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(Quinze heures six minutes)
M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et
réception de pétitions. Présentation de rapports de
comités élus.
Commission de l'Assemblée nationale
M. LEVESQUE: M. le Président, la commission de l'Assemblée
nationale a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son
huitième rapport.
Votre commission est d'opinion que la pétition et l'avis sont
réguliers et suffisants et que le bill est régulier et conforme
à la pétition et à l'avis dans chacun des cas
ci-après.
J'imagine que la Chambre me dispense de la lecture.
M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non
annoncées.
Présentation de bills privés.
Projets de loi privés
M. BACON: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion pour
qu'il me soit permis de présenter le bill numéro 123
intitulé Loi modifiant la charte de la Communauté des soeurs de
la charité de la Providence.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion
pour qu'il me soit permis de présenter le bill numéro 122
intitulé Loi constituant en corporation les Soeurs de la charité
de Saint-Louis (province Notre-Dame du Christ-Roi).
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. PICARD: M. le Président, en l'absence du député
de Saint-Laurent, M. Pearson, j'ai l'hon- neur de faire motion pour qu'il me
soit permis de présenter le bill numéro 106 intitulé Loi
concernant la commission des écoles catholiques de Saint-Laurent.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. HOUDE (Limoilou): M. le Président, j'ai l'honneur de faire
motion pour qu'il me soit permis de présenter le bill 151
intitulé Loi modifiant la Loi constituant en corporation les Soeurs de
Saint-François d'Assise.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. HOUDE (Limoilou): Egalement, j'ai l'honneur de faire motion pour
qu'il me soit permis de présenter le bill 171 intitulé Loi
constituant en corporation les Soeurs franciscaines missionnaires de Marie.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. HOUDE (Limoilou): Finalement, j'ai l'honneur de faire motion pour
qu'il me soit permis de présenter le bill 189 intitulé Loi
concernant le Collège des pharmaciens de la province de Québec et
Jeannine Matte.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président,
j'ai l'honneur de faire motion pour qu'il me soit permis de
présenter le bill no 111 intitulé Loi constituant en corporation
le Club de golf de Lorette Inc.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. PEPIN: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion pour
qu'il me soit permis de présenter le bill no 110 intitulé Loi
constituant en corporation Les Soeurs de la Présentation de Marie,
province de Montréal.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. PEPIN: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion pour
qu'il me soit permis de présenter le bill no 112 intitulé Loi
constituant en corporation Les Soeurs de la Présentation de Marie,
province de Sherbrooke.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. BERTHIAUME: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion
pour qu'il me soit permis de présenter le bill no 102 intitulé
Loi constituant en corporation l'Eglise Orthodoxe Saint-Nicholas
d'Antioche.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. BLANK: M. le Président, je fais motion pour qu'il me soit
permis de présenter le bill no 186 intitulé Loi constituant en
corporation l'Eglise copte orthodoxe, diocèse de l'Amérique du
Nord, paroisse de Montréal.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. PEPIN: M. le Président, j'ai également l'honneur de
faire motion pour qu'il me soit permis de présenter le bill no 113
intitulé Loi constituant en corporation Les Soeurs de la
Présentation de Marie, province de Saint-Hyacinthe.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. CARON: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion pour
qu'il me soit permis de présenter le bill no 105 intitulé Loi
autorisant le Barreau du Québec à admettre Alfred Antoun Bahary
à l'exercice de la profession d'avocat.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. BIENVENUE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire motion
pour qu'il me soit permis de présenter le projet de loi no 178
intitulé Loi concernant le Séminaire de Saint-Germain de
Rimouski.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.
M. VEZINA: M. le Président, je fais motion pour qu'il me soit
permis de présenter le bill no 187 intitulé Loi concernant le
Collège des pharmaciens de la province de Québec et Gilles Girard
et d'autres personnes.
M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance.
Présentation de bills publics. Déclarations
ministérielles. L'honorable ministre des Richesses naturelles.
Déclaration ministérielle Centrale
nucléaire
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, j'ai l'honneur et le
plaisir d'annoncer à cette Chambre qu'à compter d'aujourd'hui le
Québec entre dans l'àge atomique avec la mise en application de
la phase initiale de la production à la centrale d'énergie
nucléaire de Gentilly, localité sise sur les rives du
Saint-Laurent dans le comté de Nicolet. Nous nous trouvons donc en
présence d'un prototype mondial dans le domaine de l'utilisation
pacifique de l'atome, d'une station expérimentale à partir de
laquelle d'autres centrales plus puissantes pourraient être
édifiées en des lieux stratégiques au Québec au
cours des prochaines années.
Soulignons parmi les caractéristiques de la centrale de Gentilly
qu'elle devient la première du genre au monde à utiliser le
carburant d'uranium naturel, un modérateur à l'eau lourde et de
l'eau légère bouillante comme refroidis-seur.
Les autres centrales nucléaires canadiennes diffèrent de
celle de Gentilly en ce qu'elles utilisent l'eau lourde comme refroidisseur au
lieu de l'eau légère en ébullition. L'usine de Gentilly,
projet pilote au Québec et au Canada, a été
parrainé conjointement par l'Hydro-Qué-bec, l'Energie atomique du
Canada Limitée et la Commission de contrôle de l'énergie
atomique du Canada. Un groupe de spécialistes et de scientifiques de ces
trois organismes a travaillé depuis 1964, année de l'acceptation
du projet, à la préparation des plans et devis. En tant que
ministre des Richesses naturelles, je désire rendre hommage aujourd'hui
à M. Georges A. Pon, le concepteur du projet, à M. David Wallis,
de l'Energie atomique du Canada Limitée, directeur du projet, et
à M. Réal Boucher, de l'Hydro-Québec, directeur adjoint du
projet.
Je tiens également à rendre hommage à tous ceux qui
ont participé à cette réalisation rendue possible
gràce à un accord conclu en 1966 entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec par l'Energie
atomique du Canada Limitée et l'Hydro-Québec Je pense aux hommes
de science, aux ingénieurs, dessinateurs, constructeurs, fabricants,
fournisseurs, techniciens, opérateurs et, bien sûr, les
administrateurs.
Tous ont collaboré pour doter le Québec d'un nouvel outil
moderne d'exceptionnelle valeur dans le secteur de l'énergie. L'accord
intervenu en 1966 stipulait que l'Energie atomique du Canada Limitée
devait construire cette centrale de Gentilly et en être le
propriétaire alors que l'Hydro-Québec devait fournir le lieu,
jouer le rôle d'entrepreneur général, exploiter la centrale
une fois sa construction terminée et l'acheter finalement lorsque son
rendement serait établi.
Ingénieurs et technologistes du Québec ont mis leurs
talents dans la conception et la construction de la centrale de Gentilly tandis
que les agents de l'Hydro-Québec étaient initiés aux
techniques de l'exploitation des centrales nucléaires, de telle sorte
que le Québec possède aujourd'hui les connaissances,
l'expérience et les compétences nécessaires à la
réalisation d'autres projets similaires.
Donc, le 12 novembre 1970 ouvre une nouvelle voie au Québec: la
mise en opération de la phase initiale dite de divergence du
réacteur à l'usine atomique de Gentilly, qui met l'atome à
la disposition du Québec. Deux autres phases sont prévues et
s'appliqueront au cours des prochains mois, de telle sorte que la production
d'énergie nucléaire sera définitivement lancée en
1971 comme prévu. Sur ce chapitre du développement de nos
richesses naturelles que constituent les forces hydrauliques, d'abord, et
ensuite les puissances thermiques et nucléaires, on peut affirmer que le
Québec demeure à la fine pointe de la technique et de la science
appliquée à notre époque moderne.
M. PAUL: M. le Président, un court commentaire pour rappeler aux
membres de cette Chambre que l'honorable ministre, par oubli ou distraction, a
omis de rendre hommage à son prédécesseur, l'honorable
Paul Allard, qui occupait les fonctions qu'occupe aujourd'hui le ministre des
Richesses naturelles. Nous assistons aujourd'hui, une fois de plus, à
une oeuvre, à une réalisation de l'Union Nationale et
j'espère que le gouvernement libéral ne s'en attribuera pas le
mérite.
M. LEVESQUE: L'Union Nationale a passé quatre ans à couper
les rubans de l'ancienne administration.
M. PAUL: M. le Président, l'Union Nationale coupait
peut-être des rubans, mais le chômage
ne progressait pas au point de voir 61,000 chômeurs de plus
en...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PAUL: ...1970 comparé à septembre 1969.
M. LACROIX: Vous prépariez le terrain.
M. SAMSON: M. le Président, nous avons assisté avec
beaucoup d'intérêt à ce lancement de fleurs provenant des
deux côtés de la Chambre. Cependant, lorsque le ministre a fait sa
déclaration, il a peut-être oublié de nous dire que son
prédécesseur avait commencé le travail. Il a
peut-être oublié de nous dire aussi ou il se le
réserve peut-être pour plus tard, vu qu'on doit maintenant compter
sur des centrales atomiques ce qu'ils vont faire avec les centrales
comme la Manic. Nous vous posons la question.
UNE VOIX: H n'y a pas de problème.
M. MASSE (Arthabaska): Disons, à propos des centrales
nucléaires, pour répondre au député de
Rouyn-Noranda, que celle de Gentilly est une centrale expérimentale.
Comme vous l'avez vu dans ma déclaration, cette centrale aboutira
à l'Hydro-Québec, lorsque cette centrale deviendra rentable
économiquement. Il y a donc une partie expérimentation. Je vous
ai dit que c'est vraiment un projet pilote non seulement pour le Québec,
mais aussi pour l'ensemble du Canada.
En ce qui concerne les demandes hydroélectriques, il n'est pas
encore prouvé que ce soit plus rentable d'établir des centrales
nucléaires et thermiques que d'exploiter des centrales telles que
Manic.
M. LESSARD: M. le Président, à l'occasion de
l'étude des crédits du ministère des Richesses
naturelles...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous ne sommes pas
encore à la période des questions.
M. LESSARD: M. le Président, je représente...
M. LE PRESIDENT: Sur les Richesses naturelles, d'accord.
M. LESSARD: M. le Président, à l'occasion de
l'étude des crédits du ministère des Richesses naturelles,
nous avions insisté, mon collègue de Gouin et moi-même, sur
la nécessité pour le Québec d'instaurer au plus tôt
une politique d'énergie, y compris l'énergie du pétrole et
l'énergie nucléaire.
Nous sommes extrêmement heureux, aujour- d'hui, d'apprendre que
nous avons, du côté de l'énergie nucléaire, fait un
pas extrêmement important au Québec puisque déjà,
ailleurs au Canada, il existe de telles centrales. Nous espérons aussi
que ce premier projet sera, comme le dit le ministre des Richesses naturelles,
un premier pas vers l'instauration d'autres projets, parce que nous constatons
de plus en plus l'importance de cette politique d'énergie.
Nous savons qu'il s'agit d'un domaine où il se fait
énormément de recherches.
Nous savons qu'il s'agit aussi d'un domaine qui est une industrie de
pointe et qui peut amener la création d'emplois dans nombre de domaines.
C'est pourquoi nous nous étions aussi inquiétés du fait
que le gouvernement semblait donner toute la force de production
hydroélectrique, pour les années qui vont suivre, du
côté de la baie James. Eh bien, je crois qu'il faut aussi penser
à l'énergie nucléaire qui est une source d'énergie
qui sera beaucoup utilisée dans l'avenir.
M. VINCENT: M. le Président, je pourrais peut-être poser
une question concernant une réponse qui n'a pas été
donnée par le ministre des Richesses naturelles. Il aurait pu
donner...
M. LEVESQUE: ... autrement, ça va devenir un débat, M. le
Président.
M. VINCENT: ... dans la discussion. Quel a été le
coût total de l'usine?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que le député de
Nicolet aura toute la latitude voulue dans quelques minutes, avec le
consentement de la Chambre, à la période des questions.
Autrement, si à ce stade-ci on commençait, ça pourrait
s'éterniser.
Est-ce que la période des déclarations
ministérielles est terminée?
Dépôts de documents.
M. GARNEAU: M. le Président, conformément à
l'article 10 du chapitre 65 des Statuts refondus de la province, je voudrais
déposer les mandats spéciaux adoptés par ordre du
lieutenant-gouverneur en conseil entre le 16 juillet et le 10 novembre.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais déposer
l'arrêté en conseil no 3772 du 15 octobre 1970 concernant la mise
en application des pouvoirs d'urgence prévus à la Loi de police
et également l'arrêté en conseil no 4133 daté du 10
novembre 1970 relatif au même sujet.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. TESSIER: M. le Président, conformément à la loi,
j'ai l'honneur de déposer le
rapport annuel du Bureau d'assainissement des eaux du Québec
métropolitain.
M. LE PRESIDENT: Questions des députés.
Questions et réponses
Emprunt du Québec
M. BERTRAND: M. le Président, le Québec a emprunté
à deux reprises au début d'octobre, et je crois qu'il doit aussi
emprunter le 2 décembre, suivant ce qu'on en a lu dans les journaux. Le
ministre des Finances pourrait-il nous dire quels montants ont
été empruntés, doivent l'être, à quels taux
et nous donner les conditions de l'emprunt?
M. GARNEAU: Le Québec a emprunté, sur le marché
canadien, la somme de $60 millions repartie comme suit: une tranche 9 1/4 p. c,
datée du 2 décembre 1970 à $100 au pair pour rapporter
9.25 à l'acheteur et une autre partie de l'émission est à
9.5 p. c. à fonds d'amortissement échéant le 2
décembre 1995 offerte au public à 98.25 pour chaque $100
d'obligation pour rapporter 9.69 à l'acheteur.
M. BERTRAND: Est-ce qu'il n'y a pas eu un autre emprunt en octobre?
M. GARNEAU: M. le Président, il y a eu un emprunt
également de $60 millions qui a été livré le 1er
octobre 1970. La première tranche de l'émission à 9 1/4 p.
c. échéant le 1er octobre 1978 et offerte au public à
99.50 pour $100 d'obligation pour rapporter 9.34 à l'acheteur. Ces
obligations ne sont pas rachetables avant échéance en 1978, mais
seront échangeables au gré du détenteur entre le 1er
octobre 1977 et le 1er avril 1978, contre une même valeur nominale
d'obligation à 9 p. c. La deuxième tranche des obligations est
à 9 1/2 p.c. à fonds d'amortissement échéant le 1er
octobre 1995 offertes au public à 98.75 pour $100 d'obligation pour
rapporter 9.63.
M. BERTRAND: Quel est, dans les deux cas, le montant qui a
été acheté par la Caisse de dépôt et par les
caisses populaires du Québec?
M. GARNEAU: Dans l'emprunt que nous venons de faire, la Caisse de
dépôt a acheté $15 millions à long terme et les
caisses populaires ont acheté $15 millions à court terme.
Maintenant, je n'ai pas en mémoire les montants qui ont
été achetés par ces deux institutions pour l'emprunt qui a
été effectué en septembre, mais je prendrai les
informations et je les transmettrai au chef de l'Opposition.
M. BERTRAND: Très bien.
M. CARDINAL: Question supplémentaire, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.
M. CARDINAL: Pour faire suite aux questions du chef de l'Opposition, aux
réponses du ministre des Finances et au dépôt des mandats
spéciaux d'aujourd'hui, ma question complète celle de M.
Bertrand. Est-ce que les détails que le ministre n'a pas devant lui,
aujourd'hui, il pourra nous les fournir et est-ce que le fait d'adopter des
mandats spéciaux alors que le budget a été voté en
dehors de la session constitue ou ne constitue pas, dans le fond, des budgets
supplémentaires?
M. GARNEAU: M. le Président, le député de Bagot
sait très bien que des mandats spéciaux peuvent être
adoptés lorsque la Chambre ne siège pas et qu'ils sont
interprétés...
M. LAFONTAINE: Ce n'est pas ce que M. Lesage nous a dit dans le
passé, par exemple.
M. GARNEAU: Ce n'était pas pour les mêmes fins, M. le
Président... Et que, lorsque la Chambre ne siège pas, il est
loisible au lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter des mandats
spéciaux qui, autrement, seraient présentés par budget
supplémentaire si la Chambre était en session.
M. CARDINAL: Je m'excuse, M. le Président, je sais tout
ça.
J'ai participé à un gouvernement et je sais qu'en dehors
des sessions... D'ailleurs, dans ma question-je l'avais posé sous forme
interrogative parce que les règlements veulent qu'on ne fasse pas
d'affirmation M. le Président, j'ai souligné ce point. Le
ministre ne répond pas à ma question. Il me dit: On peut le
faire; vous l'avez fait et ceux du gouvernement aussi. Je demande au ministre
si ceci ne constitue pas des budgets supplémentaires.
M. GARNEAU: Je viens de répondre à la question du
député de Bagot. Je lui ai dit que cela constituait un budget
supplémentaire. Vous ne voulez pas comprendre.
M. CARDINAL: On en prend note, merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce, sur le
même sujet, je crois.
M. ROY (Beauce): Sur le même sujet.
M. LE PRESIDENT: Oui, le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): La nouvelle nous informe également que cette
émission a été lancée par un syndicat financier
dirigé par Wood-Gundy Valeurs Limitée, René-T. Leclerc
Inc., la Banque Royale et la Banque Canadienne nationale. Est-ce que le
ministre pourrait nous dire si les caisses populaires et la Caisse de
dépôt et
placement du Québec ont été dans l'obligation de
transiger avec le syndicat financier ou si elles ont transigé
directement avec le gouvernement?
M. GARNEAU: M. le Président, il s'agit d'un emprunt public et non
pas d'un emprunt privé. Les caisses populaires et la Caisse de
dépôt et placement ont donc acheté par
l'intermédiaire du syndicat.
M. ROY (Beauce): M. le Président, est-ce que c'est l'habitude du
gouvernement de passer par un syndicat financier et de payer des commissions
pour transiger directement entre les institutions paragouvernementales et le
gouvernement de la province?
M. BOURASSA: II vient de répondre.
M. GARNEAU: M. le Président, je viens de répondre à
la question en disant qu'il y avait eu, à l'occasion, des emprunts
négociés privément avec la Caisse de dépôt.
Mais dans le cas qui nous intéresse présentement, cela a
été une émission publique.
M. BROCHU: Question supplémentaire sur le même sujet.
M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet.
M. BROCHU: Est-ce que le ministre pourrait nous dire justement s'il
s'agit là d'une politique d'économie dans le cadre de
l'austérité productive?
M. GARNEAU : Tout ce que je peux dire au député, c'est que
l'emprunt s'est effectué au prix du marché et qu 'il a
été très bien reçu tant sur le marché
québécois que sur le marché canadien et étranger
puisque nous avons des informations de courtiers à l'effet que des
commandes importantes sont venues de Vancouver, de Toronto et même
d'Europe.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
Grève de la Northern Electric
M. BURNS: M. le Président, j'aimerais savoir si le premier
ministre est au courant du fait que la compagnie Northern Electric de
Montréal, qui emploie au-delà de 15,000 employés, a
avisé, hier après-midi, ses employés que si une certaine
grève d'une de ses filiales en Ontario se poursuivait, il serait fort
possible qu'à compter du 11 décembre un nombre important de ces
employés seraient mis à pied.
M. BOURASSA: M. le Président, le député de
Maisonneuve parle d'une hypothèse comme telle. Mais comme le
problème est sérieux en lui même, puisqu'il s'agit de la
mise à pied d'un nombre important d'employés, je prends avis de
la question.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Marchandises volées
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question
à l'honorable ministre de la Justice. Je l'ai d'ailleurs prévenu
de la question. Pour bien en faire comprendre le sens, je voudrais lire
quelques passages d'une lettre en provenance de la Chambre de commerce de
Rouyn-Noranda.
C'est une lettre qui s'adresse aux autorités. Voici ce qu'elle
dit: "II semble que plusieurs receleurs ont choisi la région de
Rouyn-Noranda pour écouler des effets volés un peu partout dans
le Québec et dans le nord de l'Ontario. Il s'agit plus
particulièrement du trafic de linge volé, organisé en un
vaste réseau provincial voire même national. "Selon nos
informations, au moins six personnes exercent un commerce qui apparaît
des plus louches puisqu'on n'y fait aucune facture, qu'on n'y tient aucune
comptabilité, qu'on n'y charge aucune taxe de vente et probablement
qu'on n'y fait aucun rapport d'impôt.
Cette concurrence déloyale est révoltante pour les
marchands de la région qui en sont gravement affectés.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais, si vous me le permettez,
continuer.
M. LE PRESIDENT: Avec la permission du député de
Rouyn-Noranda, je voudrais rappeler à la Chambre qu'à la
période des questions il y a toujours deux conditions qui demeurent
très importantes: l'intérêt public et le caractère
d'urgence. Autrement, je craindrais que la période des questions dure
des heures.
M. SAMSON: M. le Président, avec votre permission, je voudrais
souligner que lorsque quelqu'un veut échapper à la taxe de vente
et à l'impôt, c'est d'intérêt public et, lorsqu'il
est question de justice, c'est d'intérêt public et cela a un
caractère d'urgence. Avec votre permission, puisque j'ai quelques lignes
seulement à lire, j'aimerais continuer. Je pense que le ministre est
préparé, d'ailleurs, à donner une réponse qui sera
satisfaisante.
M. CARDINAL: La complicité, la complicité!
M. DEMERS: On s'arrangeait comme cela quand on était dans le
parti!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SAMSON: Comme j'ai donné préavis de ma question, je
m'attends à une réponse, évidemment. Etant donné,
aussi, que nous sommes reconnus pour faire de l'opposition objective, nous ne
sommes sûrement pas gênés pour dire ce que nous pensons,
lorsque c'est objectif.
Alors, je voudrais demander ceci: Puisqu'à la fin de sa lettre la
chambre de commerce sollicite du ministère de la Justice une action
ferme et aussi immédiate que possible et qu'étant donné
que les corps policiers locaux ne peuvent pas suffire, est-ce que le ministre
de la Justice serait prêt à faire une déclaration sur le
sujet?
M. CHOQUETTE: Je puis assurer le député de Rouyn-Noranda
que je suis totalement, catégoriquement et irrévocablement
opposé au recel.
M. SAMSON: Question supplémentaire, M. le Président.
Probablement que le ministre de la Justice me permettra de récidiver. Il
m'a donné une très bonne réponse sur les principes. Il est
opposé au recel et je le suis aussi. Parce que nous le sommes tous les
deux, est-ce qu'il est opposé ou d'accord pour faire quelque chose qui
s'impose dans le cas qui se présente? C'est ce que je voudrais
savoir.
M. CHOQUETTE: Je peux assurer le député que je vais
prendre sa requête en considération, la soumettre à la
Sûreté et étudier très sérieusement le cas
qu'il a soulevé d'une façon aussi pertinente.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
Coût de l'usine atomique
M. VINCENT: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
des Richesses naturelles, par suite de la déclaration
ministérielle qu'il vient tout juste de faire. Quel a été
le coût total du projet et d'où proviennent les sommes?
M. MASSE (Arthabaska): Même si le caractère d'urgence de la
question peut être douteux, je pourrais répondre au
député de Nicolet que le projet a coûté environ $106
millions.
Pour la part qui intéresse davantage le Québec,
c'est-à-dire l'Hydro-Québec, l'Hydro a dû fournir le
terrain et également être responsable de la construction de la
centrale.
M. VINCENT: Une question supplémentaire. Est-ce qu'il est juste
de dire qu'environ $105,950,000 proviennent du gouvernement
fédéral? C'est pour l'information des députés du
Parti québécois.
M. MASSE (Arthabaska): Je peux prendre préavis de la question;
pour les chiffres précis, je pourrai répondre demain.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
Le français à la General Motors
M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre. On vient d'annoncer la conclusion, à Détroit, d'une
entente de principe concernant le règlement de la grève qui
afflige actuellement l'industrie de l'automobile. On rapporte également
qu'un des obstacles majeurs à un pareil règlement, à
Sainte-Thérèse, serait l'usage du français comme langue du
travail. Etant donné le caractère que tous les membres de cette
Chambre vont reconnaître, le caractère de précédent
qu'est susceptible de prendre cette convention collective en matière de
langue de travail, est-ce que le premier ministre a l'intention de prendre des
mesures spéciales, comme l'envoi d'un délégué
spécial, soit du ministère des Affaires culturelles, par exemple,
auprès des négociateurs, pour hàter le règlement de
cette question dans le sens de la reconnaissance des droits du français
au Québec?
M. BOURASSA: M. le Président, je dois dire au
député de Saint-Jacques, pour une question qui, je pense, est
tout à fait pertinente, que j'ai déjà pris certaines
mesures. J'ai rencontré le président de General Motors pour le
Canada, M. Weathers, avec qui j'ai discuté de la question et plusieurs
membres du bureau du chef du gouvernement ont également discuté
avec les représentants syndicaux. Certains projets de compromis ont
été soumis et nous sommes en constante communication avec les
responsables, étant conscients de l'importance du
précédent que vient de signaler le député de
Saint-Jacques.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.
Nouvelles structures municipales
M. CROISETIERE: Ma question s'adresse au ministre des Affaires
municipales. Lors d'une conférence prononcée dans la
région du Haut-Saguenay, vers la fin septembre, ou le début
d'octobre dernier, le ministre aurait laissé entendre que son
ministère annoncerait des nouvelles structures qui seraient
appliquées aux communautés municipales dans un avenir prochain.
Ma question est celle-ci: Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a
l'intention d'y donner suite et si cesdites structures vont être
publiées dans un volume sous forme de livre blanc?
M. TESSIER: M. le Président, en effet, c'est
bien l'intention du ministre des Affaires municipales de donner suite
à cette déclaration faite à Arvida au cours de septembre
dernier. Egalement, un livre blanc sera rendu public, je l'espère bien,
d'ici une quinzaine, de manière que toutes les municipalités, les
associations municipales ou paramunicipales puissent en prendre connaissance,
l'étudier, faire des suggestions au ministre des Affaires municipales,
ce qui permettra au gouvernement de déposer une loi-cadre favorisant la
création de communautés municipales. Cette loi, normalement,
devrait être déposée au cours de la prochaine session.
M. CROISETIERE: Une question supplémentaire, M. le
Président. Dois-je comprendre que c'est d'ici une quinzaine de jours et
non pas une quinzaine de mois?
M. TESSIER: Pardon?
M. CROISETIERE: Est-ce que c'est une quinzaine de jours ou une quinzaine
de mois?
M. TESSIER: J'ai bien dit: Une quinzaine de jours.
M. DEMERS: Cela va se faire directement sans passer par Ottawa.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Saint-Maurice.
Etat de l'agriculture
M. DEMERS: Ma question s'adresse à l'honorable ministre de
l'Agriculture et de la Colonisation. Dans un journal de la capitale,
particulièrement on n'a pas le droit de nommer les journaux, mais
je peux dire que c'est un journal ami du député de Duplessis
on fait dire à M. Allain, président de l'Union catholique
des cultivateurs, qu'Ottawa sonnerait le glas de l'agriculture si certaines
mesures étaient appliquées. Et comme le président de
l'UCC, M. Allain, doit faire état de ses inquiétudes lors du
congrès national, est-ce que le ministre de l'Agriculture et de la
Colonisation assistera à ce congrès? Est-ce qu'il prendra
position pour empêcher que le glas soit sonné par Ottawa?
M. TOUPIN: M. le Président, pour donner une réponse au
député de Saint-Maurice, on va essayer d'éviter que le
glas sonne...
M. DEMERS: Vous n'êtes pas un bedeau!
M. TOUPIN: II est bien sûr que nous nous rendrons à Ottawa
pour ce congrès sur l'agriculture et, à ce moment-là, nous
ferons connaître nos positions.
UNE VOIX: Les jours se suivent...
M. TOUPIN: Nous ferons connaître nos positions là-bas et
ici, aux deux endroits à la fois, de telle sorte que tout le monde les
connaîtra.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
Evasions de la prison d'Orsainville
M. PAUL: M. le Président, présumant que le ministre de la
Justice est catégoriquement, définitivement et
irrévocablement opposé aux évasions, je me permettrai de
lui poser quelques questions. D'ailleurs, je l'ai prévenu de ces
questions relatives à l'évasion récente du centre
d'Orsainville en date du 2 novembre dernier.
Le ministre pourrait-il nous dire, d'abord, qui avait la garde des
prisonniers au moment de l'évasion?
Deuxièmement, est-il vrai que plusieurs prisonniers, dont les
cinq évadés, se trouvaient sans surveillance au moment de
l'incident?
Troisièmement, pourquoi avait-on laissé sans surveillance
une vingtaine de prisonniers dans le cours de l'après-midi du deux
novembre 1970?
Quatrièmement, quels correctifs ont été
suggérés par le ministre de la Justice, ou ses fonctionnaires,
pour éviter une quatrième évasion au centre
d'Orsainville?
Cinquièmement, le ministre a-t-il ordonné une
enquête à la suite de ces évasions spectaculaires?
Enfin, le ministre pourrait-il dire s'il est vrai, ou non, que les
évadés ont reçu de l'aide de l'extérieur, avant,
pendant et après l'évasion?
Finalement, le ministre a-t-il l'intention de produire un rapport
détaillé à la suite de l'enquête qu'il aurait sans
doute ordonnée et qui lui sera communiqué?
M. CHOQUETTE: M. le Président, en réponse à la
première question, ce sont les autorités de la prison qui avaient
la garde des prisonniers et non pas l'armée.
En réponse à la deuxième question, il semble que
les prisonniers, lors de leur évasion, se trouvaient dans une cour de
récréation qui est clôturée.
Troisièmement, c'est justement l'objet de l'enquête de
savoir pourquoi ces prisonniers, semble-t-il, avaient été
laissés sans surveillance dans cette cour de récréation,
enquête que j'ai ordonnée.
Quatrièmement, pour ce qui est des correctifs, l'enquête
nous révélera où doivent peser les responsabilités
pour ces évasions et, également, elle pourra nous indiquer des
mesures à adopter avec le concours du ministère des Travaux
publics pour ancrer la clôture dans le béton. Cela pourra
être une des mesures à adopter.
Cinquièmement, l'enquête que j'ai instituée est
faite par la Sûreté, mais je puis affirmer à l'honorable
député qu'il ne semble pas qu'il y ait eu de concours
extérieur à cette évasion.
Sixièmement, quant aux résultats de l'enquête, je
pense bien, en principe, que je n'aurai pas d'objection à les rendre
publics, à moins qu'il y ait des raisons particulières que je ne
connaîtrai qu'après avoir reçu le rapport.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.
Opération dignité
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, l'abbé Charles
Banville, curé de la paroisse de Sainte-Paula, dans le comté de
Matane, a présenté, hier, un manifeste d'appui du clergé
de cette région à l'action entreprise par la population des
comtés de Matane et de Matapédia réunissant quelque 25
paroisses marginales sous le titre: Opération dignité.
Il semble, d'après la déclaration de M. le curé
Banville, que la population se prononcerait en faveur du manifeste du FLQ, tout
en rejetant le terrorisme, et ce, à cause des difficultés du
gouvernement dans l'application du plan de l'Est du Québec.
Le ministre des Affaires municipales, responsable de l'application de
cette entente de coopération Canada-Québec, a-t-il une
déclaration à faire à ce sujet?
M. TESSIER: J'ai lu, dans les journaux, que le curé Banville
avait fait une déclaration. Je n'ai pas rencontré le curé
Banville. Je crois qu'il a rencontré un de mes collègues mais,
quant à moi, je ne l'ai pas vu. Il n'a fait, par conséquent,
aucune déclaration devant moi et il serait assez délicat, en
conséquence, que je commente une déclaration que je n'ai jamais
entendue.
M. MASSE (Montcalm): Question supplémentaire, M. le
Président. Est-ce que, pour permettre au ministre d'entendre la
déclaration du curé Banville, il a l'intention de convoquer sous
peu la commission parlementaire des Affaires municipales pour étudier
les difficultés d'application de l'entente Canada-Québec?
M. TESSIER: Ce n'est pas mon intention de le faire à moins qu'il
y ait une demande spécifique de la part des intéressés. A
ce moment-là, je n'aurai pas d'objection à les entendre devant la
commission.
M. MASSE (Montcalm): Question supplémentaire, M. le
Président. Tenant compte de la demande faite par les parlementaires
et qui apparaît au feuilleton de réclamer la
convocation de cette commission parlementaire, considérez-vous que les
parlementaires sont intéressés à entendre le ministre et
les corps intermédiaires concernant cette question?
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que je peux
répondre...
UNE VOIX: Bon!
M. BOURASSA: ... à la question du député de
Montcalm? Je pense que j'ai examiné le problème et que j'ai
prouvé, en me rendant sur les lieux, l'intérêt que je
portais à cette question, de même que le souci que je portais aux
revendications de la population de la Gaspésie.
Je trouve curieux que ce soit le député qui était
responsable de l'Office de planification qui, aujourd'hui, semble faire des
reproches au gouvernement sur son attitude.
UNE VOIX : A l'ordre ! A l'ordre !
M. BOURASSA: M. le Président, nous sommes conscients des
problèmes de la Gaspésie. Nous avons déjà,
seulement après quelques mois de pouvoir, tenté de
réparer, au moins en partie, l'inertie du précédent
gouvernement. Nous poursuivrons notre tàche...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable premier
ministre de respecter le règlement en ce qui concerne la réponse
aux questions. Je voudrais l'inviter à ne pas susciter de débat
inutile.
M. BOURASSA: Je voulais éclairer le député de
Montcalm.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, puisque le premier ministre
veut absolument manifester sa présence en Chambre, je lui ai posé
hier une question concernant l'application de l'article 9, chapitre 9, section
3, et il s'est engagé devant cette Chambre à vérifier si
cette Loi du Conseil exécutif était bien appliquée.
Peut-il faire une déclaration à ce sujet?
M. BOURASSA: M. le Président, je dois admettre que le
député de Montcalm m'a fait travailler hier soir d'une
façon un peu spéciale sur cette question. J'ai cru à sa
bonne foi et j'ai fait toutes les vérifications sur tous les ministres
en question. Comme je le lui ai demandé hier, s'il a des cas
précis à nous soumettre, nous sommes prêts à les
examiner.
M. DEMERS: Pas tout de suite, cela ne presse pas.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, permettez-moi de remercier
le premier ministre et de lui faire remarquer que j'ai plus de facilité
à trouver de l'emploi qu'il n'en a lui-même.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf
Remboursement d'impôt de 1969
M. DROLET: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre du Revenu. Le
ministre du Revenu est certainement au courant que les contribuables qui
doivent de l'argent au gouvernement doivent payer. Le ministre peut-il nous
dire si les citoyens du Québec qui n'ont pas encore reçu leur
remboursement d'impôt pour l'année 1969 le recevront avant la fin
de l'année 1970, et pourquoi ce retard considérable?
M. HARVEY (Jonquière): Ce que je peux dire au
député, c'est que dès la prestation du serment, le 12 mai,
mon prédécesseur a été mis devant une situation
d'urgence, c'est-à-dire que pour la première fois cette
année, toutes les formules d'impôt ont été
traitées par ordinateur. Contrairement aux prévisions, il y a eu
un rejet considérable, soit 82 p. c. des formules à la
première opération, occasionnant un retard dans l'envoi des avis
de cotisation autant pour le gouvernement que pour les particuliers.
Actuellement, la situation a été rétablie et il ne
reste que quelques contribuables qui n'ont pas reçu leur remboursement.
Ils le recevront d'ici quinze jours au plus tard.
M.SAMSON: M. le Président, le ministre vient de nous dire que 82
p. c. des formules ont été rejetées par les ordinateurs.
Il semble que ce sont seulement les formules où le gouvernement est
redevable qui ont été rejetées. Il paraît que les
autres, celles où les citoyens sont redevables au gouvernement, la
machine ne les a pas rejetées. Qu'est-ce qui se passe dans ce cas?
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, le
député de Rouyn-Noranda devrait prendre la parole du ministre.
Les avis de cotisation et même les avis aux délinquants ont
été envoyés après plusieurs mois de retard. Il est
donc faux de prétendre que seuls ceux qui avaient droit à des
remboursements ne les ont pas eus. Ces formules ont d'abord été
traitées de façon à voir si les informations qui y
étaient contenues étaient bonnes; dans l'affirmative, elles n'ont
pas été rejetées par la machine. Il y en avait 18 p. c. Il
y en a donc eu 82 p. c. qui ont dû être manipulées une
deuxième fois, avec tout ce que comporte le traitement par
ordinateur.
Alors, il est faux de prétendre que seuls ceux dont le
gouvernement avait des remboursements à leur remettre, ont eu leur avis
en retard. C'est faux.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Réclamations rejetées
M. LAURIN: M. le Président, une question subsidiaire au ministre
du Revenu. Est-ce qu'une enquête a été effectuée sur
les raisons pour lesquelles les ordinateurs ont rejeté 82 p. c. des
demandes. Est-ce qu'il faut en conclure que les ordinateurs sont contre le
remboursement des impôts?
M. HARVEY (Jonquière): Premièrement, c'est parce que, dans
le système qui a été mis en fonction, on n'avait pas
prévu, ce que l'on appelle communément en anglais un "back up
system", un système qui aurait pu être mis en place si le premier
faisait défaut. Deuxièmement, il est arrivé ce qui arrive
à toute entreprise qui se modernise. Lorsque les compagnies
privées ont diminué le traitement par voie de "key punch" pour
passer à d'autres méthodes plus modernes d'informatique, il leur
est arrivé des épreuves, comme il en est arrrivé ici au
ministère du Revenu.
Nous avons, il y a quelques semaines, passé au "key edit" une
formule intermédiaire beaucoup plus progressive et plus moderne. Nous
continuerons d'améliorer le système d'informatique afin de donner
satisfaction et répondre de façon très rapide, non
seulement aux contribuables, mais aux corporations qui sont au nombre de
150,000 au Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
Usine de polyéthylène
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre, ou au ministre de l'Industrie et du Commerce. Dans un article
publié, hier, dans la Gazette du 11 novembre, sous la signature de Peter
Cook, il est écrit que le projet de la société
Italiana-Regina d'une usine de polyéthylène, à
Saint-Romuald, semblait être définitivement abandonné.
Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire si c'est exact et, si oui,
quelles en sont les raisons?
M. LEVESQUE: M. le Président, je profite de la question du
député pour faire une réponse plutôt d'ordre
général à ce genre de questions qui peuvent être
posées de temps à autre. On comprendra facilement que, dans
l'intérêt du projet lui-même, quel qu'il soit, il serait
extrêmement imprudent, pour le titulaire du ministère de
l'Industrie et du Commerce, soit de confirmer ou d'infirmer l'implantation
d'une industrie. Il y a des circonstances de toutes sortes que l'on devine
où la simple annonce prématurée de la venue d'une
industrie soit suffisante pour compromettre son établissement au
Québec. C'est la règle qu'ont suivie mes
prédécesseurs et nous essayons, au contraire, d'entourer ces
entrevues, ces entretiens au ministère, de la plus grande
discrétion. Mais nous sommes très heureux d'annoncer la venue des
industries lorsque la décision sera prise.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, une question
additionnelle. Compte tenu de la réponse que vient de faire le ministre
de l'Industrie et du Commerce sur la prudence que le gouvernement doit suivre
en pareille matière, faut-il conclure que les projets qui ont
été annoncés l'ont été avec cette même
prudence,
ce qui expliquerait que le gouvernement n'a, jusqu'à
présent, annoncé que les projets qui avaient été
réalisés par l'Union nationale?
M. BOURASSA: M. le Président, je pourrais répondre, si
vous voulez, sur les investissements de plus d'un demi-milliard de dollars que
nous avons annoncés au mois d'août et qui étaient l'effet
certain de négociations sur des changements à la réforme
fiscale. C'est clair que s'il n'y avait pas eu de changements à la
réforme fiscale, par le gouvernement fédéral, on n'aurait
pas eu $500 millions d'investissements sur la Côte Nord puisque le taux
de rendement a été affecté. C'est la réponse que je
donne au député. L'action du gouvernement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela avait été
décidé par nous.
M. BOURASSA: ... québécois, dans ces investissements, a
été déterminante et elle le sera dans les autres qui
seront annoncés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lévis.
Traverse de Lévis
M. ROY (Lévis): M. le Président, les journaux, en date du
mois de novembre courant, laissent entendre à la population du district
de Québec, qui comprend plusieurs municipalités du comté
de Lévis, que la gratuité sur les bateaux-passeurs entre
Lévis et Québec serait discontinuée dans les prochaines
semaines.
Je demanderais soit au premier ministre de la province, soit au ministre
du Transport ou de la reconnaissance de bien vouloir rassurer la population une
fois pour toutes à savoir si on est pour continuer la gratuité ou
si on est pour remettre les bateaux payants comme auparavant.
M. GARNEAU: M. le Président, vous en aviez oublié un.
M. PAUL: Ne le laissez pas faire, M. Tremblay. Ne le laissez pas
faire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GARNEAU: M. le Président, je dois profiter de l'occasion pour
dire au député de Lévis que, très prochainement,
une déclaration sera faite indiquant la politique que le gouvernement
entend suivre concernant la traverse de Lévis. En raison des
discusssions en cours, j'aimerais, si le député me le permet,
attendre encore quelques jours avant de faire cette déclaration pour ne
pas nuire aux négociations. Pour ce qui est de la traverse de
Lévis et sa gratuité ou sa non-gratuité, on profitera de
la même circonstance pour dire quelle sera la politique du gouvernement
à ce sujet.
M. BERTRAND: Pour l'abolir?
M. GARNEAU: Est-ce que le chef de l'Opposition serait d'accord?
M. BERTRAND: Non, M. le Président. Je pense que le
député de Lévis a parfaitement raison. Je viens de poser
la question au ministre des Finances, à savoir si la décision
qu'il annoncera sera pour abolir la gratuité à la traverse de
Lévis.
M. GARNEAU: M. le Président, si je pouvais le dire aujourd'hui,
je le dirais maintenant.
M. BERTRAND: Cela veut dire que le problème...
M. DEMERS: On serait mieux avec le ministre des Transports. On aurait
une meilleure réponse.
M. ROY (Lévis): Question supplémentaire. Si ça
prend autant de temps au Parti libéral pour abolir la traverse que
ç'a pris de temps à l'Union Nationale pour la donner, on va avoir
quatre ans à notre disposition.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
Route transcanadienne
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
la Voirie. Le 15 juillet dernier, mon collègue, le député
de Lafontaine, posait une question concernant la renégociation de
l'entente sur la route transcanadienne. Le ministre a déclaré
alors qu'il s'était rendu à Ottawa et que les négociations
étaient en bonne voie. Le ministre ajoutait qu'il espérait
pouvoir obtenir la reconduction de l'entente de la route transcanadienne et
même le déplafonnement des crédits concernant le reste de
la construction de cette route jusqu'aux frontières du
Nouveau-Brunswick. Le ministre pourrait-il nous dire si, dans les trois mois
qui se sont écoulés depuis cette date, des progrès
substantiels ont été accomplis dans les négociations,
étant donné qu'il s'agit d'une question extrêmement
importante pour combattre le chômage cet hiver?
M. PINARD: M. le Président, je n'ai rien à retirer des
informations que j'avais formulées à l'époque en
réponse à la question du député. Les
négociations sont en cours; je peux dire aujourd'hui que nous avons
raison d'espérer obtenir de bons résultats de ces
négociations avec les autorités fédérales.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce qu'on peut s'attendre que
ceci sera fait prochainement?
M. PINARD: II y aura certainement une décision qui sera
annoncée à brève échéance à ce
sujet.
M. LESSARD: Les négociations sont dures.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, je demanderais votre collaboration. Je vais
permettre deux dernières questions, de manière assez courte, avec
des réponses également assez précises et courtes, parce
que nous avons déjà épuisé le temps des
questions.
Les honorables députés de Sainte-Marie et de
Gaspé-Nord.
L'étiquetage bilingue
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, ma question
s'adresse au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation. Le gouvernement
fédéral vient de déposer plusieurs lois concernant
l'étiquetage et le mesurage des produits alimentaires. Le ministre
pourrait-il nous dire où en sont rendues les discussions entre les
fonctionnaires de son ministère et les fonctionnaires
fédéraux concernant l'étiquetage bilingue sur les aliments
vendus au Québec?
M. TOUPIN: Je prends avis de la question, si vous permettez, et j'y
répondrai demain, parce que ça demande, je pense, assez
d'éclaircissements.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Gaspé-Nord.
Carte d'identité
M. GAGNON: A la suite de la déclaration que le ministre de la
Justice faisait et qui représente, j'en suis sûr, l'opinion du
conseil des ministres concernant l'établissement de la carte
d'identité pour tous les Québécois, est-ce qu'il partage
l'opinion du ministre de la Justice d'Ottawa, qui est contraire à la
sienne, ou s'il y aura effectivement établissement de la carte
d'identité au Québec?
M. CHOQUETTE: Si le député avait lu correctement ma
déclaration, il aurait noté que j'ai dit que cette question
faisait l'objet d'une étude à mon ministère et que le
principe n'en avait pas encore été adopté par le conseil
des ministres. Par conséquent, actuellement, il est
prématuré d'exprimer une opinion définitive sur le sujet.
Je ne cache pas que je m'intéresse à la question. Dans certains
milieux, en particulier au niveau du gouvernement fédéral, on a
soulevé certaines réserves préliminaires sur le plan
constitutionnel. Je dois dire que ces réserves, telles qu'elles ont
été exprimées à l'heure actuelle, ne
m'impressionnent nullement.
M. GAGNON: M. le Président, question sup- plémentaire.
Relativement à l'établissement de cette carte d'identité,
est-ce que le ministre de la Justice prévoit consulter le gouvernement
d'Ottawa, parce qu'on dit que ce serait peut-être
anticonstitutionnel?
M. CHOQUETTE: Nous agirons suivant les intérêts du
Québec.
Travaux de la Chambre
M. PAUL: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: On va passer aux affaires du jour.
M. PAUL: ... avant de passer aux affaires du jour et après les
affaires courantes, j'aurais une question à poser conformément
à l'article 114 deuxièmement de notre règlement:
"Immédiatement après l'expédition des affaires courantes
et avant que la Chambre entame les affaires du jour, un député
peut..." Je voudrais poser une question au leader parlementaire quant aux
travaux parlementaires.
M. LEVESQUE: Cela dépend du sujet.
M. PAUL: Je suis soucieux de l'autorité et j'attends la
réponse.
M. LE PRESIDENT: J'ai déjà averti la Chambre que la
période des affaires courantes était expirée. Mais, dans
les circonstances, étant donné qu'il s'agit des travaux de la
Chambre, je permettrai à l'honorable député de
Maskinongé de poser sa question.
M. PAUL: Alors, puis-je demander au leader du gouvernement si, à
la suite de la déclaration faite par son collègue, le ministre
des Affaires municipales, quant à son désir, à sa
disposition de convoquer la commission des Affaires municipales pour discuter
des difficultés d'application de l'ODEQ, il a l'intention de se rendre
à la motion qui figure à l'article 42 du feuilleton d'hier et qui
est inscrite au nom du député de Montcalm?
M. LEVESQUE: M. le Président, cette motion sera appelée
par le leader du gouvernement en temps opportun.
M. PAUL: Or, je dis, M. le Président, que, dès que le
leader du gouvernement voudra l'appeler, je lui rappellerai qu'il y a des
dispositions dans notre règlement qui ne lui donnent pas cette
liberté-là.
M. LEVESQUE: M. le Président, la liberté qui m'est
donnée, c'est de suivre l'ordre dans lequel ces motions apparaissent et
je ne crois pas qu'elle ait priorité.
M. PAUL: Non. Je n'ai pas demandé qu'elle
soit débattue. J'ai demandé si elle pourrait être
reçue à la suite de la déclaration faite...
M. BOURASSA: On verra.
M. PAUL: ... par le ministre des Affaires municipales.
M. LEVESQUE: Nous verrons en temps et lieu.
M. PAUL: Très bien, nous allons attendre.
Questions de privilège
M. L.-P. Lacroix
M. LE PRESIDENT: Les affaires courantes étant terminées,
je donnerai la parole à l'honorable député des
Iles-de-la-Madeleine qui m'a prévenu d'une question de privilège
et, par la suite, il y aura un deuxième député, le
député de Lafontaine, qui m'a également prévenu
d'une question de privilège.
M. LACROIX: M. le Président, avec votre permission et la
permission de la Chambre, je voudrais, avant que vous rendiez votre
décision relativement à la question de privilège
posée hier par l'honorable député de Bourget, rectifier ce
qui a été commenté largement dans les journaux, la radio
et la télévision au sujet de propos que j'ai tenus.
J'ai lu et relu attentivement la déclaration qu'a faite hier
l'honorable député de Bourget sur une question de
privilège qu'il a soulevée où il rapporte des propos que
j'aurais tenus le ou vers le 27 octobre dernier et qui ont été
rapportés dans le Journal de Québec.
Je comprends le député de Bourget d'avoir soulevé
cette question de privilège. J'aurais agi de la même façon
si j'avais lu un tel article me concernant.
Je voudrais rectifier les propos rapportés par le Journal de
Québec parce qu'ils sont inexacts. Ils ne sont pas ceux que j'ai
réellement tenus.
Lorsque j'ai fait cette déclaration, vous comprendrez facilement
dans quel état d'esprit je me trouvais à la suite de
l'enlèvement récent de celui que je considérais comme un
frère, Pierre Laporte. Je me remémore fort bien les propos que
j'ai tenus et je ne crois réellement pas qu'il y ait matière
à retirer toutes les paroles que j'ai alors prononcées,
même si je reconnais que certaines de celles-ci sont
sévères à l'endroit de certaines personnes, mais
celles-là devraient se rappeler que, lorsque l'on sème le vent,
on récolte la tempête.
Quant aux membres de la tribune de la presse, ceux qui font leur boulot
avec compétence, honnêteté et objectivité savent que
j'ai pour eux beaucoup d'amitié et d'admiration. Malheureusement, les
journalistes de cette catégorie devraient être plus nombreux.
Certains journalistes exigent et j'insiste sur les mots "certains
journalistes" de tous les hommes publics une éthique qu'ils se
refusent à eux-mêmes. Ceux-là s'attaquent à tous et
à chacun sans vérifier les faits comme il conviendrait de le
faire. Ils ruinent ou tentent de ruiner des réputations, gonflent et
dégonflent des mythes selon leur bon plaisir et on ne peut rien pour les
amener à traiter les autres comme ils veulent l'être. Pourtant,
ils devraient savoir que plus une calomnie est difficile à croire, plus,
pour la retenir, les sots ont de mémoire.
J'espère et je souhaite que les journalistes s'imposeront un code
d'éthique professionnelle. Je pense, en celà, me faire
l'écho de la population.
M. LAURIN: J'aimerais demander au député des
Iles-de-la-Madeleine s'il a une preuve, s'il peut apporter des
déclarations dans lesquelles j'aurais semé le vent et qui
auraient justifié l'affirmation qu'il a faite d'hypocrite visqueux,
car...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!
M. LAURIN: ... je n'ai pas compris, dans sa déclaration, qu'il
retirait cette déclaration.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Nous allons procéder, pour le moment,
à la question de privilège du député de Lafontaine
et, après, je rendrai la décision que je m'étais
réservée hier.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, je vous ai donné avis que je
voulais soulever une question de privilège qui touche la dignité
des délibérations de la Chambre. Au sujet de nos débats
d'hier, la Presse a rapporté que l'Assemblée nationale tournait
au burlesque. Les 108 députés de l'Assemblée nationale
sont tous d'accord pour condamner la violence physique comme solution à
nos problèmes québécois. Cependant, on semble, de part et
d'autre, dans cette Chambre et je dis cela sans partisanerie politique
ne pas réaliser que nous sommes tous un peu ici, en cette
Chambre, responsables de cet état de choses par notre attitude
personnelle et individuelle dans nos interventions à l'Assemblée
nationale.
Quand, dans la rue, dans un bar ou dans une soirée, une
discussion s'engage...
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'il s'agit d'une question
de privilège? S'il s'agit d'une question de privilège je
le soumets bien respectueusement relativement à un incident qui
s'est passé hier, en cette Chambre, c'est à ce moment-là
et seulement à ce moment-là que l'opinant pouvait
la soulever.
M. LEGER: M. le Président, je me réfère
à
des articles qui ont paru dans le journal Le Soleil de ce matin, dans
lequel on écrit: "II fait partie du FLQ, a pour sa part remarqué
le député libéral de Laurier, M. André Marchand, en
désignant le député péquiste..."
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEGER: "... Marcel Léger qui avait la parole."
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Au début de
l'exposé du député de Lafontaine, j'étais d'avis
qu'il se levait pour invoquer les privilèges de la Chambre en tant que
Chambre...
M. LEGER: D'accord.
M. LE PRESIDENT: ... du fait que les journaux ont peut-être
rapporté à tort, je l'espère, qu'hier j'ai lu les
mêmes articles l'Assemblée nationale tournait au burlesque
ou quoi que ce soit. Celui qui vous parle a quand même certaines
responsabilités. Vous réalisez sans doute que ma tàche
n'est pas toujours la plus facile. Je regrette moi-même ce qui s'est dit
dans certains journaux à cet effet. J'ai visité des Parlements
étrangers.
Je suis prêt à dire et à avancer que, sur cette
question de privilège de l'Assemblée nationale du Québec,
je pense bien que cela peut se passer de la même façon un peu
partout dans tous les parlements du monde et même aux Nations Unies,
alors qu'à certains moments les godasses ont été sur les
bureaux ou un peu partout.
Revenant à l'intervention du député de Lafontaine,
je vois, à la suite, qu'il veut intervenir à d'autres moments,
mais est-ce que sa question de privilège est là pour invoquer la
tenue ou la tournure des débats dans la journée d'hier?
J'aimerais que, sans que cela entraîne de débat, le
député de Lafontaine s'en tienne à ramener la
vérité sur les débats.
M. LEGER: M. le Président, je ne serai pas long. Les prochains
mots que je vais dire vont éclaircir l'idée que je voulais
avancer. Ce que je voulais dire, c'est qu'au niveau d'une discussion, que ce
soit en Chambre ou ailleurs, quand on demeure dans le domaine des idées,
il est possible d'avancer, mais quand on s'en prend aux personnes par des
quolibets, par des attaques ou des invectives qui sortent de l'ordinaire, on
arrive à créer dans cette Chambre une escalade ..
M. LEVESQUE: M. le Président, j'interviens de nouveau.
M. LEGER: M. le Président, j'en ai pour juste une minute.
M. LEVESQUE: Je soulève un point d'ordre, M. le Président.
S'il s'agissait de rétablir les faits à la suite d'un article de
journal contre lequel s'élèverait le député, parce
que la dignité de la Chambre aurait été attaquée,
à ce moment-là, je n'interviendrais pas. Mais ce que le
député semble vouloir faire, c'est soulever une question de
privilège sur des mots qui auraient été prononcés
dans cette Chambre, hier. Si le député avait à
s'élever contre ces mots-là et à soulever une question de
privilège, il devait le faire au moment où cette infraction
était commise et non pas vingt-quatre heures après, et donner une
leçon de morale à ses collègues.
M. LEGER: M. le Président, je veux simplement dire que c'est une
attitude qui existe depuis le 10 juin. Moi, en tant que whip du parti, je veux,
au nom de mes collègues...
DES VOIX: Oh! Oh!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LEGER: ... si c'est possible, en tant que membre de cette Chambre et
parlant au nom de mes collègues, dont plusieurs ont été
injustement attaqués, exprimer l'espoir que de telles atteintes à
la dignité de nos délibérations ne se reproduisent
plus.
M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que je pourrais prendre la
parole sur la question soulevée par l'honorable
député?
M. LEGER: Ce n'est pas un débat que je fais là.
M. CHOQUETTE: C'est au sujet d'une déclaration du
député de Bourget que j'ai lue dans le Quartier latin et qui
concorde tout à fait avec l'intervention du député de
Lafontaine. Je veux lui signaler que je suis entièrement d'accord avec
lui.
M. BURNS: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: Je soulève un point d'ordre, M. le Président.
D'abord, ce n'est sûrement pas une déclaration du
député de Bourget. Je ne veux pas que mon collègue soit
inutilement accusé, c'est probablement une déclaration de ma
part.
M. CHOQUETTE: Oui, est-ce que c'est vous qui avez dit que c'était
pas mal écoeurant?
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Mon
collègue de Lafontaine était en train d'expliquer pourquoi il
avait soulevé une question de privilège. Le ministre de la
Justice essaie de changer complètement la tournure du débat.
D'ailleurs, les déclarations auxquelles semble se référer
le ministre de la Justice n'ont pas été faites dans cette
Chambre... si elles ont été faites.
M. MARCHAND: M. le Président, j'aimerais faire remarquer aux
députés que j'ai dit hier au député de Maisonneuve
qu'il était l'avocat du FLQ, au cas où quelqu'un ne s'en serait
pas souvenu.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. BURNS: M. le
Président...
M. LE PRESIDNET: A l'ordre! A l'ordre! En ce qui me concerne, je
considère l'incident clos.
M. BURNS: On nous nourrit constamment de sujets à des questions
de privilège. On vient de m'en donner un autre. Il est absolument
inexact que je sois l'avocat du FLQ. Qu'est-ce que vous voulez?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je crois que tout le monde doit
prendre la parole du député de Maisonneuve, quand il
rétablit les faits, quant à l'allégation qu'il soit
l'avocat du FLQ.
M. CHOQUETTE: Mais, M. le Président, est-ce que je peux vous
donner un avis à l'effet que je soulèverai demain une question de
privilège?
M. LE PRESIDENT: D'accord.
M. SAMSON: Pourrais-je soulever une question de privilège, s'il
vous plaît?
M. LE PRESIDENT: Vous ne m'avez pas prévenu. Est-ce que cela
s'est produit à l'instant même?
M. SAMSON: Cela vient de se produire. M. le Président, si j'ai
bien compris, suivant la déclaration du député de
Maisonneuve, il nous tient tous responsables d'un soi-disant burlesque. Ce que
je voudrais rétablir ici, c'est que nous nous dissocions de cette
déclaration. S'il se sent responsable, lui, c'est son affaire, qu'il le
soit seul et nous le comprendrons.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, avant de passer aux affaires du jour je
voudrais rapidement donner...
M. BURNS: En vertu de l'article 114, également, je voudrais
demander au leader du gouvernement, étant donné que le bill 48
concernant les enfants naturels se réfère à un rapport de
la commission de révision du code civil, s'il a l'intention de remettre
aux députés une copie de ce rapport avant que le bill 48 ne soit
discuté.
Voici pourquoi je pose la question, M. le Président. Nous nous
sommes informés et il semble qu'il soit difficile d'obtenir une copie de
ce rapport avant qu'il n'ait été déposé en cette
Chambre. Je pense qu'il serait utile pour la bonne marche des travaux d'avoir
une copie du rapport de la commission sur ce point. Est-ce l'intention du
gouvernement...
M. BOURASSA: D'accord.
M. BURNS: ... de nous faire parvenir des copies?
M. BOURASSA: Dans les prochains jours.
Décision de M. le Président
M. LE PRESIDENT: Hier, à la suite d'une question de
privilège soulevée par le député de Bourget,
j'avais demandé l'indulgence de la Chambre pour remettre ma
décision à aujourd'hui. D'ailleurs, tout le monde reconnaît
que la question n'est pas facile, comme je le mentionnais, du fait qu'il s'agit
du privilège de l'Assemblée nationale ou de ses membres.
J'ai lu et relu avec beaucoup d'attention une copie de l'intervention du
député de Bourget, qu'il a eu l'amabilité de me remettre.
Tout d'abord, il s'agit, en l'occurrence, d'une double question de
privilège découlant d'écrits où on rapporte des
paroles qu'auraient prononcées le député des
Iles-de-la-Madeleine et le député de Portneuf, écrits dont
le premier est rapporté dans le Journal de Québec du 28 octobre
1970.
Je cite la fin seulement, qui concerne non seulement le
député de Bourget, mais également le député
de Saint-Jacques. J'insiste surtout sur cette dernière phrase qui,
à mon point de vue, ne soulève aucune difficulté pour
donner raison au député de Bourget d'invoquer la violation de
privilège en ce qui le concerne et en ce qui concerne la personne du
député de Saint-Jacques: "Que les ravisseurs de Pierre Laporte
touchent à un poil de celui-ci et la peau de René Levesque,
Camille Laurin, Charron, Bourgault, Michel Chartrand et tous les autres
hypocrites... ne vaudra pas cher."
Le député de Bourget a consulté certains auteurs,
entre autres May et Beauchesne, et à la lumière de l'article 193,
je pense bien qu'il avait tout à fait raison de soulever cette violation
de privilège puisqu'on y dit: "Est réputée question de
privilège toute question qui concerne les droits de la Chambre prise
comme corps, sa sécurité, sa dignité ou la liberté
de ses délibérations, ou qui concerne les droits, la
sécurité, la conduite ou l'honneur des députés
considérés individuellement..." Je ne voudrais souligner que les
deux premières notes qu'il y a au-dessous de l'article 193: "II y a lieu
de soulever une question de privilège quand on a commis des voies de
fait sur la personne d'un député, proféré des
injures ou publié des écrits diffamatoires à son
adresse... quand on a molesté, menacé ou tenté de
violenter ou d'intimider un député..."
Je voudrais m'en tenir, par contre, aux écrits mêmes dans
les deux cas, soit aux paroles qu'on prête au député des
Iles-de-la-Madeleine et aux paroles qu'on prête au député
de Portneuf. J'en conclus qu'en ce qui concerne ce qui a été
écrit dans ces deux journaux il y a et il y avait matière
à violation des privilèges de la Chambre et des
députés.
Le député de Bourget conclut son intervention et
c'est là que ça devient plus délicat et plus difficile
en réclamant que ces deux collègues retirent leurs
paroles.
Ici, je dois me référer à l'article 285 au sujet
des paroles antiparlementaires. Je dois me refuser toute juridiction et je
crois que c'est l'économie totale du règlement, de la
jurisprudence, l'économie complète du droit parlementaire; les
prérogatives du président se limitent, d'une manière tout
à fait restrictive, à ce qui se dit, à ce qui se prononce
pendant les travaux ou procédures en cette enceinte. Autrement, comment
pouvez-vous demander au président d'avoir le contrôle de tout ce
qui se dit en fin de semaine, par exemple, dans les 108 comtés de la
province? Heureusement, la Chambre ne siège pas en temps de campagne
électorale, parce qu'on aurait un orage de questions de
privilège.
Je crois que le règlement de la Chambre est très sage
à ce sujet en restreignant cette juridiction du président
à l'enceinte. Je pense bien que c'est assez précis, mais je vais
citer, par analogie, l'article 285, au tout début: "II est interdit
à tout député qui a la parole...". On déduit que
"qui a la parole" veut dire que c'est certainement en Chambre. Article 285,
vingtièmement, note 3: "Un député peut se plaindre des
injures qu'un autre député a proférées à son
adresse dans les couloirs de la Chambre c 'est un cas mais
on voit immédiatement que le président n'a aucune juridiction
c'est à la Chambre, non pas à l'Orateur, de se prononcer
en ce cas". J'arriverai à cela tout à l'heure, je pense que
l'article 196 le couvre très bien.
Le député de Bourget cite, à bon droit, Erskine
May. Lui aussi, je crois, me donne totalement raison lorsqu'il dit il
n'y a rien de contradictoire dans cela que: "The penal jurisdiction of
the Houses is not confined to their own Members nor to offences committed in
their immediate presence, but extends to all contempts of the Houses whether
committed by a Member or by a person who are not Members, irrespective or
whether the offence is committed within the House or beyond its walls".
Justement, la juridiction, on la donne à qui? Pas au président,
car on dit bien "the penal jurisdiction of the Houses". La juridiction de la
Chambre en son ensemble.
Egalement, lorsque le député de Bourget cite Beauchesne,
à la page 104, encore là il a tout à fait raison. Les deux
Chambres en l'occuren-ce lorsque le Conseil législatif existait
puniront non seulement les outrages découlant de faits, mais le
droit de punition ou de réprimande appartient en l'occurence uniquement
à la Chambre et non pas au président. Je voudrais,
également, par analogie, si vous voulez, vous référer
à l'article 669, aux notes 1 et 2. Ce n'est pas le cas précis,
mais c'est une analogie. Il est dit, dans cette note: "II est irrégulier
de poser des questions au sujet de discours prononcés hors de la Chambre
par de simples députés". Il est même irrégulier de
poser, à un député, une question sur des discours qu'il a
prononcés en dehors de la Chambre.
Deuxième note: "II est irrégulier de demander à un
député s'il a prononcé hors de la Chambre les paroles
qu'on lui attribue". Il y en a une autre également. Il semble y avoir
une exception, mais, encore à la fin, on confirme, je l'espère,
la décision que je dois rendre. Note de l'article 72: "La juridiction de
l'Orateur s'étend ce semble être une exception en
matière de désordre, jusque dans les couloirs de la Chambre
je retiens surtout les derniers mots mais non sur les paroles qui
y sont prononcées". Encore là, c'est uniquement la Chambre qui a
juridiction.
Je conclus donc, à la lecture et à la lumière du
règlement, des notes des auteurs de l'économie
générale, que je me refuse à toute juridiction. Et
même, j'ai vu dans les notes dans Erskine May je crois
qu'un orateur, un président, en Angleterre, à la Chambre des
communes, a même refusé de considérer et même
d'étudier la question sur des paroles qui avaient été
prononcées en dehors de la Chambre.
Je me refuse donc toute juridiction, parce que je n'ai aucun
contrôle sur ce qui peut se dire à travers le Québec. Je me
limite, et soyez assurés que j'en ai amplement de ce qui peut se dire
dans cette Chambre.
Et, en ce qui concerne la mise au point du député de
Bourget, il m'exemptera de me prononcer, ou de prendre la défense des
journalistes. Je crois qu'ils le font très bien eux-mêmes et
qu'ils ont toutes les armes voulues pour voir à leur propre protection.
En somme, ma conclusion est la suivante: Le député de Bourget
avait certainement raison d'invoquer cette violation des privilèges,
mais en ce qui concerne uniquement les écrits qui ont parus dans le
Journal de Québec et dans l'Action, je me refuse toute juridiction en ce
qui concerne des paroles qu'on prétend, qu'on attribue à deux
membres de cette Chambre. Je ne peux certainement pas demander... Je n'ai
aucune autorité pour demander une rétractation de ces paroles
pour lesquelles je n'ai aucune preuve qu'elles ont été
prononcées. Et je dis au député de Bourget qu'il aurait
dû, s'il avait voulu, s'il croit que la question n'est pas vidée,
il avait à sa disposition l'article 196, ou s'il prétend, ou s'il
est prêt à affirmer qu'il a à se plaindre d'autres
collègues, il y a une procédure qui a déjà
été employée, il y a quelques années, en Chambre,
mais heu-
reusement que, à ce moment-là, c'est la Chambre qui a
juridiction et celui qui vous parle en sera très heureux.
Pour terminer, une dernière remarque, peut-être, à
l'égard des membres de la galerie de la presse. Ce n'est pas une
question de privilège que je voulais soulever, mais un simple
commentaire. Je ne voudrais pas que les membres de la galerie de la presse
m'attribuent des pouvoirs que je n'ai pas. Entre autres, dans un article d'un
quotidien de Québec de ce matin, lorsqu'il est dit, en parlant du
ministre de la Justice: "II a ensuite admis qu'il avait été un
peu loin. S'il ne l'avait pas fait, le président aurait
été obligé de le faire sortir de la Chambre." Je dis que
c'est totalement faux. Je n'avais pas l'intention et je n'ai pas le pouvoir de
faire sortir qui que ce soit de cette Chambre.
On pourra lire les articles 75 et 76, où, dans des cas
d'extrême limite, le président appelle, ou nomme, ou ramène
à l'ordre nominativement un membre, la seule punition que le
président peut lui donner, c'est déjà assez important, est
de lui enlever le droit de parole pour la journée. Et c'est à ce
moment-là, s'il y a une motion d'un député et encore
là que la Chambre, et non pas le président, se prononce, il peut
y avoir exclusion. Je demanderais aux membres de la galerie de la presse, de ne
pas m'octroyer plus de pouvoirs que j'en ai. J'en ai déjà
suffisamment. Merci.
M. LAURIN: J'accepte, M. le Président, votre décision,
avec tout le respect qui convient, malgré que je déplore que vos
pouvoirs ne s'étendent pas suffisamment pour que vous puissiez faire
davantage pour maintenir le décorum et la dignité de cette
Assemblée nationale.
Bien sûr, j'aurais souhaité je l'ai demandé
mais je le souhaiterais aujourd'hui que les deux députés
concernés puissent retirer leurs paroles pour au moins ne pas ajouter...
Mais étant donné que cela semble impossible, je tiens pour
acquis... Etant donné que ceci...
M. DUMONT: Un rappel du règlement. Votre décision, M. le
Président, sur un rappel au règlement, est irrévocable et
sans commentaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il y aura lieu de passer je m'excuse
auprès du député je ne peux lui donner un droit de
parole.
M. CHARRON: M. le Président, puisque je suis aussi
concerné par le même propos, je n'ai aucunement l'intention...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que le député de
Saint-Jacques voudrait rétablir très rapidement...
M. CHARRON: Je veux simplement glisser une phrase à votre
intention, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de contester votre
décision.
Je l'accepte comme tous les membres de cette Chambre.
Je veux simplement vous dire que, lorsque vous aurez à
interpréter de nouveaux événements parce que vous
savez déjà qu'il va s'en produire vous glissiez dans votre
interprétation le fait qu'un député peut reprendre
à l'intérieur de la Chambre des paroles qu'il a prononcées
à l'extérieur. Lorsqu'il refuse de rétracter ce qu'il a
dit à l'extérieur, ça peut équivaloir à une
reprise de ces paroles en Chambre.
M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas de commentaire.
Affaires du jour.
L'honorable chef de l'Opposition.
Débat d'urgence M. Jean-Jacques
Bertrand
M.BERTRAND: M. le Président, au moment de l'ajournement hier,
j'allais terminer les propos que j'ai tenus sur la crise qui sévit au
Québec depuis le début d'octobre, sur les positions prises par le
gouvernement et sur les gestes qu'il a posés. J'ai également
énoncé l'attitude de l'Opposition officielle. Je n'ai pas
l'intention, bien entendu, M. le Président, de poursuivre. Certains de
mes collègues ajouteront aux propos que j'ai tenus et traiteront de
certains problèmes qui ont été soulevés à
l'occasion de cette crise, en particulier du problème social et du
problème économique.
J'ai dit que nous avions choisi la voie de la solidarité et que
nous avions cru que le plus impérieux de nos devoirs était
d'appuyer, mais non d'une manière inconditionnelle, le gouvernement dans
les heures troublées que nous avons traversées.
M. le Président, en conclusion, je déclare qu'il y a
quatre partis en cette Chambre qui ont des suggestions a faire pour le bon
gouvernement de cette province et pour que nous adoptions sans trop de
délai les mesures qui s'imposent. Il y en a qui, en dehors de la
Chambre, ont proposé au gouvernement des projets d'urgence. Un de mes
collègues, sans aucun doute, traitera de ce problème. Quant
à moi, j'ai voulu m'en tenir au problème de la
sécurité publique, car cela est excessivement important pour
préserver les fondements d'un Etat et, en particulier, pour
préserver et pour développer les fondements de l'Etat du
Québec.
Nous devons unir nos efforts et nos talents pour vaincre le terrorisme
non seulement par des moyens policiers, mais aussi par des méthodes plus
modernes de lutte contre le crime quel qu'il soit. A l'occasion des mesures qui
sont prises pour tàcher de démolir un groupe clandestin, on a
fait allusion à la lutte qui doit se poursuivre contre la pègre
qui constitue égale-
ment dans notre société une pieuvre. Je sais que le
ministre de la Justice s'y intéresse.
Dans le domaine de la sécurité publique, je suggère
que nous utilisions un outil que nous possédons dans le Parlement, un
outil démocratique et parlementaire qui s'est
révélé le meilleur pour un dialogue sain et une discussion
en profondeur de plusieurs problèmes qui ont pu être soumis
à nos commissions parlementaires. Je suggère et je recommande au
ministre de la Justice la convocation de la commission de la Justice pour
examiner d'une manière approfondie tous les problèmes qui
touchent à la sécurité publique de l'Etat du
Québec. Je lui suggère de convoquer cette commission et, en
tenant compte de la juridiction actuelle du Québec en matière
constitutionnelle dans tout le domaine de la sécurité publique,
d'envisager quels sont les pouvoirs dont nous aurions besoin pour être
plus en mesure de parer à des situations d'urgence.
L'expérience que nous avons vécue démontre que nous
devons davantage mettre en pratique le vieil adage que gouverner, c'est
prévoir.
A cette commission, sans entrer dans tous les détails, il y
aurait moyen d'examiner d'abord l'action de l'Etat, ce que cette action doit
être. J'ai parlé dans mon propos de la formation et du rôle
des policiers. Nous pourrions examiner cela autour d'une table et avoir, comme
je l'ai dit tantôt, un dialogue sain, dans une atmosphère qui se
prête beaucoup mieux à la commission qu'à la Chambre. Nous
pourrions également examiner les moyens, tout en dotant l'Etat de
mécanismes et en lui accordant des pouvoirs parfois exorbitants, de voir
comment nous pouvons concilier l'exercice de ces pouvoirs avec la sauvegarde
des droits fondamentaux de la personne humaine, de toutes ces libertés
dont on parle et dont parfois on se gargarise trop.
M. le Président, il y a également le problème de la
carte d'identité obligatoire. Je suis personnellement et la
plupart de mes collègues le sont, en principe favorable à
l'établissement d'une carte d'identité obligatoire. Pendant que
le ministère poursuit son étude, les députés
pourraient examiner également ce problème.
Voilà un moyen qui relève et qui dépend de nous. Je
n'ai aucun doute, j'ai confiance dans le sens de responsabilité de mes
collègues, membres de cette commission de la Justice, pour travailler
dans un climat d'harmonie à l'élaboration, avec le ministre de la
Justice et avec les conseillers du ministre de la Justice, des
législations, de la réglementation nécessaire pour assurer
davantage à l'Etat la sécurité publique.
Le ministre a dit qu'il donnerait des conférences de presse
chaque jour. Nous n'y avons pas d'objection. Mais est-ce qu'il n'est pas
préférable qu'il groupe, s'il le faut, chaque jour, pendant une
certaine période, les députés à cette commission de
l'administration de la Justice? Un autre parti a suggéré
c'est le
Parti québécois, je crois, par la voix de son leader
parlementaire la formation d'une commission d'enquête à
l'instar de la commission d'enquête Warren, aux Etats-Unis. Je dois dire
que l'expérience de l'enquête Warren est loin d'être
concluante. J'ai lu beaucoup de bouquins sur l'enquête Warren et d'abord
sur les faits de l'attentat contre M. Kennedy. Quand on lit tout ça, on
en vient à la conclusion qu'au lieu de débrouiller les faits, au
lieu d'établir les causes de cet attentat, du meurtre de M. Kennedy, on
a tellement embrouillé la situation qu'aujourd'hui tout le monde doute
et recherche les motifs véritables qui ont provoqué le meurtre de
John F. Kennedy.
C'est un exemple que je ne suis pas personnellement prêt, pour le
moment, à suivre. Je préfère cette institution
parlementaire qui nous appartient à nous, les députés, qui
nous permet d'interroger et le ministre et ses officiers, de travailler
ensemble, et de procéder comme on le fait dans d'autres commissions
à des enquêtes approfondies.
M. le Président, le Parlement peut et doit exercer son
initiative. Ceux qui y participeront exécuteront leur travail avec
compréhension et intelligence.
En conclusion, tout retard, toute négligence dans la mobilisation
générale de Québécois, des artisans de
l'économie québécoise, de ceux qui recherchent la paix et
le bon ordre au Québec, de tous les partis dans cette période
troublée que nous traversons, tout retard, toute négligence dans
cette mobilisation générale en vue d'une action positive et
méthodique entrafnera immanquablement l'insatisfaction populaire et
l'humiliation des Québécois. Ce sont là des ferments de
révolte et de troubles qui ne pourraient que provoquer l'anarchie et le
chaos. Au chaos, M. le Président, opposons l'ordre, la paix et la
sécurité publique dans le respect des libertés
individuelles et collectives. Aux malaises sociaux et économiques,
assurons par nos lois une plus juste répartition des richesses et des
lois génératrices de fierté pour l'individu et pour la
famille, ce qui provoquera une foi meilleure dans nos institutions
démocratiques et dans notre système économique.
C'est là, M. le Président, qu'est la vraie
révolution, celle qui édifie et qui bàtit, non pas celle
qui détruit et provoque la ruine. La résignation mène
parfois à l'humiliation. Une action dynamique s'impose pour redonner
à notre peuple sa fierté et sa foi.
M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. SAMSON: M. le Président, nous participons aujourd'hui à
un débat sur une question dite d'urgence qui suit les circonstances et
les événements que nous avons vécus ces derniers
temps.
A notre avis, le Québec connaît présentement les
heures les plus sombres de son histoire. Quand on en est rendu à
connaître des heures où la démocratie même est mise
en cause, où les libertés de la majorité sont mises en
cause, où des gens ou des groupes se servent de la violence pour arriver
à des fins dites politiques, je crois qu'on est en droit de se demander
quelles sont les causes de cela et quels sont les moyens à prendre pour
que la situation se rétablisse.
Dès le début de cette crise, pour autant que notre groupe
parlementaire est concerné, nous nous sommes abstenus de toute
déclaration publique pendant plusieurs jours. Dans les circonstances,
devant les événements, nous avons cru que ce n'était
vraiment pas le temps de prendre position publiquement. Nous savions que les
autorités avaient beaucoup de pain sur la planche, beaucoup de
responsabilités et que toute déclaration arrivant à un
moment ou à un autre aurait pu mettre en cause et en danger non
seulement les libertés, mais la sécurité publique. Pour
toutes ces raisons, nous nous sommes abstenus pendant plusieurs jours. Mais
à la suite d'études sérieuses du problème, tous les
membres de notre parti siégeant en cette Assemblée s'étant
réunis après un accord unanime, nous avons fait connaître
nos positions. Elles étaient les suivantes, à savoir que nous
réclamions les pouvoirs d'urgence pour les autorités dans ces
circonstances.
Ce que nous avons réclamé est arrivé à peu
près en même temps. Il semble que, du côté
ministériel, on étudiait la même chose en même temps.
Et, effectivement, ce gouvernement a pris des mesures nécessaires, des
mesures d'urgence. En la circonstance, devant le manque de lois qui doivent
prévoir ce genre d'événements, nous considérons que
les autorités n'avaient pas le choix des moyens. Lorsque la maison
brûle, ce n'est pas le temps de faire des réunions pour discuter
de la sorte de pompiers qu'on va engager. Nous en étions rendus
là. Nous avons compris que les autorités n'avaient d'autre
solution que celle de recourir à cette loi des mesures de guerre.
Bien sûr, nous sommes d'accord avec plusieurs que cette loi est
peut-être vieille et désuète, mais, faute d'autre chose,
nous nous devions de prendre nos responsabilités et, en toute urgence,
c'est ce que les autorités ont fait et c'est ce que nous avions
demandé. C'est pourquoi nous avons appuyé ces mesures.
M. le Président, c'est bien évident que les
autorités ont cherché à présenter une loi
différente, nouvelle, adaptée aux circonstances actuelles et
c'est en train de se faire. Je pense qu'il est malheureux quand même que,
dans une province comme la nôtre, on en soit rendu à être
obligé d'imposer des mesures d'urgence comme on l'a fait pour
protéger la démocratie, les libertés et la
sécurité de la majorité. Je dis bien de la
majorité, parce que, ce temps-ci, on entend à gauche et à
droite, dans les journaux, certains groupes de pression qui crient pour
dénoncer la prétendue atteinte aux libertés de quelques
membres de notre population, qui est l'infime minorité. Au nom de cette
liberté, on est encore en train de se laisser endormir, de se laisser
dépasser et de laisser crier ceux qui réclament la liberté
d'une minorité qui, elle, se foute des libertés de la
majorité dans notre province de Québec, aujourd'hui.
Cessons de nous laisser endormir et pensons aux droits et aux
libertés de cette grande majorité. On s'est servi des mesures de
guerre peut-être pour incarcérer quelques centaines de personnes,
mais pensons aussi qu'il y en a encore quelque 6 millions qui ne sont pas
incarcérées, qui veulent leurs libertés et qui y ont
droit. En tant que gouvernement, en tant que législateurs, en tant que
députés, en tant que membres de cette Assemblée, nous nous
devons de faire notre possible pour protéger les droits et les
libertés de ces individus.
M. le Président, à l'heure où l'on vous parle, il
est bien clair que, si nous voulons nous boucher les yeux, nous ne verrons pas
le danger. Nous ne verrons pas ce qu'il y a devant nous. Par contre, si nous
voulons les ouvrir, eh bien, nous verrons qu'aujourd'hui, malheureusement,
c'est l'aboutissement de ces infiltrations nous venant de l'extérieur,
c'est l'aboutissement du travail de certains semeurs de troubles, de haine, que
nous connaissons depuis plusieurs années.
Ils ont commencé lentement mais aujourd'hui, ils prennent la
vedette, soit dans nos postes de radio ou de télévision ou dans
nos journaux.
En effet, regardons bien ce qui se passe et nous verrons que certains de
ces semeurs de troubles ont eu facilement la vedette chez nos média de
publicité durant cette crise, ce qui n'a sûrement pas aidé
les autorités à régler la situation.
Nous avons eu connaissance dernièrement que quelqu'un ait
reproché à des hommes politiques de dire de façon un peu
crue ce qu'ils pensent mais, par contre, il y a aussi de ces hommes politiques
ne siégeant pas dans cette Chambre qui se laissent facilement aller
à certaines éclaboussures. Je veux vous citer certains passages
de certaines déclarations de certains hommes politiques ne
siégeant pas dans cette Chambre, et je veux parler du chef publicitaire
d'un parti politique. Ce chef publicitaire parce qu'il faut appeler les
choses par leur nom, disons qu'il s'appelle René Lévesque
voici certaines de ses expressions extraites de l'Action du 9 novembre 1970;
nous en retrouverons des vertes et des pas mûres: "Les gars du
fédéral, ces gars-là, la population du Québec a
été manipulée comme un troupeau par des gars comme
Drapeau, Trudeau et Marchand". Encore dans l'Action: "Une idée de fous,
des manipulateurs fascistes". Et on conti-
nue dans le Journal de Québec du 9 novembre 1970; où il
qualifie le premier ministre Bourassa de petit comptable". Encore: "Tant de
Québécois se sont garrochés comme des caves, que ce soient
les primitifs de notre société qui suivent des hommes comme
Caouette et Samson ou des gens de bonne société suivant la
démagogie bien élevée de Trudeau". Encore de ses
expressions: De Jean Drapeau, Lévesque n'a qu'une opinion; il est en
train de devenir un obsédé de petits papiers secrets, a-t-il dit.
Et on continue dans la Presse de Montréal du 9 novembre; je cite encore,
M. le Président, ses expressions: "Le geste de fou posé par M.
Trudeau", ne se gênant pas pour qualifier les ministres
fédéraux Trudeau, Marchand et le reste de crapules politiques. Il
me semble qu'on a fait beaucoup de bruit pour beaucoup moins que ça
dernièrement proche de nous. "Le peuple américain, comme des
gnochons, a voté la prohibition". "Faire du gouvernement
québécois un pantin". "Il s'agit là de manipulations
fascistes aussi basses que celles de Caouette, tous les deux se valent comme
manipulateurs fascistes"! Choquette devenait un commis-messager, on s'est servi
de Bourassa comme d'une façade à manipuler à partir
d'Ottawa. "La Chambre des communes a ensuite voté comme troupeau".
"A-t-on eu un meilleur résultat avec ces mesures de fous? ". "Des
retards dans les procès de Vallières, Gagnon, les dénis de
justice, le tripotage écoeurant de la justice par la politique fait que
ces jeunes vomissent la justice et risquent de verser dans le crime. Des
cochonneries de Trudeau." Une autre de ses expressions: "C'est vrai que
ça a été écoeurant cette élection", en
parlant du 29 avril. "A 20 ou 25 ans, on avale mal une cochonnerie". "Pendant
combien de temps les adultes pas pressés pourront-ils écoeurer
les jeunes? ". "Des déracinés comme Trudeau, des hypocrites
professionnels ont assimilé FLQ et PQ à l'époque,
certaines de ces crapules politiques". ... une autre de ses citations dans le
Soleil du 9 novembre dernier: "Les gnochonneries cela doit être
parent avec cochonneries, probablement de Trudeau." Plus loin: "Animal"!
lança-t-il à l'endroit d'un ministre d'Ottawa. "Bande de crapules
politiques". Dans le Journal de Québec, signé de sa plume, ses
éditoriaux et un titre: "Hypocrite créditiste", ou encore "Gros
innocent déchaîné'" genre d'obscénité
épaisse .. ce vieil opportuniste fieffé... des sous-produits
provinciaux... par le primitivisme savant, par la grosse bêtise
calculée, par l'opportunisme répugnant." C'est le genre de gars
qui trouve qu'encore au Québec il y a des gens qui parlent jouai.
M. TREMBLAY (Bourassa): Nous ne détruisons pas.
M. SAMSON: Je pense que nous avons la responsabilité et le devoir
de voir clair dans ce qui se passe actuellement. Non seulement on entend des
choses comme cela, mais on en est rendu à voir et c'est
malheureux certains chefs de groupes de pression qui, indirectement, ont
tenté de soulever la population, de soulever la masse en disant comment
le gouvernement agissait mal en ne voulant pas négocier de bonne foi
avec le FLQ. Cela, c'est le bout! H y a toujours une limite à tout!
Quand on en est rendu à la petite minorité en place
parce qu'on a parlé souvent des autorités en place, c'est le
langage de ces gens, les autorités en place aux agitateurs en
place, c'est le temps de donner une réponse à ces gens. Le FLQ
disait dans ses communiqués: "Nous vaincrons". C'est à nous, de
la majorité silencieuse, de lui dire: Nous, nous tiendrons. C'est cela
que nous avons à dire à la population du Québec. Ces chefs
de groupes de pression qui disent représenter des milliers et des
milliers de membres ne représentent pas des milliers de membres, mais
des milliers et des milliers de cotisations syndicales obligatoires, retenues
à la source. Plusieurs de ces membres, s'ils avaient le loisir de ne pas
appartenir à certains groupes se retireraient immédiatement
devant les gestes qui ont été posés
dernièrement.
C'est d'ailleurs probablement pour ces raisons que nous avons vu
plusieurs syndicats se dissocier des déclarations qui ont
été faites par certains chefs de groupes de pression. Nous avons
le devoir, dans les circonstances, devant les événements, devant
le climat actuel, d'appeler au moins les choses par leur nom. Nous avons le
devoir de dénoncer les activités subversives pouvant porter
atteinte à la sécurité de l'Etat, à la
sécurité des citoyens de notre province de Québec.
En plus de ces groupes de pression, on a distribué aux
étudiants dernièrement à Montréal, plus exactement
le 2 novembre dernier à la sortie de l'Université de
Montréal, un tract qui s'appelle L'Ouvrier et qui est le journal
communiste révolutionnaire. Ce que l'on dit en gros titre: "Brisons les
mesures de guerre, faisons la guerre aux patrons." C'est le genre de climat
qu'on favorise présentement et depuis longtemps. J'ai déjà
eu l'occasion d'ailleurs, au mois de juillet dernier, d'en dire un mot à
cette Chambre alors que j'avais en ma possession un journal qui s'appelait La
Masse et qui avait été distribué à Montréal,
dans la rue, à des personnes, le jour du 24 juin dernier.
Ce journal était aussi un journal révolutionnaire, qui
parlait de révolution par les armes, etc.
C'est donc le genre de choses qu'au nom de la liberté de certains
individus, on laisse distribuer. On laisse laver les cerveaux de notre
population, pour tenter de lui faire accepter justement ce que personne d'entre
eux ne voudrait pour eux. Au nom de la liberté, ce groupe d'individus
constituant la minorité dans notre province est en train de brimer les
droits de la liberté de la grande majorité.
Or, M. le Président, dans ce genre de choses,
ce journal communiste, révolutionnaire, qui est sous
l'égide du parti du travail du Canada, termine un paragraphe en disant
ceci: "La lutte pour les libertés civiles fait partie de la lutte
quotidienne de la classe ouvrière pour le socialisme". C'est ça
qu'ils pensent exactement.
Il y a quelques années, on nous servait le socialisme avec une
pàte à crêpe par-dessus pour nous empêcher de le
voir. Aujourd'hui, on nous le sert au grand jour et il semble que nous
attendions encore pour prendre nos responsabilités. Nous l'avons dit
depuis longtemps, nous le répétons encore, M. le
Président, c'est le temps, plus que jamais, de nous unir, les hommes de
bonne volonté, les gens qui sont des démocrates, les gens qui
veulent sauver cette démocratie qui est chancelante actuellement, les
gens qui veulent sauver ces libertés pour lesquelles nos anciens
combattants ont combattu durant les dernières guerres sur les
territoires étrangers, pour sauver la liberté, pour sauver la
démocratie. Eh bien, aujourd'hui, c'est sur notre territoire qu'elle est
en danger, cette démocratie, qu'elle est en danger, cette grande
liberté, et qu'est-ce qu'on fait?
Evidemment, dans les circonstances, nous comprenons qu'il n'est pas
facile d'agir rapidement. Mais, au moins, si nous nous laissions sensibiliser,
si nous étions prêts à ouvrir toutes grandes nos oreilles
à ceux qui prêchent ce qui se passe actuellement et qu'ils
prêchent déjà depuis longtemps à ceux, qui ont
prévu ce qui s'en vient actuellement, si nous étions prêts
au moins à écouter ces gens-là, je pense que
déjà nous aurions fait quelque chose. Déjà, nous
pourrions dire que nous entreprenons une lutte véritable contre ces
éléments subversifs, pour qui la violence est le seul moteur.
M. le Président, j'ai dit tantôt qu'il était de mon
devoir d'appeler les choses par leur nom et je vais continuer à les
appeler par leur nom. Durant cette crise, nous avons vu, de toutes
pièces, de quelle façon se sont comportés nos média
d'information et surtout Radio-Canada, qui appartient aux Canadiens et pour qui
nous devons payer des taxes collectivement, car tous et chacun d'entre nous,
nous devons payer notre part du déficit annuel de Radio-Canada. Or, il a
été facile pour tous de constater de quelle façon la
publicité, cet instrument de diffusion a
déséquilibré, de quelle façon on y a donné
les premières pages à ceux qui prônaient, sinon la
violence, du moins la négociation avec ceux qui veulent la violence.
Cela se rapproche passablement. M. le Président, sans donner de
noms, je pense que tous vous savez que nous avons eu quelques vedettes durant
cette crise. Alors que les autres partis politiques représentés
en cette Chambre n'avaient que quelques rares moments où on leur
permettait de donner leur opinion, on permettait à d'autres personnes
qui ne siègent pas dans cette Chambre de prendre la majeure partie du
temps disponible.
C'est de cette façon que nous sommes traités par notre
radio d'Etat, qui doit représenter l'intérêt de la
majorité.
Comme d'habitude, à Radio-Canada, on a fait place, dans tous les
programmes possibles, à la minorité. Dernièrement, j'ai
personnellement eu l'occasion d'apparaître à une émission
qui s'appelle Format 60, pendant onze minutes. On m'a demandé de m'y
rendre à deux heures de l'après-midi pour enregistrer à
deux heures trente. J'étais là à deux heures. A deux
heures trente, on n'était pas prêt à enregistrer. Une
dizaine de techniciens jouaient avec les "bebelles" qu'il y a en haut. On a
joué avec ça jusque vers trois heures, trois heures et quart.
Là, d'un coup sec, ils pouvaient nous enregistrer, ça pressait.
Cela pressait parce qu'on venait de voir entrer René Lévesque!
Cela lui a permis qu'est-ce que vous voulez, c'est ça la
vérité d'écouter ce qu'on disait et de se faire
enregistrer après. On ne peut pas dire que ç'a été
fait à dessein, non, sûrement pas, et loin de moi l'idée
d'accuser Radio-Canada là-dedans, mais, si mon voisin m'avait dit que
cela avait été fait intentionnellement, je l'aurais facilement
cru.
Or, c'est ce genre de choses que la majorité de la population, la
majorité honnête, la majorité de bonne foi, la
majorité de bonne volonté, se laisse imposer. Non seulement on se
le laisse imposer, mais encore on paie pour se le laisser imposer. Je pense que
c'est notre devoir de le dire et de le dire aussi fort que possible afin que le
gouvernement fédéral, qui n'est quand même pas si loin de
nous, puisse l'entendre. Il faut qu'on cesse de dire, lorsqu'on fait des
revendications à son endroit, que Radio-Canada est exempte de tout
péché, de sorte qu'on ne veut pas faire les enquêtes qui
s'imposent dans les circonstances.
Le Ralliement créditiste du Québec veut que ce
gouvernement fasse le nécessaire pour demander au gouvernement
fédéral d'instituer une enquête sur les agissements de
Radio-Canada durant la dernière crise. C'est ça qu'on demande,
rien de moins.
Evidemment, ce serait facile pour des gens de nous interpréter et
de dire qu'on veut la censure, qu'on veut ci et qu'on veut ça. Non, ce
n'est pas ça qu'on veut. Mais, actuellement, ne trouvez-vous pas que
ceux qui devraient être censurés ne le sont pas et que la grande
majorité des gens de bonne volonté, qui elle, pourrait et devrait
dire ce qu'elle pense, est par certains effets techniques en quelque sorte
censurée, elle? Pour qui gouverne-ton? Qui est-ce qu'on
représente? Toute la population, oui, mais nous devons
représenter le voeu de la majorité. Là, on est en train de
se laisser mener par le bout du nez par une minorité tapageuse qui a des
infiltrations dans plusieurs de nos média d'information. Je dis
plusieurs; il y en a qui devraient se reconnaître en haut.
Je pense que c'est le temps d'expliquer ce qu'on ressent. C'est le temps
qu'on dise exacte-
ment ce que la population pense, parce que la population ne pense pas
comme l'information tente de nous le laisser croire. Ce n'est pas vrai,
ça. Plusieurs média d'information sont encore très
honnêtes, objectifs, et se conforment au code d'éthique en voulant
faire de la vraie information. Plusieurs respectent encore le code
d'éthique en rapportant la nouvelle telle qu'elle est, mais il y en a
quelques-uns qui font la nouvelle et, après, ils la laissent rapporter
par d'autres.
Cela nous arrive trop souvent et ce temps-ci, surtout, Les
propriétaires de ces média d'information ont la
responsabilité et je pense que c'est trop facile pour eux de toujours
dire: Ce sont nos journalistes. Chacun de ceux qui sont propriétaires
d'un médium d'information, quel qu'il soit, a ses responsabilités
devant la majorité de la population, a ses responsabilités devant
ses lecteurs, devant ses auditeurs, et c'est à lui de faire le nettoyage
qui s'impose, lorsqu'il s'impose.
Evidemment, ceux qui sont encore des professionnels de l'information,
ceux qui sont encore des gens objectifs, ceux-là nous en avons
grandement besoin, ceux-là devraient se faire valoir davantage. C'est le
temps plus que jamais. On n'a jamais demandé je pense qu'ils sont
rares les partis politiques qui l'ont fait à un journaliste, de
faire de la propagande pour un parti politique. Tout ce qu'on demande aux
journalistes, et je pense que c'est la même chose des deux
côtés de la Chambre, est de rapporter exactement ce qu'on leur dit
et de cesser de déformer l'information, ou les déclarations de
plusieurs de nos hommes publics.
Alors, eux, ces gens-là, ont leur part de responsabilité
dans la crise que nous connaissons actuellement. Il y a beaucoup de personnes
qui ont leur part de responsabilité de façon indirecte, beaucoup
moins de façon directe, mais plusieurs de façon indirecte. Tous
ceux qui, par exemple, ces groupes de pression, ou ces chefs de groupes de
pression qui sont toujours prêts, lorsqu'il y a possibilité
d'augmenter leur prestige, ou autre chose, à verser dans n'importe quoi;
il y a même des gens de très bonne foi qui se laissent facilement
attendrir dans les circonstances et qui vont même jusqu'à dire que
les lois, les lois qu'on est en train de voter présentement, les lois
donnant les pouvoirs d'urgence, que ces lois-là sont trop fortes, sont
trop rudes, sont trop dures. Cessons donc de prendre des vessies pour des
lanternes. Si on est obligé de faire des lois dures, c'est parce qu'il y
a des situations dures. Ce n'est sûrement pas la population qui a
commencé ce jeu-là. Ce ne sont sûrement pas les
autorités non plus qui ont déclenché cette situation. Ce
sont ces groupes terroristes, ces groupes qui prêchent la violence, qui
ont déclenché la situation que nous connaissons actuellement et
c'est pour ces raisons et pas pour d'autres choses, que nos autorités
sont obligées de passer des législations, dans les circonstances,
en regard de la situation.
On a parlé de rétroactivité dans la loi. La
rétroactivité dans la loi, si elle est nécessaire,
appuyons-la parce qu'il y a eu rétroactivité dans les crimes
aussi; il y a eu rétroactivité dans la violence; il y a eu
rétroativité dans ceux qui prêchent le désordre,
dans ceux qui sont contre l'ordre établi, contre toutes sortes de lois
possibles. Alors, s'il est nécessaire, n'ayons pas peur de l'exiger et
de l'appuyer cette rétroactivité.
M. le Président, il y a aussi devant les éléments
extrémistes que nous connaissons, devant le comportement de certaines
personnes, quel que soit leur nom, quelle que soit leur situation, j'ai
l'impression que nous n'avons pas le droit de nous fermer les yeux. Si on
s'appelle X, qu'on possède une situation Z et que pour ces raisons on
est des intouchables, si on outrepasse les intérêts de la
population, de l'ensemble et de la majorité, on ne devrait plus
être des intouchables.
Qu'on appelle les choses par leur nom et qu'on aille chercher, pour
interrogatoire, tous ceux dont cela serait nécessaire, dans les
circonstances, qu'ils s'appellent comme ils voudront. Les honnêtes gens
n'ont jamais eu peur de la police. Les honnêtes gens n'ont jamais eu
à redire quand on a parlé de demander le renfort de
l'armée. Les gens qui n'ont rien à se reprocher ne nous ont pas
reproché, non plus, d'avoir appuyé la demande des renforts de
l'armée. Puisque nous sommes proches du peuple, nous, nous avons aussi
pris connaissance que non seulement on ne nous l'a pas reproché mais on
nous a même félicités d'avoir appuyé cette demande
des mesures d'urgence, dans les circonstances.
M. le Président, évidemment, la situation d'urgence
passera. Cela ne pourra pas continuer indéfiniment. Et à partir
du moment où les choses urgentes seront dépassées,
à partir du moment où nous aurons pu rétablir la
situation, nous aurons également à prendre notre courage à
deux mains et à être aussi fermes pour donner à notre
province de Québec les réformes qui s'imposent que nous le sommes
pour régler la présente situation d'urgence.
Régler la situation, c'est une chose. Nous nous devons
d'être fermes, nous nous devons de prendre nos responsabilités,
oui. Mais, nous avons d'autres responsabilités. Nous avons les
responsabilités de voir à ce que cela ne se reproduise pas. Et
pour ce faire, nous nous devons d'abord que notre appareil judiciaire soit
préparé à toute éventualité, nous nous
devons aussi que nos corps policiers soient mieux préparés
à ce genre d'éventualités; mais, nous nous devons
également, et c'est très important, si nous agissons rapidement
pour régler cette situation, d'agir aussi rapidement pour apporter les
réformes qui s'imposent. Cela aussi, nous l'avons oublié pendant
trop longtemps. Nous l'avons oublié et nous en sommes
aussi responsables, je pense, les uns que les autres. Je pense que nous
devons, à ce moment-ci, faire un tour d'horizon de ce que,
collectivement, nous avons fait pour notre province, pour notre peuple, pour
nos citoyens québécois depuis plusieurs années. Il n'est
pas question pour nous, à ce moment-ci, de faire la différence
entre nos couleurs politiques. La situation étant urgente, la situation
économique, sociale s'étant tellement
détériorée depuis plusieurs années, nous nous
devons, chacun de notre côté, de faire l'effort qui s'impose.
Donnons-nous la main au-dessus de nos couleurs politiques s'il le faut et
travaillons ensemble. C'est pour cela que nous avons été
élus. Nous avons été, évidemment, élus sous
différentes étiquettes politiques, d'accord, mais, une fois que
nous sommes dans cette Chambre, la campagne électorale devrait, je
pense, sinon être finie, au moins être suspendue pour les
périodes comme celle que nous connaissons. Nous devons nous unir les uns
aux autres en tant que membres de cette Assemblée nationale. Tentons de
trouver ces solutions. Et lorsque les solutions nous sont
suggérées, qu'elles nous viennent des banquettes
ministérielles ou des banquettes de l'Opposition, n'ayons pas peur de
les mettre en application, n'ayons pas peur de les recevoir, ces
suggestions.
Je pense que, dans les circonstances, dans les temps que nous vivons
actuellement, la population du Québec comprendra, nous sera
reconnaissante d'agir de la sorte et de nous unir en tant qu'hommes politiques
pour chercher ces solutions.
Je ne dis pas en tant que politiciens, parce qu'on a su, depuis quelques
années, nous montrer la différence entre un politicien et un
homme politique. Je pense que tous les honorables membres de cette Chambre sont
des hommes politiques. Si nous trouvons des solutions rapides, n'ayons pas peur
de les suggérer et n'ayons pas peur, non plus, de les recevoir.
Il est bien évident que chacun des partis politiques, ici en
cette Chambre, a sa philosophie propre; c'est parce qu'il y a des
différences entre les philosophies que nous préconisons que nous
sommes quatre partis politiques. Mais, actuellement, puisque c'est urgent, je
pense que notre devoir, avant tout, est de collaborer à régler
cette situation urgente. Nos philosophies politiques, nous aurons toujours le
temps d'en parler et de les défendre. Nous avons encore, avant les
prochaines élections, normalement, quelque chose comme trois ans et
demi. Cela nous donnera amplement le temps de faire connaître nos
philosophies différentes.
Pour le moment, puisqu'on prévoit, pour l'hiver qui s'en vient,
un taux de chômage extraordinaire, c'est notre devoir à tous de
collaborer à trouver des solutions rapides. Puisqu'on prévoit du
chômage pour cet hiver, cela nous prend des solutions cet automne, qui
seront mises en pratique dès cet hiver. Pas des solutions pour le
printemps prochain ou pour l'hiver prochain. C'est immédiatement qu'il
faut agir. Alors que nous venons de réintégrer nos banquettes
parlementaires, nous voyons que, du côté des ministériels,
il y a beaucoup de pain sur la planche. Beaucoup de législations nous
sont proposées, mais il faudrait faire plus que cela. Parmi les nombreux
bills qui nous seront proposés, il y en a, je le sais, qu'il nous faudra
adopter rapidement; nous sommes d'accord avec ça.
Mais, M. le Président, le gouvernement devrait et il aura
notre collaboration pour ce faire dans les plus brefs délais,
proposer une loi d'urgence, pour empêcher ce taux de chômage que
nous prévoyons pour l'hiver qui s'en vient. Nous nous devons
également, pour le mieux-être de notre population, d'envisager que
les allocations familiales pour ceux qui ont des responsabilités
familiales et des enfants, soient révisées rapidement. Nous
devons également ceci ne sera sûrement pas facile, je le
sais; rien n'est facile, mais nous avons le devoir de l'entreprendre
faire en sorte que, dès cet hiver, dès cet automne, nos citoyens
québécois puissent gagner leur vie honorablement, avec du
travail, sinon pour tous, du moins pour une plus grande proportion que ceux qui
sont au travail actuellement. Je pense que c'est la philosophie du parti au
pouvoir, de créer des emplois nouveaux. Si c'est leur philosophie, comme
nous le savons, ils ne seront sûrement pas contre cette suggestion.
Evidemment, il reste le côté pratique, la mise en application.
Aussi rapidement que possible, il n'y a pas de philosophie qui prévoit
ça. Il n'y a que l'heure où nous vivons, les moyens que nous
avons. Dans les circonstances, cela veut dire en bon "canayen", que c'est le
temps plus que jamais d'avoir les deux pieds sur terre. C'est ce dont nous
avons besoin. C'est ça que la population du Québec réclame
et c'est ça que nous devons donner à notre population du
Québec.
Permettons à tous de mieux vivre; permettons à tous de
mieux manger. L'estomac rempli voit beaucoup mieux; l'estomac vide est souvent
aveugle. Nous devons donc faire tout notre possible pour permettre à ces
citoyens québécois, pour permettre à ces citoyens de notre
province de mieux vivre d'une façon économique, de mieux vivre
d'une façon sociale. Nous aurons alors une plus grande collaboration
dans le respect de l'autorité, dans le respect mutuel, dans le respect
du prochain, dans le respect de nos institutions.
Nous, du Ralliement créditiste je pense que tous le savent
nous avons le souci profond de ce respect de l'autorité et de
l'ordre et nous n'avons pas l'impression, pour ce faire, que nos
libertés sont brimées. La liberté est une chose, mais la
liberté a besoin de s'exercer dans l'ordre. La liberté me permet,
par exemple, de marcher sur le trottoir ou dans la rue aussi longtemps que je
le veux, à l'heure où je le
veux, mais lorsque j'arrive à une intersection et qu'il y a des
feux de circulation, quand c'est rouge, je dois m'arrêter. C'est
là de l'ordre, et l'ordre est nécessaire pour que non seulement
ma liberté soit respectée, mais pour que j'aie ma liberté
en respectant celle des autres aussi. C'est ce dont nous avons besoin au
Québec et c'est ce que nous devons rétablir, parce qu'au
Québec nous avons déjà connu des heures, des moments
où la liberté était pour tous, où le respect de
l'ordre valait pour tous et où nous avions le souci de
l'autorité. Ce que nous avons perdu aujourd'hui; ce qui nous reviendra
gràce à la collaboration de tous, gràce au magnifique
travail que tous les membres de cette Chambre feront dans les plus brefs
délais, gràce à tout ça, gràce à
l'union des bonnes volontés, gràce à l'union de ceux qui
sont les élus en cette Chambre, qui représentent les bonnes
volontés, gràce à l'union de tous ces gens, gràce
à la collaboration qui nous est déjà acquise de la part de
notre population, nous pourrons finalement anticiper des heures meilleures dans
la joie, dans la paix, dans la liberté, dans la sécurité
pour tous et chacun des citoyens du Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, la mort de Pierre Laporte nous a tous
stupéfiés et atterrés. Mais elle prend chaque jour un peu
plus figure d'événement politique qui s'insère dans un
contexte, une conjoncture que l'on discute, évalue, que chacun
interprète selon ses tendances, préjugés ou projets
politiques. Cette mort perd ainsi graduellement son côté
existentiel et humain, son caractère tragique et sa
personnalisation.
Pourrant, il ne faudrait pas que cette mort entre trop vite dans
l'histoire. Pas avant du moins que quelques-uns d'entre nous ne
répètent une dernière fois que cette mort était
absurde, inutile, qu'elle aurait pu, qu'elle aurait dû être
évitée et qu'elle constitue pour notre Québec une tache
comme celle de Lady Macbeth, que les années ne pourront jamais
effacer.
A plusieurs reprises au cours de cette crise, MM. Trudeau et Bourassa
nous ont fait part de leur dilemme. Fallait-il sauver la vie des deux otages et
ainsi saper l'autorité de l'Etat ou, au contraire, ne pas céder
à cet odieux chantage et empêcher le pays de glisser dans
l'anarchie et le chaos? Nous l'avons dit dès le début, M. le
Président, et plusieurs citoyens et organismes éminents et
responsables l'ont dit avec nous, que ce dilemme était un faux
dilemme.
Il aurait fallu accepter d'échanger la vie des deux otages pour
l'exil des prisonniers du Front de libération du Québec et
ensuite traquer, sans merci, et par tous les moyens, les organisations
terroristes. Nous aurions sauvé ainsi deux vies précieuses,
débarrassé le pays d'éléments dangereux et
assuré, dans un meilleur climat, par une volonté commune et
résolue, le maintien des libertés démocratiques et la
restauration de l'ordre public. De tous ces arguments, c'est celui du respect
de la vie humaine qui nous paraît le plus fondamental.
Il aurait été possible, en effet, après cette
crise, dont on a d'ailleurs exagéré l'ampleur et la
gravité, de redonner à l'Etat l'autorité morale qu'une
concession de cette importance aurait pu avoir diminué, alors qu'il
n'est plus jamais possible de rendre la vie aux morts et de remettre au service
de la société les talents de citoyens éminents qu'on a
accepté de voir disparaître. Une démocratie humaine et
généreuse pour qui le droit à la vie est le premier des
droits de l'homme, qui s'emploie, par tous les moyens, à protéger
cette vie et à assurer son épanouissement, se doit toujours de
préférer la vie des otages à une raison d'Etat
étroite, raide, désincarnée et implacable.
Lors de la crise jordanienne, des démocraties aussi respectables
que l'Angleterre et la Suisse nous avaient donné cet exemple sans
qu'elles se sentent humiliées et qu'en souffrent leurs institutions
démocratiques. Jean-Claude Leclerc a, par ailleurs, prouvé dans
un article très documenté d'un journal de Montréal, que
l'intransigeance de certains Etats n'a pas plus diminué que la souplesse
de certains autres, le nombre des enlèvements, des assassinats, ou
autres désordres. Car, le véritable débat se situe
ailleurs. C'est dans la mesure où l'Etat n'exerce plus un leadership de
qualité, ne répond plus aux besoins et aux aspirations du peuple,
ne corrige pas les injustices sociales et politiques flagrantes, que naissent,
s'amplifient et s'exacerbent les impatiences, les contestations et les
révoltes.
Tout au long de la crise, nous n'avons pas retrouvé, à
l'un ou l'autre de nos paliers de gouvernement, ce souci et ce respect
authentique de la vie humaine. Dans l'univers glacé des principes
où se meut M. Trudeau, la dimension existentielle unique, chaleureuse de
la vie d'un homme, d'un père, d'un fils, d'un ami, ne semble pas tenir
beaucoup de place. Pour ce théoricien libéral, l'homme est un
concept, une entité philosophique qui ne pèsent pas bien lourd
quand on les confronte à d'autres concepts plus vastes tels ceux de
l'Etat, de l'autorité, de l'ordre public et de leur antonymes: chaos et
anarchie. Quand il s'agit alors de choisir entre un concept inférieur,
la vie d'un homme, et un concept supérieur, le maintien de la loi et de
l'ordre, le choix est, pour ainsi dire, automatique. Toute concession au
chantage apparaît comme une hérésie, une faiblesse et une
démission au chevalier de l'absolutisme et de l'extrémisme
juridique.
Du haut de son Olympe, le justicier inflexible
traite même de coeurs tendres, d'àmes sensible et
d'invertébrés agenouillés, ceux qui ne pensent pas comme
lui.
Quant à nous, nous continuons de croire que le respect de la vie
n'est pas seulement compatible avec le maintien de l'ordre public, mais qu'il
constitue la pierre angulaire d'une démocratie véritable et la
condition première de la paix et du progrès collectif.
Le député de Notre-Dame-de-Gràce est pour sa part
allé encore plus loin. Il se glorifie d'être resté
insensible à l'appel désespéré d'un
collègue, au nom d'une conception cruelle et autoritariste du leadership
gouvernemental.
M. BOURASSA: M. le Président, ce sont des propos tout à
fait inadmissibles de la part du député de Bourget.
M. TETLEY: M. le Président, que le député retire
ses paroles. J'ai aimé Pierre Laporte et j'aime encore la mémoire
de Pierre Laporte. Je demande que le député de Bourget retire ces
paroles. Je crois qu'il est allé trop loin.
C'est une question d'opinion, les négociations avec le FLQ mais
ce n'est pas vrai que j'ai écrit quelque chose qui veut dire que je
regrettais le décès de Pierre Laporte. J'ai ici l'article devant
moi parmi mes articles. J'ai même parlé avec amitié de
Pierre Laporte.
M. BURNS: M. le Président, avant de demander au
député de Bourget de retirer ses paroles, je pense qu'il faudrait
quand même écouter ce qu'il avait à dire sur ce
point-là. On ne l'a même pas laissé terminer sa phrase. On
s'oppose puis on s'imagine que le député de Bourget va dire
quelque chose. Qu'on le laisse terminer sa phrase, et vous verrez ensuite, M.
le Président, si ça doit être retiré ou non.
M. TETLEY: M. le Président, je trouve que c'est trop. A moins que
j'aie employé le mot "glorifie" moi-même.
M. DUMONT: M. le Président, si vous me le permettez, connaissant
toute l'unité de pensée qui existe, au point de vue
administratif, dans un groupement politique, les secrets qui lient même
tous ces hommes politiques, je demande que les paroles que vient de prononcer
le député de Bourget soient retirées, car il a
insulté ce Parlement.
M. LE PRESIDENT: J'ai suivi avec attention l'exposé du
député de Bourget. Comme le mentionnait le député
de Maisonneuve, je sais qu'il a entrepris la lecture d'une phrase. Par contre,
le député de Notre-Dame-de-Gràce s'est levé
immédiatement pour rétablir les faits.
Je ne sais pas s'il les a rétablis d'une manière
satisfaisante pour la Chambre. J'aimerais peut-être que le
député de Notre-Dame-de-Gràce rétablisse sa
pensée d'une manière plus définitive et plus claire.
M. TETLEY: M. le Président, avec plaisir. J'ai écrit un
article à ce sujet; c'est un sujet très difficile, mais je
respecte l'opinion de tout le monde. Je dois respecter le langage de tout le
monde. J'ai parlé dans l'article avec amour je l'espère de Pierre
Laporte, et j'ai parlé de la vie d'un des nôtres que nous
connaissions si bien, et qui a été en danger, et ce n'est pas une
glorification.
J'ai parlé ici encore de deux hommes, de la vie de deux hommes au
sujet desquels nous avons ce débat. Nous n'avons pas cédé
aux demandes. J'ai parlé de la vie des deux hommes que je
considère très importante et nous avons fait aussi des
concessions énormes. Je n'ai "glorifié" d'aucune manière,
et je demande au député collègue de retirer ses
paroles.
M. LE PRESIDENT: Je connais la gentilhommerie du député de
Bourget. Je ne peux pas me prononcer à savoir s'il y a eu question de
règlement ou question de privilège. Je préfère
laisser ça, je crois, à sa bonne volonté, pour que l'on ne
m'oblige pas à rendre une décision.
M. LAURIN: Je suis bien prêt, M. le Président, à
retirer ce verbe. Je l'ai employé parce que j'ai cru, à bon droit
ou à mauvais droit, dans cet article auquel réfère le
député de Notre-Dame-de-Gràce et qu'il n'a pas lu
complètement, discerner une satisfaction à l'idée du choix
qu'il pouvait avoir fait entre deux parties d'une alternative.
C'est à cette satisfaction que je voulais m'en prendre, mais je
suis bien d'accord pour retirer le verbe "glorifier".
M. BOURASSA: M. le Président, le député de Bourget
fait-il du sadisme verbal?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. BOURASSA: Je lui donne le bénéfice du doute. Est-ce que
le député de Bourget dit qu'on a pris cette décision avec
plaisir?
M. LAURIN: Je ne parle pas du tout du premier ministre. Je viendrai tout
à l'heure à ce que j'ai à dire sur le premier ministre. Je
parle simplement...
M. MARCHAND: Quand on parle d'hypocrisie, on sait de qui on parle.
M. LAURIN:... d'un incident qui est actuellement soulevé et j'ai
dit que j'étais prêt à retirer ce verbe.
UNE VOIX: Vous devez être satisfait de vous.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAURIN: Le député de Notre-Dame-de-Gràce...
M. MARCHAND: Hypocrite! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAURIN: ... voulait ainsi servir une leçon aux terroristes et
un exemple à imiter à toutes les nations de la terre. Cet
aveuglement se retrouve chez les tenants attardés de la peine de mort,
chez les privilégiés qui dansent sur le volcan des injustices
sociales et politiques, chez les parents qui imposent leur loi à une
jeunesse en mal de renouveau et de progrès, intensifiant ainsi le
conflit des générations.
Les démocraties véritables n'auront que faire des opinions
dépassées et rigoristes du député de
Notre-Dame-de-Gràce et chercheront ailleurs des exemples marqués
au coin de la vérité, du dynamisme et du progrès.
A l'administration Drapeau-Saulnier, la crise offrait l'occasion d'un
règlement de compte passionnément souhaité. Elle en avait,
certes, gros sur le coeur: esclandre de la Saint-Jean-Baptiste;
opération Saint-Léonard; McGill français; bill 63;
occupation ce CEGEP; harcèlement des Jeunes Canadiens et des
comités de citoyens; campagne du FRAP, etc. Avec l'aide de
l'armée et l'octroi de pouvoirs spéciaux, on pouvait mener une
contre-offensive efficace et démanteler l'opposition. La tentation
était si forte que Montréal s'adressa directement à Ottawa
au lieu de s'en remettre au gouvernement du Québec comme la loi l'y
obligeait. Pressions, manoeuvres...
M. BOURASSA: Quelle loi? DES VOIX: Quelle loi?
M. LAURIN: ... qui mettaient en danger deux otages...
M. VEZINA: Quelle loi?
M. LAURIN: ... dont la vie devenait moins importante qu'une revanche
locale.
M. BOURASSA: II n'a pas de réponse. M. LAURIN: Les propos
incendiaires... M. VEZINA: II ne le sait pas. M. LE PRESIDENT: A l'ordre j
M. LAURIN: ... du maire Drapeau, dans les derniers jours de la campagne
municipale, en même temps qu'ils ternissaient une victoire
déjà acquise, témoignaient de cette même rupture
avec l'idéal véritablement démocratique et
humanitaire.
Les positions du ministre de la Justice du Québec ont, par
ailleurs, été celles d'un homme coincé. La réponse
aux ravisseurs de M. Cross, diplomate étranger, a manifestement
été élabo- rée par le cabinet
fédéral, mais cette réponse négative, assortie du
discours de circonstance, devait être lue par le procureur
général de la province où le délit avait
été perpétré.
Après l'enlèvement de M. Laporte, il aurait fallu beaucoup
de courage et de fortes convictions au ministre québécois pour
adopter une attitude différente qui aurait signifié que la vie
d'un collègue était pour lui plus importante que celle d'un
diplomate étranger. Il a dit, par ailleurs, lui-même qu'il ne
voulait pas perdre la face devant sa police qui demandait des pouvoirs
spéciaux...
M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement, M. le Président. Je
n'ai jamais dit ça et je mets le député en demeure de
citer l'article où j'aurais dit ces mots.
M. LAURIN: Je n'ai malheureusement pas l'extrait de journal...
M. CHOQUETTE: Alors, retirez ce que vous avez dit.
M. LAURIN: Mais cela a paru dans le journal Le Devoir.
UNE VOIX: Encore une fois, il parle à travers son chapeau !
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'insiste pour que le
député retire ses paroles.
UNE VOIX: C'est René Lévesque qui a dit ça.
M. LAURIN: Pour le moment...
UNE VOIX: Vous lisez le discours de René Lévesque, c'est
ça que vous faites.
M. LE PRESIDENT: Je crois que le ministre de la Justice a rétabli
les faits et on doit prendre sa parole, tel qu'il l'a dit lui-même de son
siège.
M. LAURIN: J'accepte votre décision, M. le Président.
J'essaierai de retrouver l'article. Probablement qu'un de mes collègues
pourra reprendre mes paroles.
Ces considérations, en tout cas, ont pesé plus lourd que
la vie des deux otages. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'un
ministre de la Justice se transforme en ministre de la police. Il est, en
effet, plus difficile d'exercer sur la police le contrôle
approprié que de se laisser mener par elle, particulièrement dans
des...
M. MARCHAND: La mère supérieure! M. LAURIN: ...moments de
crise. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LAURIN: II n'est pas
étonnant...
M. MARCHAND: La mère supérieure!
M. LAURIN: ...que le ministre avoue maintenant qu'il aurait dû
démissionner si le cabinet provincial ne s'était rangé
à son avis, ce qui laisse imaginer dans quel sens a joué sa
puissante influence dans les jours qui ont suivi l'enlèvement de Pierre
Laporte.
M. BOURASSA: M. le Président, je pense bien que je suis
obligé de rappeler les faits immédiatement, parce qu'on peut
avoir l'impression que nous sommes en accord avec ça. Le ministre a dit
que toutes les décisions avaient été unanimes et
qu'hypothétiquement il aurait trouvé très difficile
d'appliquer la loi si nous avions cédé au chantage.
M. MARCHAND: M. le Président, est-ce que je pourrais recommander
au député de Bourget de lire ses textes avant de les dire?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! En vertu des
règlements, le seul droit qu'un député a d'interrompre un
orateur, c'est soit sur une question de privilège ou une question de
règlement ou pour rétablir des faits, comme l'a fait tout
à l'heure le ministre de la Justice, ou encore, avec la permission de
l'orateur, pour lui poser une question. Je ne crois pas que le
député...
M. MARCHAND: Je m'excuse, M. le Président.
M. LAURIN: Quant au chef du gouvernement provincial, on se demande
encore aujourd'hui s'il a vraiment cherché à négocier.
Nous avons cru, pour notre part, qu'il consentirait à échanger la
libération des prisonniers pour la vie de Pierre Laporte, qui venait de
lui écrire: "Tu as le pouvoir de décider de ma vie. Décide
de ma vie ou de ma mort, je compte sur toi et t'en remercie."
Mais, par ailleurs, M. Trudeau a déclaré que, dès
le jour de l'enlèvement, M. Bourassa lui a demandé de tenir
l'armée prête et de préparer la remise en vigueur de la Loi
des mesures de guerre au cas où il en aurait besoin. A-t-on alors
négocié de bonne foi ou pour donner au gouvernement
fédéral le temps qu'il lui fallait pour se préparer?
Quelle a été la teneur des négociations entre Me Lemieux
et Me Demers ? Que faisait la police et quelles décisions le cabinet
a-t-il prises du dimanche au jeudi? Qu'est venu faire Me Lalonde, le conseiller
spécial de M. Trudeau, à Québec le 16 octobre?
Quelles pressions et contre-pressions ont exercées, à ce
moment, sur le cabinet, les corps de police, les gouvernements de
Montréal et d'Ottawa et diverses personnalités du Québec?
Quel a été l'effet, sur le cabinet, de la perte de la trace de
Paul Rose? Pourquoi a-t-on rompu les négociations, le mercredi soir?
Pourquoi l'armée est-elle entrée au Québec, le jeudi midi?
Pourquoi l'offre finale, avec ultimatum de six heures, a-t-elle
été faite, le jeudi soir? Pourquoi l'offre ne mentionnait-elle
que les cinq prisonniers éligibles à la libération
conditionnelle? Pourquoi la Loi des mesures de guerre a-t-elle
été proclamée à Ottawa, à quatre heures du
matin? Toutes questions auxquelles le premier ministre provincial a
estimé qu'il devait devoir répondre, ainsi qu'à toutes les
autres questions qui lui ont été posées par le chef de
l'Opposition et à toutes les questions qui apparaissent au
feuilleton.
Ce n'est que lorsque nous aurons une réponse à toutes ces
questions, c'est-à-dire lorsque tous les faits seront connus, que le
débat qui s'institue pourra véritablement commencer et que toute
la lumière pourra être faite.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement provincial a finalement opté
pour la ligne dure et intransigeante puisque l'offre du 16 octobre
équivalait, à peu près, à celle du 10 octobre.
Qu'il s'agisse, ou non, d'un changement d'attitude, il importe d'en
déterminer les raisons. Le premier ministre en a donné plusieurs.
Il fallait craindre, paraît-il, une insurrection. Le moins que l'on
puisse dire, M. le Président, est que cela reste à prouver. Des
quelque 500 suspects arrêtés, il n'en reste que quelque 60 en
prison et il est loin d'être sûr qu'ils appartiennent tous au Front
de libération du Québec.
La confession de Bernard Lortie révèle par ailleurs le
petit nombre des terroristes actifs, l'improvisation et la marginalité
de leur action. Dans les écrits saisis, et qui ont convaincu, l'an
dernier, M. Saulnier, de l'existence d'un complot d'envergure en quatre
étapes, allant jusqu'à l'assassinat sélectif, il faut, je
crois, tenir compte de la fièvre, de la mégalomanie, de
l'amateurisme et de la différence très importante qui existe
entre un projet et son exécution.
Au chapitre des moyens, ce n'est quand même pas avec la
quantité des armes et explosifs volés que l'on peut
réussir une insurrection. Tant que des preuves plus probantes ne nous
auront pas été fournies, il est permis de penser qu'on a grossi
le danger, soit par manque de contrôle de l'information, soit par
panique, soit pour justifier rétroactivement...
M. CHOQUETTE: Puis-je vous poser une question?
M. LAURIN: ... une politique adoptée pour de tout autres motifs
vraisemblablement politiques.
M. CHOQUETTE: C'est un perroquet! Est-ce que je peux vous poser une
question?
M. LAURIN: Non, j'aimerais autant terminer. Vous aurez amplement la
chance de répondre à toutes les suppositions
supposément...
M. CHOQUETTE: Etes-vous capable de répondre? Etes-vous capable de
répondre à une question?
M. LEDUC: II n'est pas préparé à cela. M. LE
PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!
M. LAURIN: Dans cette perspective, M. le Président,
l'intervention de l'armée et la Loi des mesures de guerre apparaissent
comme un masque, comme une mesure non pas dirigée contre une
organisation terroriste aux faibles effectifs mais contre une opposition qui
revendique avec un succès toujours grandissant la souveraineté du
Québec et la disparition des inégalités sociales. S'il ne
s'était agi...
UNE VOIX: Les scouts aussi...
M. LAURIN: ... que d'éliminer ces quelques cellules terroristes,
il aurait été possible d'amender rapidement le code pénal
dès après l'enlèvement de M. Cross, pour donner à
la police les quelques pouvoirs plus étendus dont elle avait besoin et
non pas des pouvoirs illimités.
Le premier ministre a craint également que les milieux
étudiants et populaires n'accordent une trop grande sympathie au Front
de libération du Québec et n'organisent une campagne d'agitation
contre son gouvernement. C'est là, incidemment...
M. BOURASSA: Est-ce que je pourrais rétablir les faits? Je
m'excuse.
M. LAURIN: Vous aurez l'occasion, M. le premier ministre, de
rétablir les faits. Vous avez un droit de parole à la suite de
mon intervention.
M. HARDY: II a peur. Il a peur.
M. BOURASSA: En vertu du règlement, je veux rétablir les
faits immédiatement. Je n'ai jamais dit les milieux populaires et les
milieux étudiants...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BOURASSA: II y a eu des manifestations, le jeudi matin...
DES VOIX: Le président est debout.
M. BOURASSA: ... pas les milieux populaires, étudiants...
M. LE PRESIDENT: En vertu de l'article 270, un député qui
veut interrompre un autre député doit lui en demander la
permission et je ne crois pas que cette permission ait été
accordée.
L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: C'est là, M. le Président, incidemment,
reconnaître l'insuffisance et la lenteur de l'action réformiste du
gouvernement dans presque tous les domaines. Mais la vérité est
qu'on ne saurait prendre pour une agitation explosive les quelques mouvements
divers qui se sont produits alors dans le milieu étudiant ni même
l'assemblée du centre Paul-Sauvé, où les quelque 2,000 ou
3,000 auditeurs assez tièdes ne paraissaient pas à ce point
perméables aux appels révolutionnaires. Je ne sache pas non plus
que dans ces jours il y ait eu quelque menace de manifestations massives dans
les rues ou de grèves possibles de la part de la masse des travailleurs.
Il n'y avait là en tout cas rien de comparable à l'effervescence
populaire déclenchée par le projet de loi 63, qu'aucun
observateur, à l'époque, n'a pourtant qualifiée
d'agitation révolutionnaire.
Le premier ministre a craint aussi que la libération des
prisonniers n'encourage certains terroristes en puissance à devenir des
terroristes actifs escomptant être libérés par un processus
analogue si jamais ils étaient pris. C'est là minimiser ou
escamoter un peu trop l'écart qui sépare l'idée de
l'action, la répugnance au crime qui existe, jusqu'à plus ample
informé, chez tout homme normal, la préparation et l'organisation
qu'exige une action terroriste massive et concertée.
M. Bourassa laissait plutôt percer ainsi sa panique et la
conscience qu'il avait des graves insuffisances du régime. Ce n'est
d'ailleurs pas en refusant l'échange que l'on pouvait infirmer cette
hypothèse mais par une action policière et politique
appropriée.
Il est certes vrai, comme l'ajoutait le premier ministre, que l'on ne
saurait jamais satisfaire à toutes les demandes des terroristes,
puisqu'ils visent, en dernière analyse, à la révolution.
Mais, si l'on corrige les faits, c'est-à-dire les injustices sur
lesquelles ils s'appuient, on leur enlève leur arme la plus puissante.
Il reste ensuite à la police à exercer efficacement contre eux
une action spécifique.
Ces raisons ne nous apparaissent donc pas justifier, la gravité
et l'ampleur de la décision prise. Il faut donc en supposer d'autres
plus ou moins inavouables pour un gouvernement ébranlé et en
perte de vitesse. Par exemple, incapacité de résister aux
pressions du gouvernement senior, celui d'Ottawa, à la manoeuvre de
l'administration Drapeau-Saulnier, aux pressions des corps policiers, aux
menaces de démission de certains membres du cabinet. Peut-être s'y
est-il ajouté une dernière erreur de jugement qui a
emporté la décision, c'est-à-dire la conviction que les
terroristes, ces petits gars de chez nous, n'auraient pas le nerf de
tuer...
DES VOIX. Oh!
M. MARCHAND: Mère supérieure!
M. CHOQUETTE: Des larmes de crocodile!
M. LAURIN: Ce sont des propos que certains membres du gouvernement
reconnaîtront d'ailleurs.
UNE VOIX: De pauvres petits terroristes.
M. LAURIN: Peut-être s'y est-il ajouté une dernière
erreur de jugement qui a emporté la décision, la conviction que
les terroristes, ces petits gars de chez nous, n'auraient pas le nerf de tuer
un homme, un compatriote et un père de famille chargé de
responsabilités. Erreur qui s'est avérée funeste et pour
Pierre Laporte et pour tout le Québec. On n'a pas pensé alors que
la rupture des négociations, l'intervention de l'armée, la Loi
des mesures de guerre, l'arrestation du négociateur des terroristes
constituaient peut-être pour eux autant de provocations qui pouvaient
susciter juste assez d'exaspération et de rage pour leur faire franchir
le dernier pas qui les séparait du crime. Si c'était là un
risque calculé, c'était un bien mauvais calcul. Encore une fois,
cet assassinat aurait pu être évité, si le respect de la
vie humaine et de la vie d'un collègue avait primé toute autre
considération, tout autre calcul.
Cette solution nous aurait, de surcroît, débarrasé
à jamais d'éléments dangereux, aurait permis de recueillir
des informations pouvant conduire à l'arrestation d'autres terroristes,
aurait pu être suivie d'une action policière plus vigoureuse et
surtout nous aurait épargné la dégradation socio-politique
qui a suivi, car la mort de Pierre Laporte a inauguré un cycle dangereux
de répression et de contre-répression, c'est-à-dire un
climat de violence où les passions les plus primitives se sont
décharnées: peur, panique, méfiance, soupçons,
agression, déla- tion, régression de l'idéal
démocratique, appel sauvage à la haine et à la loi de la
jungle.
C'est l'assassinat de Pierre Laporte qui a produit ces fruits
empoisonnés et ce sont maintenant ces fruits empoisonnés qui font
souhaiter, à une population qui se sent menacée, le maintien,
pour un temps indéfini, de la Loi des mesures de guerre, justification
rétroactive à laquelle s'accroche maintenant le gouvernement et
qui vaudra aussi longtemps que la population consentira à
échanger sa liberté pour la sécurité. Justification
artificielle et erronée, tout de même, qui apparaîtra pour
ce qu'elle vaut lorsque le torrent actuel d'émotivité aura
été endigué. Lorsque la raison aura retrouvé ses
droits, la population saura reconnaître la part de responsabilité
du gouvernement, part qu'il importera de préciser, avec ou sans
commission d'enquête, dans la mort de Pierre Laporte et le
désarroi social qui l'a précédée et suivie.
M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre.
M. LE PRESIDENT: La suspension des...
M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que le député
aurait objection à me donner une copie de ce qu'il a déjà
dit pour que je puisse répondre à certaines de ses questions?
M. LAURIN: Oui, oui.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à...
M. LEVESQUE: Huit heures et quart.
M. LE PRESIDENT: ... huit heures quinze minutes.
Reprise de la séance à 20 h 16
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, j'ai retrouvé une des sources
auxquelles je faisais allusion quand je parlais de la conférence de
presse que le ministre de la Justice donnait le 3 novembre. Le journaliste M.
Laurin lui posait une question: Mais vous étiez tellement convaincu de
votre affaire que vous étiez prêt à
démissionner.
M. Choquette: Je crois que je n'aurais pas eu le choix, parce que
comment auriez-vous voulu que deux jours après qu'on aurait
cédé au chantage, moi, je demande à mes policiers,
à mes procureurs de faire des causes contre ceux qui avaient
pratiqué des enlèvements?
C'est de là que j'ai conclu que le ministre de la Justice avait
été mû par une volonté de sauver la face. Mais, de
toute façon, il pourra répondre à cela quand son tour
viendra.
Je reprends le fil de mon discours. Je disais donc, en conclusion, que
le gouvernement a une certaine responsabilité qu'il s'agira
d'évaluer à la lumière des informations qu'il nous
fournira. Mais nous ne cherchons pas ici à déplacer les
responsabilités. Pour nous, comme pour tous les citoyens, le responsable
immédiat et principal du meurtre de Pierre Laporte demeure le Front de
libération du Québec et c'est précisément au nom de
l'insigne respect de la vie humaine, qui est le nôtre, que nous en avons
dénoncé le caractère horrible et inhumain. Nous
dénonçons également ce crime parce qu'il dessert la noble
cause de la souveraineté et de la justice sociale que nous avons
toujours défendue par des moyens pacifiques et démocratiques en
nous adressant à l'intelligence des citoyens que nous voulons
convaincre.
Connaissant d'instinct le principe de la culpabilité par
association, les plus démagogues et les plus primitifs de nos
adversaires utilisent actuellement, contre notre idéal
démocratique et souverainiste, les armes de la calomnie et de la
violence. Mais ce qui est plus grave, ils jouent sur l'angoisse et
l'insécurité de la population, pour lui faire oublier ses vrais
besoins, les véritables causes de son mal et les seuls remèdes
qui l'en pourraient guérir. En offrant cette occasion aux
extrémistes de droite, de fabriquer des épouvantails et de
proposer à une population angoissée leur solution
manichéenne, simpliste et réactionnaire, les terroristes ont
pratiqué la politique du pire et compromis un progrès social dont
ils se prétendaient les champions.
C'est pourquoi leur action nous paraît néfaste sur tous les
plans. Si le Front de libération du Québec voulait aussi
ébranler l'équipe gouvernementale actuelle, il y a parfaitement
réussi. On peut dire, en effet, que depuis le début de cette
crise, le gouvernement provincial s'est effondré, qu'il s'est
jeté dans les bras du gouvernement fédéral et qu'il n'a
pas assumé ses responsabilités devant le Parlement et la
population du Québec.
Après l'enlèvement de M. Cross, c'est M. Sharp qui fait la
première déclaration, alors que le ministre de la Justice du
Québec se réfugie dans un silence prudent et que le premier
ministre ajoute par la suite que toute décision sera prise conjointement
par Ottawa et Québec.
On annonçait ensuite, vendredi, que M. Trudeau ferait
connaître la position d'Ottawa aux demandes des ravisseurs, mais cette
position est finalement transmise par le ministre de la Justice du
Québec. Le jeudi 15 octobre, le premier ministre demande l'intervention
de l'armée fédérale et la proclamation de la loi
fédérale des mesures de guerre. Le lendemain, 16 octobre, c'est
le premier ministre du Canada et non celui du Québec qui vient justifier
à Radio-Canada le recours à ces mesures exceptionnelles.
A l'occasion de la session d'urgence sur l'assurance-maladie, le jeudi
15 octobre, le premier ministre aurait pu et aurait du saisir le Parlement,
selon nous, de tous les aspects de ce drame proprement québécois.
Il aurait pu, il aurait dû permettre aux députés de poser
des questions, d'exprimer leur opinion et de faire au gouvernement leurs
suggestions à cette heure tragique où un large consensus de la
nation s'avérait indispensable.
Il y était d'autant plus obligé qu'il s'agissait de
sauver, au-delà de la vie de M. Laporte, les institutions
démocratiques dont le Parlement est la suprême incarnation. Or,
aucun sophisme ne viendra détruire cet axiome que le mouvement se prouve
d'abord en marchant ou que c'est l'exercice de la démocratie qui prouve
que celle-ci est encore bien vivante.
Mais, en cette journée du 15 octobre, le premier ministre a
inauguré le gouvernement du secret, niant et bafouant ainsi la plus
haute instance démocratique qu'il prétendait vouloir
défendre par les décisions qu'il avait prises. Il s'est
contenté, ce jour-là, de mettre le Parlement devant le fait
accompli de l'intervention de l'armée. Il n'a pas donné un bilan
précis et détaillé de la situation. Il n'a permis aucune
question ni aucun débat. Il a caché à la Chambre l'offre
finale et fatale qu'il faisait aux ravisseurs de Pierre Laporte. Il a
caché à la Chambre qu'il avait demandé à Ottawa la
proclamation de la Loi des mesures de guerre et que celle-ci entrait en vigueur
la nuit même au cas où l'ultimatum aurait été
refusé.
Lorsque la demande d'un débat d'urgence faite par le Parti
québécois a été jugée irrecevable, il a
déclaré qu'il n'aurait pas participé au débat
même si celui-ci avait eu lieu. Le premier ministre peut bien alors
accuser le député de Saguenay de stupéfiante
naiveté en soutenant que seuls les députés
péquistes n'avaient pas compris qu'un débat parlementaire sur
l'état
d'urgence et la présence de l'armée aurait pu avoir une
portée tragique, mais en réalité ce reproche se trompe
d'adresse. Le premier ministre aurait dû l'adresser au premier ministre
du Canada et au Parlement fédéral qui, dès le vendredi 16
octobre, discutaient, eux, à Ottawa, de l'intervention de l'armée
et de la Loi des mesures de guerre en raison même de leur portée
tragique.
Dans les jours qui suivirent, c'est la session d'Ottawa qu'il fallait
suivre pour avoir des nouvelles de la crise. Silence à Québec,
alors qu'à Ottawa le premier ministre du Canada parlait pour le premier
ministre du Québec, le ministre de la Justice d'Ottawa parlait pour le
ministre de la Justice du Québec et que M. Marchand parlait pour
lui-même. Jamais le Québec n'avait été à ce
point ridiculisé, bafoué et humilié. Quand le Parti
québécois se mit à demander, ad nauseam, la convocation de
l'Assemblée afin de faire cesser cette humiliation, afin de
régler entre Québécois ce problème
québécois, il se fit répondre que les réponses
viendraient en temps opportun et qu'il ne convenait pas d'utiliser la crise
à des fins politiques, comme si le rôle de l'Opposition
n'était pas de critiquer et d'éclairer le gouvernement.
Après avoir anéanti le gouvernement
québécois, le premier ministre du Canada put même se donner
le luxe de décerner des prix à ses homologues provinciaux,
tantôt louant leurs positions, tantôt les disculpant, les
protégeant ou venant à leur défense, ce qui soulignait
davantage leur faiblesse, leur démission et leur effacement.
C'était là, de plus, avertir les Québécois qu'il
n'y avait plus désormais qu'un seul pouvoir, qu'un seul gouvernement et
qu'il valait mieux être toujours d'accord avec lui si l'on ne voulait pas
sentir le poids de sa puissance. Au cours de ce mois néfaste, le
gouvernement aura fait reculer le Québec jusqu'aux jours les plus
sombres des régimes Godbout et Duplessis.
Après cette humiliation, comment pourra-t-il désormais
relever la tête, mener avec succès le combat de la révision
constitutionnelle et obtenir les concessions fiscales dont il a un urgent
besoin, ainsi qu'en atteste la récente causerie du ministre des Finances
du Québec? Comment pourra-t-il être cru au Québec
même, ainsi que dans tout le Canada?
Comment pourra-t-il, l'an prochain, manifester ne serait-ce qu'un
semblant d'ingratitude à l'endroit de son sauveur, à l'endroit de
ce bras qui l'a protégé? L'Angleterre a eu son Cromwell; le
Québec possède maintenant son prince protecteur qui règne
à Ottawa, et il faudra que le Québec paie le prix de cette
protection.
Mais il faut, malgré tout, reprendre la lutte et apporter une
réponse aux problèmes urgents que cette crise
révèle en même temps qu'elle les accentue. C'est pourquoi
le Parti québécois a présenté un programme de
redressement à court terme qui devrait mobiliser toutes les
énergies du gouvernement et de la nation.
Mais au-delà du court terme, il faut plus que jamais envisager le
long terme, c'est-à-dire une solution globale aux problèmes de
structures auxquels nous faisons face et dont l'acuité est proprement
devenue intolérable. Il n'est plus suffisant que le français
devienne la langue de travail. Il faut désormais qu'au Québec la
minorité anglophone cesse de se considérer comme l'avant-poste ou
le chargé de pouvoirs de la majorité anglophone du Canada. Il
faut que l'Establishment cesse de contrôler la vie politique de ce pays
par le moyen des caisses électorales, du cartel financier et des groupes
de pression. Il faut que l'entreprise se francise rapidement dans tous les
secteurs et à tous les niveaux, cadres supérieurs et
intermédiaires compris. Il faut que le français devienne la
langue officielle à l'usine, à l'école, dans les
média, dans les cours de justice pour faire droit à la
dignité et à la maturité du Québec et dans le
respect absolu des droits légitimes de la minorité. Il faut que
l'on corrige au plus tôt le problème des inégalités
sociales, que l'on assure à chaque citoyen un revenu minimum garanti,
que le développement économique dans les secteurs secondaires
assure aux travailleurs de toutes les régions un haut niveau d'emploi et
des salaires appropriés, que l'administration de la justice fasse
l'objet de réformes profondes, que l'extension aux médicaments,
aux prothèses et aux soins dentaires du régime
d'assurance-maladie se fasse rapidement, selon un échéancier
précis, que le programme de rénovation urbaine et de construction
domiciliaire soit accéléré et que les frais de cette
modernisation de nos structures sociales soient répartis sur toutes les
classes de la société, au prorata de leurs ressources.
Pour mener à bien ce programme qu'exige le peuple
québécois, les mesures incitatrices et administratives ne
suffiront pas. Il faudra légiférer, et rapidement, dans tous les
secteurs.
Il faudra également que le Québec s'approprie, si on ne
veut pas les lui donner, toutes les ressources fiscales et tous les pouvoirs
politiques dont il a besoin. Le gouvernement peut compter, à cet
égard, sur notre entière collaboration. S'il ne se résout
pas à prendre ces mesures, le peuple québécois jugera
sévèrement son inaction et accordera massivement sa confiance au
parti qui, par l'indépendance et le progrès social, assurera au
Québec l'ordre, la paix, la dignité et la justice.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, on a exprimé, je pense,
depuis le début de ce débat la gravité de la crise que
nous traversons. Je n'ai
pas à le démontrer d'une façon certaine, puisque
tous les députés dans cette Chambre en sont convaincus.
Avant de répondre, j'ai préféré attendre
l'exposé des trois chefs de parti, parce que je considérais qu'il
était plus utile de pouvoir écouter les questions qui pourraient
être posées et auxquelles je vais répondre que de
participer dès le début à un débat qui,
forcément, aurait pu entraîner des répétitions.
J'ai écouté le discours du chef de l'Opposition. Je ne
peux m'empêcher de le féliciter chaleureusement pour la teneur de
son discours et pour l'esprit dans lequel il l'a prononcé. Il a pris
conscience de la gravité de la crise que nous traversions. Il a
également pris conscience que ce n'était pas le temps, au moment
où le Québec devait faire face à cette crise, de se faire
du capital politique, attitude qu'il a d'ailleurs maintenue durant toute la
crise. J'ai écouté également le chef du Ralliement
créditiste qui, comme d'habitude, a parlé d'une façon
directe et vigoureuse. J'ai écouté le député de
Bourget, le chef parlementaire du Parti québécois, qui nous a
présenté une dialectique serrée, incisive mais non
dépourvue de quelques illogismes.
M. le Président, nous ne pouvons pas évaluer l'ampleur de
cette crise. Quel gouvernement, dans le monde occidental, a eu à faire
à la situation à laquelle le Québec a eu à faire
face alors qu'un diplomate a été enlevé et menacé
d'exécution et qu'un de ses ministres a été enlevé
et assassiné. Quelles étaient les voies d'action du gouvernement
à ce moment-là? Il y avait trois choix :
Accepter toutes les conditions, c'était inadmissible, au
départ, de l'avis de tous.
N'accepter aucune condition, dans la mesure où certaines de ces
conditions étaient applicables et sans conséquences
sérieuses pour la sécurité de l'Etat, ç'aurait
été évidemment une position trop rigide, et, d'ailleurs,
certaines des conditions ont été acceptées.
Troisième attitude, négocier certaines conditions en ayant
comme double objectif la vie sauve à MM. Cross et Laporte et la
nécessité de bloquer au départ les risques d'anarchie.
C'est ce qu'a été dès le début la position
du Québec.
On a mentionné à quelques reprises, soit sous forme de
questions, comme le chef de l'Opposition, soit sous forme d'affirmations
gratuites, comme celles du chef du Parti québécois, qu'il y avait
eu dans cette crise une collaboration, avec le gouvernement
fédéral et avec le gouvernement de Montréal, où le
Québec aurait pu être dans une position délicate. C'est
vrai qu'il y a eu collaboration entre les trois niveaux de gouvernement et,
comme l'a signalé le chef de l'Opposition, dans un régime
fédéral, c'est quelque chose de normal. Quand le code
pénal est de juridiction fédérale, c'est normal que les
débats sur le code pénal se fassent au niveau
fédéral.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, depuis le début de
la crise, comment penser que, dans un régime où il n'y a pas de
frontières, comme d'ailleurs le propose le parti qui veut la
séparation du Québec, mais dans un marché commun, comment
penser, que, dis-je, dans un régime où il n'y a pas de fron
tières, il pourrait y avoir un droit pénal qui soit
différent pour le Québec et ses voisins?
S'il n'y a pas de frontières, comment penser qu'il pourrait y
avoir un innocent à Hull et un coupable à Ottawa?
Il est donc admis que ces mesures sont de juridiction
fédérale et devaient être débattues par le Parlement
fédéral. Tout ceci s'est fait en consultation étroite avec
le procureur général et avec le gouvernement du Québec qui
a fait des recommandations et des suggestions.
Pourquoi penser que chaque fois que l'on collabore avec le gouvernement
fédéral, que chaque fois qu'il y a coopération, c'est
nécessairement subordination? Ce sont seulement ceux qui ont ce complexe
d'infériorité dont nous, les libéraux, nous voulons et
nous avons réussi à nous débarrasser, qui pensent que
collaborer avec le gouvernement fédéral, c'est de la
subordination. C'est ce qu'il faut répondre à cette question.
Nous avons coopéré, mais nous avons coopéré
à l'intérieur du régime fédéral, en
étant conscients que c'est le gouvernement du Québec, dans les
circonstances, qui avait à prendre les décisions.
A la suite de l'enlèvement de M. Laporte, le gouvernement du
Québec, selon toute évidence, était directement et
personnellement impliqué. Le ministre de la Justice, au cours de son
intervention, donnera les explications qu'a demandées le chef du Parti
québécois et les autres chefs de partis sur l'enlèvement
de M. Cross. J'étais, à ce moment-là, à
l'extérieur du Québec et me tenais en constante communication
avec lui. Les décisions qui ont été prises l'ont
été avec l'accord du gouvernement du Québec.
Avec l'enlèvement de M. Laporte, il crève les yeux que
nous devenions personnellement impliqués. Il était normal qu'il y
ait des séances du conseil des ministres; il était normal que ces
séances ne puissent pas décider, en quelques instants, d'une
attitude à suivre. Avec les faits que vous connaissez, avec la lettre
qui m'avait été adressée par l'ancien député
de Chambly, il était normal que cette discussion soit aussi ouverte que
possible. Même si cela prenait un certain temps, il crevait les yeux
qu'il fallait que tous les ministres puissent exprimer leur point de vue, que
les décisions prises soient des décisions unanimes, quand la vie
d'un collègue était en jeu. Les décisions qui ont
été prises ont été unanimes. Le ministre de la
Justice l'a dit et je l'ai dit à plusieurs reprises. C'est un fait sur
lequel j'insistais, que ces décisions soient prises d'une façon
unanime.
Lorsque j'ai fait l'allocution, dimanche soir, il y avait deux
objectifs: d'abord, insister sur la
question préalable, celle du sauf-conduit. En effet, nous
considérions, je pense avec l'appui de tout le monde, que c'était
une perte de temps de vouloir discuter des conditions si nous n'avions pas
certaines garanties sur la vie sauve de MM. Cross et Laporte. C'était le
premier objectif de mon allocution de dimanche soir. Le deuxième
objectif était de ne pas écarter la négociation.
Si le gouvernement n'avait pas voulu négocier, il n'avait
qu'à invoquer le communiqué du FLQ du lundi matin, au lendemain
de mon allocution du dimanche soir, dans lequel on disait: "La
libération de Pierre Laporte suppose le respect intégral des six
conditions initiales du FLQ". Cela aurait été facile logiquement,
si nous n'avions pas voulu négocier, de nous servir du communiqué
du FLQ ou de la cellule Chénier qui détenait Pierre Laporte et de
dire: II n'y a rien à faire avec ces gens-là puisqu'ils exigent
le respect intégral des six conditions.
Quand même et ça démontre notre
détermination à discuter, à tout le moins, à
négocier nous avons nommé, lundi soir, M. Robert Demers
comme représentant du gouvernement dans les négociations. Il y a
eu plusieurs jours de discussions entre Me Demers et Me Lemieux. C'était
pénible pour l'Etat et, je crois, pour tous les Québécois
de voir, à la télévision, l'Etat ridiculisé par Me
Robert Lemieux. Plusieurs fois par jour, il humiliait l'Etat du Québec.
Nous avons accepté, nous avons toléré ça parce que
nous voulions sauver la vie de Pierre Laporte. C'est ça la preuve du
gouvernement du Québec qui tenait à sauver cette vie. Mais,
lorsque nous nous sommes rendu compte que cette négociation ne donnerait
rien et qu'elle était incohérente, dans ce sens que M. Lemieux
disait une chose à Me Robert Demers et en disait une autre à la
télévision, nous avons dû tirer nos propres conclusions
devant l'incohérence du représentant du Front de
libération du Québec.
On a parlé tantôt de la convocation du Parlement, de la
panique et de l'énervement des dirigeants du Québec. Si nous
avions été si pris de panique, M. le Président, si nous
n'avions pas réagi froidement à ces événements,
nous n'aurions pas convoqué le Parlement le 15 octobre. Nous n'aurions
pas fait adopter trois lois pour respecter l'engagement de mettre
l'assurance-maladie en vigueur le 1er novembre. Nous avions les meilleures
excuses pour retarder cette mise en vigueur, mais nous étions conscients
qu'il fallait respecter cet engagement.
Le député de Bourget, le chef parlementaire du Parti
québécois, a dit que nous aurions dû tenir un débat
à ce moment-là. J'en ai discuté, je l'ai dit hier, avec
les chefs de parti, lorsque je leur ai fait part du communiqué que je
leur ai remis à huit heures, dans la soirée de jeudi.
La majorité des chefs de parti, le chef de l'Opposition, le chef
du Ralliement créditiste je comprends que le chef du Parti
québécois avait des réserves ont convenu qu'un tel
dé- bat, dans les circonstances, pourrait plus nuire qu'aider parce que
nous étions, nous, dans ce Parlement, personnellement impliqués.
On a constaté hier et aujourd'hui l'utilité limitée des
débats parlementaires. Et c'est pourquoi nous sommes venus à la
conclusion de ne pas faire de débat d'urgence sur cette question.
L'appel à l'armée, M. le Président; si nous en
avons appelé à l'armée jeudi après-midi, c'est
parce que nous étions conscients que c'était notre
première responsabilité de ne pas retarder davantage. Qui nous
aurait blàmés, et avec combien de raisons, s'il y avait eu un
autre enlèvement? S'il y avait eu des émeutes à
Montréal comme il y en a déjà eu depuis quelques
années? Avec combien de raisons la population aurait pu nous
blàmer d'une attitude d'abstention. Nous avons attendu jusqu'à
l'extrême limite pour éviter tout geste de provocation. Et lorsque
nous avons fait appel à l'armée, nous l'avons justifié
simplement par l'épuisement des forces policières.
C'est le député de Bourget qui posait une question et qui
disait: Pourquoi n'avez-vous pas vu à la protection des ministres ou des
hommes publics? Mais il y a une contradiction dans son attitude. Il s'oppose,
d'un côté, à l'appel à l'armée et, d'autre
part, il nous reproche de ne pas avoir assuré la protection des hommes
publics, alors qu'il était essentiel d'avoir l'appui de l'armée
pour assurer cette protection. C'est l'une des nombreuses contradictions ou
illogismes dans l'exposé qu'il nous a servi et qui nous a
été servi par les dirigeants du Parti québécois.
Comment voulez-vous qu'on prenne au sérieux les reproches qu'ils font
lorsqu'ils s'adonnent à de telles contradictions?
M. le Président, nous avons restreint
délibérément les fouilles policières au risque de
causer des préjudices à des individus. Nous l'avons fait, encore
une fois, en même temps que retarder l'appel de l'armée, pour
éviter toute espèce de provocation vis-à-vis de ceux qui
détenaient M. Laporte et M. Cross. Mais, il est venu un moment où
le gouvernement devait agir. Il est venu un moment où le gouvernement ne
pouvait plus attendre pour les raisons que je vais vous donner et, à ce
moment-là, une offre définitive a été faite aux
membres du Front de libération du Québec. Une offre
définitive qui était différente de celle qui a
été faite samedi soir, c'est-à-dire que nous étions
prêts à recommander la libération conditionnelle de cinq
prisonniers qui étaient éligibles pour cette
libération.
Est-ce que nous voulons la preuve que c'est le Québec qui a
décidé dans les circonstances?
Si nous avions voulu libérer onze prisonniers au lieu de cinq, le
gouvernement n'aurait eu qu'à invoquer une procédure que les
avocats de cette Chambre vont reconnaître et qui s'appelle "nolle
prosequi" et qui aurait permis à six autres prévenus d'être
libérés et de pouvoir se rendre avec les sauf-conduits en
Algérie ou à
Cuba. Le gouvernement du Québec pouvait totalement et
exclusivement prendre cette décision. Il y a là un fait concret,
un fait que personne ne peut contester et qui démontre que nous avions
la possibilité, nous, au Québec et seulement au Québec,
d'aller plus loin dans la voie des concessions au terrorisme, dans la voie de
la soumission au chantage des terroristes. Le gouvernement du Québec
pouvait le faire sans demander la permission à qui que ce soit. Il n'a
pas voulu le faire pour les raisons que je vous donnerai tantôt.
Quant au temps, pourquoi avoir pris cette décision jeudi
soir?
Cela durait depuis quatre jours. Nous avions testé la bonne foi,
ou la représentativité du négociateur du FLQ. Il y avait
eu, en début de matinée, des manifestations. Cela a bien
tourné, finalement. Mais qu'est-ce qui aurait pu arriver avec toutes ces
manifestations? Ce ne sont pas les précédents qui manquaient au
Québec sur la possibilité d'émeutes à la suite de
ces manifestations, surtout dans le climat de fièvre que nous
connaissions. Cela a été un élément à notre
décision, la responsabilité que nous avions à prendre
vis-à-vis des risques accrus d'anarchie. C'est facile de dire
après: II n'est rien arrivé. Mais il n'est peut-être rien
arrivé parce que le gouvernement a décidé d'agir. Il n'est
peut-être rien arrivé parce que le gouvernement a
décidé d'appeler l'armée au milieu de l'après-midi.
C'est peut-être là une des raisons principales qui justifie
l'action du gouvernement.
Troisième raison, M. le Président, pour notre
décision dans la nuit de jeudi et dans la soirée de mercredi
soir, dont quatre jours de négociations, manifestations de la
journée. Combien de temps devions-nous forcer les forces
policières à travailler une main derrière le dos? Cela
faisait des jours et des jours que normalement elles s'apprêtaient
à exercer les pouvoirs nécessaires dans les circonstances pour
faire face à une forme de terrorisme sans précédent en
Amérique du Nord. C'est le gouvernement du Québec qui les
retardait, qui restreignait, par tous les moyens possibles, encore une fois,
pour éviter tout signe de provocation. Ces raisons, M. le
Président, ajoutées à d'autres qui sont déjà
connues, le plan qui avait été rendu public par M. Saulnier en
quatre étapes: manifestations violentes, bombes, enlèvements,
assassinats sélectifs. C'est vrai que certains ont été
sceptiques. M. Saulnier l'a admis lui-même que plusieurs
Québécois ne pouvaient pas concevoir qu'un tel plan puisse
être appliqué au Québec, par des Québécois,
avec la liberté d'expression que nous connaissons, alors que nous sommes
l'un des seuls pays au monde, dans l'histoire du monde qui permet la
liberté complète d'expression à un parti qui veut
détruire le régime. C'est un fait que nous sommes l'un des seuls
pays, dans l'histoire du monde, qui permet à un parti, librement, avec
tous les moyens qu'il possède, de détruire ce régime. On
ne pouvait pas concevoir qu'on puisse recourir à des moyens violents,
à des moyens terroristes.
Mais là, M. le Président, nous avions trois étapes
qui étaient accomplies. Nous avons eu des manifestations violentes. Nous
avons eu des bombes.
Nous venions d'avoir des enlèvements. Quelle pouvait être
la position du gouvernement du Québec; quelle pouvait être la
position rationnelle, la position responsable du gouvernement du Québec,
dans les circonstances? Se croiser les bras? Attendre d'autres
enlèvements? Attendre des assassinats sélectifs? Notre
responsabilité essentielle, notre responsabilité première,
il aurait été impardonnable de ne pas l'assumer dans les
circonstances. M. le Président, quant au temps, vous avez là des
raisons qui justifient, à mon sens, l'action du gouvernement.
Je n'ai pas insisté, je crois, sur la demande de l'application
des mesures de guerre. Le chef de l'Opposition l'a démontré
lui-même. Je ne vais pas répéter tout ce qu'il a dit.
C'était le seul moyen disponible. Ou nous ne faisions rien, ou nous
avions ce moyen, qui était le seul disponible. Et comme il l'a dit, la
preuve que c'était le seul disponible, c'est qu'actuellement, on a un
autre projet de loi pour remplacer ce moyen. D'ailleurs, dans son application,
il a été limité quant au pouvoir d'arrestation, au pouvoir
de perquisition et de détention préventive. Il ne s'est pas
appliqué à d'autres secteurs, comme il aurait pu s'appliquer.
Nous avons considéré, M. le Président, les
différents moyens que nous pouvions prendre et nous en sommes venus
à la conclusion que c'était le seul et que les forces
policières en avaient besoin pour mettre un frein à la menace du
terrorisme qui planait sur le Québec.
Quant au fond, M. le Président, quand nous avons refusé
d'opter pour la libération des prisonniers politiques, que ce soient les
onze qui étaient sous la juridiction du Québec ou que ce soient
les 23 que nous aurions pu demander au gouvernement fédéral de
libérer, nous avons examiné toutes les implications. Nous avons
discuté avec des tenants de différentes thèses. Dans les
communiqués que nous avons rendus publics et qui étaient la
conclusion de longues discussions je peux les répéter et
les citer ici, mais je crois que tous les députés en sont
informés il est clair qu'il n'y a pas une once de provocation.
C'est strictement, d'après les fait, le minimum qu'il fallait dire pour
assumer nos responsabilités.
Si nous avions cédé, qu'est-ce qui serait arrivé?
Je l'ai déjà dit, cela aurait été une incitation au
terrorisme. On a dit cet après-midi: Pourquoi ne pas accepter les
conditions et, après, écraser le terrorisme? C'est dit de bonne
foi, mais c'est une bonne foi qui est proportionnelle à une
naiveté. M. le Président, quelle garantie peut donner le Parti
québécois qu'il n'y aurait pas eu d'autres enlèvements par
la suite, qui nous auraient placés dans quelle
situation? Quelle garantie peut-il donner? En cédant, le
gouvernement accroissait considérablement la tàche des forces
policières d'écraser le terrorisme. Cela devenait une
tàche extrêmement difficile parce que cela voulait dire, selon les
informations qui nous étaient données et que nous avions toutes
les raisons de croire, que des centaines et des centaines de terroristes en
puissance auraient pu devenir des terroristes actifs parce qu'ils savaient
alors qu'ils n'avaient qu'à enlever quelqu'un, que ce soit un homme
public, un homme d'affaires, un membre de la famille des hommes publics
et on sait combien c'est difficile, on le sait tous, actuellement, d'avoir
cette protection absolue vis-à-vis de tous les hommes publics,
vis-à-vis des membres de nos familles ils savaient, dis-je,
qu'ils n'avaient qu'à enlever quelqu'un pour pouvoir forcer le
gouvernement, à la lumière du précédent, à
céder à nouveau, trente, quarante, cinquante prisonniers
politiques.
C'est à ça que nous n'avons pas répondu. Ce ne sont
pas les quelques généralités que nous a servies le Parti
québécois qui peuvent convaincre la personne la moindrement
impartiale du sérieux de ce problème. Ils sont dans un cercle
vicieux, au point de vue logique: Cédez et, après, écrasez
le terrorisme. Mais céder, cela voulait dire que ça devenait
pratiquement impossible d'écraser le terrorisme, parce qu'on incitait un
nombre considérable de terroristes en puissance à devenir des
terroristes actifs et à faire chanter le gouvernement. J'espère
que les collègues du chef parlementaire pourront répondre
à cette question autrement que par les vagues
généralités qui nous ont été servies cet
après-midi.
On pourrait parler longuement des inconséquences d'une telle
contradiction. Le Québec a opté pour le seul choix dans les
circonstances, le seul choix qu'il pouvait accepter. Il l'a fait calmement et
fermement, et c'est lui qui a décidé. La preuve en a
été faite tantôt par les faits que je vous ai
apportés, par les documents qui sont publics.
M. le Président, je me permettrai de répondre à
certaines questions qui ont été posées, puisque j'ai
attendu de participer à ce débat pour pouvoir me permettre de
répondre à ces questions.
Le chef du Parti québécois, dans son allocution de cet
après-midi, a posé une série de questions. Le
député de Bourget dit: Par ailleurs, M. Trudeau a
déclaré que, dès le jour de l'enlèvement, M.
Bourassa lui a demandé de tenir l'armée prête et de
préparer la remise en vigueur de la Loi des mesures de guerre, au cas
où il en aurait besoin.
M. le Président, si je n'avais pas fait une telle chose, je me
demande comment je pourrais assumer le poste que j'assume actuellement. Un
diplomate avait été enlevé, un ministre du cabinet avait
été enlevé. La première chose qui m'est venue
à l'esprit, c'est la possibilité d'une plus grande
détérioration de la situation. Je n'ai pas fait appel à
l'armée samedi soir. Je n'ai pas fait appel aux mesures de guerre,
samedi soir ou dimanche. Mais j'ai fait ce que je considérais comme
normal dans les circonstances, c'est-à-dire communiquer avec le premier
ministre du Canada, dont c'était la juridiction, de voir à ce que
l'armée soit disponible, que l'application des mesures de guerre soit
disponible.
Il aurait pu arriver, si nous avions retrouvé MM. Cross et
Laporte dans les quelques heures qui ont suivi, que nous n'ayons jamais besoin
ni de l'un, ni de l'autre. Mais je pense qu'il était normal, que
c'était tout simplement une question de bon sens que le premier ministre
du Québec, dans le but et dans l'intention de protéger la
population au Québec, demande au premier ministre du Canada de tenir
disponibles deux éléments, l'armée et les mesures de
guerre, qui pouvaient contribuer à la solution. Qu'est-ce qu'il y a
d'anormal dans cette question, d'autant plus que j'ai prouvé
tantôt notre intention de négocier par la nomination de M. Demers
et par les offres que nous avons faites?
Autre question, M. le Président. Quelle a été la
teneur des négociations entre Me Lemieux et Me Demers? Ils se sont
rencontrés à plusieurs reprises. Je crois que j'ai répondu
partiellement à cette question tantôt. Ils ont discuté de
différentes formules pour le sauf-conduit aux ravisseurs de M. Laporte
et de M. Cross. Ils ont conclu, et le gouvernement a conclu, M. Demers a
conclu, que cette négociation devait aboutir de la façon qu'elle
a abouti, c'est-à-dire par le communiqué que nous avons soumis,
puisque M. Lemieux disait une chose à Me Demers et en disait une autre
à la télévision et que cela faisait quand même
quatre jours que M. Laporte avait été enlevé.
Qu'est venu faire Me Lalonde, le conseiller spécial de M.
Trudeau, à Québec le 16 octobre? Me Lalonde est à l'emploi
du gouvernement du Canada; il n'est pas à l'emploi du Guatemala ou du
Basutoland. Ne sommes-nous pas Canadiens, ne faisons-nous pas partie du Canada?
Qu'y a-t-il d'anormal, alors qu'il y avait un partage de juridiction, à
ce qu'un membre ou un conseiller du gouvernement fédéral soit
présent au Québec? C'est beau de poser la question, mais qu'y
a-t-il d'insolite alors que nous devions collaborer?
Autre question: Quelles pressions et contre-pressions ont
exercées, à ce moment, sur le cabinet les corps de police, les
gouvernements de Montréal et d'Ottawa et diverses personnalités
du Québec?
Comme je l'ai dit au début, c'était une décision
extrêmement lourde de conséquences. C'était peut-être
la décision la plus lourde de conséquences qu'un gouvernement ait
eu à prendre. Nous avons écouté les forces de police, nous
avons discuté avec le gouvernement fédéral, avec les
autorités de Montréal et avec les tenants de différentes
thèses, mais c'est nous
qui avons décidé. C'est le gouvernement du Québec
qui a pris la décision, parce que c'est seulement lui qui pouvait le
faire dans les circonstances et parce que c'est lui qui était le plus
directement impliqué, alors que la vie d'un collègue était
en jeu.
Dans de telles circonstances, le chef du gouvernement ou ses ministres
doivent-ils se tenir dans une tour d'ivoire? N'est-ce pas
précisément le moment où nous devons être
prêts à dialoguer sans que nos décisions soient
influencées d'une façon indue par ceux avec qui nous dialoguons?
C'est ce que nous avons fait. Nous avons discuté avec d'autres niveaux
de gouvernement. Nous nous sommes fait donner des rapports par les directeurs
de police qui avaient eu à combattre, depuis de très nombreuses
années. Nous avons pris la décision qui nous est apparue la plus
conforme à l'intérêt public, à
l'intérêt des Québécois, en tenant compte qu'il
fallait, par tous les moyens légitimes, sauver la vie de MM. Cross et
Laporte, sans ouvrir la voie à l'anarchie, parce que c'est nous qui
aurions été considérés comme les responsables.
On pose d'autres questions: Quel a été l'effet sur le
cabinet de la perte de la trace de Paul Rose? Evidemment, c'est une question
qui relève des forces policières. Nous n'étions pas au
courant des moindres détails des actions des forces policières,
mais nous avons pris les décisions à la lumière de toutes
les informations qui nous avaient été soumises et par les forces
policières et par d'autres personnes qui pouvaient nous informer en
connaissance de cause.
M. LEGER: Puis-je poser une question au premier ministre?
M. BOURASSA: Oui.
M. LEGER: Vous avez dit, M. le premier ministre, que c'est le
gouvernement provincial qui a pris la décision, même après
avoir été consulté par la ville de Montréal et les
autres personnes. Comment se fait-il que la ville de Montréal ait
envoyé sa lettre la veille de celle du gouvernement de la province de
Québec?
M. BOURASSA: Vous avez déjà posé cette
question-là et j'étais pour y venir durant la période des
questions. Il est évident que c'est l'action du gouvernement du
Québec qui était déterminante. La ville de Montréal
ou d'autres villes de la province de Québec ou d'autres institutions
pouvaient envoyer des lettres au gouvernement fédéral
d'ailleurs, il en a reçu un nombre considérable mais c'est
lorsque le gouvernement du Québec a décidé de mettre fin
aux négociations.
C'est lorsque le gouvernement du Québec a décidé de
fixer un délai de six heures, c'est après le terme de ce
délai que les mesures de guerre ont été adoptées.
C'est là la preuve que c'est nous qui avions l'action
déterminante, puisque c'est seulement au terme du délai,
après trois heures de neuf heures à trois heures
que l'action du gouvernement fédéral a été
entreprise. Je l'ai dit à plusieurs reprises: Si les ravisseurs de M.
Laporte avaient accepté nos offres de sauf-conduits, d'avion disponible,
de libération conditionnelle pour les cinq détenus, la Loi des
mesures de guerre n'aurait pas été appliquée;
peut-être aurait-il fallu l'appliquer à brève
échéance, mais elle n'aurait pas été
appliquée à quatre heures du matin, après le terme du
délai.
Pour répondre d'une façon précise à votre
question, le fait que la Loi des mesures de guerre n'a été
appliquée qu'après le terme du délai fixé par le
gouvernement du Québec est la preuve que c'est nous qui avions le
dernier mot dans les circonstances.
M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question au premier
ministre?
M. BOURASSA: Oui.
M. LAURIN: Etiez-vous au courant, M. le premier ministre, que cette
lettre de MM. Drapeau et Saulnier était envoyée à Ottawa,
et, si oui, quand avez-vous été mis au courant?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai discuté, durant la
journée de mercredi, à quelques reprises, avec MM. Saulnier et
Drapeau. Je n'ai pas été informé, comme tel, qu'une lettre
serait envoyée. De toute façon, si j'avais été
informé, je ne vois pas en quoi cela aurait changé ma
décision. Je ne vois pas en quoi le fait qu'une lettre soit
envoyée au gouvernement fédéral par la ville de
Montréal, ou par la ville de Québec, ou par d'autres
institutions, aurait pu forcer le gouvernement du Québec à
modifier son point de vue. C'est lorsque nous nous sommes convaincus que
c'était essentiel, que nous ne pouvions plus attendre, à la
lumière de tous les faits que j'ai énumérés, que
nous avons émis ce communiqué dont je vous ai fait part dans la
soirée de mercredi ou jeudi, à la lumière des faits et des
raisons quant au temps et quant au fond.
C'est seulement après avoir examiné toutes ces raisons que
nous avons décidé d'émettre ce communiqué, quelles
que soient les lettres ou les représentations qui pouvaient être
faites par les autres institutions ou les autres gouvernements. Comme je viens
de le dire au député de Lafontaine, le fait que la Loi sur des
mesures de guerre n'ait été appliquée qu'à quatre
heures dans la nuit de jeudi à vendredi, c'est tout simplement que le
gouvernement du Québec, voyant que le délai était
terminé, voyant que les ravisseurs n'avaient pas accepté, n'avait
pas d'autre choix que l'augmentation de pouvoirs des forces policières,
qui étaient plus ou moins paralysées depuis le début de la
crise.
Une autre question du député de Bourget, M. le
Président: Pourquoi l'armée est-elle entrée au
Québec le jeudi midi? J'ai répondu partiellement tantôt. Je
pense que cela répondait d'abord à un voeu de toute la
population. La liberté était bien plus menacée avant la
venue de l'armée qu'après, quand on ne savait jamais si l'un
d'entre nous ou un citoyen du Québec ne pouvait pas être
enlevé. C'est avant la venue de l'armée que la liberté
était le plus menacée. J'ai mal compris l'opposition du Parti
québécois à la venue de l'armée dans les
circonstances.
Pourquoi je l'ai fait venir jeudi midi? Parce que j'ai eu un rapport des
forces policières comme quoi elles étaient, à toutes fins
pratiques, épuisées, complètement essoufflées et
que, si je voulais assurer la sécurité et le bien-être de
la population, je n'avais pas d'autre choix que de faire appel à
l'armée. Les directeurs de police nous disaient: Nous sommes
épuisés de faire la garde jour et nuit. Je pourrais poser une
question facile au Parti québécois: Pourquoi vous êtes-vous
opposés à la venue de l'armée, jeudi midi? C'est bien plus
à vous de répondre qu'au gouvernement.
M. LAURIN: Le premier ministre me pose...
M. BOURASSA: M. le Président, le député peut
répondre, s'il le veut, immédiatement, ou d'autres de ses
collègues pourront répondre.
M. LAURIN: C'est qu'au moment où l'armée est intervenue,
nous n'avions pas eu cette conversation dans votre bureau où vous
m'informiez de ce que vous disiez ce soir, où la police était
épuisée. Dans les circonstances, j'avais parfaitement raison de
penser que l'intervention de l'armée pouvait avoir un effet de crainte
sur la population, que la situation était extrêmement grave, que
ça pouvait paraître comme une provocation.
Bien sûr, si, à cette époque...
M. BOURASSA: M. le Président, écoutez ça! Nous
pourrions débattre cette question longtemps, ce n'est pas le point le
plus solide du Parti québécois.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que M. le premier ministre me
permet une question à ce stade-ci?
DES VOIX: A l'ordre!
M. BOURASSA: M. le Président, oui.
M. LEGER: Voici, c'est parce que, M. le premier ministre, nous sommes un
peu d'accord avec ce que vous avez déjà dit. Vous avez
déjà dit que le gouvernement qui doit faire intervenir les forces
de l'ordre admet justement qu'il a perdu la partie. C'est dans votre livre,
Bourassa-Québec.
DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si je comprends bien, le
député de Lafontaine a demandé la permission au premier
ministre de poser une question. Je m'attends à une question, mais pas
à une intervention. Vous aurez l'occasion, durant la soirée ou
demain, d'intervenir dans le débat.
M. LEGER: Ma question est la suivante: Est-ce que le premier ministre
est encore d'accord avec ce qu'il a déclaré dans son livre,
Bourassa-Québec?
M. LACROIX: II a reçu ses instructions de son chef encore une
fois.
UNE VOIX: De son complice.
M. BOURASSA: M. le Président, pour répondre au
député de Bourget, il était au courant que, dans des
hôpitaux, la situation était devenue extrêmement critique.
Il était au courant tout le monde l'était qu'il y
avait des communiqués qui disaient que des médecins pouvaient
être enlevés et que les médecins refusaient d'aller dans
les hôpitaux à cause de cela. Il y avait au Québec un
climat de crainte et d'insécurité qui, disons, causait des
problèmes considérables de surveillance. Le député
de Bourget n'était pas au courant de cela, alors que c'était
public pour tout le monde? Alors, ça pouvait, je pense, normalement se
concevoir. D'ailleurs, le député de Bourget, durant le
débat à l'Assemblée nationale, a été
extrêmement prudent dans ses réserves. C'est dans une
conférence de presse après l'interruption du débat qu'il a
décidé... De toute façon, M. le Président, s'il y a
une décision qui a été acceptée et qui était
justifiée dans les circonstances, c'est bien celle de faire appel
à l'armée alors qu'il y avait ce climat
d'insécurité qui paralysait l'administration de plusieurs
institutions publiques.
Voilà donc pour la réponse, pourquoi l'armée le
jeudi midi. Pourquoi l'offre finale avec ultimatun de six heures a-t-elle
été faite le jeudi soir? J'ai déjà répondu
à cette question, ça faisait quatre jours... On a posé une
question: Pourquoi ne pas la rendre publique? Pourquoi ne pas dire à la
Chambre, à neuf heures du soir, que, dans la nuit, la Loi sur les
mesures de guerre aurait été appliquée? Qui est-ce qu'on
aurait trouvé lors des perquisitions et des arrestations? Je n'ai pas
voulu blesser le député en disant hier qu'il faisait preuve d'une
stupéfiante naiveté, mais, M. le Président. Est-ce qu'on
peut concevoir une action efficace des forces policières avec un
avertissement public aux recherchés qui vont être
arrêtés? Comment voulez-vous que les forces policières
puissent faire leur travail, si on dit à ceux qu'elles recherchent:
Préparez-vous, cette nuit, ça va arriver?
M. le Président, c'est renversant! Quelle question, M. le
Président! On va continuer à répondre quand même
à ces questions-là, parce que j'ai dit que je répondrais
à toutes les questions, même les plus invraisemblables.
Pourquoi l'offre ne mentionnait-elle que les cinq prisonniers
éligibles à la libération conditionnelle? M. le
Président, je crois que j'ai répondu tantôt. Si le
député de Bourget n'est pas satisfait, il peut me questionner
encore. Mais j'ai dit que le gouvernement, après des discussions qui ont
été longues, mais c'était normal, pour que tous les
ministres puissent donner leur point de vue, que l'on puisse
réfléchir sur cette question. Nous en sommes venus à la
conclusion que nous ne pouvions pas céder plus que ce qui a
été proposé au chantage des terroristes.
M. le Président, pourquoi la Loi sur les mesures de guerre
a-t-elle été proclamée à Ottawa, à quatre
heures du matin? Je crois que je viens de donner la réponse en
répondant à une question du député de Saguenay.
Je ne sais pas s'il y aura d'autres questions qui seront posées.
J'ai essayé d'y répondre en donnant strictement les faits et en
disant tout ce qu'un chef de gouvernement peut dire dans les circonstances.
S'il y a d'autres questions que l'on veut poser, je suis prêt à
les recevoir. Je pense qu'il est essentiel pour mon gouvernement et pour le
régime que je dise toute la vérité. Et j'ai dit toute la
vérité. Je ne peux quand même pas donner des détails
de l'action policière parce que je ne vois pas pourquoi je collaborerais
avec les terroristes en donnant tous ces détails pour leur permettre de
prévoir ce que les forces de police ont l'intention de faire. Le
ministre de la Justice va participer au débat; il aura l'occasion, lui
aussi, de répondre à certaines questions de nature juridique et
aux autres questions qui pourront lui être posées.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable premier ministre me permettrait une
question? Je voudrais d'abord constater, peut-être,
l'impossibilité dans laquelle se trouvera placé le premier
ministre de ne pas répondre, non pas parce qu'il ne connaîtrait
pas la réponse, mais peut-être qu'une abstention de réponse
serait motivée par les opérations policières.
Il semblerait que Paul Rose aurait été retracé
comme étant un individu qui aurait je parle toujours au
conditionnel participé à l'enlèvement de Pierre
Laporte. Est-ce que l'honorable premier ministre pourrait nous dire pourquoi la
photographie de Paul Rose n'a pas été publiée le jeudi
matin, mais seulement dans les journaux du lundi suivant? Je crois que si on
pouvait apporter une réponse à cette question, on pourrait
peut-être renseigner beaucoup de gens et faire taire, en quelque sorte,
toutes sortes de discussions autour de ce problème.
M. BOURASSA: M. le Président, je devrais, pour répondre
à la question extrêmement pertinente de l'ancien ministre de la
Justice, donner des détails sur l'évolution de la recherche
policière durant ces jours. Je pense que le ministre de la Justice,
à l'occasion de son intervention, si ça lui est possible, pourra
donner plus d'explications sur la question que vient de poser le
député de Maskinongé.
M. le Président, la crise n'est pas encore terminée. Le
gouvernement du Québec a essayé d'y faire face avec toute
l'énergie et le courage qui étaient nécessaires dans les
circonstances. A ceux qui craignent, ou qui souhaitent secrètement que
le gouvernement ait été ébranlé par cette crise, je
réponds que nous avons été, de fait, profondément
bouleversés. Mais que, par ailleurs, nous sommes fermement
déterminés à poursuivre notre tàche. Nous sommes
bien conscients que diriger le Québec durant les années soixante
était loin d'être facile. Tous les premiers ministres qui ont
assumé ces responsabilités, on sait les risques personnels qu'ils
ont dû assumer à tout point de vue.
Il est encore plus évident que diriger le Québec pendant
les années soixante-dix ne sera pas, non plus, une tàche facile.
Mais cette crise nous a donné, je crois, une capacité de
résistance. Je ne crois pas qu'un gouvernement puisse connaître
une crise plus profonde alors qu'un de ses propres représentants, alors
qu'un de ses propres collègues se trouve personnellement
impliqué.
M. le Président, nous sommes conscients que le pouvoir actuel est
un peu exercé, comme je le disais lors de la prise du pouvoir, par une
nouvelle génération. Ce fait peut être un apport positif
dans la compréhension des tensions profondes de la société
québécoise, tensions souvent reliées aux conflits de
générations.
Une chose doit être claire, c'est que nous sommes
décidés à agir avec toute l'énergie, avec toute la
détermination nécessaire. A cet effet, je dois rendre hommage
à mes collègues du conseil des ministres, aux
députés de mon parti qui ont manifesté durant cette crise
une solidarité totale. Que peut faire le gouvernement maintenant que la
crise, sans être terminée, est, je l'espère, moins
aiguë que durant les dernières semaines? H y a une action à
deux niveaux. L'action policière, le ministre de la Justice en
discutera. Mais je peux quand même dire que nous voulons prendre tous les
moyens appropriés pour écraser le terrorisme parce que nous
sommes tous conscients de ne pouvoir admettre qu'une poignée d'individus
puissent faire chanter la population tout entière. Nous sommes
également conscients qu'il faut respecter les libertés
individuelles. Nous allons les respecter dans toute la mesure du possible et
dans la mesure où le régime démocratique lui-même,
qui est le fondement de notre civilisation, ne sera pas menacé.
La population peut être certaine d'une chose: nous ne jouerons pas
avec sa sécurité. Dans
les circonstances et avec les exemples que nous avons sous les yeux,
nous ne pouvons pas nous permettre de risquer le bien-être et la
sécurité de la population. Mieux vaut un excès de prudence
qu'un optimisme naïf qui peut nous conduire à ce que nous venons de
connaître. Si l'Etat était le moindrement négligent, ceci
voudrait dire que l'Etat est prêt à risquer qu'un petit groupe
d'individus puisse imposer sa volonté à l'immense majorité
de la population. Jamais la population n'accepterait que nous prenions un tel
risque et nous n'avons pas l'intention de prendre un tel risque. Nous avons
l'intention de prendre tous les moyens appropriés et légitimes
pour respecter la volonté de la population.
Il est quand même évident, M. le Président, que
l'action policière n'est pas la seule solution. Le gouvernement va
poursuivre son oeuvre. Son souci de progrès social a été,
je pense, prouvé. Il a été démontré de
façon dramatique durant la dernière crise quand il a
adopté, comme je l'ai dit tantôt, la Loi de l'assurance-maladie en
plein milieu de la crise. Comment nous accuser de nous tourner vers la droite
alors que nous avons adopté l'une des lois les plus progressistes de
l'Amérique du Nord en matière de sécurité sociale?
Une autre contradiction du Parti québécois.
M. le Président, il aurait été facile pour nous
d'accepter l'offre de trêve qui avait été faite par les
médecins spécialistes. Mais, c'est là un signe de notre
volonté d'action, c'est là un signe que le gouvernement a
gardé son sang-froid, c'est là une preuve que le gouvernement a
gardé la tête en toute circonstance: avoir fait en sorte que cet
engagement soit respecté pour le 1er novembre.
Nous n'avons pas de leçon à recevoir de qui que ce soit
sur ce que nous avons à faire en matière de progrès social
ou en matière culturelle. Qu'on trouve, dans n'importe quel gouvernement
qui nous a précédés, autant d'actions concrètes en
matière culturelle pour que le français devienne la langue de
travail que ce que nous avons fait depuis six mois. Sur le plan
économique, M. le Président nous en sommes bien
conscients j'espère que, d'ici quelques jours, soit en fin de
semaine ou dans les jours qui suivront, on sera en mesure d'annoncer des
actions importantes pour réduire le chômage qui, comme nous le
savons tous, est susceptible d'être élevé, étant
donné la conjoncture nord-américaine. On a quand même,
comme je l'ai dit cet après-midi, eu pour un demi-milliard de dollars de
nouveaux investissements quelques semaines avant la crise.
Sur le plan constitutionnel, M. le Président, le mémoire
que nous avons déposé à la dernière
conférence constitutionnelle prolongeait, sauf pour des modalités
cela a été admis par des observateurs impartiaux la
ligne québécoise poursuivie depuis dix ans. Nous n'avons pas
l'intention de déroger à cette ligne québécoise,
parce que nous sommes conscients que le Canada ne peut vivre et survivre sans
une personnalité québécoise. Pourquoi serions-nous
handicapés par la dernière crise pour négocier avec le
gouvernement fédéral? Pourquoi serions-nous entravés dans
cette négociation? Parce que nous avons demandé l'armée?
Parce que nous avons demandé la Loi sur les mesures de guerre? Mais,
nous croyons, nous, dans le régime fédéral et
c'était inhérent à un régime fédéral.
A moins d'avoir ce complexe d'infériorité dont je parlais, je ne
vois nullement pourquoi le chef du gouvernement du Québec pourrait
être handicapé dans les négociations avec le gouverement
fédéral. Nous avons l'intention de négocier d'une
façon ferme, précise, sans dramatisation stérile, mais
avec des résultats qui ont déjà commencé,
d'ailleurs.
Au cours de l'été, j'ai eu l'occasion de rencontrer
à de très nombreuses reprises les autorités
fédérales. Pour les investissements de plusieurs centaines de
millions de dollars dont j'ai parlé, il était important que la
réforme fiscale soit annoncée dès le mois d'août. Au
début, on nous a dit: C'est difficile d'annoncer une réforme
fiscale dans le secteur minier. Le comité parlementaire des
députés et le comité parlementaire du Sénat n'ont
pas encore rendu leur décision. J'ai dit: Le gouvernement du
Québec a besoin de ces investissements. Le gouvernement du Québec
a besoin de cette réforme fiscale immédiatement, même si le
gouvernement fédéral avait des raisons politiques de la retarder.
Quel point de vue a prévalu, si ce n'est celui du gouvernement du
Québec? C'est cela quand on négocie sans ultimatum, sans
mélodrame et qu'on arrive avec des bons arguments!
M. le Président, il y a également la question de la
réforme électorale. J'en ai parlé dès le soir de
l'élection. Nous sommes prêts à poursuivre cette
réforme électorale. Nous sommes prêts à
améliorer le régime électoral.
Nous avons eu quelques réunions. Nous en aurons d'autres sur la
carte électorale, que nous sommes prêts à discuter, sur le
mode de scrutin, sur la loi électorale. Une avait été
présentée par l'ancien gouvernement. Mais je pense, M. le
Président, que le Parti libéral, dans les circonstances, a
peut-être été celui qui fut le plus victime d'un manque de
réforme électorale. Le Parti québécois crie depuis
le 29 avril, en disant: Si ça ne change pas, il peut y avoir des bombes,
qu'ils ont sept députés avec 23 p. c. des voix. Nous en avons eu,
nous, huit, avec 48 p. c. et nous n'avons jamais menacé les
Québécois de bombes.
M. LAURIN: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question au premier ministre?
Est-ce que le premier ministre pourrait sortir une déclaration du
chef parlementaire du Parti québécois à l'effet qu'il y
aurait des bombes de
lancées s'il n'y avait pas une réforme
électorale?
DES VOIX: Le vrai chef du parti l'a répété. M. LE
PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: On vous répondra à l'élection
partielle.
M. BOURASSA: M. le Président, le député de Bourget
ferait bien de se référer au chef du Parti
québécois, dans les circonstances, il n'a qu'à relire les
éditoriaux que fait le chef du Parti québécois...
M. LAURIN: Est-ce que le premier ministre pourrait les lire?
M. BOURASSA: Ce n'est quand même pas un fait inconnu. Je ne dis
pas et je n'ai pas dit que le chef du Parti québécois veut
inciter les gens à poser des bombes s'il n'y a pas de réforme
électorale, mais il a dit quand même comme on dit en
anglais, il fait du "break-manship" de plus en plus que le fait qu'il
n'y ait pas de réforme électorale pouvait expliquer la situation.
Je vous dis, moi, ce qu'on a payé, comme parti...
M. LAURIN: II y a une grosse différence entre dire ça et
dire qu'on va lancer des bombes.
DES VOIX: Assis. Assis.
M. BOURASSA: ... à cause de l'absence d'une réforme
électorale. M. le Président, je pourrais réfuter, phrase
par phrase, le discours qui a été prononcé. On me soumet
ceci, du mercredi 18 février 1970: "Lévesque prédit une
vague de violence sans précédent si la population adulte ne
change pas de système politique".
DES VOIX: Ah! Ah!
M. LEGER: II n'est pas question de bombes là-dedans.
M. BOURASSA: Comment penser que ce sont les réformes que nous
pouvons apporter qui pourront empêcher les actes de terrorisme que nous
avons connus? Comment blàmer le régime actuel ou n'importe quel
gouvernement? Comment penser, quelles que soient les mesures sociales, quelles
que soient les mesures économiques, les mesures culturelles que,
subitement, les Paul Rose, les Bernard Lortie et les autres cesseraient leurs
activités? Mais est-ce qu'on peut penser ça le moindrement
sérieusement? Tout ce qu'on pourra faire, ce sera pour eux des miettes,
de maigres miettes, et c'est pourquoi nous n'avons pas l'intention de laisser
édicter notre politique par un bande d'assassins.
Ce sont les représentants élus du Québec qui vont
déterminer et élaborer la politique. Ce n'est personne
d'autres!
M. le Président, on m'a reproché, dans quelques milieux,
un certain mutisme, de même qu'au gouvernement
québécois.
J'éviterai de vous citer toute une série d'allocutions, de
conférences de presse, d'interviews à la radio et à la
télévision depuis le début de la crise.
En conclusion, comme leçon de cette crise, il est peut-être
opportun de réexaminer l'usage de la liberté. Ce n'est nullement
l'intention du gouvernement de la limiter. Comme parti, nous l'avons
prouvé. Nous sommes trop attachés à la liberté
d'expression pour vouloir la limiter. Les interviews que je donnais à
certains journalistes de l'extérieur révélaient
jusqu'à quel point la liberté d'expression au Québec
était quasi illimitée, quand les chefs de gouvernement se font
traiter de chiens par les journaux. Dans combien d'autres pays civilisés
serait-on emprisonné pour cela? C'est permis au Québec. On y a
une liberté d'expression sans limite, mais il est peut-être temps
de réexaminer cette liberté, ou du moins son usage; de
réexaminer également les dangers inhérents à la
violence verbale dans l'analyse et dans la recherche des solutions, dans
l'élaboration des solutions. On doit tenir compte nous en tenons
compte, parce que nous ne sommes pas tellement éloignés des
jeunes générations que les jeunes générations
n'ont pas la même perception de la violence que les
générations mûres, que pour certains jeunes la violence
peut être un moyen moins condamnable que pour des
générations plus mûres. Nous devons tenir compte dans
l'élaboration des solutions de cette forme de conflit de
générations et nous sommes, je pense, bien préparés
nous pour comprendre cela.
En terminant, je veux assurer la population du Québec et tous les
députés que le gouvernement actuel a l'intention de poursuivre
son travail, quels que soient les risques que cela comporte, parce que ce n'est
pas seulement un parti qui est en cause, ce n'est pas seulement un gouvernement
qui est en cause, ce n'est pas seulement un régime qui est en cause:
fédéral, semi-fédéral ou non fédéral.
Ce qui est en cause, c'est le fondement même de notre civilisation, le
libre choix des citoyens de réaliser leurs objectifs.
C'est parce que, dans cette lutte au terrorisme, dans cette poursuite
des objectifs qui sont communs à tous, nous sommes convaincus de
représenter plus qu'un parti, un gouvernement ou un régime que
nous sommes persuadés d'avoir l'appui de toute la population et d'avoir
cette solidarité si essentielle à la réalisation d'un tel
objectif. Cette solidarité, nous l'avons eue jusqu'à maintenant.
J'éviterai de vous parler des milliers de lettres que le chef du
gouvernement du Québec a reçues à l'appui de son action et
de tous les sondages qui ont été tenus et qui
révèlent jusqu'à quel point il y a eu unanimité
dans la population vis-à-vis de l'action du gouvernement, comme
rarement on l'a vu dans le passé. C'est parce que le bon sens des
Québécois, la lucidité des Québécois
prévaut réellement une fois de plus, et c'est ce qui sera le
principal moteur de notre action.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bellechasse
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER: M. le Président, mes premières paroles seront
tout d'abord pour féliciter le leader parlementaire de l'Opposition, qui
a présenté cette motion avec une sérénité et
une dialectique que personne ne pouvait réfuter. En second lieu, le
premier ministre a signalé tout à l'heure que le chef de
l'Opposition avait prononcé un discours empreint de modération,
de logique et, en même temps, d'une vision extrêmement humaine de
la situation actuelle, tout en faisant une rétrospective des causes qui
font qu'aujourd'hui nous traversons une période de crise que
déplorent tous les citoyens du Québec qui ont à Coeur les
intérêts supérieurs de la nation.
Le chef de l'Opposition a signalé, à un moment
donné, que, quand le salut de l'Etat était en péril, quand
le peuple vivait dans le désarroi le plus total et quand tout semblait
s'écrouler autour de nous, il ne fallait plus avoir un esprit de
partisanerie politique, il ne fallait plus être mesquin, mais qu'il
fallait, à ce moment-là, regarder les problèmes d'une
façon absolument logique, rationnelle et humanitaire. A ce
moment-là, en effet, nous réalisons que c'est l'àme
même de la nation qui est en danger et qui est compromise d'une
façon sérieuse. Je pense que les propos du député
de Missisquoi ont été de nature, dans cette Chambre, à
rétablir un certain équilibre entre les deux extrêmes.
Il y a, d'une part, ceux qui prétendent à un moment
donné qu'il faut régler une situation de crise par des moyens
assez brutaux. Sans aucune malice, je rapporterai des propos disant qu'il
fallait mettre au poteau d'exécution tous ceux qui avaient
participé d'une façon directe ou indirecte aux
enlèvements, à cette tragédie de Cross et Laporte.
Il y a, d'autre part, d'autres extrémistes, que je situerais
à l'extrême gauche. Entre autres, je me rappelle les propos tenus
par un député en cette Chambre, durant les débats sur
l'assurance-maladie. Il faisait un rapprochement entre le sadisme ou le
terrorisme des gens du FLQ et celui, prétendument, des médecins
qui, depuis X années exploitaient d'une façon crapuleuse et
honteuse non seulement la santé mais la situation financière des
Québécois.
Je pense que les propos tenus par l'Opposition officielle, par la voix
du député de Missisquoi et également par le leader
parlementaire, sont de nature à assurer cette Chambre qu'il y a encore
place pour la mesure, pour l'équilibre et qu'il y a encore place dans le
Québec pour le bon sens. Je pense qu'il n'y a rien de plus mauvais pour
qui que ce soit d'être conseillé par l'indignation, la
colère ou la partisanerie politique à outrance.
M. le Président, nous rêvons tous, dans le Québec,
d'une société très juste. Nous voulons tous qu'il n'y ait
ni pauvre, ni riche au Québec, mais nous devons être, tout de
même réalistes. Nous n'avons qu'à regarder ce qui se passe
autour de nous. Aux Etats-Unis, par exemple, 28 p. c. de la population
américaine vit dans un état de pauvreté absolument
condamnable et 71 p. c. de la population cubaine vit également dans un
état de pauvreté tel que l'on sent... Peu importe la philosophie
politique qui préside à l'administration sociale et culturelle
dans quelque pays que ce soit, nous nous rendons compte qu'il n'y a pas de
solution miracle et qu'il n'y a pas non plus dans le monde de thaumaturges
politiques qui font que, du jour au lendemain, par une baguette magique on
pourrait redresser tous les torts, toutes les injustices dans la
société.
C'est avec infiniment de respect que j'ai écouté les
discours prononcés par le député de Rouyn-Noranda et par
le député de Bourget. Ils ont des approches très
différentes aux problèmes. On s'est rendu compte qu'ils se
situaient aux antipodes et je pense qu'il faudrait, dans cette Chambre, et je
le dis d'une façon très sincère, enlever chacun nos
masques et devenir vrais, devenir absolument véritables vis-à-vis
des problèmes qui confrontent notre nation, surtout dans cette
période de crise.
J'ai également écouté avec intérêt le
discours du premier ministre. Je lui prête la même
honnêteté, la même bonne foi que je prête aux deux
chefs de parti, Ralliement des créditistes et PQ, qui ont parlé
avant le premier ministre.
Mais, il y a, dans cette crise, des points d'interrogation sur notre
société, sur nos structures et également sur l'attitude
qu'ont certains étudiants, certains professeurs et certains chefs
syndicaux. Nous sommes tous d'accord pour affirmer que le terrorisme en soi est
ignoble dans ses causes et surtout dans ses effets. Nous sommes tous d'accord,
sauf quand nous étudions le régime de vie condamnable et
inacceptable dans lequel sont plongées des populations qui sont dans une
pauvreté abjecte avec le consentement des gouvernements ou parce que les
derniers entretiennent sciemment cet état de choses pour mieux
contrôler les esprits et pour favoriser les aspirations mesquines de
leurs chefs.
Après la disparition tragique d'un homme que nous avons tous
respecté, que nous avons tous aimé et qui était un ami
même pour ses adversaires parce qu'il savait être honnête,
parce qu'il savait se battre d'une façon très sincère pour
les intérêts du Québec, nous sommes tous traumatisés
par l'assassinat de Pierre Laporte.
Il me semble qu'on aurait pu éviter, dans les circonstances, la
disparition d'un homme aussi valable pour le Québec. Cependant, il
importe de s'interroger individuellement et collectivement sur les raisons qui
ont fait que moralement ce petit groupe de révolutionnaires, de
manipulateurs de bombes et de propagandistes de la terreur, ont eu un certain
appui avant les événements spectaculaires et tragiques que nous
avons vécus, pendant ces événements et après ces
événements.
Il y a lieu, je pense, que les différents partis politiques, les
corps intermédiaires, le clergé et tous ceux qui
représentent un dénominateur commun dans notre
société fassent un examen de conscience et s'interrogent sur les
causes et, en même temps, sachant tirer des leçons sur les effets
produits dernièrement.
M. le Président, pour ma part, je trouve que la décision
du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial d'utiliser
la Loi des mesures de guerre était bien fondée. Je trouve que,
dans les circonstances, et je le dis au-dessus de toute
considération partisane c'était le seul mécanisme
à la disposition du gouvernement pour rassurer le grand public et faire
en sorte que, dans le Québec, on sache que l'autorité, on sache
que les valeurs fondamentales de tous les citoyens sont protégées
et sauvegardées non pas par une poignée de bandits politiques et
de bandits à l'endroit de la nation, mais que le gouvernement sait
prendre, à ce moment-là, ses responsabilités et utiliser
le mécanisme juridique qui est à sa disposition.
Je pense cependant, que si l'on doit, individuellement et
collectivement, faire un examen de conscience, il ne faut pas non plus
continuer à tolérer, dans le Québec, des gens qui sont de
beaux parleurs, qui savent par des images, capter l'attention des petits et qui
savent, à ce moment-là, canaliser d'une façon
extrêmement démagogique les passions du petit peuple en offrant
des solutions miracles du jour au lendemain et en disant : Moi seul je peux
assurer le salut, la prospérité et la sécurité.
Je lisais ce soir dans la Presse 1'éditorial signé par
Jean Pellerin, qui rapportait les propos tenus depuis un certain temps par un
homme qui emploie un langage de dynamite, de mitraillette.
Par ses propos, il a peut-être tué plus de cerveaux que
n'importe quel terroriste au Québec aurait pu le faire en enlevant la
vie à certains individus. Je cite textuellement: "Le chef souverainiste
a tenu à ce congrès des propos à ce point violents, il a
employé des adjectifs à ce point outranciers et fielleux que les
journalistes et les commentateurs seraient en droit de se demander, dans les
circonstances, s'il n'y a pas lieu de tirer le manteau de Noé sur cette
pièce d'éloquence marquée au coin de la démesure,
pour ne pas dire de l'hystérie."
Je pourrais citer, M. le Président, une foule de reportages
où l'on se rend compte qu'on utilise sciemment ou non, des propos aussi
violents, aussi virulents. Ils ont pour cible l'autorité, quelle qu'elle
soit, qu'il s'agisse d'un gouvernement libéral, d'un gouvernement
péquiste ou d'un gouvernement créditiste, quelle que soit
l'étiquette ou la philosophie politique du gouvernement. Ces propos sont
tellement violents que toutes les classes de la société ne savent
plus, à ce moment-là, si elles ont affaire à un
prophète ou à un individu dont les écarts de langage et
l'hystérie verbale conduisent à cet état de chaos. Comme
le disait le chef de l'Opposition, les mots, les paroles, ou les discours
peuvent conduire aussi rapidement au chaos et à l'anarchie que les actes
irraisonnés et, souventefois, aveuglément passionnés
posés par des illuminés qui veulent changer la
société selon leur propre conception, mais on ne sait, à
ce moment-là, pour quels intérêts particuliers.
M. le Président, au cours de cette crise, nous avons
tenté, dans les différents partis politiques...
Pour notre part, notre groupement, à l'invitation du chef, mais
pas une invitation forcée ou commandée, mais après
réflexion, a tenté, par son silence non pas de cautionner toutes
les attitudes du gouvernement dans ses moindres détails, mais d'avoir au
moins une conscience nationale et un patriotisme qui nous a
empêché d'essayer de canaliser tout cela sur le plan de
l'électoralisme ou encore de faire en sorte d'en tirer un certain profit
en tentant de diminuer davantage le gouvernement. Parce que la
sécurité de l'Etat était en péril, parce que nous
avions conscience que c'était une crise extraordinaire et que
c'étaient des précédents qu'avaient connus d'autres pays
mais non pas le Canada ni surtout le Québec je pense que
nous avons encore là prouvé que nous avions le sens de la mesure
et des responsabilités. Nous avons prouvé également,
depuis quelques jours, par la motion du leader de l'Opposition, que la crise
étant aux trois quarts passée, nous avions tout de même le
souci de l'intérêt public et le souci d'avoir, dans les
explications du premier ministre et des autres membres des partis politiques,
un éclairage permettant de définir si le gouvernement n'a pas agi
d'une façon peut-être précipitée ou si le
gouvernement a posé des gestes dans l'intérêt
supérieur du Québec et surtout dans l'intérêt de la
démocratie que nous voulons conserver.
M. le Président, étant donné qu'il est dix heures,
je demanderais l'ajournement.
M. LEVESQUE: M. le Président, avant de proposer l'ajournement, je
suggérerais, après consultation avec les leaders parlementaires
des autres partis, que nous poursuivions demain le même débat. A
la suite de ce débat, de dix heures trente à midi trente, encore
avec le consentement unanime, nous pourrons ajourner à trois heures
mardi après-midi pour que la journée de mardi soit
également consacrée à la
poursuite de ce débat, avec l'espoir que la journée de
mardi coïncidera avec la fin du débat. Mais, nous verrons à
ce moment-là où nous en serons.
Si c'est le consentement unanime de la Chambre, je crois que oui. Dans
ce cas, M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à
demain matin, dix heures trente.
M. LE PRESIDENT: Cette entente vaut jusqu'à mardi soir?
M. PAUL: Mardi soir.
M. LEVESQUE: Mardi soir.
M. LE PRESIDENT: Du consentement unanime de la Chambre nous continuerons
demain matin...
M. PAUL: De même que mardi.
M. LE PRESIDENT: ... sur la motion et le droit de parole sera au
député de Bellechasse.
La Chambre ajourne ses travaux à demain matin, à dix
heures trente.
(Fin de la séance: 22 h 2)