est effrayant! M.
Wright est allé à la commission, et je cite dans le Devoir de ce
matin...
M. LESAGE: M. le Président, je regrette. Je n'ai pas dit «
eux ». Je n'ai pas dit: « Ces gens-là comprennent ça
». Je ne me suis pas servi de cette expression-là. J'ai dit qu'il
valait mieux tenter de s'entendre avec eux et qu'il y avait lieu
d'espérer que des ententes...
M. LEVESQUE (Laurier): Je prends...
M. LESAGE: J'ai relu, comme je le fais toujours, mot à mot, mon
texte, les épreuves des Débats, et les mots n'y sont pas.
M. LEVESQUE (Laurier): Je prends la précision du chef de
l'Opposition. Je n'ai rien à ajouter. J'avais pris ça entre
guillemets... Donc...
M. LESAGE: D'ailleurs, ce n'était pas loin de ça.
M. LEVESQUE (Laurier): ... mais je n'ai pas vérifié le
journal des Débats. Si la phrase n'y est pas, j'admets qu'elle n'y est
pas. Elle est sur mon papier, mais...
M. LESAGE: Je crois qu'il y aune nuance...
M. LEVESQUE (Laurier): En tout cas, il y a un gars qui comprend
ça. Je vais la prendre pour moi, la phrase. Parce que ça revenait
à cela, au fond.
Je cite, dans le Devoir de ce matin, M. Wright qui comprend ça,
lui, qu'adviendrait-il, lui demanda-t-on, si tous les Québécois
pou-
valent s'exprimer couramment en français? Cette langue
pourrait-elle alors devenir toujours en fonction de l'article 1
disons en 1963 ou quelque part par là, cette langue pourrait-elle alors
devenir la langue de travail, au moins à l'intérieur du
Québec? Mr. Wright répondit qu'à son avis ce ne serait pas
fonctionnel ni justifiable économiquement. Alors qu'on lui
suggérait que, dans cette perspective, les Canadiens français
n'avaient plus qu'à cesser de parler français, il conclut:
« C'est votre affaire ». Autrement dit; « That is your worry,
boys ». Ils comprennent ça, ces gars-là! Ils comprendront
ça quand ça leur sera imposé et pas autrement. Et tant
qu'ils feront une piastre, à condition qu'on ménage des
périodes de transition, à condition que des principes, une fois
établis, soient appliqués raisonnablement, ils accepteront de le
vivre, de la même façon qu'on établit des principes
généraux dans certaines lois.
Je vais prendre un domaine beaucoup moins viscéral. On a
établi comme principe général dans nos statuts que le bois
du Québec doit être traité dans le Québec.
Seulement, il y a le fardeau de la preuve si on veut sortir du principe.
Autrement dit, ceux qui veulent tout simplement obtenir la permission de
déroger au principe général qui est établi, le
fardeau de la preuve leur appartient. Nous ne demandons pas à leurs
travailleurs de venir se faire écorcher, nous disons au patron: Viens
nous le montrer que tu n'es pas capable. Nous avons dit que ça prendrait
trois ans, tu prétends que ça en prendra six, bien viens le
prouver. Mais établissons d'abord un principe général.
La même chose pour le domaine minier. Les produits miniers du
Québec, en principe, sont censés être tous traités
au Québec. Evidemment, dans la pratique, il s'agit de savoir à
quel point bouleter, par exemple, du minerai de fer c'est déjà
assez le traiter. Devrions-nous les forcer de faire de l'acier, etc.? Tout ces
problèmes-là se posent. Mais par dérogation à un
principe général qui est que c'est à vous autres de le
prouver que vous ne pouvez pas le finir.
Une société civilisée, économiquement comme
à d'autres points de vue, accepte qu'on déroge au principe quand
c'est nécessaire. Mais quand on a le courage et le sens commun, on
établit des prescriptions d'abord.
Qu'a-t-on fait avec l'article 4, dans l'état où il est? Ce
sont encore des études, encore pesées, soupesées et
élaborées, dans les deux cas, 14 comme 14-A. On va même
resonger en matière d'affichage. On a entré le mot affichage, ce
n'est déjà pas si mal mais il faut y resonger. Pourtant, on parle
de français prioritaire. Nous avons proposé que le
français, d'ici quelques années, devienne prioritaire en
matière d'affichage. Là, on dit discrétionnairement, le
mot est dans la loi, seulement on doit examiner la question. Le français
est-il requis ou non dans l'affichage pour que nous ayons un visage
français dans le Québec? Est-il requis qu'il ait ia
première place d'ici quelques années, oui ou non, si on parle de
français prioritaire dans la vie économique? Si c'est oui,
faisons-le. Mais non, on va y penser.
La même chose pour les raisons sociales. Tout le long du
débat, j'ai deux ou trois références du 28 octobre et du 4
novembre de la part de porte-parole libéraux parlant des raisons
sociales. J'en ai donné des exemples dans les pages jaunes de l'annuaire
de Québec, ville capitale et 98% française. Nous faisons rire de
nous dans ce domaine-là. Raisons sociales, chartes ou permis
d'opération, qui opèrent au Québec, cette insulte
quotidienne 1
Je me souviens qu'au moment où on parlait
d'électricité, on a découvert moi, ça m'a
renversé que dans la ville de Québec, la Quebec Power
Company non seulement employait le moins possible de Canadiens français
dans certains secteurs, comme la comptabilité, les auditeurs, etc., mais
n'avait jamais été foutue de se donner un nom français, au
moins un nom secondaire français. Elle s'appelait la Quebec Power
Company pour 95% ou 98% d'usagers canadiens-français.
On finit par aimer ça, manger de la... enfin, se faire insulter.
On finit par ne pas s'en rendre compte. Est-ce faisable, oui ou non, que dans
une période de transition on dise les raisons sociales, oui, c'est
faisable?
On ne veut pas. Très bien. Dans deux ans, dans trois ans.
Pourtant, le futur chef du Parti libéral, ou l'un des potentiels futurs
chefs, député de Mercier, a dit en Chambre, le 4 novembre, si
j'ai bonne mémoire: Cela presse d'agir dans des domaines tangibles, pas
en 1975, pas en 1976, pas en 1974, tout de suite. 80% des cadres d'entreprises
du Québec sont anglophones. On se fait littéralement humilier
continuellement dans la vie économique, ça presse a dit le
député de Mercier. Il ne l'a pas redit après. On s'est
contenté de l'article 4, incitateur comme tout le reste.
Les conventions collectives et les documents qui sont des communications
écrites de la gérance, à quelque niveau que ce soit, aux
employés dans les entreprises, est-ce faisable que ce soit
rédigé en français? Oui. Pourquoi ne le fait-on pas alors?
Des choses précises et qui peuvent être établies par des
prescriptions avec des périodes raisonnables en disant: C'est ça
qui va être fait.
Des examens de promotion qui touchent le
personnel des entreprises ou qui touchent les communications avec le
public ou certaines professions où c'est inconcevable que des gens ne
comprennent pas leur clientèle dans la région
métropolitaine de Montréal, je pense à des
médecins, que d'ici une période raisonnable et précise que
ces examens-là soient rédigés suffisamment en
français pour être sûr que ces gars-là vont le parler
le français. C'est possible dans la vie économique? Oui.
Faisable? Oui. On ne veut pas? très bien!
Seulement c'est un bill qui est de la façade, qui est de la
frime, discrétionnaire. Pour ce qui est de la langue de travail, dans le
programme du Parti québécois et dans le contre-projet au bill 85,
ce principe-là, on l'établissait. Dans un Québec
souverain, il n'y aura pas de problème, il va être établi.
Mais il peut être établi par une province aussi que le
français devienne effectivement la langue de travail et des
communications dans toutes les entreprises, sauf les toutes petites
évidemment où il y aurait des gens de la même famille ou
des petits groupes d'employés qui sont tous anglophones. Les conventions
collectives négociées et rédigées en
français, etc. Ce sont des choses faisables. La seule chose qui manque
pour le faire, c'est, à mon humble avis, le courage politique ou, je ne
dis pas par manque de sincérité complètement, mais ce
conditionnement à l'incapacité de décider parce qu'on est
conditionné.
Ce qui est curieux, en terminant, M. le Président, c'est le
comportement... Le député de Saint-Laurent, d'un ton presque
déchirant cet après-midi, n'a pas compris pourquoi j'ai
par-lé,pourquoi, il me semble, tout le monde a parlé d'une
certaine coalition, d'un travail bipartisan sur le bill 63. Bien, il me semble
moi que ça saute aux yeux. Je n'ai pas à juger les motifs,
ça saute aux yeux. Pendant des jours et des jours on a eu l'impression
que l'Opposition officielle était comme une espèce de volcan qui
se préparait à faire irruption. J'ai des citations à n'en
plus finir, des choses. Le 28 octobre, par exemple, le chef de l'Opposition,
à la page 3379 du journal des Débats, était
catégorique comme ceci: « Ce qui me renverse, c'est que le bill
à l'étude ne contient absolument rien pour favoriser le
progrès du français dans le monde du travail. Il n'y a rien pour
prescrire remarquez le mot, M. le Président, pour prescrire
l'usage du français dans les communications, dans les usines,
dans les ateliers, dans les bureaux d'affaires. Par exemple, il n'y a rien dans
le bill Cardinal qui soit de nature à inciter les sociétés
on ne prescrit plus à utiliser des raisons sociales de
langue française ». Raison sociale, le mot vient... La page
suivante...
M. COITEUX: M. le Président, sur une question de
règlement. J'ai vérifié l'heure, et le
député de Laurier a épuisé son temps. Et je ne
donnerai jamais mon consentement pour qu'il continue car, pour me servir d'une
expression qui lui est chère, je suis écoeuré.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, pourrais-je, sur le
même point de règlement, vous demander moi, je n'ai pas
regardé l'heure avec la même conscience que le
député de Duplessis, mais il me semble qu'on a commencé
à huit heures et cinq.
DES VOIX: Non.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est au président à
décider.
M. LE PRESIDENT: Afin de bien m'assurer de l'heure, il me semble que ce
n'est pas huit heures et cinq, mais je vais vérifier avec le
chronométreur officiel. On me signale qu'il était bien huit
heures exactement.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord, M. le Président. Alors je
termine ma phrase en disant simplement ceci, c'est que si le
député de Saint-Laurent veut qu'on s'en parle, on s'en parlera
ailleurs, il y a eu une coalition bipartisane sur ce bill, et le
résultat, en dépit du camouflage, c'est un bill de
colonisés, et heureusement, c'est un colonialisme qui, je crois, les
réactions le prouvent...
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): ... achève, dans Québec.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): Très bien. Ma phrase est finie.
M. LESAGE: Sur une question de privilège.
En toute justice pour le député do Laurier, je dois dire
que je viens de retrouver, à l'épreuve du journal des
Débats, l'expression qu'il avait prise en note. Il avait raison, j'ai
bien dit: « Eux, ils le comprennent, ces gens-là. » Je ne
veux pas prolonger, mais c'était dans un contexte qui était
nuancé un peu autrement que celui qu'a mentionné le
député de Laurier. Mais, je tiens à faire la correction;
il avait raison.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je vous avais
envoyé une motion d'amendement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. Antonio Flamand
M. FLAMAND: M. le Président, au premier article du bill 63, il
est dit que « le ministre doit prendre les dispositions
nécessaires pour que les programmes d'études
édictés ou approuvés pour ces institutions d'enseignement
et les examens qui les sanctionnent assurent une connaissance d'usage de la
langue française aux enfants à qui l'enseignement est
donné en langue anglaise. »
Or, nous avons entendu, au cours du débat en deuxième
lecture, le député de Saint-Jean nous faire part de
l'expérience qu'il a vécue à un endroit où l'on
donnait justement des cours pour permettre à des jeunes gens d'avoir une
connaissance d'usage de la langue française, c'est-à-dire au
Collège militaire de Saint-Jean. Or, le député de
Saint-Jean et personne n'a mis sa parole en doute nous a
déclaré qu'après trois ans de cours, avec les meilleurs
professeurs, avec tous les appareils audio-visuels les plus modernes pour faire
en sorte que ces gens-là aient une connaissance d'usage de la langue
française, après avoir vécu trois ans dans uns ville
française, cela donnait comme résultat que ces personnes, qui
étaient soumises à ce cours intensif, réussissaient
à peine à s'exprimer en français.
Pour quelle raison? Parce qu'il n'existait pas de motivation, à
ce moment-là. La seule motivation possible, dans le cas présent,
pour permettre aux élèves de langue anglaise d'apprendre le
français aurait dû être que la langue de travail soit
uniquement le français et que l'on donne un certain délai
tel que cela a été recommandé tantôt par le
député de Laurier pour que les compagnies, les entreprises
puissent en arriver à ce que la langue de travail dans le Québec
soit la langue française. Celles qui, pour certaines raisons, dans
certains cadres, dans certains endroits, ont des raisons pour ne pas employer
uniquement la langue française auraient pu le faire valoir. Or, je pense
qu'actuellement nous allons dépenser des millions cela va
coûter énormément cher, c'est une deuxième
révolution dans le système d'éducation au Québec
sans que les résultats soient assurés, parce qu'on n'a pas
vu à créer cette motivation.
Naturellement, après avoir voulu corriger le bill à
l'article 14-a, on laisse entendre que « l'Office de la langue
française peut entendre toute plainte de tout employé ou tout
groupe d'employés à l'effet que son droit à l'usage de la
langue française comme langue de travail n'est pas respecté
». A ce moment-là, cela ne constitue, à mon sens, qu'une
faible incitation et qu'une faible motivation pour les gens de langue anglaise
d'apprendre le français. Mais à supposer que cela se fasse,
qu'est-ce que cela donnera comme résultats? Je pense que personne dans
cette Chambre ne s'est opposé à ce que la langue anglaise soit
enseignée à nos enfants dans nos écoles secondaires, dans
nos collèges et dans nos universités.
Après cela, si on réussissait à faire de tous les
Anglais du Québec des bilingues, alors que les nôtres ne le
seraient pas, on leur donnerait simplement un instrument supplémentaire
pour continuer de contrôler les cadres ou la direction des entreprises
actuellement dans le Québec. On priverait, autrement dit, un certain
nombre des nôtres, qui peuvent aspirer à occuper des places dans
ces entreprises, de certains postes qu'ils occupent actuellement parce qu'ils
sont bilingues. Une remarque que je voudrais faire à ce sujet-là:
Ceux qui sont devenus bilingues dans le Québec, parmi les Canadiens
français, le sont devenus parce qu'ils ont eu la chance c'est
peut-être uns chance le loisir ou l'occasion d'apprendre l'anglais
dans des milieux où la langue anglaise était parlée.
Cependant, ils l'ont fait toujours à partir de leurs propres
ressources et de leurs propres possibilités. Aujourd'hui, on va
dépenser des millions pour accorder aux Anglais la possibilité de
continuer d'occuper ces postes-là. Ce qu'il y a d'important, ce sur quoi
nous nous sommes battus jusqu'à aujourd'hui, c'est pour que les
Canadiens français et les immigrants qui arriveront ici soient
intégrés dans un groupe culturel, dans un groupe sociologique qui
soit français. Ce n'est pas pour que les immigrants n'apprennent pas
l'anglais, ce n'est pas pour que les Canadiens français n'apprennent pas
l'anglais. Ce n'est pas ça que l'on veut. Ce que l'on veut, c'est que
nos Canadiens français soient dans un milieu culturel et dans un milieu
sociologique français, c'est que les immigrants qui arrivent ici soient
dans un milieu culturel et dans un milieu sociologique également
français. La meilleure façon et peut-être la seule de
s'intégrer complètement à ce milieu culturel ou à
ce milieu sociologique c'est de faire son cours élémentaire, son
cours secondaire dans un milieu français.
L'article 2, nous l'avons vu au cours des amendements que nous avons
proposés en comité plénier, expose également un des
principes du bill. A cet article de ce bill, qui originairement était
intitulé Loi pour promouvoir l'enseignement de la langue
française et qui, après
correction, est devenu Loi pour promouvoir la langue française au
Québec, on volt ce paradoxe que les enfants nés de parents
Canadiens français, qui normalement auraient été
élevés et éduqués dans un milieu culturel, dans un
milieu sociologique canadien-français, pourront recevoir, à cause
de ce bill-là, d'une façon absolument garantie par la loi, leur
enseignement en langue anglaise. Ils pourront faire toutes leurs classes en
langue anglaise et recevoir finalement ce qu'ils possédaient
déjà avant d'entrer, soit une connaissance d'usage de la langue
française.
Mais il y a quelque chose, à mon sens, d'un peu plus grave, c'est
que ce deuxième principe du bill: le droit des parents de choisir la
langue d'enseignement de leurs enfants principe qui était
suffisamment important pour nous empêcher de présenter des
amendements qui auraient pu, de quelque façon, limiter ce droit, par
exemple, à ceux déjà installés ici, à ceux
déjà arrivés eh bien, ce principe-là dans le
titre du bill, il n'en est fait aucunement mention.
Dans toute la propagande qui a été faite également
et que nous avons arrêtée je ne sais pas qui l'a
arrêtée, mais le premier ministre a dit qu'il avait fait en sorte
que ça s'arrête il n'en est absolument pas question, nulle
part. On a évité d'en parler et je suis obligé
aujourd'hui, après la deuxième lecture du bill, après
l'étude en comité plénier, de me rendre compte que
ç'a été fait d'une façon tout à fait
réfléchie et avec détermination. On ne voulait pas attirer
l'attention sur la gravité d'accorder aujourd'hui, à toute
personne sans distinction, ce droit de disposer de la langue de leurs
enfants.
Je ne voudrais pas revenir sur des arguments que j'ai invoqués,
en comité et également en deuxième lecture, mais il faut
se rendre compte qu'en 1986, selon les prédictions de
spécialistes, nous serons 53% de la population francophone à
Montréal et qu'avec ce bill nous pourrons éventuellement,
à cause du passage de certaines personnes de notre groupe culturel
à un autre groupe, être moins de 50% dans la région de
Montréal.
C'est donc dire qu'un bill pour promouvoir d'abord, l'enseignement de la
langue française et pour, finalement, promouvoir la langue
française au Québec, pourra avoir comme conséquence, comme
effet que la population francophone de la région de Montréal
diminuera de façon à devenir minoritaire dans ce secteur
tellement important de notre province où demeure la moitié de
notre population.
Actuellement nous avons des jeunes gens qui sont inscrits dans des
écoles françaises où l'enseignement et j'en sais
quelque chose de la langue seconde est tout à fait
inadéquat. Nous aurons donc comme conséquence à peu
près les mêmes effets que nous avons aujourd'hui pour les gens qui
ne sont pas allés à l'école, qui ont de la
difficulté, à cause de cela, à se trouver des emplois. On
sait qu'aujourd'hui, lorsqu'une personne de 40 ans perd son emploi, qu'elle en
recherche un autre, toutes les compagnies ou presque, le gouvernement demande
d'avoir une dixième année. Or, dans 25 ans, compte tenu qu'on
fait de la province de Québec, avec ce bill, un immense district
bilingue, tous nos cadres qui n'auront pas reçu dans nos
collèges, dans nos universités un enseignement suffisant en
langue anglaise pourront se voir refuser certaines promotions. Ce sera facile,
parce qu'on pourra toujours dire qu'ils manquent de collaboration en voulant
continuer de travailler en français. Ils pourront être
privés de toute une série de postes qu'ils auraient
occupés avec avantage si on avait d'abord proclamé que le
français dans le Québec était obligatoirement la langue de
travail, ce qui aurait constitué une incitation pour les anglophones
à apprendre le français à même leurs fonds, à
même eux-autres autrement dit. On aurait pu les inciter à faire
ça et, parallèlement, faire en sorte que l'enseignement de la
langue seconde, l'enseignement de la langue anglaise soit donné d'une
façon plus intensive, plus sérieuse aux jeunes gens de langue
française, parce qu'encore une fois, je le répète, ce
n'est pas à l'enseignement de la langue seconde que nous en avons. Nous
sommes tous d'accord que, passé un certain niveau d'éducation,
passé un certain niveau d'instruction, ça devient dans le
Québec un instrument tout à fait indispensable, non pas parce que
nous vivons dans un milieu de 203 millions d'anglophones j'ai eu
l'occasion de le dire mais parce que des anglophones sont nos
voisins.
Cela aurait été absolument nécessaire; or, nous ne
l'avons pas fait. Au contraire, nous avons fait en sorte que, si les
anglophones sont obligés d'apprendre le français, ce soit nous
qui payons la note, ce soit eux qui en retirent tous les avantages. On a
également tenté de corriger ce bill, et j'ai entendu certaines
personnes intervenir pour justifier l'adoption du bill. J'ai lu, par exemple,
l'intervention d'hier du député de Montcalm, qui termine par l'un
des arguments, je pense, qu'il trouvait le plus convaincant: Je parie gagnant.
Or, à mon sens à moi, c'est beaucoup plus important qu'une course
de purs-sangs à Blue Bonnets. Il n'y a pas suffisamment
de garanties dans ce bill pour que je parie gagnant, et je voterai
contre le bill en troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Mégantic.
M. Marc Bergeron
M. BERGERON: Nous vivons dans cette Chambre, depuis quelques semaines,
des heures excessivement importantes pour la nation
canadienne-française. Chacun des membres de cette Assemblée
nationale, dans nos comtés respectifs, avons été assaillis
de toutes parts par différentes personnes concernant ce projet de loi,
le bill 63. Il est clair que, pour la première fois, un gouvernement a
osé se pencher sur un problème qui, à mon sens et
nous le savions était de la dynamite. Le gouvernement,
après avoir déposé l'an dernier le bill 85, après
avoir eu l'occasion d'entendre différents groupes, différentes
personnes venir donner leur opinion sur ce projet de loi 85, avait
décidé alors de retirer le bill momentanément, et, cette
année, voilà que le gouvernement a déposé le bill
63. Ayant été élu député du comté de
Mégantic en 1966, je dois vous avouer que les moments que nous venons de
vivre ont été pour moi extrêmement difficiles.
Nous avons vécu des moments difficiles parce que j'ai
l'impression qu'à un moment donné certains éléments
subversifs du Québec ont pris les devants, en particulier dans les
écoles, et je déplore, M. le Président, que l'on se soit
servi de la jeunesse pour faire une propagande qui à mon sens
était tout à fait inexacte.
M. le Président, vous avez eu connaissance des discours qui ont
été prononcés par plusieurs députés de cette
Assemblée nationale. Chose assez curieuse, chose que l'on ne voit pas
souvent, vous avez vu seulement cinq députés voter contre le
projet de loi. Ceci, à mon sens, M. le Président, est assez
significatif. Que certains extrémistes nous appellent des
traîtres, que l'on nous demande de démissionner, que l'on nous
dise que nous allons nous en souvenir aux prochaines élections, eh bien,
précisément ce à quoi je les invite, c'est d'examiner,
lorsque le calme sera revenu, le bill 63.
Les politiciens ont des responsabilités envers leurs
électeurs. Les gouvernements ont des responsabilités envers la
nation canadienne-française au Québec. Quant à moi, je
pense qu'au lieu d'être pessimiste comme le vieux chef du Parti
québécois, au lieu de prétendre que lui seul a raison et
de caricaturer tous ceux qui à un moment donné ne partagent pas
son opi- nion, eh bien, Je pense qu'il devrait examiner d'une façon plus
précise les problèmes auxquels nous avons à faire face au
Québec.
On a mentionné, au cours des discours qui ont été
prononcés, que les Canadiens français ne possédaient pas
de postes de commande dans le domaine de l'industrie. Or, M. le
Président, dans la ville de Thetford Mines, chose assez curieuse, depuis
quelques années nous avons à la tête des industries
minières des personnes qui se nomment Lionel Piuze; nous avons un M.
Gingras; nous avons eu une industrie d'autos-neige dirigée par des
Canadiens français jusqu'à il y a à peine quelques mois.
Pourquoi, à un moment donné, cette entreprise est-elle
passée aux mains des Américains? Nous avions là des
personnes d'affaires compétentes; nous avions là des Canadiens
français qui, à un moment donné, on dû se
départir de leurs actions pour les revendre à des capitaux
américains. Je pense que le problème de la langue est
extrêmement important, mais pourquoi les Canadiens français,
majoritairement actionnaires dans une compagnie, ont-ils dû et je
dis bien dû vendre leur entreprise à des capitaux
américains? Pourtant, ils étaient Canadiens français, Ils
étalent majoritaires au conseil d'administration. Or et
j'aimerais que le député de Laurier me réponde si ce n'est
pas exact ils ont dû vendre leurs actions parce que,
économiquement, ils n'étalent plus capables de progresser. Ceci,
M. le Président, pour dire qu'au Québec, tant que nous ne serons
pas économiquement assez forts, il faudra avoir recours aux capitaux
étrangers. Nous vivons dans un contexte nord-américain. Il faut
être réalistes, M. le Président. A ce moment-là,
qu'est-ce qui se produit? Les capitaux américains sont devenus
majoritaires dans cette entreprise. Qui dirige l'entreprise d'autos-neige? Ce
sont encore des Canadiens français dont le premier responsable est un M.
Langevln. Ceci ne se passe pas en 1983 comme veut le laisser entendre le
député de Laurier. Ceci se passe en 1969.
Il y a à peine quelques années, ceux qui ont eu la chance
de poursuivre leurs études classiques, vers quoi nous dirigions-nous?
Quelques-uns vers le sacerdoce, d'autres vers le notariat, d'autres vers le
droit, quelques médecins. Mais où est-ce que nous avions des
étudiants...
UNE VOIX: ... et les professeurs...
M. BERGERON: ... qui se dirigeaient dans le domaine de
l'économie, dans le domaine des sciences? M. le Président,
même si nous avions plusieurs langues, si nous n'avons pas les
connaissances nécessaires pour prendre charge
d'une Industrie, est-ce que nous allons exiger, à ce
moment-là, qu'on engage des Canadiens français? Mais depuis
quelques années, les jeunes doivent se rendre compte que les
contribuables du Québec, les pères de famille qui travaillent
dans les industries, qui travaillent dans les mines, paient des taxes, que le
ministère de l'Education a un budget d'au-delà de $1 milliard.
Pourquoi le gouvernement, pourquoi les contribuables consentent-ils à
faire ces sacrifices pour la jeunesse? Est-ce que c'est pour qu'ils mettent le
feu partout? Est-ce que c'est pour qu'ils cassent les vitres? Ou, je vous le
demande, M. le Président, si c'est pour qu'ils fassent des hommes, pour
qu'ils s'instruisent, pour qu'ils apprennent les méthodes
nécessaires pour pouvoir diriger les entreprises.
Le pourquoi du fait qu'il n'y a pas plus de Canadiens français
à la tête de nos industries, je dis que c'est parce que nous
n'avions pas suffisamment de Canadiens français préparés
pour occuper ces postes de commande.
M. le Président, je dis à tous ceux qui m'ont écrit
pour me demander de voter contre le bill 63 ils ne sont pas nombreux
ils viennent tous du CEGEP de Thetford. Pourtant, une chose que j'ose
déplorer publiquement: lorsqu'il a été question, pour le
comté de Mégantic, lorsqu'il a été question, pour
la région de l'amiante, de faire des démarches pour que nous
obtenions ce CEGEP, pour qui? Pour les Canadiens anglais? Pour les Canadiens
français. On a su trouver le représentant et lui demander de
faire des démarches et là, lorsque ce fut le cas du bill 63, on
ne savait plus où trouver le député. Mais, par exemple,
les partisans du Parti québécois, eux, ont eu la chance de se
rendre au CEGEP de Thetford Mines pour aller dire aux étudiants des
choses qui sont complètement fausses. On a dit aux étudiants du
CEGEP que, demain matin, ils auraient à apprendre l'anglais. On a dit
dans les écoles secondaires du comté de Mégantic et en
particulier, à Thetford Mines, que nous assassinions la langue
française.
A la suite de toutes ces choses mensongères, eh bien, on dit au
député: Donne ta démission, tu n'es qu'un traître.
Or, j'ai été élu en 1966, avec un mandat clair, net et
précis. J'ai endossé un programme, le programme du parti de
l'Union Nationale. Le député a le droit, à mon sens,
à l'intérieur du caucus du parti, de défendre ses
opinions. Mais lorsque, par exemple, si nous voulons faire partie d'une
équipe, le caucus décide à un moment donné
d'adopter une politique, est-ce qu'il est plus honnête... Est-ce passer
pour un suiveux que de suivre le parti sous la bannière duquel nous
avons été élus, ou bien est-ce...
M. FLAMAND: M. le Président, simplement pour faire remarquer
qu'on est un peu loin du bill 63.
M. ROY: Si le chapeau te fait, mets-le donc!
M. PAUL: Le député de Mégantic apporte des
arguments qui nous permettront, tout à l'heure, de dire que sur
l'ensemble et les détails du bill...
M. MICHAUD: Ah! Ah! Ah!
M. PAUL: ... le programme du parti, le programme...
M. MICHAUD: Article 572, 572...
M. PAUL: ... du parti était dans le même sens que la
législation que nous avons présentée comme le programme du
Parti libéral, avec lequel a été élu le
député de Gouin,...
M. MICHAUD: Français prioritaire.
M. PAUL: ... vous conduisait dans le même sens. Je soumets que les
remarques du député de Mégantic sont tout à fait
conformes aux dispositions de 572.
M. MICHAUD: ... très conforme au programme de mon parti.
M. FLAMAND: Ç'est simplement pour cerner le débat, M. le
Président. Il peut rester une heure là-dessus, s'il le veut.
M. LOUBIER: M. le Président, sur le point d'ordre, il me semble
que le député de Rouyn-Noranda, qui devait être
nommé ministre d'après lui, devrait savoir que...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Mégantic.
M. BERGERON: M. le Président, je disais que ce n'est pas
être « suiveux » que de respecter l'engagement que nous
prenons lorsque nous nous présentons sous l'étiquette d'un
parti.
Nous sommes en démocratie. Mais, je n'accepterai pas qu'on vienne
dire que nous manquons de colonne vertébrale, parce qu'après
avoir discuté, à l'intérieur d'un caucus, après
nous être présentés sous l'étiquette d'un parti
politique nous respectons les engagements que nous avons pris vis-à-vis
de nos électeurs.
Quant a moi, si jamais j'ai assez de problèmes de conscience pour
ne pas admettre les décisions d'un caucus, j'aurais au moins
l'honnêteté de démissionner purement et simplement comme
député et de me faire élire sous mon vrai visage.
Le bill 63 n'est pas parfait, et personne dans cette Chambre n'a dit le
contraire jusqu'à maintenant. Cependant, c'est une étape, c'estun
jalon que nous avons dû poser devant des problèmes comme celui de
Saint-Léonard. Je me souviens qu'en 1965 j'avais l'occasion de me rendre
à Montréal très fréquemment. J'avais l'occasion de
me rendre chez les marchands de gros, dans le domaine du vêtement en
particulier. Et je me rappelle qu'à ce moment-là, très
souvent, on nous répondait: « Sorry, we do not speak French
». Je vous dis que j'ai l'occasion, aujourd'hui, d'y retourner à
Montréal; je pourrais vous nommer des industries comme Jonathan Loggan,
Progress Brand, Clover Brand, par exemple, où, lorsque des marchands
canadiens-français s'y rendent, on se fait un plaisir de leur
répondre en français.
UNE VOIX: Ç'est vrai, ça.
M. BERGERON: II y a des améliorations en ce qui concerne la
langue française au Québec. Qu'on casse de laisser croire au
peuple québécois que nous sommes en train de nous angliciser.
C'est faux! Au Québec, grâce au système d'éducation
qui dépense des milliards dans le domaine des CEGEP, en particulier,
dans le domaine de l'université, nos étudiants, nos jeunes auront
demain les compétences voulues pour prendre des postes de commande. N'en
déplaise à ceux qui voient tout en noir, je dis que le
français est en pleine santé au Québec. Il est en pleine
santé, nous sommes en train de prendre nos responsabilités
d'abord. Lorsque j'entends le député de Laurier parler du
problème de l'immigration, quand fut institué le ministère
de l'Immigration au Québec? Pourtant, si on examine l'article 95 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la législature de
chaque province pourra légiférer sur l'agriculture et
l'immigration dans cette province, et pourtant jamais aucun gouvernement
n'avait institué le ministère de l'Immigration.
Or, le gouvernement actuel a encore une fois pris ses
responsabilités dans le domaine de l'Immigration. Nous ne pouvons
certainement pas, M. le Président, et nous ne le prétendons pas
non plus, changer du tout au tout du jour au lendemain, mais, M. le
Président, vous avez eu l'occasion d'entendre le ministre de
l'Immigration qui a annoncé ce qu'il entendait faire pour attirer les
immigrants chez nous. Jamais les Canadiens français, jamais la province
de Québec n'avaient fait quoi que ce soit dans le domaine de
l'immigration. Or, le gouvernement avait deux choix: la persuasion ou encore
les forcer, l'incitation ou la persuasion, nous avons choisi cette
méthode. Pourquoi? Parce que nous admettions, nous reconnaissions que
nous n'avions jamais rien fait dans ce domaine. Est-ce M. le Président,
être traîtres à la nation canadienne-française que de
nous pencher avec des mesures concrètes vers les immigrants?
M. le Président, il y a de ces gens qui se servent de n'importe
quel prétexte pour mousser, si vous voulez, leurs opinions politiques.
Mais j'ai eu l'occasion, depuis trois semaines et j'inviterais le
député de Saint-Jean à écouter ce que je vais lui
dire, peut-être que ça va lui ouvrir les yeux de me
promener un peu partout. J'ai rencontré, au bas mot, 2,000 personnes,
des étudiants, des professeurs, des industriels, des cultivateurs. Tous
ont admis que le bill 63 était la seule chose que devait faire un
gouvernement pour régler en particulier le problème de
Saint-Léonard et pour faire un premier pas pour l'avancement de la
langue française au Québec.
M. le Président, je pense que la population du Québec veut
une culture française. De même que tous les députés
de cette Chambre. Quant à moi, je suis en faveur de la langue
française, je suis en faveur de la culture française, mais nous
devons aussi tenir compte que nous vivons dans un contexte
nord-américain, que les Anglais au Québec ne sont pas des
ennemis. Nous vivons au Canada, il y a une dualité qui existe au
Québec, une dualité de langues, mais est-ce que ça veut
dire égalité? Je ne crois pas, M. le Président. Nous
sommes au Québec majoritairement francophones, et personne ne peut nier
cette existence aux Québécois. Mais au lieu de tomber dans le
pessimisme, au lieu de tout détruire au Québec, au lieu de semer
la révolution, d'incendier un peu partout, au lieu de saccager les
établissements commerciaux, rendons-nous compte que le problème
économique est quelque chose de vital pour les Québécois,
et lorsque nous serons maîtres de notre économie, il n'y aura plus
aucun problème pour la langue française.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. William Tetley
M. TETLEY: M. le Président, évidemment j'appuie avec
très grand plaisir le bill 63. Pour
moi, le bill 63 est un acte de bonne foi. Aucune province, même le
Nouveau-Brunswlck qui vient d'adopter une loi des langues officielles, ne donne
à ses minorités les droits accordés ici au Québec
à la minorité anglophone. Je remercie tous les
députés des deux côtés de la Chambre qui vont voter
pour le bill 63.
M. le Président, récemment le Parlement du Canada a
adopté une loi des langues officielles, mais même cette loi a
été amendée pour retirer quelques droits aux
minorités.
En effet, quelques provinces, surtout de l'Ouest du Canada, s'y sont
opposées parce qu'elles n'aimaient pas donner le droit de plaider dans
les deux langues dans leur cour Provinciale. En conséquence, la Loi des
langues officielles du Canada a été amendée. Aucune
province ne donne les droits que nous avons ici au Québec. Que les
journaux de Toronto prennent note de la vraie liberté qui existe et qui
existera au Québec.
Saint-Léonard est le seul exemple d'exception au Québec
Les provinces de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba ont eu, en 102
années d'histoire, de multiples Saint-Léonard. Le petit village
de Willow Bunch en Saskatchewan est un exemple d'un manque de liberté et
de démocratie dans les autres provinces. C'est ma première
conclusion, M. le Président.
Je voudrais noter deux contradictions que j'ai trouvées
après presque quatre semaines d'argumentation dans les arguments des
honorables députés de Laurier et de Gouin. Pendant une semaine et
demie, le député de Laurier et le député de Gouin
ont fait valoir qu'il fallait un délai. Leur conclusion était que
le bill soit renvoyé au comité, à n'importe quel
comité. Après une semaine et demie, ils ont changé
d'argumentation et le problème est devenu, suivant ces deux
députés, un problème d'urgence grave. Ils ont cité
des chiffres sur l'immigration et sur l'île de Montréal; toutes
sortes de chiffres pour prouver que la langue française était en
danger. Ils ont complètement changé d'idée.
Aujourd'hui, ils ont encore changé d'idée et ils ont fait
une motion de délai. Que l'opposition circonstancielle prenne position:
soit que le problème est urgent, soit qu'il faut un délai. Un des
deux, mais pas les deux en même temps.
La deuxième contradiction que je trouve dans l'argumentation de
cette opposition est le fait que l'honorable député de Laurier et
l'honorable député de Gouin ont, tous les deux, fait un
amendement au bill qui je suis très content qu'il n'ait pas
été adopté voulait retirer aux francophones de la
province de Québec le droit d'envoyer leurs enfants aux écoles de
leur choix. Ils ont fait cet amendement...
M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement, si le
député de Notre-Dame-de-Grâce me le permet. Je ne sache pas
qu'en aucun cas, dans aucun des amendements que nous ayons
présentés, ce droit-là ait été
méconnu. Il y a eu, bien sur, une motion de contingentement, mais il n'y
a pas eu l'Interprétation qu'en donne le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. TETLEY: Que le député de Gouin regarde ses amendements.
Il y avait un amendement, proposé par lui et par le député
de Laurier, à l'effet qu'après le 1er juillet 1970, si les
enfants d'un francophone n'avaient pas été à
l'école française, ils n'auraient pas ce droit. Ce n'était
pas tout simplement pour les immigrants; c'était pour les francophones
aussi.
L'honorable député de Laurier a parlé de la
politique de son parti, mais je trouve ici, je l'ai lue, hier matin, dans le
Devoir du 19 novembre, une annonce payée par le député de
Laurier, avec sa photographie, parlant de la politique de son parti. Il ne
mentionne pas le fait qu'il voulait priver les Canadiens français de
leur droit au libre choix. Cela est la deuxième contradiction que je
trouve dans l'argumentation des deux députés.
M. le Président, le député de Laurier a aussi
parlé à plusieurs reprises de son heure et de sa demi-heure.
Mais, je voudrais rappeler au député de Laurier qui,
suivant sa coutume, est absent lorsqu'il ne parle pas en Chambre que
lorsqu'il parle une heure, ça veut dire que peut-être 100
députés ou 60 députés perdent aussi une heure.
C'est leur heure aussi. Et je note avec un très grand plaisir et
il faut les féliciter que l'honorable premier ministre et
l'honorable chef de l'Opposition, pendant quatre semaines de débat,
étaient toujours en Chambre. Ils ont eu la courtoisie et
l'honnêteté d'être toujours présents durant ce
débat.
Ils ont parlé brièvement, pas des heures à la fois,
le premier ministre n'a jamais demandé son heure. Le chef de
l'Opposition n'a jamais demandé son heure, il a parlé
brièvement « without wasting the time of all of us here »;
sa demi-heure a été notre demi-heure. M. le Président, je
voudrais citer quelques règles qui ne se trouvent pas dans les
règlements au sujet de la brièveté. L'honorable
député de Gouin et l'honorable député de Laurier
ont souvent cité le règlement. Je crois que les sources que je
vais citer ont aussi de la va-
leur... D'abord, je vais citer LaFontaine au sujet de la
brièveté: Dans la fable les lapins, LaFontaine a dit ceci:
« Mais les ouvrages les plus courts sont toujours les meilleurs
».
Et Shakespeare avait dit: « Brevity is the soul of wit ». On
trouve ça dans Hamlet. Et la Bible, M. le Président, je voudrais
la citer: « Let thy speech be short, comprehending much in few words
». The 32nd chapter of Ecclesiasticus. Et dernièrement, M. le
Président, je voudrais citer Horace pour le grand bénéfice
du député de Laurier et du député de Gouin...
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): A l'ordre! Je m'excuse
d'interrompre l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce,
mais c'est vraiment mon devoir de lui rappeler que l'article 572 du
règlement interdit, de façon assez claire, qu'il procède
de la manière dont il le fait actuellement. Il faut s'en tenir au
contenu du bill et au principe contenu dans le bill lui-même.
M. TETLEY: Bon, j'accepte avec plaisir votre décision, M. le
Président.
M. MICHAUD: On veut Horace. Laissez-le, Horace, au moins.
M. TETLEY: Puis-je citer Horace, M. le Président? J'ai quelques
bonnes...
M. MICHAUD: Allez-y.
M. PROULX: On veut Horace.
M. TETLEY: Bon, avec Horace: « Do you wish to instruct? » II
s'adresse à vous, M. le député de Gouin.
M. MICHAUD: I do wish to instruct...
M. TETLEY: Here is his answer: « Be brief, that our mind may catch
thy precepts and the more easily retain them ». Soyez bref, Monsieur le
député de Gouin.
M. MICHAUD: Thanks for the advise. I will...
M. TETLEY: ... je termine en disant que j'appuie le bill 63, et j'ajoute
que je ferai tout mon possible dans l'avenir, comme j'espère l'avoir
fait dans le passé, pour la protection et l'épanouissement de la
langue française au Québec et au Canada.
M. MICHAUD: J'invoque le règlement, brièvement. Il n'est
pas question de priver le minis- tre de l'Education de son droit de parole.
Nous allons lui donner le consentement, s'il veut bien gentiment le demander,
mais l'article 264 de notre règlement le prive effectivement de son
droit de parole. Alors, s'il veut bien avoir la gentillesse de demander le
consentement unanime, nous allons le lui donner.
M. PAUL: Cette question a été soulevée hier lorsque
l'honorable ministre de l'Education s'est levé. Il a tout simplement dit
ceci: Je demanderais de réserver mon droit de parole. A ce
moment-là, il a repris son fauteuil.
M. BERTRAND: Cela a été accepté.
M. LESAGE: D'ailleurs, l'article 261 est clair: « Si un ordre du
jour est mis en délibération sans que le député au
nom de qui il est inscrit au feuilleton adresse la parole ou se lève
pour déclarer qu'il propose cet ordre du jour, ce député
peut prendre la parole sur la question à une période
subséquente du débat. »
M. BERTRAND: C'est cela.
M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): Effectivement, je me rappelle
fort bien qu'hier l'honorable ministre de l'Education a demandé à
la Chambre qu'on lui réserve son droit de parole. Ce n'est même
pas nécessaire, bien sûr. Il a fait quand même cette
démarche hier et, unanimement, sa demande a été
acceptée. En outre, ce que vient de citer le chef de l'Opposition est
vraiment impératif.
M. Jean-Guy Cardinal
M. CARDINAL: Merci, M. le Président. Jeudi, il y a un mois,
quatre semaines, le projet de loi 63 était présenté
à cette Chambre. Depuis, en cette Chambre comme à
l'extérieur sur le territoire du Québec, nous avons vécu
une période particulière.
Le Québec a eu une de ces rares occasions de se déclarer,
c'est-à-dire que les gens qui vivent ici, qu'ils soient d'une langue ou
d'une autre, ont connu pour une fois une situation difficile dans laquelle
chacun de nous a eu à prendre position. Dans cette Chambre, nous avons
vécu, en première et deuxième lectures et devant le
comité, toutes les péripéties de la procédure que
vous-même avez fort bien connues. Nous nous sommes tous instruits
à cette école, je pense, mas ce n'est pas ce qu'il faut retenir
de cette expérience du projet de loi 63.
A l'avenir, tous les étudiants du Québec, quelle que soit
leur langue maternelle, devront pos-
séder à la fin de leurs études une connaisance
d'usage « a working knowledge », si on me permet de traduire
de la langue de la majorité, de la langue prioritaire,
c'est-à-dire du français. Ce principe ne brime en rien les droits
de la minorité anglophone qui continuera à avoir ses
écoles au Québec. D'autre part et je le rappelle, à
la suite d'interventions de certains députés l'anglais
continuera d'être enseigné comme langue seconde dans les
écoles françaises. Cependant, par une réglementation
adéquate, suivant les voies ordinaires qui sont d'ailleurs
déjà entreprises, le ministère établira un
système d'examen de telle sorte que le diplôme d'études
secondaires et le diplôme d'études collégiales,
diplômes qui aujourd'hui, je le répète, ne sont
décernés que par l'Etat et ici, je me permets d'ouvrir une
parenthèse.
Je ne comprends pas ce que j'ai lu dans certain journaux où l'on
parle de programmes particuliers qui auraient existé pour certains
groupes de langue ou de foi donnée. Si ceci, un jour, a existé au
Québec, aujourd'hui, il n'y a plus que des programmes qui viennent de
l'Etat, qui viennent du ministère de l'Education. Il n'y a plus qu'un
système d'examens, que ce soit dans les établissements
privés ou dans les institutions publiques.
Donc, par une réglementation adéquate, suivant les voies
ordinaires, d'après la loi et les règlements, le ministère
établira un système d'examens de telle sorte que chacun de ces
diplômes, au secondaire et au collégial, ne soit
décerné qu'après des examens qui vérifieront cette
connaissance d'usage de la langue française de tous les étudiants
des écoles et des collèges du Québec.
Jusqu'à présent, seulement une minorité des
élèves anglophones ont acquis, à lafin du secondaire, une
maîtrise fonctionnelle de la langue française. Déjà,
en cette Chambre, j'ai mentionné les principales causes de ce faible
rendement de l'enseignement de la langue française à titre de
langue seconde dans les écoles anglophones.
L'utilisation, à l'avenir, du français, non seulement
comme langue seconde, mais comme langue d'enseignement pour d'autres
matières, sera un moyen d'augmenter considérablement le temps
qu'un élève consacrera à l'apprentissage de la langue
française. C'est aussi un moyen d'améliorer la motivation
même des élèves et de rendre cet enseignement de la langue
française plus fonctionnel.
Par contre, M. le Président et je l'ai mentionné en
cette Chambre cette solution aggrave peut-être la pénurie
des maîtres et le problème du matériel didactique. Mais, je
veux rappeler en cette Chambre une chose que j'ai déjà dite: Ce
n'est pas parce qu'un gouvernement, en adoptant de nouvelles lois, crée
des problèmes qu'il doit reculer. Un gouvernement n'est pas là
pour être une providence, pour être simplement quelque chose qui
fasse que tout aille bien, mais, au contraire, il doit être dans la
population un élément provocateur.
Quand nous avons créé le réseau des collèges
d'enseignement général et professionnel, quand nous avons
décidé, contrairement à ceux qui nous ont
précédés, de l'établir en trois ans nous
avons présentement 30 collèges nous savions qu'il y aurait
des problèmes qui viendraient de la création de ces
collèges. Mais nous avions le choix soit de ne pas les créer, de
ne pas démocratiser l'enseignement et de laisser nos enfants quitter
l'école après le secondaire ou de nous créer des
problèmes en instituant des collèges qui n'étaient pas
parfaits dans l'an I ou dans l'an II, pour, ensuite, comme gouvernement, tenter
de résoudre, avec la population, avec les intéressés, ces
problèmes.
M. le Président, j'ai obtenu de mon ministère le nombre
d'enseignants dans les écoles anglaises qui ont obtenu un brevet qui
leur permet d'enseigner le français; le nombre d'enseignants ou
d'étudiants-maîtres qui sont actuellement dans les
établissements de formation de maîtres dans tout le Québec
et, pour les années à venir, les besoins qui se manifesteront au
fur et à mesure que ce projet de loi sera mis en vigueur. Il est
évident que nous devrons, en fonction de ce projet de loi, au
ministère de l'Education, tout d'abord, adopter des règlements
pour appliquer d'une façon efficace et concrète ce projet de loi.
Deuxièmement, prendre des dispositions pour obtenir la force de frappe
en matière d'enseignants et en matière de matériel
didactique, pour réaliser ce projet de loi.
Aujourd'hui, rien n'est impossible dans ce domaine.
Il y a deux ans, il n'y avait pas suffisamment d'enseignants uniquement
pour les écoles au niveau élémentaire, au niveau
secondaire et au collège. Au moment où je m'adresse à
cette assemblée, ce problème n'existe plus du tout. Il a suffi
d'un programme bien agencé et bien réalisé au
ministère de l'Education pour qu'en moins de deux ans cette
difficulté soit résolue.
Il n'y a aucune raison de croire que nous ne pourrons pas de la
même façon résoudre ce problème qui est moindre que
celui que nous avions à résoudre par la création des
polyvalentes et des collèges d'enseignement général et
professionnel.
J'ai mentionné en cette Chambre qu'un document de travail avait
été élaboré pour nous permettre de voir les
problèmes et de considérer
les solutions pour l'application de ce projet de loi. Depuis que nous
discutons en cette Chambre, des articles de ce projet de loi, le
ministère n'est demeuré ni indifférent, ni immobile. Il a
continué son travail. Des commandes ont été données
par celui qui vous parle. Et lorsque, le 1er juillet 1970 ou à toute
autre date, comme le mentionne le dernier article du bill, ce projet viendra en
vigueur, le ministère sera prêt, dès ce moment-là,
à commencer à appliquer ce projet de loi 63.
Cependant, j'en appelle au sens du réalisme, à
l'objectivité des membres de cette Chambre et de la population. Il est
temps que nous cessions de vivre dans l'utopie et de croire que nous pouvons,
au Québec, avoir les moyens en argent, en hommes, en équipement
de réaliser l'idéal en six mois ou en un an, quels que soient
ceux qui gouvernent cette nation. Il faut bien se rendre compte que
l'application de ce projet de loi comme l'application du projet de loi
21 pour les CEGEP et l'application du projet de loi 56 pour les institutions
privées demandera un rodage, une mise en marche, une
expérience qui nous permettra de nous diriger davantage.
Je ne retire évidemment rien de ce que j'ai pu dire en
deuxième lecture au sujet de ce projet de loi. S'il est normal que
l'Opposition officielle ou circonstancielle critique le gouvernement, il est
normal cependant qu'autour d'un projet de loi semblable, tous soient
suffisamment objectifs pour se rendre compte des difficultés que nous
aurons à affronter et pour se rendre compte que ceux qui proposent un
projet de loi semblable ont songé à ces difficultés et on
pensé au moyen de les surmonter.
L'on a parlé à plusieurs reprises, au sujet de ce projet
de loi, des progrès du français au Québec. Chacun peut
avoir son opinion là-dessus. Nous n'avons pas de données
scientifiques à ce sujet. Il peut y avoir des réalités que
j'appellerai de façade. Il y a une commission qui étudiera ces
choses et nous pourrons nous ajuster en conséquence pourvu que nous
cessions de ne croire qu'à la survivance. Ce n'est pas en survivant plus
longtemps, plus nombreux et plus pauvres que nous ferons une nation.
Il est temps que nous fassions comme les anglophones devant ce projet de
loi ou devant le projet de loi 62. Récemment, un membre important de la
communauté anglophone de Montréal, s'adressant à ses
membres et parlant d'unité, déclarait : « Stand up and
fight ». Il est temps que les Canadiens français, au lieu
d'être divisés dans les journaux, d'être divisés dans
cette Chambre, d'être divisés dans leurs associations, s'unissent,
se lèvent et combattent ensemble.
Il est évident que Montréal, le grand Montréal, est
l'épicentre, si je peux ainsi m'exprimer, même si je n'ai pas la
facilité du député de Gouin...
UNE VOIX: Il est parti.
M. CARDINAL: ... des problèmes... Je salue en passant son
absence... des problèmes...
M. LESAGE: Ce n'est pas juste. Tout de même! Il vient de quitter,
il y a à peine dix secondes... Il faut tout de même être
juste pour les députés.
M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, je me rappelle une
période oft même celui qui vient de m'adresser la parole attendait
trois minutes pour mentionner que...
M. LESAGE: M. le Président, je me suis amusé à
signaler l'absence du ministre de l'Education au cours de la campagne au
leadership dans l'Union Nationale, comme mes amis d'en face s'amusent à
signaler l'absence des candidats à la direction du Parti libéral
à l'heure actuelle. Je n'ai pas le mandat de défendre le
député de Gouin, mais ce serait réellement injuste
à son égard.
M. BEAULIEU: Le député de Gouin n'est pas candidat.
M. CARDINAL: C'est dans le même esprit, avec la même bonne
humeur,,..
M. MICHAUD: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BERTRAND: Gracieuse qui entre.
M. MICHAUD: Le ministre de l'Education pourrait-il...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MICHAUD: Paraît-il que le ministre de l'Education a
signalé mon absence temporaire et circonstantielle. Pourrait-il
reprendre ses propos de tout à l'heure?
M. BEAULIEU: C'est parce que le chef de l'Opposition a mentionné
que vous étiez candidat à la chefferie au prochain
congrès.
M. CARDINAL: M. le Président, je sais bien que c'est en dehors
des débats, mais avec les interventions qui ont eu lieu, puis-je
demander s'il est exact que le député de Gouin est
délégué au congrès des libéraux?
UNE VOIX: A Ottawa.
M. CARDINAL: Est-ce dans la section masculine, féminine ou
junior?
M. MICHAUD: Puisque la question m'est posée, je répondrai
au ministre de la plus basse soumission que j'ai été élu
délégué-électeur de plein droit et de plein titre
que j'exercerai mon droit sur le parquet de la convention du 17 janvier.
M. LAFRANCE: Nous verrons ça.
M. BEAULIEU: L'opposition clrconstantielle sera finie à ce
moment-là.
M. MICHAUD: Oui.
M. CARDINAL: M. le Président, je tiens à souligner que ce
n'est pas moi qui ai mentionné l'absence des députés de
Chambly, Verdun et Mercier.
Ceci étant dit, je reviens au vif du sujet. Ce projet de loi
affecte plusieurs ministères, celui de l'Immigration, celui des Affaires
culturelles et tout particulièrement celui de l'Education. Ce n'est pas
la première fois que le ministère de l'Education est placé
devant un défi. Mais, Je puis vous assurer que ce ministère,
comme d'habitude, saura faire face à ce défi, comme d'ailleurs le
gouvernement de l'Union Nationale.
Il faut noter que, sur le plan philosophique, même si certains
députés ont semblé rejeter ce plan, au cours des
débats, il est facile de justifier...
M. PROULX: Elle est bonne.
M. CARDINAL: ... par une base théorique solide
d'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique linguistique globale,
tendant à faire du français la principale langue de travail et de
communication à l'échelle du Québec.
En effet, du moment que l'on considère que
l'élément français y constitue la grande majorité
et que l'élément anglophone y constitue une minorité, il
doit être traité, cet élément, minoritaire, comme
tel, dans les matières de compétence provinciale.
Les documents internationaux que l'on a invoqués, de part et
d'autre, comme la déclaration universelle des droits de l'homme, les
pactes internationaux des droits de l'homme ne s'opposent nullement à
l'élaboration d'une politique linguistique tendant à assurer la
prédominance de la langue majoritaire.
Tout ce qui est stipulé à l'égard des
minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, c'est que les
personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être
privées du droit d'avoir en commun, avec les autres membres de leur
groupe, leur propre vie culturelle, leur droit de professer et de pratiquer
leur propre religion ou d'employer entre eux leur propre langue.
A titre d'exemple, Je reviendrai sur ce que deux députés
ont mentionné.
Nous avons dans notre patrimoine national, tout ce patrimoine que nous
ont légué ceux qui sont venus avant les anglophones, avant les
francophones et qu'on appelle les Amérindiens du Québec. Nous
devons considérer ces gens et leur langue comme une partie de notre
patrimoine national. Le projet de loi 63 ne vient en rien, ni à eux, ni
à quelque minorité que ce soit, enlever quelque droit, qu'il soit
acquis, prétendument acquis ou non acquis.
La commission Laurendeau-Dunton, d'ailleurs, a invité le
gouvernement du Québec a examiner de près ses propres pratiques
linguistiques en soulignant que ce gouvernement se voit conférer une
responsabilité linguistique très particulière du fait
qu'il est le seul, non seulement au Canada, mais sur le continent qui soit
élu par une majorité francophone. De plus, comme ce gouvernement
est la seule autorité compétente en matière
d'éducation, il est seul à posséder sur le territoire
québécois les principaux instruments qui lui permettent de
régir efficacement l'usage des langues, c'est-à-dire un
ministère des Affaires culturelles et un ministère de
l'Education.
C'est d'abord et surtout par l'amélioration des programmes de
français dans les écoles françaises et dans les
écoles anglaises et par l'accroissement des exigences des examinateurs
dans cette matière que l'on contribuera à assurer au
français la place qui doit lui revenir au Québec.
Ainsi, on pourrait limiter l'octroi de diplômes de fin
d'études primaires, secondaires, ou collégiales, comme je l'ai
mentionné, uniquement aux étudiants, quelle que soit leur langue,
capables de se qualifier en français, tant oral qu'écrit.
D'autres mesures devront être prises en temps utile, à la fois
dans le secteur public et dans le secteur privé, afin de régir
l'usage des langues.
Quant au secteur public, l'Etat québécois peut en venir
à n'utiliser que des formulaires français pour la plupart des
documents, quitte à offrir des formulaires anglais. Ici, je donne un
exemple. Jusqu'à l'an passé, les formules de demandes de
prêts-bourses au ministère de l'Education étaient
rédigées, au début, dans
les deux langues, puis en français et en anglais. Il y avait une
question qui était posée dans la formule de demande de bourses:
« Voulez-vous un formulaire français? Voulez-vous un formulaire
anglais? » Si quelqu'un oubliait de répondre à cette
question, la réponse n'entrait plus dans la machine informatique. Nous
avons au ministère pris la décision suivante: comme la
très grande majorité des étudiants qui demandent des
prêts-bourses est de langue française, nous envoyons à tout
le monde des formules en langue française, avec une note que ceux qui la
désirent en anglais la recevront incessamment dans cette langue.
Je pense que des règles administratives semblables ne briment en
rien les droits des personnes et permettent de simplifier les
procédures, de rendre plus efficace un ministère, parce
qu'à ce moment-là c'est plus près de la
réalité, sans compter toutes les économies qui peuvent
être réalisées.
De même, le gouvernement, au niveau du Parlement, au niveau des
tribunaux qui sont sous sa juridiction, pourra continuer à exiger le
bilinguisme, mais rien ne l'obligera à exiger, dans la vie publique,
dans les localités, ce même bilinguisme. On pourrait, comme le
fédéral l'a fait, définir des règles qui nous
permettraient de régir l'utilisation des formules, des fonctionnaires,
des gens qui ont affaire avec le public.
Quant au sacteur privé, je me contenterai ici de souligner que
les mesures gouvernementales ne devraient pas interdire l'usage de l'anglais,
mais requérir l'usage, disons, au moins, du français.
Afin de respecter la minorité anglophone, afin de lui assurer
certaines prérogatives, le gouvernement québécois
maintiendra donc le bilinguisme parlementaire, législatif, judiciaire,
unsys-tême d'écoles publiques où l'anglais demeurera la
langue principale d'enseignement. Ce gouvernement s'appliquera cependant
à souligner qu'il est dans l'intérêt des
Anglo-Québécois que l'Etat leur fournisse les moyens
d'acquérir une connaissance solide de la langue de la
majorité.
Le projet de loi 63 en arrive à la fin de sa carrière
quant aux débats parlementaires. Il sera bientôt au début
de sa vie en tant que loi appliquée. Même si ceci peut
paraître impertinent d'après les règlements de cette
Chambre, il ne faut pas oublier qu'en même temps que ce projet
était étudié devant cette Chambre le projet de loi no 62 a
été déposé et déféré à
la commission permanente de l'Education. Justement dans cette région de
Montréal où la situation est la plus grave, d'après
presque tous ceux qui ce sont exprimés en cette Chambre, il faudrait
bien se rendre compte que c'est la jonction, la conjoncture créée
par ces deux projets de loi qui y réfèrent tous les deux,
d'ailleurs, à l'article 203 de la Loi de l'Instruction publique qui
viendra, à l'avenir, régir la vie des écoliers au
Québec.
Ici, je ne puis m'empêcher, devant certaines personnes qui ne
veulent voir chez les Canadiens français que des gens qui veulent se
séparer ou qui veulent demeurer à part, de souligner que ce sont
ceux qui désirent la plus grande unité, qui, parfois, par leurs
déclarations, semblent vouloir conserver des privilèges et des
prérogatives qui les placent en dehors de cette unité. Je ne
voudrais pas prendre trop de temps. Je l'ai mentionné au début,
voilà déjà quatre semaines que nous nous affrontons, nous
appuyons, nous aidons ou nous combattons autour de ce projet de loi, qui est
peu facile, fondamental et sur lequel Ù est normal qu'il y ait des
réactions.
Au stade où nous en sommes, j'en appelle au sens de la
réalité, au réalisme, à l'objectivité de
tous ceux qui sont nos mandataires pour que l'on se place entre deux
extrêmes qui sont, d'une part, l'unilinguisme imposé par des lois,
que ce soit dans un sens ou dans l'autre, et, d'autre part, une absence totale
d'action dans ce domaine. Quand les lois dépassent trop rapidement les
moeurs et les désirs, elles s'avèrent rapidement inapplicables.
Je pense qu'après les diverses modifications qu'a subi ce projet de loi
le gouvernement a entre les mains un instrument qui, pour une fois, en dehors
des débats, des voeux pieux, des discours patriotiques et des bonnes
intentions, permettra de promouvoir la langue française au
Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, mes collègues de
l'Opposition m'ont demandé de prendre longuement la parole, mais je
m'abstiendrai de donner suite à leurs pressions amicales. Cependant, je
n'ai pas l'intention, à ce stade, alors que nous terminons un
débat qui a duré presque un mois, de rentrer dans tous les
détails du projet de loi. Je voudrais seulement profiter de la
circonstance qui m'est offerte par le débat en troisième lecture
pour réfuter l'argumentation du député de Laurier, ce soir
ainsi que mardi soir, au sujet de la portée de l'article 4 du projet de
loi.
L'honorable député de Laurier a mis en doute comme
c'est son droit, n'est-ce pas la portée de cet article quant
à l'efficacité de la promotion du français comme langue de
tra-
vail. Il a mentionné que l'article 4, qui autorisi l'Office de la
langue française d'entendre des témoins et de requérir des
documents, lui donnait un pouvoir, en somme, qui lui appartenait en vertu de la
loi en général, la Loi des commissions d'enquête. Or, M. le
Président, je dois mettre cette affirmation du député de
Laurier en doute, car il n'y a rien dans le chapitre 11 des statuts refondus du
Québec qui confierait en quelque sorte automatiquement à l'Office
de la langue française le pouvoir de requérir des témoins
et de requérir des documents de façon à examiner la
situation particulière chez un employeur du Québec quant à
l'usage de la langue française.
Il était donc absolument impératif de façon que le
projet de loi, le bill 63 et en particulier l'article 4 contienne
une pression suffisante sur les employeurs du Québec pour qu'ils
assurent en quelque sorte par eux-mêmes la promotion du français,
de confier à l'Office de la langue française un pouvoir
d'enquête bien précis et bien déterminé qui ne
résulterait pas de la volonté du ministre des Affaires
culturelles. Car s'il est vrai que l'article 14 du chapitre 11 donne au
ministre d'un ministère le droit de tenir une enquête et lui
accorde les pouvoirs mentionnés aux articles 9 à 13
inclusivement, il n'est pas sûr du tout il est au contraire
certain M. le Président, que le ministre aurait été
obligé, en toute occasion où l'Office de la langue
française aurait voulu faire une enquête chez un employeur en
particulier, de faire la délégation de pouvoir qui se trouve
à l'article 14 du chapitre 11, de telle sorte qu'il apparaissait
absolument nécessaire de donner à l'Office de la langue
française un pouvoir d'enquête autonome du pouvoir qui appartient
au ministre, et ce qui lui assure évidemment, la capacité d'agir
de son propre pouvoir sans obtenir une autorisation ministérielle.
En plus de cela, l'article 14, qui confie au ministre un pouvoir
d'enquête dans certaines circonstances, ne l'autorise pas à
enquêter sur n'importe quoi. Il est évident que les pouvoirs
d'enquête qui appartiennent au ministre en vertu de l'article 14 sont
confiés au ministre simplement pour l'administration de son
ministère. Il ne pourrait pas sortir de la juridiction ou de la
compétence qui lui Incombe comme ministre d'un ministère
déterminé. De telle sorte qu'il apparaît évident que
si on voulait donner la possibilité à l'Office de la langue
française d'avoir une action vraiment efficace auprès des
employeurs, il fallait lui donner spécifiquement l'autorité qui
lui a été confiée de faire enquête et d'agir comme
commissaire-enquêteur en vertu du chapitre 11.
Maintenant, dans un autre ordre d'idée, l'honorable
député de Laurier disait qu'on faisait reposer sur le pauvre
diable, sur le petit gars le fardeau de mettre en marche l'action de l'Office
de la langue française au point de vue de l'Introduction ou de
l'affirmation du français comme langue de travail»
Or, M. le Président, je conteste cette affirmation du
député de Laurier, car l'article 4 du projet de loi donne
à l'Office de la langue française le droit de tracer des
programmes, n'est-ce pas, avec les employeurs de telle sorte que l'action n'est
pas exclusivement entamée par des individus, mais elle peut l'être
par des groupes.
C'est là, je pense, où se trouve l'utilité de
l'amendement. Lorsque nous considérons que 30% de la main-d'oeuvre du
Québec est syndiquée, lorsque nous considérons que tous
les grands employeurs du Québec sont syndiqués, il devient alors
extrêmement facile pour le mouvement syndical qui s'intéresse
à ce projet de loi, ainsi que nous l'avons vu par les prises de position
de la CSN et de la FTQ, il devient extrêmement facile, dis-je, pour les
syndicats intéressés dans la grande entreprise de
représenter les employés majoritairement de langue
française auprès de l'Office de la langue française et,
à ce moment-là, d'assurer que le français aura la
reconnaissance qui lui est due comme langue de travail dans des entreprises
déterminées, c'est-à-dire qu'en somme nous comptons sur le
mouvement syndical pour utiliser le pouvoir, que nous lui donnons à
l'article 4, de présenter la cause des travailleurs et des ouvriers du
Québec auprès des employeurs et devant l'Office de la langue
française pour la promotion du français. Par conséquent,
ce n'est pas le pauvre diable ou le petit gars qui est mis au blanc, ce sont,
en somme, leurs représentants c'est-à-dire les syndicats, qui, on
le sait, ont une capacité particulièrement bien
développée de faire valoir la cause de ceux qu'ils
représentent. Alors, je dis donc que le mouvement syndical a ici
l'occasion vraiment d'utiliser l'article 4 pour faire les pressions voulues.
Maintenant, avant que les plaintes aient été portées
à l'Office de la langue française, je pense qu'il y aura
négociation, c'est-à-dire qu'un syndicat qui voudrait à un
moment donné introduire le français comme langue de travail dans
une entreprise où il représente les ouvriers, ce syndicat, avant
de porter plainte, irait évidemment voir l'employeur et ferait des
revendications. A ce moment-là, il y aurait une négociation sur
la question de la langue, et je ne pense pas que les entreprises du
Québec, qu'elles soient à capital américain ou anglais ou
à direction anglophone
résisteraient à une demande aussi légitime et
normale que celle du droit pour chacun de travailler dans sa langue.
D'ailleurs, les séances de la commission Gendron ont permis de
constater que, chez les grands employeurs du Québec, il y a un certain
éventail d'opinions, cela est clair, sur le rôle du
français dans l'industrie à l'heure actuelle. Toutes les opinions
ne sont pas uniformes. Les employeurs n'ont pas tous affirmé que la
langue anglaise devrait primer en toutes circonstances et constamment. Au
contraire, je pense que, même chez les employeurs qui ont
été les plus ré-fractaires à l'introduction du
français comme langue de travail, on trouve quand même chez eux la
reconnaissance de l'aspiration de la majorité française du
Québec de travailler dans sa langue, c'est-à-dire que, même
ceux qui sont les plus conservateurs, les plus ancrés dans la
façon traditionnelle de travailler au Québec ont quand même
ouvert la porte au bilinguisme, de telle sorte, je pense, qu'avec l'opinion pas
nécessairement unanime du Parlement ici mais enfin fortement majoritaire
du Parlement...
A ce point de vue-là, je ferai un reproche au
député de Laurier de venir affirmer qu'il s'agit là d'un
projet bipartisan. Peut-être que dans son résultat, il est le
résultat du travail des deux côtés de la Chambre, travail
auquel le député de Laurier a refusé de participer sinon
d'une façon négative, si c'est là un reproche que l'on
puisse adresser au gouvernement ainsi qu'à l'Opposition, je pense qu'on
fait fausse route parce qu'à ce moment-là, on veut dire que
l'Opposition n'est là que pour jouer un rôle négatif. Or,
nous avons conscience d'avoir cherché,tout au cours de ce débat,
à jouer un rôle positif dans une question qui dépasse la
partisanerie politique et qui ne doit pas devenir l'objet, en quelque sorte,
des passions politiques et qui n'aboutirait, en somme, qu'à diviser
l'opinion publique sur une question aussi grave que celle des droits de chacun
et des droits des deux groupes linguistiques dans cette province.
Alors, je conclus donc mes observations en disant ceci: C'est ce que le
député de Laurier a feint de ne pas voir c'est que, pour la
première fois dans un texte législatif, on affirme le droit de
travailler dans la langue française au Québec.
M. le Président, le premier alinéa de l'article 14a) se
lit comme suit: « L'Office de la langue française peut entendre
toute plainte de tout employé ou tout groupe d'employés à
l'effet que son droit à l'usage de la langue française comme
langue de travail n'est pas respecté. » Je veux bien croire que ce
n'est pas un droit absolu, parce qu'il est, en quelque sorte,
tempéré par l'alinéa qui suit. Il nous faut le
tempérer à cause des circonstances à cause de la
réalité dans laquelle nous vivons. N'empêche que
l'affirmation du droit se trouve dans cet alinéa. Le
député de Laurier, évidemment, est dépité du
fait qu'en réalité son opposition stérile à ce
projet de loi aboutit à un résultat qui, à mon avis, est
positif, au moins dans une large partie de ce projet de loi.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je crois qu'il
faut quand même, même si le débat a été long
tout le monde est las actuellement rétablir les choses.
Dans ce débat, nous de l'Opposition, nous n'avons pas cherché
à démolir le gouvernement à tout prix. Cela aurait
été trop facile dans une question de cette importance. Nous
n'avons pas cherché à exciter les passions populaires, mais nous
avons voulu analyser le pour et le contre et voir la situation objectivement.
S'il nous a été possible de contribuer à ce projet de loi
de cette façon positive, eh bien, à ce moment-là, cela
m'est parfaitement indifférent que le député de Laurier
vienne dire qu'il s'agit là d'un projet de loi bipartisan. En effet, que
l'on soit dans l'Opposition ou du côté ministériel, le
rôle des députés, c'est de contribuer au progrès du
Québec et non pas de se casser la figure verbalement, ni plus ni moins
ou de rechercher en somme le succès politique ou, enfin, le
succès dans certains milieux populaires.
Alors, M. le Président, je termine ces observations. Je pense que
le projet de loi, tel qu'il existe actuellement, n'est pas le projet de loi qui
nous a été présenté au début. Le bill 63
d'aujourd'hui n'est pas le bill 63 d'il y a un mois. Je pense que des
améliorations considérables ont été
apportées à ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle, avec
mes collègues, je voterai en faveur de ce projet de loi.
M. PROULX: M. le Président, tout a été dit de part
et d'autre. Je partage pleinement les positions et les idées
définies par mes brillants collègues de l'Opposition
circonstancielle et temporaire. Mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce nous a demandé, tout à l'heure,
d'être brefs. Je le serai. Je voterai donc contre le projet de loi en
troisième lecture.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, mes remarques seront très
brèves. L'on comprendra aisément qu'après près d'un
mois, au-delà de 50 heures de discussion sur un projet de loi, tous les
collègues soient passablement fatigués et qu'ils aient tous
hâte que nous mettions un terme à cette longue discussion.
Je serais, toutefois, très mal venu de ne pas, au moins, exprimer
au Parlement, les profonds remerciements que je dois à tous mes
collègues de cette Chambre, à l'immense majorité des
députés, sans oublier dans mon topo les cinq dont je parlerai
tantôt.
Ce projet de loi, je le qualifie de loi réaliste, de loi juste,
de loi nécessaire. Je n'ai pas l'intention d'écrire mes
mémoires ce soir, mais je pourrai dire que j'ai vécu, depuis
au-delà d'un an, sa conception. Elle a été laborieuse.
Elle a été parsemée de difficultés,
d'obstacles.
L'on ne m'en voudra pas d'exprimer à tous mes collègues de
l'Union Nationale mes profonds remerciements pour la confiance qu'ils nous ont
accordée, à mon collègue, le ministre de l'Education, et
à moi-même, au sujet du projet de loi.
Au départ, nous avions l'intention de ne franchir qu'une
étape, celle du domaine de l'enseignement. De là est venu le bill
63, tel qu'il a été présenté à la Chambre,
le 28 octobre dernier, en première lecture.
Par la suite et je n'ai pas à m'en cacher
après en avoir discuté avec plusieurs, l'on nous a indiqué
qu'il serait peut-être davantage à propos, au moment où
nous voulions adopter une politique de promotion de la langue française
dans le domaine de l'enseignement, d'y ajouter certains éléments
qui nous permettraient de poser des jalons en vue de l'établissement
d'une politique peut-être pas globale, mais d'une politique plus large
pour la promotion de la langue française.
J'ai alors, avec nos officiers légistes, examiné les
pouvoirs de l'Office de la langue française et nous avons jugé
à propos, au conseil des ministres, de suggérer des amendements
qui sont devenus les premiers amendements à l'article 4. Par la suite,
et nous n'avons pas dans un Parlement où comme le
député d'Outremont l'a noté tantôt, tous les
députés doivent participer à l'élaboration des
projets de loi à nous en cacher, nous avons accepté avec
plaisir les amendements qui ont été proposés par
l'Opposition officielle. Nous n'avons pas à nous en cacher.
Ces amendements ont apporté un complément en vue de poser
d'autres jalons pour la promotion de la langue française au
Québec. Est-ce que tout ce travail que nous avons accompli
laborieusement, est-ce que tout ce travail est complet? Est-ce qu'il est
parfait? Ce n'est pas à un homme qui siège au Parlement de
Québec depuis 22 ans que l'on viendra apprendre que les lois que nous
adoptons chaque année sont des lois parfaites. Au contraire, M. le
Président, elles vont s'améliorer.
Mais ce qu'il y a d'important dans les parlements, quels qu'ils soient,
et dans le nôtre en particulier, c'est que les périodes
d'hésitation cessent! Tant et aussi longtemps qu'il y a de l'action, il
y a de l'espoir. Le projet de loi 63 est une action législative
importante. Je n'ai pas à le juger davantage. Mais j'aime mieux, tout en
m'exposant à des dangers, j'aime mieux cesser d'hésiter et
agir.
Nous étions en train, au pays du Québec, de laisser
péricliter une situation qui, de l'aveu de ceux qui l'avait
créée, devait se renouveler et se répéter dans
d'autres secteurs du Québec. J'ai dit que nous avions adopté une
loi juste. Oui! Nous avons confirmé un état de fait qui existait
au Québec depuis cent ans. Mais qu'avons-nous à nous en
cacher?
J'ai déjà déclaré en ce Parlement, vers les
années 1954, au moment où en Colombie-Canadienne s'était
posé le problème de Maillard-ville, qu'il n'y aurait jamais de
Maillardville au Québec. Et il n'y en aura plus, tant et aussi longtemps
que nous serons là.
Oui, M. le Président, je ne souffre d'aucun traumatisme. Je n'ai
aucun préjugé. Je respecte mes compatriotes de langue anglaise,
mes compatriotes anglophones. J'ai dit que le Québec était une
terre de liberté, oui, mais une terre de responsabilité aussi.
J'invite mes compatriotes anglophones à assumer leurs
responsabilités envers la majorité francophone du Québec.
Au Québec d'abord!
Je pense que la voix quasi unanime de ce Parlement du Québec
d'un Québec qui fait encore partie du Canada et qui, quant
à moi, en fera partie encore que ce Parlement dans la
confédération canadienne aura donné, encore une fois, dans
l'histoire politique du Canada, un exemple aux autres provinces canadiennes
qu'ici nous savons non seulement respecter les droits, mais les confirmer.
J'espère que cet exemple sera suivi ailleurs par d'autres provinces du
Canada.
Quant à ceux-là qui ont jugé à propos
d'utiliser les armes de la procédure parlementaire pour pratiquer,
surtout depuis une semaine, une obstruction systématique, une
obstruction qui a même amené l'un d'eux à presque s'en
excuser, le député de Gouin, je n'ai pas à leur pardonner,
ils ont exercé un droit.
Personne en cette Chambre, depuis près d'un mois, n'a jamais
voulu, en aucune circonstance, brimer les droits des cinq qui ont exposé
leurs opinions, leurs idées, avec des actes répétés
d'amendements substantiellement les mêmes. C'est donc dire que c'est dans
un climat de liberté parlementaire un peu unique que cette petite
opposition, qui s'est elle-même qualifiée de circonstantielle, a
pu exercer tous
ses droits, les droits fondamentaux de la liberté de parole, de
la liberté d'expression et de la liberté d'obstruction.
M. le Président, je termine. Je remercie, en particulier, le chef
de l'Opposition, qui a fait ce que, moi aussi, j'ai essayé de faire, son
devoir. Et j'ai l'impression bien profonde, la conviction sincère que le
geste que l'immense majorité des parlementaires a posé à
l'occasion de ce projet de loi est l'écho fidèle de la voix
populaire véritable au Québec. J'ai l'impression qu'à
l'exception des cinq nous avons fait écho comme eux ont fait
écho à une minorité à l'immense
majorité de la population québécoise, que je connais.
Population québécoise franche, honnête, sincère,
loyale, respectueuse des droits des autres, des droits des anglophones,
respectueuse de la liberté.
J'ai l'impression que ce que nous voyons en Chambre, c'est la
reproduction fidèle de l'opinion du Québec. Loi juste, loi
réaliste, loi honnête, franche. Des dangers, oui. Ce n'est pas que
je veuille faire un discours de la Saint-Jean-Baptiste, mais j'ai foi dans la
ténacité, dans la fidélité, dans la loyauté
profonde de notre peuple à la culture et à la langue
françaises. J'ai foi là-dedans. C'est sans doute ce qui m'anime
et qui me fait comprendre que notre population n'est pas pessimiste, n'est pas
broyeuse de noir. Elle est optimiste et, malgré les dangers,
malgré les obstacles, notre peuple, non seulement va survivre, cette
étape est franchie, mais notre peuple va vivre, va rayonner et que la
langue française va y gagner au Québec. J'ai foi en ce peuple
avec qui je travaille depuis vingt ans dans un milieu... Quelques-uns ont voulu
prétendre qu'il m'impressionne, qu'il peut orienter mes actes dans une
certaine direction, parce que chez nous 29% de la population est anglophone. On
me connaît chez nous.
J'invite mes compatriotes anglophones, non seulement à
comprendre, non seulement à réaliser, mais à accepter que
le Québec doit être français si l'on veut que le Canada
demeure.
M. LE PRESIDENT: La motion de troisième lecture sera-t-elle
adoptée?
M. MICHAUD: Alea jacta est. DES VOIX: Vote! UNE VOIX: Adopté.
M. LESAGE: Je ne sais pas quelle est l'intention du premier
ministre.
M. BERTRAND: Voici, nous avons eu un vote cet après-midi. Si on
veut le recommencer, nous allons sonner les cloches, M. le Président et
voter. Plusieurs de mes collègues sont absents; du côté de
l'Opposition, c'est la même chose. Je pourrais indiquer, respectant
l'engagement que j'ai pris vis-à-vis de deux de mes collègues qui
se sont abstenus, qu'à l'exception de deux, tous mes collègues en
troisième lecture sont en faveur du bill. Je pense que le chef de
l'Opposition peut faire la même chose de son côté. Alors, si
on veut que les votes soient enregistrés, je n'ai aucune objection.
M. MICHAUD: M. le Président, nous serions satisfaits que
l'enregistrement du vote sur ma motion soit le même pour le vote de
troisième lecture afin d'éviter que la Chambre ne prolonge ses
travaux.
M. LESAGE: Voici, c'est qu'il y a, d'un côté, des
députés qui étaient ici cet après-midi et qui n'y
sont pas ce soir et, de l'autre côté, il y en a qui sont ici ce
soir et qui n'y étaient pas cet après-midi. Ils ne sont pas en
Chambre dans le moment, mais ils veulent voter. Je pense en particulier au
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. BERTRAND: On n'a pas d'objection à ce qu'il y ait un vote, au
contraire. Alors, appelez donc les députés, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
A l'ordre! Que les honorables députés qui sont pour la
motion de troisième lecture veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bertrand, Fréchette, Johnston,
Paul, Lizotte, Allard, Masse, Russell, Loubier, Cardinal, Maltais (Limoilou),
Cloutier, Beaulieu, Mathieu, Lussier, Beaudry, Bernatchez, Gauthier (Roberval),
Lavoie, Sauvageau, Plamondon, Gauthier (Berthier), Gagnon, Demers,
Léveillé, Desmeules, Croisetière, Hamel, Roy, Leduc
(Laviolette), Martel, Martellani, Cournoyer, Gardner, Murray, d'Anjou,
Bergeron, Picard (Dorchester), Shooner, Belliveau, Crôteau, Lesage,
Séguin, Lévesque (Bonaventure), Arsenault, Lafrance, Lacroix,
Beaupré, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Binette, LeChasseur, Harvey,
Coiteux, Blank, Choquette, Baillargeon, Kennedy, Mailloux, Théberge,
Lefebvre, Bienvenue, Saint-Germain, Fraser, Goldbloom, Pearson, Tetley,
Hanley.
M. LE PRESIDENT: Que les honorables député qui sont contre
la motion veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Lèves-que (Laurier), Mi chaud,
Proulx, Tremblay (Montmorency), Flamand.
M. LE SECRETAIRE: Pour: 67 Contre: 5 Yeas: 67 Nays : 5
M. BERTRAND: M. le Président... UNE VOIX: Cinq majorettes.
M. BERTRAND: Mes collègues absents m'ont demandé je
tiens à les nommer de dire que s'ils avaient été
présents, ils auraient voté en faveur de la motion de
troisième lecture. MM. Vincent, Gosselin, Tremblay (Chicoutimi),
Boudreau, Morin, Théorêt, Simard, Gauthier
(Trois-Rivières), Boivin, Lafontaine. Je pense les avoir tous
nommés. M. Bellemare, mon voisin de droite.
M. LESAGE: Bien oui.
M. BERTRAND: On oublie toujours celui qui est le plus près de
nous.
M. LESAGE: M. le Président, m'autorisant du
précédent que vient de créer le premier ministre, je
voudrais déclarer à mon tour que nos rangs sont peut-être
un peu plus clairsemés que les siens, mais disons que les mêmes
raisons qui faisaient qu'il y avait plus de sièges libres de l'autre
côté il y a quelques mois, eh bien! maintenant expliquent de
nombreuses absences de ce côté.
Je suis convaincu que les députés libéraux qui sont
absents à ce moment-ci auraient voté en faveur de la
troisième lecture du projet de loi. C'était une décision
du caucus qui était unanime, et tellement unanime que le seul qui n'a
pas pu nous suivre s'en est exclu lui-même. Mais cependant certains
députés m'ont demandé personnellement, et à ce
moment-ci je m'en tiens à la liste de ceux qui m'ont fait une demande
personnelle, de déclarer M. le Président, que s'ils avaient
été ici, ils auraient voté en faveur de la
troisième lecture.
Ce sont les députés d'Abitibi-Ouest, de Drummond, de Hull,
de Stanstead, d'Argenteuil, de
Gatineau et de Bourassa. Ce dernier, le député de
Bourassa, a dû subir une intervention chirurgicale mineure; il est en
convalescence et ça va beaucoup mieux.
M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
M. MICHAUD: M. le Président, puis-je rapidement annoncer, enfin
pour ce qui me concerne, la dissolution de l'opposition circonstantielle?
M. BERTRAND: Nous savions que ça ne durerait pas beaucoup.
M. PAUL: Bien voici, M. le Président, peut-être que tous
les députés conviendront de l'avantage et de la
nécessité d'ajourner immédiatement nos travaux.
Je voudrais cependant, avant de faire la motion d'ajournement, donner
l'ordre de nos travaux pour demain. Nous serons de nouveau en comité
plénier pour le bill 24, Loi des heures d'affaires des
établissements commerciaux, pour ensuite reprendre l'étude en
deuxième lecture du bill 23. Après la deuxième lecture,
nous appellerons la deuxième lecture du bill 54, Charte de la
société québécoise d'initiatives
pétrolières, si le temps nous le permet.
M. LESAGE: Après la deuxième lecture? M. PAUL:
Après la deuxième lecture.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre n'est pas disposé à ce
que nous procédions au stade du comité?
M. PAUL: II semblerait...
M. LESAGE: J'ai eu une conversation avec le député de
Montcalm ce soir et j'avais compris que nous procédions à la
deuxième lecture, ensuite au stade du comité. C'est assez long,
ça.
M. PAUL: Demain, nous pourrions convenir des heures de séance: de
10 h 30 à 12 h 30 et de 2 h 30 à 5 h. Alors, je propose
l'ajournement de la Chambre à demain matin, 10 h 30.
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux 5 demain matin, 10 h
30.
(Fin de la séance: 22 h 37)
ANNEXE
Les organismes et particuliers suivants ont exprimé leur point de
vue et leurs observations sur ledit projet de loi étudié par
votre Commission: 1. L'Office de révision du Code civil; 2. La Chambre
des notaires du Québec; 3. Le Barreau du Québec; 4. La Voix des
femmes (section du Québec); 5. La Fédération des
travailleurs du Québec (FTQ); 6. La Confédération des
syndicats nationaux (CSN); 7. L'Association des femmes de carrière du
Québec; 8. L'Association féminine d'éducation et d'action
sociale; 9. La Fédération des femmes du Québec; 10. La
Fédération des Unions de famille; 11. Le Protecteur du citoyen;
12. La Ligue des droits de l'homme; 13. L'Association canadienne des compagnies
d'assurance-vie; 14. L'Association des compagnies de fiducie du Canada;
Et à titre individuel: 15. Me Ernest Caparros, professeur
à la faculté de Droit de l'Université Laval; 16. Me Ian
Baxter, membre du Barreau de l'Ontario et de « The Ontario Law Reform
Commission ».