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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le jeudi 16 juillet 1970 - Vol. 10 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes! A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de comités élus.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

M. BOURASSA: M. le Président, suivant les prescriptions de l'article 9, chapitre 14 des Statuts refondus du Québec, 1964, je dépose en deux copies les arrêtés en conseil accordant une pension de retraite aux membres du personnel de la Fonction publique, de même que les arrêtés en conseil des Affaires intergouvemementales, tel que prescrits par la loi.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais déposer — ce que j'aurais dû faire hier, si le document avait été prêt — une réponse à une question du député de Lotbinière.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, j'aimerais déposer les renseignements relatifs aux normes touchant les bourses d'études attribuées par le ministère aux étudiants universitaires, ainsi que les noms des bénéficiaires, en réponse à une question du député de Montcalm, posée lors de l'étude des crédits du ministère des Richesses naturelles.

M. LE PRESIDENT: Questions des députés. L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Cadillac Moly Mines

M. SAMSON: M. le Président, c'est en regard d'une question que j'ai posée cette semaine, concernant la Cadillac Moly Mines. J'adresse ma question au ministre du Travail. Je sais, par la réponse qui nous a été donnée, que des employés du ministère, des hauts fonctionnaires, sont actuellement à faire une enquête. Je demanderais au ministre s'il pourrait nous dire, à ce moment-ci, s'il y à des développements.

M. LAPORTE: Le fonctionnaire qui est allé sur place, M. Gignac, est actuellementen route duNord-Ouest vers Montréal.Il estprobablement arrivé à l'heure où je vous parle.J'ai demandé à mon chef de cabinet d'entrer en contact avec M. Gignac.

Je devrais avoir des renseignements précis d'ici quelques minutes. Peut-être que cette Chambre me permettrait, même si la période des questions est terminée, de les donner aussitôt que je les aurai, dans le courant de la journée.

M. PAUL: C'est parfait.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

Regroupement scolaire

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre de l'Education. Pour faire suite à la rencontre qui a eu lieu, mardi dernier, avec le représentant des parents catholiques de la régionale de l'Amiante, le ministre de l'Education pourrait-il dire à cette Chambre s'il a l'intention de reporter le projet de regroupement des 8e et 9e années à l'an prochain dans cette régionale, tel que demandé par cette association?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'ai déjà rencontré l'association depuis plus d'un mois. Nous avons discuté de la chose avec les responsables de la régionale de l'Amiante, les commissaires d'école qui sont dûment élus pour avoir un mandat sur le plan local dans le système scolaire. Nous notons que c'est un endroit de la province où ce décloisonnement, cette ouverture des options pour faciliter l'accessibilité de l'enseignement à toutes les écoles, vient tout juste de se produire. Je suis sensible aux représentations de l'association des parents catholiques, mais je ne crois pas dans l'intérêt des fins que nous poursuivons dans l'éducation de retourner au système qui voulait que l'école secondaire se poursuive au niveau local dans de petits groupes n'offrant pas les options nécessaires à la formation des jeunes.

M. ROY (Beauce): M. le Président, question supplémentaire. Si j'en juge par les représentations qui ont été faites, il ne s'agit pas de retourner à l'ancien système, mais l'association a bien demandé de retarder d'un an pour pouvoir faire les préparatifs nécessaires.

M. SAINT-PIERRE: Le ministre calcule que

retarder d'un an, dans bien des cas, c'est retourner en arrière.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Tarsal Ease Shoe

M. LAURIN: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. L'industrie de la chaussure, comme vous le savez, connaît actuellement de graves difficultés dans tout le Canada en général, mais surtout au Québec. La fermeture de Tarsal Ease Shoe, qui vient de licencier ses 110 employés, n'en est qu'un autre exemple.

Bien sûr, il y a là une responsabilité fédérale, puisque le problème des tarifs douaniers et du contingentement relève exclusivement d'Ottawa, mais il y a aussi une responsabilité provinciale en ce qui a trait, par exemple, aux relations patronales ouvrières. Le rapport de la commission provinciale d'enquête Picard, qui traitait de tous ces aspects provinciaux du problème, est entre les mains du gouvernement depuis novembre 1968. Il me semble qu'Userait important que la Chambre et le public en connaissent les données et les recommandations. Est-il dans les intentions du gouvernement de déposer bientôt en Chambre le rapport de cette commission?

M. BOURASSA: Je n'ai aucune objection, mais je voudrais en discuter avec le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. LAURIN: Il me semble que le premier ministre peut demander à son ministre de l'Industrie et du Commerce de déposer ce rapport,

M. BOURASSA: Je préfère en discuter avec le ministre responsable et avec ses hauts fonctionnaires pour voir les implications du dépôt; mol, Je n'y vols pas d'objection et je ne vois pas pourquoi il y en aurait, mais je voudrais en discuter avec lui.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abltibi-Ouest.

Pollution de l'eau

M. AUDET: Ma question s'adresse au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, mais, en son absence, je l'adresserai au premier ministre. En ce qui a trait au bill 30, est-ce que ceux qui polluent les eaux peuvent être tenus assez responsables pour être poursuivis et pénalisés en conséquence?

M. LAPORTE: C'est ce qui s'est produit en Saskatchewan et dans une autre province, je pense.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. GARNEAU: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait de revenir, pour un instant, aux dépôts de documents pour déposer le rapport annuel de Sidbec: Il y en aura des copies pour tous les députés.

M. LAPORTE: M. le Président, je remercie d'abord tous les membres de cette Chambre qui ont accepté que nous siégions à dix heures ce matin plutôt qu'à onze heures, en dépit de la décision qui avait été annoncée à six heures hier soir. La commission parlementaire de l'Assemblée nationale devait entendre, à la demande du Parti québécois, M. Jacques-Yvan Morin, l'expert constitutionnel, mais malheureusement M. Morin est en Europe et on nous a demandé d'ajourner à plus tard cette réunion.

Le programme des travaux de la journée, tel qu'annoncé hier: D'abord, le bill 29, parc Forillon. Deuxièmement, nous songions à amener immédiatement le projet de loi sur la Communauté urbaine de Montréal, mais, comme il y a deux amendements à la rédaction, cela viendra dès que ces amendements seront prêts à être soumis à la Chambre.

Deuxièmement, ce sera la Loi du Grand Théâtre. Après la deuxième lecture — je crois qu'il y a entente entre les membres des divers partis — le projet de loi sera immédiatement déféré à la commission parlementaire sur les Affaires culturelles pour étude,clause par clause. Nous continuerons, ici à l'Assemblée nationale.

M. PAUL: Pour éviter tout malentendu, quand l'honorable député parle d'entente, je dirai que nous avons été pressentis.

M. LAPORTE: Vous avez été pressentis.

M. PAUL: Oui.

M. LAPORTE: Bon, d'accord.

M. PAUL: L'ancien ministre verra probablement et, c'est possible, à condescendre à accepter le...

M. BOURASSA: Merci. Merci beaucoup.

M. LAPORTE: Je n'ajoute rien pour ne rien gâter.

M. BERTRAND: Autrement dit, à descendre en commission.

M. LAPORTE: Ensuite, nous étudierons le bill no 27 Loi concernant la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation, la Loi modifiant le code du travail et pour terminer les deux projets de loi inscrits au nom du ministre M. Castonguay et nous reviendrons à l'article 2, reprise du débat sur la motion de M. Bourassa proposant que M. le Président quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des voies et moyens. Lorsque nous serons en comité des voles et moyens, nous ferons les procédures pour d'adoption du bill des subsides. Le débat sur le budget va reprendre dès que nous aurons fini les travaux.

M. BERTRAND; Pour continuer la semaine prochaine.

M. LAPORTE: Enfin, la semaine prochaine, la semaine suivante, l'été prochain, jusqu'à épuisement ou du sujet ou des députés.

M. PAUL; N'ajoutez rien pour ne rien briser.

M. LAPORTE; M. le Président, je vous demanderais poliment de bien vouloir appeler l'article no 4.

M. LE PRESIDENT; L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 29, Loi concernant le parc Forillon et ses environs.

L'honorable ministre des Affaires municipales.

Parc Forillon

M. TESSIER: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et en recommande l'étude à la Chambre.

Le projet de loi no 29 concernant le parc Forillon est la suite logique des événements qui se sont produits depuis quelques années. Il a débuté avec l'entente Canada-Québec signée à Rimouski le 26 mai 1968 par l'ancien premier ministre de la province, M. Daniel Johnson, avec le gouvernement fédéral.

En effet, dans cette entente Canada-Québec pour le développement du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, il y avait, entre autres, l'article 55 qui mentionnait ceci: Le Canada entreprendra l'aménagement d'un parc dans la pres- qu'île de Forillon. Le Québec se chargera de l'achat du terrain, puis le cédera à bail libre de charges au Canada pour une période et à des conditions acceptables aux deux parties.

Pour donner suite à cette première entente du 26 mai 1968, des négociations ont eu lieu entre les deux gouvernements. Elles aboutirent le 8 juin 1970, alors qu'une convention fut signée entre les deux gouvernements, spécifiant, entre autres, que le Québec s'engage à prendre les mesures nécessaires, avant le 31 décembre 1970, pour libérer les terrains de toute charge dont ils pourraient être grevés ou pour en acquérir, le cas échéant, la propriété libre de charges; aviser le Canada, au fur et à mesure que les dits terrains auront été libérés ou acquis, et donner libre jouissance desdits terrains au Canada avant le 31 décembre 1970.

Ceci est une des obligations du Québec dans cette entente. D'autre part le gouvernement canadien s'engage à ce que l'aménagement et l'administration reflètent la dualité linguistique du Canada et plus particulièrement le caractère français du Québec. Le Canada s'engage, en plus, à préparer ou à faire préparer un plan d'aménagement du parc, lequel devra, avant d'être mis à exécution, avoir été soumis, pour consultation., au ministre provincial. Pour sa part, le Québec s'engage à préparer ou à faire préparer un plan d'utilisation des terrains des zones limitrophes au parc, en respectant l'objet, la beauté naturelle et les qualités esthétiques dudit parc.

Le bail est pour une période de 99 ans, mais il est stipulé à l'entente qu'après une période de 60 ans le Québec peut acquérir du gouvernement canadien le parc Forillon, en lui remboursant toutes les dépenses en immobilisation qui ont été faites par le gouvernement central.

Dans l'entente également, en annexe, apparaissent les montants qui doivent être dépensés durant une période s'étendant de 1970 à 1976-1977, pour un total, à l'échéance, de $8,887,000. Alors, ceci est donc l'apport du gouvernement fédéral.

Quant à la part du gouvernement du Québec, il est prévu que, pour les fins d'expropriation de même que la relocalisation des personnes, des familles qui logent présentement sur l'emplacement du parc Forillon, le paiement des indemnités de déplacement, le paiement d'indemnité également pour les reloger, le transport de cimetières, le tout à été évalué à $5,300,000.

Nous avons dans le présent budget fixé un montant de $1,500,000 à être dépensé au cours du présent exercice financier. Ce montant couvrira tous les frais afférents à l'achat, libres

de toute charge, des terrains en question.

La présente loi a donc pour but d'abord d'exproprier tous les terrains, bâtiments qui se trouvent à l'intérieur des limites du parc Forillon dont la description apparaît en annexe à ladite loi. Cette expropriation est devenue nécessaire parce qu'en vertu de la Loi des terres et forêts de même qu'en vertu de la Loi de la colonisation, il existe certaines dispositions auxquelles il serait impossible de déroger si l'on procédait par les voies normales de l'expropriation, c'est-à-dire en vertu des dispositions du code civil.

Le ministère des Travaux publics n'aura pas l'autorité, en vertu des lois actuelles, de procéder si nous n'adoptons pas la présente loi qui donnera à ce ministère, c'est-à-dire au gouvernement, les pouvoirs de procéder de la même manière qu'il est prévu à la Loi du ministère de la Voirie, c'est-à-dire par simple dépôt des plans et négociation avec les propriétaires. Si on ne s'entend pas, on suivra la procédure normale qui est de soumettre les cas d'expropriation à la Régie des Services publics. Voilà pour la première partie de la loi en ce qui concerne l'expropriation.

Il est également prévu à la Loi des cimetières que lorsque, pour des fins d'intérêt public, il y a lieu de déplacer un cimetière, on doit payer une compensation à la corporation du cimetière ou aux personnes intéressées dans ledit cimetière. Or, nous dérogeons, par la présente loi, à ce qui existe dans les autres lois et, au lieu de payer une indemnité, c'est le gouvernement qui se chargera lui-même du transport des corps qui peuvent être dans les cimetières compris à l'intérieur des limites du parc Forillon.

La présente loi prévoit également qu'il y aura lieu de procéder le plus tôt possible à l'aménagement du territoire périphérique au parc et ceci, comme vous l'avez remarqué, apparaît dans l'entente signée le 8 juin dernier. C'est pour donner suite à cette entente qu'il sera nécessaire de réaménager complètement tous les abords du parc.

Comme il y a un nombre considérable de municipalités, soit en tout, une douzaine, vous comprendrez facilement que toutes ces petites municipalités dispersées, et dont quelques-unes seront nécessairement morcelées par l'expropriation du territoire du parc Forillon, n'ont ni les pouvoirs, ni les capacités administratives pour dresser, par exemple, un plan directeur d'urbanisme. C'est pourquoi la loi prévoit la nomination d'un administrateur ainsi que d'un administrateur adjoint qui, au cours des douze prochains mois, auront les pouvoirs de mettre sur pied un plan directeur d'urbanisme, de faire adopter des règlements de construction et de zonage, et également, d'exercer une surveillance sur les finances de toutes les municipalités en question. Je dois déclarer à ce moment, M. le Président, que c'est l'Intention du ministère des Affaires municipales de procéder, dans l'année qui suivra l'adoption de la présente loi, au regroupement de 18 municipalités pour n'en former que deux qui seront celles de Gaspé et de Percé.

L'expérience nous démontre que souvent il arrive que, lorsque des municipalités sont en instance de fusion ou d'annexion, celles-ci en profitent pour faire des dépenses qui ne sont ni urgentes, ni nécessaires. Afin de prévenir un tel état de choses, l'administrateur de même que l'administrateur adjoint auront les pouvoirs d'approuver ou de désapprouver telles dépenses. En résumé, cela revient tout simplement à dire que les 18 municipalités en question sont mises en tutelle pour une période d'environ un an, c'est-à-dire jusqu'à ce que le regroupement ait eu lieu. Et il est de mon intention, en tant que ministre des Affaires municipales, de présenter, dès la prochaine session, une autre loi connexe à celle-ci, afin de fusionner les dix-huit municipalités en question et d'en faire deux municipalités, comme je l'ai mentionné.

Vu que la session est assez courte, vu qu'il y a plusieurs implications lorsqu'il s'agit de fusions de municipalités, il faut examiner tous les règlements des différentes municipalités. Il s'agit là, par conséquent, d'un travail assez laborieux et nous n'avions réellement par le temps de présenter les deux projets de loi à la même session. C'est ce qui explique que nous nous sommes fixé un délai d'un an pour donner suite à cette partie de la loi en ce qui concerne les fusions de municipalités.

Je crois, M. le Président, que c'est là l'essentiel de la loi. Evidemment, il ne faut pas perdre de vue son but premier qui est de promouvoir l'essor économique de la péninsule de Gaspé. Tout ça découle des études qui avaient été entreprises par le BAEQ et de l'entente Canada-Québec de 1968, à laquelle j'ai référé tout à l'heure. Nul doute qu'avec la création d'un parc national dans la péninsule de Forillon et avec tous les aménagements connexes qui seront faits, soit par le ministère de la Voirie, soit par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, nous réussirons à attirer dans la péninsule de Gaspé un nombre considérable de touristes. Le but que ce fixe le gouvernement en aménageant le parc Forillon et ses abords et en fusionnant ces 18 municipalités c'est donc d'attirer les touristes, ce qui contribuera directement à relever le niveau économique de cette partie du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Sud.

M. Guy Fortier

M. FORTIER: M. le Président, vous comprenez que, comme représentant du comté de Gaspé-Sud, il me fait plaisir d'appuyer ce projet de loi et de féliciter le gouvernement, le ministre des Affaires municipales et des Travaux publics pour la célérité avec laquelle il a présenté ce projet de loi.

La Gaspésie — je crois que tous les représentants en cette Chambre sont de mon avis — a toujours été un peu défavorisée à cause des distances qui la séparent des grands centres et aussi des centres industriels, la laissant à la merci de certaines contingences économiques qui, dans bien des cas, n'ont pas joué en sa faveur.

Nous avons là un moyen, en stimulant le tourisme, d'augmenter le développement économique de la Gaspésie. Le tourisme demeure, malgré tout, l'un des secteurs les plus importants que l'on puisse développer en Gaspésie. Il est l'une de nos richesses vitales. Si ce coin du Québec est quelque peu éloigné des grands centres, il n'en demeure pas moins le plus attrayant de toute la province du Québec.

Certes, le Québec dispose de nombreux acteurs qui peuvent aider l'économie touristique, mais nous devons tout faire pour mettre en place les éléments qui pourront nous aider à faire de cette province l'une des mieux équipées sur le plan touristique.

Sur le plan économique, le parc Forillon sera un facteur très stimulant pour les électeurs que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre. Si l'on se base sur l'expérience qui a été vécue dans les autres parcs du Canada, particulièrement dans l'Ile du Prince-Edouard, où de nombreux Québécois vont en vacances chaque année, nous ne pouvons qu'en espérer d'excellents résultats. L'afflux de visiteurs, grâce à la collaboration des deux gouvernements, pourra fournir, d'après les chiffres des estimateurs, un nombre approximatif de 3,000 nouveaux emplois d'ici quelques années.

S'il est bien une région qui souffre actuellement de la plaie principale de notre économie, le chômage, c'est bien celle de la Gaspésie. La présente loi s'inscrit dans le cadre du but principal du gouvernement actuel, soit enrayer, dans le plus bref délai, ce malaise profond qu'est le chômage. M. le Président, permettez-moi de mentionner que la population que je représente n'a pas le moyen de se payer le luxe d'une guerre constitutionnelle ou technique avec une autre autorité gouvernementale, mais elle attend avec impatience la solution de ses problèmes économiques.

Sans vouloir ouvrir des débats inutiles à ce sujet, nous ne perdons absolument rien de notre autonomie, que nous accorde la constitution, en coopérant avec le gouvernement fédéral, qui dépensera plus de $15 millions pour aider cette région du Québec. Un gouvernement provincial qui agit ainsi a une politique réaliste qui donne l'exemple de ce qui constitue un fédéralisme rentable. Je suis aussi heureux de constater que le projet de loi va permettre de fusionner des municipalités périphériques au parc Forillon, ce qui permettra ainsi une meilleure administration de ces différentes municipalités.

Les gens de mon comté, avec qui j'ai discuté, durant la dernière campagne électorale, de ce projet, l'ont approuvé, avec une majorité respectable.

Chacun comprend que l'aménagement du parc Forillon, en plus de donner de l'emploi, va augmenter l'industrie touristique et va aussi inciter le ministère de la Voirie à construire des routes qui vont améliorer le système routier de la Gaspésie. C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que je suis certain que tous les représentants de la Chambre sont prêts à accepter ce bill. Je suis heureux de l'appuyer et de dire que tous les gens de Gaspé-Sud l'appuient également. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. Bernard Dumont

M. DUMONT: M. le Président, si nous avions eu en cette Chambre les patriotes d'autrefois, de la trempe de Bourassa, Lavergne et bien d'autres, et s'ils avaient entendu le député de Gaspé-Sud dire que nous n'avons pas les moyens d'engager un débat constitutionnel, probablement que des protestations énergiques seraient venues de leur part. Comme nous avons nous, personnellement — parce que du côté économique nous sommes d'accord qu'il y a beaucoup à faire dans cette province — transmis nos protestations énergiques hier, je ne reviendrai pas tellement sur le sujet. Je sais cependant que la population jugera que ces paroles sont peut-être les paroles de gens qui acceptent, en parlant d'un fédéralisme rentable, de vendre nos droits pour un plat de lentilles. Au début de ce bill, moi aussi j'ai un peu frémi en lisant ces quelques mots: « Ce projet a d'abord pour objet de permettre au gouvernement du Québec d'acquérir rapidement la propriété, pour en transférer la possession

au gouvernement du Canada... » Voici que le Québec a des droits et on prend des mesures, on adopte des lois pour se dépêcher de céder ces droits au gouvernement du Canada. A la page 3, l'article 8 autorise le gouvernement du Québec à donner au gouvernement du Canada « libre jouissance des terrains » requis pour le parc.

C'est ce que j'appelle perdre petit à petit nos droits, sous prétexte qu'un fédéralisme rentable est nécessaire. Pour des questions économiques, nous nous empressons de perdre nos droits. M. le Président, considérant que dans ce coin du Québec, ce coin de la Gaspésie, il y a beaucoup de chômage, beaucoup de difficultés, nous sommes d'accord qu'il était nécessaire de faire quelque chose et nous sommes d'accord pour que ce parc soit développé mais je pense qu'il faut remarquer les mots qui sont cités dans ce projet de loi et par lesquels nous abdiquons, nous Québécois, nos droits.

Personnellement j'ai un peu d'inquiétude à savoir que nous allons développer là un parc, mais qu'il n'y aura pas encore de moyens de transport assez rapides pour en profiter. Je pense à une population comme celle de la ville de Montréal, 2.5 millions, tout près de 3 millions si on considère les environs, alors qu'avec un moyen de transport qui serait l'avion... Pour Jasper et Banff, on a pensé à toutes ces choses avant d'organiser des parcs.

Je déplore beaucoup que nous soyons encore dans l'avenir obligés d'entreprendre une longue tournée en automobile pour nous rendre dans ce parc, qui devrait depuis longtemps être aménagé.

En effet, nous sommes tous persuadés, nous, Québécois, que la Gaspésie est un des plus beaux coins de la province de Québec. Seulement, le transport demeurera toujours un grave problème. Je sais que l'on a longtemps discuté, même sous une autre juridiction, d'un chemin de fer, ce qui n'existe même pas encore. Alors que nous pouvons nous déplacer très rapidement de Québec à Montréal, il nous faudra encore 18 ou 20 heures pour rejoindre ce parc, même si on tente d'améliorer certaines routes, à l'heure actuelle.

A tout événement, il reste que, si 3,000 emplois sont créés là-bas par des millions qui viennent et qu'on semble pressé d'avoir, des problèmes économiques existent sur une haute échelle. J'invite le gouvernement à bien les considérer, pour que la population bénéficie de tous les avantages possibles. Je sais que, dans ce coin de la Gaspésie, dans les 18 municipalités que nous allons regrouper bientôt, selon ce que le ministre a déclaré, il y a des cultivateurs qui voudraient, pour les 3,000 nouveaux emplois qui seront créés, fournir les produits nécessaires. J'ose espérer que le gouvernement verra à ce que les produits agricoles ne viennent pas de l'Ontario ni des Etats-Unis, par exemple. Les cultivateurs de cette région sont compétents. Ils pourraient être les fournisseurs, les vendeurs de ces produits à ceux qui travailleront à ce parc et aux touristes lorsqu'ils arriveront. Afin de connaître une prospérité constante en Gaspésie, il faut cesser d'importer ces produits qui nous viennent du reste du Canada, pour une bonne partie, mais très souvent aussi des Etats-Unis.

Enfin, il y a le problème de la nomination de l'administrateur, de son adjoint et de plusieurs autres administrateurs. J'ose espérer que ces administrateurs seront surtout nommés pour leur compétence et qu'on ne verra pas là des nominations politiques. Il y a toujours danger, lorsque des organisations semblables sont ébruitées dans les journaux, que des recommandations viennent au ministre pour que le tout soit une récompense politique. Nous faisons confiance au ministre pour qu'il voie à ce que ce soit surtout la compétence des administrateurs qui soit jugée.

De plus, je voulais poser ces dernières questions, à la suite des remarques que j'avais à faire au ministre. Il a parlé des 18 municipalités qui seront regroupées; est-ce que Percé et Gaspé sont incluses dans la tutelle dont il nous a parlé ce matin? Comme il parle de regroupement, est-ce que, quand le regroupement serait fait, Percé et Gaspé, si elles sont sous la tutelle, demeureront encore sous la tutelle du gouvernement provincial? Ce sont à peu près les seules observations que nous avions à faire. Nous nous déclarons en faveur du projet de loi parce que nous croyons que cela aidera à réduire le chômage qui existe à une haute échelle.

M. TESSIER: Je pourrais peut-être répondre tout de suite aux deux questions, étant donné qu'elles m'ont été adressées directement. Je n'ai pas voulu interrompre mon collègue. Evidemment, Percé et Gaspé demeureront et, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ce sont les deux seules villes qui demeureront. Les 18 municipalités seront regroupées autour de Gaspé qui formera un grand Gaspé et autour de Percé qui demeurera également avec un territoire étendu. Il est évident qu'il n'est pas question de prolonger la tutelle sur Gaspé ou sur Percé après que le regroupement aura été effectué.

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: Que le Québec ait besoin de parcs naturels bien aménagés, cela est une évidence. Le Québec est, en effet, une terre privilégiée pour le tourisme. Le tourisme est en train de constituer une de nos ressources nationales les plus fécondes et la population, surtout dans certaines régions, a absolument besoin de cet apport afin de relever son économie.

Nous sommes donc favorables à la création de parcs stratégiquement situés au Québec, très bien aménagés, à l'exemple de ce qui s'est fait de mieux dans les autres pays, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, afin que notre potentiel touristique attire de plus en plus, non seulement les Québécois, non seulement les Canadiens, mais nos Américains d'outre-frontière afin qu'ils puissent admirer notre province, notre Québec, mais aussi qu'ils laissent ici leurs dollars et contribuent, de cette façon, à améliorer d'une façon substantielle le niveau de vie de nos habitants.

D'ailleurs, le Québec a déjà commencé dans cette voie. Il a déjà beaucoup dépensé pour l'aménagement de ces parcs et, jusqu'ici, il l'a toujours fait à son propre compte. Nous sommes donc convaincus que ce qui a été commencé doit être poursuivi et d'une façon, peut-être plus rapide encore puisque l'industrie touristique prend de plus en plus d'ampleur et que notre économie en a de plus en plus besoin.

Il reste, cependant, M. le Président, que le projet qui nous est soumis prend une importance historique du fait que ce sera la première fois que le Québec signera une entente avec le gouvernement fédéral pour l'établissement d'un parc national sur son territoire.

En effet, ce projet a d'abord pour objet de permettre au gouvernement du Québec d'acquérir rapidement la propriété, pour en transférer la possession au gouvernement du Canada, des terrains nécessaires à l'aménagement du parc Forillon en Gaspésie, ainsi qu'on peut le lire à l'article 1 du projet de loi numéro 29.

Jusqu'ici le Québec n'avait jamais accepté de céder une partie de son territoire pour en confier l'administration au gouvernement d'Ottawa. A la fin de l'année financière 67/68, on estimait que le gouvernement central avait dépensé $262,348,025 pour l'aménagement de tels parcs nationaux au Canada. De cette somme, le Québec n'a rien reçu puisqu'il n'existe aucun de ces parcs dans notre province. Pourtant, la Colombie-Britannique en a quatre, 1'Alberta en a cinq, la Saskatchewan en a un, le Manitoba en a un, l'Ontario en a trois, le Nouveau-Brunswick en a un, l'Île-du-Prince-Edouard en a un, laNouvelle-Ecosse en a deux et Terre-Neuve en a un.

Concernant cet aspect pratique, on peut s'interroger sur le nombre de millions de dollars que le Québec aurait dû recevoir s'il avait voulu se plier aux exigences du gouvernement fédéral. Dans un article récent paru dans le Devoir, un professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa estimait ces montants perdus à $50 millions. Par conséquent, écrivait-il, ce n'est pas un parc de $10 millions que le Québec devrait recevoir, mais bien cinq parcs de $10 millions. Pourtant, le Québec n'a jamais cédé jusqu'ici aux emprises du gouvernement fédéral en ce domaine. Même M. Lesage, qui avait été ministre des Affaires indiennes et responsable des parcs nationaux à Ottawa, n'avait pas cru opportun ni bon de négocier avec le gouvernement fédéral la création de ces parcs au Québec lorsqu'il fut devenu premier ministre de cette province.

Comme le soulignait un journaliste du Devoir dans un article publié en mars 1970, ce n'est pas par hasard ni par oubli que notre province est restée hostile à cette intervention d'Ottawa chez elle. Même lorsque les deux gouvernements étaient en harmonie, comme durant les longs régimes libéraux d'Alexandre Taschereau et de Mackenzie King, le Québec a préféré se priver de tels avantages plutôt que de céder des parties importantes de son territoire au gouvernement fédéral.

Pourquoi, M. le Président, le Québec ne s'est-il pas prévalu de ce programme fédéral dans le passé? C'est que l'aménagement d'un tel parc soulève un problème constitutionnel épineux. En vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, l'aménagement du territoire est une fonction provinciale. Il est assez évident que l'aménagement d'un parc pour la conservation de la flore et de la faune, pour l'essor du tourisme et de la récréation, fait partie de l'aménagement du territoire et ne peut être rattaché à une fonction du gouvernement fédéral. Le fait que les autres provinces aient accepté cet empiétement du gouvernement fédéral sur leurs territoires ne change absolument rien à la constitution.

L'aménagemant de tels parcs est donc une dérogation au partage des pouvoirs établi en 1867.

La loi fédérale relative aux parcs nationaux stipule que ces parcs sont des terres appartenant à Sa Majesté ou dont le gouvernement du Canada a le pouvoir de disposer, y compris les eaux s'étendant ou coulant sur ces terres ainsi que les ressources naturelles de ces terres. Il s'agit donc d'un empiétement sur le domaine des ressources naturelles et du territoire qui relèvent normalement des provinces.

Ottawa prend toujours les mêmes méthodes pour empiéter sur les droits provinciaux et confirmer son pouvoir centralisateur. Il ne peut pas forcer une province à lui céder ses prérogatives, mais il prend une voie détournée et il offre des subventions ou des investissements condionnels, comme cela s'est fait dans tellement de domaines. Si les provinces veulent en profiter, elles doivent s'incliner devant les conditions imposées par le gouvernement central, elles doivent entrer dans le carcan qu'on leur impose par voie législative. Si le gouvernement provincial résiste et entend protéger les prérogatives constitutionnelles du Québec, le gouvernement fédéral lui force la main en faisant appel directement à la population concernée. Cest encore la tactique utilisée par un ministre fédéral lorsqu'il prononce, en avril 1969, un discours devant la Chambre de commerce régionale de Gaspé au sujet de l'aménagement d'un parc national dans la presqu'île de Forillon. Ainsi, la perche était tendue. L'idée allait faire son chemin. On profitait de la pauvreté d'une population pour lui faire miroiter les millions de dollars et les centaines d'emplois, afin que, par cette pression, on force le gouvernement du Québec à accepter les empiétements du gouvernement fédéral.

C'est donc le couteau sur la gorge que le gouvernement fédéral oblige le gouvernement québécois à négocier une telle entente. C'est ce qui faisait dire à l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales, en avril dernier: Si, dans la confédération canadienne, vivre à deux, c'est vivre à genoux, je préfère alors vivre seul mais vivre debout.

A ce sujet, les déclarations du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien représentent le fédéralisme « one way » que le gouvernement libéral d'Ottawa veut imposer au Québec. Si le gouvernement actuel et certains groupes veulent demeurer en marge de la confédération, disait ce ministre, c'est leur droit. Mais, qu'ils ne viennent pas demander au gouvernement fédéral de l'argent pour les appuyer dans leur positionl Si nous sommes dans la confédération, c'est pour tirer parti de tous les avantages qu'elle nous offre, sinon il vaut mieux ne pas en faire partie.

Voilà le dialogue qui s'est établi dans les relations fédérales-provinciales, c'est-à-dire: Vous soumettre ou en sortir. Seule la position fédérale, selon ces gens, est logique. Tous ceux qui tentent de s'y opposer sont des séparatistes ou des crypto-séparatistes. Le fédéralisme sera rentable pour le Québec pour autant que le gouvernement provincial du Québec se soumettra aux décisions unilatérales du gouvernement d'Ottawa.

Certaines déclarations publiées dans les journaux, continuait ce ministre, suggèrent que le gouvernement fédéral verse à la province de Québec les fonds dont il dispose dans son budget pour l'aménagement du parc Forillon. C'est la Loi des parcs nationaux, répond-il, qui m'autorise, comme ministre, à dépenser des fonds pour l'aménagement et l'administration des parcs nationaux au Canada. Je tiens cette autorité du Parlement et j'entends bien la respecter. Si le gouvernement provincial, continue-t-il, refuse à tout prix d'établir des parcs nationaux au Québec, alors il devra employer ses propres fonds pour établir des parcs provinciaux, comme il en existe dans toutes les provinces, conformément, d'ailleurs, à la politique que le Québec a toujours suivie.

M. le Président, nous ne pouvons que dénoncer une telle attitude du gouvernement fédéral. Cette attitude fut d'ailleurs la même lorsque l'ancien gouvernement du Québec tenta de récupérer les $200 millions qui auraient dû être utilisés pour la création d'une assurance-maladie. C'est d'ailleurs cette attitude intransigeante, caractéristique d'un fédéralisme rigide et dépassé, qui explique, en partie, la montée d'un nouveau parti dans le Québec et la conviction d'une proportion de plus en plus grande de notre population que la seule issue possible pour le Québec — et qui s'approche de plus en plus — c'est la souveraineté ou l'indépendance.

M. le Président, nous aurions espéré que sur des points aussi essentiels que l'autonomie de notre province à l'intérieur des juridictions qui lui sont explicitement confiées par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, nous puissions faire l'unanimité en cette Chambre. Mais si nous ne pouvons pas faire l'unanimité dans le sens contraire au projet de loi qui nous est présenté, nous continuons quand même d'espérer que cette unanimité se retrouve dans les partis d'opposition. En somme, notre opposition est très simple.

Premièrement c'est que l'argent qui va servir au gouvernement fédéral pour aménager le parc Forillon est tiré de la poche des Québécois. Ce sont des taxes que les Québécois donnent à Ottawa. Ils ont donc droit à un retour pour ces taxes qu'ils versent au gouvernement.

Deuxièmement, ce bail, puisqu'il s'agit d'un bail, équivaut à toutes fins pratiques à une possession du territoire par le gouvernement d'Ottawa. Et l'on sait très bien que, conformément à un certain bouledogue britannique dont nous avons entendu déjà parler, ce que le gouvernement tient, il ne le lâche pas facilement et lorsque le moment serait venu de remplir toutes les conditions qui nous sont imposées, on trouverait mille moyens pour empêcher que cela

s'accomplisse. Dans les circonstances, pour nous, ce bail équivaut à une véritable possession et nous ne pouvons que nous y opposer avec la dernière énergie.

Troisièmement, ce que nous aurions suggéré aurait plutôt été que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial fixent le montant requis pour l'aménagement du parc Forillon, que ce soit $8 millions ou $9 millions ou $10 millions. Ensuite, il aurait fallu que ce gouvernement demande au gouvernement fédéral de lui verser cette somme afin que le gouvernement du Québec puisse, conformément à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, administrer cette portion du territoire — comme il administre déjà si bien les autres — puisse administrer dis-je, ce parc Forillon pour le plus grand bénéfice de tous les Gaspésiens, de tous les Québécois, mais dans une optique proprement québécoise.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous nous déclarons opposés au principe même de ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.

M. Marcel Masse

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, le ministre nous a rappelé que ce projet de loi est issu de l'entente de coopération Canada-Québec qui a été signée au mois de mai 1968 entre le ministre des Terres et Forêts du gouvernement canadien de l'époque, M. Maurice Sauvé, et le premier ministre du Québec, M. Daniel Johnson, qui était responsable de ces questions pour le gouvernement du Québec.

Cette entente de coopération faisait suite à une série d'études dirigées par le Bureau d'aménagement de l'Est du Québec, série d'études qui avaient comme objet principal la relance économique, par l'aménagement du territoire, de cette région québécoise connue sous le nom de Bas-Saint-Laurent, Iles-de-la-Madeleine et Gaspésie.

A l'intérieur de ce plan d'aménagement de l'Est du Québec, un domaine particulier celui d'un parc, a été accepté par les divers gouvernements. Le ministre nous a rappelé la clause de l'entente de coopération, qui était très explicite aux yeux de tout le monde concernant l'aménagement d'un parc dans ce territoire du Québec.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur les politiques d'aménagement, présentement, au Québec. Je crois qu'il serait opportun à ce moment-ci du débat de mettre en garde le gouvernement du Québec dans cette question de po- litique d'aménagement qui, vue par Ottawa, peut rapidement devenir un cheval de Troie pour tout le problème constitutionnel du Québec. Trop souvent, les politiques d'aménagement sont, de la part du ministre de l'Expansion régionale et de la part de certaines autorités du gouvernement canadien, des façons très indirectes d'entrer directement dans des juridictions du Québec, que ce soit le domaine des Affaires municipales, de la construction d'aqueducs, de la construction de réseaux d'égouts, que ce soit dans d'autres domaines comme celui dont la discussion a été amenée par ce projet de loi: l'aménagement d'un parc.

M. le Président, le projet de loi que nous présente le ministre ce matin traite de plusieurs sujets, d'une part des questions d'expropriation, d'autre part de questions d'aménagement ou de mise en tutelle de certains pouvoirs de municipalités, et troisièmement, il est directement basé sur un contrat signé entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois concernant l'utilisation et la responsabilité d'un grand territoire connu sous le nom de parc Forillon.

Il y aurait également lieu, à ce moment-ci, de souligner qu'il existe, dans le Québec, de vastes territoires qui sont près des populations québécoises, que ce soit dans la région de Montréal, le parc du Mont-Tremblant, que ce soit dans la région de Québec, le parc des Laurentides.

Sans pour autant apporter une réponse définitive à ce problème, il y aurait peut-être lieu de se demander si, pour le service des Québécois, l'aménagement de parcs au Québec ne devrait pas également tenir compte de l'accessibilité des Québécois à ces zones vertes.

Il est évident que poser une question semblable nous amène à penser à une région comme Montréal, un bassin de 2 millions de population, où existe tout près, un parc connu sous le nom de parc du Mont-Tremblant, très peu aménagé jusqu'à maintenant par le gouvernement du Québec, et qui pourrait servir à un nombre beaucoup plus important de Québécois qu'un parc situé à l'extrémité est de son territoire qui, lui, servira beaucoup plus aux douairières américaines qu'aux ouvriers de la région de Montréal.

Sans mettre pour autant en cause les résultats économiques intéressants pour cette région, il y aurait peut-être lieu de se demander si, pour les Québécois en général au point de vue des utilisateurs de parc, un parc situé dans la région de Montréal ou même dans la région de Québec n'aurait pas favorisé plus les intérêts récréatifs — si je peux m'exprimer ainsi — des Québécois.

Certes, un grand nombre de Québécois de la région de Montréal se rendent en Gaspésie annuellement, mais entre ce nombre qui, pour se rendre en Gaspésie doit disposer d'une semaine, dix jours de vacances et un nombre beaucoup plus élevé de Québécois qui profiteraient de leur week-end pour se rendre à quelques milles de Montréal pratiquer la pêche ou d'autres sports de plein air, je pense que la réponse est facile à trouver.

Il reste que de toute façon, M. le Président,...

M. FORTIER: Etes-vous contre le développement touristique de la Gaspésie?

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, le député ne pose même pas une question qui est dans le débat.

M. FORTIER: Voyons donc!

M. MASSE (Montcalm): Ce que je tente de lui faire comprendre c'est que, vu sous l'angle de l'utilisation par les Québécois, en grand nombre, d'un parc, un parc situé plus près d'un endroit où demeure la majorité de ces Québécois serait beaucoup plus utilisé par ceux-ci qu'un parc situé à l'autre extrémité du territoire.

M. FORTIER: Je ne suis pas d'accord.

M. MASSE (Montcalm): Il reste que, de toute façon, cela n'enlève pas l'intérêt à l'intérieur d'un plan d'aménagement de l'est du Québec de la création ou de l'existence d'un parc. Est-ce que cela répond à la question du député? Est-il satisfait?

M. FORTIER: Très bien.

M. MASSE (Montcalm): Or, à l'intérieur de ce territoire de la Gaspésie, l'entente de coopération prévoyait un parc. Les discussions ont porté, avec le gouvernement fédéral, sur ce qu'était un parc, c'est-à-dire quelle conception allons-nous nous faire de l'existence d'un parc. Tout le monde sait fort bien qu'il y a diverses sortes d'aménagements possibles d'un parc. Le gouvernement canadien, rapidement, en est venu à l'existence d'un parc de type national, qui est une conception de l'aménagement des parcs, alors que le gouvernement du Québec n'avait pas signé l'entente dans cette optique mais plutôt dans l'optique de la création d'un parc de type québécois. La différence est importante et on la trouve dans le projet de loi.

Pour l'intérêt du député qui semble se poser des points d'Interrogation, je lui explique, entre autres, quelques différences, peut-être la plus importante qui est celle-ci: un parc de type national, selon la loi des parcs nationaux du gouvernement canadien, empêche toutes sortes d'autres exploitations, dans un territoire donné, tandis qu'un parc de type québécois permet ces exploitations.

Il y a des exploitations possibles dans le domaine de la forêt et, plus particulièrement dans ce parc de la pointe Forillon, il y avait des exploitations possibles dans le domaine du pétrole. C'est le ministère des Richesses naturelles — je ne mets pas en doute la qualité de ses fonctionnaires, ni de ses rapports — qui a alerté, à l'époque, le gouvernement du Québec sur des possibilités qu'il calculait intéressantes dans ce domaine. Voilà pourquoi, pendant plusieurs mois, le gouvernement du Québec a tenté d'expliquer au gouvernement canadien l'importance qu'il y aurait d'amender les textes proposés par le gouvernement canadien au sujet de la signature du contrat, pour permettre cette recherche et, s'il y a lieu, cette exploitation dans le domaine du pétrole.

Nous nous basions et nous continuons à nous baser sur des études préliminaires, certes, mais des études, quand même, de personnes jugées compétentes par le gouvernement du Québec, c'est-à-dire les fonctionnaires du ministre des Richesses naturelles. J'aurais aimé que celui-ci soit présent en Chambre pour nous dire si ces fonctionnaires ont changé d'idée depuis le changement ou s'ils persistent dans leur idée.

Je ne voudrais pas m'étendre sur les différences qu'il y a entre ces sortes de parcs, mais il reste qu'après plusieurs mois de négociations le gouvernement du Québec en est venu à la conclusion de l'accord qui a été signé, il y a quelques semaines, par le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et le ministre des Affaires indiennes. Très objectivement, cette entente est en quasi-totalité, si ce n'est pas en totalité, l'entente qui était prévue avant les dernières élections.

Pour être très objectif, une lecture du contrat m'a permis de conclure que c'était la même entente au mois de février qu'au mois de mai. Est-ce que cette entente viole l'intégrité du territoire québécois? Après avoir moi-même longuement travaillé à l'étude de ce contrat, je ne crois pas que ce bail, que ce contrat, viole l'intégrité du territoire québécois, et je m'explique. Les premières propositions qui ont été formulées par le gouvernement fédéral, dans notre esprit, allaient à l'encontre du principe d'intégrité du territoire québécois, puisqu'elles

demandaient l'application intégrale de la Loi des parcs nationaux, c'est-à-dire que le Québec cédait, à toutes fins que de droit, une partie de son territoire au gouvernement fédéral.

Ce n'est qu'après de longs mois, pour ne pas dire de longues années de négociations harassantes que le gouvernement fédéral a fini par accepter de réaliser, après consultation avec le gouvernement québécois, l'aménagement d'un parc sur un terrain qui demeurait la propriété du gouvernement québécois, puisque — le contrat l'indique lui-même — cette propriété reviendrait au gouvernement du Québec. Donc, il n'y a pas de cessation de terrain. Le gouvernement du Québec ne cède pas un terrain au gouvernement fédéral, mais il met à sa disposition, pendant un certain nombre d'années, une parcelle de son territoire pour permettre l'aménagement d'un parc, lequel devra être fait après consultation et étude en commun du gouvernement québécois et du gouvernement fédéral.

C'est ce que nous cherchions et c'est ce que nous avons réussi à atteindre après de longs mois de négociations. C'est ce qui a été accepté, après avoir été critiqué, alors qu'il était l'Opposition, par le gouvernement actuel qui s'est empressé de signer cette entente. C'était une façon pour le gouvernement, de reconnaître l'utilité du travail que nous avions fait.

Est-ce que, pendant ce temps, les Gaspésiens ont été privés de ce parc? Je peux vous assurer que non, puisque les travaux préliminaires d'étude de plans de recherche se poursuivaient tant par le gouvernement du Québec que par le gouvernement fédéral.

Il n'y aura pas une journée de retard au sujet de la réalisation de ce parc dit national. Mais, nous aurons l'occasion de revenir en comité pour discuter plus à fond de certains points techniques concernant ce parc.

M. le Président, certes, nous ne sommes peut-être pas en face d'une solution idéale pour régler le problème des parcs au Québec. Certes, nous n'avons peut-être pas devant nous la solution idéale concernant le retard que le Québec a pris dans l'aménagement de ces parcs. Certes, M. le Président, ce projet de loi n'est peut-être pas celui qui devrait exister si nous avions toute la liberté pour réaliser nous-mêmes des types de parcs ou des aménagements dans le domaine touristique.

Mais, compte tenu des difficultés, compte tenu du retard, aussi bien dans l'aménagement des sites touristiques de la Gaspésie que dans l'aménagement des parcs au Québec, je crois que ce projet de loi est basé sur une entente qui, elle, ne viole pas l'intégrité du territoire québécois. M. le Président, nous sommes réticents, ayant préféré d'autres sortes de solutions; mais, devant l'acharnement du gouvernement d'Ottawa à vouloir s'introduire continuellement dans des champs de juridiction québécoise, cette fois-ci nous l'avons plus ou moins empêché, je crois. Quant à nous, nous sommes favorables au principe de la loi, avec diverses réticences que j'ai exprimées tout à l'heure. Nous aurons l'occasion, en comité de revenir plus à fond sur des détails techniques et j'espère que le ministre pourra nous éclairer sur ces questions.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Gaspé-Nord.

M. François Gagnon

M. GAGNON! M. le Président, brièvement, je voudrais joindre ma voix à ceux qui se sont fait entendre relativement au projet de loi no 29, qui, suivant les explications que le ministre a données, permettrait de hâter toutes les procédures et d'aménager ce parc dans une période de six à sept ans.

Je crois que, si nous voulons être réalistes, nous pouvons dire que l'aménagement de ce parc demandera une période de dix à douze ans. Si vous me permettez un exemple, à chaque fois qu'on à procédé à des ententes, qu'on a donné des signatures, on a toujours indiqué des temps déterminés. Je me rappelle, entre autres, la réfection de la route 6, dans l'entente fédérale-provinciale; on avait prévu qu'elle serait terminée pour 1968, alors qu'elle le sera pour 1972.

Nous avons là l'exemple que le temps par ceux qui présentent des projets de loi, est prévu pour être court. Il s'agit que le peuple écoute et ce sont des informations qui, à cause des délais, le laissent amorphe. Cette entente, précisément, provient de l'entente fédérale-provinciale qui a débutée en 1963. On avait fait croire aux Gaspésiens que, dans une période de cinq, six ans, le Klondike serait en gaspésie. C'est l'une des raisons pour lesquelles tous les Gaspésiens ont montré du désintéressement, ont été amorphes devant l'entente fédérale-provinciale; on leur avait fait croire des choses magnifiques, des choses que l'on croyait devoir transformer la Gaspésie dans un temps relativement court, et l'on constate que ce temps va s'échelonner sur une période de 20 années, peut-être.

Ce projet de loi peut se diviser en trois parties. Premièrement, acquérir les terrains pour les remettre au gouvernement fédéral, comme Esau remettait son plat de lentilles. Deuxièmement, mettre en tutelle dix municipalités. Troisièmement, nommer des administrateurs. Je

crois, M. le Président, que l'on commet une erreur lorsqu'on prend dix municipalités au service desquelles il y a 70 administrateurs depuis de nombreuses années. Ce sont les conseillers municipaux et les maires, ils travaillent dans l'intérêt de leurs municipalités, ils connaissent le milieu, ils connaissent la mentalité d'une population, ils connaissent les problèmes et ils ont participé, par des comités, au plan d'aménagement. On les prend et on les met de côté pour la réalisation de tout ce plan.

Je crois qu'il s'agit là d'une erreur fondamentale et qu'on regrettera encore de ne pas intégrer, à l'intérieur de l'aménagement de ces dix municipalités, toutes ces personnes, tous ces administrateurs qui ont l'expérience acquise, qui sont pragmatiques face à ce problème, et l'on nommera par la suite un administrateur. Quel sera cet administrateur? Est-ce que ce sera une personne qui connaît bien le territoire? Est-ce que ce sera une personne étrangère aux problèmes et qui aura à « bulldozer » toutes ces personnes qui, à l'intérieur de ces dix municipalités en tutelle, seront tout simplement négligées? Ceci occasionnera des problèmes de nature à provoquer du retard relativement à la mise en marche de cet aménagement du parc.

On a également dit qu'environ 3,000 Gaspésiens pourront y trouver de l'emploi. Encore là, c'est dix fois plus que la réalité. Il y a, près de chez moi, un parc qu'on appelle le parc national de la Gaspésie, qui existe depuis 1936, dont les investissements sont par millions de dollars, et qui emploie environ 125 à 150 personnes durant le temps de pointe, c'est-à-dire la période touristique. Or, il est à prévoir que le parc Forillon emploiera une main-d'oeuvre maximum, lorsqu'il sera à son plein épanouissement de développement, d'environ 300 à 400 personnes. Je crois que c'est là mettre en appétit les Gaspésiens, qui s'apercevront vite de leur déception face à des projections qui ne sont pas du tout réalistes, face aux 3,000 personnes dont on avait parlé pour le développement du parc.

Il y aura également les routes d'accès. Par les routes d'accès, il y a deux façons de se diriger vers le parc Forillon. Il y a la route qui part de Mont-Joli, qui encercle une partie de la côte sud de la Gaspésie, et qui est d'environ 450 milles. Il y a également celle qui traverse le comté de Gaspé-Nord. Si je prends comme point de départ la route qui a été refaite en vertu de l'entente fédérale-provinciale, il y aura environ 100 milles de route à refaire pour donner l'accès au parc Forillon. C'est donc dire que la route qui permettra un accès facile au parc Forillon et qui pourra être reconstruite dans un temps relativement court, je dirai trois ou quatre ans, c'est par le côté nord puisqu'il s'agit de l'endroit où le touriste rencontre le plus de sites touristiques, c'est l'endroit qui longe à peu près tout le littoral, le fleuve Saint-Laurent, et c'est la route que tous les touristes et que toute la population demandent afin que cette route soit prête en même temps que le parc Forillon.

Je ne pourrais passer sous silence la lutte épique qui s'est déroulée, relativement à l'aménagement de ce parc, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, surtout le gouvernement dont je faisais partie. Je me rappelle, comme l'a dit le député de Bourget, qu'il y a quelques mois, le ministre fédéral se rendait en Gaspésie pour tenter de traumatiser la population. On a réussi jusqu'à un certain point et on a fait croire à une population que, pour dialoguer avec Ottawa, pour s'entendre avec Ottawa, il fallait avoir les mains liées et la langue liée. Je dis qu'il vaut mieux vivre au Québec la langue déliée et avec des mains pour travailler.

Je crois qu'il s'agit d'un parc qui permettra à la Gaspésie de connaître un avantage touristique. Mais le gouvernement actuel ne doit pas seulement se contenter de ce parc, puisque la saison touristique ne dure qu'environ trois mois, car il ne faut pas oublier qu'elle est intimement mêlée à la période de congés scolaires où toutes les familles voyagent, où toutes les familles décident de prendre des vacances et qu'elles seront appelées à visiter ce territoire. Je formule donc le voeu que le gouvernement ne néglige rien pour que les procédures aillent le plus vite possible, mais qu'également il envisage d'autres mesures pour aider la région de la Gaspésie à se relever économiquement à l'intérieur du plan de l'entente fédérale provinciale de façon que les Gaspésiens reprennent confiance en l'avenir.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: Je sais que le député de Bourget a exposé à cette Chambre les principes sur lesquels le Parti québécois se base pour s'opposer à cette loi.

M. le Président, il y a ici un principe essentiel en cause. Nous aurions espéré que, sur des points aussi essentiels que l'autonomie du Québec à l'intérieur des juridictions qui lui sont explicitement conférées par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, nous puissions à l'intérieur de cette Chambre faire l'unanimité.

Malheureusement, le gouvernement actuel semble avoir décidé de jouer le jeu de la démagogie plutôt que d'aller expliquer à la population de la Gaspésie qu'il y a ici, dans ces négociations avec le gouvernement fédéral, des principes sur lesquels il est difficile de lâcher, des principes pour lesquels quantité de gouvernements se sont battus dans le passé.

Les membres du parti au pouvoir ont décidé de jouer la carte du supposé fédéralisme rentable dont nous a parlé, au cours de la campagne électorale, le premier ministre. M. le Président, la timidité du gouvernement actuel devant les envahissements juridictionnels de son grand frère d'Ottawa nous montre qu'il entend bien revenir sous le joug du gouvernement central, quitte à délaisser la sauvegarde des intérêts les plus élémentaires du Québec.

Nous sommes de plus en plus convaincus que nous nous engageons, après avoir vécu ce que certains journalistes ont appelé la révolution tranquille, vers une réaction encore plus tranquille du gouvernement libéral actuel. L'histoire, après les expériences du passé, nous dit à nous, Québécois, d'être extrêmement prudents à propos de territoires. Nous avons été si souvent frustrés dans le passé, à l'intérieur de ce régime constitutionnel, que nous sommes convaincus qu'il n'y a aucune chance à prendre, avec Ottawa en lui cédant un pouce de notre territoire.

Que l'entente stipule qu'au lieu d'être une cession pure et simple du Québec au gouvernement d'Ottawa, comme cela aurait du l'être selon la Loi des parcs nationaux, il s'agit d'un bail emphytéotique ne change rien au principe qu'il s'agit, encore une fois, d'une violation de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et cela, avec l'accord du gouvernement québécois actuel.

Qu'on nous comprenne bien! Il ne s'agit pas, par notre opposition à ce projet de loi, de vouloir priver la région de la Gaspésie de sommes d'argent qui leur seraient extrêmement utiles dans les circonstances. Mais nous croyons qu'un fédéralisme bien compris, non un fédéralisme sclérosé aux principes du 19e siècle, comme semble vouloir nous le vendre le gouvernement fédéral actuel, aurait permis au gouvernement québécois de profiter de ces sommes d'argent, tout en sauvegardant les principes fondamentaux pour lesquels tant de gouvernements précédents se sont battus autrefois.

N'oublions pas, M. le Président, que le territoire et les richesses naturelles sont l'assise même de l'autonomie du Québec. Il s'ensuit que la province a elle seule l'initiative des mesures à prendre pour en assurer la conservation et l'exploitation.

C'est pourquoi le Québec a établi son propre système de parcs. Nous croyons en ce domaine être capables d'administrer notre territoire national aussi bien que pourrait le faire le gouvernement fédéral.

Il s'agit pourtant, M. le Président, de notre argent. Il s'agit ici d'une autre circonstance où le Québec a perdu, comme le député de Bourget a eu l'occasion de l'exposer tout à l'heure, près de $50 millions. Ce n'est pas un parc, c'est même dix parcs que nous aurions le droit d'avoir.

Mais ce que nous reprochons actuellement au gouvernement fédéral, ce que nous reprochons actuellement à cette loi, c'est de nous présenter cette situation comme étant un cadeau du gouvernement fédéral, cadeau, pour autant que nous acceptions de perdre, pour autant que nous acceptions de plier sur des principes essentiels.

De plus, M. le Président, nous ne pouvons pas accepter qu'on puisse donner libre jouissance au gouvernement du Canada sur lesdits terrains qui auront été acquis par le gouvernement québécois. D'ailleurs, hier, M. le Président, si vous me le permettez, on parlait dans le Soleil du parc de la Mauricie et d'un camp d'étudiants qui devait disparaître par suite de l'aménagement de ce parc. Donc, nous croyons qu'il nous appartient décidément de contrôler notre territoire et de ne pas accepter que les lois fédérales s'imposent à l'intérieur de nos parcs nationaux.

De plus, cette libre jouissance s'étendra sur une période aussi longue que 99 ans à moins, bien entendu — comme c'est explicité dans l'entente — qu'après 60 ans, sur un préavis de cinq ans, le gouvernement québécois décide d'annuler l'entente après remboursement fait au gouvernement du Canada de toutes les dépenses d'immobilisation encourues au cours de cette période.

Nous constatons, M. le Président, que ce n'est pas de l'argent qu'on nous donne actuellement. Nous constatons qu'avec notre argent, après que nous aurons accepté de laisser tomber tous les principaux principes pour lesquels nous nous sommes battus, le gouvernement fédéral nous prêtera de $8 millions à $10 millions que nous devrons rembourser par la suite si nous ne sommes pas satisfaits de l'entente ou si, après 60 ans, nous décidons de mettre fin à cette entente.

Ainsi, M. le Président, sur un territoire de plus de 2.5 milliards de pieds carrés, le Québec se prive, au moins jusqu'en l'an 2,030, de toute exploration, développement ou exploitation des mines ou minerais. N'y a-t-il pas là un danger qui pourrait nous faire revivre les frustations du Labrador?

Nous ne pouvons, M. le Président, au nom d'un fédéralisme rentable, accepter autant de clauses

qui s'attaquent tant aux principes constitutionnels pour lesquels les gouvernements se sont battus qu'aux droits souverains du Québec sur son territoire. Nous voterons, comme l'a exposé le député de Bourget, contre le projet en deuxième et en troisième lecture.

M. le Président, en terminant, je voudrais rappeler aux libéraux que la population du Québec n'a pas encore pardonné les trahisons du gouvernement Godbout sur les pouvoirs économiques du Québec. Je termine aussi en soulignant le fait que l'ancien gouvernement de l'Union Nationale avait établi une commission pour étudier l'intégrité du territoire. Je crois que cette commission a étudié le problème de la capitale nationale et je crois qu'avant de signer une entente qui nous engage pour l'avenir, nous devrions remettre ce problème à cette commission afin qu'elle puisse en étudier les conséquences pour l'avenir du Québec. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Bellechasse.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: M. le Président, simplement quelques mots sur le bill qui nous est soumis. Je voudrais, au début, signaler qu'à mon sens ce n'est ni une défaite pour le Québec, ni une victoire pour le gouvernement d'Ottawa. Je m'explique. Dans la loi régissant l'établissement ou la création de parcs nationaux à travers le Canada, il est spécifié les conditions suivantes: premièrement, la province qui veut bénéficier d'un parc fédéral ou national doit céder en nue-propriété au gouvernement central le territoire à être aménagé et, deuxièmement, l'aménagement de ce parc revient à l'autorité fédérale.

M. le Président, je disais tout à l'heure que nous avons — je pense que ce n'est ni une défaite pour le Québec, ni une victoire à Ottawa — réussi à contourner cet écueil. Nous avons réussi à faire en sorte que le Québec soit respecté dans l'intégrité de son territoire, d'une façon, au moins, juridique et que ce soit limité dans le temps, en vertu du bail emphytéotique, pour une durée de x années. Le Québec ne perd pas la nue-propriété du territoire aménagé en parc fédéral. Ceci veut dire que le Québec va obtenir une part de justice à laquelle il a droit depuis de nombreuses années.

Est-ce qu'il faut blâmer les gouvernements précédents, au provincial et au fédéral? A mon sens, non. Antérieurement, quel que soit le premier ministre du Québec, quel que soit le premier ministre à Ottawa, les positions étaient tellement rigides et tendues qu'on ne voulait délayer dans aucun compromis l'impératif de la cession de territoire en nue-propriété. Pour cristalliser cette rigidité, j'ai trouvé un homme qui, alors qu'il était ministre du Nord canadien à Ottawa, M. Jean Lesage, devait épouser la doctrine et le dogme du gouvernement central à l'effet que le Québec n'aurait jamais de parc national s'il ne voulait pas céder son territoire en nue-propriété.

Lorsque M. Lesage est devenu premier ministre du Québec, il aurait aimé obtenir justement des parcs nationaux défrayés par le gouvernement central, mais, à ce moment-là, il ne pouvait pas en demander parce qu'il y avait comme impératif, comme premier ministre du Québec, le respect de l'intégrité du territoire, et d'une façon absolue. Or, je pense que, par le biais de ce bail emphytéotique, qui est un compromis, qui n'est pas la solution idéale, le Québec récupère, au moins, une partie des sommes d'argent qu'il a remises au gouvernement central, sous forme de taxes, et qui ont été réparties à différents moments, depuis cinquante ans, pour l'aménagement de parcs nationaux.

Quand on songe, par exemple, qu'au-delà de $200 millions ont été dépensés par le gouvernement central pour doter les différentes provinces de parcs nationaux. Qu'est-ce qui arriverait, par exemple, en Colombie-Britannique, si on enlevait les parcs nationaux? Que serait-il advenu — je vous le demande, M. le Président — du sort du tourisme là-bas? Que serait-il advenu dans d'autres provinces, s'il n'y avait pas eu implantation de parcs nationaux? Aujourd'hui, il y a un réseau de parcs nationaux à travers le Canada, réseau qui guide et qui attire des centaines de milliers de touristes, parce qu'on sait quelle qualité on retrouve sur tous les plans à l'intérieur de ces parcs.

Or, je pense que, si nous voulons être de bon compte et accepter le fait qu'au moment où nous discutons de ce projet nous vivons encore dans la Confédération, il faut, au moins, aller chercher les avantages que peut nous procurer ce système constitutionnel dans lequel nous vivons actuellement. J'aurai la remarque suivante pour bien expliciter ma pensée. Si, un jour, après avoir obtenu deux ou trois parcs nationaux, le Québec se sépare, pensez-vous que ce sera un embêtement majeur que de discuter de l'implication de la présence des parcs nationaux au Québec?

Pensez-vous qu'à ce moment-là, si on ne veut pas discuter d'une forme de compensation, on exigera qu'on roule les parcs nationaux, les espaces verts en ballots et qu'on aille les reporter à Ottawa? Non, au moins,

durant une période de temps X, nous aurons obtenu ces investissements, nous aurons peut-être fait circuler des millions de touristes et davantage et fait dépenser au Québec des centaines de millions de dollars de plus. Au moment où on discute du projet, qu'on le veuille ou non, nous sommes dans la confédération. Plusieurs veulent en sortir, mais, à toutes fins pratiques, nous y sommes encore. En respectant l'impératif constitutionnel du Québec de l'intégrité du territoire, en contournant cet écuell, comme je le disais, par un bail emphytéotique, je me demande pourquoi le Québec se priverait d'un parc Forillon. J'irais même plus loin, pourquoi le Québec se priverait-il, si c'est fait à des conditions acceptables, par des compagnies acceptables, d'autres parcs nationaux au Québec?

En terminant, je voudrais prendre un autre exemple. Le raisonnement de certaines personnes me fait parfois penser à des héritiers qui, de génération en génération, se sont légué le bien paternel, et on était tout fier de dire: Sans aucune hypothèque. C'est le grand-père qui a développé ça lentement, qui a laissé ça à ses fils, sans aucune hypothèque. Avec orgueuil et fierté, on disait: C'est une famille bien. Les héritiers voulaient conserver cette même conception de la fierté en disant: Jamais nous n'hypothéquerons notre terre, parce que c'est un droit sacré que notre père nous a laissé. Un jour, il arrive qu'ils découvrent sur cette propriété un puits de pétrole et les héritiers disent: Pour pouvoir l'exploiter, il faudrait emprunter ou il faudrait inviter d'autres personnes à donner du capital pour nous aider à exploiter ce puits de pétrole. Mais, à cause de leur conception de la fierté, ils se disent: Non, c'est un droit sacré, nous trahirions nos ancêtres, ce serait un crime envers tous ceux qui nous ont précédés. Ils ne font intervenir personne, n'hypothèquent pas leur propriété. Ils vont mourir très fiers, très orgueilleux, mais pas un maudit cent dans leur poche. Ils auront privé les générations futures d'une richesse qu'ils auraient pu léguer.

J'admets que c'est peut-être un exemple qui cloche, mais c'est tout simplement pour traduire les pensées qui me viennent à l'esprit lorsqu'on étudie ce bill. En ce qui me concerne, sans trouver que ce soit la formule idéale, je trouve que c'est au moins acceptable pour le Québec. C'est un compromis en vertu duquel Ottawa ne peut pas dire que c'est une victoire éclatante pour avoir mâté le Québec; d'autre part, le Québec ne peut se sentir coupable d'aucune trahison à l'endroit des droits du Québec.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je demande le vote enregistré.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable ministre des Affaires municipales exerce-t-il son droit de réplique?

M. Maurice Tessier

M. TESSIER:' Quelques mots, M. le Président, très brièvement. Je voudrais d'abord profiter de cette occasion pour féliciter bien sincèrement le député de Bellechasse pour les paroles tout à fait sensées qu'il a exprimées sur le projet de loi.

Je ne pourrais cependant pas en dire autant de son collègue, le député de Montcalm.

Je suis d'accord sur une opinion émise par le député de Gaspé-Nord lorsqu'il a déclaré que les Gaspésiens attendaient depuis trop longtemps la réalisation du plan du BAEQ. Or, je crois que ce matin le chat est sorti du sac puisque nous avons entendu le député de Montcalm, qui était le ministre responsable de la réalisation du plan du BAEQ, déclarer qu'il favorisait plutôt l'aménagement de parcs dans la région de Montréal, comme le parc du Mont Tremblant.

Je ne suis pas contre, mais je crois que ces paroles indiquent clairement qu'il n'a jamais voulu comme ministre responsable de la réalisation du plan du BAEQ, que cette réalisation se fasse durant les quatre années de l'Union Nationale. C'est ce qui explique tout le mécontentement qui existe présentement chez la population de la Gaspésie par suite du retard à réaliser l'aménagement du territoire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie.

Je vous ferai remarquer, M. le Président, qu'un mois ne s'est même pas écoulé entre la transmission des pouvoirs, le 12 mai, et le 10 juin, date de la signature de l'entente entre le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien au sujet du parc Forillon. Ceci indique l'intention bien précise du gouvernement actuel de procéder avec rapidité à la réalisation du parc Forillon. Je suis convaincu que, dès la présente saison de 1970, nous verrons le début des travaux du parc Forillon pour le plus grand bien de la population de la Gaspésie et particulièrement de la région de Gaspé, ce qui créera des centaines d'emplois pour nos chômeurs de cette région.

En terminant, je voudrais simplement souli-

gner ceci: A peu près à chaque projet de loi que le gouvernement présente, nous voyons les députés séparatistes de cette Chambre saisir l'occasion de défendre leur doctrine. Evidemment, je respecte l'opinion de tout le monde, mais je conçois difficilement tout de même que les députés séparatistes, comme celui de Bourget et celui de Saguenay qui ont adressé la parole, considèrent que le gouvernement canadien est un gouvernement étranger.

Pour ma part, je suis Canadien et je suis fier de l'être. Je n'ai pas de complexe et je me sens aussi chez moi dans le parc Algonquin de l'Ontario ou dans le parc Jasper de l'Alberta...

M. CHARRON: Nos belles Montagnes Rocheuses!

M. TESSIER: ... que je le serai dans le parc Forillon de la Gaspésie.

M. CHARRON: Vive nos belles Montagnes Rocheuses!

M. LE PRESIDENT: Que l'on appelle les députés.

M. LE PRESIDENT: Que celle et ceux qui sont en faveur de la motion de deuxième lecture veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Laporte, Hardy, Castonguay, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Tessier, parent, Harvey (Jonquière), Quenneville, L'Allier, Cloutier (Ahuntsie), Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Toupin, Massé (Arthabaska), Goldbloom, Cadieux, Vaillancourt, Houde (Fabre), Coiteux, Perreault, Brown, Brisson, Kennedy, Séguin, Saint-Germain, Saindon, Picard, Pearson, Leduc, Fraser, Fortier, Assad, Bacon, Berthiaume, Bossé, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lamontagne, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Pepin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux, Vézina, Bertrand, Paul, Cardinal, Vincent, Russell, Boivin, Cloutier (Montmagny), Loubier, Gagnon, Masse (Montcalm), Lavoie, Croisetière, Demers, Gauthier, Simard (Témiscouata), Samson, Dumont, Roy (Beauce), Béland, Drolet, Bois, Roy (Lévis), Brochu, Audet, Latulippe, Guay.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre la motion de deuxième lecture veuillent bien se lever.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Laurin, Burns, Léger, Charron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

Pour: 82 Contre: 6 Yeas: 82 Nays : 6

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

L'honorable ministre des Affaires municipales propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plé-nier. Est-ce que cette motion est adoptée?

Comité plénier

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre!

M. LAPORTE: Je suis heureux de voir le député de Chicoutimi de retour parmi nous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans un excellent esprit d'ailleurs, comme à l'accoutumée.

M. LAPORTE: Nous regrettons pour l'histoire que vous n'ayez pu voter, mais nous comprenons les raisons impérieuses qui ont dû vous amener en dehors de cette Chambre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, cher ami.

M. BERTRAND: On n'a jamais le droit de commenter.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Projet de loi no 29, article 1.

L'honorable député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): Je ne sais pas si le ministre des Affaires municipales a des explications à donner avant de recevoir des questions sur l'article 1.

M. TESSIER: Un instant.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que le ministre doit consulter Ottawa ou s'il peut répondre?

M. TESSIER: Allez-y, j'écoute.

M. MASSE (Montcalm): Je vous ai demandé si vous aviez des explications à fournir avant qu'on vous pose des questions concernant l'article 1.

M. TESSIER: Si j'ai des explications à fournir?

M. MASSE (Montcalm): Vous n'avez pas de remarques à formuler, alors, je vais poser une question. Pour quelle raison l'article 1 accorde-t-il au ministre des Travaux publics des pouvoirs qui lui sont, en principe, accordés par des lois de son ministère? Est-ce qu'il y a des raisons particulières?

M. TESSIER: Il y a certainement des raisons particulières. On me demande en somme d'expliquer de nouveau ce que J'ai déjà dit. C'est que nous avons deux lois, la Loi des terres et forêts qui donne des permis, des concessions.

Il y a également la Loi de la colonisation — votre voisin est bien au courant — qui émet des billets de location sur des lots, et par conséquent, il faut que le ministre des Travaux publics soit autorisé à aller au-dessus de ces deux lois-là afin de pouvoir procéder à l'expropriation et de donner des titres clairs.

Maintenant, tout ça, évidemment, va se faire en dédommageant les intéressés, les occupants comme les détenteurs de billets de location qui occupent ces lots-là. Ils seront dédommagés; ils seront relocalisés. Alors, c'est pour ça qu'il faut que l'article 1 donne au ministre des Travaux publics des pouvoirs d'expropriation qu'il n'a pas actuellement. Evidemment, il faut lire tout le texte de la loi dans son ensemble. On veut lui donner les mêmes pouvoirs que possède actuellement le ministre de la Voirie. Le ministre des Travaux publics, actuellement, en vertu de la Loi des travaux publics, ne possède pas ces pouvoirs qu'a le ministre de la Voirie.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, le ministre des Terres et Forêts a, en vertu de la loi de son ministère, le droit de concéder pour fins d'exploitation des territoires forestiers. Il a également les pouvoirs de les reprendre, ces territoires forestiers. Il en est de même pour le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation qui a le pouvoir de céder des terrains pour fins de colonisation et de les reprendre.

Lorsque, de toute façon, ce n'est pas prévu. Ce le serait par la loi générale d'expropriation du ministre des Travaux publics. Alors, qu'est-ce que cet article apporte de plus aux statuts du Québec? Est-ce tout simplement une redonnance, ou si c'est une nécessité? Si c'est une nécessité, en vertu de quoi?

M. TESSIER: Voici à titre d'exemple, en vertu de la Loi de la colonisation, le ministère ou le gouvernement, si vous voulez, peut, en effet, reprendre. Mais il doit les reprendre pour cause. En d'autres termes, si un colon, à qui un billet de location a été concédé, ne remplit pas les obligations inhérentes audit billet de location, évidemment, à ce moment-là le ministère peut reprendre le lot.

Mais s'il remplit toutes les conditions de son billet de location, le ministère ne peut pas reprendre le lot. Il s'agit de l'article 42 de la Loi des terres et forêts et en ce qui concerne la Loi des terres de colonisation, c'est l'article 40. Alors, ce sont les deux articles qui précisent... Si vous voulez que je les lise, je peux bien vous les lire. Mais vous êtes censé le savoir.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que le ministre ne pourrait pas nous dire, en résumé, que la nécessité de cette loi c'est pour permettre au ministère des Travaux publics d'exproprier des terrains qui, en vertu de la Loi des terres et forêts et en vertu de la Loi des terres de colonisation, ne peuvent pas et ne sont pas susceptibles d'être expropriés.

M. TESSIER: C'est ça.

M. PAUL: Bien oui, c'était de nous le dire.

UNE VOIX: C'est bien plus simple de le dire comme cela.

M. PAUL: Ah, c'est cela? D'accord. M. TESSIER: Mais il y a plus que cela. M. PAUL: Plus que cela?

M. TESSIER: Parce qu'il y a trois sortes de terrains: il y a des terrains qui sont sous billet de location; il y a des terrains sur lesquels il y a des droits ou des permis de concession du ministère des Terres et Forêts et il y en a d'autres qui sont des terrains absolument libres de toute charge, qui sont des terrains « patentés, » comme on les appelle. Evidemment, dans ces cas, il faudrait procéder en vertu du code de procédure civile. Mon savant ami sait que ce sont des procédures assez longues. Il faut d'abord faire des négociations de gré à gré. Il faut faire un dépôt, etc. Toute la procédure est détaillée au code civil. Je ne vais pas la relater au complet.

M. PAUL: Par le ministère des Travaux publics?

M. TESSIER: Il y a des étapes et des délais à suivre. Or, si nous n'avons pas des pouvoirs spéciaux, si le ministre des Travaux publics n'a

pas des pouvoirs spéciaux, qu'arrivera-t-il? C'est qu'il peut s'écouler des mois, des années même, avant que nous puissions obtenir des titres clairs. Il s'agit en somme, par ce texte de loi, de procéder très rapidement par simple dépôt du plan. Or, nous sommes prêts, les descriptions techniques sont faites, le plan est préparé. Le lendemain de la sanction de la loi, nous pouvons immédiatement déposer le plan au bureau d'enregistrement de Percé, qui est le bureau d'enregistrement du comté, prendre possession immédiatement de tous les terrains avec des titres clairs — c'est le but des articles 1 et suivants — et ainsi, suivant l'entente Canada-Québec intervenue en date du 8 juin qui, en somme, consacrait l'entente antérieure du 26 mai 1968 signée à Rimouski, pouvoir nous conformer aux obligations que le gouvernement du Québec a prises de livrer le plus rapidement possible. Le délai fixé à l'entente est le 31 décembre 1970.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire quels pouvoirs additionnels obtiendra le ministre des Travaux publics, en vertu de l'article 1 de cette loi, par rapport à ceux qu'il détient déjà en matière d'expropriation, sauf pour les terrains de corporations de cimetières et autres semblables?

M. TESSIER: Ce ne sont pas des pouvoirs additionnels, en vertu de l'article 1.

M. PAUL: Des pouvoirs plus expéditifs? M. TESSIER: Oui, exactement.

M. PAUL: Où retrouvons-nous cela dans le texte?

M. TESSIER: Eh bien, il faut lire les autres articles. C'est ce que j'ai dit il y a un instant. J'ai dit qu'on ne peut pas, évidemment, considérer l'article 1 seul. Il faut lire en même temps l'article 2 et l'article 3, au moins.

M. PAUL: Est-ce que le dépôt de ces plans n'était pas déjà fait?

M. TESSIER: Non. On ne peut pas le faire, tant que la loi ne sera pas sanctionnée.

M, PAUL: Le dépôt des plans n'était pas fait au ministère des Travaux publics?

M. TESSIER: Les plans sont préparés et sont prêts à être déposés.

M. RUSSELL: M. le Président, je pense que le ministre induit la Chambre en erreur. Les plans étaient déposés et tout était fait. Même, on commençait à faire préparer les contrats par les notaires. Donc, à ce moment-là, avant de nommer les notaires, il fallait que les dépôts soient faits. Et tous les dépôts étaient faits pour toutes les terres qui pouvaient être expropriées; et dans le cas des terres qui ne pouvaient pas être expropriées, nous procédions de gré à gré, c'est-à-dire avec des ententes avec le ministère des Terres et Forêts.

M. TESSIER: Non, non. J'ai l'impression que mon prédécesseur confond avec le plan qui a été préparé par le ministère des Travaux publics, que j'ai vu d'ailleurs, que j'ai en ma possession, et qui décrit le territoire du parc, qui décrit les terrains à être expropriés avec leur numéro de cadastre. C'est là-dessus, actuellement, que le ministère, depuis quelques mois, il est vrai, travaille. C'est pour cela que le ministère des Travaux publics a engagé un certain nombre de notaires. Une vingtaine de notaires. Incidemment, je tiens à préciser à ce sujet-là que nous avons engagé tous les notaires disponibles, sans discrimination, sans tenir compte de l'allégeance politique des notaires.

M. PAUL: Vous allez admettre qu'il n'y en a pas beaucoup, de notaires, dans ce territoire-là.

M. TESSIER: Bien, il y en a une trentaine. Evidemment, il y a des bleus, il ya des rouges, et il y a peut-être des séparatistes.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que l'insistance du ministre pour souligner qu'il n'y a pas de discrimination...

M. TESSIER: Il y a peut-être des créditistes.

M. MASSE (Montcalm): ... nous permet de conclure qu'il y en a, d'habitude?

M. TESSIER: Mais non, ce que je voulais dire, c'est que, pour hâter la procédure, nous avons fait appel à tous les notaires de la région. Nous avons même été jusqu'à conclure une entente avec la Chambre des notaires pour déterminer un horaire forfaitaire pour l'étude des titres de chaque lot, la rédaction, les recherches de titres, en somme.

M. PAUL: Est-ce que le ministre peut nous dire quand les notaires ont été nommés?

M. TESSIER: Quand les notaires ont été nommés? Les notaires ont été nommés...

M. PAUL: Est-ce que la date du début d'avril...

M. TESSIER: Les notaires ont été nommés, la date exacte, je ne la sais pas, mais c'est vers la fin de mai. Cela faisait à peu près une quinzaine de jours, je pense, que j'avais été assermenté, à ce moment-là.

M. PAUL: Est-ce que le ministre ne pourrait pas vérifier dans ses registres pour voir si les notaires n'avaient pas tous été nommés et les services de tous les notaires retenus...

M. TESSIER: Non, non.

M. PAUL: Laissez-moi poser la question.

M. TESSIER: Bien oui, mais je la connais, la réponse.

M. PAUL: Est-ce que vous avez nommé les notaires?

M. TESSIER: Oui, monsieur, c'est moi.

M. PAUL: Comment se fait-il que ce n'est pas le ministre de la Justice?

M. TESSIER: Ah, parce qu'il y a eu entente! Il y a eu entente entre le ministère de la Justice et le ministre des Travaux publics, et à ce moment-là, le ministre de la Justice n'a fait aucune objection.

M. PAUL: Connaissez-vous ma question?

M. TESSIER: Pardon?

M. PAUL: Vous connaissez ma question?

M. TESSIER: Je peux vous dire que les notaires ont été nommés à la fin de mai 1970 et que, préalablement à cela, des lettres avaient été envoyées par mon prédécesseur à un groupe de notaires leur demandant s'ils étaient intéressés à s'occuper de la chose.

Dans l'intervalle les réponses sont arrivées. Lorsque je suis entré en fonction, j'ai augmenté cette liste.

M. LOUBIER: La liste a augmenté?

M. TESSIER: Certainement parce qu'au lieu d'avoir 20 notaires nous en avons eu 30.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce à la suite de lettres de recommandation du ministre de la Justice?

M. TESSIER: C'est à la suite d'aucune lettre de recommandation, c'est que nous avons pris tous les notaires.

M. LOUBIER: Par un téléphone?

M. TESSIER: Par lettre. J'ai envoyé une lettre à tous les notaires leur donnant le mandat précis d'avoir à s'occuper des recherches de titres. Pour hâter le travail, nous avons demandé à la Chambre des notaires de nous fournir le nom de stagiaires, c'est-à-dire de notaires de troisième ou de quatrième année, et nous avons eu...

M. GAGNON: Le ministre a-t-il la liste des notaires?

M. TESSIER: ... une liste d'une vingtaine de stagiaires qui sont au travail depuis, je crois, le 1er juin.

M. PAUL: Est-ce 1969 ou 1970? UNE VOIX: C'est 1971.

M. TESSIER: C'est 1970, évidemment. Nous parlons toujours de 1970.

M. GAGNON: Le ministre a-t-il la liste des notaires?

M. TESSIER: Non, je ne l'ai pas.

M. GAGNON: Est-ce que ce sont des notaires habitant le territoire?

M. TESSIER: Je vous suggère de consulter l'annuaire judiciare du Québec. Vous y trouverez là liste de tous les notaires de tous les districts de Rimouski à Gaspé, et ce sont ceux-là.

M. LOUBIER: Vous les avez tous pris.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre des Affaires municipales. Combien de propriétés au total seront expropriées pour le parc Forillon?

M. TESSIER: J'ai ça quelque part.

Il y a en tout 1,800 expropriations à faire.

M. VINCENT: Il y a 1,800 expropriations à faire.

M. TESSIER: Oui, Lâ-dessus il y a 350 propriétés qui ont des constructions...

M. VINCENT: Je pense que...

M. TESSIER: Il y a 750 constructions.

M. VINCENT: Il y a 1,800 expropriations à faire.

M. TESSIER: Cela intéressera peut-être l'ancien ministre de l'Agriculture et de la Colonisation de savoir qu'il y a 40% du territoire qui est sur billet de location...

M. VINCENT: Bon, et c'est là...

M. TESSIER: ... en vertu de la Loi des terres de colonisation.

M. VINCENT: ... que j'en arrive à poser cette question au ministre des Affaires municipales: De ces 1,800 expropriations qu'il y a à faire, combien le ministre devra-t-il faire d'expropriations qui, normalement, ne sont pas susceptibles d'être faites en vertu de la loi actuelle du ministère des Travaux publics?

M. TESSIER: Je ne comprends pas très bien votre question.

M. VINCENT: Voici. Le ministre, en vertu de la loi du ministère des Travaux publics, peut procéder, en vertu de l'article 11, par expropriation; mais en vertu de cette loi 29...

M. TESSIER: Vous admettrez que c'est une longue procédure.

M. VINCENT: ... le ministre veut se donner le pouvoir d'exproprier des terrains qui, normalement, ne sont pas susceptibles d'être expropriés, des terrains où il y a des concessions et billets de location, combien y en a-t-il, de ces expropriations, qui ne sont pas normalement susceptibles d'être faites?

M. TESSIER: Vous n'avez qu'à faire le calcul. Je vous ai dit qu'il y en avait 40% sur billet de location. Faites le calcul: 40% de 1,800.

M. VINCENT: Donc, cela signifie que le bill 29, à l'article 1, est nécessaire pour permettre au ministre de faire l'expropriation d'au moins 40% des terrains qui sont là et qui serviront au parc Forillon. C'est aussi simple que cela.

M. TESSIER: Oui, mais en plus de cela, comme je l'ai mentionné, même dans le cas où il n'y a pas de billet de location et pas de concession en vertu de la Loi des terres et forêts, c'est la lenteur de la procédure...

M. VINCENT: D'accord.

M. TESSIER: ... qui nous oblige justement à inclure les articles 1, 2 et 3.

M. VINCENT: J'arrive à ce point-là. On dit que le projet a d'abord pour objet de permettre au gouvernement du Québec d'acquérir rapidement la propriété, par voie d'expropriation ou de gré à gré. Par la suite, le ministre, dans ses notes explicatives, mentionne que les procédures d'expropriation seront celles qu'utilise le gouvernement lorsqu'une expropriation est requise pour les fins de la Loi de la voirie. Le ministre pourrait-il nous dire si, à son ministère, il y aura un service spécial pour faire ces expropriations, des personnes qui iront sur place discuter avec les expropriés, ou si ce sont les services du ministère de la Voirie qui seront requis, les services qui sont établis déjà au ministère de la Voirie, avec les inspecteurs qui sont déjà là, pour faire le travail au nom du ministère des Travaux publics?

M. TESSIER: Je dois dire tout de suite que ce n'est pas le ministère de la Voirie ou les officiers du ministère de la Voirie qui vont faire les expropriations. Ce sont des fonctionnaires du ministère des Travaux publics. Egalement, travaillent là-dessus, d'autres fonctionnaires qui relèvent de l'ODEQ, l'Office de développement de l'Est du Québec qui relève de l'Office de développement et de planification du Québec.

Alors, nous avons en place des fonctionnaires de l'ODEQ qui ont travaillé là-dessus en collaboration avec les fonctionnaires du ministère des Travaux publics. Je pourrais ajouter qu'actuellement il y a environ 50% du travail qui est fait...

M. VINCENT: C'est ça.

M. TESSIER: Je pourrais peut-être aussi ajouter pour compléter ma réponse de tout à l'heure, qu'en ce qui concerne les pouvoirs d'expropriation du ministère des Travaux publics, à moins que je fasse erreur — il s'agit toujours d'une question d'interprétation, en somme, de donner presque une opinion juridique — l'opinion des conseillers juridiques, du service juridique du ministère des Travaux publics, croit que l'on doit interpréter les pouvoirs d'expropriation du ministère des Travaux pu-

blics, comme devant s'appliquer a des terrains sur lesquels le ministère doit construire des immeubles, on doit faire des travaux, pour lui-même ou pour d'autres ministères du gouvernement, à la demande d'autres... C'est ce qui se fait couramment.

C'est à cela seulement que se limiteraient les pouvoirs d'expropriation du ministère des Travaux publics. Or, dans ce cas précis, qui nous intéresse, M. le Président, nous exproprions non pas pour la province, mais nous exproprions pour en céder ensuite l'aménagement au gouvernement fédéral. C'est là la distinction et c'est là-dessus que le service du contentieux, ou le service juridique du ministère, a eu des doutes sérieux. C'est pourquoi on a inclus, dans la présente loi, ces pouvoirs spéciaux d'expropriation.

M. VINCENT: Je remercie le ministre. Il a précédé, par une réponse, une question que je voulais lui poser. Déjà, jusqu'à maintenant, sur 1,800 expropriations possibles, il y en a 900 qui sont complétées, c'est-à-dire, pas les expropriations...

M. TESSIER: Environ 50%.

M. VINCENT: Cela a été fait de gré à gré? On a complété environ 50%, ce qui veut dire qu'il resterait...

M. TESSIER: Je crois savoir que, dans 50% des dossiers, sur 1,800 expropriations, ce qui veut dire environ 900 dossiers d'expropriation, il n'y a eu encore jusqu'à maintenant aucune discussion ou négociation quant au prix. Ce qui est complété à 50% ce sont les études des titres seulement. Nous avons fait les relevés complets, nous avons fait un peu comme on fait pour un rôle d'évaluation dans une municipalité, nous avons évalué les bâtiments; après les avoir mesurés, nous avons regardé la qualité des matériaux, la vétusté de ces bâtiments, examiné les terres, si c'étaient des terres en culture, des terres à bols. Nous avons fait une évaluation, en somme, dans 50% des l,800 dossiers d'expropriation, mais nous n'avons pas encore commencé la négociation directe avec les intéressés.

M. MASSE (Montcalm): Quels montants le ministre prévoit-il pour payer ces frais d'expropriation?

M. TESSIER: Environ $3,200,000.

M. MASSE (Montcalm): L'article comprend la description d'un territoire à l'annexe A. Quelles sont les mesures qu'entend prendre le gouvernement pour aider à diminuer les inconvénients d'un déplacement pour ces personnes?

M. TESSIER: Cela va plus loin dans la loi. Nous allons nommer un administrateur, qui sera également chargé de voir, avec une équipe, bien entendu, où ces gens peuvent être relocalisés. Comme il ne faut pas créer de bidonville dans la périphérie du parc, il faut d'abord prévoir où ces gens seront localisés. Tout ça va évidemment demander une étude de quelques mois. Ces gens vont également être consultés.

En d'autres termes, on n'établira pas de force, à un endroit précis, une famille. On va lui demander, d'abord, où elle désire habiter, dans quelle partie, en dehors du territoire du parc Forillon. Une famille qui est habituée à vivre au bord de la mer, une famille de pêcheurs, qui va manifester le désir de demeurer au bord de la mer, c'est là qu'on la relogera. Une autre famille qui manifestera le désir d'être urbanisée, d'aller vivre à l'intérieur de la ville de Gaspé, ou de Percé, nous verrons à ce qu'elle soit transplantée à un endroit qui lui convient. C'est certainement l'intention du gouvernement d'entrer en contact personnellement avec chacune de ces familles-là, ou chaque individu, ou chaque chef de famille avant de le déplacer.

M. DUMONT: M. le Président, j'aurais une question. Nous avons vécu à Thetford Mines un plan de regroupement, comme tel, de réaménagement et il s'est glissé certaines erreurs. Enfin, les négociations ont été entreprises par un groupe de corps intermédiaires.

Alors, je me demande, pour la péninsule gaspésienne, pour ce parc Forillon, si le ministre accepterait, par exemple, des associations comme l'UCC, ou les associations de pêcheurs qui formeraient une association globale pour être capable de négocier des droits d'ensemble, pour être capable de donner justice, surtout, si on a tendance à agir trop rapidement. Je pense qu'une association groupant toutes ces associations, si elle était reconnue, serait en mesure d'aider les gens de ces régions.

M. TESSIER: La suggestion est excellente. Personnellement, je ne vois aucune objection à ce que nous consultions différentes associations dès qu'elles en manifesteront le désir.

M. RUSSELL: M. le Président, seulement quelques remarques sur les avancés du ministre en ce qui concerne l'arpentage, le plan, le dépôt des plans et l'évaluation. Est-ce que le

ministre a affirmé, devant cette Chambre, que cela est seulement partiellement complété ou est-ce que ce n'est pas totalement terminé avant le premier avril?

M. TESSIER: Non, j'ai dit que le plan est fait, le plan du parc, le plan descriptif.

M. RUSSELL: Le plan est fait, l'évaluation est complète et le tout a été déposé avant le premier avril?

M. TESSIER: Non, l'évaluation n'est pas complète parce que, justement on procède, depuis quelque temps, à compiler tous les renseignements.

Il est impossible que l'évaluation complète soit faite. Nous avons fait une estimation générale, je suis bien d'accord, mais ce que je veux dire, c'est que l'estimation de chacun des 1,800 cas d'expropriation est complétée à 50%.

M. RUSSELL: M. le Président, il s'agit de négociations, si je comprends bien, avec les particuliers.

M. TESSIER: C'est cela.

M. RUSSELL: La négociation et l'évaluation sont deux choses bien différentes. L'évaluation totale a été faite; ceci a établi l'estimation de tout le territoire.

M. TESSIER: Approximative.

M. RUSSELL; Ceci a été fait par deux ou trois firmes qui, si ma mémoire est fidèle, travaillaient là-dessus, pour compléter cette évaluation.

M. TESSIER: Je pense qu'il faut se comprendre. Une estimation globale a été faite, d'accord, mais c'est approximatif. C'était surtout du point de vue budgétair. Il fallait tout de même savoir ce qu'il fallait inclure comme dépenses pour l'année courante et pour les années à venir. C'est fait. Je suis parfaitement d'accord que c'est fait et que cela a été fait avant le changement de gouvernement.

Dans l'ensemble, c'est une affaire de $5,300.000. Ce chiffre, ce n'est pas au hasard qu'il a été fixé par mon prédécesseur. C'est à la suite de renseignements qui ont été recueillis. Cela ne comprend pas seulement l'expropriation mais également les frais de relocalisation des personnes.

Pour cette estimation globale, d'accord, mais quand on aborde des cas particuliers, il faut en arriver à quelque chose de bien précis. Avant d'aller négocier avec un propriétaire et lui offrir, disons, $8,475, il faut arriver avec quelque chose de bien précis. C'est cela que nous sommes en train de faire, et c'est là-dessus que nous avons complété 50% des dossiers.

M. RUSSELL: M. le Président, je comprends, le ministre est d'accord avec moi, que, lorsque des plans techniques ont été faits par des arpenteurs-géomètres, ceci a quand même été déposé en vue de l'expropriation de tout le territoire. C'est de la même façon qu'on a procédé partout ailleurs, non pas seulement dans mon temps, mais avant moi, pour toutes les terres qu'on a achetées pour les besoins du gouvernement. La loi actuelle donne les pouvoirs au ministre excepté, naturellement, pour les terrains de la couronne.

M. TESSIER: M. le Président, on revient à la question que les plans ont été déposés. Déposés où? Déposés à quel endroit? Au bureau du ministère, d'accord, mais pas ailleurs.

Ils ont peut-être été déposés au bureau de l'ancien ministre des Travaux publics...

M. RUSSELL: Un dépôt des plans, c'est au bureau d'enregistrement du comté...

M. TESSIER: Non. A quoi cela aurait-il servi de déposer les plans, au bureau d'enregistrement? On n'a pas les pouvoirs tant et aussi longtemps que cette loi ne sera pas adoptée et sanctionnée, on n'a pas les pouvoirs d'exproprier.

M. MASSE (Montcalm): Vous les avez les pouvoirs d'expropriation. C'est le ministre des Travaux publics...

M. TESSIER: Non, on n'a pas les pouvoirs d'exproprier. Je ne suis pas pour recommencer. J'ai déjà tout expliqué cela, les pouvoirs qui sont contenus dans la Loi des travaux publics sont différents des pouvoirs que l'on requiert par la présente loi. Les pouvoirs que l'on requiert par la présente loi sont des pouvoirs d'expropriation conformes à ceux qui existent dans la Loi de la voirie.

M. RUSSELL: La possession préalable.

M. TESSIER: Simple dépôt du plan au bureau d'enregistrement. Or, nous n'avons pas ces pouvoirs-là, actuellement.

M. RUSSELL: La seule différence qu'il y a

entre les deux, c'est que les pouvoirs de la Voirie, c'est de la possession au préalable. Actuellement, les Travaux publics ont le pouvoir, après, on fait une offre, on dépose les plans et quinze jours après, on devient propriétaire du terrain ou de la propriété.

M. TESSIER: Oui, mais il y a plus que cela. En tout cas, je pense qu'on est en train de donner un cours de droit, mais...

M. RUSSELL: M. le Président, le ministre peut faire un cours de droit au ministère de la Justice, mais, pas à moi, parce que j'ai procédé sur un avis de la Justice.

M. TESSIER: Bien oui, en tout cas, on procède légalement et pour l'information de mon collègue, c'est qu'en vertu de la Loi des travaux publics, les pouvoirs d'expropriation nous obligent à déposer un plan pour chaque lot. Cela veut dire 1,800 lots, 1,800 plans avec l,800 descriptions techniques. Tandis qu'en vertu de la Loi de la voirie, on peut exproprier d'un seul coup, 1,800 lots, par le dépôt du plan. Alors vous voyez là une procédure qui est très simplifiée et qui, évidemment, est une économie.

M. MASSE (Montcalm): Alors, faites-le déposer par le ministre de la Voirie, s'il a les pouvoirs.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté?

M. TESSIER: Ah! ce n'est pas ma faute, si vous ne comprenez rien! Mais il me semble que je suis assez précis dans mes explications.

M. MASSE (Montcalm): Le ministre a énormément de difficultés à nous expliquer les pouvoirs supérieurs que cette loi lui donnerait comme ministre des Travaux publics, mais j'aimerais qu'il réussisse un peu mieux à nous expliquer l'autre partie que nous donne cet article no 1. Les gens qui demeurent dans le territoire. Il est évident qu'on peut discuter un autre article, mais l'article 1 donne la description du territoire et c'est dans ce territoire que les gens vivent. Moi, je n'ai pas d'objection, si le leader parlementaire préfère qu'on discute cela à l'article 10 ou à l'article 1, cela m'est parfaitement égal.

M. LAPORTE: Moi aussi.

M. MASSE (Montcalm): Cela vous est égal. Alors à l'article 1...

M. TESSIER: Vous avez de la misère à vous convaincre, je pense, du bien-fondé de la loi et du fait qu'il y a lieu d'établir un parc dans la péninsule de Forillon.

M. MASSE (Montcalm): Ce dont je voulais me convaincre, c'est de la connaissance qu'a le ministre de la loi qu'il nous présente. C'est difficile, parce qu'il n'est pas capable de nous expliquer...

M. TESSIER: J'ai la connaissance, j'ai beau vous l'expliquer, vous ne voulez pas comprendre ou vous ne pouvez pas comprendre.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. » La difficulté qu'a le ministre de nous exprimer pourquoi il demande ces pouvoirs vient certainement du fait qu'il conçoit mal la nécessité de sa loi.

M. TESSIER: Je pense que vous êtes le seul en cette Chambre qui ne comprenez pas.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, je pense que nous n'allons pas demander le vote là-dessus mais la...

M. TESSIER: Si nous prenions le vote, ce serait curieux.

M. MASSE (Montcalm): ... multiplicité des questions... Ceux qui ont le droit de poser des questions... membres de l'Opposition...

M. TESSIER: Vous êtes mieux de ne pas demander le vote là-dessus.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, à l'ordre! Pourriez-vous demander au ministre d'être un peu plus calme, moins nerveux; s'il veut parler je vais m'asseoir et il parlera.

M. TESSIER: Je ne suis pas nerveux du tout.

M. MASSE (Montcalm): Vous n'êtes pas poli, alors.

M. TESSIER: Cela, c'est vous qui le pensez.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, je pense que...

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre!

M. LAPORTE: M. le Président, pourriez-vous demander au député de Montcalm de re-

trouver son calme et de discuter du projet de loi. Disons que nous sommes tous fatigués, le ministre connaît son projet de loi, et le député a décidé d'essayer de prouver qu'il ne le connaissait pas. Mais on peut faire ça sans s'invectiver.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, si le ministre veut faire des jeux de mots sur les circonscriptions électorales, je redemande au ministre des Affaires municipales, député de Rimouski, de mettre ses skis calmement dans la piste qu'il avait tracée...

M. LAPORTE: Vous n'êtes pas dans la bonne saison.

M. MASSE (Montcalm): Cela ne sera pas mieux. Maintenant revenons au projet de loi.

M. TESSIER: Soyons sérieux.

M. MASSE (Montcalm): Revenons, M. le Président, au projet de loi. J'aurais quelques questions à poser. S'il est important, même s'il ne nous l'a pas prouvé, d'accorder des pouvoirs supérieurs au ministre en vertu de l'expropriation, il est surtout important de savoir ce qu'il fera de ces pouvoirs. Comment les utilisera-t-il? Tant que ce n'est que de l'expropriation de territoire, c'est une chose qui peut avoir plus ou moins de conséquence, mais sur ces territoires, vivent plusieurs centaines de gens. Comment le ministre entend-il résoudre les problèmes de ces gens? Il nous a fait tout à l'heure quelques déclarations de bonnes intentions, tout le monde est d'accord avec la vertu, c'est quand arrive le problème des péchés que les difficultés et les discussions s'engendrent. Comment le ministre entend-il réellement résoudre le problème de ces centaines de gens qui habitent ce territoire.

Il nous a dit tout à l'heure que le problème était à l'étude; il prendra plusieurs mois pour étudier cela. Par contre, il préconise l'urgence d'adopter la loi qui lui donnera les pouvoirs afin de procéder rapidement et remettre les terrains à la fin de l'année entre les mains de son gouvernement supérieur, puisque ce n'est qu'un gouvernement de tutelle dirigé par un intendant, remettre rapidement au gouvernement d'Ottawa les territoires.

Nous, ce qui nous intéresse, ce n'est pas uniquement de donner au ministre des pouvoirs supérieurs.

M. TESSIER: Ce qui vous intéresse, je crois, c'est de vous entendre parler!

M. MASSE (Montcalm): C'est également de savoir comment le gouvernement entend traiter les populations qui vivent dans ces territoires-là. Je sais qu'il est important, pour le Parti libéral, comme on le disait tout à l'heure, de reconnaître le droit d'aînesse du gouvernement fédéral pour un petit plat de lentilles. Nous, ce qui nous intéresse, c'est de savoir comment le ministre va se comporter...

M. TESSIER: C'est ce qui vous fait mal au coeur...

M. MASSE (Montcalm): ... comment les gens qui vivent dans ce territoire seront traités...

M. TESSIER: ... de voir que le gouvernement fédéral dépense $8 millions et demi ou $9 millions.

M. MASSE (Montcalm): ... c'est cela qui nous intéresse. Donner un chèque en blanc au ministre, c'est une chose; mais savoir comment il va traiter ces populations en est une autre.

M. TESSIER: Vous viendrez voir, vous allez vous en rendre compte.

M. MASSE (Montcalm): Qu'il fournisse au Parlement des explications. M. le Président, pourriez-vous avertir votre ministre qu'il y a des règlements et qu'il doit, lui aussi, les suivre?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Je rappelle au député de Montcalm que le président du comité n'a aucun ministre.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, vous avez des espoirs de l'être, par exemple.

M. LAPORTE: Alors que vous, vous n'en avez plus.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté? Le député d'Abitibi-Ouest.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, les années que je vis sont celles qu'a vécu le député de Chambly.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président, au point de vue du regroupement municipal, est-ce que l'objection de certaines municipalités est pour quelque chose dans la mise en tutelle des 18 municipalités?

M. TESSIER: Pardon?

M. AUDET: Au point de vue de regroupement municipal, est-ce que l'objection de certaines municipalités est pour quelque chose dans la mise en tutelle des 18 municipalités et y a-t-il des municipalités qui se sont opposées au regroupement?

M. TESSIER: Non, M. le Président. D'après les rapports que j'ai eus, depuis plusieurs mois, tous les conseils municipaux ont été rencontrés et il semble qu'il y a une unanimité complète de la part des 18 municipalités en question, pour le regroupement. Ce n'est pas une chose qui est autorisée par la présente loi, cela viendra avec une autre loi. Je crois que nous aurons l'occasion, à ce moment-là, de rediscuter, plus en détail, du regroupement des 18 municpalités en question.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre a parlé tantôt de reloger des populations, autant que possible, dans le milieu où elles désirent continuer leur vie naturelle. Est-ce que le ministre a sensibilisé son collègue, le ministre de la Famille et du Bien-Etre social, étant donné qu'il y a tellement d'implications sur la famille, à ce moment-là? Cela s'est produit à différents moments, dans différents programmes, la relocalisation des familles et des individus.

Il y a des mécanismes qui ont déjà été mis sur pied, qui existent, mécanismes qui ne sont pas permanents, mais qui ont été créés à chaque occasion. Est-ce qu'à l'occasion de l'application de cette loi, il ne serait pas nécessaire de créer ce mécanisme de coordination entre les ministères impliqués et le ministère de la Famille?

M. TESSIER: M. le Président, il existe, cet organisme; il s'appelle l'ODEQ et il y a eu — je ne pourrais pas mentionner le nombre exact — plusieurs réunions avec la population intéressée, les représentants de l'ODEQ, les coordonnateurs sur la conférence administrative, les représentants du ministère de la Famille et du Bien-Etre social, du ministère des Affaires municipales, etc. Je ne pourrais pas tous les énumérer, mais je sais pertinemment que des représentants du ministère de la Famille et du Bien-Etre social étaient présents lors de ces rencontres avec la population.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté?

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, j'aimerais quand même que le ministre nous explique très calmement les méthodes, les moyens qu'il va employer pour ce qui est du déplacement des personnes. Je pense que la désinvolture avec laquelle il traite les gens qui habitent ce territoire est pour le moins une honte. Je crois que pour le ministre, désirer avoir des pouvoirs supplémentaires pour exproprier rapidement, c'est une chose — ce n'est pas ça qu'on discute à ce moment-ci — mais les gens qui habitent ce territoire voudraient savoir, du législateur... M. le Président, est-ce que vous pouvez faire asseoir le ministre?

M. TESSIER: M. le Président, c'est ridicule, j'ai expliqué tout ça. J'ai dit que les gens avaient été consultés, qu'ils vont continuer à être consultés, qu'ils vont donner leurs...

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, est-ce que vous pouvez inviter le ministre à s'asseoir.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre!

M. TESSIER: ... préférences, que tout ça va être discuté. On a 18 mois pour déplacer toutes ces personnes. Il me semble que c'est assez.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, comment pouvez-vous dire qu'on a 18 mois pour déplacer ces personnes quand vous nous avez dit tout à l'heure qu'il faut que vous remettiez les terrains au mois de décembre?

M. TESSIER: Même si on cède le terrain — d'ailleurs, on va le céder avant le 31 décembre; les terrains vont être cédés d'ici quelques semaines — cela ne veut pas dire que nécessairement les familles vont être forcées de déménager.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, le ministre vient de nous dire que les familles avaient été consultées et qu'elles seront consultées. De quelle façon se feront ces consultations? Je ne sais pas si le ministre a expliqué cela tout à l'heure, je m'excuse.

Est-ce un organisme quelconque, est-ce le conseil municipal exclusivement qui a été consulté? Est-ce que le conseil municipal a consulté la population?

M. TESSIER: Ce n'est pas uniquement le con-

seil municipal qui a été consulté. J'ai mentionné tout à l'heure que les familles avaient été consultées. Sur les 18 municipalités, il y en a six qui sont directement morcelées par l'établissement du parc Forillon. Or, les familles à l'intérieur de ce territoire que l'on devra relocaliser ont toutes été consultées une par une. On les a réunies, dans les six municipalités, à la salle paroissiale et on leur a tout expliqué. Les rencontres — il n'y en a pas eu seulement une, il y en a eu plusieurs — vont se poursuivre, elles se font encore d'ailleurs, présentement, au moment où je vous parle.

M. MASSE (Montcalm): Ce n'est sûrement pas le ministre qui va les rencontrer, parce qu'il ne pourrait pas leur expliquer ce qui va se faire. Il ne le sait pas.

M. TESSIER: C'est en marche actuellement et depuis plusieurs mois. Nous allons tenir compte de tout ça. Les déménagements ne se feront pas tous le même jour. On va tenir compte de chaque cas particulier, de manière qu'il y ait le moins d'inconvénients possibles pour chaque famille concernée.

M. LESSARD: Il y a consultation, mais est-ce que les familles avaient la possibilité de s'opposer ou si c'était simplement une décision qu'on leur annonçait, qu'elles allaient être relocalisées?

M. TESSIER: Tout le monde, dans la péninsule de Forillon, est extrêmement heureux de la création du parc, parce que, d'abord, une bonne partie de ces familles vont y travailler. Elles sont actuellement en chômage, elles relèvent du bien-être social. Elles vont être employées de préférence dans les travaux d'aménagement du parc lui-même par le gouvernement fédéral et aussi dans les travaux d'aménagement de la périphérie du parc. Toutes les familles qui ont été vues non seulement consentent à l'aménagement du parc, mais ont hâte que les travaux débutent.

M. LESSARD: Vous dites bien toutes les familles. Il n'y a eu aucune opposition de la part...

M. TESSIER: Non.

M. LESSARD: ... d'aucune famille, à ce sujet-là?

M. TESSIER: Bien non!

M. MASSE (Montcalm): Quelle preuve a-t-on de cela, M. le Président?

M. TESSIER: Ecoutez, aucune famille. Je ne peux pas déclarer, évidemment, qu'il ne peut pas y en avoir, peut-être une. Mais les rapports que j'ai eus c'est que, dans l'ensemble, tout le monde est désireux que la réalisation de ce projet se matérialise le plus tôt possible et personne, à ma connaissance, n'a manifesté, d'aucune manière, son désaccord.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président,...

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): ... comment le ministre entend-il traiter ces familles? Il nous a expliqué, jusqu'à maintenant, que des réunions avaient eu lieu à diverses époques, dernièrement, et le ministre confirme que, selon les rapports qui lui auraient été remis, la quasi-totalité des familles est d'accord pour quitter le terrain, pour se reloger ailleurs. A partir de cette étape-là, le ministre devra fournir à ces familles une forme d'aide, soit en argent, soit en services de la part de l'Etat, pour les reloger.

Comment le ministre entend-il fournir cette aide? D'après quelles normes agira-t-il? Selon quels critères donnera-t-il des ordres à ses fonctionnaires? Comment entend-il traiter cette population? La question est pourtant simple.

M. TESSIER: Oui.

M. MASSE (Montcalm): Nous n'avons eu...

M. TESSIER: Si vous arrêtez de parler, je vais vous répondre.

M. MASSE (Montcalm): ... qu'une partie de la réponse jusqu'à maintenant: il y eu des réunions. Nous voulons savoir, avant de donner ce chèque en blanc, au ministre, ce qu'il adviendra de ces familles. Comment les traitera-t-il? Il nous a dit jusqu'à maintenant: Ceux qui demeurent sur le bord de l'eau et qui veulent demeurer sur le bord de l'eau, ils demeureront sur le bord de l'eau. Ceux qui veulent s'urbaniser, disait-il, c'est assez incroyable de s'urbaniser comme familles, qui veullent aller vivre à Gaspé, iront vivre à Gaspé. Est-ce que le ministre va exproprier des terrains pour les faire vivre là? Comment entend-il procéder?

M. TESSIER: Vous êtes encore plus enfantin...

M. MASSE (Montcalm): Je pense que c'est fondamental.

M. TESSIER: ... que je croyais.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, je crois que la désinvolture avec laquelle le ministre des Travaux publics traite ces populations...

M. TESSIER: Pas la population, mais vous.

M. MASSE (Montcalm): ... est une honte. Je pense, M. le Président, que votre hantise de remettre votre plat de lentilles est en train de vous faire perdre le nord. Pensez un peu à la population qui vit là. Ne traitez pas ces gens comme le Parti libéral fédéral vous traite. Au moins, ayez un peu de décence, si le parti fédéral n'en a pas envers vous. Traitez-les avec ménagement, traitez-les avec décence. Au fond, faites un peu ce que le député de Chambly aimerait que son grand chef Trudeau fasse à son égard.

M. LAPORTE: M. le Président, parlant de plats de lentilles...

M. TESSIER: Ah, vous êtes bien drôle!

M. LAPORTE: ... est-ce que l'on devrait ajourner pour le déjeuner, ou si le député croit...

M. MASSE (Montcalm): Bien, si le député veut m'inviter, je serais bien d'accord.

M. LAPORTE: Je vais vous faire manger quelque chose qui va vous endormir pour l'après-midi!

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, il veut m'imposer le bâillon.

M. LAPORTE: Celui-là, vous allez le trouver agréable, au moins, pendant que vous allez le déguster!

Alors, M. le Président, je suggère que vous proposiez que ce comité suspende ses travaux jusqu'à deux heures.

M. LE PRESIDENT (Hardy): La séance du comité est suspendue jusqu'à deux heures.

Reprise de la séance à 14 h 4

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Article 1, adopté?

M. GAGNON: Un instant, M. le Président. Tout à l'heure, nous avions parlé à l'honorable ministre du mandat que devaient recevoir les notaires. Le ministre pourrait-il me dire si tous les notaires qui ont été nommés sous l'ancienne administration vont continuer, sans exception, à exercer leur mandat ou s'il y en a qui ont été biffés, rayés?

M. TESSIER: Personne n'a été rayé, sauf qu'autant que je puisse me souvenir il y a deux ou trois notaires qui n'ont pas répondu à l'offre. Nous leur envoyions une lettre — d'ailleurs, c'est mon prédécesseur qui l'avait faite et j'ai suivi la même formule pour ajouter quelques notaires — leur disant que nous étions intéressés à requérir leurs services et de bien vouloir nous faire connaître, par le retour du courrier ou dans un certain délai de huit ou dix jours, s'ils étaient intéressés à agir comme tels. Or, je crois qu'il y en a trois qui ont répondu qu'ils n'étaient pas intéressés ou qui n'ont pas répondu du tout.

M. GAGNON: Je suis informé qu'un notaire, entre autres, de Gaspé-Sud... Je comprends que cela s'apparente peut-être à des circonstances politiques, mais, pour l'information du ministre, je donnerai son nom. Il s'agit du notaire Vilmont Dupuis.

M. TESSIER: Pardon?

M. GAGNON: Le notaire Vilmont Dupuis, de Chandler qui, lui, avait été nommé en bonne et due forme. Or, tout dernièrement, on l'aurait informé que son mandat était annulé. J'aimerais que le ministre s'enquière de la véracité de ces faits et, s'ils étaient vrais, qu'il y ait correction afin que tous les notaires, sans exception, puissent en profiter. Je dois dire que, dans mon comté, politiquement, ce n'étaient pas des amis, mais j'ai dû nommer tous les notaires parce que, comme la manne ne passe pas très souvent en Gaspésie, tous les professionnels qui oeuvrent là et qui acceptent de faire des sacrifices de revenus comparativement aux endroits qui sont plus avantagés économiquement devraient être traités sur un même pied, avec la même justice. Alors, le ministre corrigera, j'imagine?

M. TESSIER: Je ne me souviens pas de ce nom, M. le Président, mais je vais vérifier.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté. Article 2. Adopté? Article 3?

M. TESSIER: Ce sont trois articles qui vont ensemble.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 3, adopté?

M. RUSSELL: Oui.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 4. Adopté?

UNE VOIX: Adopté.

M. GAGNON: Un instant, M. le Président. Je ne puis pas l'affirmer au ministre, mais n'y a-t-il pas des types de seigneuries dans ce territoire et est-ce que le ministre peut agir, même au niveau des seigneuries avec la loi actuelle, au même titre que pour les terres patentées?

M. TESSIER: Il n'y a pas de seigneuries.

M. GAGNON: Il n'y a pas de territoires de seigneuries?

M. TESSIER: Non.

M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté. Article 5?

M. RUSSELL: A l'article 5, il s'agit des droits, non pas d'expropriation, mais de prise de possession du territoire d'un cimetière. Est-ce que la Voirie a les pouvoirs nécessaires pour exproprier un cimetière?

M. TESSIER: La Voirie?

M. RUSSELL: Oui, parce qu'on se reporte à la Loi de la Voirie, ici. On transmet, au ministre des Travaux publics, les pouvoirs du ministre de la Voirie, par cette loi. Donc, il faut se référer à la Loi de la Voirie pour savoir si, réellement...

M. TESSIER: En vertu des pouvoirs de la Voirie, non, je ne l'ai pas. Mais en vertu de l'article 2, oui, parce que l'article 2 couvre justement ce cas des cimetières. C'est pour ça d'ailleurs que cela a été mis dans la loi. Relisez attentivement l'article 2: Les pouvoirs d'expro- priation conférés par la présente loi peuvent être exercés à l'égard de tout immeuble même consacré à un usage public. C'est là qu'on déroge à la Loi de la voirie. C'est à l'article 3 qu'on donne les pouvoirs de la Voirie. Cet article complète et augmente les pouvoirs de la Voirie, à cause de l'article 2.

M. RUSSELL: Est-ce que le ministre prétend que, par cet article, il y a le pouvoir d'agir, même s'il n'y a pas consentement?

M. TESSIER: A l'égard des cimetières? M. RUSSELL: A l'article 5, oui. M. TESSIER: Oui, certainement.

M. RUSSELL: Certainement. Donc, c'est lui...

M. TESSIER: Il n'y a pas besoin de consentement dans le cas d'expropriation.

M. RUSSELL: Non, mais il ne s'agit pas ici d'expropriation, il s'agit du déménagement d'un cimetière que vous êtes obligés par la Loi de la voirie, de déménager ailleurs.

M. TESSIER: Oui, mais est-ce que laportée de votre question est de savoir si les corporations des cimetières ont été vues et si on en a discuté avec elles? Si c'est le but de la question, c'est oui.

M. RUSSELL: Non, ce n'est pas tellement de savoir si elles ont été vues, c'est de savoir ceci à cet article: S'il n'y a pas un accord pour la relocalisation, est-ce que le ministre agit et choisit lui-même le territoire pour relocaliser le cimetière?

M. TESSIER: Oui, après consultation avec les autorités concernées.

M. RUSSELL: Oui, je comprends, s'il y a consultation, d'accord; mais, s'il n'y a pas consentement ou entente?

M. TESSIER: A ce moment-là, le ministre prendra ses responsabilités.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté?

M. GAGNON: Un instant. Ce matin, le ministre a dit que c'était le ministère qui allait effectuer les déplacements de cadavres. Je crois — c'est mon opinion — qu'il y aura certainement

des conflits. A-t-il envisagé la possibilié d'intéresser les fabriques, qui sont presque sans exception propriétaires de ces cimetières? Les intéresser et leur demander si elles ne procéderaient pas au déplacement des cadavres?

M. TESSIER: Oui, mais je crois qu'à ce moment-là...

M. GAGNON: Dans certaines paroisses il y en a beaucoup moins que dans d'autres.

M. TESSIER: ... si le député lit l'article 5, il verra que le tout « doit être fait après consultation de l'autorité ecclésiastique compétente. » Cela veut dire qu'il y aura nécessairement entente entre les deux.

M. GAGNON: Oui, mais consultation et acceptation, ce n'est pas pareil.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Dorion.

M. BOSSE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission de la Famille et du Bien-Etre social a siégé, qu'elle a étudié les crédits du ministère et a adopté tous les articles, à l'exception du poste budgétaire no 15.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 5, adopté. Article 6, adopté? Adopté. Article 7, adopté. Article 8, adopté. Article 9.

M. RUSSELL: L'administrateur est choisi par le ministre?

M. TESSIER: Oui.

M. RUSSELL: Est-il choisi actuellement?

M. TESSIER: Non. Je ne sais pas du tout qui ce sera. Ce que je peux dire, c'est que nous allons tâcher de trouver une personne compétente, si possible dans le territoire en question. Ce que nous allons regarder, c'est la compétence.

M. RUSSELL: Sur quoi va-t-on baser la compétence? Les gens qui sont compétents en droit ne le sont pas en administration municipale.

M. TESSIER: C'est en administration municipale qu'elle devra surtout avoir de la compétence, parce que l'administrateur aura à surveiller toute l'administration municipale. Il s'occupera également non seulement du déplacement des personnes, parce que ce sera peut-être confié à d'autres, mais surtout de la confection d'un plan directeur d'urbanisme et de tous les règlements de construction et de zonage. C'est surtout là-dedans que sa compétence doit primer.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Gaspé-Sud.

M. FORTIER: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport à cette Chambre que la commission de la Santé a adopté tous les crédits de la Santé, mais qu'elle a gardé l'article 1 sous réserve pour discussion générale.

M. RUSSELL: Je ne veux pas être légaliste, mais je crois que ces rapports-là ne doivent pas se faire lorsque nous sommes en comité.

M. LAPORTE: M. le Président, peut-être que le député de Shefford est, comme bien d'autres, un expert en procédure.

M. RUSSELL: Je ne suis pas expert en procédure. Le ministre dit cela avec le sourire.

M. LAPORTE: Je lui demande avec politesse s'il permet que ce rapport soit accepté.

M. RUSSELL: Personnellement, M. le Président, je suis satisfait, parce que je suis présent; mais, il y en a d'autres qui ne sont pas présents, et la Chambre est en comité, actuellement.

M. LAPORTE: Ceux-là ne pourront pas protester, je n'irai pas les chercher.

M. RUSSELL: Ils aimeraient être ici pour écouter ces rapports lorsque la Chambre siège.

M. LAPORTE: Non, non. Cela doit se faire en comité.

M. LE PRESIDENT (Hardy): C'est seulement le rapport, ils n'ont pas été adoptés.

M. LAPORTE: Cela se fera en comité. M. RUSSELL: Ils ne sont pas adoptés.

M. LAPORTE: Ils sont simplement proposés à la Chambre, ils ne sont pas adoptés. Cela va venir dans quelques minutes.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 9, adopté?

M. RUSSELL: Oui, adopté.

M. TESSIER: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 10?

M. LAPORTE: Adopté. M. TESSIER: Adopté,

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 11?

M. TESSIER: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 12?

M. TESSIER: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 13?

M. TESSIER: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 14?

M. TESSIER: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté.

M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a examiné et adopté le bill 29 sans amendement.

3e lecture

M. LAPORTE: Pour la troisième lecture, comme il y a un seul représentant du Parti québécois, puis-je signaler au député que ce matin son parti a voté contre le projet de loi, en deuxième lecture, sur le principe. J'imagine que son parti voudra également voter contre, en troisième lecture de ce projet de loi. Peut-être pourrions-nous avoir le même vote enregistré que ce matin en troisième lecture.

M. BERTRAND: Je demanderais par contre, étant donné qu'en troisième lecture nous devions voter contre à cause d'une modalité, que les noms des membres de l'Opposition officielle soient ajoutés à ceux qui voteraient contre.

M. LAPORTE: Contre, en troisième lecture. D'accord.

M. LE PRESIDENT: La troisième lecture est adoptée avec le vote enregistré.

M. BERTRAND: Avec le vote enregistré tel que dit.

M. LE PRESIDENT: Le vote enregistré d'aujourd'hui, j'imagine,

M. BERTRAND: Oui, en se basant sur le vote de ce matin.

M. LAPORTE: C'est-à-dire les mêmes votants que ce matin, mais divisés selon... Enfin, nous nous comprenons.

M. BERTRAND: A ce moment-là, il y aura lieu, probablement, d'ajouter le nom du député de Gouin, qui n'y était pas ce matin.

M. LAPORTE: Très bien.

M. BERTRAND: Avec ceux qui sont contre.

M. LAPORTE: Très bien. Vous n'insistez pas pour qu'on l'ajoute au vote de ce matin?

M. JORON: Non.

M. BERTRAND: Non, il n'y était pas, M. Joron.

M. LAPORTE: L'article no 3, s'il vous plaît, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires culturelles propose la deuxième lecture du projet de loi no 9, Loi du Grand Théâtre de Québec.

Grand Théâtre

M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai pas l'intention de prononcer le discours que prononcera mon collègue, le député de Chicoutimi, mais j'apprécierais d'abord entendre le ministre des Affaires culturelles.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntslc): M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre.

Le Grand Théâtre de Québec, que l'on attend depuis déjà longtemps, est sur le point d'être terminé. Sans doute pourra-t-il être inauguré

d'ici quelques mois. Dernier né du réseau de centres culturels construits à l'occasion du centenaire de la Confédération canadienne, il constituera un pôle d'attraction extrêmement important, s'inscrivânt dans l'axe Montréal-Québec, à partir duquel la vie culturelle de notre collectivité trouvera profit à s'ordonner.

Ne pourrait-on pas d'ailleurs imaginer une collaboration inédite entre la Place des Arts et le Grand Théâtre, collaboration qui, par le biais d'échanges de productions, permettrait une action culturelle plus directe, de manière que le complexe québécois puisse jouer le rôle qui lui revient et prendre ainsi toute sa signification? Il faut qu'il soit doté d'une structure administrative conforme à la nature même de ses activités. En effet, la gestion d'une maison de théâtre est d'un type particulier. Il s'agit, à toutes fins utiles, d'une entreprise à caractère commercial, dont les opérations reposent sur la location des salles, là mise au point de spectacles et l'exploitation de divers services. Cela suppose un certain degré d'autonomie. Les règles habituelles de la fonction publique sont souvent trop rigides pour être applicables à une telle situation. De plus, les exigences en matière budgétaire et même comptable sont, à bien des points de vue, différentes.

Enfin, il faut une direction suffisamment responsable pour permettre la prise de décisions rapides dans un contexte concurrentiel. Ces divers impératifs font qu'il est difficile de concevoir ce type de gestion à l'intérieur même d'un ministère, sous forme de services spécialisés, par exemple. A la lumière de ce qui précède, il semble bien que la meilleure formule d'organisation pour le Grand Théâtre de Québec soit celle d'un organisme autonome. Le projet de loi dit bill 9, qui est soumis aujourd'hui à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, propose à cet effet la création d'une régie. C'est en effet la structure idéale, lorsqu'une action rapide et diversifiée est recherchée dans un domaine déterminé. Elle répond aux objectif d'une saine gestion. En effet, la régie devant faire approuver annuellement son budget d'exploitation et ses comptes étant vérifiés régulièrement, le contrôle est aussi satisfaisant que celui exercé sur un budget de ministère. En même temps, l'indépendance de la direction étant assurée permet une action efficace dans la perspective déjà décrite. Enfin, étant donné que, dans le présent projet de loi, il y a un seul ministère de tutelle et que les sept administrateurs sont tous nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, il n'y a pas lieu de craindre que les activités envisagées puissent aller à l'en- contre de la planification générale du ministère des Affaires culturelles.

Le bill 9 dissout, par son article 17, une corporation constituée par lettres patentes délivrées en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies le 5 mai 1969, et connue sous le nom de Le Grand Théâtre de Québec Ltée. Cette compagnie, formée par l'ancien ministre des Affaires culturelles, avait pour but d'administrer le complexe en question. Elle comprenait cinq fonctionnaires du ministère sur dix administrateurs et elle était contrôlée par une autre compagnie, soit la Société d'action culturelle, qui se présentait alors comme une société de gestion. En fait, il ne nous a pas paru souhaitable de maintenir cette structure juridique, et ceci pour toute une série de raisons. C'est, à notre point de vue, un principe discutable de faire administrer les biens de l'Etat par des sociétés privées, à responsabilité limitée, qui reçoivent des subventions du gouvernement à cette fin. L'usage des subventions est beaucoup plus difficile à contrôler que les budgets d'un ministère ou d'une régie.

Ceci est encore plus vrai lorsque des fonctionnaires responsables du contrôle sont membres du conseil d'administration. Ces fonctionnaires risquent, en toute bonne foi, de se trouver en position de conflit d'intérêts. De plus, il y a un désavantage sérieux auquel on ne semble pas avoir pensé puisque cette structure avait précisément pour but de conserver un certain contrôle ministériel, c'est que les membres du conseil d'administration pourraient éventuellement se perpétuer eux-mêmes et en arriver à contrôler le conseil à eux seuls.

En résumé, si nous pouvons comprendre les raisons qui ont poussé l'ancien ministre des Affaires culturelles à créer une corporation pour administrer le Grand Théâtre, nous ne pensons pas que cette formule offre toutes les garanties d'une saine gestion des fonds publics. Nous ne pensons pas, non plus, qu'elle amène plus de souplesse dans la direction d'un complexe culturel comme le Grand Théâtre, ni qu'elle permette un contrôle plus assuré de son action.

En revanche, nous sommes d'avis qu'une régie constitue la forme d'organisation la meilleure dans ce cas particulier et cela, pour les raisons citées plus haut. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que les gouvernements ont recours à cette formule lorsqu'il s'agit de faire assumer par un organisme les activités commerciales.

Cependant, il ne faut pas oublier qu'une structure de gestion n'est pas une fin en soi. Elle ne peut être qu'un moyen pour réaliser un objectif. En l'occurence, c'est le théâtre et la vie cultu-

relie de la collectivité qu'il convient de servir. C'est là, M. le Président, le véritable sens du présent projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, Je ne m'attendais pas à ce que le nouveau titulaire des Affaires culturelles procédât si vite à ce que j'ose appeler l'opération patronage et qu'il présentât un projet de loi qui n'est, au fond, que la reprise de celui qui devait donner, il y a déjà quelques années, naissance au monstre dévorant de la Place des Arts de Montréal. C'est donc dans l'optique de la démocratisation de la culture, de l'accessibilité du bien culturel à tous les citoyens, que j'examinerai ce projet de loi dont il n'est pas exagéré de dire qu'il risque d'aristocratiser la culture à Québec et de permettre aux nantis de retraverser la Grande-Allée pour aller s'exhiber lors des fastueuses premières qu'attendent les snobs de tout acabit, qui n'ont pas encore accepté l'idée que la culture ne leur appartient pas de droit et qu'il est temps de la remettre aux mains de ceux qui la font et qui s'efforcent de la manifester.

La démarche du ministre des Affaires culturelles, sa précipitation s'expliquerait-elle par la négligence de son prédécesseur à pourvoir le Grand Théâtre des mécanismes essentiels à son fonctionnement? C'est à cette question que je tenterai de répondre en étudiant le formel quod et le formel quo du projet de loi numéro 9.

Disons d'abord que le formel quod, c'est-à-dire l'objectif du projet de loi, sa substance et sa justification tiennent à l'exigence de munir le Grand Théâtre des outils d'administration et de gestion dont 11 a besoin. J'y avais vu depuis un assez long temps puisque j'avais constitué la Corporation du Grand Théâtre et que j'en avais fait nommer les administrateurs. Cette corporation avait commencé son travail et s'employait avec célérité à mettre en marche le Grand Théâtre. Déjà, les règlements étaient rédigés et approuvés et l'on s'occupait de préparer l'ouverture de cette place des arts. Il n'y avait donc pas péril en la demeure et eût-on laissé les choses en état, on se fût trouvé fort satisfait du travail des membres de la corporation.

Or, de l'avis même desdits membres, ceux-ci n'ont pas été consultés, sauf de façon accidentelle. Ainsi, le président du Grand Théâtre, Me Marquis, a été avisé de la présentation d'un projet de loi de façon confidentielle par le sous-ministre, M. Frégault, la veille même de l'annonce de ce projet de loi. Ce n'est qu'une semaine plus tard, ou à peu près, que le ministre a eu un entretien avec lui, lequel entretien a consisté surtout à présenter à Me Marquis des excuses pour la façon dont on l'avait traité.

Les membres ont donc appris que le ministre des Affaires culturelles s'apprêtait à les congédier, puisqu'il annonçait la présentation d'un projet de loi dont ils n'avaient pas entendu parler. Le ministre était-il gêné de congédier des gens qui travaillaient bénévolement pour les remplacer par d'autres qui seront payés? Le procédé était pour le moins indélicat. Mais passons. La raison d'Etat semble avoir prévalu. Raison d'Etat qui a forte coloration de patronage car, à moins qu'on ne me prouve le contraire, on ne souhaite pas, au Grand Théâtre, la présence de gens qui n'ont pas l'insigne mérite d'appartenir à un « establishment » que l'on connaît bien ici et auquel veulent s'associer les natifs de Québec que leur fortune politique autorise à fréquenter aujourd'hui les restes d'une race qui s'éteint.

Il faut dire de plus que la Corporation du Grand Théâtre n'était que l'un des rouages d'un mécanisme beaucoup plus important, celui de la Société d'action culturelle, instrument administrativement révolutionnaire, dont la fonction était, précisément, en plus de permettre au ministre des Affaires culturelles, par lui-même et par la présence de nombreux fonctionnaires, un contrôle direct sur l'activité culturelle, de lui fournir les moyens légaux et techniques d'autofinancer une grande partie de l'activité de son ministère. Je doute fort qu'il se soit interrogé longuement, comme il dit le faire pour d'autres domaines, sur la nature de cet instrument et sur ses immenses possibilités.

Peut-être a-t-il été effrayé par ses dimensions et sa nouveauté? Il a préféré se rabattre sur une solution de facilité et de faire de la société du Grand Théâtre une régie autonome. Ainsi donc César crée une régie du Grand Théâtre. C'est le formel quo du projet de loi. On verra donc naître un autre de ces organismes dont le ministre sera comptable devant l'Assemblée nationale, mais dont il ne pourra, une fois la machine lancée, qu'approuver les actes, sans égard à leurs conséquences financières. Le cas de la Place des Arts de Montréal en administre la preuve péremptoire, même s'il n'est pas dans mon intention de passer jugement sur la qualité de ses administrateurs.

Comment fonctionnera cette régie du Grand Théâtre? C'est là le formel quo du projet de loi. Un conseil d'administration dont les membres

seront nommés par le gouvernement et qui devra faire approuver son budget et se soumettre à certaines exigences administratives, à l'instar de la Régie de la Place des Arts à Montréal. Cette régie devra présenter un rapport d'activités, et ses déficits seront comblés à même les deniers votés à cette fin par l'Assemblée nationale. Qui sera membre? Quels seront les critères qui guideront le gouvernement lors des nominations? Quelle sera la valeur de représentativité de ces membres par rapport à la société de Québec? On n'en sait rien, sauf, bien entendu, ce que voudra nous en dire le ministre, lorsque nous examinerons en détail les articles du projet de loi.

J'imagine que le ministre voudra bien nommer un représentant de la ville de Québec, un représentant de la Communauté urbaine de Québec, un représentant des centrales syndicales,un représentant des universités et des maisons d'enseignement, et l'un ou l'autre représentant des grands organismes culturels qui oeuvrent depuis longtemps dans la région de Québec. Je dis donc que ce projet de loi n'est ni utile, ni original, ni très novateur. Il consacre un état de fait ancien qui veut qu'on appelle d'ordinaire à la direction de certaines régies, particulièrement dans le domaine culturel, des citoyens dont il faut bien rechercher, hélas trop souvent, les titres ailleurs que dans leur expérience administrative et leur efficacité.

On pourrait accepter ces méthodes anciennes s'il n'y avait, dans le cas qui nous occupe, des incidences sérieuses dont la moindre n'est pas celle de voir s'échapper des mains du ministre le contrôle d'un instrument de culture dont nous voulions à tout prix qu'il fût vraiment au service de tous les contribuables.

Car, dans notre esprit, je l'ai déjà déclaré à un journaliste lors de l'annonce du projet de loi, le Grand Théâtre devait être le lieu de rencontre de la population du Québec et des environs avec les oeuvres et les artistes, une sorte de maison ouverte à toutes les manifestations de l'art, à toutes les écoles et à toutes les tendances, non pas, donc, un cénacle, une chapelle d'initiés, pas plus, du reste, qu'une foire offerte à tous les traficants de l'art et de ses sous-produits. J'imagine, en effet, que la Régie du Grand Théâtre n'aura pas à se soumettre aux moeurs administratives du gouvernement, à la réglementation de la Trésorerie. Cela apparaît noir sur blanc dans un rapport qui m'avait été présenté en 1968 et que j'ai rejeté. Du reste, un candidat à la direction du Grand Théâtre m'avait clairement fait savoir dans une note, qu'il ne voulait pas subir toutes les tracasseries du Conseil de la trésorerie et devoir passer par toutes les procédures d'examen et de contrôle de cet organisme essentiel du gouvernement.

Il y a donc lieu de croire que cet avis a dû peser lourd dans la balance lorsqu'il s'est agi, pour le ministre des Affaires culturelles, de mettre de côté la société du Grand Théâtre et de faire préparer le présent projet de loi.

J'aurais souhaité, cependant, qu'il s'interrogeât davantage sur les conséquences de l'abandon de ses droits et de ses responsabilités, car il est clair qu'en remettant l'administration du Grand Théâtre à une régie indépendante le ministre se départit du même coup du seul outil qui lui eût permis d'animer ou de diriger l'activité culturelle de Québec et des environs.

En effet, comment pourra-t-il maintenant reprendre l'initiative des opérations et constituer des théâtres d'Etat, des formations musicales d'Etat, l'Opéra national du Québec, etc.?

Comment pourra-t-il surveiller et normaliser le rythme de croissance des organismes qu'il subventionne et les amener à accepter l'idée des regroupements aux fins de diminuer les coûts d'administration et de publicité?

Comment lui sera-t-il possible d'empêcher l'émiettement de l'activité culturelle, les dédoublements de services et de coûts, le morcellement que lui imposeront les organismes culturels, valables certes, mais dont il sera très difficile, sinon impossible, de canaliser les énergies et les efforts?

Il appert, du texte que nous avons devant nous, que le Grand Théâtre sera, comme tant d'autres, un lieu d'activités culturelles, quand il devait être le point de convergence de tous les efforts en ce domaine, l'instrument exemplaire d'une action culturelle cohérente et planifiée et le lien organique avec les centres d'art et les centres culturels du Québec, de toute la région et de l'Etat du Québec.

Je ne sais à quels dieux le ministre a sacrifié ses droits qui n'étaient, en fait, que ceux de tous les contribuables qui paieront ce monument. Ce qui est certain, et je le dis sans préjuger des qualités des administrateurs de la régie dont le ministre nous parlera sans doute, c'est qu'il y a fort à parier que, par la force des choses, le Grand Théâtre deviendra un autre monstre dévorant.

Il eût été si facile, comme nous avions l'intention de le faire, de revoir en même temps l'acte constitutif de la Place des Arts de Montréal et celui du Grand Théâtre afin d'inventer une formule qui eût permis de conjuguer le travail de ces deux instruments de culture et de

démythifier le rôle de l'un et de l'autre en consacrant, dans un texte de loi, la vocation éducative de ces places des arts conçues pour favoriser la culture populaire et l'accessibilité de tous les citoyens à toutes les formes de la culture vivante.

On nous dira certainement que la Régie du Grand Théâtre va s'efforcer de sensibiliser les citoyens aux manifestations culturelles, qu'on y prévoit montrer telle ou telle sorte de spectacles et que les prix en seront raisonnables. On nous l'affirmerait que je rétorquerais qu'il ne s'agit là que d'intentions inspirées par le meilleur naturel. Mais, il importe de ne pas oublier que, dès que les administrateurs seront en selle, ils auront toute liberté d'action. La seule présentation et acceptation du budget annuel du Grand Théâtre n'est pas une garantie contre les abus de pouvoir et contre les visées de tous les caporaux de la culture.

J'attends du ministre qu'il nous dise comment on fera venir les gens au Grand Théâtre, comment ils y seront accueillis, qui administrera les services connexes: bar, restaurant, etc. J'attends qu'il nous rassure sur la vocation de ce Grand Théâtre, qui ne devait être qu'un moyen de plus à la disposition du gouvernement pour intéresser le grand public au vaste mouvement culturel que le ministre responsable a le devoir d'animer afin que notre communauté humaine se retrouve à ce sommet de l'éducation qu'est la culture, qu'elle se reconnaisse et se sente engagée dans le grand oeuvre de construction du pays qu'elle a porté et dont elle sait qu'il va naître.

Tel quel, le projet de loi ne me paraît pas acceptable. En ce qui me concerne, je ne pourrai l'accepter en seconde lecture. Je suis d'avance résigné au coup de force de la majorité ministérielle. J'essaierai de faire agréer certains amendements qui ne seront, à tout prendre, que du rapiéçage et des pis-aller. Il me reste à souhaiter que la Régie du Grand Théâtre nous épargne, au moins, les pompes des premières et qu'elle manifeste son désir de « désaristocratiser » la culture en organisant, pour l'ouverture de cette maison du peuple, un vaste festival populaire auquel pourront participer, moyennant un droit d'entrée nominal, tous les citoyens de Québec et des environs.

Si, d'aventure, ces citoyens ne devaient plus pouvoir y mettre les pieds, ils auraient eu, une fois, cette consolation d'entrer dans le temple et de coudoyer les mandarins. Je souhaite vivement que les faits ne me donnent pas raison, même si la création de cette régie m'incite à tenir des propos pessimistes et à entretenir des craintes justement nourries par une expérience administrative et par lafréquentation de tels hauts lieux de l'esprit.

M. le Président, il avait été entendu, avec le premier ministre, qu'immédiatement après le débat en seconde lecture, nous irions en comité afin d'examiner ce projet.

Toutefois, je ne veux pas me tenir d'avance pour battu et afin d'amener si possible le gouvernement à résipiscence, je propose, appuyé par le député de Maskinongé, que le projet de loi no 9 soit déféré à la commission des Affaires culturelles afin que celle-ci puisse l'étudier et entendre des témoins, notamment les membres de la Corporation du Grand Théâtre, les représentants de la ville de Québec, ceux de la communauté urbaine de Québec et tous autres témoins que ladite commission jugera nécessaire d'interroger et dont elle jugera nécessaire de réquérir l'avis.

M. LAPORTE: Vote, M. le Président. M. Rémi Paul

M. PAUL: Je pense bien qu'avant que le vote se prenne, nous devons avoir le droit de soutenir le point de vue exposé par l'honorable député de Chicoutimi. Par cette motion nous ne voulons en aucune façon changer toute l'économie ou les principes du bill. Je comprends facilement, M. le Président, qu'en vous référant aux articles 558 et suivants, vous verrez que cette motion de l'honorable député de Chicoutimi est tout à fait conforme à notre règlement et spécialement à l'interprétation qu'a déjà donnée l'un de vos prédécesseurs sur l'article 558.

M. le Président, ce matin le leader du gouvernement nous a dit: Nous nous sommes entendus pour que ce bill soit déféré à la commission des Affaires culturelles. En principe, la motion de l'honorable député de Chicoutimi rejoint celle du leader de l'Opposition et celle de l'honorable ministre des Affaires culturelles. Là où il y a peut-être divergence d'opinion, c'est peut-être quant au mandat confié à cette commission, mandat qui, suivant le désir du leader du gouvernement, ne pourrait être qu'une étude faite par les membres de la commission. Or l'ancien ministre des Affaires culturelles nous a donné toutes les raisons pour lesquelles le gouvernement devrait consentir à ce que ce projet de loi puisse être analysé dans tous ses détails, dans toutes ses implications et devrait permettre, par exemple, aux autorités de la ville de Québec de se faire entendre sur ce point. Il devrait permettre également à tous ceux qui de près ou de loin s'intéressent aux arts, spécialement ici dans la ville de Québec et

dans la région, de se faire entendre et de voir quels moyens le ministre entend prendre pour le bon fonctionnement de cette régie qu' il entend constituer.

Je ne sais, M. le Président, si le gouvernement a l'intention de proroger les Chambres ou d'ajourner la présente session. Si le gouvernement a l'intention d'ajourner la présente session, je ne verrais pas pourquoi le leader du gouvernement et toute l'équipe ministérielle ne consentiraient pas à ce que cette motion soit acceptée. A notre retour à l'automne, à la suite du rapport qui pourrait nous être présenté par le président de cette commission, et surtout après avoir eu l'occasion de connaître les différents points de vue sur la constitution de cette régie, les députés seraient en mesure de se prononcer plus facilement, en connaissance de cause, sur les grands principes qui sont établis par ce projet de loi.

L'expérience des régies a été vécue, dans le domaine des arts, ailleurs, et ici même dans notre province. Je ne puis blâmer l'ancien ministre des Affaires culturelles d'inviter son collègue, le ministre des Affaires culturelles, et tous les membres du gouvernement à agir avec grande prudence et dans le meilleur des intérêts et des artistes et du monde du Grand Théâtre. Je dis donc que le gouvernement devrait analyser toutes les conséquences et les avantages qu'il en retirerait lui-même et que les artistes en retireraient si nous étions capables, à la lumière de ces discussions qui se dérouleront en commission, de former une régie qui réponde au véritable mandat ou idéal que se proposait d'atteindre l'ancien ministre et, je suis sûr, que se propose d'atteindre le ministre actuel des Affaires culturelles.

Je dis donc qu'en principe nous rejoignons les buts du gouvernement, parce que le gouvernement voulait déférer, dès ce matin, ce projet de loi à la commission des Affaires culturelles. Et lorsque le leader a mentionné ce fait, j'ai bien dit que nous avions été pressentis parce qu'à ce moment-là je connaissais la sincérité des sentiments et l'inquiétude nourrie par l'honorable député de Chicoutimi quant à l'adoption d'une loi d'une si grande importance et qui peut, par suite d'une étude trop rapide, nous faire faire et surtout faire faire au gouvernement et au ministre un faux pas. Il ne faut pas oublier une chose, nous faisons table rase de la politique que voulait instaurer l'ancien ministre. Il s'agit maintenant de savoir laquelle des deux mesures est la plus efficace, la plus appropriée et qui puisse convenir le mieux à une bonne administration du Grand Théâtre dans la ville de Québec. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'appuie la motion de l'honorable député de Chicoutimi.

M. LAPORTE: J'invoque le règlement. Je pense que vous êtes en présence d'une décision qui est claire. Si vous lisez l'article 536 de notre règlement, vous verrez que tout bill doit lire lu deux fois avant d'être amendé ou renvoyé à un comité. Si vous vous référez à la note, au bas de la page 156, se rapportant précisément à l'article 536, vous lirez: « Il est irrégulier de proposer de renvoyer un bill à un comité plénier avant la deuxième lecture ». Pour plus de sécurité encore, si vous voulez bien vous référer aux procès-verbaux de l'Assemblée nationale, le numéro 1, dans lequel vous avez eu l'obligeance de faire rapport à cette Chambre des décisions qui avaient été suggérées par la commission permanente sur l'Assemblée nationale quant aux règlements ou aux modifications aux règlements qui devaient régir notre session, vous y lirez, à la page 8, article 28, sous-paragraphe e): « Après la deuxième lecture, à la demande d'au moins cinq députés, tout bill est déféré à la commission parlementaire appropriée à moins que la Chambre ne s'y oppose ». Je crois qu'il est bien évident que cet amendement est irrégulier à sa face même.

M. PAUL: Sur un point du règlement, je vous inviterais à vous référer aux procès-verbaux de la session de 1968 autour d'une motion semblable qui a été présentée au sujet du projet de loi 85. Je dirai, de plus, que, même si l'article 536 établit un principe, en vertu de l'article 217 de notre règlement, l'honorable député de Chicoutimi est parfaitement en droit, par une motion principale, de demander qu'une règle de notre règlement soit mise de coté. Et, justement, cette motion présentée par le député de Chicoutimi est tout à fait conforme aux dispositions de l'article 217.

M. LAPORTE: Si le député me permet,... M. PAUL: Oui.

M. LAPORTE: Le député est évidemment au courant qu'a moins qu'il y ait unanimité de cette Chambre pour modifier le règlement cela prend un avis. C'est une motion qui demande un avis, qui est débattable, voyons!

M. PAUL: C'est justement là...

M, LAPORTE: Le député est fort au courant que ce n'est pas une motion principale. Voyons donc!

M. PAUL: Je dis, M. le Président, que c'est une motion principale et incidente qui est faite.

M. LAPORTE: Une motion d'amendement. M. PAUL: Une motion incidente. M. LAPORTE: Principale? M. PAUL: Non.

M. LAPORTE: Vous venez de dire que c'était une motion principale.

M. PAUL: Si j'ai dit principale, M. le Président, je retire le « principal » et je garde les intérêts, sans regarder le Ralliement créditiste, par exemple.

M. LAPORTE: Il ne va vous rester que cela, tout à l'heure.

M. PAUL: Je dis que l'article 217 parle d'une motion principale ou d'une motion incidente. Nous sommes actuellement à étudier la motion de deuxième lecture, qui est une motion principale. L'honorable député de Chicoutimi, par une motion incidente, nous demande la suspension d'une règle, qui est la règle 536, dont vient de donner lecture l'honorable député, le leader du gouvernement.

Je dis que des précédents ont déjà été établis et par motions principales et par motions incidentes. Je sais que vous connaissez parfaitement toutes les décisions qui ont été rendues sur ce point, M. le Président. C'est pourquoi je dis que l'argument soulevé par l'honorable député de Chambly n'a pas de force. Par contre, j'ai beaucoup aimé cette référence qui est faite au règlement parlementaire que nous avons adopté où il est dit que nous pouvons, sur la demande de cinq députés, inviter la Chambre, après deuxième lecture...

M. LAPORTE: Bon.

M. PAUL: Je dis que cet argument démontre une certaine concession. Déjà l'honorable député de Chambly a été ébranlé par le sérieux des arguments du député de Chicoutimi. C'est pourquoi, M. le Président, je dis que cette motion, telle que présentée, est recevable par la Chambre.

M. LAPORTE: Est-ce que le député... M. PAUL: Oui.

M. LAPORTE: ... de Maskinongé, qui connaît fort bien son règlement,...

M. PAUL: Je l'ai oublié, M. le Président. M. LAPORTE: Vous l'avez oublié? M. PAUL: Oui.

M. LAPORTE: Est-ce que je peux simplement, en ce cas-là, avec sa permission, lui citer l'article 217 dont il...

M. PAUL: Oui.

M. LAPORTE: ... vient de nous parler?

M. PAUL: L'article 221 aussi.

M. LAPORTE: « La suspension d'une règle — on n'a pas demandé la suspension d'une règle — ...

M. PAUL: C'est automatique.

M. LAPORTE: On a proposé un amendement.

M. PAUL: On peut le faire directement ou indirectement, M. le Président.

M. LAPORTE: Un instant.

M. PAUL: Par le fait qu'il présente cette motion...

M. LAPORTE: Oui, d'accord. M. PAUL: ... évidemment...

M. LAPORTE: Laissez-moi lire, vous allez être tellement intéressé. « La suspension d'une règle peut être proposée par motion principale...

M. PAUL: C'est ça.

M. LAPORTE: ... ou par motion incidente. » D'accord?

M. PAUL: Cest ça.

M. LAPORTE: Maintenant, la note: « Une motion portant suspension du règlement ou de quelque règle ne peut être proposée que lorsqu'une motion semblable est déjà pendante — ce n'est pas le cas — lorsque la question préalable a été posée — ce n'est pas le cas —

lorsque la Chambre procède conformément à un ordre spécial préalablement adopté pour régler la procédure en cours — ce n'est pas le cas — ni lorsque la Chambre procède conformément à une dispense des règles » — ce n'est pas le cas. Si vous voulez trouver d'autres choses qui ne sont pas dans le livre, c'est d'accord.

Maintenant, si le député voulait m'éclairer, je lui serais infiniment reconnaissant, pour faciliter mes recherches, de me donner sa référence sur cette décision de 1968 à laquelle il s'est référé.

M. CARDINAL: Décembre 1968.

M. PAUL: Décembre 1968. Je comprends, M. le Président, que le député — je ne lui en fais pas un reproche — ne s'en rappelle pas. Alors que nous, nous étions à faire un grand débat ici, sur le bill 85, l'honorable député se trouvait à ce moment-là en Europe avec le député de Gouin. Alors, il ne se rappelle pas ce débat que nous avons fait...

M. LAPORTE: Oui, mais c'est... M. PAUL: ... sur le bill 85.

M. LAPORTE: ... précisément parce que je ne m'en rappelle pas que je vous le demande. Auriez-vous l'obligeance d'éclairer ma lanterne? J'avoue mon ignorance.

M. PAUL: M. le Président, non, ce n'est pas que le député est ignorant, au contraire. Nous saluons sa connaissance de nos règles parlementaires.

M. LAPORTE: Seulement quand je veux... Je ne veux pas, là; je veux être ignorant.

M. PAUL: Ah, d'accord!

M. LAPORTE: Je veux que vous me disiez où.

M. PAUL: Si l'honorable député me dit, M. le Président, que volontairement il veut être ignorant...

M. LAPORTE: Non, non, non.

M. PAUL: ... je lui répondrai que volontairement je lui donnerai la référence, et librement, lorsque je pourrai lui donner la date et la journée. Je crois que c'est le 17 ou le 18 décembre 1968. Mais, comme cela peut varier d'une journée ou deux, je vais rester dans cette période, M. le Président.

UNE VOIX: Entre le 15 et le 18.

M. PAUL: Entre le 15 et le 18. Comme on le disait en trigonométrie, plus grand que 15 et plus petit que 18.

M. LEGER: M. le Président...

M. LAPORTE: Alors, je vais chercher cela.

M. LEGER: M. le Président, c'est un point d'ordre.

M. LE PRESIDENT: Alors, est-ce que vous avez l'intention de discuter sur la motion du député de Chicoutimi?

M. LEGER: Non, c'est tout simplement une erreur, Je pense, que le leader parlementaire a faite quand il a lu l'article 217, note 1. Il disait toutes les raisons pour lesquelles on pouvait faire la suspension et c'est le contraire. Il a dit un petit « que » de trop et cela change tout le sens. Il a dit : « Une motion portant suspension du règlement ou de quelque règle ne peut être proposée » et, là, il a ajouté le petit mot « que ». Or, il n'y a pas de « que ». Cela veut dire que toutes les raisons qu'il y a là, ce sont des raisons qui empêchaient de le faire.

M. LAPORTE: Qu'est-ce que cela change, au juste? Dites-moi cela.

M. LEGER: Vous avez dit le mot « que », comme si toutes ces choses permettaient de faire la motion.

M. LAPORTE: D'accord, merci. Je vais référer cela à l'Office de la langue française.

M. PAUL: M. le Président, pour montrer au gouvernement que nous sommes d'une grande coopération, nous allons même vous dispenser de rendre jugement.

M. LE PRESIDENT: Je pense que c'est mieux comme cela.

M. PAUL: Bon!

M. LAPORTE: Vous discutez de jurisprudence et, maintenant, vous faites preuve de prudence.

M. PAUL: Voici, M. le Président, nous se-

rions prêts à reconnaître que notre motion a été renvoyée sur division.

M. LE PRESIDENT: J'espère que vous ne m'avez prêté aucune intention.

M. BERTRAND: Aucune.

M. PAUL: Loin de là, M. le Président, parce que j'aurais peur que vous ne me remettiez rien.

M. LE PRESIDENT: Si je comprends bien, l'amendement est retiré.

M. PAUL: Non, non. Renvoyé sur division.

M. BERTRAND: Sur division.

M. LE PRESIDENT: Rejeté. Je ne peux pas...

M. LAPORTE: M. le Président, je n'accepterai, évidemment, pas — mon ignorance a quand même des limites — de tomber dans ce piège...

M. PAUL: Vous ne pouvez pas accepter.

M. LAPORTE: ... qui est manifestement trop ouvert. Il est clair que, si nous acceptons de rejeter cette motion sur division, c'est parce qu'elle a été jugée recevable. M. le Président, je vous inviterais, avec toute la science que l'on vous connaît, à vous prononcer sur la recevabilité de la motion.

M. BERTRAND: Il est trop tard, il a refusé.

M. LAPORTE: Oui, mais la jurisprudence en 1968, j'aime autant ne pas y toucher.

M. LE PRESIDENT: Si je comprends bien, est-ce que le député de Chicoutimi retire sa motion?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Rejetée sur division.

M. LE PRESIDENT: Non, je ne suis pas prêt à accepter cette condition, entant que président.

M. BERTRAND: Votre jugement est déjà rendu?

M. LE PRESIDENT: Oui, je suis prêta rendre mon jugement.

M. BERTRAND: Alors, nous allons vous écouter.

M. LE PRESIDENT: En vertu des articles... M. LOUBIER: L'article 536.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît.

M. BERTRAND: En vertu du livre. M. le Président, ne vous fatiguez pas à chercher les articles.

M. LOUBIER: Dites: En vertu de la coutume que je viens d'établir.

M. LE PRESIDENT: En vertu des articles 556 et suivants...

M. BERTRAND: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: ... il y a certaines motions d'amendement qui peuvent être reçues en deuxième lecture. C'est très limitatif et je ne vois pas que l'amendement du député de Chicoutimi puisse s'appliquer aux motions permises.

Le député de Maskinongé référait tantôt à l'article 217. Encore là, également, je ne vois, dans la motion, rien, aucune demande du député de Chicoutimi demandant la suspension du règlement pour permettre la présentation de cette motion.

D'ailleurs, il y a une autre note qui renforce ce qui est dit à l'article 217 et qui m'amène à refuser cette motion; c'est la note 12 au bas de l'article 558 où il est dit, comme à l'article 217, d'ailleurs: « Dans le cas d'un bill présenté par un simple député, on peut proposer le renvoi du bill à un comité élu. »

M. BERTRAND: C'est injurieux à l'endroit du député.

M. PAUL: Ce n'est pas un député simple, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Ce serait plutôt injurieux à l'égard du ministre des Affaires culturelles parce qu'à ma connaissance, ce n'est pas le député de Chicoutimi qui a présenté le bill, mais plutôt le ministre des Affaires culturelles.

M. BERTRAND: D'accord.

M. LE PRESIDENT: En conséquence, je ne peux pas accepter la motion du député de Chicoutimi, mais je l'invite, d'une manière tout à fait particulière, à représenter sa motion immédiatement après la deuxième lecture.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous me donnez une tentation terrible.

M. BERTRAND: Alors, nous n'en appellerons pas de votre décision.

M. LAPORTE: Le règlement ne vous y autorise pas.

M. PAUL: M. le chef de l'Opposition dit qu'il est respectueux du règlement.

M. BERTRAND: Nous n'en appellerons pas.

M. LAPORTE: Permettez-moi de souligner combien il est respectueux du règlement.

M. PAUL: C'est cela.

M. LAPORTE: Certainement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. SAMSON: M. le Président, le bill que nous avons devant nous a pour objet de constituer une régie qui aurait pour fonction d'administrer le Grand Théâtre de Québec et d'y monter des spectacles. C'est un principe extrêmement intéressant.

Ce n'est peut-être pas l'idéal pour la promotion de la culture dans toute la province de Québec, mais c'est sûrement un grand pas qui sera fait vers la promotion de cette culture. A ce moment-ci, il est évident que nous comprenons que pour le bill que nous avons à discuter aujourd'hui concernant le Grand Théâtre de Québec, il y a eu du travail de fait par le ministre et également par l'ancien ministre des Affaires culturelles qui a sûrement fait beaucoup pour la promotion de cette culture dans notre province de Québec.

Il est bien évident que si on fait des efforts pour permettre à tous d'avoir accès à ce Grand Théâtre de Québec, c'est peut-être pour permettre — pour rejoindre un peu ce que l'ancien ministre des Affaires culturelles a dit tantôt — d'en donner l'accès à une classe de la société qui, malheureusement, dans le passé, ne s'est pas trop intéressée aux activités culturelles et théâtrales.

Ce que nous aimerions nous, de ce coin-ci de la Chambre, c'est que l'accès en soit donné à tout le monde, à toutes les classes de la société et que soient présentés à ce Grand Théâtre des spectacles susceptibles justement d'intéresser toutes les classes de la société. Ce n'est pas tout d'établir de beaux grands principes et de dire qu'on veut que tout le monde soit favorisé, que tout le monde ait accès au théâtre si, d'un autre côté, on ne présente pas des pièces susceptibles d'intéresser toute la population...

UNE VOIX: « Deux femmes en or. »

M. SAMSON: Il est entendu que si on présentait « Deux-femmes en or », cela intéresserait beaucoup plus de gens, mais je ne pense pas qu'on présente cela au théâtre. Cela se fait encore sur film, ces choses.

UNE VOIX: « La porteuse de pain. »

M. SAMSON; Pour continuer mon exposé, je voudrais dire que ce qui se présente généralement — et là, je me réfère aux centres culturels de notre province de Québec — ou en grande majorité, ce sont des spectacles qui n'intéressent qu'une partie de la population. Si la même chose devait se produire pour le Grand Théâtre de Québec, je pense que le but qui est visé par ce projet de loi ne serait peut-être pas atteint. Si, par contre — et n'en déplaise à certaines personnes de haute culture — on présentait dans ce Grand Théâtre, aussi bien que dans les autres théâtres de la province, d'ailleurs, quelque chose qui pourrait intéresser la population qui n'a pas eu la chance de se cultiver comme plusieurs personnes... Si on veut qu'un jour les buts visés par ce projet de loi soient atteints, c'est-à-dire que toute la population du Québec ait accès a cette culture, il faut commencer par donner la possibilité à la population, à tous ceux qui n'ont pas eu la chance de connaître cette culture... Peut-être que cela dépend de certain système d'éducation dans le passé, qui en est responsable, ce n'est pas à nous de lancer des accusations aujourd'hui. Mais tout de même, un fait demeure, c'est qu'il y a place pour la promotion de la culture dans notre province et que si on veut qu'une telle promotion soit faite, il faut en donner l'accessibilité à tous. C'est là que nous, nous demandons que le ministère prenne en haute considération, une fois que nous aurons voté ce projet de loi permettant d'administrer le Grand Théâtre et d'y monter des spectacles, le fait que parmi les comédiens qui devront participer à ces spectacles et parmi les administrateurs, nous puissions trouver des représentants des différentes classes de la population.

La culture n'appartient pas qu'à ceux qui se prétendent les possesseurs de la culture, elle doit être accessible à tout le monde. Et parce qu'elle doit être accessible à tout le monde, il doit y avoir place à l'initiative. Il ne s'agit pas seulement de donner des ordres, mais de dire que nous avons une régie qui va administrer. Il s'agit aussi de donner libre cours à l'initiative dans ce domaine. On ne peut pas dicter à l'avance quel genre de spectacle doit être présenté dans ce genre de théâtre. Nous osons croire qu'il sera pris en haute considération les recommandations que nous faisons afin que soient représentées dans cette régie, dans cette administration, des personnes de différentes classes de la société.

Il est évident que là-dessus nous faisons confiance au ministre pour permettre, une fois ce projet de loi adopté, la réalisation de ce que nous visons. Et Je pense que tous nous visons les mêmes buts, c'est-à-dire, en un mot, rendre possible à tous l'accessibilité du Grand Théâtre de Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, nous avons, au cours de l'étude des crédits des Affaires culturelles, étude aussi longue qu'intéressante, d'ailleurs, eu l'occasion de rappeler, à plusieurs reprises, au ministre des Affaires culturelles, la conception que nous nous faisions d'une culture québécoise, de la diffusion de cette culture, de l'accessibilité générale à cette culture. Et nous avons, la plupart du temps, reçu l'accord de principe, l'assentiment du ministre des Affaires culturelles sur ces énoncés que nous faisions à tour de rôle.

Le ministre nous répondait, la plupart du temps, qu'il entendait s'interroger sur l'avenir de la culture, qu'il allait s'interroger sur l'accessibilité générale à la culture, et qu'il allait s'interroger sur la diffusion de cette même culture.

Premier fruit que nous en avons, suite des interrogations du ministre des Affaires culturelles, c'est ce projet de loi numéro 9 sur le Grand Théâtre de Québec. Nous attendions, après de tels énoncés, de telles promesses du ministre des Affaires culturelles, autre chose qu'un projet qui nous ramène en arrière. La position du Parti québécois sur le projet de loi 9 est assez facile, nous sommes opposés à la création de régies dans le domaine culturel.

Le député de Chicoutimi, dans une interven- tion dont je fais une grande partie mienne, comme dans différentes remarques que nous avons émises au moment de l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles, le député de Chicoutimi a donc donné plusieurs motivations qui sont une charge contre ces régies.

L'éléphant blanc de la Place des Arts à Montréal évidemment atteint de plus en plus une réputation qu'il y aurait lieu de corriger. Ces inventions, ces régies qui ont, la plupart du temps, le don de catalyser la culture en un seul endroit, entre quatre murs, de la réserver en même temps, de diminuer en même temps sa propre portée, toutes ces inventions, par le ministre des Affaires culturelles qui se dit prêt à promouvoir l'accessibilité générale, ne devraient pas apparaître, surtout dans un premier projet de loi présenté à l'Assemblée nationale, sous son nom.

Le dossier des régies est lourd d'abord parce qu'elles ont trop souvent collaboré à maintenir une conception de la culture réservée à une certaine classe, et je ne crois pas que le Grand Théâtre de Québec fasse à cette occasion, exception. Nous retrouverions bien facilement labourgeoisie de la Grande-Allée réinstallée autour d'une table pour diriger son centre des affaires culturelles.

De la même façon le dossier des régies, sur le plan administratif, est encore plus lourd.

La plupart du temps, ces administrateurs de bonne conscience se sentent appuyés tacitement par le ministère des Affaires culturelles ou par le gouvernement qui, de toute façon, devant leur incompétence ou leur manque de prévision, fera les frais du déficit de pareilles régies. C'est ce qui leur permet de faire des rêves de grandeur et d'établir des politiques de grandeur culturelle mêms en dépit des définitions du ministre, et c'est cela que nous espérons ne pas retrouver ici.

Le dossier des régies est également lourd sur le plan démocratique. En effet, ces chaises, autour des tables de direction, ont toujours été réservées à des représentants d'une classe sociale et d'une conception de la culture que tous les membres de cette Chambre — s'il faut se fier aux énoncés mêmes du ministre des Affaires culturelles — sont prêts à voir disparaître.

Le premier geste du ministre des Affaires culturelles — il nous l'expose avec fierté et en s'en défendant un peu dans sa lecture de présentation — c'est de répéter, à l'échelle de la ville de Québec et de la Communauté urbaine de Québec, le massacre culturel de la ville de Montréal, soit l'éléphant blanc de la Place des Arts. C'est important que de pareilles régies n'existent plus. D'abord, parce que tous ces édifices, la Place des Arts à Montréal, le Grand Théâtre de

Québec, sont financés et construits à même les contributions que chacun d'entre nous fait à l'Etat québécois.

Il est important qu'une grande partie des efforts que l'Etat consacre actuellement au domaine culturel ne soient pas réservés, mais ouverts, autant dans leur direction que dans le contenu même des activités artistiques qu'on y verra. Le dossier des régies peut se fermer sur la note bien simple qu'accepter la création d'une régie du Grand Théâtre au Québec pourrait sembler donner au ministre un mandat en blanc pour la poursuite d'une politique qui va à l'encontre des intérêts que nous représentons en cette Chambre.

Nous aurons, en comité plénier, l'occasion de proposer des amendements au ministre. Conscients, nous aussi, de l'arrogance de la majorité gouvernementale et sachant aussi que ce projet de loi franchira la deuxième lecture, nous aurons, quand même, l'occasion de présenter des palliatifs pour éviter la répétition, à Québec, de ce qui s'est passé à Montréal. Nous aurions même été favorables à la quasi-motion incidente de l'ancien ministre des Affaires culturelles pour qu'on fasse une étude plus approfondie sur l'utilité, la nature et les motivations de l'existence d'une pareille régie.

Nous le ferons pour la ville de Québec, puisque c'est à peu près le centre; c'est une ville de grande importance, pour l'ensemble des Québécois. Nous garderons donc nos interventions pour le comité plénier, M. le Président.

M. LE PRESIDENT; Peut-être le ministre voudra-t-il exercer sa réplique? Je le lui demande. Le ministre désire-t-il exercer son droit de réplique?

M. BERTRAND: Oui, c'est son droit. M. François Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Oui, je serai bref. Je voudrais simplement remercier ceux qui ont participé au débat. J'ai écouté, avec beaucoup d'intérêt, les commentaires du député de Chicoutimi, ainsi que les interventions du député de Maskinongé, du député de Rouyn-Noranda et du député de Saint-Jacques.

Je voudrais tout simplement dire qu'il ne faut pas confondre les objectifs et les moyens. Nous sommes tous d'accord sur les objectifs. Il faut que la culture soit accessible, qu'elle pénètre partout dans la collectivité. Il faut que chaque citoyen en arrive à se sentir en accord avec ce qui se fait autour de lui.

La mesure proposée porte sur les moyens.

Tout le problème consiste à trouver une formule qui assure une saine gestion d'un complexe qui existe et qui n'a pas à être remis en question. Il n'y a que trois formules possibles: le service spécialisé, au sein d'un ministère, la corporation et la régie. Le sens même de ce projet de loi est de proposer la formation d'une régie, comme l'avalent d'ailleurs envisagé les recommandations de la commission consultative du Grand Théâtre et le gouvernement précédent. Je ne reviens pas sur les raisons péremptoires du point de vue de la gestion des fonds publics et du contrôle indispensable; je n'y reviens pas pour en avoir parlé dans mes remarques préliminaires. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée sur division.

M. PAUL: Très bien.

M. LAPORTE: M. le Président, je propose que le bill no 9 soit déféré à la commission parlementaire des Affaires culturelles.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LAPORTE: Je propose, si la Chambre m'y autorise, que le nom de M. Houde (Fabre) soit remplacé par celui de M. Garneau et que le nom de M. Veilleux soit remplacé par celui de M. Bossé.

M. PAUL: Je fais motion, M. le Président, avec le consentement de la Chambre, que le nom du Dr Bolvin soit substitué à celui de M. Masse (Montcalm) comme membre de la commission des Affaires culturelles.

M. LAPORTE: Et que M. Bossé agisse comme président de la commission. La commission va siéger tout de suite, Je rappelle...

M. DUMONT: Je demanderais que M.Fabien Roy (Beauce) soit remplacé par M. Yvon Brochu.

M. LAPORTE: Pour que nos collègues le sachent, sont membres de la commission, que j'invite à se réunir immédiatement: MM. Bossé, Berthiaume, Cornellier, Harvey (Chauveau) Garneau, Cloutier (Ahuntsic). Avec les changements que vous avez faits, peut-être qu'ils sont prévenus tous les deux; alors, en séance immédiatement.

M. LE PRESIDENT: Les motions proposées par les différents partis sont-elles adoptées?

M. PAUL: Agrée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A quelle salle?

M. LE PRESIDENT: Salle 81-A, immédiatement.

M. TOUPIN: Article 5.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 27, Loi concernant la Fédération des producteur d'oeufs de consommation du Québec. L'honorable ministre de l'Agriculture.

Producteurs d'oeufs

M. TOUPIN: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. BERTRAND: Très bien, excellent préambule.

M. PAUL: Ce n'était pas long, mais c'était sincère.

M. BERTRAND: L'avez-vous réellement rencontré, le lieutenant-gouverneur?

M. PINARD: Ils ont cassé les oeufs ensemble.

M. BERTRAND: Pouvez-vous nous en assurer?

UNE VOIX: Déclarez-vous ça de votre siège?

M. PAUL: Autrement, ce serait une fausse déclaration.

M. BERTRAND: Mettez-vous votre siège en jeu?

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: En vertu de la Loi des marchés agricoles du Québec, dont les principales dispositions ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée nationale, les producteurs d'oeufs du Québec ont déposé à la Régie des marchés agricoles du Québec un projet de plan conjoint, le 18 août 1965. Soumis par référendum à l'assemblée des producteurs de la province au début de l'an- née 1966, ce projet était endossé par l'ensemble des producteurs. Sur un total de 2,771 producteurs admissibles à exercer un droit de vote à ce référendum, 92.2% des bulletins reçus à la Régie des marchés agricoles indiquaient que les producteurs étaient favorables au projet.

Ainsi, la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec obtenait les pouvoirs d'émettre des quota de production, d'établir des postes de classement des oeufs, de contingenter la production et la vente, de négocier le prix de vente du produit visé, d'établir des règlements de classification et de prélever des cotisations pour pourvoir à l'administration du plan.

La fédération se compose de quatorze syndicats régionaux qui groupent la majorité des producteurs commerciaux. Par un référendum favorable, les producteurs ont exprimé leur assentiment à un tel plan. Par la suite, lors des assemblées annuelles, les producteurs ont consenti à des attributions de quota de mise en marché. Cette dernière phase des contrôles des volumes s'est autofinancée par prélèvement. L'expérience démontre que ce genre de contrôle à lui seul ne donne pas la stabilité prévue. La fédération, par des études de marché, a constaté que le circuit de distribution et que certains postes de classement n'étaient pas efficaces et rentables pour le bénéfice des producteurs.

Par conséquent, la fédération, par le règlement no 6 sanctionné par la Régie des marchés agricoles du Québec le 17 décembre 1968 et mis en vigueur le 11 mai 1970, a voulu organiser sur une base plus rationnelle la commercialisation et la mise en marché des oeufs au Québec.

Dans l'établissement d'un système de commercialisation, les buts visés par la Fédération des producteurs d'oeufs sont les suivants: améliorer la qualité de la production; stabiliser le prix payé aux producteurs et leur assurer un prix uniforme à qualité égale; améliorer la rentabilité des exploitations avicoles; combler progressivement l'écart défavorable qui existe entre la production et la consommation dans le Québec.

Pour ce faire, la fédération a, premièrement, défini quatorze zones à l'intérieur du territoire québécois, ces zones étant axées sur un ou plusieurs centres importants de consommation. Deuxièmement, elle a centralisé physiquement la classification afin de faciliter la distribution et assurer un meilleur contrôle de la qualité. Enfin, elle s'engage à assurer la distribution aux acheteurs avec qui elle sera en contact à titre d'agent exclusif de vente. La fédération s'est liée par contrat aux postes de classement pour les services de manutention, ramassage, lavage, mirage, classification, emballage, entreposage,

etc. De plus, la fédération a signé des contrats avec les distributeurs qui se sont ainsi engagés à approvisionner les détaillants et les consommateurs aux temps, époque et endroit convenus. Le volume des oeufs contrôlés par la fédération serait, pour l'année en cours, d'environ 63 millions de douzaines selon les études préalables qui ont été faites.

Pour atteindre les buts qu'elle s'était fixés et qui se résument en la création d'un canal unique par lequel doivent passer tous les oeufs consommés au Québec, la fédération a eu à envisager et envisage encore plusieurs difficultés d'ordre financier. Les producteurs ont d'ailleurs fait souvent valoir au cours de la dernière année ces différentes difficultés. Elle a dû d'abord procéder à des immobilisations. Elle a dû ensuite embaucher du personnel pour administrer le plan. Elle doit financer l'achat du matériel d'emballage. Elle doit faire face à certains frais d'administration et elle a surtout besoin d'un fonds de roulement pour le début des opérations de vente. Ce fonds de roulement lui permettra de payer les producteurs dans un délai raisonnable. En effet, d'après une analyse faite par un bureau de comptables et s'appuyant sur les prévisions de production d'oeufs et d'échelles de prix, en tenant compte des modalités de paiement, une marge de crédit variant de $370,000 à $433,000 ou à peu près est nécessaire pour financer les stocks et les comptes à recevoir et ainsi constituer le fonds de roulement dont a besoin la fédération pour bien jouer son rôle.

Le projet de loi que je dépose autorise le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation à garantir tout emprunt contracté par la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec aux fins de se constituer un fonds de roulement jusqu'à concurrence d'un montant de $400,000 que j'avais prévu dans le projet de loi. Je propose un amendement pour que ce montant de $400,000 soit porté à $500,000.

Le projet de loi prévoit également que, pour assurer le remboursement d'un tel emprunt, la fédération sera tenue de déduire, du produit de ses ventes d'oeufs, un demi-cent par douzaine qu'elle met en marché. Ainsi, nous croyons mettre à la disposition des producteurs d'oeufs du Québec tous les instruments dont ils ont besoin pour mener à bonne fin leur programme de commercialisation.

M. Philippe Demers

M. DEMERS: M. le Président, je me permets d'intervenir sur le bill 27 en deuxième lecture; deuxième lecture, deux députés en Chambre de l'autre côté! Le vendredi 10 juil- let, l'ancien ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, l'actuel député de Nicolet, demandait au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation s'il y avait urgence dans le problème de la FEDCO, Fédération des oeufs, et le ministre lui répondait: Aucune urgence. On nous dit, l'autre jour, lors du dépôt en première lecture, qu'il y avait urgence. On nous arrive à la dernière minute, à la fin d'une session, avec un projet de loi qui, en lui-même, semble assez anodin, mais qui a raison un peu, je crois, d'inquiéter les membres de cette Chambre sur la façon dont il nous est présenté. C'est ainsi qu'on avait, en présentant ce projet de loi, demandé $400,000 de garantie de la part de la province de Québec; et à force d'en retarder la deuxième lecture, nous en sommes rendus à $500,000. Ce qui veut dire, M. le Président, que si la session se prolongeait encore une semaine, on aurait garanti probablement $1 million à la FEDCO, la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec. Aussi, on demande que les producteurs d'oeufs soient cotisés à un demi-cent la douzaine d'oeufs qu'ils produiront.

Est-ce que nous pourrions savoir, M. le Président, si ce sera une habitude du gouvernement de faire garantir tous les offices de producteurs par le gouvernement? Si le gouvernement se doit de garantir l'Office des producteurs, je me demande pourquoi il n'administrerait pas lui-même la mise en marché. Pourquoi lui-même, le gouvernement, ne verrait-il pas au contigentement et à ces choses-là? Il y aurait un responsable quelque part que nous pourrions rejoindre quand nous aurions affaire à lui. Il faudra, si ça continue, que l'Office des producteurs de lait ait la même garantie que les producteurs d'oeufs. Il faudra que l'Office des producteurs de bois de pulpe ait la même garantie. C'est un précédent qui est extrêmement dangereux.

Nous ne sommes pas, M. le Président, contre le principe général. Mais nous trouvons qu'on n'y va pas de main-morte. Il faudrait nécessairement, si le gouvernement veut réellement aider le producteur, qu'il donne une subvention, subvention comme en a donné le précédent gouvernement.

Je voudrais que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation nous dise ici, en cette Chambre, quelle utilisation on a faite des $120,000 ou $125,000 de subventions qui avaient été remises à la FEDCO, la Fédération des producteurs d'oeufs, il y a à peu près deux mois? Je voudrais que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation nous dise comment la Fédération des producteurs d'oeufs va utiliser le montant de $400,000...

UNE VOIX: Non, $500,000.

M. DEMERS: ... qui sont devenus $500,000? Je voudrais que cela me soit précisé une fois pour toutes. Je voudrais aussi que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation me dise ceci: Pourquoi, lors de l'étude de ses crédits, alors que nous voulions lui parler de cet office de producteurs, il levait les mains au ciel et disait: Messieurs, ne touchez pas, la question est sub judice. Aujourd'hui, on veut, en cette Chambre, en dépit du sub judice qu'on invoquait dans le temps, nous faire adopter une loi qui ratifierait la constitutionnalité sans l'avoir déterminée.

Je voudrais, M. le Président, qu'on réponde à toutes ces questions. Je voudrais aussi qu'on puisse apprécier l'efficacité de la mise en marché de cet Office des producteurs, parce qu'il y a de drôles de rumeurs qui circulant dans la population, actuellement. On nous dit qu'il y a une quinzaine de jours, si ce n'est pas 18, qui s'écoulent entre la ponte de l'oeuf — qui se fait encore par les poules — et la mise sur la table du consommateur. Si vous savez, M. le Président, que la durée de couvaison d'un oeuf est de 21 jours, vous pouvez toujours vous questionner sur la qualité de la frafcheur du produit.

Il faudrait, M. le Président, que cela aussi soit établi. J'avais demandé, dans le temps, par une motion, qu'on nous mène ici les membres de la Régie des marchés agricoles pour que nous puissions poser des questions et que nous sachions de quoi cela retourne, cet office. Absolument rien, on n'a pas bronché. Et on veut, aujourd'hui, à la fin de cette session, que nous allions donner un mandat en blanc, à cet Office des producteurs. Si cela va, il n'y aura pas de problème, mais, si cela ne va pas, c'est le gouvernement qui va payer, et nous n'aurons rien à leur dire après leur avoir tout donné.

Je veux, M. le Président, que le ministre, pour que nous adoptions cette loi, nous assure que, durant la période de congé, nous pourrons rencontrer les membres de cette charmante régie et les questionner sur l'Office des producteurs de lait, sur l'Office des producteurs d'oeufs, sur l'Office des producteurs de bois, afin que nous sachions, nous les parlementaires, ce qu'on entend faire dans la mise en marché. Je suis pour qu'il y ait un syndicalisme agricole qui fonctionne. J'ai souvenance, — je revois le ministre, aujourd'hui — qu'il dirigeait, dans le temps, des marches à Roc-Amadour et qu'il venait nous chanter des petits cantiques dans la galerie, qu'il venait nous demander de donner le syndicalisme agricole. Eh bien, ce sera une façon de le donner, le syndicalisme agricole, en se prononçant là-dessus. Mais l'autre jour, il nous a parlé du sub judice, et il fallait se tenir au neutre pour ne pas en parler.

M. le Président, je voterai pour le principe, parce que je suis et j'ai toujours été pour cette loi, la Loi des marchés agricoles, qui a été mise en vigueur en 1956 par le gouvernement de l'Union Nationale, qui a été modifiée par les libéraux et que nous avons remodifiée et améliorée énormément en 1967, lors de journées assez mémorables, à la demande de l'UCC, où était ce monsieur qui est ministre aujourd'hui.

Je vols rentrer le ministre de la Voirie, qui s'inquiète un peu de mon intervention. C'est reposant de voir un si beau jeune homme, si bien habillé, venir nous saluer; nous ne l'avons pas vu depuis quelques Jours en cette Chambre. Je souligne sa présence.

M. le Président, je voudrais que le ministre réponde sérleusemont — tantôt nous le questionnerons lorsque nous irons en comité — aux questions que nous allons lui poser, que je viens de lui poser et que nous lui reposerons. Il faudra nécessairement qu'il nous dise où on mettra les $500,000, la façon dont on les administrera et si ce sera un précédent pour tous les offices. Lorsqu'il aura répondu franchement à ces questions, nous verrons quelle position nous devrons prendre. Merci, M. le Président.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, ce bill présentement à l'étude fait certainement suite à la demande d'une foule de producteurs avicoles qui, aujourd'hui, font partie d'une fédération de producteurs d'oeufs. Mais, pour en arriver là, ils ont dû passer des années que je dirais cahoteuses, dans le sens qu'ils ont été obligés de subir de très grandes fluctuations de prix causées, à certaines occasions, par des importations d'oeufs d'autres pays qui noyaient le marché. On ne tenait pas compte de la quantité exacte qui pouvait se consommer. Cela enlevait à beaucoup de producteurs le seuil revenu net qu'ils auraient pu retirer.

Combien de fluctuations de prix ont-ils eu à subir, depuis le début de l'aviculture dans le Québec?

Cette situation, d'ailleurs, a été créée et amplifiée durant les dernières années par quelques contrôleurs qui, eux-mêmes, étaient entrés dans la production des oeufs et produisaient des oeufs à un rythme effarant. C'étaient généralement des fabricants de moulées, qui avaient des poulaillers immenses pouvant loger 100,000, 200,000, 300,000 poules. C'étaient eux qui faisaient la pluie et le beau temps dans la mise

en marché des oeufs. A ce moment-là, les producteurs, dans l'ensemble, se sont réveillés et ils ont décidé de se donner ce que l'on appelle un plan conjoint de producteurs d'oeufs. Evidemment, cela a entraîné les conséquences que l'on voit aujourd'hui. Il y a des conséquences heureuses, mais il y a également de petites anomalies qui ne se sont pas corrigées au fur et à mesure que nous avancions.

Avec l'étude de ce projet de loi no 27, eh bien, il me semble qu'il aurait été temps d'examiner beaucoup plus qu'un petit aspect du problème, parce que, dans son ensemble, le problème peut comporter cent facettes différentes. Le projet de loi semble vouloir corriger une situation temporaire qui existe dans cette mise en marché des oeufs, mais il oublie les autres problèmes qui forment ce tout. Parmi ces autres anomalies, on voit plusieurs postes de mirage se fermer. Qu'est-ce que cela a déjà entraîné et entraînera encore? Evidemment, ces postes de mirage étaient tenus par quelqu'un. Là, où on voyait ces postes de mirage, il y avait un, deux, cinq, vingt, vingt-cinq employés. Ces gens-là, évidemment, sont renvoyés.

Deuxièmement, par suite de la fermeture de ces postes de mirage, les aviculteurs qui étaient près de ces postes de mirage se voient obligés de parcourir des distances énormes, puisque c'est organisé présentement pour qu'il ne reste qu'une vingtaine de postes de mirage à travers la province. Or, qu'arrivera-t-il lorsque le plan sera finalement agencé? L'augmentation du coût de transport des oeufs, est-ce qu'on la fera payer aux consommateurs? Il faudra, évidemment, prendre la différence quelque part. Est-ce qu'on déduira cela du prix payé au producteur? Il ne le faudrait évidemment pas. De quelle façon va-t-on procéder? Est-ce que tout cela a été pensé?

Est-ce que, également, on a pensé à beaucoup de petits producteurs — j'entends par là, ceux qui ont 500 poules, 1,000 poules — qui, justement, vendent leur production au détail au village voisin? Eh bien, beaucoup de ceux-là s'inquiètent énormément et se découragent. Qu'allons-nous faire d'eux? Qu'allons-nous faire de ces producteurs? Est-ce qu'on va leur conseiller, à eux aussi, de faire appel au bien-être social? Je me le demande réellement. Je ne demande pas au gouvernement d'acheter des tentes d'oxygène pour ces aviculteurs qui semblent vouloir, dépérir, non. Ce n'est pas cela. Mais c'est une situation d'urgence pour l'ensemble des aviculteurs. A tout événement, lorsque nous étudierons plus à fond le projet de loi, j'y reviendrai.

Il ne reste qu'une chose que je veux mentionner ici. C'est qu'à l'article 4, à un moment donné, il est bien indiqué: « La fédération est tenue de déduire... » A mon sens, il aurait fallu employer un autre terme pour expliquer la situation ou pour déterminer la marche à suivre parce que le gouvernement exige ainsi de la fédération qu'elle agisse d'une façon très claire. Il me semble un autre terme aurait du être trouvé pour laisser un peu plus de souplesse à cet article 4 du projet de loi présentement à l'étude.

A tout événement, en cette deuxième lecture, nous du Ralliement créditiste, nous sommes en faveur du principe parce que cela va améliorer une des nombreuses situations qui existent dans la mise en marché des oeufs.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Cadieux): L'honorable député de Nicolet.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: M. le Président, il me fait d'abord plaisir de féliciter le ministre pour la première législation qu'il présente en cette Chambre, législation issue des discussions qu'il a eues à son bureau avec ses fonctionnaires et avec les représentants de la Fédération des producteurs d'oeufs de la province de Québec.

Cette législation n'est pas une législation ordinaire. Le ministre de l'Agriculture a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de mentionner qu'il était contre — écoutez bien, M. le Président, ça vous intéresse — les politiques à la petite semaine; que les politiques qu'il entendait préconiser comme ministre de l'Agriculture et de la Colonisation étaient des politiques à longue portée, des lois qui seraient inscrites dans les statuts du ministère, des lois...

M. LOUBIER: C'est un complot. M. DEMERS: C'est du sabotage... M. VINCENT: C'est un complot. M. DEMERS: ... communiste.

M. VINCENT: ... qui permettraient de résoudre non pas un problème en particulier, mais une quantité de problèmes.

Voilà que le ministre de l'Agriculture nous présente une législation qui, si elle est acceptée par la Chambre, sera périmée dès que l'arrêté en conseil aura été sanctionné pour garantir un montant, maintenant qu'il est rendu à

$500,000, à la Fédération des producteurs d'oeufs. Dans quinze jours, dans trois semaines d'ici, si la Fédération des producteurs de lait industriel de la province de Québec voulait bénéficier des mêmes avantages, le ministre ne pourrait que répondre qu'il n'existe pas de loi pour elle. Si la Fédération des producteurs de pommes de terre, qui est en formation, venait rencontrer le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation pour avoir les mêmes avantages que la Fédération des producteurs d'oeufs, le ministre dirait : Il n'existe rien dans les statuts de la province de Québec me permettant de vous garantir un emprunt. La loi que nous avons adoptée au dernier jour de la session me permet simplement d'aider, avec une garantie d'emprunt, la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation de la province de Québec.

C'est la première fois qu'au ministère de l'Agriculture et de la Colonisation on adopte une telle loi, de si courte durée, de si courte vue.

Elle est patronnée par le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation du Québec, le député de Champlain, qui déclarait, à Saint-Grégoire dans le comté de Nicolet, il y a quinze jours, qu'il était contre les politiques à la petite semaine. Il aurait pu, il me semble, prendre la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. Il aurait pu la prendre.

M. LAPORTE: Expliquez-nous cela bien clairement.

M. VINCENT: Dans cette loi... M. LAPORTE: L'article 3.

M. VINCENT: ... il y a un article qui permet au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, à même un fonds créé, de $1 million annuellement, de garantir aux sociétés coopératives agricoles, aux syndicats, un montant d'argent, qui permet d'apporter un amendement à cette loi et inclure les fédérations de producteurs. Oui.

M. LAPORTE: Je ne suis pas prêt à dire cela.

M. VINCENT: Oui, il était capable de faire cela.

M. LAPORTE: Oui, il était capable... M. VINCENT: Par un amendement.

M. LAPORTE: ... mais ce n'est pas cela que nous voulions faire.

M. VINCENT: A ce moment-là, il aurait eu à sa disposition, chaque année, un montant de $1 million. Il aurait pu venir en aide aux autres fédérations de producteurs: la Fédération des producteurs des pommes de terre, la Fédération de producteurs de porcs du Québec, la Fédération des producteurs de bois, la Fédération des producteurs de lait industriel, tout simplement en apportant cet amendement à la loi.

Le gouvernement actuel a adopté une loi permettant au ministre de l'Agriculture de garantir, jusqu'à concurrence de $16 millions, les emprunts contractés pour la consolidation des usines laitières. Non pas un montant de $1 million ou de $500,000 en faveur de telle fédération coopérative ou de tel autre organisme, mais pour la consolidation des usines laitières auxquelles on peut garantir un montant jusqu'à concurrence de $16 millions. De plus, ce qui me surprend dans cette loi, c'est que, mercredi dernier, je posais une question au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation du Québec, qui a pris l'habitude de ne pas répondre.

M. PAUL: C'est cela.

M. VINCENT: Je le félicite aujourd'hui d'avoir donné l'historique de la Fédération des producteurs d'oeufs. Je le félicite de l'avoir fait parce qu'au cours de son exposé budgétaire, nous lui avons fait cette demande à plusieurs reprises: Qu'il nous donne l'historique de la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec.

Les réponses que nous avions à ce moment-là étaient: Oh! c'est devant les tribunaux; nous n'avons pas le droit d'en parler. Appuyé par le député de Chambly. Nous n'avons pas été capables de connaître le processus qui a précédé la formation de la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec. Aujourd'hui, il nous l'a donnée.

Mercredi dernier, je posais une question, M. le Président, et vous allez voir jusqu'à quel point le ministre de l'Agriculture n'est pas intéressé à donner des réponses claires et précises aux députés de cette Chambre. Ma question était la suivante.

M. TOUPIN: Cela dépend des questions.

M. VINCENT: A la page 842 du journal des Débats du mercredi 8 juillet 1970. « M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Me référant à un télégramme, dont je n'ai pris connaissance que

ce mâtin, venant de l'Association des meuniers de la province de Québec, exposant un problème, s'il existe, qui est d'envergure provinciale, soit le paiement, aux producteurs d'oeufs, par la fédération, des oeufs livrés, le ministre peut-il nous dire si ce problème existe réellement à l'heure actuelle? Si oui, quelles sont les mesures qu'il entend prendre pour assurer le paiement, aux producteurs d'oeufs, des oeufs qu'ils livrent régulièrement à la fédération? » Savez-vous ce que le ministre a répondu?

M. PAUL: Ecoutez la réponse.

M. VINCENT: Savez-vous ce que le ministre a répondu? « M. Toupin: M. le Président, j'ai rencontré récemment les responsables de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec, et tout se déroule normalement; il n'y a pas de problème...

M. DEMERS: Pas un oeuf de Pâques.

M. VINCENT: ... aigu présentement au niveau de la paie des producteurs. »

M. LAPORTE: Non.

M. VINCENT: « Si, toutefois, la situation se détériore à ce point...

M. LAPORTE: Des grimaces comma ça, on n'en a pas besoin.

M. VINCENT: ... nous informerons la Chambre, à ce moment-là des moyens et des mesures que nous prendrons. » Cela, c'était mercredi.

M. TOUPIN: C'est exactement ce qu'on a fait; c'est qu'il n'y avait pas de problème de paie.

M. VINCENT: M. le Président, le ministre de l'Agriculture vient de nous dire: C'est exactement ce que nous avons fait.

M. TOUPIN: Oui, nous répondons à vos questions.

M. VINCENT: Regardons maintenant ce qu'il a dit vendredi.

M. LAPORTE: Bon!

M. TOUPIN: Qu'est-ce que vous avez con- tre les oeufs? C'est effrayant comme vous leur en voulez à ces oeufs-là.

M. VINCENT: Vendredi, je posais une question au ministre de l'Agriculture. « M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Au début de la semaine, je posais une question au ministre de l'Agriculture, à la suite d'un télégramme que nous avions reçu de l'Association des meuniers de la province de Québec, concernant le non-paiement des oeufs aux producteurs. Ma question est la suivante: Sans entrer dans le principe du projet de loi qui a été déposé ce matin ou encore dans ses modalités, est-ce que ce projet de loi corrige en entier ce problème soulevé au cours de la semaine dernière dans toute la province? »

Le ministre de l'Agriculture répond: « M. le Président, j'ai répondu hier au député de Nicolet ce qui suit et je vais le répéter — il venait de déposer la législation; je continue la citation de la réponse du ministre de l'Agriculture. — Il ne m'apparaît pas exister de problème épineux en ce qui concerne le paiement des oeufs aux producteurs. « J'ai rencontré à cette fin la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec et elle ne m'a pas informé que ce problème, s'il existe là, comme tel, était vraiment sérieux. Alors, on ne me l'a pas présenté sous cette forme-là. Le projet de loi qui a été présenté ce matin — on aura l'occasion d'en discuter un peu plus tard — ne vient pas répondre à ce problème-là; il vient mettre à la disposition de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec un fonds de roulement. »

M. TOUPIN: C'est clair, il me semble.

M. VINCENT: Le ministre dit: « C'est clair, il me semble. » Un fonds de roulement, pourquoi?

M. LAPORTE: Ah! c'est là qu'est le pourquoi. Ce n'est pas un fonds de roulement?

M. VINCENT: Le ministre vient de nous le dire, il y a dix minutes: Un fonds de roulement permettant à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec de payer les producteurs dans un délai raisonnable.

Donc, M. le Président, mercredi dernier, un problème était soulevé en cette Chambre sur les retards apportés dans le paiement aux producteurs des oeufs livrés à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec.

Le ministre de l'Agriculture dits: Cela n'existe pas; il n'y a pas de problème. Il dit: Si un problème existe, nous informerons la Chambre des mesures que nous prendrons. Vendredi, il dépose un projet de loi. Il n'avait pas consulté le député de. Kamouraska.

M. DEMERS: Lui, il connaît ça.

M. VINCENT: A ce moment-là, nous étions fiers de dire: Bien, en définitive, il existe un problème. Le ministre veut le résoudre par un projet de loi. Nous lui posons la question; il dit: Non, c'est pour créer un fonds de roulement. Un fonds de roulement, pourquoi? Aujourd'hui, il nous dit que ce fonds de roulement lui permettra de payer les producteurs dans un délai raisonnable.

Donc, M. le Président,...

M. LAPORTE;. Pour toutes ces raisons nous sommes en faveur du bill.

M. VINCENT: Non, M. le Président... M. BERTRAND: Vous avez parlé trop vite. M. PAUL: Les oeufs vont se casser avant.

M. LEDUC: Vous allez casser les oeufs à l'intérieur de votre affaire. Le député de Saint-Maurice est d'accord et le député de Nlcolet n'est pas d'accord.

M. VINCENT: La question était la suivante...

M. LAPORTE: Alors, le suspense continue.

M. BERTRAND: Non, non, il y avait une nuance dans la prise de position.

M. LEDUC: La nuance n'est pas nuancée.

M. VINCENT: La question que nous nous posions, à laquelle le ministre de l'Agriculture devrait répondre, la question que je me posais quand j'ai lu la législation: Pourquoi $400,000 de garantie? Est-ce que le ministre a eu l'occasion de faire faire un bilan des besoins de la Fédération des producteurs d'oeufs avant de préparer cette législation? Pourquoi $400,000 inscrits dans la législation, vendredi dernier? Pourquoi? Est-ce qu'il a étudié, avec la Fédération des producteurs d'oeufs, les besoins futurs? Est-ce qu'il a étudié? S'il l'a étudié, pourquoi a-t-il inscrit $400,000 et va-t-il nous arriver, dans quelques instants, avec un amendement proposant $500,000? Pourquoi?

M. LOUBIER: Il ne le sait pas.

M. TOUPIN: Je vous répondrai tantôt.

M. VINCENT: C'est là que nous disons qu'il aurait été préférable que le ministre amende la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, où il a à sa disposition $1 million, annuellement, qu'il peut garantir aux coopératives agricoles. Il aurait pu ajouter les fédérations de producteurs. C'est aussi simple que ça. Cette législation aurait pu servir, pour l'information du député de Chambly, la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation...

UNE VOIX: Article 2, paragraphe 5. M. VINCENT: J'espère que je vais...

M. TOUPIN: Vous savez à quoi sert le $1 million qui a été mis dans la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation?

Vous savez quels sont les montants qui sont engagés actuellement?

M. VINCENT: Oui.

M. TOUPIN: Pourquoi posez-vous la question, alors?

M. VINCENT: Est-ce que le ministre de l'Agriculture pourrait nous répondre, nous dire quel est le montant du million engagé cette année?

M. TOUPIN: Le problème ne se pose pas là-dessus présentement. Je dis que vous savez les raisons pour lesquelles cette loi est là. Elle est là pour les coopératives.

M. VINCENT: Oui, en vertu de l'article 19 de la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, un fonds annuel — c'est inscrit sous la section 4 — de l'aide aux sociétés coopératives agricoles et — c'est là l'amendement — aux fédérations de producteurs. C'est là l'amendement qui aurait pu être apporté.

M. LAPORTE: Qui aurait pu.

M. VINCENT: Je lis l'article 19: Un fonds annuel de $1 million est créé depuis le 1er avril 1961 et le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, peut affecter ce fonds à des garanties ou avances aux sociétés coopératives agricoles régies par la Loi des sociétés coopératives agricoles, par la Loi des associations coopératives ou par la

Loi des syndicats coopératifs. Il aurait pu faire son amendement et ajouter: Aux fédérations de producteurs. A ce moment-là, cela aurait été $1 million annuellement qui aurait pu être affecté, par des garanties d'emprunts ou des avances, aux fédérations de producteurs en plus des sociétés coopératives. Mais non, le ministre préfère une loi spéciale, avec $400,000 la semaine dernière et $500,000 bientôt. Qui nous dit que la semaine prochaine il ne faudrait pas ajouter $100,000 à cette loi?

M. TOUPIN: Cela aurait pu être $1.5 million.

M. VINCENT: Justement.

M. TOUPIN: Votre affaire ne tient pas.

M. VINCENT: Le ministre vient de confirmer la thèse que j'essaie de lui faire comprendre, qu'il aurait été préférable d'amender la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. TOUPIN: Vous essayez de vous convaincre vous-même.

M. VINCENT: A ce moment-là, il aurait pu garantir $500,000 à la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec ou lui faire une avance de $400,000 ou $500,000. Le ministre n'a pas voulu amender la loi du ministère. Il a préféré mettre, dans la loi, sa taille : politique à la petite semaine. Une loi spéciale pour la Fédération des producteurs d'oeufs. De plus, le ministre de l'Agriculture a préféré, contrairement à ce qu'a fait l'ancien gouvernement lorsqu'il a pris un montant d'argent qu'il a donné en subventions à la Fédération des producteurs du Québec...

M. TOUPIN: Le problème est resté tel qu'il était.

M. VINCENT: C'est justement un montant d'argent, M. le Président, que le précédent gouvernement a donné en subventions à la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec. Est-ce que le ministre est au courant du montant d'argent qui a été donné?

M. TOUPIN: Vous, vous le savez?

M. VINCENT: Est-ce que le ministre est au courant du montant d'argent qui a été donné?

M. TOUPIN: Vous le savez vous? C'est ça qui est important.

M. VINCENT: Est-ce que le ministre sait — et peut nous répondre — l'utilisation qui a été faite de ce montant?

M. TOUPIN: C'est vous qui l'avez donné, ce n'est pas moi.

M. VINCENT: Ah, ah! M. le Président, nous voyons le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation nous demander de l'autoriser à faire une garantie d'emprunt de...

M. BERTRAND: De $400,000, presqu'un demi-million de dollars!

M. VINCENT: ... $400,000, maintenant de $500,000 à la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec. Nous lui demandons quelle a été l'utilisation du montant d'argent qui a été versé à la fédération il y a quelques mois, et le ministre dit que c'est à nous de savoir ce qu'ils en ont fait. Est-ce qu'il a posé la question à la Fédération des producteurs d'oeufs?

M. TOUPIN: Vous savez fort bien que vous avez donné une subvention de $125,000.

M. VINCENT: Et qu'est-ce qui a été fait avec cette subvention?

M. LAPORTE: M. le Président, on est en deuxième lecture. On va aller en comité tout à l'heure.

M. VINCENT: Qu'est-ce qui a été fait...

M. LAPORTE: M. le Président, J'invoque le règlement.

M. VINCENT: Il n'y a pas de règlement, M. le Président...

M. LAPORTE: Ah, il n'y a pas de règlement! Oh, pardon! Nous sommes rendus loin.

M. VINCENT: ... nous sommes sur le principe...

M. LAPORTE: M. le Président, étant donné qu'il y a peut-être un règlement, puis-je demander au député de Nicolet, puisque nous sommes en deuxième lecture, d'exprimer son point de vue. Quant aux questions qu'il voudrait poser au ministre, peut-être pourrait-il attendre que nous soyons en comité tout à l'heure.

M. VINCENT: Non. M. le Président, sur le rappel au règlement du député de Chambly, qui,

à mon sens, n'est pas un rappel au règlement, en deuxième lecture, je peux le faire. Le ministre aura le droit de réplique tout à l'heure avant le vote, si le vote a lieu. Il pourra nous donner une réponse, tout à l'heure, parce qu'il n'a rien dit de valable à l'occasion de la présentation du projet de loi en deuxième lecture.

La Fédération des producteurs d'oeufs du Québec a reçu une subvention de $125,000.

M. TOUPIN: L'homme qui a sauvé les agriculteurs! Fantastique!

M. BERTRAND: Ecoutez donc, c'est sérieux!

M. VINCENT: La Fédération des producteurs d'oeufs...

M. LAPORTE: C'est ça qui est dommage, cela n'est pas sérieux. Il y a des gens qui sont venus nous voir pour nous dire: Nous avons un problème actuel de financement temporaire. Nous n'avons pas de fonds de roulement. Nous leur permettons d'en créer un sans créer de précédent pour tout de suite.

M. VINCENT: Non, et le ministre...

M. TOUPIN: Le ministre n'a rien fait dans le temps.

M. VINCENT: M. le Président,... M. LAPORTE: C'est clair.

M. VINCENT: ... je sais que si le député de Chambly avait été ministre de l'Agriculture et de la Colonisation...

M. LAPORTE: Bon.

M. VINCENT: ... la Fédération des producteurs d'oeufs serait allée le rencontrer.

M. LAPORTE: Bon.

M. TOUPIN: Vous saviez qu'il existait, le problème.

M. VINCENT: Ils auraient dit au député de Chambly: Voici, M. le ministre, nous avons un probleme, nous voulons nous créer un fonds de roulement.

M. LAPORTE: Oui.

M. TOUPIN: Vous avez laissé détériorer la situation.

M. VINCENT: Le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation aura le droit de...

M. TOUPIN: C'est vous qui l'avez fait ça, ce n'est pas moi.

M. VINCENT: ... parler tout à l'heure.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que vous pourriez inviter le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation à apprendre ses règlements et à les respecter. Pour le moment, c'est le député de Nicolet qui a la parole.

M. LE PRESIDENT (Cadieux): Les deux côtés de la Chambre, s'il vous plaît!

M. LAPORTE: Pourriez-vous faire un détour du côté du député de Nicolet en même temps, M. le Président?

M. LE PRESIDENT (Cadieux): Alors, s'il vous plaît, je demanderais qu'on s'en tienne au principe du bill. Nous sommes en deuxième lecture.

M. PAUL: C'est ça.

M. VINCENT: Nous en sommes au principe du bill, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Cadieux): L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: Si les membres de la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation de la province de Québec étaient allés rencontrer le ministre, le député de Chambly, s'il avait été ministre de l'Agriculture, ils auraient dit au ministre: M. le député de Chambly, nous avons un problème. Nous voulons créer un fonds de roulement.

Le député de Chambly leur aurait certainement posé la question: Pourquoi vous créer un fonds de roulement?

Ils auraient dit: C'est pour payer les producteurs car il y a un délai dans les paiements aux producteurs.

Le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation dit qu'il n'y a pas de délai. La semaine dernière, vendredi dernier, il a dit qu'il n'y avait pas de délai. Aujourd'hui il dit qu'il y a un délai.

Le député de Chambly aurait dit: Oui, d'accord. Alors, il aurait demandé à ses fonctionnaires: Est-ce qu'il y a déjà eu une aide de donnée à la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec?

Ses fonctionnaires lui auraient répondu: M. le député de Chambly, oui. Le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation a versé un montant de $125,000 en subventions directement à la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec.

Le député de Chambly, contrairement à ce que le député de Champlain essaie de nous faire croire présentement, aurait demandé à la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec: Qu'est-ce qui a été fait avec le montant de $125,000? Donnez-moi un état détaillé des dépenses ou des paiements que vous avez effectués avec le montant de $125,000 que vous avez reçu il y a quelques mois.

Le député de Chambly aurait été en mesure aujourd'hui, en Chambre, de nous dire: Voici de quelle façon le montant de $125,000 a été dépensé.

M. LAPORTE: Je l'aurais fait seulement en commission.

M. VINCENT: Voici, M. le Président, de quelle façon le montant de $125,000 a été dépensé. Le député de Champlain, lui, dit: Non, c'est vous qui l'avez donné. Vous devez savoir de quelle façon il l'ont dépensé.

Ensuite, le député de Chambly, s'il avait été ministre de l'Agriculture, aurait dit: Voici, en vertu des lois actuelles, il m'est impossible de vous donner une garantie d'emprunt. Si, cependant, j'amende la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation en ajoutant les fédérations des producteurs reconnues, à ce moment-là j'ai un fonds annuel d'un million qui est mis à ma disposition et qui me permet de vous garantir un emprunt, de vous faire une avance du montant dont vous avez besoin. Je vais proposer un amendement à la loi du ministère; faites-moi connaître vos besoins. Là, la fédération serait revenue devant le ministre et député de Chambly et lui aurait dit: Nous avons besoin de $400,000, nous avons besoin de $500,000. Tandis que la semaine dernière, on avait besoin de $400,000 et aujourd'hui, dernière journée de la session, on nous arrive et on dit: Nous avons besoin de $500,000.

Mais l'astuce dans tout ceci est la suivante, M. le Président, et je pense que vous l'avez détectée vous-même...

M. PAUL: Ah oui!

M. BERTRAND: Ah oui!

M. VINCENT: Je pense que vous l'avez trouvée vous-même.

M. BERTRAND: Du moins, cela paraît.

M. VINCENT: Cest, M. le Président, que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation du Québec, appuyé en cela par le gouvernement de la province de Québec, savait très bien que tous les députés en cette Chambre étaient pour le principe d'une aide, d'une avance ou d'une garantie d'emprunt — parce que nous avons donné — pas même une avance — un cadeau de $125,000 — étaient en faveur, dis-je, d'une avance ou d'une garantie d'emprunt à la Fédération des producteurs d'oeufs de la province de Québec.

Mais dans la politique d'austérité productive, d'efficacité administrative, on a décidé d'établir un nouveau principe dans les législations gouvernementales et surtout dans les législations agricoles. On impose une taxe...

M. PAUL: C'est cela.

M. VINCENT: ... de vente avec le bill 27, une taxe de vente sur les produits alimentaires. Dans la législation, contrairement à tout ce qui existe dans toutes les lois agricoles — que ce soit le bill 13, que ce soit la Loi amendée des marchés agricoles où ce sont les producteurs eux-mêmes qui décident, en assemblée générale, de s'imposer un prélèvement, une cotisation qui servira par la suite aux frais d'administration de leur groupement — cette fois-ci, on impose une taxe de vente sur tous les oeufs qui se vendront dans la province de Québec après que le bill sera sanctionné, une taxe de vente d'un demi-cent la douzaine. Une taxe de vente d'un demi-cent la douzaine...

M. LE PRESIDENT (Cadieux): Je ferai remarquer au député de Nicolet qu'il lui reste encore deux minutes.

M. VINCENT: D'accord, On impose une taxe de vente d'un demi-cent la douzaine sur tous les oeufs qui seront vendus dans la province de Québec.

Le député de Saint-Maurice l'a mentionné tout à l'heure, nous sommes en faveur du principe d'une aide par garantie d'emprunt, par avance, à la Fédération des producteurs d'oeufs de la province de Québec et nous sommes également en faveur du principe d'une aide aux autres fédérations de producteurs qui en auront besoin, mais nous sommes contre ce précédent qu'on crée aujourd'hui d'imposer, par une législation agricole, une taxe de vente sur des produits alimentaires qui seront vendus dans la province de Québec.

Nous demandons ceci au ministre: Avant de passer au vote sur la deuxième lecture, comme il est impossible d'aller devant la commission parlementaire avant la fin de la session rencontrer les membres de la Fédération des producteurs d'oeufs de la province de Québec ou les membres de la Régie des marchés et leur poser des questions, nous demandons au ministre, avant la deuxième lecture, vu que tous les députés en cette Chambre sont en faveur du principe d'une aide par garantie d'emprunt ou avance à la Fédération des producteurs d'oeufs ou à toutes les autres fédérations de producteurs de la province de Québec, de retirer l'article 4 qui impose une taxe de vente indirecte qui sera payée soit par le consommateur ou qui encore sera déduite de la paie du producteur.

Si le ministre ne veut pas retirer cet article 4, même si nous sommes en faveur du principe — nous l'avons prouvé avec des subventions — nous nous verrons dans l'obligation de demander que le bill 27, s'il est adopté, le soit sur division.

M. LAPORTE: M. le Président

M. LE PRESIDENT (Cadieux): L'honorable député de Chambly.

M. Pierre Laporte

M. LAPORTE: Il m'apparaît que c'est une chose très simple. Le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, après avoir rencontré les parties intéressées, nous a fait rapport que l'un des problèmes — oublions pour l'instant, puisque ceci n'est pas de notre ressort, les problèmes d'ordre juridique et les contestations devant les tribunaux — majeurs auxquels devait faire face cette fédération de producteurs d'oeufs, c'était l'absence d'un fonds de roulement. Cela ne rendait pas le paiement des salaires ou des redevances plus ou moins difficile; cela rendait toute l'administration très difficile, à tous les niveaux.

M. VINCENT: Non, M. le Président. Simplement pour clarifier, l'administration d'un plan conjoint doit être payée à même le prélèvement d'un demi-cent la douzaine, en vertu du plan conjoint.

M. LAPORTE: Oui, oui, mais il reste qu'il n'existait pas de fonds de roulement et qu'ils sont venus nous dire: Nous voulons avoir un fonds de roulement.

M. TOUPIN: Le règlement no 6, lui?

M. LAPORTE: De plus, le ministre nous a parlé de l'article 2 de la Loi de l'agriculture qui l'autorise à octroyer, à même les fonds à sa disposition, des sommes d'argent, des prêts...

M. VINCENT: Ou des avances.

M. LAPORTE: ... ou des avances. Il nous a parlé de l'article 19, ce fonds de $1 million qui permet de garantir...

M. BERTRAND: Ils se sont parlé de chiffres.

M. LAPORTE: Mais, nous avons dit: Nous n'acceptons ni l'une ni l'autre solution, parce que nous ne sommes pas disposés, pour l'instant, à créer une politique nouvelle. Justement, l'une des demandes du conseil des ministres a été que ce projet de loi soit très singularisé, pour que ce soit un cas d'espèce et pas un précédent, pour l'instant. Cela, c'est clair. S'il y a divergence d'opinions fondamentale entre le député de Nicolet et le parti qu'il représente sur la façon dont nous avons procédé, nous disons qu'il y a chez nous impénitence totale, que c'est volontairement que nous avons eu recours à ce projet de loi pour que ce ne soit pas un précédent. A ce moment-là, puisqu'il y a divergence d'opinions fondamentale sur le principe, ce sera son devoir de voter contre. Parce qu'on n'a pas l'intention de modifier cela.

Deuxièmement, cela a d'abord été fixé à $400,000. Pas parce que le ministre était disposé à le fixer à $400,000; on savait que c'était plus que cela. On a dit: On va limiter cela le plus possible, donner, comme les Anglais diraient, le « rocky bottom ». Il y a quelques jours, le ministre est revenu en nous disant: Ecoutez, ce n'est pas possible. Et c'est sur les instances du ministre, qui savait depuis le début, lui, que les chiffres qu'il nous avait mentionnés dépassaient largement $400,000, qu'on a dit: D'accord, $500,000.

M. VINCENT: Il a dit: $350,000 à $430,000.

M. LAPORTE: Oui, oui, ne jouons pas sur les mots. Disons que je parle sérieusement d'un problème très sérieux. Parlons-en sérieusement. Alors avec $500,000, on revient partiellement à ce que le ministre voulait au début

Troisièmement, on a dit: Est-ce qu'on va prêter directement à même les fonds de la province? On a dit: Non. Ils sont capables de prendre leurs responsabilités. Est-ce qu'on va donner une subvention? Encore moins, il y a d'autres occasions où on pourra les subventionner. Il ne faut pas imaginer que les gens de la Fédération des producteurs d'oeufs sont en train de nous

démolir. Ils sont tous d'accord avec ce qu'on fait. Ils sont heureux. Nous leur avons dit: Nous allons vous donner le moyen de vous rendre auprès des institutions normales qui prêtent et là, vous allez vous créer un fonds de roulement de $400,000 ou de $500,000, le montant que vous voudrez, jusqu'à concurrence de $500,000.

M. VINCENT: On n'a rien contre ça.

M. LAPORTE: Mais, avec le fonds de roulement, les institutions bancaires, les caisses populaires ou les institutions de prêts qui vont avancer de l'argent vont, évidemment, demander qu'il y ait des garanties de remboursement.

M. VINCENT: C'est ça. Article 2.

M. LAPORTE: Pour que le gouvernement se sente protégé et qu'il ne risque pas dans un mois, dans deux mois, dans trois mois, d'être obligé, lui, de rembourser, on a dit: Vous allez vous créer — ce qui est bien connu dans tous les emprunts — un...

M. VINCENT: Article 2.

M. LAPORTE: ... fonds de réserve, et c'est exactement ça. Tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas recueilli la somme qu'ils auront empruntée à la banque, ils vont garder sur l'argent qui leur appartient, parce que la fédération des producteurs appartient aux producteurs, c'est leur affaire à eux, ils ne demandent pas de cadeau, ils demandent la possibilité de se créer un fonds de roulement. Nous disons: Vous allez garder, à même vos biens, un demi-cent la douzaine et, quand vous aurez fini de rembourser, vous aurez votre fonds de roulement et vous ferez ce que vous voudrez avec le demi-cent. Il me semble que c'est logique, que ça aide directement, que ça règle un problème urgent, et ça laisse au ministre — ce qui est fondamentalement important aux yeux du conseil des ministres — la liberté absolue d'avoir le temps d'élaborer sa politique pour l'ensemble de ces sociétés de coopérateurs. C'est exactement la politique du gouvernement. Nous réglons un cas d'espèce volontairement, nous ne voulons pas faire plus que ça. Nous les aidons complètement et nous leur disons: Maintenant, vous allez vous aider vous-mêmes.

Deuxièmement, le ministre n'a pas reçu mandat des électeurs et du gouvernement et n'a pas l'obligation d'être placé dans la situation de devoir annoncer une politique complète, parce qu'il y a un cas d'urgence qui se présente. Quand il y a un incendie, ce n'est pas à ce moment-là que l'association des pompiers décide de changer le règlement. Ils éteignent le feu et ils retournent tranquillement...

M. PAUL: Pendant l'incendie, le chef ne vient pas nous dire qu'il n'y a pas de feu.

M. LAPORTE: M. le Président, nous pourrions oublier les pompiers et revenir au projet de loi. Le projet de loi, tel que le ministre l'a expliqué, avec les renseignements que j'ai eus au conseil des ministres, avec les discussions fréquentes que j'ai eues avec le ministre à ce sujet, avec le dossier que je tente de me constituer sur chacun des projets de loi, j'ai l'impression que celui-ci est expliqué de façon assez claire. Le gouvernement a fait son lit, pas par erreur, c'est volontaire ce que nous faisons aujourd'hui. Nous le savions qu'il y avait une loi de l'agriculture, nous avons vu l'article 2 et les autres. Nous avons vu l'article 19 aussi. Nous ne voulons pas y toucher tout de suite, nous le faisons comme ça. Si on juge que nous agissons de la mauvaise façon, il faudra voter contre. Actuellement — ce n'est pas, je pense bien, de l'arrogance — mais nous avons décidé qu'à notre avis il est mieux de procéder comme ça pour l'instant. C'est une décision arrêtée, réfléchie et c'est sur ça que la Chambre devra se prononcer.

M. VINCENT: M. le Président, le député de Chambly me permettra-t-il une question?

M. LAPORTE: Sans doute.

M. VINCENT: Il a parlé de fonds de roulement. Le député de Chambly était-il au courant qu'il y a quelques mois à peine la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec a reçu une subvention qui lui permettait de se créer un fonds de roulement, une subvention de $125,000? D'après les producteurs, cela leur permettait de créer ce fonds de roulement. Le député de Chambly, ministre du Travail, peut-il nous dire s'il est au courant de l'utilisation qui a été faite de ce montant de $125,000?

M. LAPORTE : Pour la première partie de la question, je n'ai aucune espèce de honte ou de regret à dire que je n'étais pas au courant; mais, j'imagine que ça n'a pas dû être assez puisqu'ils sont venus encore en demander.

M. VINCENT: Le ministre pourrait-il nous dire ce qui fut fait avec la subvention?

M. LAPORTE: J'ai dit au député que les questions qu'il pourrait vouloir poser sur ça, il pourrait les poser en comité.

M. PAUL: M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: Nous remercions l'honorable député de Chambly de nous avoir donné une rétrospective des événements qu'aurait normalement dû fournir l'honorable ministre de l'Agriculture et de la Colonisation pour justifier la présentation de cette loi.

M. LAPORTE: Ce qui va vous arriver un jour, c'est que je ne parlerai plus.

M. PAUL: Non, M. le Président; nous réalisons de plus en plus combien le rôle du leader parlementaire est indispensable au sein du gouvernement actuel, parce qu'il est un véritable ministre polyvalent et il vient...

M. DEMERS: L'homme-orchestre.

M. LAPORTE: Comment disait-il ça en anglais: Timeo Danaos?

Je somme le député de cesser de me faire des compliments, M. le Président.

M. PAUL: M. le Président, comme dirait le ministre des Affaires culturelles, je vais dire que le ministre n'a pas eu le temps d'interpréter et de comprendre la loi qui nous est présentement soumise, quand il vient de nous dire qu'il ne veut pas créer un précédent. C'est justement là une loi d'exception...

M. LAPORTE: C'est cela.

M. PAUL: ... en faveur de la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec. Ce n'est pas un précédent, si c'est une loi d'exception? Le précédent n'aurait pas été créé si on avait amendé l'article 19 de la Loi du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. A même les subventions générales votées par l'Assemblée nationale, le ministre aurait pu octroyer un montant suffisant pour permettre à la fédération de se créer un fonds de roulement.

Mais non, M. le Président, ce n'est pas un précédent, c'est une nouvelle taxe. C'est une taxe, et on voit le Ralliement créditiste qui appuie cela. Il n'a pas saisi qu'on imposait une taxe d'un demi-cent par douzaine d'oeufs. Le député de Lotbinière nous a dit! Nous sommas pour cela. Il doit y avoir des producteurs d'oeufs dans ces comtés créditistes.

M. SAMSON: Ne nous prêtez pas d'intention, même sans intérêt.

M. PAUL: Non, non, mais c'est un fait. Ils sont tellement habitués d'encenser le gouvernement qu'ils sont endormis et empoisonnés dans leur encens.

M. DROLET: Vous êtes en train de nous réveiller.

M. PAUL: Ils ont oublié de réaliser qu'en vertu de cette loi c'est une taxe qui est imposée sur le dos de la classe agricole du Québec. Oui, M. le Président. On voit le ministre de l'Agriculture nous faire des grands signes. Qu'il commence donc par étudier son ministère, qu'il s'arrête à l'étude des problèmes avec lesquels se trouve aux prises la classe agricole aujourd'hui dans le Québec, spécialement dans l'industrie laitière, et objectivement, aujourd'hui, de cette loi qui nous est présentée en faveur des producteurs d'oeufs du Québec!

M. LAPORTE: Puis-je demander au député à qui sera payée cette taxe-là?

M. PAUL: Si le député occupait son siège, je répondrais.

M. DEMERS: M. le Président, peut-on demander à l'honorable leader parlementaire de reprendre son siège?

M. LAPORTE: C'est vrai. M. le Président, je retire la question que j'ai posée en arrière et je la repose: Le député pourrait-il me dire à qui sera payée cette taxe?

M. PAUL: M. le Président, une chose...

M. LAPORTE: Et s'ils se la payaient à eux-mêmes!

M. PAUL: Qu'elle aille à qui elle voudra, cette taxe!

M. LAPORTE: Ah oui?

M. PAUL: Une chose est certaine, nous avons eu un aveu de la part du leader parlementaire à l'effet qu'aujourd'hui les banques n'avaient plus confiance dans l'administration gouvernementale actuelle. Ah, oui, oui! Il s'est référé à l'article 2 et nous a dit que la fédération s'est présentée aux banques et que les banques ont dit: Avez-vous des garanties? Alors que — nous reviendrons là-dessus — selon l'article 2, le lieutenant-

gouverneur en conseil pouvait garantir le paiement.

Non, on n'accepte pas la solvabilité du gouvernement, aujourd'hui. D'ailleurs, une nouvelle taxe hier — je n'ai pas le droit de référer à un débat précédent, mais en passant je vous le dis — quand nous avons étudié le code de la route et une nouvelle taxe aujourd'hui sur le dos des cultivateurs. C'est une loi qui ne peut être acceptée de la façon dont on veut l'appliquer. L'ancien ministre de l'Agriculture et de la Colonisation et le député de Saint-Maurice, comme nous tous d'ailleurs, acceptent le principe de venir en aide aux producteurs d'oeufs, à la fédération, mais par des garanties et des avances qui auraient pu être accordées par un amendement pur et simple de l'article 19 de la Loi du ministère.

Mais non! On préfère jeter son dévolu sur le dos des cultivateurs et leur imposer une nouvelle taxe d'un demi-cent le gallon pour un fonds de roulement susceptible... M. le Président, il faut tenir compte que, quand j'ai parlé de gallon, j'interprétais les oeufs écrasés.

M. LAPORTE: Vous êtes rendu dans le caribou.

M. TOUPIN: Ils ne se vendent pas au gallon, non plus.

M. PAUL: M. le Président, je disais donc d'un demi-cent la douzaine.

UNE VOIX: Cela se vend au gallon, aussi.

M. VINCENT: Pour la pâtisserie, ils se vendent au gallon.

M. PAUL: M. le Président, même le ministre de l'Agriculture ne savait pas cela, qu'on peut acheter des oeufs au gallon. Il ne sait pas cela. Il nous disait, il y a une semaine, qu'il n'y avait pas de problème. Le député de Nicolet lui pose une question. Mais non, il n'y a pas de problème. On agira en temps et lieu. Il dépose un bill et il n'y à pas encore de problème.

Mais voici que dans la nuit de samedi à dimanche, probablement que les poules ont fini leur grain, je ne sais pas, mais le problème s'est créé. Vendredi, lorsque nous avons siégé, il n'y avait pas de problème.

Et aujourd'hui on a un problème, M. le Président, c'est pour créer un fonds de roulement qui permettrait à la Fédération de payer les producteurs dans un délai raisonnable. De vendredi dernier à aujourd'hui, il a eu la lumière. Il a eu la lumière mais c'est parce que d'autres le lui ont signalé. Le député de Chambly a pu lui dire, à un moment donné: Ecoute, tu devrais dire ça pour justifier la présentation de cette loi...

M. LAPORTE: C'est lui qui m'a tout dit

M. PAUL: C'est lui qui vous en a donné? M. le Président, nous espérons qu'il va nous fournir des renseignements. Depuis qu' il dirige le ministère, on n'est jamais capable d'avoir de réponse. Si, au moins, on avait délégué le député de Kamouraska, je vois qu'il n'est pas à son fauteuil; lui, il connaît ça, M. le Président, parce que quand nous avons étudié les crédits...

M. LAPORTE: Ne le provoquez pas.

M. PAUL: ... et que nous avons attaqué le problème de la Fédération des productuers d'oeufs, le député de Kamouraska s'est levé et nous a donné des informations...

UNE VOIX: A point.

M. PAUL: ... à point. Lui, il le voyait, le problème, à ce moment-là. Il a vécu le problème. Il est allé s'asseoir à côté du ministre de l'Agriculture, franchement, je crois qu'il a été même menacé de mort...

M. DEMERS: Il a dit: Fais attention, tu vas casser les oeufs.

M. PAUL: ... à la façon dont le ministre lui a jeté un regard de désapprobation...

M. BERTRAND: Foudroyant.

M. PAUL: ... parce que le député de Kamouraska avait osé le renseigner lui-même sur le problème qui existe au sujet des oeufs aujourd'hui, le problème de l'administration à la Fédération des producteurs d'oeufs. Je suis sûr, M. le Président, que le député de Kamouraska est contre la taxe d'un demi-cent, lui qui a de l'expérience. Je suis sûr qu'il est contre cette taxe comme, tout à l'heure, les créditistes, qui vont se raviser, seront contre cette taxe d'un demi-cent la douzaine d'oeufs. Et ce n'est pas tout, ce qui est plus grave, c'est que, quand nous avons étudié les crédits du ministère de l'honorable député de Chambly, l'honorable député de Terrebonne qui présidait les délibérations de notre comité a émis des directives sages, à point que nous avons respectées,parce que le problème était sub judice.

Est-ce que cette loi, M. le Président, qui a été votée par les années passées, sera jugée légale ou non, constitutionnelle ou non? S'il ar-

rivait que cette loi, qui est actuellement devant les tribunaux, soit déclarée inconstitutionnelle par nos tribunaux, à qui profiteraient les $500,000 qu'on nous demande de voter aujourd'hui à même une taxe imposée aux cultivateurs, et également aux consommateurs, M. le Président...

M. BERTRAND: Comment pourrions-nous la remettre?

M. PAUL: M. le Président, c'est une taxe de vente déguisée de la part d'un ministre qui nous dit: Pas de problème. Probablement qu'il y aura une autre taxe sur la livre de beurre, sur le nombre de vaches que les cultivateurs ont dans leurs champs, puis sur le nombre de gallons de lait qui est produit. C'est peut-être de cette façon-là, M. le Président, que le ministre de l'Agriculture entend régler le problème de l'industrie laitière dans le Québec qui est dans un véritable marasme. Et cet ancien membre de la Fédération de l'UCC, qui a participé indirectement à la formation de cette fédération, qui est probablement aussi bien au courant de la façon dont la somme de $125,000 a été dépensée, qui était censée être pour le fonds de roulement, eh bien, ce même individu est aujourd'hui ministre de l'Agriculture, et c'est effrayant comme il adore aujourd'hui ce qu'il brûlait hier.

Et le ministre de l'Agriculture voudrait que nous allions, nous, sous prétexte que le principe est bon d'aider les producteurs d'oeufs dans le Québec, accepter une taxe! M. le Président, nous ne pouvons pas accepter les modalités de ce bill qui en vicient les grands principes admirables que nous acceptons, que nous sommes prêts à appuyer, comme le disait tout à l'heure si bien le député de Saint-Maurice, comme a distingué avec une belle logique le député de Nicolet.

Pourquoi ne pas déférer cette loi! Cela presse donc bien de taxer les cultivateurs! Pourquoi cette loi n'est-elle pas déférée à la commission de l'Agriculture et de la Colonisation? Là, nous pourrions entendre les membres de la régie; nous pourrions demander aux membres de la fédération pourquoi ils veulent avoir $500,000. $100,000 d'augmentation, en trois jours, c'est pire que du crédit social! $100,000 en trois jours! Vendredi dernier, c'était $400,000; aujourd'hui, c'est $500,000. La taxe augmente de 1% et le Ralliement créditiste est pour ça.

Je dis que nous ne pouvons pas l'accepter. Je suis sûr que les députés qui siègent à l'extrême droite, ceux du Parti québécois, ne peuvent pas supporter, eux non plus, une telle me- sure. On nous demande de voter aveuglément un montant de $500,000 à un organisme qui, peut-être, la semaine prochaine, dans le mois d'août ou dans le mois de septembre, sera considéré comme illégal. Je dis que, si on voulait respecter les règles qui sont habituellement suivies lorsque des problèmes sont devant les tribunaux on n'aurait pas cherché à nous passer un sapin comme on veut le faire actuellement.

Est-ce que, par hasard, on craindrait que la loi soit déclarée inconstitutionnelle et que nous ne puissions pas récupérer, en aucune façon, le fonds de roulement de $500,000 que les producteurs d'oeufs seraient quand même obligés de payer? Si on veut réellement aider la Fédération des producteurs, qu'on réfère le projet de loi à la commission de l'Agriculture et de la Colonisation, qu'on interroge comme témoin le député de Kamouraska. Il a vécu ces problèmes, il les a épousés; c'est un homme averti, un spécialiste en la matière. Pourquoi, aujourd'hui, ne nous fait-il pas une grande déclaration? Je comprends que c'est assez difficile pour lui et gênant pour le ministre d'entendre un de ses collègues, un simple député, parler en expert et exposer toutes les implications que ce problème soulève et les implications que la loi peut apporter si elle est votée.

C'est pourquoi nous ne pouvons pas approuver cette législation telle que présentée, même si nous sommes en faveur du principe d'aider la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec. Je crois que nous rendons aujourd'hui service. Je vois le député de Yamaska qui représente un comté agricole, je sais qu'il y a des producteurs d'oeufs dans son comté. On l'interrogera à son retour chez lui en fin de semaine. On lui demandera: Quelle a été la motivation de cette nouvelle taxe que vous venez d'imposer sur le dos des cultivateurs ? Je suis sûr que l'honorable député, comme beaucoup d'autres, du côté ministériel serait heureux de dire...

Même le ministre de l'Agriculture pourra en apprendre, à ce moment-là, sur le véritable fonctionnement de la régie et des organismes qu'elle crée. Je suis sûr qu'en référant ce problème devant la commission de l'Agriculture et de la Colonisation pour étude complète, tous en tireront profit et avantage. Nous ne nous exposerions pas à subventionner un organisme qui sera peut-être considéré, par suite de l'illégalité et de l'inconstitutionnalité de la loi qui peut être adoptée dans ce cas, comme un organisme qui a retiré une somme de $500,000 et qui n'a plus les pouvoirs nécessaires pour récupérer cette somme.

Je dis donc que les arguments soulevés par

le député de Nicolet et par le député de Saint-Maurice nous justifient grandement de voter contre le principe de cette loi, à moins que le ministre, qui a toute l'occasion, là, de nous faire part de sa compréhension du problème, nous donne une interprétation beaucoup plus réaliste que celle que nous a donnée le député de Chambly. Elle était académique, cette explication du député.

M. LAPORTE: Je vais poser une question au député qui m'a l'air si bien renseigné. Est-il en mesure de dire à cette Chambre si la Fédération des producteurs d'oeufs — alors qu'il était ministre de la couronne, le député s'intéressait sans doute à ces questions — est venue demander au gouvernement une garantie comme celle que nous accordons aujourd'hui?

Est-ce qu'il est en mesure de dire si, oui ou non, la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec est venue demander au gouvernement une garantie comme celle que nous accordons aujourd'hui?

M. PAUL: M. le Président, nous avions un ministre tellement compétent pendant que nous étions au pouvoir, le député de Nicolet qui occupait la fonction de ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, que nous n'étions pas inquiets de la façon dont il administrait le ministère et de la façon dont il dispensait les subventions à son ministère.

Personnellement, je n'ai jamais eu à l'interroger et je n'ai jamais été dans l'obligation fâcheuse, comme l'a été lui-même le député de Chambly, de vouloir...

M. LAPORTE: Excusez. M. PAUL: Oui.

M. LAPORTE: C'est une réponse trop longue pour en être une.

M. PAUL: Ah!

M. LAPORTE: Vous n'avez pas répondu à ma question.

M. VINCENT: Je vais répondre. Les membres de la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec sont venus me rencontrer pour avoir un fonds de roulement. A ce moment-là, nous avons adopté un arrêté en conseil permettant de leur verser une subvention de $125,000 afin qu'ils puissent se créer un fonds de roulement.

Aux derniers jours de l'administration, nous avons, avec les avocats du ministère, envisagé la possibilité de leur donner des garanties d'emprunt en amendant la loi du ministère, mais sans imposer de taxe.

M. LAPORTE : M. le Président, la question très claire et très directe que je pose à l'ancien ministre est la suivante: Est-il en mesure d'affirmer à cette Chambre que la Fédération des producteurs d'oeufs n'a pas demandé deux choses: une subvention et une garantie pour un fonds de roulement? C'est bien clair, la question. Faites bien attention à votre réponse.

M. VINCENT: Oui, la Fédération des producteurs d'oeufs a demandé une subvention...

M. LAPORTE: Et?

M. VINCENT: ... qu'elle a obtenue pour...

M. LAPORTE: Oui, répondez.

M. VINCENT: ... lui permettre de faire une étude ou une enquête sur la mise en marché dans la province de Québec Cette subvention leur a été versée, en plus des $125,000. Par la suite, vu qu'il n'existait pas de législation leur permettant de garantir un montant d'argent pour se créer un fonds de roulement, nous leur avons versé une subvention inconditionnelle — sauf qu'ils doivent présenter un rapport à l'Auditeur de la province, comme pour toute subvention supérieure à $5,000 — leur permettant de mettre ce montant d'argent à la banque et d'avoir un fonds de roulement.

Par la suite, si ce n'était pas suffisant, nous avions discuté la possibilité d'amender la loi du ministère pour inclure les fédérations de producteurs pour des garanties d'emprunt ou des avances. Le député de Chambly comprend le précédent dangereux créé par l'article 4 de la présente législation, d'imposer, pour la première fois, par législation une taxe.

M. LAPORTE : M. le Président, répondre à une question n'est pas l'occasion de prononcer un autre discours sur une chose qui n'existe pas, d'ailleurs.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. SAMSON: M. le président, à la suite du discours de l'honorable député de Maskinon-

gé, discours qui m'a extrêmement intéressé, d'ailleurs, j'ai remarqué, comme tous les membres en cette Chambre, qu'il est arrivé un oeuf sur son bureau. Enfin, il a réussi à pondre quelque chose!

C'est une vraie maladie. Chaque fois qu'il se lève, il a tellement peur des créditistes qu'il faut toujours qu'il s'en prenne à eux. Là, on nous prêle des intentions; on nous dit que nous sommes des encenseurs, que nous encensons, etc., etc.

M. le Président, nous n'avons l'intention d'encenser personne et cela ne nous ferait rien de ne pas l'être non plus. Ce n'est sûrement pas avec ce qu'ils ont fait, eux, pendant qu'ils étaient au pouvoir, que nous les encenserions.

On parle sur le principe d'un bill que le député de Maskinongé a qualifié de taxe nouvelle. Il n'a pas l'air de comprendre la différence entre une taxe nouvelle et un mode de remboursement. Quand ce sont les autres qui parlent, ils disent que ce sont des taxes et, quand c'étaient eux qui augmentaient la taxe de 6% à 8% quand ils avaient le pouvoir, ils ne prenaient pas ça pour des taxes, dans ce temps-là.

M. le Président, il a dit dans son discours que les cultivateurs seraient taxés d'un demi-cent le gallon. Il a dit, à un autre moment, que c'étaient des éleveurs d'oeufs.

Eh bien, ce ne sont pas plus des éleveurs d'oeufs, d'ailleurs, que ce ne sont des cultivateurs de poules.

Avec le bill qui nous est présenté, M. le Président, il ne s'agit pas — je pense qu'il ne faut pas se casser les méninges trop longtemps pour comprendre cela — d'un emprunt. Il s'agit, pour le gouvernement, de garantir les emprunts dont a besoin la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec. C'est de cela qu'il s'agit, c'est cela, le principe du bill et pas autre chose.

A l'article 4, on parle d'un mode de remboursement. Il y a une différence entre un remboursement et une taxe. C'est ce qu'il faut comprendre. Si c'était une taxe nouvelle, nous n'aurions pas eu besoin d'entendre le discours du député de Maskinongé pour nous faire comprendre que c'était une taxe. Nous sommes parfaitement capables de faire la différence entre une taxe et un mode de remboursement. D'ailleurs, si cela avait été une taxe, nous aurions été les premiers, probablement même avant eux, à le dire. Si c'était une nouvelle taxe, nous serions contre cela et nous parlerions, tous les douze députés du Ralliement créditiste, contre la taxe. Mais, ce n'est pas le cas qui nous intéresse. Le cas qui nous intéresse ici, c'est que la fédération sera tenue de déduire du produit des ventes qu'elle effectue un demi-cent par douzaine d'oeufs qu'elle met en marché, et ceci jusqu'au remboursement de tout emprunt. C'est la façon de garantir. Il n'y a personne qui prêterait de l'argent...

M. VINCENT: Sans intérêt.

M. SAMSON: ... sans être garanti d'être remboursé. Les honorables députés de l'Union Nationale cherchent toujours à ramener sur le tapis le « sans intérêt ». Probablement, M. le Président, qu'à force d'en parler ils finiront pas se convaincre que nous avons raison.

M. PAUL: Ah oui! C'est fort.

M. SAMSON: Nous savons que cela va prendre du temps. Cela, nous le savons. Nous ne nous cassons pas la tête. Cela prendra peut-être encore plusieurs années avant qu'ils comprennent. Nous sommes sûrs que la population, d'ailleurs, comprendra avant eux.

M. PAUL: Priez saint Jude.

M. SAMSON: M. le Président, nous sommes d'accord avec le principe de ce bill et nous n'avons pas peur de le dire. Nous n'avons pas peur de nos opinions. Quoi qu'en pense l'honorable député de Maskinongé, quoi qu'il veuille en dire, ce que nous avons à dire, c'est à nous qu'il revient de le dire. C'est à nous de penser à ce que nous voulons dire et ce n'est pas à eux de nous dicter quoi faire. Ce n'est sûrement pas de l'Union Nationale que nous avons des conseils à prendre, surtout pas avec la façon dont elle a administré cette province durant les quatre dernières années.

M. VINCENT: M. le Président, sur le temps de parole du député de Rouyn-Noranda, est-ce qu'il me permet une question? Quand il dit que ce n'est pas une taxe...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que le député de Rouyn-Noranda permet au député de Nicolet de lui poser une question?

M. SAMSON: M. le Président, si tout le monde a bien compris, j'avais fini de parler et lui, il avait fini depuis un bon moment aussi. Il a parlé deux fois alors qu'il devait parler une fois. Je pense que c'est assez pour aujourd'hui.

DES VOIX: Il ne veut pas.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, il est bien évident que nous sommes devant une loi-cataplasme...

UNE VOIX: ... de l'encens.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: Cela sent meilleur.

M. LAURIN: ... une loi d'exception qui vient essayer de résoudre, de la façon la plus mauvaise possible, un problème urgent.

M. PAUL: C'est cela.

M. BERTRAND: Très bien.

M. LAURIN: Il est aussi devenu bien évident, depuis que plusieurs interventions ont été entendues, que le ministre de l'Agriculture marche sur des oeufs depuis le début de ce débat et, au fond, depuis qu'il est entré en fonctions.

Cela est devenu tellement évident pour tous en cette Chambre que même la majeure partie des députés du parti ministériel se sont esquivés sur la pointe des pieds, depuis le début du débat, pour ne pas écraser ces oeufs. Il est bien évident également, après les interventions et surtout après l'intervention très documentée que nous avons entendue du député de Nicolet...

DES VOIX: Tiens! Tiens! Ah! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. PAUL: M. le Président, sur un point d'ordre...

UNE VOIX: Qui s'assemble se ressemble.

M. PAUL: Quand l'honorable leader du Parti québécois parle, c'est logique, ce n'est pas de l'encens. On ne peut pas dire la même chose à ma gauche, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LAPORTE: M. le Président, j'annonce la réalisation de l'entente offerte par le député de Montcalm au PQ.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. VINCENT: M. le Président, en ce qui concerne le député de Bourget et le député de Nicolet, il n'y a aucune ressemblance de caractère. Je suis fédéraliste...

M. LAPORTE: Tous ces oeufs, ça fait un genre d'omelette.

M. VINCENT: ... j'ai été député fédéral et peut-être qu'un jour, je le serai de nouveau.

M. LAPORTE: C'est bon, ça, faites vos oeufs.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: Le député de Nicolet est fédéraliste, le député de Bourget est indépendantiste, mais nous avons une amie commune qui est la logique.

UNE VOIX: C'est fort.

M. LAPORTE: De bonnes fréquentations!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LAURIN: Il est devenu bien évident, M. le président, depuis toutes ces interventions que nous avons entendues et depuis le début de cette session, encore une fois, que le député de Champlain non seulement marche sur les oeufs, mais essaie de nous masquer la vérité en ce qui concerne le véritable problème de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec. Non seulement n'a-t-il pas répondu aux nombreuses questions du député de Nicolet, posées à la période des questions, posées lorsque les crédits étaient discutés devant cette Chambre, mais il a également refusé ou il a omis de répondre à la question que je lui posais moi-même et qui gît encore au feuilleton comme un reproche permanent soit à son ignorance crasse, soit à son embarras ou à son malaise. C'est la raison pour laquelle nous avons eu tellement d'interventions cet après-midi. C'est que nous voulons enfin connaître la vérité sur ce puits qu'est en train de devenir la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec. Cette Chambre, qui a le droit de savoir, ne sait pas quelle est la véritable situation et de la Fédération des producteurs d'oeufs et surtout des producteurs d'oeufs du Québec qui semblent aux prises avec des problèmes extrêmement difficiles, mais qui ne peuvent être éclairés au fur et à mesure que le débat se prolonge, puisque le gouvernement nous refuse les informations auxquelles nous avons droit.

Cette mauvaise situation de la Fédération des producteurs d'oeufs, elle nous est connue surtout par les journaux, malheureusement. Cette situation est tragique pour deux raisons. D'abord, à cause de l'aspect constitutionnel. Bien sûr que je me garderai bien d'y toucher puisque c'est sub judice, mais ce qui n'est pas sub judice quand même, ce sont les protestations que nous avons entendues de la part des autres provinces. Par exemple du Manitoba où, lors d'une récente conférence des ministres provinciaux de l'Agriculture, nous avons entendu dire par des représentants autorisés de cette province qu'ils n'acceptaient pas la politique actuelle de la Fédération des producteurs d'oeufs, qu'ils mettraient tout en oeuvre pour la combattre et qu'ils ne lâcheraient pas le morceau tant que les cours ne se seraient pas prononcées sur la constitutionnalité de la loi qui a constitué la Fédération des producteurs d'oeufs.

Mais en attendant, à part ce problème constitutionnel sur lequel nous aurions quand même aimé être éclairés par cette Chambre qui compte beaucoup de juristes très compétents, la fédération semble en très mauvaise posture également au point de vue économique. Ce n'est un secret pour personne...

M. DUMONT: M. le Président, est-ce que, actuellement, nous sommes à discuter du principe général de la vente des oeufs au Québec ou du projet de loi 27 comme tel...

M. PAUL: Nous comprenons, nous.

M. CARDINAL: Nous comprenons, nous.

M. PAUL: C'est très logique.

UNE VOIX: Nous ne sommes pas sur l'île au trésor.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: ... que les producteurs d'oeufs sont en mauvaise posture puisque tous les jours, nous voyons dans les journaux que certains producteurs d'oeufs n'adoptent pas une politique conforme à celle que préconise leur fédération, puisqu'eux-mêmes se sentent obligés d'aller vendre leur production à des compagnies d'alimentation d'autres provinces et que, souvent, ces oeufs reviennent dans le Québec par d'autres canaux qui n'avaient pas été prévus.

Il est évident aussi, d'après ce que nous lisons dans les journaux, et ce qui a été déposé lors d'une commission d'enquête, différente de celle que nous préconisons mais qui, elle, fonctionne, que plusieurs magasins à succursales, plusieurs compagnies d'alimentation contournent actuellement les règlements de la Fédération des producteurs d'oeufs et vont chercher directement, dans d'autres provinces, des oeufs qu'ils devraient acheter dans la province de Québec. Mais, ne voulant pas s'adresser à la Fédération des producteurs qui, d'après la loi, constitue le seul intermédiaire possible, ils contournent délibérément cette loi et achètent directement dans les autres provinces, au plus grand détriment des cultivateurs du Québec.

En voilà assez pour bien indiquer que le malaise de la Fédération des producteurs d'oeufs est profond, qu'il mérite un examen attentif de la part des autorités législatives du Québec, et qu'on aurait du prendre les moyens pour éclairer la Chambre et la députation en particulier sur les différents aspects de ce problème.

Nous avons les mêmes objections que les députés de l'Opposition officielle — je le reconnais, vous voyez que j'accepte les faits lorsqu'il faut les accepter — à la plupart des articles de ce projet de loi. Nous estimons en particulier que cette façon de procéder constitue un très fâcheux précédent. On a souligné que d'autres fédérations pourront venir maintenant, n'importe quand, consulter le gouvernement, lui demander son aide et demander un projet analogue à celui qui nous est présenté actuellement. Probablement que la prochaine fédération qui viendra s'adresser au gouverne ment sera la Fédération des producteurs de lait dont on sait, après la politique illogique du gouvernement fédéral, qu'elle est dans une situation de plus en plus dangereuse, de plus en plus précaire, et il faudra également prévoir pour elle une loi d'exception. Il est bien probable cependant qu'après l'exemple que nous donne ce projet de loi, le gouvernement dira: Nous sommes prêts à vous aider, mais à la condition que vous vous aidiez vous-mêmes, c'est-à-dire que vous prévoyiez un mode ingénieux par lequel nous n'aurons pas un cent à débourser. Tout l'onéreux sera sur les producteurs de lait qui devront eux-mêmes trouver les moyens de se sortir du marasme dans lequel ils sont.

Voilà donc les deux raisons pour lesquelles nous sommes contre ce projet de loi: il constitue un précédent dangereux qui pourra être imité par toutes les autres fédérations, et pourquoi pas également par l'Association coopérative des éleveurs de visons qui demandera également de se faire aider par le même processus. La deuxième raison; le cadeau que semble faire ici le gouvernement aux producteurs d'oeufs est une fausse libéralité. C'est précisément là que la citation latine que le député de

Chambly commençait à énoncer tout à l'heure s'appliquerait d'une façon beaucoup plus exacte; il faudrait dire: « Timeo Danaos et dona ferentes; » je crains le gouvernement surtout quand il a l'air de nous faire des cadeaux.

M. LAPORTE: Ce que le député n'a pas compris, apparemment, c'est que nous ne faisons aucun cadeau. Nous faisons ce qu'il semble avoir condamné, il y a quelques phrases; nous demandons aux producteurs d'oeufs de s'aider eux-mêmes, ce qu'ils acceptent avec plaisir et qui est normal.

M. LAURIN: Mais il est sûr que le gouvernement se vantera de ce projet de loi comme d'un cadeau qu'il fait aux agriculteurs, puisque c'est l'habitude qu'il prend avec tous les projets de loi qu'il présente. Je ne vois pas pourquoi l'exception viendrait ici confirmer la règle.

De toute façon, cette garantie est fausse puisque le gouvernement a l'impression, j'en suis sûr, en réalité, que cette Fédération des producteurs d'oeufs est tellement insolvable qu'il a pris les moyens absolument sûrs pour que cette mesure ne lui coûte absolument pas un cent. Que ce soit pour des raisons constitutionnelles, que ce soit pour des raisons de méfiance à l'endroit de la Fédération des producteurs d'oeufs, le gouvernement s'est arrangé de façon que cette garantie soit purement nominale, et que l'onéreux du remboursement soit mis sur le dos d'une fédération de producteurs d'oeufs qui a déjà d'énormes difficultés à se tirer de ce mauvais pas.

C'est la raison pour laquelle nous demandons que la commission de l'agriculture soit convoquée et qu'elle ait l'autorité de faire venir devant elle les membres de la Régie des marchés agricoles, les membres de la Fédération des producteurs d'oeufs qui, eux au moins, pourront peut-être nous renseigner sur la véritable situation.

C'est la raison pour laquelle nous demandons également au gouvernement de retirer cet article 4 du projet de loi, afin que la libéralité en soit une véritable, correspondant aux besoins réels de ces producteurs qui sont dans une situation tragique, faute de quoi nous nous opposerons au principe de cette loi.

M. LE PRESIDENT; Le ministre désire-t-il exercer son droit de réplique?

M. Normand ToupinM. TOUPIN: M. le Président... UNE VOIX: Il a besoin d'être convaincant.

M. TOUPIN: ... la première chose que j'ai remarquée, depuis que nous avons commencé à discuter ce projet de loi en deuxième lecture, c'est l'imagination de l'Opposition et notamment du député de Nicolet. C'est fantastique comme il a de l'imagination de l'autre côté de la Chambre. Il s'agit de savoir si ce ne sera pas là sa place définitive.

Le problème des oeufs, dont il est question dans le projet de loi, était fort bien connu du député de Nicolet. Il savait très bien qu'il fallait trouver une solution. Au fond, la situation des producteurs d'oeufs n'est pas détériorée à ce point. Au moment où les producteurs ont décidé de se donner un mécanisme de mise en marché, ils ont également prévu, dans ce mécanisme, des moyens de se financer, mais la loi ne leur permettait pas de le faire.

Ce que les producteurs veulent présentement, c'est de se constituer un fonds de roulement en vue d'assurer, purement et simplement, la bonne marche de la fédération. Ce que le projet de loi prévoit, c'est de mettre à la disposition de la Fédération des producteurs d'oeufs un moyen qui leur permettra d'aller chercher du crédit et un autre moyen qui leur premettra de rembourser ces crédits-là. Les producteurs ont déjà accepté ces principes de remboursement en finançant eux-mêmes des programmes.

M. VINCENT: S'ils ont accepté, pourquoi les oblige-t-on par une loi?

M. TOUPIN: Ils ont accepté d'autres programmes, non pas celui-là...

M. VINCENT: Ah, ah!

M. TOUPIN: ... d'autres programmes pour des plans conjoints. Cela aussi est connu de bien des gens.

M. VINCENT: Ah bon, la vérité sort!

M. TOUPIN: Tout ce que le projet de loi vient faire, au fond, c'est assurer un financement efficace et stable de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec. Il ne s'agit pas là d'une politique à courte vue. Il s'agit d'un moyen auquel les producteurs auront accès pour faire fonctionner normalement leur organisme et, ainsi, aller chercher des prix, de sorte que l'agriculture fonctionne bien au Québec. C'est pour cela que ces organismes existent. C'est pour cela, au fond, qu'on essaie, avec des projets de lois, de les aider à rendre efficaces ces organismes et, ainsi à aller se chercher des prix.

Ce sont simplement ces raisons-là qui nous ont guidés.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de deuxième lecture est adoptée?

M. LAPORTE: M. le Président, je demande le vote.

M. PAUL: Nous aussi, nous le demandons.

M. LAPORTE: Puis-je demander au leader de simplifier les choses? Les gens du Parti québécois ont dit qu'ils voteraient contre le projet, et vous?

M. PAUL: Nous sommes contre.

M. LAPORTE: Contre le projet en deuxième lecture.

M. LOUBIER: Vous avez vos amis avec vous. M. PAUL: 84.

M. DEMERS: Vous êtes dans la même omelette.

M. PAUL: Sept douzaines à un demi-cent la douzaine.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: D'accord? Est-ce que toutes les farces sont faites sur les omelettes? Peut-on demander de faire le partage du vote qui a été enregistré plus tôt?

M. PAUL: Oui.

UNE VOIX: Est-ce que cela marche à votre goût?

M. LAPORTE: D'accord. Vote enregistré. Merci.

M. LE PRESIDENT: Comité?

M. LAPORTE: On ajoutera le nom du député de Saint-Louis au vote de cet après-midi. Y en a-t-il d'autres qui n'ont pas pu voter ce matin?

M. PAUL: Le député de Labelle, M. le Président, et le député de Montcalm.

M. JORON: Le député de Gouin également. M. PAUL: Oui, oui.

M. LAPORTE : Oui, il a été ajouté tout à l'heure.

M. SAMSON: Est-ce qu'on pourrait ajouter aussi le nom du député d'Abitibi-Est?

M. LAPORTE: Le député d'Abitibi-Est, d'accord.

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée sur division. Non, vote enregistré.

M. PAUL: Adoptée majoritairement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forma en comité plénier. Est-ce que cette motion sera adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Projet de loi no 27, article 1.

M. VINCENT: M. le Président, à l'article 1, le ministre nous a confirmé, il y a quelques instants, que la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec avait reçu une subvention de $125,000. Est-ce qu'il pourrait informer les membres de ce comité des raisons pour lesquelles le gouvernement du Québec ou le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation du temps a versé une subvention de $125,000 à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec?

Quel était le but de cette subvention?

M. TOUPIN: D'abord, la subvention n'était pas de $125,000; elle était de $100,000.

M. VINCENT: Ah bon! M. le Président, j'ai dit au ministre de l'Agriculture, hier en arrière de votre siège, qu'il y avait eu une subvention de $100,000. Aujourd'hui, il me dit que la subvention n'était pas de $100,000 mais de $125,000.

M. DEMERS: C'est comme les $400,000 qui sont devenus $500,000.

M. TOUPIN: Il y eut une autre subvention donnée par le gouvernement pour des postes etc. Elle est de $125,000.

M. VINCENT: Est-ce que la subvention était de $125,000 ou de $100,000? Il commence à clarifier l'affaire. Hier, j'ai dit au ministre de l'Agriculture qu'il y avait eu une subvention de $100,000

pour se créer un fonds de roulement. Au total $125,000 de subvention à la fédération. Aujourd'hui, je lui pose la question: Est-ce qu'il y a eu une subvention de $125,000 de versée et à quelles fins?

M. TOUPIN: Il y eut une subvention de $125,000 de versée, mais cette subvention s'appliquait aux postes de classement.

M. VINCENT: Les $125,000.

M. TOUPIN: Les affectations des postes de classement.

M. VINCENT: Il y a eu une subvention de $125,000 de versée, dont $25,000 s'appliquaient aux postes de classement et $100,000 à un autre objet. C'est justement la raison pour laquelle ces $100,000 ont été versés.

M. TOUPIN: Il y eut $125,000 de subvention de donnés pour les postes. $100,000 de plus furent donnés, ce qui fait un total de $225,000. Les deuxièmes $100,000 furent affectés à un fonds de roulement.

M. DEMERS: Est-ce qu'on pourrait, M. le ministre, avoir le détail de l'utilisation des premiers $100,000?

M. TOUPIN: Les premiers $100,000 ont été affectés au financement général de la fédération, c'est-à-dire au financement du règlement no 6, qu'on appelle le règlement de commercialisation. Ils furent affectés à tout ce qu'il y a dans le règlement. Il faudrait peut-être vous donner, lecture de certains articles qu'on trouve dedans, mais ils avaient été donnés pour fins de fonds de roulement. Ce n'était pas suffisant, mais ils avaient été donnés pour fins de fonds de roulement.

M. VINCENT: M. le Président, le ministre nous confirme que les $100,000 avaient été donnés à la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec, aux fins de se créer un fonds de roulement. Est-ce qu'effectivement ce montant a servi à la fédération à se créer un fonds de roulement ou si, comme vient de l'affirmer le ministre, ce montant a servi à l'administration générale de la fédération?

La question est très simple: Est-ce qu'en vertu de l'arrêté en conseil qui a été adopté pour faire ce don de $100,000 en vue de créer un fonds de roulement, la fédération a respecté les conditions imposées par le ministère? Si oui, à quoi a servi le montant de $100,000? Sinon, à quoi également a servi le montant de $100,000?

M. TOUPIN: Le montant de $100,000 qui a été versé au fonds de roulement a servi évidemment pour l'application du règlement no 6 qui est le règlement de la commercialisation. Dans le règlement no 6, on retrouvait le paiement des oeufs, le paiement des emballages et tous les problèmes de coquillage. Les $100,000 ont servi au fonctionnement de la fédération pour ces différents points et peut-être d'autres qui sont moins importants,

M. VINCENT: Est-ce que le ministre pourrait nous confirmer si une partie du montant de $100,000 versé par le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec aurait servi à payer une dette contractée vis-à-vis du fonds de dépense de l'UCC?

M. TOUPIN: Il n'y a pas de montant qui fut pris à même ces $125,000 pour payer une autre dette à notre connaissance.

M. VINCENT: Est-ce que le ministre a le tableau complet, ce sera plus simple. Il y aura un rapport de présenté à l'auditeur, mais le ministre, avant de présenter cette législation, a certainement demandé à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation de rendre compte dans les détails de l'utilisation des $100,000. Est-ce que le ministre pourrait nous donner l'utilisation de ce montant de $100,000 qui avait été versé pour créer un fonds de roulement?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté?

M. PAUL: Non. Nous attendons la lumière verte.

M. TOUPIN: Est-ce que le député de Nicolet voudrait reposer la question? C'est qu'elle tourne toujours autour du fonds de roulement, mais nous allons essayer de la préciser.

M. VINCENT: Le gouvernement du Québec a versé, par l'entremise du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, une subvention de $100,000 à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec aux fins de créer un fonds de roulement. Avant de présenter son projet de loi, le ministre a certainement demandé à la Fédération des producteurs d'oeufs quelle a été l'utilisation de ce montant de $100,000. Est-ce que le ministre a reçu un compte détaillé de l'utilisation de ces $100,000? Si oui, est-ce qu'il pourrait nous donner le détail de l'utilisation de ce montant? Sinon, s'il

ne peut pas nous le donner, ça veut dire qu'il ne l'a pas demandé. A ce moment-là, est-ce que la fédération soumettra son rapport à l'auditeur de la province? C'est aussi simple que ça.

M. TOUPIN: nIl est bien sûr que nous n'avons pas actuellement entre les mains un rapport détaillé sur les $100,000 qui furent donnés sous forme de subvention par l'ancien ministre de l'Agriculture. Nous n'avons pas de rapport complet sur l'utilisation de ce montant. Nous vous avons cependant donné tantôt quelques éléments auxquels ont servi les $100,000. Est-ce que nous avons l'intention d'en demander un? C'est certain. C'est prévu dans l'ensemble des conditions.

M. PAUL: Est-ce que le ministre s'est fié tout simplement aux informations que lui ont fournies les membres de la fédération? Est-ce que vous avez vérifié les informations qui vous ont été transmises à l'effet que la somme de $100,000 n'avait pas été suffisante pour créer un fonds de roulement efficace?

M. TOUPIN: J'ai rencontré la Fédération des producteurs d'oeufs à plusieurs reprises depuis que le problème du fonds de roulement se pose.

On a discuté avec eux de leur situation financière. On a vu comment le problème se posait. Les $100,000 qui avaient été donnés l'avalent été pour un fonds de roulement. Or, ils nous ont dit: Ces $100,000 ne sont pas suffisants pour un fonds de roulement.

M. PAUL: Avez-vous demandé ce qu'ils avaient fait avec les $100,000?

M. BERTRAND: Bien oui!

M. TOUPIN: Je viens de vous dire, dans les grandes lignes, ce qu'ils ont fait avec ces $100,000.

M. PAUL: Oui, mais quelles grandes lignes avez-vous demandées?

M. TOUPIN: Je vais me faire donner un rapport précis sur la situation. Mais, pour le moment, les $100,000 qui furent donnés ont servi au fonds de roulement et ont servi à faire fonctionner le règlement numéro 6, à payer des oeufs, à payer des emballages, à payer certains moyens de transport, tout ce qui avait trait à l'administration du plan conjoint.

M. BERTRAND: M. le Président, ce n'est pas pour être malcommode du tout. Je voudrais bien que le ministre nous comprenne. Voilà un organisme qui, en l'espace de quelque temps, a retiré du gouvernement du Québec $225,000, dont $100,000 pour établir un fonds de roulement et $125,000 pour d'autres fins.

La semaine dernière, à une question posée par mon collègue, le ministre a répondu: La fédération n'a pas de problème. Tout va bien. Quelques jours après, on arrive avec un projet de loi où on demande une garantie de $400,000, augmentée, depuis cet après-midi, depuis le discours du ministre, à $500,000 c'est-à-dire à un demi-million de dollars.

Les représentants du peuple ont le droit de savoir si le ministre s'est comporté à leur endroit comme un administrateur compétent, diligent et capable de surveiller la dépense des fonds publics. C'est pour cela qu'il est ministre.

Or, nous lui demandons en Chambre des détails sur la dépense de $225,000 et il nous avoue, en toute candeur: Je n'ai rien de précis, je devrai demander des précisions.

M. le Président, nous avons le droit de nous interroger sur la compétence de celui qui détient le portefeuille comme ministre de l'Agriculture et de la Colonisation. Nous avons le droit de demander, avant d'adopter un tel projet de loi, d'avoir les renseignements précis pour la Chambre.

M. TOUPIN: M. le Président, d'abord, ce n'est pas une subvention de $225,000 qui a été remise à la fédération. Il s'agit d'un montant de $100,000 qui fut donné à la fédération pour son fonds de roulement. Ensuite, le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation a mis à la disposition de ceux qui avaient des postes de mirage et qui devaient se désaffecter, $125,000. Ce montant de $125,000 n'est pas remis à la fédération. Il est remis à ceux qui sont propriétaires de postes de mirage et qui veulent bien se prévaloir de cette mesure.

M. PAUL: Oui, mais continuez.

M. BERTRAND: Le ministre vient de nous donner quelques explications sur les $125,000. Nous comprenons donc — le ministre me dira si je comprends bien ou non — que les $125,000, d'abord, n'ont pas été remis à la fédération, qu'ils sont allés à des propriétaires... Peu importe, ce n'est pas la fédération qui les a reçus. Il pourra nous dire qui, et tout ça. Il reste $100,000 qui devaient servir à établir un fonds de roulement.

Or, le ministre demande aujourd'hui un demi-million de dollars pour un fonds de roulement.

Je crois que nous sommes justifiés de demander au ministre comment a fonctionné le fonds de roulement établi à même la subvention de $100,000? Comment fonctionne-t-il à l'heure actuelle et quelle est l'utilisation que l'on en a faite?

Nous avons le droit de le demander. Nous regrettons d'être obligés, à plusieurs reprises et à tour de rôle, de nous lever pour le demander.

M. TOUPIN: Bon, le montant de $100,000 de subvention qui fut donné par le ministère dans le temps, comme fonds de roulement...

M. PAUL: Oui, oui, nous le savons.

M. TOUPIN: Je le dis parce qu'il a été donné pour cette fin-là.

M. BERTRAND: Cela fait dix fois que vous le dites.

M. PAUL: On veut informer le ministre qu'on le sait que c'était pour le fonds de roulement. On veut avoir autre chose, maintenant. Qu'est-ce qui a roulé avec?

M. TOUPIN: On a appliqué le règlement numéro 6, donc...

M. PAUL: Bon.

M. TOUPIN: ... à l'intérieur de ce règlement, il y avait l'achat des oeufs des producteurs; il y avait des boites, de l'emballage à faire faire.

Ils ont pris la mise en marché des oeufs au Québec. Or, il y avait le paiement aux producteurs, il y avait la question de l'emballage, le décoquillage, par exemple. On achetait des oeufs et on les revendait au décoqulllage pour maintenir un prix stable, pour que les producteurs puissent toucher un peu plus. Au fond, les $100,000 ont été dépensé à cela. Mais, le donner au cent près, c'est une autre question.

M. VINCENT: Ce qui veut dire, M. le Président, qu'à l'heure actuelle la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec a dépensé la somme de $100,000 pour ce que le ministre vient de nous dire, dans les grandes lignes, sans donner de détails. Le ministre admet Qu'il n'a pas le bilan exact de ce montant de $100,000, qu'il devrait présenter très prochainement, en vertu de la loi, je crois, qu'ils doivent présenter cela à l'auditeur. A l'occasion de la loi que le ministre présente, il aurait dû insister pour l'avoir. Donc, cela veut dire qu'à l'heure actuelle la fédération a be- soin d'une garantie d'emprunt. Une garantie d'emprunt, maintenant. Pour les $100,000, nous n'avons pas les détails, mais là, elle a besoin d'une garantie d'emprunt. Est-ce que le ministre sait à quelles fins les $100,000 ont été dépensés? S'il le sait, la garantie d'emprunt qu'il donnera, à quelles fins cet argent, qui sera emprunté, sera-t-il dépensé?

Nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous nous posons la question: Si le ministre n'est pas capable ou n'a pas été en mesure avant aujourd'hui de savoir à quoi ont servi les $100,000, est-ce qu'il sera en mesure de nous dire, par exemple dans quinze jours, trois semaines ou un mois, à quoi serviront les $400,000 ou les $500,000? Il faudrait qu'il nous le dise tout de suite. Il faut quand même qu'il soit en mesure de nous le dire. Tout à l'heure, nous arriverons à l'article 3, c'est $400,000 qui est marqué. Il nous proposera un amendement pour $500,000. Nous allons lui poser une question, à ce moment-là: Pourquoi $400,000 vendredi et $500,000 aujourd'hui? Est-ce qu'il y a un bilan pour les $400,000? A quoi servira cet argent?

Dans l'article 1, on dit: « Le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation peut, avec l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil, garantir au nom du gouvernement le paiement en capital et intérêts de tout emprunt contracté par la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec. »

Première question: Est-ce que la fédération empruntera de l'argent? Est-ce que le ministre est au courant si la fédération en empruntera oui ou non?

M. TOUPIN: La fédération empruntera sûrement de l'argent pour se constituer un fonds de roulement.

M. VINCENT; Comme cela, le ministre dit que la fédération empruntera de l'argent. Est-ce qu'à ce jour, le 16 juillet 1970, la fédération a. contracté un emprunt?

M. TOUPIN: Il n'y a aucun emprunt de contracté par la fédération, actuellement.

M. VINCENT: Est-ce que la fédération a des dettes?

M. TOUPIN: Il est certain que la fédération a des dettes.

M. VINCENT: Quelles sont les dettes que la fédération a, à l'heure actuelle? Ce sont les questions qu'on doit poser à une fédération ou à un groupe qui vient nous rencontrer pour avoir

l'aide du gouvernement. C'est normal. Quelles sont les dettes de la fédération, à l'heure actuelle?

M. TOUPIN: Les dettes de la fédération s'évaluent, approximativement, à quelques dollars près, à $400,000, qu'elle doit surtout pour l'emballage.

M. VINCENT: Donc, M. le Président, ce n'est pas aux fins de se constituer un fonds de roulement. Donc l'emprunt, c'est pour payer des dettes.

M. PAUL: C'est cela.

M. VINCENT: Dans la loi, on dit bien que le montant que le ministre de l'Agriculture peut garantir comme emprunt, c'est pour constituer un fonds de roulement. Et là, le ministre vient de nous dire que c'est pour payer des dettes.

M. TOUPIN: M. le Président, je n'ai pas dit au député de Nicolet que ce montant servirait à payer des dettes. Le député de Nicolet m'a posé une question, à savoir si la fédération avait des dettes. J'ai dit : Oui, la fédération a des dettes. Il me semble que c'est clair.

M. VINCENT: Oui.

M. PAUL: De l'ordre de $400,000.

M. VINCENT: La fédération a des dettes de l'ordre de combien?

M. LAPORTE: Le ministre n'a pas dit qu'ils payeraient les $400,000 de dettes avec les $400,000 de fonds de roulement. Ils créent un fonds de roulement et ils ont des dettes qu'ils payeront à échéance.

M. VINCENT: Quel est le montant actuel des dettes?

M. TOUPIN: Je viens de vous le dire. Le montant actuel des dettes se situe entre... Il varie...

M. VINCENT: Le montant actuel des dettes varie entre...

M. TOUPIN: Disons qu'il y a $400,000 pour la question de l'emballage; il y a $200,000 pour la paie des producteurs, cette paie qui est attribuable à un système de paie actuellement prévu dans un règlement.

Alors il y a toujours une paye en arrière. Cette paye est de $225,000. Alors cela fait $600,000, mais il y a des comptes à recevoir pour près de $700,000.

M. VINCENT: Ils ont des comptes à recevoir pour $700,000?

M. TOUPIN: Oui, il y a des comptes à recevoir pour à peu près $650,000 à $700,000.

M. VINCENT: Ils ont des comptes à recevoir pour $700,000. Ils ont reçu $100,000 de subventions. Est-ce que les comptes à recevoir de $700,000 peuvent être... En vertu de l'article 88 de la Loi des banques, est-ce qu'on peut se servir des comptes à recevoir? C'est de la marchandise qu'ils ont vendue, ça?

M. TOUPIN: Non, la fédération ne peut pas prendre en garantie les comptes à recevoir qu'elle a, parce qu'ils appartiennent aux producteurs.

DES VOIX: Bien non.

M. LOUBIER: Non, mais une fédération, en soi, ce n'est rien, c'est une personne morale. Que les producteurs donnent leurs comptes en garantie. C'est tout. Qu'ils fassent cession de leurs créances.

M. VINCENT: Pour la fédération, nous avons le tableau. Sur l'article 1, disons que n'importe quel député en cette Chambre, s'il était ministre de l'Agriculture, se serait levé et aurait dit au président du comité: A l'article 1, j'ai telles informations à vous donner. La Fédération des producteurs d'oeufs du Québec a présentement des dettes au montant de $400,000 qui consistent en des emballages, des caisses, machinerie, installation; $400,000 de dettes. Elle a présentement pour $200,000 de paiements non faits aux producteurs d'oeufs du Québec, pour un total de $600,000 qu'elle a dans les livres, qu'elle doit payer. Elle a des comptes à recevoir pour $700,000. Mais comme ce n'est pas suffisant pour assurer un roulement normal, elle a besoin d'une garantie d'emprunt du ministre de l'Agriculture. Et cette garantie d'emprunt, nous la demandons en vertu du bill 27, à l'article 1.

Là, nous posons au ministre cette question. Un fonds de roulement, $100,000, il n'a pas les détails. Il nous dit que la Fédération des producteurs d'oeufs contractera un emprunt tout de suite. Cela veut dire que la semaine

prochaine ou dans quinze jours, lorsque la loi sera votée, le ministre de l'Agriculture va présenter un arrêté ministériel, lui permettant de garantir l'emprunt de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec.

Est-ce qu'à ce moment-là le ministre aura — il ne le sait pas aujourd'hui, il nous le dit, avant de garantir les $400,000 — en détail, à quoi servira l'emprunt contracté de $400,000 ou de $500,000? A ce moment-là, est-ce qu'il aura, en détail, à quoi a servi le montant de $100,000 de subventions que la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec a reçu? Je pense que c'est normal, comme le disait le député de Maskinongé et leader de l'Opposition, tout à l'heure, que le ministre ait en sa possession ces documents, car le conseil des ministres va lui demander ces documents, avant d'accepter de permettre au ministre de l'Agriculture de garantir cet emprunt. Est-ce que le ministre aura ces chiffres?

M. TOUPIN: Oui, oui, nous aurons certainement tous les chiffres nécessaires pour appliquer la présente loi. Présentement, la demande est faite. C'est-à-dire qu'il y a des comptables qui travaillent, et bientôt, nous aurons une donnée précise de la situation économique de la fédération, à tous les points de vue.

M. VINCENT: Est-ce que cette garantie d'emprunt aura une limite?

M. TOUPIN: Sans aucun doute, elle aura une limite.

M. VINCENT: Cinq ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans, 30 ans, 40 ans?

M. TOUPIN: Bien, écoutez, il ne faudrait peut-être pas se rendre à 40 ans, moi, je serais porté à dire moins de 10 ans. Quarante ans, c'est un peu loin. On prévoit entre trois ans et cinq ans. Après discussion avec la fédération, on prévoit entre trois et cinq ans la période de remboursement.

M. VINCENT: Donc, cela veut dire que, d'ici trois à cinq ans, il y aura une taxe indirecte sur la vente des oeufs d'un demi-cent la douzaine. Bien oui, dans la garantie d'emprunt, on dit qu'on prévoit de trois à cinq ans...

M. LAPORTE: M. le Président, puisque le débat menace d'être long, est-ce qu'on peut au moins s'en tenir à l'article 1. Vous aurez l'occasion d'en discuter à l'article 4.

M. PAUL: M. le Président, le ministre est-il en mesure de nous dire quel a été le montant versé en honoraires et en frais juridiques à même le fonds de $100,000? Je comprends que la loi est contestée devant les tribunaux. Les honoraires ont-ils été payés jusqu'à maintenant? Est-ce que cela a été pris à même le fonds de roulement? Le ministre peut-il nous dire quel montant a pu être utilisé à même la somme de $100,000 pour payer les frais juridiques?

M. TOUPIN: Ce montant de $100,000, qui a été donné en fonds de roulement, n'a pas servi à ces fins-là. D'abord, il était défendu qu'il serve à ces fins-là.

Vous connaissez un peu l'administration d'un plan conjoint? Un montant d'un demi-cent est prélevé présentement sur chaque douzaine d'oeufs mise en marché. Ce prélèvement d'un demi-cent sert précisément à administrer la fédération et non le règlement numéro 6. Or, c'est avec ces prélèvements que la fédération s'administre, y compris les frais dont vous venez de parier.

M. LOUBIER: M. le Président, même quand il s'agit d'une subvention pour fins de loisirs, lorsque ça dépasse un montant, par exemple, de $1,000 ou avant de donner une subvention même pour des kiosques d'information touristique aux chambres de commerce, etc., on exige, à chaque année, un bilan détaillé des activités, avec les dépenses, les prévisions pour les fins d'administration, etc. En analysant le rapport qui nous est soumis, nous décidons, d'une façon lucide et rationnelle, si, oui ou non, cette Chambre de commerce ou ce groupement mérite d'obtenir une subvention.

Or, le ministre nous a dit, tout à l'heure, que, depuis quelque temps, il a rencontré à moult reprises les dirigeants de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec. Or, le ministre n'a jamais pensé à demander quelle utilisation a été faite du montant de $100,000 qui lui avait été octroyé. Le ministre n'a jamais pensé également à leur demander à quelles fins avait servi ce montant de $100,000 avant de leur octroyer un montant additionnel de $400,000 ou de $500,000.

Ce n'est pas pour embêter le ministre, ce n'est pas pour le mettre dans l'eau bouillante; je le dis très sérieusement. Si c'était pour cela, je le lui dirais également. Il s'agit d'une somme de $100,000 qu'on leur a accordée et le ministre vient nous dire, en Chambre: Je ne sais pas ce qu'on a fait avec ce montant de $100,000 et ce qu'on va faire avec le montant

de $400,000. Je sais qu'une partie servira à un fonds de roulement, une partie pour l'emballage, etc. On a donné un chèque en blanc de $100,000 qui a été endossé par la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec et, là, on leur donne un autre chèque en blanc sans production de bilan, sans production d'une analyse des dépenses faites et des projections pour les prochaines dépenses.

On nous demanderait, à ce moment-là, d'accepter les explications très vagues du ministre, les voeux pieux de sa législation. Eh bien, je suis persuadé que, s'il y avait liberté de vote en Chambre de tous les partis politiques, 99.9% de ses propres collègues ne pourraient pas accepter les renseignements qu'il vient de donner, parce qu'on ne sait pas à quoi a servi le montant de $100,000 et qu'on ignore à quelles fins serviront les $500,000. Et le ministre est tout surpris de nous voir insister pour savoir quelle utilisation a été faite du montant de $100,000 et quelle utilisation on fera du montant de $500,000!

Il me semble que c'est règlementaire, lui qui a rencontré à maintes reprises les représentants de la Fédération des producteurs d'oeufs, qu'il le dise donc d'une façon précise et nous n'aurions pas perdu une demi-heure de notre temps en Chambre, à la fin de cette session. Qu'il arrête de tourner autour du pot. Si le ministre ne le sait pas, qu'il nous le dise donc carrément qu'il a donné un chèque en blanc sans prendre les précautions voulues et, comme le disait le chef de l'Opposition tout à l'heure, sans avoir agi avec prudence et avec compétence. Au moins, nous comprendrons qu'il est nouveau et qu'il a pu faire un mauvais pas. A ce moment-là, ça l'incitera à être plus prudent à l'avenir.

Il est impossible que nous puissions accepter non pas les explications, mais le verbiage du ministre autour d'une somme tout de même assez rondelette de $500,000. Surtout quand on traverse une période d'austérité et surtout quand on parle d'efficacité et d'économie. C'est un grand scandale d'avoir cinq limousines qui ont peut-être coûté $40,000, alors que là, nous avons $500,000, un chèque en blanc dont nous ne savons pas où il va.

M. TOUPIN: Le député de Bellechasse abuse quelque peu. J'ai donné quand même, je pense, assez d'explications sur l'utilisation des $100,000 pour que l'on puisse, au fond, savoir à quoi s'en tenir. En ce qui a trait aux $500,000, d'abord il n'est pas certain que ce soit $500,000 que l'on autorisera; la loi autorise un maximum de $500,000, mais cela ne veut pas dire que ce sera $500,000.

Il est bien certain qu'avant de consentir quoi que ce soit, nous aurons en main les données économiques de base nécessaires et un rapport comptable de la situation. Il est certain que nous l'aurons en main. D'ailleurs, comme je le disais tantôt, il est demandé, ce rapport et nous l'aurons.

M. PAUL: ... si vous l'aviez eu avant?

M. LOUBIER: M. le Président, le ministre vient de nous redire qu'il n'a pas de rapport sur l'utilisation qu'on a faite des $100,000, qu'il n'a pas exigé de rapport ou qu'il ne l'a pas eu. Cela ne prend pas une éternité à une fédération qui a un secrétariat d'établir à quelles fins ont servi ces $100,000. Je dis et je répète, le plus consciencieusement possible, que le ministre a péché, soit par incompétence, soit par manque de prudence ou par manque de connaissance de l'administration de la chose publique.

M. LAPORTE: Seul ou avec d'autres. M. LOUBIER: Oui, mon père.

M. TOUPIN: Je l'ai dit au début et je vais le répéter. Il y a eu un rapport de demandé,

M. LOUBIER: Quand?

M. TOUPIN: Il ne nous est pas parvenu à temps.

M. LOUBIER: Quand a-t-il été demadé?

M. TOUPIN: Il devait être prêt le 10 juillet et à cause des problèmes que la fédération connaît actuellement au niveau de l'injonction, on n'a pas pu faire tout le travail pour nous le produire à temps. Il avait été demandé pour le 10 juillet et on n'a pas pu nous le fournir. Nous ne l'avons pas encore et nous espérons l'avoir au cours des prochains jours ou des prochaines semaines.

Il nous faudra avoir le rapport complet, en tout cas, avant de consentir quelque garantie de prêt que ce soit à la fédération. Il nous faudra avoir ces chiffres en main.

M. LOUBIER: Ecoutez, le ministre ne prétendra tout de même pas que la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec n'a pas de système comptable, qu'elle n'a pas une comptabilité. A ce moment-là, ce n'est pas un mystère, cela ne demande pas un mois de préparation pour écrire au ministre et lui présenter un rapport, même verbal. Le ministre

aurait pu, au moins, avoir la décence d'exiger qu'on lui dise verbalement, par téléphone ou par la voix d'un représentant, à quoi ont servi les $100,000. Il aurait pu ainsi au moins sauver la face en Chambre et répondre de façon intelligente quant à l'utilisation de ces $100,000.

En même temps, nous aurions pu accepter sa demande, même si elle nous semble un peu nébuleuse. Ils n'auront peut-être pas besoin de $500,000; on ne le sait pas trop encore. Tout de même, cela aurait pu être acceptable si, au moins, il avait eu l'élémentaire prudence de nous dire à quoi à servi ce montant, non pas dans tous les détails, à deux cents près, mais au moins que $5,000 ont servi à telle fin, $15,000 à telle fin, $18,000 à telle fin. Ainsi, la Chambre aurait été renseignée et les Québécois aussi.

M. TOUPIN: M. le Président, j'ai eu un rapport verbal de l'utilisation de l'argent. Il me plaît de répondre au député de Bellechasse que les $100,000 ont servi, comme je le disais, à l'administration de l'agence et notamment au paiement des oeufs, à l'emballage et au décoquillage.

Ils ont servi à ça dans une proportion de 90% à 95%. Ce sont les rapports verbaux qu'on nous a donnés; les rapports comptables devaient entrer pour le 10. Ils ne sont pas encore entrés mais, on les attend dans les délais les plus courts. Le rapport verbal, tel que l'a souligné le député de Bellechasse, on l'a eu et on l'a demandé.

M. LOUBIER: Est-ce qu'on vous a donné des chiffres pour chaque tête de chapitre: l'emballage, le prix des oeufs, etc? Est-ce qu'on vous a donné des chiffres?

M. LE PRESIDENT: M. le Président, en vue de mettre...

M. LAPORTE: Deux mots. Le 16 juillet 1969, signé par le ministre de l'époque, un certain M. Vincent, député de Nicolet, il y a un rapport au conseil des ministres: La Fédération des producteurs d'oeufs requiert un fonds de roulement de $1,200,000. On part de là. Je ne tire la jambe de personne, j'explique. C'est $1,200,000. Le ministre dit: De ces $1,200,000, une entreprise bancaire serait prête à prêter $200,000. Nous, le gouvernement, dit toujours le ministre, pour créer le fonds de roulement, $1,200,000, il y a une banque qui est prête à prêter $200,000. Nous allons avancer 50%, soit $100,000. C'est toujours le ministre qui parle. Je n'invente rien, il le sait aussi bien que mol. Les $100,000 ont été versés au fonds de roulement. Ils y ont servi à l'administration.

M. LOUBIER: Non, non, l'emballage des oeufs.

M. VINCENT: Ils n'ont pas le droit de servir à l'administration.

M. LAPORTE: Une minute. Cela a servi pour le fonds de roulement à créer. Le ministre a demandé un rapport comptable. Quand même on s'exciterait à essayer comme des guêpes, ça ne change rien. Une minute.

M. PAUL: On aimait mieux l'autre règne que ça.

M. LAPORTE: Il m'est arrivé, par hasard, il y a huit ou neuf jours, d'aller déjeuner dans un restaurant autour du palais de justice. Il y avait là Me Pierre Viau, avocat de la fédération, avec tous les principaux intéressés. Ils ont dit: Nous sommes justement devant les tribunaux. Tous les officiers de la fédération, tous ceux qui ont quelque chose à voir avec la comptabilité sont pris devant les tribunaux depuis deux semaines pour l'injonction. Le député de Bellechasse dit que non...

M. LOUBIER: Non, non, je répondrai sur cela.

M. LAPORTE: Quand même vous me répondriez, la raison pour laquelle le rapport comptable n'a pas été envoyé, c'est que, depuis une longue période, les principaux officiers de la fédération sont retenus comme témoins devant la cour Supérieure où se plaide l'injonction sur la constitutionnalité. Ils ont donné au ministre un rapport verbal et le rapport comptable va suivre. Deuxièmement, ce n'est pas le gouvernement qui prête. Ils ont tenté d'aller à la banque, et ç'a été le premier rapport que nous a fait le ministre, pour aller donner en garantie leurs $700,000 de comptes. On leur a dit: Ça n'est pas acceptable, ça, parce que c'était déjà en garantie sur autre chose. Les comptes appartiennent aux producteurs, enfin, ce n'est pas un instrument qui peut être donné en garantie.

Disons que, du point de vue des avocats et du point de vue des comptables, ça n'est pas un instrument qui pouvait être donné en garantie pour créer le fonds de roulement. Ils ne pouvaient donc pas passer par là. Ils sont revenus voir le gouvernement, disant: Donnez-nous le droit, donnez-nous quelque chose qui va être accepté comme garantie par la banque. Nous avons donné ça, mais c'est labanque qui va prêter. La banque va poser toutes les questions sur l'administration financière. Cela va être corroboré par le rapport que va recevoir le ministre et nous, avant de donner notre garantie. Nous allons avoir

tous ces renseignements-là, qui vont compléter ceux que le ministre vient de donner verbalement et qui, malheureusemant, ne sont pas appuyés par le rapport comptable pro forma, qui n'a pas pu être livré, parce que les officiers sont actuellement pris ailleurs pour une cause. Evidemment, c'est l'existence même de la Fédération qui est en jeu devant les tribunaux. Cela, l'ancien ministre le sait, le député de Nicolet le sait.

Je pense donc que, devant ces explications, on devrait adopter l'article l. Si, ensuite, on a peut-être des remarques, des hésitations ou des oppositions quant a la retenue que l'on veut faire sur les oeufs, on pourra en discuter.

M. VINCENT: Je vais donner un coup de main au ministre de l'Agriculture et ça va compléter ce que le député de Chambly vient de dire. D'abord, la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec est une agence de vente et non pas une agence d'achat. Dites-le, si c'est une agence d'achat? Les oeufs sont en consignation à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec; les oeufs, étant en consignation pour être vendus, ne peuvent pas servir de garantie auprès de la banque.

C'est la première réponse que le ministre aurait dû donner pour l'information des membres du comité. C'est que la fédération a besoin de contracter un emprunt pour payer ces oeufs aux producteurs, parce qu'elle a $700,000 de comptes à recevoir. Les ventes d'oeufs, à cause du délai, peuvent retarder d'une semaine ou trois, quatre, cinq jours, six ou sept jours. Entre-temps, ils peuvent payer les producteurs. Ils ne veulent pas faire ce qui se fait présentement dans le domaine laitier, laisser les paies 15 jours, trois semaines en retard. C'est pour ça qu'il y a un délai, présentement, dans le paiement aux producteurs des oeufs qu'ils livrent à la fédération, non pas qu'ils vendent à la fédération, mais qu'ils livrent à la fédération. C'est la première explication que le ministre aurait dû nous donner. Cela aurait éclairé les membres du comité.

Deuxième explication: Pourquoi le ministre ne nous lit-il pas l'arrêté en conseil — que le ministre ne rit pas — qui a permis au ministre de l'Agriculture de verser un montant de $100,000 à la Fédération des producteurs d'oeufs? Les conditions sont dans l'arrêté en conseil, et je pose la question suivante au ministre: Est-ce que le ministre a demandé à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec si elle a respecté les conditions de l'arrêté en conseil pour cette somme de $100,000? Si oui, qu'elle soumette son rapport, cela sera vérifié. C'est aussi simple que ça. Cela se fait normalement dans l'administration. Si le ministre avait, à cinq heures moins dix, cinq heures moins cinq, lu l'arrêté en conseil, il aurait dit: Voici quelles sont les conditions qu'elle devait respecter. Le rapport, c'est bien dommage, je ne l'ai pas demandé; j'ai oublié de le demander; je vais aller le chercher et je vais l'obtenir pour que je puisse renseigner les membres du comité. Malheureusement, pas cette fois-ci, mais à la prochaine occasion. C'est important que nous l'ayons. C'est aussi simple que ça.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté?

M. RUSSELL: Non. Je pense que nous devrions savoir si cet emprunt sera pour payer les oeufs ou pour payer de l'administration. Il y a là $700,000, nous a dit le ministre, en comptes à recevoir et ceci est une garantie aux producteurs qui fournissent des oeufs. On dit que ces comptes à recevoir ne peuvent pas être utilisés comme garantie à la banque. Donc, actuellement, on veut faire un emprunt à la banque, pour payer qui, les producteurs? Pour quelle raison ne peut-on pas prendre leurs comptes à eux, les donner en garantie, pour les payer eux-mêmes ?

M. LAPORTE: Demandez ça à votre voisin.

M. RUSSELL: Il n'est pas le ministre de l'Agriculture. Il est là, le ministre de l'Agriculture.

M. LAPORTE: Le député de Nicolet vient de dire que ça ne peut pas se faire.

M. TOUPIN: Justement, le député de Nicolet a dit que cela ne pouvait se faire de prendre les comptes à recevoir parce que les oeufs sont en consignation à la fédération. La fédération sert d'intermédiaire entre le marché et le producteur.

Les comptes à recevoir appartiennent aux producteurs: ils n'appartiennent pas à la fédération. Cela, il me semble que c'est clair. Je ne sais pas si, dans l'esprit des uns et des autres, c'est encore ambigu. Mais dans le mien, c'est clair.

M. RUSSELL: C'est très clair, oui. Mais pour quelles raisons, s'ils ont $700,000 de comptes recevables, exigent-ils d'être payés, lorsqu'ils savent que les oeufs sont vendus et pour lesquels la fédération n'a pas encore été payée?

M. TOUPIN: Les comptes recevables sont de l'ordre de $600,000 à $700,000. Mais le chiffre d'affaires de la fédération est plus élevé que ça. Or, c'est tout le roulement, c'est tout le fonctionnement économique de la fédération. C'est précisément ce que va venir faire l'emprunt que veut contracter la fédération. Cela va venir constituer le fonds de roulement requis pour faire fonctionner normalement l'agence, c'est-à-dire payer les producteurs, payer l'emballage, payer le transport, etc., les contrats qu'elle a avec les différents distributeurs, tout ça. Il va servir à ça, le fonds de roulement comme il sert dans toute entreprise normale.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait, à l'article 1 — je ne soumettrai pas d'amendement pour que cela aille plus vite — après les mots « en capital et intérêts de tout emprunt contracté », à la cinquième ligne... Partons de la cinquième ligne, « en capital et intérêts de tout emprunt contracté », après le mot « contracté », on pourrait remplacer « la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec » par « des fédérations de producteurs constituées en vertu de la Loi des marchés agricoles, Statuts refondus 1964, chapitre 120 ». Ce qui voudrait dire, en définitive, que cet article 1 ne s'appliquerait pas seulement à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec, mais s'appliquerait également à toute fédération de producteurs contituée en vertu de la Loi des marchés agricoles, Statuts refondus 1964, chapitre 120.

M. LAPORTE: M. le Président, en ce moment, pour les raisons qui ont été données en deuxième lecture, disons que nous ne sommes pas disposés, le comité, au moins quant à nous, à accepter cet amendement.

M. VINCENT: Est-ce que le gouvernement, le leader parlementaire ou le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, pourrait nous assurer que, dès l'automne, il pourra insérer une loi dans les statuts qui permettra au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation de faire de même pour d'autres fédérations de producteurs qui seront constituées ou qui sont constituées présentement en vertu de la Loi des marchés agricoles?

M. TOUPIN: Les objectifs que poursuit le gouvernement, le ministère, en ce qui a trait aux avances de banques et aux plans conjoints sont les suivants: cette loi constitue un moyen d'aider une fédération. Le problème de cette fédération, croyons-nous, va se régler à partir de cette loi. Cela va nous donner le temps de repenser, de regarder comment doivent fonctionner au Québec les agences de vente.

Avec le temps, nous verrons comment elles doivent se financer. Nous devrons peut-être réviser ou amender la Loi de mise en marché pour prévoir des moyens de créer des agences de vente, des moyens de créer des fonds de roulement pour que les producteurs soient en mesure, le moment venu, de faire fonctionner une agence de vente.

Lorsque la fédération fut mise en place, le premier problème avec lequel elle fut aux prises fut précisément celui d'un fonds de roulement. Les représentants sont venus plusieurs fois au ministère demander les sommes dont ils avaient besoin pour faire fonctionner normalement la fédération. Ils ont obtenu $100,000, etc.

M. VINCENT: M. le Président, l'agence de vente est entrée en fonction à quelle date?

M. TOUPIN: Le 11 mai. M. VINCENT: Quelle année? M. TOUPIN: En 1970.

M. VINCENT: Et le gouvernement précédent a quitté à quelle date?

M. TOUPIN: Le 11.

M. VINCENT: Le 12 mai 1970.

M. TOUPIN: Le 12, c'est cela.

M. VINCENT: Donc, le gouvernement précédent était là une journée après l'entrée en fonction de l'agence et, pour cette journée, ils ont quand même eu $100,000.

M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais apporter une précision au député de Nicolet. Au moment où l'agence de vente s'est constituée et au moment où la fédération a pris le temps d'étudier l'agence de vente, elle a rencontré le ministère.

M. VINCENT: Oui.

M. TOUPIN: Elle a discuté avec lui de l'ensemble du financement de l'agence. Le premier problème qui fut soumis au ministère fut précisément celui du fonds de roulement.

M. VINCENT: C'est cela.

M. TOUPIN: Avec cette loi, nous réglerons le problème de la Fédération des oeufs et nous mettrons en place un mécanisme qui, dans l'avenir, permettra aux producteurs, lorsqu'ils voudront se donner des agences de vente, de se financer et de fonctionner normalement. C'est pour cela que nous ne voulons pas que cette loi s'applique à toutes les fédérations. C'est là que cela deviendrait dangereux. C'est là que le précédent dont nous parlions au début deviendrait dangereux. C'est là qu'il s'appliquerait à toutes sortes de problèmes. Là, nous réglons un problème et, à partir de là, nous allons apporter une solution valable, permanente, à l'emsemble du reste.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté?

M. RUSSELL: M. le Président, si je comprends bien le ministre de l'Agriculture, il doit y avoir deux comptes: un qui appartient aux producteurs qui fournissent les oeufs et l'autre, c'est un poste qui fait le mirage, si vous voulez, l'entreposage, la mise en marché et la manipulation des oeufs. Est-ce la situation?

Actuellement, l'emprunt va à quel compte? Est-ce qu'il va aux producteurs, pour se payer eux-mêmes leurs oeufs lorsqu'ils font la mise en marché ou s'il va pour l'opération de l'emballage, comme l'a dit le ministre, et la manipulation des oeufs? A qui? A quel compte va cet emprunt?

M. TOUPIN: Comme je le disais tantôt, la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec s'administre elle-même par un prélèvement spécial. La Fédération des producteurs d'oeufs du Québec a le droit de mettre en place une agence de vente et de l'administrer. Cette agence de vente s'administre elle-même. Donc, il y aura deux comptes: le compte de l'agence et le compte de la fédération. Les sommes dont il est question, ici, s'appliqueront à l'agence de vente exclusivement.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté?

M. PAUL: Sur division.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté sur division.

M. BERTRAND: Sur division, oui.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 2?

M. VINCENT: « Ces garanties sont accordées suivant des modalités et conditions déterminées par le lieutenant-gouverneur en conseil. » Est-ce que, présentement, le ministre peut nous donner les modalités et les conditions?

Le ministre dit que c'est urgent d'adopter cette législation, que la Fédération doit contracter son emprunt très prochainement. Est-ce que les conditions sont arrêtées. Est-ce que le ministre pourrait nous donner les conditions que le lieutenant-gouverneur en conseil imposera ou les conditions qui seront imposées à la fédération pour l'emprunt?

M. TOUPIN: On a commencé à travailler un peu là-dessus, ce n'est pas prêt. On attend l'ensemble des rapports qui doivent venir de la fédération et au moment où on acceptera la garantie, ce sera prêt. On étudie, on met tout cela en place. Oui, oui, c'est normal, vous savez.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 2, adopté sur division?

M. PAUL: Sur division.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 3?

M. PAUL: Sur division.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 3, adopté sur division.

M. VINCENT: M. le Président, à l'article 3...

M. BERTRAND: N'oubliez pas votre amendement.

M. VINCENT: A l'article 3... M. TOUPIN: On le travaille...

M. VINCENT: ... dans le projet de loi no 27, j'avais marqué un gros point d'interrogation. J'avais inscrit: Pourquoi $400,000?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Si je comprends bien, il y a un amendement de l'honorable ministre de l'Agriculture...

M. VINCENT: Aujourd'hui, je suis obligé de changer ma question. Le ministre tout à l'heure a mentionné que le lieutenant-gouverneur avait pris connaissance de son amendement. Est-ce que le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de l'amendement?

M. TOUPIN: Oui, M. le Président.

M. VINCENT: Le ministre apporte un amendement substituant au chiffre de $400,000 le chiffre de $500,000. Mais pourquoi ce changement de 25% en l'espace de trois jours, parce qu'il y a une augmentation de 25% en l'espace de trois jours?

M. TOUPIN: Je vais donner au député de Nicolet...

M. VINCENT: Non, non, pas au député de Nicolet, aux membres du comité.

M. TOUPIN: Alors aux membres du comité, voilà. J'ai rencontré la fédération et la Fédération des producteurs d'oeufs...

M. PAUL: Quand?

M. TOUPIN: Quand je dis que je l'ai rencontrée, je ne dis pas toute la vérité. Je devrais dire que je suis entré en contact avec elle par téléphone.

M. BERTRAND: Avec elle?

M. TOUPIN: Je suis en contact avec elle assez régulièrement lorsqu'il s'agit d'un problème comme celui-là. On m'a fait valoir que $400,000 ne seraient peut-être pas suffisants. On m'a dit que $500,000 seraient peut-être préférables et on s'est appuyé sur un rapport qui fut préparé par un bureau spécialisé, Bélanger, Chabot, Nobert et Angers, qui suggérait dans son étude, qui fut faite en 1968, je pense, un fonds de roulement qui devrait varier normalement, j'ai donné les chiffres tantôt, entre $375,000 et $430,000 environ. On m'a donc demandé s'il était possible d'ajouter $100,000 pour assurer une marge de sécurité.

M. VINCENT: M. le Président, tout à l'heure le député de Chambly a eu l'occasion de lire un rapport qui avait été signé par...

M. LAPORTE: M. le Président, pouvons-nous tenir pour acquis que cela ne sera pas adopté avant six heures?

M. BERTRAND: Il reste trois articles. On pourrait peut-être ajourner la séance.

M. LAPORTE: Il y aura peut-être une discussion de quelques secondes sur l'article 4. Comme il y a deux réceptions, l'une de M. le président pour MM. de la Galerie de la presse et que je dois moi-même recevoir le commandant d'un navire italien, le Vittorio Venette, qui nous fait l'honneur de nous visiter, peut-être pourrions-nous ajourner immédiatement, suspendre la séance jusqu'à huit heures, après que le député de Dorion aura fait son rapport.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorion.

M. BOSSE: M. le Président, la commission permanente des Affaires culturelles a l'honneur de soumettre au comité plénier de la Chambre son rapport. Cette commission à décidé de rapporter, avec des amendements, le projet de loi numéro 9, Loi du Grand Théâtre de Québec.

Cadillac Moly Mines

M. LAPORTE: M. le Président, je m'excuse de ne pas y avoir pensé avant, mais j'avais à faire rapport quant à la Cadillac Moly Mines dès que j'aurais les renseignements «Les chèques de paie des 188 employés de la mine, du 25 mai 1970 au 6 juin 1970, au montant total de $24,000 ont tous été remboursés hier.

La paie du 6 au 19 juin des employés sera acquittée par Little Long Lake Gold Mines, qui est une filiale, au montant de $29,849,52. Pour ce qui est des salaires dus entre le 21 et le 27 juin, c'est encore la Little Long Lake qui va payer; salaires: $9,664.27, les chèques sont émis aujourd'hui même. Bénéfices marginaux: $6,040.70 payés aujourd'hui. Chèques de vacances: $27,220.27, chèques qui sont prêts.

Quant à l'indemnité de séparation, l'autorisation de payer sera donnée ces jours prochains, et c'est une somme minime selon le Syndicat.

Quant aux sommes d'argent qui n'auraient pas été payées, malheureusement le seul recours des ouvriers pour des sommes minimes c'est prévu à l'article 98 de la Loi des compagnies. Leur syndicat leur suggère de poursuivre directement les directeurs de la compagnie.

M. le Président, voilà le rapport que j'avais à faire à cette Chambre. Sur 225 employés, approximativement, 188 ont déjà été interviewés par les officiers du ministère dans ce comité de reclassement afin de tenter de les replacer ailleurs.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le rapport de l'honorable député de Dorion sera-t-il adopté?

M. BERTRAND: Oui.

M. SAMSON: M. le Président...

M. BERTRAND: Il y aura des amendements

tantôt. Quels sont les amendements? A ce soir, qu'on ait le temps d'examiner les amendements.

M. LAPORTE: Je pense que le député de... M. BERTRAND: Oui, oui.

M. SAMSON: M. le Président, me permettrait-on quelques secondes pour remercier le ministre dans cette affaire parce que la réponse qu'il apporte répond à une question que j'ai posée une couple de fois cette semaine. Cela regarde un problème qui était très urgent, au sujet d'ouvriers de ma région. Cela a été réglé, je pense, à la satisfaction de tous. C'est pourquoi je veux remercier le ministère d'avoir fait diligence dans ce cas.

M. LE PRESIDENT (Hardy): La séance du comité est suspendue jusqu'à huit heures.

Reprise de la séance à 20 h 3

Comité plénier (suite)

M. HARDY (président du comité plénier): Article 3. L'amendement de l'honorable ministre de l'Agriculture changeant le chiffre de $400,000 pour $500,000 est-il adopté?

M. BERTRAND: Mol, je suis prêt. Adopté.

M. VINCENT: On accepte l'amendement, parce que...

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'amendement est accepté.

M. VINCENT: M. le Président, à l'article 3. Le député de Chambly, cet après-midi, relisait un document qui avait été présenté au conseil des ministres, signé par votre humble serviteur et faisant une demande pour un montant de...

Donc, se déroule présentement dans mon esprit le film qui a précédé la présentation au conseil des ministres de ce projet de loi pour l'acceptation des principes. Le ministre de l'Agriculture se présente au conseil des ministres et dit: Messieurs, j'ai besoin d'un projet de loi pour permettre de donner des garanties d'emprunt à la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation de la province de Québec, un projet de loi dans lequel nous inscrirons le chiffre $400,000. Le conseil des ministres accepte; on prépare la législation. Le ministre, tout à l'heure, nous dit que, sur un appel de la Fédération des producteurs d'oeufs de la province de Québec, on l'a informé que $400,000, ça ne serait pas assez, une augmentation de 25%.

Alors, j'imagine que le premier ministre, la prochaine fois que le ministre de l'Agriculture apportera au conseil des ministres un projet, va certainement lui demander si tous les appels ont été faits. C'est pour ça que, cet après-midi, nous avons...

M. BOURASSA: Vous en voulez donc aux oeufs? Vous en voulez aux producteurs d'oeufs?

M. VINCENT: Non, non.

M. BOURASSA: Vous êtes contre la classe rurale.

M. PAUL: C'est parce qu'il coupe ses réponses, puis on attend.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les créditistes applaudissent à une taxe.

M. VINCENT: Est-ce que le ministre pourrait nous dire sur quoi il s'est basé pour recommander un montant de $400,000 dans le premier projet et, par la suite, trois jours plus tard, pour recommander un montant de $500,000 de garantie d'emprunt, soit une augmentation de 25%?

M. TOUPIN: Aux premières rencontres que j'ai eues avec la Fédération des producteurs d'oeufs pour étudier le problème du fonds de roulement, on m'avait demandé une garantie de $600,000. On a discuté la question un peu plus en profondeur. On s'est rendu compte qu'une subvention de $100,000 avait été versée et on a pris soin d'étudier le rapport de Bélanger, Chabot, Nobert et Angers sur le financement de l'agence de vente. Or, après étude, on a convenu que $400,000 pourraient faire l'affaire, pourraient donner à la fédération tout ce dont elle avait besoin comme fonds de roulement pour bien fonctionner. Après s'être entendu là-dessus, j'ai continué mes contacts avec la fédération.

M. VINCENT: ... avec la fédération?

M. TOUPIN: C'est à-dire pas définitivement, la fédération m'avait demandé $600,000. On en a discuté un peu et elle m'a laissé. Nous en avons discuté entre nous et nous avions convenu que $400,000 feraient l'affaire. Après, je suis entré en contact avec la fédération et l'UCC. J'ai eu des rencontres directes avec l'UCC et j'ai procédé par voie téléphonique, à plusieurs reprises pour la fédération. Après avoir étudié, notamment, les besoins de la fédération, ses comptes à recevoir et ses dettes, ce dont on parlait cet après-midi, on a convenu d'augmenter le montant de $100,000 pour assurer encore davantage l'efficacité de la fédération dans son fonctionnement futur au niveau de l'agence de vente. Si j'ai recommandé $100,000 de plus, c'était pour me rendre à un désir de la fédération, d'une part, oui, mais aussi après avoir étudié le dossier. On recommandait de $330,000 à $400,000 environ; or, nous avons augmenté à $500,000. La marge est plus sûre. On évite ainsi que la fédération revienne nous voir. Nous sommes certains qu'avec ça elle pourra fonctionner normalement. Ce sont les raisons qui nous ont amenés à décider de l'augmenter de $100,000.

M. VINCENT: M. le Président, comma nous prorogeons ce soir, du moins, d'après les informations...

M. PAUL: A moins d'imprévus.

M. VINCENT: ... à moins d'imprévus, au cas où — si nous revenions seulement en novembre ou décembre — la fédération, dans quinze jours ou trois semaines, pour assurer une meilleure efficacité de fonctionnement encore, aurait besoin de $100,000 additionnels, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il serait "prêt à accepter qu'au lieu de $400,000 qu'il y avait il y a deux jours et de $500,000 qu'il y a ce soir, on inscrive le montant de $600,000, au cas où il y aurait d'autres communications téléphoniques?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre, tantôt, a expliqué que c'était pour faire face à un problème urgent.

M. VINCENT: Ah oui, d'accord!

M. BOURASSA: Il a pris, après consultation avec les membres de la fédération, toutes les précautions. Je suppose que la fédération elle-même doit se rendre compte que la session ne reprendra pas avant la fin d'octobre. Alors, je pense qu'un montant de $500,000 répond au problème qui nous a été soumis pour venir en aide à la classe agricole.

M. VINCENT: Ah bon! Donc, le premier ministre confirme qu'à la première rencontre, il n'avait pas pris toutes les précautions et qu'à la deuxième, là, toutes les précautions ont été prises.

M. BOURASSA: M. le Président, c'est un problème survenu assez rapidement. Il ne s'agit pas d'en imputer la responsabilité au gouvernement ou à la fédération. On sait tous les efforts qui ont été faits pour créer cette agence qui va permettre d'aider une partie de la classe agricole. Il n'y a rien d'étonnant qu'au départ les estimations n'aient pas été précises, qu'elles aient été plutôt approximatives. Avec $500,000, on a nettement l'impression, à la suite des discussions et des négociations qu'on a eues avec la fédération, que le problème est résolu, du moins à court terme.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 3, adopté. Article 4?

M. VINCENT: M. le Président, je lis cet article...

UNE VOIX: C'est l'article de la mort.

M: VINCENT: ... qui inscrit un nouveau principe dans toutes les législations gouvernementales: une taxe de vente indirecte sur des biens de consommation et d'alimentation.

Alors que le premier ministre m'écoute bien. Quatrième article:

M. DEMERS: Je ne sais pas s'il va Comprendre.

M: VINCENT: Ah, il va comprendre! Je pense qu'il va le comprendre comme il ne l'a jamais compris.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un « coconomiste! »

M. VINCENT: « Aux fins d'assurer le paiement de tout emprunt garanti en vertu de l'article 1, la fédération est tenue de déduire du produit des ventes d'oeufs qu'elle effectue un demi-cent par douzaine d'oeufs qu'elle met en marché, jusqu'à remboursement de tout emprunt garanti en vertude l'article 1, en outre des autres déductions qu'elle est autorisée à faire à même le produit de ces ventes en vertu de la Loi des marché agricoles. »

Bon, un demi-cent la douzaine. Je pose la question au ministre de l'Agriculture. Je dis: Est-ce que la garantie d'emprunt sera bonne pour dix, vingt, trente, quarante ans? Ilme dit: Non, certainement pas quarante ans; peut-être dix ans, mais probablement entre trois et cinq ans. Cela veut dire, M. le Président, pour l'information du premier ministre, qu'il est possiblequ'au cours des trois ou cinq ans qui viendront la fédération déduise un demi-cent la douzaine. Cela veut dire ceci: Si la garantie d'emprunt du gouvernement s'échelonne sur une période de cinqans, le fédération pourrait échelonner ses remboursements sur cinq ans. Et Jusqu'au moment où le dernier dollar est remboursé, en vertu de cette garantie, elle prend un demi-cent la douzaine.

Ma question est la suivante, et c'est là que le premier ministre ouvrira les yeux: Combien de douzaine d'oeufs sont vendues dans la province de Québec par année via la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Consultez le « coconomiste », là!

M. BOURASSA: L'ancien ministre pose une question dont il devrait savoir la réponse. Ila été ministre de l'Agriculture durant des années.

M. PAUL: Non, non.

M. BOURASSA: Ilne le sait même pas, M. le Président.

M. VINCENT: C'est 70 millions de douzaines.

M. BOURASSA: C'est complètement ridicule. C'est un aveu d'incompétence.

M. TOUPIN: Ce n'est pas 70 millions.

M. BOURASSA: Si on ne voulait pas prolonger la session, nous pourrions épiloguer longtemps là-dessus. C'est décourageant de voir des questions comme cela.

M. VINCENT: M. le Président, ce qui me surprend à l'heure actuelle, c'est que le premier ministre de la province de Québec qui a « autographié », paraphé ce projet de loi...

M. DEMERS: De son nom de plume.

M. VINCENT: ... a oublié de poser la question au ministre de l'Agriculture. Le premier ministre devrait savoir combien...

M. BOURASSA: Cela nous a été dit... Si l'ancien ministre veut se calmer...

M. VINCENT: Juste un instant.

M. BOURASSA: Cela nous a été dit à plusieurs reprises au conseil des ministres...

M. VINCENT: Combien?

M. BOURASSA: ... mais je ne me souviens pas précisément...

M. VINCENT: C'est 70 millions de douzaines par année.

M. BOURASSA: ... du montant exact.

M. VINCENT: C'est 70 millions de douzaines par année.

M. LAPORTE: C'est de l'omelette, cela!

M. BOURASSA: Le député doit savoir que le premier ministre a plusieurs milliers de chiffres en tête.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un oeuf par poule, ça fait combien de poules?

M. VINCENT: Mais, je vous le dis, là.

M. TOUPIN: M. le Président, Je vais répondre à la question du député de Nicolet.

UNE VOIX: Bon.

M. TOUPIN: Donc, 70 millions de douzaines, il est trop généreux. C'est 63 millions de douzaines. Cela démontre que l'ancien ministre ne connaît pas son affaire. L'ancien ministre n'a jamais connu son affaire.

M, TREMBLAY (Chicoutimi): Vous en avez cassé.

M. VINCENT: M. le Président.,.

M. LAPORTE: Il y a déjà une erreur de 7 millions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il les a cassés, M. BOURASSA: On ne peut pas s'y fier,

M. VINCENT: Vous venez d'entendre le ministre de l'Agriculture. Est-ce que Je pourrais informer le ministre de l'Agriculture qu'il se vend chaque année dans la province de Québec 120 millions de douzaines d'oeufs, dont 70 millions de douzaines passent par la fédération ou devraient normalement être produits au Québec, Sur les 70 millions, il y en a 7 millions qui ne sont pas contrôlées par la fédération, qui vont aller directement aux consommateurs. Ce qui veut dire que sur les 70 millions qui sont produites et consommées au Québec, il y en a 63 millions de contrôlées. Est-ce que ce ne sont pas les chiffres exacts?

M. TOUPIN: Cette fois-ci, M. le député, vous avez dit la vérité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! Il a retrouvé ses poules!

M. VINCENT: Est-ce que 63 millions de douzaines d'oeufs par année, avec la nouvelle loi du gouvernement Bourassa qui impose une taxe de vente indirecte sur des produits alimentaires d'un demi-cent la douzaine d'oeufs..,.

M. BOURASSA} C'est faux! C'est garanti, ce n'est pas une taxe de vente,

M. VINCENT; Est-ce que ces 63 millions contrôlées par la fédération ne rapporteront pas en taxe indirecte $315,000 par année?

M. BOURASSA: Il ne comprend rien.

M. TOUPIN: Quand la fédération contrôlera, pour répondre au député de Nicolet, tous les

M. VINCENT: Non, non, non, combien la fédération peut-elle contrôler d'oeufs?

M. TOUPIN: Laissez-moi terminer. Je vais répondre à votre question:

M. VINCENT: Oui.

M. TOUPIN: Vous m'avez posé une question. Je vais y répondre. Quand la fédération contrôlera tous les oeufs mis en marché au Québec, sauf ceux qui sont mis en marché directement par le producteur chez le consommateur — c'est établi à 63 millions de douzaines environ — quand elle contrôlera tous ces oeufs à un demi-cent la douzaine, faites le calcul et cela va donner le montant.

M. VINCENT: Un montant de $315,000.

M. TOUPIN: Mais présentement, elle ne contrôle pas tous ces oeufs.

M, VINCENT: Combien contrôle-t-elle d'oeufs?

M. TOUPIN: Environ 50% de ce qu'elle devrait contrôler,

M. VINCENT: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nommez-les.

M. VINCENT: Pas 50%.

M. TOUPIN: Environ 50%.

M. VINCENT: Non. Environ 50% de la consommation totale du Québec qui est de 120 millions. D'accord?

M. TOUPIN: Elle contrôle à peu près 50% des oeufs sur lesquels elle a un pouvoir.

M. VINCENT: Ah, sur lesquels elle a un pouvoir!

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: Est-ce que ça ne représente pas un montant de $315,000 par année?

M. TOUPIN: Cela peut représenter $315,000

par année, si on fait les calculs. Tant mieux, M. le député, la Fédération remettra plus rapidement sa dette.

M. VINCENT: Le ministre de l'Agriculture nous a dit cet après-midi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous allez tout casser.

M. VINCENT: ... que la garantie d'emprunt pouvait s'échelonner sur une période de trois à cinq ans.

M. TOUPIN: M. le Président, j'ai bien dit au député de Nicolet qu'elle pouvait s'échelonner sur une période de trois à cinq ans. Elle peut tout aussi bien s'échelonner sur une période de deux ans; nous mettons les conditions le moment venu.

M. VINCENT: Donc, nous faisons la déduction suivante, M. le Président; le ministre de l'Agriculture nous confirme que la garantie d'emprunt — il vient tout juste de le dire — peut s'échelonner sur une période de trois à cinq ans. Donc, nous pouvons dire ou comprendre qu'il est possible que la garantie d'emprunt s'échelonne sur une période de cinq ans, le ministre vient de nous le dire.

M. DEMERS: A vie.

M. VINCENT: Cela veut dire que $315,000 par année, pendant cinq ans, ça représente $1,600,000 environ pour une garantie d'emprunt de $500,000. N'y aurait-il pas lieu, dans l'article 4, que nous désapprouvons, de l'améliorer afin de limiter les dégâts de la taxe de vente indirecte imposée par le gouvernement Bourassa. N'y aurait-il pas lieu, dans l'article 4, de limiter à $500,000 le produit total du demi-cent la douzaine?

UNE VOIX: Cela va se faire.

M. TOUPIN: M. le Président, j'aimerais bien que le député de Nicolet lise bien l'article.

M. VINCENT: Oui, je l'ai très bien lu. M. TOUPIN: Laissez-moi terminer. M. LOUBIER: Nous nous apercevons...

M. TOUPIN: C'est bien marqué en vertu de tout emprunt garanti en vertu de l'article 1, et l'emprunt ne peut pas dépasser $500,000.

M. VINCENT: Voyons.

M. TOUPIN: Une fois les prélèvements retenus pour ces montants, là, les prélèvements cessent automatiquement.

M. VINCENT: Si l'article dit également ce que le ministre vient de dire verbalement, ne pourrait-il pas le spécifier dans l'article?

UNE VOIX: C'est écrit.

M. TOUPIN: Pourquoi écrire une chose alors qu'elle y est déjà?

M. VINCENT: Non.

M. LAPORTE: On ne change pas un article parce que le député ne comprend pas.

M. VINCENT: Non, non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous n'aidez pas votre ministre.

M. VINCENT: Pour l'information du député de Chambly, qui n'a probablement pas lu l'article 4...

M. LAPORTE: Je vous demande bien pardon. Mes obligations de membre du conseil des ministres m'amènent à lire ces articles-là.

M. PAUL: Précisez-les.

UNE VOIX: Donnez des preuves.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Récitez-les.

UNE VOIX; Vous pourriez le relire.

M. VINCENT: Voici ce que dit l'article 4: « Aux fins d'assurer le paiement de tout emprunt garanti...

UNE VOIX: C'est au pluriel.

M. VINCENT: ... en vertu de l'article 1...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Virgule.

M. VINCENT: Virgule, oui... la fédération est tenue de déduire du produit des ventes d'oeufs qu'elle effectue un demi-cent par douzaine d'oeufs qu'elle mot en marché, jusqu'à remboursement de tout emprunt garanti en vertu de l'article 1. »

M. TOUPIN: Il me semble que c'est clair.

M. VINCENT: Oui.

M. TOUPIN: Cela ne peut pas être plus clair.

M. VINCENT: Cela veut dire que, même si la garantie d'emprunt, comme le dit le ministre, durait cinq ans, si la fédération devait encore $50,000 la cinquième ou la quatrième année sur la garantie d'emprunt, elle devrait, d'après la loi, déduire un demi-cent la douzaine de tous les oeufs mis en marché par la fédération. Même si elle devait $50,000, elle doit, en vertu de la loi, taxer le consommateur ou encore enlever au producteur un demi-cent la douzaine, ce qui peut lui rapporter $300,000 ou $350,000, alors qu'elle ne devra que $50,000. Est-ce cela?

M. TOUPIN: Voici, M. le Président...

M. LAPORTE: Soyez clément.

M. VINCENT: Je le suis, justement.

M. TOUPIN: Il m'apparaît évident que le député de Nicolet ne veut pas comprendre.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. TOUPIN: Premièrement, il ne s'agit pas d'une taxe.

UNE VOIX: C'est tellement bien expliqué!

M. TOUPIN: Les producteurs ont pris en charge la fédération des producteurs d'oeufs; ils ont consenti la mise en place d'une agence de vente.

M. VINCENT: Nous sommes d'accord.

M. TOUPIN: Les producteurs savent que, pour financer une telle agence, cela prend de l'argent. Ils se sont heurtés à des problèmes qui ne leur ont pas permis de se procurer les fonds dont ils avaient besoin. Maintenant, ils nous le demandent; on le leur offre et ils sont prêts à payer pour l'avoir.

M. VINCENT: Non.

M. TOUPIN: Ce n'est pas une taxe; c'est un moyen qu'ils se donnent.

M. VINCENT: Non, non.

M. TOUPIN: C'est une épargne qu'ils s'imposent eux-mêmes...

M. VINCENT: Non, non.

M. TOUPIN: ... pour se constituer un fonds de roulement.

M. VINCENT: Non, non.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! A l'ordre! Je rappelle l'honorable député de Nicolet à l'ordre. L'.honorable ministre de l'Agriculture est à donner les explications réclamées à maints reprises par les honorables membres du comité. J'aimerais bien qu'on laisse à l'honorable ministre de l'Agriculture et de la Colonisation de terminier les explications qu'il est a donner.

M. TOUPIN: C'est dit...

M. LOUBIER: Je me rassois.

M. TOUPIN: Non, écoutez, nous ne sommes pas tous du comté de Bellechasse.

M. LOUBIER: Vous êtes plus éloquent assis que debout. On vous comprend mieux.

UNE VOIX: L'homme n'est grand qu'à genoux.

M. LAPORTE: Vous, c'est le contraire.

M. TOUPIN: Cela m'apparaît évident également, pour répondre au député du comté de Nicolet..

M. DEMERS: Comprenez.

M. TOUPIN: ... que si on consent une garantie sur $500,000, les prélèvements vont être retenus jusqu'à concurrence du remboursement des $500,000. Si on prête seulement $200,000 ils seront retenus jusqu'à concurrence de $200,000...

M. VINCENT: C'est la question qu'on pose.

M. TOUPIN: Bien sûr que c'est ainsi que cela va se dérouler. Comment voulez-vous que cela se déroule autrement?

M. VINCENT: C'est la question qu'on pose.

M. TOUPIN: C'est à celle-ci que je tiens à répondre et c'est à celle-ci aussi que je crois répondre, si vous voulez bien comprendre.

M. VINCENT: Donc, M. le Président, le ministre a dit, au nom du gouvernement, que le pré-

lèvement d'un demi-cent la douzaine ne dépassera d'aucune façon le montant qui sera garanti par le gouvernement.

M. TOUPIN: Absolument. Il semble que cela va de soi.

M. VINCENT: Ne le dépassera d'aucune façon. Si, la première année — je pose autrement la question — la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation, en vertu de la loi — contrairement à ce qu'a dit le ministre tout à l'heure à l'effet que c'était imposé volontairement, non, c'est obligatoirement, légalement en vertu d'une loi — fait son prélèvement d'un demi-cent la douzaine sur les ventes d'oeufs et récupère $300,000, au cours des six mois suivants elle va chercher $150,000, ce qui fait $500,000. Cela veut dire que dès ce moment, même si la garantie d'emprunt du gouvernement dure trois, quatre ou cinq ans, dès ce moment, dans un an et demi ou un an et cinq mois, elle n'aura plus besoin de faire le prélèvement d'un demi-cent la douzaine.

UNE VOIX: Avez-vous compris?

M. VINCENT: Non, que le ministre nous le dise!

M. TOUPIN: Bien sûr que cela peut arriver ainsi; cela va dépendre des conditions qu'on va mettre dans l'acte de garantie. Mais il est évident que la loi le dit, la Fédération n'a pas le droit de retenir un demi-cent sur les ventes d'oeufs pour d'autres fins que celle de rembourser le montant emprunté. C'est ce qui est évident, le montant garanti. Cest ce qui est évident et c'est ce qui est clair. Et il me semble que c'est ce qu'on devrait comprendre.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais qu'il n'y ait qu'une poule qui parle à la fois...

M. TOUPIN: Il ne faut pas qu'elle chante.

M. PAUL: Merci, M. le Président. Comme le ministre de l'Agriculture vient de reconnaître une possibilité de la part de la Fédération de prolonger le terme de remboursement et que les conséquences seraient que la Fédération retirerait plus que le montant garanti, qu'il me soit permis de faire une suggestion à l'honorable leader parlementaire. A l'avant-dernière ligne de l'article 4...

M. LAPORTE: Un instant. Oui, oui, je l'ai devant moi, théoriquement.

M. PAUL: ... Si nous ajoutions, M. le Président, « jusqu'à concurrence du remboursement de tout emprunt garanti ».

UNE VOIX: Cela soulagerait le ministre. M. LAPORTE: On mettrait ça où? M. PAUL: A l'avant-dernière ligne.

M. BOURASSA: On peut mettre cela dans l'acte de garantie.

M. PAUL: Pourquoi ne pas le mettre dans la loi?

M. BOURASSA: Le député de Maskinongé a dit lui-même hier qu'on ne pouvait pas corriger les lois sur le coin de la table. Alors, on va mettre cela dans l'acte de garantie.

M. CARDINAL: On n'est pas sur le coin de la table, nous sommes en comité.

M. PAUL: Je comprends. Le premier ministre conviendra-t-il qu'un texte de loi lie péremptoirement toutes les parties, et qu'il ne peut souffrir d'interprétation quand le texte est clair.

M. LAPORTE: Ah non!

M. PAUL: Alors, si nous disions: Jusqu'à concurrence du remboursement de tout emprunt garanti en vertu de l'article 1, à ce moment-là, nous faisons disparaître la situation décrite par le député de Nicolet et qu'a reconnue comme possible le ministre de l'Agriculture. A ce moment-là, nous sommes assurés qu'au moins la retenue ne se prolongera pas au-delà du montant du capital et des intérêts.

M. BOURASSA: Je suggère au député de Maskinongé de faire confiance au gouvernement comme la population l'a fait en avril dernier, dans l'acte garanti.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avec les canards que vous avez couvés.

M. LOUBIER: Cela veut dire qu'éventuellement les oeufs seront transportés par la Brinks.

M. LAPORTE: Non, parce qu'ils vont aboutir à Toronto.

M. LOUBIER: Cela ne sera pas « Lafferty » des cultivateurs.

M. VINCENT: J'aurais une question à poser au ministre de l'Agriculture, au sujet de la loi d'un demi-cent la douzaine. Advenant le cas où dans quinze jours il recommande l'adoption d'un arrêté ministériel et qu'il garantit à la fédération $500,000, si la fédération, dans deux ans, avait remboursé $300,000 au gouvernement, et si le ministre, à ce moment-là avait libéré sa garantie d'emprunt vis-à-vis du gouvernement de $200,000, donc le gouvernement se verrait encore responsable de $300,000. Est-ce qu'à ce moment, advenant un problème urgent, épineux, le ministre de l'Agriculture pourrait garantir à nouveau un autre montant de $200,000?

M. TOUPIN: Je pense que le député de Nicolet pose une question purement hypothétique.

M. VINCENT: Non, non.

M. TOUPIN: Il m'apparaît évident, quant à moi, que nous réglerons les problèmes le jour où ils se poseront. Je ne présume pas que des problèmes se poseront, mais on les réglera le jour où ils se poseront, et si celui-là se pose, on pourra le régler à ce moment-là.

M. VINCENT: La question est très simple. Si la loi permet au ministre de l'Agriculture de garantir un emprunt de $500,000, qu'il utilise au maximum la loi d'une garantie de $500,000 dans un an, que la fédération remette complètement les $500,000, est-ce qu'à ce moment-là le ministre pourrait, dans deux ans, avec la même loi, garantir un autre montant de $200,000, $300,000, $400,000 ou $500,000?

M. LAPORTE: Certainement, mais à la condition que le maximum de $500,000 ne soit jamais dépassé.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Saint-Maurice...

M. DEMERS: J'aurais une question à poser au ministre de l'Agriculture.

M. LAPORTE: A titre de banquier, est-ce que vous allez prêter?

M. DEMERS: Oui, oui. Je vais vous prêter quelque chose.

M. LAPORTE: sans intérêt?

M. DEMERS: Peut-être avec intérêt.

Je voudrais savoir du ministre de l'Agriculture et de la Colonisation si, lorsque le montant de la garantie qu'il demande, $400,000...

UNE VOIX: Non, $500,000.

M. DEMERS: Non, non, il était de $400,000...

UNE VOIX: Ah bon!

M. DEMERS: ... il exigeait un prélèvement d'un demi-cent la douzaine. Est-ce qu'il va tenir compte, maintenant qu'il est monté à $500,000, qu'il faudrait peut-être augmenter aussi d'un demi-cent? Je pose la question au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. LAPORTE: Cela a été...

M. DEMERS: Je ne parle pas aux économistes et aux gars qui bâtissent des parcs en Mauricie. Je parle au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. TOUPIN: M. le Président, je vais répondre au député de Saint-Maurice que, si on avait eu l'intention de le faire, vous le verriez dans le projet de loi.

M. DEMERS: C'est parce qu'il y a une foule de choses que vous vouliez faire et qui ne sont pas dans le projet de loi.

M. VINCENT: M. le Président, le député de Chambly a répondu tout à l'heure. Est-ce qu'il voudrait juste relire l'article 3?

M. LAPORTE: Je vais le relire.

M. VINCENT: Juste le relire bien calmement. « Le montant total des garanties accordées en vertu de l'article 1 ne peut excéder, à l'égard du capital, la somme de $400,000. »

Donc, quand il y a une garantie d'accordée,c'est calculé, d'après l'auditeur, comme étantaccordé une fois. C'est le problème qui s'estposé avec la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.A ce moment-là...

M. TOUPIN: Un autre beau problème.

M. VINCENT: ... c'était accordé. On nepouvait plus revenir parce que la garantie avaitdéjà été accordée.

M. LE PRESIDENT (Hardy); Article 4, adopté.

M. VINCENT: Non, M. le Président, à l'article 4, nous avons la certitude, la confirmation du ministre que, d'aucune façon même si la garantie d'emprunt s'échelonnait sur une période de trois ou cinq ans, le demi-cent la douzaine ne pourra excéder le montant total de la garantie.

M. TOUPIN: Entièrement d'accord.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté sur division?

M. VINCENT: Oui.

M. DEMERS: J'aurais une autre question à poser, si on me le permet, au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation. Je voudrais savoir du ministre combien... Ah, il m'écoute tellement bien!

UNE VOIX: Quand il écoute, il ne répond pas.

M. LOUBIER: S'il n'écoute pas, il va être meilleur.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! A l'ordre! Article 4, adopté?

M. DEMERS: Non, avant de l'adopter, je voulais poser une autre question au ministre de l'Agriculture. Mais je lui écrirai, je pense que cela va être meilleur!

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 5, adopté?

M. CHARRON: Qu'est-ce que le ministre est en train de nous pondre?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 6?

M. VINCENT: L'article 5, M. le Président, juste un instant. A l'article 5: « Les sommes que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation peut être appelé à payer en vertu des garanties accordées sous l'autorité de la présente loi sont prises à même le fonds consolité du revenu. »

M. LAPORTE: Voulez-vous poser des questions sur le fonds consolidé?

M. CHARRON! Qu'est-ce qu'il y a de mal dans ça?

M. VINCENT: Non, je ne poserai pas cette question qui m'a été posée par un type qui a déjà occupé...

M. LAPORTE: Qui a acheté une faux...

M. VINCENT: ... le poste de ministre de l'Agriculture et de la Colonisation pendant six ans. Mais, quelles sont les dépenses que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation prévoit? La seule chose qu'il a à faire, c'est un arrêté en conseil.

M. LAPORTE: Il peut arriver que la fédération ne fasse pas honneur à ses obligations. A ce moment-là, les sommes nécessaires seraient prises à même le fonds consolité.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 5, adopté. Article 6?

M. PAUL: Sur division.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Alors, article 5, adopté sur division. Article 6?

M. PAUL: Sur division, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté sur division.

M. LAPORTE: Non, non, unanimement. M. PAUL: Non, non.

M. LAPORTE: Faites rapport.

M. HARDY (président du comité plénier): M. le Président, le comité a étudié le bill 27 et l'a adopté avec un amendement.

M. LAVOIE (président): L'honorable ministre de l'Agriculture propose que l'amendement soit maintenant lu et agréé. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. BERTRAND: Sur division.

M. LAPORTE : Troisième lecture.

3e lecture

M. LE PRESIDENT: Adopté? M. BERTRAND: Sur division.

M. LE PRESIDENT: Troisième lecture, adoptée sur division.

M. LAPORTE: M. le Président, auriez-vous l'obligeance d'appeler l'article numéro 6, le bill 31?

M. BERTRAND: Là, nous allons en avoir un débat!

M. PAUL: Lui, cela va être clair, M. le Président. Cela ira vite! J'en suis convaincu.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé propose la deuxième lecture du projet de loi numéro 31, Loi modifiant la Loi du ministère de la Santé et la Loi du ministère de la Famille et du Bien-Etre social.

L'honorable ministre.

Santé, Famille et Bien-Etre

M. CASTONGUAY: M. le Président, je crois que les notes explicatives donnent clairement le but de ce bill. En fait, ce bill est destiné à permettre d'adapter le fonctionnement du ministère à son accroissement au cours des années. Le nombre des dossiers exigeant la signature du ministre est extrêmement élevé. Il augmente constamment. Dans un très grand nombre de cas, ces dossiers prennent une allure de routine: départs d'employés, congés de mise à la retraite, congés de maladie « monnayables », etc.

Le but du bill est de permettre de déléguer à un sous-ministre adjoint le pouvoir de lier, par sa signature, le ministère. Evidemment, ce pouvoir doit être assorti de certaines limitations. C'est pourquoi il ne peut être donné que par le lieutenant-gouverneur en conseil à une personne désignée spécifiquement et pour des fins spécifiques également. Cela doit faire également l'objet d'une publication dans la Gazette officielle.

Maintenant, en ce qui a trait à la signature de certaines catégories de documents, tels les certificats d'obligations où la signature du ministre ou du sous-ministre prennent, bien souvent, un caractère purement de routine, le bill aura pour effet de permettre l'utilisation d'appareils automatiques.

En résumé, le principe de ce bill est de permettre une certaine délégation de pouvoirs de façon à lier le ministère par la signature d'un sous-ministre adjoint en dedans de limites précisées par le bill, tel que je viens de l'exposer.

M. CLOUTIER: M. le Président, juste une remarque. Je comprends parfaitement pourquoi le ministre présente cette législation, parce que j'ai connu, pendant quatre ans, le volume de travail exigé par les signatures dans deux ministè- res qui, cette année, ont $1,350 millions de budget et qui doivent dépenser, pour arriver à la fin de l'année, $4 millions par jour, sinon cela crée des problèmes.

J'ai noté que le ministre a dit qu'il allait déléguer certains pouvoirs, mais qu'il allait se réserver des signatures importantes. Je comprends qu'évidemment chacune des transactions, dans ces ministères, engageant des sommes extrêmement importantes, le ministre devra, tout de même, conserver un certain contrôle sur l'administration de son ministère. D'ailleurs, c'est la meilleure façon que peut avoir le ministre de connaître son ministère, par les documents qui passent devant lui.

Alors ce sont les seules remarques que je voulais faire au sujet de ce projet de loi, et sans faire toute la procédure, nous serions prêts à l'adopter en comité et en troisième lecture.

M. LAPORTE: Procédure parfaite.

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre se réserve les signatures pour les foyers d'hébergement?

M. CASTONGUAY: Particulièrement celui de Bellechasse.

M. VINCENT: Juste une question au ministre de la Santé. Peut-être qu'elle s'adresserait plus normalement au premier ministre. Le premier ministre ne croit-il pas qu'il y a d'autres ministères également au sein du gouvernement qui auraient besoin de la même législation, que, d'ici l'automne, on devrait faire une vérification, et qu'on adopte une loi générale qui permettrait justement au conseil des ministres d'autoriser d'autres sous-ministres, qui sont dans certains ministères du gouvernement, de faire exactement la même chose?

M. BOURASSA: C'est une bonne suggestion que je vais noter.

M. LAPORTE: Merci.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LAPORTE: Comité et troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: Comité plénier et troisième lecture. Cette motion de troisième lecture sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. LAPORTE: Félicitations. M. BERTRAND: Le numéro 33.

M. LAPORTE: M. le Président, auriez-vous l'obligeance d'appeler l'article no 7.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé propose la deuxième lecture du projet de loi no 33, Loi modifiant la Loi de l'aide sociale, la Loi des allocations scolaires et la Loi des allocations familiales du Québec.

L'honorable ministre de la Santé.

Aide sociale et allocations

M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. LOUBIER: La question des allocations familiales a effrayé le député de Chicoutimi. Il vient de quitter la Chambre.

M. CASTONGUAY: Le présent projet de loi a pour but d'apporter certaines modifications à la...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CASTONGUAY: ... à la Loi de l'aide sociale sanctionnée le 12 décembre 1969, de façon à en assurer en meilleur fonctionnement lors de sa mise en vigueur. Il s'agit, de façon générale, de changements plutôt mineurs et de nature technique que l'on peut regrouper sous trois chefs principaux.

En premier lieu, le projet de loi prévoit une extension du champ d'appel de la commission d'appel de l'aide sociale, prévue à la section 7 de la loi, à toute décision du ministre rendue en vertu de la Loi des allocations scolaires. C'est donc dire qu'on pourra appeler devant cette commission des décisions au titre de l'aide sociale qui remplace les allocations dispensées en vertu des anciennes lois catégorisées d'assistance, des décisions du ministre en vertu de la Loi des allocations familiales, et des décisions en vertu de la Loi des allocations scolaires. Il est donc apparu nécessaire de changer le titre de la Commission d'appel de l'aide sociale en celui de la Commission d'appel de l'aide et des allocations sociales.

Quant au financement, maintenant, étant donné que la Loi de l'aide sociale, qui a été sanctionnée à la fin de l'année 1969, prévoyait, pour l'année financière se terminant le 31 mars 1970, que, les sommes requises pour l'application de la loi devaient être prises à même les deniers accordés pour l'application des dispositions législatives abrogées par la loi, c'est-à-dire les lois catégorisées d'assistance, il est apparu nécessaire également que la loi soit modifiée de façon à prévoir que les deniers requis pour sa mise en application soient pris, pour l'exercice financier en cours, à même les sommes votées pour la mise en application des lois sociales qui seront remplacées par la Loi d'aide sociale. En fait, c'est la même chose que l'an dernier, sauf qu'on a reporté la date d'un an, étant donné que cette disposition de la loi expirait le 31 mars 1970.

Enfin, quant à l'entrée en vigueur de la loi, le présent projet de loi prévoit que la section 5, qui traite de la commission d'appel de l'aide et des allocations sociales, pourra entrer en vigueur à une date antérieure à l'entrée en vigueur générale de la loi. La raison de cette disposition provient du fait qu'il sera nécessaire de procéder à la nomination des membres de la commission d'appel, préalablement à l'entrée en vigueur de la loi, de façon qu'ils puissent accomplir le travail préliminaire nécessaire pour rendre le fonctionnement adéquat de la commission possible dès l'entrée en vigueur de la loi.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai deux ou trois questions à poser au ministre. Plutôt que d'aller en comité, je pense bien qu'on me permettra de les poser, même si nous sommes en deuxième lecture.

M. BOURASSA: D'accord.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, évidemment, nous sommes d'accord sur l'appellation différente et pour que la Commission d'appel de l'aide sociale s'occupe également des allocations scolaires et des allocations familiales. Mais, le ministre prévoit-il — le fardeau de travail étant augmenté, je ne sais pas dans quelle mesure — revenir avec un projet de loi pour augmenter le nombre de commissaires à la commission d'appel?

M. CASTONGUAY: La loi telle qu'elle a été adoptée prévoit que la commission d'appel est composée de six membres, mais il y a également une disposition qui permet au lieutenant-gouverneur en conseil d'en nommer un plus grand nombre, si nécessaire. Alors, il n'y aurait pas nécessité, à moins que je ne me trompe dans l'interprétation de la loi, de changer cette disposition si le fardeau était trop lourd.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre parle dans son projet de loi de l'entrée en vigueur de la Loi d'aide sociale. Nous avons eu l'occasion, avant-hier, lors de l'étude des prévisions budgétaires, de parler de la date d'entrée en vigueur de la loi. Les fonds prévus, au moment où le gouvernement décidera d'appliquer la loi, seront pris dans le fonds consolidé, après que le budget aura été épuisé.

Je voudrais mentionner ceci au ministre. Etant donné que l'application de la Loi d'aide sociale est attendue avec beaucoup d'impatience dans tous les milieux concernés — et on sait pourquoi — le ministre, qui nous a dit, lors des prévisions budgétaires, que le nouveau délai fixé était le 1er janvier — il avait demandé de raccourcir ce délai; on lui a dit le 1er novembre — ne pourrait-il pas, avec ses fonctionnaires, revoir toute cette question? On sait que le personnel, maintenant, est presque tout en place. Environ 500 personnes ont été recrutées; il y a eu des périodes de formation de personnel, le printemps dernier, et les bureaux sont ouverts. Dès que le ministre sera assuré que les mécanismes administratifs sont suffisamment étanches, ne pourrait-il pas, avec ses fonctionnaires revoir s'il n'y a pas possibilité de gagner encore du temps sur la date qui lui a été mentionnée?

M. CASTONGUAY: M. le Président, cette loi est attendue depuis très longtemps. Ce n'est pas une question de six mois; c'est une question de plusieurs années. L'attente dure depuis plus longtemps même que la vie du gouvernement précédent. Lorsque les fonctionnaires m'ont montré tout le cheminement pour arriver à l'application de cette nouvelle loi, et ont indiqué comme date de départ le 1er janvier, je n'ai pas voulu soulever d'espoirs inutiles en annonçant une date qui ne pourrait pas être respectée. J'ai demandé qu'on fasse tout ce qui était possible de faire pour que la loi prenne effet le 1er novembre.

Evidemment, j'entends suivre ça d'aussi près que possible. Si nous étions capables, cornue le suggère le député de Montmagny, de mettre la loi en vigueur avant le premier novembre, nous le ferions évidemment, avec grand plaisir. Si c'est humainement possible, vous pouvez être assuré que ça va être fait.

M. DEMERS: Rendre financièrement réalisable tout ce qui est humainement possible.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. BOURASSA: Troisième lecture?

M. BERTRAND: Comité plénier, troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LAPORTE: M. le Président, article 8.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la deuxième lecture du projet de loi numéro 36, Loi modifiant le code du travail.

Code du travail

M. BERTRAND: Votre gros projet. Enfin, il va travailler pour lui.

M. LAPORTE: M. le Président, je prierais cette Chambre d'être sérieuse. Le code du travail a été amendé, en 1969, pour éliminer toutes les associations de boutique. On a utilisé un processus légal pour dire que les associations reconnues qui pouvaient théoriquement négocier avec l'employeur, sans que l'employeur ne soit obligé de négocier avec elles, étaient éliminées pour reconnaître les associations accréditées par l'organisme désigné pour le faire.

Quand on l'a amendé, on a oublié qu'il y avait deux associations, qui n'étaient pas des associations de boutique, qui avaient une présence très importante, c'étaient celles de l'Hydro-Québec et la ville de Montréal, les ingénieurs. Elles ont été éliminées, ces deux associations, parce qu'il faut qu'on soit un employé au sens du code du travail, pour être reconnu. Les cadres ne sont pas des employés au sens du code du travail.

On a donc, involontairement, en 1969, éliminé deux associations qui avaient déjà négocié et obtenu des conventions collectives avec la ville de Montréal et avec 1'Hydro. Ce que nous voulons, cette année, c'est simplement dire que les associations des employés de la ville de Montréal et de 1'Hydro sont reconnues au sens du code du travail, celles qui ont négocié, en 1968, des conventions collectives, afin qu'on ne retourne pas ces deux groupes d'employés à la loi de la jungle, qui était celle qui prévalait avant et qui pourrait peut-être faire l'affaire de certaines gens.

L'amendement que nous proposons, c'est que l'Association de la commission hydro-électrique de Québec et celle de la ville de Mont-

réal soient reconnues et soient ensuite, pour toutes leurs négociations, soumises au code du travail.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je dois d'abord dire que nous serons d'accord avec ce bill. J'espère que le ministre du Travail nous sera reconnaissant de cette condescendance à son égard, à l'occasion de ce premier bill.

DES VOIX: Oh! Oh! M. LAPORTE: Oui.

M. BURNS: Cependant, M. le Président, j'aurais quelques très brèves remarques, parce que la présence même de ce bill est un signe de très sérieuses lacunes dans notre droit du travail. Quand je dis de très sérieuses lacunes, je ne le dis pas de façon négative; tout le monde est prêt à admettre que notre législation des relations de travail est jeune, la première loi significative remontant en 1944. D'autre part, je suis également prêt à admettre que nous avons probablement la législation du travail la plus d'avant-garde en Amérique du Nord, celle qui, entre autres, reconnaît le droit de grève aux services publics, celle qui donne un droit d'accréditation aux professionnels, celle qui, aussi, depuis quelque temps, depuis les amendements que le ministre du Travail a mentionnés, a accéléré énormément le processus d'accréditation.

Ici, je ne peux m'empêcher de rendre hommage à l'ancien ministre du Travail, M. Maurice Bellemare, qui, assisté d'un sous-ministre très compétent, que le ministre actuel aura l'occasion d'utiliser sans aucun doute, a réussi à soumettre une législation — les bills 50 et 65 de la dernière Législature — qui a réglé le problème des retards le règlement des problèmes en matière de relations de travail, particulièrement en matière d'accréditation et de discussion des problèmes de congédiement pour activités syndicales.

Cependant c'est une lacune. C'est le voeu que j'exprime. Je demande au ministre du Travail d'être aussi audacieux que son prédécesseur et dans un avenir très rapproché, de penser à une législation du travail pour le syndicalisme des cadres, le syndicalisme relativement nouveau des professionnels, des gens de la direction. Entre autres, on a eu des problèmes très concrets chez les camionneurs artisans.

Je pense qu'il faudra repenser cela le plus tôt possible, dès la prochaine session — c'est le voeu que j'exprime — pour élargir la définition de salarié ou pour nous donner enfin une loi du syndicalisme des cadres. Dans ces circonstances, M. le Président, ce sont les quelques remarques que j'avais à formuler et nous serons d'accord avec le principe de ce bill.

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. BERTRAND: Adopté.

M. LAPORTE: Deuxième lecture, troisième lecture.

M. BURNS: Comité plénier. Troisième lecture, non.

M. LAPORTE: Inutile de dire que je remercie cette Chambre de sa collaboration...

M. BURNS: Comité plénier, M. le Président. M. LAPORTE: Comité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose...

M. LAPORTE: Je reporte mes remerciements à quelques minutes.

M. LE PRESIDENT: ... que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Comité plénier

M. HARDY (président du comité plénier) Bill 36, article 1, adopté?

M. BURNS: Non. Je n'ai pas demandé le comité plénier pour rien, M. le Président. C'est justement relativement à cet article 1, d'ailleurs le seul à part celui mettant en vigueur le bill. Je me pose des questions, M. le Président, relativement aux deux dernières lignes et demie de l'article 1, ou de l'ajouté à l'article 20, ces lignes se lisant « à compter du 1er janvier 1972, ces associations sont soumises aux règles générales alors applicables à l'accréditation » .

Voici la nature des questions que je me pose. Je pense que ce bout de phrase constitue une épée de Damoclès qu'on suspend au-dessus des deux syndicats visés, le syndicat des ingénieurs de l'Hydro et celui de la ville de Montréal.

Je n'ai pas à développer et je ne veux pas critiquer ici en cette Chambre, quoique je ne puisse m'empêcher de le remarquer, le légalisme dont ont fait preuve les deux institutions visées, soit la ville de Montréal et l'Hydro-Québec qui avaient accepté de reconnaître ces deux syndicats d'ingénieurs après une lutte très sérieuse dans un cas, qui avaient négocié de bonne foi après cette lutte, qui avaient accepté de signer une convention collective et qui, maintenant, avec les amendements des deux bills dont on a parlé tantôt, refusent totalement de négocier avec ces deux groupes.

La crainte qui se présente à nos yeux en lisant ce texte, c'est que, comme il n'y a pas actuellement de dispositions législatives relativement au syndicalisme des cadres et comme l'accréditation que cette Chambre s'apprête à donner à ces deux groupes ne vaudrait que jusqu'au 1er janvier 1972, on peut se demander ce qui arrivera de ces deux syndicats si une loi sur le syndicalisme des cadres adoptée aux problèmes de ces deux syndicats d'ingénieurs n'est pas édictée à la date mentionnée, soit au 1er janvier 1972. Pour cette raison, M. le Président, je propose que dans la 3e avant-dernière ligne, tout ce qui suit les mots « commissaire-enquêteur » soient rayé de l'article. Je ne crois pas, en toute humilité, que cela puisse changer quoi que ce soit à l'intention du bill. Cela aurait, d'autre part, l'avantage d'accorder cette sécurité dont ont besoin ces deux syndicats pour le cas où, en 1972, cette Chambre ne se serait pas encore prononcée sur une loi de syndicalisme des cadres protégeant ces employés. D'autre part, troisième avantage, cela nous éviterait, au 1er janvier 1972, devant une nouvelle crise, d'être obligés de légiférer à nouveau dans un texte comme celui-là.

Je propose ça et je pense que ça ne change pas l'intention, et j'insiste sur cela. Si l'intention du gouvernement est vraiment de soumettre, éventuellement, une législation pour le syndicalisme des cadres, à ce moment-là, cet article va devenir complètement désuet, cette loi deviendra désuète et on n'aura pas changé un iota à la situation. Par contre, on n'aura pas placé ces deux syndicats dans une situation d'insécurité dans laquelle ils se trouveraient si on laisse la dernière phrase après le point-virgule en question, que je propose d'enlever tout simplement.

M. LAPORTE: Je vais m'opposer personnellement à l'amendement en posant les règles suivantes. Premièrement, rendre hommage à quelqu'un. Le député de Maisonneuve s'inquiète de l'attitude des patrons dans le problème que nous étudions. Celui qui est venu me demander à moi, ministre du Travail, de proposer le projet de loi qui est devant nous, c'est le président de l'Hydro, M. Giroux. M. Giroux m'a dit ceci, ensuite au premier ministre et au conseil des ministres: Nous avons des projets considérables. Une expansion à venir très intéressante. Nous ne voudrions pas que ces projets viennent se heurter à des discussions oiseuses. Pourquoi ne reconnaîtriez-vous pas, en dépit des amendements qui ont été apportés l'an dernier au code du travail, l'association avec laquelle nous avons déjà négocié? Rendons au moins hommage à M. Giroux, président de l'Hydro, patron.

M. BURNS: Chose que j'ignorais.

M. LAPORTE: Enfin, je vous le dis avec plaisir. On reconnaîtra que M. Giroux n'a pas été nommé par nous, et c'est lui qui est venu demander que ceci soit fait. Première chose, le patron est d'accord pour continuer à négocier. Deuxièmement, nous avons, au ministère du Travail, je ne voudrais pas vendre plus de marchandise qu'il ne faudrait, mais nous avons chez nous, à l'étude, certains projets quant au syndicalisme des cadres. Le député de Maisonneuve étant à la fois un homme renseigné sur ces problèmes et raisonnable, admet que ce n'est pas facile.

M. BURNS: Vous voulez me vendre une idée, là?

M. LAPORTE: Je ne vous prépare pas, je ne vous conditionne pas. Ce sont des choses que je trouve vraies. Vous êtes à la fois renseigné sur les problèmes syndicaux, et raisonnable, j'ai pu l'apprécier depuis le début de la session. Mais ce n'est pas facile. Est-ce que nous aurons réussi, d'ici deux ans, à nous entendre, le conseil des ministres, les syndicalistes, les employeurs, sur une législation, sur le syndicalisme des cadres? Je l'espère. Je n'en suis pas certain parce qu'il y a des écueils considérables qui débordent la province de Québec et qui peuvent intéresser des problèmes canadiens et, que ceci nous plaise ou ne nous plaise pas, des problèmes nord-américains. Si nous avons réussi, d'ici 1972 — et c'est un défi que je me fixe à moi dans le bill — à trouver un texte de loi qui puisse ordonner le syndicalisme des cadres, aucun problème, tout le monde à ce moment-là sera couvert. L'Assemblée nationale sera appelée à décider si nous avons raison ou tort lorsque nous présenterons un projet de loi.

Si nous n'avons pas réussi, d'ici 1972, si Dieu me prête vie et si le premier ministre

me conserve dans le poste que j'occupe, peut-être serai-je encore ministre du Travail, à ce moment-là, disons que je m'engage personnellement à demander la prolongation de cette loi qui est limitée à 1972. Je crois que la ville de Montréal et l'Hydro-Québec ont autre chose à faire que de retourner à la loi de la jungle avec leur syndicat qui inclut certains fonctionnaires des cadres. Je ne vois pas personnellement de problème; 1972, quant au sous-ministre du Travail, au ministre du Travail et à l'équipe avec laquelle j'ai le plaisir d'oeuvrer actuellement, c'est pour nous le défi de tâcher de trouver une solution avant ce moment-là. Si nous ne trouvons pas de solution, il nous sera loisible de revenir devant ce Parlement pour demander une prolongation de ce que nous suggérons aujourd'hui.

M. BURNS: Juste une dernière remarque. M. le Président, d'abord je dois mentionner que J'avais une tout autre version. Je ne mets pas en doute les paroles du ministre du Travail sur l'accord des patrons, mais...

M. LAPORTE: Voulez-vous mettre « les patrons » au singulier?

M. BURNS: Alors, un patron, d'accord. C'est peut-être ça qui m'a lancé sur une autre piste, parce que je connaissais l'attitude, en tout cas, d'un des deux patrons.

D'autre part, Je me pose la question. Je ne veux pas en faire un long débat, je pose simplement cette question-ci: Quels dommages les parties concernées, qui ont un problème, qui viennent nous voir actuellement pour résoudre ce problème-là, souffriraient-elles si nous rayions cette dernière phrase en question? Je vais tout simplement m'attacher à cette notion qu'on appelle la sécurité industrielle, que souvent les patrons allèguent eux-mêmes. Alors, la sécurité industrielle, ce n'est pas quelque chose d'unilatéral. Ce n'est pas quelque chose qui ne marche que dans le sens des patrons. Souvent on est porté à penser que c'est ça parce que la sécurité industrielle ou la paix industrielle, appelons-la comme ça, c'est toujours quelque chose dont les patrons parlent eux-mêmes.

Nous avons, pour une fois, un cas où la paix industrielle concerne les syndicats en question. J'admets, avec le ministre du Travail, que c'est bien qu'il se fixe une date d'échéance, le premier janvier 1972, pour régler le problème du syndicalisme de cadre. Mais, je ne crois pas que ce soit nécessaire d'imposer dans une loi cette échéance que le ministre du Travail se donne à lui-même. Si vous regardez la balance des inconvénients — je ne sais pas si l'ex- pression est très française, mais elle est très courante dans le domaine juridique — je pense qu'entre l'échéance que le ministre du Travail se fixe, d'une part, et cette sécurité ou cette paix industrielle dont les syndicats devraient jouir, il faut nécessairement pencher du côté de cette sécurité industrielle. La date du premier janvier 1972, c'est une date qui est complètement en l'air, sauf le fait, que le ministre du Travail mentionnait, de l'échéance qu'il se donnait.

D'ici le 1er janvier 1972, il est fort possible que vous ayez une convention collective qui empiète sur cette date, donc qu'au moment du premier janvier 1972 vous n'ayez plus pour ce groupe-là, qui va recommencer à négocier grâce à cette loi, de convention collective. Parce qu'après cela on retombe dans les lois applicables au code du travail et donc c'est un syndicat reconnu comme les autres. On vient Juste de le faire. Evidemment, le ministre dit qu'il est prêt à s'engager à renouveler cette loi. Il reste quand même, malgré la promesse formelle du ministre, qu'on place les deux syndicats en question et peut-être les patrons jusqu'à un certain point, malgré que ce soient eux qui ont le haut du pavé dans une situation comme celle-là, on place, dis-je, les deux syndicats dans une situation d'insécurité ou de « non-paix » industrielle...

M. LAPORTE: Je n'ai pas de...

M. BURNS: ... si on n'enlève pas ce délai-là. Ce n'est que cela que j'avais à dire.

M. LAPORTE: Si le député veut juger de la situation, nous avons aujourd'hui le code du travail qui couvre tout le monde, qui, à l'occasion des amendements de 1969, a fait disparaître un grand nombre d'associations de boutique. Il en reste deux. Je ne les appelle pas, loin de ma pensée, associations de boutique, mais il reste deux excroissances qui sont en dehors du code du travail. Ce sont les associations de l'Hydro-Québec et de la ville de Montréal. Je ne souhaiterais pas, personnellement, que ces deux associations, aussi bien pour elles, pour la partie patronale que pour nous du ministère, aient l'impression que ça puisse durer au-delà de 1972. Ce sont les deux dernières exceptions qui sortent du code du travail. Je ne veux pas que qui que ce soit ait l'impression que c'est la pérennité.

M. BURNS: Je veux tout simplement mentionner au ministre du Travail qu'il en existe d'autres de ce genre, des syndicats de bonne foi, appelons-les comme ça, c'est-à-dire pas des « syndicats de boutique ». Il en existe d'autres,

entre autres — et je ne veux pas le mentionner en cette Chambre — un syndicat qui vient de renouveler sa convention collective, qui est placé dans à peu près la même situation que ces deux syndicats-là, mais l'employeur a accepté et les relations sont parfaites.

Alors, c'est pour ça que nous n'avons pas un troisième syndicat visé par cette loi. Il y en a d'autres également. Mais, c'est uniquement ce délai que je considère purement factice, sinon la raison que le ministre a mentionnée...

M. LAPORTE: Si le député veut me le permettre, disons que, sans arrogance...

M. BURNS: Non, non. C'est sans arrogance.

M. LAPORTE: ... en toute bonne foi de part et d'autre, nous ne sommes pas disposés, pour l'instant, à aller au-delà de 1972. En effet, il y a deux façons de régler le problème: ou bien nous aurons, à ce moment-là, ce que j'espère, mais ce à quoi je ne m'engage pas, le syndicalisme des cadres ou, alors, nous proposerons que le délai de 1972 soit prolongé.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté.

Article 2?

M. BURNS: M. le Président, j'aimerais bien qu'on...

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté sur division?

M. BURNS: ... prenne note du fait que c'est mon amendement qui a été rejeté.

M. LAPORTE: Oui, oui. D'ailleurs, étant donné que nous avons maintenant le journal des Débats, d'accord.

M. BURNS: Sur division, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'amendement du député de Maisonneuve est rejeté et l'article 1 est adopté sur division.

Article 2, adopté?

M. LAPORTE: Adopté.

M. HARDY (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a examiné le bill 36 et l'a adopté sans amendement.

M. LAVOIE (président): Troisième lecture?

3e lecture

M. LAPORTE: Troisième lecture de ce projet de loi?

M. BURNS: M. le Président, nous allons voter en faveur de la troisième lecture parce qu'il reste, quand même, que le principe qui est là, plus l'engagement du ministre du Travail, à mon avis, sont satisfaisants, au moins, en ce qui concerne, moi, député de Maisonneuve. Mais je pensais à d'autres choses qu'au député de Maisonneuve en faisant l'amendement. Nous voterons en faveur.

M. LAPORTE: J'espère que cela vous fera plaisir que cela me fasse plaisir, votre vote en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

DES VOIX: Adopté.

M. LAPORTE: L'article 9, pour M.Tessier.

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire, pour le ministre des Affaires municipales, propose la deuxième lecture du projet de loi numéro 37, Loi modifiant la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

UNE VOIX: Adopté.

Communauté urbaine de Montréal

M. LAPORTE: M. le Président, très brièvement, en deuxième lecture, nous proposons d'amender la Loi de la Communauté urbaine de Montréal afin que le comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal se compose, à l'avenir, de treize membres; que le président, pour le premier mandat, soit nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil et qu'une fois le mandat de quatre années terminé nous revenions à la procédure actuellement acquise, c'est-à-dire que le président soit nommé par la communauté urbaine elle-même, mais pas nécessairement parmi les membres élus de la communauté urbaine.

Nous proposons également, en amendement, que le vice-président du conseil soit ou bien représentant de la ville de Montréal si le président de la communauté urbaine a domicile dans une autre ville que la ville de Montréal et, s'il arrivait que le président soit domicilié dans la ville de Montréal, que le vice-président soit né-

cessairement un membre d'une des municipalités qui ne sont pas de la ville de Montréal, mais qui sont membres de la communauté urbaine. M. le Président, c'est là l'essentiel de ce que nous suggérons. J'ai l'impression que cette Chambre pourrait être disposée, après un débat plus ou moins long, à voter ce bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. BERTRAND: M. le Président, nous apportons, cette année, des amendements à une loi qui a fait l'objet d'une étude passablement longue et approfondie, alors que mon collègue, l'ancien ministre du Travail, le Dr Robert Lussier, était titulaire du ministère des Affaires municipales.

Je n'ai pas besoin de dire que ce projet de loi, d'après nous, arrivait à son heure, à l'époque, qu'il répondait à des demandes formulées, depuis très longtemps, par les citoyens du Montréal métropolitain. Cette année, sans aucun doute, c'est devant l'opinion publique, à cause de celui qui occupe le poste de président, M. Saulnier, nous devons revenir avec des amendements pour régler un problème qui s'est posé à la suite d'une demande formulée par la communauté urbaine, apparemment, savoir: l'adoption d'une résolution demandant que M. Saulnier puisse demeurer président de la Communauté urbaine de Montréal, même s'il ne se représente pas au poste de président de l'exécutif de la ville de Montréal.

Pour l'édification de ceux qui s'intéresseront à l'avenir à ce problème, et pour montrer comment des hommes peuvent changer d'idée, on n'aura qu'à relire le journal des Débats de l'époque — je n'ai pas l'intention d'en donner lecture, mais je renvoie ceux qui voudront se documenter à l'index de la session de 1969, à la page 148, relativement au projet de loi 75 — et on pourra, par la suite, consulter le journal des Débats et voir les opinions qui s'étaient exprimées. Il y en avait qui, à ce moment-la, demandaient que ce président soit élu au suffrage universel. Il y en avait d'autres qui proposaient qu'il soit nommé directement par le lieutenant-gouverneur en conseil. Et d'autres, et cela a été le projet qui a été accepté, proposaient qu'il soit nommé par la communauté urbaine elle-même.

Alors l'opinion qui avait prévalu, à la suite même des recommandations qui avaient été faites, à ce moment-là, par les autorités de la ville de Montréal, c'était que le président soit nommé ou élu parmi les représentants de la communauté urbaine, parmi ceux qui étaient élus pour représenter la ville de Montréal et les différentes autres municipalités.

Nous comprenons les circonstances très spéciales qui entourent l'adoption ou la présentation du projet de loi qui nous est soumis. Nous acceptons le projet de loi. Nous l'acceptons d'autant plus qu'on apporte des amendements pour dire que le mandat de celui qui sera nommé par le lieutenant-gouverneur ne pourra être renouvelé. C'est bien la teneur de l'amendement ou d'un des amendements qui est proposé au projet de loi qui nous est soumis.

Alors, dans les circonstances, au nom de l'Opposition, il y aura des remarques également par mon collègue, le député de Bagot, au nom de l'Opposition, nous acceptons le projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, si vous me permettez, si le gouvernement n'avait pas apporté les amendements que je viens de lire en dernière heure, j'aurais été placé dans une situation inverse de celle où j'étais à l'occasion du projet de loi no 1. Même si le règlement ne me permet pas de recommencer un débat sur un projet déjà adopté, je n'ai pas l'intention de le faire, on me permettra simplement de rappeler qu'à ce moment-là, je cherchais le principe du projet de loi. Au contraire, ce projet de loi que nous avons maintenant devant nous, dans sa première version non amendée, donnait un principe, alors qu'il s'agissait d'un cas particulier. C'était tout à fait l'inverse du projet 1. J'étais donc, pour les mêmes raisons, mais à l'inverse, situé devant un cas de conscience difficile à résoudre. C'est-à-dire que, pour régler une situation particulière dans une conjoncture donnée, on adoptait un principe qui engageait l'avenir jusqu'à une prochaine législation qui viendrait à nouveau amender la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

D'autant plus que ce qui m'avait frappé, c'est que nos honorables amis ministériels d'aujourd'hui, qui étaient à ces banquettes il y a quelques mois, au sujet de ce même projet de loi sur la Communauté urbaine et au sujet du projet de loi no 62 sur la réorganisation scolaire de Montréal, avaient tenu des propos tellement loin de ce qu'ils nous proposent, où l'on nous accusait nous, alors du gouvernement, d'être contre la démocratie et de vouloir imposer par notre choix, grâce au ministère des décisions prises par ce qu'on appelle, dans une phrase de style, le lieutenant-gouverneur en conseil, que je me sentais donc fort mal pris. Je constatais une fois de plus comment les avatars, au sens français du terme comme l'emploiraient l'ancien ministre des Affaires cul-

turelles et le nouveau, sont tels que les vérités semblent évoluer selon les côtés où l'on se trouve en cette Chambre.

Donc, je ne puis qu'être satisfait de cet amendement qui fait de cette loi une exception particulière dans un cas particulier. Ceci ne résout pas tous les problèmes qui peuvent demeurer au sujet de la Communauté urbaine de Montréal. Je pense qu'après le chef de l'Opposition officielle, qui a lui-même constaté des phénomènes semblables, je puis admettre que nous, quand nous étions du gouvernement, avions fait le projet de loi du mieux que nous pouvions alors, mais qu'il n'était certainement pas idéal. Il n'avait pas subi l'épreuve du temps, mais il ne fallait pas que l'Opposition d'alors, devenue le gouvernement, vienne défaire ce qu'il y avait de bien, en particulier au sujet du choix du président de cet exécutif de la Communauté urbaine de Montréal.

Si cet amendement n'avait pas été apporté, en particulier à l'article 7, j'aurais été tellement mal pris que je pense que j'aurais avisé mes collègues des difficultés de résoudre ce cas de conscience. Maintenant que cet amendement est apporté, de même que le chef de l'Opposition officielle l'a dit, je voterai en faveur de ce projet de loi pour cette raison.

M. BOURASSA: M. le Président, si le député de Rouyn-Noranda me le permet, je voudrais simplement faire remarquer au député de Bagot, qui dit que c'est pour un cas particulier, que dans au moins six communautés urbaines, Hull, Toronto, Winnipeg, Niagara, Ottawa et Carleton, le président, pour le premier terme, est nommé pour une période de quatre ans.

M. CARDINAL: D'accord. C'est pourquoi, si on me permet, M. le Président, de répondre au premier ministre, je dirai que c'est exactement parce qu'on le fait pour le premier terme que je l'accepte. Je me rappelle que dans le cas de Hull, l'Opposition d'alors avait quelques doutes. Evidemment, Toronto étant dans un pays étranger, je ne me prononcerai pas.

M. BERTRAND: J'ai dit tantôt qu'en Usant le Journal des Débats, on peut réaliser la vérité de l'adage que, quand on change de côté, parfois on n'a plus les opinions qu'on avait de l'autre côté...

M. LAPORTE: Mais quand on change de province?

M. BERTRAND: A ce moment-là, l'ancien chef de l'Opposition, M. Lesage, disait: Je ne vois pas pourquoi le président de l'Exécutif serait nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Parce que pour lui, c'était un véritable scandale, c'était un péché contre les principes fondamentaux de la démocratie. Le premier ministre aura intérêt...

M. BOURASSA: D'accord.

M. BERTRAND: ... il n'a pas besoin de regarder l'heure, il n'est pas tard — à relire les propos de son ancien chef.

M. LAPORTE: It is later than you think.

M. BERTRAND: Il n'est pas tard, nous sommes ici pour la nuit.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de... M. PAUL: Votre siège!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, en écoutant les honorables députés parler, je me compte un peu comme chanceux de ne pas avoir siégé avant aujourd'hui; je ne suis pas obligé de fouiller dans les Débats.

Simplement quelques remarques, M. le Président. C'est que nous serons évidemment en faveur, pour les raisons qui ont été énoncées, justement par nos collègues de l'Union Nationale...

M. BERTRAND: Pour une fois.

M. SAMSON: C'est probablement dû au fait que la fin de la session est proche et que je m'en voudrais de finir cette session sans être réconcilié avec ces honorables députés.

On dit que le président de la communauté urbaine sera nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil et que son mandat ne peut être renouvelé. Si on avait dit, dans le bill, que ce serait indéfini, c'est possible que nous aurions pensé autrement, mais, comme c'est présenté de façon assez claire et précise, nous serons d'accord avec les honorables membres de l'Opposition et du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, nous connaissons tous les circonstances particulières qui

amènent le gouvernement à présenter ce projet de loi. Nous en avons entendu parler dans les journaux et nous savons très bien que, n'eussent été ces circonstances particulières, jamais le gouvernement ne nous aurait présenté ce projet de loi. Nous le regrettons, en un sens, parce qu'il nous semble que la Législature n'est pas ici pour régler des cas particuliers, mais pour établir des principes d'ordre général qui doivent s'appliquer dans toutes les situations.

Il reste, cependant, que nous nous félicitons que ces circonstances particulières aient amené le gouvernement à amender la Loi de la communauté urbaine en ce qui concerne le choix de son président du comité exécutif. En effet, cette Loi de la communauté urbaine, à l'usage — un usage qui n'a pas eu le temps encore de se prolonger beaucoup — nous en a quand même montré quelques défauts.

En ce qui concerne la Communauté urbaine de Montréal en particulier, le grand défaut qui n'a pas pris de temps à se révéler, c'est que le double mandat de président du conseil exécutif de la plus grande ville du Québec et de président du conseil exécutif de la plus grande agglomération urbaine du Québec était véritablement impossible à cumuler. Ce cumul était au-dessus des forces de tout homme, quelque génial qu'il soit. Encore une fois, n'eussent été ces circonstances particulières, peut-être aurait-il fallu de longues années avant que le gouvernement s'en aperçut.

Nous nous réjouissons donc que l'occasion nous soit donnée de critiquer cette ancienne Loi de la Communauté urbaine de Montréal et de nous opposer à ce double mandat pour la plus grande agglomération du Québec et peut-être, également, pour toute agglomération urbaine, quelle qu'elle soit. En ce qui concerne Montréal, il est évident que ce cumul de fonctions était trop lourd pour les épaules d'un seul homme. Il y a également un autre obstacle, un autre inconvénient à ce cumul des fonctions. Il serait devenu de plus en plus évident que cette double position de président d'un comité exécutif d'une grande ville et de président exécutif d'une communauté urbaine peut facilement amener des conflits d'intérêts. En effet, il n'est pas facile, pour un président de comité exécutif d'agglomération urbaine, de toujours choisir en fonction du bien de la communauté urbaine quand, durant de si longues années, il a été élu pour gérer les biens d'une ville particulière.

Donc, pour ces deux raisons: cumul trop lourd de fonctions et menace ou risque de conflit d'intérêts, nous nous opposons au double mandat et nous sommes heureux que le gouvernement présente ce projet de loi qui, bien que d'une façon circonstancielle, a pour but de corriger un article du projet de loi qui nous semblait dangereux.

Par ailleurs, nous sommes également d'avis qu'il n'est pas bon que le président du comité exécutif de l'agglomération urbaine de Montréal soit élu au suffrage universeL Nous sommes opposés à cette solution pour deux raisons. D'abord, une raison pratique. Il serait, premièrement, impossible de mettre en place, pour l'élection d'octobre, les mécanismes compliqués qui permettraient à ce suffrage universel d'être tenu selon les règles de la démocratie.

Il est sûr que ces mécanismes seraient très longs à mettre en branle, exigeraient également des dépenses assez considérables. Nous ne pensons pas que, dans les quelques mois qui nous séparent de la prochaine élection de Montréal, il soit possible d'élire au suffrage universel le président de cette commission.

Mais, il y a un autre danger, et le gouvernement, prenant les avis judicieux d'experts, de spécialistes qui ont examiné la situation d'autres agglomérations urbaines, s'en est rendu compte, et là nous partageons son avis. Il serait peut-être dangereux de créer, au niveau de l'agglomération urbaine de Montréal, une sorte de gouvernement qui ne serait plus un gouvernement municipal, sans être tout à fait un gouvernement provincial, mais qui pourrait facilement, on ne sait jamais, si les récriminations de quelques Montréalais continuent de s'accumuler, donner lieu peut-être un jour à des réclamations pour la création d'une onzième province au pays ou d'un mini-Etat au Québec, Et en ce sens, nous sommes d'accord avec le gouvernement qui a rejeté cette solution de l'élection au suffrage universel du président du comité exécutif de l'agglomération métropolitaine de Montréal.

Par ailleurs, M. le Président, nous sommes malgré tout contre la mesure qu'entend prendre le gouvernement pour changer, pour pallier cette situation du double mandat. Il nous semble, en effet, qu'il ne convient pas que ce soit le gouvernement du Québec qui nomme le président que nous avons ce soir nous savons maintenant que ce serait seulement pour un mandat. Cela atténue beaucoup la portée des critiques que nous voulions faire au projet, mais il reste quand même que le principe demeure: Le gouvernement entend s'arroger le droit, ne serait-ce que pour un mandat de nommer le président du comité exécutif de l'agglomération urbaine de Montréal et cela nous semble dangereux.

En effet, M. le député de Missisquoi rappelait tout à l'heure les paroles de l'ancien chef du gouvernement libéral, M. Jean Lesage, qui s'opposait à cette mesure. Il ne nous a pas donné

tous les arguments de M. Jean Lesage, mais il me semble que, si le député de Missisquoi nous avait donné tous ces arguments, le principal aurait été le suivant: Il revient au seul gouvernement du Québec, puisque au fond les gouvernements municipaux ne sont que des émanations du gouvernement québécois, de définir les pouvoirs des municipalités. Il le fait constamment, d'abord par des lois organiques, ensuite par des amendements qu'il apporte de temps à autre à la Loi des cités et villes. Il lui revient exclusivement de définir les pouvoirs, mais non pas de se mêler de choisir les hommes qui vont présider aux destinées de ces villes.

C'est là un principe très dangereux. Le gouvernement a le devoir, bien sûr, lorsqu'une situation d'urgence se développe dans certaines municipalités, de déléguer des administrateurs qui peuvent à l'occasion prendre en tutelle certaines municipalités, mais on sait que c'est une situation d'urgence, une situation exceptionnelle. Là, au nom de l'intérêt public, le gouvernement est parfaitement justifié d'intervenir pour changer des hommes, mais c'est une situation d'exception, encore une fois, qui ne devrait pas être érigée à l'état de principe. C'est là précisément un des dangers du projet de loi que nous étudions ce soir, qu'un précédent soit créé, que le gouvernement prenne l'habitude de choisir, ne serait-ce que pour un terme limité, déterminé, les hommes qui vont présider aux destinés de quelque chose d'aussi important qu'une communauté urbaine.

Et à ce titre, M. le Président, même si l'amendement apporté par le gouvernement vient limiter la portée de la critique que nous faisons, nous continuons quand même à presser le gouvernement de changer d'avis là-dessus, afin que ceci ne soit pas interprété comme une sorte d'abus de pouvoir de la part du gouvernement québécois, afin que ceci ne soit pas interprété comme une intrusion dangereuse pour l'avenir dans les affaires d'une agglomération ou d'une ville et que ceci ne risque pas d'entacher des principes essentiels de démocratie en vertu desquels les citoyens doivent eux-mêmes choisir ceux qui président à leur destinée.

Ce que nous avons proposé plus tôt — et nous le proposerons en troisième lecture — c'est un amendement qui, tout en amenant pratiquement les mêmes résultats auxquels le gouvernement veut aboutir, changerait quand même les modalités selon lesquelles ce résultat serait atteint.

En somme, le sens de notre amendement serait de faire nommer, bien sûr, comme le gouvernement l'entend, le président du comité exécutif de l'agglomération métropolitaine par les membres actuels du comité exécutif de l'agglo- mération urbaine. Après tout, la majorité au sein de ce comité exécutif est déjà assurée à une certaine ville qui a des idées très précises sur le candidat qui devrait présider à cette commission et il n'y aurait guère de danger que les résultats soient changés. Mais par ailleurs, ceci donnerait la satisfaction, je crois, aux membres de cet exécutif de choisir eux-mêmes, eux qui ont été délégués pour ce faire par leur population, celui qui devrait présider à leurs travaux.

Ceci aurait un grand avantage. Non seulement ceci respecterait les principes de la démocratie; non seulement ceci serait conforme aux vues de l'ancien premier ministre libéral — et ici je me plais à reconnaître l'étendue de sa science et de sa compétence, surtout en ces matières de droit civil — mais ceci aurait beaucoup d'autres avantages également. Nous ne savons pas ce que deviendra cette Communauté urbaine de Montréal. Nous ne savons pas de quelle façon elle évoluera. Nous l'avons vue, par exemple, s'emparer actuellement et a bon droit des services de police afin d'amener une sorte d'uniformisation des services, afin d'amener une plus grande efficacité. Bientôt, nous la verrons probablement s'occuper d'autres problèmes d'intérêt commun pour toutes les municipalités de l'île, peut-être, par exemple, les problèmes d'urbanisme, les problèmes de transport. Il peut arriver un moment où le comité exécutif de cette agglomération urbaine sera peut-être plus puissant que les autorités respectives de chacune des cités et villes et à ce moment-là, le gouvernement du Québec se trouvera peut-être en face d'un pouvoir dont il aura intérêt à modérer les impatiences, modérer le pouvoir, également, car nous savons que le pouvoir galvanise facilement les énergies, et plus on en a, plus on en veut avoir. Peut-être qu'il serait sage de laisser évoluer cette Communauté urbaine de Montréal avant de voir quels sont les pouvoirs qui seront les siens, quels sont peut-être les dangers qu'ils pourront faire courir à certaines de nos institutions démocratiques dont le gouvernement québécois.

En plus, cela nous permettra peut-être, dans l'intervalle de ces quatre années, de reprendre la question de la composition de l'exécutif de la communauté urbaine, des modes d'élection du président de l'exécutif. Nous avons étudié trois ou quatre modèles jusqu'à présent. Aucun n'a semblé être tout à fait satisfaisant. En moins de quelques mois, nous avons évolué, nous avons proposé d'autres formules. Est-ce qu'il ne serait pas sage, à la lumière de l'expérience, de prendre une solution qui nous permettrait de continuer l'étude de ce problème et peut-être d'en arriver à une solution qui serait meilleure

que toutes celles que nous avons proposées jusqu'ici, justement parce qu'elle s'appuierait sur une meilleure connaissance des principes et des faits et qu'elle s'appuierait en même temps sur l'expérience? Donc, en conséquence, nous appuierons, bien sûr, le principe de cette loi, mais nous nous réservons de proposer en troisième lecture ou en comité plénier l'amendement dont je parlais afin que le gouvernement puisse, peut-être pour une fois, profiter des idées que peuvent avoir certains partis d'opposition pour le plus grand profit des citoyens de Montréal et de la région métropolitaine.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader de l'Opposition propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude de ce bill. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Comité plénier

M. HARVEY (Chauveau) (président du comité plénier): Bill 37, article 1.

M. TESSIER: M. le Président, avant d'étudier en comité les articles, je voudrais produire ici des amendements aux articles 1, 7 et 13.

M. BOURASSA: A l'article 1, le deuxième alinéa de l'article 7 de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal édicté par cet article 1 du bill est remplacé par le suivant... Je pense que le chef de l'Opposition, le chef parlementaire du PQ et le chef du Ralliement créditiste ont les amendements.

M. PAUL: Nous les avons. UNE VOIX: Nous les avons.

M. BOURASSA: « Le président est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Son mandat ne peut être renouvelé. »

D'accord? Adopté?

M. LAPORTE: Adopté.

M. PAUL: Adopté, M. le Président.

M. BURNS: Non, non.

M. BOURASSA: Article 2?

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Article 2.

M. BURNS: Un instant. Tel que l'a mentionné le député de Bourget il y a quelques minutes, l'amendement...

M. BOURASSA: C'est à l'article 7, son amendement.

M. BURNS: Ah, excusez-moi! On n'est pas à l'article 1, M. le Président?

M. BOURASSA: Non, non.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Nous sommes...

M. BOURASSA: Il me semble que l'amendement du député de Bourget est pour l'article 7.

M. BURNS: Non, non, à l'article 1. M. BERTRAND: C'est à l'article 1...

M. BOURASSA: D'accord. On a écouté avec attention les propos du député de Bourget, mais, on préfère sans vouloir prolonger le débat, s'en tenir à notre amendement.

M. BURNS: Bien, je vois ça. C'est d'ailleurs l'habitude du gouvernement.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Alors, si j'ai bien compris...

M. BURNS: Je n'ajouterai pas tellement à ce que le député de Bourget a mentionné, sauf que j'aimerais expliquer, maintenant que le gouvernement a produit un amendement, pourquoi nous aurions préféré un amendement permettant d'abord, pour cette fois-ci, étant donné que nous avons quatre ans pour y penser, étant donné également que la Communauté urbaine de Montréal est relativement nouvelle, et nous aurions durant ces quatre ans-là le temps de repenser à ce problème...

M. BOURASSA: On va y repenser, nous aussi.

M. BURNS: Oui, vous allez y repenser,

sauf qu'en attendant cela va être le lieutenant-gouverneur en conseil qui va continuer à le nommer pour ces quatre ans.

M. BOURASSA: Il est nommé pour quatre ans.

M. BURNS: Nous considérons qu'il aurait été infiniment préférable et beaucoup plus normal que ce soit le conseil ou le comité exécutif lui-même qui nomme ce représentant. D'autre part, nous admettons les difficultés que peut comporter le problème du double mandat, si on pense à une charge dans une ville comme Montréal, tenue conjointement avec celle du comité exécutif de la Communauté urbaine; c'est évident que c'est une charge très lourde.

D'autre part, nous considérons que le président du comité exécutif de la communauté urbaine, s'il avait été nommé par le comité exécutif lui-même, cela respecterait davantage les principes qui président à cette délégation de pouvoirs que le gouvernement fait en matière de municipalités.

Alors, pour cette raison, nous voterons contre cet amendement. Evidemment, comme le chef parlementaire le dit toujours sans arrogance, vous savez évidemment que cet amendement sera adopté et que le nôtre ne le sera pas. Il reste quand même que nous voterons contre cet amendement pour les raisons que je mentionnais.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Si j'ai bien compris, l'article 1 est adopté sur division.

M. LAPORTE: Sur division, mais avec l'amendement...

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Avec l'amendement proposé: Le président est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil...

M. BURNS: Simplement une question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Je vous en prie.

M. BURNS: Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire exactement pourquoi il considère cet amendement comme étant une amélioration à la situation, telle qu'il l'avait présenté dans le bill 37 à l'article 1?

M. BOURASSA: Vous voulez dire que...

M. BURNS: Je voudrais savoir...

M. BOURASSA: ... ce ne soit pas renouvelé?

M. BURNS: Non, je veux dire que l'amendement que le gouvernement propose, en quoi cela améliore-t-il ce bill?

M. BOURASSA: C'est-à-dire... M. BURNS: C'est déjà...

M. BOURASSA: ... soit que cela l'améliore, soit que cela le rende plus clair. C'est que la nomination par le lieutenant-gouverneur en conseil ne peut pas être renouvelée. Le député de Bagot a exprimé tantôt à plusieurs reprises les raisons pour lesquelles il a été réticent à adopter le bill, tel qu'il était exprimé dans sa première version...

Nous avons décidé qu'il était plus clair d'arriver avec cet amendement.

M. LAURIN: M. le Président, j'ai présenté une argumentation au gouvernement libéral. Il se contente de dire, d'une façon très brutale: Nous sommes contre, mais il ne répond pas du tout par une contre-argumentation. Après tout, si les lois de la logique, de la raison et de l'intelligence devaient triompher, il me semble que le gouvernement devrait, au moins, se donner la peine de donner les raisons pour lesquelles il pense que son amendement est préférable au nôtre.

M. BOURASSA: M. le Président, nous proposons notre propre amendement qui constitue la réponse à l'amendement dudéputé de Bourget.

M. LAURIN: Ce n'est pas une réponse; c'est simplement un énoncé de phrase sans aucune raison qui le sous-tende. Vous ne nous avez donné aucune des raisons qui pourraient laisser croire à cette Chambre que votre amendement est meilleur.

M. BOURASSA: M. le Président, c'est notre réponse.

M. LE PRESIDENT (Harvey-Chauveau): Si j'ai bien compris, l'article est adopté sur division.

M. BURNS: Ah non! Une minute, M. le Président. Est-ce que je peux, quand même, faire une dernière remarque là-dessus?

M. LE PRESIDENT (Harvey-Chauveau): Je pense que vous avez parlé suffisamment sur la question.

M. LESSARD: M. le Président, il n'appartient pas au président de ce comité de déterminer si le député...

M. LAPORTE: Bon, si vous voulez vous... UNE VOIX: Oui, c'est au président. DES VOIX: Ah! Ah!

M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement faire remarquer que l'amendement présenté par le gouvernement ne change strictement rien à ce qu'il proposait. En pratique, cela ne change strictement rien. Ce que l'amendement veut dire, tout simplement, c'est que, d'ici quatre ans, le gouvernement devra revoir la formule.

M. LAPORTE: Si vous analysez les articles les uns avec les autres, cela veut dire que, pour le premier mandat, comme ce fut le cas à Toronto, comme ce fut le cas à Winnipeg, comme ce fut le cas à Carleton, comme ce fut le cas a Niagara, c'est le gouvernement qui va nommer le président. Vous avez une institution neuve et, au lieu de nommer une personne qui soit directement représentante d'une municipalité, vous avez quelqu'un qui peut coiffer le tout. Une fois que ceci s'est fait pendant quantre ans, il est possible d'imaginer que, la période de rodage étant terminée, la communauté urbaine peut élire son propre président de façon beaucoup plus sereine. C'est ce qu'on dit. Mais si vous analysez tous les articles les uns avec les autres, cela veut dire que, la première fois, le conseil de ministres le nomme et que la deuxième fois, le président sera élu par la communauté urbaine. C'est ce que cela veut dire, si vous analysez les articles les uns avec les autres.

M. BURNS: M. le Président, j'aimerais savoir en quoi c'est tellement préférable que, pour cette fois-ci, ce ne soient pas, justement, les personnes qui sont élues par chacune des municipalités et déléguées à ce comité exécutif qui puissent s'exprimer librement. En quoi est-ce préférable que ce soit le lieutenant-gouverneur en conseil, plutôt que ces gens à qui le gouvernement de la province a délégué des pouvoirs, dans chacune des municipalités, de se faire élire et, ensuite, de s'exprimer? En quoi est-ce préférable? Je ne le vois vraiment pas.

M. LAPORTE: Pour les mêmes raisons que, partout ailleurs au Canada, on a jugé que, pour commencer, pour mettre la chose en marche, il était normal que ce soit l'Etat central ou le gouvernement de la province qui nomme le premier administrateur qui puisse, comma je l'ai dit tantôt, être au-dessus et coiffer tout le monde.

M. BURNS: M. le Président, à part de suivre le reste du Canada sur une affaire comme cela, en quoi a-t-il été jugé très profitable, dans les autres endroits, de procéder de cette façon? Moi, cela ne me satisfait pas.

M. LAPORTE: Quant à l'argument de suivre le Canada, en avez-vous un autre pour l'infirmer? Cela a été jugé bon partout. Est-ce que cela devient mauvais parce qu'il y en a déjà dix qui l'ont trouvé bon?

M. LAURIN: A quels endroits? Pourriez-vous nous les nommer?

M. LAPORTE: Toronto, Winnipeg, Niagara, Carleton, près d'Ottawa, cela fait quatre, Hull.

M. LAURIN: M. le Président, je ne suis pas du tout d'accord que cela a été jugé tellement bon à Toronto parce que, moi aussi, je lis en anglais quand même. Et j'ai lu beaucoup d'articles contre le mode de nomination du président de Toronto.

M. LAPORTE: M. le Président, d'abord cela m'étonne beaucoup que le député puisse lire en anglais.

M. LAURIN: Couramment à part cela. Et je parle couramment.

M. LAPORTE: Deuxièmement, nous avons consulté, disons, l'un des experts les plus dégagés, ni un libéral, ni un unioniste, ni même un séparatiste. Il s'agit de M. Carl Goldenberg qui juge que ce qui a été fait ailleurs est une formule acceptable, qui a donné de bons résultats et qui pourrait être rentable ici.

M. BURNS: M. le Président, si je comprends bien, c'est M. Goldenberg qui décide de la législation au Québec.

M. LAPORTE: De la même façon que, quand M. Burns était conseiller de la CSN, ce n'était pas lui qui décidait, mais il donnai!: de très bons conseils.

M. BURNS: M. le Président, sur un point

d'ordre. Je ne vois pas comment je devrais être nommé dans cette Chambre par le leader parlementaire.

M. LAPORTE; Alors que le député de Maisonneuve était M. Burns, il lui arrivait de donner...

M. BURNS: Il l'est encore, M. le Président.

M. LAPORTE: ... certains conseils, mais jamais il ne va prétendre que c'est lui qui décidait.

M. BOURASSA: M. le Président, je réfère le député de Maisonneuve aux propos mêmes du député de Bourget qui, durant son exposé, a dit que, sur la question du suffrage universel, on avait bien fait de suivre l'avis de M.Goldenberg.

M. LAURIN: Mais c'est précisément cela, M. le premier ministre. M. Goldenberg s'est prononcé contre une formule, mais il s'est pas du tout prononcé pour la formule qui est inscrite ici.

M. BOURASSA: Oui.

M. LAURIN: Du moins, les journaux n'en ont pas fait état.

M. BOURASSA: Bien oui, mais les journaux ne peuvent pas faire état de tout ce que font les experts.

M. LAURIN: D'ailleurs, même s'ils en avaient fait état, je reste encore avec ma question. J'ai présenté une argumentation et tout ce qu'on m'a répondu, c'est une affirmation de fait: Nous sommes 72, nous allons vous battre, mais nous n'avons pas besoin de présenter une contre-argumentation.

M. BOURASSA: M. le Président, je l'ai signalé tantôt, nous jugeons que, pour le premier mandat, il est préférable que ce soit le lieutenant-gouverneur en conseil ou le gouvernement qui le nomme. Par la suite, cela pourrait être la communauté urbaine, mais il y a une période de transition qui est nécessaire.

M. LAURIN: Mais, est-ce que cette période ne serait pas aussi bien assurée si les membres actuels du conseil exécutif, qui savent très bien où ils veulent aller, en arrivaient au même résultat que le gouvernement ambitionne par une méthode différente qui respecterait davantage les principes démocratiques?

M. BOURASSA: Oui, mais les membres ont déjà exprimé leur point de vue et nous croyons que notre méthode est préférable, bien humblement.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Alors, article 1, adopté.

M. LAURIN: Sur quoi votons-nous, M. le Président? Est-ce que nous votons sur le sous-amendement à l'amendement?

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Non, nous votons sur l'article 1.

M. BURNS: Sur division, M. le Président. M. LAPORTE: Sur division, très bien.

M. BOURASSA: Nous votons sur l'article 1, tel qu'amendé par le ministre des Affaires municipales...

M. LAPORTE: Sur division.

M. BOURASSA: ...ou par le premier ministre.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Article 2?

M. BOURASSA: Adopté.

M. LAPORTE: Article 2, adopté.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Article 3? Adopté. Article 4? Adopté. Article 5? Adopté. Article 6? Adopté. A l'article 7, il y a un amendement. Article 23. A l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant permettre à M. le ministre d'exprimer les...

M. LESSARD: Est-ce qu'il y a un ministre des Affaires municipales? Qui est ministre? On demande si le ministre des Affaires municipales est parti pour Ottawa.

M. LAPORTE: Est parti pour où? M. LESSARD: Pour Ottawa?

M. LAPORTE: Non, pas plus que vous, vous n'êtes parti pour la gloire.

M. LESSARD: J'ai l'impression que le parti au pouvoir a hâte de partir ce soir aussi.

M. TESSIER: Je crois que tout le monde a eu des copies des amendements.

UNE VOIX: Est-ce qu'on peut l'expliquer? M. DEMERS: Cela amende quoi, ça?

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): A l'ordre!

M. TESSIER: L'article 7 a été amendé. Vous avez eu des copies. Alors, l'article 23 se lira désormais comme suit: «Le président du comité exécutif doit, au moment de sa nomination, être domicilié de façon continue depuis douze mois dans un même secteur. Il doit, par la suite, être domicilié dans le territoire de la communauté». Alors, c'est un léger amendement à l'article qui existait déjà.

M. PAUL: M. le Président, est-ce qu'on veut tenir compte du domicile élu...

M. TESSIER: Pardon?

M. PAUL: ... ou si on parle du domicile réel?

DES VOIX: Réel.

M. TESSIER: Du domicile réel, ah oui!

M. PAUL: Très bien.

M. LAPORTE: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Adopté. Article 8? Adopté. Article 9? Adopté. Article 10?

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Harvey, Chauveau): Adopté. Article 11? Adopté. Article 12? Adopté. Il y a un amendement à l'article 13. Le ministre va donner des explications.

M. TESSIER: Il y a un article additionnel, l'article 14 qui se lit comme suit: « Cette présente loi entrera en vigueur le 26 octobre 1970, » c'est-à-dire à la date des élections municipales de Montréal.

M. LE PRESIDENT (Harvey Chauveau): Je m'excuse cependant, M. le Ministre... Article 14, adopté avec amendement.

M. HARVEY (Chauveau) Président du comité plénier: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que nous avons adopté tous les articles de la loi avec amendements.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose que les amendements soient maintenant lus et agréés.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. BURNS: Sur division, M. le Président, dans ce bill Saulnier.

M. LAPORTE: Sur division. 3e lecture

M. LE PRESIDENT: Ce projet de loi est adopté sur division en troisième lecture.

M. BURNS: Sur division, le bill Saulnier. M. CHARRON: Sur division, le bill Saulnier.

M. LAPORTE: Article numéro 1, M. le Président.

Grand Théâtre

M. PAUL: M. le Président, l'honorable leader parlementaire me permettra une question. Je crois que nous n'avons pas passé à la troisième lecture du projet de loi du Grand Théâtre de Québec.

M. LAPORTE: Je m'excuse, M. le Président, j'étais en train de rapetisser le Grand Théâtre. Puis-je appeler l'article 3 de notre règlement pour la troisième lecture.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le Grand Théâtre, M. le Président.

M. DEMERS: On vient de frapper les trois coups.

Les trois coups sont frappés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires culturelles propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre siège en comité plénier.

Cette motion sera-t-elle...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dispensé, nous allons passer à la troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires culturelles propose la troisième lecture du projet de loi numéro 9, Loi du Grand Théâtre de Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre...

UNE VOIX: Nous pouvons laisser parler le ministre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si le ministre veut parler avant moi... Il ne parlera pas?

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, je crois avoir dit tout ce que j'avais à dire au sujet de ce projet de loi.

M. DE MERS: Cela aura été son meilleur discours.

M. LAPORTE: ... de Chicoutimi.

M. LE PRESIDENT: Je crois comprendre que le ministre renonce à son droit de parole?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il vient de parler.

M. LE PRESIDENT: Je tiens à l'aviser qu'il n'y a pas de droit de réplique sur la troisième lecture.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne veux évidemment pas ranimer le débat que nous avons eu cet après-midi, non plus que celui qui a marqué les mémorables séances de l'étude du budget des Affaires culturelles. Toutefois, nous avons, cet après-midi, subi les assauts de la majorité ministérielle qui nous a imposé un projet de loi dont je désire, ce soir, au nom de mes collègues, me dissocier.

En effet, le ministre des Affaires culturelles, écartant, d'un revers de main, un ensemble de mécanismes et d'instruments dont nous avions muni son ministère pour qu'il l'administrât avec compétence, autorité et dans l'intérêt des citoyens, afin de promouvoir la diffusion de la culture, l'accessibilité du bien culturel à tous les citoyens de tous les milieux, le ministre, dis-je, a présenté un projet de loi qui crée une régie du Grand Théâtre de Québec.

Ce projet de loi, comme j'ai eu l'occasion de le dire cet après-midi, n'apporte rien de nouveau puisque, déjà, nous avions mis en place tous les mécanismes nécessaires à la gestion du Grand Théâtre. Il a surtout ce défaut — c'est l'aspect que je veux souligner avant que de clore ce débat — de remettre entre les mains d'un groupe d'administrateurs, qui n'auront pas beau- coup de comptes à rendre au gouvernement, même si la loi semble leur en faire l'obligation, l'administration, la gestion et la conduite d'un organisme qui devait être le moteur par excellence de la politique de la diffusion de la culture du ministère des Affaires culturelles, telle que le ministre l'a lui-même énoncée au cours de l'étude de ses crédits.

Il recrée, d'autre part, une forme d'aristo-cratisme en matière de culture, et il y a fort à craindre que le Grand Théâtre de Québec ne devienne pas, comme il devrait l'être dans notre esprit et notre volonté, cet instrument mis au service de tous les citoyens. Je ne veux évidemment pas préjuger de la qualité des administrateurs, mais le fait que le lieutenant-gouverneur se soit réservé le droit, par ce projet de loi, de nommer tous les membres du Grand Théâtre de Québec nous apparaît comme une mesure à forte coloration politique.

De plus, le ministre des Affaires culturelles n'a pas cru bon de nous renseigner sur les critères qui nous eussent rassurés sur le caractère représentatif des personnes qu'il entend nommer. Que sera donc le Grand Théâtre de Québec, que sera donc cette régie du Grand Théâtre de Québec? Nous n'en savons rien, sauf qu'il sera administré par des personnes nommées par le gouvernement et que celles-ci seront nanties de tous les pouvoirs d'administration que le ministre aurait du se réserver.

Nous avons beaucoup insisté sur le caractère de représentativité des membres de cette régie du Grand Théâtre. Nous avons demandé, sous forme d'amendement, qu'on reconnaisse à la ville de Québec, à la Communauté urbaine de Québec, à l'université Laval et à certains organismes culturels, à des centrales syndicales le droit de siéger au conseil d'administration de ce Grand Théâtre. Cela nous a été refusé et nous avions même posé un geste qui invitait le gouvernement à prendre acte de notre désir de le voir assurer la représentativité de tous les milieux au sein de cet organisme de la Régie du Grand Théâtre.

Mais, le rouleau compresseur de la majorité ministérielle nous a empêchés de doter cette régie de certains mécanismes qui en auraient fait un instrument véritablement démocratique. Il nous reste donc, M. le Président, à déplorer que le ministre des Affaires culturelles et, par lui, le gouvernement n'aient point voulu tenir compte de notre volonté. Nous souhaitons malgré tout que le Grand Théâtre de Québec devienne vraiment cet instrument de création et de diffusion culturelles qu'il devait être et que les contribuables, qui l'ont érigé, qui vont le payer, puissent y trouver accès à des prix raisonnables.

M. le Président, nous n'avons donc pas l'Intention d'approuver cet acte du gouvernement. Nous ne demandons pas le vote, mais vous comprendrez bien que nous nous dissocions du geste du gouvernement et que nous n'entendons pas approuver cette démarche qu'il a faite et qui ne me paraît pas s'inscrire dans la ligne de pensée qu'avait pourtant exprimée avec beaucoup d'insistance le ministre des Affaires culturelles, alors qu'il essayait de définir l'orientation de son ministère.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Brièvement, M. le Président, nous n'approuverons pas non plus, en troisième lecture, le projet de loi no 9, parce que l'étude que nous en avons faite cet après-midi, à la commission permanente des Affaires culturelles, n'a pas apporté les résultats que nous escomptions. Aucun amendement n'a été accepté, sauf un mineur à l'article 2. Donc, tout ce que nous avons exprimé, quant à notre opposition à la régie, quant à notre opposition à la conception et la diffusion de la culture qu'il y a derrière ce projet de loi, persiste, demeure. Je rappelle au ministre des Affaires culturelles, en terminant, nos dernières remarques à la fin de l'étude cet après-midi, à savoir que le ministère des Affaires culturelles est parti d'un fort mauvais pied avec le projet de loi no 9.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. GARNEAU: M. le Président, en tant que représentant d'un des comtés de la ville de Québec, je me réjouis que cette loi du Grand Théâtre soit enfin acceptée par l'Assemblée nationale. L'ancien ministre des Affaires culturelles, le député de Chicoutimi, a mentionné qu'il avait proposé certains amendements en commission, cet après-midi, qui n'avaient pas été acceptés. Pourtant, il a oublié de souligner ceci, c'est que le ministre des Affaires culturelles, dans les réponses qu'il a apportées aux questions du député de Saint-Jacques et du député de Chicoutimi, a bien indiqué que c'était l'intention du gouvernement de consulter les corps intermédiaires auxquels le député de Chicoutimi faisait allusion, avant de nommer les neuf régisseurs du Grand Théâtre de Québec étant donné l'amendement.

Depuis déjà plusieurs mois, les citoyens de Québec qui circulent sur le boulevard Saint-Cyrille voient cet immense édifice. Même durant la campagne électorale, dans des assemblées contradictoires que j'ai tenues avec mes adversaires, on a soulevé ce point du Grand Théâtre, cet immeuble qui était là depuis des mois et des mois et qui ne servait pas. Je pense que l'Assemblée nationale donne au gouvernement les structures nécessaires pour administrer cet édifice et qu'enfin un immeuble de plusieurs millions de dollars puisse servir à la population du Québec métropolitain. C'est dans ce sens qu'il faut se réjouir de l'adoption de cette loi.

Evidemment, c'est un instrument administratif qui n'est peut-être pas parfait, mais que nous jugeons nettement supérieur aux méthodes de gestion qui avaient été conçues par l'ancien ministre des Affaires culturelles. L'ancien ministre suggérait des sociétés à caractère privé, dont les administrateurs étaient nommés par le ministre et sur lesquels la Chambre, à toutes fins pratique, n'avait aucun mode de contrôle, étant donné que c'étaient des subventions et que ces sociétés privés rendaient compte qu'au ministre.

Je pense que la structure proposée par le bill 9 est beaucoup plus démocratique et qu'elle répond beaucoup plus justement aux normes régulières d'administration des deniers publics et la loi présentée par le ministre des Affaires culturelles est une loi, je pense, progressive qui permettra de diffuser la culture non seulement aux citoyens de la ville de Québec, mais aussi à ceux de toute sa banlieue. Je tiens à en féliciter le ministre des Affaires culturelles.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous me permettrez, M. le Président, de poser la question de privilège parce que les observations du ministre de la Fonction publique comportaient deux choses qui ne sont pas exactes et que je ne puis pas laisser passer sans les relever.

D'abord, il a laissé entendre qu'il y avait eu retard de la part du ministre qui a précédé celui qui est actuellement ministre des Affaires culturelles...

DES VOIX: C'est vrai.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qu'il y avait eu retard dans la construction du Grand Théâtre et dans la mise du Grand-Théâtre au service de la population. Cela est absolument inexact. Le cheminement critique s'est accompli normalement. Il y a eu des accidents de parcours absolument incontrôlables et qui ne dépendaient pas du ministre des Travaux publics qui avait la responsabilité de la construction.

Deuxièmement — c'est encore là une réponse et j'ai le droit de poser la question de privilège là-dessus pour rétablir les faits — le ministre

de la Fonction publique a laissé entendre que nous n'avions pas muni le Grand Théâtre des instruments qui nous eussent permis de le mettre en activité. Nous l'avions fait, nous avions créé, indépendamment du jugement qu'on peut porter sur les mécanismes que nous avions mis en place, les mécanismes; la corporation existait, elle avait commencé de fonctionner, elle avait déjà préparé l'ouverture du Grand Théâtre. Par conséquent, les remarques du ministre de la Fonction publique ne sont absolument pas exactes et on ne pourrait leur donner qu'une interprétation démagogique.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LAPORTE : Sur division plus prononcée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très accentuée.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Troisième lecture?

M. LAPORTE: Adopté.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Surdivision.

M. LAPORTE: No 1.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des subsides. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. LAPORTE: M. le Président, une seule motion: Que les crédits budgétaires de la Fonction publique, de la Santé, du Bien-Etre social et de la Famille, tels que votés par les commissions permanentes de cette Assemblée nationale, soient adoptés.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LAPORTE: Voudriez-vous faire rapport, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): M. le Président, le comité a adopté des résolutions et demande la permission de siéger à nouveau.

M. LAVOIE (Président): Quand siégera-t-il? M. LAPORTE: Un jour!

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que les résolutions soient maintenant lues et agrées. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. LAPORTE: No 2.

Débat sur le budget

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): Je veux d'abord remercier mon chef, le chef du Ralliement créditiste du Québec, le député de Rouyn-Noranda, de la confiance qu'il me témoigne en me confiant la responsabilité de l'analyse et de la critique objective du budget présenté par le gouvernement. Je voudrais aussi lui rendre un hommage particulier pour le travail magnifique qu'il fait en cette Chambre depuis le début de la session.

Avant de débuter, je voudrais faire une mise au point. Je n'ai pas l'intention de m'attaquer à des hommes ni à un parti en particulier. Je veux que ce soit bien compris, car la seule différence qu'il y a entre la politique économique et sociale des deux vieux partis, c'est-à-dire le Parti libéral et le parti de l'Union Nationale, c'est la couleur seulement. Il n'y a pas d'autre chose. On a beau changer les hommes, les résultats sont toujours les mêmes.

Or, mes remarques s'adressent aussi bien, M. le Président, au gouvernement qu'à l'ancien gouvernement.

D'ailleurs le budget a été préparé par l'Union Nationale. Elle s'en est elle-même vantée. Il a été présenté par le gouvernement libéral. Quant à l'autre parti qui est situé à notre extrême droite, je dis que nos problèmes économiques ne trouveront pas de solution dans la formule du serment à la reine, ni dans le socialisme et encore moins dans le séparatisme.

C'est donc, M. le Président, au système que je vais m'attaquer et aussi à des méthodes administratives usées et rejetées par les entreprises modernes. Or, le 18 juin dernier, le premier ministre, qui assume également les fonctions du ministre des Finances, a remis aux membres de cette Chambre le document contenant les prévisions budgétaires pour l'exercice financier 70/71, et a prononcé, par la même occasion, le discours du budget.

Ce budget était attendu par le peuple du Québec depuis fort longtemps. Tous se sou-

viendront que ce budget devait être présenté vers la fin de février ou au début de mars et que l'ancien gouvernement, pour des raisons que nous ignorons mais que nous avons le droit de supposer, avait daigné décréter les élections générales plutôt que de le présenter.

Qu'y avait-il donc dans ce fameux budget pour qu'il fasse si peur à l'ancien gouvernement, et pour que le gouvernement actuel le présente avec si peu d'enthousiasme? Rien de nouveau, sinon encore un déficit, de nouvelles dettes, la preuve que rien n'est changé au Québec sinon quelques définitions.

Dans toute administration saine et efficace, lors de la présentation d'un budget, il y a deux choses: il y a d'abord les chiffres, et il y a aussi l'orientation. Dans le cas d'un gouvernement, il y a aussi la politique économique que le gouvernement entend suivre. Les chiffres ne sont que les reflets bons, médiocres ou mauvais de cette orientation.

Or, si l'on juge la politique économique du gouvernement par les chiffres contenus dans le budget, le reflet est peu luisant et nous avons l'impression que le gouvernement vient tout simplement de manquer le bateau de la relance économique et que nous nous retrouvons, tous ensemble, dans une petite chaloupe de sauvetage. Pourquoi? Parce que le gouvernement, quel qu'il soit, a une double responsabilité: il a d'abord la responsabilité d'administrer la province de façon saine et efficace. Il a aussi la responsabilité d'orienter et de diriger tout l'ensemble de l'économie québécoise. L'un ne va pas sans l'autre et l'un ne va pas contre l'autre.

Ceci veut dire également voir au bien-être de la population, voir à ce que chacun ait sa part des biens créés et mis à la disposition des hommes, et voir à ce que tout l'organisme économique et social joue parfaitement son rôle. Or, M. le Président, le 18 juin 1970 alors que la science et la technique ont fait des prodiges pour améliorer le sort de l'humanité, alors que nous avons des produits en abondance partout et de toutes sortes, alors que les frontières de la distance sont presque éliminées, que l'homme a même réussi à mettre le pied sur la lune, en même temps et au moment même où je vous parle, il y a des enfants de chez nous qui ont faim. Il y a des familles qui sont dans la misère. Il y en a qui souffrent du manque de soins. Il y en a qui vivent dans des taudis infectes.

M. le Président, le 18 juin 1970 on a présenté à la population de la province de Québec un budget d'austérité. A cette austérité, pour mieux la faire avaler à la population, on a ajouté un grand mot, un mot savant, on a ajouté « l'austérité productive. » Pour calmer la population, on invente des slogans. On dit ceci: Peuple du Québec, serrez-vous la ceinture. Si vous êtes rendus au dernier trou, percez-en un autre et serrez encore. On dit aux gens: Vous vivez au-delà de vos moyens, alors que la plupart n'ont même plus les moyens de vivre. On a encore un autre slogan disant ceci: Epargnez et investissez dans l'industrie. Alors, M. le Président, pour les chômeurs, je pense que c'est assez difficile d'épargner. Ce qu'ils demandent, c'est du travail. Pour ceux qui vivent des allocations du bien-être social, c'est également difficile d'épargner. Pour tous ceux qui sont dans la misère ou encore qui doivent se contenter d'une maigre pitance de $60 par semaine, c'est encore impossible d'épargner.

Quelle logique et quelle sincérité: Et le gouvernement d'ajouter: Nous avons réussi le tour de force de consolider le budget de la province. Ceci, évidemment, avec un nouveau déficit. Quelle différence avec l'ancienne administration? C'est $230 millions de déficit l'année dernière; $207 millions de déficit cette année. On vient dire qu'on a consolidé le budget. On l'a consolidé aux dépens de qui, cette pseudo-consolidation?

Aux dépens de tous les travailleurs qui sont déjà surtaxés; aux dépens des chômeurs, M. le Président, qui ne demandent pas autre chose que du travail et dont la liste s'allonge continuellement; aux dépens des assistés sociaux parce que le gouvernement n'est même pas capable d'appliquer le bill 26 en vue de soulager leur misère; aux dépens de toutes nos institutions qui doivent attendre des moments favorables; aux dépens de nos entrepreneurs qui se sont fait suspendre leurs contrats et qui devront attendre de nouveaux contrats; aux dépens de nos industriels qui attendent, eux aussi, d'avoir des commandes afin de donner du travail à leurs employés et d'être capables d'administrer de façon efficace; aux dépens de nos municipalités qui sont dans la misère et pour lesquelles nous n'avons aucune solution; enfin, aux dépens de nos commissions scolaires qu'on songe à faire disparaître pour éliminer leurs revendications.

Alors consolider quoi, M. le Président? Tout cela aux dépens de l'économie québécoise. Pourquoi? Pour sauver la finance, parce qu'on refuse de prendre ses responsabilités. On aime mieux rire, M. le Président, dans cette Chambre, lorsqu'on parle de faire des réformes financières. Est-ce que le gouvernement actuel ou l'ancien gouvernement n'ont pas les mains libres? Est-ce que les caisses électorales sont

tellement puissantes qu'ils ne peuvent même pas présenter des solutions logiques? Alors, pourquoi maintenir à tout prix cette dictature financière et obliger l'individu à servir les intérêts de la finance d'abord et avant tout?

Ce budget, M. le Président, je le qualifie de budget d'incapacité, incapacité à résoudre les problèmes économiques du Québec, incapacité à résoudre les problèmes des chômeurs et incapacité à résoudre les problèmes financiers.

Le gouvernement a présenté un tableau conjoncturel pour élaborer et justifier son incapacité, n lui fallait un coupable et il l'a trouvé. Ce grand coupable, c'est la conjoncture actuelle. M. le Président, je vais citer ce que M. Giscard d'Estaing, ministre des Finances de France, déclarait récemment. Il suggère de mettre d'abord de l'ordre dans les économies nationales. Il continue en disant que les Etats devraient mettre de l'ordre dans leur maison avant de tenter de résoudre les problèmes économiques mondiaux et il ajoute que les prétendus problèmes économiques internationaux ne sont, en fait, que des problèmes d'économie nationale. Et nous pourrions en citer d'autres.

Dans ce budget, M. le Président, est-ce qu'on a tenu compte de l'ensemble de l'économie québécoise? Est-ce qu'on a tenu compte de ses immenses possibilités? Est-ce qu'on a tenu compte, également, de ses ressources presque sans limite? Est-ce qu'on a tenu compte de la main-d'oeuvre disponible? Est-ce qu'on a tenu compte de l'immense potentiel québécois? Nous croyons que non, M. le Président, et la preuve de nos « avances », je crois qu'elle est évidente.

Mon analyse comprendra deux parties. La première traitera du système actuel. En effet, contrairement à ceux qui ont ri de nous hier, nous pouvons expliquer le système actuel, M. le Président. Il faut, d'abord, comprendre le système actuel avant d'être en mesure de comprendre des réformes économiques. La deuxième traitera de la réforme économique et financière que nous préconisons.

Tout d'abord, je dois souligner le fait que le document que nous a remis le gouvernement est bien pauvre. Il y a une tradition, dans l'entreprise, qui veut que, lorsqu'on présente un budget, on le présente de façon comparative avec le budget de l'année précédente, ce que le gouvernement a oublié de faire. Puet-être qu'on avait peur des comparaisons, peut-être qu'on avait peur de prouver que c'était du pareil au même ou encore qu'on avait peur des créditistes.

De plus, M. le Président, une entreprise ou une société qui convoque ses actionnaires pour rendre des comptes ou faire approuver ses budgets lui remet en même temps un bilan. Ce bi- lan démontre les disponibilités, le montant des immobilisations, le montant des exigibilités, le montant de la capitalisation, le montant de l'avoir-propre, etc. Alors, où est-il le bilan de la province de Québec? M. le Président, nous avons eu une session qui a duré six semaines et je cherche encore le bilan de la province de Québec dans cette enceinte. Nous ne l'avons pas. M. le Président, il est assez difficile d'administrer une province ou une entreprise sans avoir le bilan, parce qu'avec un bilan, nous savons au moins où nous sommes. Je pense que c'est important de savoir où nous sommes pour être en mesure de déterminer où nous voulons aller.

M. GARNEAU: Est-ce que le député de Beauce a lu les comptes publics?

M. DEMERS: C'est un gouvernement de ca-chotiers, nous l'avons toujours dit.

M. ROY (Beauce): J'ai l'impression, M. le Président, que le gouvernement a beaucoup à apprendre pour placer la province sur la voie de la prospérité.

UNE VOIX: Pourquoi avez-vous caché le bilan?

M. ROY (Beauce): Une petite analyse des revenus. Je les ai classifiés en quatre catégories. Il y a les revenus fiscaux, les revenus des privilèges, honoraires et permis, les revenus divers et aussi les revenus du gouvernement fédéral. A ce moment-là, je demanderais à nos collègues du Parti québécois de bien ouvrir leurs oreilles. Les revenus fiscaux sont passés de 68.6% à 64.2%, alors qu'aucune taxe n'a été diminuée dans la province. M. le Président, les honoraires et permis, les droits que la province perçoit sont passés de 5.8 à 5.2. Il y a eu une diminution dans ce domaine de 0.6%. On n'a pas eu d'explication. Les revenus divers ont, par contre, connu une augmentation grâce à Loto-Québec et aux revenus additionnels de la Régie des alcools cette année. Quant au gouvernement fédéral — et ceci, je pense que c'est assez important pour faire réfléchir tout le monde — les revenus qui étaient de 20.9%, revenus directs du gouvernement fédéral l'année dernière, sont passés à 25.5%, donc une augmentation de 4.6%.

M. le Président, que nos collègues du Parti québécois écoutent: 25% de nos revenus viennent directement d'Ottawa. Dans moins de 16 ans, nous recevrons 100% de nos revenus directement d'Ottawa. C'est extrêmement grave.

Est-ce que nous connaissons un degré de pauvreté accrue ou si c'est le gouvernement provincial qui perd ses droits? Il y a matière à réflexion.

Nous constatons de plus que 90% des revenus n'ont d'autre source que la fiscalité, que ce soit la fiscalité provinciale ou la fiscalité fédérale. Mais que fait-on de nos ressources naturelles? Nous les donnons, tout simplement. Je demanderais à nos honorables députés d'écouter, parce que je pense qu'ils auraient dû mettre en pratique les choses que nous préconisons.

DES VOIX: Bravo! Bravo!

M. ROY (Beauce): Sur le plan des ressources naturelles, J'ai fait une analyse de trois ans. Les revenus de nos ressources naturelles ont représenté, pour la province la plus riche du monde au point de vue des ressources naturelles, 2.5% des revenus globaux en 68/69.

M. DEMERS: Où avez-vous mis le bilan?

M. ROY (Beauce): En 69/70, 2.35%, diminution de 0.15%. Nouvelle diminution en 70/71, 2.13%. Nous considérons dans ce domaine une diminution de nos revenus, et à ce rythme-là, dans neuf ans les revenus de nos ressources naturelles égaleront un gros zéro. Il n'y a aucune indication dans le budget ni dans le discours du budget à ce sujet. Pour exploiter les mêmes ressources naturelles qui nous ont si peu rapporté, le gouvernement a dépensé, pour leur mise en valeur, 5 9% en 6 8/69. Il a dépensé 62% en 69/70. Il a dépensé 61% en 70/71. Un pour cent de diminution en une année pour améliorer cette situation et encore là, on a regardé dans le discours du budget et on n'a rien trouvé, sinon de l'austérité productive. Donc, aucune indication pour une politique de mise en valeur des ressources naturelles au profit des Québécois. Même si on regarde avec une lentille, on ne trouve absolument rien.

Je voudrais faire également quelques considérations sur les dépenses et faire une analyse des ministères à vocation économique: l'Agriculture, l'Industrie et le Commerce, les Ressources naturelles, les Terres et Forêts, le Tourisme, la Chasse et la Pêche. J'ai pris les cinq ministères à vocation économique et nous constatons que les montants investis par le gouvernement dans ce domaine ont représenté 5.2% en 69/70 — c'est dire l'importance que l'ancien gouvernement a attaché à l'expansion de l'économie québécoise — et cette année, 5.5%, soit une augmentation de 3/10 seulement sur l'ensemble du budget.

Je crois que le gouvernement a raison de dire qu'il ne fera pas de miracles cette année, et cela se comprend très bien. Je suis convaincu que s'il y a des miracles, ils n'auront certainement pas lieu dans ce genre d'orientation économique. Ce qui étonne dans ces chiffres, c'est la part consacrée à l'agriculture. C'est dérisoire. Je ne peux m'expliquer les raisons qui incitent le gouvernement — comme l'ancien gouvernement — à agir de la sorte. Si le gouvernement s'est donné pour mission, dans le passé cornue aujourd'hui, de détruire l'agriculture dans le Québec, qu'il le dise donc, une fois pour toutes tout haut et aux cultivateurs, s'il vous plaît!

Même pas 2.5% du budget pour un secteur de l'économie du Québec qui est encore un des plus importants, secteur primaine pour un besoin primaire: manger. Dans ce petit et minable budget, de plus des sommes sont consacrées à la voirie, à la construction de ponts qui n'ont rien à voir avec l'agriculture. Qu'est-ce qu'on attend pour corriger cette situation?

Nous avons un marché domestique de produits alimentaires de plus de $2 milliards et notre production québécoise ne représente même pas 40%. Si notre production était supérieure dans ce domaine, il se ferait plus de mise en marché, il y aurait également plus de transports, de manipulation, de préparation, ce qui veut dire que nous aurions là une source de création d'emplois nouveaux, ce qui améliorerait considérablement l'économie québécoise. Nous n'aurions même pas besoin de capitaux étrangers ni d'augmenter notre servitude envers la finance internationale. Qu'attend le gouvernement pour agir? La caisse électorale, comme je le disais tout à l'heure, attache-t-elle le gouvernement pour qu'il soit incapable d'agir, une fois au pouvoir?

Nous savions que l'ancien gouvernement connaissait ça, la caisse électorale.

UNE VOIX: Simard.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Je demanderais la collaboration des députés de ma droite et de ma gauche pour laisser le député de Beauce continuer son exposé.

M. ROY (Beauce): Demain, il s'en trouvera pour dire que le Québec n'a pas de vocation agricole et on ira même jusqu'à ajouter, avec de beaux grands mots savants, que nous ne pouvons concurrencer le marché international et que nos agriculteurs devront se recycler, et ce même à 56 ans. Ceux qui ont le plus besoin de recyclage, je crois que ce sont ceux qui veulent recycler les autres.

Quel est le secteur de notre économie qui peut

concurrencer le marché international au Québec? Que le gouvernement nous le dise donc! Nous sommes tellement endettés, tellement taxés et surtaxés que nos coûts de production sont trop élevés. Les agriculteurs ne sont pas plus en cause que les autres, mais ils en sont les victimes et ce ne sont pas eux les coupables. Le gouvernement le sait très bien. Nous pourrions citer plusieurs exemples. La Hollande a même dû emprunter sa terre de la mer; ce sont des investissements énormes pour avoir une terre fertile. Nous avons également Israël qui a dû irriguer le désert de Gobi, qui est devenu très fertile. Nous avons également le Dannemark et la Suède, qu'ont-ils faits? Ces gouvernements ont adopté des politiques appropriées, mais nous reviendrons un peu plus tard sur le sujet.

Je voudrais parler un peu du budget de l'Education. Un milliard de dollars en 1970 Pourquoi? Un milliard au niveau du gouvernement seulement, sans compter les budgets des commissions scolaires régionales et locales. Un milliard pour régler les problèmes de l'éducation, je crois que non. C'est la plus belle tour de Babel que nous n'ayons jamais vue dans le monde depuis qu'on a construit la vraie après le déluge.

Au nom de l'instruction de nos enfants, on s'est tout permis, tout, on atout chambardé, rien n'a été épargné, même Dieu. Demandez aux parents ce qu'ils en pensent. Demandez à ceux qui ont des enfants, pas à ceux qui n'en ont pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il y a plusieurs célibataires dans cette Chambre.

M. ROY (Beauce): Demandez aux instituteurs ce qu'ils en pensent, pas les faux professeurs, les vrais. Demandez aux jeunes qui sortent des études avec des dettes et qui ne peuvent se trouver du travail ce qu'ils en pensent, alors qu'on leur avait promis l'instruction gratuite à tous les niveaux. Demandez aux contribuables comment ils trouvent ça, l'instruction gratuite. L'ancien gouvernement et le gouvernement actuel ont-ils fait des études pour connaître nos besoins, les besoins de nos jeunes, les possibilités d'emploi qu'il y avait, soit au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, soit au niveau du ministère de l'Education, soit au niveau d'autres ministères?

On a dit aux enfants: Instruisez-vous, mais on n'a même jamais fait aucune étude pour connaître les débouchés et les possibilités que les jeunes auraient de se placer une fois qu'ils auraient fait tous les sacrifices pour s'instruire.

Avec ce milliard de dollars, est-ce qu'on a réglé le problème de nos commissions scolai- res? Non, M. le Président. On se propose plutôt de les faire disparaître afin qu'elles deviennent muettes au plus tôt parce que cela commence à être gênant. Avec ce milliard, est-ce qu'on règle le problème de nos institutions supérieures? Non plus, M. le Président. Avec ce milliard, va-t-on pouvoir payer les professeurs à temps? Pas plus. Avec ce milliard, est-ce que nos étudiants seront moins endettés? Nous croyons que non, M. le Président.

Qu'est-ce qu'on va faire avec ce milliard? Continuer les mêmes bêtises qu'auparavant, continuer le même gaspillage qu'auparavant, continuer à bâtir des écoles d'un luxe digne du château de Versailles, continuer à exécuter les plans de pseudo-planificateurs qui n'ont jamais pris la peine de prendre un crayon pour calculer le coût de leurs rêveries, continuer à considérer nos enfants comme de la simple marchandise qu'on peut manipuler sans considération, continuer à bafouer toute morale et à enlever l'image du Christ de la vue de nos enfants au plus tôt parce que, pour plusieurs, cela commence à être gênant.

Je ne réponds pas à ces questions, M. le Président. Ce sera au gouvernement d'y répondre au cours de la présente année. Le présent gouvernement sera responsable de ce milliard et nous lui demanderons d'en rendre compte. Je pourrais parler également du budget de la Famille et du Bien-Etre social. Il y aurait beaucoup à dire, car ce ministère fait couler beaucoup d'encre. Les lois sont mal adaptées; elles sont imprécises, donc extrêmement difficiles d'application. Elles sont loin de répondre aux besoins des familles qui doivent s'en prévaloir pour subsister.

Les difficultés, dans ce domaine, sont d'ordre économique. Tant et aussi longtemps que le gouvernement ne changera pas le système actuel, les injustices augmenteront et ce, jusqu'à ce que tout s'écroule. Il est inconcevable qu'en 1970 des familles soient encore obligées de se nourrir avec $0.10 pour le repas de chacun. Je pourrais en citer de multiples exemples. Sur ce point, nous ne le lâcherons pas nous, de ce côté-ci de la Chambre. Il est impensable d'obliger des familles de 3 enfants, donc un total de 5 personnes, à vivre avec $140 par mois, tandis que le loyer seul coûte $70. Qu'est-ce que le gouvernement entend faire au cours du présent exercice?

Va-t-il proposer une nouvelle loi pour remplacer le bill 26 déposé par l'administration précédente? Le peuple veut le savoir. J'ose croire, même si j'ai des doutes très sérieux, que le gouvernement actuel va prendre ses responsabilités et voir à ce que chaque personne vivant dans le Québec puisse, au moins, manger trois repas par jour, se loger comme un être humain et avoir de quoi se vêtir. C'est un minimum vital.

Quant à l'infrastructure de la province, il n'en est aucunement question dans le budget, ce qui prouve que le gouvernement manque totalement de réalisme quand il entend relancer l'économie du Québec. La relance de l'économie, est-ce un voeu ou une réalité? Le passif de notre infrastructure égale l'actif. On en est rendu à taxer les taxes pour payer des intérêts aux étrangers.

Prenons deux domaines: le domaine des Travaux publics et celui de la Voirie. Le gouvernement, l'année dernière, avait investi 11.5% du budget dans ce domaine. Cette année, il a investi 10.8% diminution dans ce secteur vital de l'économie québécoise, alors que nous sommes déjà en retard sur les autres provinces. Encore une autre preuve du manque de réalisme du gouvernement actuel, comme du gouvernement précédent. Le gouvernement est-il sérieux lorsqu'il parle de la relance de l'économie? Ce qui est encore plus grave, c'est que le gouvernement a des revenus directs pour ces deux ministères, du moins, en ce qui a trait au ministère de la Voirie. Il n'est pas facile d'en faire une bonne analysa, parce qu'il y a des travaux publics dans au moins huit ministères et qu'il y a également de la voirie dans au moins cinq, ce qui indique bien l'ordre et l'efficacité de l'administration de la province. Mais, tout de même, les revenus, en ce qui a trait aux taxes sur l'essence, aux plaques et aux permis, se chiffrent par $378 millions pour l'année 69/70, alors que le gouvernement a dépensé $142 millions, si nous diminuons les immobilisations. Il faut inclure dans les dépenses la dépréciation, ce qui serait très normal; cela a représenté 38%. Pour cette année, le gouvernement a diminué de 1%, pour avoir 37%.

Nous pouvons conclure que le gouvernement ne dépense même pas 40% des sommes qu'il reçoit directement pour ce ministère. Est-ce que le gouvernement peut appeler ça de la justice pour tous les automobilistes du Québec, pour toutes nos entreprises de camionnage qui sont aux prises avec la concurrence déloyale des chemins de fer? Est-ce que c'est logique et juste pour nos commerces? On trouvera probablement un autre mot savant pour expliquer cela.

Or, pendant ce temps, nous continuons d'être en retard sur les autres. Notre voirie rurale est dans un état lamentable partout dans la province. Au sujet de la route 23 qui relie la vieille capitale aux états de la Nouvelle-Angleterre: rien dans le budget. La route no 1 qui relie la vieille capitale à la région de l'amiante : aucune sortie ou de sortie convenable pour venir au nouveau pont de Québec. La route no 2 qui part de Québec en allant vers Trois-Rivières, dans quel état se trouve-t-elle?

Nous sommes au moins trente ans en retard. M. le Président, dans le comté de Beauce, dans le comté que j'ai l'honneur et le plaisir de représenter, un comté rural où de nombreuses industries québécoises qui font honneur au Québec se sont installées, et cela à 30 milles de Québec, eh bien, dans le comté de Beauce, M. le Président, en 1970, nous avons encore huit villages qui n'ont même pas de sorties en asphalte.

Et dire que nos voisins, les Américains, ont trouvé le moyen de relier la terre à la lune. Alors le gouvernement, au lieu de faire des voyages en France, devrait faire des voyages aux Etats-Unis de temps en temps.

Lorsque le gouvernement parle d'un budget de consolidation, nous nous demandons sur quoi il se base pour faire telle affirmation. Le tableau F qu'on nous a présenté indique des crédits initiaux de $3,645,000,000, alors que le tableau de la page 25 indique un budget des dépenses de l'ordre de $3,677,000,000. Donc, une augmentation, sur le premier budget, de $22 millions. Ce que nous constatons, M. le Président, c'est que le gouvernement a fait des réductions de dépenses de l'ordre de $60 millions d'une part, et que d'autre part il a augmenté ses crédits de dépenses de $97 millions. Ce qui est plus grave c'est qu'on a diminué les crédits de certains secteurs productifs, comma l'agriculture, l'industrie et le commerce, les richesses naturelles, les terres et forêts, alors qu'on a augmenté les dépenses dans le secteur administratif de plus de $25 millions. Le solde concerne le secteur des services. M. le Président, le gouvernement appelle cela de la consolidation, sans doute pour éblouir la population et laisser croire que l'équilibre de l'économie québécoise s'en trouvera en meilleure posture.

Encore là le gouvernement joue sur les mots. Quant au financement de la province, nous avons eu l'occasion d'en parler. Peu après la prise du pouvoir, le gouvernement a fait un emprunt de $50 millions, cela a été annoncé dans les journaux du 31 mai 1970, et on a attribué au marché favorable l'emprunt de $50 millions que le Québec a négocié à un taux de 9 1/2%.

Le même jour, dans le même journal: le Canada finance un barrage en Malaisie au coût de $50 millions par l'entremise de la Banque du Canada...

UNE VOIX: Sans intérêt.

M. ROY (Beauce): Sans intérêt s'il vous plaît. Mon collègue de l'Union Nationale commence à comprendre, M. le Président, $50 millions. Si on demandait au gouvernement s'il a osé faire la demande à la Banque du Canada pour

voir si elle serait prête à consentir à acheter des obligations de la province, je serais curieux d'en connaître la réponse. Et le même jour, on lit dans les mêmes journaux, qu'il y aune baisse de bons du Trésor, qui étaient fixés à 6.46%, donc de 3% inférieurs au taux des obligations.

Dans les chiffres que le gouvernement nous a remis, on constate que la province s'est déjà prévalu du privilège des bons du Trésor. Alors, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas procédé de la même façon pour alléger le budget de la province de Québec? On ne nous en a pas soufflé un seul mot. On a eu la même chose cette semaine. On nous a annoncé un nouvel emprunt de $50 millions à un taux encore pas tellement favorable. Or, dans les journaux, le même jour, le gouvernement fédéral, par l'entremise de la Banque du Canada, a consenti un prêt de $15 millions à Israël sans intérêt. Pour confirmer ce que nous avons déclaré hier en cette Chambre, à savoir que le marché de l'argent est à la baisse, on a vu que la Banque centrale d'Allemagne venait de baisser son taux d'escompte de 7 1/2% à 7% d'intérêt. Cela continue, c'est toujours la même chose et la population du Québec se réveille, un beau matin, avec le tableau des dettes suivant; les dettes publiques au Québec, les dettes de la province, les dettes de 1'Hydro, les dettes des 1,652 municipalités, les dettes des commissions scolaires, CEGEP, régionales, hôpitaux et universités, pour un grand total de $10,637 millions, $10 milliards de dettes au Québec! Le Québec a été développé par les Québécois et, lorsque Champlain en a pris possession, il n'est pas écrit dans l'histoire du Canada qu'il l'avait acheté. Comment se fait-il...

M. BOURASSA: Bon. Champlain est arrivé.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je voudrais faire remarquer au député de Beauce qu'il aurait épuisé son temps de parole.

M. SAMSON: M. le Président, il avait été bien entendu que mon représentant pouvait se prévaloir de mon droit de parler pendant une heure. Cela a été compris. Tous les partis se sont entendus là-dessus. D'ailleurs, lorsqu'on a présenté le budget, je n'ai parlé que quelques minutes pour que mon droit ne soit pas épuisé afin que l'honorable député de Beauce prenne ma place. Il a droit de parler pendant une heure.

M. LE PRESIDENT: J'avais justement demandé au secrétaire adjoint de l'Assemblée nationale le nom des membres de cette Chambre qui avaient pris la parole sur le discours du bud- get. On m'a informé qu'à la suite de l'honorable premier ministre, le chef de l'Opposition officielle, le député de Rouyn-Noranda, le député de Bourget et, par la suite, le député de Beauce avaient parlé.

M. SAMSON: Est-ce que vous me le permettez, M. le Président? Il avait été entendu, étant donné que, pour la première fois, brisant la tradition, l'honorable chef de l'Opposition a parlé le soir même de la présentation du budget — si l'honorable leader du gouvernement était présent, il pourrait, je pense, vous le dire — qu'on nous accordait quelques brefs commentaires et que ceci ne dérangeait pas notre droit de parole. Je vois le leader du gouvernement qui arrive; je pense qu'il pourra témoigner de ce que j'avance. C'est l'entente qui avait été faite, à ce moment-là. Ceci concernait le Ralliement créditiste et le Parti québécois.

M. LE PRESIDENT: Je ne sais pas si on peut me rafraîchir la mémoire, mais est-ce qu'il y a consentement de la Chambre?

M. LAPORTE: M. le Président, je n'ai pas objection; nous avons discuté de cette question au début de la session avec les divers leaders des oppositions et, si le chef du Ralliement créditiste a cédé son droit de parole à un de ses collègues, nous nous étions entendus, je pense, pour qu'il puisse parler une heure. Si cette entente n'était pas respectée, évidemment, cela vaudrait malheureusement ou heureusement pour le député qui va, dans quelques minutes, parler pour le Parti québécois. Sans que ce soit un engagement pour l'avenir, puisque nous devrons rediscuter certaines ententes pour la prochaine session, je pense que, cette fois-ci, il est acquis que le représentant du Ralliement créditlste et le représentant du Parti québécois, comme le représentant de l'Union Nationale peuvent parler durant une heure.

M. LE PRESIDENT: Dans ce cas-là, avec le consentement de la Chambre et pour confirmer l'entente qu'il y a eue, je permats au député de Beauce de continuer pendant encore environ une demi-heure.

UNE VOIX: Pardon?

M. LE PRESIDENT: C'est une permission in extenso. Libre à lui de l'exercer, ainsi qu'au représentant du Parti québécois.

M. ROY (Beauce): Merci, M,, le Président.

Or, je disais donc que cette province, qui est actuellement endettée de $10 milliards, n'avait rien coûté au début. Comment se fait-il aujourd'hui que nous nous trouvons dans une telle situation?

M. le Président, le responsable, évidemment, c'est le système économique qui a toujours été soutenu par les partis politiques qui ont eu à administrer la province, au cours des années passées. Alors, ce montant de dette nous oblige aujourd'hui à payer à chaque année $752 rallions, dans la province de Québec seulement, et ceci ne comprend pas les intérêts que nous devons également payer sur la dette nationale du Canada. Cela, c'est seulement au Québec. Si nous calculons le montant que cela peut coûter par jour, eh bien, cela représente plus de $2 millions d'intérêts par jour, 365 jours par année.

M. le Président, les statistiques démontrent que, pour créer un emploi dans le secteur privé il faut un investissement moyen de l'ordre de $7,000. Cela veut dire qu'actuellement, avec le montant que nous payons en intérêts sur la dette de notre province, nous pourrions créer 107,400 emplois nouveaux par année, seulement avec l'intérêt de la dette. Alors, le problème du gouvernement serait immédiatement résolu. Le ministre de la Santé a été obligé de fermer une quantité de foyers pour personnes âgées. Or, le coût de l'intérêt par jour nous permettrait de payer comptant, sans aucune dette, cinq foyers de $400,000, et ceci par jour à longueur d'année.

C'est cela, M. le Président, le résultat de l'administration que nous avons connue, d'un système économique que nous contestons et que nous dénonçons. Pour résumer, nous nous trouvons présentement dans des dettes publiques énormes et le gouvernement actuel, comme l'ancien, n'a aucune solution à présenter. Nous avons, au Québec, le record du chômage, et cela augmente à chaque jour.

Nous avons le record des taxes et des impôts au Canada. Notre agriculture est dans le marasme. Nos familles sont dans la misère et cela continue. Trop de produits sur le marché. Nos ressources naturelles sont exploitées par des étrangers. Nos industries se vendent aux Américains. Notre commerce de détail glisse entre les mains des autres. Notre population émigre aux Etats-Unis ou ailleurs. Nos étudiants sont obligés de s'en aller ailleurs pour gagner leur vie. Et on court encore après des capitaux étrangers sans avoir de politique à ce sujet.

Voilà, M. le Président, le bilan d'un système économique dépassé, d'un système économique faux à la base, d'un système économique incapa- ble d'envisager l'avenir, d'un système qui nous conduit directement à la ruine et directement à la faillite, et qui a malheureusement duré 103 ans de trop.

De plus, ce système est doublé d'une administration qui manque de dynamisme, qui manque d'efficacité, de coordination et qui utilise encore des méthodes rejetées depuis longtemps dans le commerce et l'industrie.

M. le Président, ce que le budget aurait dû contenir ou prévoir, à l'intérieur même du système actuel, ce sont quatre priorités dont nous déplorons l'absence: Attacher une plus grande importance aux ministères à vocation économique, particulièrement l'Agriculture, le Commerce et l'Industrie et au développement de nos ressources naturelles. L'argent versé aurait contribué à accroître les emplois et le produit national brut. Il y aurait donc eu, pour la province, des revenus additionnels et une diminution du nombre des assistés sociaux, donc un allégement sur le budget.

Deuxièmement, des précisions sur l'attitude que le gouvernement entend adopter vis-à-vis des investissements étrangers. Dans quelle proportion les entrées nettes de capitaux se feront-elles? 10% des investissements? 20% des investissements? 30% ou 100% des investissements? Qu'est-ce que le gouvernement attend pour nous faire connaître sa politique dans ce domaine? Nous sommes portés à croire, M. le Président, que le gouvernement n'a pas de politique établie et nous considérons ce fait extrêmement grave.

Troisièmement, des mesures permettant la participation des hommes d'affaires québécois dans le développement de nos ressources naturelles, afin que leur mise en valeur se fasse au profit des Québécois. Nous n'avons également rien vu dans le budget, ni dans le discours du budget à ce sujet.

Quatrièmement, définir la position exacte du gouvernement du Québec vis-à-vis de nos droits constitutionnels et les positions que le Québec entend adopter et défendre. Est-ce que le gouvernement du Québec entend faire valoir son point de vue dans l'élaboration des grandes politiques économiques du fédéral? M. le Président, en ce qui nous concerne, nous sommes très précis. Nous voulons l'occupation pleine, totale et globale de tous les champs d'action garantis au Québec par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, y compris la fiscalité, la sécurité sociale, les droits individuels, la propriété privée, l'éducation, la culture et l'immigration. Encore là, M. le Président, de la part du gouvernement, rien de précis. On nous parle tout simplement de la bonne foi.

M. le Président, ce que nous proposons au

gouvernement, c'est un programme en cinq points:

Premièrement, là réforme du système économique et financier pour que le crédit du Québec soit utilisé pour les besoins du Québec et pour qu'on cesse, M. le Président, de prendre l'épargne disponible, qui est une propriété privée et qui devrait servir à financer le secteur privé, plutôt que de laisser le crédit, qui est une propriété publique, financer le secteur privé comme cela se fait à l'heure actuelle. Ce qui fait, M. le Président, que le système marche à l'envers. Nous voulons donc que le crédit de la société québécoise serve la société québécoise.

Deuxièmement, nous voulons, M. le Président, la mise en valeur des ressources naturelles au profit des Québécois. Nous voulons, d'abord, des crédits à long terme et à faible taux d'intérêt pour la création et le développement d'industries de transformation de nos ressources naturelles. Ensuite, étude et mise en application d'un programme visant à la conservation et à l'utilisation rationnelle de nos ressources naturelles, principalement l'eau et la forêt, et l'application d'une politique visant à enrayer la pollution de l'air et de l'eau.

Troisièmement, l'application d'un système d'escompte de 10% aux consommateurs québécois de tout produit transformé et usiné au Québec, comprenant au moins 75% de matières premières et de main-d'oeuvre québécoise. Révision de tous les baux d'exploitation de nos richesses naturelles en vue de faire verser des redevances par les entreprises qui les exploitent. Concessions et permis d'exploitation accordés par soumissions publiques et non pas de gré à gré comme cela se fait actuellement. Financement de l'Hydro-Québec par des avances de crédit nouveau, sans intérêt. Refinancement progressif de sa dette comme les autres pays savent si bien le faire en se servant de notre institution nationale, la Banque du Canada. Création de salons d'exposition permanents visant à faire connaître les produits du Québec.

Comme exemple, il me fait plaisir de citer la Colombie-Britannique. Les revenus que la Colombie-Britannique tire de ses ressources naturelles représentent 14.4% de leur dernier budget. Cela représenterait, au Québec, $500 millions de revenus additionnels. Comme le gouvernement de la Colombie-Britannique en dépense environ 50% pour leur mise en valeur, cela veut dire que, si on faisait la même chose dans la province de Québec, il nous resterait net, $250 millions.

Alors, je pense qu'il serait sage que le gouvernement songe à envoyer des délégations commerciales pour faire des études en Colombie-

Britannique, au lieu d'aller visiter les pays qui sont plus pauvres que nous et qui auraient peut-être des choses à apprendre chez nous, dans notre pays.

Nous voulons une administration juste et honnête pour que cessent le favoritisme et le gaspillage. Nos Maisons du Québec coûtent combien? Nous avons tenté de le savoir lors de l'étude des crédits des différents ministères, mais il y a au moins trois ministères qui consacrent des sommes pour l'établissement et le fonctionnement de nos Maisons du Québec à l'étranger. Nous finirons par avoir les chiffres. L'assurance-hospitalisation nous a coûté, grâce à l'administration de l'ancien gouvernement, $230 millions de plus qu'en Ontario. On ne nous a pas dit pourquoi.

Le patronage, sous toutes ses formes, même si on appelle cela de la reconnaissance, coûte combien à la province? Les privilèges spéciaux accordés ici et là nous font perdre combien d'argent? Le luxe dans nos écoles et j'en passe. Sur le deuxième et le troisième points du programme que nous préconisons, il serait possible pour le gouvernement de réaliser de $700 millions à $800 millions par année.

Quatrièmement, avec cet argent, il serait possible d'établir au Québec une politique sociale plus réaliste et plus humaine. Nous avons préconisé, dans notre programme, les allocations familiales suivantes: $5 additionnels pour les enfants de 1 an à 12 ans, par six mois. Les enfants de 12 ans et plus, fréquentant une école, $10 additionnels par six mois. Des allocations d'études, pour les 18 ans et plus, de $50 par mois et des pensions de retraite, pour les 60 ans et plus, de $150 par mois. Admissibilité automatique du conjoint et du soutien de famille quel que soit son âge, pour parer à une injustice épouvantable qui se commet dans notre province actuellement.

Nous pourrions également, avec cet argent que nous pourrions récupérer grâce à une administration saine et efficace porter les pensions aux aveugles pensions aux invalides, pensions aux inaptes au travail et pensions aux mères nécessiteuses à $150 par mois, et, de plus, finis le supplice des enquêtes. Tous les bénéfices sociaux seraient ajustés à intervalles réguliers suivant la hausse du coût de la vie.

Cinquièmement, la survie et le développement de l'entreprise privée. Pour cela, le gouvernement devra lui accorder les mêmes avantages qu'il accorde aux entreprises publiques et aux entreprises étrangères. Les statistiques prouvent qu'il faut environ $5,000, $6,000 et peut-être $7,000 d'investissement pour créer un emploi dans le secteur privé, alors qu'il en

faut de $60,000 à $70,000, selon les mêmes statistiques, pour créer un emploi dans le secteur public. De plus, M. le Président, l'entreprise privée n'a rien coûté à l'Etat, c'est elle, l'entreprise privée, qui a développé notre province. Elle a permis le niveau de vie que nous connaissons, afin de garantir à chaque homme et à chaque femme vivant dans le pays la sécurité avec la liberté.

Un industriel déclarait récemment: L'industrie menace d'étouffer sous les exigences des syndicats et du gouvernement; les industries sont littéralement traquées, d'une part, par les exigences syndicales et, d'autre part, par la législation qui les étouffe graduellement.

C'est à ce demander si l'on n'est pas en train d'étrangler l'entreprise privée. Si le gouvernement voulait vraiment s'en donner la peine et pouvait agir librement, sans attache des grosses caisses électorales, il pourrait élaborer des politiques pour favoriser le développement économique du Québec par des entreprises de chez nous, mais il devra se libérer du carcan de la finance actuelle et des préjugés sur des politiques que nous préconisons.

Pour terminer, notre nouveau gouvernement a-t-il l'intention de laisser Ottawa empiéter sur nos droits? A-t-il l'intention de demander la permission a Ottawa chaque fois avant d'agir? A-t-il l'intention de se promener continuellement à New York, à Toronto, pour développer nos ressources naturelles? A-t-il également l'intention de retourner emprunter en Colombie-Britannique ou encore d'aller en Allemagne, à Paris ou à Londres chercher les moyens de faire des échanges entre nous pour bâtir des routes, des ponts, des écoles, des usines, en un mot développer notre province?

Le présent gouvernement a quatre ans pour répondre à cette question et j'ose croire qu'il le sait. Quant à nous, notre position est claire et précise, le Québec de demain sera à nous, si on fait la réforme que nous préconisons, ou il sera aux étrangers, si nous ne prenons pas nos responsabilités en matière économique et financière.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: On ne peut, M. le Président, parler du budget de l'Etat sans souligner, pour en faire ressortir l'importance, l'étendue du rôle économique de celui-ci dans une économie moderne.

Je parlerai de l'Etat sans distinguer les deux niveaux de gouvernement en lesquels notre système constitutionnel le fractionne pour finalement le paralyser et même l'opposer à lui-même. En ce sens, il faut qualifier le régime fédéral, tel que nous le pratiquons tout au moins, de schizophrénie constitutionnelle, alors qu'il s'en trouve d'autres pour le qualifier de rentable.

L'Etat, dis-je, dans toutes les économies capitalistes ou partiellement capitalistes de l'Occident, est devenu le principal agent économique. Chez nous, il perçoit en impôts plus du tiers du produit national brut. Cela en fait, et de loin, le plus important consommateur, le plus important investisseur et le plus important employeur, soit environ 18% de la main-d'oeuvre.

Ajoutons à cela son pouvoir de légiférer. D'ailleurs, il l'exerce dans des domaines de plus en plus nombreux. L'Etat est devenu le premier agent et le moteur du développement économique. Le développement et le progrès des nations est maintenant lié à leur volonté et à leur capacité d'utiliser cet instrument sous des formes qui, bien sûr, peuvent varier d'un Etat à l'autre. Les succès des pays qui, les premiers, l'ont compris, en font une preuve éloquente.

Ce n'est pas à un appétit, que certains qualifient de vorace, qu'il faut attribuer la croissance de la ponction fiscale que l'Etat prélève sur le produit national brut — ponction qui, il y a 25 ans, s'élevait à l'équivalent d'environ 10% ou 15% du produit national brut et qui, aujourd'hui, voisine 35% — mais bien au fait que l'Etat ne fait que répondre à une demande sans cesse accrue émanant des citoyens, demande pour des services sans cesse plus nombreux.

C'est donc le processus même de la démocratie qui a assuré et qui a amené l'élargissement du rôle de l'Etat. Ceci, parce qu'on s'est vite rendu compte de la puissance et de l'efficacité de la mise en commun des ressources d'une société. S'il est vrai que dans une économie moderne, les gros et les puissants ont des avantages certains, il est également vrai, surtout pour de petits pays comme le nôtre, que nous avons besoin d'un Etat fort et puissant. Refuser à l'Etat ce rôle, c'est, d'une part, se craindre soi-même et c'est, d'autre part, craindre la puissance et l'efficacité, d'où toute l'Importance du budget de l'Etat.

La façon dont celui-ci s'assurera des revenus aura des conséquences sociales, économiques et culturelles considérables. Les impôts modifient la distribution du revenu dans une société. Cela modifie, par conséquent, la nature même des relations entre les membres de cette société et même la qualité des hommes. La façon dont l'Etat dépensera ses revenus aura aussi des conséquences de même nature, en plus

d'orienter et de susciter, par un choix de priorités, le développe mont économique.

En présentant un budget, le gouvernement d'un Etat fait donc beaucoup plus qu'annoncer un programma de dépenses. Il décide, en fait, de l'orientation et des objectifs globaux de toute une société. Bien conscients de toutes ces implications, c'est ainsi que nous abordons l'étude du budget de l'Etat, même s'il ne s'agit, au fait, que d'un demi-budget, puisque le Québec n'est encore, malheureusement, qu'un demi-Etat. Les Québécois ne pourront donc, encore cette année, contrôler directement l'utilisation que de la moitié des deniers qu'ils versent en impôts.

M. le Président, au nom de 24% des Québécois et de plus de 30% des Québécois français, j'entreprends de critiquer le budget que le gouvernement a présenté, non pas dans un sens purement comptable. Il serait facile, par exemple, de souligner des truquages habituels et traditionnels qui paraissent dans ce budget.

Il serait facile de souligner le fait que le gouvernement, ayant omis de présenter le bilan des comptes de l'Etat, on ne peut véritablement savoir quelle en est la condition financière. Se finance-t-il à même des crédits bancaires augmentés, à même des comptes non payés? On ne peut, à ce stade, le savoir.

Je ne critiquerai pas non plus le ministre des Finances, bien qu'il serait peut-être ironique de le faire. Je relisais la critique que l'actuel ministre des Finances faisait l'année dernière, alors qu'il était critique financier de l'Opposition. Il s'était étonné du fait que le budget antérieur annonçait $50 millions de crédits périmés; lui-même nous en a, cette année, servi $80 millions.

Mais je situerai plutôt ma critique sur le plan philosophique. De la même façon que toute présentation d'un budget part d'une évaluation de la situation économique, j'analyserai, dans un premier temps, cette situation économique telle que nous l'apercevons, pour en déduire l'action que celle-ci commande, mais que le budget du gouvernement se refuse. Et dans un deuxième temps, la situation socio-culturelle, parce que ces autres dimensions de la réalité humaine commandent également une action de l'Etat, action qui, bien sûr, a des incidences budgétaires.

Enfin, j'indiquerai, dans une dernière partie, des incidences, sur le budget de l'Etat, du régime constitutionnel dans lequel nous vivotons, en soulignant comment un changement à ce régime permettrait à l'Etat de remplir pleinement son rôle et de mieux rejoindre, de mieux répondre aux aspirations des citoyens. Quelle est donc la situation économique du Québec? Est-il suffisant à ce propos de rappeler, comme le fait le budget, que la lutte anti-inflationiste se poursuit en Amérique, que l'inflation ne menace cependant pas autant le Québec, que les taux d'intérêt ont augmenté partout, qu'un ralentissement des activités a déjà commencé en Amérique, pour conclure que, dans cette situation, et je cite : « Le Québec se doit de poursuivre une politique d'expansion économique » .

Ce n'est pas la banalité de la conclusion qui me frappe, ce sont davantage des motivations à courte vue, et des visions à bout de nez de notre situation économique. N'y avait-il pas, sans écrire tout un volume, des choses beaucoup plus fondamentales et pertinentes à dire sur notre économie? Quelques-uns de ces mots les plus profonds à souligner dans l'amorce d'une solution à plus long terme? Mais ce gouvernement a une bien courte vision et de bien courtes solutions aussi. Ce n'est donc pas de lui, ce budget en fait la preuve, qu'il faut attendre le redressement économique qui s'impose. Quels sont les points saillants de la situation économique? Il faut se pencher d'abord sur la structure même de notre économie. Un rapide coup d'oeil sur la répartition de nos expéditions manufacturières indique déjà une faiblesse majeure de notre secteur industriel, alors qu'en Ontario 50% des expéditions manufacturiêres peuvent être attribuées à l'industrie lourde ou à l'industrie à technologie avancée. Ce pourcentage tombe à 30% au Québec. Sachant que c'est là le type d'industrie qui paie les plus hauts salaires, qui entraîne le plus de recherches scientifiques, et qui a les effets d'entraînement les plus considérables, on voit tout de suite les conséquences de cette situation structurelle sur les revenus, le chômage et ainsi de suite.

Environ le tiers de notre main-d'oeuvre industrielle est employée dans des industries légères en perte de vitesse, comme le textile, le vêtement, le cuir, la bonneterie, etc. Il faut donc préparer de toute urgence la mutation de notre industrie, et cela veut dire l'expansion de l'industrie lourde ou de l'industrie à fort contenu technologique.

Deuxièmement, il faut analyser l'état des investissements, puisque la croissance future est déterminée par les investissements d'aujourd'hui. Quelle est donc la situation des investissements et leur évolution depuis quelques années? Considérons d'abord les investissements totaux au Québec. En 1969, il auront été de $4,500 millions, le même chiffre qu'en 1966. Quatre années de stagnation. En pourcentage des investissements canadiens, ce qui est plus significatif encore, on passait, en 1960, à 24.2%, en 1965, à 24.6% et, en 1969, on tombe à 20.7%, alors que la population du Québec représente 28.5% de la population du Canada. Il

est clair que, si cette situation devait persister, nous prendrions un retard de plus en plus considérable.

Considérons maintenant les investissements chapitre par chapitre. Les investissements manufacturiers, secteur moteur vital de notre Industrie. Cela nous permettra, d'ailleurs, de savoir si la mutation dont nous parlions tout à l'heure est en train de se faire. Les statistiques fort intéressantes et pertinentes nous montrent les faits suivants. En pourcentage des investissements manufacturiers de l'Ontario, ceux du Québec, pendant la dernière décennie, ont évolué de la façon suivante: à partir de 1960, 55% pour tomber, en 1965, à 47%. Depuis 1966, une remontée puisque, de 47%, on passe à 49%, à 50% et finalement à 53%, pour une moyenne de la décennie de 52%. Ces chiffres démontrent plusieurs choses. Puisque c'est au secteur manufacturier que se concentre l'essentiel de l'investissement privé, surtout étranger, il faut donc conclure, de ces chiffres, que l'évolution du problème constitutionnel au Québec et la montée des indépendantistes n'a non seulement eu aucune influence sur les investissements directs étrangers, mais qu'on pourrait même croire le contraire, puisque, dans la période de 1960 à 1965, on passe de 55% à 47% et que, de 1966 à aujourd'hui, on revient à 53%.

M. BOURASSA; Si le député me permet de lui poser une question. Evidemment, il joue avec des pourcentages. Il a acquis une habileté à jouer avec les chiffres et je l'en félicite.

M. JORON: Je l'ai appris de vous.

M. BOURASSA: Mais les chiffres absolus seraient peut-être plus éclairants pour l'Assemblée que simplement des comparaisons de pourcentage.

M. JORON: Si vous me permettez, je vais poursuivre mon discours.

M. LAPORTE: Cela évite de répondre. M. JORON: Cela n'évite pas de répondre.

M. BOURASSA: Si le député me permet, j'ai écouté son discours de mon bureau; je l'avais déjà rencontré. Il a mentionné tantôt les crédits périmés.

M. JORON: Le point que je veux faire valoir est le suivant: les investissements manufacturiers aussi bien que publics ont ralenti, et vous le savez, partout en Amérique du Nord.

M. BOURASSA: Je vous répondrai dans deux minutes.

M. JORON: La réponse est intéressante. Cela me permet d'ajouter un paragraphe à mon discours et cela va me permettre de vous éclairer.

M. LAPORTE: Est-ce qu'il est trop tard pour vous poser des questions sur les crédits périmés?

M. JORON: Non.

M. BOURASSA: J'ai entendu ça de mon bureau. Si j'ai assumé $80 millions de crédits périmés, c'est que, dans les dépenses, nous avons ajouté $97 millions qui normalement auraient été financés par des budgets supplémentaires.

M. JORON: Après avoir comprimé les dépenses au maximum.

M. BOURASSA; Cela permettait au gouvernement de pouvoir utiliser beaucoup plus les crédits périmés.

M. BERTRAND: Si le député me le permet, vous allez avoir des crédits périmés beaucoup plus élevés que ceux prévus et,...

M. BOURASSA: Tant mieux, les taxes vont baisser.

M. BERTRAND: ... je suis convaincu que vous reviendrez à l'automne avec un budget supplémentaire.

M. BOURASSA: Est-ce que le chef de l'Opposition peut me donner l'ordre de grandeur du budget supplémentaire?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: Ecoutez...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BOURASSA: Cela fait $5 millions...

M. DEMERS: C'est selon votre appétit.

M. BERTRAND: Au moins $30 millions.

M. DEMERS: Selon l'appétit

M. BOURASSA: Même si c'était vrai...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: ... cela se compare avec les $170 millions du précédent gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Je peux supposer que tous les intervenants ont eu la permission du député de Gouin.

M. BERTRAND: Je dois dire que le député de Gouin a été très aimable. J'ai regardé son sourire et, me prévalant de...

M. LE PRESIDENT: De ce sourire...

M. BERTRAND: ... son sourire, j'ai parlé.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: J'en reviens au pourcentage des investissements manufacturiers au Québec en rapport de ceux de l'Ontario puisque, pendant les cinq dernières années, le Québec, il est vrai, a connu une certaine effervescence constitutionnelle, chose qui n'est pas le cas en Ontario. Ne faut-il pas s'étonner que, pendant cette période, les investissements au Québec, en pourcentage de ceux de l'Ontario, continuent malgré tout d'augmenter?

Le deuxième point que je voulais faire valoir, c'est l'inefficacité administrative dont le premier ministre actuel accuse l'ancien gouvernement. Ces chiffres démontrent également ou bien que l'inefficacité administrative importe peu ou bien, tout simplement, qu'elle n'existait pas. Ainsi sont détruits du même coup les deux arguments que le gouvernement avance comme promesse d'accélération des investissements. Qu'ils soient fédéralistes et qu'ils se veulent efficaces n'apporte aucune garantie de relance économique.

Voyons plutôt ce qui est arrivé au poste des investissements domicilaires et des services publics. En pourcentage de ceux de l'Ontario toujours, au chapitre des investissements domiciliaires, on passe de 80% en 1962 a 58% en 1968; aux services publics, sur la même période, de 85% à 64%. On sait que ces investissements sont étroitement liés les uns aux autres et que l'Etat est ici l'origine et la principale source de crédit C'est donc à ce chapitre à large mesure qu'il faut scruter la diminution des investissements au Québec.

Mais où faut-il donc chercher les moyens de relance économique? En partie, dans les investissements domiciliaires et des services publics, également dans des investissements sup- plétifs au secteur manufacturier et principalement dans l'industrie lourde, dans les secteurs de pointe, si l'on désire, en même temps, transformer notre structure.

En résumé, tout cela dans un rôle plus accru de l'Etat. Si j'appelle l'Etat à un plus grand rôle, ce n'est pas, sur ce point tout au moins, à partir de quelque conception idéologique que ce soit. C'est uniquement par pragmatisme, parce que nous ne pouvons pas nous permettre de faire autrement, au risque de perpétuer une misérable stagnation.

Mes propos seraient peut-être différents, si j'habitais la Californie. Au Québec, nous n'avons pas le choix. Ou plutôt si, nous avons le choix entre le statu quo ou la stagnation et le progrès. Quel est le choix du statu quo? Un Etat qui n'intervient peu et qui attend des autres l'essentiel du développement de son économie. C'est la prière pour que la manne tombe. C'est l'appel au grand capitalisme. Voilà quelques siècles que cette philosophie préside à notre développement

A-t-elle réglé les problèmes dont nous souffrons aujourd'hui? Il ne fait aucun doute que si nous choisissons d'aller de l'avant, notre Etat devra intervenir beaucoup plus directement, non pas dans le sens des nationalisations, mais se faire lui-même créateur d'entreprises nouvelles et, par voie de conséquence, d'emplois nouveaux.

Les formules, ici, peuvent alors varier. Soit que ce soient, ce qu'on appelle, des sociétés de la couronne, ou des sociétés de type « joint venture » en partnership avec des sociétés étrangères et ainsi de suite.

Le financement de ce développement proviendra de plusieurs sources. Du budget même de l'Etat, d'une part, si celui-ci est disposé à augmenter ses emprunts. Deuxièmement, d'une meilleure canalisation de l'épargne, si celui-ci veut légiférer en conséquence. Troisièmement, d'une épargne accrue, si celui-ci veut l'inciter, d'une part et a le courage, d'autre part, de la forcer.

Le budget que le gouvernement propose non seulement n'atteint aucun de ces objectifs mais fait même marche arrière sur plusieurs points. Premièrement...

M. BOURASSA: Démagogie!

M. LAPORTE: Basse démagogie!

M. JORON: ... il diminue certains crédits prévus par l'ancien ministre des Finances...

UNE VOIX: Démagogie!

M. JORON: ... à certains postes qui ont une incidence économique.

M. BOURASSA: Le député de Gouin est terrible.

M. JORON: Le premier grand parc industriel du Québec voit ses crédits coupés de $9 millions à $5.8 millions. Le Centre de recherche industrielle voit ses crédits coupés de $4 millions à $1.5 million. Le Plan et étude...

M. BOURASSA: J'invoque le règlement, M. le Président. Est-ce que le député me permettrait? Quand même, Je connais son honnêteté intellectuelle. Nous avons expliqué clairement, à la satisfaction de tous les députés, pourquoi les crédits du Centre de recherche industrielle...

UNE VOIX: Nous n'étions pas satisfaits. M. BURNS: M. le Président...

M. JORON: Vous avez déjà présenté votre budget...

M. BURNS: M. le Président, quel article du règlement le premier ministre invoque-t-il?

M. BOURASSA: Je veux rendre hommage à l'honnêteté intellectuelle du député de Gouin.

M. BURNS: Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président.

M. BOURASSA: Question de privilège, M. le Président!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LAPORTE: Si on ne peut même plus rendre hommage à l'honnêteté intellectuelle, M. le Président, où en sommes-nous?

M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre, avec la permission du député de Gouin, pourrait rétablir certains faits.

M. BURNS: Mais le premier ministre a invoqué le règlement. Je ne vois pas en quoi il invoque le règlement...

M. BOURASSA: M. le Président...

M. BURNS: ... en ce qui concerne les déclarations du député de Gouin.

M. BOURASSA: ... avec la permission, c'est parce que... Je suis le dernier à vouloir prolonger les débats, mais je pense que dans le cas du Centre de recherche industrielle, M. le Président, nous avons donné toutes les raisons de la réduction. C'était physiquement impossible de les dépenser cette année à cause de la préparation des plans qui nous ont été soumis. C'est aussi simple que cela.

M. JORON: Si vous vous engagez à les dépenser l'année prochaine, j'accepte votre explication.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: De toute façon, ce n'étaient pas là les arguments principaux.

M. LAPORTE: Heureusement, heureusement!

M. JORON: Tenez-vous bien, cela s'en vient.

M. BOURASSA: Merci de l'aveu, M. le Président.

M. JORON: Deuxièmement, il prétend, d'autre part, diminuer les emprunts de $603 millions à $440 millions et ce, au moment même où il se targue d'avoir meilleur accès au marché financier que l'ancien gouvernement, au moment même où, prend-il soin de le dire lui-même, la poussée inflationniste est moins forte au Québec qu'ailleurs et pourtant, le chômage plus critique. Cela, il nous semble, aurait dû commander, non pas une diminution des emprunts, mais l'inverse.

Troisièmement, il ne souffle mot, dans son budget, d'un vaste programme de rénovation urbaine et de construction domiciliaire, programme de $250 millions annoncé par l'ancien gouvernement. J'ai même demandé au ministre des Affaires municipales, en cette Chambre, et je n'ai reçu aucune réponse; sans doute, me dira-t-il d'aller négocier directement avec Ottawa.

M. DEMERS: Cela se comprend.

M. JORON: Quatrièmement, non seulement le budget n'annonce aucunement l'Intention du gouvernement d'accroître la participation de l'Etat à l'activité économique mais au contraire, dans une longue supplication adressée

à l'entreprise privée et aux capitalistes étrangers, il confirme son intention de reléguer à d'autres le fardeau, dans des circonstances bien aléatoires de toute façon, du développement de notre économie.

Le ministre d'Etat à l'Industrie et au Commerce soulignait d'ailleurs l'importance accrue au conseil général de l'industrie... et je le cite: « Le ministère accordera plus d'importance au conseil afin que cet organisme joue un plus grand rôle. » Ce conseil réunit 58 représentants de l'Establishment québécois, dont 16 sont de langue française, et qui représentent vous savez quels intérêts.

M. BOURASSA: Adanac.

M. JORON: Est-ce là le conseil qui va présider à l'avenir économique du Québec? Est-ce là la voix qu'auront les Québécois à ce conseil dont on veut considérablement augmenter l'importance?

M. BOURASSA: Considérablement.

M. JORON: N'aurait-il pas fallu y inclure à tout le moins que ce conseil ne double pas déjà le travail du ministère de l'Industrie et du Commerce, et y avoir des représentants de toute la population, du monde syndical et des différentes couches de la société? Connus il est ironique de relire ce que le premier ministre, alors qu'il était critique financier de l'Opposition, disait dans cette Chambre le 29 avril 1969. Il se disait, surpris de l'importance, en paroles à tout le moins, qui était accordée dans le budget d'alors au développement économique. Il nous a cette année inondé de plus de paroles encore, de promesses de 100,000 emplois par exemple, alors qu'il savait fort bien qu'il n'est pas du tout dans les pouvoirs du gouvernement du Québec de déterminer la création de ces emplois. Il le sait très bien, notre économie étant reliée...

M. BOURASSA: Défaitiste!

M. JORON: ... aux autres économies de l'Amérique du Nord. L'essentiel de la relance économique qui apportera ces emplois viendra de toute façon de Washington ou d'Ottawa. Alors il me semble que c'étaient là beaucoup de mots, une démagogie très facile...

M, BOURASSA: C'est ce qu'on a ce soir.

M. JORON: ... après trois ans de ralentissement économique en Amérique du Nord, que de promettre qu'en 1971 il se créerait 100,000 emplois. Il va s'en créer 125,000 ou l50,000automatiquement de toute façon.

Mais, s'il nous inonde de paroles, au niveau des projets concrets, on fait nettement marche arrière par rapport à l'ancien gouvernement, et non seulement de quelques pas, c'est au dixneuvième siècle que sa philosophie du développement économique nous ramène. C'est un retour au laisser-faire et au libéralisme traditionnel. On voit clairement d'ailleurs que le Parti Libéral, maintenant purgé depuis trois ans de ses éléments progressistes, redevient aujourd'hui lui-même, c'est-à-dire le véhicule d'une idéologie dépassée et d'une autre époque. On peut de plus se demander si sa servitude à l'entreprise ne découle pas, en plus de sa philosophie, de liens financiers très étroits avec celle-ci. Le gouvernement libéral craindrait-il...

M. BOURASSA: Des preuves.

M. JORON: ... de mettre l'Etat en compétition avec ses propres bâilleurs de fonds?

M. BOURASSA: Des preuves.

M. JORON: D'ailleurs cela m'amène à dire, M. le Président, qu'il est urgent de souligner la démystification que nous devons entreprendre au Québec d'un concept fort mal compris, celui de l'entreprise. On doit cesser de faire croire à la population que la prospérité chez nous vient essentiellement des étrangers et des entreprises.

Le rapport de la Commission Porter montrait que, de 1946 à 1962 ou 1963, le pourcentage des investissements totaux faits au Canada représentait 91% de l'épargne totale. On peut présumer, en gros, que cet ordre de grandeur des chiffres s'applique au Québec. Il est donc dangereusement illusoire de faire croire à la population que, sans l'apport du capital étranger, il n'y aurait pas de développement économique ici. Rappelons que 90% du développement, comme dans le reste du Canada, est financé, ici, à même l'épargne locale.

Il faudrait, à ce propos, expliquer comment se finance une entreprise. Des lignes de crédits bancaires accordés à une entreprise, c'est de l'épargne locale qu'on met à sa disposition. Lorsque l'entreprise fait des emprunts à plus longs termes, en émettant des obligations, par exemple, sur le marché local, c'est encore de l'épargne locale qu'on vient drainer. Finalement, quand l'entreprise se finance à même ses profits réinvestis, elle se finance, par conséquent, à même le pouvoir d'achat des con-

sommateurs. Ainsi, les entreprises dont 100%, parfois, des actions votantes peuvent appartenir à des société étrangères peuvent quand même se financer à 95% à même l'épargne locale.

Ce n'est pas l'entreprise qui est le pivot du développement, c'est le consommateur. Et c'est la présence de ce dernier qui fait accourir la première.

En conclusion sur cette première partie, le budget n'offre aucune garantie de correction de la situation économique, ni de relance. Le gouvernement se refuse à l'action. Bien que le discours du budget nous ait dit qu'il ne sera pas inactif, il s'empresse aussitôt d'ajouter qu'il compte sur l'entreprise privée, sur l'attrait que son efficacité exercera sur elle et, enfin, sur la coopération d'Ottawa. Voilà de bien maigres garanties, surtout à la lumière de l'histoire.

Dans une deuxième partie, M. le Président, il importe de jeter un coup d'oeil sur certains aspects de la réalité sociale et culturelle du Québec, pour bien voir si, d'une part, le gouvernement en est conscient et, d'autre part, s'il entend, tel qu'en témoigne son budget, agir sur cette réalité. Bien sûr, le discours du budget fait mention du taux de chômage inacceptable qui afflige le Québec, le taux de chômage maintenant le plus élevé au Canada et systématiquement, depuis des décennies, voisin du double de celui de l'Ontario. La solution à ce problème se rattachant à la deuxième partie de mon exposé étant directement liée au volume des investissements et au développement économique, je n'y reviendrai pas.

Il y a le problème, aussi cuisant, de l'inégalité de la distribution des revenus dans une société, réalité que le discours du budget évite d'ailleurs d'appeler par son nom; on préfère parler d'équité fiscale, c'est plus vague et surtout moins compromettant. Que nous propose, à ce chapitre, le gouvernement? Le discours du budget, il faut le dire, est assez muet sur le sujet de la réforme fiscale. On se dit d'accord avec l'esprit du livre blanc du gouvernement fédéral et on nous renvoie aux propos qu'a tenus le ministre des Finances, à la dernière conférence de Winnipeg. Or, justement, qu'a dit le ministre des Finances à Winnipeg? Les voeux pieux d'usage sur l'équité fiscale, mais accompagnés d'une condition qui ouvre la porte aux retraits les plus spectaculaires. Et je le cite: « C'est donc dans cette optique de développement économique que le Québec entend surtout aborder la question de la réforme fiscale. » Cela ne veut pas dire qu'il faut mettre en veilleuse l'objectif de la répartition équitable du fardeau fiscal.

Bien au contraire, le Québec est pleinement d'accord avec l'objectif d'équité fiscale contenu dans le livre blanc. Mais cet objectif ne sera pleinement atteint que si l'essor économique est assuré. Puis, au nom toujours du développement économique, le ministre des Finances procède à détruire en bonne partie l'esprit qui anime le livre blanc. Déjà, celui-ci atténue la portée de la réforme fiscale suggérée par le rapport Carter — aux principes duquel, je m'empresse de le dire, nous du parti québécois souscrivons sans réserve — atténue, dis-je, la portée du livre blanc. Je n'en soulignerai que quelques exemples.

D'abord, au sujet de l'imposition des gains de capitaux, le ministre des Finances proposait à Winnipeg, d'une part, entre autres choses, l'incorporation au revenu de 50% seulement du gain réalisé. Deuxièmement, la taxation au moment de la réalisation, ce qui peut provoquer non seulement le gel des actifs, mais da toute manière retarder indéfiniment le prélèvement de la taxe.

Au sujet de l'imposition des petites entreprises et des industries extractives, le ministre des Finances se refuse de placer ces entreprises sur un pied d'égalité avec les autres et désire perpétuer certains privilèges fiscaux. Pourquoi? Son argumentation va dans le sens qu'il existe au Québec beaucoup de petites entreprises et qu'il faut donc assurer leur survie et, d'autre part, que les ressources naturelles sont très importantes dans l'économie du Québec.

Au nom du développement économique, on fait ainsi une entorse à l'égalité fiscale. Or, le premier ministre, par ailleurs, nous parle souvent de la nécessité de fusionner et d'intégrer les petites entreprises pour leur permettre de mieux faire face à la compétition. Pourquoi désire-t-il alors une incitation fiscale à rester petit?

Deuxièmement, le premier ministre devrait savoir que la trop grande dépendance de notre économie sur le secteur primaire est une de ses faiblesses structurelles. Il devrait savoir aussi que nulle part au monde les ressources naturelles ont été la garantie du développement économique. Les pays les plus sous-développées en sont une preuve éclatante. Pourquoi alors conserver ces privilèges? Il n'y a pas M. le Président, de contradiction entre justice fiscale et développement économique. Mais il semble de toute évidence y avoir contradiction entre justice fiscale et les privilégiés que le gouvernement entend favoriser.

Outre Winnipeg, que nous propose le budget comme réforme fiscale? Quelques mesures

d'une envergure qui n'échappera sans doute à personne. Entre autres, certains crédits d'impôts spéciaux pour les mères de famille, la possibilité pour les athlètes et les artistes d'étaler leurs revenus sur un certain nombre d'années, et ainsi de suite. Je n'en ai pas, bien entendu, contre les mères de famille, les athlètes ou les artistes, mais on voit la profondeur des réformes impliquées, le tout accompagné, comme à l'habitude, de quelques autres voeux pieux, mais pour l'avenir.

Il aurait fallu, M. le Président, et c'est ce qu'un gouvernement péquiste aurait fait, entamer une révision complète du régime fiscal. Nous savons bien que plusieurs modifications peuvent prendre un certain temps à être complétées. Rien ne nous aurait empêchés, cependant, d'en annoncer à tout le moins le principe. Il y a bien plus d'ailleurs que la vraie imposition des gains de capitaux. La justice fiscale commanderait en plus le respect et peut-être l'amélioration du principe de la progressivité des impôts, principe que le gouvernement vient d'ailleurs d'attaquer par le mode de financement de son régime d'assurance-maladie. Je ne répéterai cependant pas ici ce que j'ai déjà dit à ce sujet en commission. Nous nous serions également attaqués au principe de l'équité qui doit sous-entendre aussi la taxe de vente.

Je l'ai aussi suggéré au premier ministre en commission des Finances, il aurait eulieude prévoir diminuer cette taxe sur les objets de nécessité vitale, pour l'augmenter sur les objets de luxe.

M. BOURASSA: M. le Président, si le député me permet...

M. JORON: M. le Président, j'en viens maintenant à ces problèmes...

M. BOURASSA: Est-ce que le député me permettrait une petite question?

M. CHARRON: Est-ce que le député de Mercier veut s'asseoir? Vous vous en permettez pas mal.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Est-ce que le député de Gouin permet une question?

M. CHARRON: Deux économistes analogues.

M. BOURASSA: Au lieu de me servirde mon droit de réplique tantôt, je ne me servirai pas de mon droit de réplique.

M. CHARRON: Est-ce que le député de Mercier veut s'asseoir? Il va apprendre des choses.

M. LAPORTE: Le député de Saint-Jacques est complètement hors d'ordre.

M. JORON: Si le premier ministre veut présenter un deuxième budget je...

M. BOURASSA: Non, non, seulement une question. Vous référez à une suggestion qu'on afaite au comité des Finances. Je veux demander au député de Gouin, est-ce qu'il pourrait nous dire — il fait un long exposé — comment le Parti québécois aurait financé sa réduction de $1 milliard dans les taxes? Le député de Saint-Jacques me disait hier qu'il s'était adressé à l'intelligence des électeurs, il promettait des réductions de taxes de $1 milliard, c'est cela s'adresser à l'intelligence, parlez-nous donc de cela!

M. JORON: Tout au moins à l'occasion de cette question, on voit que le Parti québécois ne s'adressait pas à vous pendant la campagne électorale. Je ne sais pas où vous prenez votre $1 milliard, mais vous mêlez...

M. LAPORTE: Pour mieux vous comprendre, c'est censé être intelligent...

M. CHARRON: Le spécialiste économiste de Chambly, où prenait-il son $1 à $0.65?

M. LAPORTE: Mon cher homme, dans votre programme puis dans votre défaite.

M. CHARRON: Allez-y donc, le député de Chambly.

M. BOURASSA: Page 58 de l'Option Québec, lisez, vous allez voir la réponse au $1.

M. PAUL: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Maskinongé sur un point de règlement.

M. LAPORTE: Le député veut se porter à la défense du député de Saint-Jacques. C'est inutile, il est trop tard.

M. PAUL: M. le Président, je veux tout simplement me porter à la défense des règlements de la Chambre. Je suis sûr que l'honorable premier ministre voudrait bien se réser-

ver l'occasion de nous répondre. Nous allons pouvoir la lui donner.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Je reconnais le point d'ordre invoqué par le député de Maskinongé comme étant fondé et je donne au député de Gouin son droit de parole.

M. JORON: M. le Président, j'en viens maintenant à ces problèmes d'ordre culturel qu'aucun budget présenté en cette Chambre n'a jamais abordé de front. Il est temps, croyons-nous, de cesser ce jeu d'autruche et d'appeler maintenant un chat, un chat.

Premier point. Ne faut-il pas s'inquiéter du fait que les Québécois français qui sont 80% de la population en ce pays ne contrôlent qu'une bien faible partie de son économie, que ce contrôle, au secteur secondaire, secteur pourtant si vital puisqu'il est le moteur du développement économique, ne s'élève qu'à 20%. Rien n'indique que cette situation s'améliore, bien au contraire. Quelle possibilité d'action reste donc à cette collectivité, si ce n'est l'utilisation du seul levier puissant à sa disposition, son Etat? Nous revenons ainsi au rôle créateur que celui-ci devrait jouer dans l'économie. A condition, bien entendu, que le gouvernement qui dirige cet Etat y soit installé pour défendre les intérêts de la collectivité québécoise française et non ceux de la minorité qui contrôle notre économie et qui d'ailleurs représente la moitié de l'électorat du parti ministériel.

Deuxième point. Ne faut-il pas s'inquiéter également de ce que, dans ce pays français à 80%, le salarié anglophone ait un salaire moyen de 50% plus élevé que le Québécois français? Ce sont là les chiffres que nous procurait la Commission fédérale sur le bilinguisme et le biculturalisme. La compensation partielle que pourrait opérer immédiatement un système de taxation plus redistributif ne devrait-elle pas être étudiée de toute urgence? Et s'en trouverait-il d'assez mesquins pour la qualifier de raciste? La justice et l'égalité, M. le Président, sont des idéaux humains et non pas ethniques.

Il faut dire, en terminant cette deuxième partie, que toutes ces injustices d'ordre culturel, social et économique que j'ai signalées et auxquelles le gouvernement ne se montre que peu sensible, tel qu'en témoignent non pas les discours électoraux, mais tel qu'en témoigne son premier budget, c' est-à-dire la concrétisation de ses intentions, ces injustices, dis-je, sont le ferment d'agitation et de malaises qui, déjà, secouent notre société.

Nous croyons, M. le Président, que la vie en société nécessite l'ordre et la paix. Mais, je l'ai déjà dit en cette Chambre, non pas l'ordre établi fixe et statique, mais au contraire l'ordre qui évolue pour répondre aux aspirations de la société et empêcher les injustices de se multiplier.

En conclusion, je n'ai peut-être pas... C'est pour vous à part ça.

M. LAPORTE: Vous faites vraiement l'unanimité.

M. JORON: Je n'ai peut-être pas été, dans cet exposé, bien tendre à l'endroit du gouvernement. On me dira que ce n'était d'ailleurs pas mon rôle. Néanmoins, je ne voudrais pas, M. le Président, terminer sans, dans une dernière partie et en guise de conclusion, étudier brièvement les incidences du régime constitutionnel dans lequel nous étouffons et qui limite singulièrement la marge de manoeuvre et, con-séquemment, l'imagination et le pouvoir créateur de tous les gouvernements québécois, fussent-ils rouges ou bleus, plus jeunes ou plus vieux.

Quelle que soit la qualité des hommes au pouvoir dans ce gouvernement provincial, — je connaissais déjà celle du premier ministre et, par réputation, celle de quelques autres ministres, j'ajouterais qu'il m'aurait été agréable d'en découvrir d'autres au cours de cette session s'ils s'étaient fait valoir — quelle que soit, dis-je, leur qualité, ils resteront impuissants parce que le carcan fédéral sape à la base leur possibilité d'agir.

La confection d'un budget implique le choix d'affecter des sommes à différents objectifs. Un budget, normalement, fixe des priorités. Mais dans notre régime, ce choix s'avère impossible. Comment le citoyen québécois peut-il choisir, à titre d'exemple, entre plus d'éducation, de santé ou de développement économique, au détriment de dépenses militaires quasi inutiles, car ces juridictions appartiennent à des niveaux de gouvernement différents. Si personne ne peut effectuer ce choix, c'est-à-dire trancher la question, le choix ne sera pas fait Quels auraient été les choix d'un gouvernement québécois qui aurait disposé d'un budget de $7 milliards? Comment le gouvernement du Québec peut-il lancer des programmes nouveaux quand ses disponibilités budgétaires se voient graduellement canalisées dans des programmes fédéraux qu'il n'a pas choisis et qui ne coincident pas nécessairement avec nos priorités. Comment le gouvernement québécois peut-il prétendre créer 100,000 emplois nouveaux quand les grands instruments créateurs d'emplois, sans parler d'une partie importante des ressources fiscales, appartiennent à un autre gouvernement? Il ne peut alors,

et c'est d'ailleurs ce qu'il fait, que formuler des souhaits, émettre des voeux pieux et des supplications adressées ici et là.

Nous attendrons donc que la manne tombe, que le gouvernement central entreprenne une réforme fiscale avant d'en avoir une, etc., etc. Parce que le Québec ne dispose pas des grands instruments de développement, il doit rester à la remorque d'un autre gouvernement.

Le conservatisme rétrograde du gouvernement actuel s'explique, en partie, par ce fait. Le régime constitutionnel le condamne au conservatisme, en même temps que ses alliés et ses bailleurs de fonds l'y invitent. Mais, les Québécois ont néanmoins des besoins pressants. Ils ont soif de justice et de progrès. Ils souhaitent, au fond, un gouvernement qui peut et qui veut être progressif. Beaucoup d'entre eux ont déjà formulé ce souhait aux dernières élections.

Nous sommes convaincus qu'une majorité d'entre eux l'exprimera la prochaine fois. C'est la nécessité et l'urgence du progrès qui donnera au Québec une administration contrôlée par et pour des Québécois, c'est-à-dire un gouvernement du Parti québécois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... je ne veux pas abuser du temps qu'il reste à la Chambre avant l'ajournement ou la prorogation de cette session, je n'en sais trop. Mais je crois nécessaire de faire quelques observations générales sur la situation du Québec à propos du budget qu'a présenté le ministre des Finances et premier ministre du Québec.

Je n'ai pas spécifiquement compétence pour discuter dans le détail des aspects techniques du budget qu'a présenté le premier ministre. Ce budget, évidemment, laisse deviner certaines orientations politiques dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont d'une nature centralisatrice inquiétante.

Il nous paraît, évidemment — et cela est bien compréhensible si l'on se reporte à l'histoire du Parti libéral du Québec, qui n'est au fait que la succursale du Parti libéral d'Ottawa — que le gouvernement libéral s'est mis à la remorque du gouvernement central. Je ne crois pas qu'il puisse s'autoriser de la majorité des sièges qu'il détient en cette Assemblée nationale pour croire que le dossier du pacte fédératif de 1867 soit définitivement clos. Il est, en effet, des réalités qu'il importe de considérer à ce moment où le Québec s'engage, où le Québec se trouve plus précisément à un carrefour de son histoire, un carrefour de ses orientations politiques, un carrefour de son orientation constitutionnelle. Et le fait qu'il se trouve en Chambre 72 députés libéraux n'indique pas que le Québec ait fait nécessairement option pour la thèse préconisée par le Parti libéral.

Il est donc important, dans la perspective, dans l'optique du budget qu'a présenté le premier ministre, de repenser le problème général de la constitution du Québec et le problème beaucoup plus important encore de l'intégration du Québec à l'intérieur de ce qu'on est obligé d'appeler le cadre confédératif.

En effet, M. le Président, il s'est avéré, lors des dernières élections, qu'une bonne partie des citoyens ont manifesté leur désir de voir s'opérer un changement dans le Québec. Ces citoyens ont manifestement indiqué qu'ils n'étaient pas satisfaits du statu quo, qu'ils voulaient que le Québec se donnât une constitution qui lui fût propre et que le Québec se dégageât de plus en plus des liens qui, jusqu'à présent — c'est un lieu commun de le dire — ont paralysé son évolution économique et sociale.

Il n'y a pas lieu, pour l'instant, en ce qui me concerne, d'indiquer quelle peut être l'option de l'Union Nationale, quelle peut être l'option de ses partisans et quelle peut être l'option de ceux qui siègent sous cette bannière en cette Assemblée nationale. Mais je crois qu'il est important de réfléchir, donnant suite aux observations qu'a faites le député de Gouin, sur une conjoncture qui se présente comme étant de plus en plus complexe, une conjoncture qui inquiète de plus en plus les citoyens du Québec et particulièrement la jeune génération qui, sensibilisée aux problèmes politiques de l'heure, s'interroge sur l'avenir du Québec et sur la raison d'être de toutes ces institutions qui, depuis toujours, se sont efforcées de maintenir ici la langue et la culture française.

Les jeunes s'interrogent aujourd'hui sur ce qu'est le Québec et, ce faisant, ils s'interrogent sur ce qu'ils sont. Ils s'interrogent sur leur personnalité et ils essaient de découvrir à travers les difficultés — enfin, ils essaient de voir à travers ces nuages, ce voile qui leur cache des réalités beaucoup plus importantes — ils essaient de découvrir, dis-je, leur identité. Ils essaient de trouver leur personnalité. Ils essaient également de trouver cette voie qui doit les mener vers ce qu'on appelle, en anglais, un accomplissement total de leur être qui corresponde réellement à ce qu'ils sont essentiellement.

C'est pourquoi, M. le Président — et je ne

m'étonne pas que nos collègues du Parti libéral ne veuillent point prêter une oreille attentive à ce que je dis — il est important de réfléchir sur le sens du dernier scrutin, d'y réfléchir à la lumière des faits, des événements qui se sont produits depuis le 29 avril, à la lumière également des gestes d'un gouvernement qui semble vouloir se livrer, pieds et poings liés, au gouvernement central.

Il est important de réfléchir à tout cela et de penser que, même si nous avons été légitimement élus par des citoyens, nous ne représentons pas nécessairement tous les citoyens et nous n'exprimons pas nécessairement la volonté des citoyens. C'est pourquoi, M. le Président — je terminerai là-dessus — j'estimn que le dernier scrutin fournit à tous les nommas politiques sérieux, à tous ceux qui s'interrogent sur l'avenir du Québec, des raisons additionnelles de se demander quelle est notre situation à l'intérieur du cadre confédératif, quelle pourra être dans l'avenir cette situation et de quelle façon il sera possible de trancher ce noeud gordien qui constitue pour nous et qu'à constitué, depuis 1867, pour tous les Québécois sincères, cette association avec une communauté humaine et tellement différente de la nôtre qu'elle nous force à nous interroger de façon sérieuse, de façon profonde et de façon réaliste sur le sort du Québec, sur son avenir et, de façon plus précise, sur ce nouveau mode d'association qu'il nous faudra bien inventer afin que la vie des Québécois, afin que la vie des membres de cette communauté de langue et de culture françaises ne soit pas celle que nous avons connue et corresponde véritablement aux aspirations d'une comnunauté qui a voulu bâtir un pays, un pays qu'elle a porté et, comme je le disais cet après-midi, dont elle sent que ce pays doit et va naître.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, nous avions cru comprendre qu'il avait été entendu que chaque parti s'en tiendrait, ce soir, à un orateur, pour ce débat. Cependant, comme un autre membre de cette Chambre a cru bon de parler sur le budget...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était son droit.

M. SAMSON: Même si c'est son droit, nous le reconnaissons, M. le Président, je peux difficilement résister à la tentation...

M. LAPORTE: Oui, mais essayez donc!

M. SAMSON: M. le Président, comme j'ai été sage lorsque mes collègues ont parlé...

M. DEMERS: Seigneur, prends pitié.

M. SAMSON: ... comme je n'ai interrompu personne, je vous prierais de demander, M. le Président, à ces honorables députés de ne pas m'interrompre.

M. LAPORTE: On va essayer.

M. SAMSON: Je vous prierais, M. le Président, de demander à ces honorables députés de ne pas m'interrompre.

M. LAPORTE: Nous allons essayer.

M. SAMSON: Alors, Je disais donc qu'il m'est difficile de résister...

M. LESSARD: Point d'ordre, M. le Président. Il me semble que le député de Rouyn avait déjà utilisé son droit de parole et, ce soir, au moment où son collègue a parlé, il avait annoncé à cette Chambre qu'il avait cédé son droit de réplique à son collègue.

M. SAMSON: M. le Président, si vous le permettez, je vous référerais au journal des Débats du 18 juin dernier, alors que le leader parlementaire a bel et bien expliqué à cette Chambre que le chef du Ralliement créditiste et le chef du Parti québécois n'ayant dit que quelques mots ceci leur permettait d'utiliser leur droit de parole. C'est de ça que je me prévaut et je continue. J'allais dire que...

M. BURNS: M. le Président, il a cédé son droit de parole et nous attendons une décision de votre part là-dessus, tel que l'a dit le député de Saguenay.

M. LAPORTE: Je parle sur le point d'ordre, M. le Président, étant donné que jusqu'ici, en dépit de ce que j'ai pu dire ce matin à mon grand désappointement dans un certain journal, personne n'a été empêché de parler. Nous avons été extrêmement intéressés par le discours du député de Gouin, nous avons été absolument sidérés par l'intervention du député de Saguenay, pourrions-nous nous entendre pour laisser quelques minutes au député de Rouyn-Noranda? Ensuite, si quelqu'un du Parti québécois veut lui répondre, nous demanderons la même faveur, même si nous tombons de sommeil à un moment donné.

M. LESSARD: M. le Président, sur le point d'ordre, j'invoque le règlement. Le leader parlementaire du gouvernement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, un peu de sérieux. Le leader parlementaire du gouvernement, lorsqu'il invoque les règlements, il veut bien que ces règlements soient appliqués.

Il semble qu'actuellement on donne des privilèges à certaines personnes, naturellement c'est le même parti. Considérant le fait que le député de Rouyn-Noranda avait cédé son droit de réplique, j'attends votre décision à ce sujet.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget, sur la question de règlement.

M. LAURIN: Après consultation avec mes collègues, nous accordons le droit de parole à l'aile créditiste du Parti libéral.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAPORTE: M. le Président, j'autoriserais le député de Saguenay à parler une troisième fois sur le point d'ordre, maintenant.

M. LE PRESIDENT: Avec le consentement unanime de la Chambre et du fait que je me rends compte que le député de Rouyn-Noranda peut difficilement résister, la Chambre — et ce n'est pas le président — lui accorde le droit de parole.

M. SAMSON: M. le Président, je désirerais remercier tous les honorables membres de cette Chambre pour la marque de confiance qu'on vient de manifester à mon endroit. Je disais que je trouvais qu'il m'était difficile de résister à l'emploi de mon droit de parole. Mais, M. le Président, je voudrais qu'il soit inscrit dans les annales, dans le journal des Débats, que durant cette session j'ai été le seul député qui a commencé à parler une journée pour finir le lendemain. Je croyais que mon collègue de Chicoutimi aurait réussi le tour de force, mais non, ça prenait un créditiste pour le réussir. Toutefois, M. le Président, je disais, quoique j'aie beaucoup d'intérêt pour les orateurs de cette Chambre...

DES VOIX: Ah, non! Pas d'intérêt!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Du fait que c'est le commencement d'un jour nouveau, j'accorde la parole au député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Merci, M. le Président. En ce dix-septième jour de juillet 1970, j'allais dire, et cela fait cinq minutes que je tente de vous le dire, que j'ai résisté et que je ne parlerai pas ce soir.

M. BOURASSA: M. le Président, pour suivre le bon exemple, je n'exercerai pas mon droit de réplique.

M. BERTRAND: Il n'y en a pas. M. DEMERS: Il n'y en a pas.

M. BOURASSA: Pour clôturer le débat, je crois que...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je pense bien que l'on ne peut pas permettre à l'honorable premier ministre un droit de réplique sur cette motion. Toutefois, en vertu de l'article 271 du règlement... Je voulais invoquer l'article 271, mais le secrétaire m'avise que c'est l'article 270. L'article 271 dit bien que « le ministre qui a pris la parole sur une motion demandant communication de documents, ou sur une motion proposant que la Chambre se forme en comité des subsides ou en comité des voies et moyens, peut la prendre de nouveau, et autant de fois qu'il est nécessaire de le faire pour expliquer ou pour rétablir, s'il y a lieu, des faits qui ont avancés après son premier discours, mais il doit se borner à expliquer et rétablir ces faits. »

M. BOURASSA: M. le président, de toute façon, je croyais que le ministre des Finances, pour clore le débat, avait un droit de réplique, mais je n'avais pas l'intention de l'exercer, tout simplement parce que, de ce côté-ci de la Chambre, nous concevons que c'est assez de discours et qu'il faut passer à l'action.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Combien de nouveaux emplois aujourd'hui?

M BOURASSA: 16,000 chômeurs de moins, d'après les statistiques.

M. LE PRESIDENT (Lavoie): Est-ce que la motion de l'honorable ministre des Finances proposant que le président quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comités des voies et moyens est adoptée?

M. BERTRAND: Adopté.

M. LAPORTE: Il s'agit, M. le Président, du bill des subsides. Alors, est-ce qu'on peut imaginer que cette Chambre autorise les inscriptions au procès-verbal?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Lavoie): Les résolutions sont agréées.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, avec la permission de cette Chambre, j'aimerais déposer un document qui m'est parvenu cet après-midi seulement. Il s'agit du rapport annuel de la Régie de la Place des Arts pour l'exercice courant.

M. CHARRON: On aurait du l'avoir avant le bill 9.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Est-ce que j'ai la permission de cette Chambre?

M. CHARRON: Si vous étiez plus efficace, on l'aurait peut-être eu avant le bill 9.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): Je remercie M. le Président.

Dépenses du gouvernement

M. LE PRESIDENT (Lavoie): L'honorable ministre des Finances propose l'adoption du projet de loi numéro 32, Loi octroyant à Sa Majesté les deniers requis pour les dépenses du gouvernement pour l'année financière se terminant le 31 mars 1971 et pour d'autres fins du service public? Ce projet de loi sera-t-il adopté?

M. LAPORTE: M. le Président, j'imagine que le serment qui a été prêté par les péquistes nous permet de voter unanimement en première lecture, deuxième lecture, troisième lecture, et comité.

M. LAURIN: Une fois qu'on a commencé à boire le calice, on le boit jusqu'à la lie.

M. BOURASSA: Adopté, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Lavoie): J'espère que ce n'est pas à mon bureau qu'on va le boire. Adopté?

M. LAPORTE: Adopté.

M. BOURASSA: J'ai l'honneur de faire motion pour que les commissions parlementaires mentionnées aux pages 10 et 11 des procès-verbaux de l'Assemblée nationale du Québec puissent siéger pendant l'ajournement de cette session.

Les membres qui en font partie continuent d'en être membres, qu'un nombre égal de membres proportionnel à chaque parti et nommés par chaque parti soit ajouté à chaque commission et que chaque commission ait le droit de remplacer, séance tenante, un ou plusieur de ses membres en en informant le président. Cela permettra particulièrement de réunir la commission parlementaire de l'Assemblée nationale pour discuter des réformes électorales.

M. BERTRAND: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

Remerciements

M. LAPORTE: Avant de proposer l'ajournement de cette Chambre, et non pas la prorogation de la Chambre, je voudrais très brièvement remercier d'abord le premier ministre, les membres du conseil des ministres et mes collègues libéraux, qui m'ont d'abord fait l'honneur de me désigner comme leader parlementaire pendant cette session, et qui ont permis que les travaux de cette Chambre se déroulent avec célérité et avec efficacité.

Je voudrais également remercier avec infiniment de sincérité les membres des trois oppositions, l'Opposition officielle, que je désigne par son chef officiel, le chef de l'Opposition, le Ralliement créditiste, que je désigne par le député de Rouyn-Noranda, et les membres du Parti québécois, par le député de Bourget. Ils ont véritablement contribué à nous permettre, je crois, de donner à cette province l'impression qu'il est possible de faire beaucoup de travail, de le faire dans le respect du droit de parole de tous les députés, et de le faire avec efficacité. Si l'on exclut une demi-journée que je mettrai au débit de cette session, je crois que nous avons fait énormément de travail. J'ai appris à connaître des députés nouveaux avec lesquels nous avons peut-être eu des divergences d'opinions fréquentes, mais j'ai appris à les estimer, je les reverrai avec plaisir lors de la reprise de cette session et ils nous aideront, avec l'expérience acquise, à faire de ce Parlement un instrument moderne et efficace.

Je remercie tout ce Parlement. Je remercie

les journalistes qui ont communiqué au public l'écho de nos travaux. Je remercie tous les membres du personnel. Je remercie, M. le Président, le secrétaire général de cette Assemblée et ses adjoints, je remercie les pages qui, discrètement, ont fait pour nous beaucoup de travail. Je termine ces remerciements en proposant que cette Chambre s'ajourne au mardi 27 octobre 1970.

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai commencé cette session au pouvoir. Je la termine dans l'Opposition. Il y a une chose qui me réjouit. Hier, je lisais la vie de Napoléon. Un chef d'Etat. Napoléon, un guerrier, à l'époque, terminait sa vie politique à Sainte-Hélène. Chez nous, au moins, dans notre pays démocratique, on peut gagner, on est au pouvoir, on peut perdre, on est dans l'Opposition. Non pas sur une Ile, éloigné de tout, méprisé par tous, au contraire. On est dans un climat d'amitié, de fraternité et d'égalité.

C'est donc avec infiniment de joie, malgré l'épreuve, que j'appuie la motion d'ajourner au 27 octobre, au 23...

M. LAPORTE: Le 27 octobre. M. BOURASSA: A 3 heures.

M. BERTRAND: Je tiens à remercier tous mes collègues, ceux qui m'entourent, qui ont été avec moi non seulement dans le succès et dans l'épreuve, qui sont demeurés avec moi, qui ont combattu avec moi et à qui j'ai voulu donner toute la liberté, la latitude, la responsabilité de répondre des actes qu'ils avaient posés et d'interroger ceux-là qui leur ont succédé.

Je les remercie et, en particulier, on me permettra d'adresser à celui qui est à ma gauche, des remerciements d'une manière très particulière pour la tâche ingrate qu'il a voulu accepter, de diriger avec moi les travaux de cette Chambre, mon collègue le député de Maskinongé dont tous connaissent la bonhomie, le dévouement, l'intelligence et également le sens juridique. Je le remercie et je tiens à vous remercier également, M. le Président, de la manière dont vous avez présidé ces séances de laChambre.

Aux yeux de quelques-uns de ceux qui sont ici, j'apparais, malgré une jeunesse qui, je l'espère, paraîtra encore longtemps, le doyen de cette Chambre. J'ai connu plusieurs régimes. J'ai connu l'époque où nous étions 82 du côté du pouvoir et 8 du côté de l'Opposition. C'est donc que je ne suis pas pessimiste, voyant d'un côté 72 députés et de mon côté, quant à moi, 17 députés. Le pouvoir pourrit vite. Le premier ministre actuel le sait. Et c'est pourquoi il faut que l'homme politique accepte le combat, accepte la défaite parce que les régimes qui dureront longtemps ont duré. A l'heure actuelle, la population s'attend que ses députés agissent comme nous l'avons fait depuis quelques semaines: essayer de donner l'efficacité administrative et également l'efficacité législative.

M. le Président, je vous félicite d'avoir présidé nos travaux de façon qu'après un mois nous pouvons terminer les travaux parlementaires, quitte à les ajourner d'ici l'automne. Je vous remercie.

Je remercie également tous ceux qui beso-gent dans l'anonymat, car il y a des gens qui nous entourent et qui travaillent pour que la Chambre et tous les services qui y sont connexes puissent produire d'une manière abondante tous les travaux que nous avons à présenter, les légistes, ceux qui s'occupent du journal des Débats, donc à tous directement ou indirectement responsables du bon ordre des travaux de la Chambre, je dis merci.

Il y en a un qui, en Chambre, est arrivé sans doute avec un tempérament peut-être intrisan-geant, le vice-président de nos travaux. Je tiens à le féliciter d'avoir accepté que les députés de cette Chambre ne marchent pas avec le gourdin. Il a compris que l'atmosphère de cette Chambre est difficile, et je crois que tous les députés de cette Chambre voudront rendre témoignage au vice-président d'avoir non seulement évolué, mais d'avoir compris que la Chambre est le carrefour de toutes les opinions, des suggestions, des recommandations et que chacun a son tempérament et sa personnalité pour l'exprimer.

Je pense que tous mes collègues voudront rendre hommage au vice-président, le député de Terrebonne, pour la manière dont il s'est acquitté de sa fonction, surtout dans les dernières semaines de notre session.

M. le Président, Je vous remercie, quant à moi et au nom de tous mes collègues. Je tiens également à dire au chef du parti péquiste en Chambre et au chef du parti créditiste, combien il nous a été agréable de les connaître. Durant une campagne électorale, on se connaît de loin, mais nous avons réalisé que tous, au-delà des considérations partisanes, nous voulons travailler véritablement pour le Québec, pour notre groupe, et que nous voulons mettre au-delà des considérations des partis politiques, d'abord et avant tout, l'intérêt du public. Merci.

M. SAMSON: M. le Président, pour le groupe que je représente, pour nous tous, cette session

est une expérience nouvelle. Nous croyons cependant, que c'est une belle expérience pour nous. Nous avons connu en cette Chambre des débats objectifs, des débats orageux, mais c'est sans amertune que nous finissons aujourd'hui nos travaux. Au début, évidemment, par notre manque de connaissance des règlements, cela nous a été un peu difficile, mais, grâce à la collaboration de tous les membres de cette Chambre, nous avons réussi à ce qu'on nous laisse nous exprimer. Nous avions dit, au départ, que nous offrions notre collaboration et que nous aimerions voir des débats objectifs. Je pense que la session que nous terminons en est une où nous avons connu un travail considérable de la part de tout le monde.

Je voudrais me Joindre à l'honorable chef de l'Opposition officielle pour dire que, au-dessus de nos couleurs politiques, nous avons été à même de constater la compréhension de tous les députés.

M. le Président, la collaboration que nous avions offerte au départ, nous la maintenons et, à la reprise de cette session, nous continuerons à l'offrir.

En terminant, je veux remercier le chef du gouvernement, le chef de l'Opposition officielle et le chef du Parti québécois pour la collaboration qu'ils ont manifestée. Je vous remercie également, M. le Président, ainsi que le vice-président pour la grande compréhension que vous avez manifestée durant cette session.

M. LAURIN: Dans mon existence, M. le Président, c'est la troisième initiation que je connaisse. La première, je l'ai connue lorsque je suis entré au cours classique; la deuxième, en première année de médecine et chaque fois l'expérience a été très douloureuse. On m'étirait les membres d'une certaine façon mais, en même temps, c'était une expérience fascinante parce que j'entrais dans un monde nouveau où j'avais voulu entrer et où je prévoyais de grandes satisfactions pour l'avenir. Cette expérience a été la même, cette fois. J'ai trouvé l'aventure assez douloureuse à certains égards et à certains moments mais, par ailleurs, la fascination de tout ce monde, ses coutumes et ses expériences provoquées en moi a compensé largement pour les difficultés.

Notre parti avait dit, au cours de la campagne électorale, à plusieurs reprises, que nous voulions entrer dans le système, que nous voulions peut-être changer le système, d'une certaine façon, mais à l'intérieur et c'est bien ce que nous avons fait. Nous avons appris, à nos dépens parfois, que le système avait ses mauvais, ses bons côtés, qu'il était dur pour ceux qui voulaient le changer de l'intérieur, pour ceux qui voulaient s'acclimater à lui. C'est une expérience qui a été très agréable en même temps que difficile pour nous.

Heureusement, M. le Président, nous avons eu dès le début votre présence qui nous a adouci certains de ces moments et nous vous en sommes très reconnaissants.

A la fin de cette session, je peux dire que les expériences que nous avons faites ont été très fructueuses. Je pense, par exemple, aux travaux en commission, Je pense aux discussions apropos de certains projets de loi qui nous ont fait connaître des compétences de tous les partis avec lesquels il était très agréable de discuter. Nous avons appris beaucoup et, maintenant, en même temps que Je remercie le chef du gouvernement, les chefs des oppositions, pour paraphraser la parole d'un homme célèbre qui vient à peine d'être prononcée par notre groupe: « Fini le temps des discours, c'est le temps de l'action. »

M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais simplement exprimer mon accord avec ce qui a été dit par mes quatre prédécesseurs, féliciter particulièrement tous les collègues de cette Chambre pour le travail très constructif qui a été fait et terminer en annonçant une bonne nouvelle, je pense, aux employés sessionnels, c'est-à-dire leur assurer la sécurité d'emploi jusqu'à la reprise de la session.

M. LE PRESIDENT: La sanction?

Sanction de bills

M. LAPORTE: Il y aura sanction de bills dans quelques minutes. J'imagine que les représentants des quatre partis voudront bien être présents chez le lieutenant-gouverneur.

M. LE PRESIDENT: Nous nous rendrons, dès l'ajournement, chez le lieutenant-gouverneur, en compagnie des chefs de partis, pour une sanction de projets de loi.

Ajournement

M. LE PRESIDENT: Madame, messieurs, chers collègues, merci de votre collaboration. Vous m'avez rendu le travail très facile, du moins depuis quelques Jours. Je ne vous souhaite pas de vous aguerrir d'ici l'automne et essayons de connaître des jours fructueux et agréables jusqu'à la reprise des travaux de la Chambre, le 27 octobre, à trois heures de l'après-midi. Merci.

(Fin de la séance: 0 h 24)

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