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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mercredi 15 décembre 1971 - Vol. 11 N° 107

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures quarante-deux minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de commissions élues.

Commission de l'Education

M. PILOTE: M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission permanente de l'Education a siégé les 13 et 14 décembre pour étudier le projet de loi 28.

M. LE PRESIDENT: Rapport lu et reçu? M. BURNS: Non, M. le Président. M. PAUL: Adopté.

M. BURNS: Nous nous opposons à sa réception.

M. LEVESQUE: Est-il lu?

M. BURNS: Il est lu seulement.

M. PAUL: Il est lu, mais sa réception est retenue.

M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics. Déclarations ministérielles.

L'honorable ministre de la Justice.

Vente de terrain à la BP

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais faire une courte déclaration relativement à un incident dont on a fait état dans la presse et qui a été relevé ici, à la Chambre, à la suite je pense, d'une question posée par le député de Sainte-Marie. Cela concernait la vente d'un certain terrain de M. Henri Constant à une entreprise, désignée sous le nom d'Entreprise CLM Inc., terrain qui a, par la suite, été revendu à BP Pétroles Ltée.

Le 24 octobre dernier, nous recevions au ministère de la Justice une lettre de la part de M. Nolan McDonald relativement à ces transactions. A la suite de la réception de cette lettre, j'ai chargé le sous-ministre associé de la Justice aux affaires civiles, Me André Desjardins, d'examiner les allégations de M. McDonald.

A la période réservée au dépôt de documents, je déposerai devant la Chambre le rapport que j'ai reçu hier de Me Desjardins, qui comprend également, en annexe, une lettre adressée à M. Nolan P. McDonald, en date du 1er décembre 1971, par Me Desjardins, un plan du lot no 172 dont il s'agit, une lettre de Mme Henri Constant datant de 1961 et un rapport de la Sûreté du Québec en date du 16 juin 1971. Alors, la présente déclaration n'a pour but que d'expliquer le dépôt de ces documents à la période réservée au dépôt de documents.

M. CARDINAL: C'est une réponse au dépôt de documents — déclarations ministérielles.

M. CHOQUETTE: C'est un cocktail.

M. PAUL: M. le Président, je trouve étrange que l'on veuille chevaucher deux articles de notre feuilleton; premièrement nous sommes à la période des déclarations ministérielles. Le ministre dit: Je voulais faire ces commentaires et en même temps que je dépose des documents. Nous ne sommes pas encore rendus au dépôt de documents.

Pour ce qui est des remarques du ministre de la Justice, je tiens tout simplement à souligner qu'il n'y avait pas matière à déclaration ministérielle. Je ne sache pas que ce soit une politique gouvernementale que le ministre nous ait annoncée. Je voulais tout simplement attirer votre attention pour la troisième ou la quatrième fois sur un même incident qui se déroule depuis la reprise des travaux sessionnels du 26 octobre dernier. Je ne vais pas au fond de la question soulevée par le ministre de la Justice. Je ne fais que constater la façon irrégulière avec laquelle le ministre a fourni des renseignements à cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, un commentaire à la déclaration ministérielle du ministre de la Justice, sous toute réserve, puisque nous n'avons pas eu le temps d'étudier le dossier qui nous a été soumis. A première vue, en autant que le dossier nous permettra de voir qu'il n'y a pas eu de transaction anormale pour le moment, nous n'avons pas tellement de commentaires à faire. Nous réalisons qu'un terrain soi-disant privilégié a été cédé à la compagnie BP, mais ce n'est pas un précédent.

A certains endroits privilégiés, sur la route 20 ou dans les parcs provinciaux, il y a des postes d'essence Supertest qui sont installés avec les restaurants Châtelaine. On n'a pas fait, je pense, de scandale avec cela. A la condition, évidemment, qu'après lecture du dossier le tout soit fait normalement, nous n'aurons pas, je crois, à faire de reproches à qui que ce soit, mais sous toutes réserves d'étudier le dossier.

M. PINARD: Je vais clarifier la situation. L'autre jour, j'ai répondu à une question du député de Sainte-Marie. Je l'ai fait succinte-ment. J'aurais pu revendiquer, selon les règle-

ments, une question de privilège pour rétablir la situation de façon à sauvegarder mon honneur et ma réputation ainsi que celle des officiers de mon ministère que j'ai le devoir de défendre en Chambre, s'ils sont attaqués injustement. Je ne l'ai pas fait parce que j'ai pensé que le dépôt du document préparé par le ministère de la Justice serait suffisant pour clarifier la situation, une fois pour toutes.

M. LOUBIER: M. le Président, ce n'est pas une objection qui a été soulevée par le leader parlementaire de l'Opposition officielle. Il a tout simplement rappelé à la présidence que la forme d'action du ministre de la Justice paraissait irrégulière quant aux règlements de la Chambre. Mais, sur le fait précis ou l'action précise du ministre quant au dépôt du document, il n'y a aucune objection de notre part. Ce n'est pas cela qui a fait l'objet de l'intervention du député de Maskinongé.

M. LE PRESIDENT: J'aimerais bien rétablir la situation. Je prends bonne note des remarques du député de Maskinongé. Mais tout le monde sait — et lui spécialement en tant qu'ancien président de la Chambre — qu'en vertu du règlement, il semble n'y avoir aucun contrôle. Il semble que notre règlement est tout à fait muet sur les déclarations ministérielles. Il n'y a aucune condition d'imposée dans le règlement actuel sur les déclarations ministérielles. Il s'agit de faire confiance et de laisser la responsabilité de leur déclaration aux ministres qui désirent en faire une. On sait qu'il y a toujours, en vertu de l'économie de notre règlement, une certaine latitude en ce qui concerne les déclarations ministérielles. La seule remarque que je pourrais faire est à l'effet que s'il ne s'agit pas d'une véritable déclaration ministérielle, nous tenterons peut-être de donner une définition de la déclaration ministérielle dans les nouveaux règlements.

Mais, s'il ne s'agit pas vraiment d'une politique générale ou d'une déclaration ministérielle, les ministres pourront toujours le faire lors de l'appel des affaires du jour, en vertu de l'article 114...

M. PAUL: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: ...où un ministre ou un député peut faire une déclaration d'intérêt public.

M. PAUL: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voulu intervenir. Que ce soit aux déclarations ministérielles ou en vertu de l'article 114, je pense bien qu'il y a une liberté assez large laissée à tout ministre ou tout député pour dire ce qu'il entend dire en cette Chambre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais ils peuvent publier leur journal intime plutôt que de nous le lire en Chambre.

M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter ceci, c'est que la déclaration que j'ai faite n'avait pour objet que d'expliquer des documents à être produits à la période de dépôt de documents. Or, je sais qu'à la période de dépôt de documents, on ne peut pas faire de commentaires ou expliquer les documents qu'on produira.

M. DEMERS: Non. On peut lire les documents.

M. CHOQUETTE: Il fallait donc, M. le Président, emprunter un procédé pour expliquer la nature des documents à être déposés devant la Chambre.

M. DEMERS: Vous pourriez placer une annonce dans les journaux.

M. PAUL: J'inviterais le ministre de la Justice à me consulter. Je lui dirai comment faire.

M. CHOQUETTE: Ah! bon! Merci. Ce sera pour la prochaine fois.

M. PAUL: Ce n'est rien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

Politique scientifique du Québec

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le 24 mars dernier, le premier ministre du Québec annonçait la création d'un comité des politiques scientifiques du Québec, dont les membres ministériels étaient les suivants: Le ministre de l'Education, qui en assumait la présidence, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Industrie et du Commerce et le ministre d'Etat chargé de l'Environnement.

Chargé par le conseil des ministres de définir les besoins du Québec en matière de politique scientifique, ce comité, après étude, annonçait récemment la création d'un conseil de la politique scientifique du Québec. Ce conseil, dont les membres seront nommés dans quelques jours, est composé de trois personnes provenant du milieu universitaire, de trois personnes provenant du milieu industriel, de trois représentants des utilisateurs de la science dans la société et de trois fonctionnaires, douze personnes au total dont le rôle sera de conseiller et d'orienter l'action du gouvernement en matière de développement scientifique.

Enfin, un secrétariat permanent à la recherche, dépendant du comité des ministres, est l'organisme exécutif chargé de traduire, dans la réalité, les objectifs définis par le conseil et le comité.

Aujourd'hui, je dépose deux copies, devant cette Chambre, d'un document intitulé "Les principes de la politique scientifique du Québec", document qui a récemment obtenu l'approbation du conseil des ministres. Ce document traite non seulement de la recherche scientifique mais aussi de la science au sens large, dans ses applications à des objectifs de développement économique et de progrès social.

Tous s'entendront à admettre que le développement scientifique contrôlé est un des éléments vitaux de l'épanouissement d'une société. Depuis toujours, faute d'avoir mis en place les mécanismes d'intervention appropriés, le Québec a été largement défavorisé dans l'attribution des subventions fédérales ou privées à la recherche. La dépense per capita annuelle pour fins de recherche scientifique se situe, comme on le sait, pour le Canada, à $2.40 alors qu'il est de $2.90 pour l'Ontario et de seulement $1.60 pour le Québec. Il s'agit là du seul secteur des subventions du Conseil national de la recherche.

Trop souvent, également, le contenu de ces activités traduit beaucoup plus les préoccupations individuelles des chercheurs que leur souci de la satisfaction des besoins de l'économie et de la société en général.

Dans le document déposé aujourd'hui le gouvernement du Québec définit donc les grandes lignes selon lesquelles il entend agir pour favoriser l'épanouissement et le développement scientifique au Québec. Pour agir il aura cependant besoin de représentants du monde industriel, de l'université et du domaine de la recherche, aussi bien que de l'avis de la population en général.

Déjà, dans les orientations préliminaires que fournit le document, Politique plus science égale développement, les opinions des groupes consultés par le gouvernement de façon préliminaire sont largement reflétées.

Je souhaite que les principes de la politique scientifique dont le Québec veut se doter satisfassent les opérations de ceux qui ont depuis longtemps compris l'importance cruciale du développement scientifique et ont demandé au gouvernement d'agir, comme il entend continuer de le faire dans les mois qui viennent.

Car c'est dans la mesure où il obtiendra la collaboration étroite des chercheurs, des organismes ou universités, des entreprises, de la population, que le gouvernement québécois pourra véritablement remplir son rôle de catalyseur dans le domaine de la science fondamentale qu'il a appliquée et que les sommes investies dans ce secteur pourront s'articuler autour d'une stratégie québécoise de développement économique et de progrès social.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, comme mon collègue de Maskinongé, je suis heureux ce matin qu'on mêle les dépôts de documents et les déclarations ministérielles, ce qui nous permet, à la suite ou avant le dépôt de documents, de faire des commentaires. Je pense que je ne suis pas hors d'ordre en répondant au ministre de l'Education et en faisant de brefs commentaires.

Le ministre, dans sa déclaration, dit textuellement ceci: "Tous s'entendront à admettre que le développement scientifique contrôlé est un des éléments vitaux de l'épanouissement social d'une société."

J'aimerais plutôt dire que tous s'entendent pour admettre que le développement scientifique planifié, mais non contrôlé, est un des éléments vitaux de l'épanouissement social d'une société. Il est exact que depuis trop longtemps le fédéral, par son Conseil national de la recherche, a défavorisé le Québec et que, par ses subventions à la recherche dans les universités il a empêché, sinon détruit, toute planification.

Je rappellerai que sous l'ancien gouvernement un Conseil national de la recherche, au sens de conseil québécois, avait été créé, qu'un centre avait été prévu à Sainte-Foy et qu'un travail avait été commencé avec le conseil des universités.

Je me permettrais même de rappeler que j'avais couché par écrit, au nom du parti et du gouvernement d'alors, les principes d'une planification dans le domaine de la recherche scientifique. Je ne chicanerai donc pas le ministre de faire sa déclaration. Bien au contraire.

Il ne fait que poursuivre ce qui avait été entrepris et l'on ne peut que se réjouir que le Québec, dans le domaine de la recherche scientifique, se rende compte de son retard qui n'est pas nouveau. On l'a mentionné récemment pour l'université Laval, dans le domaine de la recherche scientifique médicale. Par conséquent, je pense que le ministre de l'Education, le ministre des Affaires sociales, le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre chargé de l'environnement ont une tâche importante à accomplir. Ils pourront le faire à partir des recherches déjà faites au ministère de l'Education et des prises de position déjà très définies, au cours de l'année 1969.

M. le Président, il ne s'agit pas de faire une question partisane avec cela, mais tout simplement de mentionner que ce n'est purement qu'une continuité d'une politique déjà commencée. Mon souhait, en terminant, c'est que l'importance cruciale du développement scientifique poussera le gouvernement à agir plus rapidement, tout particulièrement vis-à-vis du gouvernement central, pour que nous ayons, au Québec, vraiment une politique nationale de la recherche scientifique.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: M. le Président, pour faire écho aux propos tenus par le député de Bagot, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes également favorables à une politique québécoise de la recherche. C'est, évidemment, une entreprise très louable et à la hauteur des ambitions de l'homme lui-même.

Cependant, il ne faudrait pas que la recherche s'en tienne essentiellement à l'aspect technique et matérialiste des ambitions humaines. Il faut aussi se pencher un peu sur ce qui est nécessaire à l'homme pour se réaliser pleinement. Dans ce domaine, nous osons croire que la future politique de la recherche du gouvernement du Québec prendra une avance incontestée.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je me souviens que nous avions accueilli favorablement, en mars dernier, l'annonce de la création de ce conseil et, hier soir, pendant les heures de lecture que nous permettaient les travaux silencieux de la commission parlementaire, nous avons pu prendre connaissance du document que le ministre nous avait remis.

C'est un premier rapport de ce comité-là. Mais, comme vient de le signaler le député de Bagot, on semble en être constamment au premier rapport. Il disait lui-même que son gouvernement avait fait des efforts en ce sens-là. Il semble que le gouvernement libéral les a repris à zéro et qu'on en est encore au premier déblaiement.

Pourtant, le retard que nous accusons dans ce domaine n'a fait qu'augmenter; la priorité, pour les sociétés modernes, de consacrer une grande importance à la recherche scientifique n'a fait qu'augmenter également; l'ingérence ou la domination du fédéral dans ce domaine, la négligence du National Research Council à l'égard du Québec n'a fait que s'accroître aussi depuis ce temps-là. Pendant qu'au Québec on est toujours aux premiers balbutiements en matière de politique scientifique, une véritable politique se fait toujours attendre. C'est urgent.

Je ne voudrais pas que la population croit que, parce que ce matin on dépose un premier rapport issu, au bout de dix mois de travail, d'un comité interministériel, le Québec a désormais une politique scientifique. Loin de là. La lecture du rapport nous confirme même qu'on ne sait pas par quel bout compenser le retard que nous accusons. Il n'est même pas esquissé une politique de coordination de ce qui se fait actuellement à l'intérieur des recherches, soit des universités soit dans les laboratoires de l'Hydro-Québec, etc. Je ne crois pas que le Québec ait, à compter de ce matin, une politique de recherche scientifique, d'autant plus que la déclaration ministérielle n'est accompagnée, dans le budget supplémentaire pré- senté par le ministre des Finances, d'aucun écho en ce sens-là.

Je commencerai à croire qu'il existe au Québec une politique de recherche scientifique quand on nous présentera un budget. Le ministre de l'Education est le premier au courant des plaintes qui nous viennent des universités du Québec. Ce qui manque pour effectuer de la recherche actuellement, ce n'est pas les talents, ce n'est pas les énergies, c'est le budget nécessaire. La déclaration de ce matin, en créant un nouveau conseil, ne dote, en aucune circonstance, ce conseil-là de moyens techniques, donc financiers, pour réaliser le mandat que tout le monde espère lui voir accomplir.

M. LACROIX: Dans ce temps-là, il n'y avait pas de PQ.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Dépôt de documents.

M. CHOQUETTE: M. le Président, vous me permettrez de déposer les fameux documents qui ont fait l'objet de discussions entre le député de Maskinongé et moi-même.

M. le Président, je dépose le rapport de Me André Desjardins, en date du 14 décembre 1971, et d'autres documents qui y sont annexés.

M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet de faire une correction au feuilleton à ce moment-ci, il y a un avis pour que la commission parlementaire de l'administration de la Justice, chargée de l'étude du bill 281, se réunisse le jeudi 16 décembre à onze heures de la matinée au salon rouge. Je voudrais faire une correction; au lieu du salon rouge, c'est à la salle 81-A.

M. LE PRESIDENT: Question des députés.

Questions et réponses

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Multi-Media

M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education et intéressera sûrement à un très haut point le premier ministre également. Pour la préfacer très rapidement, depuis quelques temps et surtout d'une façon encore plus percutante depuis quelques mois, il y a dans le Québec des critiques assez acerbes venant de tous les milieux et l'expression de très grandes déceptions concernant le rôle que joue actuellement Multi-Media.

Le ministre de l'Education ou le premier ministre pourrait-il nous dire si c'est l'intention du gouvernement de se pencher sur les orientations que l'on a données à Multi-Media, orienta-

tions qui ne correspondent aucunement aux buts visés en tout premier lieu, et le gouvernement, dans un avenir très rapproché, pourra-t-il donner à la population les correctifs qu'ils entendent apporter pour replacer cette organisation dans le contexte véritable dans lequel il devrait être au Québec?

M. SAINT-PIERRE: Depuis que le programme Multi-Media a été annoncé, il y a une très faible partie de la population qui s'évertue, par tous les moyens, à empêcher le développement de ce programme. Qu'il me suffise de mentionner que je n'avais même pas, comme ministre, reçu ce rapport que déjà, dans les journaux, on m'accusait de vouloir le mettre sur les tablettes et de vouloir le cacher. Effectivement, le rapport avait à peine une semaine qu'il défrayait la manchette de certains journaux, notamment le journal Le Devoir qui voyait, de la part du ministre, un effort délibéré pour cacher Multi-Media.

A plusieurs reprises depuis un an, nous avons eu l'occasion — et je le ferai de nouveau — de nous pencher sur les orientations de Multi-Media et je dénote qu'on ne s'attaque pas tellement au pouvoir politique, mais beaucoup au pouvoir des fonctionnaires. Si l'intention de ceux qui se portent à l'attaque de ce projet est effectivement de retourner avant la période de 1960 et que le gouvernemnt aura comme seul rôle de dispenser de l'argent à des comités de citoyens qui pourront en faire ce qu'ils veulent, je dis non.

Multi-Media, comme programme de formation des adultes, ne peut être un immense "happening" où on se réunit dans un quartier pour dépenser l'argent des contribuables. Multi-Media doit s'inscrire à l'intérieur d'une politique d'éducation, il doit faire partie d'une politique d'éducation sinon il risque véritablement d'être dans un état de marginalité que certains groupes voudraient utiliser pour des fins qui deviennent très évidentes à percevoir. Nous allons nous pencher de nouveau mais je demeure profondément satisfait que Multi-Media, dans ses orientations actuelles, corresponde aux désirs véritables de la très grande majorité de la population, qu'il laisse la porte ouverte à des formes de participation qu'on ne retrouve dans à peu près aucun pays d'Occident. Je redis de nouveau que Multi-Media ne sera pas le retour à la période d'avant 1960 où les communautés religieuses seraient maintenant substituées à des comités de citoyens qui recevraient de l'argent sans poser de question. Là, on aurait véritablement un marasme dans le domaine de l'éducation des adultes.

M. CARDINAL: Question additionnelle au ministre de l'Education, M. le Président. La réponse du ministre est claire mais est-ce que, par sa réponse, le ministre veut laisser entendre d'une façon précise qu'il n'admet pas une participation généralisée de la population à l'opération Multi-Media?

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président. Je vais le répéter: Ce que nous n'admettons pas, c'est cette conception que certaines personnes ont que l'éducation des adultes, pour permettre un épanouissement collectif, doit être laissée à de prétendus groupes populaires qui sont censés représenter la population et qui, eux, vont décider des contenus, des programmes et de la façon dont l'argent sera dépensé. On n'y croit pas, parce que, là, c'est tourner l'éducation des adultes en une véritable farce, en un véritable "happening". Ce n'est pas le but de l'éducation des adultes. J'ai eu l'occasion de discuter avec des collègues d'autres pays. Je prends, en particulier, l'expérience de la France et je maintiens qu'à l'intérieur de Multi-Media nous avons des formes réelles de participation de la population, beaucoup plus poussées qu'on peut les retrouver dans à peu près tous les pays.

Ce que je maintiendrai également, c'est qu'il est faux que des groupes soi-disant populaires, qui ont à peine rallié vingt personnes à une réunion convoquée sur un problème de masse, vont prendre la responsabilité de l'éducation des adultes.

M. CARDINAL: Question additionnelle. Est-ce que le ministre, à la suite des quasi-accusations qu'il vient de porter, a l'intention de faire une déclaration ministérielle sur Multi-Media pour vraiment nous mettre au courant de la politique de son ministère et du gouvernement dans l'application des politiques...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De l'implantation...

M. CARDINAL: ...de l'implantation et de l'opération de Multi-Media?

M. SAINT-PIERRE: Nous avons transmis, il y a déjà trois semaines, au député de Bagot et à tous les membres de la commission de l'Education, un document de près de 150 pages qui montre dans les moindres détails la véritable implantation de Multi-Media. Il y a déjà sept ou huit mois, lors d'une conférence de presse, j'ai déposé un document de plus de vingt pages, qui répondait à toutes les critiques formulées à l'époque. Les critiques n'ont pas changé. C'est cette même obstruction que nous rencontrons, cette même position qu'il faut laisser les gens décider des programmes, des contenus, de l'agencement et de la façon dont l'argent sera dépensé. A cela, nous disons non. Non pas parce que nous nous opposons à la participation, non pas parce que nous voulons déplaire aux comités de citoyens, mais parce que nous ne croyons pas que l'éducation des adultes doit être placée dans une telle zone de marginalité et que nous ne croyons pas à cette forme de participation à laquelle on veut bien nous inviter.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Mines de Cadillac et Preissac

M.SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre des Richesses naturelles. Je voudrais lui demander s'il est en mesure, ce matin, de nous faire le point sur les intentions de son ministère quant au projet envisagé pour venir en aide à la région immédiate de Cadillac. Par la même occasion, le ministre pourrait peut-être en profiter pour nous dire à quelle date il entend déposer les documents demandés au feuilleton, relativement au rapport des études de rentabilité concernant la mine Preissac Molybdenite.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, je n'ai pas, ce matin, à faire d'annonce concernant le développement de la région du Nord-Ouest. D'autre part, concernant les réponses au feuilleton, cela sera fait après la période des questions.

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le ministre des Richesses naturelles pourrait nous dire, dans le même ordre d'idée, si le comité interministériel, qui avait été formé pour étudier toutes les implications des problèmes soulevés par la fermeture de ces mines, a siégé depuis quelques semaines? Est-ce qu'on en est venu à d'autres conclusions?

Est-ce que le ministre se propose de convoquer à nouveau les représentants de cette région pour aboutir à une solution, à moyen ou à long terme?

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, pour rectifier, disons que ce n'est pas un comité interministériel d'étude de l'ensemble des problèmes. Le comité qui avait été créé était un comité d'urgence pour tenter de trouver des emplois, à court terme, aux mineurs qui ont été mis à pied. Effectivement, ce comité s'est réuni il y a environ une semaine et demie ou deux semaines. Il a tenté de voir si l'on pouvait continuer certains programmes qui avaient été amorcés dans le Nord-Ouest québécois et qui ont permis de trouver des emplois, à court terme, pour au-delà de 325 mineurs.

Certaines recommandations ont été faites par le comité et certains travaux doivent effectivement, selon les disponibilités financières de différents ministères, être poursuivis pendant quelques autres mois.

M. SAMSON: Question supplémentaire, M. le Président. Le ministre nous a fait part la semaine dernière, je crois, du fait que le projet envisagé avec L'ARDA, soit environ $25 millions d'exploration, avait été mis de côté pour faire place à un autre genre de projet ou un autre genre d'étude. Il devait nous faire part, dans un avenir... Le ministre nous fait signe que non. Est-ce que cela veut dire qu'il a tout laissé tomber?

M. MASSE (Arthabaska): Non, j'ai dit que le programme qui avait été soumis par mes fonctionnaires concernant le développement minier, non seulement dans l'exploration mais d'autres programmes également, est en train d'être réévalué parce que, personnellement, j'ai cru que certains programmes qui exigeaient énormément de dépenses apportaient des retombées minimes dans le Nord-Ouest québécois, autant en termes d'emplois qu'en termes de développement économique. En ce qui concerne la suite de la réponse que je donnais à ce moment-là, pour l'instant je n'ai pas de nouveau.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Prestations aux assistés sociaux

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Est-ce que le ministre entend donner suite à certaines demandes qui lui ont été faites de procéder deux fois par mois au paiement des prestations pour les assistés sociaux et, deuxièmement, d'augmenter de plus de 2 p.c. à partir du 1er janvier, le montant des prestations, étant donné que le coût de la vie a augmenté de plus de 2 p.c. au cours de l'année qui s'est écoulée?

M. CASTONGUAY: Relativement à la première question, M. le Président, pour faire les versements plus d'une fois par mois il nous faut modifier le système administratif. C'est en cours, et je suis assuré qu'au cours de l'année 1972, lorsque nous serons dotés du nouvel ordinateur qui doit être installé au cours du mois de janvier au ministère et que nous aurons le nouveau formulaire rempli par les agents de sécurité sociale dans nos bureaux, il nous sera alors possible d'apporter ce type de changement. Cela est dans nos plans. Mais au plan administratif, il n'est pas possible de le faire présentement.

Quant à la question de l'indexation en très courte période, il apparaît évident qu'un taux maximum de 2 p.c, qui est le même que celui que nous retrouvons dans le régime de rentes du Québec, peut paraître trop bas.

Lorsque, dans le régime de rentes du Québec de même que dans les règlements de la Loi de l'aide sociale, ce taux a été inscrit, il l'a été à une époque où les taux d'intérêt, de façon traditionnelle, étaient plus bas qu'ils ne l'ont été au cours des deux ou trois dernières années. Il semble bien que ce type de maximum devra être révisé. Nous avons d'ailleurs proposé, au plan des allocations familiales, de hausser le maximum de l'indexation à 3 p.c.

Encore sur ce plan, présentement, nous étudions les règlements de la Loi de l'aide sociale. J'aurai l'occasion d'en discuter plus longuement au moment du budget supplémentaire. Il nous serait impossible aujourd'hui, même si nous le voulions, de modifier le taux pour des raisons d'ordre administratif, de telle

sorte qu'il soit plus élevé que 2 p.c. au terme de l'année, c'est-à-dire pour les premiers paiements qui seront faits en 1972.

M. CLOUTIER (Montmagny): Une question supplémentaire, M. le Président. Le fait que le service de bien-être de la ville de Montréal ne soit pas intégré entraînera-t-il des complications particulières dans le changement administratif que le ministre est en train d'étudier, à savoir le versement des chèques deux fois par mois au lieu d'une fois par mois?

M. CASTONGUAY: La non-intégration, au plan administratif, du service de bien-être de la ville de Montréal apporte des difficultés. Je pense bien que l'ancien ministre est en mesure de confirmer cette affirmation.

L'intégration, au plan administratif, des fonctionnaires de la ville de Montréal, l'intégration au plan des statuts, etc. apporterait également des difficultés.

Nous avons donc, présentement, des rencontres périodiques entre l'administration de l'aide sociale du ministère et les responsables du service de bien-être de la ville de Montréal de telle sorte que ces difficultés soient réduites dans la plus large mesure possible. Mais il est exact que cette non-intégration apporte des difficultés.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mais pas au point d'empêcher l'uniformisation de la remise des chèques bi-mensuels au lieu de mensuels?

M. CASTONGUAY: Non, M. le Président. Je ne le crois pas.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Chèques des subventions

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Le ministre peut-il nous dire depuis quand il a lancé une nouvelle politique administrative, à son ministère, qui consiste dans l'envoi des chèques de subventions aux patroneux ou aux associations libérales des comtés, comme cela s'est produit le 15 novembre dernier au sujet d'un chèque de $30,000 en faveur de la Société zoologique de Granby, chèque qui fut adressé à M. André Laguë, président de l'Association libérale du comté de Shefford?

MME KIRKLAND-CASGRAIN : M. le Président, je ne me souviens pas du fait exact auquel le député se réfère mais je puis dire ceci: Il arrive parfois que des membres d'organismes, d'associations de comté — je ne parle pas nécessairement d'associations politiques — parce qu'ils sont membres d'une association d'intérêt public dans leur région, demandent au ministère des subventions. J'ai à la mémoire d'autres cas, dans d'autres régions. Après que la demande de subvention a été étudiée au ministère que je dirige, si les recommandations des fonctionnaires sont favorables et après étude de ma part, il arrive que les subventions soient envoyées au demandeur qui est généralement membre d'un organisme d'intérêt public de la région.

M. LOUBIER: M. le Président, une question additionnelle.

M. LESSARD: M. le Président, une question supplémentaire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. LOUBIER: Je comprends les explications, laborieuses du ministre mais, en l'occurrence, il s'agit...

M. LE PRESIDENT: La question, s'il vous plaît. Je pense qu'on n'a pas besoin d'un préambule.

M. LOUBIER: Le ministre pourrait-il nous dire si, en l'occurrence, il s'agit d'une nouvelle subvention ou tout simplement de la dernière tranche, d'une subvention quinquennale de $30,000?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Celui qui pose la question doit être passablement au courant.

M. LOUBIER: Non. Le président ne veut pas.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: S'il parle d'une subvention quinquennale, comme cela fait seulement deux ans que la présente administration est au pouvoir, ce serait une subvention qui donnerait suite à d'autres qui ont été données dans les années antérieures.

Si on parle d'une subvention pour Granby, je crois qu'il est fort possible que ce soit la dernière tranche d'une subvention.

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre croit que les explications qu'il donnait tout à l'heure collent au présent cas ou si ça ne répond pas du tout à la question du député de Maskinongé?

M. VEILLEUX: Oui.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Lorsque j'ai répondu à la question, dans le cas spécifique, je ne me souvenais pas à qui le chèque avait été envoyé. Je regrette, M. le Président, je vois qu'il y a des gens de l'autre côté de la Chambre qui rient, mais c'est exact ce que je dis. Je ne me lève pas ici pour raconter des histoires. Mais j'ai en mémoire, par exemple...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le Président. Je n'ai pas ri pour déplaire au ministre, mais simplement pour marquer la belle candeur qui la caractérise.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Celui qui fait un commentaire est peut-être le champion de la candeur, quand on l'écoute souvent en cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il s'agit d'une politique généralisée, puisque le même cas est arrivé dans mon comté? J'ai d'ailleurs écrit au ministre à ce sujet, et je n'ai pas encore reçu de réponse. Et c'est M. Lionel Jacob qui a reçu le chèque et qui l'a distribué à...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, je peux répondre à la question, parce qu'en l'occurrence la demande qui m'a été faite par le CRD de cette région m'est parvenue bien avant que la demande du député ne soit faite et c'était une association qui s'intéressait au tourisme.

Et lorsque j'ai répondu à la question du député de l'UKEY, c'était justement en pensant à ce cas. J'ai dit: il arrive que des membres d'association font des demandes et à la lumière de l'étude que nous faisons et du budget que nous avons, il est possible de répondre d'une façon affirmative à la demande.

Je regrette, mais s'il arrive que la personne en question, qui administre une région qui s'intéresse au tourisme, soit par ailleurs militante dans un parti politique quelconque...

M. LESSARD: La seule autorité et le seul poste qu'occupe Lionel Jacob...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saguenay, s'il vous plaît.

M. LOUBIER: M. le Président, j'invoque le règlement. Je rappellerai à l'honorable ministre que ce n'est pas un député de 1"'UKEY" qui a posé la question, c'est bien français, c'est un député de 1"'UQ".

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

Ventes pyramidales

M. BOIS: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à M. le ministre des Institutions financières. Est-ce qu'il peut nous confirmer que des compagnies de ventes pyramidales continuent à exploiter les citoyens du Québec?

M. TETLEY: Je crois que ce n'est pas vrai. J'ai un autre jugement, une injonction de la cour Supérieure devant moi, du district de Rouyn-Noranda, dans la cause du procureur général de la province de Québec contre Promotion et Succès Ltée. Le jugement est daté du 9 décembre, et le juge a rendu jugement en faveur du procureur général de la province de Québec. Il a décidé qu'il y avait droit à injonction.

Le jugement est aussi très intéressant, parce que c'est une étude détaillée du bill 45 et de plusieurs articles, surtout au sujet des ventes pyramidales. Et je crois que le jugement va nous aider dans nos travaux au sujet de toutes les ventes pyramidales au Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Télévision éducative

M. LEGER: Ma question s'adresse au ministre des Communications. Est-ce que le ministre pourrait nous donner la position de son ministère concernant les ententes prochaines sur la télévision éducative avec le gouvernement fédéral basée sur les trois conditions que le ministre Pelletier demandait et qui sont les suivantes:

Que l'autorité du CRTC sur les ondes ne soit pas mise en cause, premièrement.

Sur ce point, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il accepte cette demande ou s'il veut accepter seulement l'attribution des ondes ou l'implantation de réseaux qui seraient sous la juridiction du CRTC?

M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai pris connaissance, comme les membres de cette Assemblée, des conditions posées, semble-t-il, par le gouvernement fédéral en matière de radio et de télévision éducatives. Vous vous souviendrez que, si les informations que j'ai — parce que j'ai les mêmes que les membres de cette Assemblée — sont exactes, il y aurait aussi un certain nombre d'autres conditions que l'on n'a pas spécifiées. J'ai communiqué hier avec le Secrétaire d'Etat pour lui demander de m'envoyer par écrit le détail de la position de négociation du gouvernement fédéral en cette matière. J'attendrai sa réponse et, après avoir étudié d'une façon détaillée les conditions qui sont posées et les quelques autres qui, semble-t-il, le seraient, je pourrai vous répondre.

Pour ma part, je peux vous dire que je n'ai pas encore officiellement reçu d'informations du gouvernement fédéral quant à la nature de ces conditions et que je ne peux donc pas vous donner d'opinions à partir de l'information qui m'est parvenue par la voie des journaux et des media.

M. LEGER: M. le Président, une question supplémentaire. Concernant un organisme autonome qui serait l'agent de diffusion pour ces

projets, est-ce que le ministre accepterait que l'organisme autonome soit celui constitué par les bills 36, 37, soit Radio-Québec, et est-ce que ce n'est pas Radio-Canada, dans l'esprit du ministre fédéral?

M. L'ALLIER: M. le Président, j'ai déjà déclaré, au moment de l'étude du projet de loi no 36 en commission parlementaire et en deuxième lecture, que, quant à nous, l'organisme qui devrait avoir des droits et des pouvoirs de diffusion ne pourrait être autre que Radio-Québec et que, si Radio-Québec n'avait pas, après étude en commission parlementaire, suffisamment d'autonomie, notamment au niveau de son conseil d'administration, nous allions apporter des modifications pour que cette autonomie existe au niveau du conseil d'administration, principalement en ce qui a trait au nombre de fonctionnaires qui pourront former le conseil et qui devraient être minoritaires pour que Radio-Québec ait l'autonomie suffisante et puisse être le seul organisme habilité à avoir la responsabilité de la diffusion.

M. LOUBIER: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que l'attitude assez ferme du gouvernement central va inciter le ministre à transformer radicalement les modalités et la teneur même des bills 35, 36 et 37?

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre vient de répondre justement à cette question-là pour le bill 36.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.

Taux d'intérêt du crédit agricole

M. DEMERS: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Ayant eu la certitude que la Loi du syndicalisme agricole ne serait pas appliquée avant le congé de Noël, je me permets de demander au ministre de l'Agriculture si, devant la montée du taux d'intérêt, il a prévu que le taux d'intérêt exigé par l'Office du crédit agricole devrait être majoré.

M. TOUPIN: M. le Président, je ne comprends pas trop trop pourquoi on mêle le syndicalisme avec les taux d'intérêt; c'est assez confus. Je voudrais bien que le député de Saint-Maurice précise sa question.

M. DEMERS: Si je comprends bien, vous avez entendu. Pour comprendre, c'est une grâce actuelle; je vous expliquerai ça plus tard.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

Recherche scientifique

M. AUDET: Ma question s'adresse au ministre de l'Education; elle concerne l'étude et la recherche scientifiques. Entre autres orientations de cette politique scientifique, est-ce, par la formation dé ce nouveau comité, qui apparemment touchera plusieurs domaines, la recherche scientifique ira aussi loin que de faire des études spéciales en ce qui concerne le système monétaire et ses lacunes?

M. SAINT-PIERRE: On n'y avait pas songé, mais on note la suggestion du député.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

Compagnie Falconbridge

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Richesses naturelles. Est-ce que le ministre des Richesses naturelles pourrait nous dire s'il est vrai que la compagnie Falconbridge aurait suspendu ses travaux de construction d'une industrie de raffinage dans la région de Bécancour?

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, je ne suis pas au courant.

M. LESSARD: Vous n'êtes pas au courant! Etant donné que ça fait déjà un an qu'on nous a annoncé cette construction, est-ce que le ministre a l'intention de forcer cette entreprise à entreprendre cette construction ou de mettre fin à l'entente?

M. LEVESQUE: M. le Président, qu'on réfléchisse avant de lancer des rumeurs comme celles-là. Il s'agit d'une industrie qui s'établit dans le parc de Bécancour. A la suite des rumeurs qui ont circulé, nous avons communiqué avec les autorités de la compagnie, et je crois que je puis dire que ces rumeurs ne sont pas fondées.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai rencontré également les autorités de la compagnie il y a quelques semaines, et je ne puis que confirmer ce que vient de dire le ministre.

M. LESSARD: M. le Président, étant donné que cela fait déjà fort longtemps qu'on nous a annoncé l'implantation de cette industrie, est-ce que le gouvernement ou le ministre des Richesses naturelles a l'intention de forcer cette compagnie à entreprendre le plus tôt possible la construction de cette usine...

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois que nous avons répondu à la question.

M. LESSARD: ...ou bien...

UNE VOIX: On vient de répondre.

M. LESSARD: ...si le ministre a l'intention de mettre fin à l'entente exemptant cette entreprise du paiement des droits additionnels

quand le minerai est exporté à l'extérieur, comme cela devrait normalement se faire dans la région de l'Ungava?

M. LEVESQUE: M. le Président, il faudrait d'abord qu'il soit question pour la compagnie de ne pas poursuivre ses projets d'implantation. A ce moment-là, la question pourrait être opportune. Mais tant et aussi longtemps que la compagnie n'a pas manifesté ce désir ou cette intention de mettre fin à ce projet d'implantation, à sa construction, etc., il n'est pas question d'utiliser une question hypothétique comme celle du député pour en arriver à d'autres conclusions.

M. LESSARD: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre a l'intention de retarder la subvention de $2 millions pour la construction d'une route minière dans la région de l'Ungava jusqu'au moment où la compagnie aura entrepris sa construction à Bécancour?

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne suis pas allé sur les lieux à Bécancour, mais les renseignements que j'ai, c'est que la compagnie procède normalement. Si c'est le cas et si mes renseignements sont fondés, je crois que toute autre question du député n'a pas sa raison d'être.

Cependant, pour rassurer le député je suis prêt à m'enquérir de nouveau auprès de la compagnie Falconbridge et à faire rapport à la Chambre si des changements avaient échappé à notre attention.

M. JORON: M. le Président, question supplémentaire. Dans cette optique, est-ce que le ministre pourrait, en plus des conversations qu'il entretient avec les dirigeants de la compagnie sur les intentions de poursuivre ou de ne pas poursuivre les travaux, nous faire état de l'avancement des travaux, aussi bien dans le cas de Falconbridge, que dans celui de Glaverbel et de Control Data? Est-ce qu'il y a eu seulement une pelletée de terre qui a été levée dans ces trois annonces ronflantes que le gouvernement a faites depuis un an?

M. LEVESQUE: Avant de parler d'annonce ronflante, peut-être qu'au lieu de ronfler on pourrait aller à Bécancour. On verra là la construction. Il n'y a pas seulement eu des pelletées de terre, Glaverbel a déjà $5 millions d'investis dans une construction.

Au lieu de parler de pelletées de terre et de ronfler, qu'on se réveille donc!

M. JORON: C'est ce que je vous demande, d'en faire rapport.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce est au courant que Glaverbel a cessé toute production à Bécancour?

M. LEVESQUE: M. le Président, nous avons répondu à cette question. J'ai simplement dit au député de Gouin, qui parlait de pelletées de terre, qu'il y avait déjà $5 millions d'investis. La compagnie est en train d'étudier le marché et les nouveaux procédés avant de continuer la construction. Il s'agit d'un cas particulier qui n'a rien à faire avec la question du député de Saguenay concernant Falconbridge.

M. CHARRON: Combien avez-vous donné à cette compagnie?

M. LEVESQUE: Il ne faut pas perdre la tête dans ces discussions; il faut regarder les choses d'une façon très objective.

M. CHARRON: Quelle subvention a-t-elle eue, cette compagnie?

M. LEVESQUE: Lorsqu'on a parlé de Falconbridge tout à l'heure j'ai mentionné — et le premier ministre l'a également confirmé — que nos renseignements sont à l'effet que les choses procèdent normalement.

M. CHARRON: Ils ont gaspillé la subvention et ils ont arrêté les travaux.

M. LEVESQUE: J'ai même dit, par souci d'objectivité, que j'irais jusqu'à me renseigner de nouveau, à savoir s'il y avait des changements de dernière heure qui m'auraient échappé. On ne peut pas être plus objectif et manifester un plus grand esprit de collaboration. Quant à la question sur Glaverbel, on y a déjà répondu en cette Chambre à l'effet qu'à cause de nouveaux procédés dans le domaine du verre certains changements de parcours s'avéraient nécessaires. La compagnie Glaverbel, bien qu'elle ait déjà investi plus de $5 millions sur les lieux, croit bon d'arrêter momentanément ses travaux et de revoir la situation sur le marché international avant de les poursuivre. Ce sont les renseignements que nous avons. Nous n'avons rien à cacher. Voilà la situation.

M. JORON: Et Control Data?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.

Conflit de la Presse

M. CROISETIERE: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail. Etant donné le rejet de la proposition par les journalistes dans le conflit de la Presse, le ministre aurait-il des commentaires à faire en cette Chambre, ce matin?

M. COURNOYER: M. le Président, je n'ai aucun commentaire, mais, tel que promis hier au chef de l'Opposition, je déposerai les recommandations que j'avais faites. C'est ce que je

fais immédiatement, et on commentera plus tard, à la demande des députés.

M. LOUBIER: Serait-il acceptable ou permis de déposer également les réponses par écrit qui auraient été données par les syndicats et par le patronat, les contre-propositions qui auraient été faites?

M. COURNOYER: Je n'ai qu'une réponse, c'est celle de samedi après-midi, faite par les journalistes, celle qui me disait qu'ils n'étaient pas prêts à répondre. Les autres réponses ne m'ont pas été communiquées personnellement, on ne m'a pas expliqué non plus les raisons du refus. Je ne peux donc pas déposer ce que je n'ai pas. Mais, si je recevais de telles réponses, soyez assuré que je compléterais le dossier en les déposant.

M. BURNS: Question additionnelle, M. le Président. Le ministre peut-il nous dire si, malgré le refus des syndicats, les officiers de son ministère continuent à travailler en vue de ramener les parties à la table de négociations ou à poursuivre les négociations?

M. COURNOYER: Les officiers de mon ministère sont à se reposer et à réfléchir. Ils n'ont rien fait de bien depuis le début!

M. BURNS: Le ministre a-t-il l'intention de tenter de faire reprendre les négociations?

M. COURNOYER: Il va examiner la situation; lui aussi a le droit de se reposer.

M. BURNS: Parlez donc un peu plus fort.

M. COURNOYER: J'ai dit que le ministre se reposait aussi en même temps que ses fonctionnaires.

M. BURNS: Bon repos.

M. LE PRESIDENT: Deux dernières questions. Le député de Saint-Jacques et le député de Chicoutimi.

Perspectives-Jeunesse

M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education. C'est aujourd'hui le 15 décembre, jour où le gouvernement fédéral doit arrêter sa décision quant au projet Perspectives-Jeunesse. Le gouvernement provincial, par la voix du ministre de l'Education, pourrait-il nous donner les positions ultimes et complètes qu'il a défendues sur ce projet auprès du gouvernement fédéral?

M. SAINT-PIERRE: Si nous pouvions avoir du Parti québécois plus de collaboration sur le bill 28, je pourrais sûrement m'occuper de Perspectives-Jeunesse.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît.

M. CHARRON: Question additionnelle, M. le Président. Le ministre accepterait-il...

M. LACROIX: Vous n'avez pas de cravate. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: ... de déposer la correspondance avec le Secrétaire d'Etat du gouvernement fédéral à ce sujet?

Vous pouvez le faire après le débat sur le bill 63 si vous voulez.

M. LE PRESIDENT: Je pense bien qu'il y a un autre moyen selon lequel le député n'a pas à obtenir la permission même du ministre, soit demander le dépôt des documents. Le député de Saint-Jacques pourrait procéder tel que le règlement le prévoit et demander la production des documents.

Dernière question.

M. LOUBIER: Question additionnelle, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je devrai alors mettre fin à la période des questions.

M. LOUBIER: Je ne voudrais pas enlever le tour d'un autre...

M. LE PRESIDENT: Vous allez brimer votre collègue de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je donne préséance à mon vénérable chef.

M. PAUL: J'appuie la motion.

Opinion du gouvernement sur Perspectives-Jeunesse

M. LOUBIER: Devant cette unité de foi, je suis sidéré et la formulation de ma question devient plus difficile. Mais, M. le Président, je voudrais demander au ministre de l'Education, à la suite des déclarations faites par M. Munro concernant Perspectives-Jeunesse, au sujet de l'établissement d'un bureau à Montréal pour les programmes de sports et de participation aux sports de Québec, s'il n'est pas temps que les Québécois connaissent la position véritable du gouvernement dans ce secteur qui est de juridiction provinciale et où on remarque des incursions répétées du gouvernement fédéral.

Je demande au ministre qu'il établisse donc une fois pour toutes, s'il en est capable ce matin, la position du gouvernement concernant toutes ces interventions et ces incursions. Qu'il le fasse donc, ce matin.

M. PAUL: Ah, c'est difficile!

M. LOUBIER: M. le Président, je remarque que le premier ministre vient de rasseoir son ministre de l'Education.

M. BOURASSA: Non! non! pas du tout! C'est que le député de Fabre est actuellement à Ottawa. On va attendre le rapport qu'il va nous faire. Il discute précisément de cette question.

M. PAUL: Vous vous fiez à lui!

M. CHARRON: Il n'est pas là pour ça, du tout.

M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre devrait, au moins, avoir la décence...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER: ... de laisser son ministre de l'Education expliquer quelle est la position au niveau...

M. CHARRON: Il n'est pas là pour ça. C'est faux!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BOURASSA: Il doit faire rapport au ministre de l'Education, demain.

M. LOUBIER: J'ai demandé, tout simplement, qu'on donne l'attitude du gouvernement au niveau des principes quant aux juridictions sur le sport, les loisirs et les programmes fédéraux.

M. SAINT-PIERRE: Chose certaine, c'est qu'on va tenter de signer des ententes plus solides que celle que vous avez signée avec le gouvernement fédéral, il y a quelques années.

M. LOUBIER: M. le Président, je dirai au ministre de l'Education que c'était la première fois que se signait une entente concernant les politiques de sport et de loisirs et où les droits du Québec étaient sauvegardés.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs !

Affaires du jour.

Ordre des travaux de la Chambre

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, me prévalant des dispositions de l'article 114, je voudrais avoir une information concernant les travaux de la Chambre. Je m'adresserais au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. DEMERS: Il n'est au courant de rien. M. LE PRESIDENT: Si cela concerne les travaux de la Chambre, je crois que la personne désignée, c'est le leader parlementaire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je m'adresse au leader parlementaire, dans ce cas-là.

M. DEMERS: Oui, parce que l'autre n'est au courant de rien.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que le leader parlementaire peut nous dire si le ministre de l'Agriculture va déposer devant cette Chambre les amendements qu'il a promis au bill 64? Est-ce que le bill 64 va être étudié en deuxième lecture et en troisième lecture avant l'ajournement de la session?

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas l'esprit d'observation suffisamment aiguisé pour dire si le député de Sainte-Marie était en Chambre, hier et avant-hier. Mais, s'il l'avait été, il aurait eu la réponse à la question qu'il vient de poser.

M. SAMSON: M. le Président, le leader du gouvernement nous a avisés, ce matin, d'une correction à faire à l'avis de convocation de la commission parlementaire de la Justice. Demain, vous nous avez bien dit que ce serait à la "chambre" 81-A.

M. LEVESQUE: Oui.

M. SAMSON: C'est ça. Je crois qu'il y aussi avis de convocation de la commission parlementaire des Affaires municipales, le même jour, à dix heures, dans la même salle.

M. LEVESQUE: M. le Président, c'est qu'on m'a assuré, d'après la progression des travaux, que la commission parlementaire des Affaires municipales aurait terminé normalement son travail.

M. CLOUTIER (Montmagny): En vertu de l'article 114, je voudrais demander au leader...

M. LEVESQUE: Il n'y a peut-être pas de garantie. Dans le cas contraire, nous ferons les changements dès demain matin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous changerons de "chambre".

M. CLOUTIER (Montmagny): Il reste quatre projets de loi à déposer, à savoir la Loi sur la pharmacie, la Loi sur la denturologie, celle concernant les infirmières et les infirmiers, et aussi celle qui a trait aux comptables. Il faudrait que nous ayons les trois premiers projets de loi particulièrement. Etant donné que nous allons commencer l'étude du bill 65 et que le ministre des Affaires sociales nous avait déclaré, en commission parlementaire, qu'il était presque assuré que ces projets de loi seraient déposés au moment où on étudierait le projet de loi no 65,

est-ce que le leader pourrait nous dire quand ils vont être déposés?

M. LEVESQUE: C'est bien l'intention du gouvernement de déposer le plus rapidement possible ces projets de loi. D'ailleurs, il y a une implication; lorsque le dernier de ces projets de loi sera déposé, l'avis paraîtra dans la Gazette officielle; c'est alors que le délai commence à courir. Nous avons dit que le dernier de ces projets de loi serait déposé avant l'ajournement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, mais il en reste quatre au feuilleton. Il y en a trois qui concernent la santé. Alors, est-ce que ces trois ne pourraient pas être déposés le plus rapidement possible, quitte, peut-être, à retarder le quatrième, étant donné le délai?

M. CASTONGUAY: M. le Président, c'est exact, ce que dit le député de Montmagny, qu'au moment de la discussion en commission du bill 65 j'avais dit que nous ferions tout notre possible pour déposer ces projets de loi. Maintenant que le Code des professions est déposé, que la très grande majorité des projets de loi est aussi déposée relativement à chaque groupe particulier, on voit l'ensemble des dispositions qui sont proposées. Dans le cas des pharmaciens, des infirmières, des denturologistes, le dépôt imminent ne viendra pas ajouter tellement à l'ensemble.

De toute façon, avant même que nous passions à la discussion du projet de loi no 65, article par article, où, là, il est possible de poser des questions sur le principe général du projet de loi, je crois qu'avec le code des professions et toutes les lois particulières, nous en avons assez. Ces projets de loi qui n'ont pas encore été déposés le seront, selon l'information que m'a communiquée ce matin le sous-ministre de la Justice qui est responsable du comité de législation.

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir du leader du gouvernement combien de projets de loi n'ont pas encore été déposés et le seront incessamment, et quand ils le seront?

M. LEVESQUE : Je crois, si ma mémoire est fidèle, qu'il reste trois projets de loi à déposer, mais pas des projets de loi qui devraient susciter des débats acrimonieux. Si je me rappelle bien, d'abord il y a le projet de loi qui est en avis, ici, Loi modifiant la charte de la Société générale de financement du Québec. Il y a un autre projet de loi relatif aux caisses populaires. Je crois qu'il y en a un autre qui m'échappe mais je pourrais...

M. PAUL: D'accord.

M. CLOUTIER (Montmagny): Les allocations familiales, troisième?

M. PAUL: La Loi des allocations familiales?

M. LEVESQUE: Peut-être. Je sais qu'il y en a un ou deux autres.

M. BOURASSA: Est-ce que le chef de l'Opposition...

M. LOUBIER: Est-ce qu'ils seront déposés...

M. BOURASSA: ... préfère que les projets de lois soient adoptés ou simplement déposés?

M. LOUBIER: Non, mais nous voudrions tout de même,...

M. PAUL: Ce n'est pas nous qui menons, M. le Président.

M. LOUBIER: ... si possible, les avoir au moins quelques heures avant de les étudier ici.

M. LEVESQUE: Le comité de législation se réunit cet après-midi pour terminer la rédaction des derniers projets de loi. Nous avons une réunion du conseil des ministres ce soir, et je pense bien qu'après cela nous pourrons déposer les derniers projets de loi.

M. LOUBIER: Cela voudrait dire que, demain matin, au plus tard, nous aurions tous les projets de loi qui doivent être déposés...

M. LEVESQUE: Oui.

M. LOUBIER: ... d'ici la fin de la session.

M. LEVESQUE: Je serai probablement au courant demain. Peut-être qu'il y aura des retards, mais ce sera à cause de l'impression et non de la décision gouvernementale.

M. LOUBIER: Si la séance du conseil des ministres a lieu ce soir, est-ce que cela signifie qu'il n'y aura pas de séance ce soir?

M. LEVESQUE: Non, non, la Chambre va siéger ce soir. Le conseil des ministres siégera de six heures à huit heures.

M. PAUL: Ah! c'est vrai, cela ne dérange pas grand-chose qu'ils y soient.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Questions inscrites au feuilleton

M. LEVESQUE: M. le Président, à l'article no 2, question de M. Roy (Beauce), réponse de Mme Casgrain.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 4. Je propose

que cette question soit transformée en motion pour dépôt de documents. Question de M. Lavoie (Wolfe), réponse de M. Tessier.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adopté? Adopté.

M. LEVESQUE: Article no 6, question de M. Béland. Je propose que cette question soit transformée en motion pour dépôt de documents, document déposé par M. Bourassa.

M. BOURASSA: Lu et répondu.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Article no 8, question de M. Beland, réponse de M. Massé.

M. MASSE (Arthabaska): Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 10, question de M. Lavoie (Wolfe). Je propose que cette question soit transformée en motion pour dépôt de documents, document déposé par M. Tessier.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LEVESQUE: Article no 11, question de M. Léger, réponse de M. Pinard.

M. PINARD: Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 13, question de M. Laurin, réponse de M. Saint-Pierre.

M. SAINT-PIERRE: Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 15, question de M. Béland, réponse de M. Drummond.

M. DRUMMOND: Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 16, question de M. Lavoie (Wolfe), réponse de M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 56, ordre de la Chambre au nom de M. Samson, dépôt par M. Massé.

M. MASSE (Arthabaska): Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 57.

M. PAUL: Article no 56?

M. LEVESQUE: Non, article no 57.

M. BURNS: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer que vu le retrait du projet de loi no 162 intitulé Loi constituant en corporation Les Apôtres de l'amour infini, les droits ordinaires que les promoteurs de ce bill ont payés leur soient remboursés après déduction des frais d'impression et de traduction.

M. PAUL: M. le Président, il s'agit d'une motion débattable. Je n'ai pas l'intention de la contester, sauf pour féliciter le parrain de ce projet de loi pour son zèle apostolique dans la propagande du culte des Apôtres de l'amour infini.

M. BURNS: Ai-je un droit de réplique, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve désire-t-il exercer son droit de réplique?

M. LEVESQUE: Avant qu'il ne l'exerce, je crois, M. le Président, que j'ai le droit d'exercer mon droit de parole.

M. LE PRESIDENT: Autrement, cela mettrait fin au débat.

M. LEVESQUE: Je veux simplement dire, comme le député de Maskinongé, qu'il s'agit d'une motion débattable. Nous pourrions, à ce moment-ci, faire peut-être pas un filibuster, mais...

M. PAUL: Ne gâtez pas la soupe.

M. LEVESQUE: ...nous pourrions sans doute faire quelques remarques. Mais, malgré qu'il n'y ait pas d'amour infini entre le parti de celui qui propose la motion et le nôtre, M. le Président, je ne m'opposerai pas davantage.

M. DEMERS: Cela, c'est au nom de l'oecuménisme.

M. BURNS: M. le Président, je vais exercer mon droit de réplique, à moins que quelqu'un d'autre ne veuille prendre la parole.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres députés qui désirent parler sur cette motion?

M. PAUL: M. le Président, je voudrais faire une motion pour l'ajourner à six mois.

M. BURNS: Je veux tout simplement faire remarquer, M. le Président, que je suis heureux que l'on constate mon zèle apostolique.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

UNE VOIX: Sur division.

M. LEVESQUE: Article 32.

Projet de loi no 65 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 65, Loi de l'organisation des services de santé et des services sociaux.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. CARDINAL: So what?

M. CASTONGUAY: M. le Président, étant donné que ce projet de loi a été déposé au cours du mois de juillet, qu'il a fait l'objet d'une étude extensive en commission, qu'un très grand nombre d'organismes ont présenté des mémoires, que j'ai également eu l'occasion, lors d'une tournée, de discuter des divers aspects de ce bill avec un très grand nombre de personnes intéressées à l'organisation, à la distribution des services de santé et sociaux, également d'en discuter avec un très grand nombre de personnes qui sont venues me rencontrer à l'occasion de ces visites, il me semble important, au début de la présentation en deuxième lecture de ce projet de loi, de rappeler brièvement dans quel contexte général il se situe.

Pour ce faire, j'aimerais faire un bref bilan de l'état des services de santé et sociaux, au Québec, des problèmes qui s'y posent et un rappel des politiques et objectifs du gouvernement en matière de service de santé et de services sociaux. Egalement, il m'apparaît important, dans un deuxième temps, de situer le projet de loi no 65 dans le cheminement des étapes législatives, administratives et financières qui constituent la réforme entreprise dans le secteur des affaires sociales. Enfin, dans un troisième temps, je donnerai un exposé aussi bref que possible de la nature et des objectifs spécifiques du projet de loi no 65.

C'est l'ordre, M. le Président, ou le cheminement que j'entends suivre dans cette présentation. Si j'ai cru bon de faire ce schéma, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi qui touche à l'organisation des services de santé et des services sociaux et qui, par sa nature même, ne peut se ramener à un seul principe clairement identifié.

Il s'agit d'une loi d'organisation. Cette présentation du projet de loi me paraissait la plus équilibrée possible pour bien informer les membres de la Chambre de façon que tous les aspects qui entourent ce projet de loi soient exposés.

En premier lieu, en ce qui a trait aux politiques et objectifs du gouvernement en matière de services de santé, le régime actuel de santé au Québec est caractérisé par de nombreuses lacunes d'organisation qui ont des incidences sur l'état de santé de la population.

Bien que le personnel professionnel et technique soit nombreux, que les installations hospitalières rivalisent en nombre et en qualité avec celles de la plupart des pays industrialisés et que les crédits consacrés par l'Etat aux services de santé soient considérables, les indices de l'état de santé de la population québécoise révèlent des écarts importants, tant avec les autres provinces qu'avec certains pays, ainsi que les disparités régionales et sociales que le régime de santé et de services sociaux doit viser à éliminer.

L'absence d'organisation systématique suivant une perspective globale se traduit notamment par une fragmentation des systèmes de distribution de soins, principalement au niveau des soins généraux et du système hospitalier. La multiplicité des systèmes parallèles, hospitalier général, services de prévention, médecine du travail, réadaptation, soins pour malades chroniques et convalescents, soins pour malades mentaux, augmente le morcellement et le cloisonnement des services de santé.

La politique poursuivie par le gouvernement dans le domaine de la santé vise à améliorer l'état de santé physique et mental de la population. Cette politique de la santé cherche à instaurer un régime complet caractérisé par une intégration et une coordination des services de santé mentale et physique, par une approche globale aux problèmes de l'homme, par la reconnaissance de l'interdépendance entre les services de santé et les autres services qui s'attaquent aux problèmes de l'homme et par l'intégration des services de santé aux autres secteurs de la vie collective qui affectent et déterminent le développement de l'individu.

Pour atteindre ces objectifs fondamentaux, la politique de santé doit rendre accessible à tous des soins de santé complets et continus. L'instauration de l'assurance-hospitalisation en 1961 et de l'assurance-maladie en 1970 a éliminé la majorité des obstacles d'ordre financier et on peut prévoir que, par divers mécanismes, on en viendra à garantir le paiement d'à peu près tous les frais occasionnés par la maladie.

Pour assurer l'accessibilité des services au plan géographique, il est nécessaire de les rapprocher de la population sur une base régionale et locale, selon les niveaux de soin, tout en améliorant les moyens de transport afin que chaque personne puisse, en tout temps et indépendamment de son lieu de résidence au Québec, avoir accès rapidement aux soins que son état requiert.

Pour éliminer les obstacles d'ordre social à l'accès aux services de santé, il sera nécessaire que les professionnels de la santé collaborent

avec le ministère pour modifier l'attitude des collectivités face aux problèmes de santé.

Il faut inculquer à la population des habitudes de vie saine et rendre les individus conscients par des mesures appropriées d'éducation sanitaire, tant dans le milieu familial et scolaire que dans le milieu de travail, que leur santé et celle des autres constitue leur première richesse et responsabilité.

Le nouveau régime de santé, en plus d'être accessible, doit respecter la personne humaine dans toutes ses dimensions. La distribution des soins doit tenir compte de la psychologie de l'individu et de l'anxiété qui accompagne généralement tout problème de santé.

Les professionnels doivent faire comprendre aux malades les objectifs de la prévention, du traitement et de la réadaptation. Le malade, quant à lui, doit être considéré dans tout le système comme un individu ayant des droits, sa personnalité propre et son caractère d'homme.

C'est en partie pour que les services soient davantage personnalisés, adaptés aux besoins réels de la santé, aux besoins réels de la population et mieux coordonnés que le gouvernement préconise — par la voie de ce projet de loi — la participation des consommateurs à la direction des établissements dispensateurs de services.

En plus d'assurer la distribution de services de qualité sur les plans humain et social, le régime de santé doit assurer des soins de qualité sur le plan scientifique.

Cette qualité exige le maintien de normes optimales dans les services de santé et également chez les professionnels, l'amélioration du système d'enseignement et de formation selon les principes d'une médecine globale, le décloisonnement dans le travail des professionnels, le renouvellement permanent des connaissances des membres de l'équipe de santé, le développement de la recherche scientifique ainsi que l'utilisation rapide des nouvelles connaissances dans l'exercice professionnel.

Enfin, le gouvernement entend faire en sorte que le régime soit efficace. Au cours de la dernière décennie, les coûts des services de santé n'ont cessé d'augmenter à un rythme plus rapide que le produit national brut et que l'ensemble des dépenses gouvernementales. Parallèlement à l'amélioration de la qualité, il faut accroître le rendement du régime par le recours aux méthodes modernes d'organisation et de distribution des services. En pratique, nous devons mettre l'accent sur une meilleure planification des services de santé, l'intégration des services de santé et des services sociaux, la coordination entre eux des établissements dispensateurs de services et l'évaluation constante de la performance du régime, afin d'en déceler et corriger les déficiences.

Quant aux services sociaux, plus particulièrement, dans notre société de changements accélérés, une proportion de plus en plus grande d'individus et de familles font face à des difficultés psycho-sociales de toutes sortes, qui non seulement constituent des obstacles à leur développement mais conduisent souvent à leur aliénation et à la désintégration des familles. Les services sociaux mis sur pied pour les aider à surmonter ces difficultés sont caractérisés par plusieurs lacunes au plan de leur organisation.

Tout comme les services de santé, les services sociaux ne sont pas suffisamment coordonnés et leur morcellement limite leur efficacité et leur aptitude à répondre aux besoins de la population. De plus, ils sont inadaptés par rapport à plusieurs problèmes actuels, et souvent une barrière existe entre ces services et les populations qui en ont le plus besoin. La politique du gouvernement, qui vise à améliorer les conditions sociales des individus, des familles et des groupes, poursuit trois objectifs fondamentaux: aider les individus à développer une personnalité autonome, aider les individus à assumer pleinement leurs responsabilités familiales et sociales et, enfin, aider les individus, les familles et les groupes à participer à la vie communautaire.

Le premier objectif est fondé sur la reconnaissance du fait que, pour pouvoir s'épanouir pleinement, l'individu doit lui-même posséder une personnalité capable d'autonomie et d'autodétermination, c'est-à-dire capable d'agir par lui-même et de se relier à son milieu. Dans la société moderne, il existe de nombreuses causes objectives susceptibles de provoquer un déséquilibre ou un état de dépendance chronique, qu'il s'agisse du chômage, de la faible scolarisation, de la pauvreté ou encore de l'ensemble des conditions socio-économiques que l'on retrouve dans les zones dites défavorisées des centres urbains. Par ailleurs, l'autonomie des individus peut-être menacée par un état de crise individuelle ou familiale, provoquée par des difficultés temporaires de diverse nature, dont la rapidité du changement, les problèmes d'inadaptation et l'insécurité qui en découle ne sont pas les moindres.

L'état de dépendance peut encore être provoquée par un handicap physique, la maladie, la dislocation familiale, la vieillesse et autres phénomènes qui, il n'est pas inutile de le rappeler, touchent toutes les classes de revenus. Pour aider les individus à développer, maintenir ou recouvrer leur autonomie et à fonctionner efficacement dans leur milieu, la société se doit de mettre à leur disposition un ensemble de services de consultation, de renseignements, de remplacements et de substitutions, d'orientation et de soutien.

Le second objectif préconisé par le gouvernement dans ce domaine consiste à aider les individus à assumer leurs responsabilités familiales et sociales. Le fonctionnement de la société est fortement conditionné par la façon dont les individus s'acquittent de leurs devoirs envers les autres et également envers la société en général. La politique du ministère des Affaires sociales envers l'enfance inadaptée met

cet objectif en évidence. En même temps qu'elle vise à permettre aux enfants affectés d'un handicap physique ou sensoriel, de troubles d'apprentissage, de mésadaptation affective ou sociale d'acquérir le maximum d'autonomie, cette politique incite le milieu social immédiat de l'enfant, et en particulier, les membres de sa famille, à participer au processus complexe d'adaptation ou de réadaptation, de façon à éviter le recours au placement des enfants hors de leur milieu naturel.

A cette fin, il faut aider les membres du milieu social immédiat à collaborer activement au traitement de l'enfant et à assumer la tâche éducative particulièrement exigeante qui leur est dévolue.

Enfin, notre politique a pour objectif d'aider les personnes, les familles et les groupes à participer à la vie communautaire. Les personnes devront participer, d'abord, à l'identification de leurs besoins en matière de services de santé, en matière de services sociaux et également à celle des autres besoins qui conditionnent leur façon de vivre. Elles devront participer également à la recherche de solutions aux problèmes qu'elles rencontrent et, enfin, participer à l'ensemble des activités d'une communauté humaine.

Parce qu'ils sont essentiels à 1 épanouissement des individus et au bon fonctionnement de la société, il est donc nécessaire que les services sociaux, tout comme les services de santé, soient accessibles au triple plan financier, géographique et social. Ils doivent s'inspirer d'une approche globale des problèmes de l'homme, respecter la personnalité humaine, dispenser des services de qualité sur le plan scientifique et, enfin, être efficaces. Tout comme les services de santé, ils doivent être soigneusement planifiés, coordonnés entre eux et constamment évalués. C'était, brièvement, une description ou une analyse du système des services de santé, du système des services sociaux, de même que des objectifs que nous poursuivons, comme gouvernement et comme ministère, dans ce secteur.

Je voudrais maintenant situer, aussi rapidement que possible, le projet de loi no 65 dans le cadre des étapes, au plan législatif, administratif et financier, de la réforme que nous poursuivons présentement dans le domaine des affaires sociales. Au moment de la présentation de la Loi de l'assurance-maladie, en juin 1970, j'ai souligné que cette loi constituait une étape qui vise à éliminer la barrière financière à l'accès aux services de santé. J'ai toujours insisté, depuis, sur le fait que d'autres types de mesures devraient être adoptés, touchant, cette fois, l'organisation des services.

Lorsque j'avais présenté la Loi de l'assurance-maladie en Chambre, on avait insisté — je me souviens, en particulier, du député de Bourget — sur la nécessité qu'on expose les objectifs et la politique du gouvernement en matière de santé, puisque c'était l'objet de la question, et j'imagine également en matière de services sociaux. C'est ce que j'ai tenté de faire depuis, comme on l'a vu dans le résumé que j'ai voulu donner en première partie de mon exposé ce matin.

A ce moment, j'insistais sur le fait que d'autres mesures que l'assurance-maladie devraient être adoptées, touchant l'organisation des services sociaux. J'aimerais simplement lire quelques passages de l'intervention en deuxième lecture que j'ai faite lors de la présentation de la Loi de l'assurance-maladie: "Une telle situation doit être corrigée si l'on veut que le droit à la santé cesse d'être une réalité vide de sens pour toute une partie de la population. "A cette fin, diverses mesures doivent être mises en oeuvre, qui peuvent être regroupées en deux grandes catégories: celle touchant l'organisation des services de santé et celle destinée à éliminer la barrière financière à l'accès de ces services. L'assurance-maladie appartient à la deuxième catégorie. C'est pourquoi on ne retrouve pas, dans le présent projet de loi — évidemment, il s'agissait du projet de loi sur l'assurance-maladie — de mesure se rapportant à l'organisation des services de santé ou encore des modifications à des mesures existantes, telles l'organisation des unités sanitaires et du milieu hospitalier. C'est également pourquoi on ne retrouve pas de disposition destinée à changer fondamentalement le statut des professionnels impliqués. "L'assurance-maladie constitue seulement une première mesure dans l'application d'une politique générale de santé, qui sera annoncée ultérieurement et dont la mise en oeuvre nécessitera de nombreuses réformes dans l'organisation du système de distribution des soins et de tout le régime de la santé au Québec."

Donc le projet de loi sur l'organisation des services de santé et des services sociaux, dont j'énonçais alors la nécessité, constitue justement la deuxième étape majeure dans la concrétisation et l'application d'une politique générale de la santé et des services sociaux, et ceci tel que je le disais déjà au cours de juin 1970.

Mais, entre temps, il est bon aussi de rappeler une autre étape, puisqu'elle ne se situe pas exactement ou qu'elle n'était pas annoncée spécifiquement à ce moment. Depuis l'adoption de la loi de l'assurance-maladie, la présentation du projet de loi sur l'organisation des services de santé et des services sociaux, une mesure très importante a été adoptée et qui a consisté en la fusion des anciens ministères de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social en un nouveau ministère, soit celui des Affaires sociales. De sorte que le projet de loi sur l'organisation des services de santé et des services sociaux présenté aujourd'hui en deuxième lecture touche à la fois le domaine de la santé et des services sociaux, ce qu'il n'était pas possible d'affirmer au moment de la Loi de l'assurance-maladie, et

vise notamment à leur intégration la plus complète possible au niveau des services courants dans le nouveau type d'établissements que nous proposons, soit les centres locaux de services communautaires.

Si je mentionne cette étape qui a été franchie, soit l'intégration des deux ministères, c'est qu'il était nécessaire d'effectuer cette étape, importante à plusieurs points de vue, avant qu'il soit possible d'intégrer les dispositions législatives portant sur l'organisation des services de santé et des services sociaux. Egalement lorsque j'ai présenté le projet de loi sur l'assurance-maladie, en 1970, je faisais allusion à la nécessité de réviser l'ensemble de la législation touchant les groupements professionnels, préciser leur champ de pratique soit dans le domaine des services de santé et des services sociaux, les relations que ces groupements professionnels doivent avoir les uns avec les autres dans le contexte d'un travail d'équipe, dans un contexte d'évolution des connaissances, dans un contexte aussi d'évolution de l'application de ces connaissances et des modes d'organisation dans lesquels les services de santé, les services sociaux sont distribués.

Donc, nous avons, après cette étape que nous avions annoncée dès juin 1970, présenté au cours des dernières semaines le code des professions, d'une part, et également les diverses lois constitutives des professions dont le champ d'exercice leur est réservé, soit loi des médecins ou loi médicale, des dentistes, des pharmaciens, etc.

Alors, cet ensemble de projets de loi touchant l'organisation professionnelle constitue une autre facette extrêmement importante de la réforme entreprise. Et, tel qu'il avait été demandé lors de l'étude ou le début de l'étude du projet de loi 65, nous avons pu déposer ces projets de loi, à l'exception, comme il a été mentionné ce matin, de trois projets de loi qui seront incessamment déposés en Chambre.

Ils feront également l'objet d'une analyse objective et approfondie j'en suis convaincu, au sein de la commission spéciale qui a été formée à cette fin.

Enfin, je voudrais, dans le cadre des étapes au plan législatif, rappeler certaines autres étapes que j'ai déjà laissé entrevoir ou annoncées à diverses occasions, c'est-à-dire la présentation, au cours de la prochaine session, des projets de loi sur la santé mentale ou encore sur la protection de la personne qui doit subir des traitements psychiatriques, sur la protection de la santé publique et également sur la protection de l'enfance.

Ici, on remarque le cheminement: mécanisme nous permettant de viser à l'accessibilité financière pour les services de santé, intégration des deux ministères, présentation du projet de loi sur l'organisation des services, ensemble de projets de loi sur l'organisation professionnelle. Nous arriverons, dans l'étape subséquente, aux lois qui touchent de façon plus particulière la personne et aussi la protection de la personne si l'on examine les objectifs visés par ces trois projets de loi qui seront présentés au cours de la session 1972.

Maintenant, aux plans administratif et financier, très brièvement, outre l'intégration des deux ministères en un ministère des Affaires sociales, certaines étapes ont été franchies. Je me limiterai uniquement à celles qui m'apparaissent avoir un aspect significatif par rapport au projet de loi no 65 pour bien rappeler que dans l'analyse de ce projet de loi l'on ne saurait voir, comme mécanisme pour modifier le système et poursuivre nos objectifs, que l'aspect législatif, mais que d'autres aspects aux plans administratif et financier sont tout aussi importants.

Ici, en premier lieu, je voudrais mentionner la mise en vigueur d'un système de financement nouveau, par voie de budget global dans tous les centres hospitaliers, mécanisme de financement ou établissement de relations financières qui va avoir pour effet, de l'avis de tous, d'accentuer l'autonomie de gestion des établissements. Mais ceci dans le cadre de leurs responsabilités définies par le projet de loi no 65.

Deuxièmement, en décembre dernier, nous avons proposé au gouvernement du Canada une nouvelle formule de financement des services de santé, destinée à remplacer la Loi de l'assurance-hospitalisation et la Loi de l'assurance- maladie, ces deux lois que l'on retrouve aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau provincial et qui constituent un cadre relativement rigide qui entrave la poursuite des modifications qu'il nous faut apporter au système.

Nous avions donc présenté en décembre 1970, au gouvernement du Canada une proposition concrète visant à faire en sorte que ces arrangements financiers soient remplacés par un engagement global qui donnerait à la fois au gouvernement du Canada la possibilité d'établir des normes, au plan national, et au gouvernement du Québec la possibilité de mettre vraiment en oeuvre la politique de services de santé et de services sociaux qu'il croit nécessaire de poursuivre.

Nous avons eu, au cours de l'année, des discussions au niveau technique avec le gouvernement du Canada sur cette formule. Nous avons eu aussi des échanges dans le cadre de conférences fédérales-provinciales. Demain, nous aurons une autre conférence fédérale-provinciale à Ottawa portant, entre autres choses, sur cette question. C'est l'aspect majeur qui sera discuté. Nous entendons formuler une contre-proposition demain, à l'occasion de cette conférence.

M. PAUL: Est-ce que le ministre a dit demain?

M. CASTONGAUY: Demain. M. PAUL: Demain!

M. CASTONGUAY: Exactement. Nous allons, comme gouvernement, formuler une contre-proposition très précise, très concrète au gouvernement du Canada, suite aux propositions qu'il nous avait faites antérieurement.

M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question au ministre? Sans dévoiler le secret de la première proposition et de la contre-proposition, est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de détails sur les grandes lignes ou l'esprit? Par exemple, quand vous dites: Normes nationales, est-ce que cela voudrait dire qu'à l'intérieur de ces normes nationales le Québec serait un peu libre de disposer comme il l'entend de certaines sommes qui lui seront octroyées, par exemple?

M. CASTONGUAY: Certainement, M. le Président. Ce que nous avions proposé en décembre dernier, c'est qu'au lieu du régime actuel de l'assurance-hospitalisation et du régime actuel de l'assurance-maladie le gouvernement du Canada participe au financement des services de santé par la voie d'une formule qui, au départ, serait reliée à sa contribution actuelle en vertu de ces deux programmes et d'autres programmes particuliers, sur une base de paiement per capita et que ces paiements, dans l'avenir, soient augmentés à partir d'un indice à déterminer. Lorsque je dis que le gouvernement du Canada pourrait ainsi s'assurer de certaines normes, c'est qu'il le ferait de façon générale par la redistribution à travers les provinces de sommes qui viennent compenser le pouvoir de taxation inégal des provinces si les provinces devaient, seules, assurer le financement de leurs services de santé.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre me permet-il une autre question?

M. CASTONGUAY: Je n'ai pas fini. M. CLOUTIER (Montmagny): Pardon? M. CASTONGUAY: Je n'ai pas fini.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, non! mais c'est sur la proposition. Le ministre répondra s'il le peut, évidemment, parce que la proposition sera faite demain. Est-ce que ce taux de croissance annuel serait discuté au niveau des conférences ou s'il serait imposé unilatéralement?

M. CASTONGUAY: A la suite — je vais revenir sur ce point — de cette proposition du gouvernement du Québec, proposition qui a été appuyée par les gouvernements d'autres provinces, le gouvernement du Canada s'est engagé à étudier une telle formule et, par la suite, a formulé une proposition concrète.

Sa proposition, en résumé, consiste à verser, d'une part, au gouvernement des provinces un montant per capita ayant une relation avec son niveau de dépenses actuelles dans chacune des provinces et que, par la suite, — c'était un facteur relié à la proposition du gouvernement du Canada — ces paiements per capita soient augmentés d'année en année dans la même proportion que l'augmentation du produit national brut au Canada et qu'en contrepartie il y ait un facteur d'égalisation de la contribution du gouvernement du Canada au cours d'une période de cinq ans, de telle sorte qu'au cours de cette période de cinq ans les provinces reçoivent exactement le même paiement per capita.

Il y avait aussi certaines garanties à l'effet que, dans la première année d'application de cette entente, la contribution financière du gouvernement du Canada ne pourrait être inférieure à ce qu'elle aurait été en vertu des ententes actuelles. En parallèle, le gouvernement du Canada a proposé l'établissement d'un fonds en vertu duquel, au cours d'une période de cinq ans, chaque province recevrait $30 per capita, avec un minimum de conditions attachées à l'utilisation de ces paiements. Le but de cette contribution particulière serait de donner aux gouvernements des provinces plus de latitude pour modifier le système des services de santé actuel.

Nous avons, au cours des pourparlers que nous avons eus par la suite, dit au gouvernement du Canada que cet indice relié directement à l'augmentation du produit national brut ne nous paraissait pas réaliste. Premièrement, parce qu'il y a des facteurs intrinsèques à l'augmentation des coûts dans le domaine de la santé, qui n'ont aucune relation avec l'augmentaiton du produit national brut; par exemple, le vieillissement de la population, l'augmentation des connaissances au plan technique, qui ne signifie pas nécessairement des éconmies, mais au contraire, bien souvent, des dépenses plus élevées: équipement plus raffiné, plus dispendieux, plus de personnel, etc. Nous avons donc remis en cause le facteur "d'escalation".

En second lieu, j'ai fait état du facteur d'égalisation sur une période de cinq ans. Il nous paraît qu'une province comme le Québec maintient des services très spécialisés qui sont mis à la disposition d'autres provinces et dont nous supportons une large part du coût. Je pense, par exemple, à l'Institut de cardiologie, à Montréal. Je ne crois pas qu'un jour l'Ile-du-Prince-Edouard — sans vouloir nier ses capacités sur bien des plans — ait un institut de cardiologie ou un institut de microbiologie, comme nous en avons au Québec. Je ne crois pas qu'il serait possible, dans certaines de provinces Maritimes, par exemple, toutes proportions gardées per capita, de supporter quatre facultés de médecine, comme nous le faisons.

Il nous semble que nous assumons — et d'ailleurs c'est reconnu dans la proposition — un niveau de dépenses particulier au Québec qui provient du fait que nous répondons à des

besoins qui débordent les cadres du Québec. Et ce facteur d'égalisation, qui ferait en sorte qu'au bout d'une période de cinq ans toutes les provinces recevraient exactement le même montant per capita du gouvernement du Canada, ne nous paraît pas réaliste.

Egalement, dans cette proposition du gouvernement du Canada, les risques sont tous du côté des provinces et, s'il y a des gains, le gouvernement du Canada empoche une bonne partie de ces gains. Cela nous parait une proposition habile à faire de sa part, mais une proposition inacceptable quant à nous.

Et nous avons voulu dans notre contre-proposition nous assurer que les risques sont à la fois partagés par les deux, et s'il y a des gains, qu'ils soient aussi partagés par les deux. Ceci surtout en nous rappelant que la Loi de l'assurance-hospitalisation que nous avons au Québec, la Loi de l'assurance-maladie que nous avons au Québec, dans leurs caractéristiques, dans leur implantation, dans les effets qu'elles ont eues — parce qu'il y a eu des effets bénéfiques, mais il y en a eu des moins bénéfiques — ont été adoptées dans une large mesure sous l'impulsion de la législation fédérale qui mettait des sommes à la disposition des provinces en autant que ces lois étaient adoptées par la législature québécoise.

Maintenant que le gouvernement du Canada trouve sa contribution lourde à supporter, et s'il veut modifier le système ou s'associer à un effort de modification du système, il doit également supporter des risques.

Egalement dans nos contre-propositions nous insistons fortement pour que le désir du gouvernement du Canada d'établir certaines normes ne soit pas une façon de réintroduire de nouveaux programmes, programmes qui ont bien de l'attrait au départ, mais dont on transfère le fardeau aux provinces dès qu'ils perdent un peu de leur attrait et qu'ils sont raisonnablement implantés, et aussi qu'on ne se serve pas de l'établissement de ces normes pour réintroduire sous une autre forme un cadre rigide de fonctionnement et de développement des politiques.

C'est dans cet esprit, demain, que je ferai part de notre contreproposition très spécifique au gouvernement du Canada.

Les autres aspects au plan administratif et financier — je pourrais terminer sur cela avant la suspension des travaux, très brièvement — c'est la mise en place, au ministère des Affaires sociales, d'un personnel administratif régional, avec des responsabilités précises. Ceci en parallèle avec la création des conseils régionaux de la santé et des services sociaux proposés par le projet de loi no 65. Déjà, nous avons précisé ce que devraient être les mandats, les rôles, les responsabilités de ces responsables au plan régional. Nous entendons maintenant passer à l'étape du développement de cette présence administrative du ministère dans chacune des régions. Cela sera fait en vue d'une étape ultérieure au cours de laquelle nous pourrons atteindre une véritable décentralisation, telle que proposée par la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, objectif que nous retenons, mais qu'il ne nous parait pas possible de viser, de façon directe et immédiate, présentement.

Egalement, au cours des prochaines semaines ou dans des délais relativement brefs, nous ferons l'élaboration et l'énonciation d'une politique de transport des malades et aussi d'une politique de transport de personnes qui pourraient nécessiter certains services sociaux spécialisés, pour permettre un meilleur accès, au plan géographique, aux services. La régionalisation des services ne peut prendre son sens dans ce secteur, de façon complète, que pour autant qu'elle est accompagnée d'une politique de transport. Enfin, et ceci me paraît important, il y aura la mise en place, au ministère des Affaires sociales, d'une direction générale de l'accréditation des établissements, de telle sorte que les établissements qui fonctionnent ou qui fonctionneront au Québec le fassent vraiment dans l'intérêt du public et que, dans ces établissements, nous puissions être assurés que la protection du public est garantie dans toute la mesure où il est possible de le faire.

Si je mentionne ceci, alors que je ne mentionne pas les autres structures internes du ministère, c'est que nous proposons le maintien de certains types d'établissements dans le projet de loi no 65.

Ces types d'établissements ont fait l'objet de critiques lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire.

Je pourrais mentionner d'autres étapes comme l'établissement des services de santé, des services socio-scolaires, mais je crois que j'entrerais dans le détail. Il me semble que vous avez là les aspects les plus importants au plan administratif et financier qui accompagnent cette réorganisation proposée par le projet de loi 65.

M. le Président, je terminerai cet après-midi mon exposé en deuxième lecture. Je proposerais, pour le moment, que la Chambre suspende ses travaux.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Les débats et la Chambre sont suspendus jusqu'à deux heures trente.

M. LEVESQUE: Deux heures trente. (Suspension de la séance à 12 h 32)

Reprise de la séance à 14 h 35

M. LE PRESIDENT (Blank): A l'ordre, messieurs !

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais simplement rappeler que ce matin, dans la première partie de mon exposé, j'ai fait une description ou l'analyse de la situation en matière de services de santé et de services sociaux et un bref exposé des politiques et objectifs du gouvernement dans ce secteur. Par la suite, dans une deuxième partie, j'ai voulu situer le projet de loi no 65 dans le cheminement des étapes législatives, administratives et financières de la réforme en cours dans ce secteur. Il me reste donc, pour conclure, à faire un exposé qui sera, dans une large mesure, descriptif de la nature du projet de loi no 65 et de ses objectifs spécifiques.

Mais, avant de faire cet exposé, je voudrais rappeler que, lorsque le projet de loi a été déposé, j'ai clairement mentionné à la commission parlementaire des Affaires sociales quels étaient les objectifs poursuivis par le gouvernement par ce projet de loi. Quant aux modalités du projet, étant donné sa nature, j'ai dit que nous étions tout à fait disposés à discuter ces modalités et à apporter tout changement qui pourrait mieux adapter ce projet de loi à apporter une réponse aux problèmes de ce secteur. Compte tenu de l'intérêt suscité par ce projet, de l'analyse très détaillée, approfondie qui en a été faite par la commission à l'aide de tous les organismes qui ont présenté des mémoires, des discussions avec les membres des partis d'Opposition, nous avons apporté un très grand nombre de changements aux modalités de ce projet de loi. Je ne voudrais pas, aujourd'hui, reprendre ces changements et faire la comparaison de la version modifiée par rapport à la version originale.

Ce n'est pas, je crois, le but du débat à ce stade-ci, mais je voulais souligner qu'il s'agit d'un projet de loi qui a été déjà étudié longuement, aussi bien par des membres de cette Assemblée que par le public, et qui a déjà fait l'objet de nombreuses modifications. J'insiste sur ce point parce qu'il pourrait sembler, si on ne regarde que cette étape-ci de l'étude, vu que le projet est présenté pour étude dans les derniers jours de la session, qu'on oublie qu'il s'agît d'un projet assez important qui nécessite évidemment une analyse assez détaillée.

Quant aux objectifs spécifiques du projet de loi, par ce projet, nous voulons établir en tout premier lieu un cadre d'organisation des services de santé et des services sociaux qui permettra de faire en sorte que ces services soient les mieux adaptés possible aux besoins de la population, compte tenu également des ressources financières, humaines, des problèmes de répartition de population sur le territoire, et que ces services soient aussi accessibles que possible, et également, selon la nature des services, lorsqu'il y a nécessité d'une certaine suite, d'une continuité, que ces services aussi soient continus dans toute la mesure où il est possible de le faire.

Ces objectifs s'inscrivent clairement et nettement dans le cadre d'une responsabilité plus large de l'Etat qui est celle d'assurer une allocation des ressources entre les divers types de besoins, entre les diverses régions, et encore là, que ce soient des ressources humaines et financières, et aussi d'exercer un certain contrôle, contrôle aussi efficace que possible mais aussi souple que possible, sur l'utilisation de ces ressources.

Si je mentionne ce rappel, même si ce type de responsabilités de l'Etat s'applique à bien des secteurs, c'est qu'il prend une dimension quelque peu particulière dans le domaine des services de santé et des services sociaux en regard de l'évolution historique de ces services où l'on est partie à une autre époque d'initiatives au niveau local, initiatives par des groupes plus intéressés à la solution des problèmes de la population. Graduellement, par évolution et autrement, le gouvernement s'est intéressé et, enfin, le gouvernement a assumé une responsabilité très claire et, aujourd'hui, apporte, en plus d'assumer une responsabilité dans ces secteurs, la finance en très grande partie et le fonctionnement de tous ces services.

Pour atteindre ces fins d'accessibilité, de continuité, de bonne adaptation des services, le projet de loi no 65 nous donnera donc le cadre permettant d'adapter, de modifier les services existants non pas seulement à très courte période mais dans une perspective d'ensemble à la fois. C'est la raison du rappel des objectifs poursuivis par le ministère. C'était la raison aussi du rappel des étapes que nous franchissons à divers plans et ceci, dans une perspective aussi évolutive.

Si je mentionne ceci, c'est que d'autres étapes portant sur l'organisation des services de santé et des services sociaux suivront assurément ce projet de loi dans un avenir à déterminer. Je pense de façon plus particulière à l'organisation régionale.

Avant de passer maintenant à la revue spécifique du contenu du projet de loi, il me reste donc à donner très brièvement les caractéristiques majeures ou les aspects qui nous apparaissent les plus importants du projet de loi.

Le premier consiste en un essai d'une répartition beaucoup plus claire des responsabilités, responsabilités au plan de la planification, de la programmation, du financement, de l'organisation des services de santé, des services sociaux, et ceci à chaque niveau, soit au niveau du ministère, soit au niveau régional, soit enfin au niveau des institutions afin que chaque niveau d'organismes, chaque type d'organismes puisse, le plus efficacement possible, s'acquitter de ses propres responsabilités.

Dans ce partage des responsabilités, j'insiste de façon particulière sur le fait que le projet de

loi no 65 met l'accent sur une décentralisation au niveau des institutions dans toute la mesure où il est possible de le faire, avec, également, au plan administratif, au plan financier, la plus grande autonomie dans un nouveau cadre de relations financières et aussi de nouvelles approches quant au contrôle de l'utilisation des ressources.

Le deuxième aspect, c'est la nécessité de bien établir, à notre avis, compte tenu de la nature des services et aussi du fait que les personnes, les citoyens, les communautés sont intéressés, à divers titres, au bon fonctionnement des institutions, la composition, en premier lieu, des conseils d'administration de ces institutions et de faire en sorte qu'à la fois ceux qui ont contribué dans le passé à la création des corporations qui ont la responsabilité du fonctionnement des services en dernier ressort, continuent d'être représentés dans ces conseils d'administration, dans une certaine mesure.

Il faut aussi que les consommateurs de services ou encore les citoyens puissent avoir voix au chapitre directement, sans être nécessairement membres de ces corporations, de telle sorte que ceux qui reçoivent les services puissent également avoir voix au chapitre dans l'administration et l'organisation des services, également au niveau des conseils d'administration de ceux qui, à divers titres, à l'intérieur des institutions, participent au fonctionnement de ces institutions et à la distribution immédiate des services. Enfin, compte tenu du fait qu'il existe des liens entre les institutions, pour qu'elles deviennent complémentaires au plan des services ou encore assurer une continuité dans les services, des liens également entre les institutions à divers niveaux, soit entre les niveaux local et régional, des liens entre les institutions d'enseignement et les établissements, dans le domaine de la santé et des services sociaux, que ces éléments ressortent dans la composition des conseils d'administration.

Egalement, pour certains types bien particuliers d'établissements — je pense en particulier au domaine de l'enfance — à des institutions dont le rôle est d'héberger, de donner des services à des adultes, que les parents des enfants, dans le premier cas, et que ces adultes, dans le deuxième cas, qui doivent y séjourner pour de longues périodes puissent également avoir voix au chapitre au niveau des conseils d'administration.

Enfin, condition importante pour le maintien du dynamisme, la sensibilité au problème, le renouvellement, de façon ordonnée, de ces conseils. Dans toute la mesure où il a été possible de le faire, nous avons introduit, dans ce projet de loi, malgré les difficultés qui existent dans le secteur, le mode électif. Je crois que je n'ai pas à insister tellement sur ces difficultés. Nous en avons déjà discuté au niveau de la commission parlementaire. Au besoin, lors de la discussion plus détaillée du projet de loi, nous pourrons y revenir.

Le troisième élément majeur de ce projet de loi, je crois, c'est la création de conseils régionaux de la santé et des services sociaux. Nous avons voulu, d'une part, ces conseils aussi représentatifs que possible, représentatifs également dans toute la mesure du possible à partir de processus électifs. Lorsqu'on examine leur composition, à partir de la base des institutions, des établissements, que ce soient les centres locaux, les institutions locales, les institutions plus spécialisées — donc création de ces conseils régionaux — on voit que leurs fonctions seront, justement, de promouvoir la participation de la population au bon fonctionnement, au développement des services de santé et des services sociaux.

Ils joueront aussi un rôle bien précis au niveau du bon fonctionnement des mécanismes d'élection des représentants aux conseils d'administration des divers établissements. Egalement, ils recevront les plaintes que pourraient formuler les utilisateurs des services de santé et des services sociaux, plaintes portant sur des aspects non strictement professionnels des services rendus, étant donné que cette fonction appartient, au premier titre, aux corporations professionnelles.

Je reviens très brièvement sur le fait que la mise en place de ces conseils régionaux — qui ont un rôle consultatif, un rôle de promotion, un rôle de participation, mais qui n'ont pas de pouvoirs de décision ou de pouvoirs administratifs au sens strict — sera accompagnée d'un effort du ministère portant sur la mise en place du personnel administratif au plan régional, de telle sorte qu'il sera possible de continuer de poursuivre l'objectif que j'ai mentionné précédemment, qui est celui de la décentralisation au plan régional.

Le quatrième élément, c'est la répartition des établissements en des catégories aussi larges que possible, mais, en même temps, qui permettent de regrouper les établissements de telle sorte qu'il soit possible d'identifier, aussi clairement que nécessaire, leurs fonctions ou leur vocation particulière et qu'il soit possible, à partir de cette catégorisation, de développer des mécanismes appropriés pour favoriser la coordination entre les établissements, entre le personnel, entre les types de services. Cela facilitera la recherche de la continuité dans les services, partout où il est possible ou utile de le faire, et facilitera aussi, nous l'espérons, la collaboration entre les établissements, qui devrait exister d'une façon plus grande que ce n'est le cas bien souvent.

Aussi, par suite de cette recherche à divers plans, on recherchera une plus grande efficacité dans la distribution des services. Sur ce plan également, à l'intérieur des établissements, des dispositions devront bien clarifier et distinguer ce qui est de la nature des structures internes au plan administratif, au plan du fonctionnement quotidien des établissements, et ce qui touche au contrôle des activités, des actes médicaux ou des actes posés par les professionnels, tels les

médecins et les dentistes, qui sont d'une nature autre que ceux que comporte l'administration quotidienne ou la bonne gestion d'un établissement.

Elles devront distinguer entre cette fonction de gestion et une fonction très légitime à laquelle veulent être associés les professionnels au sein des établissements, c'est-à-dire de conseiller le conseil d'administration, la direction sur l'organisation scientifique et technique des établissements. Ceci est assuré à notre avis d'une façon adéquate dans le projet de loi, tout en respectant le principe qui nous apparaît le plus fondamental, celui de l'unité de direction au plan administratif.

Nous avons également dans ce projet de loi un autre élément qui ressort de façon particulière et qui touche maintenant plus précisément la nature des services rendus, c'est la création des centres locaux des services communautaires, de telle sorte qu'au niveau des problèmes de l'homme, de l'utilisateur de ces services, de la famille, des groupes même, nous ayons la possibilité d'avoir des services très près de la population, des services qui sont développés, orientés à partir d'une approche plus globale de la solution des problèmes de l'homme, des services qui sont fondés sur des équipes aussi polyvalentes et multidisciplinaires que possible, de telle sorte que cette réalité — qui est très bien perçue maintenant — de la complémentarité ou de la justaposition des problèmes auxquels sont aux prises les personnes et les familles soit reconnue dans l'organisation des services.

Ces centres locaux de services communautaires auront aussi une fonction extrêmement importante, celle de relier, de rapprocher aussi bien les programmes de prévention que les services ou les programmes à caractère curatif ou de réadaptation et même de faire le pont — à tout le moins au niveau des services courants — entre les aspects physiques et les aspects psychologiques ou psychiques de la santé, dans son sens le plus étroit, et aussi de l'équilibre, au plan social des individus et des familles. Ce rapprochement ou cette intégration est aussi une dimension extrêmement importante de ce concept des centres locaux de services communautaires qui, compte tenu de la responsabilité très particulière du ministère ou du ministre des Affaires sociales dans ce secteur, auront enfin pour fonction d'assurer à la population les services dont elle a besoin, particulièrement dans le secteur de la santé et même dans certains types de services sociaux ou parfois il existe un caractère d'urgence.

De toute façon, ces services, revêtant un caractère essentiel dans un très grand nombre d'établissements, il n'est pas possible d'envisager leur interruption. Il nous faut également un pouvoir d'intervention aussi souple que possible lorsque, pour diverses raisons, la bonne distribution, la bonne organisation des services n'est pas respectée.

Ce pouvoir d'intervention de la part du ministre est circonscrit dans le projet de loi par des dispositions particulières destinées à éviter que ceci devienne un pouvoir arbitraire qui pourrait être considéré, par les responsables des établissements, comme un genre de menace constante qui pèse sur leurs têtes et qui pourrait être susceptible de les démotiver. Ceci constitue les aspects ou certains, à tout le moins, des éléments les plus importans de ce projet de loi. Quant aux dispositions spécifiques, elles peuvent être regroupées en divers types. Nous aurons l'occasion d'en discuter plus spécialement au niveau de l'étude article par article du projet de loi.

Il m'apparaît important de rappeler, très brièvement, le contenu de chacune de ces grandes sections. Le projet de loi contient, en premier lieu, les objectifs poursuivis, donne un aperçu des droits des utilisateurs des services ou des citoyens face aux services de santé, aux services sociaux. Le projet précise sa portée face aux types d'institutions, de groupements qui sont visés par ce projet de loi, de telle sorte que les groupements qui ne le sont pas n'aient pas à craindre certains contrôles qui, pour eux, pourraient être exagérés mais qui, s'ils sont destinés spécifiquement à des services de santé, des services sociaux, nous apparaissent appropriés.

Le projet, comme je l'ai mentionné, propose la création des conseils régionaux. Le projet, également, veut préciser le caractère des établissements, soit le caractère public ou privé. Compte tenu du fait que nous sommes dans un secteur en pleine évolution, que nous sommes dans un secteur où, je l'ai rappelé tantôt, les services existants ont été développés dans un contexte d'évolution.

Il faut donc l'introduction d'une certaine souplesse en reconnaissant pour des centres d'accueil un statut intermédiaire entre privé et public. Enfin, le projet de loi reconnaît que des établissements dans ce secteur puissent avoir un statut purement privé et même que ce soient des établissements à but lucratif mais, en contre-partie, comme je l'ai mentionné ce matin, nécessité, d'autre part, d'assurer la protection du public. Ceci se fait aussi bien par les dispositions du projet de loi qui touchent aux permis, aux sanctions et aussi au plan administratif par les structures du ministère. Au plan financier, le projet de loi propose également des modes de financement ou de relations financières adaptés à chacun de ces types d'établissements.

Le seul point que je voudrais mentionner ici c'est que, dans le cas des établissements publics, le projet de loi reconnaît, je crois, clairement que nous devons financer, à toutes fins utiles, pratiquement 100 p.c. des coûts d'opération de ces établissements.

Dans le cas des établissements privés conventionnés — ceux qui se situent dans cette catégorie intermédiaire à laquelle j'ai fait allusion — qu'il soit possible, au plan financier, d'avoir

plus de souplesse, que le gouvernement puisse intervenir au plan du financement, soit de façon partielle ou totale, et enfin, lorsqu'il s'agit d'établissements purement privés, que ceci doive se faire par la voie de formules qui s'apparentent à l'achat de services.

Mais, dans ce dernier cas, de telle sorte qu'il s'agit de fonds publics destinés à l'achat de services à caractère essentiel, la contrepartie, c'est-à-dire la nécessité de connaître la situation financière de ces établissements.

Au sein des institutions, le projet de loi propose le maintien d'un conseil des médecins et dentistes destiné à remplacer les bureaux médicaux actuels, la formation d'un conseil consultatif des professionnels dans tous les établissements où la formation d'un tel conseil peut être envisagée, compte tenu du nombre et du caractère des professionnels, précise le statut du directeur général, du directeur des services professionnels, étant donné les responsabilités particulières qui leur sont attribuées.

Le projet de loi également contient des dispositions touchant à la fusion et à la conversion des établissements. Sur ce point nous sommes dans une période de transition, une période d'évolution où il apparaît de plus en plus important que des établissements changent de vocation, se regroupent. Ces dispositions, donc, revêtent une importance particulière. Elles sont aussi liées dans leur nature au fait que, pour tous les établissements qui existent au moment de la présentation de ce projet de loi, les corporations existantes continueront d'exister. Alors, il faut tenir compte de cette dimension dans les dispositions relatives à la fusion pour répondre aux aspects qui ont été mentionnés par certains organismes et qui portaient sur les dangers que le gouvernement, par cette voie, puisse s'approprier des biens qui sont la propriété d'organismes privés ou autres.

Le projet de loi contient également des dispositions permettant clairement à des citoyens de continuer d'aider au bon fonctionnement et au développement des services de santé et des services sociaux, soit par leurs efforts personnels, soit par des contributions financières, compte tenu du fait que ces contributions apportent au secteur une dimension que, bien souvent, il ne serait pas possible d'introduire par des mécanismes législatifs ou financiers qui sont à la portée du gouvernement. Ici, je pense, de façon particulière, à toutes les personnes qui s'intéressent bénévolement au bon fonctionnement des établissements.

Le projet de loi contient également, comme je l'ai mentionné, des dispositions relatives à l'administration provisoire, sur intervention du ministre, des établissements. Il contient aussi les dispositions qui s'imposent au plan des enquêtes et la réglementation qui doit en découler. Enfin, le projet de loi contient des dispositions relatives aux chartes de toutes les corporations existantes et des corporations à venir.

M. le Président, même si cet exposé a été quelque peu long dans les grandes lignes, voilà les objectifs que nous poursuivons par le projet de loi no 65. La seule chose que je puisse dire en terminant, c'est que ce projet de loi s'inscrit également dans le cadre de travaux qui ont débuté vraiment au Québec par la création de la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social. Ce projet de loi, en fait, provient d'une réflexion beaucoup plus large que celle à laquelle nous avons assisté au cours des derniers mois. Il provient, de fait, en large mesure, du travail effectué par cette commission et du travail de tous ceux qui s'y sont associés par la présentation de mémoires ou par les travaux de recherche qu'ils ont effectués.

C'est une autre étape dans un long processus, mais une étape extrêmement importante. J'espère que, malgré certaines déficiences que peut encore comporter ce projet de loi, il sera à la fois bien reçu par les membres des partis d'Opposition, par la population en général et aussi par tous ceux qui, à divers titres, sont intéressés au bon fonctionnement des organismes de santé et de services sociaux. J'espère qu'on y verra beaucoup plus, peut-être, qu'un dérangement d'habitudes acquises, mais plutôt un effort — je pense que le terme n'est pas exagéré — collectif de progrès dans un secteur extrêmement important pour toute la population. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais faire, dans le cadre du débat en deuxième lecture sur le projet de loi no 65, une intervention qui sera peut-être un peu plus brève que je ne l'aurais voulu, parce que vous comprendrez que nous discutons de cette loi, de son contenu, depuis maintenant cinq ou six mois, depuis que le ministre des Affaires sociales l'a déposée devant cette Chambre, en juillet dernier, avant l'ajournement d'été.

De plus, au cours de dix séances de la commission parlementaire — je crois que c'est là un précédent pour le nombre de séances — nous avons rencontré au-delà d'une soixantaine d'organismes, peut-être plus, qui sont venus nous faire des représentations. Ce nombre d'organismes que je viens de mentionner ne couvre pas ceux qui nous ont fait parvenir des mémoires et des communications sans se présenter devant la commission parlementaire.

Il y a donc là, je crois, un précédent dans cette Chambre, en ce qui concerne sa législation et ses travaux, pour le nombre de personnes, d'organismes et d'heures consacrées à l'étude d'une législation.

Est-ce que, M. le Président, cette loi valait bien la peine qu'on y mette autant de temps et de réflexion? Je crois que oui, non seulement

par l'importance du projet de loi, en lui-même, par le nombre d'articles que nous pouvons y déceler, par les sujets qui y sont traités mais également parce qu'il n'y a pas un citoyen, pas une famille dans le Québec qui n'est pas, à un moment ou l'autre, directement touché par ce projet de loi et qui n'en subira pas les conséquences. D'autre part, ceux qui auront à travailler avec cet outil qu'est le bill 65 représentent un secteur important de l'activité gouvernementale et paragouvernementale. Nous n'avons qu'à songer aux implications financières qui découlent d'un projet de loi comme celui-là et qui vont peut-être représenter le tiers du budget du Québec si nous incluons, évidemment, des services qui sont donnés par des professionnels dans le cadre d'autres législations comme celles de l'assurance-maladie et de l'assurance-hospitalisation.

Il s'agit donc là, M. le Président, d'une loi qui rejoint les individus, tous les Québécois, tous les citoyens dans leur vie quotidienne et dans leurs relations avec l'Etat par les services qu'ils vont utiliser dans le domaine de la santé ou dans le domaine social.

Je commencerai par où le ministre a terminé, il y a un instant. Il a dit que cette législation n'était pas soudaine et qu'il y a eu des travaux préalables. Je ne crois pas non plus, sauf peut-être en éducation, qu'il y ait eu autant de travaux préparatoires à une loi. Le ministre a fait allusion — il est bien placé pour en parler — aux travaux de la commission Castonguay-Nepveu, qui, depuis 1966, s'est penchée sur le domaine de la santé et du bien-être social.

Pour l'avantage des membres de cette Chambre, pour qu'ils puissent constater que ce projet de loi no 65, comme d'autres lois, comme celle de l'assurance-maladie et d'autres qui viendront, s'inscrit bien dans le cadre du mandat spécifique qui avait été confié à la commission d'enquête Castonguay-Nepveu. Je voudrais vous le dire pour que ce soit inscrit au journal des Débats, dans le cadre de ce débat.

Alors, on disait: "Que soit instituée, sous l'autorité de la Loi des commissions d'enquête, une commission chargée de faire enquête sur tout le domaine de la santé et du bien-être social et, sans restreindre son mandat, en particulier sur les questions relatives, premièrement, à la propriété, à la gestion ainsi qu'à l'organisation médicale des institutions hospitalières et des institutions dites de bien-être social; deuxièmement, à l'assurance-hospitalisation telle qu'actuellement appliquée; troisièmement, à l'établissement de l'assurance-maladie, nous savons que la législation a été votée et que maintenant elle a force de loi; quatrièmement, à l'acte médical ainsi qu'à l'évolution de l'activité médicale et paramédicale; cinquièmement, aux mesures d'aide sociale et à leur développement; sixièmement, à la structure et au rôle des divers organismes ou associations s'occupant de la santé et du bien-être social; septièmement, aux mesures d'hygiè- ne et de prévention; huitièmement, aux effectifs médicaux et paramédicaux ainsi qu'à l'équipement; neuvièmement, à l'enseignement et à la recherche." Alors, ce sont tous des sujets dont nous avons eu, amplement l'occasion de discuter au cours des travaux de la commission parlementaire et que chacun des organismes qui est venu devant la commission, dans le cadre de ce projet de loi, a touché selon son optique particulière.

On disait aussi: "Que cette commission soit aussi chargée de faire enquête sur toute autre question que pourra lui soumettre le lieutenant-gouverneur en conseil".

M. le Président, vous me permettrez de lire également, pour me rappeler des souvenirs et en rappeler au ministre actuel, le dernier paragraphe de l'arrêté ministériel: "Que M. Claude Castonguay agisse comme président et que M. Gérard Nepveu agisse comme secrétaire de cette commission". C'était le 9 novembre 1966, donc alors que j'occupais les fonctions de ministre de la Santé et du Bien-Etre social. J'avais fait moi-même cette proposition, que je ne regrette d'ailleurs pas, M. le Président, puisque cela a permis au ministre actuel de faire connaissance avec tout ce vaste champ de la sécurité sociale.

Donc, M. le Président, cette loi n'arrive pas soudainement. Elle fait partie d'une trame, d'un échéancier qui déjà, à ce moment-là, avait été échafaudé par les responsables gouvernementaux. Il y a eu d'autres lois qui se sont aussi inscrites dans cet échéancier. J'en ai nommé une tout à l'heure, il y a eu l'assurance-maladie. Il y a eu la loi no 26 qui, également, faisait suite au rapport d'une commission d'enquête, la commission Boucher, et qui, dans ce secteur du bien-être social, venait apporter une coordination, une intégration de différentes lois disparates qui avaient été présentées à certaines époques de la vie de cette Assemblée nationale, selon les besoins particuliers de l'époque sans que, évidemment, étant donné le décalage de dates et d'années, on puisse à ce moment-là, dans chacune des lois y introduire suffisamment de coordination.

L'assurance-maladie et la loi no 26 ont donc été des lois qui s'inscrivaient dans tout ce processus de rationalisation du secteur de la sécurité sociale. Je pourrais évidemment mentionner qu'avant cela, il y avait eu l'assurance-hospitalisation, en 1961 — le ministre en a parlé ce matin quand il a traité brièvement de la conférence des ministres de la Santé, qui se tiendra demain — loi que l'on ne peut pas dissocier de l'assurance-maladie et des nouvelles représentations que le Québec veut faire pour introduire justement cet élément de mobilité qu'on doit maintenant avoir dans le domaine de la sécurité sociale, et la difficulté — je le dis, M. le Président, sans faire une charge contre le gouvernement central — qu'on a à le faire comprendre et accepter par les autorités centrales.

Le ministre a également déclaré que d'autres

lois viendraient s'y ajouter. C'est parfaitement logique et parfaitement normal. Le projet de loi no 65, en somme, est une loi-cadre qui regroupe, qui remplace des lois qui existent déjà et qui seront abrogées par cette loi, entre autres la Loi des hôpitaux, qui a été adoptée en 1962, la Loi des hôpitaux privés, la Loi de l'assistance publique, d'autres lois qui seront modifiées, comme la Loi de l'hygiène, la Loi de l'OPTAT, la Loi des maladies vénériennes, enfin une série de lois, dans le domaine de la santé, qui seront modifiées par cette loi no 65 qui, en somme, est une loi-cadre comme l'était, dans le domaine du bien-être social, la loi no 26.

Il ne faut donc pas voir, M. le Président, dans cette loi, comme ont été tentés de le faire les organismes qui sont venus devant la commission parlementaire, une loi qui touche à des secteurs de la sécurité sociale, alors qu'en fait, cette loi n'y touche pas.

Le ministre — je suis d'accord avec lui là-dessus — a introduit dans sa nouvelle version, davantage de précisions quant à l'application de la loi.

Ce n'était pas l'intention du législateur de tout régler par cette loi. On le verra tantôt; je ferai quelques remarques à ce sujet. On y affirme des droits qui, forcément, sont encore limités, parce qu'il n'y a pas de droits à l'état pur. Des droits qui sont sans contrainte, on ne retrouve pas ça souvent dans nos législations. Il y a des droits qui sont forcément limités, il y a des objectifs qui sont des souhaits, qui sont des orientations, qui sont des points à atteindre. Il reste qu'avec nos moyens limités, avec les contraintes financières, les contraintes en équipement, les contraintes en ressources humaines, c'est plus difficile en pratique d'atteindre des objectifs que de les inscrire dans un projet de loi.

Il ne faudrait pas voir dans ce bill no 65 un outil miraculeux qui va régler tous les problèmes de dispensation des soins ou qui va ajouter immédiatement et de façon véritablement surprenante à la qualité des soins qui seront distribués.

Il faut y voir — nous sommes d'accord là-dessus — un essai assez difficile, mais loyal d'introduire dans tout le système de la sécurité sociale, qui est extrêmement complexe, dans tout le système de la distribution des soins, une coordination et une intégration absolument nécessaires. Les travaux de la commission d'enquête l'ont indiqué de façon très claire.

Il est clair que le ministre — si on constate les différences qu'il y a entre sa deuxième et sa première version — s'est rendu compte, à l'audition des organismes devant la commission parlementaire et aussi devant les réflexions qu'ont apportées les membres de la commission parlementaire, que si, idéalement, on veut et on désire atteindre certains objectifs, si on veut idéalement régionaliser, décentraliser, inviter la population à participer, en pratique, surtout au départ, ça comportait plus de difficultés qu'on ne le croyait.

On ne peut pas instaurer une législation aussi complexe sans compter sur la collaboration et sur la bonne volonté des partenaires qui, eux, dans le champ quotidien, vont utiliser ce mécanisme et vont lui faire donner son rendement, en plus ou en moins. Ce sont eux qui vont faire ressortir la qualité de cet outil qu'est le projet de loi no 65.

Entre la première et la deuxième version, il y a eu les séances de la commission parlementaire. Les organismes ont fait ressortir devant la commission beaucoup de craintes. On s'est inquiété d'une apparence de non-continuité entre les travaux de la commission Cas-tonguay-Nepveu et ce qui est inscrit dans le projet de loi.

Je reviens à une observation que je viens de faire, il y a un instant, c'est que, même si idéalement la plupart de ceux qui sont venus devant la commission sont d'accord pour que l'on traduise dans des textes législatifs les orientations qu'a indiquées la commission, il reste qu'en pratique — je pense aussi qu'on sera d'accord; là-dessus, notre groupement est parfaitement d'accord — nous aimerions que l'on y introduise des étapes.

Nous ne différons pas d'opinion avec le ministre qui, dans sa première version du projet de loi a voulu introduire dans son projet de loi une décentralisation. Les organismes qui sont venus devant la commission n'ont pas, eux non plus, refusé la décentralisation des pouvoirs et la régionalisation. Ils ne les ont pas refusées.

On a fait le commentaire suivant, de façon générale: Si le ministre des Affaires sociales, si le gouvernement veut décentraliser dans le sens des observations ou des recommandations de la commission Castonguay-Nepveu, il faudra qu'en fait il décentralise et régionalise, et non pas qu'il ajoute une structure qui ne fera qu'alourdir tout le processus de communications entre le ministère et les établissements et apporter des complications dans un système qui est déjà compliqué par lui-même.

On ne refusait donc pas cette idée de décentralisation et de régionalisation, mais on trouvait que le mécanisme, la modalité introduite dans la législation ne correspondait pas à ce que l'on devait attendre d'un mécanisme un peu plus perfectionné et un peu plus significatif. La deuxième version que le ministre nous apporte aujourd'hui a tenu compte de ces observations, observations que nous avons faites à l'effet qu'il serait peut-être plus prudent de procéder par étapes, qu'il serait plus prudent de préparer la région à recevoir une structure régionalisée et décentralisée.

M. le Président, si vous me le permettez, je voudrais faire une brève analogie avec le système scolaire, dans lequel on a introduit un effort de régionalisation un peu plus accentué à certains moments, effort qui se traduisait par des législations particulières, surtout à l'occasion de l'Opération 55, de l'implantation des CEGEP ou du regroupement des commissions scolaires. Mais il faut vous dire, M. le Président,

que la population en général est beaucoup plus sensibilisée aux questions qui touchent l'éducation, son contenu, l'équipement, les ressources humaines, les ressources matérielles qu'elle ne l'est dans le domaine de la santé et du bien-être social, parce que c'est un domaine extrêmement complexe. On n'a qu'à prendre d'abord le nombre de personnes qui à un moment ou l'autre ont été associées au développement scolaire dans le Québec, à la régionalisation scolaire dans le milieu au sein des commissions scolaires locales ou régionales, au sein des corporations de CEGEP, au sein de tous les comités consultatifs, et à le comparer avec le nombre de personnes qui ont été associées à un moment ou l'autre au fonctionnement de nos établissements hospitaliers.

Il y a plus de gens qui ont été associés à l'administration d'institutions moins complexes, comme les centres d'accueil, étant donné que c'était basé surtout sur la motivation de la population locale, que de gens qui ont été mêlés de près à l'administration des centres hospitaliers. Je pense qu'il y a là un élément qui déjà nous indique qu'il y a beaucoup moins de gens dans nos régions qui sont sensibilisés actuellement et qui sont peut-être prêts à assumer des responsabilités dans ce secteur. Non pas qu'ils ne soient pas qualifiés pour le faire, mais parce que notre système ne les a pas préparés, ne les a pas entraînés à participer au développement, à l'administration, à la gestion des institutions.

Je pense donc, M. le Président qu'il est préférable — pour notre part nous l'avions indiqué au ministre lors de la dernière séance de la commission parlementaire — que dans cette version du projet de loi, dans cette nouvelle version nous retenions la deuxième option de l'alternative, à savoir la création d'un conseil des affaires sociales au lieu et place d'un ORAS, c'est-à-dire un organisme régional des affaires sociales.

Ce conseil des affaires sociales pourra préparer l'avènement de l'organisme régional que nous entrevoyons. D'ailleurs, le ministre ne s'en est pas caché, il a indiqué, fort précisément, que c'était l'orientation qu'il voulait donner au projet de loi no 65 et qu'en temps et lieu, quand une certaine préparation aura été faite, ces conseils seront remplacés par des ORAS dans les régions.

D'autres arguments d'ordre pratique nous font accepter davantage cette deuxième option plutôt que la première. Dans les régions, même si nous pouvons recruter des ressources humaines en quantité et en qualité suffisantes pour assumer la responsabilité de diriger un ORAS, je pense qu'il faudrait tout de même préparer ce personnel. Avec l'ouverture des conseils d'administration, on pourra préparer davantage, dans divers milieux, des personnes qui, dans l'administration quotidienne des établissements, verront à se pencher sur les problèmes d'ordre administratif, d'ordre financier et planification à l'intérieur de leur institution. On pourra les sensibiliser aussi à ce contact beaucoup plus étroit qui doit exister entre les différents types d'institutions et les différents niveaux de service.

Je crois qu'on pourra recruter — dans une assez brève échéance, soit d'ici cinq ans, si un effort véritable est fait du côté de la région, si on accepte cette orientation que le gouvernement veut donner à la politique de décentralisation et de régionalisation — d'une part, dans la région suffisamment de gens de tous les milieux, de tous les secteurs d'activité qui seront suffisamment préparés à assumer avec succès des reponsabilités. C'est au niveau de la région. D'autre part, cet organisme de consultation pourra exercer les pouvoirs que la loi lui confie; en particulier, je voudrais insister surtout sur un des rôles importants de ce conseil régional, qui sera d'assurer une communication entre le public, le ministre et les établissements.

Un autre pouvoir sera de susciter la participation populaire à la définition de ses besoins et à l'administration des établissements. Susciter la participation populaire. En théorie, l'énoncer, ça va bien, c'est assez facile; mais, en pratique, cela reste un autre problème. Bien des organismes venus devant la commission parlementaire nous ont mentionné le fait que depuis quelques années on a vu éclore le phénomène des comités de citoyens qui, devantage dans tous les secteurs, et particulièrement dans celui de la sécurité sociale, veulent assumer des responsabilités. En pratique, je pense que cela comporte tout de même certaines limitations dans l'immédiat. Je pense que ce n'est pas tout de désirer assumer ses responsabilités, de vouloir être associé à ce développement, à cet effort de sensibilisation de la population.

Mais, en pratique, cela pose certains problèmes: exprimer un voeu de participer et accepter l'invitation concrète d'aller y participer, avec tout ce que ça comporte de dérangements, de difficultés, de problèmes ou de contraintes. Je crois qu'il y a une marge à franchir; c'est justement cette étape de quelques années entre l'instauration d'un conseil régional et celle d'un organisme véritablement régional des affaires sociales. Je crois que ce décalage de quelque temps permettra véritablement d'assurer un succès plus grand à l'opération.

D'autre part, après avoir traité des difficultés au niveau de la région, il reste qu'au niveau du ministère il y a une certaine préparation à faire. Si on veut déléguer, un peu plus tard, aux ORAS des responsabilités de planification, de programmation, de répartition, d'intégration des ressources au sein du territoire, de liaison ou de coordination très étroite entre les différents établissements du territoire, ces pouvoirs d'enquête qu'à un certain moment on a qualifiés d'exagérés et dont on a fait ressortir l'inopportunité dans bien des mémoires, en somme, toutes ces responsabilités qu'on voudra confier à la région, aux ORAS, il faudra que ça se prépare au ministère.

Il faudra que les fonctionnaires qui sont

regroupés dans ce nouveau ministère des Affaires sociales travaillent dans ce sens. En passant, cette fusion était bien dans la ligne de pensée, d'orientation que nous avions donnée à notre échéancier. Il faudra demander la même chose à ces fonctionnaires qu'on est à recruter au ministère, dans toutes les directions générales — je l'ai mentionné en commission — particulièrement dans les directions générales de la planification et de la programmation. On sait la difficulté — le ministre doit l'éprouver, à ce moment-ci — de recruter en quantité suffisante et en qualité le type de fonctionnaires qu'il faut pour ces directions générales.

Alors, si on est à bâtir de toutes pièces, au ministère des Affaires sociales, des structures valables, composées de fonctionnaires compétents, qui vont travailler dans le sens des orientations que veut donner le ministre à la politique sociale, on ne peut pas monter une équipe comme celle-là dans un ministère qui, après le regroupement, si on me permet l'expression, sera un ministère nouveau sous plusieurs aspects, du moins sous celui de l'organigramme et des nouvelles structures qu'on veut y implanter. Alors, je pense que, du point de vue pratique, c'est un argument auquel il vaut la peine de s'arrêter.

D'autre part, toujours dans l'optique que la région devra assumer ses responsabilités de planification et de coordination, il faudra qu'elle ait des données, qu'elle connaisse d'abord ce qui existe au ministère des Affaires sociales comme données, comme renseignements, comme statistiques; qu'elle ait en main les outils qu'a eus la commission, les travaux dont s'est inspirée la commission Castonguay pour en venir à proposer des organismes régionaux ou à créer des régions.

Il faudra que le ministère transmette aux conseils régionaux, au fur et à mesure qu'elles seront disponibles, une foule de données qui permettront d'évaluer véritablement quel est l'actif, la situation actuelle au niveau de la région, et quels sont les correctifs qu'on devrait appliquer au point de vue de l'implantation des ressources, de la gestion, de l'intégration d'un niveau des soins et de la répartition des effectifs, toujours au niveau de la région.

Il faut véritablement, à ce niveau, faire l'implantation nécessaire, la coordination, l'intégration exigées pour que le conseil régional, quand il sera implanté dans quelque temps, puisse véritablement assumer entièrement ses responsabilités.

Alors, entre les deux options, nous n'avons pas rejeté celle de l'ORAS, qui était proposée par la commission Castonguay-Nepveu et que le ministre a traduite timidement, dans une première version, parce qu'il s'est rendu compte, lui aussi, des contraintes déjà d'aller aussi loin que l'avait proposé la commission. Je pense que c'est un geste heureux d'avoir opté, à ce moment-ci, pour une structure qui ressemble beaucoup plus et qui s'apparente beaucoup plus à une structure de consultation qu'à une structure véritablement décentralisée et régionalisée. Je ne devrais pas dire régionalisée, parce que le conseil, lui aussi, est régionalisé, mais une structure décentralisée. Alors, je pense qu'entre les deux, le choix — tenant compte de toutes ces contraintes d'ordre pratique, tenant compte aussi de l'orientation que l'on veut donner, qui est acceptée, que l'on s'en va vers l'ORAS, que l'on s'en va vers cette structure avec tous les pouvoirs mais véritablement des pouvoirs — dans ce contexte, est normal. Je ne dis pas que tout le monde sera d'accord, mais je pense qu'il est normal et le ministre est prudent, il met de son côté beaucoup plus de chances de réussite et de succès dans l'adoption du projet de loi no 65 et dans son acceptation par la population et par ceux qui vont vivre et qui vont travailler avec cette loi.

H y a un autre point que je voudrais toucher. C'était décrit dans les objectifs du ministère et du ministre, au moment où il a déposé son projet de loi. Il l'a explicité lors de la première séance de la commission parlementaire. Il y est revenu souvent par la suite. C'est l'introduction au sein des établissements, au sein des conseils d'administration, d'éléments de dynamisme. Il s'agissait d'introduire là un élément de représentativité beaucoup plus élaboré que celui que l'on retrouve actuellement au sein des conseils d'administration. C'était l'objectif que poursuivait le ministre, au sein d'abord des ORAS, maintenant des conseils, et ensuite, au sein des quatre types d'établissements dont la loi fait mention. C'était une intention, c'était un objectif, et je pense que là-dessus, tout le monde était d'accord.

Devant la commission parlementaire, on a exprimé certaines craintes, à savoir que ce processus, même en tenant compte d'un certain délai d'un ou deux ans, soit appliqué uniformément, soit appliqué sans distinction, sans tenir compte des états de service, de la compétence de ceux qui sont là, de ceux qui sont en fonction et qui ont acquis, avec les années, évidemment, même si la motivation s'est détériorée peut-être en cours de route, mais qui ont acquis tout de même une certaine expérience qui pourrait compenser. Si on n'avait pas tenu compte de ce besoin de continuité, d'une certaine continuité à l'intérieur des institutions, je pense que le ministre se serait crée de sérieux problèmes.

Il a été sage de réexaminer la première version du projet de loi et de tenir compte des remarques qui ont été faites devant la commission parlementaire. Cela à tous les niveaux de structures et des établissements pour les conseils régionaux et pour les quatre types d'établissements.

Il a tenu compte aussi d'une autre critique qui a été assez sévère devant la commission et je pense qu'on pourrait en faire un long débat.

Etait-il préférable que le lieutenant-gouverneur nomme lui-même autant de repré-

sentants au sein des conseils d'administration ou qu'il fasse place davantage au processus électif?

M. CASTONGUAY: Me permettez-vous de faire une remarque?

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, M. le Président.

M. CASTONGUAY: Avez-vous remarqué que, lorsqu'on a fait ces remarques, on a pris soin de dire: Pas sous votre gouvernement, mais sous un autre gouvernement cela pourrait présenter des dangers!

M. CLOUTIER (Montmagny): Ah! le ministre ne devra pas s'exposer à la tentation! Je comprends qu'il est encore un nouveau ministre, mais il s'est rendu compte déjà que des pressions viennent d'un peu partout. Les pressions les plus difficiles à réfuter viennent toujours de nos meilleurs amis, nos collègues du côté ministériel. Je pense que le ministre va s'éviter un paquet de troubles en ayant moins de personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil et en assurant davantage que dans le milieu il y ait des propositions et des élections. Si le milieu se trompe, si le milieu n'apporte pas suffisamment d'attention au choix des personnes, il en subira les conséquences. Nous serons juges et le ministre n'aura pas de reproche à faire au lieutenant-gouverneur en conseil et il n'aura pas à se faire de reproche en disant qu'il avait peut-être assumé trop de responsabilités qu'il n'avait pas voulu partager avec la population, c'est-à-dire la responsabilité d'élire les membres du conseil d'administration.

De toute façon, de ce côté-là, assurer que davantage de membres d'un conseil d'administration soient élus par le territoire, par les gens qui ont utilisé les services, soit depuis un, deux ou trois ans, ou les maires des municipalités au sein des organismes régionaux des affaires sociales, je pense que c'est une théorie et une modalité qui se défend. On pourra dire: Le nombre de ceux qui pourraient être élus pourrait être différent. On pourra dire: Ce sont ceux qui utilisent les services depuis tant de temps qui devraient élire les membres des conseils d'administration. Mais, dans l'ensemble, je pense que nous pouvons être d'accord sur ces modalités.

D'autre part, le ministre a tenu compte d'une objection qui est importante aussi et qui est sérieuse. Il est important que les corporations qui existent, actuellement, et qui, nous venons de le dire, ont dans leur sein pour les administrer des gens sérieux, des gens qui ont accumulé une expérience précise, soient représentées au sein des conseils d'administration. C'est là que nous introduisons l'élément de continuité qui est tellement important et qui va, je pense, apporter une contribution véritablement positive au succès de la législation que le ministre nous propose. Alors, l'élément de continuité est respecté.

D'autre part, cet élément de représentation au conseil d'administration des différentes institutions, le centre hospitalier représenté au centre local des services communautaires, le centre de service social représenté au centre hospitalier et ainsi de suite, tout cet enchevêtrement, je pense que c'est une excellente façon de sensibiliser les différents administrateurs au lien qui doit exister entre les différentes institutions.

M. le Président, en résumé, sur ce problème des nominations au sein des conseils d'administration, sous réserve d'y revenir au moment de l'étude article par article afin de mentionner certains problèmes particuliers qui n'infirment en rien la validité de la proposition que le ministre a faite dans les articles qui s'appliquent à ce problème-là, je crois que nous pouvons dire que nous sommes d'accord sur les objectifs que le ministre et le gouvernement poursuivent en inscrivant les stipulations du projet de loi de la façon qu'ils l'ont fait.

M. le Président, il a été également question de la réglementation au cours des séances de la commission parlementaire. C'est un des points importants qui ont été discutés à la commission parlementaire. Evidemment, dans cette loi comme dans d'autres lois de même nature, la Loi des hôpitaux en est un exemple frappant, la partie des règlements est extrêmement importante.

Dans la loi no 26, c'était le même cas. On peut dire que généralement, dans le domaine de la sécurité sociale, la loi repose essentiellement, du moins pour une partie importante, sur la réglementation qui vient par la suite.

Nous avons eu un autre exemple qu'il me plaît de signaler parce que j'y reviendrai tantôt, soit la loi no 45 sur la protection du consommateur. Ce sont des types de lois qui touchent la personne, dont la réglementation touche aussi la personne et est le prolongement important de la loi.

A ce moment-ci, nous ne connaissons pas la réglementation, sauf pour dire que nous avons en main un volume des règlements adoptés en vertu de la Loi des hôpitaux. Selon le témoignage du ministre et celui de plusieurs organismes qui sont venus devant la commission parlementaire, c'est là un excellent document et un excellent outil de travail, qui a été bâti en grande partie par mon collègue, le député de Dubuc, avec les hauts fonctionnaires du ministère de la Santé du temps.

M. le Président, nous pouvons donc assumer que la réglementation qui viendra après la loi no 65 s'inspirera largement des règlements déjà adoptés en vertu de la Loi des hôpitaux mais, cependant, en les accommodant, en les conciliant avec cette nouvelle loi et en y apportant des améliorations. C'est évident. Déjà, ils ont force de loi depuis 1968. Depuis ce temps, il y a nécessairement des situations nouvelles qui se

sont présentées. Il faudra donc nécessairement que les règlements soient modifiés. Cela, c'est le contenu de la réglementation.

D'autre part, les organismes qui sont venus devant la commission admettent qu'il n'était pas question de discuter, au moment des séances de la commission parlementaire, du contenu de la réglementation. Mais on s'est cependant inquiété à savoir comment seraient élaborés ces règlements, quelle consultation serait faite puisqu'on a largement consulté, avec le processus de la commission parlementaire, sur le contenu du projet de loi. Mais il reste que la réglementation occupe une place tellement importante que les organismes et les membres de la commission parlementaire ont le droit, et même le devoir, de nous demander quelle consultation ultérieure sera faite avant l'adoption des règlements.

Je voudrais demander de nouveau au ministre, dans mon intervention, que la commission parlementaire soit associée de très près à la révision de la réglementation avant qu'elle ne soit adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil. D'autre part, je sais que la loi prévoit la publication, dans la Gazette officielle, d'un avis public de 90 jours, délai où l'on pourra consulter les règlements avant qu'ils ne prennent effet.

M. le Président, ce sont des précautions nécessaires. J'espère que le ministre donnera suite au voeu que nous avons exprimé au cours des travaux de la commission parlementaire pour qu'il y ait une séance spéciale de la commission sur les règlements qui suivront le projet de loi no 65.

Il y a également des pouvoirs de réglementation qui seront exercés par les conseils régionaux et aussi par les établissements. Est-ce que cette intention qu'a exprimée le ministre dans son discours de deuxième lecture de décentraliser davantage, de déléguer des responsabilités vers les établissements, de décentraliser les pouvoirs, est-ce que véritablement, dans la réglementation qui sera faite, cela a été traduit? Je ne le sais pas. Nous y reviendrons en commission parlementaire quand nous passerons sur chacun des articles en particulier.

Je crois que les établissements, toujours dans l'optique de renforcer la qualité des administrateurs au niveau local et au niveau régional, doivent leur donner plus de responsabilités, même du point de vue de la réglementation, à condition que ça s'inscrive dans ce cadre général qui sera fixé par le ministère.

Le ministre le fait — cela avait été commencé antérieurement — dans le domaine administratif pour les établissements, où le cadre de préparation des budgets est plus large. Une décision qui a été prise et avec laquelle nous sommes parfaitement d'accord, c'est de mettre à la disposition d'une institution un budget global qui laisse beaucoup plus de latitude à l'institution, à ses administrateurs, à son personnel de cadre. On se trouve ainsi à faire appel à sa motivation, à son talent, à son esprit de travail, à son esprit de recherche pour, à l'intérieur de ce cadre financier, pouvoir tout de même atteindre et montrer des résultats intéressants au point de vue de la dispensation des services.

Je pense que, de ce côté-là, le ministre ne devra pas hésiter, toujours dans le but de préparer davantage la région, les établissements qui seront représentés aussi au sein des conseils régionaux et, plus tard, au sein des ORAS, à assumer plus de responsabilités. La délégation, du point de vue des règlements, ça fait partie aussi de la décentralisation et de la transmission vers les régions, des responsabilités.

Un autre point qui avait été mentionné lors des discussions en commission parlementaire, c'était le statut juridique des institutions: les établissements privés et les établissements publics. On a introduit — je pense que c'est heureux aussi — la notion d'institution privée conventionnée.

C'est pour la rémunération, mais également on a introduit une nouvelle catégorie d'institutions. Il s'agit des centres d'accueil qui, même s'ils sont maintenus par une corporation sans but lucratif, sont des établissements privés.

Je pense que ça répond à un voeu qui a été exprimé par plusieurs organismes qui sont venus devant la commission et ça les concernait directement. J'ai à la mémoire — et le ministre l'a certainement aussi — deux cas patents que nous avons eus au terme des travaux de la commission: le Foyer de la charité à Montréal et l'Institut Canadien Polonais. Ce sont véritablement deux cas patents qui se reproduisent à bien des exemplaires, mais qui démontraient l'importance pour le gouvernement d'introduire plus de souplesse dans sa législation.

Il nous fera plaisir de souligner, quand nous ferons la discussion article par article, les endroits où, à notre avis, assez de souplesse a été introduite pour éviter certaines difficultés de fonctionnement ou d'application de la loi no 65 et aussi les endroits où il y aurait peut-être possibilité d'introduire encore un peu de souplesse pour en faire un outil fonctionnel qui recevra véritablement l'adhésion de la population qui aura à s'en servir.

Voilà les considérations que je voulais faire au sujet du projet de loi. En terminant, je voudrais souligner, encore une fois, que le ministre a véritablement écouté les commentaires, les remarques et les suggestions qui ont été faits à la commission parlementaire. Même si nous étions d'accord avec les objectifs, même si nous pouvons être d'accord avec les droits qui sont inscrits dans cette nouvelle version et qui, forcément, comportent des limitations — nous l'avons dit tantôt: ce sont des droits qui sont limités et par les ressources et par les contraintes de toutes sortes. — Nous sommes d'avis — je pense que c'est de notre devoir de le dire — que le ministre a introduit, au plan des modalités, beaucoup d'améliorations dans la deuxième version du projet de loi par rapporta la première.

Si nous nous en réjouissons, M. le Président, c'est surtout pour la population qui aura à vivre avec le projet de loi no 65 et aussi pour les établissements, le personnel, les professionnels, la clientèle qui sont dans ces établissements et qui eux aussi seront touchés tous les jours par le projet de loi no 65 qui est encore perfectible. Je crois qu'en commission parlementaire nous aurons l'occasion de revenir sur certaines des modalités; nous aurons l'occasion de faire des suggestions, toujours dans l'optique nous sommes des participants à l'élaboration d'une législation qui doit être la meilleure possible.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.

M. Armand Bois

M. BOIS: M. le Président, il y a quelques mois, le ministre des Affaires sociales déposait devant nous un projet de loi que nous avons dans le temps qualifié de plus que révolutionnaire; d'ailleurs, nous n'avons pas manqué de l'affirmer au ministre à ce sujet.

Je ne voudrais pas, aujourd'hui, exiger du ministre qu'il en entende aussi long que tous les mémoires auxquels sa patience et celle des membres de la commission ont été soumises. Cependant, je dois quand même le féliciter, en commençant ma brève intervention, d'avoir, à l'encontre de certains ministres du cabinet, voulu écouter des recommandations qui lui ont été faites par des corporations ainsi que certains individus qui ont comparu devant la commission des Affaires sociales.

En autant que nous sommes concernés, nous trouvons que, pour le navire immense que dirige à l'heure actuelle le ministre des Affaires sociales, c'est un heureux coup de barre. Si le ministre avait continué dans la voie où il était parti, selon nous du Ralliement créditiste, c'était enlever à la province de Québec l'ambition normale des individus de vivre dans un pays où on prêche la liberté, où on peut la sentir. C'était enlever en même temps le privilège de l'entreprise privée d'agir normalement, même si c'est sous la surveillance de l'Etat.

M. le Président, nous croyons toujours que l'Etat ne doit pas être un administrateur, mais un législateur, qui, par ses recommandations et la surveillance appropriée des institutions, leur permet de parachever les fins pour lesquelles elles sont constituées, soit celles de soigner les malades, de rendre la santé à des personnes qui l'on perdue, qui désirent la retrouver ou encore la sauvegarde de ceux qui sont devenus des impotents dès leur naissance ou un peu plus tard dans leur vie.

Nous sommes extrêmement heureux que le ministre des Affaires sociales ait décidé de faire des changements radicaux; dans l'ensemble des conditions, je crois qu'à l'heure actuelle il respecte vraiment le plan humain, le plan social ainsi que la liberté de choix des individus lorsque ceux-ci auront affaire à des institutions ou à des professionnels de la santé. Devant ces conditions, comme d'autres concernant l'accessibilité et la confidentialité des dossiers, le ministre y ayant introduit des aspects qui sont vraiment nouveaux et qui permettront aux personnes concernées de pouvoir peut-être mieux se défendre devant des cas qui sont très difficiles dans leur vie, nous croyons vraiment que le ministre a su — et c'est surtout à ce sujet-là que je veux l'en féliciter — conditionner ce projet de loi à ce que le peuple pense et non pas seulement à ce qu'un ministre par hasard peut penser, même par l'entremise des plus brillants de ses fonctionnaires.

M. le Président, après l'exposé, nous trouvons que le projet de loi tel qu'il est revu et corrigé permet d'aborder l'étude en détail, sans trop d'appréhension.

Nous aurons sans doute quelques commentaires à faire au ministre mais, cependant, il peut être rassuré parce qu'il n'y aura pas ce qu'on peut appeler des débats sur des clauses ou des points majeurs de son projet de loi. Il n'y a que quelques articles sur lesquels j'aimerais attirer l'attention du ministre, M. le Président. Dans l'application de ce projet, qu'on fasse attention à ce que je lui avais déjà recommandé le printemps dernier, c'est-à-dire d'éviter autant que possible ce que l'on appelle présentement de la recherche en administration. Nous trouvons que c'est parfois indispensable mais que la majeure partie des budgets doit s'appliquer à la réalisation ou à la direction des affaires sociales ou de son ministère, de telle façon que la plus grande partie des sommes perçues serve à des fins curatives ou encore à des fins par lesquelles les individus de cette province recevront le maximum des bénéfices qu'ils sont en droit d'attendre de ce ministère.

Il y a peut-être certaines idées que nous pourrions donner. Nous croyons que sur le plan législatif le projet de loi va certainement atteindre d'excellents buts, parce que cela permettra au ministre, après avoir bien examiné sa législation, de conditionner certains établissements afin qu'ils orientent progressivement leurs états de service vers les fins où il n'y aura pas de dédoublement. C'est un point sur lequel nous constatons que le projet de loi constitue une orientation extrêmement efficace. S'il est bien appliqué — nous n'en avons pas de doute — nous sommes assurés que les premiers à en être les bénéficiaires seront tous les citoyens de cette province.

J'apprécie la bonne foi du ministre, quand il parle du lieutenant-gouverneur en conseil. Contrairement à ce que certains peuvent en penser, nous croyons que c'est une bonne chose, parce que ça laisse moins de nominations au ministre. Ce n'est peut-être pas de celui qui est là présentement que nous aurions peur, mais peut-être d'un autre ministre qui pourrait éventuellement — on ne sait jamais — lui succéder dans l'administration de la politique provin-

ciale. Je sais gré au ministre d'avoir consenti à cet amendement qui, je crois, constitue dans bien des cas un apport extrêmement sérieux pour la protection des fonctionnaires qui sont nommés, parce que certains fonctionnaires, lors d'un changement, n'apprécient pas de se faire placer sur les tablettes, comme on dit communément.

Je pense bien qu'avec un peu de sagesse administrative et en procédant sérieusement dans les nominations, on aura sans doute l'occasion de les peser suffisamment pour qu'il n'y ait pas de détour par la suite et que s'il y avait des modifications à faire, que ce soit pour des raisons extrêmement sérieuses. Quant à la décentralisation des services, nous apprécions aussi les modalités que le ministre apporte dans son projet de loi modifié. Nous constatons dans les diverses formules, étant donné la façon dont le projet de loi a été préparé, que les divers comités créés comportent, par exemple, des nominations avec des chiffres impairs. Nous trouvons que c'est une très bonne chose parce que cela permet le vote majoritaire lorsqu'il y a lieu. Même s'il y avait des absents lors des réunions de ces divers organismes, il y a quand même lieu d'appliquer la loi, et ce d'une façon assez facile.

Quant aux événements dont nous faisait part le ministre ce matin, qui ne sont peut-être pas reliés directement à ce projet de loi, nous savons que le ministre discutera sans doute des meilleures formules en faveur de la province de Québec.

Nous verrons éventuellement sur notre sol un de ces matins l'administration des bénéfices sociaux relever en entier de celui que nous appelons le ministre des Affaires sociales. Nous, du Ralliement créditiste, c'est un point sur lequel nous ne voulons pas lâcher parce que nous désirons que ces choses, qui sont de notre ressort, nous reviennent et dans leur entier parce qu'à chaque fois que nous adoptons un projet de loi comme celui-ci, il faut quand même nous attendre à des investissements où a certaines dépenses sur lesquelles nous voudrions quand même mettre le ministre en garde.

Nous connaissons sa sagesse administrative et nous lui demandons de bien vouloir, lorsqu'il commencera à appliquer les divers programmes qui sont conçus dans le projet de loi, en ce qui a trait soit aux centres d'accueil ou aux centres de services sociaux, de bien voir à ce qu'il y ait quand même utilisation des fonds à leur maximum pour le bien le plus complet de la province de Québec et de ses concitoyens et ce sans tomber dans des dépenses qui, à un moment donné, peuvent devenir tellement exorbitantes qu'elles pourraient causer un sérieux embarras administratif au gouvernement de cette province.

Alors, M. le ministre, nous serons très heureux, sous certaines réserves, comme je l'ai exprimé tout à l'heure, de pouvoir passer à l'étude du projet de loi après que ceux qui auront exprimé leur désir de le faire l'auront réalisé dans cette Chambre. Je tiens à vous affirmer que nous apprécions le projet de loi à sa juste valeur, tel qu'il a été modifié, et nous serons en mesure de constater que si une administration rationnelle est faite du projet lui-même, nous avons le ferme espoir que le ministre aura sans doute réussi à réaliser en cette province une orientation nouvelle pour les affaires de la santé qui, si elles semblaient définitivement motivées, deviendront sans doute dans leur réalisation très bénéfiques pour le secteur hospitalier autant que pour le secteur médical.

A nouveau, M. le Président, je tiens à remercier le ministre d'avoir voulu écouter autant de mémoires. Je crois que c'est tout à son honneur ainsi qu'à l'honneur de tous ceux qui ont eu le courage de paraître devant cette commission pour exprimer des opinions qui étaient loin d'être celles qui étaient contenues dans le premier projet de loi.

Encore une autre fois, nous serons heureux de coopérer à l'analyse du projet de loi aussitôt qu'il sera possible de le faire, sous la réserve de certaines suggestions ou amendements mineurs que nous soumettrons au ministre en temps et lieu. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Phaneuf ): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, le gouvernement nous présente aujourd'hui une législation majeure, probablement l'une des deux ou trois plus importantes législations qu'il nous ait présentées depuis le début de la présente session c'est-à-dire à la fin de février, une législation de même type, de même sens, de même orientation que celle que nous a présenté par exemple le ministre de l'Education avec sa loi 27 et sa loi 28, ou que le ministre des Affaires municipales nous a présenté avec sa loi malgré tout trop timide à notre goût sur le regroupement municipal.

A la fin de son exposé, le ministre disait que cette législation témoignait du progrès collectif qu'est à faire notre communauté dans le domaine de la santé et dans le domaine de l'organisation des services sociaux. Je suis d'accord avec lui, mais je dirais encore davantage que ce progrès collectif se manifeste depuis particulièrement une dizaine d'années non seulement dans le domaine de la santé et des services sociaux, mais également dans tous les secteurs les plus importants de notre vie collective.

Je crois que nous devons ce progrès à la modernisation sans cesse accélérée de notre société, qui est due, pour une grande part, à l'industrialisation accélérée, elle aussi, de notre société, particulièrement depuis une vingtaine ou une trentaine d'années.

Nous devons aussi ce progrès à tous les courants idéologiques contemporains grâce au progrès continu de notre démocratie, d'une part, et, deuxièmement, grâce à l'extension, au progrès des moyens modernes de communication qui ont fait du Québec une des parties les plus vivantes, désormais, de ce vaste monde et particulièrement de ce monde occidental dont nous faisons partie intégrante.

De ce progrès collectif, je ne veux pour preuve que cet effort profond de modernisation de toutes nos structures sociales auxquelles nous assistons particulièrement depuis une dizaine d'années et qui a amené tous nos gouvernements, particulièrement depuis 1960, à procéder à une oeuvre de révision, de mise à jour de toutes nos structures sociales, économiques et politiques.

Par exemple, c'est à partir de 1960 que le gouvernement a voulu reprendre l'examen approfondi de notre structure scolaire avec le rapport Parent, de notre structure fiscale avec le rapport Bélanger, de la structure de l'assistance sociale avec le rapport Boucher, de la structure de l'agriculture avec le rapport April, de la structure de la justice avec le rapport Prévost, de la structure municipale avec les livres blancs que les gouvernements successifs ont publiés et, également, avec le rapport Rioux portant sur nos équipements culturels et l'orientation de notre culture; enfin, pour ne pas l'oublier puisqu'elle est d'actualité, l'état, la situation de notre langue avec la commission Gendron.

Je pense que tous ces rapports, toutes ces recherches montrent que nous sommes actuellement dans une société nouvelle ou, du moins, potentiellement nouvelle, une société en mutation, une société en gestation où nous devons reprendre l'examen des bases sur lesquelles est fondée notre société à la lumière de l'évolution de notre peuple, bien sûr, mais aussi à la lumière de l'évolution des techniques de gouvernements, à la lumière de l'évolution de toutes les méthodes de gestion et d'administration qui nous sont proposées par les spécialistes en ce domaine depuis le début du siècle.

Je pense aussi que cet effort de révision, de mise à jour, d'approfondissement témoigne de la vitalité profonde de notre peuple, de sa santé extraordinaire malgré et peut-être à cause des obstacles qu'il a rencontrés sur sa route et aussi à cause de l'appartenance qui est la nôtre à des grands courants de civilisation, aussi bien français que britanniques et américains. Ce grand courant qui se manifeste, de temps à autre par ces enquêtes, par ces rapports et de temps à autre aussi par l'action des gouvernements successifs du Québec, je pense qu'il faut en être fier et, pour moi, la loi qu'on nous présente aujourd'hui s'inscrit exactement dans cette évolution.

Eh bien, quand nous avons dit cela, il reste quand même à le spécifier. Que constatons-nous comme premiers effets de cette mutation?

C'est, je crois, un effort vers le regroupement progressif de nos institutions. Alors qu'auparavant, dans cette phase d'inorganisation que nous avons traversée, nous voyions proliférer les entreprises individuelles, nous voyions des petites institutions, dû la plupart du temps à l'initiative ou au désir de charité de certains individus, alors que nous assistions à cette prolifération d'organismes, que ce soit au niveau social, municipal, scolaire, nous constatons maintenant qu'il y a une poussée inéluctable, constante, vers un regroupement de plus en plus global de ces institutions.

Ceci s'est manifesté, pour la première fois, au niveau de l'école et cela a été préconisé par le rapport Parent. Alors, nous avons vu l'Opération 55, la création de 55 régionales.

Nous le voyons maintenant se manifester au niveau des services sociaux et de la santé. Nous le voyons également se manifester, M. le Président, même au niveau technique, au niveau industriel, au niveau économique. Je pense, par exemple, à l'action menée par le gouvernement libéral, il y a déjà une dizaine d'années, lorsqu'il a créé les régions administratives du Québec, et qu'il a nommé des commissaires industriels. Il tend maintenant à créer, au niveau des régions, des institutions et des mécanismes administratifs régionaux et un personnel chargé du perfectionnement de ces mécanismes administratifs et de l'exécution, au niveau régional, des tâches gouvernementales.

Ce regroupement me paraît inscrit dans la nature des choses pour deux raisons. La première est géographique. Nous avons la chance d'habiter un très vaste pays, le Québec, dont la superficie est considérable, mais qui compte aussi, malgré son homogénéité linguistique et religieuse, plusieurs régions écologiques différentes. Nous parlons, par exemple, parfois du royaume du Saguenay, de la région de Montréal, de l'Estrie, comme s'il s'agissait presque de petits pays différents qui ont chacun leurs particularités sociales, leurs particularités culturelles et qui ont, par voie de conséquence, le désir de rapprocher d'eux-mêmes toutes les administrations qui doivent régir leur vie collective. Ceci, je crois, est un aspect très important, humain, personnalisé qu'il ne faut pas négliger et qui doit imprimer sa marque sur toutes les législations que nous avons à étudier ici.

Par ailleurs, l'autre raison est plus scientifique et plus moderne. Elle vient justement de ce dont je parlais tout à l'heure, du perfectionnement et de l'amélioration des méthodes d'administration et de gestion, du bouleversement qui est en train de s'opérer actuellement dans les universités en ce qui concerne les études des méthodes de gestion et d'administration. Là, nous nous trouvons confrontés avec deux types de solutions. La première est celle de la déconcentration où, par exemple, en vertu du progrès des structures mêmes de gestion, en raison du progrès des sociétés, en raison du caractère de plus en plus considérable de la

bureaucratie et des méthodes de contrôle assumées par les gouvernements, nous voyons une tendance qui se manifeste chez les gouvernements eux-mêmes de déconcentrer la gestion du patrimoine national par la déconcentration de leurs services au niveau des régions.

Autrement, les ministères deviendraient de plus en plus des molochs insatiables, des monstres administratifs avec un personnel de plus en plus considérable. Cela est lié au principe — je ne me rappelle plus qui le disait — que, plus le personnel est considérable et plus les techniques deviennent compliquées, plus un mur de papier s'érige à l'intérieur même des ministères.

C'est probablement à cause de toutes ces raisons que nous voyons les ministères, les gouvernements obéir à cette tendance de déménager ou de déconcentrer leurs administrations au niveau régional. D'autant plus que cette déconcentration a aussi un autre effet bénéfique qui est celui de rapprocher l'administration gouvernementale, le bras gouvernemental, l'émanation gouvernementale, des populations concernées, ce qui évite bien des problèmes qui, autrement, pourraient se poser. En même temps, cela ajoute une certaine souplesse à l'administration de législations ou de règlements qui, par définition, ne tiennent pas toujours compte, suffisamment en tout cas, des circonstances de temps et de lieu.

Cette déconcentration de la technostructure est, je crois, inscrite désormais d'une façon inéluctable dans le mouvement des sociétés.

Mais, de plus en plus, M. le Président, nous voyons se profiler une autre solution qui ajoute à la solution dont je viens de parler, celle de la déconcentration, un élément extrêmement important et qui personnalise à ce point la déconcentration qu'on doit en changer le nom et parler désormais de décentralisation.

Ceci, M. le Président, provient d'un mouvement idéologique également très important que nous devons surtout aux spécialistes des sciences de l'homme qui se sont rendu compte qu'une civilisation, au fur et à mesure qu'elle progresse, qu'un gouvernement, au fur et à mesure qu'il occupe tout le champ normal de ses activités, qu'une administration, au fur et à mesure qu'elle se perfectionne, tend à écraser de plus en plus l'individu, du fait qu'elle se dépersonnalise, du fait qu'elle se frigorifie même, parfois, du fait qu'elle a tendance à tenir de moins en moins compte des particularités individuelles, qu'elle tend à s'uniformiser et à considérer de plus en plus le citoyen comme un numéro, à la façon dont un ordinateur le considère.

Le poids de ces institutions, de ce gouvernement, de cette civilisation est de plus en plus marqué au fur et à mesure, précisément, qu'elle progresse. C'est précisément pour faire obstacle à cette dépersonnalisation inhérente même au progrès de notre civilisation que des spécialistes des sciences de l'homme ont lancé, il y a quelques années, l'idée d'une autre formule de gouvernement à laquelle ils ont donné le nom de décentralisation et qui a pour but, celle-là, de "responsabiliser" le citoyen, de lui faire prendre conscience non plus seulement de ses droits — la révolution française et toutes les autres qui ont suivi avaient déjà fait ce travail — mais des conditions d'exercice de ces droits, afin que ces droits ne deviennent pas lettres mortes à cause de l'armature, du corset, du carcan dans lequel le citoyen pourrait se trouver enfermé lorsqu'il veut que ses droits soient connus, soient exprimés, soient perçus par ceux qui ont à les satisfaire.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons vu apparaître de plus en plus dans notre société, même québécoise, depuis une dizaine d'années, ce qu'il est convenu maintenant d'appeler les comités de citoyens, les organismes communautaires et même le Crédit social qui, d'une certaine façon, sont des mécanismes de défense contre cet écrasement de l'individu par les institutions gouvernementales, d'une part, au point de vue négatif et, deuxièmement, qui constituent un des modes de recherche des moyens, des solutions qui non seulement pourraient contrer ce mouvement gouvernemental mais pourraient aider le citoyen à faire entendre sa voix à tous les niveaux, à tous les paliers de l'organisation. Et non seulement à faire entendre sa voix, mais à acquérir un pouvoir décisionnel sur les activités qui l'intéressent et sur les organismes qui, d'une façon ou d'une autre, président à sa destinée.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, il nous apparaît qu'il existe une différence quand même importante entre une déconcentration qui n'est que le transfert, au niveau régional, d'un pouvoir gouvernemental et, deuxièmement, une véritable décentralisation régionale qui, elle, obéit, comme je le disais tout à l'heure, à des impératifs géographiques, à des impératifs culturels mais, surtout — et à un degré plus élevé encore — à des impératifs humains, à des impératifs qui tiennent à la nature même de l'homme, à la noblesse même de l'homme, impératifs selon lesquels l'homme veut quand même, malgré le progrès des institutions, demeurer le maître de sa destinée, demeurer un agent de changement social, demeurer quelqu'un qui est responsable de son évolution et de son progrès.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous considérons qu'un gouvernement, même s'il est obligé de procéder à une certaine déconcentration — nous la souhaitons autant que lui — doit tenir compte aussi, dans toute la mesure du possible, de ces autres impératifs géographiques, culturels et humains, qui, eux, postulent qu'à une déconcentration s'ajoute le degré le plus élevé, le plus considérable possible de décentralisation.

Il nous semble que cet impératif doit s'imposer au législateur, non seulement en ce qui concerne le domaine de la santé et des services sociaux, mais également en ce qui concerne le domaine municipal, en ce qui concerne le

domaine scolaire, le domaine de l'administration de la justice, en ce qui concerne, en somme, tous les domaines qui font l'objet des décisions gouvernementales.

Car en fin de compte, en dernière analyse, ce n'est qu'à cette condition que la nature véritable de l'homme nous paraîtra respectée et que notre société pourra connaître un véritable progrès qui ne sera plus qu'un progrès économique, un progrès social, mais un progrès véritablement humain.

C'est dans cette perspective que nous avons abordé l'examen de la loi no 65 aussi bien que les autres lois auxquelles je viens de faire mention. Ici je dois féliciter encore une fois le ministre pour la méthode d'étude qu'il a bien voulu prendre pour l'examen de ce projet de loi. Ainsi qu'il l'avait fait pour le projet de loi no 69, l'assurance-médicaments, il s'est contenté de déposer en première lecture son projet, et immédiatement nous sommes passés en commission parlementaire, où chacun des partis politiques a eu l'occasion d'exprimer sa réaction première, spontanée au projet de loi, pour ensuite procéder à l'audition de tous les individus ou corps publics qui avaient des opinions à faire valoir ou des solutions différentes à présenter aux problèmes qui étaient soumis à leur attention.

Ceci est une excellente méthode. Et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas à répéter complètement tout ce que nous avons dit lors de ces commissions parlementaires ou lors des échanges qui se sont déroulés au fil des séances de la commission.

Ceci nous a permis en particulier, je crois, d'associer toute la population à la confection de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle le ministre peut parfaitement dire aujourd'hui que ce projet de loi n'est pas seulement son oeuvre, mais qu'il est également l'oeuvre de tous les parlementaires, qu'il est surtout — et d'une façon plus importante — l'oeuvre de tous ceux qui ont eu le courage de se présenter à la commission, de nous faire parvenir des mémoires, de nous faire parvenir leurs opinions, leurs solutions ou même leurs objections.

Et nous savons que le ministre a tenu compte, dans toute la mesure qu'il croyait possible, de ces opinions, de ces solutions. C'est la raison pour laquelle il peut nous présenter aujourd'hui en deuxième lecture un projet de loi qui, à beaucoup d'égards, nous paraît non seulement supérieur à celui qu'il nous avait d'abord présenté mais refléter davantage l'état réel de la situation, de même que l'opinion de ceux qui auront quand même à vivre ce projet de loi et qui, à cause de la méthode qui a été suivie, le connaissent déjà et sont déjà en meilleure posture pour l'appliquer.

Maintenant, si nous voulons passer au détail de ce projet de loi, encore une fois nous avions eu l'occasion de faire valoir nos vues à certains égards. Par exemple, nous avions recommandé au ministre, dès la séance préliminaire du 24 août, d'inclure dans son projet de loi non seulement des mécanismes structurels que la situation paraît réclamer mais également la substance d'une réforme quand même très importante et qui devait être connue de tous les usagers de ces diverses structures, afin qu'ils puissent être motivés à les appliquer et participer à leur exécution dans toute la mesure du possible.

Nous avions rappelé à ce sujet au ministre des Affaires sociales les inconvénients majeurs auxquels s'étaient heurtés les promoteurs de la révolution scolaire pour n'avoir pas rempli je ne dirai pas ce devoir mais cette condition d'efficacité. Nous sommes très heureux que le ministre se soit résolu à inclure dans ce projet de loi les objectifs qu'il entend poursuivre, ainsi qu'à définir à nouveau les droits sociaux les plus importants qu'une pareille réforme doit respecter.

Nous avons déjà eu l'occasion de dire au ministre à quel point nous étions d'accord avec lui sur tous les objectifs qu'il entend poursuivre et qu'il poursuit d'ailleurs effectivement, depuis qu'il a accédé à ce poste important.

Nous sommes heureux maintenant de voir la plupart de ces objectifs, du moins les plus importants, inscrits dans le projet de loi. Ils sont là un peu comme une charte de la santé et du bien-être social, que tout le monde devra voir et qui motivera chacun à essayer de mettre tout en oeuvre pour les appliquer, pour les concrétiser dans sa pratique quotidienne.

Et nous pensons également que c'est là une des meilleures façons d'atteindre cet autre objectif que le ministre s'est fixé, de faire participer toute la population au progrès d'une société, progrès qui nous tient tous à coeur. Nous avions également, lors de cette séance inaugurale, demandé au ministre d'inscrire un ou quelques articles dans le projet de loi qui feraient voir que la distribution des soins, des services sociaux doit, dans notre société moderne, être marquée au coin de la personnalisation. Car il n'est pas un seul domaine, M. le Président, où cette personnalisation s'impose d'une façon plus absolue. Le droit à la santé n'est pas seulement un droit primordial, un droit essentiel, mais il doit s'y ajouter d'autres droits; dans la façon dont ce droit à la santé s'exerce, il est important que l'homme soit considéré dans sa nature propre. C'est-à-dire qu'on ait à son endroit tout le respect, toute la charité, tout l'amour qu'on doit avoir surtout quand il voit son existence menacée, lorsqu'il s'agit par exemple de soins de santé, ou encore son existence en tant qu'être social menacée ou détériorée par quelques conditions que ce soient.

S'il est une condition existentielle où l'individu, le citoyen a besoin que celui que la société a chargé de veiller sur lui le respecte intégralement, c'est bien ce domaine des services de santé et des services sociaux. Mais là aussi nous remercions le ministre d'avoir inscrit dans son

projet de loi cette exigence de personnalisation des services, espérant qu'elle aidera un certain nombre de personnes à s'éloigner de ce domaine, si seuls les impératifs du profit l'amènent à s'y intéresser et, deuxièmement, qu'elle poussera tous les autres qui s'y sont heureusement en majorité intéressés jusqu'ici à y accorder encore plus d'attention, plus de charité, plus de respect qu'ils l'ont fait jusqu'ici, si possible.

Nous avions demandé également au ministre, à cette occasion, d'ouvrir à la population les conseils d'administration, afin que les citoyens participent davantage à la gestion des services de santé et des services sociaux. Déjà le ministre avait fait des efforts dans son projet de loi. Nous voyons par exemple que, dans la composition des conseils d'administration des centres locaux de services communautaires, on avait prévu l'élection d'un certain nombre de citoyens. Nous l'en avions félicité, mais nous avions quand même souhaité qu'étant donné qu'il s'agissait d'organismes de premières lignes ceux qui dispensent au premier chef les soins ou les services sociaux à ceux qui en ont besoin participent à l'élaboration et à l'exécution des programmes en plus grand nombre.

Le ministre ne s'est pas tout à fait rendu à notre suggestion, malgré que, d'une façon indirecte, il nous ait quand même satisfait en diminuant la part que le lieutenant-gouverneur en conseil prenait à la nomination des membres de ce conseil d'administration des centres locaux de services communautaires. Même si les citoyens élus ne se trouvent pas encore en majorité à ce conseil d'administration, il reste qu'en nommant à côté d'eux les gens qui doivent faire partie des groupes socio-économiques du quartier et certains membres du personnel, peut-être arriverons nous à convaincre les gens d'un quartier ou d'une région que ce centre local de services communautaires est quand même à eux, qu'il est d'abord leur responsabilité.

Si l'expérience de participation ne donne pas les résultats espérés, au fur et à mesure que les citoyens se seront habitués à cette forme de gestion, on pourra en augmenter plus tard le nombre.

Nous sommes heureux que le ministre ait davantage ouvert à la population les autres conseils d'administration, c'est-à-dire ceux des établissements hospitaliers, ceux des centres d'accueil, ceux des centres de service social et même ceux des conseils régionaux. Nous sommes très heureux, encore une fois, que le gouvernement ait réduit la part qu'il prenait à la nomination directe de membres à ces conseils d'administration et qu'il ait augmenté en conséquence la part que prendront, dans ces divers conseils d'administration, soit les citoyens, soit les pensionnaires de certains établissements, soit les représentants d'organismes destinés à entretenir des liens organiques et étroits avec chacun de ces centres.

Nous avions déclaré également au ministre, à ce moment-là, que nous étions très heureux de cette uniformisation, de cette systématisation des institutions auxquelles il entendait procéder. Encore une fois, nous déplorions avec lui le morcellement, le cloisonnement, la prolifération de tous ces organismes qui poussaient, chacun à son gré, sans avoir entre eux les liens organiques que le progrès de la science autant que le désir de la population leur imposaient. Nous souhaitions avec lui que l'Etat institue dans cette jungle l'ordre, la clarté, la rationalité qu'imposaient non seulement l'évolution, mais également l'efficacité et le contrôle des coûts qui constituent, à l'heure actuelle, les impératifs absolument légitimes d'un gouvernement.

Nous sommes donc très contents que cette uniformisation et cette systématisation demeurent dans le projet de loi et qu'elles aient résisté à tous les efforts qu'on a pu voir parfois en commission parlementaire pour qu'on en altère, d'une façon substantielle, la cohérence. Nous avions demandé également, lors de cette réunion, que le ministre inscrive des articles additionnels pour assurer, d'une façon plus efficace, la coordination entre les divers paliers, par exemple, le centre local de services communautaires, les centres hospitaliers et même les centres hospitalo-universitaires jusqu'aux ORAS, les offices régionaux compris.

Nous nous référions en cela au chapitre que la commission Castonguay-Nepveu consacre à ce sujet où on disait, par exemple, qu'il appartenait aux centres hospitaliers d'organiser les organismes qui leur étaient non pas subordonnés, mais qui existaient à un palier inférieur, c'est-à-dire les centres locaux de services communautaires. On y disait également qu'il appartenait aux offices régionaux des affaires sociales d'organiser les centres qui existaient à un palier inférieur, comme les centres hospitaliers, les centres de service social et les centres locaux de services communautaires.

Le ministre a répondu d'une façon indirecte à notre attente en aménageant d'une façon différente la composition des divers conseils d'administration; par exemple, en augmentant la représentation des uns et des autres de façon à assurer peut-être un lien plus organique entre les diverses institutions. Nous sommes quand même obligés d'admettre que nous restons, sur ce point, un peu sur notre appétit. Nous ne sommes pas sûrs que cette coordination puisse être assurée simplement parce qu'un représentant du centre local de services communautaires siégera au centre hospitalier, ou vice versa, ou qu'un membre du conseil d'administration d'un centre de service social siégera au conseil d'administration d'un centre hospitalier.

Nous verrons à l'expérience si cette solution peut amener les résultats qu'espère le ministre et que nous espérons également.

Mais il nous semble qu'on aurait pu aller un peu plus loin dans cette direction puisque ce travail de coordination, ce travail d'intégration

presse de plus en plus non seulement pour des raisons de rationalité, non seulement pour des raisons d'efficacité, mais aussi pour des raisons d'adaptation plus grande des services aux besoins.

Ceci, au fond, nous amène au grand problème dont a parlé longuement le ministre, aussi bien que le député de Montmagny, c'est-à-dire le problème de la décentralisation régionale.

Déjà, lors de la première réunion de la commission, nous avions manifesté une certaine insatisfaction en ce qui concerne la première version du projet de loi. Nous disions en somme que ce regroupement auquel voulait procéder le ministre avait pour conséquence un accroissement des pouvoirs de l'Etat. C'est souvent d'ailleurs ce qui se passe dans la première étape qui suit ou qui accompagne le regroupement, un peu comme si en regroupant plusieurs organismes on craignait les conséquences du geste que l'on pose et on sentait la nécessité d'accroître les pouvoirs de l'Etat pour que ce regroupement donne les résultats espérés ou ne se défasse pas immédiatement en une sorte d'anarchie. Nous voyons souvent qu'à la première étape de ces regroupements, l'Etat, inconsciemment ou consciemment, croit nécessaire d'accroître ses pouvoirs. C'est bien ce que nous avions constaté à l'occasion de la première version du projet de loi, car le gouvernement à ce moment-là ne donnait aux offices régionaux des affaires sociales que quelques-uns des pouvoirs que théoriquement la commission Castonguay-Nepveu lui accordait.

Nous avions, alors, cité les paragraphes de la commission qui s'appliquaient à la question et nous avions noté, par exemple, que le gouvernement n'accordait pas aux offices régionaux de santé le pouvoir d'élaboration et d'exécution des programmes, non plus que les budgets qui leur auraient permis d'exécuter ces programmes.

Dans la deuxième version que nous présente le ministre, nous voyons que la solution choisie s'éloigne encore davantage du rapport de la commission Castonguay-Nepveu. En un sens, nous le comprenons parce que dans la première version du projet de loi le ministre accordait aux offices régionaux des affaires sociales trop et trop peu de pouvoirs. Trop de pouvoirs en ce sens que l'office régional des affaires sociales pouvait être considéré et perçu comme un autre palier de gouvernement qui s'interposait entre les institutions et le ministère et à ce moment-là pouvait compliquer la gestion de tout le domaine de la santé, pouvait le rendre plus complexe et peut-être ajouter aux difficultés des institutions dans leurs rapports avec l'Etat. En ce sens-là, je pense que les critiques étaient fondées. Et trop peu de pouvoirs, cependant, parce que le gouvernement ne donnait pas à ces offices régionaux des affaires sociales les pouvoirs nécessaires qui leur auraient permis d'atteindre les objectifs que leur fixait la commission Castonguay-Nepveu.

Donc, nous sommes un peu d'accord avec le ministre lorsqu'il nous disait à une occasion antérieure: Ou il faut que l'office régional des affaires sociales ait beaucoup plus de pouvoirs, ou qu'il en ait beaucoup moins. Beaucoup moins: à ce moment-là il devient un organisme d'animation, de consultation, de préparation pour l'avenir. Beaucoup plus: à ce moment-là il devient le bras gouvernemental, une émanation du gouvernement ou encore, dans l'optique que je développais tout à l'heure, un véritable gouvernement régional en matière de santé.

Je suis convaincu que le ministre a dû longuement réfléchir aux options qu'il devrait prendre en l'occurrence. Il a, pour des fins probablement prudentes, opté pour la deuxième solution, c'est-à-dire qu'il a diminué encore les pouvoirs des offices régionaux des affaires sociales et il leur a donné comme mission de préparer l'avenir pour ainsi dire.

Il nous a donné, à l'appui de sa position, un certain nombre de raisons — que le député de Montmagny, d'ailleurs, a reprises jusqu'à un certain point — lorsqu'il nous a dit que nous manquons à la fois de données et à la fois de personnel compétent. Est-il vrai que nous manquions à ce point de personnel compétent étant donné que nos écoles d'administration forment de plus en plus de diplômés en cette matière? Est-il vrai que nous manquions plus de personnel compétent pour meubler le ministère des Affaires sociales que pour meubler les offices régionaux? Est-ce qu'il y a une telle différence numérique entre le personnel compétent qui serait requis par un ministère des Affaires sociales qui s'occupe de planifier la santé, les services sociaux à l'échelle du Québec et le nombre de fonctionnaires qui seraient requis par une organisation décentralisée? Au ministère, on retrouverait beaucoup moins de fonctionnaires puisque certaines des tâches qu'ils exerçaient seraient exercées au niveau des régions. Est-ce qu'il ne s'agit pas plutôt d'une répartition différente du personnel? Dans cette optique, aurions-nous besoin d'un nombre tellement plus élevé de hauts fonctionnaires pour faire fonctionner d'une façon plus efficace un ministère dégraissé, qui n'aurait plus autant de fonctions à exercer, et des offices régionaux qui, eux, au contraire, auraient un certain nombre de fonctions à exercer que le ministère exerçait auparavant? Je n'en suis pas sûr.

Donc, cet argument du personnel à former ne me paraît pas emporter complètement l'adhésion. Mais il y a aussi un autre facteur. Nous savons que, dans ce domaine, bien souvent c'est à l'exercice, c'est à l'oeuvre que se reconnaît l'artisan. Bien des gens peuvent travailler à des postes subalternes dans certaines organisations, justement parce qu'ils ne peuvent pas monter plus haut à cause de certains cadres, de certaines conventions collectives, de certaines habitudes administratives ou à cause de toutes sortes d'autres facteurs sur lesquels je ne veux pas m'étendre. Mais, lorsque ces fonction-

naires, ces employés, ces cadres ont le talent, font montre de l'initiative, de la compétence nécessaire, qu'on les sort d'un cadre où ils ne pouvaient plus progresser et qu'on les met dans un autre où on leur donne des tâches, des responsabilités à la hauteur de leur dynamisme et de leur compétence, on les voit faire plus que ce qu'on n'aurait jamais espéré.

Depuis dix ans, dans la fonction publique du Québec, nous avons vu des exemples de ce genre se répéter à plusieurs reprises, tellement il est vrai que la responsabilisation d'un individu constitue peut-être le facteur de motivation le plus important pour faire donner à cet individu plus que lui-même n'aurait jamais pensé pouvoir donner.

Je pense précisément à ces offices régionaux qui, par définition, sont beaucoup plus près des réalités d'une région, où déjà nous voyons fleurir toutes sortes d'initiatives, où nous voyons le zèle spontané d'hommes éclairés et compétents se manifester à plusieurs reprises. Il me semble qu'on pourrait trouver, dans ce réservoir, dans ce bassin de bonne volonté et de compétence ce qu'il aurait fallu, peut-être pas immédiatement mais dans un avenir rapproché, pour doter ces offices régionaux des affaires sociales d'un personnel compétent.

Donc, cette question de la compétence du personnel paraît devoir être étudiée d'une façon beaucoup plus approfondie.

Par ailleurs, il y a un autre argument que nous pouvons invoquer; c'est l'argument de la confiance que nous pouvons faire aux organisations régionales en raison même du rendement parfois erratique de certaines institutions. Il ne faut pas se surprendre, M. le Président, de ce rendement erratique, justement parce que nous ne sommes pas encore sortis d'une phase où régnait la liberté la plus grande des institutions, où régnait l'initiative personnelle de chacun. Nous sortons d'une phase, en somme, où l'ordre et la rationalité n'étaient pas instaurés.

Mais, si la situation change du tout au tout, n'est-il pas possible de prévoir, au contraire, que nous assisterons à une certaine organisation des volontés, qui constituera un facteur de cohésion, un facteur de direction et qui mettra tous ces gens à l'oeuvre, comme nous l'avons vu dans certaines régions, avant même que la loi existe? Il y en a eu dans la région nord de Montréal, dans l'Estrie, en Mauricie. Ces gens que la planification intéresse, qui font un inventaire des données, qui ont des solutions à proposer, justement, parce qu'ils sont du milieu, sauront éveiller les volontés et sauront instituer, pour eux mêmes, des mécanismes, ainsi que des méthodes de solutions à des problèmes qu'au fond ils connaissent mieux que tout autre.

Il nous semble donc que cette méfiance que nous pouvons avoir à cause du rendement actuel des institutions ne tient pas puisque les conditions actuelles pouvaient engendrer justement, ce "libertarisme " — si je peux me permettre ce néologisme — ou cette incohérence ou ce manque de coordination. Mais, dans des conditions nouvelles, il me semble que nous pourrions escompter un rendement qui pourrait s'améliorer, d'autant plus, M. le Président, que le ministère ne perdrait quand même pas son droit de regard, son droit de surveillance. Il pourrait donner, par exemple, ce budget global, qu'on donne aux institutions actuellement, à une région déterminée. A l'intérieur de ce budget global, il appartiendrait aux membres de l'office régional de déterminer la priorité d'attribution de ces fonds du budget global.

Il me semble donc que, dans un effort de responsabilisation, on devrait réetudier cette question d'une véritable décentralisation régionale, car je vois plus d'inconvénients à tout concentrer, encore une fois, au ministère, à perpétuer des relations directes entre chacun des établissements et le ministère, ce qui rend toujours très difficile l'équation des besoins et des ressources au niveau de chaque région et au niveau de chaque établissement; ce qui, sans l'annuler, diminue quand même le pouvoir d'initiatives, de responsabilités des représentants des institutions ou des régions.

Pour toutes ces raisons, il nous semble que la question n'a pas été suffisamment vidée et qu'on pourrait peut-être penser à une formule qui, tout en évitant certains des inconvénients que nous avons pu signaler forcerait la population à donner le meilleur d'elle-même par l'accent qu'on mettrait sur sa responsabilité et par l'appel qu'on ferait à ce qu'il y a de meilleur en elle-même, de même aussi que par le contrôle qu'on continuerait d'exercer, mais un contrôle, cette fois, beaucoup plus lointain, bien que toujours aussi efficace.

C'est la raison pour laquelle nous avons proposé, aussi bien à cette réunion préliminaire du 24 août qu'à la dernière réunion du 2 décembre, un renforcement des offices régionaux des affaires sociales, mais selon un certain calendrier, selon un certain échéancier. Par exemple, dans les articles de la loi on prévoirait certaines étapes et, à chacune des étapes, on prévoirait des fonctions avec les pouvoirs nécessaires à l'exercice de ces fonctions de façon que, graduellement, au fur et à mesure que ces organismes régionaux donnent des preuves de leur efficacité, de leur intelligence, de leur initiative, on les force à avancer d'un pas, plus loin.

Il faut agir de façon qu'ils arrivent le plus rapidement possible à l'objectif que s'est fixé la commission Castonguay-Nepveu, que se fixe le ministre et que se fixe évidemment celui qui vous parle au nom du parti que je représente.

Il nous semble, M. le Président, que cette chose est possible et que cette chose est nécessaire car, autrement, quelles seront les chances de réussite de ce conseil des affaires sociales? Etant donné qu'il n'est que consultatif, n'y a-t-il pas danger à ce que, lorsqu'il se présentera dans une institution, on l'envoie paître, on l'écoute doucement sans lui accorder

l'attention désirable, qu'on n'écoute pas avec assez d'attention les conseils, les recommandations qu'il fait, en somme qu'on ne l'écoute que pour la forme et qu'on continue de traiter des affaires sérieuses avec les représentants directs du ministère, c'est-à-dire à Québec?

On sait que ceci est difficile, coûte de l'argent à ceux qui ont à faire ces voyages, surtout quand ils n'ont pas beaucoup de moyens financiers à leur disposition. Ceci peut aussi encourager une certaine passivité, peut encourager les pressions qu'un établissement peut faire sur un gouvernement à l'encontre de tel autre. En somme, en ne voulant pas se dépêcher, peut-être que le gouvernement risque de retarder beaucoup plus qu'il ne croit l'oeuvre de modernisation, l'oeuvre de mise à jour qui est absolument nécessaire dans l'organisation des services de santé.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, aussi bien pour des impératifs humains, culturels, administratifs que pour des impératifs qui ont trait précisément à la situation actuelle, il nous paraît nécessaire de reprendre cette question du conseil régional des affaires sociales et de penser à d'autres façons, à d'autres méthodes qui auraient pour effet, selon nous, de nous rapprocher plus rapidement de l'objectif que l'on vise.

Je ne voudrais quand même pas prolonger trop longtemps cette discussion. Je dirai simplement en terminant que nous remercions également le ministre d'avoir fait en sorte que les lois concernant les corporations professionnelles aient été déposées à temps pour qu'on puisse, du moins, les parcourir dans leurs grandes lignes avant que nous abordions l'étude en comité plénier des articles du projet de loi no 65.

Bien sûr, nous aurions préféré avoir plus de temps pour étudier ces lois de corporations professionnelles et, en particulier, celles qui ont trait aux professionnels de la santé. Ceci nous paraît difficile en fin de session. Mais il reste quand même que nous avons pu, malgré tout, avoir une idée générale de l'orientation du gouvernement en ce domaine et que nous en profiterons lors de l'étude en comité plénier.

Tout ceci pour dire, M. le Président, ce que nous disions au début, que nous nous réjouissons que cette loi majeure nous soit enfin présentée, qu'il faut marquer d'une autre pierre blanche la présentation et l'adoption de ce projet de loi, qu'elle accentue le processus de modernisation de notre société, qu'elle nous fait faire de grands pas en avant dans la voie de la participation, dans la voie d'une certaine déconcentration, que ceci ne peut qu'être salué avec joie par toute la population, mais que nous continuons d'espérer que le ministère fasse montre du même dynamisme dans l'avenir et que, s'il ne consent pas à améliorer son projet de loi dans le sens de la régionalisation d'une façon immédiate, qu'il nous présente, dans les plus brefs délai, ce dont il parlait tout à l'heure, c'est-à-dire un schéma d'organisation régionale qui répondra aux impératifs de la personne humaine aussi bien que de notre société. Merci.

M. LE PRESIDENT (Carpentier): L'honorable député de Dubuc.

M. Roch Boivin

M. BOIVIN: M. le Président, si les mots sont encore le signe des idées, on peut sûrement dire que le projet de loi que nous avons devant nous, qui tente la réorganisation et la coordination des services sociaux et de santé, devrait pour le moins prendre le no 65 b).

Les changements importants dans la nomenclature et le bouleversement dans l'élaboration des organismes que désignait le no 65a) donnent au no 65b) une allure joliment nouvelle. C'est un projet de loi qui mérite d'être revu en son entier pour en faire une nouvelle étude en profondeur.

Le mot générique institution a été libéré pour retenir le terme établissement pour les organismes de base. Il serait peut-être plus exact de dire que plusieurs établissements du même genre formeront l'institution.

Il n'y a plus d'office régional des affaires sociales qui était un objectif fondamental du bill a). Il s'est transformé en un étrange conseil régional dont non seulement l'appellation, mais les fonctions et les objectifs sont totalement différents.

Par ailleurs, il est certain que les critères universels que M. le ministre a inscrits dans son projet b) qu'il désigne comme les grands objectifs ou les politiques avouées du ministère sont des abstractions de l'esprit qui n'augmentent en rien, ni le mérite, ni la valeur du concept de ce que devrait être le no 65a), pas plus que le no 65b).

Je ne veux aucunement mettre en doute l'honnêteté intellectuelle de l'honorable ministre des Affaires sociales lorsque je lui attribue ce que ses légistes veulent faire passer dans cette loi, lorsque j'affirme que la déclaration solennelle inscrite dans le no 65b) sur les droits de chacun et de tous pourrait bien être interprétée comme le présage, le privilège qu'il s'arroge dans les pouvoirs qu'il se donne.

Et ces pouvoirs il entend bien les exercer par-dessus la tête de tout un réseau d'institutions juridiques qui me paraît être pourtant démocratisé à l'extrême. Je veux parler ici des pouvoirs qu'on accorderait aux enquêteurs, au droit qu'on transférerait au ministre de juger des actes de ces institutions et de leurs fonctionnaires, ou pour le moins les charger du fardeau de la preuve au prétoire.

Je suis enclin à penser qu'il pourrait y avoir une infiltration du pouvoir judiciaire à l'exécutif. Je me demande si Sa Majesté, pour ne pas dire la démocratie, a de tels pouvoirs pour défendre même son existence en temps de paix. Je laisse à d'autres plus qualifiés le soin d'en faire une étude approfondie.

Rien ne me surprendrait que le noeud du problème soit là. J'ai assisté avec attention à toutes les séances de la commission permanente des Affaires sociales. Près de 100 mémoires ont été présentés, dont 70 furent entendus et discutés sur le bill no 65a). J'ai constaté avec combien d'appréhension et de crainte se manifestaient les représentants sérieux d'une clientèle actuelle et éventuelle et aussi particulièrement ceux qui ont et qui auraient à prodiguer les soins sous l'empire de ce projet.

Dans la ligne d'autorité et des pouvoirs délégués, peu de choses ont été changées dans le bill no 65b). Je veux bien croire que, dans le domaine de la santé et du bien-être, il faut rajeunir nos structures pour qu'elles soient plus souples et mieux adaptées à l'objectif.

J'ai la ferme conviction qu'il faut fournir à l'Etat un cadre administratif bien à lui pour mieux coordonner et mieux répartir les ressources qui doivent être de plus en plus volumineuses pour une société créatrice de besoins autant que de chômage.

Il ne faudrait cependant pas avoir la naïveté de croire que, quels que soient les contrôles que fournira à l'Etat ce projet de loi, il lui fournira plus de ressources en espèces. Nous aurons au contraire probablement la déception de déplorer de nouveaux coûts avec toutes ces structures nouvelles, et ce sera le coût des coûts.

Je crois cependant au phénomène de la participation. Participation de la part de ceux qui auront à payer la note, participation aussi de ceux qui prendront une part active à l'administration. Ce serait une formule d'animation sociale souhaitable, pourvu qu'elle soit faite au profit d'une saine administration. Le phénomène était déjà bien amorcé dans les institutions hospitalières et autres, comme les foyers, par la formation de corporations à but unique et sans but lucratif, sauf pour les unités sanitaires ainsi que les centres de services sociaux qui ne seront plus les émanations du ministère, mais bien des corporations juridiques de centres locaux de services communautaires et de centres de services sociaux au sigle de CSS.

J'ai même beaucoup d'espoir dans la formule du centre local de services communautaires, qui sera d'une souplesse bien imaginée si on sait bien s'en servir. Il serait à souhaiter que toutes les cliniques externes de nos hôpitaux, avec corporation séparée du centre hospitalier, deviennent des centres locaux de services sociaux communautaires. Elles susciteraient peut-être — ce serait souhaitable — des centres d'hébergement séparés, privés ou publics, qui nous fourniraient l'occasion de différencier le coût de ces derniers et celui des soins médicaux. Par ailleurs, cette formule de centre local de services communautaires saura aussi bien servir des secteurs géographiques fort mal dépourvus.

J'en arrive à cette étrange corporation du conseil régional qui viendra chapeauter ces quatre genres d'établissements à corporations à but unique que sont les centres locaux de services sociaux communautaires, les centres de services sociaux, les centres hospitaliers et les centres d'accueil.

Je vois franchement cette corporation juridique régionale comme une muraille entre le ministre et ses institutions. Elle ralentira les communications bénéfiques dans les deux sens. Le ministre et son ministère, dont l'autorité ferme et rapide est si souvent nécessaire, devront y pénétrer par infiltration ou par osmose. D'ailleurs, si on projette la fonction des officiers de ce conseil régional, un administrateur, c'est certain, un homme à tout faire, un contrôleur, sans doute, et un bon organisateur d'élection... aux élections créées par cette loi, aux établissements créés par cette loi.

UNE VOIX: Il n'y a pas moyen de se faire traiter...

M. MAILLOUX: ... depuis que les corporations existent.

M. PAUL: Voulez-vous prendre votre fauteuil pour parler?

M. MAILLOUX: Sans soumission publique, sans quoi que ce soit.

M. BOIVIN: Je n'ai pas dit que ce serait un organisateur d'élection sur le plan provincial, j'ai dit aux établissements créés par cette loi. Pourquoi ne pas faire confiance aux corporations de base qui sont pourvues d'hommes responsables, avec des conseillers juridiques et autres dans chacun des domaines dont ils ont la charge et la responsabilité? Pour fournir un personnel de taille à celles qui ne sont pas rentables, on songe plutôt à des fusions.

M. le Président, je veux bien donner mon accord pour la participation, mais pas au point de participer à l'édification de cette étape qui ne sera pour le ministre et son ministère qu'un pare-brise de l'autocontestation venant d'en bas. Ce serait consentir à l'abandon d'une société à laquelle on refuserait dorénavant son endossement. A moins qu'on veuille accélérer à ce niveau le phénomène de détérioration d'un climat social que l'on considère irréversiblement en voie de déperdition.

Dans le bill 65a) comme dans le b), après toutes les représentations, on a refusé, peut-être avec raison, de donner des pouvoirs à cette corporation régionale. Pourquoi s'acharne-t-on à vouloir garder ne serait-ce que ce filtre juridique d'une corporation? Le temps finira, j'en suis certain, par séparer le ministre et son ministère de ces institutions ou établissements dont il a réellement la responsabilité et la charge.

Je remarque, dans ce projet de loi, qu'on trouve le moyen d'élaborer sur les droits des citoyens, sur les devoirs de l'Etat de fournir à tous et chacun plus de secours en qualité, en

quantité et en continuité du berceau à la tombe. On y établit des structures, on y crée des fonctions nouvelles que complèteront les règlements. Je ne comprends pas pourquoi on n'a pas perçu la nécessité d'illustrer les motifs pour lesquels, avec raison, on s'affole au ministère des Affaires sociales qui, après tout, n'est pas un ministère à vocation économique.

Pourquoi inquiéter davantage ceux qui saisissent le problème et qui connaissent le volume et la capacité de nos ressources? Pourquoi créer de faux espoirs chez ceux qui en attendront infiniment plus après tant d'affirmations? Veut-on, tout simplement, gagner du temps? Croit-on encore, en haut lieu, à la compressibilité des coûts après tant d'élucubrations? Je sais que l'honorable ministre des Affaires sociales est un homme du métier, qu'il ne s'illusionne pas, mais je crois qu'il y gagnerait à faire connaître davantage, et dès à présent, à tous et à chacun le sujet de ses plus vives préoccupations et de ses plus profondes inquiétudes.

Qu'il le dise franchement. Il sait bien qu'actuellement, aux Affaires sociales, le problème est d'abord et surtout financier; que non seulement le volume, mais le rythme de progression des coûts est démesuré par rapport au produit national brut et que l'état du chômage qui s'accentue ne permettra aucune contraction du volume des allocations sociales. Quelle compressibilité peut-il attendre pour les dépenses de la santé? La société industrielle à laquelle nous sommes intégrés nous laisse voir les moyens permettant une consommation de masse de ses produits pour la prochaine étape. Qu'adviendra-t-il des services qui ne sont pas producteurs de richesses et dont le volume progresse au risque de créer la panique par l'explosion démographique qu'a créée la médecine moderne qui a porté la durée moyenne de la vie à près de 70 ans?

De 8,000 ans avant Jésus-Christ jusqu'en 1650, la population mondiale s'accrut de 50 p.c. à chaque millénaire; mais, de 1650 à 1965, ce taux s'éleva à 2,000 p.c. Il est donc 40 fois plus élevé aux temps modernes qu'à l'époque prémoderne. La projection de 1965 à 2000 implique presque la multiplication par deux de la population mondiale. Si le taux de croissance s'établissait au niveau évalué pour la période de 1965 à 2000, on aurait, au cours du prochain millénaire, une augmentation de 5,600 p.c, ce qui donnerait un total de population du globe de 358 milliards.

Ce sont des projections qui doivent nous faire réfléchir, nous les législateurs, et peut-être nous faire mieux comprendre la décision des deux grands leaders mondiaux partis sérieusement à la recherche de nouveaux continents, pendant qu'à l'autre extrémité on a décidé de tout couper des sources et des entrées. C'est là que je vous rejoins, sur le bill 65. Dire qu'on n'a rien fait encore pour la longévité de la vie! Plutôt, je devrais dire que c'est amorcé par la greffe des organes et, plus que cela, par le "bébé-labo" qu'on vous promet, par l'intervention de la génétique pour l'amélioration de la race, au point qu'on devrait, paraît-il, négliger les voies de la nature.

J'ignore, M. le Président, jusqu'à quel point vous devrez accepter ces sacrifices physiologiques en même temps que financiers.

Peut-être faudrait-il — il le faudrait sûrement — qu'intervienne le ministre des Affaires sociales, très bientôt et d'une façon très ferme, il faudra qu'on comprenne que la grande possibilité des forces techniques, économiques et sociales actuelles puisse entraîner des conséquences tout à fait indésirables.

Dans toutes ces lois dans le domaine des Affaires sociales comme le bill 65, ne devrait-on pas consulter le ministre responsable de l'Environnement? Il est temps qu'on apprenne que ce ministre est quelqu'un autre que le ministre des cheminées et des égouts, il est temps que l'on songe aux recherches, pour des décisions rapides, sur les conséquences physiologiques, psychiques, esthétiques, mystiques et morales de l'homme dans toute législation.

Les perturbations écologiques sur le plan physique sont négligeables à côté de celles qui touchent aux facultés supérieures de l'homme. On procède à l'analyse et à la synthèse de tous les systèmes. Pourquoi un jour et très sérieusement ne procéderions-nous pas à celle de l'homme et de l'homme en son entier?

Je connais le bienveillant ministre responsable de l'Environnement comme un homme très sérieux, il est issu de la race qui a donné au monde le plus grand des législateurs.

La socitété postindustrielle dont on parle abondamment nous apportera-t-elle dans un avenir rapproché une meilleure considération pour l'homme et pour l'homme en son entier? La société à idéologie scientifique dans laquelle nous vivons actuellement se préoccupe très peu de la désuétude des facultés supérieures de l'homme, et quelles que soient nos législations, si nous n'arrivons pas à corriger cette situation, ce sera la catastrophe.

Le bill 65 sera un instrument avec lequel il faudra travailler chez des individus qui déjà délaissent, abandonnent une société qu'ils ne croient pas être faite à leur mesure. Nous en avons eu une flagrante démonstration à la commission de l'Assemblée nationale où on est venu psalmodier sa rancoeur contre une société avec laquelle on refuse tout dialogue. Malgré ces imperfections, le bill 65 est un effort valable pour la coordination et la réorganisation de services sociaux et de santé, il faudra y collaborer. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, vous me permettrez, à l'ouverture...

Je pense que le président m'a donné la parole.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, vous me permettrez, à l'ouverture de ce commentaire que je veux le plus bref possible, de signaler le type de contribution que je veux faire à cette étude du projet de loi no 65, le signaler immédiatement en particulier à l'intention du ministre. La connaissance que j'ai du projet de loi no 65 et de la réforme majeure dans laquelle s'engage le ministère des Affaires sociales m'incite à apporter ce genre de parallèle que j'ai été capable de comprendre et d'édifier entre la réforme de l'éducation, qui s'est faite au cours de la dizaine d'années qui vient de s'écouler, et la réforme des affaires sociales, qui occupera vraisemblablement la décennie que nous avons entreprise avec l'année 1970.

M. le Président, je n'ai malheureusement pas pu suivre, comme je l'aurais voulu, les travaux de la commission parlementaire des Affaires sociales.

Au même moment un autre projet de loi très important, le no 28 dans le domaine de l'éducation, occupait à peu près avec les mêmes types de labeurs et les mêmes séances — dix, nous aussi; alors, c'est dix contre dix dans ce domaine — la commission parlementaire de l'Education.

Mais il reste quand même que je me suis tenu au courant du projet de loi. Le canal que constituait pour moi le député de Bourget, qui a participé à toutes les séances de la commission, me permet aujourd'hui, avec l'analyse que j'ai pu faire du projet de loi, de faire très brièvement quelques remarques qu'à mon avis le ministre devrait garder à l'esprit à l'ouverture de cette grande réforme dans le domaine des Affaires sociales.

Si je le fais, c'est qu'en écoutant le discours du ministre en deuxième lecture, ce matin, j'avais l'impression que, véritablement, la comparaison était possible entre ce que nous avons fait en éducation, comme Québécois, et ce que s'apprêtant à faire les Québécois à nouveau représentés par les gens de cette Chambre dans le domaine des affaires sociales.

Le ministre, décrivant la situation dans laquelle nous sommes dans le domaine des affaires sociales, parlait des disparités régionales et sociales qui sont immenses, des indices de santé inférieurs d'une région à l'autre, du morcellement, du cloisonnement qui existe dans le domaine de la santé comme dans le domaine du bien-être social. Il disait que les buts visés par le projet de loi no 65, appuyé par le Parti québécois, vont dans le sens d'une accessibilité plus grande, d'une personnalisation des services, d'une participation accrue des citoyens à ces services et, en même temps, d'une plus grande efficacité tant au chapitre administratif qu'au simple chapitre financier.

Ce sont là des thèmes que nous entendions au Québec, en 1961 et 1962, alors que le premier ministre de l'Education, l'ancien député de Vaudreuil-Soulanges, membre du gouvernement de l'époque, essayait d'expliquer à la population la grande réforme de l'éducation, laquelle tout le monde, encore une fois, avec plus ou moins d'accord, acceptait à l'époque. Or, je pense que le fait que le ministre décrive lui-même la réforme qu'il entreprend de cette façon ne m'a qu'incité encore plus à dresser un parallèle entre la réforme de l'éducation et celle des affaires sociales.

Je sais, quand même, que des réserves doivent s'imposer parce que toute comparaison ou tout parallèle que nous puissions faire entre deux réformes ne peut pas coïncider parfaitement. Par exemple, s'il est vrai que nous sortions, en éducation, d'un domaine de morcellement, de disparités comme celui des affaires sociales actuellement, il reste que la réforme de l'éducation s'adressait à un type particulier de la population, principalement les jeunes citoyens, alors que celle que je considère que nous entreprenons par la loi 65 vise l'ensemble de la population du Québec. Elle vise un domaine où le psychique est évidemment attaqué et partie présente. Le ministre en a tenu compte dans son discours de deuxième lecture et le député de Montmagny est intervenu aussi là-dessus. Mais elle touche aussi l'aspect proprement physique des personnes, ce avec quoi aucun d'entre nous ne peut jongler, alors que, dans le domaine de l'éducation, il se trouvait une situation tout à fait différente.

Je ne veux pas intervenir longtemps, je veux surtout signaler au ministre les accrocs qui sont arrivés dans la grande réforme de l'éducation et qui — si toute la comparaison est encore possible — sont possibles et prévisibles dans la grande réforme sociale que nous avons faite. J'aurais pu — et ce n'est pas par manque d'honnêteté et parce que je veux m'enfermer dans mon rôle de député de l'Opposition — signaler les heureux côtés de la réforme de l'éducation, et ils sont nettement majoritaires, et dire au ministre des Affaires sociales que sa réforme sociale aura aussi, de façon majoritaire, d'heureux côtés. Mais pour ne pas allonger le débat, je voudrais que mon intervention serve plutôt de mise en garde au ministre sur des écueils que la réforme de l'éducation a su éviter quelquefois, parfois ne pas complètement éviter et parfois elle a littéralement échoué.

Le premier accroc de la réforme de l'éducation, on peut le dire dix ans après, et je pense que le bilan est en train de se faire, a été de considérer le changement comme un remède en soi.

On en est venu, à un moment donné, à vouer un culte au changement, à le déifier d'une certaine façon, et, après, à en faire un veau d'or et à l'adorer. Tout à coup, après les quatre ou cinq premières années de réforme de l'éducation, où on a installé jusqu'au système collégial, les CEGEP en 1967, la réforme de l'éduca-

tion s'est mise à s'adorer elle-même. Les discours se sont mis à pleuvoir, tant du côté du ministre de l'Education, quel qu'il soit, de l'époque que de tous les critiques de l'éducation. On s'est mis à dire: Bien! nous en avons fait assez; appliquons maintenant les freins. Les discours changeaient complètement de ton. Ils n'étaient plus ceux de Gérin-Lajoie de 1963-1964, appelant les gens à participer à cette réforme. Ils devenaient des discours de modérateurs, des discours de gens qui disaient: Nous en avons fait assez; aux esprits impatients d'attendre; Il faut d'abord consolider l'édifice que nous avons fait. Cela ne se pouvait pas.

Si nous arrivons aujourd'hui dans le domaine de l'éducation à ce qu'on appelle un "malaise" —et cela très modestement — c'est parce que, justement, nous aurions dû être conscients en 1961 et 1962, que, quand nous choisissions la transformation du système de l'éducation, nous la choisissions pour toujours. Le choix que nous faisions de nous engager dans cette réforme-là ne voulait pas dire qu'il y aurait des périodes de haut ou de bas. Dans le domaine de l'éducation —le ministre, s'il était ici, serait probablement le premier à me donner raison; il l'a, d'ailleurs, fait, d'une façon très sobre, lorsque nous en avons discuté aux crédits du ministère de l'Education, l'année dernière — on ne peut pas dire: Ce n'est pas possible.

Je mets tout de suite en garde tous ceux qui, y compris mon propre parti, approuvent ce genre de réforme que nous entreprenons dans le domaine des affaires sociales, de ne pas en faire demain un veau d'or et de ne pas nous dire, après l'installation par étapes — on a bien spécifié qu'elle se faisait par étapes — bon, maintenant, appuyons les freins. Quant aux étapes que nous sommes, aujourd'hui, le 15 décembre 1971, légitimement en mesure d'espérer pour 1973 et 1974, par exemple, une plus grande décentralisation, un pouvoir de décision au niveau des ORAS, que le ministre refuse d'accorder, pour le moment, avec des raisons qui sont les siennes, on se consoliderait dans ce type de positions et on éviterait de les franchir lorsque le temps viendrait.

Nous nous sommes engagés dans la réforme de l'éducation pour toujours et nous nous engagerons, par l'adoption du projet de loi no 65 — j'espère que ce sera à l'unanimité de la Chambre — dans une réforme dans le domaine social, pour toujours également. Le changement n'est pas un remède en soi, au contraire. Le changement est un choix d'un changement perpétuel. Chaque chose doit durer le temps que cela prend pour la remettre en question, pas plus longtemps que cela et pas moins longtemps que cela, non plus. Je pense qu'un des défauts de la réforme de l'éducation a été d'installer, d'une manière honnête, le contenant et que, lorsque la préoccupation qui devait venir sur le contenu est arrivée, les hommes en place étaient fatigués. Ils avaient pris une mentalité de structures et évitaient...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON : Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: J'ai écouté, avec beaucoup d'intérêt, depuis le début, l'intervention du député de Saint-Jacques, mais je remarque qu'il parle beaucoup plus du bill 28 que du bill 65 en question. Alors, j'inviterais l'honorable député à revenir au bill 65.

M. CHARRON: Je regrette, mais je ne parlais pas du bill 28, du tout, M. le Président. Je ne sache pas que le leader du gouvernement ait appelé le comité plénier du bill 28 encore. Je m'efforcerai de revenir plus près du domaine des affaires sociales, si vous le voulez. Je voulais simplement vous faire remarquer que le premier écueil que la réforme de l'éducation n'a pas évité et que je voudrais voir la réforme sociale éviter, c'est de s'arrêter, c'est de faire, à un moment donné, de la redondance et de l'obésité. Je ne vois pas ce principe inscrit dans le projet de loi, bien sûr, mais, sachant que nous nous engageons dans une vaste réforme, c'est une chose que tous les parlementaires devraient accepter, au moment où nous adoptons le projet de loi no 65.

La deuxième chose, M. le Président, qui a marqué la réforme de l'éducation et qui marque aussi le début de la réforme des affaires sociales, c'est la priorité accordée aux structures. On se dit légitimement — je n'en veux à personne là-dessus — Bien, on permettra de développer un nouveau concept quand on saura avec quoi on part.

Il faut d'abord mettre les choses en place, il faut d'abord mettre des institutions.

Dans le domaine de l'éducation, M. le Président, on est en train de l'achever avec le bill 28, que vous me rappeliez à l'instant. Dans le domaine des affaires sociales, nous commençons ou nous avons commencé, si vous voulez, l'année dernière, en adoptant la création du ministère des Affaires sociales. Là, nous adoptons un mode de décentralisation des Affaires sociales mais, encore une fois, marqué avec l'esprit de la "structurite", si vous voulez, qui n'est pas en soi une maladie grave, qui peut l'être lorsqu'on s'y enferme soi-même.

Par exemple, c'est un objectif que l'on retrouve dans les deux réformes: celui de la démocratisation. On prend la démocratisation comme un objectif plutôt que de le prendre comme une étape essentielle. Je pense qu'un des écueils auquel se heurte la réforme de l'éducation, actuellement, est celle de dire que, parce que l'on a créé, par exemple, au niveau des CEGEP ou ailleurs cette structure qui ressemble beaucoup à celle des CLSC, qui ressemble beaucoup à celle des centres hospitaliers où différents groupes installés, certains avec deux sièges, d'autres avec trois, d'autres avec quatre, on a essayé de mettre toutes les parties prenantes autour de la table. Pouvons-

nous inspirer le ministre à partir de ce qui s'est passé dans le domaine de l'éducation? Son propre collègue, le ministre de l'Education, sera en mesure de dire que si le loisir lui en était donné ce soir, il modifierait profondément la Loi des CEGEP qui a créé cette espèce de participation à gogo, M. le Président, ou cette participation fictive.

Je pense que ce qui s'est passé en éducation nous permet de dire ce soir, avant l'adoption de la loi 65, qu'il vaut mieux ne pas faire de participation du tout que d'en faire une où les frustrations sont encore plus vives et où les affrontements sont encore plus pénibles et où une majorité ou une possibilité de décision est presque un phénomène rare à trouver.

Les amendements que je connais et que nous avons défendus autour de la table de la commission des Affaires sociales, le fait que nous ayons épousé tous les groupes qui venaient dire: Si vous voulez que nous participions, donnez-nous véritablement la participation, sinon, nous n'en voulons pas du tout, correspondait à cette philosophie.

L'expérience du Québec, depuis une dizaine d'années, devrait porter fruit dans la tête du ministre des Affaires sociales au moment où il s'engage dans cette grande réforme.

On peut bien au départ, cela va de soi, donner une priorité aux structures. Mais attention de ne pas faire ce que nous avons fait dans l'éducation et de nous y enferrer et d'éviter le débat sur le contenu. Nous sommes encore, dans le domaine de l'éducation, M. le Président, à édifier une structure pour l'île de Montréal alors que le véritable problème de l'éducation, à Montréal, n'est plus sur le contenant mais porte beaucoup plus sur le contenu.

Un troisième écueil que la réforme de l'éducation n'a pas su éviter: c'est quand elle a voulu séparer la révolution pédagogique de la révolution culturelle, quand on a voulu véritablement parler d'instruction plutôt que d'éducation, quand on s'est efforcé de se rabattre au niveau de termes, de collèges, de classes, de cours, alors que le véritable changement nécessitait une ouverture beaucoup plus large. Au fond, ce qui est remis en question dans le domaine de l'éducation, c'est la notion même de connaissance.

Le ministre sera d'avis que la moindre écoute de la société québécoise, maintenant, nous permet de voir que ce qui est remis en question, c'est la notion même de service social, c'est la notion même de service de santé, c'est la notion même de "welfare aid", c'est la notion même d'aide sociale. Le ministre en tire une expérience. La tournée qu'il a faite, pour expliquer son bill 65, tournée que j'ai d'ailleurs largement apprécié de le voir faire, s'est, la plupart du temps, soldée par une vaste rencontre sur le bill 26 où la théorie même de l'Etat qui aide l'individu est remise en question.

Je pense qu'il faudrait nous appliquer ici, autour de la table, lorsque nous serons en comité plénier, à préciser nettement, dans le vocabulaire, ce qu'est un service de santé, ce qu'est un centre hospitalier, ce que sont les centres d'accueil, etc. etc. On s'enferre dans ce type de service de santé pour oublier que ce qui est contesté actuellement — et donc nécessité dans nos amendements — c'est une souplesse.

Les structures que nous devons établir dans le domaine de la santé doivent être beaucoup plus souples au changement, beaucoup plus ouvertes à la remise en question du fond même que ne l'ont été les structures que nous avons édifiées dans le domaine de l'éducation.

Il y a un thème que chacun des membres de l'Opposition — à l'instar du ministre ce matin — a repris, je pense, c'est celui de la nécessité de la personnalisation des services de santé. Voilà un thème qui n'existait pas quand nous avons engagé la réforme de l'éducation. On le découvre maintenant.

Les jeunes se disent dépersonnalisés dans le système que nous avons fait. Il est bon qu'au moment où nous entreprenons la réforme des affaires sociales, nous sachions qu'un des premiers objectifs auxquels nous avons à répondre, pour ne pas nous retrouver contre le même écueil que nous connaissons en éducation, c'est celui de la personnalisation des services. Il faut donner une priorité aux structures, soit. Mais ne pas les séparer de la vaste révolution culturelle que connaît le Québec actuellement.

Finalement, deux brèves remarques sur les écueils plutôt techniques qu'a rencontrés la réforme de l'éducation. Le premier a été cette mentalité avec laquelle nous avons procédé dans le domaine de l'éducation, à savoir que l'école devait nécessairement déboucher sur le marché du travail.

On a édifié un système sous le chapitre d'une rentabilité économique nécessaire. Il ne faudrait pas que dans le domaine des affaires sociales on édifie un système dans le seul objectif d'une rentabilité économique où chaque investissement rapporte sinon plus ou moins autant que ce que nous avons fait. Encore là, je fais un appel à la souplesse.

Il est possible que certaines structures que nous allons édifier ne rapportent pas automatiquement ce qu'elles vont rapporter en 1975 ou 1976 après une période d'apprentissage. Mais ce n'est pas une raison pour les refuser ce soir.

J'écoutais tout à l'heure mon collègue de Bourget, qui se faisait le défenseur des ORAS première version et même version amplifiée, contrairement à la deuxième version du bill no 65. Le ministre nous disait dans son discours: Nous avons décidé de modifier la nature des ORAS parce que nous ne croyons pas que nous sommes prêts; cela devra venir plus tard.

A l'instar du député de Bourget, je crois qu'il y a suffisamment d'indices. Il ne faut pas attendre que les gens viennent le demander en face du Parlement par une manifestation. Je crois qu'il y a suffisamment d'indices sur lesquels un Etat qui veut aller dans ce sens-là,

qui ne calcule pas toujours strictement en termes de rentabilité économique immédiate, doit se baser.

Ce qu'apportait tout à l'heure le député de Bourget comme indices que dans les différentes régions du Québec on peut déjà procéder à une décentralisation beaucoup plus grande que ne le fait la deuxième version du bill no 65 m'incite à dire que nous devrions épouser les idées du député de Bourget et les consacrer là-dedans. Je ne pense pas qu'on puisse entreprendre de cette façon une réforme qui peut toucher la vie sociale du Québec en profondeur et automatiquement après ça se mettre à calculer au cent ou à la piastre près, et dans une rentabilité très stricte.

Je ne crois pas que c'est ce que fait le ministre des Affaires sociales actuellement, mais je le mets en garde contre le fait que certaines dispositions de la loi incitent ceux qui vont vivre dans cette structure à le faire par la suite.

Cinquième et dernière remarque. Qui a paralysé en grande partie les fruits ou qui nous a empêchés de récolter tous les fruits que nous espérions de la réforme de l'éducation? C'est la sempiternelle bureaucratie qui accompagne toutes ces réformes. Je pense que la grosseur de l'édifice que nous avons construit dans le domaine de l'éducation, l'incapacité qu'on a aux échelons les plus bas de prendre les décisions sans que le ministre de l'Education ou un de ses plus hauts fonctionnaires soit directement impliqué, les réquisitions à quinze ou à vingt copies, les promenades continuelles d'un échelon administratif à l'autre, les adjoints multipliés par les sous-adjoints, etc., ne sont certainement pas des choses qui ont aidé à obtenir tous les fruits que nous espérions quand en 1961 ou 1962 nous nous engagions dans la réforme de l'éducation.

Est-il possible d'édifier tout ce système de réformes sociales que comporte le bill 65, sans qu'en même temps, nous amplifIlons une bureaucratie des affaires sociales qui est déjà vaste, pénible, tatillonne à certains égards et de laquelle, je pense, la plupart des députés des comtés défavorisés ont déjà une vaste expérience? Combien de fois avons-nous à nos bureaux de comté des gens qui viennent là pour la seule et unique raison que la bureaucratie est déjà trop vaste et trop pénible, et qu'ils ne savent plus à quelle porte s'adresser exactement et qui vont trouver le visage humain qu'ils connaissent, c'est-à-dire le député de leur comté!

Combien de fois notre travail en est tout simplement un de dépistage à travers l'administration et combien de fois des services que nos concitoyens disent qu'on leur a rendus avec beaucoup d'effort n'ont consisté à toutes fins pratiques qu'à placer un appel téléphonique à un fonctionnaire bien placé qui rend le service auquel il est appelé ! Est-ce qu'il est possible de créer une réforme administrative de cette envergure sans qu'elle ne se transpose par une amplification de la bureaucratie?

J'ai tenu, en novembre dernier, avec des citoyens de mon comté une réunion d'information sur le bill 65 et je suis député d'un comté où nous avons largement affaire à la loi 26 et aux bureaux d'aide sociale. Je dois vous dire la toute première remarque qui me venait des citoyens. Ils me disaient: M. le député, est-ce que ça veut dire que ça va être encore plus difficile de se faire servir? Est-ce que ça veut dire qu'on va être encore plus numéro qu'avant? Qu'on va avoir un numéro à la fois au centre d'accueil, qu'on va avoir un numéro au CLSC, qu'on va avoir un numéro dans les centres hospitaliers, qu'on va avoir un numéro d'assurance-maladie? Est-ce que c'est ça que ça veut dire?

Est-ce que ça signifie que le fait de créer de nouvelles étapes administratives va simplement vouloir dire — et là je reviens à ce que je disais tantôt — une dépersonnalisation plus grande? Le ministre disait, comme but visé, une efficacité plus grande, des coûts administratifs moindres. Est-ce possible? J'attends, l'étude en comité plénier. Je devrai attendre ce comité pour ma part, parce que je n'ai pas pu assister aux travaux de la commission parlementaire, pour en avoir l'assurance.

Je crois bien que s'il est un domaine où nous avons échoué en éducation, c'est que nous n'avons pas pu entreprendre cette grande réforme pédagogique, que nous n'avons pas pu entreprendre cette grande réforme paraculturelle qui accompagne la réforme de l'éducation, sans la cristalliser, sans l'embêter, sans la mettre dans des corridors éternels et une bureaucratie étouffante.

M. le Président, il y a une dernière remarque que nous voulons faire. La réforme de l'éducation a obligé tout le monde qui y a vécu, les parents les premiers d'ailleurs, les professeurs, les directeurs, les personnels administratifs de commissions scolaires, les employés du ministère, à se remettre en question. On oublie souvent de dire aussi qu'un des groupes les plus importants qui a eu à se remettre en question fondamentalement dans cette réforme-là, ç'a été les étudiants. La vie a profondément changé à l'intérieur des écoles et du jour au lendemain on a demandé cela à des jeunes qui ont peut-être moins de capacité d'adaptation qu'on ne le croit souvent.

La réforme des affaires sociales va obliger tout le monde, tous les professionnels de la santé, tous les techniciens des services sociaux, tous les techniciens des services de la santé, à se remettre en question et à épouser une nouvelle philosophie. Je pense que les séances de la commission parlementaire des Affaires sociales ont prouvé au ministre que cette préparation n'était peut-être pas aussi grande qu'on le croit.

Il est venu plusieurs témoins, alors — on le revoit à lire le journal des Débats, les séances de la commission — dire: Nous ne croyons pas être prêts ici, être prêts là. Dans les amendements que le ministre a apportés dans sa deuxième

version du bill, il a donné son acquiescement à certaines personnes se disant non prêtes à recevoir les responsabilités qu'on était prêt à leur confier par la nouvelle structure.

Voilà aussi un autre danger que l'expérience de l'éducation nous incite à répéter au ministre et à éviter dans le domaine des affaires sociales. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Carpentier): L'honorable député de Gaspé-Sud.

M. Guy Fortier

M. FORTIER: M. le Président, lors de la présentation en deuxième lecture de ce projet de loi, je voudrais faire un bref commentaire. Après avoir entendu, comme président de la commission, les différents mémoires présentés par au-delà de 70 organismes et après avoir lu les mémoires de 30 autres, j'ai compris exactement la politique de M. Castonguay, qui veut aider la population et établir adéquatement dans le territoire du Québec les services que l'on doit mettre à la disposition des gens du Québec.

J'ai remarqué aussi, lors de ces auditions, que tous les membres de la commission ont fait des commentaires, ont questionné les différents organismes. Le ministre s'est prêté aux questions posées et a expliqué le projet de loi. A la fin des travaux, nous avons eu une réunion des membres de la commission, qui se sont exprimés. Le ministre a expliqué, de façon très rationnelle et je dirais même très agréable, comment il mettrait un point final à ce projet de loi.

Je dois dire aussi que j'ai vécu, dans le monde médical, différentes étapes: l'assurance-hospitalisation, qui a permis aux malades de se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux, l'assurance-maladie, qui a également permis aux malades de se faire traiter gratuitement par le médecin de leur choix,

Il fallait en arriver tout de même à l'organisation des services de santé et des services sociaux. Dans toutes les régions, dans nos bureaux, quand nous traitons un patient nous avons également à nous occuper de son problème social.

Je suis très heureux que ce projet de loi permette à chacun d'avoir des établissements de santé, ainsi que des services sociaux à sa disposition, dans sa région ou dans sa localité par les centres locaux de services communautaires.

M. le Président, le programme établit actuellement qu'il y aura un conseil régional des affaires sociales, qui pourra consulter, aider à planifier et également conseiller le ministre sur les différentes organisations de santé et de services sociaux qui existent dans la région. La participation de la population, qui a été demandée par les membres de la commission, a eu lieu lors de la présentation des différents mémoires. Elle est maintenant chose accomplie, puisque le peuple participera à l'administration des différents centres et des différents établissements. C'est une chose extrêmement importante que le public participe à l'administration des affaires sociales auxquelles il a droit afin de connaître le coût et de savoir comment une direction générale doit procéder pour atteindre un meilleur rendement dans toutes les localités du Québec.

Il y a une chose sur laquelle je voudrais attirer l'attention, c'est que les centres locaux de services communautaires vont permettre à la population immédiate de se rendre dans ces centres, de recevoir des services médicaux dans l'immédiat, quand il ne s'agira pas de services spécialisés. Les gens seront dirigés vers des centres spécialisés grâce à ces centres locaux de services communautaires qui leur donneront les moyens d'être soignés.

Les centres d'accueil vont, enfin, permettre, et cela avec continuité, de donner à l'enfance exceptionnelle, aux enfants qui ont besoin de soins spéciaux, les soins et l'éducation dont ils ont besoin. L'enfant exceptionnel ou l'enfant retardé a des droits que nous devons reconnaître, mais nous devons les faire en lui donnant ce dont il a besoin. Ces centres doivent donc être établis. Je n'ai aucun doute que, de la façon dont le ministre veut procéder — c'est une façon méthodique — ces centres d'accueil rendront d'immenses services à notre population.

Il en est de même pour nos vieillards qui semblent avoir quelques problèmes avec les centres où ils résident et je crois qu'il faut, avant de penser à construire une institution pour vieillards, savoir d'abord ce qu'on fera avec ces gens moins jeunes, savoir quelle vie ils veulent vivre, et je crois que c'est là une des fonctions des centres d'accueil.

Quant aux centres hospitaliers, je suis conscients que les médecins y auront encore, par le Conseil des médecins et des dentistes, avec le conseil des professionnels, un rôle important à jouer, et également, ils pourront faire partie et jouer un rôle dans des centres de services sociaux.

M. le ministre, comme député et comme médecin, vous avez présenté un projet de loi que je trouve rationnel et je vais voter pour ce projet de loi avec plaisir, car vous allez rendre là d'immenses services à toute la population, et je tiens à vous en remercier.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, nous avons à étudier aujourd'hui un projet de loi d'une importance capitale, à mon sens, à la suite d'un autre projet qui était une étape, on l'a mentionné, le projet de loi de l'assurance-maladie. Cette fois, c'est la Loi de l'organisation des services de

santé et des services sociaux. Ce projet de loi touche à la fois l'homme dans son aspect physique et également dans son aspect moral. Ce superministère des Affaires sociales, qu'on a qualifié et qu'on peut continuer de qualifier de ministère de concentration de pouvoirs, est à mettre sur pied un mécanisme complet de réorganisation de tous les services de santé et des services sociaux.

C'est une autre tranche que ce gouvernement réformiste veut appliquer à l'ensemble de la collectivité.

Mais, une question se pose: Est-ce le temps? Est-ce le moment? Est-ce que cette société est prête à subir ce soubresaut dans cette réorganisation?

M. le Président, nous avons écouté, comme le ministre, avec beaucoup d'attention un grand nombre d'organismes qui ont cru bon de venir se faire entendre à une commission parlementaire, celle des Affaires sociales. Je pense que là nous avons quand même la preuve que, premièrement, la population s'intéresse d'abord à cette réorganisation, à cette réforme, dans un domaine aussi important, celui de la santé; deuxièmement, cette participation de différents organismes prouve également que, dans sa forme originale, le projet de loi était loin d'être acceptable et qu'ils désiraient des modifications. La plus grande preuve d'une aussi grande participation d'organismes est cependant autre. Elle exprime un malaise très profond dans notre société qui doit être corrigé, peut-être plus graduellement qu'on veut le faire actuellement, mais des modifications s'imposent. Et là, nous sommes en droit de mentionner que les grands objectifs définis ou décrits par le ministre dans l'énoncé de principe de son projet de loi ont reçu l'accord de presque tous les groupes. Ce fut presque unanime.

Cependant, nous regrettons, comme plusieurs groupes l'ont regretté, que ce projet de loi soit rédigé avant la parution de la dernière tranche de la commission d'enquête, qui aurait peut-être orienté cette réorganisation des services de santé et des services sociaux tout autrement que nous le voyons aujourd'hui.

D'autres groupes ont semblé dire que dans cette grande réforme sociale, si on peut s'exprimer ainsi, il était dangereux pour le ministre de mettre tous ses oeufs dans le même panier pour une autre grande raison, et on l'a mentionné à plusieurs reprises à la commission parlementaire: c'est que plusieurs objectifs visés par ce projet de loi ne seront malheureusement jamais atteints à cause des difficultés et à cause des contraintes budgétaires auxquelles cette loi se heurtera.

Le ministre des Affaires sociales a dénoncé plusieurs lacunes, plusieurs difficultés que connaît le système actuel affectant même la santé, dans bien des cas, de la population. Le premier but visé, dans une réorganisation, est d'abord l'amélioration de l'état de santé de la population, l'accessibilité à ces services. La santé, bien sûr, est un bien périssable. On se rend compte de sa grande valeur une fois qu'on l'a perdue.

Cette réorganisation doit d'abord être établie en conformité avec une liberté, tout en laissant une autonomie complète à l'homme dans le choix des services ou des institutions. Il ne faut pas écarter non plus le fait que cette loi doit couvrir plus grandement et plus adéquatement la sécurité de chacun des membres de cette société qui expriment le désir de participer de plus en plus à l'élaboration des lois et à la mise en place des mécanismes mêmes en désirant obtenir, en quelque sorte, le centre des décisions.

Il serait bien facile d'annoncer que ce projet de loi semble prouver une certaine efficacité d'un régime. Il est malheureusement trop tôt, M. le Président, pour dire que ce projet de loi réglera tous les problèmes dans le domaine des affaires sociales et de la santé. Je pense que ce serait se conter des peurs que tenter de le faire croire. Bien sûr, ce projet de loi augmentera probablement le rendement des services offerts. Nous espérons également qu'il en augmente la qualité. La qualité des soins, je pense qu'on n'a pas besoin de la discuter, étant donné qu'on a fait écho qu'au Québec nous devançons plusieurs autres puissances dans la distribution des soins de santé.

Considérant, M. le Président, qu'il est six heures, je propose la suspension de nos travaux.

Commission des Affaires municipales

M. LEVESQUE: M. le Président, avant de faire motion pour la suspension des débats, qu'il me soit permis de solliciter le consentement unanime de la Chambre pour entendre le rapport du député de Taillon sur la commission parlementaire des Affaires municipales relativement au bill 48.

M. LEDUC: M. le Président, la commission des Affaires municipales a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son deuxième rapport. Votre commission s'est réunie pour étudier le projet de loi no 48, Loi sur l'évaluation foncière, les 9 septembre, 7 octobre, 2 novembre, 3 novembre, 30 novembre et le 1er décembre 1971. Cinquante-et-un organismes ou personnes ont présenté leurs observations ou recommandations sur le projet de loi.

Votre commission s'est réunie à nouveau pour étudier le projet de loi no 48 réimprimé, Loi sur l'évaluation foncière, les 14 et 15 décembre 1971.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que ce rapport est lu et reçu?

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, un seul commentaire. Je n'ai pas pu consulter le leader de l'Opposition officielle ni ceux qui ont participé aux séances de la commission, mais je présume que tout est

régulier. Connaissant le ministre des Affaires municipales, son souci d'allonger les débats quand il n'y a pas assez d'objections et en suscitant même parfois, je présume que nous pouvons accepter ce rapport.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose la suspension des travaux jusqu'à vingt heures quinze.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 18

M. CARPENTIER (président): A l'ordre, messieurs !

Le député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, avant la suspension du débat, j'en étais à souligner que le ministre semble bien sûr à l'avance que son projet de loi connaîtra les résultats escomptés. Mais, comme le dit le député de Saint-Jacques, si on établit un parallèle entre le ministère de l'Education et celui des Affaires sociales, l'échec devrait nous servir de leçon et nous inviter à la prudence.

Bien sûr, il faut souligner qu'il manque nettement de coordination entre les services actuels. On le reconnaît, mais est-ce là une raison suffisante pour nous permettre de débâtir, de démolir ou d'oublier ce que d'autres ont fait bien avant nous? Je pense, M. le Président, qu'au moins il faut le reconnaître et leur en accorder le mérite. Le système que nous avons présentement s'est établi graduellement. Ici, je me pose une question: Lui a-t-on permis de jouer pleinement son rôle? Lui a-t-on donné les outils nécessaires afin de se parfaire et de fournir les services que nous en attendions?

M. le Président, quand on regarde un projet de loi comme celui qui est à l'étude actuellement, on est porté à croire que l'Etat se prépare à exercer un contrôle total de l'activité de l'homme. Désormais, le droit à la santé dépendra de l'Etat. Le droit à la vie même dépendra de l'Etat. A partir de ce moment-là, je pense qu'il est dangereux de développer dans la société un sentiment de sécurité qui est faux, mais qui engendrera, à court ou à long terme, un autre sentiment, celui de la dépendance avec les années.

On n'a qu'à regarder; je pense que c'est même commencé. Est-ce de cette façon, M. le Président, qu'on peut dire qu'un peuple s'affirme, qu'un peuple est lui-même? Pourquoi les choses arrivent-elles ainsi? Le gouvernement décide de prendre la responsabilité à la place de l'individu et, dans tous les domaines, on remarque que l'Etat s'empare du pouvoir. L'Etat, en quelque sorte, se substitue à l'individu et prend la responsabilité à sa place.

M. le Président, dans cette réorganisation des services de santé et de bien-être social, je pense qu'il faudrait y aller d'une façon prudente, c'est-à-dire d'une façon beaucoup plus graduelle.

Le ministre a modifié son projet de loi. Dans sa forme réimprimée il a fait quelques pas, je dirais, en arrière pour tenter d'amoindrir la marge jusqu'à une réorganisation complète. Je pense qu'il a tenté de la réduire là où il aurait peut-être pu faire un pas trop grand, auquel on n'aurait pu s'habituer facilement.

Il ne faut pas ajuster la société à des besoins

politiques, mais bien ajuster la politique aux besoins de cette société parce que les besoins politiques sont soumis à un contrôle financier. Bien sûr, nous reconnaissons également que cette mesure législative est une mesure louable, mais à mon sens, elle est un peu prématurée. On est tenté, encore une fois, de souligner l'échec dans le domaine de l'éducation. Dans son discours, annonçant son projet de loi, le ministre a parlé de l'intégration des dispensateurs des services de santé. Bien sûr, ce doit être un des objectifs premiers, des objectifs principaux.

Il faut dire que si le professionnel ne s'intègre pas au système, il ne peut pas donner le rendement qu'on attend de lui. On est en mesure de dire actuellement qu'en plus de cette planification et de cette coordination, il va falloir désormais faire en sorte que le professionnel soit de plus en plus responsable de la dispensation des services et que ce professionnel de la santé ait non seulement la chance, mais le devoir de participer ainsi que la population, à la direction de ces centres de service.

La participation de la population est-elle possible? Moi, je dis que oui. Elle est possible et je pense que c'est une expérience à tenter. Si, plus tard, on se rend compte que la participation n'a pas été celle qu'on attendait, il y aura tout de même lieu de prévoir d'autres mécanismes qui feront en sorte que la population soit bien consciente de sa fonction, de ses responsabilités en autant qu'on lui laissera des responsabilités.

Il n'y a rien de plus malheureux que de faire croire à quelqu'un qu'il a des choses à décider, qu'il a des choses à voir dans un domaine et qu'il se rende compte, ensuite, que son action est complètement inutile.

M. le Président, sur quoi nous baser pour d'abord défendre, ou combattre ce projet de loi? Je pense que nous devons remercier ici tous les organismes qui se sont présentés à la commission parlementaire. Nous avons eu la chance d'abord de les entendre et ensuite de les questionner. Je dirais qu'à défaut de publication du rapport de la commission d'enquête, on a quand même pu se baser sur l'ensemble des propos étant donné que ces organismes ont été nombreux et ils ont été, je pense bien, dans l'ensemble également, objectifs. Comme législateurs, nous désirons apporter à ce projet de loi autant d'améliorations que possible même s'il est loin d'être parfait. On dirait même que nos gouvernants continuent à favoriser une superstructure de millionnaire avec une infrastructure de quêteux, il y a des richesses au Québec mais la population est pauvre et a de la difficulté à joindre les deux bouts. Le bill 65 constitue-t-il une chance pour que la société soit mieux conditionnée et réponde mieux à ce que, même nous, dirigeants d'Etat, sommes en mesure d'attendre d'elle? Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Charles Tremblay

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est bien ça, M. le Président.

Voici quelques remarques au sujet du projet de loi no 65 maintenant à l'étude. Le ministre, dans la nouvelle version du projet de loi, a apporté quelques amendements qui sont un peu en accord avec les suggestions qu'avait faites le Parti québécois. Là-dessus, je le félicite surtout, par exemple, d'avoir amendé l'article qui parle de la formation des conseils d'administration pour les centres hospitaliers et pour les centres d'accueil.

On disait, en commission parlementaire, que le lieutenant-gouverneur avait une très grande discrétion quant au nombre de membres qu'il pouvait nommer à ces conseils d'administration.

Pour les conseils d'administration des centres hospitaliers, le lieutenant-gouverneur pouvait nommer sept membres et cela est réduit à deux, je crois. Pour ce qui est des centres d'accueil, le ministre a aussi accepté une de nos suggestions — elle avait été faite aussi par d'autres participants à la commission parlementaire — portant sur la formation des conseils d'administration des centres d'accueil. Nous avions suggéré de nommer au moins deux représentants parmi les pensionnaires ou les gens qui avaient été soignés à ces institutions. Cette suggestion a été acceptée, si je comprends bien, dans la nouvelle version du projet de loi. Je félicite le ministre de ses amendements.

On avait aussi parlé, à la commission parlementaire, d'un article qui avait des implications considérables. Il s'agit de l'article 145 du projet de loi. Le ministre nous avait dit qu'il consulterait ses conseillers juridiques pour avoir une nouvelle formule de l'article 145.

M. LEVESQUE: Nous sommes en deuxième lecture.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que je parle du principe?

M. LEVESQUE: Vous parlez d'un article en particulier.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Très bien, oui. Tout de même, je parlais des implications du projet de loi qui pouvaient être néfastes même à la sauvegarde des droits acquis des employés régis par les conventions collectives en vigueur. En somme, des amendements qui nous semblent favorables ont été apportés dans ce sens-là. On aura peut-être d'autres suggestions à faire en comité plénier.

Cependant, lorsque nous avons écouté les corps intermédiaires, les différents groupes qui se sont présentés à la commission parlementaire pour exposer leurs points de vue, pour faire des recommandations, des critiques même du projet de loi, il y a surtout un mémoire qui m'a intéressé principalement.

Il s'agissait du mémoire de la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles où on demandait avec insistance au ministre qu'aux conseils d'administration des CLSC, c'est-à-dire des centres locaux de services communautaires, les citoyens soient en majorité.

Je pense qu'à ce moment-là le représentant de la clinique communautaire, qui était M. Tremblay, s'était servi d'une expression pour expliquer les raisons pour lesquelles il aurait aimé que les citoyens soient en majorité aux conseils d'administration. A une question que nous avions posée au représentant de la clinique communautaire, il avait répondu: "Vous allez dire qu'une participation réelle, cela veut dire cinq citoyens contre cinq professionnels. Pas du tout, ce n'est pas cela. Vous ne savez pas quelle influence un professionnel peut avoir sur un citoyen. Il va le charroyer, il va lui vendre n'importe quelle idée. C'est pour cela que pour nous la participation réelle, c'est la participation en majorité."

Nous étions d'accord sur cela, surtout en ce qui concerne les centres locaux des services communautaires. Je pense que l'expérience que nous avons vécue dans Pointe-Saint-Charles nous a démontré que les citoyens veulent réellement participer à ces organismes. Ils ont la certitude, à ce moment-là, de participer à l'administration d'organismes gouvernementaux. Je pense que c'est la motivation qu'il expliquait en commission parlementaire.

Nous regrettons beaucoup que le ministre n'en soit pas venu aux demandes de ces citoyens. D'ailleurs, plusieurs autres organismes lui avaient aussi demandé l'instauration d'une majorité de citoyens aux conseils d'administration des CLSC. Entre autres, vous aviez le mémoire du Conseil de développement social qui avait parlé dans le même sens, ceux de la Campagne des fédérations du grand Montréal, du Conseil du bien-être du Québec, du South Shore Community Service, du Conseil des oeuvres et du bien-être, du Front commun syndical et de nombreux comités de citoyens. Tous ces organismes, dans leur mémoire, demandaient une plus grande participation de la part des citoyens dans les conseils d'administration des centres locaux de services communautaires.

Dans la nouvelle version du projet de loi que nous a présentée le ministre, il n'y a pas de changements, semble-t-il. Je me rappelle, entre autres, qu'en commission parlementaire les représentants du Front commun des syndicats, par exemple, avaient beaucoup appuyé là-dessus. Ds avaient même insisté, en disant qu'il était très bon que les citoyens participent, en majorité, à ces centres locaux de services communautaires, qu'ils étaient motivés et que c'était un moyen de faire fonctionner l'organisme avec la participation de tous les citoyens, de même que tous les autres organismes que je viens de citer.

Franchement, nous aurions aimé, pour la formation des conseils d'administration de ces organismes, que les citoyens soient en majorité. Je me demande pourquoi le ministre n'a pas accepté ces suggestions. Peut-être qu'il a des raisons et qu'il en parlera dans sa réplique. Tout de même, j'insiste sur les arguments que nous avaient présentés, à ce moment-là, les représentants de tous les organismes.

Ce sont là les quelques observations que j'avais à faire sur le projet de loi. Il restera à l'étudier en comité plénier et à proposer les amendements qui s'imposent.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. Aurèle Audet

M. AUDET: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé que nous a fait le ministre des Affaires sociales au sujet du bill 65, Loi de l'organisation des services de santé et des services sociaux. Lorsqu'il parle de meilleure coordination, de planification entre les différents services de santé et de bien-être par des contrôles plus adéquats en vue d'assurer des services de qualité et le respect de la personne humaine, ceci m'amène à me poser de sérieuses questions, à savoir si le ministre est sérieux et s'il n'est pas en train de nous monter le plus beau bateau qu'aucun gouvernement à tendance socialiste du Québec nous ait encore présenté à l'Assemblée nationale.

M. le Président, comment le ministre peut-il prétendre améliorer la qualité des services de santé et de bien-être en intensifiant l'emprise de l'Etat sur ces services à tous les niveaux, quand on peut déjà constater une détérioration très marquée de cette qualité des services depuis l'établissement de l'assurance-santé?

Nous comprenons que, maintenant que le gouvernement a pris à sa charge la responsabilité de l'assurance-santé, en plus de tous les autres domaines des Affaires sociales, il veuille continuer de planifier davantage afin de contrôler les abus possibles venant du côté des patients, des spécialistes et des fonctionnaires.

Pour cette fin, nous voyons que le gouvernement aura à établir un tel réseau de structures de bureaucratie, de système d'enquêtes et de contrôles, qu'il en arrivera inévitablement à une carence de l'efficacité causée par cette lourdeur et cette lenteur administrative que nous reconnaissons comme étant le processus normal d'une structure étatique.

Le député de Saint-Sauveur a félicité le ministre tout à l'heure pour la façon dont il a écouté les différents mémoires qui lui ont été présentés à la commission parlementaire, et pour les quelques amendements consentis surtout en ce qui concerne la reconnaissance de certaines institutions privées.

J'admets que les amendements apportés semblent offrir quelques concessions, mais est-ce que ces concessions ont tellement d'importance

pour que nous acceptions d'emblée le principe fondamental du bill dont l'apogée est la formation de cette structure régionale des Affaires sociales? Plusieurs préopinants ont manifesté des craintes bien fondées sur les conséquences néfastes possibles de la mise en place de ces structures intermédiaires qui, en définitive, seront là beaucoup plus pour faire respecter les conditionnements des politiques du gouvernement que pour favoriser la participation des groupes mixtes représentant la population.

Ce fameux groupe représentatif, qu'est-ce que ça veut dire au juste lorsqu'il a comme toute latitude le droit d'être consulté? Il ne confère aucun pouvoir de décision et pourtant quel beau bouc émissaire présente-t-il devant la population en cas d'erreurs éventuelles.

Si j'ai bien compris, M. le ministre allait jusqu'à dire, ce matin, que cette participation pourrait être vue comme l'autodétermination de la population en matière sociale. Cette autodétermination, qui est des plus souhaitables, sera atteinte alors seulement que la population aura la possibilité économique de payer elle-même et de choisir elle-même les soins et les services qu'elle désire. Et cette possibilité économique ne réside pas nécessairement dans une réforme sociale, mais bien dans une réforme économique.

Cette réforme économique permettrait de concrétiser ce revenu minimum garanti universel dont on se plaît à parler souvent, aujourd'hui, afin que chaque personne puisse choisir librement, c'est-à-dire faire ce choix nécessaire à l'épanouissement de la personne humaine.

Merci M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Ahuntsic.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, je souhaiterais ne dire que quelques mots. En effet, le ministre des Affaires sociales, avec sa compétence habituelle, a donné toutes les explications qui s'imposaient concernant le projet de loi no 65.

Cependant, étant donné que je ne suis pas complètement étranger au secteur dont ce projet traite, je voudrais peut-être apporter mon témoignage.

Lorsque la première version de la loi a été proposée, j'ai — et je ne m'en cache pas — entretenu de sérieuses réserves sur son application et sur les principes en cause. Je dois dire qu'avec les amendements qui sont maintenant devant la Chambre, je considère qu'il est plus qu'acceptable et représente le premier effort d'envergure pour rationaliser le secteur des soins de santé, de telle sorte qu'il placera le Québec à l'avant-garde de ce point de vue. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Reconnaissant qu'aucun autre opinant ne désire s'exprimer, le ministre des Affaires sociales, en exerçant son droit de réplique, mettra fin à ce débat de deuxième lecture.

M. LEVESQUE: Très bien.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: Je vais être bref, M. le Président et, de façon générale, je vais tenter de répondre à quelques points spécifiques et rappeler, puisque je ne l'ai pas fait ce matin, les principales raisons pour lesquelles nous n'avons pas opté, à ce moment, pour la décentralisation par le truchement direct de ce projet de loi. Avant de ce faire, je voudrais d'abord — je crois que c'est important — remercier les membres de la commission parlementaire pour le travail objectif qu'ils ont fait au sein de la commission et aussi au cours de ce débat de deuxième lecture, de même que ceux qui ont participé aujourd'hui à cette discussion. Je voudrais aussi remercier de façon particulière le député de Gaspé-Sud pour son travail à titre de président de la commission parlementaire.

Dans tout ce qui a été dit aujourd'hui sur ce projet, je crois qu'avec raison on m'a rappelé, on a rappelé au gouvernement à la fois le danger d'aller trop vite ou encore le danger de ne pas aller suffisamment vite, d'une certaine façon et selon les aspects du projet qui ont été discutés. Je mentionne uniquement ceci, pour signaler l'effort que nous avons fait justement — aussi bien tout au long des travaux de la commission parlementaire, que par la suite, ou lors de ma tournée — pour qu'on atteigne un juste milieu et de telle sorte que certains des dangers qui pourraient nous guetter dans un sens ou dans l'autre soient réduits au minimum.

Ceci est un des motifs assez importants qui nous ont guidés dans les amendements apportés. De façon plus spécifique, le député de Montmagny a rappelé la suggestion qui avait été faite à l'effet que les règlements qui pourront être adoptés ou la première série de règlements qui pourrait être adoptée en vertu de cette loi soit soumise pour étude à la commission des Affaires sociales. Sur ce point, il me semble que c'est une suggestion extrêmement heureuse et quant à moi, je n'ai aucune objection — au contraire — à ce que ces règlements soient soumis pour étude et discussion à la commission parlementaire, tout comme ces règlements seront soumis en fait à l'attention de tous les organismes intéressés par le mécanisme prévu dans le projet de loi.

En second lieu, je voudrais rappeler, en ce qui a trait à cette question de décentralisation ou concentration, que de multiples raisons nous ont incités à opter pour le choix, que nous avons fait. Je comprends le désir profond auquel ont fait allusion le député de Bourget et d'autres députés de pouvoir participer, à ce niveau, à l'organisation des services de santé

autrement que par voie uniquement consultative, de faire en sorte que l'organisation dans une région s'adapte à la mentalité propre de cette région, à ses caractéristiques géographiques, culturelles et autres.

D'autre part, nous ne pouvons oublier que cette réforme des affaires sociales a été entreprise il y a moins de deux ans. Déjà, nous avons traversé des étapes assez importantes, comme celle de l'assurance-maladie et celle de l'intégration des deux ministères. Nous avons vu certaines manifestations même des changements qu'apporte l'intégration de ces deux ministères. Certains groupements professionnels, par exemple, s'étaient habitués, au cours des années, à transiger avec une direction particulière du ministère. Je pense, entre autres, à la direction générale de la psychiatrie. Aujourd'hui, ils sont obligés de s'habituer à de nouvelles structures.

Il y a également le problème du recrutement auquel on a fait allusion. Ce n'est pas le seul problème, mais il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas uniquement de recruter ce personnel; il faut aussi l'intégrer, faire en sorte que ce personnel, venant s'ajouter au personnel existant, constitue un ensemble qui fonctionne de façon cohérente. Bien souvent, les gens recrutés viennent d'autres secteurs et, particulièrement dans des fonctions comme celles qui devraient être assumées au niveau régional, actuellement nous n'en trouvons pratiquement pas au Québec, ailleurs qu'au ministère et à quelques endroits bien spécifiques, qui ont une expérience particulière du secteur.

Nous sommes au début d'une nouvelle ère des relations financières entre le ministère, les hôpitaux et d'autres institutions, par la voie du budget global qui va demander un nouvel ajustement. Nous modifions et redéfinissons des politiques et des programmes. Je pense, en particulier, aux services de santé, aux services socio-scolaires et à d'autres, sur lesquels nous avons déjà fait certains exposés. Encore là, il y a changement. Nous devons implanter un certain nombre de centres locaux de services communautaires. Il y a également — ceci est important et je l'ai mentionné à plusieurs reprises à l'occasion des travaux de la commission parlementaire — une certaine absence de traditions dans ce secteur, absence également de mécanismes de taxation qui rendent la délégation de pouvoirs de décision, la délégation de pouvoirs de dépenser beaucoup plus difficiles à un niveau local ou régional.

On n'a qu'à prendre l'exemple des communautés urbaines pour réaliser jusqu'à quel point la tentation est forte, si on n'a pas la responsabilité directe d'aller chercher ces revenus, de dépenser beaucoup plus facilement. Egalement — ceci est un des aspects extrêmement importants — il y a le problème de l'inégalité de la distribution des ressources humaines en immobilisations sur le territoire. Il est très difficile d'ajuster ces inégalités, de les mesurer et de mesurer également la performance des établisse- ments. Quant aux budgets globaux dont on parle, ceux qui pourraient constituer une réponse et qui sont attribués aux offices régionaux, nous sommes dans l'impossibilité d'en arriver, dans l'état actuel de nos connaissances, à des indices qui nous permettraient de les équilibrer d'une façon équitable.

Ce sont toutes des raisons dont nous avons tenu compte dans cette décision de procéder par la voie proposée dans le projet de loi. Aucune, à mon sens, ne remet en cause, quant à une étape ultérieure, la poursuite de l'objectif ultime qui est celui de la décentralisation réelle.

On a discuté, au cours des différentes interventions, d'autres aspects plus particuliers aux établissements, entre autres, de la demande qui avait été formulée d'ajouter certains articles touchant les relations entre les divers établissements. En ce qui a trait aux fonctions d'enseignement, de recherche, nous avons fait un effort dans ce sens.

En ce qui a trait aux relations entre les autres établissements, nous aimerions, au départ, ne pas créer un cadre trop rigide, mais plutôt expérimenter avec ces mécanismes de représentation au niveau des conseils, d'une part, et aussi par la demande de collaboration que nous allons lancer à bien des endroits entre les établissements, les pressions, aussi, dans certains cas, que nous pouvons exercer pour que ces relations s'établissent. Nous croyons qu'il serait préférable, pour le moment, de procéder ainsi, de telle sorte que l'établissement de ces relations, qui va constituer un phénomène relativement nouveau dans le secteur, soit tenté, dans toute la mesure du possible, à ce stade-ci, par la voie de la collaboration et non pas que ça prenne un caractère trop rigide et un certain aspect d'obligations imposées.

On a parlé également de la composition des conseils d'administration des centres locaux de services communautaires. Le député de Sainte-Marie a fait allusion à cet aspect particulier et je suis un peu déçu des remarques qu'il a faites parce que si nous examinons de façon assez attentive la composition de ces conseils, à moins qu'il y ait un aspect qui m'échappe, je vois que cinq personnes vont être élues, que quatre autres vont être élues, une seule étant vraiment un professionnel exerçant dans le centre, les autres seront nommées, soit deux par les établissements hospitaliers de services sociaux auxquels le centre est relié, une par le personnel non professionnel. Donc sur neuf, un seul professionnel et les gens élus en majorité. De plus, le projet de loi prévoit la nomination, par le lieutenant-gouverneur en conseil, de deux personnes résidant dans le territoire; donc deux personnes représentant aussi les citoyens, ce qui fait un total de onze, dont sept sont vraiment des représentants des citoyens, cinq élues, deux nommées.

Alors, nous avons fait un effort pour répondre à cette demande, mais tout en voulant tenir compte du fait que malgré toute la bonne

volonté, le désir de participer des citoyens, il nous faut assurer aussi une présence, au niveau de ces conseils, de personnes qui ont une certaine responsabilité au plan administratif. Comme le député de Saint-Jacques l'a mentionné, la participation c'est un objectif qui est bon, mais aussi, il faut la faire de telle sorte que des décisions demeurent possibles et qu'on puisse vraiment assurer le bon fonctionnement de ces centres. Nous avons voulu tenir compte de ces représentations qui ont été faites tout en prenant, à notre avis, les moyens qui permettront le bon fonctionnement de ces centres.

Je voudrais également dire quelques mots sur l'intervention du député de Dubuc qui a fait, à mon avis, à la fois certains plaidoyers en faveur du maintien, d'une part plus grande, du statu quo dans le secteur. Je comprends ce type de voix, elle a été exprimée d'ailleurs à la commission parlementaire. Mais, d'autre part, il me semble qu'avec les ajustements que nous avons apportés au projet de loi, ceux qui ont oeuvré dans le domaine de la santé, des services sociaux depuis de nombreuses années verront, malgré les changements, un désir de la part du législateur de faire ce changement de telle sorte qu'il puisse continuer à se reconnaître dans le système et à fonctionner dans le système.

D'autre part le député de Dubuc a également mis en relief certains des problèmes qui résultent des changements qu'apportent la technologie, la recherche de l'efficacité, et il s'est demandé si vraiment une des principales raisons de ce projet de loi n'était pas le coût très élevé des services de santé et des services sociaux.

Il y a là évidemment toute une série d'interrogations, d'inquiétudes, de préoccupations qui sont tout à fait légitimes. Aussi bien aux Etats-Unis qu'au Canada, on reconnaît que la croissance des coûts des services de santé, des services sociaux est un phénomène irréversible. Mais on reconnaît également la nécessité d'apporter un certain nombre de changements pour que cette croissance des coûts soit quelque peu plus équilibrée.

Quant aux méfaits de la technologie et de l'introduction de l'efficacité, nous croyons justement que, par une ouverture plus grande sur le monde extérieur par divers mécanismes de participation, nous aurons là un contrepoids aux efforts toujours plus grands qui viennent de l'intérieur en vue de rechercher cette efficacité. C'est la solution que nous proposons.

Quant au député de Saint-Jacques, il a fait un parallèle et a indiqué un certain nombre de dangers qui peuvent nous guetter, si l'on se reporte à la réforme dans le domaine de l'éducation. Je voudrais ici rappeler, au tout début, qu'au moment où nous entreprenons cette réforme dans le domaine des services de santé et des services sociaux, nous sommes rendus à une étape de l'évolution de ces services qui est fort différente de celle dans laquelle s'insérait le début de la réforme dans le domaine de l'éducation.

Nous avons, dans le domaine de la santé, des établissements en grand nombre, du personnel compétent. Nous avons également une bien meilleure connaissance, je crois, des motifs qui préoccupent la population, par suite du fait qu'elle s'exprime beaucoup plus librement, de façon beaucoup plus articulée qu'elle ne le faisait au début de la réforme de l'éducation. Certains des dangers ou certains des problèmes qui ont pu se manifester dans le domaine de l'éducation, j'en suis assuré, ont été signalés, au départ, de façon beaucoup plus claire dans le domaine des affaires sociales.

On nous dit que cette réforme ne devra pas signifier un accroissement de la bureaucratie, une dépersonnalisation des services. Je rappelle que, présentement, dans le domaine des affaires sociales, il y a déjà une bureaucratie qui est assez lourde. La réforme proposée vise précisément à alléger cette structure sous bien des aspects. Elle vise aussi à réintroduire, sous bien des aspects, de facteur de personnalisation des services qui est disparu au cours des années.

En même temps, je reviens à une idée qui me paraît extrêmement importante. C'est que l'efficacité, bien dosée peut être beaucoup plus synonyme d'un système humanisé et personnalisé que l'inefficacité. Je ne vois pas comment, dans un système tel que celui que j'ai décrit ce matin, on pourrait conclure qu'il s'agit d'un système qui, par définition, donne des services dépersonnalisés. On n'a qu'à se reporter à l'expérience que nous avons, de façon personnelle, dans notre milieu familial pour, d'ailleurs, constater que déjà le système est beaucoup trop dépersonnalisé.

Nous visons, au contraire, à réintroduire dans le système des éléments qui feront que ces services seront distribués d'une façon beaucoup plus personnalisée. Nous voulons aussi — je crois que le projet de loi, sur ce plan, peut avoir une incidence majeure — alléger la structure bureaucratique qui existe présentement.

M. le Président, je termine ces quelques commentaires qui faisaient suite aux interventions qui ont été faites. Je propose donc l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que je peux poser une question au ministre avant qu'il ne reprenne son siège?

M. HARVEY (Chauveau): Cela prend l'unanimité.

M. LEVESQUE: Je pense bien qu'il ne faudrait pas commencer à faire des précédents comme ça. Si le ministre avait mal cité le député, je comprends que le député aurait pu avoir recours aux dispositions de l'article 270, mais je ne pense pas qu'il puisse le faire maintenant. Le droit de réplique, justement, clôt le débat.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Regardez, il n'est pas question d'engager un débat. Lorsque le ministre exerce son droit de réplique, normalement, on peut se lever et demander au président si on peut poser une question au ministre. Alors, je me suis levé avant...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ...que le ministre ne reprenne son siège. J'ai demandé de lui poser une question. Si je suis hors d'ordre, je ne la poserai pas.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, depuis le matin, je vois le ministre de l'Education qui intervient de son siège, tente de provoquer des débats. Je vous inviterais, M. le Président, à le rappeler à l'ordre, même nominativement, si nécessaire. Ainsi, nous pourrons continuer notre travail dans la quiétude et sans être dérangé impunément et indécemment par le ministre de l'Education comme il le fait depuis le matin.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement moi aussi, M. le Président, pour faire observer que les habitudes militaires du ministre de l'Education devraient l'avoir habitué à la discipline la plus rigoureuse.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je demande la collaboration de tous et de chacun. Est-ce que le projet de loi no 65, en deuxième lecture, est adopté?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

UNE VOIX: A l'unanimité.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la Commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois qu'il serait opportun, à ce moment-ci, d'avoir une motion. Je la formule comme ceci: Je propose que le projet de loi no 65 soit maintenant déféré à la commission parlementaire des Affaires sociales pour être étudié article par article et que ceci...

M. LAURIN: ...l'un après l'autre, ils se recoupent tous, inclusivement.

M. LEVESQUE: ...se produise le plus rapidement possible, à la salle 81-A.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, article 25, mais cela coincide avec 90.

Projet de loi no 90

Deuxième lecture

Amendement de report à six mois

M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur le bill 90. L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous ne sauriez croire quelle est, ce soir, ma joie et ma satisfaction de reprendre un débat qui a, malheureusement, trop tardé. Au moment où j'allais prendre la parole et où j'ai été obligé de demander que l'on suspende le débat, nous avions commencé à discuter la proposition de renvoi présentée par le député de Missisquoi, motion de renvoi dont l'effet était de reporter à six mois l'étude du présent projet de loi.

Il y a de multiples raisons pour justifier la demande qu'a faite le député de Missisquoi dont une raison majeure, qui est celle-ci: Toute l'application de la loi, si elle était adoptée, est soumise à des règlements que nous ne connaissons pas et dont le ministre ne nous a donné aucun avant-goût.

Il est donc impossible de comprendre le sens, la portée de ce projet de loi si nous ne sommes pas renseignés sur les règlements qui doivent être élaborés, rédigés, présentés et acceptés par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Vous comprendrez, M. le Président, que je pourrais reprendre chacun des sujets qui peuvent éventuellement faire l'objet de la réglementation que proposera le lieutenant-gouverneur en conseil. Mais dans un esprit — j'attire l'attention du leader parlementaire de la Chambre, mon excellent ami le député de Bonaventure, qui est en conversation...

M. PAUL: Osez le faire "trembler"!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demande au leader parlementaire de la Chambre de changer de Tremblay et de m'écouter parce que je veux lui dire que, dans un geste admirable de collaboration, il a plu à notre formation politique, après consultation, d'indiquer au gouvernement notre volonté de renoncer à la motion de renvoi, mais à une condition expresse, formelle, grave, sérieuse, capitale, péremptoire...

M. BIENVENUE: Primordiale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... j'allais dire primordiale, si ce n'était de répéter le député de Matane, M. le Président, c'est que le ministre

veuille bien, ce soir — je lui pose la question tout de suite — répondre à la question suivante: Est-ce qu'il peut, premièrement, nous assurer que, dans les délais les plus brefs, le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire le gouvernement, lui y compris je l'espère, rédigera lesdits règlements sans lesquels la loi n'a aucune signification et n'est même pas applicable? Même s'il y a remaniement ministériel, le ministre comprendra qu'il sera peut-être quand même associé aux décisions de l'Exécutif.

Donc, M. le Président, est-ce que le ministre des Richesses naturelles ou son successeur, le ministre de l'Education, peut nous assurer, premièrement, que, dans les plus brefs délais, il y aura rédaction desdits règlements? Deuxièmement, est-ce que le ministre peut donner une assurance formelle à cette Chambre que lesdits règlements, une fois rédigés, seront soumis à l'examen d'une commission parlementaire convoquée spécialement pour l'étude desdits règlements, afin que tous les membres de cette Assemblée puissent examiner ces règlements et voir de quelle façon ils s'articulent à la loi et lui donnent la signification qu'elle n'a pas à l'heure actuelle?

Je pose donc ces questions au ministre: Est-ce qu'il y aura des règlements dans un délai très bref? Est-ce que le ministre accepte que le gouvernement convoque une commission parlementaire ad hoc pour examiner lesdits règlements — lorsque je parle d'une commission parlementaire ad hoc, il s'agit évidemment de la commission des Richesses naturelles — comme nous l'avons fait dans le cas de la Loi de la protection du consommateur?

Si le ministre est capable de répondre positivement, formellement et solennellement à cette question qui est une exigence, je suis prêt à proposer que la motion soit retirée même si l'article 226 de notre règlement, si j'ai bonne mémoire, exige le consentement de la Chambre, consentement qui sera sans doute donné même si cet article exige que ce soit le proposeur de la motion qui le demande et que cette demande soit faite en sa présence et par lui.

Mais étant donné que c'est le député de Missisquoi qui a présenté cette motion et que le député de Missisquoi, en raison de petits ennuis de santé, n'est pas présent ici ce soir, nous l'avons consulté et nous sommes disposés à proposer à la Chambre le retrait de notre propre motion, mais aux conditions que j'ai fixées, c'est-à-dire rédaction des règlements et ensuite convocation de la commission des Richesses naturelles afin d'examiner...

M. BIENVENUE: A quel date?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ces règlements. Pour conclure tout cela conformément à la technique législative, le ministre peut-il me donner l'assurance que la présente loi, qu'il soumet à notre approbation, sera mise en vigueur par proclamation seulement après que la commission parlementaire aura eu le loisir d'examiner les règlements qu'aura bien voulu édicter Sa Majesté le lieutenant-gouverneur en conseil, dont le ministre des Richesses naturelles est un membre?

Je pose cette question. Cela ne m'enlève pas mon droit de parole. Cela ne m'enlève pas mon droit de reprendre le débat.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, cela me fait plaisir de répondre dès maintenant à la question du député de Chicoutimi, vu cet esprit de compréhension, de collaboration.

J'avais l'intention d'exercer mon droit de parole sur cette motion. Je suis certain que les raisons qui m'amenaient à proposer une telle loi, l'urgence de cette loi et aussi des précédents qui ont été créés en 1969, entre autres...

M. PAUL: Au sujet de quelle loi?

M. MASSE (Arthabaska): Je vais vous donner le titre de la loi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Au sujet des heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux?

M. MASSE (Arthabaska): A sujet de la Loi sur les matériaux de rembourrage et articles rembourrés, qui a été sanctionnée en novembre 1969, et dont vous devez vous souvenir.

Disons que, vis-à-vis de cet esprit de collaboration...

M. PAUL: C'était une équipe ministérielle intelligente à l'époque.

M. VEILLEUX: C'est pour ça qu'il n'en reste pas beaucoup.

M. MASSE (Arthabaska): C'est une opinion que nous pourrions facilement contredire. D'autre part, je pense que les règlements...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans quel cas? Nommez-les.

M. MASSE (Arthabaska): ... qui devaient être rédigés dans le plus bref délai, c'était déjà mon intention de les faire le plus rapidement possible, du fait que cette loi touche à un secteur très important au Québec, le secteur des produits pétroliers dans lequel nous légiférons pour la première fois ce soir. Vu l'esprit de collaboration qu'on manifeste, disons que je suis prêt dans les plus brefs délais à soumettre à la commission parlementaire des Richesses naturelles, antérieurement à la promulgation de la loi, les règlements qui, vous le remarquerez, sont des plus techniques et qui permettront de constater que nous avions déjà toutes les raisons du monde de présenter le bill no 90 tel qu'il est et, par la suite, de promulger la loi formellement et solennellement.

J'accepte la proposition du député de Chicoutimi.

Motion retirée

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, étant donné que le ministre a compris notre volonté de collaboration, je suis prêt à proposer que cette motion soit retirée, mais vous savez, M. le Président, qu'en vertu de l'article 226 il faut le consentement unanime de la Chambre et que la personne qui a proposé la motion soit ici. Mais, il y a des circonstances qui expliquent que le député de Missisquoi ne puisse pas être ici ce soir. Alors, je déclare mon intention de retirer la motion de renvoi que nous avions proposée.

M. LE PRESIDENT: J'ai essayé de chercher un autre manteau pour nous couvrir mutuellement. En vertu de l'article 216, "toute règle écrite ou non écrite de la Chambre peut être suspendue, à moins qu'elle ne soit établie par une loi ou par un ordre spécial, ou qu'elle ne soit fondée sur un principe reconnu de loi parlementaire". En vertu de l'article 220, "la Chambre, si elle y consent unanimement, peut toujours, sans y être spécialement autorisée, faire un acte qui déroge à une règle, qu'elle a le pouvoir de suspendre". En vertu de l'article 223, "quand les règlements en général sont suspendus, l'effet de la suspension est limité aux matières en vue desquelles elle est votée".

Si vous m'octroyez le consentement unanime sur ces trois articles, je pense bien que je vais reconnaître comme recevable la motion du député de Chicoutimi à l'effet que la motion du député de Missisquoi soit retirée.

Est-ce que cette motion est adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. TETRAULT: Aux conditions prescrites par le député de Chicoutimi.

M. LEVESQUE: Le ministre avait déjà ses intentions; alors, il ne les a que confirmées au député de Chicoutimi.

M. PAUL: La question du député d'Abitibi-Est est assez intelligente. On sait que le ministre ne sera plus là quand il s'agira de rédiger les règlements. Il y aura eu des changements; le ministre de l'Education sera rendu aux Richesses naturelles.

M. LE PRESIDENT: Le mort saisit le vif.

M. PAUL: Ah! M. le Président, jamais je n'aurais cru que le ministre des Richesses naturelles passerait pour un mort !

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, reprenons le débat maintenant.

M. LE PRESIDENT: Le débat? Vous parliez sur...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... la seconde lecture.

M. LEVESQUE: Est-ce que le député a parlé? Je crois bien que c'est au parti...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je viens de me rendre compte que nos collègues d'un autre parti n'ont pas parlé là-dessus. Alors, je veux bien leur laisser la place, mais, naturellement, je reviendrai sur cet important sujet, un sujet explosif du reste.

M. PAUL: Nous reviendrons.

Reprise du débat de deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est

M. Ronald Tétrault

M. TETRAULT: M. le Président, pour ce qui concerne le projet de loi 90, nous faisons remarquer, si la Chambre me le permet, que nous appuyons entièrement la demande du député de Chicoutimi en ce qui a trait à plusieurs explications qui doivent être demandées. Du même fait, nous reconnaissons, M. le Président, que ce bill est très important et urgent, afin qu'on puisse donner à la population une protection adéquate et nécessaire en ce qui concerne les produits pétroliers.

Nous reconnaissons aussi, M. le Président, que ce bill vient à la suite de l'adoption du bill 45 qui concerne la protection du consommateur. Nous savons qu'aucune loi existante ne pouvait contrôler les produits pétroliers. Nous remarquons que ce bill, si incomplet qu'il puisse être, est favorable à la population et doit être accepté, peut-être avec modification, M. le Président, parce que nous ne sommes pas complètement d'accord avec tout ce qu'il contient.

Nous pourrions peut-être souligner au ministre qu'il aurait pu nous présenter ce projet de loi en deux parties. Premièrement, le ministre ne nous a pas expliqué, dans son projet de loi, ce qu'est un produit pétrolier. Il nous définit un article et il nous arrive, dans les notes explicatives, avec une autre explication. Peut-être qu'en commission parlementaire le ministre pourra nous expliquer plus clairement ce qu'il entend par un produit pétrolier et ce qu'il veut dire par le gouvernement ou le lieutenant-gouverneur se laisse le soin de définir ce qu'est un produit pétrolier. C'est peut-être pour les nouvelles, les futures inventions qu'il pourra y avoir.

M. LEVESQUE: Si le député me permet de le corriger, c'est en comité plénier.

M. TETRAULT: En comité plénier, d'accord.

M. SAMSON: Vous n'avez pas l'intention de convoquer la commission parlementaire?

M. LEVESQUE: Pas aujourd'hui . C'est pour les règlements, ce n'est pas pour la loi-cadre.

M. TETRAULT: D'accord. Nous remarquons aussi dans ce bill 90 qu'il y a un article en particulier que nous n'aimons pas. Peut-être qu'en comité plénier le ministre va pouvoir nous expliquer quelle en est la raison. C'est un article qui nous dit que ce projet de loi peut être accepté en deux, trois ou quatre parties; c'est probablement ce qui a soulevé la motion du député de Missisquoi. Les règlements, le gouvernement n'en était même pas au courant. Peut-être est-ce pour cela qu'on veut le faire en deux parties.

Nous savons aussi que présentement, dans la population de la province de Québec, ceux qui achètent des produits pétroliers se voient souvent obligés d'acheter un produit de seconde classe ou vendu sous une étiquette qui n'est pas nécessairement de la qualité que la personne le voudrait. Ceci existe encore dans plusieurs domaines, dans plusieurs secteurs. Ce bill-ci, qui veut réglementer, va pouvoir donner au consommateur de la protection comme je le disais avant.

Nous reconnaissons qu'il y a plusieurs lacunes dans le bill. J'aimerais ici me servir de deux associations complètement différentes, qui règnent sur la même chose, l'Association des services de l'automobile et l'Association des marchands d'huile du Québec, qui préconisent que ce bill devrait être accepté même s'il est incomplet parce que la population en a besoin pour se protéger, tant que les distributeurs d'essence ou d'huile ne savent pas quelle qualité ils achètent. Ils sont obligés de se fier à la personne qui les vend sans aucun recours envers la loi, sans aucun recours envers personne.

Je ne voudrais pas m'attaquer aux grosses compagnies parce que le consommateur à domicile est pris avec le même problème, mais le consommateur achète des produits inférieurs à ce qu'il paie, des produits inférieurs en qualité et qui peuvent occasionner certains problèmes minimes à domicile mais qui peuvent être assez considérables dans l'industrie. Avec ce projet de loi, le consommateur sera protégé, pour une fois, et il pourra aller acheter un produit de qualité. Lorsqu'il achètera une huile de chauffage, il saura que c'est strictement un no 2, pas un no 10 ou un fond de réservoir.

La même chose existe dans l'achat des essences et des produits d'huile dont il peut se servir pour son auto. Donc, comme je le disais, ce bill est favorable à la protection du consommateur, même si on l'appelle Loi sur les commerces des produits pétroliers. Nous nous voyons dans l'obligation de l'accepter tel qu'il est, en partie, et j'espère qu'en comité plénier le ministre va donner des réponses favorables à plusieurs questions qu'on voudrait lui poser.

De ce fait, nous voyons d'un très bon oeil le bill 90.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet premier de régir le commerce des produits pétroliers. C'est le but général de la loi qui s'intitule d'ailleurs Loi sur le commerce des produits pétroliers. C'est même là le grand principe de la loi, son essence même; ce qui vient par la suite n'est que le côté explicatif de la loi qui permettra notamment de déterminer les normes de qualité de ces produits et du matériel utilisé dans le commerce de ces produits.

Le projet de loi nous laisse donc supposer que le ministre a l'intention d'instaurer un contrôle, non seulement sur la distribution des produits pétroliers au niveau de la vente au détail, mais aussi à toutes les différentes étapes du marché des produits pétroliers. Il s'agit donc, si on s'en tient au principe de la loi, de réglementer l'ensemble de la commercialisation des produits pétroliers.

Actuellement le marché de la distribution des produits pétroliers aux consommateurs est partagé entre une kyrielle de petits distributeurs qui se livrent une concurrence vive, et cela au profit des grosses compagnies pétrolières qui continuent de financer, entre autres, la construction de postes de service, alors que le marché est déjà sursaturé. On sait pourquoi d'ailleurs. Comme ces constructions augmentent les amortissements des grandes compagnies, c'est autant d'argent qu'elles n'auront pas à payer au trésor fédéral ou provincial, tout en retirant des profits considérables sous forme d'intérêts de la part du propriétaire, selon le cas, ou sous forme de loyer s'il s'agit d'un locataire.

Le projet de loi qui nous est soumis ce soir semble vouloir s'attaquer au problème de la commercialisation des produits pétroliers en commençant par les petits producteurs. Je soumets que le problème qui existe aujourd'hui au niveau de la commercialisation de ces produits n'existe pas d'abord et avant tout au niveau du petit distributeur mais d'abord au niveau des grosses compagnies internationales où existe un cartel financier à ce sujet.

Pendant ce temps, le distributeur sérieux, comme l'expliquait le ministre, est soumis à une concurrence déloyale de la part d'aventuriers plus intéressés à faire des profits rapides qu'à accorder un honnête service au public.

Que le gouvernement veuille établir un contrôle dans cette jungle que constitue la redistribution des produits pétroliers, c'est évidemment une nécessité qui s'imposait depuis fort longtemps, nécessité à la fois pour le petit distributeur et le consommateur. Malheureusement la loi qu'il nous présente est incomplète et ne permet pas de nous assurer que le problème sera véritablement réglé. C'est d'ailleurs ce que nous avons voulu souligner en appuyant la motion de renvoi à six mois et nous espérons, même si cette motion a été retirée, que le ministre, comme il vient de nous l'affirmer tout à l'heure, profitera du temps qu'il lui reste avant l'adoption de ce projet de loi pour nous soumettre des amendements majeurs qui bonifieront sa loi.

Nous espérons aussi que le ministre fera connaître les règlements aussitôt que possible afin que la loi puisse entrer en vigueur dans le plus bref délai.

D'ailleurs, telle que la loi est rédigée actuellement, elle ne nous permet aucunement de dire que c'est une bonne ou mauvaise loi. Nous savons qu'il s'agit d'une loi incomplète, mais c'est seulement lorsque le ministre nous fera connaître les règlements que nous pourrons dire s'il a véritablement l'intention de s'attaquer au problème de la commercialisation des produits pétroliers.

Mais, même si cette loi est imparfaite, même si nous y trouvons quantité de lacunes, il est évident que nous voterons en faveur du principe de cette loi car nous jugeons la situation actuelle tellement déplorable, tant pour le public que pour les petits distributeurs, que nous croyons que même une loi aussi incomplète dans ses modalités est préférable à l'absence totale de législation en ce domaine, comme c'est le cas présentement.

Simplement pour décrire la situation qui existe au niveau de la distribution des produits pétroliers, et surtout la situation dans laquelle se trouvent actuellement les petits distributeurs, vous me permettrez de faire écho d'une lettre envoyée le 15 juin 1971 à M. Robert Bourassa, par l'Association des services de l'automobile.

On décrivait comme suit la situation des petits distributeurs. En quelques lignes, voici la situation des détaillants d'essence au Québec. "Les détaillants d'essence sont à la merci des compagnies pétrolières qui manipulent lois et frontières au détriment des intérêts des collectivités, font fi des données fiscales, contrôlent tous les mouvements de biens et de ressources humaines de cette industrie, dictent le ton à tous les rapports, déterminent les règles à suivre, imposent les procédés à appliquer, bref, toute cette industrie est bien assujettie par leur carcan. "Les détaillants d'essence sont, non libres de fixer leurs propres heures de travail, non libres d'accepter la gazoline de leur choix, non libres de publier leur propre nom et forcés de publier le nom de la compagnie pétrolière, forcés d'acheter les marques désignées et l'antigel à des prix n'étant pas toujours compétitifs, forcés de payer pour les programmes de promotion et les concours commandités par les compagnies pétrolières, forcés d'accepter les changements de baux et de contrats, la seule alternative qu'ils ont est d'abandonner leur commerce. "Bref, ils jouissent de deux libertés seulement. La liberté de faire tout ce que leur compagnie pétrolière suggère, la liberté de devenir cassés."

Cette situation, telle qu'elle nous est décrite, mérite certainement qu'on lui apporte une solution. C'est pourquoi, même si cette loi ne nous donne aucunement satisfaction, même si nous pensons que cette loi ne corrigera pas la situation, surtout au niveau des grands cartels pétroliers, nous allons certainement l'appuyer et nous espérons que le ministre utilisera le temps qui lui reste pour faire connaître ses règlements qui lui permettront de l'améliorer et d'avoir une action précise sur un problème qu'il est actuellement urgent de résoudre.

J'ai dit, dans mon introduction, que le projet de loi tel qu'intitulé, Loi sur le commerce des produits pétroliers, faisait présumer l'intention de la part du gouvernement de régir tout le commerce des produits pétroliers au Québec, à partir de l'importation jusqu'à la distribution au détail.

C'est donc toute l'élaboration d'une véritable politique énergétique qui est en cause ici. Nous aurions souhaité que le ministre nous en parle un peu plus longuement dans son discours de deuxième lecture. Mais si nous regardons attentivement le projet de loi qui nous est présenté, nous voyons qu'il ne s'agit aucunement d'une loi-cadre couvrant tout le secteur des produits pétroliers, mais uniquement une loi régissant le commerce de détail.

Sur ce sujet comme sur tant d'autres problèmes, le gouvernement actuel a décidé d'attendre. H est tellement facile de s'attaquer aux petits pendant que l'on laisse les gros cartels financiers agir comme bon leur semble. Car, si nous estimons à $17 millions par année la perte annuelle que subit le trésor québécois, par suite de la substitution de produits, le consommateur québécois, lui, paie chaque année des centaines de millions de dollars de trop pour obtenir un produit qu'il pourrait avoir à meilleur compte si ce n'était de "l'aplatventrisme" du gouvernement actuel.

Chaque année, depuis 1961, le Québec perd des milliers d'emplois parce que le gouvernement actuel a peur d'agir, a peur de déplaire aux grosses compagnies pétrolières et à son maître, qui est à Ottawa.

Pendant que toute l'industrie pétrolière du Québec est en train de péricliter à cause d'une politique fédérale qui nous défavorise, le ministre nous dit: Un effet indirect de ce projet de loi sera d'obtenir de meilleures informations ou statistiques sur la distribution des produits pétroliers. Donc, une meilleure connaissance de

ce secteur permettra de compléter la politique énergétique du Québec.

Parler du commerce du pétrole au Québec, c'est d'abord soulever le problème de toute la politique nationale pétrolière du gouvernement canadien depuis 1946 et plus particulièrement depuis 1961. Car si on veut régir le commerce des produits pétroliers, il faut d'abord connaître la situation générale de ce commerce au Québec et au Canada. C'est, en effet en 1947 que commence l'histoire de l'industrie pétrolière canadienne par la découverte d'importants gisements de pétrole à Leduc, en Alberta. Auparavant, le Canada importait 90 p.c. de ses produits pétroliers. De 1946 à 1956, la production canadienne passe de 10 p.c. à 50 p.c. de la consommation intérieure. Graduellement, les producteurs de l'Ouest s'emparent du marché intérieur disponible de Vancouver à Sarnia. En 1956, la crise de Suez ouvre le marché américain aux producteurs de l'Ouest. Pour satisfaire ce nouveau débouché, on doit faire des investissements considérables tant au point de vue de production que d'exploration.

Mais, après la crise, les raffineurs américains délaissent le pétrole canadien au profit de celui du Moyen-Orient qui leur coûte beaucoup moins cher. C'est en même temps que le gouvernement américain établit un système de contrôle obligatoire des importations en invoquant le principe de la sécurité nationale, ce qui devait nécessairement contribuer au ralentissement des exportations canadiennes aux Etats-Unis. Pendant ce temps, le Québec continuait d'importer son pétrole de l'extérieur et un vaste réseau de raffineries commençait à se développer à Montréal non seulement pour les besoins de la consommation intérieure des Québécois, mais aussi pour fins d'exportation puisque le marché de l'Ontario leur était ouvert.

Le Québec était donc un exportateur de produits pétroliers. La perte du marché américain devait libérer une importante production de pétrole de l'Ouest qui ne trouvait pas preneur puisque le pétrole importé coûtait moins cher que le pétrole canadien. C'est alors que les gros producteurs commencèrent à faire du "lobbying" auprès du gouvernement canadien pour que celui-ci limite les importations au profit de la production intérieure. Sous les pressions, le gouvernement du Canada institue en 1957 la commission Borden pour étudier les problèmes de l'énergie. Incidemment, M. le Président, aucun représentant québécois ne siégeait à cette commission. Au cours des délibérations de cette commission, deux thèses se sont affrontées.

D'un côté, d'abord, les producteurs de l'Ouest qui désiraient que le gouvernement canadien leur donne non seulement le marché de l'Ouest, mais aussi le marché de l'Est et qui demandaient au gouvernement canadien de construire un oléoduc jusqu'à Montréal pour alimenter ce marché de l'Est.

La deuxième thèse était défendue par les compagnies multinationales qui approvisionnaient l'Est et qui soutenaient qu'il serait illogique de faire approvisionner un marché très éloigné et de faire payer cette différence aux consommateurs de l'Est.

A la suite de ses délibérations, la commission Borden recommande dans son mémoire que les producteurs canadiens devraient tenter énergiquement de développer les marchés américains avant de considérer une extension jusqu'à Montréal.

Une deuxième recommandation, M. le Président, est la limitation des importations à l'est de la vallée de l'Outaouais, ce qui est devenu maintenant la frontière de l'Outaouais. Ces recommandations sont acceptées en 1961 par le gouvernement canadien. Le marché de l'Ontario est donc fermé aux raffineurs du Québec et le pipe-line qui transportait vers l'Ontario les produits pétroliers du Québec est partiellement inversé au profit des raffineries de Sarnia qui desservent tout l'Ontario jusqu'à la vallée de l'Outaouais.

L'industrie pétrolière du Canada connaît donc un nouvel essort, mais c'est aux dépens de celle du Québec qui périclite depuis cette date. En effet, M. le Président, même si le chiffre absolu de capacité de l'industrie de raffinage québécoise a augmenté, son taux de croissance est demeuré très inférieur à celui de l'Ontario.

Pour le gouvernement fédéral, l'établissement de la frontière de l'Outaouais avait ses avantages, tant sur le plan politique qu'économique. Sur le plan politique, une telle décision était conforme, jusqu'à un certain point, au système confédéral, en favorisant les membres de la confédération. Mais on ne s'est guère soucié que cette politique nuise aux intérêts économiques du Québec.

Comme par hasard, ce sont toujours les Québécois qui paient le tribut du système confédératif. On se surprend par la suite que, comme un assisté social, nous recevions plus que les autres provinces sous forme de péréquation parce que nous sommes une province pauvre. Pendant ce temps, nos industries périclitent à cause des politiques économiques discriminatoires du gouvernement fédéral. Notre main-d'oeuvre chôme avec la bénédiction du gouvernement actuel et comme nous sommes de plus en plus pauvres, nous recevons de plus en plus de péréquation.

Notre gouvernement chantera béatement les mérites de la confédération canadienne parce qu'il a trop peur de présenter une autre solution à la population québécoise, la seule solution qui nous permettrait de défendre nos intérêts propres.

Sur le plan économique, le gouvernement fédéral y trouvait aussi son avantage. Le fédéral perçoit, en effet, 80 p.c. des impôts que paie l'industrie pétrolière. Mais, pour le Québec, la politique nationale pétrolière du gouvernement canadien a eu de multiples conséquences néfastes sur son industrie, particulièrement en ce qui

concerne sa production, les structures de sa production et l'évasion fiscale que rend possible le système.

La décision du gouvernement canadien d'interdire l'entrée de produits raffinés à partir du pétrole brut importé mit un frein, en effet, au transfert de l'Est canadien vers l'Ontario. En 1963, la très grande proportion, soit 80 p.c. des produits pétroliers qui entrent en Ontario viennent du Québec. En 1964, trois ans seulement après l'application de la politique pétrolière canadienne, cette proportion tombe à environ 60 p.c.

Malheureusement, M. le Président, nous n'avons pas aujourd'hui les chiffres, mais nous croyons que, si nous avons conservé, au cours des années, le même taux de décalage, actuellement nous exportons très peu, comme nous le verrons tout à l'heure, en Ontario.

L'industrie du raffinage est passée, au cours des dix dernières années, soit précisément en 1963 et en 1964, d'un niveau de production exédentaire, au Québec, à une situation déficitaire. Cette situation ne cesse de s'aggraver.

En effet, la production du Québec, qui accusait en 1960 un excédent de 24 p.c, passe à un déficit de 5.7 p.c. en 1968.

H s'agit, M. le Président, de consulter quelques statistiques que j'ai ici pour démontrer qu'actuellement nous sommes obligés d'importer quantité de produits pétroliers qui, autrefois, étaient produits sur le territoire québécois par l'industrie de raffinage québécoise. Le Québec, aujourd'hui, ne produit plus suffisamment de produits finis pour satisfaire à sa propre demande, et il doit, par conséquent, importer plus du quart de sa consommation.

Quant à l'industrie de raffinage elle-même, elle est demeurée à peu près stationnaire par rapport à la production canadienne. De 34.2 p.c. qu'elle était en 1960, elle baisse légèrement à 33.2 p.c. en 1968.

Depuis 1961, une seule entreprise est venue s'installer au Québec, soit Golden Eagle. Et dernièrement la compagnie Caloil annonçait qu'elle devait mettre fin à ses projets d'investissement dans la région de Québec par suite d'une décision des tribunaux canadiens qui lui refusaient le droit d'alimenter le marché onta-rien. En même temps, l'industrie de raffinage se développait considérablement en Ontario.

On sait d'ailleurs avec quelle faiblesse le gouvernement du Québec est allé tenter de défendre l'entreprise Caloil auprès des tribunaux canadiens. Et à maintes et maintes reprises, j'ai soulevé des questions en Chambre pour savoir de la part du ministre s'il négociait auprès du gouvernement d'Ottawa pour tenter de faire annuler cette politique qui, comme on le voit, est contre les intérêts du Québec. A chaque fois, le ministre nous disait qu'il négociait.

Je comprends, à voir le ministre, en particulier lorsque nous l'avons vu lors du débat sur le projet de loi no 50, que sa négociation doit être certainement faible devant certains ministres fédéraux. Nous aimerions savoir, lorsque le ministre nous répondra tout à l'heure, où en sont rendues actuellement les négociations du gouvernement québécois vis-à-vis du gouvernement fédéral en ce qui concerne la frontière de l'Outaouais et l'industrie pétrolière au Québec.

Il existe encore des gens qui nieront la relation entre la politique pétrolière canadienne et la baisse de la production québécoise. Ils tenteront encore un peu, comme à l'ère des cavernes, d'expliquer ce phénomène par le hasard. C'est arrivé comme ça, diront-ils. Et ils continueront de prêter une foi aveugle au fédéralisme canadien. Ces gens ont tout simplement peur de voir la vérité en face et aiment mieux prendre leurs désirs pour des réalités.

La vérité, c'est que le Québec est en train de perdre la bataille du pétrole, comme il en a perdu de nombreuses autres à cause de la politique discriminatoire du gouvernement canadien. Ce qui s'est produit dans le passé, et ce qui se produit encore dans l'agriculture, continue de se produire dans l'industrie pétrolière. Et pendant ce temps, pendant que les gouvernement canadien et le gouvernement américain sont en négociation, où le Québec d'ailleurs est encore absent comme il l'a toujours été, pour créer une politique continentale de l'énergie, notre ministre des Richesses naturelles joue au Don Quichotte, et propose à l'Assemblée nationale un projet de loi complètement bénin, même insignifiant par rapport aux véritables besoins du Québec. Et j'insiste, par rapport aux véritables besoins du Québec.

Pour se donner de temps en temps un air de ministre, il faut bien qu'il propose quelque chose à l'Assemblée nationale. Il est d'ailleurs assez curieux que le premier ministre ait choisi comme ministre des Richesses naturelles, malgré ses grandes qualités humaines, ministère pourtant fort important, un homme aussi serein, calmé, gentil, tout plein de douceur. Comme disait quelqu'un, il ne ferait pas mal à une mouche. Certainement pas.

M. MASSE (Arthabaska): On peut se poser la même question pour votre élection.

M. LESSARD: Mais il ne fera pas mal aux grosses compagnies non plus. Certainement pas. C'est peut-être là la rançon qu'a dû payer le gouvernement Bourassa en retour de petits cadeux que lui auraient donnés ces grosses compagnies pour ses élections le 29 avril dernier.

M. MASSE (Arthabaska): Voyons! voyons! M. LEDUC: Soyez sérieux.

M. PARENT: Quand on n'a rien à dire, c'est ce que l'on fait.

M. LESSARD: Je pense que le ministre des Affaires intergouvernementales, même s'il est

très proche du gouvernement canadien, n'a pas pris conscience des problèmes pétroliers.

M. PARENT: Beaucoup plus que vous.

M. LESSARD : Il devrait se pencher un peu sur les conséquences que ça comporte pour le gouvernement québécois. La seule chose que le ministre des Affaires intergouvernementales...

M. PARENT: Le député ne devrait pas s'aventurer sur un terrain semblable.

M. LESSARD: ... est en train de faire c'est de céder un territoire québécois comme on l'a fait pour un autre territoire du Québec.

C'est sa seule réalisation actuellement qu'il est en train de faire à l'intérieur du gouvernement du Québec et je lui demande, s'il ne comprend absolument rien au commerce des produits pétroliers, de conserver le silence et de nous laisser discuter sérieusement.

M. PARENT: Celui qui ne comprend pas est celui qui parle.

M. BIENVENUE: Le bill, le bill. Parlez-nous du pétrole.

M. LESSARD: Le ministre veut récupérer des petits distributeurs et des petits consommateurs $17 millions, mais a-t-il l'intention de récupérer les $65 millions que nous perdons chaque année, au profit des grosses compagnies internationales?

M. PARENT: Des insignifiants qui ont réussi à se faire élire.

M. LESSARD: On sait en effet, et cela avec l'accord tacite du gouvernement canadien qui doit protéger la barrière de l'Outaouais, que ces grosses compagnies multinationales ne déclarent qu'une partie minime de leur profit et que ce que nous appelons le "off show profit" est soustrait à l'imposition tant du gouvernement canadien que celui du Québec. Ce système consiste essentiellement à localiser les profits chez les filiales les moins soumises à l'impôt, par l'entremise des prix de vente que celles-ci se facturent entre elles. Comme ces compagnies possèdent des filiales au stade de la production du transport et du raffinage, elles n'ont qu'à localiser leurs profits dans leur industrie de transport, pour se soustraire à l'impôt.

En effet, le profit "off show" est fait sous pavillon de complaisance et donne en définitive aux compagnies multinationales des surprofits qui ne bénéficient en rien au gouvernement québécois. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi les grosses entreprises ont été les seules à défendre les intérêts du Québec devant la commission Borden, alors que le gouvernement du Québec était absent de cette commission en 1961. Tout en défendant cependant leurs inté- rêts propres, elles ne pouvaient d'ailleurs qu'être d'accord sur les recommandations de la commission.

A l'est du pays elles bénéficient actuellement de l'"off show profit". En Ontario, elles raffinent des produits qu'elles peuvent vendre au niveau du prix et dans l'Ouest elles produisent du pétrole qu'elles vendent à leurs filiales canadiennes ou américaines, toujours à un prix élevé. Il serait pourtant possible de mettre fin à ce système, en autant que le ministre veuille bien accoucher de sa politique énergétique. Il serait même possible de casser la politique nationale canadienne, qui défavorise les intérêts des Québécois.

Il suffirait simplement de vouloir et de ne pas avoir peur, mais pas par de perpétuelles négociations avec Ottawa, c'est peine perdue, nous sommes toujours perdants dans ces négociations. Il y a trop d'intérêts en jeu...

M. PARENT: Vous n'iriez pas loin avec votre régime.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement; si mon bon ami le député de Hull intervient constamment, je vais être obligé de vous signaler que nous n'avons pas quorum, mais je ne le fais pas.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Revenons au sérieux, M. le Président, revenons à des choses que certains membres ne comprennent pas en cette Chambre. Il y a trop d'intérêts en jeu dans la politique pétrolière du gouvernement canadien pour que celui-ci accepte les revendications québécoises à ce sujet. Qu'on agisse simplement en homme d'affaires. Qu'on cesse d'agir en colonisé. Il s'agit d'utiliser le moyen que nous nous sommes donné en créant en 1969, sous le régime de l'Union Nationale, la Société québécoise d'initiatives pétrolières. Ce ne serait pas nouveau, si nous voulions utiliser cette entreprise qui nous appartient.

Cela se fait d'ailleurs dans tous les pays normaux civilisés au monde. La participation des gouvernements dans le domaine de l'énergie est devenue aujourd'hui une constante dans les pays économiquement avancés. Le Québec possède cet instrument, mais il s'en est malheureusement mal servi jusqu'ici ou du moins ne l'a pas utilisé comme il aurait pu le faire.

C'est encore la peur qui nous empêche d'agir. Tous ces outils de développement économique qui furent créés depuis les débuts de la révolution tranquille se meurent parce que le gouvernement n'a pas le cran, n'a pas le courage nécessaire pour les utiliser.

De par sa charte, Soquip possède non seulement le droit de faire des recherches de gisements, mais elle a aussi le pouvoir de raffiner et de distribuer les produits pétroliers. Cette société possède donc tous les moyens

juridiques souhaitables pour s'installer sur le marché des produits pétroliers pour autant qu'on veuille bien augmenter son budget pour lui donner les moyens de le faire. Quels seraient les avantages, pour le Québec, de l'entrée de Soquip sur le marché pétrolier?

Le Québec, nous l'avons vu, est obligé de payer son pétrole à un prix très élevé, et cela avec l'appui tacite du gouvernement fédéral qui veut tout simplement protéger la frontière de l'Outaouais. En effet, si les prix du pétrole baissaient assez considérablement dans l'Est, la frontière outaouaise ne pourrait tenir longtemps, car les producteurs de l'Ontario exigeraient de s'alimenter au marché du Québec ou bien il se développerait un marché noir tellement considérable que le gouvernement canadien ne pourrait plus tenir. Pour conserver cette frontière artificielle, on permet aux compagnies de transport, filiales d'entreprises pétrolières multinationales, qui y trouvent, d'ailleurs, leur profit, de vendre aux raffineurs québécois le pétrole à prix élevé, faisant ainsi un large profit "off-show" non imposable.

Ces profits sont estimés par les spécialistes à $0.55 le baril. Ces profits constituent une véritable spoliation des consommateurs québécois. L'entrée d'une compagnie gouvernementale, à savoir Soquip, sur le marché des produits pétroliers obligerait certainement les compagnies internationales à faire disparaître ce surprofit. Par ailleurs, les grandes compagnies internationales se basent, pour établir leur prix à la clientèle, sur ce qu'on appelle les prix affichés par rapport aux prix facturés. Le prix affiché, c'est un prix sur lequel se base les gouvernements, excepté les gouvernements américain et canadien, pour imposer des taxes aux grandes compagnies internationales.

Si, pour donner un exemple, le prix affiché en Iran était de $1.67, le prix payé par les entreprises multinationales serait bien inférieur à ce prix affiché, soit à peu près $1.07. Le prix affiché, comme je le disais, n'est donc pas le prix réel payé par les compagnies pétrolières. Il sert seulement de base aux impôts ou redevances que paient les compagnies productrices au gouvernement sur le territoire duquel elles opèrent. Le prix réel payé par l'entreprise est le prix facturé qui est considérablement inférieur au prix affiché. Par exemple, la revue Platts Oilgram Service du 30 janvier 1968 mentionnait la vente du pétrole brut vénézuélien par un indépendant à une raffinerie française, avec un rabais de $0.75 le baril sur le prix affiché.

A ce sujet, il est même possible — des experts l'affirment — de démontrer que cela ne se fait pas seulement au Venezuela, mais aussi dans tous les autres pays. On voit qu'on peut obtenir des rabais allant de $0.70 jusqu'à $0.40 le baril. Soquip, en entrant sur le marché pétrolier, pourrait aussi obtenir ces rabais et pourrait établir son prix non pas à partir du prix affiché, tel que le font les compagnies actuelles, mais à partir du prix véritablement payé.

Si on fait une estimation, étant donné que nous importons environ 70 p.c. de notre pétrole du Venezuela — c'est, d'ailleurs, le pays qui vend le plus cher son pétrole par rapport à d'autres pays, si on délaisse le Canada et les Etats-Unis — et que 30 p.c. de notre pétrole provient des autres pays, il est possible d'estimer entre $1.07 et $1.87 selon que nous achetons notre pétrole de l'Iran ou du Vénézuéla.

Ce seraient à peu près les prix qui seraient payés, mais j'ai bien dit que nous importions 70 p.c. de notre pétrole du Venezuela. Il serait possible de disperser nos sources de pétrole et d'aller chercher du pétrole à un prix passablement inférieur.

Cependant, si nous nous en tenons exactement à l'importation telle qu'elle se fait actuellement, il est possible d'estimer à environ $1.97 le prix moyen que nous aurions à payer pour notre pétrole.

Mais, comme je le disais, il s'agirait simplement de diversifier nos importations pour obtenir un prix encore inférieur qui pourrait aller jusqu'à $1.75.

Si on compare ce prix au prix que nous payons, nous allons constater qu'il y a une différence considérable. En effet actuellement le prix du pétrole au Québec est d'environ $2.60 le baril, et celui de l'ouest est de $3.27.

En retenant le prix de $1.97, le fait que le Québec s'approvisionne à l'étranger plutôt que de l'ouest canadien lui procurerait une rente de $1.30 du baril, soit la différence entre le prix de l'ouest $3.27 et le prix de $1.97 que Soquip pourrait payer si elle importait son pétrole directement sans passer par les grandes compagnies internationales.

Considérant que la consommation de produits pétroliers s'est élevée en 1969 à environ 130 millions de barils, la rente du Québec aurait atteint $169 millions. En 1978, selon les prévisions estimées, la consommation québécoise sera de 280 millions de barils. Ce qui donnerait la somme de $364 millions en rentes.

En admettant que nous vendions notre pétrole au même prix que les compagnies internationales nous constatons que ce serait là des profits considérables pour Soquip. Cependant je crois que le problème fondamental, c'est d'abord de pouvoir fournir au Québec des produits pétroliers à un coût passablement inférieur à celui qui existe actuellement.

Il est facile de concevoir qu'avec une baisse aussi considérable du prix du pétrole de l'est, la frontière outaouaise ne saurait survivre sous peine de créer entre le Québec et l'Ontario, comme je le disais, un marché noir qu'on ne pourrait empêcher.

Il est certain que l'entrée de Soquip sur le marché international posera des problèmes assez considérables et assez importants. Il est certain que les compagnies internationales, les cartels financiers n'accepteront pas facilement que Soquip pénètre à l'intérieur d'un marché qu'elles contrôlent actuellement.

Mais nous en avons déjà parlé, Soquip s'est déjà préoccupée de ce problème, nous avons déjà pensé, ou du moins la nouvelle a couru voulant que Soquip devait au moins créer ses propres moyens de distribution du pétrole. Nous avions espéré, cette fois, que le gouvernement allait appuyer Soquip et faire en sorte que cette entreprise québécoise s'impose sur le marché des produits pétroliers.

Malheureusement, depuis, c'est un silence complet. Et nous savons que Soquip avait reçu alors l'assurance de plusieurs détaillants d'essence, qui désiraient certainement l'appuyer dans cette nouvelle politique, en particulier, de l'Association des services de l'automobile qui écrivait ceci, encore dans la même lettre, le 15 juin 1971, et continuait, à la suite d'une description qu'elle faisait de la situation des petits détaillants d'essence. "Pourquoi cet esclavage? Une oligarchie internationale existe dans l'industrie pétrolière. Huit compagnies pétrolières internationales dominent l'industrie pétrolière du Québec. Avec tous les problèmes énumérés ci-haut, il est impossible de prendre une mauvaise décision en supportant le projet de Soquip au Québec. L'Association des services de l'automobile entrevoit présentement la possibilité, avec Soquip, de contrôler une partie de l'industrie du pétrole. L'entrée de cette jeune société pétrolière pourrait forcer des compagnies pétrolières à se montrer plus humaines envers ses "jobbers" ou détaillants d'essence. Qui a inventé la compétition féroce que se livrent présentement les compagnies pétrolières? Guerre de prix dans certaines régions. Pourquoi une différence de $0.19 le gallon pour la même essence d'une région à l'autre? "Soquip n'a pas inventé ceci et ce n'est pas Soquip qui ouvre de nouvelles stations. Ce sont encore les compagnies majeures. La venue de Soquip dans l'industrie pétrolière nous paraît donc non seulement utile mais essentielle pour l'intérêt des Québécois. La participation des détaillants d'essence pourrait favoriser un meilleur équilibre des prix, permettrait aux détaillants d'investir et de réaliser des profits qui seront réinvestis au Québec au lieu d'envoyer ces montants d'argent à l'étranger, permettrait aux détaillants indépendants d'acheter leurs produits d'une société de l'Etat plutôt que d'être à la merci des gros du pétrole."

Cette association continuait: "M. le premier ministre, messieurs les ministres et députés, voilà un marché de plusieurs centaines de millions de dollars où notre participation est limitée et où toutes les décisions importantes nous échappent. Il est un devoir pour nous tous de supporter cette jeune société afin de lui permettre d'atteindre ses objectifs fort importants pour l'économie de notre belle province. Oublions pour un moment les intérêts des grosses compagnies pétrolières et pensons plutôt aux intérêts des Québécois. D'autres l'ont fait, pourquoi pas le Québec? "

C'est une invitation que nous lançons au ministre de développer ou de sortir immédiatement, le plus tôt possible, sa politique pétrolière, sa politique énergétique, parce que la lutte que nous voulons entreprendre aujourd'hui sur le commerce des produits pétroliers sera d'autant plus difficile si nous attendons encore.

J'espère, au cours de sa réponse, que le ministre élaborera un peu plus qu'il ne l'a fait lors de son discours de deuxième lecture sur sa politique énergétique.

Un autre avantage de l'entrée de Soquip sur le marché pétrolier serait la possibilité de la création d'un complexe pétrolier à proximité de Québec. H ne s'agit pas de rêver en couleur, cette possibilité a déjà été étudiée par Soquip et il est possible de la réaliser.

A l'heure actuelle, 95 p.c. du pétrole raffiné à Montréal, transite par Portland, aux Etats-Unis. Ces activités à Portland rapportent un revenu de $5 millions annuellement. Pendant ce temps, les ports de mer du Québec ne profitent aucunement ou à peu près pas de cette industrie. Pourtant les avantages géographiques du Québec nous permettent d'envisager la possibilité de rapatrier au moins une partie de ces revenus. Ce qu'il nous faut, c'est un port en eau profonde, aussi proche que possible des marchés et qui puisse approvisionner Montréal par un oléoduc.

Soquip, d'après les informations sérieuses que nous avons, a déjà envisagé cette alternative. A cause de certaines déficiences géographiques, le port de Québec ne pourrait être choisi. En effet, la largeur du fleuve, entre Saint-Irénée et Québec, ne permettrait pas l'entrée de navires aussi imposants que le sont ceux qui sont utilisés actuellement dans le commerce pétrolier.

Par ailleurs, il serait possible d'installer un port pétrolier à Saint-Irénée, entre Baie Saint-Paul et La Malbaie, ce qui permettrait de créer, dans cette région fort délaissée actuellement par nos gouvernements, des perspectives économiques considérables dont les conséquences se feraient très vite sentir sur l'ensemble du Québec.

De Saint-Irénée, le pétrole brut serait acheminé à Québec et à Montréal par oléoduc. Le port de Québec serait tout désigné pour recevoir une base de raffinage. D'ailleurs, la construction de cet oléoduc a été estimée à $15 millions par la Société québécoise d'initiatives pétrolières. Nous constatons que le Québec possède tous les atouts non seulement pour créer une structure d'approvisionnement autonome, mais aussi pour développer sa propre industrie pétrolière. Ce projet est ambitieux. Mais il est possible pour autant que ce gouvernement aura le cran et le courage de donner le feu vert à Soquip. Il est possible, M. le Président, pour autant que le gouvernement libéral actuel retrouve le courage qu'ont déjà eu certains hommes en créant Soquip et en créant aussi des entreprises québécoises comme

Soquem, Rexfor et autres, mais en leur donnant des pouvoirs de telle façon qu'elles s'inscrivent dans le marché dans lequel elles sont spécialisées.

Les retombées économiques d'un tel projet seraient considérables et nous cesserions peut-être d'être un éternel assisté social du fédéralisme rentable. De plus, des sommes importantes seraient épargnées par le consommateur québécois et nous mettrions fin au cartel du commerce des produits pétroliers des grosses compagnies nationales. Nos détaillants et distributeurs de produits pétroliers pourraient retrouver la liberté que ne leur donnera certes pas le projet de loi actuel.

M. le Président, j'ai tenté, à partir d'études sérieuses, études qui sont d'ailleurs connues par le gouvernement actuel, de développer ce que pourrait être une politique pétrolière au Québec. J'espère que le ministre en tiendra compte. Je sais que la "révolution tranquille", pour le gouvernement libéral actuel, c'est bien mort. J'espère qu'il retrouvera un peu d'énergie, j'espère qu'il arrêtera de penser exclusivement en vue de ses intérêts politiques actuels, à court terme, et qu'il pensera au développement du Québec, en particulier dans une industrie fort importante qui est celle du pétrole. Si le ministre actuel voulait faire cela, je crois que les 100,000 emplois que le gouvernement Bourassa nous a promis au cours de la campagne électorale pourraient être, du moins en partie, réalisés.

Nous lui demandons donc de sortir les quantités d'études sérieuses qui existent actuellement à l'intérieur de son ministère, à l'intérieur du ministère de l'Industrie et du Commerce et de développer sa politique pétrolière de telle façon qu'enfin le gouvernement québécois puisse s'imposer dans un marché aussi important et aussi considérable. Merci.

M. ROY (Beauce): M. le Président... M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... j'ai écouté avec intérêt le discours que vient de faire le député de Saguenay. Il a abordé le problème dans une perspective très vaste et il a fait appel à une série de renseignements, de documents dont j'aurais voulu, toutefois, qu'il nous donnât les sources. Cela n'invalide pas, pour autant, les propos qu'il a tenus, les représentations qu'il a faites et les exhortations qui ont marqué la fin de son discours.

Il est évident qu'en présentant cette loi sur le commerce des produits pétroliers, le ministre des Richesses naturelles n'a pas voulu couvrir l'ensemble du problème, n'a pas voulu que la Chambre légifère sur le problème général du commerce du pétrole au Québec. Il a pris un aspect, un très petit aspect de ce problème, aspect quand même important.

Mais, il n'a pas encore manifesté son intention de s'attaquer au problème global qu'a évoqué, il y a quelques moments, le député de Saguenay.

J'écoutais le député de Saguenay, M. le Président, et j'étais en très grande partie d'accord avec ce qu'il disait, ayant été membre d'un gouvernement qui s'est particulièrement occupé de ce domaine du commerce des produits pétroliers. Je suis en même temps au courant de bien des études et de bien des documents. Je sais qu'il est possible au gouvernement, s'il s'en donne la peine, de mettre de l'avant — et cela dans un délai assez bref — une politique générale qui s'inspire des recommandations qui lui ont été faites notamment par Soquip et par d'autres organismes qui ont été appelés en consultation par le gouvernement.

Il y avait toutefois, dans le discours qu'a fait le député de Saguenay, un aspect un peu — pour employer le terme, si vous voulez, le plus commode — utopique. Le député nous a brossé un tableau à l'aide de statistiques qu'il a puisées, notamment, dans le bulletin de la Banque Impériale de Commerce, dans la revue "Stock Exchange", dans la revue "Commerce", dans la revue "Marketing", etc., et même dans le Financial Post, and so on. Il a puisé une série de renseignements qui sont valables, renseignements que nous connaissons et qui proviennent de sources que nous consultons nous-mêmes.

Mais il a brossé un tableau utopique en ce sens qu'il nous a montré comme réalisable dans l'immédiat ou dans un avenir assez rapproché cet objectif qu'il a proposé à l'attention du ministre des Richesses naturelles. Il s'est attaqué, par exemple, aux grosses compagnies. Disons que c'est un thème facile et commode, je ne dirai pas démagogique. Mais il reste ceci, c'est que le jour où Soquip ou le gouvernement du Québec ou qui que ce soit qui voudra mettre de l'avant une politique globale du pétrole voudra agir dans ce domaine, le gouvernement, le ministère des Richesses naturelles et Soquip devront quand même traiter avec les grandes sociétés pétrolières, où qu'elles soient. H ne faut pas oublier cela.

On peut très bien dire: Les grosses compagnies nous étouffent. Les grosses compagnies échappent aux lois de l'impôt, etc. C'est vrai. Dans une certaine mesure, c'est vrai. Le député de Saguenay a bien fait de le mentionner. Mais il ne faut quand même pas laisser entendre à la population que nous pourrions bâtir ce monde idéal, dans le domaine du commerce du pétrole, sans avoir à traiter avec des entreprises qui ont des ramifications internationales.

Le député a également parlé de la faiblesse du gouvernement du Québec face au gouvernement central. C'est vrai à bien des égards et Dieu

sait si nous le lui rappelons souvent. Mais je n'en fais pas un argument majeur ce soir. Nous aurons d'autres occasions d'en parler. Il reste toutefois que même dans la perspective de l'option politique que propose le Parti québécois et qu'a évoquée encore ce soir le porte-parole de ce parti, le Québec, même indépendant, aurait à négocier, et de façon fort difficile, fort douloureuse et fort longue d'abord avec ceux qui deviendraient ses ex-partenaires dans la fédération canadienne et avec les grandes entreprises multinationales qui contrôlent actuellement l'industrie pétrolière.

Il ne faut donc pas, M. le Président, même en souhaitant que le gouvernement agisse, et le plus vite possible, dans ce domaine de la politique commerciale du pétrole, oublier les réalités, les faits.

Il ne faut quand même pas non plus faire luire des espoirs qui pourraient être déçus, trompés par les faits, par les événements. Il faut prendre le problème avec réalisme, avec calme, avec énergie, certes, et avec la célérité qui s'impose. Le ministre aurait fort bien pu, avant de nous présenter ce petit projet de loi, penser à nous présenter d'abord un projet de loi qui aurait été l'amorce, en collaboration avec Soquip, de cette grande politique en matière de commerce des produits pétroliers.

Mais je crois qu'il a voulu réduire ou circonscrire son effort à un domaine particulier qui est en fait le domaine des commerçants de détail des produits pétroliers. A cet égard, la loi qu'il nous présente, nous l'avons dit et cela avait fait l'objet de notre motion, est incomplète; non seulement incomplète, mais même incompréhensible, du fait que rien de ce qui doit faire l'objet de la réglementation par le lieutenant-gouverneur en conseil n'est indiqué dans le projet de loi.

On n'a même pas défini ce qu'est un produit pétrolier. On laisse au lieutenant-gouverneur en conseil le soin de le faire. Le ministre nous a donné tout à l'heure des assurances à ce sujet; par conséquent nous attendrons cette réglementation, nous l'examinerons afin de voir dans quelle mesure elle servira la cause de ceux que le ministre veut protéger et défendre.

Le ministre nous a dit: Il y a nécessité de légiférer. Nous sommes d'accord. Le ministre nous a dit: Il y a urgence à légiférer. Nous sommes ici d'accord, mais je pense que le gouvernement n'est pas d'accord avec lui-même, parce que, s'il invoque l'urgence de légiférer, il aurait dû quand même avoir la précaution de préparer tout de suite la réglementation pour bien montrer qu'il y a urgence à légiférer et à appliquer une réglementation qui aurait été déjà soumise à la Chambre en même temps que le projet de loi.

S'il y a urgence à légiférer, il y a urgence à adopter une loi et il y a urgence à l'appliquer. Mais, pour que cette loi puisse devenir applicable, il est nécessaire que la réglementation soit prête; or, cette réglementation ne semble pas encore exister et nous avons pris la parole solennelle du ministre qu'elle sera rédigée bientôt et soumise à une commission parlementaire.

Cette loi est faite pour réglementer le commerce des produits pétroliers. Elle est demandée par un bon nombre d'organismes, parce qu'il y a dans ce domaine une sorte de jungle, une pagaille, qui fait qu'on ne sait plus trop comment s'y retrouver.

Le ministre, je le sais, veut protéger les détaillants, particulièrement les petits détaillants. Je me suis demandé — j'ai examiné longuement la loi, j'attends, évidemment, toujours la réglementation — si le ministre va réellement atteindre les buts qu'il se propose, soit protéger les petits détaillants. Il y en a des centaines et des centaines dans le Québec. Il y en a qui vivent assez bien, il y en a qui vivent couci-couça et il y en a qui meurent, réapparaissent, meurent à nouveau, réapparaissent, renaissent, meurent, continuellement dans le Québec, parce que justement il n'y a pas de réglementation qui permettrait à ces gens de s'établir sur une base stable et d'assurer la permanence de leur entreprise ou de leur exploitation.

Mais les exigences que le ministre semble vouloir imposer par ce projet de loi paraissent à certains égards exorbitants.

On se demande — je prie le ministre d'y penser sérieusement — si les petits détaillants seront véritablement protégés par ce texte de loi qui va les obliger, sous peine d'amendes et d'amendes et d'amendes graves, à se soumettre à une série d'exigences qui peuvent être extrêmement tatillonnes.

M. le Président, sans faire aucune politique partisane, je dis tout de suite au ministre qu'il y a grand danger que l'émission des permis, les contrôles, les enquêtes, la surveillance par des inspecteurs, etc., donnent lieu à ce qu'on appelle — ce n'est pas le ministre qui va le faire, mais des gens peuvent le faire — chez nous communément du patronage.

Pour avoir une station-service, M. le Président — je prends un exemple concret — il va falloir obtenir un permis, c'est bien vrai. Il va falloir, pour établir une station-service, que l'établissement, le lieu physique où l'on vendra du pétrole réponde à telles ou telles exigences et que celui qui deviendra le requérant remplisse telles et telles conditions. Cela paraît normal, régulier et cela s'impose, mais ça me fait penser à ce qui se passe dans le domaine des permis de la Régie des alcools où il y a de telles exigences et où l'on impose à certaines gens des conditions telles qu'il leur devient impossible d'obtenir un permis sans passer par mille et un canaux. Cela les amène fatalement chez un avocat, ami d'un parti politique, qui leur dit: Je vais te régler ça, moi, pour tant et tant de centaines de dollars. Je le sais parce que j'ai dû prévenir dans mon comté, comme je le fais encore souvent, les gens qui veulent obtenir un permis de la Régie des alcools, en leur disant: De grâce, n'allez pas remettre votre affaire entre

les mains de gens qui sont intéressés à retirer des honoraires, mais qui ne peuvent quand même pas influencer les décisions d'une commission qui, elle, est indépendante.

Alors, parmi les détaillants, parmi ceux qui transportent le pétrole, il y en a de gros et de petits. Il va falloir des permis, il va falloir remplir telles et telles conditions, répondre à telles ou telles exigences. Je crains que, par la réglementation que va préparer le ministre, comme la loi l'exige, cette loi soit à ce point, si vous voulez, précise, détaillée, exigeante, tatillonne que les petits détaillants qui demandent qu'on les protège se trouvent dans une situation plus mauvaise que celle qui est actuellement la leur.

Je demande au ministre de penser à cela. Je connais sa bonne foi, je sais qu'il veut aider tous ceux qui font le commerce des produits pétroliers au Québec, mais il ne faudrait pas qu'en voulant les aider le ministre les soumette à des exigences qui les découragent et les fassent abandonner toute idée de poursuivre un commerce ou d'entreprendre une exploitation de cette nature.

Le ministre, je le sais, est conscient de cette réalité. Il y a, dans ce projet de loi — je ne peux pas l'examiner article par article à ce stade-ci de nos débats — toute une série de prescriptions concernant les exigences que le ministre va imposer à ceux qui s'occuperont de faire le commerce de produits pétroliers. Ces exigences peuvent être normales, régulières, humaines, des exigences de bon sens, mais elles peuvent aussi, si elles sont appliquées par des gens qui ne sont pas toujours de bonne foi, devenir des dangers, des entraves et elles peuvent constituer, pour tous ceux qui font le commerce des produits pétroliers au Québec, des empêchements qui fassent qu'ils abandonnent la partie.

J'ai causé longuement, il y a quelques jours encore, avec des représentants de ces associations de détaillants de produits pétroliers, etc., avec des personnes qui ont des stations de service, qui s'occupent du commerce des produits pétroliers d'une façon ou de l'autre. Ils m'ont dit qu'ils étaient heureux que le gouvernement présente une loi mais ils m'ont par ailleurs demandé de voir à ce que la réglementation ne soit pas exorbitante. Je soumets cela très simplement au ministre. Le ministre a l'obligation d'élaborer une politique générale dans le domaine du pétrole. Le député de Saguenay en a parlé tout à l'heure et je ne crois pas nécessaire d'en parler ici.

Le ministre a circonscrit le problème du commerce des produits pétroliers au Québec en pensant particulièrement à ceux qui font le transport et à ceux qui vendent au détail, ou d'une façon ou de l'autre, les produits pétroliers. Son intention est excellente et nous n'avons pas d'objection à approuver son projet de loi. Mais — nous aurons d'ailleurs l'occasion de le lui demander — le ministre ne parle pas, dans son projet de loi, de la publicité qui est faite, par exemple, par les grandes entreprises de produits pétroliers, publicité qui est imposée aux détaillants. Il ne parle pas non plus de ces magasins qu'on retrouve à peu près dans toutes les stations de service et qui sont imposés aux détaillants de produits pétroliers. Le ministre ne parle pas des primes non plus. On nous donne un verre, un bol à salade et je ne sais trop quoi en retour de l'achat de $5 d'essence.

Le ministre ne semble pas s'être préoccupé de cela et cela gêne, embarrasse, ennuie considérablement les détaillants, particulièrement les petits détaillants. Il y en a un grand nombre dans mon comté et je les rencontre souvent. Ils se sont plaints à moi des exigences des grandes compagnies pétrolières.

Le député de Saguenay disait tout à l'heure, et c'est une évidence: Ils se sont plaints à moi aussi de ces problèmes de publicité, d'être obligés d'avoir de petits magasins, de donner des primes, ainsi de suite, un tas de servitudes qui les embarrassent.

J'aurais voulu que le ministre touche à ces problèmes dans la loi qu'il nous présente et que, dans les conditions qui sont prescrites pour qu'un requérant puisse obtenir un permis, certaines de ces conditions touchent les sujets que je viens d'évoquer et de porter à l'attention du ministre.

M. le Président, je ne voudrais pas être méchant, inutilement dur et charger le ministre. Je dis simplement en terminant que cette loi est une petite loi nécessaire, certes, urgente, oui, pour nous, mais dont le gouvernement n'a pas vraiment saisi l'urgence puisqu'il nous la présente sans nous présenter en même temps la réglementation. C'est une petite loi qui ne constitue même pas l'amorce d'une loi générale sur ce qu'on appelle l'industrie pétrolière.

Mais quand je parle d'industrie pétrolière, ayant l'expérience de l'administration, étant informé de la question, je ne rêve pas en couleur. Je sais que même si le gouvernement a le devoir d'élaborer une politique pétrolière globale, d'y associer évidemment le ministère de l'Industrie et du Commerce, de négocier avec le gouvernement central la question des ententes nationales et internationales en matière de commerce, même si le gouvernement a toutes ces obligations, il reste que pour ceux qui ne rêvent pas en couleur, ceux qui ont un certain réalisme, cela ne peut se faire en un jour. Mais même si cela ne peut pas se faire en un jour, ce n'est pas une raison pour le gouvernement de différer le moment, de retarder indéfiniment le moment de passer à l'action.

Je ne porte pas de jugement sur le ministre, sur son énergie, mais comme il est responsable de l'énergie au Québec, je le prie de reprendre ce projet de loi, de lui donner une dimension beaucoup plus vaste et de nous présenter, dès la prochaine session, un texte législatif qui indiquera la volonté du gouvernement de donner à Soquip la dimension qu'elle doit avoir et de lui confier les responsabilités que ses créateurs lui

avaient confiées, et cela de façon pratique, efficace, dynamique, avec réalisme. Compte tenu de toutes ces réserves, pour ma part, je suis prêt à accepter le principe du projet de loi parrainé par le ministre des Richesses naturelles.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, quelques brefs commentaires seulement. Je ne veux pas ajouter à ce qu'a dit mon collègue d'Abitibi-Est tout à l'heure. Cependant, on me permettra d'ajouter quelques commentaires à l'exposé qu'a fait le député de Saguenay lorsqu'il a énoncé les grands principes de ce que pourrait être une politique globale en matière d'énergie, en matière pétrolière au Québec.

En l'écoutant, je n'ai pu faire autrement que de m'interroger sérieusement, à savoir de quelle façon ces beaux grands principes pourraient être appliqués, principes avec lesquels je suis d'accord dans une certaine mesure. Quant aux objectifs, quant aux moyens à prendre, nous pourrions en discuter, si le gouvernement québécois n'a pas de pouvoir économique.

Nous savons que notre gouvernement est obligé, actuellement, d'emprunter de l'argent des propriétaires pétroliers internationaux pour pouvoir continuer à donner du bien-être social dans la province de Québec. Je suis bien d'accord qu'on puisse élaborer une politique de l'énergie au Québec, que le Québec prenne ses responsabilités, mais auparavant, si on veut être logique avec soi-même, si on veut avoir de la continuité dans les idées, il va falloir certainement faire en sorte que le gouvernement du Québec prenne ses responsabilités en matière économique et qu'il réclame un véritable pouvoir économique pour être souverain. Parce qu'on sait, et je ne veux pas élaborer davantage là-dessus, qu'il y aurait énormément de choses à dire de ce côté.

Cependant, sur le projet de loi no 90, Loi sur le commerce des produits pétroliers, il est évident que nous sommes en faveur de ce projet de loi et que nous voterons pour ce projet de loi en deuxième lecture. Même si ce projet de loi est très incomplet et aurait dû contenir beaucoup plus de précisions en ce qui a trait par exemple à la définition des produits pétroliers, en ce qui a trait à certaines dispositions concernant la réglementation et aussi en ce qui a trait à la date d'entrée en vigueur du projet de loi. Mais, nous pourrons y revenir lors de l'étude en comité plénier.

Je veux mettre le gouvernement en garde de ne pas se limiter, une fois que ce projet de loi sera adopté, à exiger des permis de ceux qui font le commerce et la distribution dans les postes d'essence. Il va falloir que cela aille beaucoup plus loin, parce que je ne sache pas qu'on réglera le problème du commerce des produits pétroliers au Québec uniquement en exigeant des permis de ceux qui en font le commerce ou de ceux qui en font le détail.

On sait que, dans ce domaine, ici au Québec, c'est une véritable jungle où le consommateur est exploité, où ceux qui en font le détail sont exploités, où ceux qui en font le commerce sont exploités. Il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités et qu'il intervienne de façon à mettre de l'ordre là-dedans, de façon à protéger nos propriétaires québécois d'entreprises commerciales qui sont dans le commerce des produits pétroliers et de protéger aussi les consommateurs québécois. Uniquement au niveau du consommateur, après avoir fait une brève petite enquête au Québec, on constate que pour acheter une qualité donnée d'essence à différents endroits de la province, il y a un décalage de $0.19 le gallon pour la même qualité d'essence dans les différents postes dans la province de Québec, peu importe la région où nous l'achetons.

L'argument qui nous a toujours été servi est que c'était le transport qui occasionnait des frais supplémentaires. D'après d'autres études qui ont été faites et après en avoir discuté avec des transporteurs, on constate que le coût du transport pétrolier au Québec ne peut pas varier au maximum de plus $0.03 le gallon. Alors le décalage de $0.19 ne se justifie pas uniquement par le transport, c'est qu'il y a autre chose qu'on nous cache, qu'il y a d'autres faits qui maintiennent cette politique.

Il y a aussi le point des locateurs de postes d'essence, autrement dit, qui sont locataires des grosses entreprises d'essence. Sur 7,300 détaillants de postes loués, je ne pourrais pas vous dire si c'est pendant une période de quatre ou cinq ans environ, il y a 29.7 p.c. de ces postes qui ont changé de locataires. Ceci a fait qu'il y a 2,400 locateurs de postes d'essence qui ont dû abandonner. Sur 142 interviews qui ont été faites, la moyenne de pertes pour ces locateurs a été de $5,600 chacun. Ce qui veut dire qu'il y a des pertes de $1 million par année par ceux qui sont locateurs des postes d'essence qui sont pris dans les poches de ces individus pour favoriser les grosses compagnies pétrolières.

Il y a un autre point. Il y a tout l'aspect des contrats de location que les grosses compagnies pétrolières signent avec leurs locataires. Dans ces contrats de location, il y a toujours des garanties hypothécaires sur une période de vingt ans mais dont les versements sont échelonnés sur une période de dix ans.

Je demande au ministre de prendre bonne note de ce qui suit pour que dans sa réplique il puisse me donner des explications: Dans les contrats de locataires de stations de service, il y a toujours une clause où on laisse une somme de $100 à $200 en première hypothèque pour une période de dix années additionnelles et les détenteurs et les locataires ne peuvent même pas payer la compagnie pour pouvoir trouver un moyen de se refinancer afin d'être capables

d'améliorer leur commerce ou encore devenir propriétaires de leur commerce un jour.

Or, c'est de l'exploitation pure et simple et j'ose espérer que dans le projet de loi no 90, même s'il n'en fait pas mention, le ministre prendra ses responsabilités et qu'il légiférera dans ce domaine de façon à protéger ces individus.

M. le Président, il y a un autre point sur lequel je veux attirer l'attention du ministre, c'est qu'il ne faudra pas, lorsqu'on demandera des permis à ceux qui font le détail, aux petits postes d'essence, les petits postes privés dans de petites municipalités rurales, dans des municipalités éloignées du Québec, établir des exigences telles que seuls les gros postes de compagnies, les grosses intallations des compagnies puissent, autrement dit, satisfaire aux exigences réglementaires du gouvernement et que ces gens, à un moment donné, ne puissent pas conserver le privilège ou encore leur petit commerce qu'ils ont exploité pendant 10, 15 ou 20 ans.

Je soulève une question de privilège, M. le Président; qu'est-ce que nous faisons ici ce soir en cette Chambre? Il y a à peu près huit députés en cette Chambre. Le ministre ne m'écoute même pas. On est dans des coins. On est à discuter de différentas choses. Je me demande si cela peut être logique de faire une intervention à ce stade-ci. Je ne voudrais pas invoquer le règlement pour que nous ayons quorum en cette Chambre. Mais la tenue de la séance, à l'heure actuelle, est tout de même illégale, je pense. Nous n'avons même pas quorum et on n'écoute même pas ce que nous avons à dire. Je crois que nous avons des choses assez importantes à demander au ministre et le ministre devrait s'organiser pour en prendre note afin de nous répondre. Lors de l'étude en comité plénier, nous allons demander des explications et nous allons demander que le gouvernement nous fasse connaître ses intentions dans ce domaine.

M. le Président, je disais donc qu'il ne faudra pas, dans l'élaboration des règlements pour accorder des permis à ceux qui font le commerce et la distribution de l'essence au Québec ainsi que des produits pétroliers, qu'on impose des exigences telles que seules les installations des grosses compagnies puissent satisfaire à ces exigences et qu'une quantité de petits propriétaires de commerces, de petites entreprises qui donnent un très bon service et qui ont servi la population avec justice, qui ont servi la population avec compétence, avec toute honnêteté, soient lésés dans leurs droits et qu'ils perdent des privilèges et des droits qu'ils ont depuis 10, 15 ou 20 ans. Je demande au ministre, à ce stade-ci, de prendre en considération les droits acquis de ceux qui font le commerce des produits pétroliers, à l'heure actuelle, dans l'élaboration des règlements. Je sais que le gouvernement a, par contre, l'obligation de faire des règlements pour protéger le public. Mais il faudrait que le gouvernement ait un juste milieu de façon à ne pas pénaliser les petits propriétaires honnêtes qui font un commerce honnête, à l'heure actuelle, et ils ont besoin de ce commerce pour gagner leur vie.

M. le Président, le gouvernement doit être conscient, du moins, que les taxes qu'il retire du commerce des produits pétroliers, qui consistent, tout de même, en un volume d'affaires de plus de $800 millions par année, constituent, en quelque sorte, la deuxième source de revenus pour la province.

Je pense que le gouvernement devrait en tenir compte et que, lors de l'élaboration de sa loi, de ses règlements et de la mise en application il pourra procéder vers une autre étape pour faire l'inventaire de nos besoins pétroliers au Québec, faire une espèce de plan d'ensemble, si l'on veut, de façon à ce que ceci puisse constituer une étape importante dans l'élaboration d'une véritable politique de l'énergie, une véritable politique pétrolière au Québec.

M. le Président, et je termine là-dessus, je demanderais au gouvernement de bien vouloir, dans sa législation, permettre la création et la survie de l'entreprise québécoise et que cette réglementation ne se fasse pas uniquement au niveau des grosses entreprises internationales. Je ne veux pas partir en guerre contre les grosses entreprises internationales parce qu'à l'heure actuelle elles ont des droits sur les ressources pétrolières d'une quantité de pays qui, en quelque sorte, nous alimentent à l'heure actuelle.

Le gouvernement du Québec n'y peut rien. Mais, si nous voulons un jour être capables de dire notre mot dans le monde des affaires, si nous voulons être capables de nous imposer dans ce commerce, si nous voulons permettre aux Québécois de prendre la place qui leur revient dans le commerce et dans nos entreprises, je pense que le gouvernement se doit de prendre ses responsabilités, d'être conscient de ce fait et de voir à faire sa réglementation de telle sorte que ceci constitue un avancement non seulement pour les consommateurs québécois, mais pour toute l'économie québécoise.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, je désire prendre la parole brièvement, non pas pour m'opposer au projet de loi, parce que nous l'appuyons, mais plutôt parce qu'il nous invite à dire quelques mots sur tout ce qu'il ne dit pas, puisqu'il ouvre, en quelque sorte la porte sur un problème très important dont nous avons rarement eu l'occasion de discuter en cette Chambre, celui d'une véritable politique pétrolière globale et sur le problème plus large d'une politique de l'énergie.

A ce propos, M. le Président, j'aimerais d'abord rappeler quelques faits. D'une part, le

Québec est un grand consommateur d'énergie. Per capita, c'est l'un des plus grands consommateurs d'énergie au monde. Il y a, bien sûr, à cela des raisons qui ne sont pas seulement reliées au fait que le Québec a une économie industrielle relativement avancée, mais à des considérations tout simplement d'ordre climatologique. Du fait de la rigueur de l'hiver, ici, nous avons besoin de consommer passablement d'énergie, ne serait-ce que pour les strictes fins de chauffage.

Le Québec est donc un grand consommateur d'énergie. Par définition, ou par voie de conséquence, sa politique énergétique doit avoir une importance considérable. Quelles sont les sources principales d'énergie au Québec? Les principales, M. le Président — je le rappelle— sont toujours les dérivés du pétrole, qui comptent, si ma mémoire est fidèle, pour environ 70 p.c. à 80 p.c. de la production énergétique au Québec.

D'autre part, l'électricité, dont la production, au Québec, est à peu près exclusivement assurée par la méthode hydraulique, donc, l'hydro-électricité, occupe environ 20 p.c. de notre production énergétique totale. Le reste, si vous voulez, c'est relativement mineur. C'est probablement le charbon et le gaz naturel que nous importons de l'Ouest canadien qui occupe le reste.

De ces différentes sources d'énergie, une seule est d'origine locale, une seule est d'origine québécoise: l'hydro-électricité. A cet égard, nous souhaiterions, bien entendu — c'est ce que, dans le passé, la plupart des gouvernements québécois ont tenté de faire — développer au maximum la part qu'occupe l'hydro-électricité ou l'électricité produite sous d'autres formes dans le total de notre consommation énergétique.

Il reste, quand même, un fait capital, c'est que la plupart des études, des statistiques et des projections font voir que, pour longtemps encore, et bien au-delà des années 1980 et 1990, nous resterons dépendants, pour plus de la moitié de notre consommation énergétique, du pétrole. C'est donc une industrie très importante.

Elle a ce désavantage pour nous que sa matière première, le pétrole brut, n'existe pas en quantité suffisante ou en quantité industrielle au Québec et qu'en conséquence la matière première est importée. Nous importons donc du pétrole brut du Moyen-Orient, du Venezuela, de Trinidad et du Golfe du Mexique.

Il est intéressant de souligner que les importations de pétrole brut sont équivalentes pour possiblement la moitié, sinon davantage du déficit commercial du Québec dans sa balance des paiements avec l'extérieur. C'est donc un poste, au chapitre de nos transactions internationales, très important et qui est largement responsable de notre déficit commercial, doublé du fait que l'importance de cette industrie n'est appelée qu'à s'accroître, que sa proportion, comme je le disais tout à l'heure, dans le total de notre consommation énergétique n'est pas appelée à baisser, au moins pour les prochains vingt ans, en tout cas. Il est donc très important d'essayer de se tirer de cette situation du mieux possible et de tirer notre énergie du jeu de ce grand jeu pétrolier.

Nous disions, il y a un moment, qu'il faudrait, bien entendu, développer l'électricité au maximum. C'est un point. Il faudrait d'autre part faire de l'exploration pour du pétrole brut. Très timidement, jusqu'à ce jour, et tout récemment encore, l'Etat du Québec s'est engagé dans cette voie en créant Soquip, la Société québécoise d'initiatives pétrolières, qui, avec des compagnies pétrolières privées, a fait jusqu'ici un certain nombre de travaux d'exploration.

Mais il faut comprendre qu'avec l'effort financier relativement timide que le gouvernement a engagé dans cette société d'Etat, il ne faut pas s'attendre à des merveilles. Quand on vote $1 million, $1.5 millions, $2 millions par année, par exemple, pour augmenter le fond de roulement de capital de Soquip, il ne faut pas s'attendre à des merveilles, quand on sait que surtout dans le domaine de l'exploration sous-marine, le creusage d'un seul puits de pétrole peut coûter jusqu'à $1 million. Souvent il faut considérablement faire plusieurs de ces puits avant d'avoir véritablement prospecté un terrain et finalement trouver quelque chose.

C'est un jeu très dispendieux, qu'il vaut mieux, dirais-je même, faire à une très grande échelle, c'est-à-dire consentir à y engager des ressources considérables ou alors ne pas le faire du tout, parce qu'autrement on perd peut-être à peu près son temps. A ce propos, je souhaiterais que l'Etat du Québec engage dans Soquip des capitaux beaucoup plus considérables que ceux qui ont été engagés jusqu'à maintenant et qu'on s'engage dans une véritable politique d'exploration pétrolière dans le but, je le répète, de trouver du pétrole brut.

Mais en attendant cette perspective qui reste toujours aléatoire, il y a d'autres façons de tirer notre épingle du jeu de ce grand problème pétrolier, de cette situation pétrolière. Il y aurait par exemple la possibilité — et un effort devrait être fait — de tenter de diminuer ce déficit d'importation qu'occasionne l'importation de pétrole brut en tentant d'obtenir du brut au meilleur compte possible. Ce qui n'est pas nécessairement le cas à l'heure actuelle, étant donné que le marché au Québec est dominé par sept raffineurs qui tous représentent des membres du grand cartel international du pétrole et qui, bien entendu, s'alimentent principalement à même leurs sources, à eux, de pétrole.

Vous savez à quel point cette industrie mondiale est intégrée à partir de l'exploration, passant par le transport, au raffinage et finalement jusqu'à la distribution, ce qui fait que si on ne brise pas à un endroit ou à un autre le maillon de cette grande chaîne, on reste forcé-

ment prisonnier du cartel du système international.

Ainsi, il faudrait donc, à notre avis, tirer notre épingle du jeu en s'intéressant directement nous-mêmes au raffinage et à la distribution des produits pétroliers au Québec. Ce n'est que par cette voie, en retirant de cette phase de l'industrie pétrolière les profits qui sont possibles d'y être retirés que nous réussirons non pas à concurrencer, ou à briser un cartel international mais nous tailler une place et à retirer un profit quelconque de cette situation.

Tenter enfin d'exporter le produit fini, c'est-à-dire le produit une fois raffiné, en profitant, et ce n'est pas un avantage négligeable, de notre localisation géographique.

Le député de Saguenay, plus tôt, rappelait que, voilà déjà une dizaine d'années, avant l'établissement de la politique énergétique pétrolière du gouvernement central, le Québec a été pendant assez longtemps exportateur de produits finis vers les marchés ontariens. La politique canadienne, à l'heure actuelle, bloque cette possibilité d'exportation et cette possibilité si vous voulez d'élargir l'industrie locale, l'industrie québécoise de raffinage.

Mais il y aurait quand même, au-delà d'une politique établie, un moyen de faire tomber une politique, M. le Président. Et ce moyen, c'est que si le prix était à ce point alléchant et à ce point inférieur, je doute que les consommateurs de l'Ontario y résisteraient longtemps et accepteraient longtemps une politique fédérale qui, finalement, leur coûterait passablement cher.

Et cette politique et ce prix, nous pourrions les faire tomber si nous nous introduisions dans le commerce, dans l'industrie pétrolière, et pas seulement en établissant une raffinerie. Cela obligera, évidemment, à trouver des sources d'approvisionnement brutes, ce qui impliquera, par le fait même des sources extérieures, dominées par des Etats indépendants maintenant, je pense à l'Algérie ou la Lybie ou des Etats semblables, ou alors dans d'autres cas par les compagnies internationales. Il y a moyen à cause de la situation actuelle où le cartel sur le pétrole international est en voie d'être brisé; il a déjà commencé à craquer par l'action des Italiens avec l'ENI, par l'action des Français avec l'ERAP, par l'action des Japonais, par l'action des producteurs du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, plus récemment.

Cette situation nous ouvre donc une possibilité de conclure une entente d'approvisionnement brut qui pourrait alimenter une raffinerie québécoise. Or, quelle est la situation, M. le Président? Justement, puisque nous voulons parler de l'industrie du raffinage du pétrole et que nous croyons que c'est là que le premier geste important, que le seul geste significatif que l'Etat du Québec pourrait poser, dans une politique pétrolière globale commence par là, il faudrait, je pense, il serait nécessaire, de faire un tour d'horizon de la situation de ce secteur, de ce segment, si vous voulez, de l'industrie au Québec.

Nous sommes en présence, M. le Président, de six raffineries dans la région est de l'île de Montréal et d'une plus récente dans la région de Québec. Les six raffineries de Montréal représentent une capacité de production d'environ 300,000 à 350,000 barils par jour, ce qui fait de Montréal l'un des plus grands centres mondiaux de raffinage du pétrole. Est-ce 50,000 ou 100,000 barils, de la raffinerie de Golden Eagle? De mémoire, est-ce que le ministre pourrait me le dire?

M. MASSE (Arthabaska): C'est 100,000 barils.

M. JORON: Avec les 100,000 barils que la raffinerie de Golden Eagle de la région de Québec vient ajouter, nous sommes donc en face d'une industrie considérable, mais il est important de noter je pense que le député de Saguenay le faisait quand même tout à l'heure, qu'en incluant même la production de Golden Eagle, la capacité de raffinage installée à l'heure actuelle au Québec est quand même inférieure à notre consommation interne. Non seulement nous n'avons pas de surplus de produits finis à exporter, mais nous sommes même en situation de déficit, c'est-à-dire qu'il faut importer à l'heure actuelle du produit fini.

C'est un autre des effets de la politique du gouvernement central qui s'est traduit par un ralentissement considérable de l'expansion des raffineries au Québec. Nous sommes donc, je le répète, en présence de sept raffineries au total au Québec qui, toutes, sont des filiales de grandes entreprises internationales.

Vous avez, à Montréal, Imperial Oil, filiale de Standard Oil of New Jersey; Gulf, filiale de Gulf des Etats-Unis; Texaco, filiale de Texaco des Etats-Unis; Shell, filiale de Royal Dutch-Shell, compagnie néerlandaise et britannique; Fina, filiale de Petrofina de Belgique; BP, filiale de British Petroleum de Londres et Golden Eagle, filiale de Ultramar à Québec, toutes des compagnies étrangères, sans exception.

A un autre chaînon de cette industrie, M. le Président, vous avez, avant d'en arriver au détaillant lui-même, des intermédiaires, des grossistes. J'aimerais en dire un mot. Je me sens assez bien placé pour en parler puisque ma famille a été impliquée dans ce commerce. Vous avez donc les grossistes. Qu'est-ce qui se passe dans ce secteur de l'industrie au Québec, et ce depuis le début du siècle? Vous avez, à différentes époques, des grossistes ou, en termes du milieu, des "jobbers" qui établissent graduellement des réseaux de distribution qui deviennent des entreprises moyennes, parfois assez considérables et assez importantes. Ceci se fait graduellement jusqu'à un certain niveau où le grossiste prend une importance relativement grande. A partir de ce moment-là, évidemment, ses achats du raffineur commandent des prix assez intéressants.

En quelque sorte, il peut, sauf pour les très gros contrats, concurrencer le raffineur sur son

propre terrain. En conséquence, il devient assez gênant pour le raffineur. D'autre part, c'est aussi, pour le raffineur, un client très intéressant parce qu'il achète en bloc des quantités énormes. Or, vous arrivez toujours à la situation suivante: dès l'instant où l'industrie s'est suffisamment développée et qu'elle a vu apparaître un nombre assez élevé de grossistes de taille assez considérable, vous avez toujours, immanquablement, une situation de guerre de prix entre les raffineurs, de coupage de prix.

Le raffineur, à ce moment-là, est placé devant l'option suivante: ou bien il tente d'éliminer cet intermédiaire qui, parce que sa taille est trop grosse, est devenu gênant; il tente de l'éliminer par une guerre de prix en le faisant donc disparaître par une faillite à plus ou moins longue échéance ou bien, de crainte de le voir partir, il tente de garder ce marché captif en achetant le grossiste en question.

Vous avez connu, au XXe siècle, deux cycles semblables au Québec. Vers les années 1930, un certain nombre de grossistes, surtout dans la région de Montréal, puisqu'elle représente un peu plus de 50 p.c. du marché de tout le Québec, étaient devenus relativement importants.

Qu'avons-nous vu à cette époque? Au début des années trente, systématiquement, les raffineurs ont entrepris d'éliminer ces grossistes en procédant à leur acquisition. C'est ainsi que, par l'absorption de l'Oil and Oil and Gaz, L'AOA du père de Pierre Elliot Trudeau, de ENI et d'un certain nombre d'autres dont les noms m'échappent, vous avez eu la constitution de ce qui s'appelle aujourd'hui Champlain, qui est une filiale à 100 p.c. de l'Imperial Oil. Dès cet instant, la plupart des distributeurs importants sont disparus. Pendant une certaine période, il n'y a plus eu que de petits détaillants. Les raffineurs, ou les compagnies majeures comme on les appelle dans le métier, avaient fait le nettoyage du terrain et s'étaient débarrassés de grossistes qui avaient atteint une taille gênante.

Le même phénomène se retrouve après la guerre, vers la fin des années cinquante. A cette époque-là, vous êtes en présence de distributeurs importants, encore dans la région de Montréal — il y en a un ou deux dans la région de Québec, d'ailleurs — qui se sont, au cours des 25 dernières années, reconstitués, qui ont à nouveau acquis une place relativement importante sur le marché et qui à nouveau encore sont devenus gênants pour les compagnies majeures.

Avec l'installation, vers le milieu des années cinquante, de deux raffineries nouvelles au Québec, celle de Fina et celle de BP dans la région de Montréal, nous sommes en présence, vers la fin de ces années, d'une situation de compétition et de concurrence aiguë et très difficile. Dans cette situation les grossistes sont menacés, extrêmement menacés parce que les raffineries veulent passer outre, si vous voulez, leur couper l'herbe sous le pied et rencontrer la compétition nez à nez.

Le gros distributeur placé dans une telle situation a trois choix. Se regrouper avec les autres pour devenir lui-même de taille égale et, si son groupement est capable de trouver le financement, devenir raffineur pour entrer sur le même terrain et ne plus être dépendant pour sa fourniture des raffineurs installés sur le territoire du Québec. C'est son premier choix. Mais vous comprendrez que réunir cinq, six, sept, huit grossistes différents dont les intérêts sont divers et ainsi de suite, ce n'est pas tâche facile. Ce n'est pas tâche facile non plus quand à cette époque — c'est la fin des années cinquante, je le rappelle — vous n'avez pas d'organisme public, d'organisme d'Etat pour assister cette industrie, pour la pousser à la naissance de quelque chose de nouveau et de plus gros encore.

Le deuxième choix qui s'offre aux grossistes dans une situation semblable est de passer à travers au risque de faire faillite. Je le rappelle, vers la fin des années cinquante, c'était le cas de la plupart des grossistes de Montréal. Non pas qu'ils ont fait faillite, parce qu'ils ont pris la troisième option dont je vais dire un mot dans quelques instants. Donc, la plupart des distributeurs de la région de Montréal en étaient venus à une situation où, à toutes fins utiles, ils ne faisaient plus de profits et fonctionnaient strictement sur une base qui leur permettait tout juste d'arriver.

La troisième option, c'est de capituler, de vendre aux raffineurs qui sont évidemment éminemment intéressés à acquérir ces distributeurs parce qu'ils représentent un marché captif. Et c'est encore ce que les distributeurs les plus importants, de la région de Montréal, comme ceux de la région de Québec, ont fait à nouveau vers les années 1960 — fin des années 1950, début 1960 — de la même façon que 30 ans auparavant le même cycle s'était reproduit. C'est un cycle. On a vu disparaître les principales maisons canadiennes-françaises comme Joseph Elie, Monjeau et Robert, Independant Petroleum, Ideal Petroleum, National Petroleum, Canadian Petroleum. Même si les noms sont anglais, c'étaient des distributeurs qui étaient la propriété de Québécois français.

Tous disparus, plus quelques-uns d'ailleurs dont j'oublie les noms. A l'heure actuelle nous sommes à nouveau dans une situation où il n'y a, à toutes fins utiles, aucun distributeur d'importance au Québec.

A la longue, avec les années, ces réseaux de distribution se reconstitueront probablement mais ils arriveront dans dix ou quinze ans au même stade d'évolution, seront placés devant le même dilemme et à nouveau les quelques entreprises naissantes, embryons de grandes entreprises industrielles, disparaîtront si à ce moment-là il n'y a pas en place une industrie québécoise dans le domaine du raffinage. C'est la seule façon de sortir du cycle infernal de cette domination étrangère. Il faut entrer dans cette industrie.

A l'heure actuelle, il n'y a aucun entrepre-

neur privé québécois qui a la compétence, la connaissance de ces marchés ou même les capitaux pour envisager un tel investissement. Seul l'Etat est à la mesure d'un investissement aussi considérable.

Nous avons les prérequis, nous avons un marché. Il est possible de trouver une source d'approvisionnement de pétrole brut parce que, comme je le signalais tout à l'heure, ce domaine n'étant plus maintenant la chasse gardée des seuls anciens grands du cartel international, l'apparition des trouble-fête internationaux que sont l'ENI italienne, l'ERAP française, les sociétés japonaises, la Sonetrac algérienne, les compagnies lybiennes, qui viennent justement de nationaliser la British petroleum, ainsi de suite, ce fait nouveau nous procurerait une occasion intéressante de trouver des fournitures de pétrole brut.

Finalement, le financement d'une industrie semblable, on calcule environ $1 million par 1,000 barils d'installation de raffinage. Une raffinerie de 50,000 barils par jour, cela coûte pas loin de $50 millions. Ce sont des investissements considérables.

Il est évident que, dans une circonstance semblable, il faut considérer un financement conjoint. Il serait de mise, dans une situation semblable, d'établir ce qu'on appelle un "join venture" un "partnership", si vous voulez, avec le fournisseur de la matière brute. Nombreux sont les candidats qui attendent qu'on leur en fasse la demande. D'ailleurs, à ce sujet, une équipe de technocrates compétents, dynamiques — peut-être séparatistes comme dirait le ministre des Affaires municipales, cela je l'ignore — avaient constitué, autour des années 1967, 1968 et 1969, un projet élaboré au sein de l'une des directions du ministère des Richesses naturelles, avaient conçu cette société québécoise de raffinage. Le projet est allé passablement loin. Les discussions avec l'ERAP, une compagnie nationale française qui appartient à l'Etat français, sont allées également assez loin. Le projet était l'établissement d'une raffinerie dans la région de Québec. Tout à coup, tout s'est écroulé assez rapidement, sans explication et qu'apprend-on? Une compagnie britannique, Golden Eagle, vient installer à Québec une raffinerie de 100,000 barils par jour. Le beau projet du ministère des Richesses naturelles, envolé! Tout ce qu'on appris par la suite, c'était qu'un certain trésorier du parti qui formait le gouvernement à l'époque était également administrateur de la Golden Eagle, un nommé Lagarde. Est-ce qu'il y a une relation de cause à effet? Ce n'est pas à moi de répondre à cette question.

Peut-être pour des raisons de politicailleries, d'intérêts mesquins, le gouvernement du Québec d'alors a raté une occasion superbe de faire une entrée facile dans une industrie essentielle, capitale pour notre développement futur. On l'a complètement ratée. Je me souviens de la position du critique financier de l'Opposition à cette époque, aujourd'hui premier ministre. A l'occasion de plusieurs débats conjoints que j'avais eus avec lui dans différents collèges, CEGEP, universités, à l'époque de ces années de discussions fébriles de 1967 et 1968, toujours nous étions tombés d'accord, mais absolument d'accord, pour dénoncer ce que nous appelions tous les deux la trahison du gouvernement d'alors.

M. Bourassa, à cette époque, tout comme moi, réclamait vertement l'initiative de l'Etat, l'investissement direct de l'Etat dans ce domaine pétrolier pour constituer cette société québécoise de raffinage.

Evidemment, le temps passe. De l'Opposition, on passe au pouvoir et les priorités se déplacent et peut-être aussi les intérêts, je ne sais pas. Mais jusque là, tant que, de la part du gouvernement, on n'en aura pas entendu plus long sur ce sujet, je préfère quand même lui laisser le bénéfice du doute et attendre une réponse à ces questions.

Je termine donc en rappelant que, même si nous avons raté l'occasion intéressante qui s'offrait à nous dans les années 1967, 1968, etc., si le gouvernement d'alors a laissé passer cette belle occasion, que Golden Eagle s'est installée à Québec, il reste que même aujourd'hui nous sommes encore dans une situation où la capacité de raffinage installée au Québec est inférieure à la consommation. Or, il y a encore une déficit à combler. Toute nouvelle raffinerie pourrait encore, rapidement, se tailler une place dans le marché québécois. L'occasion existe encore. Elle est encore là. Nous souhaiterions que l'Etat du Québec, à travers Soquip, en profite.

Comme je le disais tout à l'heure, — et je tiens à le répéter — ce ne sont pas là des sommes astronomiques parce que, de toute façon, cela ne pourrait possiblement pas prendre de forme autrement qu'un financement conjoint avec un associé étranger. Donc, nous parlons de quoi? Nous parlons peut-être finalement d'un investissement sous forme d'équités de $5 millions ou $10 millions, la balance pouvant être financée, possiblement, par les marchés ordinaires, par l'émission d'obligations. On ne parle pas d'une affaire mirobolante et astronomique. Nous croyons que l'utilisation des fonds publics à des investissements semblables, qui nous laissent quelque chose en retour, qui nous laissent un contrôle d'une partie importante de notre économie, vaut mieux qu'utiliser des $10 millions et $20 millions en subventions perdues à l'entreprise privée. Nous croyons que, de toute façon, comme dans le cas, par exemple, de l'ITNT. Je suis absolument convaincu et je le resterai toujours que, même si l'Etat du Québec n'avait pas joué, à même les fonds publics, à la Saint-Vincent-de-Paul avec l'ITNT au point qu'il l'a fait, ITNT se serait quand même installé au Québec, parce que ITNT avait besoin d'une chose, du papier. Pour faire du papier, il faut trouver de la forêt, de la

forêt en quantité dans le cas de cette usine-là. Et où à proximité des marchés qu'ITNT voulait desservir se trouvait cette forêt, sinon au Québec?

J'ai l'absolue conviction que ces investissements se seraient réalisés quand même bien que je ne suis pas encore convaincu que ce sont là des investissements auxquels nous allons contribuer et auxquels nous contribuerons dans le futur par les prêts que nos banques avanceront à cette société, par les obligations que celle-ci émettra éventuellement pour un financement et que nos institutions financières acquerront. Nous allons financer cet investissement qui, malheureusement, ne fait rien pour redresser le déséquilibre déjà installé dans la structure industrielle du Québec et qui met tellement l'accent sur les ressources naturelles, qui accentue même notre dépendance face à l'étranger. Plus nous nous enlisons et plus nous continuons ce genre de politique d'investissement dont l'initiative est laissée à l'étranger, il est évident que le type d'investissements que ces gens-là vont faire ici vont être conditionnés par leurs besoins à eux et non pas par les nôtres. Il ne faudrait pas se surprendre si un jour on se retrouve avec une économie complètement déséquilibrée. Elle l'est peut-être déjà quand on voit ce taux de chômage chronique qui nous afflige depuis si longtemps.

Enfin, j'ai l'impression que je suis en train de m'égarer un peu des propos du bill 90 qui est plus restrictif et qui porte sur l'industrie pétrolière.

Je termine tout simplement en disant que plutôt que de jouer à la Saint-Vincent-de-Paul avec l'entreprise privée, nous souhaiterions que le gouvernement utilise les fonds publics, les deniers des contribuables, pour poser des gestes directs qui créent directement de l'industrie nouvelle au Québec et que cela crée des emplois aussi, si cela peut faire plaisir au premier ministre. Mais surtout cela nous assure une place dans une industrie où, à l'heure actuelle, nous sommes complètement, mais totalement absents.

M. LE PRESIDENT: Reconnaissant qu'aucun autre opinant ne désire s'exprimer, l'honorable ministre des Richesses naturelles, en s'exprimant le dernier...

M. PAUL: M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: ... clôturera le débat, je crois.

M. PAUL: ... je regrette. Vous lirez l'article 269 qui dit que le président doit s'assurer que tous les députés qui ont l'intention de parler sur un projet de loi aient l'avantage de parler avant que le parrain d'un projet de loi mette fin au débat.

Par conséquent, j'ai l'intention de parler sur le principe du projet de loi no 90.

M. LE PRESIDENT: Je regrette infiniment que l'honorable député de Maskinongé se soit levé un peu en retard. Mais je lui accorde la parole quand même.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, je vous remercie mais je n'aurais pas aimé que vous essayiez de m'enlever la parole parce que je pense que je l'aurais prise quand même.

De toute façon, M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents discours qui ont été prononcés ce soir. Et lorsque j'ai écouté l'honorable député de Gouin, je me suis demandé si, alors que nous étions au pouvoir, nous avions adopté une législation pour permettre le versement de subventions à l'industrie pétrolière au Québec, je me demande si l'honorable député aurait vendu ses intérêts dans la compagnie Joy Oil à des financiers suisses...

M. LEDUC: C'est pas possible!

M. PAUL: ... pour ensuite aller investir ses capitaux dans la province d'Ontario...

M. LEDUC: C'est pas possible!

M. PAUL: ... considérant qu'il a tellement confiance dans un Québec séparé de l'Etat canadien.

M. LEDUC: Il s'est séparé du Québec avant tout le monde! C'est une honte de la part du député de Gouin. C'est effrayant.

M. PAUL: M. le Président, j'ai remarqué que l'honorable député de Gouin parlait d'expérience de ce problème du pétrole au Québec.

M. LEDUC: Il est probablement bien huilé.

M. PAUL: J'ai remarqué, M. le Président, qu'il avait été dans la même ligne de pensée que son collègue, le député de Saguenay. Mais je m'en voudrais, M. le Président, d'enfreindre le règlement d'une façon aussi scandaleuse. Je préfère m'en rapporter non pas à l'étude d'un projet de loi éventuel du pétrole au Québec mais plutôt de considérer le principe que l'on retrouve dans le projet de loi no 90, Loi sur le commerce des produits pétroliers.

M. le Président, je crois que, ce soir, nous assistons au chant du cygne de la part de l'actuel ministre des Richesses naturelles. Cela ne sera pas un gros chant.

M. MASSE (Arthabaska): Une chance que vous avez un souffleur !

M. PAUL: Je regrette. M. le Président, le souffleur est venu me dire de saluer le maire de la ville de La Tuque et ses compagnons. Je le fais avec plaisir. Ecoutez, j'ai répondu au

ministre. Il m'a accusé d'avoir accepté le sage conseil que m'avait donné le député de Saint-Maurice.

M. LEDUC: Vous avez accepté le souffle du député de Saint-Maurice.

M. PAUL: Je lui prouve que je n'ai pas eu un souffleur dans la voie qu'il m'a indiquée. Il m'a tout simplement demandé de saluer le dynamique maire de La Tuque et le procureur de la ville de La Tuque, Me Carrier.

Je suis bâtonnier, M. le Président. Moralement, je suis obligé de saluer... D'ailleurs, ce sont vos électeurs, M. le Président. Alors c'est par courtoisie pour vous que j'ai accepté l'invitation que m'a faite mon collègue. Mais je continue, M. le Président.

M. LEDUC: Oui. Il serait mieux que nous filions vers le principe du bill.

M. PAUL: C'est cela.

M. le Président, dans ce projet de loi, je me demande ce qu'il y a. Il y a un grand principe, une intention pieuse, de la part du ministre, de légiférer aux fins de réglementer le commerce des produits pétroliers au Québec, point final. C'est une "loisette" — j'aime ce mot —...

M. MASSE (Arthabaska): "Billette". M. PAUL: Pardon?

M. MASSE (Arthabaska): "Billette". Vous ne comprenez pas.

M. PAUL: "Billette". Si au moins c'était un "billette", M. le Président. Il n'y a rien. Il n'y a rien. Je vois l'honorable député de Terrebonne...

M. DEMERS: Un touriste.

M. PAUL: ... qui partage mon idée.

M. DEMERS: Un étranger en Chambre.

M. PAUL: S'il pouvait être libre de participer au débat après mon intervention, je suis sûr qu'il en viendrait aux mêmes conclusions que moi.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque mon privilège de député.

M. PAUL: Je m'asseois.

M. HARDY: Comme député de Terrebonne, membre de cette Chambre, j'ai toujours joui de ma plus entière liberté. Les règlements ne m'empêchent pas de prendre part à un débat sur une motion de deuxième lecture. Chaque fois que je le juge à propos et, surtout, que je considère que les intérêts de mes électeurs sont en cause, je me fais un devoir d'exprimer toute ma pensée, sans aucune entrave. Donc, M. le Président...

M. DEMERS: Cela ne fait pas un gros "barda"!

M. HARDY: ... j'ai toujours été absolument libre de participer aux débats et je ne vois pas pourquoi l'honorable député de Maskinongé a dit tantôt que si j'étais libre je dirais que je partage la pensée du député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je n'aurais jamais pensé qu'il aurait monté si rapidement dans les rideaux. Voici pourquoi j'ai dit ça. C'est parce que c'est lui qui est vice-président de la Chambre et comme vous occupez le fauteuil depuis le début de la séance, j'ai pensé que l'honorable député irait prendre son fauteuil, ce qui ne le rendrait pas libre de participer au débat, c'est tout.

C'est dans ce sens que j'ai parlé de liberté chez mon collègue le député de Terrebonne.

M. DEMERS: On ne peut pas en asseoir deux dans le même fauteuil.

M. PAUL: M. le Président, il est regrettable que le ministre nous ait présenté une loi aussi squelettique. A part de trouver un principe que nous approuvons, il y a nécessité — urgence, ce n'est pas certain — de légiférer dans le commerce des produits pétroliers.

Mais ce qui m'inquiète, c'est le silence de la loi. L'honorable ministre, à une question que lui posait mon collègue le député de Chicoutimi, s'est levé et il a voulu invoquer un précédent législatif, soit la loi no 61, capitre 61 des statuts de 1969, sur les matériaux de rembourrage et articles rembourrés.

Je me demande si le ministre l'a lue. Il a parlé de l'article 38. A l'article 38, on prévoit cette possibilité pour le lieutenant-gouverneur de légiférer sur des sujets bien déterminés et on revoit dans le projet de loi no 90 à peu près le même texte que l'article 38 du chapitre no 61. Or, dans la loi concernant les matériaux de rembourrage et articles rembourrés, nous avons des définitions, nous avons un texte, nous avons des dispositions, nous avons des infractions déterminées. Mais dans la loi qui nous est soumise, nous n'avons seulement pas la définition du produit pétrolier.

Par contre, le ministre nous propose de laisser au lieutenant-gouverneur en conseil le soin de définir le produit pétrolier. Un peu plus loin, dans un geste magnanime et un souci d'alimenter la caisse du ministre du Revenu, il nous demande d'approuver à l'avance des pénalités allant de $500 à $2,000, si ma mémoire est bonne, pour des infractions pour un commerce bien spécifique qui n'est pas défini dans la loi.

Je me demande si le ministre a lu la loi avant de la présenter, ou du moins je me demande s'il

l'a comprise. En fin de semaine dernière, j'ai rencontré plusieurs détaillants, plusieurs garagistes qui m'ont demandé: Qu'est-ce que c'est, la loi des produits pétroliers? J'ai dit: Il faut attendre. Attendre quoi? De connaître la loi. Ils ont dit: Cela a paru à la télévision.

M. le Président, j'ai été obligé de répondre que le ministre ne connaissait pas encore la nature des produits qui seraient intégrés dans cette loi-là.

M. OSTIGUY: M. le Président, sur une question de règlement, est-ce que je pourrais poser une question au député de Maskinongé?

M. PAUL: Une question de règlement? Tâchez de vous mettre les pieds à terre d'abord.

M. OSTIGUY: Une question de privilège tout simplement. Non, pas de privilège.

M. PAUL: M. le Président, j'aimerais que vous décidiez si, à ce moment-ci, vous allez recevoir la question de privilège, la question de règlement ou si moi je vais me prévaloir des avantages que me donne l'article 286 du règlement. J'attends votre directive, M. le Président.

M. OSTIGUY: M. le Président, je demanderai...

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouville, sur une question de privilège.

M. OSTIGUY: Non, non, je m'excuse, j'ai demandé au député de Maskinongé s'il me permettait une question.

M. PAUL: Ah bon, ça c'est très bien.

M. OSTIGUY: Afin de faciliter le débat, est-ce que vous pourriez nommer les garagistes que vous avez rencontrés?

M. PAUL: Les garagistes que j'ai rencontrés? Mon cher monsieur, je ne vis pas dans le cidre. Je suis tout à fait dégrisé quand je me promène dans mon comté, M. le Président. Je vais vous nommer Raymond Lessard, garagiste de Sainte-Ursule, je vais vous nommer le garage Germain et Frères; je vais vous réciter toute la liste. Vous savez que j'ai 31 garages, on a à Louiseville 30 vendeurs d'essence sur le boulevard est, j'espère que vous ne m'arrêterez pas.

Un excellent petit gars de chez nous, M. le Président, Foucher, vous le connaissez bien.

M. VEILLEUX: J'espère que vous n'avez pas vendu ça à des intérêts suisses.

M. PAUL: Tiens, voici que l'enfant terrible du parti n'occupe pas son fauteuil; probablement que ce soir il avait besoin d'un tuteur...

M. VEILLEUX: J'ai l'impression que le député...

M. PAUL: ... comme tout arbre croche a besoin souvent d'un tuteur pour reprendre sa pousse.

M. VEILLEUX: C'est pour ça que le député de Maskinongé vient souvent en arrière pour me demander des conseils.

M. PAUL: M. le Président, j'entends des voix mais je ne peux pas reconnaître le député de Saint-Jean. Je dis donc, M. le Président, non, non je ne succomberai pas à la tentation. Je dis donc que les garagistes m'ont demandé quelle serait la portée, l'application de cette loi. J'ai été obligé, et ça m'a fait mal au coeur, de dire à des amis que le ministre n'a pas encore déterminé ce qui serait contenu dans sa loi.

Ils m'ont demandé: Mais quel est ce ministre-là? J'ai dit: Je ne peux pas vous le nommer pour le moment; d'ailleurs, il n'est que de passage, on va le transférer avant longtemps.

M. DEMERS: Cela va faire mal au coeur.

M. PAUL: M. le Président, qu'est-ce que le ministre a l'intention de réglementer et de régir dans le Québec? Est-ce que le ministre a l'intention de régir le commerce d'huile à chauffage? Est-ce qu'il a l'intention de régir l'entreposage, la distribution, le mazout, l'huile de charbon, l'huile à briquet, l'huile à pétrole, la parafine? Je me le demande. Il n'y a rien dans la loi, et par contre le ministre nous dit: Il y a 13,000 détaillants au Québec et quelque 700 distributeurs d'huile, puis on vous demande de voter un principe de loi.

Faites attention, M. le ministre, vous allez être très mal conseillé si vous l'écoutez. Je vous demande de ne pas l'écouter, monsieur le ministre. Et c'est beaucoup plus rentable et profitable pour vous de m'écouter...

M. VEILLEUX: Je veille sur vous.

M. PAUL: ... dans les suggestions que j'ai à vous faire. Franchement on est quelque peu satisfait de réaliser que le ministre a compris l'erreur monumentale qu'il avait faite et que les revendications, les raisons qu'avait exposées le député de Missisquoi dans sa réplique de deuxième lecture, au discours du ministre, ont soulevé certains points qui n'ont pas été sans torturer le ministre. Il a été aux prises avec des crises de conscience et, ne pouvant compter sur les membres de son parti, il s'est rassuré à la pensée que la vigilante Opposition verrait à lui faire réaliser les faiblesses de son projet de loi.

Il faudra, dans les règlements que le ministre proposera au lieutenant-gouverneur d'adopter, couvrir plusieurs facettes du commerce de produits pétroliers. Il y a d'excellentes mesures qui peuvent être adoptées. Je suis sûr que le ministre, en relisant le discours qu'on lui a préparé pour la présentation en deuxième lecture de ce projet de loi, réalisera qu'on lui a suggéré de nous énoncer certains grands thèmes

qui nous ont frappés et qui, de prime abord, nous portaient à endosser ce projet de loi à l'aveuglette.

Mais lorsque nous nous sommes arrêtés pour analyser le vide béant que l'on retrouve dans cette loi, nous avons été dans l'obligation de présenter la motion qui fut reçue heureusement, et nous en félicitons le ministre. Il y a urgence et il y a surtout nécessité. Il s'agit d'une quasi-loi-cadre pour régler le commerce des produits pétroliers dans tout le Québec; cela touche les distributeurs d'essence, les postes d'essence, l'huile à chauffage. Il faudra donc que nous prenions les moyens nécessaires pour exiger le respect des droits de ces détenteurs de postes d'essence. Ce qui m'inquiète, ce sont les pouvoirs que Papa Doc a, encore une fois, donnés au ministre des Richesses naturelles: Le ministre des Richesses naturelles aura, en effet, le droit, et lui seul, de déterminer si un détenteur de poste d'essence ou un commerçant d'huile aura le droit de continuer à exploiter son commerce. H aura le droit de refuser le renouvellement de son permis.

On me dira que ce sera nécessairement pour cause et raison. Au renouvellement d'un permis, le ministre aura discrétion absolue de l'accepter ou de le refuser. Pourquoi ne pas permettre que la décision du ministre puisse être portée en appel devant un juge de la cour Provinciale? Nous retrouvons ce droit d'appel dans la loi 61, concernant les matériaux de rembourrage et les articles rembourrés; l'article 26 traite des appels. Le ministre peut se tromper de bonne foi; il peut se tromper aussi par faiblesse. A ce moment-là, le contribuable, victime de la décision du ministre, se verra privé, souvent après avoir investi un capital — c'est, dans bien des cas, la seule source de revenu familial — de l'exercice de ce commerce et il pourra être exposé, sans explications, à voir son permis suspendu ou annulé. Il faudra, à ce moment-là, commencer les pèlerinages auprès de je ne sais qui pour essayer de faire revivre ou d'obtenir un permis que le ministre aura suspendu.

Le ministre devra supporter l'odieux des recommandations que pourront lui faire les inspecteurs dont la loi prévoit la nomination et qui normalement devraient être en mesure, et eux seuls, d'informer le ministre sur la qualité des produits que l'on vend dans tel ou tel établissement, sur la façon d'exploiter un commerce dans un établissement donné. Pourquoi le ministre ne prendrait-il pas en considération la planche de salut et de protection que je lui offre ce soir pour que la décision qu'il rendra puisse être confirmée en cas de refus de renouvellement de permis, puisse être ratifiée, annulée ou confirmée par un juge de la cour Provinciale?

Je crois que c'est une excellente mesure que je suggère au ministre, et, M. le Président, nous allons, du même coup, faire disparaître beaucoup de craintes de la part de ceux qui auront à demander des permis et à payer des droits dont on ignore actuellement le tarif, le coût. Je connais la vigilance du ministre du Revenu qui ne se contentera pas d'un coût normal de permis mais qui ira, suivant les appétits bien légitimes qui doivent être siens dans l'accomplissement de son mandat de ministre du Revenu, chercher une source additionnelle de revenus, et à quel taux, à quelles conditions? Nous ne le savons pas, la loi est muette. Je dis donc qu'il y a énormément de travail à faire pour bonifier cette loi. Il faut absolument que le ministre soit à l'abri du patronage qui est la marque de commerce du gouvernement gélatineux qui nous conduit actuellement dans le Québec.

M. VEILLEUX: Vous autres, vous connaissez ça?

M. PAUL: Tiens, j'ai même vu l'honorable député de D'Arcy-McGee me regarder d'un oeil approbateur.

M. DEMERS: Il est contre la pollution.

M. PAUL: Je sais que le ministre est contre la pollution et, par voie de conséquence, il doit être, et je sais qu'il est contre le patronage.

M. DEMERS: C'est ça.

M. PAUL: C'est un des rares, et je l'en félicite. J'invite donc le ministre à considérer toutes les remarques qui lui ont été faites ce soir. Je sais que les honorables députés de Saguenay et de Gouin ont soulevé des problèmes très importants. Et dans la loi-cadre que le ministre nous présentera — pas lui, son successeur — il faudra que l'on ait une véritable politique québécoise, il faudra que l'on fasse jouer un véritable rôle à Soquip. En attendant le remaniement ministériel, il faudra que le ministre, dès demain ou après-demain, entre en contact avec ses fonctionnaires ou avec ses légistes pour leur demander de préparer des règlements, puisqu'il n'y a aucune urgence à voter cette loi. La preuve, c'est qu'il est prévu dans la loi qu'elle n'entrera pas en vigueur le jour de sa sanction mais le jour de sa proclamation. Par conséquent, c'est une prudence nécessaire.

Mais il faudra que le ministre soumette à la commission parlementaire des Richesses naturelles les règlements qu'il a l'intention d'appliquer dans le cadre de cette loi. Il faudra l'habiller. C'est un enfant tout nu que nous allons donner au ministre. Il faudra que le ministre lui donne des vitamines. Il faudra qu'il le nourrisse. Il faudra qu'il prenne les moyens nécessaires pour que cette loi atteigne le but visé, l'excellent but visé par les hauts fonctionnaires du service de l'énergie de son ministère. Je crois que c'est le service des hydrocarbures. Je n'en fais pas un reproche. Ce n'est pas le ministre qui a pensé à la présentation de cette

loi. Le ministre a autre chose à faire que cela. Il faudra donc que le ministre attire l'attention des hauts fonctionnaires de son ministère pour que tous les aspects du commerce des produits pétroliers soient couverts.

Il y a un problème qui a été soulevé par mon collègue, le député de Chicoutimi, c'est celui des billets ou bons-primes. Il faudra qu'il y ait une clause dans les règlements pour empêcher ce que, personnellement, je considère comme une concurrence déloyale.

Il faudra que le ministre nous convoque le plus tôt possible. La loi est tellement urgente que nous siégeons à des heures anormales pour adopter une loi dont les règlements ne sont pas prêts. Je me rappelle avoir posé moi-même la question au ministre des Richesses naturelles lorsqu'il a présenté son discours de première lecture. Je crois que c'est le 1er décembre. Peut-être que je me trompe d'une journée ou deux, mais je ne m'absente pas souvent de la Chambre. Il me semble que c'est le 1er décembre. Le ministre nous a déclaré: Non, les règlements ne sont pas encore prêts. Cette loi est demandée. Il y a l'Association des services de l'automobile, il y a l'Association des marchands d'huile du Québec qui demandent l'adoption d'une loi pour régir le commerce des produits pétroliers au Québec. C'est une nécessité. Mais autant le ministre est imbu de bonnes intentions, autant il pèche par les lacunes de sa loi.

J'invite donc le ministre à la méditation. J'invite donc le ministre à une action positive immédiate. Le ministre nous convoquera lorsque nous reprendrons nos travaux après Noël, n'importe quand. Nous allons avoir tout le temps voulu pour étudier ces règlements et la proclamation pourra être faite pour le début de l'année financière ou je ne sais pas trop quelle date, peut-être pour la Saint-Valentin, le 14 février. Mais, entre-temps, il faudra qu'en quittant son ministère le ministre donne des directives et rappelle à son successeur les discussions que nous avons eues. Cela se comprend, cela peut rester dans la parenté. Cela peut être le beau-frère qui prendra la place.

Nous demandons donc au ministre de l'action. Le ministre nous a, ce soir, réellement émerveillés par la générosité de ses sentiments. Nous avons commencé à croire qu'il était sincère, lorsqu'il a accepté l'excellente recommandation que lui a faite l'honorable député de Chicoutimi. Pour lui prouver que nous sommes derrière lui pour une excellente loi du commerce des produits pétroliers, nous allons voter pour le principe de cette loi, tout en regrettant — je n'emploie pas le terme dans le but de faire une motion — les lacunes et le silence que le projet de loi no 90 nous présente.

M. le Président, bonne chance au ministre, bon courage et, lorsque nous étudierons la loi 90 et son prolongement que sont ses règlements, nous aurons une bonne pensée pour lui.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres de cette Chambre désirent s'exprimer sur ce projet de loi? Alors, en accordant son droit de réplique à l'honorable ministre des Richesses naturelles, ceci met fin au présent débat.

M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. SAMSON: ... est-ce que je pourrais parler quelques minutes avant? Le projet de loi qui nous est présenté nous plaît, étant donné...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député a l'intention de parler sur le projet de loi?

M. SAMSON: Oui, avec votre permission évidemment, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: J'avais accordé, à ce moment-là, le droit de réplique.

M. BIENVENUE: Est-ce que cela va être long?

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime de la Chambre?

M. PAUL: Bien oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Merci, M. le Président; vous êtes bien aimable.

M. PAUL: Nous aussi!

M. SAMSON: L'Opposition officielle également. A l'heure où nous sommes rendus, M. le Président, je pense que nous devons nous permettre d'être aimables, étant donné que nous aurons à recommencer demain, j'espère dans la plus grande collaboration.

Je disais donc, M. le Président, que ce projet de loi nous plaît grandement puisque, dans le domaine du commerce des produits pétroliers nous aurions dû avoir une loi qui contrôle ce commerce afin de protéger le consommateur.

Ceci aurait dû se faire depuis longtemps. Evidemment, je n'ai pas besoin, M. le Président, d'expliquer les avantages que nous attendons d'une telle loi, mais je crois que si le ministre consent, en comité plénier, à accorder quelques amendements, cette loi sera sûrement une loi qui permettra au consommateur québécois d'être protégé, ce consommateur qui a sûrement des droits et qui, également, fait toujours, comme nous le savons, les frais puisque c'est toujours le consommateur qui paie.

Comme le disait l'honorable député de Beauce, nous avons, d'une région à une autre, un

décalage ou une différence dans les prix qui n'est sûrement pas due à des taux de transport ou autres mais qui est sûrement due à certaines habitudes qu'ont quelques détaillants ou grossistes d'offrir au consommateur un produit à moindre prix mais qui est, sans que la publicité le dise, souventefois de moindre qualité aussi. Mais comme il est très difficile pour un consommateur de pouvoir reconnaître la différence entre un produit de première qualité et un produit de seconde classe, dans ces domaines pétroliers, évidemment la seule possibilité que nous avons, c'est que le gouvernement, par l'entremise de ce projet de loi et des inspections qui seraient faites régulièrement, nous garantisse la qualité du produit offert sur le marché.

Evidemment, ce système d'inspection, qui sera sûrement inauguré en vertu du présent projet de loi, sera de la part du gouvernement une façon de prévenir des choses que nous avons connues dans le passé, tant dans le domaine de l'essence, du carburant d'automobile ou encore dans le domaine de l'huile à chauffage là où beaucoup de consommateurs ont eu, dans le passé, à se plaindre.

M. le Président, je n'irai pas plus loin puisque je crois qu'il n'est pas utile de parler tellement longtemps lorsque nous avons entendu, durant cette soirée, de nombreux orateurs qui ont commenté ce bill tant en bien qu'en mal.

Quant à nous, nous croyons, nous basant sur les représentations qui nous ont été faites par les organismes concernés et également par une partie de nos électeurs ou consommateurs, si vous voulez, nous voterons pour le principe du bill 90 en deuxième lecture, nous réservant le droit de demander au ministre de faire quelques modifications en comité plénier à la suite de certaines suggestions que nous aurons à lui faire.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, j'aurais quelques remarques à faire à la suite de certaines questions que les députés...

M. LE PRESIDENT: Si je comprends bien, c'est la réplique du ministre.

M. PAUL: Oui.

M. LE PRESIDENT: Cela mettra fin au débat.

M. MASSE (Arthabaska): Maintenant, je demande, étant donné qu'il est minuit, l'ajournement du débat.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. BIENVENUE: M. le Président, demain, nous compléterons l'étude du projet de loi no 90, comité plénier, troisième lecture.

M. SAMSON: Est-ce que je pourrais demander à l'honorable leader adjoint de répéter? Je n'ai pas compris.

M. BIENVENUE: Nous compléterons demain, en comité plénier et en troisième lecture, le présent bill 90. Nous étudierons ensuite les projets de loi nos 48 et 84. Nous n'essaierons pas, mais nous nous pencherons sur le budget supplémentaire. Ensuite, si le temps le permet, les projets de loi nos 23, 81 et 64.

M. SAMSON : Le leader adjoint ne manque pas d'optimisme.

M. BIENVENUE: Le temps le permettant. M. le Président, s'il n'y a pas d'autres remarques, je demande l'ajournement de la Chambre à dix heures trente demain matin.

M. BURNS: M. le Président, il faut comprendre, je pense, que ce que le leader adjoint vient de nous dire sera l'ordre des travaux de demain et en principe, à moins d'avis contraire, cela ne devrait pas changer dans le cours de la journée.

M. BIENVENUE: Non. Evidemment tout peut survenir, mais normalement l'ordre que j'ai donné est celui que nous allons suivre.

M. BURNS: Merci.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures trente.

(Fin de la séance à 0 h 1 )

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