L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mardi 21 décembre 1971 - Vol. 11 N° 112

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures trente-sept minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions des députés.

Questions et réponses Vote libre sur le projet de loi no 28?

M. LAURIN: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce que le premier ministre a l'intention, à propos de questions sur lesquelles l'un ou l'autre de ses députés s'est prononcé publiquement, de laisser la liberté de vote, particulièrement en ce qui concerne le projet de loi no 28?

M. LEVESQUE: Il y a un projet de loi devant la Chambre, M. le Président. Lorsque ce projet de loi aura été appelé, l'honorable député aura tout le loisir de poser les questions qu'il jugera opportunes.

Projet de loi sur les accidents du travail

M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: ... j'aimerais poser une question à l'honorable leader du gouvernement. Croit-il possible que la loi concernant les accidents de travail, permettant d'augmenter les allocations et les pensions aux veuves, puisse être déposée pour discussion avant la fin de la présente session?

M. COURNOYER: M. le Président, je n'ai pas d'objection à déposer cette loi, si l'Opposition n'a pas d'objection à la recevoir.

M. SAMSON: M. le Président, question supplémentaire. Peut-être, pour rassurer l'honorable ministre du Travail, nous sommes tout à fait disposés à la recevoir et à l'étudier.

M. COURNOYER: J'en remercie l'Opposition officielle, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. LOUBIER: M. le Président, je pensais soulever cette question en vertu de l'article 114, mais, si le gouvernement veut appeler le projet de loi, je pense qu'il n'y aura pas de grande discussion dans l'étude et l'analyse, parce que nous sommes, en tout cas de ce côté-ci, en principe, d'accord pour l'accepter en première, deuxième et troisième lectures, le plus rapidement possible.

M. LEVESQUE: Est-ce que je dois comprendre que c'est la même chose pour les trois Oppositions?

M. LAURIN: Quelle est la question? M. LOUBIER: Un instant.

M. PAUL: C'est un bon président de la Commission des accidents du travail et un excellent ministre du Travail.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

Postes d'essence sur les autoroutes

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Voirie. En vertu de quel règlement l'interdiction de construire des postes d'essence dans les ronds-points des autoroutes provinciales a-t-elle été levée en faveur de BP Canada Limitée?

M. PINARD: M. le Président, j'aimerais bien donner toutes les informations au député de Sainte-Marie tant au plan légal qu'au plan technique, lui expliquer la réglementation qui a été en vigueur et qui l'est encore, mais je voudrais l'assurer que cela prendrait probablement beaucoup de temps au ministre de la Voirie.

Ce que je peux proposer, cependant, pour l'information de tous les députés de l'Assemblée nationale et de tous ceux qui, de près ou de loin, sont intéressés à ce problème du fameux rond-point dont il a été abondamment question dans le journal ou ailleurs, c'est de réunir les députés quelque part ici à l'Assemblée nationale dans une salle assez grande et de faire donner les explications par les techniciens du ministère, à savoir comment cela se passe en réalité, ce qu'est un rond-point, ce qu'est un système enclos, ce qu'est un autre système de carrefours étages en trèfle, à quel endroit un propriétaire de terrain peut bâtir ou faire bâtir un restaurant ou un poste d'essence, où sont situées les servitudes de non-accès, où peuvent être permis les accès, etc.

C'est extrêmement compliqué, et je pense, puisque c'est compliqué, qu'on profite de la situation pour mêler toutes les questions à ce sujet. Je n'ai rien à cacher, je le répète, et j'ai décidé de prendre toutes les informations nécessaires auprès de mes fonctionnaires qui travaillent d'arrache-pied pour mettre un dossier au

point tant au plan technique qu'au plan légal. Il me fera plaisir de déposer ces documents en Chambre si c'est le désir de celle-ci ou de procéder de la façon que j'ai suggérée tantôt, c'est-à-dire d'inviter les députés à venir prendre les informations sur place. J'inviterai également les membres de la Tribune de la presse qui s'intéressent à ce problème de façon particulière.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, une question supplémentaire. Je comprends, après ce que le ministre vient de nous dire, qu'il sera assez long, peut-être, de nous expliquer tout le processus de l'octroi d'un permis.

Mais est-ce que le ministre veut nous dire qu'il y a un règlement qui permet que de tels postes d'essence soient construits à l'intérieur des ronds-points? Est-ce qu'il y a un règlement qui le permet?

M. PINARD: M. le Président, l'enquête, à ce jour, révèle qu'il n'y a pas eu de privilèges accordés à la compagnie BP et que ce restaurant ou ce poste d'essence n'a pas été construit à l'intérieur d'un rond-point. C'est l'enquête qui le révèle. J'ai fait faire cette enquête par des personnes dont c'est le métier d'en faire. Des photographies aériennes seront prises et démontreront, je l'espère, de façon indubitable qu'il n'y a pas eu de privilèges accordés à qui que ce soit, et encore moins à la compagnie BP.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une autre question supplémentaire, M. le ministre. Si d'autres compagnies font la même demande, est-ce que le ministre leur donnera, à elles aussi, une réponse favorable?

M. PINARD: M. le Président, je sais à quoi fait allusion le député, c'est que les gens qui se sont plaints au ministère de la Justice avaient les mêmes droits que tout le monde. S'ils ne s'en sont pas prévalu, ce n'est pas de ma faute et ce n'est pas la faute de qui que ce soit dans cette Assemblée nationale. Et je ne retrace non plus aucune demande de ces plaignants indiquant qu'ils auraient eu un refus de la part du ministère. C'est ce que l'enquête révèle en ce moment. Si le député a d'autres informations, qu'il les mette sur la table, nous allons en discuter une fois pour toutes.

M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Dois-je conclure de la réponse du ministre, qu'il serait prêt à exposer et à expliquer cette situation extrêmement complexe aux députés lors d'une réunion de la commission parlementaire de la Voirie? Est-ce qu'il pourrait s'entendre avec le leader parlementaire pour que cette commission sur la Voirie siège le plus tôt possible?

M. PINARD: M. le Président, je suis à la disposition des députés de l'Assemblée nationale, mais je voudrais que le règlement soit respecté, que les ententes prises entre le leader ministériel et les leaders de l'Opposition soient aussi respectées. Il y a une législation importante à faire adopter, et je me demande si ce fameux rond-point est plus important que toute la législation qui est actuellement déposée devant cette Assemblée nationale.

M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que je pourrais demander au ministre de la Justice quels ont été les résultats de sa conversation avec le président de la Fédération des garagistes et détaillants à ce sujet, hier?

M. CHOQUETTE: M. le Président, M. Nolan McDonald s'est présenté à mon bureau hier matin sans rendez-vous, il m'a dit qu'il avait des documents ou des faits importants à me remettre. Il m'a remis un document, et ce document est examiné à l'heure actuelle.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

Protection civile

M. DROLET: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre de la Justice ou de la Fonction publique. Est-ce que les procédures d'intégration du personnel de la Protection civile de la province à la Fonction publique sont maintenant terminées, sinon, quand prévoit-il qu'elles le seront?

M. L'ALLIER: Je prends avis de la question, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question au ministre des Affaires culturelles en le remerciant de nous avoir fait la distribution des prix. Pourquoi ne m'a-t-il pas attribué, outre le prix de langue française, le prix d'assiduité, le prix de respect au président?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Camionneurs artisans

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail. Est-ce que le ministre du Travail pourrait nous dire s'il a l'intention de donner suite à sa promesse d'accorder à l'Association nationale des camionneurs artisans indépendants du Québec une reconnaissance syndicale avant 1972?

M. COURNOYER: Il est extrêmement diffi-

cile de ne pas reconnaître un syndicat qui existe — et je l'ai reconnu — de fait. Quant à savoir si ce syndicat représente, conformément à nos lois du travail, les employés ou les camionneurs artisans, tels que définis dans l'ordonnance no 13, il s'agira d'amender les lois pour le permettre sur une base légale. Mais de fait, je l'ai déjà reconnu, ce syndicat.

M. LESSARD: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre a été informé du conflit qui oppose les camionneurs artisans de la région du comté de Saguenay avec l'Anglo Canadian Pulp, justement parce que l'Anglo Canadian Pulp refuse de négocier avec les camionneurs artisans?

M. COURNOYER: Il faudrait se comprendre sur une reconnaissance de fait. Le ministre du Travail, M. le Président, peut reconnaître, de fait, une association, mais cela n'engage personne autre que le ministre du Travail et peut-être certaines sections du gouvernement qui ont convenu, avec le ministre du Travail, de reconnaître cette association.

Quant à savoir si cela oblige des personnes à négocier avec l'Association nationale des camionneurs artisans du Québec, il est bien clair que le code du travail exclut les artisans et que, pour les obliger, il faudra amender le code du travail. Je ne peux malheureusement pas l'amender en 1971 étant donné les lois qu'il reste à étudier devant cette Chambre. Mais je ne dis pas, par exemple, qu'il n'y aura pas des amendements pour permettre la syndicalisation de ces camionneurs artisans sur la même base que d'autres personnes, excepté qu'ils ont leurs outils, mais de faire en sorte que le code du travail reçoive une demande des camionneurs artisans sur une base spécifique. De fait, le ministre les reconnaît. De droit, cependant, ils n'ont que ceux que les compagnies peuvent bien vouloir leur consentir.

M. LESSARD: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que nous pourrions savoir pourquoi le ministre a tellement tardé à remplir ses engagements à ce sujet puisqu'il semble que le ministre est d'accord pour la reconnaissance syndicale? Pourquoi le ministre ne l'a-t-il pas fait en 1971, et pourquoi attend-on continuellement des conflits...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESSARD: ... avant qu'on résolve des... M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LESSARD: ... problèmes?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable...

M. LAURIN: Mais, M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît.

L'honorable député de Beauce.

Immigrants professionnels

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. J'aurais une question à poser à l'honorable ministre des Affaires culturelles. En passant, je veux le remercier pour ce qu'il nous a fait parvenir. L'honorable ministre des Affaires culturelles nous a informés que 142 immigrants professionnels se seraient prévalu de la loi 64. Il ne s'agit pas de la Loi du syndicalisme agricole, M. le Président, mais de la loi 64 de l'année dernière. Le ministre a-t-il l'intention de s'inspirer des effets positifs obtenus par l'application de cette loi pour abroger une loi inutile comme la loi 63 et présenter, à courte échéance, une législation faisant office de politique linguistique pour l'ensemble du Québec?

M. LEVESQUE: M. le Président, si j'ai bien compris la question, je crois bien qu'elle est irrégulière. On sait qu'on ne peut pas critiquer un projet de loi sans en demander le rappel.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

Parc de la Mauricie

M. DEMERS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. En prévision de l'adoption éventuelle du bill 288, l'honorable ministre pourrait-il déposer en cette Chambre le protocole d'entente qui aurait été signé l'automne dernier entre elle et l'honorable Jean Chrétien, afin que nous sachions...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Avec plaisir, M. le Président. Je le ferai au cours de la journée.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

Plaques d'immatriculation étrangères

M. BURNS: M. le Président, le 4 novembre dernier, je posais au ministre de la Justice une question relativement au droit du gouvernement fédéral de faire circuler ses véhicules avec des plaques d'immatriculation qui ne sont pas celles du Québec. A ce moment-là, il avait pris avis de ma question. A-t-il des nouvelles à me communiquer à ce sujet, étant donné que c'est le 4 novembre dernier que j'ai posé la question?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je prends toujours avis de la question. Je répondrai au député demain matin.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lévis.

Petits entrepreneurs

M. ROY (Lévis): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre du Travail. Est-il au courant ou pourrait-il me dire s'il est vrai ou faux que des négociations sont en cours avec les gros entrepreneurs et le comité conjoint pour empêcher les petits entrepreneurs de travailler eux-mêmes?

Si le ministre veut avoir des explications, c'est que les gros entrepreneurs ne travaillent pas manuellement, avec leurs outils, mais les petits entrepreneurs travaillent avec leurs outils.

On est apparemment en train de négocier des contrats pour empêcher ces petits entrepreneurs de travailler avec leurs outils quand ils seront reconnus comme entrepreneurs.

M. COURNOYER: Le ministre du Travail n'est pas au courant de ceci. Disons que ce n'est pas déjà dans le décret, et que cela empêche de travailler avec ses outils.

Si jamais ils voulaient le faire, il faudrait qu'ils fassent une requête au ministre du Travail, conformément à la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. J'aviserai alors de la décision à prendre, soit d'accepter ou de ne pas accepter cette demande des sept parties.

Remarquez que ça ne me surprendrait pas outre mesure qu'on soit en train de négocier comme ça.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique.

Assurance-chômage

M. L'ALLIER: M. le Président, je ne sais pas si je réponds maintenant à la question qu'allait me poser le leader parlementaire du Parti québécois. Quoi qu'il en soit, je voudrais répondre, en fait, à deux questions pour être bien sûr. La première porte sur l'assurance-chômage.

Est-ce que la question du leader parlementaire portait sur l'assurance-chômage?

M. LAURIN: Oui, c'était effectivement cela.

M. L'ALLIER: La réponse que je voulais faire n'était pas sur ce sujet.

Quant à cette question, j'ai reçu, il y a quelques minutes, le texte officiel du règlement adopté par la Commission fédérale de l'assurance-chômage. Je le ferai distribuer aux chefs des oppositions d'ici quelques minutes et je pourrai, demain matin, faire le point sur ce sujet. Je veux l'étudier; je ne l'ai reçu que ce matin, quelques minutes avant d'entrer en Chambre. Donc, vous l'aurez dans quelques instants.

Congés des fêtes

M. L'ALLIER: Je voulais répondre à une question qui a été posée il y a déjà plusieurs jours et qui intéresse tous les employés du gouvernement, car elle concerne les jours fériés de Noël et du Jour de l'An, et les journées qui précèdent immédiatement ces congés.

D'après les dispositions des diverses conventions collectives, intervenues entre le gouvernement et les syndicats de ses employés relativement aux jours fériés et chômés, il est prévu que, si de tels jours tombent un jour non ouvrable, ces jours ne sont pas reportés et pour toutes fins utiles demeurent non utilisés. C'est donc le sens des conventions collectives qui existent maintenant.

Il y a, dans les conventions collectives actuelles, quinze jours fériés et chômés et deux après-midis, soit ceux de la veille de Noël et du Jour de l'An. En bref, seize jours fériés et chômés. Or, sur une période de dix ans, on peut évaluer que la moyenne de jours chômés utilisés est de douze par année.

C'est pourquoi nous proposons, à l'occasion des présentes négociations, douze jours fériés par année à être disposés suivant l'accord des parties. Or, cette année, le lendemain de Noël et du Jour de l'An, ainsi que Noël et le Jour de l'An sont des jours non ouvrables, c'est-à-dire des samedis et des dimanches. Aucune disposition de la convention ne prévoit donc que ces congés doivent être reportés.

Devant cette situation, nous avons soumis au syndicat, mercredi le 15 décembre dernier, soit le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et le Syndicat des agents de la paix de la Fonction publique, deux propositions. La première proposition consistait à reporter la fête de l'Epiphanie qui tombe cette année un jeudi, aux deux matinées de la veille de Noël et du jour de l'An, autrement dit de travailler le 6 janvier 1972, mais par ailleurs de chômer les 24 et 31 décembre, toute la journée. Il s'agissait donc tout simplement d'un échange qui nous paraissait réaliste et conforme aux intérêts de tout le monde.

La deuxième proposition consistait à maintenir les demi-congés, après-midi des 24 et 31 décembre, prévus à la convention, mais de reporter le congé de l'Epiphanie du jeudi le 6, au lundi 27 décembre ou au lundi 3 janvier. Si l'une ou l'autre de ces propositions semblait convenir au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et au Syndicat des agents de la paix de la Fonciton publique qui représentent plus de 24,000 employés, par ailleurs le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec ne voulait donner son accord à la proposition du gouvernement, qu'à la condition que le gouvernement ajoute un congé, soit le lundi 27 ou le lundi 3 janvier.

Nous avons demandé aux trois syndicats de se mettre d'accord sinon, dans le cas contraire, le gouvernement se verrait dans l'obligation d'appliquer strictement la convention collec-

tive, ce qui est le résultat de la négociation. Appliquer Ja convention collective c'est-à-dire accorder les congés prévus à ladite convention, la veille de Noël dans l'après-midi, la veille du jour de l'An dans l'après-midi et le 6 janvier 1972, jour de l'Epiphanie.

Nous avons été informés que le Syndicat des professionnels qui groupe 3,500 employés, n'a pas donné son accord sur les propositions du gouvernement plus haut mentionnées. Celui-ci se voit dans l'obligation d'appliquer les conventions et, par conséquent, les employés du gouvernement dont la semaine de travail est du lundi au mercredi inclusivement seront en congés les vendredis après-midi 24 et 31 décembre 1971 ainsi que le jeudi 6 janvier 1972.

Je regrette, M. le Président, qu'un échange aussi simple qui constituait un effort précis du gouvernement, pour augmenter certainement la productivité, n'a pas trouvé d'écho favorable chez le Syndicat des professionnels, dont on serait normalement en droit d'attendre qu'il est plus sensible à cette notion de productivité.

Conseil régional de la Gaspésie

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre responsable de L'ODEQ. Est-ce que le ministre est en mesure de nous faire connaître la contre-proposition québécoise et outaouaise à la proposition du Conseil régional de développement de la Gaspésie, maintenant qu'un nouvel administrateur fédéral a été nommé?

M. QUENNEVILLE: M. le Président, à la demande de ceux qui ont présenté la contre-proposition, on a demandé quand même l'opinion du ministère de l'Industrie et du Commerce avant de soumettre au CRD de l'Est cette contre-proposition. Cela doit se faire aujourd'hui ou demain au plus tard.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies Coopératives.

Vente de compagnies de finance

M. TETLEY: Merci, M. le Président. L'honorable député de Beauce, hier, m'a posé une question au sujet de la vente de six compagnies de finance à une société américaine. J'ai fait enquête et il s'agissait plutôt de l'achat, pas de compagnies de finance mais de compagnies d'information ou agence d'information, ce qu'on appelle en anglais "credit reporting companies".

J'ai constaté que les six compagnies en question ne sont pas du Québec mais plutôt d'autres provinces dont quatre du Manitoba, une de l'Ontario et une de la Nouvelle-Ecosse. De plus, l'acheteur n'était pas américain mais c'est Retail Credit Company of Canada Limited dont le siège social est à Toronto, mais dont la vraie maison mère est aux Etats-Unis.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je remercie l'honorable ministre des informations qu'il vient de nous donner. Comme l'honorable ministre nous a dit qu'il s'agit plutôt de compagnies d'information, éventuellement il y a tout de même le risque que tous les dossiers d'information de crédit soient compilés aux Etats-Unis.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. ROY (Beauce): Je pose au ministre une question supplémentaire. Est-ce que ces compagnies ont des bureaux d'information?

M. LE PRESIDENT: Si je comprends bien, le ministre a bien dit qu'il ne s'agissait pas de compagnies québécoises.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je comprends qu'il s'agisse de compagnies qui ne sont pas québécoises mais ces compagnies ont des bureaux d'affaires au Québec et les dossiers québécois sont compilés par ces compagnies et peuvent être transférés aux Etats-Unis.

Je demande à l'honorable ministre s'il a l'intention de prendre des dispositions en vue de faire des représentations auprès du gouvernement fédéral pour exiger que celui-ci obtienne certaines garanties à l'effet d'éviter que les dossiers de crédit soient transférés aux Etats-Unis. C'est le sens de ma question, M. le Président.

M. TETLEY: M. le Président, je crois que vous avez raison plutôt que le député de Beauce. Il s'agissait de six compagnies qui font affaires dans d'autres provinces. La maison mère fait commerce ici au Québec, mais la compagnie a été achetée en 1954, avant l'élection du présent gouvernement, évidemment.

Je me demande comment on peut contrôler cette vente au sujet des dossiers de ces compagnies, je vais m'informer, mais je suis presque certain que les rapports de ces compagnies, au sujet des citoyens de la province de Québec, sont gardés ici au Québec et pas aux Etats-Unis.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Ordre des travaux de la Chambre

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, en vertu de l'article 114 je voulais demander au leader parlementaire et en même temps au premier ministre s'ils ont toujours l'intention de faire adopter le bill 64, Loi du syndicalisme agricole, avant que la session ne se termine.

Etant donné que samedi le leader parlementaire du premier ministre nous a maquillonné l'échange de cette loi pour...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... l'acceptation du rapport...

M. LEVESQUE: M. le Président,...

M. BOURASSA: M. le Président, le député est au courant, il y a eu huit ou neuf heures de débats hier simplement sur une motion. Si cela avait duré trois heures au lieu de neuf, nous aurions eu la chance d'aborder le bill 64.

M. LESSARD: Vous avez commencé la session le 26 octobre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Affaires du jour.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il n'y a pas de réponse.

M. LEVESQUE: Numéro 5.

Projet de loi no 28

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier. Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

M. CARDINAL: Une question auparavant, M. le Président. En vertu de l'article 114, ai-je encore le droit?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela peut attendre à demain?

M. CARDINAL: Non.

UNE VOIX: Il y a une décision de prise.

M. CARDINAL: D'accord, je me plie à la décision.

Comité plénier

M. HARDY (Président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Le député de Bagot.

M. CARDINAL: Je sais que le ministre doit distribuer un nouveau texte. Pouvons-nous suspendre en attendant le nouveau texte ou tout simplement laisser passer le temps? Nous n'avons pas de projet de loi devant nous.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, comme nous avons été à la commission parlementaire, j'ai ici un texte complet des amendements qui ont été acceptés à cette commission, texte qui est présentement distribué. Tous ceux qui en veulent peuvent venir en chercher d'autres copies.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: J'aimerais simplement vous poser, au début, M. le Président, une question qui se soulève à cause du rapport que la commission de l'Education a fait. Le rapport de la commission, qui a été accepté par l'Assemblée nationale — vous en avez sans doute eu connaissance — disait tout simplement qu'il y avait eu des séances deux jours particuliers. Je n'ai pas le texte du rapport.

UNE VOIX: Les 13 et 14 décembre.

M. BURNS: Les 13 et 14 décembre. Il n'y avait dans le rapport, M. le Président, aucune référence à des amendements qui auraient été adoptés à la commission parlementaire. Mon interprétation serait que le projet de loi no 28 — là-dessus, je vous pose la question — nous revient dans la forme où nous l'avons envoyé. Est-ce que tout le monde se comprend là-dessus? Il semble que le ministre de l'Education me dise oui là-dessus.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, jusqu'ici, à la commission de l'Education, on n'a pas fait tellement de procédure depuis 18 mois. Alors, simplement pour faciliter le travail des membres de la Chambre, je consolide l'ensemble des amendements, mais, évidemment, je suis conscient que le projet de loi est repris tel qu'il était au départ. Au lieu de distribuer les papillons à chaque article, vous les avez pour tous les articles, sauf l'article 586.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

M. CARDINAL: M. le Président, il y a quand même une précision que je demande au ministre. Est-ce que les amendements distribués ce matin comprennent ceux qui ont été, non pas acceptés, mais suggérés, les 13 et 14 dcembre 1971, en commission permanente?

M. SAINT-PIERRE: Oui, M. le Président, les amendements distribués incluent ceux qui avaient été soumis par l'Opposition et qui avaient été acceptés en commission parlementaire.

M. CHARRON: M. le Président, la liste des amendements que vient de nous faire parvenir le ministre contient-elle tous les amendements qu'il nous fera connaître au cours des travaux du comité plénier ou si d'autres, encore inconnus, viendront s'y greffer?

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président. Lorsque la Chambre délibérera sur cet important projet de loi, il est évident qu'à la fois les partis de l'Opposition et le parti ministériel pourront mettre de l'avant d'autres amendements. Si j'ai distribué ces textes, c'est simplement pour faciliter le travail en commission.

M. CHARRON: Pourquoi l'amendement annoncé à...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'article 586.

M. CHARRON: ...l'article 586 n'est-il pas dans cette liste? Le ministre se souviendra que c'est cet amendement annoncé qui a fait buter nos travaux en commission et, encore ce matin, au début du comité plénier, nous ne possédons pas plus l'amendement à l'article 586.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, nous allons étudier en comité plénier article par article ce projet de loi 28. Dès que nous arriverons à l'article 586, il me fera plaisir de déposer l'amendement envisagé par le gouvernement et nul doute que d'autres partis de l'Opposition auront également des amendements à proposer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au sujet de ces amendements éventuels aux articles 586 et 587, le ministre nous avait dit en commission permanente qu'ils nous seraient distribués dans les quatre jours. C'était les 13 et 14 décembre. Nous aurions bien voulu avoir ces textes avant, étant donné qu'ils portent sur le contentieux du projet de loi.

M. SAINT-PIERRE: Je vais faire distribuer le texte de l'amendement ministériel à l'article 586, mais je pense que c'est bien entendu, et pour les partis d'Opposition et pour le parti ministériel, qu'on se réserve, quand même, le droit de suggérer d'autres amendements, non seulement à l'article 586, mais à d'autres articles. Voici l'amendement que nous avions pour l'article 586. Peut-être que, dans un esprit de collaboration, pour bien comprendre le débat, on pourrait poser la même question aux députés de l'Opposition.

S'ils ont des amendements pour cet important article, qui est la cheville ouvrière du projet de loi, ou pour tout autre article, de nous déposer des textes. Ainsi, nous pourrions, nous aussi, bien comprendre.

M. CARDINAL: Si vous le permettez, M. le Président, je ne me compromettrai pas, pour deux raisons. La première, c'est que je n'ai pas encore eu le texte. Il m'arrive à l'instant et il m'est difficile de juger quelque chose d'aussi important en aussi peu de temps. Deuxièmement, à la commission parlementaire, j'ai exprimé publiquement, l'attitude de notre parti, pas tellement au sujet de l'article 586 — on en viendra nécessairement là — que sur la fameuse question du retrait du projet de loi no 63 avec certaines nuances.

En temps et lieu, donc, face à l'article proposé par le gouvernement, j'établirai au nom du parti la position qui est la nôtre.

M. SAINT-PIERRE: Les raisons invoquées par l'Unité-Québec me paraissent fort justifiées. Est-ce que nous pourrions demander au Parti québécois qui a des amendements à proposer à l'article 586 de bien vouloir, peut-être, nous en faire tenir une copie?

M. CHARRON: Je l'ai fait le 8 décembre dans une conférence de presse. Je l'ai refait le 13 décembre à la commission parlementaire. Je peux bien le refaire le 22 décembre en comité plénier. Les amendements que nous allons apporter à l'article 586 et à l'article 587, mettons l'article 586 pour le départ, sont bien connus. C'est une banalité en fait. C'est de rajouter deux paragraphes d'inapplicabilité sur l'île de Montréal.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que nous pourrions avoir le texte de ces amendements?

M. CHARRON: Certainement.

M. SAINT-PIERRE: Ayant le texte de ces amendements, M. le Président, non pas pour bousculer les débats, il serait peut-être approprié de commencer au premier article et de débattre le projet de loi.

M. CARDINAL: M. le Président, je voudrais quand même apporter une précision. Je ne veux attaquer ni la parole ni la bonne foi de mon collègue de Saint-Jacques, mais je n'ai jamais eu, en commission parlementaire, le texte de cet amendement. Tout ce que j'ai pu voir, c'est un rapport dans les journaux. Et malgré, aussi, la bonne foi des journalistes, je ne pars pas de là pour me prononcer sur une proposition d'amendement.

M. CHARRON: Je veux simplement rétablir les faits, M. le Président. Lors de notre longue discussion en commission sur la motion que le gouvernement avait présentée pour éviter la discussion sur les articles 586 et 587, j'avais — le député de Chicoutimi s'en souviendra — voulu amender la motion du ministre pour que figurent, dans le rapport de la commission, nos deux amendements. J'étais allé moi-même porter une copie de notre amendement au député de Chicoutimi, à la table de la commission parlementaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. le Président, cet amendement ne nous était pas parvenu.

M. CARDINAL: Je ne l'ai pas eu.

M. CHARRON: Je vous l'ai donné en mains propres.

M. CARDINAL: En tout cas...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était au président.

M. CHARRON: C'est un problème de communication.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est au président que vous l'avez remis.

M. CHARRON: Vous n'avez pas eu la copie, M. le Président?

M. CARDINAL: M. le Président, qu'on ne s'attaque pas à cela et qu'on commence à l'article 1.

M. CHARRON: Bien, du même souffle, si vous me le permettez, M. le Président, je vais remettre aussi au député de Bagot copie de cet amendement à l'article 586...

M. CARDINAL: Merci.

M. CHARRON: ... et une autre au collègue de Richmond qui est — il est où, là? — disparu dans la brume.

M. LE PRESIDENT: Article 1. L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: L'article 1, M. le Président, il est long.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, concernant l'article 581.

M. CHARRON: L'article 581. Non, je n'ai rien à l'article 581.

M. CARDINAL: M. le Président, la discussion s'est tenue en commission parlementaire. J'ai été satisfait des réponses du ministre et l'article, quant à moi, est acceptable.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il y a un léger amendement pour...

M. CHARRON: Oui, c'est ça.

M. SAINT-PIERRE: ... concordance. Au paragraphe c), c'est l'article 597 et non l'article 598. C'est une erreur d'impression.

M. LE PRESIDENT: L'article 597 à la place de l'article 598.

M. SAINT-PIERRE: Au paragraphe c).

M. LE PRESIDENT: L'amendement est adopté?

M. CARDINAL: Accepté. Je ne sais pas si c'est un amendement ou une correction typographique!

M. LE PRESIDENT: L'article 581 est adopté...

M. CHARRON: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: ... tel qu'amendé. L'article 582?

M. CHARRON: M. le Président, à l'article 582, je rappellerai à votre attention et à l'attention des membres du comité plénier que nous avions fait une brève et rapide entente quant au report à la fin de nos travaux ou à un autre article qui vient beaucoup plus loin de l'adoption de l'article 582. Je vous explique pourquoi j'en fais encore la suggestion ce matin.

C'est que le projet de loi amendé désormais par la nouvelle version gouvernementale dit: "Des municipalités scolaires sont érigées sur l'île de Montréal, conformément aux articles 10a) et 10b)". Si vous regardez le premier texte imprimé que nous avions reçu et sur lequel la commission parlementaire a travaillé pendant 50 heures, comme disait le ministre, on spécifiait onze municipalités scolaires. On fait donc disparaître la spécificité de "onze" parce qu'il y a aussi un amendement qui viendra plus loin et qui permettra désormais, s'il est adopté, au conseil provisoire qui entrera en fonction sur l'île de Montréal, de suggérer des modifications à la carte scolaire. Le ministre de l'Education pourra réduire le nombre de commissions scolaires à sept ou, pour reprendre le libellé complet, entre sept et onze.

J'avais dit au ministre que nous discuterions de cela lorsque nous arriverions à la discussion du conseil provisoire, mais il me semblait quand même important de continuer à spécifier que l'intention du ministre était de onze commissions scolaires et qu'il était possible au conseil provisoire de suggérer de les réduire à sept, mais que l'intention première du gouvernement, de l'Assemblée nationale qui adopte la loi, était de onze.

J'explique pourquoi, M. le Président. C'est qu'au fond, pour que le gouvernement nous présente d'abord le nombre de onze commissions scolaires et la division telle qu'elle figure sur la carte avec laquelle nous avons travaillé tout le long de nos travaux, c'est qu'il devait y avoir des critères précis. On n'avait pas pris onze au hasard et on n'avait pas fait pour rien les frontières, par exemple, de Park Avenue à Van Horne, pour la commission scolaire no 1. On n'avait pas inclus pour rien des minorités polonaises ou des minorités italiennes dans une commission scolaire plutôt qu'une autre.

Malheureusement, les dix séances de la commission parlementaire de l'Education, lorsque nous avons entendu des témoignages très intéressants de tous les intéressés à la question scolaire à Montréal, comme les miniséances que nous avons eues à la commission parlementaire où l'Assemblée nationale nous avait délégués pour étudier le projet de loi article par article, ne nous ont pas apporté suffisamment de renseignements quant au caractère spécifique des critères qui avaient présidé à l'élaboration de la carte sur laquelle nous avons travaillé.

Je me vois mal placé, M. le Président, pour me prononcer sur ces critères, ne les connaissant pas. Mais j'ose croire que si le ministre nous expliquait quels sont les critères qui ont prévalu à la carte sur laquelle nous avons

travaillé et que ces critères faisaient l'adhésion des quatre partis de la Chambre, enfin d'une majorité de la Chambre, pour dire: Voilà les critères exacts qui devraient présider à la répartition de la carte scolaire sur l'île de Montréal, nous serions tout à fait en mesure de dire au conseil provisoire: Vous devez travailler avec onze ou vous devez travailler selon les mêmes critères spécifiques. Et nous accepterons des recommandations qui viseraient à les diminuer à sept, mais il faudra que les critères soient les mêmes.

Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que tout en admettant une latitude de gestes et d'actions au conseil provisoire sur cette question, il est important que le gouvernement ne se défile pas sur cette question et ne lui remette pas complète autorité. On lui dit: On vous permet de remodeler la carte mais voilà: Il faut quand même que vous répondiez à certains critères bien précis qui sont ceux du gouvernement. Ces critères, vous les connaissez et savez combien ils peuvent être embarrassants sur l'île de Montréal: critères ethnique, linguistique, confessionnel, démographique, bref, un paquet de critères qui s'ajouteront dans un ordre ou dans l'autre.

Et c'est irnportant que ce soit l'Assemblée nationale, avant de le confier au conseil provisoire qui fixe l'ordre des critères.

Malheureusement — je vous le répète — nous ne connaissons pas et nous n'avons pas connu encore les critères qui ont présidé à l'élaboration de la carte sur laquelle nous avons travaillé. Puisque tout à l'heure, ou demain, ou à un autre moment, nous aborderons l'article 2, je crois, de ce projet de loi, qui concerne la structure provisoire et que nous aurons à déterminer les pouvoirs du conseil provisoire et que nous aurons à revenir sur cet amendement annoncé par le gouvernement qui vise à lui laisser une certaine liberté de manoeuvre, quant à l'élaboration de la carte, je propose donc de faire ce que nous avions fait lors de notre miniséance de la commission, et de retarder l'étude de l'article 582 jusqu'à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne ferai pas de discours, je voulais simplement faire une suggestion, dans le même sens que celle du député de Saint-Jacques, mais avec une petite modification.

Je suggère tout simplement que l'article 582, dans l'article 1 du projet de loi no 28, soit réservé jusqu'à l'étude des articles 10a) et 10b). Cela me paraît les moments où cette discussion devrait avoir lieu et non pas l'article 2. Est-ce que le ministre est d'accord? Cela évitera une perte de temps immédiate.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. M. ROY (Beauce): En ce qui nous concerne,

M. le Président, nous sommes exactement de la même opinion que le député de Saint-Jacques et le député de Bagot, nous préférons retarder l'adoption de l'article 582 après l'adoption des articles 10a) et 10b), afin que nous sachions à quoi nous en tenir et où nous allons.

M. LE PRESIDENT: Il y a consentement unanime pour ajourner l'étude de cet article 582.

Article 583.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, à l'article 583, j'ai fait distribuer un texte d'amendement. A la fin du premier alinéa, ajouter après "95 à 183" les mots suivants: "qui s'appliquent mutatis mutandis et sous réserve de l'article 586". Remplacer, dans les septième et huitième lignes du deuxième alinéa, "pour des mandats d'une année scolaire" par les mots suivants "pour un mandat de quatre ans".

Ajouter à la fin du deuxième alinéa ce qui suit: "Ces deux commissaires d'école n'ont cependant pas le droit de vote ni d'être élus président ou vice-président et ne peuvent non plus être désignés membres du conseil. Au cas de vacances, ils sont remplacés de la même façon, nonobstant l'article 184, pour la durée non écoulée de leur mandat".

Les premiers amendements touchent les demandes de concordance, exigent un amendement de concordance.

Le deuxième alinéa tend à confirmer le statut d'observateurs pour les commissaires nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, lorsque la minorité linguistique n'a aucun représentant.

On remarquera que, dans les amendements suggérés par le gouvernement, ces derniers n'ont aucun droit de vote, mais ont tous les droits et pouvoirs des commissaires.

On me permettra simplement deux mots que j'ai déjà dits en commission parlementaire sur le bien-fondé de cet amendement. Dans le domaine scolaire, ce n'est pas exactement la même chose que nous retrouvons dans d'autres institutions démocratiques. Les gens y retrouvent, par le biais de l'école, une affinité particulière et je pense que, compte tenu du caractère hétérogène de la population scolaire sur l'île de Montréal, il y avait dans le contexte des commissions scolaires unifiées un danger réel que des minorités linguistiques importantes, à la fois francophones ou anglophones, se retrouvent au niveau du conseil scolaire sans aucun représentant.

L'amendement proposé par le gouvernement ne vise pas à leur donner un représentant pour modifier les résultats de la démocratie, mais vise plutôt à leur permettre un observateur qui puisse les rassurer et qui aura à répondre à eux, qui vise à les rassurer sur tout ce qui peut se passer à l'intérieur du domaine scolaire dans une commission scolaire unifiée.

Sans de pareils observateurs dans une com-

mission scolaire donnée comme celle de l'ouest de l'île de Montréal, 16 p.c. de la population francophone de cette commission scolaire risqueraient de se retrouver sans aucun représentant et risqueraient de se retrouver dans un sentiment de crainte devant l'inconnu, devant l'absence d'informations et de renseignements sur ce qui se passe exactement au niveau de la commission scolaire.

Il est entendu qu'avec quinze commissaires qui seraient dans ce cas, pour prendre un cas d'espèce, anglophones, les deux commissaires francophones nommés ne peuvent changer le résultat de la démocratie, mais ils permettent à cette minorité qui, dans ce cas-là, serait francophone, d'avoir une oreille à l'intérieur de la commission scolaire, d'avoir également une voix pour laisser entendre les griefs légitimes qui peuvent être faits à des écoles de cette minorité linguistique.

On remarquera d'ailleurs qu'avant de procéder à la nomination, le gouvernement fait une consultation auprès des présidents des comités d'école du groupe linguistique concerné.

M. CARDINAL: M. le Président, le ministre est allé au devant des coups, mais je ne recommencerai pas l'exposé que j'ai fait à la commission parlementaire, parce que le ministre sait fort bien ainsi que les membres de la commission, notre position à ce sujet. Nous nous opposons complètement à ces deux observateurs. Et je procéderai par une argumentation à partir d'un exemple que je prends à partir des travaux des 7, 13 et 14 décembre de la commission parlementaire.

A cette commission parlementaire, il y avait un certain nombre de membres qui avaient droit de délibération et droit de vote. Il y avait des membres qui avaient droit de délibération, sans avoir le droit de vote, c'étaient des observateurs. Ces observateurs ont pu donc s'exprimer longuement et le ministre a pu voir par cette expérience que les observateurs qu'il veut nommer dans un désir peut-être de respecter la démocratie — ce que je ne crois pas — et d'ajouter des semblants de garanties aux minorités qu'elles soient francophones ou anglophones, va tout simplement enrayer le travail des commissions scolaires.

On y envoie des délibérants, ils n'auront pas droit de vote, d'accord! mais ils pourront parler pendant des heures et des heures et des heures s'ils ne sont pas d'accord avec les commissaires. Il faut l'admettre au départ, que ces gens vont être des enrayeurs professionnels qui vont faire en sorte que tout va tourner en rond au lieu de marcher dans les commissions scolaires.

Deuxièmement, ceci est très grave, parce que de même qu'on le verra dans d'autres articles où il y a des systèmes parallèles d'établis pour protéger des minorités, encore une fois, on va complètement par ceci, détruire ce qui était l'ensemble même de la commission scolaire unique où le jeu entier de la démocratie devait jouer. L'intention est bonne de protéger les minorités, le moyen employé ne nous parait pas le moyen idéal. Nous croyons qu'au niveau de la structure non confessionnelle, qu'au niveau de la structure non linguistique, ce qui est la commission scolaire unique, l'on ne peut pas ajouter une espèce de cran d'arrêt qu'on appelle des observateurs qui feront rapport à leur minorité et qui vont créer dans les commissions scolaires où il y aura des observateurs, la même situation qui s'est créée à Saint-Léonard.

On va donc créer, comme on ne sait pas le nombre de commissions scolaires, deux, quatre ou six Saint-Léonard. M. le Président, pour nous, et je ne serai pas plus long dans mon exposé, l'amendement du gouvernement ne nous parait absolument pas acceptable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au sujet de cet amendement que propose le ministre, mon collègue vient de vous en donner les principales raisons. J'ai déjà, en commission permanente, exposé, moi aussi, mon point de vue à ce sujet.

Disons au départ que l'intention du ministre est peut-être généreuse. Il reste toutefois que si on replace ça dans l'optique de ce qu'on appelle la commission scolaire unifiée, qu'on replace ça dans l'optique du fonctionnement normal de la démocratie et du fonctionnement de tous les mécanismes de cette démocratie, l'amendement du ministre vient à mon sens contrarier ce qui constitue les principes de base de la démocratie et mettre le grain de sable dans les rouages de cette démocratie.

J'avais, au moment de l'étude en commission permanente, posé quelques questions au ministre lui demandant ceci: quel sera précisément le rôle de ces observateurs? On dit évidemment qu'il s'agit d'observateurs, mais quel sera le rôle de ces observateurs, étant donné qu'ils n'auront pas d'autres voix qu'une voix consultative et encore, cela n'est pas précisé qui seront simplement ces observateurs. Est-ce qu'ils auront d'abord droit de parole? On suppose que oui puisqu'on les nomme observateurs. Ils pourront participer aux délibérations, etc., ils n'ont pas voix délibérative.

Alors est-ce que ce vont être des surveillants? Est-ce que ce vont être des contrôleurs? Ce sont des questions que j'ai posées au ministre à ce moment-là. Est-ce que ce vont être les inquisiteurs? Est-ce qu'ils vont être en quelque façon des agents de police au sein de ces organismes dits démocratiques? On veut procéder à la création d'une commission scolaire unifiée. On fait appel pour cela aux mécanismes de la démocratie.

Pour que ces mécanismes fonctionnent véritablement, qu'ils jouent pleinement leur rôle, il ne faut pas, au départ, y mettre des entraves. Ces personnes, qui siégeront à titre d'observateurs, qui n'auront pas le droit de vote, qui ne pourront être élues ni président, ni vice-prési-

dent, non plus que membres du conseil, qu'est-ce qu'elles vont faire d'autre que de surveiller, de contrôler, d'exprimer des griefs, d'exprimer des avis contraires et, par la suite — je ne porte pas de jugement sur la qualité des personnes qui pourraient être nommées — elles s'en iront colporter, à droite et à gauche, toutes sortes d'opinions qui risqueront de mettre le feu n'importe où, à propos de n'importe quoi.

A supposer qu'une commission scolaire prenne une décision d'ordre administratif, qui contrarie un tant soit peu la volonté de ces observateurs, il leur suffit d'aller dans les différents milieux et, là, d'ameuter les citoyens dont ils pensent qu'ils sont de leur avis pour créer une sorte de remous, de climat d'agitation qui, à la fin, paralysera l'action des commissions scolaires.

Je pose encore une fois la question au ministre: Quel va être leur rôle, autre que ceux que j'ai décrits? Vont-ils être des contrôleurs? Vont-ils être des surveillants, des inquisiteurs, des sortes d'agents de police ou des agents de liaison avec des groupes qui inventeront tous les moyens d'intervenir, si la démocratie ne fonctionne pas telle qu'elle doit fonctionner, de sorte que les décisions qui seront prises par les organismes responsables élus, eux, démocratiquement, ne soient pas mises en application ou qu'en raison des représentations que feront ces observateurs la commission scolaire se trouve dans la situation de devoir attendre, analyser, étudier, réanalyser, resoumettre à la population, à des citoyens, à son conseil, etc., toute décision?

J'ai l'impression — je le dis au ministre — que l'intention généreuse qu'il a eue en voulant nommer ces observateurs ne respecte par les lois de la démocratie. J'ajoute ceci, en terminant — je l'avais, d'ailleurs, déjà dit en commission permanente — que les gens qui seront élus démocratiquement le seront parce qu'ils sont des citoyens de première classe. Ces observateurs n'ayant pas le droit de vote, n'ayant pas le droit d'être président, vice-président ou membres du conseil, qu'est-ce qu'ils vont être? Ils vont être, au sens historique du terme, des ilotes, des sortes d'apatrides dans un mécanisme ou dans un monde où tous pourront jouir des avantages de la démocratie, sauf eux.

Par ailleurs, ces ilotes auront le droit de pertuber toute l'économie d'une démocratie. Ils auront le droit de perturber le climat qui devra régner dès le départ dans ces structures démocratiques pour que cela fonctionne normalement, conformément aux exigences de la loi et aussi aux objectifs que le ministre se propose d'atteindre en nous soumettant ce projet de restructuration scolaire de l'île de Montréal.

Pour ces diverses raisons, je ne crois pas que nous devions accepter ces observateurs qui, si nous acceptions qu'ils soient nommés tel que le ministre le propose, se trouveraient privilégier certains groupes, quand, en réalité, l'objectif de la loi 28 est de mettre tous les citoyens sur le même pied en appliquant rigoureusement les règles de la démocratie.

Que le ministre se souvienne des observations, des recommandations qui lui ont été faites à la commission parlementaire de l'Education et il comprendra que cet article, qui porte sur les observateurs, a été à peu près dans tous les mémoires sauf, naturellement, ceux de certains groupes qui étaient intéressés à ce qu'il y eût des observateurs, une sorte de pierre d'achoppement.

J'ai l'impression que le ministre devrait y réfléchir à nouveau afin de ne pas introduire dans une structure démocratique des gens qui auraient un statut privilégié du fait qu'ils ne seraient pas élus et qui, même s'ils n'ont pas le droit de vote, auront quand même un droit de regard et le droit de faire des représentations qui risqueraient de paralyser le fonctionnement normal des organismes que nous entendons créer.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur le même sujet, puisque nous sommes au début de la commission plénière du bill 28, il est évident — d'ailleurs, le ministre le sait, nous l'en avons avisé — que nous aurons des amendements à proposer. Même, au début, je sais qu'il ne sera pas facile de nous entendre avec le gouvernement et que nous ne pourrons même pas nous entendre, parce qu'il y a d'abord les principes qui ont guidé le gouvernement dans l'élaboration de ce projet de loi.

Nous estimons, nous, en ce qui nous concerne, que lorsque nous parlons d'éducation, de commissions scolaires, de structures administratives dans les commissions scolaires, il s'agit d'administrer les commissions scolaires en fonction de ceux qui justement paient la note, les parents, de ceux qui envoient leurs enfants dans les écoles et nous nous battrons pour que les parents soient représentés dans toutes les structures de l'administration scolaire.

Nous savons que dans une société où, à l'heure actuelle, on semble accorder priorité, plus d'importance à la matière qu'à l'être humain et où le signe de piastre sert surtout d'instrument de contrôle des individus au lieu de servir d'instrument de service, on ne peut pas faire autrement que de se retrouver dans le contexte où nous nous retrouvons à l'heure actuelle.

En ce qui a trait aux structures et aux commissions scolaires, à l'article 583, il est évident que l'on veut donner aux commissions scolaires de l'île de Montréal des structures administratives qui ressemblent beaucoup plus à des structures administratives d'usines d'assemblage avec succursales qu'à des structures administratives de commissions scolaires.

On a fait grand état de l'amendement qu'a proposé le gouvernement à l'effet qu'il y ait un

mécanisme d'ajustement qui permettra à deux observateurs, deux personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil de servir de mécanisme d'ajustement pour permettre aux minorités — lorsqu'il y aura des différences entre les minorités ou la majorité — d'être mieux représentées au conseil scolaire. Cet amendement est un moindre mal et nous trouvons que le gouvernement ne va pas assez loin. Non seulement' ces deux personnes devraient avoir la permission de siéger, mais elles devraient en plus avoir le droit de vote et les mêmes droits que les autres au même titre.

J'ai été surpris ce matin d'entendre le ministre nous parler de représentants, dire que les commissaires d'école sont des représentants alors qu'à la commission parlementaire on a surtout dit que les commissaires d'école étaient des administrateurs. Je pense qu'il y aura beaucoup de discussion, beaucoup d'ambiguïté tant et aussi longtemps qu'on ne s'entendra pas à savoir si les commissaires d'école seront uniquement des administrateurs ou des administrateurs et des représentants.

En ce qui nous concerne, nous soutenons, nous, que les commissaires d'école doivent être non seulement des administrateurs, mais doivent être des représentants de la population. Lorsqu'on dit qu'il faut sauver les droits des minorités, il ne faut pas oublier non plus que la majorité a ses droits.

Si à l'heure actuelle on brime les droits de la majorité pour respecter, soi-disant, les droits de la minorité, c'est une arme à deux tranchants parce qu'il y a des commissions scolaires où la minorité est francophone et il y a des commissions scolaires où la minorité est anglophone. C'est une arme à deux tranchants, ça peut jouer dans les deux sens.

Nous estimons que l'on ne doit pas trouver ce respect des droits de la minorité et ce respect des droits de la majorité seulement au niveau des paroles, des mots, mais dans des garanties juridiques, dont nous avons tant parlé, que nous avons exigées et que nous exigerons encore jusqu'à la fin de la discussion concernant ce projet de loi.

Il est évident que l'amendement que le gouvernement adopte est un moindre mal. Je ne dis pas que nous allons voter pour cet amendement; nous allons tenter, par l'amendement que j'ai l'intention de soumettre sur l'article 583, de proposer un mécanisme que le gouvernement pourrait, au niveau de la réglementation, préciser davantage.

C'est très difficile parce qu'en partant on ne permet pas, autrement dit, la préparation ou la présentation d'amendements qui pourraient donner des garanties juridiques dans cet article 583. Et lorsqu'on parle de garanties juridiques à la minorité linguistique, j'inclus également la minorité religieuse, la minorité sur le plan confessionnel.

Alors, les catholiques ont des droits, les catholiques sont en majorité dans la majorité des commissions scolaires, les protestants ont des droits, les gens qui professent d'autres fois ont également des droits. Ce sont leurs enfants, M. le Président, qui fréquenteront ces écoles. Et justement, on veut en faire des administrateurs mais à quel titre? Administrer ce qui est décidé par le ministère de l'Education, ce qui est décidé par en haut pour voir seulement à une répartition. Et nous savons, M. le Président, quelles sont les restrictions budgétaires auxquelles le gouvernement a à faire face: manque de disponibilité de capitaux de part et d'autre, alors que les gens se plaignent, évidemment avec raison, qu'ils sont déjà trop taxés. Justement, il y a peut-être un point sur lequel je ne veux pas...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question pour le débat?

M. ROY (Beauce): M. le Président...

M. SAINT-PIERRE: Vous nous reprochez, à cause de nos contraintes budgétaires, de ne pas donner suffisamment d'argent aux commissaires, et si je vous ai bien entendu dans le savant exposé d'hier, c'était l'inverse, il se dépensait trop d'argent dans l'Education. C'est quoi, exactement, la politique de votre parti?

M. ROY (Beauce): M. le Président, si le ministre m'avait bien écouté hier, il aurait compris, je pense, parce que j'ai été assez explicite. J'ai dit et je ne veux pas engager de débat et revenir sur le budget supplémentaire, je pourrai y revenir, mais j'ai dit qu'à deux niveaux il y avait des dépenses, dans le ministère de l'Education. C'était au niveau du luxe qu'il y avait dans les écoles et au niveau des investissements qui étaient mal orientés, qui étaient mal préparés, mal planifiés, parce qu'on faisait trop d'investissements dans certaines régions du Québec. C'est à ces deux niveaux-là, ce n'est pas dans l'administration même des commissions scolaires, en ce qui a trait à l'affectation des budgets dans les secteurs pour dispenser l'instruction, l'éducation et dispenser les différents cours dont les élèves ont besoin, que les élèves réclament. C'est ce pourquoi, justement, ils fréquentent les classes.

M. le Président, cet article 583, nous proposons de le remplacer par le suivant.

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Pour une question de bon ordre, on va vider le problème avec l'amendement du ministre de l'Education et, par la suite, évidemment, tout autre membre du comité pourra proposer d'autres amendements. C'est tout simplement pour la clarté de la discussion, à moins que ce soit un sous-amendement à l'article 583, mais ce serait peut-être plus simple, au point de vue procédure, pour ne pas se perdre dans des dédales, qu'on vide la

question de l'amendement du ministre de l'Education, et que, par la suite, si le député de Beauce ou tout autre membre du comité a un amendement à proposer, qu'il le fasse.

M. ROY (Beauce): Voici, M. le Président, ce matin nous avions quelqu'un qui était en voie de préparer les amendements, nous n'avions pas prévu que le gouvernement étudierait le bill 28 ce matin. Alors, nous avions réservé l'avant-midi pour discuter dé ces problèmes-là et nous préparer. C'est un peu comme hier. Hier, nous nous étions préparés sur le projet de loi 64 et le gouvernement nous arrive avec un budget supplémentaire.

Ce matin, on se prépare sur le budget supplémentaire, on nous arrive avec le bill 28. Alors, M. le Président, l'amendement tel que rédigé à l'heure actuelle s'insère mal comme sous amendement.

M. LE PRESIDENT: Je pense que ce que je propose au député va bien faire son affaire, puisque si ses amendements ne sont pas encore prêts, on va discuter l'amendement du ministre et peut-être qu'au moment où nous pourrons aborder l'amendement de l'honorable député de Beauce, son amendement sera prêt.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LEVESQUE: M. le Président, on me permettra tout simplement de faire une rectification. J'ai annoncé samedi soir, et ç'a été la suite normale des travaux, que ce serait soit le bill 28, soit le budget supplémentaire, soit le bill 64. Il y a quinze projets de loi au feuilleton, nous en avons extrait trois et le député était bien au courant. Je comprends que le député, à un moment donné, avait quinze dossiers dans ses bras. Pour l'aider, réduire de quinze à trois, je crois qu'il y a eu progrès.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais simplement demander une précision qui va me permettre de préciser ce que j'ai dit tout à l'heure. Il est question d'observateurs. Un observateur est une personne qui assiste, mais qui ne dit pas un mot, qui prend connaissance de ce qui se passe en qualité d'abservateur. Est-ce que le ministre pourrait me dire quel sera le statut de ces observateurs. Est-ce qu'ils vont simplement s'asseoir là, observer, écouter sans prendre part aux discussions? J'aimerais avoir cette précision du ministre.

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président, les observateurs ont tous les droits et pouvoirs des commissaires d'écoles, normalement, sauf les restrictions apportées par certains amendements. On dit bien: "Ces deux commissaires d'écoles n'ont cependant pas le droit de vote — limitatif de nouveau — ni d'être élus président ou vice-président — de nouveau, limitatif à la suite d'un amendement de l'Opposition — et ils ne peuvent, non plus, être désignés membres du conseil." Alors, ces gens ont tous les droits et pouvoirs des commissaires, sauf le droit de vote, sauf le droit d'être élus président ou vice-président, sauf le droit d'être désignés comme représentants de la commission scolaire au conseil.

Maintenant, le député, dans sa première intervention, posait la question: Quel est leur rôle exactement?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre me permettrait, avant qu'il ne poursuive, de préciser un point? Il me dit que ce sont des observateurs. Je lui ai décrit ce qu'est un observateur. J'ai été représentant, par exemple, du Canada à l'ONU et j'étais, à certains moments, observateur à certaines commissions auxquelles le Canada n'était pas admis à part entière. Je n'avais donc pas le droit de parler, à ce moment-là. Donc, le terme "observateur" porte à équivoque. Ce ne sont pas des observateurs. Ce sont, en réalité, des commissaires qui seraient amputés d'un droit, le droit de vote. Par conséquent, ce ne sont pas des observateurs et ce serait introduire dans la loi une équivoque et même un précédent de parler d'observateurs quand, en réalité, ces gens ont une voix qui leur permet de délibérer, c'est-à-dire de discuter et de prendre part à tout ce qui se passe. Donc, ce ne sont pas, au sens de la loi et selon l'acception commune, des observateurs. Ce sont des commissaires ou des semi-commissaires ou des demi-commissaires, des gens à qui il manque un membre ou je ne sais trop quoi. La seule chose, en somme, qu'ils n'ont pas, c'est le droit de vote. Donc, ce ne sont pas des observateurs.

Quand j'ai posé la question au ministre, je le savais, car il nous en avait déjà parlé, mais je voulais le lui faire préciser ce matin pour qu'il se rendît compte qu'il ne s'agit pas d'observateurs, mais bien de commissaires, si vous voulez...

M. CARDINAL: Infirmes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... paralysés au moment du vote. Alors, ce sont des commissaires, au sens étymologique du terme, infirmes et non intègres, non integer.

M. CARDINAL: Ce sont des actionnaires privilégiés dans une corporation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça. M. CHARRON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: ... depuis les toutes premières séances de la commission parlementaire, en fait, je me souviens même que cela a été l'un

des premiers commentaires que nous avons émis lors du dépôt du projet de loi, le 6 juillet dernier, nous nous sommes élevés contre le nombre trop grand et trop vaste de garanties qui pouvaient être apportées à une minorité, d'un ordre ou d'un autre, en disant que cela pouvait affecter considérablement la mise en jeu et la réalisation du principe avec lequel, à ce moment-là aussi, je disais que nous étions d'accord, ce que nous avons confirmé par notre vote en deuxième lecture.

L'article 583, même avec l'amendement que le ministre y apporte, constitue la première de ces garanties que nous abordons lors de l'étude du comité plénier. Vous ne serez pas surpris —le ministre ne le sera pas non plus, puisqu'il a entendu toutes les remarques que j'ai pu faire lors des séances de la commission parlementaire — de nous voir rejoindre le point de vue du député de Bagot sur cette question — il en a parlé le premier, tout à l'heure — et nous élever également non seulement contre l'amendement du ministre, mais contre l'article 583 à peu près en entier.

J'essaie, dans ma tête, le plus clairement possible, de reporter sur quatre chapitres, en particulier, l'objection fondamentale que nous avons à cette garantie ou à cette précaution —garantie excessive n'étant pas français — excessive que contient le projet de loi par cet article.

La première objection n'a pas été abordée par le député de Bagot tout à l'heure, mais elle aurait bien pu l'être et son expérience comme ministre de l'Education lui aurait sans doute servi s'il avait voulu en parler. Il aura l'occasion de le refaire, s'il le veut.

Ma première objection n'est même pas d'ordre philosophique, de quelque nature que ce soit.

Elle porte sur le fait que le projet de loi — si vous regardez bien, M. le Président, nous en sommes à l'article 1 — amende à nouveau la Loi de l'instruction publique. Votre expérience parlementaire, M. le Président, vous fera également savoir qu'à la plupart des occasions où le ministre de l'Education amène un projet de loi en Chambre, c'est pour amender de nouveau la Loi de l'instruction publique. Je ne fais référence qu'au bill 280 que nous avons actuellement sous les yeux et qui devrait être appelé à la session de janvier.

M. le Président, à peu près chacune des interventions du ministre de l'Education, sur de nouvelles mesures législatives, sont en fin de compte des amendements à la Loi de l'instruction publique. Pourquoi? Parce que la Loi de l'instruction publique est la cheville de base de toute l'édification scolaire que nous avons au Québec. Nous y référons constamment. On y a greffé toute la révolution scolaire ou à peu près, par un chapitre ou par un article ou par un paragraphe nouveau à l'intérieur de la structure scolaire.

Par exemple, quand on a adopté le bill 63, en

Chambre, c'étaient deux paragraphes nouveaux qu'on ajoutait à l'article 203 de cette Loi de l'instruction publique. Quand nous avons fait le regroupement des commissions scolaires pour le reste de la province, à l'extérieur de Montréal, c'était encore une fois un amendement à la Loi de l'instruction publique.

M. le Président, faire la preuve que la base de la structure scolaire du Québec qui a su absorber, même avec son caractère de vétusté, tant bien que mal la révolution scolaire, cela demeure la Loi de l'instruction publique. Nous travaillons encore ce matin sur un article qui, s'il était adopté, viendrait à nouveau amender la Loi de l'instruction publique.

Si je vous dis tout cela, M. le Président, c'est parce qu'après vous avoir prouvé l'importance de la Loi de l'instruction publique que nous amendons à nouveau, je veux revenir sur la philosophie générale qu'il y a à la base de la Loi de l'instruction publique. La philosophie première, c'est l'importance des commissions scolaires. Il y a une chose de sacrée d'un bout à l'autre, de l'article 1 au dernier article de la Loi de l'instruction publique, c'est la primauté, comme structure, plus importante encore, s'il le faut, que le ministère de l'Education, plus importante encore que n'importe lequel édifice scolaire ou n'importe laquelle structure collégiale, c'est la commission scolaire. Notre édifice scolaire repose sur une philosophie ou sur une pensée que je peux résumer en une phrase: La population doit gérer la chose scolaire. Tous les amendements qu'on y a apporté ont été, ou bien pour écarter la population, ou pour l'y insérer d'une façon nouvelle.

Ceci posé, lorsque vous regardez quelle est la nature même qu'on reconnaît à la commission scolaire, à travers la Loi de l'instruction publique, c'est que la commission scolaire est composée de commissaires qui sont des gens élus pour administrer la chose scolaire et — selon les termes de l'article 587 que nous serons tantôt appelés à modifier — assurer un enseignement de qualité aux enfants dans le territoire de cette commission scolaire.

Vous voyez, M. le Président, que la nature d'une commission scolaire, dans l'esprit même et dans la philosophie même de la Loi de l'instruction publique, base de notre système scolaire, c'est un organisme pour administrer la chose scolaire et assurer un enseignement de qualité aux enfants et, désormais, à tous les citoyens, dans le territoire de cette commission scolaire. Autrement dit — voilà la première raison pour laquelle je m'oppose à l'amendement apporté par le ministre — une commission scolaire n'est pas un sénat. Il est dit nulle part et il est absolument contraire à la philosophie de la Loi de l'instruction publique que de vouloir en faire un endroit où une minorité, d'une nature ou d'une autre, linguistique, ethnique, confessionnelle, sociale, de quelque ordre que ce soit...

Vous savez, M. le Président, que mon collè-

gue, le député de Beauce, s'apprêtera, dès que nous aurons disposé de l'amendement du ministre, à en apporter un autre. Je ne pense pas lui manquer de respect en disant qu'il a lui-même signalé tout à l'heure qu'il voulait intégrer, par un amendement que je ne connais pas, la représentation des minorités confessionnelles.

Voilà, M. le Président, c'est par l'amendement du ministre lui-même, à l'encontre de la philosophie de la Loi de l'instruction publique, que la porte se trouve ouverte. Le député de Beauce est parfaitement justifié de dire: Si le ministre croit qu'une commission scolaire est un endroit où une minorité d'un ordre quelconque doit être représentée — et le député de Beauce est bien placé et bien légitimé de le dire — je dis que ce sont les minorités confessionnelles.

Et il peut se trouver tout à l'heure que mon excellent collègue, le député de Saguenay, dise que ce doivent être les minorités sociales; et le député de Sainte-Marie, grand défenseur des agriculteurs, pourra dire que dans les commissions scolaires de Montréal, les agriculteurs devraient aussi siéger comme observateurs.

Mais la porte se trouve ouverte, et c'est tout à fait contraire à la philosophie de la Loi de l'instruction publique. Une commission scolaire, ce n'est pas un sénat, ce n'est pas une foire, ce n'est pas une espèce de mosaïque où tout le monde, avec ses particularités, doit se trouver représenté et se retrouver proportionnellement à la force démographique qu'il y a dans la population où on calcule les 0.5 p.c. de représentation et toutes ces folies furieuses.

Une commission scolaire, c'est un certain nombre de personnes —15 en l'occurrence à Montréal — élues par la population pour administrer la chose scolaire et assurer un enseignement de qualité aux citoyens de cette région. Ce n'est pas autre chose. C'est la première fois, depuis que la réforme scolaire est engagée au Québec, qu'on apporte ce genre de modification.

Quand je dis la première fois, pas besoin de remonter bien loin. Il y a à peine six mois, en Chambre nous avons voté le bill no 27. Nous avons, d'un commun accord, remodelé la structure scolaire des commissions scolaires à l'extérieur de Montréal. Et avez-vous entendu parlé à ce moment-là d'un nécessaire besoin de représenter une minorité quelconque par des observateurs ou des commissaires supplémentaires, par des commissaires infirmes ou des commissaires atrophiés? Aucunement. On s'est tous entendu, dans l'esprit de la Loi de l'instruction publique, pour dire que les commissions scolaires sont des organismes administratifs où il est bon que les commissaires soient représentatifs. Mais cela est laissé au jeu du suffrage universel, ce n'est pas autre chose.

Donc, premier argument, premier chapitre des arguments que je puis développer contre cet amendement apporté par le ministre et contre l'article 583, c'est que c'est une entorse au principe même et à la nature même de ce qu'est une commission scolaire.

Deuxième chose. J'ai dit dans mon discours de deuxième lecture qu'un des bons aspects du projet de loi no 28 était l'instauration du suffrage universel à Montréal pour l'élection des commissaires. Ce n'est pas à vous, M. le Président, avec toute la science que vous possédez, que j'apprendrai la nature de la structure scolaire de Montréal, que nous nous apprêtons à modifier par cette loi.

Imaginez-vous que nous, les Montréalais, nous n'avons jamais voté pour une commission scolaire. Aussi aberrant que cela soit en 1971, des sept commissaires de la CECM, quatre sont nommés par le gouvernement et trois par l'archevêque de Montréal. Or, une bonne disposition dans le projet de loi est l'instauration du suffrage universel. Mais dès ce moment, — dans mon discours de deuxième lecture, également, je le signalais au ministre — on n'installe pas le suffrage universel pour s'appliquer par la suite à le tordre ou à le détordre, ou à transfigurer ses résultats, à les embêter ou à les amoindrir. On y croit ou on n'y croit pas.

Et si, par une autre disposition, qui vient, je crois bien, à l'article suivant, nous allons être appelés à nous prononcer sur le suffrage universel quant à l'élection des commissaires de Montréal — je vous assure tout de suite de l'appui de notre parti sur cette question — vous ne vous surprendrez pas, après avoir connu notre travail en Chambre depuis 19 mois, de nous voir nous opposer au fait de voir entravé par une mesure de cet ordre un principe sur lequel nous sommes d'accord.

Quel serait le genre de réaction, croyez-vous — le député de Bagot et le député de Chicoutimi abordaient ce thème tout à l'heure — des quinze commissaires élus qui se sont présentés devant la population avec — permettez-moi cet anglicisme que tout le monde comprend — une plateforme électorale, avec un programme, avec des idées en disant: Si vous nous élisez pour administrer la chose scolaire, nous allons réaliser tel programme et nous allons le faire et qui sont continuellement embêtés par des trouble-fête, par des — ah! je vais employer un vocabulaire qui va faire sourire la majorité gouvernementale — agitateurs qui vont venir se mêler à la table de travail des commissaires élus par la population et qui, du fait même qu'ils n'ont pas droit de vote, vont être encore plus embêtants que s'ils l'avaient.

Ils vont constamment se plaindre, ils vont constamment, à cause de cette infirmité qu'ils auront à posséder et à les justifier devant leur population, devenir un embarras constant où les gens...

M. CARDINAL: Ils vont faire des filibusters.

M. CHARRON: ...et ils vont se mettre à faire des filibusters, M. le Président, et vous savez comment nous pouvons nous objecter avec véhémence à ce genre de procédure. Ils vont se livrer à des filibusters alentour. Le leader du gouvernement, qui est contre toute manoeuvre

du genre filibuster ou obstruction systématique, va voter contre l'amendement du ministre de l'Education s'il est logique avec les propos qu'il tenait hier soir, lui objecter le fait que des gens peuvent paralyser les travaux d'une assemblée démocratique où il ne se trouve que des gens élus par la population. Le leader du gouvernement est beaucoup trop démocrate pour permettre que les représentants, les "enfargeurs" d'une minorité ou d'une autre, viennent, à un moment où nos délibérations sont déjà pénibles, longues, entre élus du peuple, permettre à des gens, qui, au moment du vote, vont fumer dans le coin et peu importe, de paralyser les travaux de la commission scolaire pendant des heures.

M. LEVESQUE: Si le député me convainquait, je pense que je voterais contre.

M. CHARRON: Je vais prendre encore...

M. LEVESQUE: ...tellement que les filibusters que j'ai connus...

M. CHARRON: Je vais prendre encore entre une heure et une heure et demie pour vous convaincre.

M. LEVESQUE: Ah! attention de ne pas en faire un.

M. CARDINAL: J'invoque le règlement, article 346, et je l'invoque toute suite pour toutes les séances de cette commission, pas pour attaquer le député de Saint-Jacques. L'article 346 dit qu'en commission plénière ou en commission parlementaire permanente, chaque député, sur chacun des points, peut se lever autant de fois qu'il le désire, pourvu que, sur ce point ou sur cette motion, il ne puisse pas parler au total plus qu'une heure.

M. LEVESQUE: Une demi-heure.

M. CARDINAL: Une heure.

M. PINARD: C'est un nouveau règlement.

M. LEVESQUE: Dans les nouveaux règlements parlementaires. Une demi-heure, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: C'est ça! Les deux honorables députés ont raison. Lorsqu'on se base sur le règlement ici, c'est une heure, le député de Bagot a raison. Mais lorsqu'on prend, et en vertu du principe que c'est la dernière loi qui doit s'appliquer, les règlements sessionnels, ces derniers étant de plus récente date que le règlement lui-même, c'est une demi-heure. Alors me fondant sur les excellents principes de droit que m'a donnés le député de Bagot lorsque j'étais son élève, je dois lui dire que le leader parlementaire du gouvernement a raison.

M. CARDINAL: Alors dans ce cas-là, M. le Président, je vous suggérerais de vous procurer un chronomètre.

M. LE PRESIDENT: C'est déjà fait.

M. CHARRON: M. le Président, si mon deuxième...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois...

M. CHARRON: ...chapitre d'arguments contre cet amendement du ministre tient au fait que nous adoptons pleinement et complètement le principe du suffrage universel, je n'en donnerai qu'un exemple. Comment réagiraient les parlementaires de cette Assemblée nationale si, au lendemain d'une élection, la minorité italienne, par exemple, n'avait pas trouvé de représentants en cette Chambre, comme ç'a été, je pense, le cas lors de la dernière élection, et qu'à cet effet-là, nous permettrions d'ajouter une rangée de "back benchers" de plus, et d'y ajouter un représentant de la minorité italienne?

La minorité grecque, n'ayant pas trouvé de représentants, nous ajouterions un Grec pour les représenter en arrière, et allons-y là ouvertement dans toutes les représentations qu'on peut faire. Le leader du gouvernement, qui est soucieux de la marche, de la bonne marche des travaux de la Chambre, se fouterait pas mal du fait qu'au moment du vote ces représentants se retirent puisque, de toute façon, ils auraient paralysé les travaux...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai trop de respect pour les minorités, particulièrement les minorités ethniques.

M CHARRON: Est-ce que ça veut dire que le leader du gouvernement serait d'accord pour ajouter une rangée de "back banchers" pour représenter les minorités? Vous ne trouvez pas que vous en avez déjà assez dans votre propre parti? Je veux simplement dire, M. le Président que le... Le député de Maisonneuve me suggère les Irlandais.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils représentent des minorités intellectuelles.

M. CHARRON: Je veux simplement dire, M. le Président, que nous sommes assez mal placés, nous, pour ne pas croire aux résultats du suffrage universel et ne pas croire que c'est le moyen par excellence par lequel la population choisit les hommes qu'elle entend avoir pour gouverner. Et nous serions les premiers à refuser, je pense bien, en Chambre, ce genre d'attitude.

Troisième chapitre d'arguments, M. le Président que je puis développer à l'encontre de cet amendement. L'amendement nous a été présenté en commission parlementaire et il l'a été à nouveau ce matin, par le ministre avec une

larme à l'oeil ou à peu près pour l'amour qu'il a pour les minorités.

C'est par souci, par attachement et par je ne sais quel sentiment qu'il aura à nous décrire pour nous en convaincre, que le ministre présente ce genre d'amendement. Le droit de la majorité et le droit sacré — sur lequel je ne veux revenir en aucun temps — des minorités ne seront pas protégés par des mesures administratives, par des fonctionnaires, par des technocrates rajoutés, par des observateurs écrasés ou par des commissaires atrophiés. Ce n'est pas de cette façon qu'on assure, dans un pays normal, dans une ville comme celle de Montréal, le droit de la majorité et le droit de la minorité.

Je ne veux pas devancer nos travaux, M. le Président, mais vous savez que le Parti québécois, à un article qui s'en vient, aura l'occasion de vous présenter des amendements qui visent, d'une part, à assurer d'une façon définitive le droit de la majorité sur l'île de Montréal et, du même souffle, comme chez un peuple normal, respectable et respectueux de sa minorité, à lui assurer aussi, dans les termes de la loi, les droits sur lesquels aucun d'entre nous ne veut revenir.

C'est par des mesures législatives que nous allons défendre ces droits, mais non par ces attrape-nigauds que sont les observateurs. En fin de compte, la minorité locale, qui profitera de ces administrateurs ou de ces commissaires rajoutés, en souffrira plus qu'elle n'en tirera bénéfice. Qu'est-ce qui va arriver? On fera reposer les droits de chacun, parce que l'Assemblée nationale aura refusé de les assurer par des mesures législatives, sur des commissaires atrophiés. Quand une minorité locale se verra lésée dans ses droits, elle n'aura pas de recours législatif parce que la Chambre se sera refusée à le faire; elle n'aura que des recours administratifs, en allant pleurer auprès de son observateur délégué qui pourra, par un "filibuster", bloquer les travaux de la commission scolaire sans lui assurer, pour autant, de résultats, puisque, même serait-il doté du droit de vote, il n'est en aucun temps majoritaire et n'a aucune espèce de chance de l'être.

Qu'on ne nous chante pas le droit sacré des minorités pour, par la suite, après nous avoir enjôlés par ce chant charmeur, vouloir ne le faire reposer que sur des mesures administratives ou sur des mesures aussi anachroniques pour notre époque que de rajouter à une commission scolaire des observateurs trouble-fête.

Quatrième et dernier chapitre des arguments que je puis développer à l'encontre de l'amendement du ministre, c'est le suivant: Il n'est pas permis, à ce stade-ci de nos travaux, de revenir sur le principe du projet de loi. Il n'est pas permis non plus, par un amendement ministériel, je pense, d'affecter le principe du projet de loi. Qu'est-ce que nous avons voté, M. le Président? Nous avons voté pour tous les principes inclus au projet de loi. On s'entendra dans toute la Chambre pour dire que le princi- pal est celui d'unifier les commissions scolaires sur l'île de Montréal.

L'unification des commissions scolaires veut dire que l'Assemblée nationale est d'avis qu'il est possible désormais à Montréal de faire vivre, dans une même structure scolaire, une majorité francophone respectable, respectée et respectueuse des droits de la minorité, et en même temps une minorité qui ne se prend plus pour une majorité, une minorité qui abandonne des privilèges, à qui on retire des privilèges et qui accepte le jeu démocratique et de participer, avec la majorité francophone, au mieux-être scolaire et à la paix sociale sur l'île de Montréal.

Voilà le fond de ce que nous avons adopté. Je ne le révèle pas aujourd'hui, parce que je l'ai dit dans mon discours de deuxième lecture. Voilà le fond du principe de l'unification des commissions scolaires sur lequel nous nous sommes prononcés.

Allons-nous maintenant, en comité plénier, article par article, démanteler le principe que nous avons accepté en disant: c'est trop demander à une majorité que de se comporter ainsi et c'est trop demander à une minorité que de se comporter ainsi?

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! Je dois rectifier la décision que j'ai rendue tantôt, après une étude plus approfondie des textes. Je dois déclarer que l'article 346 n'a pas été amendé par les règlements sessionnels et que chaque membre du comité peut parler une heure, tel que prévu à l'article 346.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'aimerais bien que vous réserviez votre décision finale, parce qu'on m'avait bien laissé entendre — ç'a été discuté au comité de refonte des règlements — que la règle s'applique parce que les règles de procédure de la Chambre s'appliquent mutatis mutandis en comité plénier.

A ce moment-là, nous avions bien convenu et nous lisons dans les règlements sessionnels, si je ne me trompe pas, que l'heure devient une "demi-heure" par intervention. Alors, si nous appliquons cette règle, je crois bien qu'on avait compris du moins, lorsque nous nous réunissions particulièrement à la veille de nos travaux parlementaires, que cette demi-heure s'appliquait autant en comité plénier qu'à la Chambre.

M. BURNS: M. le Président, d'abord je dois dire que je n'ai pas compris, à la réunion des leaders préliminaire aux règlements sessionnels qu'on visait les deux. Bien au contraire, le texte de notre règlement sessionnel amende spécifiquement en abrogeant l'article 265 et en le remplaçant par les dispositions qu'on y trouve. Mais l'article 346, lui, qui vise les débats en comité plénier n'a pas été abrogé, n'a pas été remplacé. Donc, l'applicabilité des règles en Chambre mutatis mutandis au comité ne s'applique pas en ce cas-là, puisqu'il y a un article spécifique et je pense que le président n'a pas à

réserver sa décision. Je le dis avec tout le respect, M. le Président, je pense que vous avez parfaitement raison dans la décision rectifiée que vous venez de nous adresser.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot sur la question de règlement.

M. CARDINAL: M. le Président, sur la question de règlement, je n'invoquerai pas les réunions des leaders parlementaires auxquelles je ne suis pas invité comme observateur, j'invoquerai un précédent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sans droit de vote.

M. CARDINAL: La commission parlementaire permanente de l'Education, présidée fort brillamment, sagement et en toute impartialité par le député de...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Du Lac-Saint-Jean.

M. CARDINAL: ... du Lac-Saint-Jean, c'est vrai — il faut toujours se rappeler qu'il est un excellent pilote — a eu...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est parce qu'il vient de chez nous.

M. CARDINAL: ... à se prononcer sur cette question. Le président a alors réfléchi, revu les règlements, l'entente des leaders, et il a rendu, en commission parlementaire — je ne dis pas que ça engage le président aujourd'hui, mais le 13 décembre 1971 et j'en appelle à sa caution — une décision indiquant que nous avions le droit de parler une heure au total, cela voulait dire par exemple que nous pouvions nous lever 20 fois pour trois minutes chacun.

M. LE PRESIDENT: Je dois dire d'abord que les ententes verbales qui peuvent avoir été prises entre les leaders peuvent peut-être servir à l'interprétation, mais ne peuvent pas me servir pour appliquer la lettre du règlement. Si la lettre du règlement va à l'encontre des ententes, évidemment, je demeure lié par la lettre du règlement.

Deuxièmement, la règle mutatis mutandis invoquée par le leader parlementaire du gouvernement vaut, selon mon interprétation, pour autant que le contraire n'est pas spécifiquement prévu. Lorsque le règlement est muet sur la façon d'agir en comité, il est évident que c'est la règle mutatis mutandis, à ce moment-là, qui s'applique. Mais, lorsque le règlement est bien spécifique, même sur les procédures en comité, comme c'est le cas avec l'article 346, je maintiens que le règlement sessionnel prévoyant bien spécifiquement qu'il n'amende que l'article 265, tout demeurant muet sur l'article 346 qui, lui aussi, est bien spécifique, je dois accorder à chaque opinant un droit de parole d'une heure. L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, permettez-moi de prendre une minute sur l'heure qui m'est allouée pour rendre hommage à la sagesse de vos décisions et au caractère de force que vous avez pu employer, sans me nommer d'observateur, pour faire représenter mes droits de minorité. M. le Président, j'étais à dire, à l'intention de mon excellent ami, le leader du gouvernement, que nous n'avons pas le droit, pas plus du côté droit que du côté gauche de la Chambre, de revenir en comité plénier, par la parole ou par un amendement, sur le principe du bill.

Le principe était et est toujours l'unification des commissions scolaires de l'île de Montréal. On ne doit pas s'appliquer, par des mesures supplémentaires à n'en plus finir, par des précautions excessives, par des garanties ridicules, par des virgules, par des parenthèses, par des alinéas rajoutés l'un après l'autre, de détruire l'objectif fondamental qu'il y a d'inclus dans le bill, soit l'unification des commissions scolaires.

M. le Président, chacun des membres de la Chambre a eu l'occasion en commission, avant l'adoption en deuxième lecture et lors du débat de deuxième lecture, de faire un pari. C'est véritablement un pari que nous avons fait sur l'unification des commissions scolaires. Plusieurs tenants sont venus nous dire de reculer la date d'entrée en vigueur. Le gouvernement semble avoir plié sur ce point, parce que, disait-il, c'est un pari et qu'il faut mettre de notre côté toutes les chances de le réussir.

A l'exception de mes collègues du Ralliement créditiste, je n'ai pas vu un député de la Chambre refuser ce pari. Je veux dire, surtout à l'intention de la majorité gouvernementale, que c'est le député de D'Arcy-McGee, ministre responsable de l'environnement, et le député de Notre-Dame-de-Grâce, ministre des Institutions financières, membres de la minorité montréalaise, qui ont été peut-être les plus ardents défenseurs du pari que constitue l'unification des commissions scolaires.

Si je reprenais mot à mot et au texte même l'allocution brillante du député de Notre-Dame-de-Grâce, je comprendrais facilement pourquoi...

M. LEVESQUE : On revient sur un débat antérieur, M. le Président.

M. CHARRON: J'ai dit si je reprenais, mais je n'ai pas repris. Je ne reprends pas.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais le député de Saint-Jacques à fuir la tentation.

M. CHARRON: Je fuis la tentation, M. le Président. Je ne fais aucune allusion au discours de deuxième lecture du député de Notre-Dame-

de-Grâce. S'il m'était permis de le faire, M. le Président, je vous rappellerais que c'était un appel à sa minorité, dont il est représentant, pour qu'elle participe honnêtement à la structure scolaire que nous sommes en train d'édifier pour l'île de Montréal.

Mais chacun des membres de la Chambre a voté en faveur de l'unification des commissions scolaires, conscient du défi et du pari qu'il y avait. Il est logique maintenant de continuer dans le même sens du vote que nous avons pris à ce moment-là et de ne pas s'appliquer à défaire et à démantibuler la structure sur laquelle nous avons proclamé notre confiance avec tellement de force.

Je voudrais, M. le Président, après vous avoir expliqué la nature de ces quatre chapitres d'arguments que je peux avoir à l'encontre de l'amendement proposé par le ministre de l'Education à son propre projet de loi, terminer en disant ceci: Si l'amendement du ministre était rejeté, et, plus que cela, si toutes les précautions excessives que comporte le projet de loi et dont nous sommes à étudier la première à l'égard des minorités, d'un ordre ou d'un autre, étaient rejetées, que deviendraient et où reposeraient les véritables garanties pour la minorité locale d'une commission scolaire ou d'une autre? Je dis ceci: Elles reposent à deux endroits. Le premier, je viens de l'aborder à peu près dans mon quatrième chapitre d'arguments. Elles reposent dans la nature même des structures. L'unification des commissions scolaires — aurais-je à le répéter et le ministre aura-t-il encore une fois à le répéter, lui qui s'est évertué à le faire depuis quelques mois — n'est en soi une brimade ou un lèse-droit de personne. C'est, au contraire, et nous serons prêts à nous prononcer à nouveau là-dessus, la consécration administrative de droits reconnus à tout le monde et sur lesquels personne n'entend revenir. C'est dans le jeu même du suffrage universel et de l'unification des commissions scolaires que reposent le plus de garanties pour les minorités locales.

Voilà ce qu'il y a de malheureux dans l'amendement présenté par le ministre. La véritable chance de réussite de la structure scolaire qu'on s'apprête à édifier pour Montréal est dans l'invitation claire, nette et franche que nous pouvons faire à la population de participer et de s'intégrer à ces structures par les voies normales, par les canaux normaux, soit ceux du suffrage universel. C'est fausser la réussite et en même temps fausser les véritables garanties que comporte l'unification des commissions scolaires pour les minorités que de détourner leur attention vers des observateurs atrophiés et dont chacun pourra décrire qu'ils seront à peu près sans pouvoirs ou de détourner leur attention vers cette structure parallèle, ce dédoublement parallèle que comporte un autre article sur lequel nous serons appelés à nous prononcer tout à l'heure, l'article 589.

C'est nuire aux minorités, c'est embêter les minorités et c'est, en même temps, peut-être s'en prendre à leurs droits, bien involontairement — je n'en attaque aucunement le ministre — par la bande que de les faire miser sur le mauvais panier, de laisser en eux le manque de confiance qu'ils pourraient avoir dans la structure que nous édifions et en laquelle ils refuseront à jamais de s'intégrer si nous la parsemons de précautions excessives avec lesquelles ils s'identifieront beaucoup plus qu'avec la structure en soi.

Voilà le problème. Ils s'identifieront beaucoup plus avec les précautions excessives qu'avec les commissaires élus au suffrage universel et ainsi, le défi que comporte l'édification de l'unification des commissions scolaires sur l'île de Montréal ne connaîtra jamais le résultat que nous sommes à en escompter.

C'est un peu, M. le Président le jeu de la confédération canadienne, comme exemple, où on a invité des groupes à s'identifier à quelques représentants mais jamais à un Parlement en entier, parce qu'ils en étaient incapables. Voilà ce que nous sommes en train de faire là-dessus. La minorité locale d'une commission scolaire qui bénéficierait de l'article 583 n'acceptera jamais les quinze commissaires élus au suffrage universel comme ses porte-parole, refusera constamment de se soumettre à ses directives et préférera s'identifier à des observateurs qui parleront sa langue, j'en conviens, qui participeront à sa culture, j'en conviens aussi, mais qui seront, aux termes même de la loi, des commissaires atrophiés et des éternels minoritaires.

La véritable garantie des minorités, c'est de s'identifier et d'accepter pleinement le jeu des structures scolaires sans précautions excessives.

Et où reposent également, comme deuxième type, les garanties quant à la préservation des droits de la minorité? Je dis, M. le Président, qu'elles reposent dans la nature socio-économique de l'île de Montréal. Si le conseil provisoire retenait la carte scolaire actuelle qui a présidé à nos travaux et qui fait que dans huit cas au maximum, peut-être sept, il y aura une minorité anglaise dans une commission scolaire — je dis si on garde la même carte — et dans trois cas, une minorité francophone, je dis donc, sans parler de chantage et sans parler de maquignonnage ou de marchandage, qu'en fait, la véritable garantie des droits des francophones dans la commission scolaire no 10, là où ils seront minoritaires, ne repose pas sur le fait qu'ils bénéficieraient de deux observateurs infirmes.

Elle ne repose pas sur le fait que, si l'article 589 est adopté, il y aurait un directeur du personnel francophone et un directeur du personnel anglophone. Ce n'est pas là que ça repose les droits des francophones de l'ouest de Montréal.

Elle va reposer à deux endroits: si, d'abord ici, en Chambre, on dit que la langue d'enseignement est d'abord le français; si, par une

mesure législative, on revient sur une précédente loi et qu'on assure le droit sacré de cette majorité francophone, même si elle se trouve minoritaire sur un point géographique, d'avoir ces droits.

Voilà où ça repose. Bien plus que sur des trucs ou des "fafouinages" administratifs. Et elle repose aussi sur le fait que son groupe culturel se trouve majoritaire dans huit autres endroits sur l'île de Montréal. Voilà. La minorité francophone de l'ouest de Montréal saura qu'elle se trouve, par sa culture, majoritaire dans huit autres commissions scolaires sur l'île de Montréal et que c'est comme ça. C'est au fond la nature socio-économique de Montréal qui va faire que le pari qui est résident au projet de loi no 28 va se réaliser.

Ce n'est pas par — je le répète — des précautions qu'on pourrait se plaire à rajouter à la tonne est à la page d'un projet de loi. Et la minorité anglophone, pour ceux qui craignent son comportement arrogant comme elle nous en a souvent fait la preuve, pour ceux qui craignent le désintéressement qu'elle a de la cause de la majorité, comme elle en a souvent fait la preuve, j'en conviens, je l'admets, je suis Montréalais depuis 25 ans, la minorité anglophone aura à quitter son arrogance, aura à quitter son manque de souci à l'égard de la majorité francophone, quand elle saura et quand elle réalisera complètement et dans sa. tête — et c'est déjà commencé, on n'a qu'à lire la lettre du président démissionnaire du Protestant School Board of Greater Montreal pour s'apercevoir que cet homme intelligent est lui-même conscient que la nature psychologique du rapport de force va désormais changer sur l'île de Montréal, et qu'il ne pourra pas se permettre, dans la commission scolaire no 10, de traiter les francophones comme ceux de Sturgeon Falls ou comme les Manitobains francophones ont été traités, parce qu'il sait très bien que son propre groupe désormais sera minoritaire à l'intérieur de huit autres commissions scolaires.

Et, voulant terminer sur ce pari, sur lequel, j'espère, d'autres collègues auront l'occasion de revenir, pour toutes ces raisons, pour les chapitres d'arguments que je vous ai donnés, pour la conviction que j'ai que les véritables garanties des minorités résident dans la nature même des structures, dans la nature socio-économique et que nous n'avons pas besoin de l'amendement du ministre, je propose — ai-je besoin d'être appuyé — en sous-amendement à l'amendement du ministre, que le second alinéa de l'article 583 soit biffé.

M. CARDINAL: M. le Président, midi trente.

M. LE PRESIDENT: Il est midi trente. Alors, je réfléchirai sur la recevabilité de la motion d'amendement.

M. CHARRON: Bien, M. le Président, je vous en fais parvenir une copie.

M. CARDINAL: Il y a un problème de recevabilité.

M. LE PRESIDENT: La séance du comité est suspendue jusqu'à deux heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

Reprise de la séance à 14 h 32

M. HARDY (président): A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que, en vertu de l'article 667, je peux vous demander une directive, s'il vous plaît?

M. LE PRESIDENT: Une directive? M. CHARRON: S'il vous plaît? M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. CHARRON: D'abord, il n'y a pas quorum.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés, il est deux heures trente.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement.

M. LEVESQUE: ...on m'informe qu'une entente serait intervenue entre les divers partis pour que l'on puisse, pendant que le comité siège, procéder en commission parlementaire de la Justice. Je comprends que les partis seraient d'accord que les entrées soient faites dans les livres à cet effet sans que vous soyez obligé de quitter votre fauteuil, de faire venir le président et revenir.

Si tout le monde est d'accord, le secrétaire pourra procéder aux entrées et on pourra ensuite permettre aux honorables députés, membres de la commission parlementaire de la Justice, de se déplacer jusqu'à la salle 81-A.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De faire leur sortie.

M. LEVESQUE: Il est entendu qu'ils pourront ajourner à volonté selon les besoins du moment.

M. CHARRON: Qu'en termes fort galants ces choses-là sont dites!

M. LEVESQUE: Avec cette entente cordiale, j'espère bien qu'ils n'auront pas à ajourner trop souvent mais, enfin, c'est une entente prise dans ce sens-là, m'a-t-on dit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas eu le temps de consulter mon leader avant que le leader du gouvernement nous annonce cette procédure. Je ne vois pas d'objection qu'on fasse les entrées afin qu'il y ait sortie de ces messieurs qui doivent s'occuper de la Justice. Sous toute réserve du jugement du leader, dont la préoccupation est la justice.

Pour ma part, je n'objecte pas.

M. LE PRESIDENT: Nous allons vider cette question. Est-ce sur cette question? L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, c'est toujours sur la question qui est devant cette Assemblée. Je voulais simplement dire au leader qu'on permet la sortie des membres qui se préoccupent d'abord de la justice, en tout décorum pourvu qu'on conserve le quorum.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

M. DROLET: M. le Président, en ce qui nous concerne, nous sommes d'accord. Nous avons eu une discussion avec le ministre à l'heure du dîner et nous sommes d'accord que la commission de la Justice siège immédiatement.

M. LE PRESIDENT: Devant cette union...

M. CHOQUETTE: Je voudrais ajouter quelque chose. Le leader du parti de l'Opposition officielle m'a dit qu'il serait d'accord sur ce système, mais je ne le vois pas.

M. CARDINAL : Il est déjà rendu à la commission.

M. BURNS: C'était la seule réserve que j'y mettais. Il est exact que nous nous sommes entendus avec le ministre de la Justice mais la seule réserve, c'est que je voudrais que le député de Maskinongé, non pas que je ne croie pas que le ministre de la Justice n'ait pas eu son consentement, mais qu'au moins qu'il soit ici pour savoir que nous quittons pour ça.

M. LE PRESIDENT: Peut-être pourrais-je suggérer de suspendre la sortie, jusqu'à la rentrée.

M. BURNS: C'est-à-dire que les entrées se fassent et nous attendrons le député de Maskinongé avant de descendre.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'aurais une directive à vous demander en vertu de 667. J'ai terminé mon intervention avant l'heure du déjeuner en formulant rapidement et maladroitement, je dois le dire, un amendement qui, réflexion faite — et c'est là-dessus que je veux vous demander une directive — je voulais plutôt l'annoncer comme le règlement nous permet de le faire, mais je crois qu'en toute honnêteté il faudrait d'abord disposer de l'amendement — est-ce ce qu'il faut faire c'est ce que je vous demande — du ministre de l'Education pour...

M. CHOQUETTE: ... la présence du député de Maskinongé.

Alors je pense que nous pouvons poursuivre nos travaux à la commission de la Justice, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je prends acte.

M. LEVESQUE: M. le Président, au sujet du scrupule du député de Saint-Jacques, je veux qu'il soit bien à l'aise et s'il y a une modification à faire ou s'il veut que nous procédions à un amendement plutôt qu'à un autre...

M. LE PRESIDENT: Pour clarifier la situation, j'avais cru comprendre que l'honorable député de Saint-Jacques proposait un sous-amendement à l'amendement du ministre de l'Education. Mais si le député de Saint-Jacques considère qu'il doit réviser son sous-amendement, s'il y a consentement unanime du comité, à savoir qu'il retire son sous-amendement, la question sera réglée.

M. BURNS: M. le Président, la question se pose de la façon suivante, et c'est suite à la directive qui nous a été donnée par le président, il y a quelques jours, je pense que c'est hier ou avant-hier relativement à l'article 173; Je lui avais posé la question à savoir, comme il peut y avoir annonce, semble-t-il, d'après 173 de plusieurs amendements, comment arrive-t-on à annoncer nos amendements? Il nous a dit alors, au début de la discussion de l'article, nous les étudierons. Par la suite, évidemment, on doit étudier le fond de cet article qui nous dit que les amendements doivent être étudiés de façon à ne pas les exclure les uns des autres une fois que plusieurs ont été annoncés.

Or, en l'occurrence, je pense que le député de Saint-Jacques, sauf erreur, veut proposer qu'un paragraphe soit biffé. Ce paragraphe, le ministre de la Justice suggère de l'amender.

C'est pour ça que, dans notre esprit, il serait...

M. LEVESQUE: Le ministre de l'Education ou de la Justice?

M. BURNS: Ah! Excusez-moi. Le ministre de l'Education. Ma préoccupation pour la justice m'a fait faire ce lapsus. Le ministre, je pense, propose de modifier ce texte. Nous suggérons qu'on dispose d'abord de l'amendement du ministre et qu'ensuite on vienne au nôtre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est unanime à ce que le député de Saint-Jacques retire son sous-amendement?

M. LEVESQUE: Il semble bien que ce soit une procédure régulière. Je n'ai pas d'objection. La seule chose, c'est que si c'est simplement pour être plus efficace, j'en conviens. Si c'est pour avoir le droit de parler sur la motion et ensuite sur l'amendement, il faudrait bien comprendre que le député de Saint-Jacques a épuisé son temps sur l'amendement qu'il a proposé. Nous ne voudrions pas être trop procéduriers mais donner un exemple de saine collaboration.

M. CARDINAL: Nous donnons notre accord. Evidemment, on n'est pas pour commencer à jouer à la procédure, parce que l'on pourrait dire que le député de Saint-Jacques, ayant fait un amendement, a déjà parlé sur l'amendement principal.

M. LEVESQUE: Bien oui...

M. CARDINAL: ... On n'en sortirait jamais. Or, je rappelle à la présidence, avec tout le respect qu'on lui doit, que nous avons eu ce matin, une espèce de directive à l'occasion d'une intervention du député de Beauce. Il nous a dit que nous pouvions, l'un après l'autre, présenter nos amendements pour qu'il n'y ait pas de mélange dans la procédure. Je suis d'accord avec le leader parlementaire mais il ne faudrait pas qu'on abuse de ceci pour recommencer des débats chaque fois qu'on parlera du même article.

M. LEVESQUE: C'est d'ailleurs un peu particulier, parce que le ministre propose un amendement qui, s'il est adopté, sera suivi d'un autre amendement qui aurait pour but d'enlever une partie de son amendement, si je comprends bien.

M. CHARRON: Il faut dire que l'amendement du ministre modifie aussi le projet de loi. Il faudrait d'abord travailler là-dessus.

M. LE PRESIDENT: On va essayer de clarifier les choses. Je dois d'abord rappeler que ce que j'ai dit ce matin, à la suite des propos du député de Beauce, n'était qu'une suggestion...

M. CARDINAL: Oui, une espèce de directive avec beaucoup de...

M. LE PRESIDENT: ... d'autant plus que l'amendement du député de Beauce semblait, d'après ce que j'ai pu en entendre, vouloir mettre de côté complètement le sous-amendement. C'est ce qui est arrivé.

Si le député de Saint-Jacques a quelque chose à modifier à l'amendement du ministre de l'Education, je pense que, pour être conforme au règlement et à une certaine logique de nos discussions, il devrait proposer son sous-amendement maintenant. En effet, comme l'a dit tantôt le leader parlementaire, si, éventuellement, je ne veux préjuger d'aucune façon de ce que le comité fera, mais si jamais le comité adoptait le sous-amendement du ministre de l'Education et si le député de Saint-Jacques propose quelque chose qui vient à l'encontre de ce que le comité aura déjà adopté, on sera pris un peu dans une espèce d'imbroglio.

J'ai cru deviner les raisons pour lesquelles le député de Saint-Jacques mettait des restrictions à ce qu'on discute son sous-amendement.

Partant de ce que je croyais deviner, j'ai demandé au comité s'il y avait consentement à ce qu'il retire ce sous-amendement. S'il veut modifier l'amendement du député de Saint-Jacques, je pense qu'il ferait mieux de proposer son sous-amendement pendant la discussion de l'amendement du ministre de l'Education.

M. CHARRON: M. le Président, ce n'était pas du tout mon intention. Ce n'était pas un truc...

M. LE PRESIDENT: Non.

M. CHARRON: ... pour parler deux fois. D'ailleurs, sur la motion du ministre lui-même, j'ai parlé pendant 40 minutes. Selon nos règlements, j'ai encore le droit d'intervenir pendant 20 minutes. Je ne les utiliserai probablement pas. Ce n'est pas du tout pour cela.

Je devrais plutôt formuler de nouveau ma demande et demander au comité la permission de formuler autrement mon amendement. Je suis prêt à la discuter immédiatement. Mon amendement, tel que je vous l'ai présenté, M. le Président, se rapportait à l'article 583 plutôt qu'à l'amendement du ministre. Si vous me permettez de le modifier de nouveau, je suis prêt à en discuter immédiatement. Ce serait que le sous-amendement présenté — je ne l'ai pas par écrit —

M. LAURIN: La formule serait la suivante...

M. CHARRON: Voilà.

M. LAURIN: "... que l'amendement du ministre soit sous-amendé en biffant le premier et le deuxième alinéa."

M. CHARRON: Le deuxième et le troisième alinéa.

M. LEVESQUE: De l'amendement présenté par...

M. CHARRON: Voilà ce qui est régulier, je pense, comme sous-amendement.

M. LEVESQUE: Oui, c'est mieux.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, il y a discussion sur le sous-amendement du député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: C'est ça.

M. LAURIN: Est-ce que je dois le répéter, M. le Président?

M. TETLEY: M. le Président,...

M. LAURIN: Je vais le répéter, M. le Président, avant que le ministre ne prenne la parole. Donc, "que l'amendement du ministre soit sous-amendé en en biffant les deuxième et troisième alinéas."

M. CHARRON: Voilà.

M. TETLEY: M. le Président, je voudrais brièvement rétablir un seul fait dans les remarques du député de Saint-Jacques. Il a eu la gentillesse de se référer à mon discours de deuxième lecture sur le bill 28 que les journaux ont oublié, à l'exception du Montreal Gazette, je crois. Il a noté que j'avais fait appel aux anglophones du Québec afin qu'ils acceptent le principe de l'unité des commissions scolaires et de l'unité du Québec. C'est vrai. Mais j'ai aussi fait la demande aux francophones du Québec d'accepter le même principe d'unité scolaire et politique au Québec ainsi qu'au Canada. Il est important de noter les deux appels, surtout parce que les deux unités comportent certaines questions de langage et de droits de l'homme dont je ne vais pas parler ici parce que je n'en ai pas le droit.

J'ai aussi noté, M. le Président, lors de mon intervention que le grand problème n'était pas la majorité de la population anglophone ou francophone, mais plutôt les extrémistes des deux côtés. Et je voudrais tout simplement rétablir certains faits sans contredire le député de Saint-Jacques.

M. LE PRESIDENT: Sur l'amendement du député de Saint-Jacques, l'honorable député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, sur l'amendement du député de Saint-Jacques — puisque le gouvernement nous a amené aujourd'hui le bill 28, je suis bien obligé d'en discuter — M. le Président, si le ministre de l'Education a présenté un amendement, sans doute qu'il était motivé. Le député de Saint-Jacques présente également un amendement. Il a expliqué pourquoi il l'a proposé.

M. le Président, je pense qu'il sera quand même assez difficile de s'en tenir strictement à l'amendement du député de Saint-Jacques puisqu'il demande tout simplement de biffer une partie de l'article. Mais, si les spécialistes du ministère avec le ministre de l'Education ont cru bon de trouver un mécanisme d'ajustement quelconque, sans doute qu'eux également étaient motivés. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il doit quand même y avoir des critères de base pour insérer dans la loi cet article 583. Et je pense que le critère qu'a choisi le gouvernement fut plutôt le critère linguistique.

L'amendement du gouvernement, c'est-à-dire du ministre de l'Education, proposait deux commissaires d'école nommés; on a discuté des commissaires: Est-ce que ce seraient des vrais

ou des faux? Je ne voudrais pas réfuter non plus les arguments d'autres opinants, ceux qui ont parlé avant moi. Mais je pense qu'on se passionne pour des minorités, comme on peut le faire pour des majorités.

Nous allons également, à la suite des discussions, proposer un amendement, et je pense que, comme forme de représentativité, on a déjà discuté de la représentation proportionnelle. Est-ce que le suffrage universel va tout corriger et est-ce qu'il ne soulèvera pas de dangers? Cela a été discuté en partie également. Mais, donner aux commissions scolaires deux commissaires d'école qui seraient en quelque sorte des commissaires infirmes, je pense qu'il y aurait là à soulever des discussions énormes et même qu'il y aurait un danger de déterrer la hache de guerre assez souvent.

Je pense qu'on est en droit de dire à cette minorité ou à cette grande majorité: On y croit ou on n'y croit pas. Alors, on s'organise pour sauvegarder la majorité ou on s'organise pour anéantir la minorité.

M. le Président, puisqu'un mécanisme a été prévu — et le ministre de l'Education l'a bien expliqué dans son amendement — il ne faut cependant pas perdre de vue que pour sauvegarder cette grande majorité et non plus priver la minorité de ses droits, il y aurait quand même une façon beaucoup plus simple, d'après nous. D'abord, on a fait écho à maintes reprises, en cette Chambre, de la représentation proportionnelle.

M. le Président, je pense qu'on ne peut pas, de ce coin-ci de la Chambre — et même si je parlais en mon nom personnel — accepter l'amendement proposé par le député de Saint-Jacques pour les raisons que je viens d'énumérer. Les deux critères: il y a d'abord le critère confessionnel et le critère linguistique. Je pense que si on biffe tout simplement, comme le voudrait l'amendement proposé par le Parti québécois, il y a un danger que, soit la minorité d'une part, ou la majorité d'autre part, soit en quelque sorte mal représentée. A l'occasion, quand le temps sera venu, nous présenterons un amendement à cet égard.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, je prends acte que le député de Dorchester n'a pas confiance en la démocratie, au suffrage universel, il l'a dit très clairement.

J'appuie la proposition du député de Saint-Jacques parce qu'elle est tout à fait dans le sens des interventions que nous avons déjà, nous de l'Unité-Québec, faites en deuxième lecture, en commission parlementaire permanente de l'Education et, ce matin, en comité plénier de l'Assemblée nationale.

Je pourrais, M. le Président, prendre une heure pour parler au sujet de ce sous-amendement. Je ne prendrai pas une heure, je ne ferais que répéter toutes les raisons qu'on a essayé d'invoquer pour convaincre le gouvernement de respecter le jeu entier de la démocratie et de faire comme le gouvernement l'a fait avec le projet de loi no 80, sauf erreur. Il a aboli des comtés protégés qui, en 1867, étaient un grand accroc à la démocratie, ce que le gouvernement libéral actuel a reconnu. Parce qu'on n'a pas voulu croire, dans le Québec, en 1867, au jeu parfait de la démocratie.

Le ministre a déjà répondu avant moi: Ce n'est pas la même chose dans le système scolaire. Je ne suis pas d'accord. Nous sommes au niveau de nouvelles commissions scolaires, de commissions scolaires ni linguistiques, ni confesssionnelles, uniques, unifiées, qui ne sont, par conséquent, que des structures administratives pour fins d'administration des écoles qui, elles, seront confessionnelles. Je n'admets donc pas l'argumentation du ministre qui vient nous dire que ce n'est pas la même chose. Lorsqu'il nous dit ceci, il détruit sa propre argumentation sur les commissions scolaires unifiées. Ces commissions scolaires sont unifiées s'il y a suffrage universel, qu'on respecte ces deux notions.

Nous sommes dans un article qui est une des nombreuses clés de voûte de ces trois structures que l'on établit sur l'île de Montréal par le projet de loi no 28. Nous avons voté pour ce principe et nous allons continuer de nous battre pour ce principe. Et en nous battant pour ce principe, nous allons nous battre contre l'amendement du ministre et pour le sous-amendement du député de Saint-Jacques.

Je ne prends pas plus de temps. Je sais que cela ne l'a peut-être pas convaincu, mais il faudrait quand même qu'on soit logique et que le ministre, malgré les pressions qui s'exercent sur lui et sur le gouvernement, se rende compte que la cohérence qu'il a souvent invoquée — et il a raison — que la logique que je lui reconnais l'obligerait non pas à reculer — absolument pas — mais à faire un pas en avant et à établir vraiment une démocratie par le suffrage universel sur l'île de Montréal.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): Vous me permettrez à ce moment-ci de nos travaux d'ajouter quelques phrases à ce que les divers partis de l'Opposition ont apporté concernant cet article 583.

Pour ma part, je trouve également surprenant que le gouvernement nous présente dans son projet de loi, d'une part, le principe de l'élection, le principe de la démocratie pour ce qui est de la direction des commissions scolaires de Montréal et que, d'autre part, il vienne, par son article 583, mettre une sourdine à ce principe de base .

Je trouve surprenant que cette volonté démocratique, le gouvernement ne la pousse pas jusque dans sa limite normale qui est la volonté

populaire sortie du suffrage universel. Pour quelle raison le gouvernement apporte-t-il aux commissions scolaires, au choix des quinze commissaires élus cette idée de représentants des minorités? Je ne crois pas que ce soit là dans l'intérêt ni de la démocratie au Québec ni de l'intérêt scolaire de la ville de Montréal.

Si, à la suite d'une élection scolaire, à la suite d'un choix de la volonté populaire sur tel ou tel candidat, un groupe se sent lésé, il peut facilement être apporté des solutions à ce problème sans que ce soit pour autant des observateurs à la commission scolaire même. Si un groupe se sent lésé, il peut réclamer ses droits devant les tribunaux administratifs ou les tribunaux judiciaires qui existent au Québec. Si une minorité se sent lésée, elle peut également s'adresser au protecteur du citoyen qui a certains pouvoirs qui pourraient s'appliquer dans ce domaine, ou des pouvoirs qu'on pourrait ajouter dans la loi concernant le protecteur du citoyen. Il en est de même des pouvoirs qui pourraient être ajoutés à ceux du ministre de l'Education. Mais je ne vois pas en quoi, quotidiennement, une minorité qui se sent frustrée, pas nécessairement pour des raisons linguistiques, peut-être tout à fait pour des raisons de politique partisane — parce qu'il est évident que des groupes se formeront, que des gens s'opposeront — il peut fort bien être clair aux yeux de tout le monde que cette minorité se sente lésée non pas pour des droits fondamentaux, mais pour des droits de partisanerie. On peut trouver dans notre système, dans l'économie de nos lois d'autres suggestions que celles qui sont avancées par le ministre de l'Education.

Je crois que si nous votons le principe de l'unité de la commission scolaire de Montréal, il faut avoir foi dans le principe de la démocratie. Nulle part au Québec, dans aucun secteur de notre droit administratif ou notre droit de gestion des administrations publiques, existe ce principe d'observateurs nommés par le ministre — selon quels critères? on ne le sait pas — pour défendre un groupe qui se sentirait lésé. Nous ne trouvons ce principe dans aucune municipalité du Québec où il pourrait y avoir également, pour des raisons linguistiques ou des raisons religieuses, des minorités qui se sentiraient lésées.

Pourquoi ne pas donner ce principe-là partout dans le Québec, sur le plan administratif des municipalités, puisque que nous croyons que l'administration des municipalités, c'est la démocratie, c'est la majorité qui l'emporte? Il n'y a pas eu, à notre connaissance, de groupes qui se sont sentis, sur le plan linguistique, oppressés par une administration municipale. Nous ne voyons pas pourquoi non plus ce principe ne devrait pas, dans la logique du ministre de l'Education, être poussé dans le domaine de la sécurité sociale.

Si nous croyons que, dans les autres adminis- trations publiques, si nous croyons que dans les autres commissions scolaires du Québec, la démocratie puisse jouer à plein, selon le principe normal, on ne voit pas pourquoi il n'en serait pas ainsi à Montréal. Il y a d'autres commissions scolaires au Québec, par exemple dans la région de Sherbrooke, dans la région de Montréal, dans la région de Québec et en Gaspésie, où il y a de fortes minorités francophones ou anglophones, dans le comté du leader parlementaire aussi, je pense, et il n'est jamais venu à l'esprit d'aucun législateur du Québec de donner à cette minorité des observateurs qui protégeraient leurs droits linguistiques ou leurs droits religieux.

En vertu de quoi cette idée est-elle venue à Montréal? Est-ce qu'on croit que les gens de Montréal sont moins respectueux de la démocratie? Est-ce qu'on croit que les gens de Montréal ne respecteront pas les minorités? Est-ce qu'on croit que les anglophones de Montréal ne respecteront pas les francophones? Est-ce qu'on croit que les francophones de Montréal ne respecteront pas les anglophones? Est-ce qu'on croit que les gens de Montréal sont des êtres différents de ceux du reste du Québec en matière scolaire ou en matière municipale? Pourquoi ne pas introduire cette idée au conseil de ville de Montréal? Dans les quartiers où il y a une majorité d'anglophones, si le résultat est l'élection d'un député francophone ou d'un conseiller municipal francophone, pourquoi le ministre des Affaires municipales n'aurait-il pas le droit de choisir un observateur et de le leur mettre dans les pattes? Cela ferait peut-être une opposition au maire de Montréal, en passant.

On a refusé ce principe dans le secteur de l'administration des municipalités et on a refusé ce principe — de toute façon, il n'a jamais été mis de l'avant — pour ce qui est de l'ensemble des questions scolaires du Québec. La question à laquelle le ministre n'a jamais répondu, depuis le début des travaux en cette Chambre, depuis le début de la commission, est la suivante: Pourquoi ce problème, cette question ou cette solution-là à Montréal et pourquoi dans le domaine scolaire et jamais ailleurs dans la province, à aucun palier administratif, dans aucun district géographique du reste de la province?

Croit-il que les gens de Montréal sont des êtres diminués sur le plan de la démocratie par rapport aux autres ou s'il y a d'autres raisons? Nous ne le savons pas. C'est un domaine important sur lequel le ministre devrait nous fournir des réponses de fond et pas uniquement des technicités administratives sur cette question.

Il y a également un autre problème qui est soulevé. Dans son texte original, le ministre dit qu'il pourra, s'il le désire — il ne le fera pas nécessairement, c'est marqué "peut" — désigner des observateurs. Selon quels critères ces observateurs seront-ils choisis? Est-ce qu'ils seront

choisis parmi les candidats défaits? Est-ce qu'ils seront choisis parmi des groupes constitués en vertu de la Loi des compagnies?

Seront-ils tirés au sort, ces observateurs, par les gens intéressés à être observateurs? Comment seront-ils choisis? Nous ne le savons pas du tout.

Le ministre aura un choix très large selon les normes qu'il se donne, et je pense que ça peut être dangereux. On peut arriver à l'extrême que le ministre choisisse quelqu'un qui aurait été repoussé par la minorité, si cet homme-là avait eu à se présenter au nom de cette minorité; nous ne le saurons jamais.

M. SAINT-PIERRE: Le député me permet-il une intervention?

M. MASSE (Montcalm): Oui.

M. SAINT-PIERRE: L'article actuel, deuxième alinéa, indique très clairement de quelle façon cette personne sera choisie, c'est-à-dire après consultation des présidents des comités consultatifs d'écoles de la minorité concernée.

M. MASSE (Montcalm): Si à l'extrême, M. le Président, ils vous recommandent quelqu'un qui vient d'être défait aux élections, vous ne le prendrez pas?

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas dans la loi.

M. MASSE (Montcalm): C'est bien certain qu'il y a un mécanisme pour le choix, mais vous admettrez que le mécanisme est quand même assez large pour nous permettre de nous poser des questions sur les critères de choix. Le ministre vient d'admettre lui-même que, tout en respectant la législation qui est là, on pourrait recommander le candidat défait et le ministre dit: Je ne le choisirais pas. Ce n'est pas inscrit dans la loi. A la limite, il faudrait peut-être l'inscrire comme on pourrait inscrire d'ailleurs beaucoup d'autres principes ou critères.

M. SAINT-PIERRE: C'est évident que ce n'est pas marqué dans la loi que tous les gens qui ont des responsabilités doivent faire preuve de jugement, mais je pense qu'ils seront capables de le faire, incluant le ministre.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, si c'était marqué dans la loi, je me demande comment le gouvernement aurait pu être formé? Remarquez que je n'ai fait que retourner la balle au ministre qui me l'avait envoyée; nous pourrions nous l'envoyer comme ça longtemps, mais ce n'est pas dans le projet de loi. Nous allons y revenir parce que le leader gouvernemental va trouver que nous allons un peu trop loin.

Alors, M. le Président, je pense qu'il y a un danger concernant ce refus de faire jouer la démocratie comme telle. Il y a également un autre problème qui est soulevé par cet article; en refusant le jeu normal de la démocratie le ministre de l'Education refuse la construction de la communauté humaine de Montréal. Il est normal qu'il y ait des craintes de part et d'autre dans cette reconstruction de la commission scolaire de Montréal mais, d'autre part, les gens qui ont à vivre à Montréal, qu'ils soient anglophones ou francophones, devront apprendre à vivre ensemble, et ça dans l'intérêt du Québec. S'il fut un temps où, malheureusement, les deux solitudes se regardaient avec des yeux, je ne dirais pas hagards ou haineux, mais quand même des yeux distincts je pense qu'il est temps que cela se termine. Le ministre de l'Education, dans la proposition qu'il nous fait, poursuit cette habitude qu'ont malheureusement les gens à Montréal de se regarder comme deux solitudes.

Il poursuit cette idée en disant aux gens: Peu importe ce que sera le résultat des élections, vous aurez, vous minorités, un représentant à la commission scolaire. Il devrait plutôt dire aux gens: Vous devez vivre ensemble, vous devez vous protéger mutuellement, parce que c'est ça le sort de la démocratie, et c'est ça le sort du Québec. On ne permettra ni à la majorité d'apprendre à vivre avec une minorité ni à la minorité d'apprendre à vivre avec une majorité en donnant je dirais presque des garde-fous à ce que doit être le jeu normal de l'apprentissage de vivre ensemble. C'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que je ne crois pas que, contrairement aux députés du Ralliement créditiste, l'amendement présenté par le député de Saint-Jacques doive être repoussé...

C'est au nom de la démocratie que l'amendement doit être accepté, et c'est au nom de l'habitude que nous avons à construire ensemble, particulièrement à Montréal, le domaine scolaire comme pour l'ensemble du Québec, que nous devons approuver cet amendement qui permettra de laisser jouer le jeu normal de la démocratie, comme partout ailleurs au Québec, sur le plan municipal comme sur le plan scolaire et qui permettra également aux gens de l'île de Montréal, qu'ils soient francophones ou anglophones, de s'habituer à vivre ensemble.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je veux moi-même appuyer l'amendement présenté par le député de Saint-Jacques. Nous l'avons d'ailleurs déjà en partie discuté lorsque nous avons parlé de cet article en commission parlementaire permanente de l'Education. L'appui que je donne à cet amendement, je le fais pour deux raisons principales: D'abord, en raison de l'aspect sociologique qui est impliqué dans cet amendement et de l'aspect administratif.

Il a été établi, au départ, que le but du projet de loi était de créer l'unification scolaire sur l'île de Montréal. Bon! nous ne discutons pas de ce principe. Il est à la base de la loi que nous discutons. Si la loi est appuyée sur tel principe, c'est que l'on a voulu mettre fin à un fractionnement qui était d'ordre sociologique et d'ordre administratif.

Par conséquent, nous voulons approuver cette proposition d'amendement parce qu'elle va nous permettre d'atteindre les objectifs que nous recherchons, tant sur le plan sociologique que sur le plan administratif.

Sur le plan sociologique, pour les raisons suivantes: Le député de Montcalm vient de le dire. Le député de Bagot l'a dit ce matin. Le député de Saint-Jacques l'a dit. Nous l'avons dit à tour de rôle en commission. C'est qu'il y a, sur l'île de Montréal, comme d'ailleurs dans divers territoires du Québec, des gens qui s'appellent francophones, anglophones, catholiques, protestants et qui n'ont pas encore appris à vivre ensemble. En nommant, comme le ministre le demande, des observateurs, d'abord, on fausse les règles de la démocratie et on superpose à une structure, une structure qui n'est au fait ni chair ni poisson mais qui consiste en un certain nombre de personnes qui seraient chargées, en vertu de je ne sais trop quoi, de quel principe, de quel pouvoir, de superviser l'action d'un corps démocratiquement élu.

Cela, sociologiquement, n'est pas acceptable, parce que cela continue, cela entretient et cela va rendre permanente une situation dont nous avons voulu nous débarrasser sur le plan sociologique. Il y a, certes, une minorité que tout le monde s'entend à vouloir défendre, et Dieu sait si le Québec a démontré qu'il avait protégé sa minorité!

Il y a aussi la majorité qui est quand même la capitale de l'entité sociologique du Québec. Il faut donc que, dans nos structures, dans nos lois, dans nos organismes administratifs, nous nous habituions et que nous créions des conditions qui permettent aux gens de s'habituer à vivre ensemble et de participer ensemble à la vie de la collectivité sans que pour cela se trouvent au-dessus des corps démocratiquement élus, des gens qui, à tout moment, en appelleraient des décisions qui ont été prises.

Ce que je dis sur le plan sociologique vaut également sur le plan administratif, puisque ces corps, démocratiquement élus, auront à prendre des décisions, des décisions qui engageront les citoyens, qui les engageront sur le plan sociologique, sur le plan pédagogique, sur le plan financier.

Qu'est-ce qui arriverait, M. le Président, de ces observateurs qui, en réalité, — le ministre m'a donné des renseignements ce matin, il m'a fourni des explications qui m'ont éclairé davantage — n'en sont pas puisqu'ils ont voix au chapitre sauf pour ceci, qu'ils n'ont pas le droit de vote? Ils peuvent donc perturber, chambar- der complètement toutes les délibérations, toutes les décisions, retarder tout ce qui peut se faire, tout ce qu'on veut faire, simplement en exprimant un avis différent de celui des membres de ce corps démocratiquement élu. Ils peuvent exprimer un avis différent et là, par ce moyen, créer le malaise, empêcher ou retarder des décisions et provoquer fatalement des conflits. Si on s'entend pour admettre que doit disparaître le fractionnement sociologique et le fractionnement administratif dans les structures scolaires de l'île de Montréal, on doit en même temps admettre les règles du jeu qui nous sont imposées par les moyens démocratiques que nous avons décidé d'adopter, soit l'élection, soit le scrutin qui permet à des gens habilités à voter, à se faire élire, à des gens qui ont le sens de l'éligibilité à se faire élire, et ainsi être investis de pouvoirs qui leur permettront, aux termes de la loi, d'administrer l'institution scolaire sur l'île de Montréal.

Appeler, M. le Président, à siéger à pareil conseil, à pareille commission scolaire, des observateurs qui peuvent se mêler de tout sans avoir de pouvoirs de décision, c'est introduire dans une machine — je l'ai dit ce matin — le sable qui va l'enrayer dès le départ et qui va engendrer de multiples conflits à tous les paliers de l'administration scolaire. C'est pour ces raisons, pour des raisons sociologiques, pour des raisons administratives, que je désire appuyer la proposition du député de Saint-Jacques en insistant sur ceci que nous avons décidé — et c'est nous qui l'avons décidé, et nous nous sommes entendus sur le principe — de mettre fin à une situation qui était une situation conflictuelle et qui redeviendra une situation conflictuelle si le ministre de l'Education maintient sa volonté de nommer des observateurs qui ne sont pas en fait des observateurs, mais qui seront, à toutes fins utiles, des sortes de surveillants, des chiens de garde qui défenderont les intérêts de qui, je ne le sais pas, mais qui constitueront des agents de trouble au sein d'un corps démocratiquement élu.

M. CARDINAL: M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: ... je serai très bref, je n'ai d'ailleurs pas encore épuisé mon temps, je poserai juste une question au ministre: Dans la CECM actuellement, quatre membres nommés par l'Etat, trois membres nommés par l'archevêque, pourquoi est-ce que nous n'amenderions pas l'article 583, deuxième alinéa, pour dire qu'il y aura deux observateurs nommés par l'évêque de Montréal et deux autres nommés par les anglicans?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par les rabbins?

M. CARDINAL: ... et ensuite deux autres par les rabbins? Pourquoi ne pas être logiques? Si nous voulons avoir la démocratie et ne pas l'avoir en même temps, allons-y à fond, ayons des gens élus et des gens nommés, et ils se battront ensemble.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai écouté avec attention les collègues qui m'ont précédé et qui ont discuté de la motion du député de Saint-Jacques, ainsi que le député de Saint-Jacques, qui a fait un long exposé pour soutenir la motion qu'il a proposée.

M. le Président, je pense qu'il y a tout de même un point sur lequel il semble n'y avoir aucun accord. Il y a énormément de confusion. C'est justement le problème que nous avons posé ce matin, à savoir quel est le rôle des commissions scolaires et ce que les commissions scolaires représentent. Est-ce qu'elles font uniquement de l'administration ou si elles représentent la population, les gens et les parents? Tout le problème est là et je pense, M. le Président, que le problème est mal posé. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les remarques du député de Montcalm lorsqu'il a parlé de la démocratie.

Nous en sommes des démocrates, nous aussi, M. le Président. Mais quelle démocratie voulons-nous sauver par la représentation, les structures que le gouvernement nous a proposées dans les amendements? M. le Président, il aurait été plus facile pour nous, étant donné la façon dont nous analysons le problème, de commencer par disposer de l'amendement du gouvernement pour ensuite revenir sur la motion du député de Saint-Jacques.

De toute façon, M. le Président, je respecte votre décision. Pour revenir à la motion du député de Saint-Jacques, en ce qui nous concerne, nous n'acceptons pas d'abord l'amendement du gouvernement tel quel. Il est évident que nous ne pouvons pas non plus accepter le sous-amendement du député de Saint-Jacques, parce que l'amendement même, nous ne l'acceptons pas.

M. le Président, on veut sauver la démocratie, comme je le disais, mais on ne se demande pas pourquoi les commissions scolaires existent effectivement. Les commissions scolaires existent pour les écoles, et le rôle des écoles, c'est quoi? Pourquoi les écoles existent-elles? Les écoles existent justement pour servir de lieu où l'on doit dispenser l'enseignement et l'éducation. Et, si on ignore les deux objectifs fondamentaux que sont l'enseignement et l'éducation, je pense qu'on fait fausse route avant de partir.

C'est justement là qu'est tout le problème et toute la discussion qui en découle. M. le Président, je l'ai dit cet avant-midi, et je le répète, on est en train de se donner des structures administratives qui ressemblent à des structures administratives pour une usine d'assemblage avec des filiales. On parle de démocratie mais on ne parle pas souvent des parents et des enfants pour qui, justement, sont faites ces choses-là. C'est pour eux qu'existent les commissions scolaires et c'est pour eux qu'existent les écoles.

A un moment donné, on a fait une comparaison en parlant de la démocratie, disant que dans aucun autre domaine le principe démocratique veut qu'il y ait des observateurs, comme le gouvernement l'a proposé. On a dit qu'au niveau provincial, cela ne se fait pas. Cela ne se fait pas au niveau municipal, non plus qu'aux niveaux industriel et commercial. Pourquoi?

La raison est bien simple. Lorsqu'on administre une municipalité, qu'on fait des égouts, des réseaux d'aqueduc, des trottoirs, des rues, je me demande si on s'interroge et si on aurait raison de s'interroger sur des problèmes linguistiques et confessionnels, parce qu'il s'agit uniquement de traiter de la matière, d'administrer de façon efficace, de façon saine. Dans l'administration gouvernementale, c'est la même chose.

Il n'y a pas de ministère, M. le Président, dont les services s'intéressent à la question linguistique, sauf le ministère des Affaires culturelles. Je fais une comparaison. Dans les ministères à vocation économique, le problème ne se pose pas de dispositions législatives ou administratives qui peuvent avoir des incidences indirectes sur la question linguistique et les questions confessionnelles.

Mais le problème ne se pose pas de la même façon dans l'éducation. Si on ne veut pas discuter des problèmes linguistiques, si on ne veut pas parler du problème confessionnel et qu'on veut uniquement se limiter aux problèmes administratifs, il est évident, M. le Président, que dans tout ce qui a été dit, je pense que tout le monde a raison ou à peu près. Mais nous soutenons qu'il faut absolument que ces deux principes, ces deux questions fondamentales en éducation soient préservées, soient sauvegardées dans des structures. Je pense que l'article que nous discutons, l'article 583, est justement l'article de base, le premier article sur lequel il est important de donner le plus de précision possible pour pouvoir s'orienter, étudier ou amender les autres articles qui seront adoptés par la suite.

M. le Président, si on voulait parler de démocratie, on pourrait parler de démocratie globale. Si, dans notre système d'enseignement, on acceptait au point de départ l'école pour tout le monde, l'école non confessionnelle, l'école unilingue conçue pour une société globale, une société unilingue et uniconfessionnelle, M. le Président, je pense que ce que je viens de dire n'aurait pas sa raison d'être. Mais nous ne sommes pas dans une société unilingue et nous ne sommes pas dans une société uniconfessionnelle. Si on veut admettre ces deux principes,

M. le Président, je pense qu'à ce niveau-ci il va falloir réorienter notre discussion, il va falloir préciser davantage quels sont les objectifs qu'on veut sauvegarder, les objectifs qu'on veut se donner.

Autrement dit, M. le Président, si nous voulons nous orienter de façon efficace et de façon que, justement, on ne se réveille pas dans six mois ou un an avec de la contestation globale, avec des défilés dans les rues, avec des manifestations violentes ou non violentes parce que, M. le Président, on pourrait peut-être poser une autre question, à ce stade-ci, à l'honorable ministre pour dire que le problème peut se poser de façon assez équivoque.

Dans les commissions scolaires unifiées, quelle sera la langue de travail, la langue qui sera utilisée lors des séances des commissions scolaires? Vous avez déjà un problème qui se pose à ce niveau, au niveau des commissions scolaires unifiées. Dans quelle langue va-t-on tenir les séances des commissions scolaires? Ce n'est même pas prévu, on n'en parle pas, alors on ne peut pas ignorer la question linguistique et on ne peut pas ignorer la question confessionnelle.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, nous n'acceptons pas le sous-amendement du député de Saint-Jacques et nous n'acceptons pas non plus l'amendement du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Si le ministre ne veut pas répondre à des questions qu'on lui a posées, pourquoi lui expliquer sur quel principe...

M. SAINT-PIERRE: Si vous aviez été ici ce matin, j'ai donné quelques explications mais il me fait plaisir de...

M. LESSARD: J'étais ici ce matin, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je comptais faire mon intervention en réponse au vote de l'amendement proposé par le parti ministériel. Mais, compte tenu du sous-amendement du député de Saint-Jacques, qui, avouons-le, touche à peu près le même sujet, je voudrais faire une brève intervention pour replacer le problème.

J'ai eu l'impression, ce matin, que le député de Saint-Jacques, en défendant dans un discours de quarante minutes son sous-amendement, avait quand même une interprétation quelque peu simpliste des faits, particulièrement de notre législation scolaire. Et je le prie de ne pas voir dans mes paroles de l'agressivité, c'est le temps de Noël et je veux peut-être badiner un peu. Mais il me semblait que toute son argumentation ne respectait pas les sept règles d'un syllogisme de Mgr Grenier. Ici je badine en voyant la cravate du député de Saint-Jacques. Son argumentation est un peu la suivante: La majeure était le perroquet à deux pattes, la mineure était, or le député de Saint-Jacques a deux pattes, donc le député de Saint-Jacques est un perroquet. Et l'on sait que c'est faux. J'aurais pu l'appliquer à d'autres.

M. CHARRON: M. le Président, quel rapport y a-t-il avec ma cravate?

M. SAINT-PIERRE: Je vais vous le montrer. Le député est surpris du rapport, je vais le lui donner. Le député a fait une argumentation fort intéressante en retraçant l'historique de nos commissions scolaires au Québec, en montrant le fondement de nos commissions scolaires, en établissant que ces commissions scolaires doivent être près de la population, sont élues par la population, pour recevoir un mandat de la population. Et c'est vrai, M. le Président, qu'à se laisser prendre à ce type d'argumentation, on serait porté à dire: Très bien! il ne doit y avoir aucun accroc — compte tenu de facteurs historiques et de notre législation scolaire — à la démocratie. C'est-à-dire, seuls les élus du peuple pourront, au niveau des collectivités, prendre des décisions.

J'ai l'impression, M. le Président, que si on fait un véritable retour en arrière de notre législation scolaire, pas comme le député de Saint-Jacques l'a fait, mais plus en profondeur, on se rendra compte que notre droit scolaire est très différent. Puisque, dès le départ, il y a un siècle, il voulait tout au moins refléter le fait que dans notre société les personnes ne sont pas des numéros, que les personnes se distinguaient par la confessionnalité alors qu'aujourd'hui, elles peuvent se distinguer sur le plan linguistique. Je m'explique. Je pense que le fait dominant — et le député de Saint-Jacques en a mentionné un — de la force de la commission scolaire comme institution décentralisée dans notre système... si ceci est un premier volet, le deuxième volet qu'il ne faudrait jamais perdre de vue c'est que, somme toute, le pilier de tout ceci, c'est une commission scolaire dite commune qui répondait aux aspirations du plus grand nombre mais qu'on permettait, dans notre législation scolaire, le droit à la dissidence, qui permettait à ceux qui, sur le plan confessionnel, n'étaient pas d'accord avec la majorité, de se soustraire à cette règle qui semblerait unique du député de Saint-Jacques, c'est-à-dire que la majorité a ses droits, que la majorité peut imposer — si je le comprends bien — que la minorité doit se soumettre au résultat démocratique et reconnaître le fait que la majorité peut prendre des décisions pour elle.

Or, ce droit à la dissidence, M. le Président, a survécu depuis à peu près un siècle, et nous avons le système que nous avons actuellement avec des commissions scolaires dites communes et des commissions scolaires de syndics, des commissions scolaires dissidentes qui représentent soit catholiques, soit protestants, qui s'opposait justement aux droits de la majorité.

Nous avons voulu, en 1971, franchir une étape importante. Nous avons voulu, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, au principe de la deuxième lecture, sur le plan administratif amener un type nouveau d'administration, une commission scolaire unifiée où, pour la première fois, catholiques, protestants, autres, Français, anglophones, Italiens, et toute la kyrielle qui nous a été énumérée sont mis, non pas dans un "melting pot", mais dans une même structure administrative.

Compte tenu du fait que nous sommes en législation scolaire, nous sommes également très conscients que cette opération ne peut se faire subitement par le Saint-Esprit, qu'il faudra mettre dans la loi des garde-fous, des mécanismes qui vont nous assurer que et sur le plan confessionnel — nous aurons l'occasion d'y revenir — et sur le plan linguistique un minimum de bon sens va constamment prévaloir lors des décisions de la commission scolaire.

L'argumentation du député de Saint-Jacques serait parfaite si les gens étaient des numéros, si les gens ne se distinguaient pas de l'un à l'autre. Une société pluraliste par définition cela implique qu'on peut la décomposer suivant plusieurs facteurs et qu'on retrouvera dans chacun de ces facteurs une partie importante de la population. On peut la décomposer bien entendu sur le plan de la croyance religieuse, sur le plan des confessionnalités mêmes. On peut décomposer cette société sur le plan de la langue maternelle parlée. Le milieu montréalais — il faut le reconnaître, il y en a qui s'y refusent — a un million de personnes dont la langue maternelle est l'anglais. C'est une réalité. Il y en a qui veulent la masquer. Je préfère être réaliste et de constater qu'il y a un million de personnes dont la langue maternelle est l'anglais.

On pourrait décomposer cette population sur le plan du statut social, sur le plan de la formation scolaire des gens, sur le plan de leur idéologie ou leur perception de l'éducation. Notre sytème scolaire jusqu'ici, et même avec le projet de loi 28, ne peut permettre, en donnant des garde-fous à la démocratie, que toutes les petites nuances d'opinion à l'intérieur de la population vont se refléter. Nous avons préféré uniquement nous en tenir à deux principes et même à deux critères à savoir, d'une part, la confessionnalité et, d'autre part, la langue maternelle. Même dans ces deux critères, nous n'acceptons pas toute une kyrielle de pensées différentes sur le plan de la confessionnalité. Nous n'acceptons que trois groupes: les catholiques, les protestants et les autres. Sur le plan de la langue, nous n'accepterons pas 25 groupes, nous disons que les seuls qui ont des droits et qui, compte tenu d'une situation historique, constitutionnelle et juridique, devraient avoir de ces types de garanties sont des anglophones et des francophones.

Je pense bien qu'il ne faudrait pas mêler également dans le projet de loi no 27 le fait que les types de garanties sont différents. Celle que nous discutons dans le moment ne veut en rien viser les préoccupations des gens du Ralliement créditiste en ce qui regarde la confessionnalité. Elle est uniquement — et on l'a décrite dans quelques discours — comme une possibilité de garanties confessionnelles, cela ne l'est pas; c'est uniquement une garantie linguistique dans des cas extrêmes où la minorité linguistique, à l'intérieur d'une commission scolaire unifiée, n'a pas un seul représentant. Tous les partis de cette Chambre partagent, je pense, avec le gouvernement tous les objectifs du projet de loi — et inutile de les énumérer — démocratisation, participation accrue des parents, dynamisme sur le plan des structures administratives, meilleure utilisation, meilleure distribution de la richesse collective en matière d'équipement mais je pense que l'implantation d'une telle législation ne pourra se faire que si nous avons un minimum de paix sociale. Ce minimum de paix sociale, pour moi, ce sont certaines garanties que nous avons pu inclure, dans notre législation, pour minimiser les tensions qui peuvent être créées entre les groupes, soit sur le plan de la confessionnalité soit sur le plan linguistique. Tensions qui sont souvent provoquées par le fait qu'une minorité a l'impression d'être brimée, qu'une minorité a l'impression qu'on est en train de tramer quelque chose contre elle, au niveau du recrutement des professeurs, au niveau de la location des équipements scolaires, au niveau de certaines mesures d'organisation scolaire et souvent se sont des cas très bénins. Pour chacun des députés qui ont eu des conflits scolaires dans son comté, ce ne fut jamais pour des questions de perception pédagogique. Ce fut souvent les problèmes les plus bénins comme: Pourquoi les élèves de telle municipalité sont-ils obligés d'aller à telle autre? Pourquoi construit-on l'école dans telle rue au lieu de la construire dans telle autre rue? C'est le type de problème que voulaient viser l'amendement proposé par le gouvernement et la législation même, permettre à la minorité non pas qu'elle puisse influencer la majorité, non pas qu'elle puisse changer la décision de ceux qui sont élus pour prendre les décisions mais au moins être au courant de ce qui se passe à la commission scolaire, sensibiliser ceux qui sont appelés à prendre des décisions sur certains des problèmes de la minorité qui auraient pu être mal perçus, mal compris par ceux qui tentent de bonne foi de prendre une position donnée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre me permettrait une question ici?

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lorsqu'il parle de cette participation des observateurs en disant que leur rôle sera de sensibiliser, le ministre nous a bien dit ce matin que ces gens-là vont en somme délibérer avec tout le monde;

c'est beaucoup plus qu'une sensibilisation. Si, d'aventure, ces gens-là ne sont pas d'accord et qu'ils se trouvent paralysés psychologiquement — le corps démocratique qui va délibérer — comment le ministre peut-il concilier cela avec une efficacité administrative?

M. SAINT-PIERRE: De la même façon qu'avec la Loi du Protecteur du citoyen. Dans 75 p.c. des cas, il n'y a aucun changement sur le plan des décisions administratives ou des décisions du gouvernement, mais quelqu'un se sent soulagé de pouvoir faire entendre son grief et souvent de se faire convaincre, par une tierce partie qui analyse tous les faits, qu'il n'y a pas eu d'injustice dans son cas. Dans 75 p.c. des cas, on ne change pas la décision.

Là, c'est un peu la même chose, c'est d'avoir le sentiment qu'il n'y a rien qui se trame en comité plénier, qu'on ne tentera pas d'éviter de recruter des professeurs qualifiés du côté francophone pour en avoir uniquement du côté anglophone. Il faut bien se rappeler que l'amendement proposé ici vise, d'une façon très particulière, les francophones de l'ouest de l'île de Montréal; les francophones représentant 16 p.c. de la commission scolaire du Lakeshore risquent d'avoir besoin d'un type d'intervention comme celui-ci. Il suffisait d'écouter, à la commission parlementaire, les représentants de cette commission scolaire de l'ouest de l'île de Montréal, qui se sentaient en Alberta, pour sentir qu'eux-mêmes avaient l'impression de ne pas être rattachés de près ou de loin à une commission scolaire.

Ce que nous tentons, c'est de donner une voix à cette minorité qui, dans ce cas, est francophone comme elle pourrait être anglophone dans l'autre. Je passe rapidement pour dire que...

M. CHARRON: Ils ne demandaient pas des observateurs, par exemple.

M. SAINT-PIERRE: ... la législation n'enlève rien à la majorité. Il faut bien se rendre compte qu'avec le premier alinéa, où on permet à la majorité par quartier de s'élire des représentants, la majorité a des droits que l'on tente un peu, dans le débat actuel, de minimiser. Cette majorité a des droits; si on ne lui en fait pas un cas d'exception pour elle, le mécanisme d'élection par quartier lui donne une assurance d'être représentée.

En blaguant, je dois avouer au député de Saint-Jacques que dans plusieurs cas, dans notre société, la majorité n'a pas de représentant. Il doit le savoir lui-même. Les 76 p.c. des électeurs du comté de Saint-Jacques, qui n'ont pas voté pour lui, se sentent peut-être brimés, comme majorité, de ne pas avoir de représentant. Ce sont les règles du jeu.

M. CHARRON: C'est parce qu'ils ne me connaissaient pas encore.

M. SAINT-PIERRE: Peut-être que la prochaine fois, ce sera 96 p.c, mais laissons cela au futur.

Je suis également surpris qu'on ait soulevé le problème particulièrement du côté de l'Unité-Québec. Si on analyse le projet de loi no 62 — loin de moi l'idée de dire qu'au niveau de la commission scolaire on nommait des gens par le gouvernement — le principe sacré de suffrage universel qui y a été exprimé subissait un accroc important dans ce dit projet de loi présenté par l'ancien gouvernement puisque là, on avait un double collège électoral, la moitié des commissaires, à peu près, étant élus par suffrage universel et l'autre moitié des commissaires étant élus par un système assez complexe de comité de parents.

Loin de moi l'idée de dire que ceux qui venaient des comités de parents étaient choisis par le lieutenant-gouverneur. Ils étaient bel et bien désignés. Je pense qu'il y avait quand même un accroc substantiel qui pouvait l'être pour d'excellentes raisons, je ne veux pas mettre en doute...

M. CARDINAL: Si le ministre me permet, pour le journal des Débats — pour ceux qui sont dans les galeries et pour les journalistes — j'aimerais qu'il soit très clair que, dans le projet de loi no 62, au niveau des commissions scolaires, le gouvernement n'intervenait pas. C'est exact.

M. SAINT-PIERRE: C'est ce que j'ai dit. Le gouvernement n'intervenait pas, mais ce que je veux dire, c'est que le principe même qu'on retrouvait à ce chapitre dans le projet de loi no 62 n'était pas le suffrage universel, c'était un double collège électoral où le suffrage universel devait se contenter de la moitié des commissaires et où, par un biais différent, les comités de parents, on désignait l'autre moitié des commissaires.

Si on analyse les mémoires présentés à la commission parlementaire, puisque c'est sûrement un but pour ce chapitre, on est quand même frappé par le très grand nombre d'organismes qui représentent à la fois la minorité et la majorité qui étaient en faveur de la législation proposée par le gouvernement. Inutile de dire que tous les anglophones, à aucune exception près, étaient favorables à cette mesure qui permettait justement à la minorité d'avoir une oreille à la commission scolaire, de savoir ce qui se passe à la commission scolaire.

Je suis certain que je n'apprends rien au député de Saint-Jacques en lui disant que le comité consultatif de la CECM, qui représente tous les parents associés à la CECM, s'était lui aussi prononcé en faveur de la notion de ces deux nominations par le gouvernement. Dois-je lui dire également que la Commission des écoles catholiques de Montréal, qui est sûrement sur le plan de l'administration scolaire celle qui a l'intérêt du plus grand nombre de francophones

dans le moment, était elle aussi favorable à cette mesure? Dois-je lui rappeler que la Fédération des unions de familles était, elle aussi, favorable à cette mesure, bien qu'elle recommandait un petit amendement à l'effet que ces deux membres devaient être des cooptés parmi le groupe mais elle était favorable au principe de la minorité linguistique ayant une représentation si elle n'en n'avait pas?

Dois-je également rappeler au député de Saint-Jacques que les cadres de la CECM — ceux-là même que le député appelle les experts de notre gestion scolaire à l'île de Montréal — étaient également favorables à la mesure mise de l'avant par le gouvernement?

Pour toutes ces raisons, j'ai l'impression que la démocratie ne souffre d'aucun accroc, que la majorité ne voit aucun de ses droits fondamentaux brimés, que tout au contraire, nous avons une mesure qui m'apparaît anodine mais importante pour la minorité, pour permettre de diminuer les tensions susceptibles de provoquer un nouveau système scolaire, de faciliter la période de transition entre un système où nous avions des divisions confessionnelles, où des réalités confessionnelles pouvaient cacher ou abriter des réalités sociologiques sur le plan des confessionnalités, où protestant pouvait signifier dans certains cas anglophones et que, passant de ce système confessionnel à un système unifié, il était nécessaire, tout au moins dans une période de transition plus ou moins longue que l'expérience pourra nous déterminer, d'avoir des mécanismes comme celui que nous avons dans l'article 583 pour diminuer les tensions, pour avoir de meilleures chances de paix sociale, pour donner aux minorités ce sentiment de savoir ce qui se passe, de ne pas vivre dans un climat de crainte et de peur.

Je termine en notant — et ça se passe de tout commentaire — les appréhensions des représentants de l'Unité-Québec et même leur objection à la motion mais également le fait que le Parti québécois trouve que nous faisons trop de concessions et que le Ralliement créditiste trouve au contraire que nous ne faisons pas suffisamment de concessions aux minorités et que le gouvernement, qui n'est pas pris...

M. ROY (Beauce): Des garanties.

M. SAINT-PIERRE: ... entre ces deux extrêmes, a pensé que, par bien commun, la mesure de l'article 583, la disposition prise à l'article 583 s'avère nécessaire pour les objectifs que nous avions poursuivis.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, le ministre a mentionné dans son exposé que nous devions en arriver en fait à surtout respecter la majorité et je pense que nous en sommes aussi parce que, à un moment donné, chez nous ici au Québec, il faudra quand même que les droits de cette majorité soient clairement établis et reconnus à l'intérieur de nos cadres législatifs.

Cependant, je pense que le fait de respecter dans la législation ou dans les faits la minorité devient quand même une garantie de la personne qui respectera aussi à un moment donné la majorité. Je pense que l'on peut prendre le raisonnement inverse et dire que celui qui est capable de respecter dans les faits une minorité est en mesure de reconnaître et de respecter aussi dans les faits l'existence d'une majorité.

Aussi, dans le contexte de ce que nous discutons actuellement, je pense que lorsque nous parlons de minorité et de majorité, il ne faudrait pas étendre le concept non plus à toute la ribambelle de possibilités qui peut exister à l'intérieur du bill 28 par exemple sur l'île de Montréal. Mais lorsque nous parlons de minorité et de majorité, nous parlons de groupes francophones et anglophones lorsque nous nous situons dans la question linguistique. Je pense que nous pouvons limiter le débat à ce secteur-là.

A ce moment-là, si nous continuons dans les principes que nous pouvons mentionner de cette façon, je pense que nous devons assurer à cette minorité qui peut se trouver à l'intérieur d'une commission scolaire quelconque une véritable représentation, mais qui soit plus — et je prends l'expression du ministre ici — qu'une oreille à la commission scolaire mais qui soit également une bouche, c'est-à-dire qu'elle ait un pouvoir au même titre que les autres. De la sorte, le principe démocratique établi au début trouve une suite logique dans cette orientation et à partir du fait que la personne nommée ou élue, indépendamment du fait de ce qui pourra intervenir, nommée ou élue pour la minorité, sera considérée au même titre que les autres puisque, dans les prémisses que le ministre a établies par sa législation, ils veulent être considérés comme des participants à part entière au niveau de la commission scolaire.

Alors, si on prend le principe de cette démocratie jusqu'au bout, si on veut établir le principe de dire que si celui qui est capable de respecter la minorité est capable par la suite de respecter la majorité, je pense qu'on ne peut pas accepter l'amendement qui a été proposé par le député de Saint-Jacques, puisqu'il faut se mettre dans un contexte d'éducation. Il ne s'agit pas d'administrer, ici — comme le député de Beauce, mon collègue, le mentionnait tout à l'heure — des trottoirs, des égouts, etc., mais on touche au monde de l'éducation, et l'administration scolaire, au niveau d'une commission, a des incidences sur différents plans, culturel, social etc. Je pense qu'on ne peut se permettre de reconnaître un état de fait qui existe et aller jusqu'au bout de cette démocratie.

D'abord, ce que le député de Saint-Jacques, comme je l'ai mentionné, a proposé, à mon sens, me semble inacceptable. Deuxièmement, ce que le ministre propose, à mon sens, est

inacceptable aussi. C'est simplement une demi-mesure. On reconnaît les personnes à demi. On dit qu'elles vont être des participants. Ce sera simplement une oreille au niveau de la commission scolaire. Je pense qu'il y aurait lieu vraiment de prévoir un mécanisme quelconque et d'établir nettement dans la loi que ces gens-là soient reconnus à part entière, comme ils doivent être des représentants des minorités. Ceci peut valoir dans un clan comme dans l'autre. Sur certains secteurs de l'île, par exemple, ce seront les francophones qui seront en minorité. Ces personnes auraient l'assurance d'avoir non seulement une oreille mais d'avoir une voix au chapitre, d'avoir le droit de vote au niveau de la commission scolaire. Cela peut être l'inverse. Que, dans des régions où les francophones sont en majorité, les anglophones puissent avoir une représentation qui soit démocratique jusqu'au bout, toujours en tenant compte que le monde de l'éducation n'est pas simplement un monde d'administration pure.

M. CARDINAL: Je ne commencerai pas mon raisonnement en parlant de la couleur de la cravate du député de Richmond, puisque, malgré le décorum, il n'en a pas. Je m'en tiendrai...

M. BROCHU: Est-ce que l'argument fondamental de votre logique, c'est au niveau de la cravate?

M. CARDINAL: Bien, c'est ainsi que le ministre a commencé en parlant de la couleur de la cravate du député de Saint-Jacques.

M. SAINT-PIERRE: Je considère que c'est une évolution dangereuse du Ralliement créditiste.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne reprendrai que deux points de l'argumentation du ministre...

M. CHARRON: Si le ministre retire le bill 63, je lui donne ma cravate.

UNE VOIX: Sa chemise aussi.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne reprendrai que deux éléments de l'argumentation du ministre. Un premier argument juridique et historique.

Il a fait une analogie entre ces observateurs et la dissidence. Evidemment, toute comparaison boite, mais dans ce cas-ci elle boite des deux pattes. Parce que la dissidence ne permettait pas, historiquement et juridiquement, à des commissaires d'admettre en leur sein propre des gens de la minorité devenant des observateurs avec ou sans le droit de parole, de vote, d'observation et de rapport.

La dissidence, le ministre le sait — cela fait déjà 19 mois qu'il est au ministère, il a pu revoir ceci — c'était que, contrairement à ce que la majorité de la population croit, les commissions scolaires étaient communes, c'est-à-dire qu'elles étaient représentatives, de par les commissaires élus, de la majorité donnée sur le plan confessionnel dans un territoire déterminé. Ce qui faisait que cela pouvait être aussi bien une majorité protestante qu'une majorité catholique.

Ceux qui étaient de la minorité confessionnelle pouvaient, en vertu du droit de dissidence, créer une autre corporation différente de ce qu'on appelait la municipalité scolaire commune: c'était une corporation de syndics, appelée en anglais "trustées", parce qu'en fait, en dehors du droit, les dissidences ont été surtout du côté protestant.

Par conséquent, cette analogie historique et juridique, qu'on pourrait développer davantage en prenant l'annexe au rapport Parent où l'on rappelle tout l'historique du droit scolaire au Québec, me parait tout à fait pécher autant peut-être que l'argumentation des deux pattes du perroquet dans le cas du député de Saint-Jacques.

Deuxième point, c'est cette analogie avec le Protecteur du citoyen. On ne s'adresse au Protecteur du citoyen qu'en tant qu'individu et non pas en tant que collectivité. A ce que je sache de cette législation votée par l'excellent ancien gouvernement, ce sur quoi nous étions... Quoi? C'était une excellente législation. Bon je suis heureux quand les gens sont d'accord avec moi. Si je pouvais mettre le ministre d'accord avec moi sur l'article 583, je lui enverrais trois cartes de Noël et un cadeau comme le ministre des Affaires culturelles l'a fait ce matin.

M. le Président, pour être sérieux et ne pas allonger indûment ces débats, même si le ministre, à quelques reprises, a parlé de badineries, je dis que cette seconde analogie entre le rôle du Protecteur du citoyen et celui des observateurs boite aussi. C'est un animal, peut-être à deux pattes, mais avec une qui est plus courte que l'autre, si on prend encore l'exemple que le ministre a pris au début. Ce sont des individus et non des collectivités qui s'adressent au Protecteur du citoyen. L'affirmation du ministre voulant que 75 p.c. de ces recours au Protecteur du citoyen ne servent à rien me surprend assez. Il n'a pas employé ces termes cependant et je ne lui impute pas de mauvaises intentions. Mais dans le cas présent, l'analogie est tellement boiteuse que les observateurs, chaque fois qu'ils seront nommés, ce ne sera pas dans 75 p.c. des cas qu'ils vont agir, ils vont agir vis-à-vis de la collectivité, ils vont être là présents bien plus que les commissaires. Plutôt, on a posé une question au ministre. On lui a dit, par exemple: Vous allez avoir un pouvoir discrétionnaire après consultation auprès des comités de parents. Bon! On lui a posé la question précise: Si quelqu'un était battu comme commissaire, allez-vous le nommer? J'ai cru

comprendre qu'il avait dit non. Pourquoi? En vertu de quel principe? Parce que, justement, il reconnaît que ce serait antidémocratique que quelqu'un qui ne soit pas élu ait voix délibérante. Il venait de prouver qu'il était convaincu dans son subconscient, même si pour des raisons de solidarité ministérielle il ne voulait pas être convaincu sur le plan logique. Le ministre lui-même s'est tendu un piège et il a reconnu le bien-fondé de nos recommandations, de la suggestion du député de Saint-Jacques. Merci, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: Cessez vos arguments, cela va vous coûter trois cartes de Noël!

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, vous me permettrez de dire que la crainte du ministre concernant les droits de la minorité peut être une crainte véritable. Il peut arriver que par le processus de la démocratie, une minorité importante, soit francophone, soit anglophone, ne soit pas représentée au sein d'une commission scolaire.

Jusqu'à maintenant, cette probabilité était réglée par notre Parlement, grâce au droit à la dissidence d'une commission scolaire ou d'un groupe scolaire. Le ministre, par son projet de loi, fait disparaître ce droit à la dissidence puisqu'il unifie les commissions scolaires. Il n'y a pas le droit d'avoir la dissidence pour une entité scolaire avec tous les pouvoirs.

M. SAINT-PIERRE: Pour ne pas affaiblir ma position constitutionnelle, je ne suis pas d'accord avec ce qui vient d'être dit par le député.

M. MASSE (Montcalm): Peut-être pas sur le plan constitutionnel, mais sur le plan pratique, c'est comme cela.

Or, si le ministre vient de décider qu'il n'y a pas, en pratique, de droit à la dissidence dans l'île de Montréal, c'est parce qu'il reconnaît que l'ensemble du système doit fonctionner en vertu de la majorité et des représentants de la majorité. Ne revenons pas là-dessus, en deuxième lecture, où le principe de la loi est accepté mais sur le mécanisme. Son inquiétude est peut-être louable mais les moyens qu'il avance pour pallier cette inquiétude le sont moins. L'observateur que le ministre désignera, après consultation, pour représenter la minorité, quels sont ses pouvoirs? Rien d'autre que de participer aux délibérations. Comment pourra-t-il informer la minorité que ses droits sont lésés? Est-ce qu'il aura un budget pour convoquer les gens de la minorité? Est-ce qu'il aura un budget pour écrire aux gens de la minorité pour leur dire: Attention, telle mesure que la commission scolaire "Y" est en train de passer est une mesure qui va être contraire à nos intérêts de minorité? Il ne semble pas, en tout cas, que dans la loi, on donne à cet observateur un budget dont il sera maître pour informer la population dite minoritaire.

Il va être conduit à devenir une espèce d'agitateur entouré de gens plus sensibilisés à cette question que les autres et, avec eux, fomenter dans le district scolaire des réunions de toutes sortes sans aucun budget, des réunions plus ou moins illégales pour les informer.

Si le ministre craint que, dans un district scolaire de Montréal, la majorité va brimer les droits de la minorité, ce n'est pas un observateur qui va résoudre cette inquiétude, mais la législation. C'est par une législation que les droits sont protégés si le ministre croit que la majorité peut brimer la minorité. Ce n'est pas par la désignation d'un observateur, qui n'a aucun droit, qui n'a aucun budget, qui n'a aucun pouvoir, autre que de discuter avec les gens à la table de la commission scolaire, de donner une conférence de presse ou des moyens semblables.

Je pense que c'est la faiblesse de la proposition du ministre. Il accepte le principe que la commission scolaire est unifiée, il accepte que ce sera démocratique puisque les commissaires seront élus, mais il croit que la minorité soit brimée. Et, pour pallier ce danger, il préconise un moyen qui n'a aucune proportion avec ce qu'il veut garantir. S'il veut garantir les droits des minorités francophones ou anglophones, c'est par des lois, bien que je doute fort, si on s'en tient à notre histoire, dans Montréal comme ailleurs, que la majorité francophone va brimer les droits de la minorité anglophone. Pour l'inverse, je ne voudrais pas me faire le porte-parole de la minorité anglophone de Montréal, qui a ses représentants ici et qui pourront nous expliquer, ou qui devront nous expliquer qu'il n'est jamais arrivé que cette minorité anglophone ait brimé les droits de la majorité francophone sur l'île de Montréal. Je ne m'avance pas sur ce sujet, n'étant pas moi-même de ce groupe-là.

Mais une chose est certaine, c'est que je peux parler au nom de la majorité francophone de Montréal. Il n'est jamais arrivé que nous brimions comme majorité des droits des anglophones dans Montréal. Or, en quoi l'observateur proposé par le ministre de l'Education vient-il ou garantir ces droits ou pallier des déficiences de notre histoire de protection des minorités? En rien. Et, au total, cet observateur n'a aucun budget, aucun pouvoir pour pallier des difficultés concernant les droits de la minorité.

Voilà pourquoi le ministre a répondu à certaines de nos interrogations. C'est une réponse qui nous laisse entrevoir des préoccupations de protection des droits des minorités; je pense que ce sont des préoccupations saines, mais je ne crois pas que les moyens qu'il met de l'avant pour assurer cette protection soient à la hauteur de son inquiétude.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, dans son argumentation tout à l'heure, le ministre a fait un rappel historique lorsqu'il a parlé du droit à la dissidence qui existait dans

notre droit scolaire. Or, je pense que son argument, lorsqu'il s'appuie sur cette question historique du droit à la dissidence, est en porte-à-faux et que cet argument qu'il nous a servi cet après-midi, il l'a détruit lui-même en nous présentant la loi no 28.

Dès le moment où le ministre a présenté la loi no 28, il a fait en quelque façon table rase de ce qui existait dans le droit scolaire en ce qui concerne la dissidence. Le ministre veut par ailleurs nommer des observateurs qui, eux, seraient chargés de voir à ce que les droits des minorités soient protégés. Les droits des minorités, M. le Président, vont-ils être protégés par un nouveau droit à la dissidence que le ministre a écarté en présentant le projet de loi no 28 qui vise à l'unification scolaire de l'île de Montréal à tous égards, sur le plan administratif comme dans les autres domaines?

Est-ce que le ministre se rend compte que cet argument est, non seulement en porte-à-faux, mais qu'il n'existe plus puisque le ministre l'a déjà écarté, qu'il l'a aboli à toutes fins utiles puisque la loi no 28 vise à l'unification et propose une nouvelle formule qui est un pas en avant. Et lorsque le ministre propose de nommer des observateurs, il invoque cette raison, qu'il faut progéger les minorités. Je pense bien que, sur le plan administratif, lorsqu'il s'agira de répartir les ressources scolaires, le ministère de l'Education, en collaboration avec le conseil scolaire et tous les organismes qui seront créés par la loi no 28, sera en mesure de voir à ce que les ressources scolaires soient partagées équitablement, de sorte que les minorités n'en subissent point de préjudice.

Les points d'accrochage, enfin, ce qui peut provoquer, ce qui peut être une cause de menace pour les minorités, ce sera vraisemblablement le problème de la langue. Or, ce n'est pas le lieu d'en parler ici, nous y reviendrons bientôt à propos d'un autre article, le ministre, c'est-à-dire le gouvernement, pourra dans ce domaine de la langue, puisque c'est à ce niveau que va se faire sentir particulièrement la dissidence, ce que le ministre appelle la dissidence des minorités, les droits des minorités en matière linguistique seront protégés par les dispositions législatives nouvelles que prendra le gouvernement et que nous allons lui suggérer, que nous lui avons déjà, d'ailleurs, suggérées.

Je ne vois donc pas qu'il introduise dans un organisme administratif cette anomalie, cette anormalité, cette sorte de chose un peu monstrueuse d'observateurs qui siégeraient au même conseil que les personnes dûment élues sans y avoir été mandatés par la population et cela au mépris même des principes démocratiques qui soustendent le projet de loi no 28.

J'aimerais bien que le ministre nous serve d'autres arguments, qu'il n'utilise pas un argument historique qu'il a lui-même écarté pour justifier une décision, une volonté qui, jusqu'à plus ample informé, ne nous paraît pas fondée sur des raisons valables et qui nous permettrait de croire que le ministre n'a pas l'intention de détruire son propre projet de loi en nommant ces observateurs et à réintroduire dans une loi qui voulait l'abolir le principe et le droit à la dissidence.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, quelques mots sur le sous-amendement du député de Saint-Jacques. Je vis moi-même dans une région où déjà il existe une commission scolaire où francophones et anglophones sont intégrés. Pour ma part, le principe qu'on veut instaurer ici me paraît extrêmement dangereux. Il est important, M. le Président, que la réforme qui s'engage actuellement dans la région de Montréal s'engage d'abord sur un bon pied, car je ne vois pas pourquoi les précédents qu'on pourrait créer dans la région de Montréal ne s'appliqueraient pas d'ici quelque temps dans d'autres régions.

Je pense bien, M. le Président, qu'un anglophone, qu'il soit dans la région de Montréal ou dans le reste de la province, c'est encore un anglophone. Si on lui reconnaît des privilèges dans la région de Montréal, il faudra lui reconnaître les mêmes privilèges dans d'autres régions de la province.

Pour moi, M. le Président, j'appréhende le jour où la minorité anglophone de la région de la Côte-Nord, par exemple, exigera du ministre d'avoir un observateur qui sera nommé par le lieutenant-gouverneur et qui pourra siéger à la commission scolaire régionale ou à la commission scolaire locale.

M. le Président, le principe que le ministre nous amène ici se base, selon lui, d'abord sur le fait qu'on veut enlever des tensions entre anglophones et francophones et, en particulier, qui peuvent surtout se soulever auprès de la minorité soit francophone soit anglophone. Et pour répondre à ce danger de tension qui surgirait d'un côté ou de l'autre, on dit qu'il faut nommer des observateurs. M. le Président, qu'est-ce que ça vient faire, des observateurs nommés par le lieutenant-gouverneur? Il me semble que cette commission scolaire, comme n'importe quelle autre commission scolaire du Québec, devra siéger au moins tous les mois et que n'importe quel observateur, qu'il soit anglophone, qu'il soit francophone, qu'il soit italien, qu'il soit espagnol, portugais, ou ce que vous voudrez, s'il est vraiment intéressé au problème scolaire, s'il est intéressé à faire valoir ses revendications, s'il est intéressé à voir quel type d'administration se fait à l'intérieur de cette commission scolaire, n'a même pas besoin d'être nommé par le ministre.

Cet observateur n'a qu'à se rendre aux séances de la commission scolaire et il pourra recevoir tous les renseignements nécessaires. Il pourra tout simplement poser des questions à la commission scolaire ou aux administrateurs, il

pourra savoir exactement quels sont les enseignants qui seront engagés, il pourra recevoir des renseignements concernant la langue de ces enseignants, concernant le pourcentage de francophones et d'anglophones.

Ces observateurs n'ont pas du tout besoin d'être nommés. J'ai l'impression qu'on veut créer d'éternels braillards parce que ces gens seront continuellement minoritaires. Vous savez, il faut que la démocratie change de côté. Il faut que quelquefois la minorité devienne majorité ou bien que la majorité devienne la minorité. On sait qu'à Ottawa, à un moment donné, c'est toujours la majorité, nous sommes toujours minoritaires. On sait ce que cela donne. Cela donne tout simplement qu'on a plus confiance, ou plus ou moins confiance en ce système. On va tout simplement placer deux personnes ou deux observateurs avec le danger qu'ils deviennent des créatures du gouvernement. Deux observateurs qui vont se désintéresser complètement de la chose scolaire. Pourquoi? Parce que ces gens n'ont pas de pouvoirs, ces gens n'ont rien à faire. La seule chose qu'ils ont à faire, c'est de venir tenter de chialer et, comme on l'a dit à un moment donné, de venir essayer de mettre des bâtons dans les roues de l'administration scolaire, de venir essayer de faire de l'obstruction.

Qu'est-ce que ces gens vont faire exactement? Le ministre nous a dit tout à l'heure qu'il voulait représenter les groupes linguistiques. Autrefois, on représentait les groupes religieux. Il nous a dit qu'il n'avait pas l'intention du tout d'aller représenter d'autres groupes sociaux qui, en fait, font partie de l'ensemble de la communauté humaine. On peut même aller jusqu'au club Kiwanis, jusqu'au club Richelieu. Si on veut y aller, dans la démocratie, il y a quand même des ouvriers, des professionnels, il y a quand même des cultivateurs. Allons-y jusqu'au bout.

Un accroc à la démocratie, il faut quand même que ça se justifie. Or, ça ne se justifie même pas. Ces gens n'auront même pas la possibilité de défendre les droits des minorités. Ils n'ont pas de pouvoirs. Ils n'ont pas le droit de vote, sinon le droit de gueuler et de brailler au niveau de la commission scolaire. On force ces gens à s'intéresser à la chose scolaire. Il me semble que si ces gens sont véritablement intéressés à la chose scolaire, ils n'ont pas besoin de la permission du ministre du tout. Ils n'ont pas besoin de cette permission. Ils n'ont qu'à se rendre mensuellement aux assemblées des commissions scolaires où ils vont recevoir toutes les informations nécessaires.

Cela m'apparaît, pour ma part, injustifiable, d'autant plus que je vois à peu près dans quel état d'esprit ces gens vont venir discuter des problèmes scolaires. Je me demande si, encore là, on ne se regardera pas comme chiens et chats. Moi, je représente la minorité et comme toute minorité a un complexe de défense, elle cherche automatiquement à essayer de bloquer l'administration. On crée justement un genre de fouillis qui va amener ce que craignait le ministre, des tensions. On soulignait tantôt que même si ces gens avaient des pouvoirs, même si ces gens sont observateurs à l'intérieur de ce comité, la question se poserait à savoir de quelle façon ils vont pouvoir rejoindre leur minorité? Quelle sera la représentativité de ces gens? Est-ce qu'ils se reconnaîtront véritablement? Seront-ils reconnus véritablement par la minorité?

En fait, si le ministre veut accepter le suffrage universel, on va en venir à avoir un nombre de commissaires élus par la minorité et un autre nombre de commissaires élus par la majorité. Là, c'est essentiellement le ministre qui va déterminer, qui va choisir, au nom de la minorité scolaire francophone ou anglophone, soit ses créatures ou peut-être, avec un peu de consultation, des gens qui seront nommés par le comité d'école.

Non seulement c'est un accroc à la démocratie, mais c'est un principe extrêmement dangereux, un principe inacceptable en ce sens qu'il ouvre la porte à quantité d'autres revendications qui viendront des autres minorités à travers la province. Puisqu'on l'accorde à Montréal, je ne verrais pas du tout pourquoi on ne l'accorderait pas dans d'autres régions de la province. Il me semble que le principe fondamental, dans la création de ces commissions scolaires-là, est d'abord basé sur le suffrage universel. Je ne vois pas pourquoi le ministre, encore une fois, parce que c'est la région de Montréal, s'ingérerait dans la nomination d'observateurs comme on le faisait dans le passé au moment où la commission scolaire de Montréal était, par exemple, en grande partie nommée par le lieutenant-gouverneur.

Si c'était au moins justifié. Le ministre a tenté de nous le justifier en nous disant: Ces gens-là vont pouvoir voir comment fonctionne l'administration, quels sont les enseignants qui sont engagés, vont pouvoir, en fait, surveiller l'administration des quinze administrateurs élus au suffrage universel. Ces quinze-là, comment vont-ils voir ces deux espions soit du gouvernement ou des minorités? Encore une fois, ce sont des tensions qui se créent, des tensions inutiles. La minorité anglophone, comme la majorité francophone doit accepter, un jour ou l'autre, de vivre ensemble sans avoir d'arrière-pensées qu'on exige des privilèges ou qu'il y a des exceptions parce qu'on représente telle chose.

Ce sera la même chose du côté des deux commissions scolaires où les francophones seront minoritaires. Comme on le disait ce matin, là par exemple, contrairement à ce qui existait avant, le marchandage est possible. Je ne vois pas, par exemple, que les deux commissions scolaires à majorité anglophone, traitent mal la minorité francophone parce qu'elles savent très bien que, de l'autre côté, il y a une majorité francophone qui peut appliquer les mêmes

principes vis-à-vis de la minorité anglophone. Une habitude va se créer et il va y avoir, à un moment donné, des reconnaissances de privilèges ou de droits, d'un côté comme de l'autre et qui seront respectées d'un côté comme de l'autre.

On nomme là des gens qui m'apparaissent, pour ma part, inutiles parce que ces gens-là n'ont même pas de permission à recevoir du ministre pour aller se faire entendre au niveau de la commission scolaire, puisque mensuellement il y a des réunions de la commission scolaire et que ces gens-là pourront se faire entendre exactement comme les deux observateurs se feront entendre à l'intérieur de cette commission scolaire-là.

De plus, ces gens-là n'ayant pas de pouvoirs, ce sont des gens frustrés, ou qui vont devenir frustrés qu'on va nommer là. Des gens qui vont s'apercevoir que la démocratie joue continuellement contre eux, des gens qui vont s'apercevoir que peut-être toutes les demandes qu'ils font, demandes plus ou moins acceptables, leur sont refusées pour d'autres choses. Ces gens-là, devenant frustrés, vont tout simplement se désintéresser des affaires scolaires et vont dire qu'ils n'ont absolument rien à faire là-dedans comme, d'ailleurs, on en a eu des cas dans la réforme de l'éducation avec les comités de parents qui n'avaient absolument aucun pouvoir.

J'ai l'impression que ce qu'on veut ici en réalité, c'est avoir un oeil sur l'administration de ces commissions scolaires. Pour ma part, je pense que si on respecte un principe — et ce principe est fondamental, c'est le suffrage universel — on ne permet pas d'accroc à ce principe-là, car si on permet des accrocs à ce principe-là, on devra étendre les mêmes privilèges à d'autres minorités, francophones ou anglophones particulièrement, dans d'autres régions de la province.

Je pense que le sous-amendement présenté par le député de Saint-Jacques a été amplement justifié et que l'amendement que propose le ministre de l'Education est particulièrement anachronique dans la situation où nous vivons. Si on veut véritablement faire une réforme, qu'on la fasse et que minorité comme majorité acceptent de vivre les principes démocratiques. La démocratie n'est pas juste pour un côté, c'est pour tout le monde. Qu'on accepte donc ces principes et pour ma part, je pense qu'on ne verra pas se créer les tensions dont a tellement peur, semble-t-il, le ministre. Je pense que les tensions vont se créer surtout si on accepte le principe que nous apporte le ministre et que si on veut véritablement baser la réforme sur le suffrage universel, nous nous habituerons à vivre ensemble, nous arrêterons de nous regarder comme chien et chat et nous vivrons vraiment la démocratie sans exiger des privilèges de part et d'autre. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je voudrais appuyer le sous-amendement du député de Saint-Jacques parce que la nomination par le gouvernement de deux personnes qui ne seraient pas élues par le suffrage universel amènerait nécessairement des conséquences absolument désastreuses. En effet, des minorités protégées par une représentation de personnes n'ayant aucun pouvoir amèneraient à l'état de statut l'installation du bilinguisme au Québec d'une façon légale au niveau des structures scolaires.

Il est sûr que toutes les minorités dans ce cas là devraient être représentées. Or, comme on ne touche que l'aspect — comme l'a dit le ministre — linguistique dans ce cas-ci, et plus tard l'aspect confessionnel, ça nous amène à conclure que la présentation par le gouvernement de cet amendement démontre une attitude défensive, de demi-mesure devant une responsabilité fondamentale, celle d'établir une loi pour la majorité en tenant compte nécessairement des problèmes des minorités. Mais cette attitude que l'on revoit dans le projet de loi nous amène à réaliser que la protection d'une minorité, au point de lui donner des demi-pouvoirs, aura comme conséquence une illusion d'une part ou une solution très dangereuse d'autre part. Je m'explique. Cela provoquerait premièrement, parce que ces minorités n'auraient pas de représentants dotés de pouvoirs, l'illusion qu'elles sont réellement représentées. D'un autre côté, si c'était réellement le cas que ces minorités seraient bien protégées par les deux personnes qui les représentent, la minorité, nécessairement anglophone dans ce que je veux dire, ça amène l'institution légalisée du bilinguisme.

Si on pense qu'il y a à Montréal sept commissions scolaires possibles à majorité francophone et quatre à majorité anglophone, ça nous amène à conclure qu'il pourrait y avoir, du côté francophone, une institution de représentants pour les minorités anglophones et nous nous retrouverions ni plus ni moins avec deux solitudes à l'intérieur d'une même structure.

Si, réellement, ces minorités s'occupent des choses concernant l'administration générale et l'organisation générale des problèmes de la minorité, cela veut bien dire que ces personnes ne s'occuperont pas d'autre chose que des minorités. Alors que la responsabilité première des personnes élues à la commission scolaire, c'est de voir aux intérêts et au bien-être de tous les citoyens et non pas uniquement des intérêts de la majorité. Si on institutionnalise la présence de deux représentants des minorités, cela voudra dire, d'une façon concluante, d'une façon absolument impensable, que les problèmes des minorités ne deviendront la préoccupation que de ces personnes. Les problèmes de la majorité ne deviendront la préoccupation que des personnes qui seront élues dans les commissions scolaires où elles seront en majorité.

M. le Président, je pense que ces commissions scolaires devraient avoir comme première

responsabilité de voir aux intérêts de toutes les personnes de leur territoire et non pas uniquement pour une partie, soit celle qui est majoritaire, soit celle qui est minoritaire.

Il n'y aurait pas ce problème. Il n'y aurait pas de demi-mesures présentées par le gouvernement pour résoudre ces problèmes s'il avait une grande politique générale dans les lois au point de vue linguistique. Ceci ne serait même pas une chose à penser dans des mesures comme celle qui nous est présentée.

En effet, si on présente cela, c'est parce qu'on n'a pas, dans des lois, une solution pour résoudre le problème des majorités. On disait tantôt: Est-ce que, par cette mesure, on craint que la majorité brime les droits de la minorité? Si c'est le cas, je pense qu'il se pourrait justement, dans un vacuum de politiques linguistiques au Québec, qu'il y ait des intolérances. Ces intolérances venant de la majorité, je les qualifierais d'intolérance des faibles.

Une personne qui se sent faible, un groupe qui se sent faible, un groupe qui ne sent pas qu'il a les outils pour régler ses problèmes, un groupe qui n'a pas les pouvoirs légaux pour résoudre ses problèmes devient très rapidement intolérant. L'intolérance des faibles ne serait pas l'intolérance des minorités, ce serait l'intolérance de la majorité parce qu'elle n'a pas en main les pouvoirs pour régler ses problèmes. Si, parfois, on voit des gens qui disent qu'on veut être absolument intolérants en proposant un unilinguisme ou en proposant d'abolir des droits ou des privilèges, c'est absolument une réaction normale d'un groupe majoritaire qui n'a pas en main les outils pour régler ses problèmes.

La solution qu'on préconise est une demi-mesure, parce qu'on veut, par là, protéger des droits de la minorité, justement parce qu'on n'a pas su établir dans tout le Québec la protection des droits de la majorité.

Cette nomination de deux personnes minoritaires pour protéger les droits des minorités va amener nécessairement des conflits et des tensions. Comme le disait si bien tantôt le député de Saguenay, les minoritaires qui n'ont pas de pouvoirs deviennent très tôt des braillards. Ils sont des personnes qui réclament et qui font des sorties continuelles, qui paralysent un peu l'administration parce que justement elles n'ont pas en main les pouvoirs pour résoudre leurs problèmes.

Je crains que cette solution ne règle ni les problèmes de la majorité ni des minorités, soit dans les sept commissions scolaires à majorité francophone, soit dans les quatre commissions scolaires à majorité anglophone. Si le gouvernement avait la force de caractère, la force d'établir réellement que la langue française devrait être la langue des structures des commissions scolaires, vous n'auriez absolument pas besoin d'amener des demi-mesures comme l'article 583; à l'intérieur des commissions scolaires à majorité anglophone, les francophones qui y travailleraient pourraient s'exprimer en français, soit du palier de l'école au palier des commissions scolaires, soit du palier des commissions scolaires au palier du conseil scolaire.

M. le Président, le problème doit être réglé dans son ensemble et ce n'est pas des demi-mesures comme celles présentées à l'article 583 qui peuvent résoudre le problème. On a souvent qualifié le Québec, après la confédération, d'être composé de brailards parce qu'il était un éternel minoritaire. C'est le cas que nous revoyons dans l'article 583. Le reste du Canada passe son temps à dire: Qu'est-ce qu'il a à critiquer? Québec dit toujours non. Qu'est-ce qu'il veut? C'est parce que le Québec est éternellement minoritaire.

M. le Président, on veut replacer encore, dans le domaine des commissions scolaires, des structures où il y aurait des minorités qui n'auraient pas de pouvoir réel, parce que si elles ont du pouvoir, ce serait certainement un pouvoir de coulisse, et qui brimeraient les intérêts de la majorité francophone dans les sept commissions scolaires francophones.

M. le Président, le ministre avait déjà proposé, il y a un certain temps — s'il ne l'avait fait ou ne l'avait dit qu'en passant — qu'une des solutions serait d'accepter la proposition du député de Saint-Jacques qui est de faire disparaître le deuxième alinéa mais peut-être pour prévenir des abus possibles dans ce domaine-là... la création, d'une façon officielle, d'un ombudsman de l'Education au Québec où tous les parents auraient le pouvoir ou la possibilité de demander à cet ombudsman de protéger des droits dont ils se sentiraient lésés, soit des droits linguistiques, soit des droits confessionnels, soit d'autres droits d'administration et ainsi on pourrait avoir, comme le disait si bien le ministre tantôt, un canal pour recevoir ces plaintes et les gens se sentiraient protégés d'une façon générale.

M. le Président, je termine en disant qu'il est absolument nécessaire que non seulement on abolisse ces deux personnes qui sont, non pas élues, mais nommées, contrairement au principe du suffrage universel. Il est absolument essentiel que ces deux personnes ne soient pas nommées et que le gouvernement du Québec agisse comme un gouvernement représentant une majorité au Québec et que, dans ce comportement, dans les commissions scolaires, les francophones se comporteront en majorité et non pas comme une minorité intolérante parce qu'elle n'a pas les pouvoirs pour régler les problèmes à l'intérieur de la commission scolaire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, cet article 583 me paraît être un des articles majeurs sinon l'article majeur du projet de loi puisque après avoir réservé, ce matin, l'article qui traite de la configuration des commissions scolaires, des

limites, nous en arrivons avec cet article à la question de la structure de la commission scolaire. Cet article me paraît tellement important pour l'avenir de notre collectivité francophone aussi bien que pour l'avenir de la minorité anglophone, qu'il me semble qu'il devrait être étudié au-dessus des considérations de partis et que chaque député devrait se faire une opinion personnelle au-dessus et à côté de toute allégeance de parti. S'il est un domaine où nous devons oublier que nous appartenons au Parti québécois, au Ralliement créditiste, à l'Unité-Québec ou au Parti libéral, c'est bien celui-là. Car la décision que nous allons prendre est extrêmement grave et, comme certains auteurs l'ont déjà dit, si nous prenons la mauvaise décision, tous nos enfants et nos petits-enfants pourraient en avoir les dents agacées. C'est avec la conscience de la gravité de la situation que j'ai écouté, aujourd'hui, tous les arguments qui ont été présentés de part et d'autre.

J'ai d'abord écouté avec un immense intérêt l'argumentation extrêmement solide qui a été présentée par les députés de Bagot, de Chicoutimi, de Saint-Jacques, de Lafontaine et par tous ceux qui sont intervenus de ce côté-ci. J'ai écouté aussi avec un immense intérêt les deux trop brèves interventions, à mon avis, du député de Verchères.

M. le Président, s'il fallait juger de la valeur de ces argumentations simplement sur la validité des arguments qui ont été avancés, sans tenir compte des lois de la majorité parlementaire, c'est-à-dire du nombre, je dirais que, jusqu'ici, la palme va à l'argumentation présentée du côté gauche de la Chambre.

Car elle a été diversifiée, elle a été solide, elle est allée au fond des principes alors que, dans les trop brèves interventions du ministre de l'Education, j'ai l'impression qu'on s'en est plutôt tenu à la surface des choses, qu'on a surtout tenu compte d'une conjoncture actuelle, d'une conjoncture politique au sens large du terme, non pas au sens des partis, mais politique au sens de la décision à prendre dans un climat qui est survolté et qui est surchauffé.

M. le Président, j'attendais particulièrement avec intérêt la réponse du ministre de l'Education à ces nombreux et solides arguments qui ont été présentés par les membres de l'Opposition. J'avoue que j'ai été surpris quand j'ai vu que le premier mot du ministre de l'Education était qu'il avait trouvé simpliste l'interprétation que l'on avait donnée de ce côté-ci, l'interprétation historique aussi bien que juridique de la structure de la commission scolaire.

Je ne crois pas, pour ma part, que l'argumentation très étoffée, par exemple, du député de Bagot de même que les arguments sociologiques très étoffés du député de Saint-Jacques soient à ce point simplistes. D'ailleurs, M. le Président, le député de Bagot a fait encore une fois, après tant d'autres fois, justice de l'argument historique et juridique qui a été présenté par le ministre de l'Education.

Lorsque M. le ministre de l'Education nous a dit que nous avons connu jusqu'ici au Québec une commission scolaire commune qui permettait le droit à la dissidence, je crois que c'est précisément cette affirmation qu'il importe de qualifier et de distinguer. Je pense ici que je préfère faire confiance au spécialiste en droit scolaire qu'est le député de Bagot. qui a eu l'occasion à plusieurs reprises, avant même qu'il soit député, d'expliquer ce droit scolaire à des générations d'étudiants. Je suis plus disposé à lui faire confiance qu'au ministre de l'Education ou même à ses conseillers, qui ne semblent pas, d'après l'argumentation du ministre, avoir apporté des arguments convaincants à l'encontre de la thèse qu'a défendue plusieurs fois ici le député de Bagot.

Il me semble à moi, comme à mon collègue, que cette commission scolaire commune qui permettait le droit à la dissidence permettait justement à des groupes qui ne pouvaient pas accepter cette commission scolaire commune de se séparer du tronc commun et de créer, à l'aide de leurs propres fonds, à l'aide de leurs propres ressources, une structure scolaire dissidente qu'ils pouvaient créer, administrer à leur guise avec des programmes scolaires qui allaient dans le sens de leurs préférences, ou linguistiques, ou confessionnelles, ou pédagogiques.

Il me semble, M. le Président, que c'est ça, la réalité historique, que c'est ça, la réalité juridique, et aucun argument présenté ici en commission ou en comité plénier ne me fait douter de la validité de cette thèse. Par ailleurs il me semble que, s'il est vrai que le gouvernement veut consacrer le droit à la dissidence, il a bien d'autres occasions de le faire qu'en s'en tenant au libellé de l'article 583, tel que nous le voyons actuellement.

Et ceci est tellement vrai, M. le Président, que dans le même projet de loi on voit que le gouvernement permet aux commissions scolaires de créer plusieurs types d'écoles, aussi bien des écoles françaises que des écoles anglaises, aussi bien des écoles catholiques que des écoles protestantes et autres.

S'il y a un droit à la dissidence ou plutôt au pluralisme qui est respecté, c'est bien celui-là, quand le législateur permet aux divers groupes qui composent notre société de se créer leurs propres écoles, et la commission scolaire est absolument obligée de consentir à la volonté des parents catholiques, protestants, autres ou francophones et anglophones.

Ceci me semble être la véritable consécration de ce droit au pluralisme ou de ce droit à la dissidence. D'ailleurs, le ministre a même ajouté quelque chose à ce droit à la dissidence par suite de toutes les pressions qui ont été exercées sur lui lorsqu'il a dit qu'il nous présenterait à l'article 586 un additif à ce droit à la dissidence. Je ne veux pas en discuter immédiatement, mais même cette précaution, excessive peut-être, a été ajoutée pour ceux qui pourraient s'inquiéter que le système scolaire ne respecte pas suffisamment le pluralisme ou le droit à la dissidence.

Il me semble, M. le Président, qu'on ne peut pas exiger plus du législateur et que si on s'en tient à ces divers articles du projet de loi qui créent divers types d'écoles et à cet autre article qui consacre un droit à la dissidence pour ceux qui ne seraient même pas satisfaits des garanties que nous leur donnons, il me semble, dis-je, que si l'on s'en tient à ces articles, il n'est aucune personne de bonne volonté, qui a son sens commun qui ne peut l'accepter.

C'est donc la raison pour laquelle je rejette ce qualificatif de simpliste que le ministre de l'Education a accolé à l'interprétation de l'article 583 que les membres de ce côté-ci de la Chambre lui ont accordée. Dans sa réponse le ministre a également dit que le but du législateur, en nommant des observateurs dans les commissions scolaires, était de sensibiliser les élus. Eh bien, M. le Président, si après toutes les luttes que nous avons connues sur le plan scolaire depuis cent ans, aussi bien au Québec que dans les autres parties du Canada, les citoyens ne sont pas encore sensibilisés à la situation réelle telle qu'elle se présente, après avoir lu les innombrables articles de journaux, les innombrables articles de revues, les innombrables délibérations de comités de citoyens qui ont eu lieu depuis tant d'années dans tous les quartiers de Montréal, jamais ils ne seront sensibilisés. En effet, cette sensibilisation nous vient par osmose, par tous les pores de la peau, elle nous vient des journaux, elle nous vient de la radio, elle nous vient des familles, elle nous vient de chaque individu que l'on rencontre, puisque c'est un problème qui existe dans notre collectivité, qui est au sein de notre collectivité, qui nous a tous déchirés, qui nous déchire encore. Comment pourrait-on l'oublier? Comment pourrait-on être sensibilisé davantage à ce problème quand on connaît toutes les campagnes auxquelles cette crise, plus que ce problème scolaire a donné lieu dans le passé et particulièrement à l'heure actuelle?

Nous n'avons pas besoin d'observateurs, de deux observateurs nommés dans les commissions scolaires pour nous sensibiliser à un problème qui fait partie de notre peau, qui fait partie de notre expérience existentielle, qui fait partie de notre quotidien, qui fait partie même de notre histoire, qui nous a été légué par nos parents, par nos grands-parents, qui est sans cesse devant l'opinion publique. Nous n'avons besoin d'aucun autre moyen que ceux qui ont été utilisés jusqu'ici. Nous n'avons surtout pas besoin d'observateurs qui vont aller dans les commissions scolaires répéter constamment les mêmes complaintes, les mêmes refrains, les mêmes plaintes, les mêmes représentations et qui vont probablement empêcher, comme plusieurs orateurs l'ont dit, le jeu normal des délibérations qui se poursuivent au sein des commissions scolaires.

Quant on sait que, particulièrement au début de ce nouveau système, les commissions scolaires auront de très nombreux problèmes à régler, des problèmes particulièrement aigus, des problèmes qui vont exiger tout leur temps, toute leur attention, toute leur compétence, ces observateurs ne pourront que les distraire de leur dessin principal, qui est de faire marcher ces nouvelles structures, qui est de rendre ces nouvelles structures efficaces, qui est de faire accomplir à ces nouvelles structures ce pour quoi elles ont été créées, c'est-à-dire l'édification d'un nouveau système scolaire, moderne, adapté à la conjoncture actuelle, chargé de régler les trop nombreux et trop cuisants problèmes que nous avons laissé s'accumuler dans ce domaine depuis tellement d'années.

Non, il ne me parait pas que nous avons besoin de ces observateurs pour sensibiliser les élus, car les élus d'une part sont sensibilisés plus même qu'on ne le voudrait, et en essayant de les sensibiliser davantage, ils vont leur faire perdre de vue l'objectif principal, essentiel, pour lequel la population les a élus, objectif sur lequel ils seront jugés s'ils ne parviennent pas, à cause des empêchements, des bâtons dans les roues que leur mettront ces observateurs, à concrétiser, s'ils ne parviennent pas à matérialiser ces objectifs, s'ils ne parviennent pas à rendre ces commissions scolaires efficaces.

C'était là le deuxième argument du ministre de l'Education. Il avait été détruit bien avant qu'il ne l'avance par les opinants qui m'ont précédé. J'ai simplement voulu marquer mon accord avec ces autres opinants qui ont justement montré que le moyen auquel avait eu recours le ministre pour sensibiliser davantage la population était absolument mal choisi, était erroné et irait même à l'encontre des buts qu'a voulu se fixer lui-même le ministre et le gouvernement.

Le troisième argument du ministre c'est que cette législation — et en particulier l'adjonction des deux observateurs — n'enlève rien aux droits de la majorité. Non. Nous sommes convaincus pour notre part que cette législation va enlever quelque chose à la majorité, de la même façon que je considérerais que chaque député ici considérerait qu'on enlèverait quelque chose aux droits de la majorité si, à chaque député, on adjoignait à côté de ce gros siège un petit siège où on ferait siéger les deux ou trois candidats battus, qu'il s'agisse d'un libérai d'un créditiste, d'un unioniste, etc.

La démocratie veut que, quand quelqu'un est élu, il représente la majorité. On n'a pas besoin de lui adjoindre à côté quelqu'un qui constamment, à tout propos, fait valoir les opinions de quelqu'un qui n'a pas recueilli la majorité des votes. Ceci est la pierre d'angle même de la démocratie, une démocratie qui est pratiquée d'ailleurs pas seulement au Parlement mais dans toutes les assemblées délibérantes du monde, à quelque niveau, à quelque palier que l'on veuille bien se situer, que ce soit au Parlement fédéral, au Parlement provincial, au Parlement municipal ou dans les commission: scolaires. On respecte la démocratie ou on ne 1a

respecte pas. Lorsqu'il s'agit d'un principe aussi essentiel que celui-là c'est-à-dire un homme, un vote, la victoire allant à celui qui en a recueilli davantage, lorsqu'on veut respecter ce principe essentiel, on n'adopte pas des compromis aussi boiteux que celui-là. En effet, ce principe, comme je le disais tout à l'heure, est une pierre d'amble et parce qu'il est une pierre d'angle ce principe est insécable, ce principe ne souffre aucume compromission.

Il ne souffre aucune compromission, ici au Parlement, il n'en souffre aucune au niveau des municipalités, aucune au niveau des commissions scolaires. Car, par la brèche que le gouvernement veut introduire dans notre système démocratique, pourraient se glisser bien d'autres abus. Si on devait écouter le ministre, si on devait le laisser créer ce précédent, on verrait bientôt des conseils municipaux, des conseils de commission scolaire qui seraient complètement pervertis dans leur structure, dans leur finalité, dans leur orientation. Peut-être même, à la fin, nous retrouverions-nous avec un conseil des ministres où on ferait siéger des représentants de la minorité, comme c'est peut-être le cas, je ne le sais pas.

Le principe va jusque là. Il faudrait, à tous les paliers, y compris au niveau exécutif, faire siéger des représentants de la minorité. Ceci ferait beaucoup de peine au député des Iles-de-la-Madeleine qui, bien souvent, nous dit en cette Chambre que le gouvernement est là pour gouverner et on comprend bien qu'il veut dire: Nous ne pourrons gouverner que si les représentants de la minorité ne sont pas là pour nous mettre des bâtons dans les roues, pour nous empêcher d'adopter les législations que l'on veut, de prendre les décisions qui nous conviennent. Là-dessus, je lui donne entièrement raison.

Le gouvernement est là pour gouverner mais dans la mesure où il représente la majorité, dans la mesure où il prend des responsabilités qui conviennent à son statut majoritaire. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter ce principe du ministre qui dit qu'en adjoignant des observateurs à des élus du peuple, en les faisant voisiner, en les faisant cohabiter d'une façon constante, il n'enlève rien à la majorité. Notre opinion à nous, au contraire, c'est qu'il enlève quelque chose à la majorité en ce qu'il brime les droits de cette majorité et le fondement même de la démocratie et qu'il ouvre la porte à toutes sortes d'abus, à toutes sortes de précédents qui risquent de pervertir l'essence même du processus démocratique auquel nous adhérons tous.

D'ailleurs, ceci est tellement vrai que ce que suggère le ministre a déjà été adopté d'une certaine façon par d'autres assemblées délibérantes. Je me rappelle — j'étais encore assez jeune à ce moment-là — l'époque où le conseil municipal de Montréal avait trois classes de conseillers: les conseillers A, les conseillers B et les conseillers C. Les conseillers C tombaient précisément dans la catégorie des observateurs que le ministre veut nous faire avaler aujourd'hui. C'étaient des gens qui étaient nommés par des corps constitués importants, comme les universités, commes les chambres de commerce.

Ces conseillers C, en nombre minoritaire à l'hôtel de ville, venaient dire leur mot parce qu'ils étaient censés représenter les intérêts de corps constitués importants dont le rôle collectif s'était avéré, au cours des années, des époques précédentes. Pourtant, cette institution des conseillers C au conseil de Montréal a été de plus en plus sévèrement condamnée par tout le monde, d'abord par les élus du peuple, par les simples citoyens et ensuite par des groupes intermédiaires, par des éditorialistes. Il y a eu une sorte de courant d'opinion qui s'est formé justement parce que on s'est aperçu de plus en plus que l'on pervertissait ainsi le sens de la démocratie, que l'on allait à l'encontre de la volonté populaire.

Ce qui est tout aussi vrai, on allait à l'encontre d'un autre principe fondamental démocratique qui est celui de la responsabilité des élus. Comment voulez-vous que quelqu'un qui n'est pas responsable devant la population, qui n'est pas obligé de rendre compte, à intervalles périodiques, de son mandat puisse avoir la prudence nécessaire, surtout lorsqu'il s'agit de l'allocation des ressources, du bien public.

C'est un argument que le ministre des Affaires sociales me sert assez souvent. Je reconnais avec lui qu'il y a quelque chose de très important, c'est qu'il faut toujours, lorsqu'on donne des responsabilités à quelqu'un, qu'il puisse y avoir en contrepartie une sorte de demande, d'exigence qui permette à celui qui est à un palier supérieur — que ce soit le gouvernement ou que ce soient les élus du peuple ou les simples citoyens — qui permette, dis-je, à ceux qui confient, délèguent ce mandat de contrôler, de vérifier soit en le battant aux prochaines élections, soit en lui demandant des comptes, soit en le menaçant de renvoi, de suspension, en somme en assortissant les droits de sanctions.

Or, dans le système que nous propose le ministre, je ne vois aucun type de sanction, quel qu'il soit. On nous dit des observateurs qu'ils seront choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil après consultation des présidents des comités consultatifs, et qu'ils seront nommés pour quatre ans à part cela. Il est bien possible que ces comités consultatifs soient formés de gens qui se connaissent très bien, d'amis qui seront peu portés à faire des critiques à leurs collègues, à leurs copains — ce qu'ils délégueront à un niveau supérieur — et il est bien possible qu'après quelque temps le pouvoir au sein de ces comités consultatifs soit à peu près exercé toujours par les mêmes catégories de gens. On sait que malheureusement c'est souvent comme ça. Par ailleurs, nulle part dans la loi, comme je le disais tout à l'heure, on ne voit

de sanction. On ne voit pas dans la loi que ces deux observateurs, une fois qu'ils auront été nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, doivent venir rendre compte de leur mandat à ceux qui les ont nommés.

Là aussi on voit que c'est une perversion même du sens de la démocratie, que c'est ouvrir la porte à un danger réel, qui peut faire de ces représentants, en plus de tous les inconvénients qu'on a déjà signalés, des gens dont le sens des responsabilités ne sera sûrement pas semblable à celui des élus du peuple qui, eux, savent qu'ils ont des comptes à rendre, qui, eux, sentent qu'ils sont là la voix de leurs administrés, de leurs milliers d'administrés, qui sentent qu'ils représentent véritablement leurs intérêts et qui parfois même sont obligés de défendre des thèses qui sont non pas tellement les leurs mais qui sont celles que leurs administrés leur demandent de défendre à quelque conseil que ce soit.

Il faudrait donc que tous les députés se rendent bien compte qu'en acceptant cette proposition du ministre ils enlèvent quelque chose aux droits de la majorité, qu'ils enlèvent quelque chose à l'essence de notre processus démocratique, qu'ils ouvrent la porte à des abus, qu'ils ouvrent la porte à des excès, à des précédents qu'il faudra peut-être payer bien cher dans l'avenir.

Le quatrième argument du ministre était un argument d'autorité. Il nous dit: Il faut bien que nous en passions par là puisque plusieurs organismes sont venus nous faire des représentations qui vont dans ce sens. Parmi les organismes qu'il nous citait, il parlait de la Commission des écoles catholiques de Montréal, il parlait de la Fédération des unions de familles et il parlait surtout des groupes minoritaires anglophones de Montréal.

Je veux bien croire que c'est un argument qui, à première vue, peut avoir un certain poids. Mais, pour ma part, je ne l'accepte pas. Je ne l'accepte pas parce qu'il est bien possible qu'un certain nombre de ces organismes soient actuellement motivés par des impératifs qui sont surtout liés à la conjoncture dans laquelle ils se trouvent actuellement.

Et cela se produit, soit parce qu'ils sont à la veille de se faire déposséder de certains privilèges auxquels ils accolent le qualificatif de droits, soit qu'ils voient certaines des structures auxquelles ils avaient été habitués et qu'ils avaient fini par considérer comme éternellement acquises en passe d'être remplacées par d'autres. Cela peut être un facteur qui peut brouiller leur vision des choses, qui peut masquer la vision qu'ils devraient avoir d'autres perspectives, d'autres arguments, d'autres principes, en somme un facteur qui peut les divertir de l'objet principal d'une structure scolaire démocratique, qui est de comprendre les élus du peuple.

Je comprends que ces impératifs conjoncturels qui sont surtout liés à l'émotivité qui accompagne la perte appréhendée de certains privilèges ou de certaines habitudes puissent les conduire à adopter de pareilles attitudes. Mais, je rappellerais à ces organismes que, si on les écoutait, c'est là que serait le danger. Ce sont ces mêmes organismes qui, dans deux, trois, quatre ou cinq ans, viendraient nous reprocher de les avoir écoutés, de les avoir écoutés superficiellement, c'est-à-dire d'avoir écouté des arguments qu'ils nous présentent, qui sont liés surtout à l'émotivité, qui sont liés à la situation dans laquelle ils se trouvent actuellement. Ils nous reprocheraient de ne pas leur avoir rappelé qu'en plus des circonstances d'un débat il faut également se rappeler et donner toute leur importance aux principes essentiels qui doivent guider des législateurs qui, justement, doivent légiférer non seulement pour le présent mais surtout pour l'avenir. Car, je répète ce que je disais au début, la décision que nous allons prendre est extrêmement grave parce qu'elle engage, non seulement le présent, mais l'avenir.

C'est la raison pour laquelle, malgré la sympathie que j'ai pour les représentations qu'ont faites les groupes dont nous parlait le ministre, malgré la tendance naturelle que j'aurais à accéder à leur voeu, je me retiens, je m'empêche de les écouter trop fortement pour, précisément, me rappeler d'autres arguments, d'autres représentations, d'autres incidences, en particulier les principes qui doivent guider l'action de tout législateur. C'est la raison pour laquelle je dis à ces groupes de réfléchir davantage, de se détacher du présent, de regarder plus profondément le problème. Peut-être que si le ministre leur avait dit ça, quand ils sont venus le voir à son bureau, s'il leur avait rappelé toutes les particularités et de l'ensemble du problème, s'il leur avait rappelé que justement son rôle, en tant que ministre de l'Education, n'est pas simplement de s'occuper du présent mais de l'avenir, peut-être qu'il les aurait convaincus et que les représentations qu'ils sont venus faire à la commission auraient eu un caractère tout à fait différent, en ce sens qu'elles auraient tenu compte de toutes les dimensions et de toutes les facettes du problème.

Donc, cet argument d'autorité ne m'apparaît pas devoir être retenu.

UNE VOIX: Amen!

M. LAURIN: Non, ce n'est pas amen! , parce que je n'ai pas fini.

UNE VOIX: C'est long.

M. LAURIN: C'est possible que ce soit long...

UNE VOIX: Silence! Silence! Vous allez le réveiller.

M. LAURIN: ... je m'en excuse. Mais ce que

je dis là, je le dis en vertu de convictions profondes que j'ai et je demande à ceux que cela pourrait fatiguer peut-être de partir pour quelques minutes et ils reviendront quand j'aurai terminé.

Le cinquième argument que nous a présenté le ministre, c'est que cette solution d'observateurs lui paraît être acceptable, durant une période de transition dont, par ailleurs, il n'a pas déterminé la durée. Remarquez tout de suite qu'il affaiblit sa position en parlant de cette période de transition. Cela veut dire qu'il n'est pas tout à fait convaincu de la véracité de ses arguments puisqu'il sent le besoin d'amollir notre résistance par cet argument de transition, en nous disant: Voyez-vous, cela ne durera pas tellement longtemps. Soyez patients, Mais dans trois, quatre, cinq ans, on fera disparaître cet article qui n'est là que pour assurer la transition.

Je pense que mon collègue de Saguenay ainsi que le député de Montcalm ont fait bonne justice de cet argument de transition, car il y a certaines structures qui peuvent paraître transitoires, mais on sait trop bien au Québec qu'il y a des transitoires qui ont duré très longtemps. Car ce n'est pas tous les jours qu'on s'attache à des projets de loi aussi importants et une fois qu'ils ont été acceptés dans la chaleur des débats, on se hâte de les mettre sur les tablettes et de pas y revenir justement parce que leur adoption a nécessité tellement de débats.

Je ne crois pas que l'on doive également retenir cet argument de transition car le but que poursuit le ministre en invoquant cet argument, c'est probablement un but que lui ont soufflé certains représentants de la majorité libérale et particulièrement des tenants de la minorité anglophone. Je les comprends. Depuis cinq ans et dix ans en particulier, il y a une grande volonté au sein de la population de changer, de bouleverser l'état des choses, pas seulement dans le domaine scolaire mais dans le domaine du travail, dans le domaine politique. Je comprends que les représentants de la minorité s'inquiètent de ces mouvements populaires, de ces mouvements qui agitent la population. Je comprends qu'ils s'inquiètent, qu'ils appréhendent que la majorité, maintenant qu'elle se reconnaît comme une majorité, veuille aller trop loin et enlève à la minorité anglophone non seulement les privilèges qu'elle possédait jusqu'ici mais même certains droits sacrés auxquels elle tient.

Mais si je comprends cette appréhension, si je comprends cette crainte, je ne crois pas que c'est par le moyen que nous suggère le ministre que nous pourrons atténuer et surtout faire disparaître cette crainte. Car, comme on l'a signalé, à cause de ce mouvement précisément qui agite l'opinion, il est bien probable que ces deux observateurs de la minorité au sein des commissions scolaires représenteront sans cesse aux yeux de la majorité, rappelleront sans cesse à la majorité la nature des problèmes, la nature des crises que nous avons connues. Ils peuvent facilement devenir ce qu'on appelle parfois un repoussoir et provoquer ainsi l'hostilité de la majorité et amener cette situation de chien et chat que décrivait mon collègue de Saguenay. Alors, au lieu d'apprendre aux gens d'appartenances linguistiques différentes à cohabiter, à collaborer ensemble, on va plutôt contribuer à les séparer davantage, à instaurer entre eux un certain fossé qui va, au lieu d'apaiser le conflit linguistique, l'aiguiser bien au contraire. C'est donc une solution que je ne saurais retenir. Il me semble préférable, M. le Président, de penser à d'autres types de protection.

Pour ma part, vous le savez, je l'ai souvent dit, je suis pour le respect intégral et profond des droits de la minorité. Mais je considère précisément que dans le Québec, à l'heure actuelle, le meilleur moyen d'assurer cette protection de la minorité, c'est de se rappeler l'histoire du Québec et de se rappeler tout ce qu'ont dit ceux qui sont responsables de l'évolution de l'opinion. L'histoire du Québec, on l'a rappelée tout à l'heure, les députés de Bagot et de Chicoutimi nous l'ont rappelée. Il y a une tradition de tolérance au Québec à l'endroit de la minorité anglophone. Il y en a qui ont appelé cela une tradition de démission même, mais je préfère dire une tradition de tolérance. La majorité francophone s'est toujours montrée excessivement généreuse à l'endroit de la minorité anglophone. Le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a même rappelé en commission parlementaire, de même que le député de D'Arcy-McGee. Je pense que beaucoup d'autres députés auraient pu en parler, car ceci est un fait. La mentalité du Québécois est tolérante.

Où que ce soit, dans tous les coins du Québec, et en particulier, à Montréal. La majorité québécoise s'est toujours montrée respectueuse des droits de la minorité, s'est toujours montrée tolérante. Je ne dirai pas passivement, mais activement tolérante à l'endroit de la minorité. Et je ne pense pas, M. le Président, que cette tradition ait été, d'une façon importante, amochée par les événements que nous avons connus depuis dix ans. Je sais qu'il y a eu du terrorisme, je sais qu'il y a eu des excès dans la revendication des droits du français au Québec, je le sais.

Mais je pense bien que tout le monde reconnaît que ceci a été le fait d'une minorité parmi les Québécois francophones. Le gros morceau de cette majorité n'a pas changé d'avis, il a gardé toujours le même respect pour la minorité anglophone. Et à toutes les fois que l'opinion a été demandée et a pu s'exprimer en ce qui concerne ce respect et cette tolérance, elle a été dans le sens dont je viens de parler.

N'est-ce pas là, M. le Président, la meilleure garantie? Car, même si l'on voulait instaurer une garantie par législation, si ceci ne correspond pas à la mentalité, au désir, à la volonté du peuple, la loi sera nulle et non avenue, car elle ne sera pas respectée. Alors que même en

l'absence de loi, lorsque nous avons cette tradition bien assise, lorsque nous avons cette mentalité, cela constitue la plus sûre des protections.

Mais il y a d'autres garanties M. le Président, bien meilleures que celles des observateurs dont nous parle le ministre. Il y a les programmes gouvernementaux, il y a la politique linguistique. Il y a, au fond, cet acte d'autorité de la part d'un gouvernement qui définit clairement, et peut-être une fois pour toutes, ces politiques en ce qui concerne la langue. Pas seulement à l'école, mais au travail, dans les tribunaux, dans tous les secteurs de l'activité. Car, on l'a dit, c'est un domaine qui dépasse celui de l'école et c'est la raison d'ailleurs, M. le Président, pour laquelle nous avons tellement insisté pour que cette politique linguistique soit définie le plus tôt possible, que tant d'autres l'ont demandé avant nous il y a plusieurs années.

Et il nous semble justement que les programmes gouvernementaux, qu'une politique linguistique qu'on peut définir à l'occasion de l'école dans ce projet de loi, et nous en avons l'occasion, en attendant qu'elle soit définie ailleurs dans d'autres secteurs de l'activité, il nous semble que ceci constituerait une bien meilleure protection que cette nomination d'observateurs.

Il y a aussi, M. le Président, une autre protection, une autre garantie, bien meilleure que celle que nous propose le ministre, c'est celle de l'opinion publique. Je suis convaincu pour ma part, M. le Président, que le jour où on voudrait toucher aux droits de quelque minorité que ce soit dans une école de Montréal, qu'il s'agisse d'une minorité française ou d'une minorité anglaise, immédiatement des cris s'élèveraient de partout, dans tous nos journaux pour dénoncer ces excès et ces abus, tellement nous avons appris à cohabiter ensemble, tellement nous avons appris à respecter nos droits réciproques.

Et enfin, il y a une autre garantie meilleure que celle que nous propose le gouvernement, c'est celle dont parlait mon collègue de Saguenay et qui est appliquée depuis très longtemps dans tous les conseils démocratiques que nous connaissons, c'est l'assistance aux délibérations des commissions scolaires. Je ne sache pas que la loi interdise à qui que ce soit d'assister aux délibérations des quinze commissaires qui seront élus en vertu de cet article 583.

C'est là la meilleure protection au fond, M. le Président, du citoyen et du citoyen minoritaire. Lorsque nous voyons des cultivateurs dans les tribunes, nous pensons constamment au projet de loi 64, constamment. Parce qu'ils sont là pour nous rappeler quelque chose, au cas où nous l'oublierions, de la même façon dans les structures des commissions scolaires.

Quand il y aura quelqu'un dans les estrades, dans les tribunes, qui appartient à une minorité, qui pourra s'exprimer, qui pourra poser des questions aux commissaires, qui demandera si tel ou tel de ses droits a été respecté ou bafoué, je pense qu'il n'y aura pas de meilleur moyen de pression, M. le Président, que cette intervention d'un citoyen. C'est d'ailleurs notre expérience de tous les conseils municipaux que nous avons connus, aussi bien que du Parlement ici, que des structures scolaires.

Il y a donc bien d'autres garanties, d'autres protections que celle que nous propose le ministre, sans parler de celle que vient de suggérer mon collègue de Lafontaine et qui, elle aussi, s'ajoute à toutes les autres que je viens de mentionner, c'est-à-dire la nomination d'un ombudsman de l'Education, suggestion que nous avons déjà faite à quelques reprises au gouvernement.

Donc, M. le Président, il ne nous semble pas que, même dans cette période de transition, il nous faille accepter la suggestion du ministre par la nomination de ces observateurs. J'ai dit que ceci constituait un accroc à la démocratie et je le prouve immédiatement dans un autre domaine. Qu'est-ce qui arrivera si nous consentons que cet accroc se produise? Actuellement, il se produirait au point de vue linguistique... si l'on constate que la minorité francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée. Et on comprend, comme je vous le dis, les raisons du ministre qui a pu peut-être céder aux pressions nombreuses qui ont été exercées sur lui par la minorité anglophone, aussi bien au niveau du cabinet qu'au niveau de la députation.

Mais qu'est-ce qui arrivera si on l'écoute? M. le Président, par cette brèche qui aura été ouverte, on pourra voir se glisser bientôt d'autres pressions qui vont s'exercer cette fois dans le sens de la confessionnalité par des groupes qui poursuivent des objectifs différents. Et dans quelle position le gouvernement sera-t-il à ce moment-là pour refuser ces pressions, pour empêcher ces gens de lui dire: Vous l'avez fait pour la langue, pourquoi ne le feriez-vous pas maintenant pour la religion? Si vous êtes conséquent avec vous-même, vous allez être obligé de faire droit à nos demandes et à nos revendications et nous exigeons que vous ajoutiez à l'article 583 un autre article qui va s'appeler 583a) et qui va se lire comme suit: Toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, s'il constate que la minorité catholique ou protestante ou autre, selon le cas, n'est pas représentée et ainsi de suite.

Et le gouvernement ne pourra absolument pas refuser cette demande puisqu'il vient de l'accepter au point de vue linguistique. Et voilà le grand danger, M. le Président, des précédents, des abus, des excès auxquels parfois on se laisse aller lorsqu'on veut répondre à des pressions qu'on ne peut pas repousser tellement elles nous semblent puissantes ou tellement elles nous semblent motivées par des intérêts qu'on ne peut pas écarter.

Au lieu de cela, M. le Président, nous préconisons une autre solution. Une solution

qui n'est pas comme celle que nous présente le ministre, la solution de la peur. La peur d'un gouvernement, mais la peur surtout d'une minorité qui a peur de l'avenir et qui s'appuie sur le gouvernement pour que cette peur ne se transforme pas en réalité. Nous refusons, en ce qui nous concerne, cette solution de la peur. Nous disons à la minorité de ne pas avoir peur parce qu'elle est protégée par notre tradition, par tous les autres mécanismes que nous avons suggérés. Nous disons à ce gouvernement de ne pas avoir peur de cette minorité qui, actuellement, fait pression sur lui pour introduire dans un projet de loi des articles antidémocratiques. Nous disons à ce gouvernement de ne pas avoir peur. Nous lui disons de penser plutôt à l'avenir. Et l'avenir ce n'est pas dans le sens que nous propose le ministre. L'avenir demande des structures nouvelles. Par ce projet de loi, le ministre prend le pari, relève le défi de créer des structures nouvelles, une structure unique, une structure où les commissaires seront élus par le peuple. Et bien, qu'il aille jusqu'au bout, qu'il accepte que la commission scolaire soit composée uniquement de commissaires élus, qu'il donne sa chance à la démocratie, qu'il donne sa chance à la collectivité telle que nous la connaissons de s'exprimer comme elle l'a toujours fait jusqu'ici, qu'il donne la chance à ce nouveau système de donner tous ses fruits sans lui adjoindre des garde-fous, sans lui adjoindre des correctifs qui ne sont là que parce que quelqu'un a peur et cède à sa peur.

Je pense qu'il faut aller jusqu'au bout, donner sa chance au système. S'il y a encore dans ce projet de loi quelque chose qui fait peur à cette minorité, on règlera ce problème par quelque chose d'autre, c'est-à-dire une politique qui tiendra compte des droits légitimes de toutes les minorités, quelles qu'elles soient, que ce soit les minorités confessionnelles, que ce soient les communautés linguistiques.

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter l'article 583 tel qu'il est libellé actuellement et que nous accordons plutôt notre faveur au sous-amendement proposé par le député de Saint-Jacques.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Est-ce que les membres du comité sont prêts à se prononcer sur le sous-amendement de l'honorable député de Saint-Jacques? L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Vous me permettrez de conclure sur le sous-amendement qui a occupé nos travaux pour les quelques dernières minutes. Est-ce que le leader du gouvernement, en plus d'être blessé à la jambe, a la grippe?

M. LEVESQUE: Non, je n'ai pas tous les maux. Je n'aimerais pas que vous y ajoutiez, cependant.

M. CHARRON: Je ne veux pas épuiser les vingt minutes qui restent à mon droit de parole. Je n'en prendrai que quelques-unes pour essayer une dernière fois de convaincre, essayer de trouver dans la majorité gouvernementale les hommes libres d'esprit qui pourraient, au-delà de la ligne de parti qui leur est imposée, opter pour la solution démocratique et la solution de paix sociale qui est proposée par le sous-amendement dont je me suis fait l'initiateur il y a quelques minutes.

Je pense, M. le Président, que si vous aviez le droit de vote, vous seriez un des premiers à succomber à la qualité des arguments que vous avez entendus aussi bien du côté du Parti québécois que du côté de l'Unité-Québec qui se sont faits les défenseurs du sous-amendement que j'ai proposé.

Je veux simplement dire pour terminer que l'esprit avec lequel nous avons présenté cet amendement est à ce point important que, non seulement il marquera le reste de notre participation au travail du comité plénier sur les autres articles qui font accroc à ce même principe, mais que c'est aussi le même principe qui nous avait donné l'occasion d'apporter notre appui à la loi en deuxième lecture. C'est exactement pour les mêmes raisons que nous avons appuyé il y a déjà quelques semaines le principe du projet de loi 28, le principe de l'unification des commissions scolaires, qu'aujourd'hui, avec la même force, nous nous levons contre l'article 583 auquel je propose à la Chambre un sous-amendement. Il n'y a pas chez nous — et c'est ce que nous voudrions éviter aussi de retrouver dans le projet de loi — une incohérence de principe et un manque de suite, de logique. Si vraiment j'ai apporté mon appui, au nom de mon parti, au principe de la loi 28 portant sur l'obligation de démocratiser la structure scolaire de l'île de Montréal, de faciliter les chances d'aboutir un jour ou l'autre à l'égalité économique, d'obtenir une plus grande justice sociale et d'obtenir pour chacun des groupes — je reprends les termes de mon discours de deuxième lecture — la sécurité culturelle que chacun reçoit, c'est exactement pour les mêmes motifs, pas plus mais pas moins, que je dis que l'article 583 est un accroc au principe qui a valu notre adhésion en deuxième lecture.

Je dis donc aux membres de la majorité gouvernementale qui ont suivi librement leur conscience en optant — comme chacun l'a fait, je pense — pour le principe de la loi 28 qu'ils ne feraient aucunement accroc à leur logique et à leur cohérence en appuyant aujourd'hui le sous-amendement que j'ai présenté tout à l'heure.

La qualité des arguments devrait quand même immédiatement laisser entendre au ministre — il a emprunté aussi les arguments qui ont entouré notre discussion — et lui faire comprendre immédiatement que, premièrement, notre débat sera long et difficile parce que nous, nous tenons à être cohérents avec notre vote de deuxième lecture.

H ne sera peut-être plus ministre de l'Education à ce moment-là. Je le dis à l'intention du prochain ministre de l'Education, qui assiste à nos débats cet après-midi; je le dis aussi à leur intention: On peut déjà déceler dans le débat que nous maintenons la difficulté qu'aura cette nouvelle structure à s'imposer dans les faits et dans la réalité montréalaise — non pas parce que le principe est mauvais, mais parce que ses modalités le sont — quand on en arrivera à appliquer concrètement chacune des modalités, comme celle sur laquelle nous aurons tantôt à nous prononcer lorsque nous prendrons le vote sur l'article 583 ou même sur mon sous-amendement, et toutes les autres.

Ce n'est pas le principe qui est un problème dans la ville de Montréal actuellement, c'est chacune des modalité. Les principes, comme je me suis efforcé de vous le démontrer ce matin, M. le Président, et comme d'autres collègues l'ont brillamment fait cet après-midi, se trouvent trahis par certaines modalités comme celle sur laquelle nous avons à nous prononcer.

M. le Président, en vertu de l'article 351 de notre règlement je demande donc que vous appeliez le vote — à moins que d'autres collègues aient à parler — levé et assis sur le sous-amendement que j'ai présenté ce matin.

M. LE PRESIDENT: Quels sont ceux qui sont en faveur du sous-amendement de l'honorable député de Saint-Jacques?

M. LEGER: M. le Président, en vertu de l'article 351 je demanderais que le vote soit fait debout et assis.

M. LE PRESIDENT: Depuis que la Chambre m'a confié la présidence du comité, c'est la façon avec laquelle nous procédons.

Que ceux qui sont contre le sous-amendement de l'honorable député de Saint-Jacques veuillent bien se lever.

Le sous-amendement de l'honorable député de Saint-Jacques est rejeté.

M. LEVESQUE: C'est le vote renversé pour l'amendement, je suppose?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le comité est prêt à se prononcer sur l'amendement de l'honorable ministre de l'Education?

M. CARDINAL: M. le Président, juste un mot, je n'allongerai pas le débat. Quant à moi, je peux me prononcer immédiatement parce que c'est l'inverse de l'autre. Je voulais simplement faire la mise en garde suivante: Par l'amendement proposé par le ministre de l'Education, le principe du bill est modifié.

M. LE PRESIDENT: Dans les circonstances, peut-on dire que l'amendement de l'honorable ministre de l'Education est adopté sur division?

M. CHARRON: M. le Président, en vertu de l'article 667, est-ce que je puis vous demander une directive?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. CHARRON: Le député de Bagot vient de prononcer une phrase importante. Est-ce que je peux lui demander de développer sa phrase? C'est important pour l'amendement du ministre.

M. LEVESQUE: M. le Président, cet amendement était connu, lors du débat et du vote en deuxième lecture, et c'est en toute lumière que la Chambre s'est prononcée.

M. CARDINAL: Je vais dire quelques mots très brefs. J'ai dit ceci en le pensant profondément. Je l'ai déjà développé au cours de la motion de sous-amendement, je l'ai développé en commission parlementaire et je l'ai développé dans mon discours de deuxième lecture. Je n'y reviendrai donc pas, M. le Président.

Un des principes du projet de loi no 28 était celui de la comission scolaire unique, multiconfessionnelle, si vous voulez, neutre comme structure et où il n'est absolument pas question de protéger, par aucun mécanisme, des minorités de quelque sorte que ce soit.

Là on vient d'ouvrir une porte qui va permettre d'autres amendements ou sous-amendements qui vont changer au moins ce principe du projet de loi. Je ne devrais pas en prendre avantage, parce que ça a déjà été fait. Je réfère les députés ministériels au journal des Débats, et j'espère que ça aidera leur réflexion.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Alors, est-ce que le comité est prêt à se prononcer sur l'amendement du ministre de l'Education?

Adopté sur division.

M. ROY (Beauce): ... le même nombre de votes parce que nous avons manifesté clairement notre intention de voter contre l'amendement du gouvernement tout à l'heure.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas enregistré.

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas enregistré, alors sur division va régler le problème.

M. ROY (Beauce): C'est parce que j'ai cru comprendre que le député de Bagot a dit que c'était le même vote, mais inversé.

M. CHARRON: Levé, assis.

M. LEVESQUE: Je pense que le député de Beauce a raison, s'il y avait eu un vote enregistré ça aurait pu faire une différence, mais comme le vote n'est pas enregistré...

M. LE PRESIDENT: Alors, "sur division" règle le problème.

L'amendement de l'honorable ministre de l'Education est adopté sur division. Est-ce que l'article 583 est adopté tel qu'amendé?

UNE VOIX: Sur division.

M. BROCHU: M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Adopté tel qu'amendé sur division.

L'honorable député de Richmond.

M. LEVESQUE: Quel article?

M. BROCHU: Sur l'article 583. J'essaierai d'être ici le plus bref possible.

Je pense qu'on a suffisamment développé les différents thèmes du pluralisme qui peut exister sur l'île de Montréal. Quant à ce pluralisme, que ce soit au niveau linguistique ou au niveau confessionnel, ce n'est pas une option à prendre, c'est simplement une réalité à reconnaître. Pour aller plus loin dans les débats qui ont été entamés tout à l'heure, si l'on veut reconnaître vraiment dans les faits ce pluralisme dont je fais mention et lui donner toute la reconnaissance qui, à mon sens, lui est due pour que la société québécoise, en particulier dans le secteur de l'île de Montréal, fonctionne de façon normale, il nous faut arriver à ce point qu'un cadre législatif surtout en matière d'éducation reconnaisse ce fait et l'établisse clairement dans ses procédures.

Pour éviter aussi les imbroglios qui pourraient naître d'une situation restée en plan ou sujette à une foule de confusions qui pourraient arriver par la suite, puisque comme nous l'avons mentionné à plusieurs reprises la restructuration scolaire de l'île de Montréal n'a pas simplement des incidences ou des implications au niveau administratif; mais lorsqu'on se place dans le contexte du ministère de l'Education, toute réforme atteint tôt ou tard l'élève ou le parent, c'est-à-dire ceux qui sont directement concernés ou qui ont à évoluer dans le monde de l'éducation. Parce que loin d'être simplement une préoccupation administrative, le ministère de l'Education doit surtout s'orienter, je pense, on ne le mentionne pas assez souvent, vers cette formation globale de l'individu qui doit s'intégrer tôt ou tard à une société et en arriver à être à part entière un participant et quelqu'un qui apporte un apport réellement valable.

Si je prends maintenant les questions de majorité ou de minorité, lorsque l'on considère les questions de comités confessionnels, je pense qu'il nous faut aussi à ce niveau-là leur accorder un certain pouvoir puisque nous voulons qu'ils soient partie intégrante du nouveau système scolaire, puisque nous voulons qu'ils soient des participants. Je pense qu'il n'y a pas de demi-mesures et que nous devons leur donner soit pleinement leur place ou dire franchement qu'on n'en veut pas.

C'est le même phénomène au niveau des commissaires que le ministre de l'Education a l'intention de nommer pour représenter les minorités. Je pense qu'on n'a pas encore de demi-mesures à ce moment-ci à adopter. Que l'on dise clairement que l'on n'en veut pas ou simplement qu'on leur donne les pouvoirs qui leurs sont dus par la reconnaissance de leur existence.

Je pense qu'il nous faut prendre ici des décisions éclairées, des décisions qui soient basées sur certains principes que nous considérons très importants et je pense que ce serait faire une faille à cette législation aussi importante que de ne pas trancher certaines questions.

Je ne me reporterai pas ici à tout le débat sur la question linguistique parce que nous avons exprimé la position de notre parti à ce sujet là.

Le secteur de l'éducation ne doit pas être simplement l'enclos où toute la discussion sur la question linguistique doit se faire puisqu'elle est simplement un secteur de notre activité québécoise, seulement un secteur, mais un secteur très important. Nous ne devons pas non plus axer le débat entièrement là-dessus puisque la politique globale n'est pas encore connue à ce sujet. Cependant, on ne peut absolument pas laisser passer cette loi sans au moins clarifier certains points du côté linguistique, afin que soient respectés les droits de la majorité et que soit reconnue aussi l'existence des minorités au Québec.

M. le Président, face, je pense, à cette conjoncture ou à ce portrait de situation qui se présente devant nous, nous ne pouvons, pour le moment, laisser passer l'article 583 sans intervenir pour des raisons bien précises qui sont celles de coordonner dans un projet de loi les précisions et les décisions qui doivent être prises à ce moment-ci. C'est pourquoi j'ai l'intention, non pas de continuer plus longtemps un discours à ce niveau, mais de présenter un amendement à cet article 583 qui se lirait comme suit: "De remplacer cet article par le suivant: Chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires élus conformément aux articles 95 à 183 qui s'appliquent mutatis mutandis et sous réserve de l'article 286. Toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil doit, s'il constate que la minorité ou la majorité francophone ou anglophone, catholique ou protestante ou autre, selon le cas, n'est pas équitablement représentée par la suite de l'application de l'alinéa précédent, nommer pour un mandat de quatre ans sur la recommandation du ministre, un nombre suffisant de commissaires d'école pour respecter le droit à la représentation proportionnelle avec l'accord des présidents des comités décisionnels d'école de la majorité ou de la minorité concernée.

Ces commissaires d'écoles nommés bénéficient, comme les commissaires élus, du droit de vote et du droit d'être élus président ou vice-président. Au cas de vacance, ils sont remplacés de la même façon nonobstant l'arti-

cle 184 pour la durée non écoulée de leur mandat".

Si nous proposons un tel amendement à ce moment-ci, c'est pour éviter l'imbroglio ou l'impact que pourra causer la mise en application telle quelle du bill 28, surtout au niveau de l'article 583, puisque, non seulement on ne prend pas en matière linguistique de décision puisque les politiques globales ne sont pas connues et que cela est resté en plan, non seulement on ne prend pas de décision à ce niveau-là, mais on laisse la situation telle quelle.

M. le Président, je vous fais parvenir, ainsi que pour les autres membres intéressés, une copie de cet amendement.

Je pense, pour continuer, qu'il ne faille pas élaborer tellement longuement pour voir que, dans le contexte du cadre législatif qui nous est proposé et surtout au niveau de l'article 583, si on laisse la situation en plan, telle qu'elle est, à mon sens, on ne fait pas autre chose que de recréer presque un nouveau bill 63, à ce niveau-là, puisque l'on permet à une situation déjà passablement confuse de continuer d'exister. Je pense que si on ne prend pas le temps nécessaire de s'arrêter pour analyser vraiment ce qui se présente actuellement à nous, on pourra assister malheureusement à des affrontements, à certains conflits qui seront de nature même à nuire à la mise en application des objectifs qui sont contenus dans le projet de loi no 28.

Je pense que, sur les objectifs, nous avons été suffisamment clairs et nous sommes d'avis qu'il faille en arriver à une restructuration puisqu'il y a certains problèmes qui existent et que la mise en application du bill, c'est-à-dire dans ses objectifs, répond à un certain besoin. Cependant, puisque le principe contenu dans le bill n'est pas un principe simple mais qu'il touche la question linguistique et la question confessionnelle, il ne faudrait pas, simplement au nom du principe administratif, mettre de côté deux autres principes aussi importants et laisser naître ou laisser continuer une situation de confusion et de heurts qu'il serait malheureux de constater et qui serait un non-sens qu'on pourrait nous reprocher par la suite.

On pourrait nous dire: Messieurs, vous avez eu à discuter d'un bill d'une extrême importance et vous n'avez pas pris garde aux conséquences que pouvait apporter sa mise en application. Plus spécialement, M. le Président, on pourrait nous reprocher de n'avoir pas pris garde de respecter la conjoncture sociale, la conjoncture culturelle ou la conjoncture confessionnelle qui se présente sur l'île de Montréal.

M. le Président, c'est dans cette optique de vouloir fouiller la question à fond et de présenter un argument qui, à notre sens, est susceptible de donner suite à des préoccupations que non seulement nous, du Ralliement créditiste, avons, mais à des préoccupations aussi que des milliers de personnes sur l'île de Montréal ont et qu'elles ont manifestées soit par différents organismes, soit par des pressions ou soit directement en nous consultant, c'est dans cette optique, dis-je, de saine administration au niveau législatif que nous voulons présenter cet amendement. Nous espérons que le ministre y accordera toute l'importance que nous y mettons puisqu'il s'agit simplement, à ce moment-ci, d'établir clairement les faits, de prendre une décision afin que lorsque le bill sera mis en application, il n'y ait ni heurt, ni conflit mais que tout se fasse pour que le grand objectif qui est inclus dans le bill soit respecté et que ce soit vraiment un mode d'administration nouveau qui soit établi sur l'île de Montréal, un mode d'administration qui soit conforme à la réalité montréalaise de 1971.

M. CARDINAL: M. le Président, ce qui se produit est exactement ce que nous avions prévu. Si les règlements me le permettent, je relirai un très bref extrait du journal des Débats de ce jour. Feuillet 7602, page 2: "M. Cardinal: ... et je serai bref, je n'ai d'ailleurs pas encore épuisé mon temps, je poserai juste une question au ministre: Dans la CECM actuellement, quatre membres nommés par l'Etat, trois membres nommés par l'archevêque, pourquoi est-ce que nous n'amenderions pas l'article 583, deuxième alinéa, pour dire qu'il y aura deux observateurs nommés par l'évêque de Montréal et deux autres nommés par les anglicans... "M. Tremblay (Chicoutimi): Par les rabbins."

A compter du moment où nous avons défait le principe de cet article 583, l'amendement proposé par le député de Richmond est tout à fait logique dans le système qu'a établi lui-même le gouvernement par son amendement. Donc, si on avait écouté les opinions qui ont été mentionnées cet après midi, on n'en serait pas rendu à discuter d'un nouveau sous-amendement qui est exactement de la même nature que le précédent pour un autre genre de minorité. J'espère que nous n'en aurons pas un troisième genre tantôt. Je ne me prononce pas sur le fond même de la proposition du député de Richmond. Mais il a profondément raison. Si nous nous occupons des minorités linguistiques dans la représentation au niveau de la commission scolaire qui doit être unique au point de vue linguistique et au point de vue confessionnel, il n'y a aucune raison sur la terre pour laquelle nous ne nous occuperions pas des minorités confessionnelles. Qu'on abolisse les deux ou qu'on les mette toutes les deux ou qu'on fasse un autre article. C'est tout ce que j'ai à dire, M. le Président. Mais nous venons de nous placer dans une situation où le ministre aura beaucoup de difficulté à se justifier devant quelque minorité que ce soit.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je pourrais,

en vertu de l'article 333, paragraphe 3, vous demander de dire que l'amendement du député de Richmond est irrecevable, mais je pense que si nous en prenons le libellé, on s'apercevra en fait que la modification à l'article 583 n'est pas à ce point totale puisqu'en fin de compte, je pense que le député de Richmond aurait pu présenter son amendement simplement en ajoutant, après le mot "minorité", "un nombre suffisant de commissaires d'école pour respecter le droit à la représentation proportionnelle avec l'accord des présidents des comités décisionnels d'école de la minorité et de la majorité concernées".

En fait, ce que propose l'amendement du député de Richmond, ce n'est pas un remplacement complet de l'article par un autre. Donc, même s'il est présenté comme tel, ça n'en est pas un, et il devrait quand même être reçu. Ceci posé, je pense que le député de Bagot vient de confirmer ce que nous disions au ministre il y a quelques instants, alors que nous débattions mon sous-amendement dont la Chambre a disposé. Il pourrait se trouver, si le hasard électoral avait fait que nous nous trouvions à cinq partis, qu'un autre groupe représentant une autre idéologie, une autre faction de l'opinion publique, choisit à ce moment-ci de demander la représentation d'un autre type de minorité que celle déjà comprise à l'intérieur de ça.

Le député de Richmond, qui s'est opposé à mon sous-amendement, ne sera pas surpris de voir que je m'oppose au sien et pour la même motivation. Le député de Richmond tombe exactement dans le jeu que je ne voulais pas voir arriver dans la structure scolaire de Montréal en présentant mon sous-amendement tout à l'heure. Une fois que nous avons ouvert le jeu aux représentations des minorités de quelque ordre que ce soit, il faudrait qu'on nous explique pourquoi le critère linguistique est plus important que le critère confessionnel, et de même pourquoi le critère confessionnel est plus important que le critère social, et de même pourquoi le critère social est plus important que le critère culturel, et on peut partir pendant longtemps.

Non, M. le Président, je m'oppose à l'amendement du député de Richmond d'abord pour cette raison, et ensuite parce que, tout honnête qu'elle soit dans son intention, la motion d'amendement du député de Richmond vise un but pratiquement inatteignable. J'admets que pour quelqu'un qui vise à une plus grande représentation démocratique que ce soit, l'objectif de représentation proportionnelle est le summum, est le maximum. Mais je ne connais pas de système, électoral ou autre, politique ou autre, qui soit parvenu à cet objectif.

Ce n'est pas que nous refusions cet objectif. Vous-même, M. le Président, qui, à vos heures, travaillez à la commission de la réforme électorale, connaissez nos opinions. Vous savez combien de fois nous avons proposé pour le système électoral québécois un système qui se rapprocherait le plus de cette représentation proportionnelle. Vous-même savez que les experts qui sont venus témoigner à cette commission nous ont dit que c'était un but pratiquement, complètement inatteignable dans sa forme complète. Le député de Richmond a l'intention honnête, mais il n'explique pas — ou alors faudrait-il attendre un article plus loin dans le projet de loi — comment nous pourrions atteindre cette représentation proportionnelle. Au fond, il esquisse un voeu à l'intérieur de l'article 583, beaucoup plus que des solutions concrètes et des modalités pratiques pour l'atteindre. Avec tout le respect que j'ai à son égard, j'attendrai sur ce point les amendements que, vraisemblablement, il doit déjà détenir auprès de lui et qui visent les articles 584 et 585, mais ma première objection, celle d'une représentation forcée — parce que c'est ça, les observateurs du ministre — une représentation forcée, dis-je, de quelque minorité que ce soit et de quelque nature que ce soit, et de quelque ordre que ce soit, recevra constamment, tant que nous serons ici, une opposition comme celle que nous avons témoignée par le sous-amendement que j'ai présenté tout à l'heure.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce m'avait d'abord demandé la parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous en prie, M. le Président.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne voudrais enlever la parole à qui que ce soit, mais suite à l'amendement qui a été présenté par le député de Richmond et suite également aux interventions qui ont fait suite, je pense, M. le Président, qu'on peut dire que tout ceci nous prouve que nous avions raison depuis le début.

Nous avions raison depuis le début, parce qu'on se demande sérieusement si la commission scolaire unifiée ne créera pas plus de problèmes qu'elle n'en va régler. Je pense que tout le point est là. M. le Président, dans ce domaine, dans l'amendement que nous avons proposé, il est évident que nous avons demandé qu'il y ait des mécanismes de prévus de façon à pouvoir garantir la représentation proportionnelle, pour respecter les droits de la majorité et ceux de la minorité sur les plans linguistique et confessionnel.

Je prenais connaissance d'une lettre qu'un ancien président de commission scolaire de Montréal a fait parvenir au premier ministre et à l'honorable ministre de l'Education. Il y disait ceci: Il est évident que selon les mémoires présentés — parce qu'il y en a eu énormément lors des séances de la commission parlementaire de l'Education — trois points importants sont à la base de notre système d'éducation: la langue, la religion et la finance. Trois points impor-

tants, et ce n'est pas moi qui le dis, nous l'avons déjà dit et nous le répétons.

M. le Président, c'est écrit dans la lettre qu'un ancien président de commission scolaire a fait parvenir au premier ministre et au ministre de l'Education, les trois points les plus importants dans le système d'éducation sont la langue, la religion et la finance. Et, à l'heure actuelle, pour sauver la finance, ils sont en train de mettre de côté la langue et la religion. Et regardez dans quel pétrin nous nous enlignons, M. le Président. Evidemment, il faut trouver une belle couverture, une belle façade pour présenter ça à la population de façon à ce qu'elle l'accepte; le gouvernement fait ça au nom de la démocratie, pour sauver la démocratie. La démocratie pour sauver la finance, au détriment de la langue et de la religion.

M. le Président, c'est justement là que commence la confusion. Cet article 583, qui est très important, qui est essentiel dans l'esprit de l'Etat qui se veut neutre, sera en réalité, s'il n'est pas transformé substantiellement, source de troubles nombreux, de conflits, d'incompréhension, de frictions, peut-être parfois violents, dans le domaine de l'Education. Cet article énonce que chaque commission scolaire sera composée de quinze commissaires, lesquels seront élus conformément aux articles 95 à 183 de la Loi de l'instruction publique.

Au nom de la démocratisation, l'élection des administrateurs scolaires au suffrage universel, sans distinction de religion, sans distinction de langue, pourrait se justifier en théorie lorsqu'on veut imposer, comme je le disais cet après-midi, l'école pour tout le monde, non confessionnelle, conçue pour une société unilingue globale. Cette théorie, M. le Président, se butera toujours à une objection fondamentale parce que l'éducation n'est jamais neutre en soi, elle aussi est confessionnelle à son point de vue. Or, l'élection au suffrage universel pourrait, dit-on, se justifier aussi même dans un système confessionnel mais à la condition qu'il soit construit sur la majorité religieuse et sur le droit de dissidence. Ce système prévaut encore au Québec et l'électeur, s'il ne fait pas partie des dissidents, accepte que l'école soit de la confession religieuse de la majorité.

Mais, avec cet article 583 du bill 28, ce fondement de notre système scolaire, y compris le droit de dissidence religieuse, disparaît pour toute la population de l'île de Montréal. C'est aussi clair que ça. Le suffrage universel signifierait alors pour la clientèle de l'école catholique que les écoles tomberont sous le pouvoir de personnes dont elles ne connaîtraient pas les convictions et dont l'opinion personnelle pourrait même être contraire. Sans doute on pourra toujours prétendre que ces administrateurs, même s'ils sont élus dans l'anonymat du suffrage universel, seront intelligents et désireux de se conformer aux lois, plutôt que de faire prévaloir leur choix personnel.

Voilà justement le risque que nous refusons en principe, appuyés sur un examen réaliste de la révolution qui secoue la société québécoise au plan des valeurs qui sous-tendent l'activité éducative. Avec cet article 583, les groupes confessionnels et, si on prend un exemple, les catholiques qui optent pour un système d'écoles catholiques seront forcés d'en confier le contrôle à des personnes de n'importe quelle option, fussent-elles d'autre part intelligentes et désireuses de se conformer aux lois. Si nous acceptons cet article au niveau des services administratifs et pédagogiques — parce que la confessionnalité ne peut pas seulement s'établir au niveau d'un comité confessionnel, il faut que ce soit établi dans les structures pédagogiques de l'enseignement — nous nous plaçons dans l'obligation d'accepter à la suite automatiquement des maîtres et même des professeurs de religion qui n'auront pas le souci de satisfaire à des obligations légales.

C'est là un des points très importants. Or, il est clair que cette motivation ne suffit pas quand il s'agit d'une entreprise d'éducation. Cela pourrait suffire si nous étions dans une usine d'assemblage avec des filiales. Je l'ai dit ce matin, nous ne sommes pas dans une usine de fabrication d'un produit quelconque. Nous sommes en éducation, on ne peut pas parler le même langage et on ne peut pas analyser de la même façon.

Il est clair que cette motivation ne suffit pas quand il s'agit d'une entreprise d'éducation. S'il est vrai que l'Etat a en vue une démocratisation véritable, cette démocratisation doit tendre plutôt à confier la gestion des écoles catholiques à des commissaires élus par tous ceux qui optent pour ce type d'école.

En effet, la vraie démocratisation ne consiste pas à imposer une autorité unique à toutes les écoles mais plutôt à offrir un véritable choix, une réelle liberté de choix à des clientèles diverses. C'est ça la démocratie et je pense que si le gouvernement veut respecter la démocratie, il devra réellement tenir compte de ces faits, de ces points, tels qu'indiqués dans l'amendement du député de Richmond.

C'est ça le vrai pluralisme. Agir autrement, c'est avouer qu'on a d'autres mobiles que ceux du souci vraiment démocratique et pluraliste en éducation. Il y a des problèmes spécifiquement d'ordre linguistique et d'ordre confessionnel qui ont pour origine cet article 583. Premièrement, les problèmes d'ordre linguistique. Je vais en énumérer trois: Si une minorité française se trouve à l'intérieur d'une majorité anglaise, comme dans trois ou quatre des onze commissions scolaires formées et proposées, trois questions peuvent être posées immédiatement: Cette minorité fera-t-elle face à une assimilation à court et à long terme? A ce que je sache, le bill 63 est toujours en vigueur. Deuxièmement, sera-t-elle obligée de se battre pour le respect de son droit linguistique? Troisièmement, quelle langue primera aux réunions des commissions scolaires?

Nous n'avons pas encore eu d'indication sur ce point. Nous n'avons encore eu aucune précision. Le problème linguistique des Canadiens français, pas plus que celui des Canadiens anglais, ne se réglera par l'unification des structures scolaires. La liberté de choix laissée aux immigrants par le bill 63 quant à la langue d'enseignement demeurera entière dans le système scolaire unifié ou neutre.

Il y a aussi des problèmes d'ordre confessionnel. Par cet article 583, les commissaires seront donc élus indépendamment de toute foi, en sorte qu'un neutre ou un indifférent aux valeurs religieuses ou même un athée devront se mettre impérieusement dans le climat psychologique nécessaire pour accorder les droits confessionnels aux protestants et aux catholiques. On voit d'ici tous les problèmes que cela pourra susciter. C'est beaucoup demander. C'est toujours possible en théorie mais, dans la pratique, c'est autre chose. Or, c'est à la commission scolaire que se prendront toutes les décisions, elles ne se prendront pas ailleurs qu'à la commission scolaire. De plus, sur l'engagement des principaux d'écoles et des professeurs, sur le choix des livres à acheter, sur les budgets à établir, il y a là une source de conflit continuel au double niveau psychologique et pratique. Par cet article, l'Etat ignore nettement le pluralisme des clientèles scolaires. En adoptant le bill 27, le gouvernement a maintenu le caractère confessionnel catholique et protestant de l'administration scolaire hors de l'île de Montréal.

Or, les caractéristiques de la région métropolitaine: densité, diversité et mobilité de la population, constituent autant de raisons qui justifient, d'une part, les catholiques de vouloir maintenir pour eux-mêmes des organismes administratifs et confessionnels.

En écartant toute question partisane et politique, toute sensiblerie ou émotivité, il est possible de résoudre le problème sans recourir à un chambardement radical de nos structures tel que proposé dans les dispositions du bill 28. Je me réfère à la lettre de tout à l'heure, d'un ancien président de commission scolaire qui dit: "Après avoir, pendant sept ans, présidé aux destinées d'une commission scolaire et avoir vécu des problèmes inhérents, je crois pouvoir affirmer que le bill 28, dans sa rédaction présente, ne fera qu'ajouter au marasme actuel et ne pourra définitivement pas satisfaire qui que ce soit."

Nous l'avons dit, depuis le début, que le bill 28 ne réglera rien. "Lorsqu'on parle d'éducation — je continue de citer ce président de commission scolaire qui, lui, a vécu le problème, qui, lui, est conscient..."

M. SAINT-PIERRE: Sur l'île de Montréal?

M. ROY (Beauce): "...de ce qu'est l'éducation — l'unique préoccupation à retenir est la formation de l'enfant. Faire passer tout autre considération avant le bien-être de celui-ci c'est s'éloigner du but et courir inévitablement à l'échec". C'est là tout le problème.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement parce que — mon collègue de Beauce me pardonnera de le faire, de l'interrompre — cette proposition d'amendement, je ne pense pas qu'on l'ait souligné jusqu'à présent, comporte un vice de forme. En stricte rigueur de la technique législative, cette proposition d'amendement introduit dans notre législation et, par conséquent, vise à introduire dans nos lois un principe qui en dérange l'économie.

Nulle part dans nos lois, ne se trouve consacrée la notion de ce qu'on appelle la proportion ou la proportionnalité. Ni au niveau du gouvernement central, lorsqu'il s'agit du scrutin, du vote, d'une élection, ni au niveau du gouvernement du Québec, non plus qu'au niveau des municipalités, n'apparaît cette notion de proportion. En voulant introduire cette notion de proportion dans des mécanismes d'élection au niveau scolaire, on se trouverait à changer l'économie de nos lois et il me paraît que l'on mettrait en cause, de façon très sérieuse, l'ensemble de nos lois qui, toutes les fois qu'il s'agit du scrutin, parle de majorité simple.

En raison de ce vice de forme, indépendamment de toute l'argumentation, de toutes les idées qui sous-tendent l'amendement proposé par notre collègue de Beauce, j'ai la conviction que la proposition est irrecevable.

Elle n'est pas conciliable avec la technique législative, qui doit tenir compte de l'économie de nos lois, qui ne comporte dans aucun cas l'idée de la proportion ou de la proportionnalité, si on me permet ce néologisme.

Quand nous avons étudié à la commission de la réforme parlementaire le problème du scrutin, nous nous sommes penchés sur cette question de la proportion, du vote proportionnel, et nous avons reconnu que cela n'existait nulle part dans notre système, ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas à un moment donné accepter cette notion, l'examiner et voir dans quelle mesure elle pourra s'accorder à l'ensemble de nos lois.

Mais, dans le cas précis qui nous occupe, les choses étant ce qu'elles sont, je ne crois pas, en raison de ce vice de forme et de cette notion qu'introduit la proposition d'amendement du député de Beauce, que cette motion puisse être même recevable. Je suis convaincu que, d'une autre façon, par d'autres moyens, lors de l'examen d'autres articles, le député de Beauce pourra reprendre le sujet qu'il est en train de traiter et faire le plaidoyer qu'il est en train de faire sur les thèmes de la langue, de l'éducation en regard de ces problèmes de financement de structures, de coordination, etc.

M. LEVESQUE: M. le Président, deux mots seulement sur ce point de règlement. Il y a tout

simplement deux considérations que j'aimerais faire à ce moment-ci, et si, M. le Président, vous en venez à la conclusion que cette objection doit être étudiée à ce moment-ci j'aurais quelques remarques à faire.

La première cependant, préliminaire à cela, c'est que je me demande si, à ce moment-ci, alors que nous sommes dans le débat, on peut parler de la recevabilité de la motion. Mais si vous permettiez de revenir à cette recevabilité, à ce moment-là, j'aurais d'autres remarques à faire.

M. LE PRESIDENT: Voici, pour que la question soit bien claire, qu'il n'y ait pas d'imbroglio, la question de recevabilité d'une motion peut être soulevée à n'importe quel moment du débat. Au début de ses remarques, aussitôt après la présentation de la motion, le député de Saint-Jacques a fait allusion à une possibilité d'irrégularité de la motion.

A première vue, il m'apparaissait que cette motion était sinon viciée dans sa substance, au moins viciée dsns sa forme, telle que présentée.

Maintenant, le député de Saint-Jacques ayant fait allusion à la chose et ayant dit qu'il n'invoquait pas l'irrégularité de la motion, j'ai cru comprendre qu'il y avait un espèce de consentement, tacite ou un consentement unanime tacitement exprimé des membres du comité à l'effet que l'on passe l'éponge sur le vice de forme de la motion et qu'on discute le fond.

C'est ce que l'honorable député de Beauce a commencé à faire. Il a commencé à discuter de la motion sur le fond. Comme il en avait parfaitement le droit, puisqu'on peut encore une fois invoquer l'irrégularité d'une motion à tout moment de la discussion, l'honorable député de Chicoutimi a souligné certains aspects de l'irrégularité de cette motion qui ne m'avaient pas frappé au début, c'est-à-dire, en particulier, celui de l'introduction d'un nouveau principe que la proposition d'amendement introduirait. Comme il s'agit d'une question — je le répète — qui ne m'avait pas frappé au début et qui est sûrement assez importante, avant de rendre une décision sur la question de règlement invoquée par le député de Chicoutimi, j'aimerais entendre les membres du comité qui désirent s'exprimer sur cette question de recevabilité.

Si l'honorable leader parlementaire veut parler là-dessus.

M. LEVESQUE: Tout ce que je veux dire, M. le Président, c'est que si vous en arrivez à la conclusion, après les remarques qui seront faites de part et d'autres — si remarques doivent être faites — qu'il y a dans cet amendement une disposition de nature à changer ou modifier substantiellement le principe du bill tel qu'il a été voté en deuxième lecture, je crois que vous devez ne pas recevoir cet amendement et le déclarer inacceptable.

Comme vous, à première vue, je n'ai peut- être pas accordé autant d'attention que j'aurais dû à cette motion, dans sa forme et surtout dans son fond. Si c'est un vice de forme, peut-être que nous pourrions l'oublier. Mais si on va plus loin que cela et si cet amendement, dans votre esprit, contient une disposition qui voudrait consacrer le principe de la représentation proportionnelle, je crois que la motion n'est pas recevable et je vous prierais de vous en tenir aux dispositions de l'article 566 qui ne nous permet pas, à ce moment-ci en comité plénier, d'introduire une disposition ou un amendement de nature à changer substantiellement le principe du bill voté en deuxième lecture ou incompatible avec lui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président,...

M. BROCHU: ... sur le point de règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... je voudrais apporter une petite précision, si vous me le permettez, à l'intention du leader de la Chambre. C'est que justement le député de Beauce étudiait une question de fond. Mais ayant examiné très attentivement la proposition d'amendement, je me suis rendu compte qu'il y avait un vice de forme, celui que j'ai souligné, l'introduction de ce principe de la proportion ou de la proportionnalité, je ne sais jamais trop quel mot choisir.

M. LEVESQUE: Représentation proportionnelle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A mon sens, cela vicie la proposition d'amendement et la rend inacceptable. C'est absolument en dehors de toutes nos techniques législatives puisque, toutes les fois que nous légiférons, nous devons tenir compte de l'économie générale de nos lois et des principes qui les sous-tendent.

M. BROCHU: M. le Président,...

M. MASSE (Montcalm): M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond m'avait demandé la parole. Après cela, ce sera les députés de Bagot et de Montcalm.

M. CARDINAL: Il est six heures moins deux minutes.

M. BROCHU: Je ne voudrais pas être vicieux auprès du député de Bagot ou du député de Chicoutimi...

M. LE PRESIDENT: Je ne sais pas si plusieurs membres du comité désirent s'exprimer sur la question de la recevabilité, mais, au point de vue pratique, ce serait peut-être excellent que nous puissions entendre tous les opinants sur la question de recevabilité, ce qui me

permettrait de délibérer pendant l'heure du dfner et rendre une décision aussi éclairée que possible à la reprise de nos travaux.

Evidemment, s'il y a des opinants pour une heure, il faudrait ajourner dès maintenant.

M. LEVESQUE: M. le Président, nous pourrions suspendre jusqu'à huit heures.

M. LE PRESIDENT: Alors, la séance est suspendue jusqu'à huit heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

Reprise de la séance à 20 h 5

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Le débat continue sur la recevabilité de la proposition d'amendement de l'honorable député de Beauce.

L'honorable député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, sur la recevabilité de cet amendement, j'aimerais, tout d'abord, retourner au texte de l'amendement lui-même pour spécifier quel est le principe et quel est l'objectif en cause. Cet amendement disait ceci: "Nommer, pour un mandat de quatre ans, sur la recommandation du ministre, un nombre suffisant de commissaires d'écoles pour respecter le droit à la représentation proportionnelle".

Il s'agissait donc d'un objectif et ce n'était pas soumis au vote. A ce moment-là, les personnes demeuraient quand même nommées, dans l'optique de l'amendement. Il ne s'agit donc pas de tout un processus de vote proportionnel, mais de faire ces nominations que le ministre aura à faire par la suite, en tenant compte de la proportion des minorités à l'intérieur des différentes commissions scolaires.

Le député de Chicoutimi a mentionné que, pour l'économie de nos lois, nous ne pouvions introduire un processus qui vienne changer quelque chose à la coutume établie, si vous voulez. Il parlait, à ce moment-là, de la question du vote proportionnel.

M. le Président, comme je l'ai mentionné, il s'agissait d'un objectif. Ce n'est pas du tout soumis au vote, puisque les personnes demeurent nommées par le ministre. Cependant, on demande au ministre, par l'amendement, de tenir compte de la proportionnalité au niveau de chacune des commissions scolaires.

Si l'on disait, par exemple, que l'amendement que nous proposons ne peut être reçu parce que, selon les paroles du député de Chicoutimi, cela dérange l'économie de nos lois, M. le Président, est-ce à dire que nous devrions continuer, dans notre optique de travail, à faire des lois non pas en fonction des individus, mais à faire en sorte que ce soient les individus qui soient en fonction des lois? Un jour ou l'autre, M. le Président, si nous voulons changer quelque chose au système qui est le nôtre, présentement, et qui ne répond pas adéquatement à tous les besoins de la société québécoise moderne, je pense qu'il nous faudra transformer certaines choses et non pas simplement dire que, suivant l'habitude qui a été créée, nous ne devons rien changer à l'économie de nos lois et que nous devons continuer à faire prévaloir le fait que c'est la personne qui doit s'ajuster qui doit exister en fonction des lois.

M. le Président, mon argumentation était simplement sur ce point, à savoir que les observateurs continuent à être nommés par le ministre et qu'ils ne soient pas soumis, à ce moment-là, au vote. Nous demandons simple-

ment au ministre qu'il tienne compte de la proportion au niveau de chacune des commissions scolaires.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je viens d'entendre l'argumentation du député de Richmond, qui peut paraître pertinente, mais il y a deux parties dans son argumentation que je voudrais relever. Il dit d'abord ceci: Même si l'économie de nos lois, nos coutumes, nos usages n'ont pas consacré le principe de ce qu'on appelle la représentation proportionnelle, ce n'est pas une raison pour qu'on ne l'introduise point dans nos lois, dans nos usages, nos coutumes, dans l'ensemble de nos institutions.

Cela est exact, mais il reste que ce soir, à ce jour du 21 décembre, nous étudions un projet de loi qui nous oblige à nous tenir dans un cadre bien déterminé et bien circonscrit. Ce projet de loi, d'autre part, s'articule à l'ensemble de nos autres lois, lesquelles ne reconnaissent pas le principe de la représentation proportionnelle.

Par conséquent, en stricte rigueur de la technique législative, nous ne pouvons pas introduire un principe qui viendrait déranger l'économie générale des lois. Par ailleurs, le député de Richmond — et c'est la seconde partie de son argumentation — a dit: Lesdits observateurs ne seront pas élus mais nommés. Je suis d'accord avec lui là-dessus, mais qu'il se représente bien ce qui se passe.

Les commissaires d'écoles — commissaires qui vont faire partie de cette ensemble, de cette structure nouvelle — vont être élus et ils vont l'être selon les modes de scrutin qui prévalent actuellement et qui sont consacrés par nos lois. Ds ne seront pas élus selon le principe de la représentation proportionnelle, mais ils vont l'être comme on le fait dans tous autres secteurs, à la majorité simple.

Par conséquent, l'argumentation du député devient une contradiction et quelque chose d'exorbitant à notre droit si, d'une part, on exige que les commissaires élus se soumettent aux règles de la majorité simple et que, d'autre part, on nomme des gens qui eux seraient choisis en fonction de ce qu'on appelle la représentation proportionnelle.

Il y aura donc là une contradiction et on se trouverait, M. le Président, appliquant ce principe, favoriser les observateurs par rapport aux personnes qui seront élues, ce qui fait que la proposition du ministre de l'Education de nommer des observateurs serait encore plus mauvaise qu'elle ne l'est en réalité. Pour ces raisons, je soumets que, toujours dans l'optique de ce l'on appelle la technique législative et dans le cadre qui se trouve défini par le projet de loi qui est devant nous, cette proposition d'amendement est viciée dans sa forme nonobstant les arguments qu'a invoqués tout à l'heure le député de Richmond.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, contrairement à mon voisin, le député de Chicoutimi, je crois que l'amendement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... à votre collègue et ami.

M. MASSE (Montcalm): ... est recevable. Et ami si vous voulez l'ajouter, c'est vous qui le dites.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous l'avez déjà dit.

M. MASSE (Montcalm): Ne commençons pas une discussion. Revenons à l'amendement.

M. LE PRESIDENT: La recevabilité de la motion.

M. MASSE (Montcalm): Je crois, M. le Président, que l'amendement est recevable et ce pour deux raisons. Premièrement, l'amendement présenté par les membres du Ralliement créditiste est sur le fond de même type que ceux présentés par le ministre de l'Education au cours de notre discussion. Ce que recherchent les gens du Ralliement créditiste, c'est une proposition qui permettrait au ministre de l'Education de nommer des observateurs, non pas uniquement en fonction de la minorité linguistique, mais également en fonction d'une minorité confessionnelle.

Partant de là, bien que sur la forme, dans la rédaction de l'amendement, il y ait une différence, il faut quand même admettre que, sur le fond, l'amendement est du même type. Nous avons, au début de cette discussion sur la recevabilité de la motion, mis de côté les problèmes de forme de la motion comme telle et accepté que c'était uniquement sur le fond que nous devions juger si, oui ou non, l'amendement était recevable.

Pour ce qui est du fond de la proposition, elle est donc du même type que celle du ministre de l'Education. Puisque l'amendement gouvernemental a été jugé recevable, pour les mêmes raisons, je pense, en toute équité, le président, indépendamment qu'il soit favorable ou non à l'amendement du député de Richmond comme tel, devrait le juger recevable. Bien que, personnellement, lorsque j'en aurai l'occasion, je voterai contre l'amendement, parce que je ne suis pas d'accord sur la proposition formulée pour les mêmes raisons que j'étais contre la proposition du ministre de l'Education, je crois quand même que la motion est recevable.

Certains prétendent en cette Chambre que cette motion devrait être repoussée, parce que le principe qu'elle contient va à l'encontre de l'économie de nos lois. Là-dessus, M. le Président, je suis surpris parce qu'au contraire notre

législation a consacré à plusieurs reprises, et cela depuis plusieurs années, des principes de proportionnalité dans les représentations. De mémoire, je n'en cite que deux. Le ministère de l'Education, par sa loi organique, permet au ministre de désigner un sous-ministre associé en fonction de sa qualité confessionnelle. Je crois qu'on reconnaît qu'il y a là une minorité —je peux faire le raisonnement — mais, par rapport à la majorité, cette minorité est inscrite dans la législation et est représentée à titre de confes-sionnalité un peu dans le même sens que la proposition qui est formulée.

Sur le plan électif, il y a également une reconnaissance dans notre législation des questions proportionnelles. Encore une fois, je prends l'exemple au ministère de l'Education. Si on faisait une recherche fouillée, on en trouverait ailleurs. Le ministre de l'Education a les pouvoirs de former des commissions scolaires régionales, des commissions scolaires regroupées. Au bureau, ce n'est pas toujours le même nombre de représentants; cela dépend du nombre de quartiers ou des électeurs qu'il y a dans les quartiers. C'est ainsi qu'on fixe comment ce sera formé et quel nombre de membres comprendra le bureau de la commission scolaire régionale. On pourrait trouver, à divers endroits de notre législation, des principes où l'on reconnaît la question de proportion au point de vue électoral. Mais, même si on ne trouvait pas d'exemple qui colle à cette réalité-là, je ne crois pas que ce serait une raison suffisante pour rejeter une motion, un amendement tout simplement parce qu'il irait à l'encontre de ce qui existe déjà.

A ce compte-là, tout le bill 28 devrait être rejeté parce qu'il contient des amendements à la Loi de l'instruction publique du Québec, amendements qui font totalement la différence de ce qui existe actuellement. On a, à Montréal, des commissions scolaires non élues et des commissions scolaires non regroupées, et par des amendements à la loi actuelle, on crée totalement le contraire: des commissions scolaires unifiées et dirigées par des commissaires élus.

Ce n'est donc pas une raison de refuser de présenter un amendement sous prétexte qu'il ne serait pas à l'intérieur de l'économie de nos lois. A ce compte-là, on n'aurait jamais à légiférer puisque tout amendement à une loi est, au départ, un changement, et tout changement est, au départ, différent de ce qui existe, donc contraire à l'économie des lois. Et ce serait accepter un drôle de principe que de rejeter des amendements en vertu de cette idée que tout amendement qui est contraire à l'économie de nos lois est non acceptable, ce serait une drôle de façon de légiférer pour l'avenir. Et ce serait, en réalité, fermer la porte à tout jamais à des changements de fond dans notre législation.

Il n'est dit nulle part, ni dans la constitution, ni dans les lois concernant notre Parlement, ni dans les règlements, que l'Assemblée nationale du Québec n'a pas le droit de légiférer à l'encontre de l'économie de nos lois. Au contraire, ce Parlement est souverain à l'intérieur de sa responsabilité, particulièrement en matière d'éducation et, partant de cette souveraineté, il a le droit de légiférer en totalité, même si ça va à l'encontre de tout ce qui existe au point de vue scolaire au Québec, de toute législation existante, il a le droit, pour autant que la constitution canadienne le reconnaît, de légiférer en ces matières.

Je ne vois donc pas pourquoi, M. le Président, vous vous prononceriez en faveur de la non-recevabilité de cette motion parce qu'elle respecte notre droit de légiférer et, deuxièmement, parce que, au fond, cet amendement est de même type que l'amendement présenté par le ministre de l'Education.

M. LE PRESIDENT : L'honorable député de Saint-Jacques et, par la suite, l'honorable député de Bagot.

M. CHARRON: M. le Président, je pense que mon collègue, le député de Montcalm, vient de donner de sérieux arguments quant à la recevabilité de la motion. Et je dois dire immédiatement, comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, que la motion, dussiez-vous la recevoir, M. le Président, je m'y opposerais. Mais c'est une autre question, quant au fond. Sa recevabilité, à mon avis, n'est pas à remettre en question quoique j'aie été le premier tout à l'heure, je pense, à vous signaler qu'elle était peut-être, dans sa rédaction, irrégulière.

M. LE PRESIDENT: Il y a une distinction entre vice de forme et vice de fond.

M. CHARRON: C'est ça. Voilà, M. le Président, vous avez parfaitement raison. Je fais la distinction entre vice de forme et vice de fond. D'après l'article 333, paragraphe 3, des règlements, il est interdit de faire un amendement qui remplace un article par un autre. C'est malheureusement le libellé même de la motion du Ralliement créditiste. Donc, à première vue, ceci vous permettrait peut-être, en vertu de l'article 333, paragraphe 3, de vous lever et la déclarer irrecevable, mais je fais appel à votre clémence et je vous demande de lire également l'amendement.

M. LE PRESIDENT: Le fait que je considère le fond supérieur à la forme ?

M. CHARRON: Voilà.

M. BROCHU: M. le Président, il y a peut-être quand même une erreur qui a été faite sur un terme lorsqu'on a dit: Remplacer cet article par le suivant. Mais j'aimerais bien mentionner, pour que votre clémence ne soit pas invoquée pour rien...

M. LE PRESIDENT: Non, je pense que ce

n'est pas nécessaire. Je crois qu'il y a consentement unanime pour qu'on laisse de côté la question de forme.

M. BROCHU: Mais simplement pour mentionner que, dans sa forme, le début de l'article restait tel quel et c'était simplement à partir du mot toutefois que c'était changé.

M. LE PRESIDENT: De toute façon, je pense que ce n'est pas là le fond du litige.

M. BROCHU: Je comprends que ce n'est pas le débat, mais je tenais quand même à le souligner.

M. LE PRESIDENT: Ce serait tellement plus facile si c'était là le fond du litige.

UNE VOIX: Ce n'est pas une assemblée de procéduriers.

M. CHARRON: Alors, ceci posé, ce qui raccourcit nos débats, qu'est-ce qu'il y aurait donc d'irrecevable dans la motion du député de Richmond, si on en écarte la mauvaise rédaction? Ce sont deux principes. Il ajoute, au critère linguistique qui permettrait de nommer des observateurs, des critères confessionnels; je ne vois pas quel article ou quel paragraphe de nos règlements nous permettrait de refuser ce genre de critère, puisque c'est le ministre lui-même, par son amendement, qui en a ouvert la porte. Deuxièmement, le fait que le député de Richmond introduit la nécessité de voir la représentation proportionnelle s'installer par un caractère quelconque pour ces observateurs, il n'y a aucune raison de refuser cela, parce que demain matin la représentation proportionnelle, si vous voulez, peut valoir aussi bien que le chiffre 2 qu'a mentionné le ministre de l'Education.

Le député de Richmond, plutôt que dire trois ou cinq observateurs, dit: Je ne donne pas de chiffre précis, tout ce que je demande c'est que ce nombre soit proportionnel au pourcentage, je suppose, de la population minoritaire locale.

Il faudrait donc entendre par les mots "représentation proportionnelle" un nombre non identifié encore, parce que précisément on se réfère à une proportion de population minoritaire dans une commission scolaire locale ou une autre et que ce n'est pas parce que les mots "représentation proportionnelle" remplacent un chiffre que le ministre lui-même a lancé dans la discussion que cet amendement serait irrecevable.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: Je vais essayer de revenir sur les faits qui se sont produits à la fin de cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: Je vais tenter d'être plus attentif qu'il y a quelques années.

M. CARDINAL: D'accord. Non pas pour aider le président — il y a certainement toute la compétence nécessaire, mais pour que l'on puisse sortir de cet imbroglio qui devient une question de procédure — et pour retourner aux faits, je vais me servir encore une fois du journal des Débats, qui est une référence que personne ne met en doute.

Cet après-midi vous savez que, d'après le feuillet 7627, page 1, à 17 h 10, vous dites vous-même ceci: Est-ce que le comité est prêt à se prononcer sur l'amendement de l'honorable ministre de l'Education? C'est là que tout a commencé. Vous m'avez alors permis d'ajouter un mot. J'ai dit: "Juste un mot. Je n'allongerai pas le débat. Quant à moi, je peux me prononcer immédiatement parce que c'est l'inverse de l'autre. Je voulais dire le sous-amendement du Parti québécois. Je voulais simplement faire la mise en garde suivante: Par l'amendement proposé par le ministre de l'Education, le principe du bill est modifié". Fin de la citation. Qu'on me laisse continuer. A ce moment-là, M. le Président, vous avez dit: "Dans les circonstances, peut-on dire que l'amendement de l'honorable ministre de l'Education est adopté sur division? " Le député de Saint-Jacques a dit: "En vertu de l'article 667, est-ce que je puis vous demander une directive? " Vous avez accepté qu'on vous pose cette question. Le député de Saint-Jacques a dit: "Le député de

Bagot vient de dire une phrase importante. Est-ce que je peux lui demander de développer sa phrase? C'est important pour l'amendement du ministre".

Le député de Bonaventure, le leader parlementaire — j'aimerais qu'il fut présent — a alors dit ceci qui est très important dans le débat, et je le fais justement pour marquer un point d'objectivité entre les partis qui commencent à jouer de la procédure.

M. Lévesque a dit ceci: "M. le Président, cet amendement était connu lors du débat et du vote en deuxième lecture et c'est en toute lumière que la Chambre s'est prononcée". J'arrête ici la citation.

Il y a une mise au point additionnelle à faire ici. En deuxième lecture, nous n'avions pas officiellement les amendements. Nous avons reçu les projets d'amendements du ministre juste quelques secondes avant le vote de deuxième lecture, soit les amendements mêmes.

Il y avait à ce moment-là, la veille, des thèmes d'amendements qui avaient été déposés. Il y avait déjà, dans le projet de loi no 28, un article 583 qui prévoyait, dans son deuxième alinéa, des observateurs ayant droit de vote, ce qui était pire que l'amendement. Donc, quand j'ai dit, M. le Président, que l'on changeait le principe du projet de loi, je voulais dire non pas que déjà il n'y avait pas, dans le premier projet, avant l'amendement du ministre, changement

de ce principe en particulier, je voulais dire ce que j'ai dit par la suite. Lorsque vous m'avez accordé la parole après le leader parlementaire et après le député de Saint-Jacques, j'ai ajouté ceci: Je vais dire quelques mots très brefs. Je dis ceci en le pensant profondément. Je l'ai déjà développé au cours de la motion de sous-amendement, je l'ai développé en commission parlementaire et je l'ai développé dans mon discours de deuxième lecture parce que c'était en deuxième lecture déjà qu'ayant le texte original ou originaire, je m'étais élevé contre ce texte. Quand j'ai vu l'amendement, je me suis aussi élevé contre l'amendement.

Ce qui veut dire, M. le Président, que dans l'ordre des principes, en deuxième lecture, nous de l'Unité-Québec avons voté pour la commission scolaire unique, sachant qu'il y avait des amendements de proposés à ce moment-là et sachant que nous pourrions discuter, en commission parlementaire ou en comité plénier — et nous avons fait les deux — de ces amendements.

Actuellement, j'ai donc dit que l'on ouvrait une grande porte. Je continue ma citation: "Un des principes du projet de loi no 28 était celui de la commission scolaire unique, multiconfes-sionnelle, si vous voulez, neutre comme structure et où il n'est absolument pas question de protéger, par aucun mécanisme, des minorités de quelque sorte que ce soit. Là, on vient d'ouvrir une porte pour permettre d'autres amendements ou sous-amendements qui changeront le projet de loi". C'est le caveat, c'est la mise en garde que j'ai donnée au comité plénier, à la présidence et au ministre de l'Education à ce moment-là. Et vous voyez ce qui s'est produit. Immédiatement après est venu cet amendement du député de Richmond, si je ne me trompe. Je suis alors intervenu pour dire que vu ce qu'on avait fait, il pouvait le faire. J'ai alors donné des raisons. Cependant, je rejoins mon collègue de Chicoutimi en disant qu'après avoir lu attentivement la motion de sous-amendement du représentant du Ralliement créditiste, quant à sa forme, personnellement, si, par hypothèse de travail, j'étais président, je ne pourrais pas la recevoir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, sur la recevabilité de la motion présentée par mon collègue le député de Richmond, je dois dire premièrement que cela me surprend énormément que cette motion ne soit pas recevable, si c'était le cas.

M. le Président, bien sûr que si l'économie de nos lois ne permet pas la recevabilité d'une telle motion, je pense qu'à chaque fois qu'un projet de loi est présenté en Chambre, cela touche l'économie de nos lois.

Un amendement comme celui-là, évidemment, touche l'économie des lois du Québec, mais, si cet amendement est irrecevable, on est porté à penser que tout le projet de loi est irrecevable. Je n'irai pas sur le fond de la motion, parce qu'on doit s'en tenir à la recevabilité.

En théorie, on essaie de réfuter un amendement présenté. On ne réussit pas à faire la preuve qu'en pratique c'est irrecevable. L'article 583, tel qu'amendé par le gouvernement, laissait une porte tout ouverte, semble-t-il, à la nomination de commissaires infirmes. Je pense donc que nous sommes en droit d'accepter cette motion qui vient corriger cette situation.

L'infirmité des personnages nommés a été dénoncée par deux partis de l'Opposition et également par nous. Je pense que le gouvernement pourrait profiter de l'occasion qui lui est offerte en acceptant de recevoir cet amendement, quitte à en discuter le fond un peu plus tard. C'est une solution qu'on lui offre.

J'appuie donc la motion d'amendement proposée par le député de Richmond.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, juste un mot pour préciser. J'ai tenté de comprendre l'argumentation du député. Qu'il sache bien que, lorsque je parle de l'économie de nos lois, je n'entends pas déclarer que nous ne pouvons pas remettre en cause cette économie de nos lois en y introduisant, le cas échéant, des principes. Mais le projet de loi que nous avons actuellement devant nous circonscrit, en somme, le débat.

Comme ce projet de loi est basé sur certains principes qui constituent ce que j'appelle son économie, il m'apparaît qu'il y a, dans le texte de la proposition d'amendement présentée par le Ralliement créditiste, un vice de forme évident. En raison de cela, cette proposition me paraît irrecevable.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres du comité qui désirent s'exprimer sur la recevabilité?

L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je veux, tout simplement, dire que j'ai bien l'impression qu'on fait une tempête dans un verre d'eau, et sans référence à hier soir.

UNE VOIX: Tu t'es mis les pieds dans les plats.

UNE VOIX: Recommence donc pour voir.

M. BURNS: Je ne referai pas l'erreur d'hier soir. Ce qu'on peut reprocher à la motion du Ralliement créditiste, c'est peut-être de ne pas avoir extrait de l'article qui existait certains amendements qui pourraient être faits en disant — je vous cite ça strictement à titre d'exemple — de changer, dans le deuxième alinéa, le mot "peut" par le mot "doit"; d'ajouter, après le mot "minorité"; les mots "ou la majorité"; d'ajouter, après le mot "anglophones", les mots

"catholiques ou protestants ou autres" selon le cas, etc.

Sur le plan de la forme, on peut discuter l'amendement. Il reste, quand même, que vous ne pouvez pas, M. le Président — je le soumets respectueusement — rejeter cet amendement du député de Richmond pour une simple question de forme, alors que tout le monde prétend que c'est une question de fond qui fait qu'il est irrecevable.

Je pense que le député de Richmond, quand il a proposé son amendement, n'a pas dérogé à l'article 566:

Un comité plénier peut apporter n'importe quel amendement à un bill public pourvu que cet amendement se rattache au sujet du bill — je pense que c'est le cas — ou soit conforme à des instructions spéciales — ça ne s'applique pas — et qu'il ne soit ni incompatible avec le principe qui a été affirmé à la deuxième lecture — je ne vois rien dans l'amendement du député de Richmond qui soit incompatible avec le principe affirmé en deuxième lecture; et finalement — ni contraire aux règles et ordres de la Chambre. Le dernier membre de l'article, M. le Président, s'attaque, je pense, à l'élément forme de cette motion. Déjà, sauf erreur, l'ensemble du comité plénier a accepté que, même s'il y avait des difficultés au point de vue de la forme, le fond qui était présenté par cette motion devrait être discuté. Alors, M. le Président, en ce qui nous concerne, sans nous prononcer sur le fond et indépendamment de ce que le fond peut nous amener comme discussion, nous considérons que l'amendement doit être discuté, doit être considéré comme recevable.

M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le chef du Ralliement créditiste.

M. SAMSON: M. le Président, quant à nous, le principe de l'amendement qui a été déposé par le député de Richmond devrait sûrement être considéré comme recevable par vous, quant au principe de l'amendement. Nous reconnaissons toutefois que si vous vouliez, M. le Président, déclarer l'irrecevabilité de cette motion, en vertu de l'article 333 note 3, il pourrait sûrement se faire qu'on ne recevrait pas cette motion d'amendement, sauf qu'étant en comité plénier, je pense que c'est une question d'ordre pratique. Si on discute toute la soirée sur la recevabilité ou la non-recevabilité ou le vice de forme de la motion, je pense que, quand même, nous pourrions, en comité plénier, revenir à la charge avec un amendement reformulé d'une autre façon.

Ce qui nous intéresse, c'est de faire savoir, par cet amendement, s'il y a lieu de la modifier, M. le Président, pour la rendre recevable; ou s'il y a lieu d'en faire une autre plus tard qui serait plus recevable, nous sommes tout à fait disposés à le faire, mais je crois qu'on pourrait perdre un temps précieux. Ce qui nous intéresse c'est surtout de faire comprendre au gouvernement que nous voulons présenter cet amendement et surtout le principe de l'amendement. Evidemment, nous sommes assez réalistes pour savoir que si le gouvernement ne veut pas de cet amendement, on n'a pas besoin de la refuser. On n'a pas besoin d'attaquer sa recevabilité. Les membres du gouvernement sont suffisamment nombreux pour la rejeter assez facilement étant donné les circonstances.

Or, je crois que le ministre est tout à fait disposé à prendre en considération l'amendement qu'on lui suggère et évidemment, nous dire ce qu'il en pense. Et je pense que le ministre devrait parler sur cette question, nous faire savoir son opinion. Je suis persuadé qu'en toute objectivité le ministre voudra bien la recevoir de son côté, quant à lui, étant donné que, même si notre motion était jugée irrecevable, il pourrait lui-même, avec toute l'objectivité que nous lui reconnaissons, nous la représenter par la suite et en faire un amendement en provenance du gouvernement.

Or, ceci dit, M. le Président, je crois bien que nous pourrions considérer que cet amendement est recevable et permet à tous ceux qui veulent le faire d'en discuter. Ce qui nous intéresse davantage c'est de permettre au ministre d'en discuter également.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Alors s'il n'y a pas d'autres membres du comité qui désirent exprimer des opinions sur la recevabilité de la motion, nous allons suspendre la séance durant dix minutes afin de me permettre de faire une synthèse des différentes opinions qui ont été émises et tenter de rendre une décision aussi objective et surtout aussi juridique que possible.

M. LOUBIER: Avant de suspendre je pense que le chef du Ralliement créditiste vous a tendu la perche. Selon ce que j'ai compris, il dit qu'il serait disposé à toutes fins pratiques à oublier momentanément la motion pour recevoir plutôt les commentaires du ministre de l'Education. Si les commentaires de celui-ci concluaient dans le sens d'une remodification ou encore d'un réaménagement de son article, je pense que les créditistes seraient prêts à retirer leur amendement si j'ai bien compris.

M. LE PRESIDENT: Si l'honorable député de Richmond décidait de retirer sa motion d'amendement, évidemment, cela m'empêcherait de rendre une décision et de peut-être faire jurisprudence.

M. SAMSON: M. le Président, je m'excuse, j'ai peut-être été mal compris par l'honorable chef de l'Opposition officielle. Il n'est pas question que le député de Richmond retire son amendement. Dans les propos que j'ai tenus, j'ai cru bon de vous faire savoir que, même si on voulait repousser cet amendement uniquement pour un vice de forme quelconque ou à tous points de vue, le ministre, lui, pourrait — parce que j'ai

l'impression qu'il est d'accord sur l'amendement — le présenter lui-même immédiatement.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je pense que je vais désappointer le député de Rouyn-Noranda, parce que je ne suis pas d'accord sur le fond. Il me place d'ailleurs dans un dilemme, puisque je ne voudrais pas perdre du temps avec la procédure; et ça explique dans un certain sens le fait qu'on n'a pas pris la parole. Je m'en remets entièrement à votre décision, M. le Président. Tous les arguments ont été invoqués pour et contre et je pense que le champ a été bien couvert. D'une autre façon, je ne voudrais pas, ne voulant pas perdre de temps avec la procédure, tomber dans le piège du député de Rouyn-Noranda et faire fi de nos règlements, puisque là je suis convaincu que nous pourrions perdre notre temps royalement, en discutant de tous les sujets possibles et imaginables qui peuvent nous intéresser. Je pense bien que quand même nous devons respecter l'esprit de nos règlements. Si on accepte tous les amendements qui peuvent venir de gauche et de droite, on risque de s'éloigner de l'étude même d'un projet de loi qui est fort important. Quand au fond de la question, peut-être que...

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue.

M. SAINT-PIERRE: Je voulais simplement renvoyer le député de Rouyn-Noranda aux discussions de la commission parlementaire.

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à 8 h 55.

(Suspension de la séance à 20 h 43)

Reprise de la séance à 20 h 56

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Les parties ouïes et après avoir délibéré, voici ce à quoi nous en arrivons: Tout d'abord, il y a une chose qui apparaît très claire, c'est que l'amendement proposé par l'honorable député de Richmond introduit sans contredit un nouveau principe. Et je cite textuellement une partie de la motion qui dit: "...pour respecter le droit à la représentation proportionnelle". Alors, on affirme d'une façon très explicite le principe de la représentation proportionnelle. Sur ce point, je n'ai pas de doute, je considère que l'amendement du député de Richmond repose sur un principe, c'est-à-dire qu'à ce stade je ne peux pas dire que c'est un nouveau principe, mais il y a sûrement un principe dans cet amendement qui est le principe de la représentation proportionnelle.

Maintenant, il y a l'autre question qu'on doit immédiatement se poser: Est-ce que ce principe de la représentation proportionnelle était déjà contenu dans le projet de loi no 28? Je pense que, même en l'analysant dans sa totalité, dans sa globalité, on ne retrouve nulle part, dans aucun des articles de ce projet de loi, ce principe de la représentation proportionnelle. Donc, j'en conclus — et c'est la première conclusion— que l'amendement du député de Richmond introduit un nouveau principe, un principe qui n'était pas déjà contenu dans le projet de loi no 28.

Et voici la deuxième question que l'on doit se poser: Est-ce qu'il est permis en comité de proposer des amendements qui introduisent un nouveau principe? Et ici, puisque on l'a invoqué, — j'ai pris des notes — en particulier, en relation avec cet aspect du problème, que l'amendement présenté par l'honorable ministre de l'Education introduisait un nouveau principe, un principe qui n'était pas déjà contenu dans le projet de loi no 28.

Or, pour en arriver à décider si cette prétention est fondée, il faut évidemment reprendre l'article 583 que l'on trouve déjà dans le projet original, tel qu'il a été déposé devant ce comité. Or, dans l'article 583, au deuxième alinéa, on dit bien: "Toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée par suite de l'application de l'alinéa précédent, nommer sur recommandation du ministre deux autres commissaires d'écoles pour des mandats d'une année scolaire, après consultation des présidents des comités consultatifs d'écoles de la minorité concernée." C'est ce qui était déjà dans le projet de loi no 28.

Or, ce qu'on retrouve dans l'amendement proposé par l'honorable ministre de l'Education, ce ne sont que des modalités différentes de ce principe. Le principe qu'on retrouve à l'article 583 est que le ministre pourra nommer des personnes dans certaines conditions.

Or, dans son amendement, le ministre vient tout simplement faire quelques changements. Il dit que ces personnes, au lieu d'être nommées pour un an, le sont pour quatre ans et qu'elles n'auront pas droit de vote.

Je considère donc que le principe qui sous-tend l'amendement du ministre était déjà contenu dans l'article 583. Tout ce que l'amendement du ministre vient faire, c'est de changer certaines modalités. Donc, quant à l'amendement du ministre, je ne crois pas que l'on avait à le déclarer irrégulier sous cet aspect, puisque, à mon avis, il n'introduisait pas un nouveau principe.

La dernière question à laquelle je dois répondre pour décider si l'amendement de l'honorable député de Richmond est recevable, c'est de savoir si, oui ou non, on a le droit de proposer en comité plénier des amendements qui peuvent introduire de nouveaux principes. Or, la meilleure source, c'est la loi elle-même ou, en l'occurrence, le règlement, qui dit, à l'article 566: "Un comité plénier peut apporter n'importe quel amendement à un bill public, pourvu que cet amendement se rattache au sujet du bill ou soit conforme à des instructions spéciales et qu'il ne soit ni incompatible avec le principe qui a été affirmé à la deuxième lecture, ni contraire aux règles et aux ordres de la Chambre".

La lecture de cet article nous donne déjà une indication au moins. Il découle de cet article au moins une présomption que l'on ne peut introduire un nouveau principe, laquelle présomption est confirmée par les auteurs et en particulier par Erskine May, 13e édition, à la page 404, qui dit "Amendments are out of order if they are irrelevant to the bill or beyond the scope of the bill or of the clause under consideration". Alors, je pense que "beyond the scope of the bill" s'applique vraiment ici. Je pense que le principe contenu dans la motion du député de Richmond va au-delà des principes déjà contenus dans le projet de loi no 28.

La même opinion est également exprimée par Bourinot, dans sa troisième édition de "The Parliamentary Procedure", à la page 663, où il dit à peu près la même chose, que l'on ne peut pas aller au-delà de "scope", de l'étendue des principes contenus dans le projet de loi.

Alors, pour toutes ces raisons, je crois de mon devoir de déclarer l'amendement du député de Richmond irrecevable.

M. LEVESQUE: Adopté.

M. PAUL: Qu'est-ce qui est adopté?

M. LE PRESIDENT: Et nous revenons à l'article 583.

M. LEVESQUE: L'article est adopté tel qu'amendé.

M. PAUL: Pardon? Pardon?

M. LE PRESIDENT: J'ai cité des auteurs parlementaires. J'aurais pu également citer, comme autre source, le député de Chicoutimi, qui a bien affirmé, à un moment donné, dans ses remarques — j'imagine qu'il s'inspirait des auteurs — que l'on ne pouvait pas — j'avais noté textuellement sa remarque — introduire de nouveaux principes dans l'économie d'un projet de loi. Alors, je tenais à citer le député, peut-être pas au même titre, mais à la suite des auteurs que j'ai déjà cités.

M. PAUL: Cela va venir. Cela va venir.

M. BROCHU: M. le Président, sur ce même article 583...

M. LE PRESIDENT: Nous revenons à l'ensemble de l'article 583.

M. PAUL: Oui, M. le Président.

M. BROCHU: Alors, dans cet article 583, à mon sens, il reste quand même certaines questions en plan et qu'il ne faudrait pas négliger, je pense, malgré le temps où on se trouve présentement et le nombre de projets de loi qui restent à voter puisque ce sont quand même des projets de loi relativement importants, tels que le bill 28.

M. LEVESQUE: Que le député ne s'excuse pas. Si quelqu'un avait à s'excuser, ce n'est pas le député qui parle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, cela a coûté combien?

M. BROCHU : Je crois qu'il y a quand même certaines questions très importantes qui sont laissées en suspens au niveau de l'article 583, entre autres, au niveau de la question de la langue, parce que — et je pense que ce n'est un secret pour personne, d'ailleurs on en a fait la discussion en commission parlementaire et nous avons eu suffisamment de discussions ailleurs aussi sur ce point là — il faut savoir qu'il n'y a pas encore de politique globale précise en cette matière-là au Québec. Malgré que cela fasse pas mal d'années ou de décennies que le désir d'une politique linguistique globale définie a été exprimé par la population et par divers corps intermédiaires, parce que nous sommes dans un contexte nord-américain, d'accord, mais nous sommes aussi dans le contexte d'un Québec français, nous sommes d'accord là-dessus.

Je n'ai pas l'intention d'élaborer plus longtemps sur le fait...

M. LEVESQUE: Cela serait hors d'ordre.

M. BROCHU: ... Cela serait d'ailleurs hors d'ordre, mais j'aimerais simplement mentionner au leader parlementaire — pour ménager votre patte, ne vous levez pas— que c'était simple-

ment un parallèle que j'étais en train de faire. Je reviens à la motion principale en disant que, malgré qu'il n'y ait pas de politique linguistique globale définie au Québec, cela ne devrait pas être là une raison quand même pour qu'à l'intérieur de certains projets de loi, y compris des projets de loi aussi importants que celui en discussion présentement, nous n'adoptions pas quand même là-dedans une certaine attitude précise qui soit au moins un embryon de politique linguistique. Et si même on ne pouvait aller, par l'attitude que nous allons adopter, jusqu'à dire que c'était même un embryon de politique linguistique globale au moins, qu'on puisse prendre des décisions qui respectent l'entité québécoise ou l'entité montréalaise —puisque le bill 28 s'applique à l'île de Montréal — telle qu'elle se retrouve dans le contexte culturel et social actuel.

Je pense que, par l'application de la loi 28 qui, dans son objectif, nous l'avons mentionné, peut être fort louable, puisqu'elle répond à un besoin qui existe et qui s'est fait ressent r, je pense, dis-je, que malgré cet objectif louable, nous devons absolument légiférer en fonction d'éviter certains imbroglios, certains conflits, certains heurts qui pourraient naître au n veau linguistique de la mise en application ce ce projet de loi si on ne prenait la peine et le temps nécessaire de l'étudier à fond et de voir à y apporter les correctifs qui, à ce moment-ci, nous semblent absolument nécessaires.

Je dis ceci non seulement pour répondre ici —je change d'argumentation, je renonce à celle que j'ai employée tout à l'heure en mentionnant le droit des minorités ou le respec , des minorités — mais aussi dans le but de protéger la majorité ou encore simplement de reconnaître par un cadre juridique les droits de cette majorité.

Je pense qu'à quelque palier que ce soit, lorsque l'on parle de majorité ou de minorité, nous devons quand même consacrer ces réalités-là dans un cadre législatif de sorte que la loi devienne un pendant à une situation qui existe, un pendant qui est peut-être un correctif ou qui veut améliorer une situation, mais qui réponde d'abord et avant tout aux besoins de la situation réelle, à la définition que l'on peut donner de cette situation réelle, de sorte que la loi atteigne véritablement son objectif dans son ensemble.

Devant ce fait, je pense que l'élection des commissaires dans les commissions scolaires qui seront formées devrait tenir compte de certains critères et en particulier du critère linguistique. Ceci pour éviter de se retrouver dans des situations où, par exemple, une majorité anglophone se retrouverait représentée par des commissaires francophones ou encore qu'une majorité francophone soit représentée par des commissaires anglophones, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on se trouve dans le monde de l'éducation. Nous ne sommes pas dans un système purement administratif mais les inci- dences en matière éducationnelle sont nombreuses et combien présentes aussi. Je pense qu'on n'a pas besoin d'élaborer longuement à ce sujet-là pour savoir que ceux qui administrent la chose scolaire au niveau d'une commission scolaire ont quand même dans leurs mains toute l'orientation de cette organisation scolaire, orientation qui touche l'aspect linguistique, qui touche l'aspect confessionnel, l'aspect social, l'aspect plus purement sociologique. Je pense qu'à ce moment-là, devant toute cette responsabilité, on ne peut pas concevoir l'éducation simplement comme une matière purement administrative comme on ferait avec la mise en boîte de certains légumes ou de certains produits. Il y a quand même là-dedans la formation de tout un peuple, la formation d'une nation et aussi le devenir de cette nation puisque, au niveau de l'éducation, les hommes qui se fabriquent aujourd'hui seront la nation de demain.

A ce sujet, M. le Président...

M. LEVESQUE: Est-ce que l'honorable député achève ses remarques? C'est parce que je serai obligé d'invoquer le règlement et c'est bien désagréable.

M. BROCHU: Je pense, M. le Président, que le leader parlementaire, même si c'est la veille des fêtes, même si c'est une fête qui semble être reconnue par tout le monde, peut attendre, pour ses invocations, d'être rendu encore plus près du moment fatidique.

M. le Président, devant tous ces faits, qu'il me soit permis de présenter une autre motion d'amendement à ce moment-ci. Devant cette réalité montréalaise que nous devons reconnaître et afin de donner suite à une réalité qui existe, qu'il me soit permis d'amender l'article 583 comme suit: "Que la motion en discussion soit amendée en y insérant, à la deuxième ligne, entre les mots "élus" et "conformément", les mots "selon une répartition devant assurer au groupe linguistique francophone et au groupe anglophone une représentation numérique proportionnelle au bassin de la clientèle concernée, clientèle francophone ou anglophone".

M. le Président, si vous me permettez...

M. LE PRESIDENT: Puis-je voir immédiatement la motion?

M. BROCHU: D'accord. Pour la question de recevabilité de cette motion, j'aimerais simplement mentionner...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous préjugez immédiatement qu'elle ne sera pas recevable?

M. BROCHU: M. le Président, j'ai quand même fait certaines études en psychologie. A voir le ressort qu'il y avait dans vos jarrets, j'ai

cru que votre intention était de déclarer non recevable cette motion.

M. CARDINAL: Pour être près du député de Richmond, je vais invoquer la non-recevabilité, M. le Président, et vous répéterez vos mêmes arguments. On ne recommencera pas.

M.BROCHU: J'ai l'impression, M. le Président, que les députés d'Unité-Québec refusent de discuter du fond, soit en matière linguistique ou confessionnelle.

M. LE PRESIDENT: A partir de maintenant, vous parlez de la recevabilité de votre motion.

M. BROCHU: Dois-je vous donner le privilège de dire qu'elle n'est pas recevable?

M. LE PRESIDENT: Non, non. Je veux vous écouter.

M. BROCHU: Bon. C'est bien gentil, M. le Président. Je serai le plus bref possible à ce sujet.

C'est que tout à l'heure, lorsque j'ai présenté une première motion globale, vous avez mentionné qu'elle n'était pas recevable. J'ai acquiescé à votre verdict. Vous avez mentionné, à ce moment-là, que l'amendement du ministre était recevable parce qu'il ne changeait pas le principe mais simplement une modalité de ce même principe.

M. le Président, en reconnaissant le besoin...

M. LE PRESIDENT: Je ferais remarquer à l'honorable député de Richmond que le texte qu'on vient de me remettre est exactement le texte de la motion antérieure.

M. CARDINAL: C'est la même chose. UNE VOIX: C'est l'émotion!

M. BROCHU: M. le Président, il y a certains députés qui passent des remarques. Je n'ai quand même pas l'impression que j'ai fait perdre le temps de la Chambre à venir jusqu'à maintenant. Les motions que je veux présenter, je ne veux pas les débattre inutilement. Je veux simplement qu'on se prononce sur le principe. Si elle n'est pas recevable, elle n'est pas recevable. Si on n'accepte pas le principe ou si le ministre n'accepte pas le principe, lui ou les autres députés de l'Opposition, je suis quand même prêt à le reconnaître. J'aimerais bien que les députés qui sont de l'autre côté et qui jappent conservent leur droit de parole pour l'extérieur du Parlement, au coin, lorsqu'ils retournent le soir.

M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Quand même, tel que le règlement le permet, le président, lorsqu'il considère qu'il est suffisamment éclairé, peut rendre sa décision.

Evidemment, après une lecture attentive et répétée de cette deuxième motion d'amendement, je retrouve — je tiens à le souligner et à le citer textuellement — "une représentation numérique proportionnelle au bassin de la clientèle concernée, clientèle francophone ou anglophone". Or, il est évident que cette motion introduit de nouveau le principe de la proportionnalité. Pour maintenir une certaine cohérence dans les discussions, je suis immédiatement obligé de déclarer cette deuxième motion irrecevable.

M. BROCHU: M. le Président, je m'excuse.

M. LE PRESIDENT: C'est-à-dire qu'en ce moment, je peux vous permettre de demander des directives mais non pas de discuter de la décision que je viens de rendre.

M. BROCHU: D'accord. Je vous demande des directives.

Pour bien situer ma demande de directives, je veux tout simplement mentionner que, tout à l'heure, lorsque vous avez déclaré la motion présentée par le ministre recevable, vous avez dit qu'il ne changeait pas le principe et qu'il avait le loisir d'incorporer, au niveau de l'article 583, une autre modalité. Mais le ministre, dans son amendement, demande que deux observateurs soient nommés pour représenter les minorités ou les autres groupes.

M. SAINT-PIERRE: C'était déjà dans le texte.

M. BROCHU: Oui, d'accord. Si on continue le même raisonnement...

M. LE PRESIDENT: Est-ce une directive que vous désirez?

M. BROCHU: Je voulais vous demander si on pouvait tenir compte de la première motion, qui avait été présentée par le ministre, pour juger celle-ci recevable, puisqu'elle ne change pas le principe même, mais simplement une modalité. Le principe de reconnaître les francophones et les anglophones, le ministre l'a reconnu dans l'article 583 en voulant même nommer des observateurs.

Nous allons simplement plus loin dans cette ligne-là, en disant que les commissaires doivent représenter la majorité francophone ou anglophone et les minorités en même temps, d'une façon proportionnelle.

M. LE PRESIDENT: La seule distinction, c'est que le député de Richmond va tellement plus loin qu'il introduit un nouveau principe dans l'article 583.

M. SAMSON: Non, non.

M. LE PRESIDENT: Je sais que les honorables députés du Ralliement créditiste, même

s'ils ont parfaitement le droit d'exprimer leurs opinions, sont suffisamment respectueux...

M. SAMSON: Nous vous faisons confiance.

M. LE PRESIDENT: ... de l'autorité et, en particulier, du président du comité...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme nous, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: ... comme tous les autres membres du comité, d'ailleurs, pour ne pas mettre en doute sa décision.

Je reconnais très bien, et c'est normal, que les honorables députés veuillent s'informer le plus amplement possible des motifs qui appuient les décisions que je peux être appelé à rendre. C'est, je pense, mon devoir d'éclairer non seulement les députés du Ralliement créditiste, mais tous les membres du comité.

Or, l'article 583 reconnaissait déjà ce principe d'avoir une représentation anglophone et francophone. Ce principe-là est déjà contenu dans le projet de loi.

Ce qui n'est pas contenu dans le projet de loi no 28, c'est le principe de la représentation proportionnelle. Le principe de la représentation anglophone et francophone, il est là; il est contenu dans le projet de loi. Si la' motion d'amendement proposée par le député de Richmond, celle en discussion, comme celle qui a été proposée tantôt, n'avait pas invoqué d'autre principe que la représentation anglophone et francophone, je l'aurais considérée comme recevable. Mais on va plus loin que ce principe de la représentation des anglophones et des francophones, comme le dit le député de Richmond. On va tellement plus loin qu'on introduit cette représentation sur la base de la proportionnalité. On introduit le principe de la représentation proportionnelle.

C'est la raison pour laquelle, tantôt, j'ai dû déclarer irrecevable la motion du député et c'est pour cette même raison que je dois déclarer la présente motion également irrecevable.

M. BROCHU: Est-ce que je peux poser une question?

M. LE PRESIDENT: J'avoue bien honnêtement que, si je devais considérer cette deuxième motion comme recevable, je me contredirais d'une façon absolument flagrante.

M. BROCHU: Par le fait que le ministre ait demandé que deux observateurs soient nommés pour représenter la minorité, est-ce que ce n'est pas déjà, là, introduire le principe d'une certaine proportionnalité?

M. LEVESQUE: M. le Président, même si nous voulons être larges...

M. LE PRESIDENT: La décision est rendue.

M. LEVESQUE: ... la décision est rendue; passons à autre chose.

M. LE PRESIDENT: Article 583. L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, avant d'adopter cet article d'une façon définitive, j'aurais deux questions à poser au ministre. Je respecte toutes les décisions qui ont été prises sur la question de la recevabilité, mais, tout de même, il y a des questions qui devraient être éclaircies.

Pour plus de précision, je poserais la question suivante à l'honorable ministre. Qu'arrivera-t-il si dans le territoire d'une commission scolaire, 53 p.c. de la population est francophone et 47 p.c. de la population est anglophone et que, par la division territoriale, il y a neuf commissaires anglophones d'élus sur quinze?

Est-ce que l'honorable ministre pourrait me dire quelle langue primera aux réunions des commissions scolaires? Comme un autre exemple, parce que je vois déjà des conflits et qu'il va y en avoir, dans quelle langue seront rédigés les procès-verbaux des réunions des commissaires scolaires? Je vais m'en tenir uniquement à ces deux points-là. C'est peut-être un point de départ, mais on pourrait aller, par la suite, dans d'autres domaines.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je pense que la question du député n'est pas pertinente à l'article 583. On pourrait peut-être la considérer plus loin. Si je me replace dans votre contexte, s'il y a neuf commissaires, dès qu'il y en a un qui est élu pour la minorité suivant l'article 583, le ministre n'intervient pas du tout.

M. LEVESQUE: Adopté.

M. ROY (Beauce): Vous n'avez pas répondu à ma question, M. le ministre. J'aimerais bien que vous me répondiez d'une façon claire et nette.

M. LEVESQUE: C'est tout ce que contient l'article.

M. ROY (Beauce): Alors, il n'y a aucune garantie en quelque sorte, ni pour la majorité, ni pour les minorités. Cela revient à dire ce que nous disions et c'est pourquoi nous avons voté contre la loi no 28. Dans la loi no 28, M. le Président, il est impossible d'insérer à l'article 583 une garantie sur le plan linguistique comme sur le plan confessionnel. Je pourrais poser la même question au ministre sur le plan confessionnel, par exemple dans une commission scolaire où vous avez 10 p.c. de la population qui est de confession protestante, 7 p.c. neutre et 83 p.c. catholique. On pourrait changer les chiffres, disons que pour la discussion j'ai pris ces chiffres-là. Alors quelle va être l'orientation pédagogique à partir de la structure de la

commission scolaire jusqu'au palier de l'enseignement direct?

M. SAINT-PIERRE: Je regrette, M. le Président, c'est la même réponse. Je pense que l'article 583 touche l'élection des commissaires. Si vous demandez: Dans les commissions scolaires unifiées quelle va être la couleur de la brique? Je vous répondrai que ce n'est pas 583 qui va déterminer la couleur de la brique dans les écoles. C'est aussi simple que ça, 583 c'est l'élection des commissaires. Je suis bien prêt à répondre à toutes les questions sur cet article, mais je ne suis pas prêt à passer un test sur les connaissances encyclopédiques, pour tenter de prévoir ce qui va se passer dans les moindres faits dans une commission scolaire unifiée.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne veux pas comparer les élèves avec la brique.

M. SAINT-PIERRE: Moi non plus mais...

M. ROY (Beauce): ... qui sert autrement dit à revêtir les écoles. Ce n'est pas mon intention du tout, mais tout de même je pense qu'il y a deux points assez importants sur le plan confessionnel et le gouvernement ne semble capable de donner aucune garantie.

Alors, nous en ce qui nous concerne, ça nous oriente davantage. Nous savons à quoi nous en tenir et nous savons à l'heure actuelle où le gouvernement se dirige.

M. CHARRON: M. le Président, j'ai écouté attentivement les questions du député de Beauce. Même si je ne partage pas complètement la façon dont il formule l'appréhension qu'il a, elle est quand même fondée; en particulier dans le cas de la commission scolaire no 8, si on se reporte à la carte actuelle, il est vrai que l'article 583 dit: "Chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires élus conformément..." avec les modifications qu'on a apportées. Mais dans le cas de la commission scolaire no 8, le ministre le sait, par l'affirmation du suffrage universel comme le fait l'article 583, est-ce qu'il ne pourrait pas se produire dans le résultat du vote — par le fait que dans cette commission scolaire en particulier c'est à peu près 50/50 entre anglophones et francophones, à cause d'un découpage électoral dont, je l'admets, nous parlerons plus loin à l'article 584— qu'un groupe minoritaire démographiquement se trouve majoritaire au lendemain des élections à la commission scolaire?

Est-ce que le ministère a envisagé cette possibilité, surtout quand il a envisagé la possibilité de remettre au conseil provisoire le loisir de déterminer une nouvelle carte où là ça pourrait se produire à deux ou trois exemplaires?

M. SAINT-PIERRE: Le conseil provisoire n'a pas le loisir de déterminer, mais le loisir de recommander la nouvelle carte. Maintenant, M. le Président, pour les mêmes arguments qui ont été invoqués, lorsqu'il y a un partage de population à 40/60 ou à 45/55, le gouvernement n'intervient pas, c'est le jeu de la démocratie. Nous acceptons que, dans un quartier donné, des gens de langue différente, de religion différente vont se choisir par le biais d'une élection un représentant dans le secteur scolaire. Si la proportion de francophones est de 45 p.c, on accepte que suivant le résultat de la démocratie les francophones pourraient avoir 40 p.c. de commissaires, comme ils peuvent en avoir 60 p.c. Le principe de l'article 583 est l'absence de représentation pour les minorités; ce n'est pas pour tenter d'ajuster proportionnellement le résultat d'un scrutin à la faveur d'un découpage de quartiers ou à la faveur d'un résultat d'une élection populaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'entends les raisons du ministre.

Il reste toutefois les problèmes qu'ont évoqués les députés de Beauce et de Saint-Jacques sont des questions sérieuses. Il y a notamment le problème de la langue de communication entre les différents secteurs de l'île de Montréal — je parle du domaine scolaire, bien entendu. M'attachant simplement à ce problème de la langue, je voudrais faire observer au ministre que lorsqu'il s'agira des communications entre les commissaires avec la population, avec les comités de parents, etc., il y aura toujours ce problème de la langue qui se posera.

J'en parle simplement dans l'optique d'une langue dite de communication. A quel article de la loi le ministre pourra-t-il nous dire ce que son gouvernement entend faire, entend proposer, à court terme ou à moyen terme, pour régler cette épineuse question de la langue? Nous avons admis avec le ministre que le projet de loi no 28 n'a pas pour but spécifique de régler les questions de langue. L'objectif du projet de loi n'est pas de proposer à notre adoption une politique globale de la langue. Mais il reste que, dans le cadre de ses nouvelles structures, il faudra penser à la langue de communication. Quelle sera cette langue, et de quelle façon le gouvernement pourra-t-il régler le problème qui permettra de donner à la langue française son statut de langue prioritaire et de langue d'usage, de langue de communication, de langue courante et, d'autre part, respecter les droits de la minorité?

Ma question est donc la suivante: A quel article précis de la loi, si tant est que le gouvernement veuille légiférer en cette matière et inclure dans ce texte de loi les prescriptions en ce qui concerne la langue, à quel article de la loi, dis-je, pourrons-nous greffer cette question précise de la langue, et à quel moment le ministre pourra-t-il nous faire connaître quelles sont ses intentions à cet égard et surtout nous remettre les amendements qu'il a annoncés et qu'il nous avait promis de nous remettre, il y a déjà quelques jours?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je pense que si je répondais à la question du député de Chicoutimi la réponse se retrouverait à l'article 44, mais ça ne le satisferait pas, car il n'y a que 43 articles à notre projet de loi.

M. le Président, je pense que, par esprit de cohérence, le moins que je puisse dire est de réitérer de nouveau devant le comité plénier une position du gouvernement qui a été énoncée en commission parlementaire, à savoir que nous ne pouvons considérer le projet de loi no 28 comme une panacée capable de résoudre le problème, particulièrement en matière linguistique. J'ai expliqué, il me semble, qu'il y a une démarche cohérente à faire, une démarche logique avant même de mettre en vigueur certaines recommandations d'une commission d'enquête fort importante constituée par le gouvernement précédent, il me semble cohérent, dis-je de notre part de terminer cette étape de recherche, avant de passer à l'action, avant d'entrer dans les faits des recommandations sur le plan linguistique. J'ai évoqué des parallèles, je pense qu'il aurait été anormal, dans le domaine de l'éducation, de prendre des décisions importantes avant d'avoir eu une première recommandation de la Commission Parent. De la même façon, il me semble qu'il aurait été illogique pour le gouvernement de poser des gestes importants en matière de services de santé avant d'avoir eu une première recommandation de la Commission Castonguay-Nepveu. De la même façon, puisque, depuis un siècle, c'est la première fois que nous avons investi — le gouvernement précédent et le gouvernement actuel qui a continué ce mandat — plusieurs millions dans une commission d'enquête qui s'est penchée sur le problème de la langue, je pense, compte tenu que nous devons avoir les résultats de cette commission d'enquête d'ici quelques mois — les premières recommandations tout au moins — qu'il serait illogique pour le gouvernement de poser les premiers gestes, de tenter dans un secteur donné de poser des gestes qui risqueraient, d'une part, d'être très sectoriels dans un secteur particulier et qui, d'autre part, risqueraient justement de tomber dans ce que souvent on appelle les "réformettes".

Je pense que le gouvernement n'a pas peur de s'engager dans un débat de fond sur la langue mais il ne croit pas qu'il serait à la fois opportun et pertinent de le faire à l'intérieur de la discussion du projet de loi no 28. Non pas que nous ayons peur de faire face à nos responsabilités, mais je pense que, comme législateurs, comme gouvernement qui a eu un mandat de quatre ans, nous devons prendre les choses dans un certain ordre. Je pense que c'est la liberté du gouvernement de décider de ses priorités en matière de législation qu'il doit mettre de l'avant, soumettre à l'étude de cette Chambre, et qu'il ne faudrait pas, à l'intérieur de chaque loi, particulièrement une loi comme celle-ci qui vise les structures administratives scolaires sur l'île de Montréal, y greffer des éléments partiels, sectoriels d'une politique linguistique.

De la même façon, M. le Président, je pense que le secteur de la langue déborderait celui de l'éducation et qu'il faudrait toucher à nombre d'autres secteurs. En d'autres termes, je pense, et la position que je prends reflète les préoccupations du gouvernement pour avoir été discutées, que le gouvernement n'a pas l'intention de reléguer aux oubliettes ce problème; il l'abordera au moment opportun et le moment opportun ne signifie pas, comme certains amendements qu'on a vus cet après-midi, 1975. Et s'il est vrai que le problème est urgent, sûrement le gouvernement ne voudra pas recourir à des amendements à la loi 28 qui n'auraient d'effet qu'en 1975. Si le problème est urgent, il faudra passer à l'action non seulement dans le domaine scolaire mais dans d'autres domaines.

Et la position du gouvernement c'est qu'actuellement le débat est inopportun, il ne se situerait pas dans un bon moment puisque, d'une part, le gouvernement va attendre le rapport Gendron et que, d'autre part, le but même de la loi, nous pourrons y revenir dans la discussion des amendements suggérés par le Parti québécois; les principes énoncés dans cette loi n'abordaient pas cette question.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'allais dire dont acte. Reprenons le sujet que le ministre a bien voulu aborder, en l'élargissant, comme il l'a fait, M. le Président, j'aurais une autre question à lui poser. Nous avons admis avec lui que le projet de loi no 28 n'avait pas pour but de régler le problème de la langue, que ce soit dans le domaine scolaire ou dans tous les autres secteurs de l'activité du Québec. Nous avons admis cela avec le ministre. Mais lorsque nous en avons parlé, nous lui avons fait des propositions. Etant donné que, comme le disait le ministre, nous nous trouvons dans une situation évolutive; étant donné, d'autre part, que la mise en vigueur de ce projet de loi, l'application de ce projet de loi se fera par étapes, est-ce que le gouvernement est prêt à considérer la proposition que nous lui avions faite qui était la suivante: Premièrement, d'envisager la possibilité de rappeler la Loi 63 ; deuxièmement, de modifier, parce que la loi 64 s'articule à la loi 63, la loi 64 et, pendant la période de temps qui se situera depuis le moment où cette Loi 28 sera votée et le moment où l'on commencera à la mettre en application, est-ce que le gouvernement peut s'engager à préparer sinon un projet de loi qui serait l'expression d'une politique globale de la langue mais un projet de loi qui comporterait suffisamment d'éléments pour qu'on connaisse exactement quelles sont les orientations de la politique gouvernementale, quels sont les objectifs de la politique gouvernementale, quelles

sont les étapes de la politique gouvernementale, quels sont les moyens de cette politique gouvernementale qui permettraient de faire du français au Québec, la langue prioritaire, la langue de travail?

J'ajoute, en rappelant les recommandations qui nous ont été faites, notamment, par les centrales syndicales: Tout cela dans le respect des droits de la minorité.

Comme je vois qu'il vient d'entrer, est-ce que le premier ministre pourrait me dire si la proposition que j'ai soumise au ministre des Affaires culturelles, à considérer cette proposition et à s'engager à nous soumettre d'ici peu —cela donne au gouvernement un délai ou un sursis de six à huit mois — cette politique de la langue qui manifesterait, de façon formelle et solennelle, la volonté du gouvernement, d'ailleurs exprimée par le premier ministre lui-même et par le ministre des Affaires culturelles, de faire du français au Québec la langue prioritaire, tout cela dans le respect des droits de la minorité?

J 'ajoute ceci pour qu'il n'y ait pas de confusion, pour qu'il n'y ait pas. non plus, d'équivoque quant à notre attitude. L'on sait que c'est notre gouvernement, alors que nous assumions la responsabilité de la chose publique, qui a fait adopter par l'Assemblée nationale la loi 63. Notre attitude n'est pas une attitude de recul, qui pourrait être interprétée comme une condamnation des actes que nous avons nous-mêmes posés. Mais on nous a représenté que la loi 63 comportait des dangers et que, d'autre part, elle n'avait pas produit les effets que l'on était en droit d'en attendre. Ce sont des constats que l'on a faits, que l'on nous a soumis. Je ne puis pas vous dire si ce qu'on nous a dit sur les effets néfastes de la loi 63 est exact et si la situation est aussi mauvaise qu'on l'a décrite.

Mais, compte tenu de tout cela, je vous dis que nous sommes prêts, quant à nous, à réviser notre proposition, à poursuivre notre démarche, puisque notre gouvernement a été, quoi qu'on dise et qu'on fasse, le premier à prendre cette initiative de légiférer en matière linguistique et de manipuler publiquement cette chose extrêmement explosive au Québec, à savoir la langue française. Vous savez — je le dis rapidement — dans quel contexte nous avons dû le faire, alors que nous avions à régler un conflit, celui de Saint-Léonard, qui risquait de provoquer une conflagration générale.

Il y avait un foyer d'incendie; nous avions toute raison de croire que cela pouvait dégénérer en une conflagration.' Nous avons donc légiféré dans un contexte extrêmement difficile, mais, comme je le disais tout à l'heure, nous avons, depuis lors, réexaminé notre attitude. Nous poursuivons notre démarche. Nous cherchons, avec tous les gens de bonne volonté, une solution à un problème épineux qui, je le répète —mon collègue, le député de Maisonneuve, le rappellera encore sans doute tout à l'heure — quelles que soient les lois que nous adopterons, restera, à bien des égards, insoluble.

M. BURNS: Insolubles également.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je dis et je répète à bien des égards insolubles. D'ailleurs, le problème de la langue au Québec se pose comme il se pose dans certains pays où, après des siècles, on n'a pas réussi encore à la résoudre à la satisfaction de tous les citoyens. Je soumets cette proposition au ministre de l'Education mais plus encore au premier ministre, et je souhaiterais que M. le premier ministre veuille bien ce soir, en Chambre, se commettre comme il l'a fait déjà à l'occasion de déclarations publiques quand il s'est engagé à faire du français la langue de travail, à lui donner un statut de langue prioritaire en respectant toutefois les droits de la minorité anglophone.

M. LAURIN: Avant que le premier ministre ne réponde à cette question, j'aimerais revenir sur la première question que le député de Chicoutimi posait au ministre tout à l'heure et à laquelle le ministre de l'Education a répondu en rappelant la position qu'il avait adoptée lors de la commission parlementaire. Lors de la commission parlementaire, le ministre — qui l'a d'ailleurs rappelé tout à l'heure — avait répondu en énonçant une position officielle qui était celle-ci : Une commission a été créée qui travaille depuis trois ans. Nous attendons son rapport. Dès que son rapport nous sera connu, nous en tiendrons compte et nous essaierons d'incarner sa réponse dans des recommandations et même dans des législations précises. Quand j'entendais tout à l'heure le ministre rappeler au comité plénier cette réponse qu'il faisait en commission, je pensais qu'il se mettait lui-même en contradiction avec celui qui est devenu le premier ministre et qui était, au moment où la loi 63 a été passée, simple député de Mercier et critique financier de son parti. En relevant le journal des Débats, on peut trouver cette déclaration du député de Mercier. Je rappelle qu'à ce moment-là, au moment où le premier ministre a fait cette déclaration...

M. BOURASSA: Laquelle?

M. LAURIN : Je vais vous la citer.

M. BOURASSA: Est-ce que le député pourrait la citer?

M. LAURIN: Au moment, dis-je, où le député de Mercier faisait cette déclaration, la commission Gendron avait déjà été créée depuis près d'un an, depuis onze mois, pour être plus exact, et elle était suspendue comme aujourd'hui au-dessus des têtes des députés qui pouvaient s'y référer soit d'une façon positive, soit d'une façon négative. C'est précisément d'une façon négative que s'y référait le député de Mercier lorsqu'il disait par exemple, journal des Débats, volume VIIl, tome IIl, page 3477. "Mais je ne vois pas en quoi la création d'une commission comme celle-là, en admettant la

compétence de tous ces membres et le travail délicat, difficile et essentiel qu'ils doivent faire, je ne vois pas, dis-je, comment la création de cette commission se trouve à paralyser l'action du gouvernement devant un problème aussi pressant." C'était le député de Mercier qui, à ce moment-là, invitait le gouvernement à ne pas tenir compte des conclusions de la commission Gendron et à passer immédiatement à l'action. Il invoquait à l'appui de sa thèse un autre argument que j'ai relevé également dans le journal des Débats, volume VIIl, tome IIl, une page plus loin, à la page 3478. Je cite à nouveau le député de Mercier qui disait — pour enchaf-ner avec ce que je viens de citer — "Le gouvernement pour ces raisons, doit agir tout de suite sinon...

M. BOURASSA: Est-ce que le député aurait une copie?

M. LAURIN: Je vais finir votre citation, M. le Premier ministre, c'est trop intéressant! "Le gouvernement, pour ces raisons, doit agir tout de suite, sinon sa responsabilité sera très lourde sous tous les rapports car — et voilà le coeur du problème que nous, nous n'avons cessé de répéter depuis un an et demi, depuis 19 mois maintenant — la question linguistique va au coeur du problème québécois beaucoup plus que d'autres questions comme la question de structures politiques.

C'est le député de Mercier qui disait qu'on ne pouvait pas séparer la question...

M. BOURASSA: Etes-vous d'accord avec cela...

M. LAURIN: ... de la langue de la question de structures.

M. BOURASSA: ... que la question linguistique est plus importante que la question constitutionnelle?

M. LAURIN: Le premier ministre, alors député de Mercier, terminait en disant: La question linguistique va véritablement au coeur du problème québécois. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas comprendre l'attitude du ministre qui répète ce que le gouvernement d'alors disait: Attendons les recommandations de la commission Gendron avant de régler des problèmes linguistiques. Alors que, dans ce temps-là, c'est le député de Mercier qui disait: Il ne faut pas attendre les conclusions de la commission Gendron, il ne faut pas séparer le problème de la langue et le problème de la structure.

Justement, la première question du député de Chicoutimi montrait très bien à quel point on ne pouvait pas séparer les deux questions puisqu'il vous a posé la question suivante, qui est très simple: Quelle sera la langue de communication au sein des commissions scolaires? Il n'y a aucun article, dans le projet de loi, qui en parle. Et même, le ministre a dit: Il faudra ajouter un 44e article pour en parler. Comme si c'était un problème absolument différent! Le député de Mercier lui-même, il y a deux ans, disait: On ne peut pas séparer les questions de structure et les questions de langue...

M. BOURASSA: Je ne parlais pas du bill 28.

M. LAURIN: ... parce que la question de langue va au coeur du problème québécois. C'est tellement viscéral et c'est tellement important qu'on ne peut pas les séparer. Il faut les envisager ensemble et il faut les régler ensemble, du moins dans un secteur très précis comme celui-ci, quitte à attendre, ensuite, pour que, dans des questions beaucoup plus générales, on attende la suite de la politique linguistique du gouvernement qui, elle, peut-être sera réglée selon des modalités précises, selon ce que nous dira la commission Gendron sur la langue de travail, sur l'étiquetage, sur l'affichage ainsi que sur tous les autres secteurs qui ont fait l'objet de son étude.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, il est très difficile pour nous d'accepter la réponse que le ministre de l'Education donnait tout à l'heure à la question du député de Chicoutimi, surtout à la lumière des témoignages qui nous viennent de l'histoire, que nous avons été chercher dans le journal des Débats et qui représentent l'opinion du premier ministre actuel.

Il reste maintenant au premier ministre de nous dire s'il est capable de désavouer ses paroles d'il y a deux ans, s'il va se dédire, s'il va, en somme, nous montrer qu'il est devenu un homme différent parce que le hasard des choses a fait qu'il est devenu tout à coup le premier ministre. Nous nous attendons à plus de logique, à plus de cohérence dans l'attitude du premier ministre.

UNE VOIX: Attendez donc qu'il ait parlé avant.

M. LAURIN: C'est la raison pour laquelle nous attendons sa déclaration.

M. BOURASSA: M. le Président, il y a plusieurs questions...

M. BROCHU: M. le Président, sur ce fait, si le premier ministre me permet...

M. BOURASSA: ... qui ont été soulevées. UNE VOIX: Laissez-le répondre.

M. SAMSON: Avant qu'il ne réponde, c'est sur le même sujet.

M. BOURASSA: J'ai déjà eu l'occasion de donner mon point de vue. En citant le député

de Bourget, pour prendre sa dernière question, à savoir s'il est vrai que j'ai dit qu'il ne fallait pas être paralysés en attendant le rapport Gendron, c'est bien ce que nous avons fait depuis que nous sommes au pouvoir puisque nous avons adopté le bill 64, puisque nous avons adopté une directive administrative, puisque nous avons accru considérablement l'Office de la langue française. Donc nous avons posé — je pourrais en citer d'autres — des gestes...

M. CHARRON: General Motors. C'est fantastique.

M. LE PRESIDENT: S'il vous plait!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourrais-je poser une question au premier ministre?

M. BOURASSA: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lorsqu'il parle d'une directive administrative, ne s'agit-il pas tout simplement de la confirmation d'un geste posé par le gouvernement dont j'étais membre?

M. BOURASSA: M. le Président, ce n'est pas comme cela qu'on nous l'a présentée lorsque nous avons fait adopter cette directive. Selon les informations qui nous ont été soumises à ce moment-là, il ne s'agissait pas de confirmer un geste. Mais là, on pose toutes sortes de questions. Le député de Saint-Jacques soulève la question de General Motors. Il n'aura qu'à communiquer avec les dirigeants syndicaux de la compagnie...

M. CHARRON: En anglais ou en français?

M. BOURASSA: ... pour se rendre compte de l'amélioration considérable de la situation pour les employés de General Motors.

M. le Président, comme je l'ai dit, il est évident que le seul chef du gouvernement francophone en Amérique du Nord ou le seul gouvernement francophone en Amérique du Nord ne peut pas se défiler devant ses responsabilités vis-à-vis de l'avenir culturel des Québécois francophones. C'est pourquoi nous avons déjà posé des gestes bien concrets et bien positifs pour atteindre cet objectif. Cela fait partie du programme du Parti libéral. Nous n'avons pas été élus pour faire disparaître la langue française, bien au contraire.

Bien au contraire, c'est l'une des priorités de notre gouvernement, même si, comme l'a reconnu le député de Chicoutimi dans sa question fort pertinente, c'est une question complexe, une question explosive, une question difficile au Québec, parce qu'en fait les deux groupes ethniques principaux se sentent en position de minorité; le groupe anglophone par rapport à la majorité francophone du Québec et le groupe francophone par rapport à la majorité anglophone du Canada.

Donc, les deux groupes veulent le plus de garanties importantes pour assurer leur sécurité culturelle. C'est donc un problème difficile. Mais nous avons posé des gestes et nous avons l'intention d'en poser d'autres avant la fin de notre mandat. Nous voulons proposer une politique linguistique cohérente, aussi rapidement que possible. On parle du rapport Gendron. Lorsque j'ai fait ce discours-là, le rapport n'avait, à ma connaissance, aucun élément de solution.

Or, là, le président lui-même dit qu'il va soumettre la première tranche dans quelques semaines et que, d'ici à la fin de l'année, à la suite de discussions que nous avons eues avec lui et que le ministre des Affaires culturelles a eues également avec les membres de la Commission Gendron, ou ils terminent le rapport ou ils nous remettent complètement tout ce qu'ils ont fait. Donc, il y a un délai très précis : la fin de 1972, alors que l'amendement proposé par le Parti québécois ne s'applique qu'en 1975.

M. BURNS: Est-ce que le premier ministre me permet une question?

M. BOURASSA: Avec plaisir.

M. BURNS: Il vient de dire que la commission Gendron doit soumettre un rapport d'ici quelques semaines. N'est-il pas vrai, M. le premier ministre, que le rapport doit porter d'abord sur la langue de travail et non pas sur la langue d'enseignement?

Deuxième question: En quoi cela justifie-t-il votre attitude, alors que nous discutons du bill no 28 actuellement qui, dans le fond, s'occupe beaucoup plus du problème de l'enseignement que du problème de la langue de travail?

M. BOURASSA: Il y a eu toute une série de questions — je comprends que le député était peut-être pris à une réunion de comités, etc — depuis vingt minutes sur le problème de la langue et j'ai pensé de parler de ces problèmes. Il y a la question des immigrants, la question du français comme langue de travail. Tout cela doit être remis, au plus tard, à la fin de 1972 et, si les rapports ne sont pas complétés, il est entendu — le ministre des Affaires culturelles pourra le confirmer — qu'on va nous remettre les documents. Donc, il ne peut pas y avoir tellement de délais.

M. CHARRON: Le premier ministre me permet-il une question?

M. BOURASSA: Si ça peut abréger les débats.

M. BURNS: Cela va sûrement aider.

M. CHARRON: C'est sur le rapport de la commission Gendron.

Est-ce que le premier ministre est du même

avis que l'était le chef du Parti libéral au moment du débat qui a entouré le bill no 63, en 1969, lorsqu'il disait: "L'Union Nationale, qui est incapable de faire l'unanimité dans ses rangs, camoufle son inaction en créant une commission dont les recommandations seront peut-être dépassées lorsqu'elles seront publiées". Journal des Débats, volume VIIl, tome 3, page 3379.

M. BOURASSA: Ce n'est pas nouveau. Cela fait plusieurs fois que le député rappelle ces citations-là. J'ai répondu tantôt que nous avions proposé des mesures; je les ai énumérées. Le député a voté pour le bill no 64; il a même louangé le bill no 64 que nous avons proposé. Nous n'avons pas attendu le rapport Gendron.

Il reste que, quant à la question qui était soulevée cet après-midi, nous préférons, d'abord, avoir des statistiques un peu plus complètes, d'autant plus que l'amendement ne s'applique qu'en 1975. Nous préférons, étant donné que le travail est presque complété, selon les responsables mêmes, attendre quelques mois avant de proposer une politique linguistique cohérente.

Je pense que c'est agir comme un gouvernement responsable que de ne pas agir avec précipitation à propos d'une question aussi délicate et aussi fondamentale pour l'avenir des Québécois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le premier ministre pourrait — comme il a commencé de le faire — ou le ministre de l'Education ou le ministre des Affaires culturelles répondre de façon précise à la question que j'ai posée, à savoir: Est-ce qu'il est disposé à rappeler la loi no 63, à modifier la loi no 64 dans la période de temps que j'ai indiquée tout à l'heure, depuis le moment où la loi no 28 sera adoptée jusqu'au moment où on commencera à la mettre en application? Est-ce qu'il est prêt à nous dire que son gouvernement va nous présenter un projet de loi qui, s'il n'est pas vraiment l'expression d'une politique globale de la langue, nous en donnera les articulations majeures, les orientations, les étapes et nous indiquera dans quel domaine cette éventuelle législation s'appliquera, afin qu'une fois pour toutes on puisse répondre aux exigences des citoyens qui s'agitent et qui risquent encore une fois de descendre dans la rue et de nous poser le problème dans un contexte émotif qui empêchera à ce moment-là le législateur de travailler en toute objectivité et sécurité au règlement d'un problème extrêmement difficile et dont j'ai dit tout à l'heure qu'il était énormément explosif.

M. BOURASSA: M. le Président, disons que nous sommes un peu hors d'ordre, mais nous pouvons peut-être consacrer quelques minutes à essayer de clarifier le débat en cause. Comme l'a dit le ministre de l'Education, à plusieurs reprises, il n'est pas prouvé encore, d'après les chiffres qui nous ont été donnés, que le bill 63 a eu des effets néfastes. Je l'ai dit lors du discours de clôture au congrès libéral — c'est clair, je l'ai dit et je le répète — nous ne pourrions pas nous défiler devant nos responsabilités s'il était prouvé que le bill 63 met en danger la sécurité culturelle des Québécois francophones.

Il faudrait alors songer à apporter des amendements d'une façon ou d'une autre. Un amendement a été proposé par le Parti Québécois, peut-être que d'autres ont été proposés également par les autres partis.

M. BURNS: J'invoque le règlement. Je n'ai pas du tout l'intention d'interrompre ce débat qui semble devenir très très intéressant, mais nous sommes à l'article 583, lequel parle des commissions scolaires qui sont composées de quinze commissaires élus. Nous avons remarqué que son excellence M. le vice-président de l'Assemblée nationale, a accepté une nouvelle tournure au débat. Je voudrais, M. le Président, dès maintenant, vous dire, ainsi qu'à tous les membres du groupe ministériel, ainsi qu'à toute autre personne qui pourrait penser autrement, que je m'inscris en faux contre le fait que, quand nous arriverons éventuellement à l'article 586, on pourra invoquer qu'un débat a eu lieu sur un problème de langue.

Si c'est l'intention de quiconque, dans cette Chambre, j'aimerais qu'on nous le dise, que ce soit le premier ministre, le député de Chicoutimi ou quiconque d'autre a pu soulever le problème. En ce qui nous concerne, ce n'est pas du tout notre intention. Si le problème ne se pose pas à cet égard, je retire ma question de règlement et on pourra continuer. Mais je voudrais immédiatement, M. le Président, une directive de votre part; si vous me dites que le fait de discuter à ce moment-ci à l'article 583, des problèmes de langue pourrait nous empêcher d'en discuter à l'article 586, je m'inscris en faux. Parce que tout le monde sait que le gouvernement ne veut pas discuter du véritable problème, ne veut pas qu'on discute exactement. Tout le monde sait ça.

M. BOURASSA: Il prête des intentions.

M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président, l'article 285 m'empêche de prêter des intentions aux députés; je les prête à toute "la gang" l'autre bord là. Toute "la gang", ça va? C'est à peu près comme quand on me dit...

UNE VOIX: Le gang.

M. BURNS: ... que je n'ai pas le droit de défendre René Lévesque. Lorsque René Lévesque se fait attaquer en Chambre, on dit: Ce n'est pas un député. Tout le monde me sourit, puis je dis: Bien oui, qu'est-ce que vous voulez, l'article 285, dix-neuvièmement, m'empêche de défendre quelqu'un qui n'est pas en cette

Chambre. Quelqu'un qui n'est pas en cette Chambre actuellement c'est le gouvernement de toute façon, il n'est jamais là.

M. BIENVENUE: Ah!

M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement soulever ce problème-là. Je veux vous dire, M. le Président, que je ne veux pas qu'on nous fasse des petites "formiquettes" — vous n'aimerez peut-être pas le mot — comme on nous en a faites samedi soir. En ce qui me concerne, je n'accepterai pas ça. Si c'est l'intention du gouvernement actuellement, soyez certains qu'on la voit venir.

M. BIENVENUE: J'invoque le règlement.

M. BURNS: Si ce n'est pas l'intention, bravo on continue, puis je n'ai aucun problème; mais j'attends une directive de votre part, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président.

M. BIENVENUE: J'avais indiqué que je voulais prendre la parole sur la question de règlement soulevée par le député de Maisonneuve.

A chaque jour suffit sa peine, M. le Président. Nous ne sommes pas ici avec ou sans intention. L'article 586 viendra en son temps. Nous suivrons le règlement au moment de l'étude de l'article 586. Le premier ministre a voulu de bonne grâce, même si c'était absolument irrégulier, pour autant que nous sommes concernés...

M. BURNS: Voilà, faites ce que vous voulez.

M. BIENVENUE: Je termine. Le premier ministre a voulu de bonne grâce...

M. BOURASSA: Je l'ai dit.

M. BIENVENUE: ... et il l'a dit lui-même, même si c'était complètement irrégulier face à la teneur de l'article 583, répondre aux questions du député de Chicoutimi, à celles du député de Bourget et à celles du député de Saint-Jacques. Le premier ministre a répondu de bonne grâce aux questions qui lui étaient posées. Tout le monde était d'accord pour que ce débat, ces questions et ces réponses aient lieu, se déroulent devant la Chambre. Mais, pour ce qui est de l'article 586, nous ne présumons de rien, nous n'avons aucune intention et, pour autant que je suis concerné, au nom du gouvernement, je pense que ce débat en dehors des cadres a suffisamment duré.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur le rappel au règlement, M. le Président, je voudrais, à la suite du député de Maisonneuve et du député de Matane, vous faire observer que c'est à la suite d'une question que j'ai posée au ministre de l'Education, question qui était la suivante: A quel article du projet de loi pourrons-nous greffer un nouvel article, une prescription ou un amendement portant sur la langue? C'est, dis-je, à la suite de la question que j'ai posée au ministre et de sa réponse, que j'ai été appelé, incité à poser la question qu'on connaît, au ministre de l'Education, au ministre des Affaires culturelles ou à M. le premier ministre.

Mon intention n'était pas du tout de devancer l'analyse de l'article 586. En ce qui me concerne, M. le Président, si le premier ministre veut bien continuer de répondre à la question que je lui ai posée, j'en serai fort heureux, mais je n'avais pas du tout l'intention, en posant ma question, d'empêcher qui que ce soit de reprendre le sujet, d'instituer un nouveau débat lorsque nous en viendrons à l'analyse de l'article 586.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Sur la question de directive, je commence à me demander si la rigueur n'est pas encore la meilleure solution dans la conduite des travaux de notre Chambre.

Sur l'article 583, voulant manifester une certaine largeur, une certaine libéralité, et considérant que l'article pouvait d'une façon peut-être très indirecte mais au moins d'une façon indirecte faire allusion à ces questions de langue, puisqu'on parlait de représentations d'anglophones et de francophones, j'ai laissé aller le débat sur la question de langue. J'en conviens, si j'avais appliqué le règlement d'une façon ferme, rigoureuse, je n'aurais pas dû permettre ce débat. Encore une fois, j'ai cru comprendre que tous les membres du comité étaient tacitement d'accord pour aborder, au moins par le biais, cette discussion.

Ayant permis maintenant à l'honorable député de Chicoutimi et à l'honorable député de Bourget d'exprimer certaines opinions sur la question je me vois difficilement refuser au parti ministériel et même au Ralliement créditiste, qui, depuis fort longtemps manifeste avec impatience le désir de prendre la parole, le droit de continuer le débat, je ne vois pas comment, je pourrais maintenant, mettre fin abruptement à ce débat.

Mais comme nous sommes plus ou moins dans la légalité, j'inviterais ceux qui auront à prendre la parole sur cette question à tenter de synthétiser leur pensée afin que nous soyons le moins longtemps possible dans cette région de l'illégalité qui me fait personnellement beaucoup souffrir.

M. BURNS: M. le Président, seulement sur ce point, je vais être très bref, je m'excuse auprès du député de Richmond, je comprends que vous allez laisser aller le débat dans la voie où il s'est engagé, mais que ça ne sera pas un débat en ce qui concerne les problèmes qui pourraient être soulevés à l'époque de l'article 586.

Si c'est ça, M. le Président, je m'y oppose formellement.

M. LE PRESIDENT: Il est évident — je regrette, mais j'ai omis d'ajouter ceci — que, si d'autres articles se prêtent à une discussion sur le problème de la langue, je n'aurai aucune autorité pour empêcher le débat. Il s'agit de savoir s'il y a des articles qui, en fonction du règlement, permettront de faire le débat. Mais je ne peux pas, comme le dit le député de Matane, je pense, avec raison, préjuger des délibérations. Je ne me fonderai pas sur le fait qu'on en parle maintenant pour déclarer ce débat hors d'ordre. Le seul corridor qui déterminera si, oui ou non, un éventuel débat sur la même question peut être permis, ce seront les articles de la loi que l'on étudiera à ce moment-là.

M. BIENVENUE: M. le Président, sur la question qui est en discussion actuellement, je ne prends pas d'engagement au nom du gouvernement de ne pas soulever la question de règlement. Si mon bon ami, le député de Richmond, revient sur cette question, que nous avons jugée nous-mêmes en marge de l'article 583, je ne m'engage pas à ne pas soulever la question de règlement. J'ai dit, tout à l'heure, que le premier ministre, de bonne grâce, avait consenti à répondre aux questions des trois députés qui ont parlé.

Cela ne veut pas dire que nous soyons pour autant dans la légalité. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour dire que nous sommes en marge de l'article 583. Je ne vois pas pourquoi nous devrions continuer, même si ce que le député de Richmond a à nous dire est intéressant, sur la question linguistique. Je pense que nous ne devrions pas parler de la question linguistique, même si, jusqu'à maintenant, nous en avons parlé.

M. LE PRESIDENT : Si les membres du comité consentent unanimement à réserver leurs remarques pour plus tard, j'en prendrai acte, mais, comme je l'ai dit tantôt, je ne peux pas empêcher un débat.

M. BROCHU: M. le Président, je n'ai pas l'intention de reprendre tout le débat. Cependant, les autres partis de l'Opposition ont eu le loisir de s'exprimer quelque peu sur cette question épineuse de la langue, à la suite d'une simple question, qui semblait bénigne, de mon collège le député de Beauce. Il demandait simplement au ministre de l'Education, dans le cadre de l'article 583, en quelle langue se feraient les séances de la commission scolaire — je ne me rappelle plus le nom — où il y a 53 p.c. d'anglophones et 47 p.c. de francophones et, à partir de cette simple question, le débat s'est engagé sur la langue.

M. le Président, j'ai eu l'occasion de mentionner rapidement, tout à l'heure, que le débat que nous avons eu l'occasion d'avoir, il y a quelques minutes, à ce sujet montre comment la situation peut être confuse au point de vue linguistique au Québec, à l'heure actuelle, quoi qu'on en dise. Dès que la question est amenée sur la table, on voit se lever un paquet de gens qui ont énormément de choses à dire et à revendiquer à ce niveau. Je pense que ça nous suffit pour montrer l'imbroglio qui existe à ce niveau.

Quant à notre position sur le bill 63, M. le Président, nous avons eu l'occasion de la faire connaître il y a passablement de temps, puisque nous avons demandé, à l'extérieur de la Chambre et en commission parlementaire aussi, lors de l'étude du bill 28, que le bill 63 soit tout simplement retiré. Le premier ministre, tout à l'heure, a dit: Nous n'aurons pas de raison de le rappeler s'il n'est pas prouvé qu'il a des effets néfastes. Il voulait dire: S'il nous est prouvé qu'il a des effets néfastes, nous l'enlèverons.

Je pense, M. le Président, que c'est un raisonnement par la négative et qu'il nous faut, quand même, prendre des dispositions immédiatement. Je vais plus loin que le député de Chicoutimi, qui mentionnait que c'était une première attitude linguistique légale qui avait été prise au Québec. A mon sens ce n'est même pas une tentative timide, puisqu'une tentative, si timide soit-elle, implique un pas en avant et que le bill 63 ne faisait simplement que reconnaître un état de fait et un choix en particulier pour les immigrants quant à la langue, c'est-à-dire la langue anglaise ou la langue française.

A ce point de vue, M. le Président, nous réitérons notre demande de retirer immédiatement le bill 63. Nous n'avons pas à prouver qu'il a des effets néfastes, puisqu'il est inutile. Nous demandons simplement au gouvernement de prendre les décisions, puisque c'est lui qui a la responsabilité première en cette matière et que la commission Gendron — j'espère qu'elle viendra un jour à déposer son rapport — mais je pense que le gouvernement n'a pas à attendre cette commission pour commencer à prendre des décisions précises en matière linguistique.

M. BIENVENUE: Adopté?

M. SAMSON: M. le Président, quant l'article 583, nous regrettons malheureusement que le gouvernement ne nous ait pas soumis des amendements nous offrant suffisamment de garanties. Quand je dis nous, je sous-entends la population. En fait, l'article 583 permet l'élection de quinze commissaires, et il a des dispositions uniquement dans le cas où la majorité linguistique francophone ou anglophone ne sera pas suffisamment représentée.

Or, il se trouve que les dispositions de cet article permettant l'élection des quinze commissaires aux différentes commissions scolaires se fera en vertu de l'article 583, sans distinction de la langue de la majorité ou encore, sans distinc-

tion de la religion de la majorité. Ce qui, au point de vue pratique, consacre les commissions scolaires neutres. Evidemment, nous savons qu'en éducation la neutralité n'existe pas tellement longtemps. Un jour ou l'autre, on se retrouve d'un côté ou de l'autre, c'est-à-dire que cela redevient confessionnel, catholique ou protestant. Or, qu'est-ce qu'il pourrait arriver si on laissait l'article 583 comme tel? Nous pourrions nous retrouver, dans un secteur donné, où la majorité serait, par exemple, catholique avec des commissaires qui, eux, seraient en grande majorité des protestants ou vice versa. Du côté de la langue, c'est exactement la même chose. Si la majorité linguistique est francophone, on pourrait se retrouver, en vertu de l'article 583, avec la majorité des commissaires qui seraient des anglophones.

Or, nous croyons très sincèrement que cet article 583 — j'espère que le ministre, d'ici la fin de nos discussions, voudra bien le changer, même s'il fait signe que non avec un large sourire — est un des articles les plus importants de ce bill 28. Je ne crois pas qu'on serait bienvenu de le laisser passer comme tel, sans, au moins, faire les efforts nécessaires pour rendre justice aux majorités qui seront concernées, soit les groupes catholiques ou protestants, selon le cas ou soit les groupes anglophones ou francophones, selon le cas.

A notre point de vue, ce n'est pas rendre justice à ces majorités. Ce n'est pas non plus respecter la démocratie puisque, en démocratie, nous respectons généralement la majorité. Pour le peu de démocratie qui nous reste dans notre province de Québec, je pense que nous devrions prendre en haute considération ces faits et ne pas risquer que, par l'article 583, cela devienne l'assimilation de la majorité avec la bénédiction du gouvernement.

Le premier ministre, tantôt, a souligné, avec raison d'ailleurs, que son gouvernement justement envisage une politique linguistique, envisage de permettre de plus en plus que la langue française devienne la langue de travail. Or, justement, dans le contexte de ces prévisions gouvernementales, si nous adoptons le bill 28 avec l'article 583 tel qu'il est là, c'est justement à l'encontre des désirs exprimés par le premier ministre. Il y a un risque, en vertu de l'article 583, il y a un risque, tout simplement du côté linguistique, d'un suicide de la langue française.

Or, comment voulez-vous que nous puissions croire à la bonne foi du gouvernement qui nous exprime son désir de présenter devant cette assemblée, à plus ou moins brève échéance, une politique linguistique, lorsque l'on sait que, si l'on veut un jour obtenir que le français soit reconnu comme langue de travail au Québec, il faut au moins prévenir. La prévention, ça voudrait dire qu'on reconnaisse le français, qu'on le reconnaisse dans l'éducation à tous les niveaux. Si on ne le reconnaît pas avec les garanties suffisantes, nous risquons que la politique linguistique du gouvernement qui viendra peut-être un jour ne soit pas facilement applicable parce que nous aurons détruit à la base le système de l'éducation, les garanties possibles.

Les travailleurs de demain sont les gens qui bénéficient aujourd'hui de notre système d'éducation. Si on ne les prépare pas en conséquence, si on ne les prépare pas aujourd'hui en leur permettant certaines garanties via le ministère de l'Education, c'est clair que toute la politique linguistique dont le gouvernement rêve présentement ne sera en quelque sorte qu'un beau rêve en couleur et dont la réalité ne se verra jamais.

C'est ce que je voulais dire. Je ne veux pas vous retenir plus longtemps sur ce sujet, mais je voudrais que le ministre de l'Education le prenne en sérieuse considération et qu'il nous offre des garanties juridiques pour que, selon le territoire donné, selon le territoire concerné, la majorité francophone ou anglophone soit respectée par des dispositions juridiques. Ce qui est encore plus important, c'est que les majorités confessionnelles — catholiques ou protestantes — soient aussi reconnues et qu'on garantisse à ces majorités par l'article 583 qu'elles auront suffisamment de pouvoirs juridiques pour s'assurer de leur survie, ce que l'article 583 ne nous permet pas présentement.

M. BIENVENUE: Adopté.

M. LE PRESIDENT: J'ai bien indiqué tantôt que je voulais permettre à chaque parti de s'exprimer, puisque j'avais permis qu'on s'engage dans le débat, même malgré la très grande incertitude que j'avais quant à la légalité de ce débat, puisqu'on avait commencé à le faire. Je voudrais peut-être reconnaître un cinquième parti, mais encore une fois, il ne faudrait pas abuser. Je demande donc la collaboration des membres du comité, de chacun des partis. C'est d'ailleurs le député de Maisonneuve lui-même qui, à un moment donné s'inquiétait, et voulait mettre fin au débat. Entre ces deux extrêmes, celui de mettre fin au débat immédiatement, lorsque la question de règlement a été soulevée, et celui de l'allonger indéfiniment, il me semble que tous, sans que je sois obligé d'agir d'autorité, auraient la possibilité d'arriver à un modus vivandi pour que l'on restreigne les propos encore une fois, parce que nous sommes plus ou moins loin de la légalité.

M. BROCHU: M. le Président, à ce moment-ci est-ce que je peux...

M. LE PRESIDENT: Le Ralliement créditiste a déjà eu l'occasion de se faire entendre par le député de Richmond et le député de Rouyn-Noranda.

M. BROCHU: Est-ce que je peux vous demander une directive à ce moment-ci, M. le Président? J'avais quand même l'impression, lorsque le député de Rouyn-Noranda a parlé de

l'article 583, qu'on était revenu au débat de l'article 583.

M. LE PRESIDENT: A ce moment-là, vous confirmez ma décision.

M. BIENVENUE: M. le Président, sur la même question...

M. BROCHU: Je ne voudrais pas non plus que notre attitude ait brimé d'autres membres de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: Non, je pense que toutes les Oppositions, sauf le député indépendant, ont eu l'occasion de s'exprimer. Je vais trancher la question. Je reconnais maintenant l'honorable député de Montcalm, qui devra s'exprimer au nom de son groupe.

M. MASSE (Montcalm): Nous allons faire rapidement l'unanimité. Je vais d'abord vous remercier de permettre aux députés de s'exprimer en dehors du cadre des partis. J'espère qu'à l'occasion d'un vote sur ce projet de loi, les autres députés auront aussi le droit de parler en dehors des cadres de leur parti.

Ceci étant dit, je n'ai pas l'intention d'abuser et d'aller au fond du problème. Je n'ai même pas l'intention de répondre aux avancés du premier ministre tout à l'heure. Il y aura d'autres occasions pour le faire. C'est justement pour préserver le droit qu'il y aura d'autres occasions pour le faire et de pouvoir plaider que je ne l'ai pas fait à ce moment-ci.

Je vais garder tout ce que je veux dire sur le fond du problème posé par le premier ministre pour le moment où il en sera question dans le projet de loi.

Mais j'aimerais revenir à la question qui a été posée concernant chaque commission scolaire qui sera composée de quinze commissaires élus. Ne semblent être prévues nulle part dans la loi — si tel est le cas, j'aimerais que le ministre de l'Education m'en fasse part — les qualités pour être commissaire.

M. CARDINAL: L'article 585.

M. MASSE (Montcalm): Oui mais je vais plus loin que les qualités juridiques. Je parle des qualités linguistiques. Il peut arriver le problème que, dans une commission scolaire, un certain nombre d'unilingues francophones ou anglophones soient élus. Si tel est le cas, en quelle langue se feront les délibérations? Est-ce qu'on prévoit qu'il y aura une traduction, c'est-à-dire est-ce que la loi va prévoir, par des amendements que le ministre va nous apporter, que chaque commissaire doit pouvoir être en mesure de comprendre, donc d'entendre, ce qui sera dit par l'autre commissaire d'écoles, de sorte qu'il y aura un traducteur? Il y a donc le problème de la langue des commissaires d'écoles. Est-ce que, pour être commissaire à Mont- réal, il sera statué qu'on doit être bilingue pour pouvoir se comprendre dans les commissions scolaires où il y aura des groupes fort importants d'anglophones ou de francophones? Sur cette question, j'aimerais que le ministre nous éclaire un peu.

Deuxièmement, en quelle langue seront tenues les communications et rédigés les textes juridiques, les procès-verbaux, l'ensemble de la documentation? Sera-t-il statué, par cette loi ou par un règlement du ministère de l'Education, que pour ce qui est de l'île de Montréal l'ensemble de la documentation publique sera nécessairement rédigée dans les deux langues ou si, au contraire, le ministre a l'intention soit d'expliquer soit de légiférer en disant que dans toute commission scolaire où il y a une majorité francophone ou, au contraire, une majorité anglophone les textes juridiques de la commission scolaire seront dans la langue de la majorité?

Je ne vois pas où on pourrait faire cette discussion en dehors qu'à l'article 583 puisque c'est là qu'on parle des commissaires d'écoles. Alors le ministre pourrait-il répondre à ces questions et nous éclairer nous, de la Chambre, comme les gens de Montréal, sur cette question de langue pour les commissaires d'écoles?

M. SAINT-PIERRE : M. le Président, cela rejoint le problème général qui a été soulevé antérieurement. Actuellement, dans la Loi de l'instruction publique, on retrouve de telles précisions uniquement à l'article 301, qui touche l'affichage public, certains avis publics que la loi prévoit.

M. le Président, je ne voudrais pas qu'on dénote de l'agressivité dans mes propos mais je maintiens que, sur ce point précis, les problèmes n'existent que dans la tête de ceux qui veulent y voir des problèmes. Je vais m'expli-quer. Nous avons actuellement plusieurs commissions scolaires de type unifié, commissions scolaires catholiques, qui regroupent une clientèle à la fois francophone et anglophone. Il y en a dans l'île de Montréal. Dans certains cas, ce sont les francophones qui sont en majorité. Dans d'autres, ce sont des anglophones. Des commissions scolaires sont dans l'est de l'île, d'autres sont dans l'ouest.

M. le Président, on retrouve le même type de problème sur le plan municipal, avec la communauté urbaine. Or, dans aucun des textes qui régissent la gestion de ces organismes, nous ne retrouvons les types de précisions que sollicite le député de Montcalm. Plus que cela, ceux qui sont venus témoigner devant nous nous indiquent qu'il n'y a pas de problème, qu'à la Commission scolaire Baldwin-Cartier, lorsqu'un contribuable arrive et qu'il parle en anglais, on répond à sa question; dans plusieurs des cas, il semble que c'est le français qui est la langue d'usage. Les problèmes n'existent pas. On veut en créer de faux.

Cela se rattache évidemment à ce que j'ai

mentionné tantôt, une question de politique linguistique. Mais ce que j'implique et pour l'île de Montréal et pour l'ensemble de notre système scolaire, c'est qu'il n'y a pas de problème; sur la question de la Communauté urbaine de Montréal, on n'a qu'à relire ce texte qui a été adopté par l'ancien gouvernement. On n'y retrouve aucune disposition qui dit que la langue de communication est le français ou l'anglais. Dans les faits, la plupart du temps, c'est le français.

Ce qui frappe, M. le Président, c'est que les organismes élus, ceux qui ont un mandat du peuple trouvent des solutions aux types de problèmes réels qu'évoque le député de Montcalm, c'est-à-dire que, dans l'ouest, on a un type de solution et, dans l'est, on peut avoir un autre type. Sûrement, lorsqu'on arrive à Sherbrooke ou à Lennoxville, on peut avoir des solutions différentes mais les gens élus sont capables, avec les contribuables, de trouver une politique qui rend justice à la minorité, qui ne brime pas la minorité et qui, en général, comme ici à l'Assemblée nationale, c'est sûrement le français qui est la langue prioritaire.

M. MASSE (Montcalm) : Juste pour répondre un peu à ça, je pense qu'il y a deux ordres de réponses. Premièrement, lorsque le ministre me dit qu'il n'y a pas de problème parce qu'il n'en connaît pas ou qu'il n'y en a pas qui lui ont été rapportés, vous allez admettre que, sur le plan de la loi, ce n'est pas suffisant. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas. Cela ne veut pas dire, parce que le ministre n'est pas au courant d'un problème, qu'il n'existe pas. Il ne lui a pas été rapporté ou il n'en a pas pris connaissance. A moins de se mettre à faire des sophismes, ce n'est pas un argument valable au point de vue législatif.

Quand il apporte son deuxième argument en disant que, lorsqu'il y a des problèmes qui se sont posés sur le plan local, les gens les ont réglés, j'aime mieux ça, parce que c'est un argument qui touche à du réel. Si tel est le cas, est-ce que le ministre aurait objection à ce que la loi dise : Lorsqu'il y a un problème de cette sorte, les commissions scolaires ont le pouvoir de le résoudre, soit par une résolution, soit par une réglementation pour cette question-là?

M. SAINT-PIERRE : Oui, j'ai des objections. Cela retouche les points que nous avons discutés précédemment. Le premier ministre a indiqué que, comme chef du gouvernement québécois, il a des responsabilités quant à l'épanouissement et au développement de la culture française. Je pense qu'il serait faux de donner ce pouvoir de réglementation des organismes locaux, commissions scolaires et autres. On se retrouverait alors, à l'intérieur du Québec, devant une foule de cas différents, sans qu'il y ait une même réglementation qui intervienne.

J 'ai mentionné tantôt, en situant ce problème de la langue des communications à l'inté- rieur des structures scolaires dans un cadre beaucoup plus vaste, que le premier ministre avait indiqué les types de législations que nous pourrions présenter avant la fin de notre mandat pour ça.

M. MASSE (Montcalm) : M. le Président, le ministre...

M. SAINT-PIERRE :M. le Président, je m'excuse. Je sais que, dans votre grande générosité, vous avez permis d'aller de l'un à l'autre, mais je trouve réellement que nous sommes hors d'ordre sur la question. Je ne veux pas faire de procédure, mais on se rend compte...

M. MASSE (Montcalm): Je n'ai pas parlé des commissaires d'écoles.

M. LEGER : Vous soulevez un problème et vous ne répondez pas. Vous pratiquez la politique de l'autruche. Vous dites : Il n'y a pas de problème.

M. LE PRESIDENT (Hardy) : Un à la fois, s'il vous plait.

M. MASSE (Montcalm) : C'est l'endroit où je veux parler des commissaires élus. Ce n'est pas à l'article suivant. C'est ici qu'on en parle. Il y a une certaine confusion dans l'argumentation du ministre.

Vous disiez, tout à l'heure, en réponse à ma question, que, lorsqu'il y a un problème sur le plan local, les gens sont suffisamment intelligents, suffisamment habiles pour le résoudre. Or, lorsque je lui demande d'inscrire dans la loi que c'est sur le plan local qu'on résoud le problème, le ministre me répond : Non, parce que le premier ministre a indiqué clairement qu'il a une responsabilité pour l'ensemble du Québec et qu'on ne confiera pas à des responsables sur le plan local la tâche de résoudre un problème semblable. Il faudrait que je me comprenne : ou bien on n'en parle pas dans la loi, parce qu'en pratique on le résoud sur le plan local, ou bien, au contraire, on en parle dans la loi parce que le premier ministre a une autorité pour régler le problème partout.

M. SAINT-PIERRE : Ou on attend au moment opportun pour déposer une législation qui touche l'ensemble de ces problèmes-là.

M. MASSE (Montcalm) : Si tel est le cas, on pourra en discuter plus loin, mais qu'on admette que c'est le cas.

M. SAINT-PIERRE : C'est ça, on vous l'a dit.

M. MASSE (Montcalm) : Qu'on n'essaie pas de jouer d'un côté ou de l'autre en disant : On va aller en bas, on ne l'inscrira pas dans la loi, etc. Si c'est la réponse du ministre, je l'accepte, parce qu'on en discutera plus loin.

M. LE PRESIDENT : L'honorable député de Dorchester.

M. GUAY : Ma brève intervention va nécessiter une question qui s'adresse au ministre de l'Education, au départ.

On a discuté de ces deux commissaires d'écoles qui vont être, à toutes fins utiles, nommés par le ministre. Pourquoi le ministre de l'Education a-t-il cru bon d'insérer, comme amendement à l'article 583, ce mécanisme, qui, selon lui, est une soupape de sécurité?

J e ne voudrais pas, non plus, reprendre tout le débat...

M. SAINT-PIERRE : M. le Président, j'invoque le règlement. Je regrette, je ne voudrais pas faire de procédure. Je pense que le député était présent; nous en avons discuté depuis trois heures et demie. Je ne sais pas combien de raisons j'ai données pour établir cette soupape-là. On a discuté d'un amendement proposé par des gens qui trouvaient que nous en donnions trop. On a discuté de votre amendement où vous en réclamiez davantage. Nous avons dit pourquoi nous n'en donnions pas davantage et, là, on nous renvoie la question à nouveau.

M. LEGER : Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. LE PRESIDENT : L'honorable député de Saint-Jacques, à moins...

M. LEGER : Une question au ministre qui avait la parole.

M. LE PRESIDENT : Vous cédez tous les deux votre droit de parole au député de Lafontaine?

M. LEGER : Il n'a pas cédé son droit de parole; c'est une question de préséance.

Le ministre vient de déclarer que le problème de la langue que les commissaires auront à utiliser est dans la tête des personnes qui en parlent ici. Cela touche à l'article concerné. Il peut y avoir des commissaires, francophones et anglophones, soit élus, soit nommés, qui iront travailler ensemble. La question que je veux poser au ministre est la suivante : Le problème des communications sera toujours le même s'il n'est pas réglé par une loi.

Mais quand on sait ce qui se passe comme conséquence, quand on sait que les francophones bilingues sont tellement plus nombreux que les anglophones, alors quelle langue, pensez-vous se parle quand vous avez des groupes de francophones et d'anglophones ensemble, quelle que soit la proportion qui se rencontre en général? C'est l'anglais qui se parle. Alors est-ce que le ministre n'est pas d'accord? Il a dit que le problème est là quand même.

M. SAINT-PIERRE: On ne doit pas fréquen- ter les mêmes groupes, parce qu'à ma connaissance, moi, c'est le français qui se parle lorsqu'il y a des anglophones qui sont en minorité.

M. LEGER: Cela, c'est la politique de l'autruche, on ne veut pas le savoir, on ne veut pas le voir.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. le Président, vous faites des accusations. Je connais nombre d'organismes... Un instant, vous m'avez accusé, vous dites que, dès qu'il y a un Anglais on va parler anglais, ce n'est pas vrai. Je ne sais pas dans quel groupe... Un instant...

M. LEGER: Je n'ai pas dit qu'il fallait le faire, j'ai dit que c'est la chose qui arrive.

M. JORON: M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: Je ne sais pas moi, je ne fréquente pas les groupes du Parti québécois.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je ne fréquente pas les mêmes groupes que le député mais je vais vous donner des exemples d'institutions que je connais et je vais vous dire ce qui survient. Je vais prendre l'exemple de la Chambre. Vous le savez autant que moi, vous êtes témoins ici, ce qui se passe. Il y a des anglophones ici dont la langue maternelle est l'anglais, et qu'est-ce qui se passe en Chambre?

Je vais prendre un autre exemple, il y a des gens ici qui ont siégé au Conseil exécutif, où il y avait 22 ministres autour de la table du conseil des ministres. Quelle est la langue qui se parlait là? Ceux qui y ont siégé le savent.

Je vais aller plus loin, on va aller dans le secteur de l'éducation, M. le Président, au ministère de l'Education. Dans nos lois on dit qu'il y a un sous-ministre de foi protestante, un sous-ministre de foi catholique, il y a un comité protestant, ç'a l'air bien "establishment", ç'a l'air bien anglais. Dans les faits, réunion de sous-ministres, réunion de ministres, réunion de directeurs généraux, la langue de travail c'est le français. Les directives du gouvernement en matière de communication, c'est clairement établi: c'est le français.

Au Conseil supérieur, un instant on va continuer les organismes scolaires.

M. LESSARD: Quorum, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: Au Conseil supérieur de l'éducation, selon notre loi il y a une représentation assurée d'éléments protestants; la langue de travail, la langue de communication non seulement du Conseil supérieur mais du comité catholique, du comité protestant — non, parce que là il y a un seul francophone — de tous les sous-comités du Conseil supérieur de l'éduca-

tion, c'est le français. Le Conseil des universités, nous avons trois universités de langue anglaise, quelle est la langue au Conseil des universités? Le français.

La conférence des recteurs, M. le Président, qui regroupe de nouveau trois recteurs d'institutions anglophones, quelle est la langue de communication, quelle est la langue de travail? Le français. Qu'est-ce qui est écrit dans les lois, M. le Président? Rien dans les lois, c'est dans les faits. Ceux qui pensent que le problème linguistique peut se régler simplement en apportant un amendement à un article dans un projet de loi comme celui-là, je pense cela complètement, eux, sont des autruches, ils voudraient nous rentrer dans le sable. On s'y refuse.

M. JORON: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre...

UNE VOIX : Il y a des journalistes ici qui parlent les deux langues.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: ... avant de la lui poser, je pense qu'on admettra que son exemple est un peu tiré par les cheveux. Il a nommé une série d'institutions où l'on retrouve des gens qui ne sont pas élus, mais la plupart du temps nommés et à un certain niveau d'administration qui n'est pas du tout le même que celui d'un conseil, d'une commission scolaire locale élue par les gens du quartier. Les exemples que vous avez donnés sont de nature complètement différente, c'est comparer des pommes avec des poireaux.

D'autre part, ce que je voulais vous demander c'est la chose suivante: Etes-vous au courant des statistiques que nous a livrées le rapport Laurendeau-Dunton, selon lesquelles, toutes proportions gardées, chez les francophones on retrouve trois fois plus de bilingues que chez les anglophones? Et si cette statistique est vraie, si vous ne la contestez pas, et si vous la connaissez, ne pensez-vous pas que le même phénomène peut se refléter dans les commissions scolaires en question?

M. SAINT-PIERRE: Cela n'a rien à voir avec le débat. Si vous me dites que les francophones... Un instant...

M. LEGER : La politique de l'autruche.

M. SAINT-PIERRE: ... sont plus bilingues, je serais porté à dire: Est-ce qu'ils sont plus intelligents? Est-ce qu'ils ont plus de motivations à apprendre une deuxième langue que les anglophones? C'est en dehors du débat. Vous trouvez que les exemples ne s'appliquent pas. Le député de Gouin vient de l'île de Montréal, c'est très facile à faire, ce ne sont pas des choses impossibles, je ne lui demande pas d'aller à la lune, qu'il aille à la Commission scolaire de la ville d'Anjou, qu'il aille à la Commission scolaire Baldwin-Cartier, qu'il aille à la commission...

M. LEGER : Ce sont des majorités francophones.

M. SAINT-PIERRE: ... scolaire, à la CECM qui a quand même... Mais est-ce que vous voulez comprendre, oui ou non?

M. LEGER: C'est à majorité francophone, dans ce bout-là.

M. SAINT-PIERRE: Allez à Baldwin-Cartier, allez à Saint-Laurent, à la Commission scolaire de Saint-Laurent, majorité anglophone, puis vous viendrez voir quelle langue va se parler. Vous allez voir s'il y a des francophones qui sont brimés dans leurs droits. Là je vous dis que non, je dis qu'il n'y a aucune protection dans la loi, alors qu'avec le bill 28, on veut justement en donner des protections dans la loi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, le ministre a indiqué tout à l'heure qu'il y avait eu des directives qui avaient été données au niveau du gouvernement pour faire en sorte que la langue de communication soit la langue française.

Si ces directives-là ont été données, c'est parce qu'il y avait des raisons particulières pour qu'elles soient données. Est-ce que le ministre pourrait me dire quelles sont les raisons qui empêcheraient que les organismes parapublics, c'est-à-dire financés en grande partie par le gouvernement, ne soient pas soumis aux mêmes directives que le gouvernement du Québec lui-même a imposées à l'intérieur de son ministère et pour lesquelles d'ailleurs le gouvernement Bourassa s'est glorifié passablement parce que c'était là une petite mesure qu'il avait appliquée pour faire que la langue des communications soit la langue française au gouvernement du Québec. Pourquoi ces mêmes directives ne pourraient-elles pas être appliquées au niveau des organismes parapublics et en particulier dans les commissions scolaires du Québec?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'ajoute à la question fort pertinente du député de Saguenay et à laquelle, j'espère, le ministre pourra répondre, un cas concret.

Je suis citoyen montréalais et je serai d'après la carte — si c'était celle-là qui était adoptée, la carte sur laquelle nous avons travaillé — membre de la commission scolaire no 1. La commission scolaire no 1 sera, d'après les statistiques, francophone à 70 p.c. et anglophone à 30 p.c. Supposons que le suffrage universel donne à peu près le même résultat, c'est-à-dire dix commissaires de langue française et cinq commissaires de langue anglaise. Supposons — pour référer aux statistiques auxquelles faisait allusion tout à l'heure mon collègue de Gouin —

que la même proportion de bilingues et de non bilingues — ou d'unilingues — se produise chez les cinq anglophones. Je vais à la réunion de la commission scolaire de mon quartier. Est-ce que le commissaire unilingue anglophone — il va bien s'en trouver un sur les cinq selon la même proportion — va s'exprimer en anglais seulement et que ce sera ma faute à moi, si je ne suis pas bilingue comme francophone, de ne pas pouvoir comprendre le débat qui se déroule devant moi? Est-ce que la langue de travail à la table de la commission scolaire sera réservée au choix du commissaire et que l'échange se fera comme il est permis de le faire à l'Assemblée nationale? Le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il le voulait, Dieu merci, lui, il l'est bilingue, mais s'il le voulait, le règlement le lui permet, pourrait au moment où je lui pose une question en français, me répondre en anglais. Or, s'il y avait quelqu'un dans les galeries ne comprenant pas l'anglais, il ne comprendrait pas la réponse du député de Notre-Dame-de-Grâce ou moi-même, membre de l'Assemblée nationale, je ne suis pas obligé de parler anglais. Si la fantaisie prenait le député de Westmount, par exemple, de me répondre en anglais à une question en français, si je n'étais pas bilingue, je ne comprendrais pas la réponse et je ne pourrais pas en faire rapport à mes électeurs. Est-ce que je vais vivre la même situation dans toutes les commissions scolaires où un seul unilingue anglophone pourra avoir le droit de s'exprimer dans sa langue contrairement au voeu de la population qui assisterait aux réunions de la commission scolaire? Voilà un exemple concret à ajouter au besoin de directives et qui vient concrétiser le besoin de directives auquel faisait allusion le député de Saguenay tout à l'heure.

M. SAINT-PIERRE: D'ici 1975, les effets du règlement no 6 du ministère seront tels que tout le monde saura les deux langues.

M. CHARRON: On était tantôt dans la politique de l'autruche, là, on commence à être dans la politique du serpent. Cela file. Ne vous défilez pas de la question. Le ministre de l'Education, s'il s'était soucié d'aller expliquer la loi 28 à la population francophone de Montréal avec le tiers de l'énergie qu'il a déployée pour l'expliquer à la minorité anglophone frileuse et nerveuse, se serait aperçu que c'est ce genre de question qui hypothèque le principe de l'unification actuellement.

M. SAINT-PIERRE : M. le Président, sur un point de règlement.

J'ai refusé de multiples invitations de parler à des groupes anglophones. J'en ai refusé au moins une cinquantaine. Je n'en ai refusé aucune du côté francophone. Je suis allé une fois à une invitation que j'avais reçue à Outremont, et d'après Québec-Presse, il y avait plus de gens à ma seule réunion qu'aux sept réunions que vous avez faites, vous, dans les salles des églises avec vingt personnes pour vous écouter à six panelistes.

M. CHARRON: Je ne veux pas m'écarter du règlement, M. le Président, mais lui répondre, vous auriez pu faire avec le projet de loi no 28 ce que le ministre des Affaires sociales a fait avec le projet de loi no 65, pas attendre les invitations...

M. BOURASSA: ... invitations qui ont été acceptées.

M. CHARRON: ... mais, pour une loi importante comme celle-là, se déplacer à Montréal et aller l'expliquer à la population francophone.

M. LE PRESIDENT : A l'ordre!

M. CHARRON: Je reformule ma question. Si le ministre avait accepté de faire le même effort d'explication des projets de loi à la population que son collègue des Affaires sociales dans le cas du bill 65, il se serait aperçu qu'au-delà de tous les grands principes généraux c'est ce genre de questions qui hypothèquent déjà la nouvelle structure que nous sommes à édifier. Les gens se demandent dans les quartiers quelle sera la langue de communication, avec qui ils vont travailler, quelle réponse ils recevront, surtout ceux qui seront dans une commission où ils seront minoritaires, aussi bien les anglophones que les francophones. Et ça les intéresse. Si la loi nous permet et oblige les commissaires à tenir des assemblées publiques et à tenir leurs réunions face à tout le monde, qui me dit que je pourrai comprendre quelque chose même si c'est public, si je ne suis pas bilingue?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce que le député de Saint-Jacques me permettrait une question? Je me rappelle, avant le 29 avril, d'avoir lu un tract du Parti québécois dont la dernière page était écrite en anglais. Je suis unilingue français, est-ce que je me suis senti brimé dans mes droits parce que la dernière page était en français? C'est la question que vous soulevez quand vous dites: Un francophone se sent brimé parce qu'il ne comprend pas ce qui se passe. Ce n'est pas vrai, monsieur.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur l'article 583, chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires élus conformément aux articles 95 à 183. Ces commissions scolaires sont unifiées, c'est-à-dire des membres des commissions scolaires qui représenteront la population anglaise de l'île de Montréal et la population française de l'île de Montréal. Donc, on fait des commissions scolaires unifiées, on prend des commissions scolaires anglaises et des

commissions scolaires françaises pour en faire des commissions scolaires unifiées. J'ai demandé au début de la soirée...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je m'excuse. Des commissions scolaires anglaises, on n'en a pas et des commissions scolaires françaises, on n'en a pas. Dans le moment, le député devrait le savoir, particulièrement dans son parti, on a des commissions catholiques et des commissions protestantes et on va en faire des commissions scolaires unifiées.

M. ROY (Beauce): M. le Président, vous avez tout de même le Protestant School Board de Montréal et la Commission des écoles catholiques de Montréal. Vous avez deux organismes, un anglophone et un francophone.

DES VOIX: Non, non.

M. ROY (Beauce): M. le Président, il y en a un qui est en majorité anglophone, de toute façon, où la langue anglaise a priorité. On fait aujourd'hui des commissions scolaires. Le gouvernement, de par les dispositions de son projet de loi, organise des commissions scolaires unifiées. J'ai tout simplement posé au début de la soirée deux petites questions à l'honorable ministre. Une fois la commission scolaire unifiée, quelle langue primerait aux réunions et dans quelle langue serait rédigés les procès-verbaux?

M. le Président, je ne veux pas recommencer le long débat que ceci a provoqué. Mais le ministre nous dit qu'il n'y a pas de problème; au contraire il y a un problème. Si le gouvernement maintient qu'il n'y a pas de problème, je me demande bien pour quelle raison on veut justement faire une loi et établir une politique pour faire du français la langue de travail au Québec. On ne veut pas parler de la langue de l'enseignement alors qu'on se prépare à faire des politiques pour la langue de travail. On parle même d'aller l'imposer chez General Motors. Mais, dans nos écoles, on ne sait pas à quoi s'en tenir.

M. le Président, le gouvernement nous parle aussi du rapport Gendron, qui est censé faire certaines recommandations pour permettre au gouvernement de légiférer dans ce domaine. Le rapport Gendron n'est pas sorti. La loi 63 est toujours en vigueur et le gouvernement nous dit qu'il n'y a pas de problème. Il y en a des problèmes, le gouvernement le sait mais il ne veut pas les envisager. Le gouvernement ne veut pas l'admettre.

M. le Président, le problème, on peut se demander — comme le dit le député de Portneuf — si ce n'est pas le gouvernement lui-même. Nous n'en avons pas contre les anglophones mais, tout de même, les statistiques sur ce point sont assez précises. Au 30 juin 1971, il y avait, dans les statistiques démontrant le nombre d'enfants enregistrés dans les écoles de l'île de Montréal, des enfants anglophones en proportion...

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Qu'ont à faire ces statistiques avec l'article 583 que l'on discute depuis des heures et des heures?

M. BROCHU: M. le Président, sur l'appel au règlement que vient de faire le député et ministre de Matane, l'article 583 et les débats ont suffisamment démontré les incidences linguistiques qui existent à ce niveau et je pense que le député de Beauce, présentement, est en train de faire un survol rapide de nos prises de position sur cet article.

M. BIENVENUE: Si on parle à nouveau des incidences linguistiques, nous avons tous convenu tout à l'heure, et je fais appel aux représentants de partis qui l'ont dit...

M. BROCHU: M. le Président, nous ne sommes pas sur le débat de tout à l'heure.

M. BIENVENUE: Je n'ai pas fini, si vous me permettez.

M. BROCHU: Moi non plus, je n'avais pas fini quand vous vous êtes levé.

M. BIENVENUE: Alors, moi, je commence et je continue. Sur la question linguistique, nous sommes définitivement en dehors du débat, à l'article 583, sans présumer, comme je l'ai dit tout à l'heure, de tous autres articles de cette loi. Je pense qu'il va falloir revenir à l'article 583, l'adopter, le rejeter ou l'amender, mais en parler.

M. BROCHU: M. le Président, je pense qu'il est normal, à ce moment-ci, que le député de Beauce, dans son intervention au nom du Ralliement créditiste du Québec, soit capable d'expliquer le pourquoi de sa prise de position et de notre prise de position globale également sur l'article 583. J'aimerais que l'honorable député de Matane puisse nous dire si ce n'est pas une incidence linguistique francophone ou anglophone dans l'article 583.

M. LESSARD: Sur un point de règlement, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Sur le point de règlement?

M. JORON: Sur une question de règlement.

UNE VOIX: Oui, mais quand il n'y a pas de problème, vous voyez qu'il y en a.

M. LE PRESIDENT : Est-ce que les honorables députés, quand je les vois tous se lever, désirent vraiment m'éclairer ou me rendre plus confus encore?

M. JORON: M. le Président, c'est pour mieux vous éclairer, si c'est possible, si vous me le permettez. C'est que l'argumentation du député de Matane porte complètement à faux. Il ne s'agit pas ici de discuter de la langue d'enseignement, mais de la langue d'administration à l'intérieur des commissions scolaires dont parle l'article 583. C'est tout à fait pertinent.

M. LE PRESIDENT: C'est toujours sur la question de règlement?

M. LESSARD: Oui, M. le Président. C'est pour compléter ce qu'on vient de dire tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: Peut-être que le leader parlementaire pourrait préciser vos...

M. LESSARD: Oui, on laisse au leader parlementaire le soin de synthétiser par la suite. C'est qu'on a accepté, cet après-midi, un amendement qui dit que les minorités linguistiques devront... Une minute.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais au député de Saguenay de s'en tenir à la question de règlement.

M. LESSARD: Oui, je vais m'en tenir à cela, mais quand même la langue de communication est une conséquence de l'amendement qu'on a accepté cet après-midi à l'effet qu'il y aurait deux observateurs de groupes minoritaires linguistiques. Cela veut donc dire qu'il va certainement y avoir à l'intérieur de ces commissions scolaires un problème de communication entre d'un côté les représentants minoritaires de groupes linguistiques et de l'autre côté la majorité d'un autre groupe linguistique.

Comme dans le projet de loi — et on nous l'a dit tout à l'heure — il n'y a aucun article qui détermine comment se fera ou de quelle façon se fera cette communication. Il faut quand même savoir une chose, c'est que ces gens vont se comprendre à l'intérieur de ce comité. Je pense que c'est primordial. C'est ça qu'on veut savoir.

M. LE PRESIDENT: Je suis prêt à rendre ma décision. Le député de Saguenay prêchait un converti. Je suis parfaitement d'accord sur tout ce qu'il vient de dire. C'est conforme d'ailleurs aux directives que j'ai données il y a un certain temps.

J'ai bien déclaré que parler du problème linguistique en général, à ce stade-ci, c'est-à-dire à l'occasion de l'étude de l'article 583, constituait une irrégularité que j'ai tolérée pendant un certain temps, mais depuis, à ma demande, avec esprit de collaboration, depuis un certain temps, on était revenu dans le cadre du débat, c'est-à-dire qu'on parlait du problème de la langue, mais à l'intérieur de l'organisme qui s'appelle la commission scolaire. Je pense que la discussion sur l'article 583 permet que l'on parle du problème linguistique à la commission scolaire au niveau de l'organisation, parce qu'on parle précisément de représentation anglophones et francophones.

Mais la raison pour laquelle je dois considérer que le rappel au règlement du député de Matane est fondé à l'endroit des propos du député de Beauce, c'est que le député de Beauce prenait un envol et commençait à parler du problème de la langue en général, en citant des statistiques. J'inviterais donc l'honorable député de Beauce, s'il veut le faire, à traiter du problème que peut poser, au niveau de la langue, la constitution actuelle ou telle que proposée par le bill 28 d'une commission scolaire. Mais il faut s'en tenir à ce niveau et non pas parler de toute la question linguistique au Québec, même si la façon dont il en parle peut avoir des incidences dans le domaine de l'éducation. Il doit s'en tenir à la langue sur le plan administratif et encore davantage au niveau des commissions scolaires telles que créées par le bill 28.

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Pour éviter à l'honorable député de Matane toutefois la tentation de se lever à nouveau et d'invoquer le règlement, je vais lire le deuxième paragraphe de l'article 583: "Toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée par suite de l'application de l'alinéa précédent, nommer, sur la recommandation du ministre, deux autres commissaires d'écoles pour des mandats d'une année scolaire, après consultation des présidents des comités consultatifs d'écoles de la minorité concernée."

C'est justement à l'intérieur de ce deuxième paragraphe, qui se réfère au premier, que je voulais donner des statistiques. En vertu de ces statistiques, cette représentation n'est pas suffisamment garantie; rien ne nous dit dans quelle direction le gouvernement s'oriente et comment il devra envisager les problèmes qui se poseront inévitablement à plus ou moins brève échéance.

Je disais donc qu'à l'intérieur de l'article 583, si on regarde les élèves inscrits à Montréal, pour prouver mes avancés, c'est qu'il y avait 144,350 élèves inscrits dans les écoles anglophones et 253,969 élèves inscrits dans les écoles françaises. Cela démontre qu'il y a là un problème. Nous avons eu l'occasion de le dire en deuxième lecture.

M. SAINT-PIERRE: J'ai l'impression que vos chiffres pour les francophones ne comptent uniquement que pour la CECM. Est-ce que vous comptez les autres commissions scolaires catholiques de l'île de Montréal? Il y en a 39 vous savez, il n'y en a pas deux.

M. CARDINAL: J'invoque le règlement. Quand on parle des élèves, on ne parle plus de

la langue de communication ni de la langue de travail, on parle de la langue d'enseignement et de l'enseignement dans un langue. Alors, les députés ont probablement de très bonnes idées mais ils sont en train de déraper.

M. BIENVENUE: Très bien.

M. BROCHU: Si à un moment donné on parle de la langue d'enseignement, on peut quand même faire un parallèle, même si c'est la langue d'enseignement.

M. CARDINAL: C'est exactement enseignement que l'on doit dire en français et pas "enseig'ment".

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous parlez sur la question de règlement? Encore une fois le député de Beauce est sur une glace extrêmement mince. Je crois comprendre qu'actuellement...

M. GAGNON: Laissez-le faire, il va s'enfoncer.

M. LE PRESIDENT: J'essaie de voir un peu où il s'en va. Il veut démontrer que la représentation telle que proposée dans l'article 583 n'est pas proportionnelle au nombre d'élèves. Il y a tout d'abord des décisions que j'ai déjà rendues et, d'autre part, comme cela peut avoir l'air davantage de s'appliquer à la langue de l'enseignement plutôt qu'à la langue administrative, c'est la raison pour laquelle je dis que le député de Beauce est sur une glace extrêmement mince. Il rend difficile la tâche du président, qui veut être bien objectif, qui considère que c'est un de ses devoirs de protéger les droits et prérogatives de chacun des membres du comité. Il faut aussi la collaboration du député.

Je demande au député de Beauce de tenter de circonscrire ses remarques à la langue d'administration.

M. BIENVENUE : Cela reste un cas de langue.

M. ROY (Beauce): Je voudrais faire remarquer que, si peut-être je suis sur une glace extrêmement mince, j'ai crainte que le gouvernement soit sous la glace et qu'il soit en train de se noyer.

M. BIENVENUE: Adopté.

M. SAINT-PIERRE : On va vous retrouver au printemps.

M. ROY (Beauce): Je voudrais simplement dire qu'en vertu de l'article 583, et je termine là-dessus mes observations, je n'ai pas l'intention et je n'ai pas l'habitude de me répéter...

M. GAGNON: Ce n'est pas le gouvernement qui est dans l'eau, c'est le ministre de l'Education.

M. ROY (Beauce): ... huit à dix fois. Il y a la composition des commissions scolaires en vertu des mécanismes prévus par le gouvernement. D'ailleurs c'est un mécanisme uniquement par la représentation, en vertu du vote et en vertu de certaines dispositions d'amendement que le gouvernement nous a amenées à l'effet qu'il y aurait deux commissaires additionnels.

Il y a danger que les commissions scolaires et tous ceux qui seront administrés par ces commissions scolaires, c'est-à-dire le personnel enseignant, tous les services, autrement dit, qui dépendront de la commission scolaire risquent, M. le Président, de fausser complètement l'orientation que le gouvernement a l'intention de donner et qu'il y a de très graves dangers, nous l'avons dit, sur le côté linguistique et sur le côté confessionnel. En ce qui nous concerne, je suis convaincu qu'après plus de 200 cents ans de luttes héroïques que les Canadiens français ont menées au Québec pour leurs écoles, en vertu du bill 28, c'est tout simplement une abdication et un recul dans le passé.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, quand, il y a quelques minutes, nous avons abordé l'étude de l'article 583, la discussion s'est surtout engagée sur le fait que l'amendement du ministre comportait la création de commissaires infirmes qu'on a appelés des observateurs et sur lesquels l'Assemblée a eu l'occasion de parler longuement. Sauf que depuis quelques minutes, — et c'est le premier ministre lui-même qui a ouvert le débat — nous avons entrepris une discussion fort importante, celle de savoir quelle serait la langue des commissaires mentionnés dans le premier alinéa de l'article 583, la langue d'administration des commissions scolaires.

Aux questions répétées des députés du Parti québécois ou des autres partis de l'Opposition, le vide des réponses gouvernementales, en particulier celles du ministre, nous oblige, M. le Président, à demander que la loi comporte de plus amples précisions en ce domaine.

C'est pourquoi, M. le Président, pour être sûr que la nouvelle structure respectera la majorité francophone comme elle s'adapte à respecter la minorité anglophone, pour être sûr également qu'il ne s'agit pas là d'un laisser-aller administratif qui se fera bon gré mal gré d'une commission scolaire à l'autre, pour être sûr qu'il ne se trouvera pas un seul citoyen qui, majoritaire dans une commission scolaire, se trouverait dépourvu et ne pourrait comprendre les travaux de la commission scolaire qu'il a élue, je propose l'amendement suivant: "Que l'article 583 soit amendé en y ajoutant l'alinéa suivant: "Le français est la langue officielle de chaque commission scolaire; les avis, règlements, résolu-

tions, procès-verbaux sont rédigés dans cette langue".

M. le Président, si je dépose cet amendement, ce n'est en aucun cas pour attaquer les droits de la minorité. C'est que nous sommes convaincus, comme Montréalais, — et nous le sommes encore plus depuis que ce débat est ouvert, soit depuis il y a déjà plusieurs mois, autour du projet de loi no 28 — que, curieusement et anormalement et colonialement, le groupe qui a besoin de sécurité culturelle à Montréal, c'est la majorité.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Evidemment, on comprendra que nous ne pouvons pas délibérer aussi longuement chaque fois que nous sommes en face d'un nouvel amendement parce que nous risquerions de passer la majeure partie de nos séances en délibérations, surtout lorsqu'il s'agit d'amendements qui, à leur face même, semblent correspondre à des décisions qui ont déjà été rendues.

Il est évident qu'une première et, encore davantage, une deuxième lecture de l'amendement proposé par le député de Saint-Jacques démontrent très clairement — je ne reprendrai pas toute l'argumentation que j'ai tenue plus tôt dans la soirée sur la question de l'introduction d'un nouveau principe — et établissent à l'évidence que cet amendement introduit un nouveau principe dans le projet de loi, soit celui de l'unilinguisme, alors qu'implicitement et même explicitement, tout le projet de loi no 28 reconnaît les deux langues, puisqu'on parle d'anglophones et de francophones.

Je ne peux évidemment pas accepter cet amendement qui, lui, introduit le principe de l'unilinguisme dans le bill no 28.

C'est pourquoi je suis dans l'obligation de déclarer immédiatement...

M. BURNS: Avant de rendre votre décision, M. le Président, ... S'il vous plaît, elle n'est pas rendue.

M. LE PRESIDENT: Strictement je pourrais déclarer qu'elle est presque rendue, mais je vais — pour être plus sûr de ma décision — écouter le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je me réfère aux notes explicatives du projet de loi no 28. "Ce projet de loi a pour objet de remplacer les municipalités et commissions scolaires qui existent sur l'île de Montréal par onze nouvelles municipalités scolaires et onze nouvelles commissions scolaires dont les membres sont élus pour un mandat de trois ans selon les mêmes modalités que ceux des commissions scolaires ayant juridiction sur le reste du territoire du Québec ; toutefois, s'il estime que la minorité francophone ou anglophone n'est pas représentée au sein d'une commission scolaire par suite d'une élection, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, sur là recommandation du ministre, y nommer deux autres commissaires pour un mandat d'une année après consultation des comités consultatif s d'école de la minorité concernée. "

Je ne peux absolument pas comprendre votre référence au problème de l'unilinguisme qui est la base, semble-t-il, de l'éventuelle décision que vous rendrez, parce que vous nous avez laissé entendre que c'était un gros problème, au fond, que la motion du député de Saint-Jacques posait, le problème étant que nous introduisions un nouveau principe dans le bill, le nouveau principe — si je vous ai bien compris — étant l'unilinguisme. M. le Président, ce n'est pas du tout et absolument pas le principe ni l'objet de ce projet de loi, à savoir le phénomène de langue ou non. Il s'agit — et le titre de la loi est une très bonne indication — de la Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal.

C'est, je pense, au départ, le cadre qui nous est fixé par le projet de loi. On nous dit: C'est par là qu'on s'en va. Par là, c'est la restructuration des commissions scolaires de l'île de Montréal. Or, qu'est-ce qui arrive avec l'amendement du député de Saint-Jacques? On nous dit: Le français est la langue officielle de chaque commission. Et on nous dit que dans les procès-verbaux, etc, on devra l'utiliser.

Je ne vois strictement pas en quoi ceci puisse contredire les dispositions de l'article 566, qui se lisent comme suit: "Un comité plénier peut apporter n'importe quel amendement à un bill, pourvu que cet amendement se rattache au sujet du bill". J'arrête là, je vous soumets que ça se rattache drôlement au sujet du bill puisque, justement dans le projet de loi, à l'article que nous étudions actuellement, on nous parle — et ce n'est pas moi qui en ai parlé, c'est le projet de loi qui en parle — de la minorité francophone au anglophone.

Il est évidemment question d'un problème de langue. Il en est tellement question que, même dans les amendements qu'a apportés le ministre, il est question d'observateurs pour d'autres minorités. Je continue la lecture de l'article 566: "... pourvu que cet amendement se rattache au sujet du bill". Je ne pense pas, M. le Président, que vous puissiez considérer irrecevable l'amendement à cause de ça; "... ou soit conforme à des instructions spéciales..." ça ne s'applique pas, il n'y en a pas eu; et enfin "... qu'il ne soit ni incompatible...", et là-dessus je pense que c'est ici que vous voulez tenter, si c'est votre intention de déclarer l'amendement irrecevable, "... ni incompatible avec le principe qui a été affirmé à la deuxième lecture, ni contraire aux règles et ordres de la Chambre".

Quant à la fin, je ne pense pas que ça s'applique, "les règles et ordres de la Chambre", à moins que vous ne me les indiquiez, cela n'empêche pas le député de Saint-Jacques de proposer son amendement à ce stade-ci.

Qu'est-ce qu'il nous reste? Il nous reste, selon l'article 566, la possibilité tout simplement que vous déclariez cet amendement incompatible avec le principe qui a été affirmé en deuxième lecture.

Alors, je reviens à ce que je disais tantôt: Quel est-il, ce principe?

Ce principe, c'est la restructuration scolaire sur l'île de Montréal ou l'unification, plus particulièrement. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas dire que le français est la langue officielle de chaque commission scolaire. C'est même dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, M. le Président, encore une fois, sauf erreur. Vous ne pourrez pas nous dire que nous ne pouvons pas vous soumettre cet amendement.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président...

M. BURNS: Une minute, je n'ai pas terminé.

M. SAINT-PIERRE: Vous n'avez pas terminé.

M. BURNS: Alors, M. le Président, au fond, je ne voudrais pas que vous soyez complice d'un désir... Je ne vous accuse pas.

UNE VOIX: Cela s'en vient bien.

M. BURNS : Je parle au conditionnel. Avec tout le respect que j'ai pour le poste...

M. CHARRON: Vous seriez involontairement complice, M. le Président.

M. BURNS: ... que vous occupez, je ne voudrais pas que vous soyez complice d'un désir, du côté ministériel, de ne pas discuter certains problèmes.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Je voudrais faire une mise au point.

M. BURNS: Laissez-moi terminer, M. le Président. Je veux le dire immédiatement: Ce n'est pas vers vous que je dirige ces remarques. Je pense qu'il est essentiel que certaines choses se discutent ici. Entre autres, cela est une des choses qui doivent être discutées ici; c'est l'amorce de ce qui devrait être discuté ici. On aura sans doute l'occasion de discuter également de problèmes semblables à d'autres articles, mais, ici, je ne vois pas en vertu de quoi vous pouvez nous dire qu'un amendement du type de celui présenté par le député de Saint-Jacques peut être considéré comme incompatible avec le bill, tel qu'il a été présenté en deuxième lecture. C'est pour ça que je vous soumets, avec tout le respect que j'ai pour vous, que cet amendement est tout à fait compatible avec le principe du projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire immédiatement une mise au point, vu que le député de Maisonneuve vient de dire qu'il ne voudrait pas que je sois complice. Je voudrais rappeler, d'une façon bien claire et bien explicite, que mon devoir, comme président du comité, consiste, premièrement, à appliquer le règlement au meilleur de ma connaissance; deuxièmement, à protéger les droits et privilèges de chacun des membres de cette Chambre.

Que si, dans les faits, cela ait pour conséquen-de me rendre complice de quoi que ce soit, c'est possible. J'ajouterai même qu'il est possible qu'en appliquant le règlement — c'est une hypothèse que je fais — tel que je l'interprète, j'en arrive à des conséquences qui peuvent être incompatibles avec mes pensées profondes. Mais là n'est pas le problème. Je suis ici strictement et uniquement pour appliquer le règlement et, puisque le ministre de l'Education a manifesté le désir de parler sur la recevabilité de la motion, je lui accorde la parole.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président... M. BURNS : En vertu de l'article 270... DES VOIX : A l'ordre !

M. BURNS: En vertu de l'article 270, M. le Président, que vous connaissez très bien, je veux tout simplement...

M. LE PRESIDENT: Oui, oui.

M. BURNS: ... rectifier une chose. Est-ce que vous voulez le lire avant, M. le Président? Quand je parle de complicité, ce n'est évidemment pas dans le but de vous prêter des intentions.

M. BIENVENUE: C'est un compliment!

M. BURNS: Il n'y a aucune arrière-pensée en ce qui me concerne. C'est un problème, de facto, et c'est peut-être un effet du hasard et je m'en excuse.

M. GARNEAU: C'est de l'hypocrisie.

M. BURNS: Si vous avez pris cette remarque comme étant personnellement dirigée contre vous, il n'y avait, en ce qui me concerne, aucune intention. Si vous le pensez, je retire le mot "complice".

M. BIENVENUE : Le président l'a pris comme nous, comme un compliment à sa personne !

M. LE PRESIDENT : Le ministre de l'Education, sur la recevabilité de la motion.

M. SAINT-PIERRE : M. le Président, ce n'était pas mon intention, sur l'article en question, de soulever un débat de procédure, mais je pense qu'il est pertinent, puisque c'est évident qu'à chaque article on va vouloir mettre de l'avant des amendements qui vont toujours tourner autour du même point, de le vider une fois pour toutes. En faisant mes remarques, je dois de nouveau vous prévenir que ce n'est pas sur le fond du problème suggéré.

Je n'ai rien, moi, contre le français comme langue officielle, mais j'en ai dans mes remarques sur la recevabilité d'une telle motion dans le cadre du débat du projet de loi no 28.

M. le Président, inutile pour moi de rappeler l'article 566, en particulier la note b) où, très clairement, il est dit que le comité ne peut mettre de l'avant des amendements qui vont contre les principes qui ont été approuvés dans le débat de deuxième lecture. Or, tous les partis d'Opposition, M. le Président, ont été d'accord au débat de deuxième lecture qu'il était trop simpliste de considérer que dans le projet de loi no 28 il n'y a qu'un seul principe, à savoir l'unification des commissions scolaires.

D'ailleurs, soit au niveau des thèmes, soit au niveau des interventions des députés, on a vu plusieurs principes: démocratisation des structures scolaires, participation des parents et on pourrait nommer huit ou neuf principes qui ont été retrouvés.

M. le Président, il est peut-être intéressant de noter qu'il y a des gens qui ont eu à voter en deuxième lecture et ont eu à prouver dans leurs gestes, dans leur vote, les principes qui avaient été mis de l'avant dans la législation du gouvernement. Vous allez me permettre très brièvement de dire que ces principes, M. le Président, on ne peut les retrouver dans les interventions en dehors de la Chambre ou dans les souhaits secrets de partis d'Opposition.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que le ministre est actuellement en train de parler sur la question de recevabilité?

M. SAINT-PIERRE: Oui, M. le Président.

M. BURNS: Ou bien tente-t-il de réfuter certains arguments qui lui ont été servis?

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président. Je veux même donner le plan de mon intervention. D'une première page, je vais citer, à partir de mon texte de deuxième lecture, certains principes que j'ai énoncés et qui ont précédé le vote pris en deuxième lecture. Je ne mentionnerai pas tout mon texte de deuxième lecture, je vais m'en tenir uniquement à mes interventions de deuxième lecture qui ont une relation directe avec l'amendement proposé par le Parti québécois. Par après, je prouverai que dans le texte du projet de loi lui-même — non seulement dans mon intervention de deuxième lecture — mais dans le texte et plus particulièrement à l'article 586, nous avions relié à ceci une disposition touchant justement l'avis, les règlements, les résolutions et les procès-verbaux. Il y avait là une position du gouvernement sur la situation devant prévaloir sur l'île de Montréal. Or, l'ensemble des députés de cette Chambre s'est prononcé après le texte de deuxième lecture en faveur de ce principe.

M. le Président, je prouverai par après d'une façon assez évidente que le principe qui était en deuxième lecture vient en contradiction directe avec le nouveau principe que l'amendement veut mettre de l'avant. Je pense que mon plan vaut parfaitement.

M. le Président, il y a dans le journal des Débats, le jeudi 2 décembre, dans mon intervention de deuxième lecture, quelques points et j'en souligne quelques autres. Mais, encore une fois, nous nous attaquons uniquement à la recevabilité, je ne veux pas discuter du fond ou du bien-fondé, il y a bien des choses intéressantes à discuter au Québec mais ce soir on doit discuter du projet de loi no 28 et non pas de tous les problèmes qui peuvent toucher cette province.

M. le Président, à la page 4603, dans une intervention où je parlais de la question linguistique, je disais en particulier: Si le gouvernement veut légiférer sur la langue, il le fera globalement et en dehors du projet de loi no 28. Je disais que d'ailleurs, compte tenu que les commissions scolaires seraient constituées d'ici 1975 on se rend bien compte que le gouvernement a amplement le temps d'apporter sur l'ensemble de la question linguistique les modifications qu'il pourrait juger à propos et qui pourraient influencer le comportement des nouvelles commissions scolaires. C'est donc le sens de l'amendement.

Un peu plus loin, M. le Président, à la page 4605 j'ajoutais: Le projet de loi no 28 tend à respecter dans les faits les droits des anglophones et des francophones. H y a des gens ici qui m'ont écouté dans cette Chambre et qui ont voté après en deuxième lecture. Un peu plus loin, M. le Président, dans cette intervention de deuxième lecture, j'ai dit: Sur le plan linguistique, le gouvernement actuel ne peut pas inclure des clauses particulières qui ne correspondent pas à l'esprit de la loi ou qui, par leur caractère excessif, vont contre des droits fondamentaux. Le projet de loi no 28 doit amener tous les Québécois de Montréal à mettre en commun leur dynamisme. Il offre des garanties de progrès, de conservation dans un partage qui nous semble réaliste. Il maintient des droits confessionnels et linguistiques et crée de nouveaux mécanismes de répartition des richesses et d'élection.

M. le Président, à la page 4608, vers la fin de mon intervention, je disais: Je pense que l'objectif même du projet de loi no 28, la commission scolaire unifiée, par les mécanismes qui y sont prévus, ses garanties linguistiques nombreuses, ses garanties sur le plan de la confessionnalité qui correspondent à un nombre considérable de recommandations du comité catholique, etc.

Donc, dans l'intervention de deuxième lecture, il y a des principes qui touchent la question de la langue et la position du gouvernement y est établie clairement. Or, M. le Président, à l'article 586 — et je regrette qu'on soit entrafné dans le débat — je dois, je pense, faire intervenir cet article-là pour montrer justement qu'il y

avait dans le dépôt du projet de loi en deuxième lecture une position, un principe pris sur la question linguistique que veut soulever le député de Maisonnneuve.

En effet, M. le Président, à l'article 586, on disait et on dit encore que les articles 266 à 270 sont exclus de même que les articles 312 à 318.

Donc, inclus et appliqué au projet de loi no 28 et la restructuration scolaire sur l'île de Montréal, il y avait l'article 301 de la Loi de l'instruction publique. Que dit, M. le Président, cet article 301? Il est tellement pertinent, compte tenu ce qui est proposé comme amendement, que je me sens obligé de le lire textuellement: "Tout avis public peut être rédigé soit dans la langue française ou dans la langue anglaise, soit dans ces deux langues, selon que le décrète, par résolution, la commission scolaire, mais aucun avis ne peut être publié à la fois en français et en anglais dans un journal imprimé dans une seule de ces deux langues." Donc, sur l'article 301, sur la question des avis — et l'on voit "Avis, règlements, résolutions" — il y avait un principe que nous retrouvons dans l'article 301 de notre Loi de l'instruction publique.

D'ailleurs, M. le Président, vous me permettrez, puisqu'on fait appel à la jurisprudence, d'invoquer — je n'ai pas beaucoup d'expérience parlementaire, je vais m'en limiter à des exemples récents — le journal des Débats du jeudi 3 décembre 1970. Nous avions eu, M. le Président, à cette occasion, un amendement analogue qui, chose surprenante...

M. BURNS: Je me demande pourquoi nous ramener au 3 décembre 1970; nous discutons de la recevabilité.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président...

M. BURNS: M. le Président, il ne faut quand même pas prendre des vessies pour des lanternes. Si le ministre veut essayer de nous expliquer pourquoi tantôt il va entrer sous le tapis pour éviter de discuter du bill 63, ce n'est pas ma faute.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve a une trop grande expérience juridique et des connaissances trop solides...

M. BURNS: C'est justement pourquoi je n'accepte pas ça.

M. LE PRESIDENT : ... pour ne pas savoir qu'à un moment donné, soit devant les tribunaux ou devant cette Chambre, il est permis de citer de la jurisprudence, quelle que soit la date. On remonte parfois à des siècles. Le ministre de l'Education a un volume dans lequel il parle d'une date quelconque; il faudrait quand même attendre pour savoir si ce qu'il veut citer est vraiment conforme au problème qui est devant nous. Lorsqu'il sera plus avancé dans sa citation, il nous sera permis à ce moment-là de décider si ce qu'il lit a quelque pertinence avec la recevabilité de la présente motion. Jusqu'à maintenant, il n'y a rien qui peut me permettre, ni au député de Maisonneuve, de juger que les propos du ministre de l'Education ne sont pas pertinents.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je me réfère au journal des Débats du jeudi 3 décembre 1970, et je vais établir la pertinence; c'est qu'au cours de la discussion sur la création du ministère des Affaires sociales le député de Bourget avait proposé en comité plénier — comme nous nous retrouvons aujourd'hui — un amendement qui touchait à la responsabilité prioritaire du Québec dans la conception et la mise en oeuvre des politiques en matière de santé, de services sociaux et de sécurité du revenu.

Et justement, M. le Président, les pages 2002 et suivantes du journal des Débats du 3 décembre 1970 touchent un problème analogue à celui d'aujourd'hui. En comité plénier, l'Opposition a tenté de mettre de l'avant un amendement, et la discussion dans ces pages concerne exactement les mêmes points que nous soulevons aujourd'hui, à savoir que le parti ministériel, avec vigueur comme à l'accoutumée, a prouvé que...

UNE VOIX: Est-ce que c'est marqué, ça?

M. SAINT-PIERRE: Non, ce n'est pas marqué dans le journal des Débats. C'est dans les faits, c'est évident. A prouvé que l'amendement suggéré par le député de Bourget allait à l'encontre du principe contenu dans le projet de loi. Et, à cette occasion, le président, représenté par le député de Taillon, dans une décision fort élaborée,...

M. BURNS: C'est loin d'être une autorité.

M. SAINT-PIERRE: ... très précise, avait établi...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: ... et je le cite: "De plus, je me demande si en deuxième lecture cet amendement avait été inclus dans le bill certains députés qui ont voté en deuxième lecture en faveur du bill auraient voté de la même façon si ce nouveau principe avait été inclus dans le bill. En conséquence, je juge que cet amendement dépasse le principe établi par lé bill en deuxième lecture et je le déclare irrécevable." M. le Président, je résume simplement, je dis qu'en débat de deuxième lecture, et je l'ai mentionné par des citations du journal des Débats, il a été clairement établi que le principe sur le plan linguistique était l'existence de l'article 301, la

reconnaissance de droit linguistique tel qu'il existait.

Je prétends et je soumets à votre considération, M. le Président, que l'amendement proposé par le député de Saint-Jacques est irrecevable parce qu'il va à l'encontre des principes que nous avons acceptés en deuxième lecture, et qu'en vertu de l'article 566 de nos règlements, l'amendement devrait être déclaré irrecevable.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane, ministre d'Etat aux Finances et leader adjoint.

M. BIENVENUE: Sous réserve de ce que vient de dire l'honorable ministre de l'Education, j'ai hésité à me lever sur cette question de règlement, parce que je trouve presque indécent de le faire. Je m'explique, M. le Président. Votre décision était, à toutes fins pratiques, rendue. Vous aviez énuméré tous les considérants, tous les motifs de votre décision et vous étiez à dire: et c'est pourquoi. Par un excès probablement de bonté de votre part, M. le Président, vous avez permis au député de Maisonneuve d'intervenir à nouveau au moment où vous rendiez votre décision. Quoi qu'il en soit, le député de Maisonneuve, en ce faisant, a invoqué l'article 566 qui se lit comme suit, en ce qui concerne la présente question de règlement: "Un comité plénier peut apporter n'importe quel amendement à un bill public pourvu que cet amendement se rattache au sujet du bill..." J'arrête là pour les fins de la discussion.

M. le Président, le principe du bill, le député de Maisonneuve l'a lu et je le lis après lui et c'est assez clair. D'ailleurs, la loi s'intitule Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal, et le principe du bill et les notes explicatives disent, et je lis :"Ce projet a pour objet de remplacer les municipalités et commissions scolaires qui existent sur l'île de Montréal par onze nouvelles municipalités scolaires et onze nouvelles commissions scolaires dont les membres sont élus pour un mandat de trois ans selon les mêmes modalités que ceux des commissions scolaires ayant juridiction sur le reste du territoire du Québec; toutefois s'il estime que la minorité francophone ou anglophone n'est pas représentée au sein d'une commission scolaire par suite d'une élection, le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, sur la recommandation du ministre, y nommer deux autres commissaires pour un mandat d'une année après consultation, etc."

M. le Président, je vous soumets respectueusement que les principes ou le principe que l'on recherche, que l'on retrouve dans le bill que nous étudions présentement, le bill 28, a trait à la restructuration, à la fusion ou à l'unification, si l'on veut, des commissions scolaires, à leur composition, au mode d'élection des commissaires, etc. Nulle part, de près ou de loin, est-il question de rendre obligatoire, de rendre impérative, de rendre officielle une langue ou l'autre.

C'est absolument nouveau. C'est absolument neuf. Cela n'a rien à voir avec le but recherché par le bill. D'autres l'ont dit avant moi. Le premier ministre l'a dit avant moi. Le ministre de l'Education l'a dit avant moi. Dans d'autres projets de loi éventuels, on pourra traiter de langue, que ce soit langue de travail, langue en éducation, langue au Québec, mais nulle part dans le présent bill est-il question de cela, dans les principes ou dans le principe qui est celui de la restructuration.

C'est tellement vrai que, si l'on admettait ce principe d'une langue, quelle qu'elle soit, officielle et obligatoire dans les commissions scolaires de l'île de Montréal, c'est tout ce que l'on retiendrait, c'est ce qui ferait les manchettes, c'est tout ce que l'on retiendrait de ce bill 28, dont la restructuration, l'unification, la composition deviendraient choses secondaires. On retiendrait que les commissions scolaires sont devenues impérativement ou impérieusement ou officiellement françaises à Montréal. C'est absolument ajouter un principe nouveau qui n'a rien à voir avec le but recherché par le bill. Pour cette raison, je vous demande, M. le Président, de déclarer l'amendement absolument irrecevable.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on peut me laisser dire un mot?

M. LEGER : Ne rendez pas votre jugement tout de suite.

M. BURNS: M. le Président, il y a des choses qui ont été dites et qui méritent d'être relevées.

M. LE PRESIDENT: Le règlement est très explicite, et il dit bien que...

M. BURNS: Il y a des faussetés qui ont été dites. Cela mérite d'être relevé.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Je vais tenter de faire l'impossible pour satisfaire l'anxiété, l'inquiétude bien légitime et les interrogations du député de Maisonneuve, comme des autres membres du comité. La discussion sur un point de règlement — le règlement est très clair là-dessus — n'a pas pour but de permettre à tous les députés d'exprimer leur opinion. Je pense qu'encore ici c'est bien logique. On a beau en dire bien des choses, il y a quand même une certaine cohérence dans notre règlement. Si on permettait, à l'occasion d'une discussion d'un point de règlement, à tous les députés de s'exprimer, il arriverait que l'on consacrerait plus de temps à la discussion des points de règlement qu'à la discussion de la substance des lois ou des articles de loi. C'est pourquoi le règlement, à juste titre, je pense, reconnaît que, lorsque le président des comités ou le président de la Chambre considère qu'il est suffisamment

éclairé par les propos que les députés ont tenus, il peut de lui-même rendre une décision.

J'était si bien éclairé sur la question que, dès la lecture de l'amendement du député de Saint-Jacques, j'était prêt à prononcer ma décision. Maintenant, j'ai voulu, dans un dernier doute, un dernier scrupule, entendre les éclaircissements que les députés pouvaient me donner...

M. LEGER: Deux libéraux et un péquiste!

M. LE PRESIDENT (Hardy): ... en particulier, le député de Maisonneuve qui, je pense, encore une fois, avec ses connaissances juridiques, a sûrement fait un tour assez complet de la question. Par la suite, le ministre de l'Education et le leader adjoint du gouvernement ont également exprimé des opinions. Je dois avouer que les opinions que j'ai entendues n'ont fait que m'ancrer davantage dans la décision que j'avais déjà commencé à rendre. Si le député de Maisonneuve a des choses à rectifier, s'il y a des choses fausses qui ont été dites, je lui accorderai volontiers le droit de parole par la suite.

Comme je pense que c'est mon devoir, parce qu'encore une fois je ne peux pas permettre que l'on accorde plus de temps à discuter des points de règlement que des articles mêmes du projet de loi; c'est aller à l'encontre du règlement, je dois donc déclarer, premièrement — là, je réfère à ce que j'ai dit dans une décision antérieure donnée ce soir — qu'on ne peut pas introduire un nouveau principe dans un projet de loi à l'occasion d'un amendement en comité plénier. De nouveau, je réfère tous les membres du comité à May, 13e édition, page 404, au bas de la page. Pour moi, c'est d'une clarté évidente qu'on ne peut pas introduire un nouveau principe.

Dans le cas de l'amendement qui est devant nous, non seulement on introduit un nouveau principe, mais je continue à maintenir que l'on introduit un principe incompatible avec l'un des principes qui est dans le projet de loi 28 à l'heure actuelle. Ce principe, je l'avais mentionné tantôt, c'est que l'on reconnaissait la réalité — je pense qu'on peut admettre ça — anglophone et la réalité francophone, en particulier à l'article 583. On la reconnaît également à l'article 586 en disant implicitement que l'article 301 de la Loi de l'instruction publique s'applique. Donc, je pense qu'on ne peut qu'admettre que l'un des principes de ce projet de loi 28, c'est de reconnaître juridiquement la réalité anglophone et la réalité francophone.

Or, lorsqu'un amendement — je n'ai plus le texte devant moi que la langue officielle sera le français, que les avis, règlements, résolutions, procès-verbaux seront rédigés dans cette langue, je ne peux pas voir comment — la discussion que je viens d'entendre, encore une fois, me l'a confirmé — l'on peut prétendre que ce qui est le principe qui sous-tend cet amendement ne va pas directement à l'encontre d'un autre principe qui est déjà contenu dans le projet de loi no 28.

Je maintiens donc ma décision à l'effet que le sous-amendement de l'honorable député de Saint-Jacques est irrecevable.

Si le député de Maisonneuve a des faits à rectifier, je suis prêt à l'écouter, mais quant à la décision, elle est rendue.

DES VOIX: Adopté.

M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement rétablir des faits, peut-être pas pour ce débat-ci parce que votre décision est rendue et je n'ai pas à la contester, mais je présume que, peut-être à certaines autres occasions de la discussion du projet de loi no 28, le ministre de l'Education nous reviendra en nous disant que le projet de loi, comme il l'a dit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. BURNS: J'y arrive, M. le Président. On rectifiera quand ce sera le temps.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais le député de Maisonneuve à m'aider un petit peu.

M. BURNS: Oui, je vous aide, M. le Président. Je m'assois. On fera cela quand ce sera le temps.

M. LE PRESIDENT: Oui, parce qu'on ne peut pas présumer des décisions à venir. Moi, je ne peux pas présumer, d'abord...

M. BURNS: Sauf que moi, je peux vous dire ce qui va arriver comme amendement tantôt.

M. LE PRESIDENT: Je ne peux présumer de ce que les députés vont faire et je ne peux présumer des décisions.

M. BIENVENUE: Le président est debout! M. LE PRESIDENT: Article 583, adopté? M. LEGER: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je me soumets à la décision du président. Mais, je voudrais quand même présenter un autre amendement à l'article 583, pour les raisons suivantes.

UNE VOIX: Obstruction!

M. LESSARD: Ne vous énervez pas! Nous avons le temps.

M. LEGER: M. le Président, je me réfère à un autre projet de loi pour lequel on avait suivi le même processus que celui-ci. Je me réfère au

projet de loi no 45. Je donne cet exemple qui explique pourquoi je présente celui-ci dans le même contexte.

Dans le projet de loi no 45, M. le Président, il n'y avait aucune directive précise concernant les communications entre les consommateurs et les commerçants ou les industriels qui vendaient des produits à leurs clients. Il n'y avait pas de directives précises concernant la langue du contrat. Et, M. le Président, le projet de loi avait comme principe la protection du consommateur et le ministre a eu l'objectivité d'accepter un amendement que nous avions proposé qui était la langue de contrat, et la langue du contrat était la langue française. Par la suite il y avait, pour ceux qui le demandaient, des contrats en anglais.

M. le Président, dans l'article 583, il est précisément question, au premier alinéa, qu'il y a quinze commissaires et qu'il y aurait, par définition, deux nominations provenant de groupes différents de la majorité. Puisque le gouvernement se réserve la possibilité de nommer deux personnes représentant des minorités linguistiques, il faut nécessairement qu'il y ait, comme dans le bill 45, une possibilité ou des prévisions de communication entre les personnes.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je pense que l'amendement que je proposerais serait du même type que l'amendement qui a été proposé à la Loi de la protection du consommateur, à la suite de nos représentations, et qui avait été accepté par le ministre. Cet amendement ne changeait pas le principe du bill. C'est la raison pour laquelle l'amendement que je présente est le suivant: "Que l'article 583 soit amendé en y ajoutant l'alinéa suivant: "Le français est la langue officielle de chaque commission scolaire. Les avis, règlements, résolutions, procès-verbaux sont rédigés dans cette langue. Si la majorité des commissaires élus sont de langue anglaise, ils sont aussi rédigés en anglais". C'est le même principe qui a été présenté dans le bill 45 et cela avait été accepté.

M. TETLEY: M. le Président, je voudrais rétablir un peu les faits en répondant à la motion de l'honorable député de Lafontaine. Elle n'est pas recevable, à mon avis.

M. BURNS: M. le Président, le ministre est en train de parler sur la motion.

M. TETLEY: Je voudrais tout simplement dire qu'elle n'est pas recevable.

M. BIENVENUE: Le ministre parle sur la recevabilité.

M. LE PRESIDENT: Alors, je pense que nous ne perdrons pas de temps.

M. LAURIN: Nous allons parler sur la recevabilité.

M. LE PRESIDENT: Pendant le temps où je vais étudier et relire la motion, s'il y a un député, que ce soit le ministre des Institutions financières ou un autre député, qui veut parler contre la recevabilité de la motion, on fera d'une pierre deux coups. Pendant que j'étudie, j'écoute en même temps. On épargne du temps.

M. LEGER: Je pense que le président voulait dire pour et contre.

M. TETLEY: M. le Président, je ne crois pas que l'amendement soit recevable, parce que, dans le bill no 45, il y avait déjà le principe de la langue. On avait parlé de la langue.

M. LEGER: C'est faux!

M. TETLEY: Le bill présenté par l'honorable député d'Outremont contenait le principe de la langue dans l'article 4, et dans le bill que j'ai présenté en 1971 — parce qu'il avait présenté son bill en 1970 — j'ai modifié l'article en première lecture lorsque je l'ai déposé. Et il n'a pas été modifié en troisième ou en deuxième lectures. Le principe existait. Ce que vous voulez faire aujourd'hui ou ce soir, c'est de modifier et ajouter tout un principe de langue. C'est pourquoi je crois que vous avez tort et que vous modifiez ici le grand principe du bill.

M. LEGER: M. le Président, je dois quand même reprendre le ministre qui vient de parler. Le principe du bill des consommateurs n'était pas sur la langue, il était sur la protection du consommateur dans une quantité de situations. Si on a ajouté un amendement sur une langue officielle de communications, c'était quelque chose de nouveau, mais ça ne changeait pas le principe, puisque le principe du bill des consommateurs ne touchait absolument pas la langue. La langue a été un article supplémentaire et ce n'est pas un principe de plus qui y est ajouté.

C'est le même cas qui se présente aujourd'hui. C'est le principe des communications, mais ça ne change absolument pas le principe général, ça ne contredit pas, tel que le dit l'article 566, le principe de l'unification et de la restructuration scolaire.

M. LAURIN: Parlant sur la recevabilité, M. le Président, il reste, pour répondre encore une fois au ministre des Institutions financières, que cet amendement a été accepté, ce qui montre bien qu'il ne contrevenait pas au principe qui était selon le ministre inclus dans le projet de loi.

M. TETLEY: Il n'y avait aucun... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: Si l'amendement était accepté, cela veut dire qu'il ne contrevenait pas à la politique du ministère. Autrement, il n'aurait pas été accepté.

Par ailleurs, je pense qu'il est faux d'appeler principe n'importe quoi. Après tout, un projet de loi a un certain nombre de principes. Je suis bien prêt à admettre qu'il y en a peut-être deux, trois ou quatre, mais on ne peut pas étendre indéfiniment comme un accordéon le nombre des principes que contient un projet de loi. Je ne pense pas que je sois prêt à aller aussi loin que le ministre et à déclarer ex cathedra que telle ou telle chose qu'il a dite dans son intervention de deuxième lecture constitue un principe infrangible du projet de loi.

Parce que, encore une fois, l'amendement que nous présentons, et qui est plus dans la ligne de la pensée du parti ministériel, est moins radical, va quand même dans le sens d'un grand nombre des remarques que le ministre a faites quand il a parlé sur la non-recevabilité de l'amendement, puisqu'il a dit et nous a rappelé qu'au cours de son intervention de deuxième lecture, il a parlé des droits de la minorité anglophone.

Précisément, le sens de notre amendement va dans le sens du respect de cette minorité anglophone. Par ailleurs, lorsque nous présentons un amendement sur la langue de travail à l'intérieur des commissions scolaires, nous ne présentons pas un amendement sur la langue générale à l'école, d'ailleurs le président nous a interdit de le faire puisque tout à l'heure on a fermé le corridor qui a été ouvert durant quelque temps.

C'est simplement un problème concret, un problème technique qu'il faut régler et non pas un problème de principe dans lequel on doit s'engager. D'ailleurs, étant donné que l'amendement qu'on présente traite aussi bien d'une langue que de l'autre, on ne peut pas dire qu'il contrevient à ce principe sacré du bilinguisme dont parlait le ministre tout à l'heure. Je suis bien d'accord par ailleurs que le ministre nous cite l'article 301 de la Loi de l'instruction publique, mais il faut bien se rendre compte que cet article 301 s'appliquait à un système bien différent de celui que va instituer la loi no 28. Il s'appliquait à un système d'écoles séparées, puisque le Protestant School Board, par exemple, avait son propre système, et qu'à l'intérieur même de la Commission des écoles catholiques de Montréal, il y avait un système français et un système anglais. C'est une situation bien différente, précisément à cause du nouveau principe de l'unification qu'introduit la loi no 28.

Il faut donc prévoir pour une nouvelle structure, une nouvelle façon de communiquer, de faire des avis, de faire des directives, de faire des procès-verbaux. C'est précisément le sens de notre amendement qui vient préciser, qui vient compléter l'article 301 de la Loi de l'instruction publique.

M. SAINT-PIERRE: Le contredire?

M. LAURIN : Non, pas le contredire. Il vient justement préciser quelle sera la langue de travail dans ces commissions-là. Cet amendement ne touche pas au principe dont parlait tout à l'heure le ministre, c'est-à-dire le respect du droit des minorités. Deuxièmement c'est un problème technique, qui est un problème concret et que l'on retrouve ailleurs dans une autre loi qui a été adoptée par le même gouvernement, il n'y a pas si longtemps. Cela démontre bien que cet amendement ne peut pas être déclaré irrecevable.

Et, par ailleurs, si le gouvernement voulait s'entêter dans cette direction, il montrerait justement qu'il ne veut pas discuter le fond encore une fois, qu'il veut se réfugier derrière le règlement, derrière la règle pour ne pas être accusé de vouloir contrevenir aux droits de la majorité.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education invoque le règlement.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce qu'il faut rappeler les paroles qui ont déjà été mentionnées dans cette Chambre, que les mauvaises intentions c'est comme l'argent, pour en prêter aux autres il faut en avoir.

M. LEGER: Continuez la politique de l'autruche.

M. BURNS: Vous ne discutez pas des vrais problèmes, c'est ça, parfait.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce que vous avez fini là-bas?

M. LESSARD: Rampez! Rampez! M. BURNS: En dessous du tapis! M. LESSARD: L'aplaventrisme!

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BURNS: On n'est pas capable de discuter des vrais problèmes, c'est ça le problème.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense qu'avec la collaboration de tous les membres du comité nous avons eu vraiment un exemple parfait de sain parlementarisme pendant toute la journée. Il ne faudrait pas qu'au cours des quinze dernières minutes on gâte tout ce qui s'est accompli, je ne dis pas en substance...

M. BURNS: Ce qu'on veut, M. le Président, c'est que les gens sachent bien qu'ils ne veulent pas en discuter du vrai problème.

M. LE PRESIDENT: Je pense que, quant à

la forme, nous avons eu toute la journée des discussions qui ont respecté le décorum, qui a respecté ce qu'un sain parlementarisme doit observer. J'inviterais les honorables membres à continuer dans cette ligne puisqu'il ne reste plus que quinze minutes pour la fin de la séance.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je pense...

M. BURNS : Il n'y a pas de problème.

M. BIENVENUE : Est-ce que je peux parler sans déranger personne?

M. SAINT-PIERRE: J'espère que le député de Bourget est allé chercher des médicaments.

M. BURNS: J'invoque le règlement, ça ne sert à rien.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, à deux reprises — et encore récemment — le député a laissé entendre que le gouvernement ne voulait pas avoir un débat de fond sur la question linguistique. Or, c'est archifaux, vous me permettrez de corriger ce qui a été dit...

M. LEGER : On va le voir!

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en dehors des problèmes linguistiques on pourrait évoquer toute une série de mesures, politique des achats dans les commissions scolaires, politique d'investissements, politique d'assurance. M. le Président, on pourrait évoquer la politique des questions agricoles. On pourrait parler de l'enseignement agricole mais ce n'est pas la place dans le projet de loi no 28 de discuter de ces choses-là.

M. LEGER: Cela fait mal.

M. SAINT-PIERRE: Le projet de loi no 28, c'est une restructuration scolaire. La preuve qu'on ne veut pas éviter des débats de fond et que sur d'autres questions on s'y penche, c'est que le gouvernement s'est senti obligé de déposer deux autres mesures législatives, dans le domaine scolaire, qui touchent l'île de Montréal, mais il ne le fait pas par le biais d'amendements parce que c'est contraire aux principes qu'on a eus en deuxième lecture.

M. BIENVENUE: M. le Président, sur la recevabilité de cette nouvelle motion d'amendement et toujours sous réserve de ce que vient de dire mon collègue, le ministre de l'Education, il est manifeste que le député qui vient de proposer cet amendement n'a rien compris à votre décision sur la dernière motion d'amendement.

Tout ce que ce nouvel amendement veut suggérer de différent de l'amendement précédent, c'est ce qui suit — dans les deux cas, ce serait toujours une langue officielle au niveau administratif dans les commissions scolaires — que, dans le cas où les commissaires seraient en majorité d'une langue différente, il y ait traduction des documents. C'est tout ce que ça propose de différent, M. le Président, vous avez le texte devant vous. On en revient à l'argumentation sur laquelle vous avez appuyé votre décision précédente, à savoir que rendre une langue, quelle qu'elle soit impérative, obligatoire et officielle dans le texte du projet de loi 28 qui n'a pour but que la restructuration des commissions scolaires, c'est ajouter un principe nouveau. Le fait que l'on ajoute cette subtilité, si on peut l'appeler ainsi, de la traduction dans le cas d'une majorité linguistique d'un autre groupe, cela ne change rien à votre décision et je vous demande de déclarer l'amendement irrecevable aussi vite...

M. LEGER: Vous n'avez pas honte?

M. BIENVENUE: Non, je n'ai pas honte! Que le député ne me parle pas de honte, surtout, et me laisse terminer.

M. LEGER: Je vous parle de honte. Vous n'avez pas honte de ne pas vouloir laisser passer un minimum d'amendement comme ça? C'est de l'entêtement.

M. BIENVENUE: Que le député me laisse terminer. Je n'ai pas la réputation en cette Chambre d'avoir déjà interrompu qui que ce soit, jamais depuis cinq ans que je suis député, et je ne me laisserai pas interrompre. Cela va beaucoup mieux lorsqu'un opinant parle à la fois dans cette Chambre. On se comprend beaucoup mieux.

M. LEGER: Vous étiez assis.

M. BIENVENUE: Non, je n'étais pas assis; je suis encore debout.

J'en profiterai, M. le Président pour vous faire remarquer que la députation ministérielle n'a pas retardé trop les débats sur l'article 583 depuis le début de la journée.

M. JORON: M. le Président, sur la recevabilité de la motion. Vous avez rendu une décision tout à l'heure — même si nous ne partageons pas nécessairement le bien-fondé de cette décision — en invoquant le fait que l'un des principes inclus dans le projet de loi était la reconnaissance d'une dualité linguistique que l'on constatait et que le projet de loi devait maintenir. En ce sens, vous disiez que cette dualité-là n'était pas reconnue par l'amendement que vous avez déclaré irrecevable tout à l'heure.

Mais, dans celui-ci, M. le Président, je vous soumets que cette dualité est reconnue par le fait même que l'amendement prévoit que, dans les cas justement où une majorité est anglophone dans une commission scolaire — à ce mo-

ment-là, il ne s'agit pas d'une traduction; l'amendement ne parle pas de traduction — il y a deux textes qui ont une valeur officielle aussi bien l'un que l'autre. Ce n'est pas une traduction. Je vous soumets que l'amendement dont nous discutons la recevabilité inclut ce principe que vous avez évoqué tout à l'heure de la reconnaissance de la dualité linguistique.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Je pense que je suis prêt à rendre ma décision sur la recevabilité de la motion. Je l'étais déjà, il y a quelque temps, mais, encore une fois, pour être plus sûr, j'ai bien voulu écouter les représentations des différents membres du comité.

Il me paraît évident qu'en disant, et pour le bénéfice de tous les membres du comité, je cite textuellement l'amendement: "Le français est langue officielle de chaque commission scolaire, les avis, règlements, résolutions, procès-verbaux sont rédigés dans cette langue. Si la majorité des commissaires élus est de langue anglaise, ils sont aussi rédigés en anglais."

Evidemment, si l'on admet que reconnaître dans une loi une langue comme officielle n'est pas un principe, il est évident que l'on ne peut pas dire que c'est un nouveau principe. Mais, personnellement, je ne peux pas admettre cette prétention. Je considère que quand une loi reconnaît une langue comme officielle, c'est un principe qui est reconnu dans cette loi. Je continue à maintenir que, jusqu'à maintenant, on ne m'a pas convaincu...

M. BURNS: M. le Président, incompatible. M. SHANKS: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: ... d'abord que ce principe était déjà dans la loi et, encore une fois, je rappelle le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Ce n'est pas ça, M. le Président. Est-ce que c'est incompatible? C'est la question.

M. BIENVENUE: Les règlements, M. le Président.

DES VOIX: A l'ordre!

M. BURNS: L'article 566, incompatible avec le projet de loi, voyons donc!

M. LE PRESIDENT: J'invite l'honorable député de Maisonneuve, encore une fois, à relire attentivement...

M. BURNS: ... règlements, c'est incompatible.

M. LE PRESIDENT: Il y a les règlements et il y a aussi les auteurs.

M. BURNS: C'est d'abord, M. le Président, le règlement.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: Et, deuxièmement, je continue à maintenir que tout le projet de loi no 28, à cause en particulier de l'article 583, de l'article 586 qui se réfèrent à la Loi de l'instruction publique, toute l'économie du projet de loi no 28 refuse d'admettre la priorité d'une langue sur l'autre. C'est le principe qui est dans le projet de loi no 28 et nous sommes présentement à étudier le projet de loi no 28. Je déclare immédiatement, parce qu'il ne faut pas quand même revenir constamment sur les mêmes choses, qu'un amendement qui va à l'encontre de ce principe qui se retrouve dans la Loi 28 à l'effet qu'il n'y a pas une langue privilégiée, ne peut pas être reçu. Il est irrecevable.

M. LAURIN: Donc, il n'y a pas de langue privilégiée au Québec, M. le Président? Est-ce qu'il faut croire que procédure égale imposture au Québec?

DES VOIX: A l'ordre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre

M. CHARRON: M. le Président, est-ce qu'on doit considérer désormais — je vous demande une directive en vertu de l'article 667 — que tout effort pour parler d'une langue ou d'une autre viendrait entraver un principe qu'on aurait voté sans le savoir au moment de l'adoption en deuxième lecture, soit le fait que désormais Montréal est un district bilingue au point de vue scolaire, et le fait de spécifier les droits d'une langue ou d'une autre, que ce soit celle de la majorité ou celle de la minorité, équivaut à entraver le principe de la loi? Est-ce que je savais, quand j'ai voté cette loi en deuxième lecture, que, véritablement, c'était un district bilingue à Montréal?

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! L'honorable député de Saint-Jacques m'a demandé une directive. Il est évident que je ne peux pas, à l'avance, appliquer un jugement pratique sur des faits nouveaux qui pourront se produire.

La directive s'insère dans les décisions rendues antérieurement. Encore une fois, c'est que l'on ne peut pas admettre un principe incompatible. Quant à savoir si telle proposition sera recevable ou non, on la jugera en temps et lieu et suivant sa nature. Je ne peux pas en dire davantage.

M. LAURIN: M. le Président, vous avez rendu votre décision, vous en porterez la responsabilité, et je pose maintenant une question au premier ministre. S'il n'y a plus, selon la décision que le président vient de rendre, de langue privilégiée à l'école au Québec, est-ce qu'il va falloir, M. le premier ministre...

M. BIENVENUE : Article 583, adopté.

M. LAURIN: ... enterrer ... Je pose une question au premier ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LAURIN: Est-ce qu'il va falloir enterrer les déclarations du premier ministre, lors de la campagne électorale, alors qu'il disait que le français était la langue prioritaire au Québec? Puisque la décision qui vient d'être rendue montre qu'il n'y a plus de langue privilégiée au Québec, est-ce qu'il va falloir désavouer vos déclarations à l'effet que le français était la langue prioritaire au Québec?

M. BIENVENUE: J'invoque le règlement.

M. LAURIN: Je voudrais que le premier ministre réponde à cette question.

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader adjoint.

M. BIENVENUE: La question que pose le député de Bourget — je comprends qu'il est tard — n'a absolument rien à voir avec...

M. LESSARD : Allez voir le père Noël.

M. BIENVENUE: Laissez-moi finir. Non, non! qu'on se calme et qu'on ait plus de maturité, et les débats vont se dérouler beaucoup mieux dans cette Chambre. La question que pose le député de Bourget n'a rien à voir avec l'article 583. Vous avez rendu des décisions et je vous propose l'adoption de l'article.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si je prends part à ce débat à ce stade-ci, alors que l'heure est tardive, compte tenu de toutes les opinions que nous avons entendues ce soir, qui ont été exprimées de part et d'autre, c'est pour bien faire comprendre au gouvernement, comme nous l'avions expliqué au ministre de l'Education, qu'en nous présentant ce projet de loi sans avoir auparavant énoncé les grandes lignes de la politique culturelle et linguistique, le gouvernement devait savoir qu'il allait se buter de la part des Oppositions à une résistance assez farouche. L'on sait que le projet de loi concerne la restructuration scolaire de l'île de Montréal.

On connaît la technique législative et, compte tenu de nos usages parlementaires, nous savons très bien quels peuvent être les amendements recevables ou non recevables.

Or, toutes les fois qu'il est question de la langue, alors que l'on invoque le fait que cette loi n'a pas pour but de légiférer en matière de langue, le gouvernement doit subir un reproche sévère qu'il aurait pu éviter s'il s'était donné la peine, avant que de nous présenter ce projet de loi, d'examiner d'abord les possibilités de présenter un projet de loi en matière linguistique.

Je sais que le débat que nous allons poursuivre sur cette question de la loi 28 va se poursuivre exactement de la même façon, que les mêmes demandes vont être faites. Je répète le reproche que j'avais fait au ministre de l'Education, en terminant, parce que là, il est minuit, que le gouvernement devrait à cet égard réviser sa position parce qu'il imagine très bien que nous allons revenir sur différents sujets et que nous allons fatalement nous heurter sur la question de la langue.

M. le Président, il est minuit, je vous le signale.

M. BIENVENUE: L'article 583 adopté? M. LAURIN: Non, M. le Président.

M. HARDY (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a procédé à l'étude du projet de loi no 28 et demande la permission de siéger à nouveau.

M. LAVOIE (président): Quand siégera-t-il? Prochaine séance. La Chambre ajourne ses travaux à demain dix heures trente.

(Fin de la séance à 23 h 57)

Document(s) associé(s) à la séance