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(Quinze heures dix minutes)
M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Affaires courantes.
Présentation de pétitions.
Lecture et réception de pétitions.
Présentation de rapports de commissions élues.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
Questions des députés.
Questions et réponses
M.LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
Rapatriement des allocations sociales
M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre ou, par ricochet, au ministre des Affaires sociales. Où en sont
rendues les négociations avec le gouvernement fédéral
concernant une entente éventuelle sur l'administration en
général ou sur le rapatriement des allocations familiales ou, par
extension, des allocations sociales?
Est-il vrai qu'une entente devrait être conclue dans les jours qui
suivront ou, au plus tard, d'ici quelques semaines?
M. BOURASSA: Disons que nous l'espérons très vivement.
Quand le chef de l'Opposition parle d'une entente d'ici quelques semaines, je
pense que le délai parait très raisonnable et même
nécessaire.
Le chef de l'Opposition est au courant qu'il y a trois problèmes
dans cette discussion: la question de la conception de la politique, du
financement et de l'administration. Comme je le disais hier à quelques
journalistes, il ne semble pas y avoir de problèmes sérieux pour
ce qui a trait à la conception et au financement. Comme c'est une
formule originale, il faut que nous nous entendions sur l'administration et sur
l'application des différentes lois du revenu. C'est exactement ce que
nous discutons depuis quelques semaines et nous espérons arriver
à des conclusions aussi rapidement que possible.
M. CLOUTIER (Montmagny): Question supplémentaire, M. le
Président. Quel est le ministère qui négocie avec le
gouvernement central? Est-ce le ministère des Affaires sociales ou le
ministère des Affaires intergouvernementales, ou quelque autre
mécanisme de négociation? Est-ce que cela se poursuit au niveau
politique ou au niveau des fonctionnaires?
M. BOURASSA: C'est le ministère des Affaires
intergouvernementales, notamment le sous- ministre, en collaboration avec des
fonctionnaires du ministère des Affaires sociales.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une autre question, M. le Président.
Quand le premier ministre dit qu'au niveau de la conception il n'y a pas de
problème, est-ce que ça veut dire que la primauté ou la
priorité législative du Québec serait reconnue?
M. BOURASSA: C'est qu'il n'y a pas actuellement, de la part du
gouvernement fédéral, de point de vue du Québec quand la
priorité législative n'est pas contestée. Là
où il y a des problèmes, c'est pour l'application de cette
priorité au niveau administratif et ce que ça peut impliquer, par
exemple, sur le plan de la juridiction des différentes lois du
revenu.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Manifestations de Manneville
M. SAMSON: M. le Président, c'est une question au ministre des
Terres et Forêts. A la suite des développements survenus
concernant l'affaire Manneville et les manifestations que nous avons connues,
blocage de routes, etc., est-ce l'intention du ministre d'envoyer sur place un
officier responsable de son ministère afin d'évaluer la situation
et voir à trouver une solution aussi rapidement que possible?
M. DRUMMOND: M. le Président, je pense que le chef de district
sur place a déjà fait un bon travail. Mais par contre c'est
toujours difficile, lorsqu'on travaille loin de Québec. J'ai bien
l'intention d'envoyer un autre officier de mon ministère sur place qui
fera rapport sur ce qui se passe actuellement sur les lieux.
M. SAMSON: Question supplémentaire. Le ministre pourrait-il nous
dire quels seront les délais? L'officier devra-t-il se rendre
immédiatement sur place ou si ça retardera?
M. DRUMMOND: M. le Présisident, la décision a
été prise hier soir à cet égard et il est
censé se rendre là-bas aussitôt que possible pour discuter
de la situation. Je peux dire aussi, en ce qui concerne toute la question des
paroisses marginales à cet endroit, que j'ai l'intention d'envoyer trois
représentants encore de mon ministère pour discuter de la
situation sur place la semaine prochaine.
M. SAMSON: Le ministre a-t-il l'intention de nous faire une
déclaration au début de la semaine concernant le résultat
de ces rencontres?
M. DRUMMOND: II n'est pas question de garder secret quelque rapport que
ce soit. Si je considère valable de faire rapport à la Chambre
par déclaration ministérielle, je le ferai.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Question du député des
Iles-de-la-Madeleine
M. LAURIN: M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice
est en mesure de répondre à la question que lui posait, hier, le
député des Iles-de-la-Madeleine?
M. CHOQUETTE: Non, pas actuellement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Témiscouata.
UNE VOIX: II ne sera jamais capable.
M. CHOQUETTE: Peut-être la semaine prochaine.
M. LACROIX: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Je vous accorderais une question supplémentaire,
sans commentaire.
M. LACROIX: ...voici ma question supplémentaire: En quelle
année le ministre de la Justice va-t-il nous donner une
réponse.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Témiscouata.
Livre blanc du ministre des Terres et
Forêts
M. SIMARD (Témiscouata): M. le Président, avant de poser
ma question au ministre des Terres et Forêts, je voudrais vous demander
s'il sera possible, après cette question d'en poser une autre au
ministre de la Voirie puisque j'attends depuis deux jours mon tour pour poser
des questions.
M. LE PRESIDENT: Commencez par la première, on verra
après.
M. SIMARD (Témiscouata): Relativement au livre blanc dont le
ministre vient de déposer le premier tome, quand entend-il publier le ou
les tomes suivants? C'est ma première question. Est-ce que le ministre
serait en mesure de proposer à l'Assemblée nationale et à
la population du Québec les éléments positifs pouvant
servir de base à une véritable politique forestière? En
attendant les solutions à long terme qui pourraient résulter de
ces études, que compte-t-il faire dans l'immédiat pour parer aux
difficultés très aiguës qui entraînent actuellement de
nombreuses mises à pied et des fermetures d'usines?
M. DRUMMOND: M. le Président, je pense que la question est
surtout générale. On vient de faire la distribution du premier
tome. Il est bien indiqué là-dedans que, lorsque le
deuxième tome sera déposé, il ne sera pas seulement
question des mesures à long terme mais des mesures
suggérées à court, moyen et long termes. C'est un
gouvernement très positif et nous allons agir d'une façon
très positive dans le domaine des terres et forêts.
M. LOUBIER: Une question additionnelle. Le député de
Témiscouata demande au ministre des Terres et Forêts s'il a
l'intention de proposer, dans un avenir très rapproché, des
mesures législatives qui vont donner suite aux recommandations de son
livre blanc.
M. DRUMMOND: Nous sommes un parti très démocratique et
lorsque nous déposons nos suggestions en ce qui concerne des solutions
valables pour l'industrie forestière, il est bien évident que
cela va demander de la législation de la part du gouvernement. C'est
aussi facile que ça.
Mais je préfère, après le dépôt de ce
document-là, discuter avec tous les intéressés, y compris
les membres de l'Opposition, avant d'en arriver à la législation
qui va suivre.
M. LOUBIER: Si je comprends bien le ministre, il n'y aura pas de
législation, cette année, dans ce domaine-là.
M. DRUMMOND: M. le Président, il y a déjà un bill
de déposé et que nous pouvons discuter.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.
Bill Muskie
M. LATULIPPE: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable premier ministre. Compte tenu de l'adoption du bill Muskie par le
législateur américain, l'honorable premier ministre peut-il
assurer cette Chambre ce que son gouvernement entend faire ou a-t-il fait les
démarches nécessaires afin de négocier des avantages
spéciaux pour toute notre population du sud-est du Québec qui est
présentement fortement menacée par l'adoption possible de ce
bill?
M. BOURASSA: M. le Président, le député a
certainement le droit de poser cette question. J'ai déjà fait des
représentations auprès de certains ministres
fédéraux pour qu'ils prennent conscience des conséquences
très sérieuses que pourrait avoir l'application de la loi Muskie,
qui, comme le député le sait, est encore en discussion au
Sénat américain. Que le gouvernement fédéral fasse
des représentations très fermes, en tenant compte, notamment, des
conséquences de l'application de cette loi, si elle était
finalement votée, pour de très nombreuses régions du
Québec.
M. GUAY: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce
que le premier ministre peut nous dire si le gouvernement provincial, au cas
où le projet de loi serait adopté, a l'intention d'user de
représailles?
UNE VOIX: Représailles?
M. BOURASSA: M. le Président, le député comprendra
que sa question est purement hypothétique, et je me demande
jusqu'à quel point elle est sérieuse.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre. C'est une question que je voudrais non partisane et très
positive.
UNE VOIX: C'est rare cela!
Organisme spécialisé pour lutter contre
le chômage
M. LEGER: Etant donné que l'automatisation nous amène du
chômage possible on l'a vu à la Presse étant
donné que des mises à pied surviennent de toute part dans la
province, est-ce que le premier ministre ne croit pas qu'il y aurait lieu, afin
de combattre la détérioration de la situation de l'emploi au
Québec, surtout pour les mois d'hiver, d'instituer un mécanisme
spécialisé dont la tâche principale serait de surveiller,
d'une façon permanente, la situation du chômage dans toutes les
industries du Québec et aussi de coordonner les actions éparses
qui caractérisent la politique actuelle des gouvernements tant
fédéral que provincial?
M. LEVESQUE: Je m'oppose, M. le Président, à ce genre de
questions. J'aimerais que vous vous prononciez parce que, si vous ne le faites
pas, on pourrait s'en tirer chaque jour avec des questions qui sont un
exposé partisan...
M. LAURIN: Ce n'est pas un exposé, M. le Président.
M. LEVESQUE: ... s'il en est un.
M. LEGER: M. le Président, je regrette. Ce n'est pas un
exposé partisan.
M. LAURIN: C'est une question très précise. M. LEGER: II y
a une situation de fait. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEGER: Je demande au premier ministre: Est-ce qu'il y a...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
DES VOIX: A l'ordre!
M. LEGER: ...un mécanisme précis?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai cru remarquer, au sein de cette
question, de la manière dont elle a été formulée,
plusieurs affirmations et assertions, ce qui n'est pas permis en vertu du
règlement. Vous n'avez qu'à vérifier les articles sur les
questions. Une question doit se limiter à une demande de renseignements
sans affirmation, sans prise de position. La preuve, c'est que votre question
peut soulever un débat, alors qu'une question ne doit soulever aucun
débat.
Mais votre question a été formulée. Y a-t-il un
ministre qui désire y répondre?
DES VOIX: Non.
M. LEVESQUE: Non. Elle est irrégulière. Elle ne
mérite pas de réponse.
M. LEGER: Le premier ministre pourrait-il me dire s'il y a un organisme
précis qui pourrait coordonner les efforts de toute la province non
seulement devant le niveau de chômage provenant des emplois perdus d'une
façon normale dans les industries, mais aussi devant une automatisation
qui amène du chômage? Cela veut dire que le gouvernement pourrait
avoir un mécanisme spécialisé dont la seule tâche
serait de faire cela.
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LEVESQUE: La question! Le député récidive. Vous
le savez, M. le Président. J'ai vu que vous alliez vous lever pour le
rappeler de nouveau à l'ordre. Il ne semble pas comprendre les bons
conseils que vous lui avez donnés.
M. BACON: De toute façon, il ne comprend pas.
M. LEVESQUE: II ne semble pas se rappeler, non plus, la moyenne de
52,000 nouveaux emplois crées depuis le 1er janvier 1971.
M. LAURIN: C'est parce que la question vous fatigue !
M. DEMERS: Cela, c'est de la récidive!
M. LEGER: Ce qui veut dire que le premier ministre n'a pas de
réponse pour un mécanisme régulier.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LESSARD: Combien de nouveaux chômeurs?
M. BOURASSA: C'est une question qui relève des crédits. Si
le député avait posé une question sur le conflit de la
Presse, en particulier, sur les changements technologiques de la Presse,
d'accord, mais la question me semble relever bien davantage d'un débat
général sur les crédits du ministère du
Travail.
M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Le
conflit de la Presse est un exemple patent de cela.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! DES VOIX: A l'ordre!
M. LE PRESIDENT: C'est maintenant une autre assertion.
M. LEGER: Le premier ministre me demande de parler de la Presse.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous une question supplémentaire?
M. LACROIX: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. LACROIX: M. le Président, la question de la Presse est un
exemple patent des folies de la CSN et du PQ.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! L'honorable député
de Chicoutimi.
Edifice administratif à Chicoutimi
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, dans l'optique du
redressement de la situation de l'embauche au Québec et de
l'efficacité administrative du gouvernement en ce qui concerne une des
plus belles régions du Québec...
UNE VOIX: Question!
M. LEVESQUE: Question!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
M. LOUBIER: Ils sont bien nerveux, aujourd'hui!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre:
M. LEVESQUE: Même poids, même mesure.
M. LOUBIER: Est-ce que la venue de M. Tito vous énerve à
ce point?
M. LACROIX: Parlez-vous au nom de l'UN ou de l'UQ?
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, pour faire plaisir au
leader parlementaire de la Chambre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que j'ai le droit de parole, M. le
Président? Vous m'avez reconnu. Merci.
Je ne veux pas énerver inutilement le leader parlementaire de la
Chambre, mais dans l'optique du redressement de la situation de l'embauche au
Québec et de l'efficacité administrative dans une des plus belles
régions du Québec, je désirerais poser une question au
ministre des Travaux publics et signaler à la Chambre sa présence
bienheureuse aujourd'hui.
Est-ce qu'il est exact que le ministre des Travaux publics doit, demain
ou dans le jour qui suivra, faire une déclaration, suite aux nombreuses
revendications que j'ai faites dans le but d'ériger à Chicoutimi
l'édifice administratif dont nous avions décidé la
construction au mois d'avril 1970?
M. LEVESQUE: Feuilleton.
M. PINARD: M. le Président, pour faire plaisir à mon
bienheureux ami de Chicoutimi, je dois lui dire que lorsque le moment sera venu
de prendre cette décision, je l'annoncerai.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une question additionnelle au ministre des
Travaux publics. Les journaux de la région, la radio et la
télévision ont annoncé que le ministre devait faire cette
déclaration le 5 ou le 6 novembre à Dolbeau. Est-ce qu'il est
exact que le ministre doit faire cette déclaration et si
l'édifice sera construit à Chicoutimi, là où il y a
un grand nombre de chômeurs?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
Je crois que le ministre a déjà répondu.
Peut-être que le député de Chicoutimi est insatisfait, mais
il doit se satisfaire de la réponse du ministre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, une question
additionnelle au premier ministre. Est-ce qu'il a pris connaissance du dossier
que je lui ai soumis concernant la nécessité de construire
l'édifice administratif à Chicoutimi, la capitale
régionale?
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, une question de
règlement. Le député de Chicoutimi pose
présentement une question à caractère purement local. Il
pourra soulever cette question lors de l'étude des crédits. Si le
député de Chicoutimi veut connaître exacte-
ment ce que pense le ministre des Travaux publics relativement au
problème qu'il vient de soulever, il sera le bienvenu à Dolbeau,
demain.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une question additionnelle. Ce n'était
pas une question, M. le Président, et vous avez laissé parler le
député de Jonquière.
M. LE PRESIDENT: Non, il a invoqué le règlement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le premier ministre peut me
dire...
M. HARVEY (Jonquière): J'ai invoqué le règlement,
c'est une question locale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je m'en excuse, mais
j'ai une question additionnelle à l'intention du premier ministre.
Est-il exact que le ministre des Travaux publics et je pose la
question au premier ministre a écarté un terrain du
gouvernement, donc qui ne coûterait rien, pour acheter des terrains qui
favoriseraient des amis du député de Jonquière?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, je pose la
question de privilège, parce que le député de Chicoutimi
vient d'affirmer, devant tous les députés de cette Chambre,
l'hypothèse que le ministre de la Voirie préférerait un
terrain vendu par des amis du député de Jonquière.
M. le Président, je tiens à déclarer en cette
Chambre que si la décision du ministre des Travaux publics est de
choisir Jonquière, le ministère possède des terrains en
quantité pour localiser l'édifice. De plus, le seul terrain
offert dans la cité de Jonquière l'a été par la
cité de Jonquière à l'intérieur du programme de
rénovation urbaine, terrain déjà payé $1, selon un
plan conjoint provincial-fédéral. Si c'est ce que veut dire le
député de Chicoutimi, bien sûr que tous les citoyens de la
cité de Jonquière et de mon comté sont mes amis, et ils ne
sont pas "chèrants."
M. LACROIX: M. le Président, on vient de mettre la peau sur le
squelette.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose la question de
privilège, parce que l'observation du député des
Îles-de-la-Madeleine est extrêmement désagréable pour
son collègue de Jonquière.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. HARVEY (Jonquière): Probablement, M. le Président, que
le député des Iles-de-la-Madeleine est conscient que, depuis six
mois, avec tous les problèmes de Saint-Jean-Vianney, les 15 livres du
député de Jonquière reviendront rapidement lorsqu'il
retournera au Revenu.
M. LE PRESIDENT: L'incident est clos. Le député de
Beauce.
Commission des Finances
M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne voudrais pas faire
maigrir le ministre des Finances, mais j'aurais tout de même deux
questions à lui poser qui font suite aux déclarations qu'il a
faites hier en Chambre, concernant la conférence des ministres des
Finances qui a eu lieu à Ottawa lundi et mardi derniers.
Comme le Québec entend faire connaître ses positions en
matière fiscale vers la fin de novembre ou au début de
décembre, est-ce l'intention du ministre de convoquer la commission
parlementaire des Finances avant la tenue de ces assises?
M. GARNEAU: Non.
M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre conserve ses
habitudes. J'ai une question supplémentaire. Il est à peu
près impossible d'avoir des réponses positives.
M. TESSIER: Comment? Il y a $50 millions.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. TESSIER: Non, c'est
très positif.
M. ROY (Beauce): Ce sont des réponses négatives, M. le
Président. Sur les $50 millions je m'adresse au ministre des
Affaires municipales il a déclaré qu'à peu
près $20 millions seraient consacrés au Québec. Comme les
limites, d'après ce que nous a déclaré le ministre hier,
sont d'un demi-million de dollars par projet et que ceci pourrait constituer
à peu près un maximum de 40 à 50 projets pour les 1,585
municipalités du Québec,...
M. LE PRESIDENT: Question, s'il vous plaît.
M. ROY (Beauce): ... qu'est-ce que le gouvernement entend proposer, pour
les projets acceptables, pour les autres municipalités, une fois les $20
millions écoulés?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois que cette question a reçu
une réponse hier. Hier, j'ai permis une demi-heure, soit toute la
période des questions, sur ce sujet. Je me rappelle très bien que
le ministre des Affaires municipales a élaboré très
longuement en réponse à ces questions: Quels seraient les projets
et les critères considérés?
Je ne pourrai pas permettre de nouveau cette question.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai ici tout ce qu'a
déclaré hier le ministre des Affaires municipales; il n'y a rien
sur la question que je pose présentement, et c'est pourquoi je voudrais
que le ministre donne plus de précisions. Des municipalités vont
soumettre des projets et j'aimerais savoir ce que le gouvernement entend
proposer pour les projets qui vont satisfaire aux normes et exigences du
gouvernement et que celui-ci ne pourra pas accepter du fait que les $20
millions seront écoulés.
J'aimerais savoir du ministre ce que le gouvernement entend faire au
sujet de ces projets-là.
M. TESSIER: M. le Président, j'ai répondu hier à
cette question; j'ai donné toutes les explications et j'inviterais le
député de Beauce à lire le journal des Débats.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une autre question
supplémentaire. Le ministre a déclaré hier
également, je l'ai lu,...
M. LE PRESIDENT: Question.
M. ROY (Beauce): ... avoir fait parvenir 1,585 lettres aux
municipalités. Est-ce qu'on pourrait demander au ministre de nous faire
parvenir copie de ces lettres, à tous les députés de cette
Chambre, de façon que nous ayons, nous aussi, les renseignements et les
informations dont nous avons besoin?
M. TESSIER: M. le Président, le député de Beauce
pourra se procurer une copie de la lettre que j'ai envoyée d'un des
maires de son comté.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. RUSSELL: Question supplémentaire.
M. LE PRESIDENT: Question supplémentaire? L'honorable
député de Shefford.
M. RUSSELL: M. le Président, faisant suite à la question
du député de Beauce, étant donné que le ministre
des Finances revient de cette conférence
fédérale-provinciale s'il ne peut pas répondre,
peut-être que le premier ministre, étant un économiste,
pourra le faire et expliquer la politique de son gouvernement est-ce que
le ministre des Finances ou le premier ministre serait en mesure d'informer
cette Chambre des politiques qu'ils ont l'intention d'instaurer à la
suite de cette conférence fédérale-provinciale pour
alléger le fardeau des contribuables du Québec et relancer
l'économie, comme l'a fait l'Ontario?
M. LE PRESIDENT: On y a répondu hier, je crois.
DES VOIX: Non, non.
M. GARNEAU: M. le Président, j'ai répondu hier à
cette question. Justement, je vous ai fait parvenir un mot pour vous demander
de revenir, tout à l'heure, sur une question de privilège, avant
l'appel de l'ordre du jour. En relisant le journal des Débats, je me
suis aperçu que j'avais répondu à cette question. Je
voudrais corriger une erreur qui s'est glissée dans le compte rendu d'un
journal.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Réforme des districts électoraux
M. LAURIN: Ma question s'adresse au premier ministre. Le premier
ministre pourrait-il nous informer de la progression des travaux entrepris par
la commission permanente de la réforme des districts électoraux?
Deuxièmement, pourrait-il nous dire quand la commission de la
réforme électorale entreprendra d'autres travaux sur le
financement des partis politiques, la carte d'identité
électorale, la liste permanente et autres sujets qu'il avait
lui-même voulu soumettre à l'attention de cette commission?
M. BOURASSA: M. le Président, quant à la première
partie de la question du député de Bourget, je vais m'informer
cet après-midi pour ce qui a trait aux travaux sur les districts
électoraux.
Quant à la deuxième partie de la question, je n'ai pas
d'objection à ce que la commission sur la réforme
électorale se réunisse de nouveau pour discuter de
différentes questions, dont les sondages. Je pense que le chef de
l'Opposition officielle a déclaré il y a quelques jours qu'il
voulait qu'un sondage soit examiné en particulier. Il aura l'occasion de
soumettre sa proposition à cette commission. Il y a également la
formation d'un comité pour examiner le vote proportionnel.
Je comprends que le chef du Parti québécois ne soit pas
d'accord avec le député de Bourget puisqu'il croit que nous
devons nous imposer un délai de réflexion...
M. LAURIN: Ce n'était pas inclus dans ma question, M. le premier
ministre. Je voudrais que vous vous en teniez aux faits.
M. BOURASSA: C'est parce qu'il y a tellement de division actuellement
dans le Parti québécois.
M. LAURIN: Ce n'est pas un commentaire électoral que je vous ai
demandé.
M. BOURASSA: Justement, en voyant le député de Maisonneuve
s'asseoir aujourd'hui, cela me fait penser à une autre division dans le
parti.
Je pourrai dire au député de Bourget que, personnellement,
je n'ai pas d'objection... Je
pourrai en discuter avec les autres chefs de parti afin que nous
convoquions la commission d'ici deux semaines.
M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. C'est que
dans l'échéancier que vous aviez soumis il y a encore beaucoup de
travail. Le temps file 18 mois et il y a beaucoup d'autres
commissions. J'espère que le leader parlementaire pourra nous annoncer
très bientôt quand pourra siéger cette commission la
prochaine fois.
M. BOURASSA: Nous allons examiner l'horaire. Comme vient de le signaler
le député, il y a un très grand nombre de commissions qui
siègent et qui doivent siéger, mais nous allons essayer de
trouver un moment pour faire siéger celle-ci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
Budget supplémentaire
M. VINCENT: Ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre
des Finances peut-il nous dire si un budget supplémentaire sera
présenté au cours des prochaines semaines? Si oui, à
quelle date ce budget supplémentaire sera-t-il
présenté?
M. GARNEAU: M. le Président, je répondrai par
l'affirmative. Pour ce qui est de la date, j'imagine que ce sera vers la fin du
mois de novembre ou au début de décembre, disons vers les
derniers jours de la session, probablement. Mais la date n'est pas encore
arrêtée.
M. VINCENT: M. le Président, question supplémentaire. Si
ce budget est présenté à la fin de novembre ou au
début de décembre, de quelle façon le ministre de
l'Agriculture a-t-il l'intention de verser aux producteurs à la
mi-novembre comme il l'a déclaré, le montant de $5 millions qu'il
a annoncé mardi de cette semaine?
M. GARNEAU: M. le Président, pour le début du paiement des
subventions, il y a des sommes dans les catégories "subventions" qui ne
sont pas encore engagées au ministère de l'Agriculture, et nous
allons évidemment utiliser le fonds de secours pour le début des
paiements. La raison pour laquelle je présenterais le budget vers la fin
de novembre, c'est que je voudrais avoir le temps de faire l'inventaire
à chacun des postes budgétaires dans les ministères pour
ne pas être obligé de revenir avec des pécadilles lorsqu'il
y a eu des dépassements soit pour des augmentations de taux, etc., ou de
mauvaises prévisions à un poste budgétaire. C'est la
raison pour laquelle je voudrais le retarder autant que possible, mais cela ne
retardera certainement pas le paiement aux cultivateurs.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.
Manifestations syndicales
M. AUDET: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
la Justice. Le député des Iles-de-la-Madeleine n'a pas eu
l'avantage d'avoir une réponse, mais ma question est un peu
différente de la sienne. Donc, j'aurai peut-être l'avantage
d'avoir une réponse.
Après les émeutes que nous avons vues dernièrement
à Montréal, lors d'une manifestation illégale, votre
ministère a-t-il l'intention de reconnaître comme responsables, et
à leur faire porter la responsabilité des désordres
encourus lors de cette manifestation, les différents organismes ou
syndicats en cause et de leur en faire payer la note?
M. CHOQUETTE: M. le Président, le député
d'Abitibi-Ouest semble faire allusion à la Loi anti-casseurs il y
a une loi française qui s'appelle la Loi anti-casseurs qui sera
une des alternatives que nous examinerons à la lumière de la
situation actuelle parmi les mesures qui devront être adoptées
pour que la liberté s'exerce dans la légalité.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.
Mises à pied en Mauricie
M. DEMERS: Ma question s'adresserait au ministre du Travail, mais en son
absence je la pose au premier ministre. C'est au sujet de la mise à
pied, qui a été confirmée hier soir lors d'une
conférence de presse de la compagnie Gulf Oil à Shawinigan, de
550 employés. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire ou
s'informer si la négociation et les offres proposées par les gens
de la compagnie ont été faites avec la collaboration du
ministère du Travail, et s'il y a des moyens de compenser la perte que
nous subirons actuellement à Shawinigan et, si je remonte un peu plus
haut, à la ville de Trois-Rivières où 850 employés
de la Domtar seront mis à pied au début de l'an prochain?
M.BOURASSA: Pour la Domtar, je pense que le chiffre n'est pas encore
définitif. Des discussions se poursuivent. C'est au début
d'avril, ce n'est pas la semaine prochaine. Pour ce qui est de la Gulf Oil, je
vais transmettre la question au ministre du Travail qui, actuellement, consacre
toutes ses énergies au règlement du conflit de la Presse; c'est
la raison pour laquelle il a été absent de la Chambre cette
semaine.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
Bilan des centrales syndicales
M. BOIS: Ma question s'adresse à l'honorable ministre des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives. Est-ce que
l'honorable ministre pourrait me dire si la province exige le
dépôt d'un bilan des opérations des grandes centrales
ouvrières? Dans l'affirmative, est-ce que, dans ces bilans, on autorise
l'usage de fonds spéciaux permettant à quelques officiers
supérieurs de ces centrales de faire des investissements servant
à des démonstrations antidémocratiques?
M. TETLEY: Je crois que la réponse est non, parce que je crois
que personne n'a le droit de faire des actes antidémocratiques. Je vais
faire enquête. Vous avez un cas spécial à l'esprit, et avec
les détails que vous allez me fournir, j'espère pouvoir
répondre à votre question demain ou mardi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
Véhicules de l'armée canadienne
M. BURNS: Ma question s'adresse au ministre de la Justice et concerne
une apparente violation du code de la route par les autorités
fédérales. Depuis quelque temps, on se rend compte que, dans la
province, les véhicules de l'armée canadienne, y compris les
automobiles, se promènent avec des plaques du Canada et non pas avec des
plaques d'immatriculation du Québec. Ma question au ministre est de
savoir si son ministère a étudié la légalité
ou l'illégalité de cette attitude des autorités
fédérales, et, si oui, ce qu'il entend faire.
M. CHOQUETTE: Je prends avis de la question.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Shefford.
Relance de l'économie du Québec
M. RUSSELL: Ma question s'adresse au premier ministre. Vu le manque
d'intérêt ou de souci du gouvernement fédéral au
relancement économique du Québec, est-ce que le gouvernement du
Québec a l'intention de suivre l'exemple de l'Ontario et utiliser ses
propres politiques pour relancer l'économie du Québec, et si tels
sont ses désirs, quels sont-ils?
M. BOURASSA: On a déjà répondu. D'ailleurs, c'est
déjà fait. Nous avons appliqué une série de
politiques, et ce serait prolonger... Si on a eu l'occasion ou si on a
essayé de faire porter un débat sur cette question-là,
nous avons énuméré à de très nombreuses
reprises toutes les mesures qui ont été votées soit sur le
plan législatif et sur le plan administratif. La ques- tion du
député voudrait tout simplement nous inciter à
répéter soit ce que le ministre des Finances ou le ministre de
l'Industrie et du Commerce ou moi-même avons dit, et de
révéler que notre performance au Québec est cinq fois
supérieure à celle de l'ancien gouvernement.
UNE VOIX: II y a eu 105 faillites en septembre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la suite de la réponse du premier
ministre, je désirerais poser une question au ministre de l'Education.
On a parlé de mesures en vue de relancer l'économie et de faire
face au chômage d'hiver. Quelles sont les décisions qui ont
été prises par le ministère de l'Education avec le
gouvernement central en ce qui concerne les programmes "Perspectives-Jeunesse"
qui doivent être mis en application au cours de l'hiver?
M. SAINT-PIERRE: Des rencontres sont prévues avec les
autorités du gouvernement fédéral la semaine prochaine et
dans les dix prochains jours. Dès qu'on aura des nouvelles, il me fera
plaisir d'annoncer les grandes lignes de ceci.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait nous dire quel
est le montant approximatif que le gouvernement central doit mettre à la
disposition du gouvernement du Québec, et qui décidera dans les
circonstances?
M. SAINT-PIERRE: Je pense qu'il n'y a rien de décidé, M.
le Président, et sur les montants et sur les mécanismes qui
pourraient nous assurer qu'il n'y aura aucun dédoublement sur le plan
des fonctions et qu'il y aura effectivement, complémentarité,
comme je l'ai déjà déclaré.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, question additionnelle
au ministre. Est-ce que la politique qu'on appliquera en l'espèce sera
la même que celle qu'on a appliquée dans le domaine des
subventions aux organismes de loisir et qui a fait l'objet d'une question qui
n'a pas encore reçu de réponse?
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances m'a donné un
préavis qu'il entendait soulever une question de privilège.
Question de privilège Article du Soleil
M. GARNEAU: M. le Président, c'est uniquement pour corriger une
erreur qui s'est glissée dans un reportage du journal Le Soleil, sous la
signature de M. Jean-Claude Picard. Je rapporte le libellé du journal:
"Le ministre a précisé que le gouvernement fédéral
versera
environ $20 millions aux municipalités québécoises
en vertu de ce programme et, en sus de cette somme, $25 millions seront
versés à des groupes populaires qui soumettront des projets et
$62 millions seront consentis sous forme de prêts aux
municipalités." J'ai relevé le journal des Débats d'hier
pour voir si je n'avais pas commis une erreur dans mes explications. Je dois
dire que je n'ai pas retrouvé de tels propos. Je voudrais bien le
souligner parce que, déjà, des municipalités ont
commencé à téléphoner au ministère des
Affaires municipales pour demander si c'étaient là des
informations précises et elles voulaient avoir des prêts.
Je voudrais indiquer de nouveau ce que j'ai dit hier au cours du
débat. C'est que les $62 millions de la caisse d'aide conjoncturelle
sont à la disposition du gouvernement du Québec pour entreprendre
des travaux à travers la province. Ils ne seront pas utilisés
à titre de montants pour faire des prêts additionnels aux
municipalités. Je voulais que ce soit bien expliqué pour que les
municipalités ne soient pas induites en erreur. Je pense bien que
l'erreur s'est glissée de façon involontaire. Je voulais la
corriger.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: Article 5.
M. CARDINAL: Avant-hier, j'interrogeais le ministre de la Justice au
sujet de l'article 5 sur sa notion juridique du viol. Alors, je voudrais
revenir, avec la permission de la présidence, sur cette question.
Projet de loi no 83 Comité
plénier
M. HARDY (président du comité plénier): A
l'ordre!
L'honorable député de Bagot.
M. CARDINAL: Bon, c'est parce que je voulais permettre au ministre de
retrouver l'article 5 dans son projet de loi. L'article 5, dans le projet de
loi, réfère à une indemnité accordée
à un enfant ou à la mère d'un enfant qui serait né
à la suite d'un viol. J'ai souligné, à la dernière
séance de ce comité plénier, que le viol était dans
notre système juridique une notion criminelle. D'ailleurs, le projet de
loi no 83 porte comme titre: Indemnisation des victimes d'actes criminels.
Le ministre a semblé je l'ai peut-être mal saisi,
nous étions en fin de soirée soumettre que, même
s'il n'y avait pas de preuve criminelle qu'il y avait eu viol, il pourrait y
avoir, à la suite de certaines présomptions je ne sais pas
si elles seraient juris et de jure ou juris tantum possibilité
d'indemnité.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! M. CARDINAL: C'est parce
qu'ils ne savent pas de quoi nous parlons là. Merci, M. le
Président. Ceci m'a surpris beaucoup parce qu'évidemment, nous
aurions, à ce moment-là, deux notions de cet acte criminel.
L'une qui viendrait du droit criminel et qui exige une preuve
très circonstanciée et une autre qui viendrait d'une loi
provinciale et qui n'est pas indiquée dans l'article 5, à ce que
je sache, qui ne se réfère qu'au mot viol tout simplement. Le
ministre pourrait-il être plus explicite, à la suite de cette
question qui s'est posée mardi soir, si je ne me trompe, vers dix heures
moins cinq?
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai à soumettre à
la Chambre un amendement à l'article 5 tel que proposé, qui
permettra, je le pense, de clarifier la question de l'indemnité payable
à la mère d'un enfant né d'un viol ou à la personne
qui tient lieu de mère pour un enfant né d'un tel viol.
Je vous soumets donc l'amendement en question. L'article 5, dans la
forme que je propose que nous l'adoptions, se lirait comme suit: "II peut en
outre être accordé à la mère qui pourvoit
elle-même à l'entretien d'un enfant né par suite d'un viol,
pour l'entretien de cet enfant, une rente mensuelle égale à la
rente accordée suivant la Loi des accidents du travail à une
veuve ayant un enfant. Si la mère décède, la rente peut
être accordée à toute personne compétente qui s'est
constituée la mère adoptive de cet enfant et qui en prend soin,
à la satisfaction de la commission".
L'objet de l'amendement, ou du moins de la nouvelle rédaction de
l'article 5, est de clarifier la question du barème de
l'indemnité dans un tel cas.
M. CARDINAL: M. le Président, ma première remarque, c'est
que l'amendement proposé, me satisfait personnellement,
c'est-à-dire que je le préfère au texte actuel quant
à l'indemnité. Ce que le ministre vient de proposer pour
que ceci soit très clair au journal des Débats c'est que
le deuxième alinéa de l'article 5 du projet tel que
déposé soit remplacé par le texte qu'il vient de nous lire
et qui se rapporte à l'établissement du quantum de
l'indemnité dans le cas d'une mère ou d'un enfant.
Mais ceci ne répond pas à la question que j'ai
posée, puisque le premier paragraphe demeure ce qu'il est et le
deuxième paragraphe répète: "II peut en outre être
accordé à la mère qui pourvoit elle-même à
l'entretien d'un enfant né par suite d'un viol,...". Nous avons encore
le même mot et nous sommes encore devant la même question de
preuve. J'espère être assez clair.
M. CHOQUETTE: Vous pouvez toujours être plus clair.
M. CARDINAL: Oui. Justement, je poserai la question d'une façon
très brève: Faudra-t-il
une condamnation pour viol pour que cet article 5, deuxième
alinéa, s'applique?
M. CHOQUETTE: Non.
M. CARDINAL: Alors là, je ne comprends plus.
M. CHOQUETTE: Non, parce que le projet de loi dit que, s'il y a
condamnation pour un acte criminel, celle-ci constituera, aux yeux de la
Commission des accidents du travail, une preuve définitive de la
commission d'un tel crime. Ceci règle le cas où il y a eu des
procédures criminelles qui se sont terminées par une
condamnation.
Mais il peut y avoir des cas où il n'y aura pas de condamnation.
Il peut y avoir des crimes, par exemple, où l'on ne retrace pas celui
qui est l'auteur du viol. Mais, pourtant, il y a bel et bien eu viol. Alors
ceci n'empêchera pas la commission, dans ces circonstances ou dans
d'autres circonstances similaires, d'accorder une indemnité tout comme
si le crime avait été prouvé devant un tribunal
criminel.
M. CARDINAL: La réponse du ministre, cette fois-ci, est beaucoup
plus claire que celle de mardi passé.
M. CHOQUETTE: Je devais être fatigué.
M. CARDINAL: La question était peut-être plus claire. Si je
l'interprète, il veut dire que, par exemple, si une décision d'un
coroner établit qu'il y a eu viol, même si on ne peut jamais en
retracer l'auteur, la loi s'appliquera.
M. CHOQUETTE: Je regrette mais, évidemment, il faut prendre en
considération le fait que le député de Bagot est notaire
et non pas avocat. Il pense que les coroners font enquête sur les viols,
ce qui, je pense, aux yeux du député de Maskinongé, serait
une hérésie juridique.
M. CARDINAL: Pardon, M. le Président.
M. PAUL: Je vous en trouverai une hérésie juridique quand
mon collègue aura terminé.
M. CARDINAL: D'abord, je rappellerai au député d'Outremont
que...
M. CHOQUETTE: C'est le commissariat des incendies qui fait enquête
sur les viols!
M. CARDINAL: C'est comme lorsqu'on enregistrait les volumes d'affaires
culturelles au ministère de l'Agriculture. Je n'ai pas commis
d'hérésie juridique. Je parlais d'un cas de mort violente, par
exemple, d'une mère, enfin d'une personne qui aurait été
violée, etc. Je prenais cet exemple pour dire qu'il peut y en avoir
d'autres.
Il peut y avoir ce que j'appellerais une expertise médicale en
dehors de toute autopsie, quand il n'y a pas de décès, il
est évident qu'on ne peut pas autopsier une personne qui vit et qui a
été victime d'un viol qui établirait qu'il y eut
viol. Cette preuve sera admise. Est-ce que dans la loi je pense que ce
sont des articles qui viennent plus loin, 10 et suivants c'est
suffisamment clair pour que l'affirmation du ministre, affirmation que
j'accepte, ne soit pas sujette à une interprétation
délicate, par la suite, des tribunaux ou de la Commission des accidents
du travail?
M. PAUL: M. le Président, je regrette d'être dans
l'obligation de condamner temporairement le texte de l'amendement que nous
propose le ministre. Je dis bien, temporairement, ou du moins jusqu'à ce
que le ministre nous ait fourni la justification de l'emploi des termes qu'on y
retrouve, dans l'article 5, tel qu'il est mentionné à
l'amendement qu'on vient de nous distribuer.
On y lit, vers le milieu du paragraphe, les mots suivants: "Si la
mère décède, la rente peut être accordée
à toute personne compétente qui s'est constituée la
mère adoptive". Je dis que c'est une hérésie
légale, parce qu'en vertu du bill 12, seul un juge de la cour du
Bien-Etre social peut constituer une personne mère adoptive de l'enfant.
Et, par conséquent, quand le ministre nous invite à consacrer le
pouvoir que pourrait se donner une personne de se constituer mère
adoptive, c'est une invitation malheureuse et inacceptable parce qu'on ne peut
pas, par ces mots, mettre de côté un texte de loi et des
dispositions législatives bien précises et
déterminées qu'on retrouve dans la Loi de l'adoption.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons. Nous ne pouvons
tolérer une telle initiative de la part du ministre qui, d'un revers de
la main, met de côté une loi qui a été
adoptée par cette Chambre, après que la commission que
présidait mon honorable ami et collègue, député de
Montmagny, à la suite de plusieurs représentations pour trouver
une loi acceptable en matière d'adoption... je dis que nous ne pouvons
pas, dans un texte de loi, amender indirectement la Loi de l'adoption et dire
qu'une personne pourra maintenant, nonobstant tout le mécanisme
prévu au bill 12, se constituer mère adoptive d'un enfant.
Même la mère naturelle est obligée de se conformer
à certaines formalités dont, entre autres, l'enquête par
une agence sociale, un consentement de la part de la mère, une lettre de
recommandation du curé de la paroisse et d'autres formalités que
je n'ai pas l'intention de récapituler cet après-midi.
Dans les circonstances, nous nous inscrivons en faux contre le texte de
l'amendement proposé par le ministre.
M.. CHOQUETTE: Je dois dire que je partage l'avis du
député de Maskinongé. Le texte qui
était suggéré suivait la phraséologie d'un
article qui se rapproche de la situation décrite dans ce paragraphe, je
veux dire, la phraséologie d'un article de la Loi des accidents du
travail. Mais, comme lui, je trouve que l'allusion à une mère qui
se constitue mère adoptive d'un enfant semble assez équivoque en
droit.
Je suggère que le texte de la dernière phrase se lise
comme suit: "Si la mère décède, la rente peut être
accordée à toute personne compétente qui prend soin de cet
enfant, à la satisfaction de la commission".
M. PAUL: Oui, alors à ce moment-là vous n'y attachez pas
nécessairement le caractère ou l'acte légal de
l'adoption.
M. CHOQUETTE: Exactement.
M. PAUL: A ce compte-là, très bien.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Alors on retranche les mots "qui s'est
constituée la mère adoptive".
M. CHOQUETTE : Oui et on ajoute "prend soin de cet enfant à la
satisfaction de la commission".
M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, la réponse que le ministre de
la Justice a donnée au député de Bagot tantôt
relativement au cas précis de viol et qui pourrait
présumément s'appliquer également à tous les autres
cas de crime peut-être que le problème aurait pu être
discuté au niveau de l'article 3 quand le problème se posait
lui-même pose à mon avis un problème de preuve.
Alors, si j'ai bien compris ce que le ministre a dit tantôt, s'il
y a preuve devant les tribunaux réguliers d'un acte criminel commis,
exemple le viol en ce qui nous concernait, la preuve déposée
devant le tribunal compétent servirait à établir la
qualification en vertu de cette loi d'indemnisation. Mais, a-t-il dit, si on ne
retrouve pas le coupable ou si pour une raison ou pour une autre on n'a pas de
condamnation devant les tribunaux, il a dit qu'à ce moment-là il
reviendrait à la Commission des accidents du travail de
déterminer s'il s'agit bien d'un cas où la personne peut
être couverte par la loi.
Alors je me demande quelle genre de preuve la Commission des accidents
du travail devra utiliser. Est-ce que c'est la loi de la preuve devant les
tribunaux criminels, c'est-à-dire hors de tout doute raisonnable, ou
bien est-ce que ce sera la preuve ou la prépondérance de preuve?
Soit dit en passant, actuellement, sauf erreur, la Commission des accidents du
travail utilise un genre de preuve qui est même encore moins exigeant que
la preuve devant les tribunaux civils, c'est-à-dire celle de la
prépondérance de preuve.
J'ai eu connaissance de cas personnellement où la Commission des
accidents du travail utilise de simples présomptions, comme faisant foi
de l'existence d'un accident de travail. Evidemment, il faut le lire maintenant
dans l'optique de l'existence d'un crime. Le projet de loi, à ma
connaissance, ne dit pas quel genre de preuve devrait être utilisé
par la Commission des accidents du travail; si ce sont des tribunaux
réguliers on sait déjà quel genre de preuve ils vont
utiliser. C'est la question que je me pose à ce stade-ci. Est-ce que le
ministre peut me répondre?
M. CHOQUETTE: Je crois que la question du député de
Maisonneuve est très pertinente. J'attire son attention sur le
deuxième alinéa de l'article 13, qui se lit comme suit: "Toutes
les dispositions de la Loi des accidents du travail non incompatibles avec la
présente loi s'appliquent mutatis mutandis". Maintenant, je renvoie le
député à l'article 59, paragraphe 4, de la Loi des
accidents du travail, qui se lit comme suit: "La commission rend ses
décisions suivant l'équité, d'après le
mérite réel et la justice du cas, et elle n'est pas tenue de
suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile; elle
peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs,
s'enquérir des matières qui lui sont attribuées. Ses
décisions doivent être motivées."
C'est donc dire que la preuve exigée devant la Commission des
accidents du travail, même au cas où on ne trouverait pas un
criminel et que par conséquent on n'aurait pas pu lui faire un
procès criminel, sera nettement moins exigeante que la preuve requise
devant le tribunal criminel, où on sait que le fardeau de la preuve
incombe à la poursuite et l'accusé a le bénéfice du
doute. C'est la raison pour laquelle il peut se produire des situations
où, même après un acquittement au criminel, en vertu des
règles plus souples de la preuve applicables devant la Commission des
accidents du travail, on prouve néanmoins la commission d'un crime et
ça donne l'ouverture à une indemnité en faveur d'un
réclamant.
C'est donc dire que nous sommes larges dans la façon d'envisager
la preuve de la commission d'un crime, lorsqu'il s'agit de donner une
indemnité à un réclamant.
M. BURNS: Ce qui veut dire, d'après la réponse du
ministre, que l'article 60 de la Loi des accidents du travail s'appliquerait
probablement aussi, c'est-à-dire celui qui donne à la commission
le droit d'assigner des témoins pour les fins de la Loi des accidents du
travail. De par la réponse, c'était une autre des questions que
je me posais. Si, mutatis mutandis, l'article 60 doit s'appliquer à
cette loi-là, ils auraient aussi le droit, je présume, d'assigner
des témoins.
Je ne fais pas cela pour embêter le ministre. Ce sont des
questions que je me pose vis-à-vis de choses que je trouve
peut-être un peu incohérentes parce qu'on a affaire à deux
domaines de droit tout à fait différents: le droit criminel
et
le droit du travail ou un droit administratif qui est beaucoup moins
formaliste. Je me demande si, avec cela, on ne peut pas trouver une situation
où les droits de quelqu'un qui est accusé devant les tribunaux ne
pourraient pas être brimés, c'est-à-dire le fait qu'un
accusé ne soit pas contraignable en matière criminelle alors
qu'il pourrait l'être en vertu de l'article 60.
Je m'excuse. Vous allez voir exactement où j'en viens avec tout
cela. Au fond, je me dis que cela repose toute la question qui a
été discutée par le député de Bourget et
certains autres membres de cette Chambre au niveau de l'article 3. Je ne veux
pas faire d'accroc à la procédure, je n'étais pas
là à ce moment-là pour en discuter, mais l'article 3,
quand il parle de commission d'acte ou d'infraction criminelle, au fond, c'est
lui qui crée cette ambiguïté. On s'en rend compte
immédiatement à ce moment-ci.
Est-ce que le ministre ne voit pas de contradiction dans ces diverses
approches? Si on dit, d'une part, qu'il s'agit d'un tribunal administratif,
qu'il jugera selon les règles de l'équité et de la bonne
conscience de la commission d'un acte criminel; si on voit également les
possibilités corollaires d'assigner devant ce tribunal quelqu'un qui
n'est peut-être pas encore mis en accusation devant les tribunaux mais
qui pourrait peut-être éventuellement l'être, est-ce qu'on
ne déroge pas au droit de tout individu éventuellement de ne pas
témoigner dans sa propre cause?
M. CHOQUETTE: Si on veut mettre le débat à ce
niveau-là, même dans l'état actuel des choses, si un crime
se commet et que la victime intente une action civile, en tenant pour acquis
que la cause civile soit appelée la première, avant la cause
criminelle, évidemment, je pense bien que l'accusé serait un
témoin contraignable parce qu'on serait dans un débat civil.
Maintenant, il va de soi que l'accusé a comme moyen de ne pas
s'incriminer et de demander la protection de la cour. C'est une règle
habituellement observée.
M. PAUL: II y a une autre règle. M. CHOQUETTE: Laquelle?
M. PAUL: Le criminel ne tient pas le civil en état.
M. BURNS: C'est cela.
M. PAUL: L'inverse. Le criminel ne tient pas le civil en
état.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. BERTRAND: Le civil peut être entendu...
M. CHOQUETTE: C'est cela.
M. BERTRAND: ... indépendamment du criminel.
M. CHOQUETTE: Oui. Donc, je trouve que l'objection que fait le
député de Maisonneuve n'est pas très forte. Je ne vois pas
en quoi le fait que les règles soient applicables au civil et au
criminel ou dans le droit administratif par rapport au droit criminel est un
obstacle, en somme, à ce que les deux formes de litiges procèdent
chacune de leur côté.
J'ajouterai ceci. Il va de soi que lorsqu'une accusation est
portée au criminel contre un individu à la suite d'un crime, si
une réclamation devait être faite à la Commission des
accidents du travail par une victime, en vertu du projet soumis, la commission
a le droit de remettre son adjudication jusqu'à ce qu'il y ait jugement
final au criminel. S'il y a une adjudication, par exemple, de
culpabilité au criminel, cela vient automatiquement de régler le
problème de la preuve devant la Commission des accidents du travail.
Nous proposons également un amendement qui sera l'article
14 et s'insérera après l'article 13 du projet qui
permettrait à la commission de faire des versements en anticipation
d'une décision à être rendue lorsqu'elle a toutes les
indications, de prime abord, qu'il y a eu commission d'un crime au sens de la
loi 83.
Ce sont donc des paiements qui seraient faits en attendant qu'une
décision définitive ait été rendue. Alors, je ne
sais pas si j'ai répondu à la question du député
sur un point.
Il soulève la question de l'article 3 également, il
revient à l'article 3.
M. BURNS: Je m'en excuse, je ne voulais pas passer à
côté des règles.
M. CHOQUETTE: Non, non.
M. BURNS: C'est un problème et c'est le problème central,
en fait. Je ne sais pas si le comité avait été d'accord
pour étendre les règles de la discussion, mais je pense que le
problème qu'a soulevé le député de Bagot
relativement au problème de preuve en matière de viol, au fond,
soulève le problème de la preuve et le ministre m'a
répondu quant aux divers points de vue sur la preuve. Je l'en
remercie.
Maintenant, si je fais le résumé de ce qu'il vient de me
dire, c'est-à-dire qu'il y a possibilité que la preuve
utilisée soit la preuve devant les tribunaux s'il y a condamnation, que
ce soit, d'autre part, une preuve qui est faite devant la Commission des
accidents du travail, j'en conviens. Je pose la dernière question, pour
fermer la boucle. Est-ce que, dans l'éventualité où un
accusé devant les tribunaux réguliers serait acquitté, le
texte de loi, selon lui, permet à la Commission des accidents du travail
quand même d'accorder une indemnisation à une victime?
M. CHOQUETTE: La réponse est catégoriquement
affirmative.
M. BURNS: Bon alors, je suis entièrement d'accord sur ça.
C'était d'ailleurs l'intention et du député de Bourget et
de moi-même, quand nous avons soulevé ce
problème-là, et c'est ça qui malheureusement
m'amène à discuter je fais attention, M. le
Président, pour respecter les règles de l'article 3. A
l'article 3, on ajoute une notion qui, comme l'a dit d'ailleurs le ministre de
la Justice, et je suis entièrement d'accord avec lui, est tout à
fait conforme à la recommandation de la commission sur l'uniformisation
des législations mais qui, d'autre part je ne sais pas si le
ministre l'a remarqué n'est pas du tout conforme à trois
autres lois qui existent actuellement au Canada, sur cette matière
là. Je réfère le ministre en particulier à
l'article 8 de la même loi en Saskatchewan, à l'article 6 de la
même loi au Manitoba et à l'article 7 de la même loi en
Alberta, où vous n'avez pas cette référence à la
commission d'un acte, c'est-à-dire que c'est un acte criminel qui... je
peux M. le Président est très indulgent à mon
égard référer entre autres, les trois textes
étant identiques ou à peu près, à l'article 7 de la
loi de l'Alberta qui se lit comme suit: "Where a person is injured or killed
and the injury or death a) is in direct result of an act or omission of another
person that occurred in Alberta and is within the description of any of the
criminal offenses set out in the schedule."
Vous voyez que le critère, au fond, c'est une personne
blessée ou tuée mais à la suite, non pas d'un crime comme
tel, de la commission d'un crime, mais à la suite d'un acte que l'on
retrouve dans l'annexe. C'est un peu le sens qu'a voulu donner à ce
problème le député de Bourget quand il en a
discuté.
C'est-à-dire nous voulions que, justement, ce que le ministre de
la Justice dit qui se fera en pratique soit aussi confirmé par le texte
de loi. C'est aussi pour éviter toute ambiguité future lorsqu'un
des cas extrêmes se présentera, c'est-à-dire quelqu'un est
blessé ou tué à la suite d'un acte criminel,
l'accusé est amené devant les tribunaux réguliers mais
acquitté. Alors, la Commission des accidents du travail sera
peut-être en droit de se poser... même si, au sens de la loi, il y
a commission d'un acte ou comme le dit l'article 3: "...se produisant à
l'occasion ou résultant directement de la perpétration d'une
infraction."
M. BLANK: C'est-à-dire que vous voulez changer le mot
"infraction" pour le mot "acte".
M. CHOQUETTE: Voici...
M. BURNS: Selon nous, si nous nous arrêtons à ce
point-là, ce qui respecterait totalement ce que le ministre de la
Justice vient de nous dire, et encore une fois, je suis entièrement
d'accord avec lui que ce soit appliqué comme ça dans les faits,
ce serait d'enlever, à l'article 3a), les mots "et se produisant
à l'occasion ou résultant directement de la perpétration
d'une infraction."
Ce qui ferait que le texte se lirait comme suit: "En raison d'un acte ou
d'une omission d'une autre personne dont la description correspond aux actes
criminels énoncés à l'annexe de la présente loi".
Ce qui remet tout en question le problème de l'actus reus et du mens
rea. Je soumets ces remarques au ministre. J'ai comparé ce texte
à une des lois qui est en vigueur actuellement: celle de 1'Alberta. Le
ministre verra que c'est la même loi qu'on retrouve dans celle de la
Saskatchewan à l'article 8, et également la même loi que
l'on retrouve dans celle du Manitoba à l'article 6. Je cite l'article 6,
paragraphe 1: "Where a person is injured or killed and the injury or death (a)
was caused by any act or omission of another person that occured in Manitoba
and is within the description of any of the criminal offenses set out in this
schedule".
Evidemment, on s'y est penché et, encore une fois, je suis
d'accord avec la réponse que le ministre nous a donnée l'autre
jour à savoir que son texte ou le texte qu'il propose est tout à
fait conforme à la suggestion de la commission pour l'uniformisation de
la législation au Canada sauf qu'elle n'est pas conforme à la
législation qui existe.
Je fais ces remarques à tout hasard parce que la discussion de ce
bill-là n'est pas terminée. Peut-être que le ministre de la
Justice voudra bien se pencher sur ce problème qui a déjà
été discuté au niveau de l'article 3. A mon humble avis,
si je tiens compte de l'existence de ce texte que je viens de signaler,
à l'article 3 dans notre projet de loi, si je tiens également
compte de la façon dont le ministre de la Justice interprète la
mise en application de ce projet de loi, je pense qu'il serait infiniment
préférable qu'on revienne à une forme de texte semblable
à celui du Manitoba, de la Saskatchewan ou de l'Alberta.
M. CHOQUETTE: J'ai écouté les remarques du
député de Maisonneuve qui font suite au plaidoyer du
député de Bourget il y a quelques jours sur le même article
3 a). Je comprends le point de vue qu'ils expriment et je ne peux pas partager
leur pensée.
Je pense que le projet des commissaires à l'uniformisation des
lois est plus adéquat que le texte des lois de l'Alberta et de la
Saskatchewan que nous a lu le député de Maisonneuve.
Je crois que le texte suggéré par les commissaires tient
compte plus adéquatement du fait qu'il ne s'agit pas d'indemniser
quelqu'un pour un acte qui est commis sans intention criminelle, pour certains
actes qui ne comportent pas de mens rea ou pour lesquels il n'y a pas de mens
rea de la part de la personne qui les commet. Cette personne ne serait pas
susceptible d'être indemnisée, en vertu de notre texte de loi. Je
vais essayer de donner un exemple. Donnons l'exemple de l'article 244: voies de
fait avec une automobile. Je suis à la conduite
de mon automobile. Je rencontre le député de Maisonneuve
qui traverse la rue. Je regarde de côté et, par négligence,
je frappe le député de Maisonneuve. Par conséquent, il va
de soi que cet acte ne saurait tomber sous le coup du bill 83 parce que je
n'avais aucune intention de commettre des voies de fait à l'égard
du député de Maisonneuve avec l'utilisation de ma voiture. C'est
donc que, même en appliquant le texte du bill 83, l'ingrédient du
mens rea doit quand même être retenu, parce qu'il y a une foule
d'actes que l'on peut commettre sans intention criminelle qui ont toutes les
apparences de la criminalité.
Par exemple, j'ai fait allusion à la situation où j'aurais
heurté le député de Maisonneuve avec ma voiture. Il va de
soi que, si j'avais l'intention de descendre le député de
Maisonneuve et que l'on pouvait démontrer la mens rea, je me serais
rendu coupable d'un acte criminel. Mais si c'est simplement par
négligence, parce que je regarde ailleurs ou parce que j'ai trop bu, ou
d'autres fautes de cet ordre-là, à ce moment-là, il manque
cet ingrédient nécessaire qui caractérise l'acte pour
lequel nous allons payer une indemnité en vertu du texte de loi.
Même si je reconnais que la suggestion du député de
Maisonneuve comporte un certain mérite, je pense qu'elle est moins bonne
que la suggestion que nous faisons et qui est conforme au projet des
commissaires, parce que notre article tient, quand même, compte de cette
nécessité de l'ingrédient de la mens rea dans la
commission d'un acte pour lequel nous allons indemniser la victime.
M. BURNS: S'il est nécessaire qu'il y ait mens rea, je me demande
comment, dans un cas précis où quelqu'un est mis en accusation
devant les tribunaux de juridiction pénale et est acquitté,
même dans le cas de doute raisonnable à savoir s'il y a mens rea,
il serait possible, alors, d'arriver à une situation telle que le
ministre nous a mentionnée tantôt où un acquittement se
ferait devant les tribunaux criminels, à la suite duquel il y aurait
réclamation ou indemnisation consentie par la Commission des accidents
du travail. Je veux dire que cela semble incompatible, si vous dites qu'il faut
qu'il y ait mens rea si, au fond...
M. CHOQUETTE: Cela ne l'est pas parce que, n'oubliez pas qu'il n'y a pas
chose jugée entre l'instance criminelle et l'instance civile. Ceci est
un grand principe de droit. Je peux être acquitté devant le
tribunal criminel de l'acte dont je parlais tout à l'heure, de voies de
fait à l'égard du député de Maisonneuve, mais le
député de Maisonneuve peut obtenir ma condamnation devant le
tribunal civil. Il n'y a pas de res judicata entre les deux.
Par conséquent, même s'il y a un acquittement au criminel,
cela ne vous empêche pas de prouver devant la Commission des accidents du
travail que les circonstances indiquent, en général, que j'avais
une intention criminelle à votre égard et que, par
conséquent, vous avez droit à une indemnité.
M. BERTRAND: M. le Président, la discussion est très
intéressante. Il me semble que le titre de votre loi indique sa
portée: Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
M. BURNS: C'est ça.
M. BERTRAND: Et non seulement cela, mais vous indiquez, en annexe, quels
sont ces actes, vous les précisez.
M. BURNS: II y a même les articles.
M. BERTRAND: Alors, à moins que ce ne soit "Loi de
l'indemnisation des victimes"...
M. BURNS: II y a même les articles du code criminel auxquels on
réfère dans le projet de loi.
M. BERTRAND: C'est cela, les articles du code criminel. Or, à ce
moment-là, je mets en doute l'opinion que vous avez exprimée.
J'aimerais connaître l'opinion de vos légistes, de ceux qui ont
préparé la loi, d'une part, et, deuxièmement, surtout
comment on l'applique, par exemple, en Alberta. Le ministre nous a
donné, je pense, des statistiques. Quelles sont les règles que
l'on suit? Est-ce que l'on se base sur une demande par écrit, qui
indique qu'il y a eu procès criminel, qu'il y a eu condamnation et que
moi, je suis une victime de l'acte criminel pour lequel une ou des personnes
ont été condamnées? Comment est-ce que cela fonctionne en
prenant l'exemple de l'Alberta? Comment applique-t-on la définition qui
est donnée dans la loi de l'Alberta, à son chapitre 23, 1969,
article 7, que citait tantôt le député de Maisonneuve?
Ce n'est pas aussi clair, je pense, que le ministre veut tenter de nous
le laisser croire. Comment l'applique-t-on en Alberta?
M. CHOQUETTE: D'après ce qu'on me dit, la commission, à
cet endroit-là, a des formules. Si, par exemple, quelqu'un a une
réclamation à faire, il dit: Le 3 novembre 1971, à telle
heure, sur la Grande-Allée, près du Parlement, j'ai
été victime d'un assaut par un inconnu. Je marchais sur le
trottoir et quelqu'un s'est précipité, m'a donné un coup
et s'est enfui. Je ne sais pas qui.
Immédiatement, j'ai fait appeler la police sur les lieux, des
témoins se sont présentés. Il y a des déclarations
de témoins à l'effet qu'ils ont constaté qu'il
était vrai que ce jour-là, cet homme avait été
victime d'un assaut. C'est donc, comment dirais-je, du droit criminel mais sans
le raffinement qui est exigé dans la qualité de la preuve pour
obtenir une condamnation criminelle. Evidemment, dans le cas que je cite, il
n'y a pas d'accusé parce qu'il a fui.
Mais j'ajouterai ceci, pour le bénéfice du
député de Missisquoi et du député de Maisonneuve.
Il se peut qu'il arrive très souvent, devant les tribunaux criminels,
qu'il y ait des acquittements sur des questions techniques. Disons, par
exemple, que la poursuite a oublié de prouver un des
éléments essentiels. On pourrait prendre, par exemple, n'importe
quelle cause où il y a différents éléments à
prouver pour établir le crime, mais disons une cause où la
corroboration serait exigée.
M. BERTRAND: De l'ordre de connaissance charnelle.
M. CHOQUETTE: Je pense que, dans le cas de viol, la corroboration est
exigée.
M. BERTRAND: II faut la connaissance charnelle. "Carnal knowledge".
M. CHOQUETTE: C'est cela. Là, la corroboration est
nécessaire. Supposons qu'il manque cet élément de preuve
ou que la couronne fait défaut de le prouver, cela ne veut pas dire
qu'il n'y a pas eu la connaissance charnelle, disons, d'une mineure ou un viol.
Alors là, les règles de la preuve seraient moins exigeantes. Mais
il faut quand même que cela reste dans l'univers, dans le contexte de la
criminalité pour que le bill 83 entre en application.
C'est la raison pour laquelle le député de Missisquoi nous
ramenait aux affaires essentielles lorsqu'il disait: Il faut quand même
se rappeler le titre de la loi. Ce n'est pas la loi d'indemnisation de tous
actes qui ont une apparence ou qui sont matériellement conformes
à un acte criminel, c'est une Loi d'indemnisation pour des actes
criminels.
M. BERTRAND: D'actes criminels. M. BLANK: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Je crois comprendre que l'amendement à l'article
5, proposé par l'honorable ministre de la Justice, est
adopté.
M. BERTRAND: M. le Président, j'ajoute que je ne veux pas que mes
remarques laissent entendre que je ne serais pas favorable à une
interprétation très large. Je conviens qu'il peut y avoir des
actes criminels... J'en ai plaidé, dans ma pratique, où j'ai
défendu quelqu'un qui pouvait être accusé de connaissance
charnelle et qui a été acquitté. Dieu en soit loué,
il a été acquitté parce qu'il y avait un manque de
corroboration. Il y a même une cause qui est allée jusqu'en cour
Suprême du Canada, cause que j'avais perdue devant le tribunal de chez
nous, que j'avais perdue en appel, trois à deux, et que j'ai
gagnée en cour Suprême, cinq à zéro. C'est pour cela
que je suis mieux de reprendre ma pratique légale!
M. BIENVENUE: C'était un deux dans trois!
M. BERTRAND: II peut y avoir des cas comme ceux-là, des cas
frontières. A ce moment-là, par contre, il faudra que les
commissaires, à la Commission des accidents du travail, soient
extrêmement prudents dans l'examen et l'application d'une telle
réclamation, parce que l'individu aurait été
acquitté, comme le disait tantôt le député de
Maisonneuve. Cela peut être le bénéfice du doute, cela peut
être un manque de preuve, c'est-à-dire dans le cas, en
espèce, de corroboration. Il faudra que les commissaires soient
extrêmement prudents quand ils verront à établir les
éléments de cet acte criminel, parce qu'il faudra faire une
description et établir autant que possible les éléments de
description de l'acte criminel avant d'adjuger sur la réclamation.
Quant à moi, je suis favorable à l'interprétation
la plus large possible parce que je reconnais qu'il y aura certainement des
actes où des individus auraient été acquittés pour
toutes sortes de raisons. Par contre, il y aura eu des victimes d'un acte
criminel, lequel acte criminel n'aura pu être imputé à une
personne, c'est-à-dire à un criminel.
M. BURNS: En terminant, je veux également dire que je suis pour
une interprétation des plus larges de ce texte-là, mais
peut-être pourrions-nous dire pour la postérité que
l'intention du législateur si le ministre la représente
par ses remarques est justement...
M. CHOQUETTE: Pas légalement.
M. BURNS: ... que même si un acte criminel n'est pas prouvable au
sens de la loi de la preuve en matière criminelle, cela n'empêche
pas quelqu'un de bénéficier des dispositions de cette loi,
à la rigueur.
M. CHOQUETTE: C'est sûr. Ce que dit le député de
Maisonneuve est l'absolue vérité. Ce projet de loi a
été préparé en collaboration avec le
président et les membres de la Commission des accidents du travail qui
comprennent que c'est dans ce sens qu'ils doivent l'interpréter.
M. LE PRESIDENT: L'amendement de l'honorable ministre est adopté.
L'article 5 est adopté tel qu'amendé.
Article 6. Adopté.
Article 7.
M. BURNS: A l'article 7, c'est peut-être un simple détail
technique que je veux soulever, mais il est normal qu'à ce stade-ci, en
comité plénier, on le soulève. Si on lit le texte, du
moins le premier paragraphe, on voit: "A compter du jour où la victime
ou ses dépendants" et je m'arrête à cette expression
qui
sera le sujet de cette intervention "avisent la commission de
leur intention de réclamer" là, il y a l'aspect
réclamation qui s'insère dans le texte "le
bénéfice des avantages de la présente loi, la commission
est de plein droit subrogée aux droits de la victime ou de ses
dépendants..."
Personnellement je trouve et encore une fois j'insiste sur le
fait que c'est peut-être uniquement un détail technique
anormal que dans une situation donnée où par exemple, vous avez
six dépendants d'une victime et une réclamation, la
réclamation des cinq autres qui n'ont pas réclamé soit
remise par subrogation automatique de plein droit, comme dit le texte
entre les mains de la commission.
Je proposerais qu'on amende ce texte aux cinquième et
sixième lignes, ainsi qu'aux septième et huitième lignes,
en remplaçant les mots "de la victime ou de ses dépendants" par
les mots "du réclamant", et en remplaçant également les
mots "à la victime ou à ses dépendants" par les mots "au
réclamant" aux quinzième et seizième lignes, pour les
raisons que je mentionne. Evidemment, si quelqu'un accepte de se pourvoir des
dispositions de cette loi, il est partiellement du moins quant à
la partie qui est subrogée entre les mains de la Commission des
accidents du travail empêché de réclamer devant les
tribunaux réguliers. Il ne peut réclamer, comme on le fait en
vertu de la Loi des accidents du travail, que l'excédent.
Je suggérerais cet amendement, aux cinquième et
sixième lignes, aux septième et huitième lignes ainsi
qu'aux quinzième et seizième lignes, où on remplacerait
les mots "de la victime ou de ses dépendants" par les mots "du
réclamant".
M. CHOQUETTE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: L'amendement de l'honorable député de
Maisonneuve est adopté? Adopté. L'article 7 est adopté tel
qu'amendé? Adopté.
Article 8. Adopté.
Article 9.
M. BURNS: A l'article 9, on se rend compte qu'il y a non pas une
prescription, mais une déchéance de la réclamation
sans entrer dans les détails techniques que cela comporte cette
déchéance étant fixée à six mois. Je me
demande s'il ne serait pas opportun de fixer cette déchéance
à un an pour la rendre tout à fait conforme à la
prescription en matière de blessures corporelles, en vertu du code
civil.
Surtout que, sauf erreur, le rapport des commissaires pour
l'uniformisation des lois suggère un an et que les trois lois auxquelles
j'ai fait référence tantôt à ma connaissance, ont un
droit de déchéance au bout d'un an.
Cela, particulièrement dans le cadre de notre droit civil, aurait
pour avantage de mettre ce droit de déchéance en
conformité aux disposi- tions du code civil relatives aux
réclamations à la suite de blessures corporelles.
Alors j'en fais la proposition. Si on veut être plus formaliste,
je propose qu'à l'article 9, à la 5e ligne, on remplace les mots
"les six mois qui suivront", par les mots "dans l'année qui suit", ainsi
qu'à la 8e ligne, on remplace les mots "de six mois" par les mots "d'un
an".
M. CHOQUETTE: Malheureusement, je ne peux pas accepter cette
proposition, M. le Président, parce qu'il faut quand même donner
un certain délai à la Commission des accidents du travail pour se
retourner et exercer des recours possibles contre l'auteur du délit
lorsqu'elle est subrogée aux droits des dépendants, des victimes
ou des réclamants.
C'est la raison pour laquelle il faut d'abord avoir un délai
initial de six mois pour permettre aux réclamants de présenter
leur recours à la commission et alors si la commission accepte, elle
peut, dans les six mois suivants, exercer un recours contre l'auteur du
délit, pour percevoir en vertu de la subrogation. Maintenant, le
député pourra constater que nous étions quand même
sensibles au problème, parce que nous avons dit que la commission peut
prolonger ce délai selon qu'elle le juge légitime.
C'est-à-dire que le délai de six mois évidemment
s'appliquera, mais la commission ne serait pas empêchée d'en
prendre un au bout de neuf mois, parce qu'il peut arriver des circonstances
où le réclamant n'a pas pu présenter sa réclamation
en temps utile.
Mais il faut quand même protéger le recours en vertu de la
subrogation de la commission. La commission est astreinte aux mêmes
délais de prescription à l'égard de ces recours qu'ont les
tiers, l'auteur des dommages, que la victime elle-même et on ne peut pas
échapper à ça.
M. BURNS: Sauf que je faisais cette suggestion, M. le Président,
en ayant à l'esprit que si notre code civil en matière de
blessures corporelles a pensé que ça prenait du temps dans bien
des cas. Ceux qui ont pratiqué en matière de
responsabilité, en matière de blessures, savent très bien
que, même le délai du code civil d'un an, est très souvent
insuffisant pour connaître justement l'extension des dommages, même
pour connaître le dommage dans certains cas. Quelqu'un pourrait au cours
d'une rixe, au cours d'une bataille recevoir des coups...
M. CHOQUETTE: D'une émeute.
M. BURNS: D'une émeute, M. le Président, recevoir un
coup...
M. CHOQUETTE: D'une émeute.
M. BURNS: Qu'est-ce qu'il y a, M. le Président?
M. CHOQUETTE: Peut-être pas, enfin certaines émeutes.
M. BURNS: Prenons tous ces actes criminels-là. Evidemment,
quelqu'un peut recevoir une blessure corporelle et pas véritablement
connaître l'extension du dommage et même pas savoir l'existence du
dommage dans certains cas.
Je me demande pourquoi on ne le met pas conforme...
M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneuve a de
l'expérience en matière de blessures corporelles, je suis
sûr qu'il a plaidé de nombreuses causes dans ce domaine-là.
Il sait très bien que même quand il y a des dommages importants
subis par des personnes, il est fréquemment impossible de
déterminer dans le délai de la prescription d'un an, le quantum
exact des dommages.
M. BURNS: Raison de plus dans six mois.
M. CHOQUETTE: Je suis d'accord avec le député, mais ceci
n'empêche pas qu'on prenne son action dans l'année et que le
quantum des dommages soit déterminé un an et demi ou deux ans
après. De la même manière ici, on ne demande pas à
la victime de connaître la valeur totale de sa réclamation dans
les six mois qui est le délai de la prescription, mais simplement de
dire à la commission: J'ai été blessé et je veux
réclamer. La Commission des accidents du travail est habituée
à des cas comme ça, elle traite tous les jours des
accidentés du travail dont on détermine en fait
l'incapacité définitive seulement cinq ans après, parce
qu'on a subi des dommages et on subi de nombreuses opérations, absences
au travail, etc.
Eh bien, il arrive très fréquemment que la valeur de la
réclamation ne puisse être déterminée en
définitive que bien longtemps après l'expiration du délai
de six mois. Par conséquent, le délai est simplement là
pour aviser la commission que quelqu'un désire se prévaloir des
dispositions de la loi.
M. BURNS: Je veux tout simplement, sans allonger le débat
là-dessus, dire tout haut ce que je pense tout bas. Ayant relu les
divers arguments du ministre de la Justice au cours de la séance du
mardi, je me suis rendu compte qu'une des raisons de l'existence, ou du fait de
confier ce recours-là à la Commission des accidents du travail
est une raison d'économie.
Je craindrais c'est ce que je dis tout haut en le pensant tout
bas que la Commission des accidents du travail applique à la
lettre ces six mois justement pour des raisons d'économie.
J'espère que ce ne sera pas cela. C'était l'une des raisons pour
lesquelles je demandais l'extension de ce droit.
M. CHOQUETTE: Non, non.
M. BURNS: Même si la commission a le droit, lorsqu'elle l'estime
légitime, d'étendre ce délai, ce ne serait sûrement
pas souhaitable que la commission applique à la lettre ce délai
de six mois.
M. CHOQUETTE: Je transmettrai vos voeux au président, M.
Bellemare.
M. BERTRAND: Je n'ai pas les mêmes craintes, tant que le
président actuel sera président de la Commission des accidents du
travail.
M. BURNS: Ce n'est pas une critique à l'égard du
président, que je trouve très compétent.
M. BERTRAND: La commission peut prolonger le délai d'un mois ou
deux.
M. CHOQUETTE: Même elle peut le prolonger de plus de six mois.
M. BERTRAND: D'un an.
M. CHOQUETTE: Elle peut dépasser le délai de
prescription?
M. BERTRAND: Oui.
M. CHOQUETTE: II peut y avoir des cas où il n'est nullement
question de recours éventuel. La commission peut dire: On accueillera le
recours après les délais.
M. BURNS: D'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Louis.
M. BLANK: Moi, je suis d'accord avec le député de
Maisonneuve. Je comprends son argument, et je pense que six mois ce n'est pas
assez. Depuis que je suis avocat cela fait 21 ans je trouve
très curieux que notre code civil ait une prescription d'un an pour des
blessures corporelles et de deux ans pour des dommages à la
propriété. Je crois que c'est seulement pour satisfaire les
compagnies d'assurance qui veulent régler le problème des
montants en réserve pour des dommages corporels.
Immédiatement après l'article 9, l'article 10 dit que la
prescription est interrompue par l'application des bénéfices de
cette loi. Je diffère un peu d'opinion avec le légiste. Je pense
que l'interruption d'une prescription veut dire qu'une prescription commence
à courir encore durant l'année. Il dit non mais on peut mettre
très clairement ici qu'une prescription commence du moment que
l'application est faite. Cela va protéger la commission et donner du
temps pour poursuivre sur la question de subrogation.
Si le citoyen fait une demande le dernier jour de l'année, cela
veut dire que la prescription va commencer un an encore après cela.
M. LAURIN: Je suis sûr que cette intervention fera
réfléchir le ministre quelques minutes de plus. Elle pourrait
peut-être l'amener à rescinder la réponse négative
qu'il a faite à la suggestion du député de
Maisonneuve.
M. CHOQUETTE: L'intervention du député de Saint-Louis? Le
député de Saint-Louis veut abolir complètement la
prescription !
M. BURNS: L'allonger, en tout cas.
M. CHOQUETTE: Pardon?
M. BURNS: Je suis bien d'accord avec lui.
M. CHOQUETTE: II est très "prentice minded", comme on dit.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Est-ce que la commission devra encourir les frais de
l'établissement de la preuve de criminalité?
M. CHOQUETTE: Oui, je pense qu'en général l'enquête
de la commission sera concluante, mais il peut y avoir des cas où il
faudra que le réclamant se fasse représenter et qu'il y ait un
véritable procès pour établir la preuve d'un acte criminel
et le droit à la réclamation. Il peut y avoir des cas
douteux.
M. AUDET: La victime de l'acte criminel devra faire la preuve et en
encourir elle-même les frais?
M. CHOQUETTE: C'est possible, dans certains cas. Mais on aura
l'assistance judiciaire, dans peu de temps.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que je dois comprendre que la majorité
des membres du comité rejettent l'amendement du député de
Maisonneuve?
M. CHOQUETTE: Me Dufour me signale que la commission peut attribuer des
frais dans un cas comme celui-là pour payer la partie des frais
juridiques encourus.
M. AUDET: Est-ce prévu dans le texte de loi?
M. CHOQUETTE: Oui, c'est dans le texte de la Loi des accidents du
travail, qui s'applique.
M. LE PRESIDENT: Le comité est-il prêt à se
prononcer sur l'amendement du député de Maisonneuve?
Cet amendement est rejeté sur division et l'article 9 est
adopté. Article 10, adopté. Article 11, adopté. Article
12, adopté. Article 13, adopté. Article 14. Il y a, si je
comprends bien...
M. BERTRAND: II y a un amendement.
M. LE PRESIDENT: ...un amendement, un nouvel article qui remplace
l'article 14.
M. CHOQUETTE: Oui, évidemment, je crois que cet amendement se
passe de beaucoup de commentaires de ma part. C'est simplement une disposition
qui permettra à la commission de faire des avances rapidement au cas
où la victime en aurait besoin et avant qu'une décision
définitive ne soit prise par la commission sur le droit à
l'indemnité.
M. LE PRESIDENT: Alors, le nouvel article 14 est adopté?
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, sur quelles bases cela
va-t-il se faire? On dit: La personne qui en fait la demande pour son entretien
et ses frais médicaux. Le terme "entretien" est assez vague. Va-t-on se
baser sur les avances consenties ordinairement par le ministère des
Affaires sociales en pareil cas pour les besoins ordinaires d'une famille?
Est-ce qu'il y a un barème quelconque?
On dit à la fin: Si la commission en vient à la conclusion
que la demande ne doit pas être accordée, les sommes payées
en vertu du présent article ne sont pas recouvrables. Alors, c'est ni
plus ni moins qu'une allocation sociale, à ce moment-là;
ça devient une allocation d'aide sociale. Les barèmes dont on va
se servir seront-ils ceux du ministère des Affaires sociales dans un cas
comme ça?
M.,CHOQUETTE: Nous avons suivi textuellement un article identique qui se
trouve dans la Loi des accidents du travail déjà, mais nous avons
tenu à le réintroduire dans ce texte de loi pour qu'il soit bien
clair que la commission peut donner des allocations d'avance, tel que
prévu. Je présume que la Commission des accidents du travail
emploiera les barèmes habituels qu'elle a dans ce domaine-là,
parce qu'elle fait des versements à des victimes d'accidents du travail
même avant d'avoir établi le bien-fondé de la
réclamation.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, il est stipulé
dans la loi 26, la Loi de l'aide sociale, qu'un réclamant qui veut
bénéficier de la Loi de l'aide sociale, doit d'abord utiliser
tous les mécanismes des autres lois. Si je comprends bien le sens de la
loi proposée, c'est qu'il y a les victimes du crime. Alors, elles ont la
possibilité, soit d'utiliser les bénéfices de cette loi ou
soit de se pourvoir en recours devant les tribunaux. Elles ont une option
à exercer.
C'est pour ça que j'ai posé la question au ministre des
Affaires sociales l'autre jour. Je voulais savoir s'il y avait eu communication
entre les deux ministères, parce qu'à certains moments je crois
que le réclamant pourra se prévaloir des dispositions de la Loi
de l'aide
sociale, la loi 26, et des lois de la sécurité sociale qui
sont plus généreuses. Là, je ne voudrais pas trop
m'avancer. Je dis plus généreuses, mais je voudrais
vérifier les prestations payées par la Commission des accidents
du travail avec lesquelles je suis moins familier. Il est possible que, dans
certains cas, les prestations des accidents de travail soient plus
généreuses que la loi 26, si l'on fait exception pour les besoins
spéciaux.
De toute façon, à celui-là qui demandera au
ministère des Affaires sociales une assistance en vertu de la loi 26, on
répondra: Utilisez d'abord les mécanismes de la loi no 83, sur
l'indemnisation des victimes du crime. La loi dit aussi qu'il pourra recevoir
des bénéfices de la loi 26 quand il aura épuisé
d'abord les possibilités d'une autre loi. La Commission des accidents du
travail est une de ces lois-là.
M. CHOQUETTE: Certainement. Le député de Montmagny a
raison. Si quelqu'un aspire à réclamer soit en vertu du bill 83
ou de la loi 26, il doit, à mon sens, d'abord, avoir recours à la
Loi des accidents du travail pour obtenir une indemnité. Parce qu'ici il
s'agit d'un droit. Donc, ayant épuisé les prestations qu'il a
ici, s'il en a besoin d'additionnelles, qu'il ait recours à la Loi de
l'aide sociale.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais faire allusion à des
observations que j'ai faites à maintes reprises et que le ministre
actuel des Affaires sociales a faites aussi. C'est le souci de toujours
rapprocher davantage ou d'intégrer ces différentes lois surtout
celles qui comportent des barèmes. Alors, en vertu de la Loi des
accidents de travail et en vertu de l'article 14 de cette loi, on va verser des
indemnités à une personne, en attendant une décision, des
avances pour son entretien et ses frais médicaux.
C'est de là que je dis l'importance d'intégrer davantage
et de coordonner davantage toutes ces lois qui, enfin, sont à
caractère social.
M. LE PRESIDENT: L'ancien article 14, devenu article 15, est
adopté. Article 15, devenu article 16, adopté. Article 16, devenu
article 17, adopté. Article 17, devenu article 18, adopté.
Article 18, devenu article 19, adopté. Article 19, devenu article 20,
adopté. Article 20, devenu article 21, adopté. Article 21, devenu
article 22, adopté. Article 22, devenu article 23, adopté.
Article 23, devenu article 24, adopté. Article 24, devenu article 25,
adopté. Article 25, devenu article 26, adopté.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une autre question à poser au
ministre. Etant donné que certaines indemnités versées par
la Commission des accidents du travail, même à fonds perdus, en
vertu de l'article 14, sont des indemnités à caractère
social qui peuvent facilement être comparables à celles que l'on
verse en vertu du régime canadien d'assistance publique où il y a
un partage fédéral-provincial, est-ce que le ministre a
exploré cette possibilité qu'il y ait un partage
fédéral-provincial pour une loi de cette nature qui est à
caractère social, alors que dans le cas de toutes les lois à
caractère social: l'assurance-maladie, l'assurance-hospitalisation, loi
26, régime canadien d'assistance publique, il y a toujours un partage
fédéral-provincial?
M. CHOQUETTE: Je n'avais pas pensé à ça. Le
député m'y fait penser. Je vais voir si nous pouvons obtenir, en
somme, des avantages du côté fédéral à ce
point de vue-là.
M. BURNS: M. le Président, une question avant que vous ne
quittiez votre siège. On a vu que cette loi chevauche deux
ministères, à toutes fins pratiques, par l'entremise de la
Commission des accidents du travail. Je me demande s'il ne serait pas à
propos d'ajouter un article disant que cette loi relève du
ministère de la Justice. On n'a aucun texte. Je ne sais pas si c'est une
nouvelle politique de nos légistes de ne pas mettre dans les lois le
ministère ou le ministre de qui relève cette loi. Je pense
qu'ici, plus dans toute autre loi, il serait nécessaire de dire que
l'exécution de la loi est une responsabilité du ministère
de la Justice, puisque il est possible, par le truchement de la Commission des
accidents du travail, qu'il y ait ambiguïté. Que ce soit le
ministère du Travail ou le ministère de la Justice, bien qu'on
voie, à l'article 23 devenu l'article 24, que le ministre de la Justice
peut faire des ententes avec les autres gouvernements concernant l'application
de cette loi. Il reste quand même, je pense, qu'il y aurait lieu de
préciser ce phénomène que l'exécution de la loi est
une responsabilité du ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneuve touche un point sur
lequel je ne suis pas réellement fixé au moment où je me
lève pour lui répondre. Je sais que pour ce qui est de la Loi des
accidents du travail, il n'est pas inscrit dans cette loi, me dit-on, que c'est
le ministre du Travail qui a la responsabilité de l'administration de
cette loi.
M. BURNS: Dans les faits, M. le ministre... M. CHOQUETTE: Dans les
faits.
M. BURNS: ... la Commission des accidents du travail..,
M. CHOQUETTE: C'est vrai.
M. BURNS: ... quand on étudie les crédits, apparaissent au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. D'ailleurs, dans tous les
digestes où on attribue l'application de diverses lois aux divers
ministères, on retrouvera la Loi des accidents du travail comme une
responsabilité du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. CHOQUETTE: Qu'est-ce que vous suggérez comme article?
M. BURNS: J'aurais suggéré que, peut-être, on ajoute
un article, et c'est pour ça que j'ai attendu que tous les articles
soient adoptés. Selon les règles de procédure, je dois
attendre à la fin. J'aurais suggéré que, peut-être,
on ajoute un article, qui peut être l'article 26, immédiatement
avant l'article déclarant: "quand la loi devient en vigueur" et qui se
lirait tout simplement "le ministre de la Justice est responsable de
l'exécution de la présente loi".
M. CHOQUETTE: D'accord.
M. LAURIN: II y a un autre aspect aussi, M. le Ministre. Si on a des
demandes de renseignements à faire...
M. BURNS: C'est cela.
M. LAURIN: ...à quel ministre doit-on les faire?
M. CHOQUETTE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Alors, le député de Maisonneuve propose
un article 26 qui se lirait : Le ministre de la Justice a la
responsabilité de l'exécution...
M. CHOQUETTE: Est responsable.
M. LE PRESIDENT: ...est responsable de l'exécution de la
présente loi.
M. CHOQUETTE: De l'application.
M. DUMONT: M. le Président, d'après cet article, est-ce
que le ministre va être obligé, à chaque fois, de donner le
consentement d'agir à la Commission des accidents du travail?
M. CHOQUETTE: Ah, non!
M. DUMONT: Non, mais si nous n'adoptons pas un règlement comme
tel, il peut même arriver cela.
M. CHOQUETTE: Je pense que cela veut dire responsable de voir au bon
fonctionnement du système préconisé par cette loi sans
s'ingérer dans les décisions qui devront être prises, en
toute objectivité, par la Commission des accidents du travail. C'est ce
que cela veut dire.
M. BERTRAND: D'ailleurs, cela fera partie du rapport de la Commission
des accidents du Travail. La Commission des accidents du travail sera
obligée de mettre, dans son rapport annuel, les activités au
titre de la Loi de l'indemnisation.
Deuxièmement, le ministre sera obligé de répondre
en Chambre à toutes et chacune des questions des députés
relativement à l'application de la loi par la Commission des accidents
du travail.
Troisièmement, lors de l'examen des crédits au budget,
c'est le ministre de la Justice qui devra répondre non pas du budget,
mais des activités de la Commission des accidents du travail en ce qui a
trait à la Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
M. LE PRESIDENT: Pour que ce soit bien clair, il y a un nouvel article
26, proposé par le député de Maisonneuve, qui est
adopté.
M. BERTRAND: Oui.
M. LE PRESIDENT: Et l'ancien article 25 devient maintenant l'article
27.
M. BERTRAND: C'est cela.
M. HARDY (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a
étudié le projet de loi no 83 et l'a adopté avec des
amendements.
M. BLANK (président): Les amendements au bill no 83 sont-ils
agrées? Agrée.
M. BURNS: Est-ce que le Président est d'accord sur tous les
amendements?
M. LE PRESIDENT (Blank): J'ai deux chapeaux ici!
M. CHOQUETTE: M. le Président, je suggère que nous
procédions à la troisième lecture. Je n'ai rien à
dire.
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT (Blank): La motion de troisième lecture du bill
no 83 est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté. M. LE PRESIDENT: Adopté. M. BIENVENUE:
Article 6, M. le Président.
Projet de loi no 35 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT (Blank): Le ministre des Communications propose qu'on
reprenne le débat sur la motion proposant que le bill no 35 soit
adopté en deuxième lecture.
Le député de Montmorency.
M. Louis Vézina
M. VEZINA: J'avais commencé, M. le Président, vendredi
dernier, à traiter du principe du
bill no 35 et des deux bills qui le suivent. Différentes opinions
ont été émises par les opinants qui m'ont
précédé et sur lesquelles je reviendrai un peu plus
tard.
Je crois qu'entre autres points intéressants que soulève
le principe de ces trois lois, de cette trilogie, il y a le droit à
l'information du citoyen. Ce droit à l'information, c'est perdre son
temps que de dire que c'est un droit essentiel et qu'il faut tout faire pour le
préserver. C'est là, je pense, un vieux cliché, voire
même un voeu pieux.
Je voudrais, cependant, traiter de la qualité que doit avoir ce
droit. Il y a le fait que ce droit comporte l'obligation de faire
connaître la source d'où émane l'information et aussi le
fait que l'informé a le droit de savoir qui a la responsabilité
de l'information qu'on veut bien lui donner. Il est indiscutable qu'en
matière de communications, au niveau d'un gouvernement, le sujet est
délicat.
Il est indiscutable que les possibilités d'abus, les
possibilités d'erreurs flagrantes, les possibilités de faiblesses
du système de l'information sont peut-être plus grandes que dans
la stricte entreprise privée, parce que le motif de ceux qui
conçoivent cette information est fort différent.
On a parlé, M. le Président, à l'occasion de ce
débat en deuxième lecture, de contrôle gouvernemental,
d'intrusion du gouvernement dans l'information, d'ingérence, de
propagande, etc. Ceci tout simplement parce que, dans l'énoncé,
fort sobrement fait, d'ailleurs, du ministre responsable, ce principe a
été développé que, s'il fallait, d'une part,
préserver l'autonomie des structures ou des organismes responsables de
l'information, il était aussi essentiel que ceux qui ont la
responsabilité de gouverner ce pays, cet Etat ou cette province,
puissent avoir les moyens requis pour exercer le contrôle de
l'utilisation des fonds publics.
Or, M. le Président, il est bien évident que
l'expérience de l'Office d'information et de publicité,
jusqu'à maintenant, est fort décevante. Ce fut, à mon
sens, un gaspillage de fonds publics, malgré les bonnes intentions de
ceux qui occupaient les postes responsables de cet organisme. Aujourd'hui, on
dit tout simplement: Le gouvernement veut démantibuler l'OIPQ. Je dis:
Oui, il faut le démantibuler, parce que cela devient quasiment du
gaspillage. C'est tout. Je ne vois pas pourquoi on s'exciterait du jour au
lendemain parce qu'un organisme ne marche pas et qu'on arrêtera de lui
faire gaspiller des fonds publics. Cela me parait un peu secondaire.
Ce qui me paraît plus important, c'est la différence entre
les propos que l'on tient suivant que l'on siège à votre gauche
ou à votre droite, M. le Président. N'ayant jamais eu l'insigne
honneur de siéger à votre gauche, me contentant du gracieux
privilège de siéger à votre droite...
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela viendra!
M. VEZINA: II est vrai que je suis très jeune. Tout peut
m'arriver.
Je voudrais, M. le Président, me référer au
même débat que les opinants antérieurs ont cité,
soit le débat du vendredi 16 mai 1969, à l'occasion de la
deuxième lecture de la Loi de l'Office de
radio-télédiffusion du Québec.
L'honorable premier ministre d'alors, s'adressant à cette
Chambre, dit par exemple, à la page 1723 du journal des Débats:
"L'office aura aussi pour fonctions de coordonner la production de documents
audio-visuels ainsi que l'acquisition et l'utilisation de l'équipement
nécessaire à cette fin par les ministères je
continue la phrase pour ne pas la scinder et services du gouvernement,
ainsi que pour les organismes qui en relèvent".
Le chef du gouvernement d'alors, en présentant le bill 11 de
cette session, reconnaissait, dans son énoncé de principe, ce
besoin inné et essentiel à la bonne administration que
l'utilisation et la production qui pourraient être faites par des
organismes gouvernementaux devraient l'être à l'avantage des
ministères et autres services gouvernementaux.
Il est essentiel, M. le Président, que les décisions qui
sont prises, qu'elles soient législatives ou administratives
imaginons les meilleures décisions qui peuvent être prises par qui
que ce soit resteront lettre morte si ceux pour qui ces décisions
sont prises n'en sont pas correctement informés.
Or, pourquoi se scandaliser? Pourquoi jouer à la vierge
offensée? Pourquoi ne pas laisser ces moyens à ceux qui ont la
responsabilité de décider? Et ça prend souvent beaucoup
plus de courage tous ceux qui ont été appelés
à administrer cette province le savent pour décider que
pour critiquer. Pourquoi ne pas leur laisser les moyens de faire
connaître exactement le sens et la portée de leurs
décisions?
Je sais que nous sommes en matière publique et qu'il est
nécessaire que les gestes administratifs soient contrôlés
par l'Assemblée nationale. Nous avons des mécanismes. Il y a
d'abord les débats, à l'occasion soit du discours d'ouverture
soit sur le budget. Il y a la commission des engagements financiers,
l'étude des crédits des ministères, toutes des occasions
qui, je pense, permettent à ceux qui honnêtement veulent faire
leur boulot d'exercer le contrôle, d'avoir des informations
nécessaires pour s'assurer de la bonne marche de l'application des
différentes lois.
Plus loin, et je cite toujours l'ancien premier ministre: "A ce sujet"
c'est à la page 1723 "le Bureau de développement
audio-visuel a déjà mis à la disposition de
différents ministères un premier noyau d'experts, en vue
d'accroître l'utilité de chacun des investissements", etc.
On revient donc avec ce même principe c'était donc
logique qu'il fallait que ce soit mis à la disposition des
ministères. Et je pense qu'il faut concourir à
l'énoncé d'un tel principe. Le député de
Chicoutimi, dans sa critique qu'il faisait en deuxième lecture sur cette
loi, nous a
cité certains passages d'anciens députés
libéraux de cette Chambre. Après avoir lu le texte de
l'intervention du député de Chicoutimi, après avoir lu
intégralement les citations qu'il a faites, je me suis permis de lire ce
que le député de Chicoutimi, alors ministre de la Couronne,
disait pour appuyer la thèse du chef du gouvernement qui proposait
l'adoption en deuxième lecture du bill 11.
Je me suis aperçu qu'encore là, suivant que l'on
siège à gauche ou à droite, le son de cloche est
très différent.
A la page 1744, l'ancien ministre des Affaires culturelles s'exprime
ainsi: "Le premier ministre, dans ses observations, lorsqu'il a
présenté le projet de loi, a indiqué que l'Office de
radio-télédiffision du Québec jouirait d'une certaine part
d'autonomie, mais que le gouvernement, justement parce qu'il est responsable de
l'éducation, qu'il est responsable de la culture, avait le droit de se
réserver un droit de regard, un droit de contrôle sur le
fonctionnement de cet organisme du gouvernement."
M. BERTRAND: Le député me permettra une question. S'il a
lu le journal des Débats des séances du mois de mai et du mois
d'octobre, il aura constaté qu'à ce moment-là le
porte-parole du Parti libéral était le député de
Gouin, Yves Michaud, et que toute la thèse de M. Michaud, au nom du
Parti libéral il le notera à la page 1730 du journal des
Débats du 16 mai était à rencontre de la
thèse que j'ai défendue victorieusement de l'autre
côté, une thèse d'un homme de gouvernement qui n'a pas
changé d'idée. Je n'ai pas changé d'idée, mais je
constate que ceux-là qui siègent maintenant de l'autre
côté ont profondément changé d'idée. Et
ça équivaut à dire quoi? Qu'est-ce qu'on dit d'un homme
qui a deux faces?
M. VEZINA: Qu'il a changé d'idée, et ceux qui ne changent
pas d'idée sont dans une maison grise.
M. BERTRAND: Et qu'est-ce qu'on dit d'un parti qui en a deux?
M. VEZINA: Je rappellerai au député de Missisquoi que ceux
qui ne changent pas d'idée, dans la région de Québec, on
les met tous ensemble dans une maison grise.
M. le Président, j'allais venir aux propos que vient de tenir le
député de Missisquoi et tenter de démonter justement que,
dans ces genres de débat, ce sont toujours des sons de cloche
différents suivant l'optique que vous avez, toujours. Si le
député de Missisquoi, alors qu'il présentait la
deuxième lecture du bill 11 comme chef du gouvernement, a défendu
victorieusement sa thèse, il est aujourd'hui solidaire de celui qui, au
nom de son parti, essaie de défendre une autre thèse,
puisque...
M. BERTRAND: Non. M. le Président, le député de
Montmorency est fort aimable. Il me permet de dialoguer avec lui, je l'en
remercie. Aujourd'hui, le devoir de l'Opposition, c'est de rappeler au
gouvernement qui est là les engagements qu'il a pris devant la
population; c'est ça son devoir. Nous devons lui rappeler, entre autres,
d'une manière plus précise, une page que le député
de Montmorency va certainement nous lire et que l'on retrouve à la page
1,730 du journal des Débats. A ce moment-là, je dialoguais avec
le député de Gouin qui, lui, déclare ceci.
M. VEZINA: M. le Président, je voudrais dialoguer, justement.
M. BERTRAND: II parle au nom du parti. Alors, le dialogue va
continuer.
M. VEZINA: Parce que, là, vous prenez tout mon temps et vous me
coupez mon temps.
M. BERTRAND: Je n'en ai aucun doute. Donc, il parle au nom de son parti.
"Je voudrais ajouter ceci, déclare-t-il c'est important afin que
notre parti ne soit pas accusé d'avoir une position équivoque en
cette matière que nous nous sommes penchés sur
l'étude de cette question et que nous avons établi une
politique". Et ça continue pour conclure à une commission non
seulement autonome, mais indépendante de toute ingérence de la
part de l'Exécutif.
Le député de Montmorency, qui est un homme
profondément honnête, intellectuellement honnête, je le
sais, accepte que je déclare que ceux qui ont renié sont à
la droite du président et non pas à sa gauche.
M. VEZINA: M. le Président, c'est trop facile. Je vais vous
donner des exemples de reniements, si on veut en parler. C'est
extrêmement facile. Vous avez parlé de reniements. Qu'est-ce que
l'ancien gouvernement a fait en matière municipale? Des engagements ici,
au Patro Roc-Amadour. L'ancien chef du gouvernement a dit: Jamais il n'y aura
des communautés urbaines sans consultation populaire. Or, on en a eu
trois en l'espace de trois mois.
M. PAUL: Et jamais il n'y aura de ministère de l'Education.
M. VEZINA: Cela, c'est du reniement. Je reviens à mes
propos.'
M. BERTRAND: Non, non, mais là on a un cas précis. On a un
cas très précis.
M. VEZINA: Je vous disais donc, M. le Président, que,
suivant...
M. BERTRAND: Le ministre est moins à blâmer que le
député. Au moins, il n'était pas député dans
le temps.
M. VEZINA: ... que vous siégez à gauche ou à
droite, il y a des sons de cloches différents. Mais, l'ancien chef du
gouvernement sait qu'une des principales raisons pour lesquelles il a
été défait lors des dernières élections
ce n'est pas sa faute; il a été torpillé par
l'intérieur comme on l'a entendu dire maintes et maintes fois,
c'est parce qu'on a manqué de leadership à la tête du
gouvernement.
M. PAUL: C'est dans le bill?
M. VEZINA: Cela a permis le torpillage par l'intérieur et
l'arrivée d'un certain parti, parce qu'il faut le nommer par son nom,
dans cette Chambre.
M. PAUL: Vous autres, vous êtes déjà rendus à
la ruine.
M. VEZINA: M. le Président, je pense que le principe qui est en
jeu, ce n'est pas d'établir un concours de virginité
administrative entre l'actuel ou l'ancien gouvernement; c'est de savoir si,
tout en respectant les principes, il y a possibilité d'augmenter la
responsabilité de l'Exécutif dans ces organismes. Autrement
cela a été dit par l'ancien ministre des Affaires
culturelles aux applaudissements de nos amis d'en face c'est faire acte
de lâcheté de permettre la création d'un gouvernement
parallèle.
Je souscris à ces propos que c'est une lâcheté de
permettre la création d'un gouvernement parallèle.
C'est faire acte de courage, au contraire, que de prendre ses
responsabilités, quitte à donner dans toute la mesure du
possible, mais sous la responsabilité de l'exécutif qui, lui,
répond à la Chambre c'est là qu'on voit la
structure qui se tient le maximum d'autonomie possible à ces
organismes. Ceci m'amène à parler de ce principe de l'autonomie
qui doit être accordée aux différents organismes, notamment
ceux qui nous intéressent d'une façon particulière et,
parmi ceux-ci, Radio-Québec.
Je trouve mauvais sur le plan des principes, de multiplier les
régies, de multiplier les offices autonomes de la structure
administrative normale d'une province. Il y a, au point de vue administratif,
le cabinet des ministres et des ministères. Par la force des choses,
quelquefois pour des raisons purement d'efficacité administrative,
d'autres fois pour des raisons qui me paraissent un peu plus absurdes, on a
commencé la création de différentes régies. Quelle
que soit la couleur ou le nom du parti qui les a faites, c'est le cadet de mes
soucis. Je parle au niveau des principes.
Je pense qu'il est facile, lorsque quelque chose est délicat,
difficile, de créer une régie et de lui dire: Administrez! Il est
beaucoup plus difficile de l'incorporer dans un ministère nouveau ou
dans un ministère existant et d'en faire supporter la
responsabilité tant par celui qui dirige le ministère que par
l'équipe dont il s'entoure. Sinon, on risque d'assister à la mise
en pratique de politiques qui ne correspondent pas du tout, mais pas du tout,
non seulement au cabinet des ministres, non seulement au parti qui a
formé la majorité gouvernementale, mais je dirais même
souvent à aucune des politiques prônées par chacun des
partis qui composent cette Chambre. Parce que nos lois le permettent, on arrive
à l'établissement de pratiques qui sont absolument abusives,
à mon sens, si on considère les gens pour lesquels on met en
pratique ces règlements.
Je veux éviter de donner des exemples; ce serait, je pense,
disgracieux. Je veux l'éviter parce qu'on pourrait interpréter
cela comme de petites accusations personnelles ou quoi que ce soit. Mais il y a
un exemple qui me frappe: c'est l'Office des autoroutes qui, à mon sens,
n'est pas plus utile à cette province que le besoin qu'on aurait d'avoir
75 Assemblées nationales pour siéger. Cela pouvait parfaitement
faire l'objet d'un service du ministère de la Voirie. C'est exactement
vouloir multiplier les officines administratives. J'ai pris cet exemple parce
que je pense qu'il est facile, en ce sens qu'il ne prête pas beaucoup
à discussion. On ne me fera pas croire qu'un ministère de la
Voirie rationnellement équipé, normalement administré, ne
peut pas avoir une division qui s'occupe de la construction des autoroutes.
Cela ne m'entre pas dans la tête, je regrette. Pourquoi l'a-t-on fait? Je
ne le sais pas.
Je n'ai pas lu j'aurais peut-être dû le faire
les débats qui ont entouré la création de cette loi.
J'aurais peut-être dû prendre des renseignements.
M. HARDY: A l'époque, il n'y avait pas de journal des
Débats.
M. VEZINA: S'il n'y avait pas de journal des Débats,
évidemment, je ne peux pas le savoir. Il y a sûrement une raison
qui, à mon sens, devait être difficile à dire
carrément. Ce devait être des intérêts qui poussaient
à la création de l'office alors que normalement, à
l'intérieur d'un ministère bien équipé, on n'aurait
pas eu cette régie. Il y en a bien d'autres.
Aujourd'hui, on voudrait que la Régie des services publics, et
Dieu sait si on pourrait en parler longtemps...
M. PAUL: Est-ce que vous avez l'intention de rappeler la loi?
M. VEZINA: Quant à moi, on pourrait la rappeler demain matin.
M. PAUL: Il y a des formalités pour cela.
M. VEZINA: C'est pour cela que j'ai dit "quant à moi", je n'ai
pas dit "quant au règlement". On voudrait que Radio-Québec et
tous ces petits organismes tentaculaires jouissent d'un statut
d'intouchables.
Mais ce sont souvent ces régies d'intouchables qui sont le plus
influencées par la partisane-rie politique, peut-être pas des
élus mais de ceux qui sont politisés.
M. BERTRAND: Le golf du Mont Sainte-Anne ou de
Saint-Féréol relève-t-il d'une régie?
M. VEZINA: Pas encore. Nous l'avons gardé à
l'intérieur d'un ministère.
M. PAUL: Mon honorable ami me permet-il une question?
M. VEZINA: Certainement.
M. PAUL: Vous savez toute l'estime que j'ai pour vous.
En écoutant ces propos et ces remarques au sujet des
régies, dois-je comprendre que le député a l'intention de
voter contre le bill 35 qui va donner des pouvoirs accrus à la
Régie des services publics?
M. VEZINA: ... y arriver. Vous êtes toujours en avant de moi. Ah!
ces jeunes députés avant-gardistes...
M. PAUL: Vous avez bien raison.
M. VEZINA: ... ils sont toujours à l'avant-garde.
M. PAUL: Clairvoyants.
M. VEZINA: II faut donc, dans les cas où nous avons besoin de
tribunaux parajudiciaires, leur laisser la plus entière autonomie dans
les décisions qu'ils ont à prendre. Mais dans
l'établissement des politiques, une fois que le conseil des ministres
établit, par règlement ou autrement, des politiques, ils se
doivent de les suivre. Un exemple encore, justement pour éviter les
sujets les plus délicats, en matière de transport. Il pourrait
arriver que le gouvernement décide qu'il y a une politique de transport
dans telle direction plutôt que telle autre pour telles raisons. Alors,
pourquoi la régie dirait-elle: Non, nous, nous faisons notre politique.
Vous, le gouvernement, ou vous l'Assemblée nationale, avez opté
pour telle direction, telle pensée, nous, de la régie, nous
décidons autrement, nous ne répondons à personne, nous
décidons autrement.
Je dis que ce n'est pas ça une régie efficace. Une
régie efficace doit permettre aux citoyens de faire valoir leurs droits
devant elle, de les entendre objectivement, de ne subir aucune pression venant
de l'extérieur mais d'appliquer les politiques que cette
Assemblée ou le gouvernement aura exposées et qu'il voudra mettre
en pratique. C'est ça une véritable régie efficace qui
s'incorpore dans un régime démocratique.
On pourrait parler de la Régie des alcools...
M. PAUL: Elle est morte.
M. VEZINA: Ou d'une commission de contrôla de je ne sais pas
quoi...
M. PAUL: Ne parlez pas des morts.
M. VEZINA: Mais, encore là, c'est trop litigieux. On pourrait
parler de la Régie des eaux, elle est rendue devant la cour
Supérieure, nous n'en parlerons pas.
M. PAUL: Cela c'est entre les mains du député de
D'Arcy-McGee.
M. VEZINA: On pourrait parler de bien d'autres, mais c'est toujours de
ces cas qui créent des politiques et qui prennent des positions qui sont
absolument à l'encontre de ce que voudrait une majorité qui,
à un moment donné, a la responsabilité.
M. BERTRAND: Qu'avez-vous contre la Régie des alcools?
M. VEZINA: C'est-à-dire que je n'ai rien pour.
Alors, Radio-Québec, actuellement, est déjà un
fouillis et nous ne pourrons pas y toucher ni la réorganiser. On dira:
Continuez, cela va bien, continuez, nous fermons les yeux, vous êtes
indépendants.
Je souscris à l'idée du principe qui est donné dans
ces lois qu'il faut que ces régies, et tout, relèvent de
quelqu'un qui, si ça ne fait pas, puisse peut-être se
défendre, d'accord, mais puisse subir la vindicte, si je puis dire, de
l'Assemblée nationale, par ses comités ou ses commissions, qui
permet au gouvernement d'établir des politiques qui seront suivies par
des organismes administratifs. Autrement, c'est le plus beau monstre que nous
allons nous bâtir au point de vue de l'administration. Et ça peut
bien nous coûter plus cher. Cela nous coûte ce qu'il y a de plus
cher dans toute la province de Québec, per capita, pour nous
administrer. On dirait que l'on fait exprès des quêteux
à cheval on fait exprès pour que ça nous
coûte cher. Qu'on y mette de l'ordre un peu.
Cela ne veut pas dire que, sur les modalités, il n'y ait pas
différents chemins pour arriver aux mêmes fins, je suis d'accord.
Je peux dire, M. le Président j'allais dire Votre Seigneurerie,
mais c'est une question de temps, sans doute que tout en reconnaissant
le bien-fondé du ou des principes de ces trois lois, si le ministre veut
bien juger à propos d'aller en commission parlementaire, d'entendre la
ou les personnes ou les groupements qui peuvent avoir des points de vue sur
cette nouvelle structure, cette nouvelle organisation, je serais en faveur,
pour ne pas imposer par en haut des volontés. Il faut essayer de trouver
un consensus...
M. BERTRAND: En faites-vous une motion?
M. VEZINA: J'en fais l'expression d'une opinion personnelle.
M. PAUL: Ayez donc le courage de vos idées jusqu'au bout.
M. VEZINA: J'en fais l'expression d'une opinion personnelle qui se veut
au-dessus de toute partisanerie quelconque et marquée au coin de
l'objectivité.
En terminant, j'aurais eu d'autres propos à tenir sur
l'importance que j'accorde à la réorganisation de tout le
système d'information ou de production d'information au Québec.
Un de nos collègues déclarait récemment dans un journal
qu'il avait constaté un vacuum politique au Québec. Je ne
contesterai ni n'appuierai cette affirmation, mais, si elle était
fondée, ce serait peut-être, justement, à cause du manque
d'information qui peut exister au Québec, du manque d'information
donnée par cette Assemblée nationale et par le gouvernement.
Quand on dit que, par exemple, on se fait poser des questions sur des
lois qui ont été votées il y a, quelquefois, deux, trois,
quatre ou cinq ans et que les gens demandent encore si la loi existe ou s'il y
a une loi qui couvre telle chose, je dis qu'il y a quelqu'un qui n'a pas fait
son devoir. L'Assemblée nationale d'alors a adopté une loi X. Il
serait normal qu'il y ait eu de la publicité et qu'on ait rejoint les
administrés pour leur faire connaître leurs droits et
prérogatives en fonction de telle loi. Je pense que c'est essentiel. On
l'a fait pour de grandes lois j'appelle grandes lois celles qui ont eu
beaucoup d'échos dans les journaux mais non pour des lois qui
étaient à caractère éminemment social. Je pense
à la loi pour indemniser les victimes d'accidents d'automobile. S'il y a
une loi à caractère éminemment social, c'est bien
celle-là.
Il y a encore des gens qui ignorent qu'elle existe et qui nous demandent
s'il n'y a pas un mécanisme qui puisse les aider. Quand on leur dit
qu'il y a cette structure, cette organisation, ces gens-là pensent que
c'est l'argent du gouvernement. Il faut encore leur expliquer le processus
exact pour réunir le fonds requis.
Cela prouve seulement une chose: adoptons les lois les plus
exceptionnelles que l'on voudra, prenons les décisions administratives
les plus valables, si ceux pour qui les lois sont prises ne sont pas
dûment informés, ne sont pas en possession de toutes les
données de façon qu'ils puissent reconnaître leurs droits,
leurs obligations, etc., vous allez tout simplement continuer d'élargir
lamentablement le fossé entre les administrés et les
administrateurs. Or, cela a toujours été la cause des mouvements
révolutionnaires à travers le monde. Je pense que c'est une
constante qui a pu s'accentuer à l'occasion de certaines guerres ou au
cours de certains siècles, mais, fondamentalement, c'est toujours ce
fossé entre l'autorité dûment établie et les
administrés qui a créé des mécontentements, souvent
non fondé. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: Quelques brèves remarques concernant les bills que
nous discutons présentement. Evidemment, il nous apparaît assez
clairement que la philosophie qui ressort de ces différents bills en est
une où le gouvernement sera davantage le contrôleur de
l'information. Le gouvernement, par ses bills 35, 36 et 37, le fera de
façon permanente ou pourra le faire au bon loisir du ministre, puisque
l'on donne dans ces bills des pouvoirs extraordinaires au ministre. Quel que
soit le ministre en fonction nous connaissons celui d'aujourd'hui, mais
nous ne connaissons pas le prochain ces ministres pourront
réglementer par ces lois que nous discutons aujourd'hui l'information en
provenance des différents ministères du gouvernement de sorte que
nous pouvons soupçonner qu'elle pourra être facilement
dirigée. De là, M. le Président, à nous demander si
les lois 35, 36 et 37 n'instaureront pas au Québec l'équivalent
de l'agence russe de nouvelles qui s'appelle l'agence Tass ou encore la Pravda,
c'est exactement ce qui pourrait nous arriver.
Il pourrait nous arriver que seule l'information qui ferait l'affaire du
gouvernement serait diffusée. En ce sens, si c'est là le but
visé par le gouvernement, je n'ai pas l'impression qu'il a même
besoin de discuter ces bills aujourd'hui parce que déjà le
gouvernement actuel, le Parti libéral surtout, est passé
maître dans l'art de faire de la publicité, maître dans
l'art de faire de la propagande, maître dans l'art de faire croire. Vous
savez, pour avoir réussi à faire croire à la population du
Québec que ce gouvernement créerait 100,000 emplois en 1971, il
fallait quand même être maître dans l'art de la
publicité.
Or, si le gouvernement vise, par les bills 35, 36 et 37, de consolider
davantage son équipe de publicité, il n'a même pas besoin
de nous présenter ces bills. Il est déjà maître en
la matière, il est déjà professionnel. Il est capable de
réunir, par exemple, assez facilement, quelques milliers de personnes au
Colisée de Québec et leur lancer un projet comme celui de la baie
James, par exemple, où on nous a laissé entendre lors de cette
mémorable assemblée que le projet de la baie James serait la
relance économique de l'histoire du Québec, qu'il serait le grand
projet, le projet du siècle même. Nous avons constaté assez
facilement que lorsque la "balloune" est passée, la
réalité est toute autre que ce qu'on nous présente par la
publicité.
Le projet avait commencé par une dépense d'environ $8
milliards, si je ne me trompe, et déjà lorsque nous avons
discuté du bill 50, on avait réduit cette somme à $4
milliards ou $5 milliards. Aujourd'hui, on entend parler d'une somme beaucoup
moindre, peut-être $1 milliard ou $2 milliards. Alors, cela veut dire que
si déjà le gouvernement est capable de faire cela,
lorsqu'il lui sera permis avec les bills que nous discutons
présentement de créer de toute pièce le ministère
de la propagande gouvernementale, qu'est-ce que nous pourrons avoir alors? A
quoi pouvons-nous nous attendre, M. le Président?
Nous pouvons nous attendre à tout. Nous pouvons nous attendre
à n'importe quoi de la part du gouvernement. Et si le gouvernement,
actuellement, n'est pas capable de donner aux Québécois de
l'information juste et vraie, ce n'est pas en formant un ministère de
l'information ou de la propagande que nous allons avoir une meilleure
information. Tout ce que nous aurons de plus qu'aujourd'hui, nous aurons
collectivement, les citoyens du Québec, à payer pour la
propagande du gouvernement et du Parti libéral. Ce sera la seule
différence.
M. le Président, je voudrais souligner un point, pour
démontrer jusqu'où nous ne pouvons nous fier à la
publicité du gouvernement présentement. J'avais l'occasion, en
cette Chambre, le 28 octobre dernier c'est assez récent de
poser une question au premier ministre concernant la baie James. Voici, en
question supplémentaire, ce que je lui demandais: "Une question
supplémentaire, M. le Président. Peut-on savoir si le premier
ministre s'est rendu, lui-même, dans cette région et s'il pourrait
nous faire rapport de ce voyage, s'il y est allé? "
Voici ce que le premier ministre me donnait comme réponse: "Je me
suis rendu dans la ville du député de Rouyn-Noranda, où
j'ai été très bien accueilli, mais je n'ai pas
visité la région de la baie James".
Voilà textuellement ce que le premier ministre me disait le 28
octobre dernier.
J'ai relevé, dans le journal La Frontière de
Rouyn-Noranda, en date du 13 octobre 1971, un article qui est assez
intéressant. Voici ce qu'on y dit. Le titre: "M. Robert Bourassa
à la baie James. Rouyn, le 12 octobre. "Au cours de la dernière
fin de semaine, M. Robert Bourassa rencontrait M. Pierre Nadeau,
président de la Société de développement de la baie
James, au poste de la Grande Baleine, au nord de la baie James". Et l'article
continue.
Déjà, M. le Président le ministère de
la propagande n'est pas encore formé nous ne pouvons pas nous
fier à la publicité du gouvernement. En cette Chambre, lorsqu'un
député dûment élu par la population et qui
représente une population n'est même pas capable d'avoir une
réponse qui corresponde avec les faits, Qu'est-ce que ce sera, M. le
Président, quand nous aurons le ministère de la propagande?
M. PAUL: C'est vrai.
M. SAMSON: Pourrons-nous, en tant que députés élus,
dûment mandatés par la population, poser des questions au ministre
de la propagande? Pourrons-nous surveiller le ministre de la propagande?
Pourrons-nous surveiller le ministère de la propagande? Pourrons-nous
obtenir des réponses à nos questions? Pas plus lorsqu'on aura
formé le ministère de la propagande qu'aujourd'hui, avant qu'il
ne soit formé.
C'est de cette façon, M. le Président, que le gouvernement
traite les élus du peuple. Même si nous sommes dans l'Opposition,
vous savez, nous sommes élus au même titre que les
députés qui forment le gouvernement. Nous sommes censés
avoir les mêmes droits, les mêmes privilèges que les
députés qui siègent à votre droite, M. le
Président. Or, nous n'avons pas cela. Non seulement nous n'avons pas
cela, mais dites-moi que le futur ministre de la propagande me le dise
de quelle façon nous serons mieux informés par son
ministère de la propagande libéral?
Quand, justement, cet après-midi, l'honorable
député de Beauce posait une question au ministre des Affaires
municipales, à savoir si les députés mandatés,
dûment élus par la population pouvaient s'attendre à
recevoir des copies de l'information qui a été transmise aux
1,585 municipalités du Québec, qu'est-ce qu'on a trouvé
à répondre au député de Beauce? On a dit: Que le
député aille s'informer auprès des maires des
municipalités de son comté. Est-ce comme cela, M. le
Président, qu'on traitera les élus de la population en cette
Chambre? Est-ce que ce sera mieux lorsque nous aurons le ministère de la
propagande? Est-ce que ce sera mieux lorsqu'on aura formé le
ministère de la propagande? Alors que nous sommes les élus de la
population et que nous sommes en droit de nous attendre d'obtenir au moins, en
cette Chambre, l'information qui...
M. L'ALLIER: Un point d'ordre, M. le Président.
M. SAMSON: ... a été transmise aux différentes
municipalités de la province...
M. LE PRESIDENT: Une question de règlement!
M. SAMSON: ... de Québec.
M. LE PRESIDENT: Une question de règlement!
M. L'ALLIER: Une question de règlement, M. le
Président.
M. SAMSON: Il me semble que mon affaire allait bien. Vouss n'auriez pas
pu rester assis, vous?
M. L'ALLIER: C'est pour vous laisser le temps de reprendre un peu votre
souffle. De toute façon, il reste vingt minutes.
M. DUMONT: II en a!
M. L'ALLIER: M. le Président, nous avons accepté, au
début de ce débat, de discuter d'une
façon assez large du principe des trois projets de loi. Je ne
voudrais pas, cependant je crois que ce serait mauvais pour l'ordre de
ces débats que nous fassions dévier, en fait, la
discussion pour parler de l'information ou des réponses qui peuvent
être données en cette Chambre. Dans aucun de ces projets de loi,
ni avant qu'ils ne soient amendés, ni après qu'ils seront
amendés, il ne sera question de l'information gouvernementale fournie
à la Chambre, les organismes du gouvernement n'ayant pas cette
responsabilité et l'information qui est fournie à la Chambre
étant essentiellement sous la responsabilité des membres de cette
Assemblée.
En d'autres mots, les projets de loi touchent des organismes de
communication du gouvernement, d'information, de cinéma,
Radio-Québec, plus particulièrement. Ces organismes n'ont aucune
responsabilité quant à l'information ou quant aux renseignements
qui peuvent être fournis en cette Chambre.
Je n'ai pas d'objection à ce que le député de
Rouyn-Noranda discute de la qualité ou de la non-qualité de
l'information fournie par les organismes ou par les ministères
visés par les trois projets de loi que nous avons devant nous.
Je crois cependant que c'est déplacer le débat que de
parler des informations qui sont fournies à cette Assemblée, qui,
encore une fois, sont la responsabilité de ses membres.
M. SAMSON: M. le Président, j'apprécie grandement
l'intérêt que porte le futur ministre de la propagande aux propos
que j'ai tenus. Cependant, ça ne me fera changer en rien les
idées que j'ai quant aux propos que j'ai l'intention de tenir ici
aujourd'hui. Ces propos s'inscrivent dans le cadre du futur ministère de
la propagande. Et c'est par voie de comparaison que j'ai cité les choses
que j'ai été obligé de citer tantôt.
Le ministre conviendra avec moi que, si je voulais fouiller davantage,
je pourrais amener d'autres comparaisons, sinon aussi bonnes que
celle-là, peut-être meilleures. Je n'ai pas voulu être trop
dur pour le ministre, que je respecte énormément, parce que ce
n'est pas contre le ministre et je voudrais bien qu'il le comprenne
que nous en avons. Nous en avons contre le futur ministère de la
propagande. Et évidemment ce ministre sera peut-être le futur
ministre de la propagande, à moins qu'on ne connaisse un remaniement
ministériel à brève échéance.
Il sera sûrement très heureux de savoir que le carcan qui
lui est réservé par le gouvernement ne lui permettra pas de faire
passer les opinions ou les idées excellentes qu'il aurait
peut-être à manifester. Il sera lui-même pris dans ce
carcan. Et c'est en voulant lui rendre service que nous sommes obligés
d'expliquer au ministre ce que sera le futur ministère de la propagande
et dans quelle voie il s'en va présentement.
Quand il nous aura entendus, quand il nous aura compris parce que
j'espère qu'il va comprendre ce que nous disons j'ai l'impres-
sion qu'il va demander ou bien le retrait de ses bills ou bien d'être
changé de ministère, parce qu'il ne voudra pas être celui
qui va mettre en application ce ministère de la propagande au
Québec. Je reconnais quand même que ce n'est pas dans la
philosophie que nous connaissons du ministre actuel. Je me demande qui l'a
amené à nous présenter ces bills. Je suis persuadé
que le ministre a sûrement tourné en rond pendant plusieurs jours
et plusieurs semaines avant de se décider d'amener ces lois devant le
Parlement, parce que lui-même est convaincu que, si nous acceptons ces
lois, si nous les laissons passer, il rendra un mauvais service à ses
électeurs et aux électeurs du Québec dans son
ensemble.
C'est tout simplement ça que nous aimerions faire comprendre au
ministre. Nous aimerions lui faire comprendre que nous voulons lui venir en
aide, parce qu'avec tous les pouvoirs que les bills 35, de même que 36 et
37 lui donneront ça équivaudra à retourner à
environ 500 ans en arrière, retourner à l'époque des
monarques, où le monarque avait tous les pouvoirs, où il
était celui qui régissait tout.
Or, le ministre ne sera probablement pas le ministre de la
propagande...
M. HARDY: C'est avant l'imprimerie. C'est fini, ça.
M. SAMSON: ...il sera le monarque de la propagande libérale au
Québec. Alors, M. le Président, on pourrait facilement citer des
éditoriaux assez intéressants sur le sujet. Nous ne sommes pas
les seuls qui pensons comme ça. La population pense comme ça.
Mais, malheureusement, elle n'est pas suffisamment capable de lever les
boucliers et de venir dire au ministre ici à Québec, en grand
nombre, qu'elle ne veut pas de ces bills. Alors, évidemment, nous avons
le devoir de nous faire les porte-parole, non seulement des électeurs
qui nous ont élus, mais de ceux qui vous ont élus et qui ne
pensent pas comme vous présentement. Mais, puisque le gouvernement est
déjà rendu dans les nuages, assez loin de la terre, il ne peut
plus maintenant aller consulter la population. Qu'est-ce que vous voulez, M. le
Président? Nous sommes obligés de faire le travail que les
députés des banquettes libérales devraient faire,
c'est-à-dire consulter la population. Puisque ça ne se fait pas,
on va continuer à le faire et à renseigner le gouvernement du
Québec sur les choses que pense la population.
Je pourrais citer un éditorial signé par Paul Gros
d'Aillon en date du 25 mai 1971; ce n'est pas d'aujourd'hui, ces gens-là
ont vu venir le ministère de la propagande et voici ce qu'il dit: "On
sait que les problèmes de l'information ne sont pas les problèmes
du grand public. Les citoyens vont réagir avec vigueur sur une
augmentation de taxes ou sur une limitation des droits collectifs, mais ils
assisteront, sans broncher, au bâillonnement des media d'information.
"II existe un préjugé naturel contre les tâcherons
de la plume ou du micro et pourtant que vaudrait la démocratie sans la
liberté de l'expression? L'un des droits que le public néglige le
plus, parce qu'il le considère comme totalement acquis, c'est son droit
à l'information. Il faut avoir vécu dans la privation de ce droit
pour en mesurer l'importance". Lorsqu'on parle du droit à l'information,
la seule possibilité que le public a d'être bien informé
est par l'ensemble des media d'information du Québec, puisqu'ils sont de
l'entreprise privée, ils sont en concurrence. C'est la seule
possibilité que nous ayons d'assister au moins à
l'équilibre.
D'accord, vous me direz que souvent des nouvelles sont
interprétées, mais si on lit deux, trois ou quatre journaux par
jour on pourra facilement déceler la vérité, parce qu'il y
aura ces nuances de chacun des journaux. Mais si le gouvernement prend la
maîtrise de l'ensemble, parce qu'il est capable de le faire en vertu des
bills 35, de même que 36 et 37, où sera l'équilibre? Nous
assisterons à l'emprise du gouvernement sur l'ensemble des media
d'information.
Et Paul Gros d'Aillon continue en disant ceci: "Or, il se trouve que
cette liberté est menacée. La levée de boucliers n'est
cependant pas encore commencée. Seul la semaine dernière le
Devoir a-t-il soulevé une partie du problème et commencé
à montrer les dents. Nous fonçons dans le même sens et nous
avons l'intention de mener une lutte sans répit pour protéger les
droits du public".
Il continue en disant ceci: "De quoi s'agit-il? Tout simplement de la
transformation subrepticement du ministère des Communications en
ministère de l'Information-Québec. Les politiciens sont en train,
sous prétexte d'un regroupement des juridictions provinciales en
matière de communications remarquez bien ce qu'il dit là
de tenter d'imposer une véritable dictature de l'information. Les
bills 35, 36 et 37 ne sont pas autre chose qu'une mainmise totale du
gouvernement sur la presse, la radio et la télévision. "Le
premier à en faire les frais sera Radio-Québec qui, sous cette
tutelle ministérielle ne devient rien d'autre qu'une officine de
propagande au service des ministériels." Je pense que c'est assez clair,
qu'on n'a même pas besoin de faire de commentaires sur l'excellent
éditorial écrit par Paul Gros d'Aillon. Il continue en disant
ceci: "L'Office d'information du gouvernement...
M. L'ALLIER: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. SAMSON: Vous n'allez quand même pas m'obliger à couper
cet excellent éditorial de Paul Gros d'Aillon.
M. L'ALLIER: Une petite question.
M. SAMSON: Quand on cite, il faut citer jusqu'au bout.
M. L'ALLIER: Je voudrais savoir dans quel journal cela a
été publié.
M. SAMSON: Ah! vous ne savez pas pour qui il travaille? Voyez-vous, M.
le Président, comment ils vont être perdus quand ils vont avoir
étatisé les moyens de communications. Ils ne savent même
pas dans quel journal Paul Gros d'Aillon écrit, et c'est un de nos
éditorialistes reconnus. Comment voulez-vous que le ministre ait le
contrôle sur son ministère. Je lui ai dit tantôt qu'il sera
le premier à être "encarcané". Il vient de me le prouver,
il ne connaît même pas l'éditorialiste Paul Gros
d'Aillon.
M. L'ALLIER: M. le Président, je pose la question parce que j'ai
vu des articles ailleurs signés par le même auteur.
M. SAMSON: Ah bon! disons que c'était dans Montréal-Matin.
Est-ce que vous en voulez un exemplaire pour vos dossiers? Il continue en
disant ceci: "L'Office d'information du gouvernement, déjà
démembré et privé de toute initiative, passe au rang des
outils du pouvoir sous la coupe directe du ministre. Comme nous voilà
loin des grandes déclarations de principe énoncées en 1969
par M. Jean Lesage." C'est un gars que vous connaissez, c'est quelqu'un que
vous avez connu, Jean Lesage. Si vous ne le connaissez pas, je vais vous dire
qui c'est, c'est le premier ministre actuel du Québec, c'est lui qui
mène actuellement, Jean Lesage.
M. CROISETIERE: II écrit dans quel journal?
M. SAMSON: Etant donné qu'on veut fabriquer au Québec un
ministère de l'information, il ne serait peut-être pas mauvais de
dire au ministre de la future propagande ou au futur ministre de la propagande
qu'actuellement le Québec est gouverné par un triumvirat dont les
noms sont Jean Lesage, Paul Desrochers et Alcide Courcy.
Peut-être que le ministre pourrait prendre cela en note pour en
faire la publication dès que sera formé le ministère de la
propagande. Les citoyens du Québec seraient sûrement
intéressés à connaître ceux qui mènent
réellement le Québec présentement. Voici comment Paul Gros
d'Aillon continue: "Nous sommes loin des grandes déclarations de
principe énoncées en 1969 par MM. Jean Lesage et Yves Michaud,
loin du contrôle parlementaire en comité mixte que demandaient ces
deux parlementaires."
Mon doux Seigneur! Comme ils sont bons ces libéraux-là
quand ils sont dans l'Opposition! Mais quand ils sont au pouvoir, ils font
exactement ce que les autres faisaient avant qu'ils soient là.
Etant donné qu'ils sont tellement bons dans l'Opposition,
étant donné qu'ils avaient tellement de bonnes idées, ce
serait peut-être une suggestion à faire au peuple du Québec
de les retourner dans l'Opposition dans les plus brefs délais, ce serait
peut-être le meilleur service à rendre et à la population
et au Parti libéral. Mais on continue en disant ceci:
M. PAUL: Vous n'applaudissez pas? Ils n'applaudissent pas.
M. SAMSON: Attendez, nous vous ferons signe quand ce sera le temps
d'applaudir.
M. Paul Gros d'Aillon continue ainsi: "Mais ce n'est pas tout, le
ministère veut s'arroger le droit de régir à son
gré l'information toute entière, il veut aller jusqu'à
réglementer l'admi-nistration, l'exploitation et la
propriété de n'importe quel journal, poste de radio ou de
télévision. Nous ne sommes pas loin de la censure. Le sens
donné au terme communication, par le ministère de M. l'Allier
permettrait au gouvernement d'intervenir à tous les niveaux de
l'information écrite ou parlée."
J'ai dit cela tantôt, M. le Président, nous retournons 500
ans en arrière en donnant à un seul homme tous les pouvoirs, nous
retournons à la monarchie alors que le monarque avait tous les pouvoirs.
Je reconnais que le ministre ferait un beau monarque, je reconnais ça,
il est joli, mais ce sera quand même un momarque de l'information ou de
la propagande du gouvernement.
Paul Gros d'Aillon continue en disant: "De quelque manière que
l'on considère le projet de loi, il sert de point d'appui à
l'établissement d'un contrôle sur tous les messages d'information
tout autant que sur les modes de transmission. Il est plus que temps de crier
alerte. Nous espérons et voici ce que disait M. Gros d'Aillon,
cela va intéresser aussi nos collègues qui siègent du
même côté, à votre gauche, M. le Président
que les partis de l'Opposition feront front commun pour parer au danger
qui menace les problèmes de l'information." C'est peut-être bien
loin du pain quotidien, mais le pain sans la liberté a un goût
amer qui le rend indigeste.
M. le Président, je me demandais pour quelle raison le ministre
n'avait pas pris connaissance de cet éditorial, je me demandais pour
quelle raison le ministre ne s'en était pas inspiré.
Je n'ai plus besoin de me le demander. Le ministre a répondu
à cette question en posant une question: Qui est M. Paul Gros d'Aillon?
S'il ne connaît pas l'auteur, s'il ne savait pas dans quel journal
l'auteur écrivait, encore moins pouvons-nous croire qu'il ait pris le
temps de lire cet excellent article qui résume exactement la
situation.
Or, je voudrais que le ministre prenne ces choses en
considération. Je voudrais que le ministre, avec ses conseillers, prenne
en considération les excellentes suggestions qui sont faites en
provenance de l'Opposition à savoir que nous avons suffisamment
d'organismes d'information et de publicité au Québec et que nous
n'avons pas besoin d'un organisme gouvernemental. Nous n'avons pas besoin
d'étatiser tout le monde. Dans les bills 35, 36 et 37, la
possibilité est donnée au ministère, même au
ministre puisqu'il a tous les pouvoirs, d'étatiser les moyens de
communication. On pourrait même, à l'intérieur de ces
juridictions qui seront données au ministre, assister à un effort
vers l'étatisation généralisée des moyens de
communication au Québec puisqu'il sera permis au gouvernement non
seulement d'exploiter des entreprises gouvernementales, mais aussi de
participer à l'exploitation des entreprises privées.
Quant on dit participer à l'exploitation des entreprises
privées, de là à prendre le contrôle de ces
entreprises privées déjà existantes, il n'y a qu'un pas.
Evidemment, il y a un danger. Par exemple, avec tous ces pouvoirs que se donne
le ministre, il pourrait arriver que même sans son consentement, des
officiers de son ministère agissent cela pourrait se faire
comme agents provocateurs de certains organismes de communication. Comme
résultat je cite en exemple la question du téléphone
au Québec on pourrait trouver toutes sortes de moyens pour
obliger ces compagnies de téléphone à augmenter leur prix,
à augmenter les taux pour leur donner plus de raisons d'entreprendre une
campagne visant à les étatiser.
Or, à l'occasion de manifestations dernièrement, on
entendait dire, justement: Ce n'est pas de notre faute, c'est parce qu'on nous
a provoqués. Ce n'est pas notre faute, c'est la police qui a
provoqué. Cela a créé des problèmes. Alors, si cela
se dit ailleurs, cela se fait peut-être. C'est peut-être vrai qu'il
y a eu provocation. Bien, cela pourrait se faire aussi au niveau du
ministère de la propagande. On pourrait, de façon très
rusée, provoquer une hausse des taux afin de donner au gouvernement de
bonnes raisons pour entreprendre une campagne d'étatisation et, par le
fait même d'étatiser l'entreprise privée, l'entreprise du
téléphone au Québec. Les conséquences, nous les
savons. Nous avons l'Hydro-Québec qui a été
étatisée. Qu'estce que cela a rapporté comme
conséquences? Augmentation des taux et augmentation du coût de
l'administration. Les revenus que le Québec était en droit
d'attendre de cette étatisation ne sont pas ceux qu'on nous a promis.
Pourtant ici, dans une petite brochure qui a été publiée
par le Bell Téléphone, nous voyons que cette compagnie est
passablement taxée. Nous voyons que, pour sa part, Bell
Téléphone a payé, en impôts directs, aux divers
gouvernements, fédéral, provincial et municipaux, $172 millions
en 1970. De plus, la compagnie a perçu et remis aux gouvernements en
cause un montant supplémentaire d'environ $92 millions en impôts
divers, ce qui forme un total de $264 millions ou l'équivalent de $44
par téléphone en service.
Cela, c'est l'enreprise privée, M. le Président,
qui donne un excellent service actuellement aux Québécois
et qui opère à un coût moindre que ce serait si la
même entreprise était étatisée. Or, justement, le
ministre se donne des pouvoirs qui pourraient aller jusqu'à provoquer
l'étatisation d'une compagnie comme Bell téléphone ou ses
filiales. A ce moment-là, cela ne rendrait pas service à la
population, mais lui permettrait d'être davantage exploitée pour
les moyens de communications dont elle a besoin de se servir. M. le
Président, comme il est six heures, je voudrai suggérer la
suspension du débat.
M. LE PRESIDENT: Le débat est suspendu jusqu'à...
M. LEVESQUE: Vingt heures quinze, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: ...vingt heures quinze.
Reprise de la séance à 20 h 28
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, lorsque nous avons suspendu le
débat, à six heures, j'en étais à discuter,
à l'intérieur du cadre des bills 35, 36 et 37, de
l'éventualité, pour le futur ministère de la propagande,
d'en arriver, par ces lois, à susciter chez les entreprises
privées qui exercent présentement au niveau des communications,
par différentes méthodes aussi rusées les unes que les
autres, des augmentations de taux aux abonnés. En ce qui concerne, par
exemple, le cas de la compagnie de téléphone Bell ou de ses
filiales, ce serait très possible. La provocation d'augmentations des
taux aboutirait sûrement à une campagne qui pourrait être
sous la juridiction du futur ministère de la propagande ou encore
d'autres qui sont intéressés à étatiser davantage
au Québec. Nous pouvons prévoir que le tout pourrait facilement
déboucher sur une campagne pour l'étatisation des services de
téléphone au Québec.
Or, j'ai dit cet après-midi que cette ou ces compagnies
privées opèrent présentement à meilleurs coût
que ne pourrait le faire aucune des entreprises d'Etat. La compagnie Bell,
à elle seule je peux le lire dans un dépliant qui a
été publié a versé, en 1970, la somme de
$264 millions en impôts aux gouvernements provincial,
fédéral et municipaux. Ce n'est sûrement pas à
dédaigner.
On peut lire un peu plus loin que, depuis 1960, les impôts, par
appareil, ont augmenté de 90 p.c. Ce taux d'accroissement est environ
quatre fois plus élevé que celui des dépenses
d'exploitation au cours de la même période. En 1970, la charge
fiscale de Bell Canada a augmenté de 16 p.c. comparativement à
celle de 1969.
On peut facilement prévoir que, si nous donnons davantage des
pouvoirs au futur ministère de la propagande, évidemment le
gouvernement a tous les moyens à sa disposition pour augmenter davantage
les charges fiscales de cette entreprise privée et, par voie de
conséquence, provoquer puisqu'on pourra augmenter les charges
fiscales une augmentation des taux, parce qu'il est bien clair que, dans
le domaine des entreprises privées, les actionnaires poseront des
questions aux dirigeants si les profits baissent trop.
Si on augmente les taxes d'une part, c'est bien clair que les profits
vont baisser et les actionnaires poseront des questions, ce qui fait que nous
serons obligés d'assister à une hausse des taux. Une fois
établie la hausse des taux, on donnera aux tenants de
l'étatisation, des raisons de partir en campagne pour
l'étatisation de cette entreprise privée, comme ce fut le cas
pour l'Hydro-Québec en 1962/63.
Il est bien évident que nous ne pouvons
admettre une telle éventualité. Et justement, les bills
qui nous sont présentés donneront au futur tsar des
Communications puisque c'est un tsar qu'on va nommer quand on aura
accepté ces bills 35, 36 et 37; je disais cet après-midi que nous
assistons à un retour en arrière d'environ 500 ans les
pouvoirs à une seule personne. On donne les pouvoirs au ministre
à l'intérieur des bills 35, 36 et 37. Cela me fait dire qu'en
étatisant les communications, en créant le ministère de la
propagande, ça nous fait en même temps assister à la
création de l'agence Tass du Québec.
Si c'est l'agence Tass du Québec, on pourrait facilement penser
que le ministre est le tsar du Québec. C'est ce que nous ne voulons pas
qu'il arrive, nous n'accepterons pas que ça arrive et nous n'accepterons
pas non plus que le ministre soit pris à ce piège-là. Le
ministre est en train de se laisser prendre au piège des technocrates de
l'étatisation. C'est aussi simple que ça, c'est dans ce
ministère-là comme dans les autres, les ministres changent mais
les tsars dans les ministères ne changent pas.
C'est pour ça qu'en 1971 on nous présente des bills sur
l'étatisation des communications, mais ça a commencé avant
ça.
On a entendu aujourd'hui et la semaine dernière les orateurs du
Parti libéral et de l'Opposision officielle qui se disaient entre eux
que pendant que le Parti libéral était dans l'Opposition il
disait les mêmes choses ou à peu près les mêmes
choses que ce que dit l'Opposition officielle aujourd'hui, alors que
l'Opposition officielle d'aujourd'hui était le gouvernement du temps,
puis on proposait quelque chose qui ressemble à ça.
M. le Président, plus ça change, plus ça se
ressemble. Plus ça change, plus c'est pareil et, justement, plus
ça change, moins ça change. Plus on change les ministres, plus on
change les gouvernements, s'il n'y a rien qui change à
l'intérieur des ministères, si l'esprit à
l'intérieur des ministères ne change pas, M. le Président,
il n'y a rien de changé. On change les façades, on change
l'empaquetage, mais on ne change pas le produit. C'est ce qui arrive à
l'intérieur du ministère des Communications
présentement.
Je voudrais mettre le ministre en garde parce que ces bills 35, 36 et 37
vont faire de lui un roi, vont faire de lui quelqu'un qui a les pouvoirs
absolus, mais en même temps vont faire de lui un esclave de ces lois, un
esclave de ces bills, un esclave de son ministère, un esclave des
technocrates qui sont ceux qui ont préparé les bills 35, 36 et
37. Le ministre lui-même n'est sûrement pas convaincu de
l'opportunité de voter en faveur de ces bills.
M. le Président, on est sur le point d'assister à la
création de toutes pièces du ministère de la propagande
libérale, on est sur le point de brimer les droits de l'Opposition,
puisque si c'est le gouvernement qui contrôle la publicité, si
c'est le gouvernement qui contrôle la propagande, qu'est-ce que
l'Opposition pourra dire à ce moment-là? Qu'est-ce que
l'Opposition pourra faire comme publicité si on contrôle en
partant du gouvernement? Je voudrais donc mettre le ministre en garde, parce
que, justement, au moment où il pense tout étatiser, au moment
où il pense tout contrôler, au moment où il pense former un
ministère de la propagande, eh bien, en même temps, M. le
ministre, si vous voulez m'accorder quelques instants...
M. LEDUC: II vous écoute continuellement.
M. SAMSON: Le ministre est en train de discuter avec le ministre de la
Voirie. Il pourra peut-être reprendre cela ce soir; ses chemins pourront
attendre jusqu'à demain. Au même moment, M. le ministre, où
vous êtes en train de parler, de discuter sur un bill, pour former le
ministère de la propagande, voici ce qui se passe dans les CEGEP et les
universités du Québec. Un communiqué, un trac a
été distribué aujourd'hui par la CSN. Voici ce qu'il dit:
Etudiants, travailleurs, les syndicats sont maintenant prêts à
considérer l'étudiant comme un travailleur au même titre
que l'ouvrier.
Cela veut dire que l'étudiant doit nécessairement prendre
conscience de ce qui se passe à l'extérieur de son CEGEP ou de
son université. Cela veut dire que les étudiants doivent
travailler conjointement avec les ouvriers pour créer une force valable
afin de se protéger et de faire valoir leurs droits sociaux communs.
Cela veut dire aussi que les étudiants doivent appuyer les
revendications faites par les travailleurs; c'est pourquoi nous devons appuyer
concrètement les gars de Lapalme." C'est signé: "Manifestons avec
les gars de Lapalme. Rendez-vous au 155 Charest Est, etc., jeudi 4 novembre
1971." C'est distribué pas la CSN.
Au moment où vous vous apprêtez à prendre le
contrôle de la propagande, on passe des tracts comme ceux-là aux
étudiants dans les universités, dans les CEGEP pour les inciter
à sortir des universités et des CEGEP pour aller dans la rue
participer à la manifestation qui a lieu ce soir avec les gars de
Lapalme. Nous ne savons pas de quelle façon se terminera cette
manifestation. On sait toujours comment ça commence mais on ne sait
jamais comment ça finit. La preuve, nous l'avons eue vendredi soir
dernier à Montréal.
Au lieu de perdre du temps à penser à des lois pour
enrégimenter la propagande qui serait saine de la part des autres partis
politiques, de la part des journaux responsables à travers le
Québec, vous devriez prendre plus de temps pour surveiller ce qui se
passe, alors qu'on enrégimente nos étudiants actuellement par
l'entremise de la CSN ou de Chartrand, à Montréal, ou de Lemieux,
par exemple. Ils sont invités plus souvent qu'à leur tour
à aller visiter les étudiants dans les universités et les
CEGEP pour essayer de les enrégimenter.
Je crois que ce gouvernement doit prendre ses responsabilités.
C'est assez de temps de
perdu. On perd déjà assez de temps à vouloir
enrégimenter la publicité dans la province de Québec et
à vouloir prendre la maîtrise absolue et complète des media
d'information ainsi que des moyens de communication. On en aurait beaucoup
à dire. Evidemment, nous considérons que le ministre a voulu,
dans son bill, affirmer quelque peu les droits du Québec en
matière de communication. Dans ce domaine-là, si on regarde les
bills je n'ai pas l'intention de parler des articles, M. le
Président à un certain article du bill 35 ou 36, on
retrouve l'affirmation de certains droits.
Au dernier article du bill, on dit que le bill sera appliqué sauf
l'article où on affirme nos droits. Cela veut dire que, d'un
côté, on affirme et, de l'autre côté, on n'est pas
trop certain.
Or, j'ai justement ici, M. le Président, dans ce
domaine-là, un article du Soleil du 9 décembre 1970. Ce n'est pas
d'hier que des gens pensent aux juridictions dans le domaine des
communications. C'est un article écrit par Claude Tessier, titré:
"Les gouvernements doivent répartir leur juridiction respective dans le
domaine des télécommunications. Le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec doivent s'asseoir
à la même table pour discuter de leur juridiction respective dans
le domaine des télécommunications afin de clarifier une fois pour
toutes la situation". Nous en sommes. "Pour le président de
Québec Téléphone, M. Bénéteau, il est
anormal qu'en 1970 le monde complexe des télécommunications soit
régi par une entente qui date de 1867. Il nous apparaît urgent que
les autorités des gouvernements fédéral et provincial se
penchent sur la situation et s'efforcent d'y apporter, dans le plus bref
délai, les mesures correctives qui s'imposent, dit le président
du plus grand réseau de téléphone indépendant du
Québec. M. Bénéteau propose la création d'un
conseil général des télécommunications similaire au
conseil général de l'industrie qui réunirait les
spécialistes, les industriels et les exploitants des
télécommunications. "Ce conseil général des
télécommunications pourrait conseiller le ministère des
Communications du gouvernement du Québec sur les mesures à
prendre dans ce domaine. M. Bénéteau a fait cette proposition au
cours d'une conférence au club Rotary de Québec".
M. le Président, si les bills n'étaient que l'affirmation
de nos droits et de certaines juridictions en matière de
télécommunications, nous en discuterions dans un esprit
différent, mais ce qui ressort surtout de ces bills-là, c'est
l'empiétement que le gouvernement entend faire dans le domaine des
communications, de la presse, de la radio, de la télévision et
aussi les pouvoirs que se donne le ministre. Lorsque nous voyons dans ces bills
que le gouvernement pourrait s'approprier certaines actions dans les
entreprises privées, nous sommes réellement inquiets. Nous nous
demandons à quel moment le gouvernement prendra le contrôle
complet de l'ensemble des média de publicité au
Québec.
Si on se base sur le bill, on peut voir que le ministre se
réserve des pouvoirs extraordinaires. A ce moment-ci, cela correspond
à l'esprit des lois qui nous sont suggérées depuis
déjà un bout de temps. On nous propose une loi qui n'est pas plus
claire qu'il le faut et on se réserve le droit d'appliquer cette loi par
voie de règlements. La réglementation, on a connu ça pour
le bill 23, on a connu ça pour tous les bills qui nous sont
présentés. On nous présente un bill qui ne veut pas dire
grand-chose et on se réserve tous les droits de passer des
règlements qui auront force de loi par la suite. Cela n'est
sûrement pas normal. Est-ce que le gouvernement se rend compte ou est-ce
que le gouvernement admet que tous les députés en cette Chambre
sont mandatés, que tous les députés en cette Chambre
représentent des électeurs? Quand on nous fait adopter des lois
et que le gouvernement se réserve par la suite le droit de fonctionner
par voie de réglementation, cela veut dire qu'on se fout des
députés de cette Chambre. On se fout de l'Opposition. On se fout
de ceux qui sont élus par la population pour la représenter.
Or, je pense que le gouvernement devrait, à ce moment-ci, faire
un examen de conscience sérieux non seulement pour les bills 35, 36 et
37, mais pour les lois futures, pour celles dont on n'a pas encore
discuté. Qu'on cesse donc de nous préparer de la
législation où on se réserve tous les pouvoirs par la
suite, où c'est le conseil des ministres, le lieutenant-gouverneur en
conseil qui décide tout par la suite.
On n'a pas besoin d'aller plus loin. On a justement assisté cet
après-midi, de la part d'un ministre, à un refus d'instruire ou
d'informer les députés de cette Chambre. Si on procède par
réglementation, est-ce que le gouvernement fera les efforts
nécessaires pour nous donner toute l'information? Je crois que non. De
ce côté-là les efforts ne sont pas sérieux. On n'est
pas prêt à informer les députés, mais pourtant, pour
ce qui est de la publicité, là, on y va, là, on est
prêt, là, on est maître en la matière.
Je le disais cet après-midi et je pourrais le
répéter toute la soirée et j'aurais encore raison, le
gouvernement n'a pas besoin des bills 35, 36 et 37 pour prendre le
contrôle de la propagande, pour faire la propagande du Parti
libéral. Il est parfaitement capable de le faire sans les lois qui nous
sont présentées actuellement. Il l'a prouvé
d'ailleurs.
M. le Président, le ministre aurait tout intérêt
à retirer ces bills avant qu'il ne soit trop tard. Il sera l'esclave de
ses propres bills et il sera probablement celui qui, le premier, voudra revenir
devant la Chambre pour les amender, mais comme il sera trop tard, comme il en
sera devenu l'esclave, il devra porter l'odieux des bills 35, 36 et 37. Je
demande au ministre de prendre en considération cette suggestion.
Retirez-les pendant qu'il est encore temps et si vous refusez de les retirer,
le moins que vous puissiez accepter, c'est que vous envoyiez les bills en
commission parlementaire pour que les intéres-
sés, les experts dans le domaine des communications puissent
venir témoigner devant cette commission parlementaire, et que nous
connaissions le son de cloche de l'entreprise privée en ce qui concerne
le bâillonnement que vous vous apprêtez à faire en ce qui
concerne l'étatisation de l'entreprise privée.
Le ministre devrait prendre en sérieuse considération ces
suggestions que nous lui faisons avant qu'il ne soit trop tard. N'attendons pas
d'assister à la naissance de l'agence Tass du Québec avant de
réagir. Les députés du côté du gouvernement
devraient réagir immédiatement. S'ils ont encore le droit de
parole en cette Chambre, qu'ils ne laissent pas uniquement le ministre
défendre son bill. Je suis persuadé que les députés
du côté du gouvernement ne sont pas d'accord avec
l'étatisation qu'on est en train de faire du domaine des communications.
Je suis persuadé qu'ils en auraient long à dire si on les
laissait parler. Mais comment voulez-vous que le gouvernement retire ses bills?
Comment voulez-vous que le gouvernement se retire le droit de prendre le
contrôle de la propagande du Parti libéral alors qu'il ne laisse
même pas la liberté à ses députés de
s'exprimer en cette Chambre, et pas seulement sur les bills 35, 36 et 37? Les
députés du gouvernement sont ceux qui parlent le moins souvent.
Laissez-les donc parler. Ils ont quelque chose à dire et alors vous
verrez que les députés du gouvernement sont des gens qui, eux
aussi, ont des électeurs à représenter en cette Chambre,
qui, eux aussi, ont des opinions à faire valoir.
S'ils vont dans leur comté aussi souvent qu'ils le laissent
entendre, à ce moment-là, ils viendront dire, en Chambre, ils
viendront dire ici, à Québec, ce que les électeurs
réclament d'eux. Ce que les électeurs réclament d'eux, M.
le Président, ce n'est sûrement pas le ministère de la
propagande du Québec.
M. LE PRESIDENT: Le très honorable député de
Maskinongé.
M. Rémi Paul
M. PAUL: C'est le cas de dire, M. le Président, que vous me
donnez au moins "la palme" ce soir.
M. le Président...
M. LEDUC: Très honorable Président.
M. PAUL: Je vais être obligé de m'asseoir.
M. le Président, vous ne sauriez croire comme nous avons
écouté avec beaucoup d'intérêt le parrain de ce
projet de loi. Nous l'avons pris en pitié. Nous avons constaté
qu'il était cette colombe, entre les mains du cabinet, pour tenter
d'être l'instrument de la décapitation de la liberté de
presse au Québec.
Le ministre des Communications s'est candidement levé et il nous
a demandé d'appuyer le principe du projet de loi no 35. M. le
Président, je me demande si on n'aurait pas dû commencer par le
bill 37, suivre avec le bill 36, pour finir par le bill 35. Si le ministre nous
avait présenté son projet de loi au printemps, comme le signalait
le très illustre collègue de Chicoutimi, je crois qu'il aurait
probablement ébranlé quelque peu notre confiance. Il a un visage
angéli-que. Nous ne pouvions soupçonner, à ce
moment-là, qu'il était l'exécutant des hautes oeuvres de
la mise en place d'un ministère de la propagande.
Ne vous sauvez pas, messieurs les ministres. Restez. Nous aurons de
bonnes petites nouvelles. Vous verrez comment vos collègues du cabinet
ont réagi, un jour, lorsque le bill 11 fut présenté.
M. LEDUC: Cela, ça va être bon.
M. PAUL: Oui, Surtout votre motion à vous, honorable et
très distingué collègue, que l'on peut retrouver dans les
comptes rendus des débats de la Chambre, spécialement dans le
cours du mois d'octobre 1969.
M. LEDUC: C'est cela.
M. PAUL: Nous espérons que ce soir vous ferez comme d'autres
collègues, que nous entendrons le coq du reniement.
M. le Président, le ministre nous arrive trop tard avec sa loi.
Je vois arriver mon très digne ami, le député de quel
comté?
UNE VOIX: Notre-Dame-de-Grâce.
M. PAUL: De Notre-Dame-de-Grâce. Je lui ferai la grâce, tout
à l'heure, de lire une excellente déclaration.
Pour ceux-là qui n'ont rien à faire, qui ne comprennent
rien dans le débat, je vous invite à lire toute la saveur que
l'on retrouve à la page 1754 des débats de l'Assemblée
nationale, alors que l'humble député de Notre-Dame-de-Grâce
exposait des grands principes de pureté qu'on ne retrouve plus chez lui
hélas!
Je me demande si le ministre, à toutes fins utiles, ne s'est pas
laissé tromper. On lui a demandé de présenter le bill 35
intitulé Loi modifiant la loi de la Régie des services publics.
Je n'ose pas faire une motion pour changer le titre de la loi, mais je suis
sûr que le ministre réalise déjà qu'à toutes
fins utiles cette loi pourrait s'intituler: loi privant la Régie des
services publics de son autonomie, ou encore loi abolissant les pouvoirs
d'action de la Régie des services publics. Et là nous aurions la
traduction exacte du principe que l'on retrouve dans ce projet de loi.
C'est beau, sous le couvert de la plus pure innocence, de nous inviter
à la piété et à la confiance à l'endroit du
gouvernement et de son exécuteur, non pas testamentaire, mais de son
meurtrier, c'est grave, de la liberté...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): H y a une loi de l'indemnisation.
M. PAUL: Et je me demande s'il ne sera pas tout à fait
qualifié pour être le premier à bénéficier du
bill 83 que nous avons adopté cet après-midi parce qu'il est
victime d'une machination machiavélique de la part de ses
collègues du cabinet. Et lui, on a voulu l'allier à ce groupe de
parlementaires qui ont siégé dans cette Chambre. L'honorable
ministre à ce moment-là était un fidèle et
modèle employé du ministre des Affaires culturelles. Il ne sait
pas...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'étais son modèle.
M. PAUL: ... ce qui s'est passé ici. Et voici qu'on lui demande
de décapiter son collègue de pupitre, le ministre des Affaires
culturelles.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II est même déjà
parti.
M. PAUL: Je suis sûr que l'honorable ministre, ce soir, est
à la première de l'opéra Samson et Dalila ici, à
Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas Samson et Dalila puisque Samson
est ici.
DES VOIX: Dalila aussi.
M. PAUL: Je dis que c'est par sympathie pour le député
d'Ahuntsic que nous nous opposons au principe du projet de loi no 35. Est-ce
que le ministre a consulté son collègue des Affaires culturelles
pour la publication d'une brochure, d'un livre vert nous passons du
blanc au vert pour une politique québécoise des
communications? C'est là, à la page 38, que nous voyons que les
films d'information ou à caractère éducatif, les photos,
tout ça, vont maintenant relever du Goebbels du gouvernement Bourassa
lorsque la loi aura été adoptée.
Et dire qu'on se sert du ministre innocent dans ce sens qu'il y
va avec une grande franchise on lui demande d'exposer dans cette Chambre
la politique du gouvernement. Il a fait foi à ses collègues du
cabinet. Et je suis sûr ce soir qu'il a honte de faire partie de cette
équipe.
M. le Président, il faudrait qu'il soit beaucoup plus clairvoyant
avant d'être l'exécuteur des hautes oeuvres de papa Doc. M. le
Président, le projet de loi no 35 va donner au ministre une juridiction
et une autonomie "tsarines".
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tsaristes.
M. PAUL: Tsaristes, pardon. Merci, mon cher collègue.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tsarine, c'était la femme du tsar.
M. PAUL: C'était Dalila. Bon, continuons.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous faisons de l'autocritique, nous.
M. PAUL: C'est libre chez nous. On trouve, dans les notes explicatives,
que "le projet de loi 35 a principalement pour objet d'attribuer à la
Régie des services publics une compétence à l'égard
de toutes les entreprises de communications relevant de la compétence
législative du Québec, tout en prévoyant que le
régie devra remarquez bien se conformer à la
réglementation adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil
sur la recommandation du ministre des Communications."
Nous avions un organisme, la Régie des services publics, dont les
membres sont d'une compétence reconnue, et dont l'efficacité
également est appréciée de tous et voici que
l'omnipuissant ministre, titulaire du ministère de la propagande, va
imposer ses vues, sa politique à messieurs les régisseurs. Quelle
liberté d'action auront maintenant les membres de la régie
publique pour s'autodiscipliner ou pour adopter des règlements
administratifs pour la bonne marche de la Régie des services
publics?
M. le Président, il faudra maintenant attendre le nihil obstat du
ministre des Communications. Nous sommes devant une trilogie. On sait qu'une
trilogie, c'est une série de trois oeuvres dont les sujets font suite
les uns aux autres. C'est pourquoi le ministre, sachant fort bien qu'il
était placé dans l'obligation de défendre une trilogie,
nous a demandé de mettre de côté certaines règles de
procédure pour pouvoir embrasser du même coup les
différents principes que l'on trouve dans les projets de loi 35, 36 et
37.
M. le Président, je suis sûr que le ministre connaît
très bien cet axiome : Qui trop embrasse mal étreint. Le ministre
n'étant pas satisfait, pour la mise en application de sa politique des
Communications, d'avoir décapité son collègue, le ministre
de Affaires culturelles, veut maintenant imposer ses vues à ses
collègues du cabinet qui devront l'écouter.
C'est là que nous voyons, dans le projet de loi 36, que les sept
membres de l'ORTQ, dont le président et le vice-président, seront
nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation
dû ministre des Communications. Dans les autres lois, on dit que le
lieutenant-gouverneur en conseil nomme M. X, Y, Z à tel ou tel poste.
Mais non, dans cette loi c'est le ministre des Communications qui va faire ses
recommandations à ses collègues du cabinet pour la nomination des
nouveaux commissaires à l'ORTQ.
On sait que l'objet de l'Office de radio-télédiffusion du
Québec est complètement mo-
difié. Au lieu d'un service complet de
radio-télédiffusion, voilà que cet organisme est
maintenant réduit à un service de production. Cette production,
il la réalise à la demande du ministre, selon ses normes, selon
ses débats, selon ses caprices, suivant ce qu'il a décidé,
le tout entériné et sanctionné par ses collègues du
cabinet. L'ORTQ ne deviendra qu'un exécutant technique de la politique
du ministre des Communications.
D'ailleurs, après avoir décapité, à l'insu
même du ministre des Affaires culturelles, cette partie qui était
de sa compétence, l'Office du film, on a également
décapité l'OIPQ. Pas le ministre lui-même, mais par
personne interposée. Nous allons assister à la dissolution pure
et simple de l'OIPQ. Cette disparition marquera la fin d'un régime
où un homme, M. Laurent Laplante, pouvait dire au ministre: Je refuse de
communiquer telle information ou de la faire de telle façon pour motif
d'intégrité politique de la presse. Qui reste en fonction
à l'OIPQ? Personne, deux ou trois employés. Où sont les
autres, M. le ministre? Pourquoi ont-ils démissionné?
Est-ce que, par hasard, ils avaient reçu mandat de faire de la
propagande politique? L'honnêteté professionnelle des hommes en
place les a purement obligés à démissionner. C'est curieux
de voir les silences. Je comprends que mon bon ami le leader du gouvernement,
dans sa sagesse reconnue, n'avait pas voulu, en 1969, participer au
débat autour du projet de loi no 11, vous non plus, M. le
Président, vous n'aviez pas voulu participer à ce
débat.
Mais il y en a d'autres qui nous ont fait des déclarations de
principe c'était à pleurer et on nous dira
aujourd'hui que nous voulons renier notre passé et la philosophie qui
présidait à la base de la présentation du projet de loi no
11. Non, M. le Président. Nous avons, à cette époque,
crée un organisme nouveau. Il nous était impossible de
procéder autrement. Mais nous avons vu des hommes d'expérience
comme mon bon ami, l'honorable député de Drummond, un
député obscur qui siégeait à l'arrière ici,
c'était le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a
participé au débat et il y avait mon bon ami, le
député de Taillon.
M. LEDUC: Brillant garçon.
M. PAUL: Brillant, je l'admets, mais pas encore assez brillant pour que
ses mérites soient reconnus par son chef.
M. le Président, il y avait également l'honorable ministre
de la Justice, il y avait l'honorable Jean Lesage, le grand maître
penseur du premier ministre actuel... You are right, Sir, because the former
Prime Minister was a better Prime Minister than Mr. Bourassa.
M. LEDUC: Cela, ce n'est pas gentil et ce n'est pas vrai.
M. PAUL: M. le Président, il y avait également le
distingué député de Gouin, celui-là même qui
un jour a été catalogué comme étant la grosse
Bertha du parti libéral. A ce moment-là les ministres
d'aujourd'hui, alors qu'ils étaient de simples députés,
nous...
Disons qu'en ce jour de la fête de Lapalme et à la veille
de la venue de M. Tito je veux être charitable.
M. DEMERS: Les frères Lapalme.
M. PAUL: C'était encore mieux que... M. le Président, le
projet de loi no 36, c'est là que le ministre prend son autorité.
Lui, le grand seigneur, le commandant des forces armées de la propagande
libérale, il sera l'écho de papa Doc. Regardez-le, M. le
Président, il rit, il réalise qu'il a été victime
d'une machination diabolique.
UNE VOIX: Pauvre petit diable.
M. PAUL: J'ai assez hâte d'arriver au point où je vais vous
lire la déclaration de mon excellent ami le député de
Notre-Dame-de-Grâce que j'ai quasiment envie de succomber tout de suite
au désir que j'ai. Mais non, je vais le faire attendre parce que je
voudrais vous dire un mot de cette autre loi de la trilogie que nous
présente le ministre, le projet de loi no 37. A 35, sous le couvert de
l'innocence, on nous demande d'adopter une loi; 36, ce sont les pouvoirs que
l'ORTQ va maintenant posséder et 37, ce sont les transformations
à l'intérieur du ministère des Communications. Quel
scandale, M. le Président, en 1969, quand nous avons mis sur pied
l'ORTQ! Je sais que vous avez suivi ces débats avec
intérêt...
UNE VOIX: Dans le temps, oui.
M. PAUL: ...que vous n'approuviez pas la politique de vos
collègues. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, avec la haute position que
vous occupez, vous avez une liberté de pensée qui vous permet de
mieux apprécier la logique des arguments soulevés par mon
distingué collègue, le député de Chicoutimi, qui,
d'ailleurs, m'a inspiré moi-même pour faire une intervention bien
imparfaite comparée à la sienne.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mon humilité en prend un coup.
M. PAUL: Si cela pouvait le faire engraisser, au moins!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en passerai au député de
Beauce, si j'en ai trop.
M. PAUL: Le ministre, le tsar, l'empereur, le Goebbels du
gouvernement...
UNE VOIX: Le pape de la propagande.
M. PAUL: Non, le pope de la propagande, j'aime mieux laisser cela
à Claude Ryan, éditorialiste au journal Le Devoir, c'est
effrayant comme il ne parle plus souvent. En 1969, il disait que les loups
rôdaient autour de la bergerie. Je me demande si les loups l'ont
mangé parce qu'on n'en entend plus parler.
Voici que le ministre, cet humble fonctionnaire qui, heureusement, a
reçu une excellente formation au contact de son ministre, le
député de Chicoutimi, va maintenant décider du droit de
vie ou de mort de tout ce qui regarde de près ou de loin l'information
au Québec. Si Louis XIV disait un jour: "L'Etat, c'est moi! ", lui se
lèvera dans cette Chambre et d'une voix d'autorité dira:
L'information, c'est à moi. C'est triste de ne pas avoir informé
le ministre de l'information de tous les pièges qui se cachent dans ces
projets de loi.
On va nous dire: Vous reniez la politique que vous avez adoptée
lors de la présentation du projet de loi 11. Je dis non. Nous voulons
voir si les hommes de l'autre côté étaient sincères
lorsqu'ils siégeaient de ce côté-ci. Les grands principes
de vertu qu'ils ont défendus en 1969, c'est le temps de les appliquer.
C'est le temps de faire en sorte que la politique ne soit pas un instrument
facile entre les mains d'un seul ministre et que la propagande ne soit pas au
service exclusif de l'incompétence qui caractérise tous les
ministres du gouvernement actuel.
UNE VOIX: C'est plus vrai que c'était.
M. PAUL: II y a eu d'excellents commentaires sur le principe.
Imaginez-vous que mon très distingué ami, l'honorable
député de Notre-Dame-de-Grâce...
M. TETLEY: Notre-Dame-de-Grâce. Notre-Dame.
M. PAUL: ... s'était élevé contre
l'indécence que l'on retrouvait dans ce projet de loi no 11, parce que
nous osions avoir une provision dans la loi à l'effet que des
fonctionnaires pouvaient être nommés membres de l'ORTQ. Voici
qu'à l'article 1 du projet de loi 36 on lit que les membres de l'office
"peuvent être choisis parmi les fonctionnaires du gouvernement ou d'un
organisme qui en relève." Le député de
Notre-Dame-de-Grâce...
M. TETLEY: Cela a été mon meilleur discours.
M. PAUL: Avez-vous remarqué, M. le Président, son meilleur
discours. Il va être assez difficile pour lui de voter pour le principe
du bill 35. On va relire ce qu'il a dit à la page 1754 des Débats
du 16 mai 1969: "Je pense au code civil... Le grand juriste! D'ailleurs, c'est
un gouvernement qui se caractérise par ses juristes. Vous avez le
député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez le
député de Gatineau. Il nous fait des déclarations qui
bouleversent le monde juridique. Je continue. "Je pense au code civil parce que
les articles que j'ai cités nous réfèrent à ce
code." C'est bon, ça. "L'article 1701 dit: "Le mandat est un contrat par
lequel une personne, qu'on appelle le mandant, confie la gestion d'une affaire
licite à une autre personne qu'on appelle le mandataire et qui, par le
fait de son acceptance, l'oblige à l'exécuter."
Le gouvernement confie quelque chose à l'office et l'office est
son mandataire en droit et doit suivre les instructions du gouvernement."
L'article 1709 dit: "Le mandataire c'est à dire l'office
est tenu d'accomplir le mandat qu'il a accepté et répond
des dommages et intérêts, etc."
L'article 1710 dit: "Le mandataire, dans l'exécution du mandat,
doit agir avec l'habilité convenable et tous les soins d'un bon
père de famille mais surtout et toujours en vertu des instructions du
gouvernement ou du lieutenant-gouverneur."
Là, M. le Président, nous voyons plus loin que le ministre
actuel passe par une crise de conscience qui l'oblige, à cette
époque-là, à voter contre le projet de loi no 11.
Cependant, l'Office de radio-télédiffusion du Québec avait
une certaine dose d'indépendance et d'autorité. Mais aujourd'hui,
tout cela tombe sous la férule du ministre des Communications. Si le
ministre a fait son meilleur discours le 16 mai 1969, j'espère qu'il va
se lever et nous dire pourquoi aujourd'hui il va voter pour le principe des
projets de loi 35, 36 et 37.
M. DEMERS: Demandez-lui de le répéter.
M. PAUL: M. le Président, il y avait un éditorial qui a
paru dans le journal Le Soleil et qui commentait la présentation du
projet de loi no 11. M. Dubé, éditorialiste, écrivait
ceci: "Si l'on veut venir à utiliser Radio-Québec, il faut de
toute nécessité prendre le moyen de le soustraire à toute
intervention possible de l'un ou de l'autre membre du gouvernement. Le moins
que l'on puisse exiger, c'est que l'on fasse une société de la
couronne." Vous vous rappelez que mon collègue, le député
de Chicoutimi, a parlé de régie indépendante. D'ailleurs,
c'est ce que voulait... M. le Président, je sais que vous regardez
l'heure. Mais je suis convaincu que mes collègues ne s'opposent pas
à ce que je continue!
M. DEMERS: Non, parlez-en au leader!
M. PAUL: D'ailleurs, j'en ai parlé au leader. En poussant plus
loin le raisonnement, je me demande si je n'aurais pas droit à une heure
et demie parce qu'il s'agit de trois principes, de trois lois que nous
étudions dans une seule. De toute façon, disons que personne ne
s'aperçoit de l'heure et que je continue en disant que le moins que l'on
puisse exiger, c'est que l'on fasse
une société de la couronne. Mon collègue, le
député de Chicoutimi, a mentionné la
nécessité de mettre en place des régies
indépendantes et non pas des marionnettes entre les mains d'un
gouvernement et surtout d'un ministre, bien intentionné aujourd'hui mais
qui devra subir l'autorité du "brain trust" en place au bureau du
premier ministre sinon il se verra décapité ou il sera victime
d'un transfuge ou d'un transfert. Transfuge, M. le Président, j'en
passe! "S'y joint singulièrement le fond même de ce débat:
Radio-Québec devenant une société d'Etat, jouissant d'un
large statut d'indépendance par rapport aux pouvoirs politiques." M.
Dubé ajoute: "Le jour où l'on voudra ajouter à l'action
que Radio-Québec peut jouer dans le domaine de la radiodiffusion
éducative une extension qui lui permettra de toucher à toute
l'activité gouvernementale, il faudra, de toute évidence, se
faire une société d'Etat à l'abri de toute
ingérence politique." A quoi assistons-nous, M. le Président?
Nous allons, nous, contribuer à la mise en place d'un ministère
de la propagande? Non, M. le Président. Pas parce que nous sommes dans
l'Opposition mais parce que nous ne pouvons pas tolérer la mise en place
d'un tel instrument de propagande politique partisane entre les mains du
gouvernement, par la voix de son ministre des communications.
M. le Président, il serait intéressant de vous lire ce que
disait le bouillant, dynamique et volubile député de Gouin, le
vendredi 16 mai 1969. L'honorable député de Gouin disait ceci:
"Le vrai problème qui nous confronte aujourd'hui n'est donc pas de
décider si oui ou non le gouvernement du Québec entrera dans le
champ de la radiodiffusion, il y est déjà depuis un an. Le vrai
problème, c'est de décider si l'Assemblée nationale
donnera son approbation à un projet de loi dont le principe même
et j'insiste là-dessus vise, par son absence de
mécanismes de contrôle, la mise en tutelle, par l'exécutif,
de l'ORTQ".
M. le Président, c'est drôle. Nos ministres actuels
dormaient lorsqu'on a discuté du principe de ces lois au cabinet des
ministres ou ils n'ont pas été consultés. C'est seulement
au fur et à mesure que les débats se déroulent qu'ils
saisiront le reniement des grands principes qu'ils ont exposés dans
cette Chambre, dans le cours des mois de mai et d'octobre 1969.
M. le Président, un ex-premier ministre, qui était chef de
l'Opposition, dit, à la page 2,964 des Débats de
l'Assemblée nationale du jeudi 9 octobre 1969: "M. le Président,
je suis dans une situation, actuellement, où il est clair que je n'ai
pas d'intérêt à faire de la politique partisane. Disons
qu'il est beaucoup plus facile pour moi, depuis le 28 août on sait
que le 28 août, c'est le jour où il a reçu un coup de
poignard dans le dos par l'ancien député d'Ahuntsic, Jean-Paul
Lefebvre, jusqu'à récemment organisateur en chef du Parti
libéral du Québec, au niveau fédéral, je veux
être honnête, mais, cependant, on le voit courir dans les corridors
depuis quelques jours. Sans doute que papa Doc aura une excellente
récompense pour lui de dégager mon esprit des
considérations partisanes et de penser aux conséquences que
pourrait avoir l'utilisation d'une arme parce que c 'est une arme de
propagande que l'ORTQ entre les mains de personnes qui n'auraient
peut-être pas ' les scrupules que le premier ministre a ou ceux que je
veux avoir".
De ce côté-là, M. le Président, quant
à moi, je risquerais ma confiance entre les mains du ministre actuel des
Communications. Mais je vous promets que ma confiance serait
ébranlée s'il fallait que cela tombe entre les mains du ministre
de la Voirie et des Travaux publics, par exemple.
M. le Président, M. Lesage demande alors au premier ministre de
bien considérer toutes les conséquences possibles de
l'utilisation d'une telle arme par un gouvernement peu scrupuleux. Ce sera
écrit et ce sera la loi. Ah! le ministre nous a dit: M. le
Président, nous convoquerons la commission parlementaire des
Communications. Les députés auront le loisir, l'occasion de
questionner tous les membres de l'ORTQ. Mais qu'on le mette dans la loi et
qu'on inscrive que l'Assemblée nationale est le maître absolu de
toute l'information au Québec. Est-ce que l'on craint de le mettre dans
la loi? Si le ministre est sincère je n'en doute pas qu'il
obtienne le consentement de ses collègues du cabinet pour qu'une telle
clause de sécurité soit inscrite dans ses lois.
M. le Président, un jour, un excellent rapport a
été publié. C'est le rapport Fowler.
La commission Fowler a recommandé, et je crois que cela devrait
s'appliquer ici, que l'organisme évidemment on sait que le
rapport Fowler traitait de tout le problème des activités de la
programmation, du budget, de la publicité de Radio-Canada, il parlait de
Radio-Canada ait à rendre compte chaque année au Parlement
de la façon dont on a cherché à atteindre les objectifs
fixés à la radiodiffusion canadienne. Pour me servir d'une
expression chère au ministre du Travail, nous devrions retrouver ce
principe dans le projet de loi mutatis mutandis, parce qu'il ne suffit pas,
à mon sens, que le contrôle parlementaire soit exercé via
les estimations budgétaires.
Je pense que cela doit être beaucoup plus direct, il faudrait en
faire l'objet d'une obligation législative, dixit Jean Lesage.
M. LEGER: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. PAUL: Oui.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Est-ce que le député de
Lafontaine veut prendre son siège?
M. LEGER: Merci, M. le Président. Le député,
tantôt, nous a demandé un genre de consen-
tement unanime pour qu'il dépasse sa demi-heure. Comme nous
étions suspendus à ce qu'il disait, nous n'avons pas
bougé, mais j'aimerais savoir combien de temps il désire pour
terminer et est-ce que c'est une permission ad libidum ou simplement une
question de quelques minutes de plus?
M. PAUL: Disons que je ne répondrai pas par un argument
léger, je vais dire peut-être de huit à dix minutes.
M. LEGER: Nous sommes d'accord.
M. PAUL: M. le Président, ce n'est pas tout. Un ministre de
poids, en vertu des responsabilités qu'il occupe, le ministre de la
Justice, le député d'Outremont...
M. DEMERS: "D'outremonstration".
M.PAUL: ...est intervenu dans le débat et nous pouvons trouver
son intervention aux pages 2973 et suivantes du journal des Débats du
jeudi 9 octobre 1969. Le ministre de la Justice disait à
l'époque: "J'avais avancé, comme principe, que je
considérais que les émissions faites par cet organisme devraient
correspondre aux aspirations de la majorité des Québécois.
Ceci était la première exigence. La seconde exigence était
celle-ci: que, malgré tout, l'organisme devait faire la part des
aspirations et des opinions des minorités. On sait que nous vivons dans
une société, aujourd'hui, qui est loin d'être la
société unanime que nous avons connue autrefois". Et Dieu sait
que c'est peut-être encore plus vrai en 1971, le 4 novembre, que ce
l'était au mois d'octobre 1969.
Et M. Choquette termine alors son intervention: "...que la Chambre, par
un comité, ait un droit de surveillance sur cet organisme, comme
d'ailleurs sur l'Office d'information et de publicité." Mais on sait
aujourd'hui que l'OIPQ n'existe plus. Le ministre, par personne
interposée, a décapité cet organisme.
Le député d'Outremont, à l'époque, avait
présenté une motion. Je me demande ce qui arrivera quant à
moi: "La Chambre est d'avis que le bill 11, intitulé Loi de l'Office de
radiotélédiffusion du Québec, ne soit pas lu maintenant,
parce que le bill ne contient pas de mesures suffisantes pour assurer
l'indépendance de l'Office de radiotélédiffusion du
Québec des influences politiques".
Je vois les nouveaux députés, ils sont surpris, ils se
demandent: Mais est-ce possible que nos ministres actuels aient fait des
grandes déclarations de principe, des déclarations pieuses en
1969 et qu'en 1971 ils veulent enlever ce qu'il y avait de "sécuritaire"
dans le bill 11 où il y avait un certain contrôle, une certaine
indépendance de toute influence politique qui était donnée
à ces organismes.
Et voilà qu'aujourd'hui on fait disparaître tout ça
pour mettre entre les mains du ministre des Communications et du gouvernement
un excellent organisme de propagande politique.
Et vous, messieurs les députés, vous allez aller voter
pour un tel projet de loi, alors que ceux-là qui ont des
responsabilités aujourd'hui et qui occupent des postes de ministres ont
exposé à l'époque des principes que nous voulons voir
respectés par eux aujourd'hui? Si, alors qu'ils étaient dans
l'Opposition, ils nous suppliaient de dégager l'information à
tous les niveaux de toute influence politique possible, nous voulons tout
simplement que ces mêmes députés, qui occupent aujourd'hui
des postes de ministres, soient logiques et qu'ils mettent en application la
politique qu'ils ont préchée en 1969.
Quant à nous, il n'y a aucune contradiction de notre part. Nous
voulons donner l'occasion, à ces hommes en place de prouver la
sincérité des sentiments qu'ils prônaient en 1969. M.
Lesage également, encore, sur le même principe de
l'indépendance nécessaire de toute intervention politique, disait
ceci: On ne peut pas prétendre sérieusement qu'un gouvernement
dont le chef d'un parti politique, c'est normal, dont les ministres sont ses
principaux lieutenants pourra, malgré toute sa bonne volonté,
toute la bonne volonté de ceux qui l'entourent, contrôler
absolument, d'une façon impartiale, un office qui a à sa
disposition un instrument aussi puissant et peut-être aussi dangereux. Je
dis qu'il faut que dans le projet de loi nous retrouvions moins de
contrôle par le gouvernement et plus de contrôle par le
Parlement.
M. le Président, nous voulons donner l'occasion au Parti
libéral de mettre en application cet article de son programme politique,
où était pris un engagement de laisser la propagande libre de
toute influence politique partisane. Je dis que le gouvernement a l'occasion de
respecter lui qui se dit toujours fort les engagements qu'il
prend. J'espère qu'il respectera celui-là, consacré dans
un programme politique qui m'échappe pour le moment, M. le
Président, je ne le retrouve pas où il était dit
que l'information devrait être dégagée de tout
contrôle et de toute influence.
Dans les circonstances, M. le Président, ne nous demandez pas
d'appuyer ces projets de loi, c'est impossible. Premièrement, parce que
nous ne voulons pas contribuer à la mort d'un organisme quasi-judiciaire
indépendant qui est la Régie des services publics. Nous ne
participerons pas à l'établissement d'un organisme qui deviendra
un instrument entre les mains du gouvernement au lieu d'être un organisme
dégagé de toute influence politique tel qu'il existe
aujourd'hui.
La Régie des services publics avait cette liberté
d'adopter ses propres règlements. Voici que maintenant la Régie
des services publics devra se faire l'écho, devra entériner les
idées politiques, les idées du ministre des Communications et de
tout le gouvernement.
C'est un pas en arrière. Le principe du bill
35, nous ne pouvons pas l'appuyer. J'ai hâte de voir quelle
attitude aura, par exemple, mon bon ami le député de
Robert-Baldwin, qui était également intervenu dans ce
débat et qui avait condamné le principe du projet de loi no 11;
j'espère que l'honorable ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche pourra être revenu à temps d'Australie pour respecter
tous les grands principes qu'il nous exposait autour du bill 11 et que l'on
retrouve à la page 2988 du journal des Débats du jeudi 9 octobre
1969. Pour ce qui est de l'honorable député de Robert-Baldwin, on
peut retracer sa déclaration à la page 2989 des Débats de
l'Assemblée nationale.
Les députés de l'arrière-ban, les
députés obscurs, les députés muets du gouvernement
en place hésiteront avant de voter. Ils vont comparer la logique du
projet de loi no 35 avec les grandes déclarations faites à
l'époque par les gens en place tels que les députés de
Drummond, de Notre-Dame-de-Grâce, de Marguerite-Bourgeoys, de Taillon, de
D'Arcy-McGee et autres. C'est une excellente occasion pour le gouvernement,
pour les membres de l'Exécutif de prouver la sincérité des
déclarations qu'ils nous ont faites autour du bill 11 et de respecter
les grandes promesses que l'on retrouve dans le programme libéral.
Nous ne pouvons pas dissocier l'un de l'autre les projets de loi 35, 36
et 37 parce que c'est une trilogie, comme le mentionnait indirectement le
ministre. Je suis sûr que le gouvernement fera quand même adopter
ces lois-là. Soixante-douze, dont plusieurs robots, c'est important.
Nous allons nous réveiller avec les principes que l'on tente de
retrouver et qui sont camoufflés dans les projets de loi 35, 36 et 37,
mais nous allons surtout voir le gouvernement voter le principe de
l'instauration d'un ministère de la propagande.
J'entends le député de Montmorency. Je l'entends tousser,
aboyer. Je ne veux pas employer le terme aboyer, je le retire, M. le
Président, je l'ai pas dit. J'ai entendu l'écho de
Montmorency.
M. DEMERS: Les chutes.
M. PAUL: Quand le gouvernement voudra être logique avec les grands
principes de pureté qu'il nous a prêchés, qu'il nous a
prônés, qu'il a défendus alors que la plupart de ses
ministres siégeaient de ce côté-ci, quand il voudra
respecter l'engagement pris dans son programme des élections du mois
d'avril 1970 et quand il voudra être sincère avec lui-même,
nous l'appuierons. Quant à nous, nous ne renierons pas l'attitude que
nous avons prise.
Je vois mon honorable ami le député de Montmorency
bâiller. Il n'y était pas, M. le Président, lors des
remarques faites par mon bon ami le député de Rouyn-Noranda qui
nous a fait un très bon discours...
M. VEZINA: Amitiés suspectes.
M. PAUL: Pardon?
M. VEZINA: II y a des amitiés suspectes.
M. PAUL: J'aime peut-être mieux des amitiés suspectes que
des liaisons dangereuses.
M. VEZINA: Les secondes sont les plus agréables.
M. PAUL: C'est moins enivrant, cependant. M. le Président, vous
connaissez les raisons pour lesquelles nous allons voter contre les projets de
loi, mais nous espérons que le ministre apportera des amendements pour
mettre un mécanisme de surveillance et de contrôle entre les mains
du Parlement pour que nous puissions encore exercer notre liberté de
scruter l'information au Québec. Cette grande déclaration qu'il
nous faisait en disant qu'il mettrait à la disposition des membres de
l'Assemblée nationale tous les renseignements qu'ils voudront avoir au
sujet de l'information, qu'il consacre ce principe dans la loi par un
amendement approprié.
Lorsque nous aurons l'avantage d'aller en commission parlementaire
le ministre nous l'a dit nous pourrons questionner les gens du
métier, nous pourrons interroger certains journalistes pour
connaître leur opinion, nous pourrons obtenir toutes les informations qui
nous sont nécessaires et connaître également les moyens que
nous devons prendre pour combattre l'instauration d'un ministère de la
propagande au Québec. C'est pourquoi nous voterons avec empressement
contre les principes du projet de loi 35, tout en respectant les
déclarations de principe que nous avons faites autour du bill 11 et qui
demeurent, parce que nous, nous avions le respect de la liberté des
individus, le respect des minorités dans l'information, ce qui va
disparaître totalement avec l'abolition de l'OIPQ déjà
confirmée et avec celle de l'ORTQ qui s'en vient. Pourquoi? Parce que
nous assisterons à l'instauration d'une autorité exclusive, d'une
espèce de tsar dans l'information. Parce que nous sommes pour la
démocratie, nous combattrons ce projet de loi, étant tout
à fait opposés à l'instauration, à l'arrivée
et à la consécration d'un Goebbels dans le gouvernement du
Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Taillon.
M. Guy Leduc
M. LEDUC: M. le Président, c'est un "backbencher" qui prend
maintenant la parole. Mon intervention sera très brève. Je
voudrais surtout relever une des toutes dernières... Je vais citer le
député de Chicoutimi tantôt.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Faites-le tout de suite, ce sera un bon
discours.
M. LEDUC: Cela va être la meilleure partie de mon discours. Alors,
patientez.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voulez être bref? Citez-moi, cela
va régler le problème.
M. LEDUC: Le député de Maskinongé tantôt
terminait son intervention en disant que l'Opposition officielle allait
respecter les déclarations de principe qu'elle avait défendues
lors de l'étude du projet de loi 11.
Je voudrais citer le plus exactement possible, quelques phrases que
prononçait, il n'y a pas tellement longtemps, le député de
Chicoutimi à l'occasion de l'étude des projets de loi que nous
avons devant nous: "Qu'est-ce que fait le gouvernement? Il nomme lui-même
les membres de l'office. Il en augmente le nombre et il soumet
l'activité de l'office à une réglementation qui va
émaner du pouvoir de l'Exécutif. Il oblige ces organismes
à prendre leurs ordres directement du gouvernement, puisque c'est le
ministre des Communications qui aura la mainmise sur tout ce qui s'appelle
communications de près ou de loin. C'est le ministre des Communications
qui va être le Goebbels, qui va transmettre les ordres du dictateur, qui
va imposer au Québec une information dans le domaine gouvernemental, une
information dirigée. A preuve, la disparition de tous les fonctionnaires
qui occupaient des postes importants soit à l'OIPQ ou soit à
l'ORTQ".
J'ai bien l'impression que le député de Chicoutimi
que j'estime un bon copain, un bon ami n'a pas eu l'occasion, avant de
faire son intervention, de lire l'intervention qu'il faisait, le vendredi 16
mai 1969, et qu'il pourra relire à la page 1746 du journal des
Débats où, justement, il avait été question d'avoir
une certaine indépendance au sein de l'ORTQ. En fait, il avait
été même suggéré que ce soit une régie
tout à fait indépendante des responsabilités
gouvernementales.
Je vais vous lire deux paragraphes. Un extrait de la brillante
intervention du député de Chicoutimi en ayant à l'esprit
qu'on se référait à ce moment-là au bill 11. "M. le
Président c'est M. le député de Chicoutimi qui
parle le député de Gouin est d'accord pour la
création de Radio-Québec. Il estime que c'est une mesure
progressive, dynamique, la meilleure, a-t-il dit, présentée par
les gouvernements. Il est contre les modalités, il est contre la
structure, parce qu'il ne veut absolument pas qu'il y ait aucune sorte de droit
de regard reconnu au gouvernement dans une matière capitale comme celle
de l'éducation et de la culture. "J'estime c'est le
député de Chicoutimi qui parle que ce serait une
démission de la part du gouvernement que d'abandonner la
responsabilité d'une chose comme l'éducation et la culture dans
le cas de l'Office de radio-télédiffusion du Québec, que
d'en faire un organisme qui pourrait aller son chemin sans avoir d'autres
comptes à nous rendre que de présenter à la fin de
l'année des états financiers, un bilan dont nous n'aurions que le
loisir d'approuver. En somme, c'est là une des propositions du
député de Gouin, on veut en faire ce qu'on appelait autrefois une
corporation de la couronne, une régie indépendante comme on
pourrait dire aujourd'hui".
Je pense que le député de Chicoutimi, connaissant son
talent et la richesse de son vocabulaire, pourra me corriger dans mon
interprétation, peut-être. Mais j'ai quand même
l'impression, à la lecture de ces deux documents qui ont, en fait,
à peine deux ans, entre 1969 et 1971, qu'il y a là une
contradiction sérieuse.
A l'ORTQ, on accuse le ministre de devenir dictateur. Je pense bien que,
si le gouvernement avait décidé de devenir dictateur, il n'aurait
sûrement pas augmenté le nombre des membres de l'ORTQ de cinq
à sept. Au lieu d'en avoir cinq pour le contrôler, il en aura
sept.
Deuxièmement,...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sera plus de patronage, c'est tout.
M. LEDUC: Pardon?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est plus de patronage.
M. LEDUC: Patronage?
M. PAUL: Parlez de cela à M. Desrochers, il connaît cela,
lui.
M. LEDUC: Augmenter le nombre de cinq à sept donnera
peut-être l'occasion de faire du patronage en reconnaissant le talent de
Québécois, de quelque parti politique que ce soit, qui pourront
mettre au service du Québec leurs talents et ceci à
l'intérieur de l'ORTQ. Si c'est cela du patronage, engager des gens
compétents, peu importe de quel parti politique ils font partie,
j'en...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quel que soit le parti politique auquel ils
appartiennent.
M. LEDUC: Merci, M. le député de Chicoutimi.
M. VEZINA: II va le manger s'il continue. UNE VOIX: Est-il beau!
M. LEDUC: Alors, j'ai bien l'impression, M. le Président, que
cette objection n'est pas bien sérieuse si on constate qu'un
gouvernement, quel qu'il soit, a reçu la responsabilité
d'administrer, a reçu la responsabilité de diriger les
destinées d'une province. Si la population, au bout de quatre ans, n'en
est pas satisfaite, elle n'aura qu'à faire avec nous ce qu'elle a fait
avec vous.
Tantôt, avant l'intervention du député de
Maskinongé, le chef du Ralliement créditiste faisait au
gouvernement le reproche de perdre du temps à adopter des lois pour
enrégimenter la propagande quand on devrait régler... Là,
je m'excuse mais cela revenait à quelque chose comme régler le
problème des grèves ou des manifestations, je crois.
UNE VOIX: Ce n'était pas si clair que cela.
M. LEDUC: Non, c'était clair, ce que le député de
Rouyn-Noranda a dit. C'était très clair, mais je n'ai pas eu le
temps de prendre toutes les notes.
M. SAMSON: Avez-vous le texte?
M. LEDUC: Certainement. Je pense bien, M. le Président, que
chaque ministre, à l'intérieur d'un cabinet, a ses
responsabilités et que même si un des ministres est en Chambre
à défendre un de ses projets de loi, il n'empêche pas que
d'autres peuvent en même temps essayer de régler d'autres
problèmes. Ce n'est sûrement pas perdre du temps que de
créer un organisme ou d'améliorer un organisme qui aura la
responsabilité de renseigner la population sur ce qui se passe au
Québec. Un des grands défauts de l'administration gouvernementale
que nous avons depuis plusieurs années cela ne s'adresse pas
nécessairement au gouvernement précédent, cela s'adresse
à un très grand nombre de gouvernements qui nous ont
précédés aura été de ne pas renseigner
ou de ne pas assez renseigner la population.
Peu importe le parti auquel nous appartenons, c'est un reproche que nos
commettants nous font régulièrement. Qu'on ait, à ce
moment-ci, enfin décidé de doter le gouvernement d'un instrument
qui aura la responsabilité de faire connaître les
législations qui sont adoptées à Québec, comme on
dit, d'expliquer les lois, je pense que personne qui est conscient de ses
responsabilités, comme député, ne peut en faire reproche
au gouvernement.
A l'occasion de l'étude du projet de loi sur la protection du
consommateur, M. le Président, presque tous les députés
qui ont fait des interventions ont insisté pour que le consommateur soit
bien renseigné sur ses droits, après la sanction de cette loi.
Déjà, sans que le gouvernement soit encore doté de cet
instrument, le ministère des Institutions financières a
commencé à renseigner la population. Justement, c'est loin
d'être parfait. Avec l'organisme que nous sommes en train de
créer, nous pourrons, après qu'il aura été bien
rodé, satisfaire oh! combien imparfaitement la soif de nos
électeurs qui veulent être renseignés. Nous
électeurs, M. le Président, dans cette Chambre, ce sont les six
millions de résidants du Québec.
Je disais tantôt "combien imparfaitement". Même si nous
aurons les organismes ou les outils nécessaires pour communiquer
à la popu- lation ce qui se passe à Québec, je pense bien
que personne ne s'attend à la perfection, mais sûrement que la
situation qui existera dans quelques semaines sera de beaucoup
supérieure à celle qui existe aujourd'hui.
Si j'ai bien compris la législation qui nous est
présentée, par cette information on parle de propagande,
on parle de Goebbels; ce sont des mots qui sont trop faciles on
communique à la population les renseignements qu'elle nous demande
quotidiennement. Il est trop facile, M. le Président, de tomber dans la
démagogie c'est bien cela, M. le député de
Chicoutimi dans un débat comme celui-ci. C'est beaucoup trop
facile de dire qu'on aura affaire au ministre de la propagande, au ministre de
ceci, au ministre de cela.
Il me semble qu'au-dessus de la partisanerie politique on devrait
admettre que, pour une fois, un effort sérieux se fait pour renseigner
nos commettants. Même si la majorité d'entre nous ne voudra pas
l'admettre ouvertement, je pense que, si nous faisons un examen de conscience
et que nous nous arrêtons à analyser les demandes que nous avons,
nous admettrons, au plus profond de nous-mêmes, que cela ne nous est pas
toujours facile, à chacun d'entre nous, d'expliquer avec
objectivité et dans ses moindres détails la législation
qui est adoptée ici, à Québec. Peu de gens, dans cette
Chambre, peuvent se flatter d'être au courant de chacun des
débats, de chacunes des idées qui sont avancées soit par
les partis de l'Opposition, soit par le gouvernement. Peu de gens peuvent
facilement renseigner leurs commettants d'une façon honnête. Non
pas parce que nous voulons être malhonnêtes. Quand je dis
honnêtes, c'est parce que nous voulons essayer de leur donner le plus de
renseignements possible. Nous n'en sommes pas capables. Ne rêvons pas en
couleurs. Nous ne sommes pas capables, sauf peut-être une ou deux
exceptions.
Nous l'avons l'instrument. Nous allons être capables de renseigner
nos gens. Et si les renseignements qui y sont inclus ne font pas notre affaire,
ça sera le devoir de l'Opposition de se lever et dire: C'est de la
propagande, ça. Mais on le dira quand ce sera vraiment de la propagande.
Il ne s'agira pas de prendre des mots et de jongler avec ces mots-là
pour transformer un renseignement valable et sérieux en propagande, ce
n'est pas vrai.
Soyons honnêtes. Nous avons enfin un instrument qui va pouvoir
nous aider peut-être à nous faire respecter un peu plus comme
députés. Je pense que tous et chacun d'entre nous...
M. VEZINA: On parle des forces vives du Québec.
M. LEDUC: Non, ce ne sont pas les journaux, c'est pour savoir si je dois
continuer pendant les dix minutes que j'avais pensé avoir à ma
disposition; je n'en ai que pour cinq minutes, je devrai écourter. Les
journaux n'ont
aucune espèce d'importance. S'ils étaient importants et si
c'était valable, nous pourrions nous fier à eux pour renseigner
la population comme il le faut. Mais, malheureusement, nous ne pouvons pas nous
fier à eux. Eux, ils la retournent la législation qu'il y a ici.
Ils la retournent de façon que ça fasse leur affaire. C'est leur
droit, je les respecte, ce sont de bons copains. Quant à moi, je compte
faire ma vie politique sans eux.
Lorsqu'on est seul avec soi-même et ça nous arrive, chacun
d'entre nous, d'être seul et de penser au rôle que l'on joue comme
député, de penser un peu à ce qu'on a fait dans la
journée, la semaine ou le mois, on dit: Est-ce que j'ai fait un boulot
valable? Et souvent il va nous arriver, lorsqu'on revoit les gens qu'on a
rencontrés, soit dans nos bureaux, soit au parlement, de constater
qu'inconsciemment on aura probablement mal renseigné les gens.
Ils nous arriveront avec un article de journal en disant: Qu'est-ce que
c'est cette affaire-là? Et nous n'aurons pas tous les outils comme
députés pour pouvoir répondre comme il le faut. Pourquoi?
Parce que ce qu'il y aura dans les journaux aura été mal
interprété.
Nous en avons eu une preuve ce midi, une déclaration du ministre
des Finances où $62 millions étaient tombés de je ne sais
où et c'était rendu dans le Soleil.
M. TREMBLAY (Chicoutimi):- Le ministre n'avait pas été
très précis non plus.
M. LEDUC: Je pense bien que le ministre avait été plus que
précis. Et peut-être que si nous avions eu cet instrument
d'information vous auriez eu un meilleur entendement de ce que le ministre des
Finances avait dit. Mais enfin.
M. LEGER: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. LEDUC: Certainement.
M. LEGER: Comment qualifieriez-vous le film sur l'autoroute est-ouest
pour renseigner la population en plein milieu d'un débat politique?
Est-ce que c'est de la propagande ou de l'information pure et simple?
M. VEZINA: Un chef-d'oeuvre.
M. LEDUC: Merci au député de Lafontaine. Justement ce
n'est pas moi qui serai là. Parce que je ne pourrai pas donner un
renseignement objectif. Ce seront des fonctionnaires qui expliqueront la
situation à la population, mais ça ne sera pas le
député de Taillon, parce que peut-être, sans les
renseignements dont j'ai besoin, je pourrais ne pas être objectif dans
mon explication aux gens qui me poseront la question au sujet de l'autoroute
est-ouest.
J'aime mieux me fier à un organisme qui a la
responsabilité, qui est structuré pour renseigner la population,
j'aime mieux me fier à eux qu'à mon jugement.
M. LEGER: Organisme autonome.
M. LEDUC: Je pense bien que le député de Lafontaine va
être d'accord.
M. LEGER: Organisme autonome, d'accord, mais pas autonome, non.
M. LEDUC: Organisme autonome en ce sens que, pour répéter
ce que le député de Chicoutimi disait, et M. le
Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A quelle page?
M. VEZINA: II doit avoir quelques niaiseries à dire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quel tome de mes oeuvres?
M. LEDUC: "J'estime que ce serait une démission à
la page 1746 des Débats de l'Assemblée nationale, le vendredi 16
mai 1969 de la part du gouvernement que d'abandonner la
responsabilité d'une chose comme au cas où le
député de Chicoutimi voudrait me corriger
l'éducation et la culture..."
M. LOUBIER: Volte-face.
M. LEDUC: "dans le cas de l'Office de radio-télédiffusion
du Québec."
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Volte-face. M. le Président, est-ce que
vous me permettriez de faire la mise au point...
UNE VOIX: II n'a pas fini.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faudrait d'abord que le
député continue de lire tout ce que j'ai dit. Alors s'il
était honnête, le député lirait ceci: "J'estime que
ce serait une démission de la part du gouvernement que d'abandonner les
responsabilités d'une chose comme l'éducation et la culture dans
le cas de l'Office de radiotélédiffusion du Québec que
d'en faire un organisme qui pourrait aller son chemin sans avoir d'autres
comptes à nous rendre que de présenter à la fin de
l'année des états financiers, un bilan dont nous n'aurions que le
loisir d'approuver. En somme c'est là une des propositions du
député de Gouin."
M. VEZINA: Volte-face.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, c'est là que je
veux faire la mise au point
qui s'impose. J'ai bien déclaré en Chambre, et c'est dans
le journal des Débats, qu'il était nécessaire pour le
gouvernement d'avoir à sa disposition un organisme qui lui permette
d'informer la population. J'ai dit: Le gouvernement doit avoir un outil, mais
cet outil, ai-je dit, ne sera efficace et objectif que si on le confie à
des gens qui n'auront pas à recevoir des ordres directement du ministre
des Communications. Par conséquent, ce que dit le député
de Taillon, c'est exactement ce que j'ai dit l'autre jour et ce qui est
conforme à ce que je disais le 16 mai 1969. Et en ce qui concerne...
M. PAUL: C'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et c'est là l'autre partie de la
mise au point en ce qui concerne l'Office de
radiotélédiffusion du Québec, j'avais
déclaré, en mai 1969, que cet organisme nous le
crééions à ce moment-là, qu'il serait mis à
l'usage et...
M. VEZINA: Volte-face.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qu'il appartiendra ensuite au gouvernement
et à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale de voir
à ce que cet organisme fonctionne comme il devait fonctionner...
M. VEZINA: Volte-face. Sépulcre blanchi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... quitte, avions-nous dit, et le
député de Missisquoi avait dit la même chose, quitte
à reprendre ce projet de loi, à l'améliorer et à en
faire ce que l'on souhaitait alors, une régie indépendante. Nous
avons marqué la première étape. A l'usage, nous nous
sommes rendu compte que ce n'était pas suffisamment efficace. Nous
pouvons donc maintenant passer à l'autre, celle qui consiste à
créer une régie indépendante.
M. VEZINA: Volte-face.
M. LEDUC: Oui, je termine dans trente secondes. La première fois
que j'ai cité le député de Chicoutimi, à la page
1746, il admettra que j'avais lu les deux paragraphes au complet, n'est-ce pas?
Je n'ai cité que le début du deuxième paragraphe il y a
quelques instants.
M. le Président, je maintiens que la décision du
gouvernement est excellente. S'il y a à l'améliorer un jour, on
l'améliorera. Je pense que la législation que présente le
ministre des Communications est un grand pas vers une amélioration plus
que désirée par la population. Enfin, à l'usage, je suis
convaincu que chacun d'entre nous, peu importe le parti auquel nous
appartenons, nous serons très heureux d'avoir à notre disposition
l'ORTQ et tous les organismes qui sont mentionnés dans les projets de
loi 35, 36 et 37 pour nous rendre service et surtout donner du service à
notre population. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.
M. LOUBIER: Ah oui! avec plaisir.
M. PERREAULT: M. le Président, avant d'entreprendre
l'étude de ces trois projets de loi, je propose la suspension du
débat.
M. LE PRESIDENT: La motion d'ajournement du débat est-elle
adoptée?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Adopté. M. LE PRESIDENT:
Adopté.
M. PINARD: M. le Président, je demande l'ajournement des travaux
de la Chambre à mardi, trois heures, puisque la Chambre ne
siégera pas demain. Je pense que le leader parlementaire avait
déjà annoncé les travaux que nous entreprendrons la
semaine prochaine. Ajournement de la Chambre à mardi, trois heures.
Je pense qu'il y avait eu une entente à l'effet que la commission
parlementaire des Affaires sociales siégerait mardi à seize
heures.
M. PAUL: Non, à dix heures.
M. PINARD: Je ne sais pas si c'est une erreur. Sur le tableau, c'est
indiqué seize heures. Est-ce qu'il y a eu une correction pour dix
heures?
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, non, mardi, seize heures.
M. PINARD: Mardi, seize heures. Cela reste tel quel.
M.PAUL: La Chambre va siéger quand même.
M. PINARD: La Chambre siégera quand même à trois
heures et la commission parlementaire des Affaires sociales se réunira
à quatre heures pour l'étude du bill 65 à la salle
81-A.
M. PAUL: Je présume que mardi nous continuerons l'étude
des projets de loi nos 35, 36 et 37.
M. PINARD: Oui. Mardi, pour faire suite à la motion d'ajournement
du député de l'Assomption, les débats continueront sur la
trilogie des bills, comme l'a dit tantôt le député...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La triologie de Pagnol.
M. PINARD: Enfin, cela n'a pas été toujours drôle de
l'autre côté de la Chambre ce soir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elle est drôle, la triologie de
Pagnol.
M. LE PRESIDENT: La Chambre est ajournée à mardi, quinze
heures.
(Fin de la séance: 22 h 7)