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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mercredi 22 décembre 1971 - Vol. 11 N° 113

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures et trente-cinq minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de commissions élues.

Commission de la Justice

M. VEILLEUX: M. le Président, pour M. Lamontagne, la commission de la Justice a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son troisième rapport. Votre commission s'est réunie pour étudier le projet de loi no 281, Loi constituant le service de police de la Communauté urbaine de Montréal et modifiant de nouveau la loi de la Communauté urbaine de Montréal, le 21 décembre 1971.

M. LE PRESIDENT: Rapport lu et reçu.

M. LEVESQUE: M. le Président, d'après les renseignements que j'ai, il y aurait un consensus, à moins que je fasse erreur. S'il n'y a pas d'objection, est-ce que je pourrais proposer que les entrées soient faites et que l'on passe en troisième lecture de ce projet de loi qui a semblé avoir recueilli toutes les adhésions?

M. LAURIN: Pas à ce moment-ci. Peut-être après la période des questions, vous pourrez reposer la question et on pourra vous donner une réponse.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. LE PRESIDENT:

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions des députés.

Questions et réponses

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Camionneurs artisans

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question au ministre du Travail. Le ministre du Travail a expédié un télégramme à Me Jean Béliveau, conseiller juridique de l'Association nationale des camionneurs artisans du Québec. Il a fait des propositions à cette association. Est-ce que le ministre a reçu réponse à la suggestion qu'il a faite à l'Association nationale des camionneurs artisans du Québec? Quelle est la situation ce matin en ce qui concerne la reconnaissance de cette association?

M. COURNOYER : Le texte du télégramme est très clair. Je ne sais pas si le député de Chicoutimi l'a présentement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, il l'a.

M. COURNOYER : Il est très clair, il mettait fin à une discussion. Je ne vois pas en quoi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre du Travail pourrait prendre des vitamines pour qu'il puisse parler un peu plus fort et que nous l'entendions bien?

M. COURNOYER: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'était pas comme ça avec nous autres.

M. COURNOYER: M. le Président, comme je le disais tantôt, j'ai déjà envoyé un texte de télégramme, qui était lui-même une réponse à une question.

Au moment où nous parlons, il semble que la question continue d'évoluer dans le bon sens. Je vais m'interroger ou interroger le comité mixte que j'avais formé sur l'état de la question et je rapporterai au député de Chicoutimi pour demain matin la réponse précise à la question qu'il vient de me poser.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une question additionnelle, M. le Président, Est-ce que le ministre du Travail a informé son collègue, le ministre de la Voirie, à ce sujet, et est-ce que son collègue est d'avis que les suggestions qu'a faites le ministre du Travail puissent lui être agréables — je parle du ministère de la Voirie?

M. COURNOYER: M. le Président, le ministre de la Voirie et moi-même étions totalement d'accord sur le contenu du télégramme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sommes totalement d'accord.

M. SAMSON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Crise monétaire

M. SAMSON: M. le Président, j'aimerais poser une question à l'honorable premier ministre. Les nouvelles nous rapportent que, maintenant que la crise monétaire internationale semble désamorcée, l'économie canadienne devrait pouvoir s'accroître à un rythme plus accéléré. Est-ce que le premier ministre et son gouvernement ont déjà pris des dispositions afin que le Québec puisse en profiter au maximum, et ainsi

aider peut-être à la création des 100,000 emplois?

M. BOURASSA: M. le Président, de fait, la question de l'abolition de la surtaxe avantage évidemment toutes les provinces, principalement les provinces manufacturières. Quant à la dévaluation du dollar américain, il faudra attendre pour voir quel effet ça aura sur le dollar canadien. Pour répondre plus précisément au chef du Ralliement créditiste, il est clair que le gouvernement doit profiter des nouvelles facilités d'exportation pour les produits québécois.

M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le premier ministre prévoit, ainsi que son gouvernement, une étude spéciale sur le sujet afin de nous offrir des dispositions précises d'ici quelque temps?

M. LEVESQUE: Justement, M. le Président, j'ai rencontré les officiers de mon ministère ce matin, et un effort particulier sera fait dans le domaine des exportations pour le Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est en méditation parlée.

Mutations aux Affaires municipales

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Est-ce que le ministre a l'intention de rendre publics les noms des fonctionnaires qu'il a congédiés ou mutés pour activité révolutionnaire dans son ministère? Deuxièmement, est-ce qu'il a l'intention de rendre public le dossier des preuves qu'il a accumulées pour justifier ces renvois ou ces mutations?

M. TESSIER: Je prends note de la question, M. le Président...

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que le ministre entend répondre à l'invitation qui lui a été faite par le Syndicat des professionnels à l'effet de substantifier ces accusations ou de les retirer si des preuves ne peuvent être fournies publiquement?

M. TESSIER: Non, M. le Président, je n'ai pas l'intention d'en tenir compte.

M. LAURIN : Une question additionnelle, au premier ministre alors. Est-ce l'intention du gouvernement de continuer la chasse aux sorcières qui s'est amorcée au ministère des Affaires municipales?

M. BOURASSA: M. le Président, je ne réponds qu'à des questions sérieuses.

M. LAURIN: Ce sont des questions sérieuses. Est-ce que le premier ministre a pris connaissance de la déclaration du Syndicat des professionnels, qui groupe l'élite du fonctionnarisme du gouvernement du Québec, et est-ce qu'à la suite de cette déclaration il peut considérer qu'il s'agit d'un problème sérieux?

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre ne serait pas plutôt d'accord pour publier la liste de ceux qui n'ont pas d'activités, ce serait peut-être moins long.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

Situation économique en 1972

M. PAUL: M. le Président, j'ai une question extrêmement sérieuse pour le premier ministre. Les pages financières du jour nous rapportent qu'on voit l'économie de 1972 d'une manière très sombre pour le Québec. Quelles sont les injections que le gouvernement a l'intention de jeter dans l'économie québécoise aux fins de parer à cette situation, et le premier ministre a-t-il l'intention de nous annoncer prochainement certaines lois à caractère économique pour pallier le chômage alarmant que nous connaissons au Québec?

M. BOURASSA: M. le Président, le député est au courant du nombre considérable de mesures qui ont été prises. Le ministre des Finances en a parlé il y a quelques jours et le ministre de l'Industrie et du Commerce de même que moi-même aurons l'occasion au cours des premiers jours de l'année 1972 d'exprimer notre point de vue là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce); M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre du Revenu, il était ici il y a un instant...

M. SAMSON: Il n'est pas revenu.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je reposerai ma question tout à l'heure si vous me le permettez.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

Insémination artificielle

M. BELAND: M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre de l'Agriculture. Est-ce que le ministre a pris connaissance du différend entre le Centre d'insémination artifi-

cielle de Saint-Hyacinthe et le club d'élevage d'amélioration des bovins de Brome et Shefford?

M. TOUPIN: Bien oui, M. le Président! nous sommes au courant du problème. Il s'agit de l'application de la loi sur l'insémination artificielle. J'ai rencontré à cette fin les députés intéressés de chacun des comtés et nous en sommes venus à une entente.

Nous avons rencontré par la suite les dirigeants de l'association Eastern Breeders avec laquelle nous avons également discuté du problème. Il y a quelques problèmes qui se posent encore et nous sommes en discussion avec elle. Le tout se déroule normalement et assez bien.

M. BELAND: Une question supplémentaire, M. le Président. M. le ministre, est-ce que vous prétendez que le problème va se résoudre avant le 1er janvier, étant donné la mise en application de la loi?

M. TOUPIN: M. le Président, c'est l'objectif que nous poursuivons. La loi doit s'appliquer à compter du 1er janvier. Nous espérons qu'à cette date le problème sera réglé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Nord.

Salaire d'enseignants en retard

M.GAGNON: Le ministre de l'Education pourrait-il nous dire s'il a donné des instructions à son ministère pour le paiement du personnel enseignant des paroisses marginales dont les salaires sont en retard depuis sept, huit mois et qui sont dans une situation très difficile? D'ailleurs cela a fait l'objet d'un communiqué assez violent de la Fédération des commissions scolaires contre l'administration du ministère de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'ai établi à ma satisfaction que, si les enseignants n'ont pas été payés, il n'y a aucun retard dans le versement des subventions du ministère à ces commissions scolaires.

M. GAGNON: Une question supplémentaire, M. le Président. Ce sont des paroisses marginales qui avaient des déficits de fonctionnement. Est-ce que le ministre a l'intention de donner instruction à son ministère de payer ces déficits puisqu'il se tient responsable en vertu des normes établies? Ce geste permettrait aux commissions scolaires de payer leur personnel.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je pense que dans un endroit comme dans un autre, si on établit un taux normalisé de $1.40 par $100 d'évaluation, ceci à l'échelle du Québec, cela doit être payé et c'est dans ce sens que nous avons examiné ce cas.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Est-ce qu'il est en mesure ce matin de nous dire si le gouvernement a conclu un accord avec un syndicat financier ou un autre en matière d'emprunts?

M. GARNEAU: Non, M. le Président.

M. JORON: Une question supplémentaire. Comme ces accords sont signés généralement avant le 31 décembre, est-ce que le ministre sera en mesure, cette semaine, de nous annoncer la décision finale du gouvernement à cet égard?

M. GARNEAU: Non, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

Journée d'étude d'étudiants en médecine

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'adresse ma question au ministre des Affaires sociales. Est-ce qu'il a pris connaissance de la journée d'étude tenue par les étudiants en médecine de quatrième année de l'université Laval? Est-ce qu'il a pris connaissance des causes, des raisons évoquées pour cette journée d'étude? Si oui, a-t-il des commentaires à nous faire?

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai pris connaissance de ce fait par la voie des journaux, ce matin.

J'aimerais justement faire quelques commentaires. Malgré les rencontres périodiques que nous avons avec les autorités du Collège des médecins et chirurgiens et notre désir de les consulter sur un certain nombre de questions, nous n'avons pas été consultés par le collège sur cette question. Et ceci, à mon sens, démontre la nécessité du bill 250, étant donné qu'il s'agit là de questions passablement importantes. Et si la nouvelle, telle que rapportée par les journaux, est exacte, je crois que l'on peut se poser de sérieux doutes quant au bien fondé d'exiger que les étudiants de nos facultés de médecine passent pour l'admission à la pratique un examen fabriqué ou conçu à l'extérieur. Que les étudiants, d'eux-mêmes, jugent utile, dans certaines circonstances, de passer un tel examen, c'est une tout autre chose. Mais il me semble qu'il s'agit là d'un principe nouveau, ici et sur lequel on doit se poser de sérieux doutes. Et si le collège devait maintenir sa décision, nous devrons réexaminer cette question, dès l'adoption du bill 250 et de la Loi médicale.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que le ministre croit — évidemment, il pourra toujours

me répondre que je lui demande un avis, une opinion — que cette décision du Collège des médecins pourrait être dictée par l'intention d'ajouter de la mobilité dans la pratique médicale, comme argument, qui pourrait être révoqué en certaines circonstances.

M. CASTONGUAY: Je n'ai aucune idée des motifs qui ont guidé le collège dans cette décision. Si ma mémoire est bonne, toutefois, ou si les renseignements que j'ai sont exacts, il y a quelques années, cette question avait déjà été étudiée par le bureau des gouverneurs du collège et plusieurs gouverneurs — en fait la majorité — s'étaient opposés à ce qu'on exige cet examen des étudiants, le même examen dont il est ici question, pour leur admission au droit de la pratique. Et ceci précisément parce que cet examen était fait à l'extérieur alors que les conditions d'attribution de tout diplôme d'enseignement dans notre système d'éducation devrait être normalement sous la responsabilité de nos institutions d'enseignement.

M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministère entend intervenir ou est déjà intervenu pour faire cesser les journées d'étude des étudiants en médecine ou les réduire au maximum?

M. CASTONGUAY: M. le Président, c'est une question dont je viens d'être saisi, ce matin. Le collège et les facultés de médecine sont en conflit, en fait, et, si les nouvelles sont exactes, il met en cause les étudiants et le collège principalement. En premier lieu, j'aimerais vérifier d'abord si cette nouvelle rapportée est bien exacte, et, suite à cette réaction des étudiants, je pense qu'il serait bon aussi de voir si le collège est prêt à reconsidérer sa décision. Sinon, évidemment, nous devrons en discuter avec eux et voir quels sont les moyens qui peuvent être pris.

Je rappelle, toutefois, que dans le contexte de la loi actuelle du collège des médecins, nous n'avons pas de pouvoir direct d'intervention.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

Lois du revenu

M. ROY (Beauce): M. le Président, comme le ministre du Revenu est revenu, je vais en profiter pour poser ma question. Suite à l'adoption par le gouvernement fédéral du projet de loi no C-259, est-ce que le ministère du Revenu a l'intention d'apporter des modifications majeures dans les diverses lois du revenu du Québec, dès le début de l'an 1972? Aussi, est-ce que le gouvernement a l'intention de convoquer la commission parlementaire du Revenu pour que toutes ces questions puissent être étudiées avant l'ouverture de la nouvelle session?

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, j'ai dit, avant-hier, en réponse à une question, qu'à la suite de l'adoption du bill C-259 par la Chambre des communes à Ottawa, le gouvernement du Québec, par la voix du ministre des Finances fera une déclaration ministérielle d'ici la fin de la session, annonçant la politique du gouvernement dans le domaine de la réforme fiscale.

M. ROY (Beauce): M. le Président, question supplémentaire. Comme le gouvernement devra, à plus ou moins brève échéance, modifier certaines dispositions de la loi, est-ce qu'on pourrait demander à l'honorable ministre, s'il a l'intention de conclure un accord avec les Etats-Unis en ce qui a trait aux travailleurs québécois qui travaillent outre-frontière à l'année longue, de façon que ces gens n'aient pas double imposition, c'est-à-dire être obligés de payer l'impôt intégral au gouvernement provincial? M. le ministre, vous êtes certainement au courant qu'une entente existe entre le fédéral et les Etats-Unis et les gens peuvent bénéficier d'un certain dégrèvement du fait qu'ils paient déjà l'impôt aux Etats-Unis. Or, comme c'est un problème d'une grande importance pour notre région, j'aimerais bien savoir quelles sont les intentions du ministère du Revenu à ce sujet.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, avant de répondre à la dernière question du député de Beauce, j'avais omis de lui dire, en ce qui concerne la deuxième partie de sa première question à savoir si on avait l'intention de convoquer la commission parlementaire, il n'y a pas de doute qu'au moment où j'aurai la responsabilité d'apporter les modifications aux lois fiscales, si l'Opposition veut accepter la demande de déférer à la commission parlementaire du Revenu les différentes législations, c'est avec plaisir que nous discuterons, à la commission parlementaire du Revenu, des projets de lois concernés à ce moment-là.

En ce qui concerne la dernière question du député de Beauce, le député de Beauce sait pertinemment qu'actuellement autant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, le lieu de résidence d'un citoyen au 31 décembre, en fait soit un citoyen canadien ou un citoyen de la province de Québec au point de vue fiscal.

Dans la réforme fiscale, nous avons l'intention d'apporter des modifications dans certains domaines pour rendre la loi le plus uniforme possible, parce que c'est le même citoyen, ces dispositions ne seront annoncées qu'au noment où nous légiférerons dans le domaine fiscal et non pas avant.

M. ROY (Beauce): M. le Président, si le ministre ne peut pas nous donner de précision, à savoir si c'est l'intention du gouvernement de prendre en considération le fait que ces gens doivent déjà payer l'impôt en entier aux Etats-Unis et qu'ils doivent en plus envisager des

dépenses spéciales, je lui demanderais si on a l'intention d'en tenir compte dans les modifications qu'on entend apporter dans nos lois du revenu.

M. HARVEY (Jonquière): Je vais répondre au député de Beauce par des mots qu'il connaît bien. Nous avons l'intention de prendre en considération, le plus possible ce qui est humainement possible pour rendre la taxation la moins dure possible aux citoyens du Québec.

M. SAMSON: Il y en a un qui répond comme il le faut, ce matin.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Projet de loi no 64

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais poser une question au ministre de l'Agriculture. Est-ce que le ministre de l'Agriculture a l'intention de faire adopter le projet de loi no 64 avant la fin de la session?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le gouvernement va-t-il retarder l'adoption de cette loi?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

L'honorable député de Portneuf.

Jeux du Québec

M. DROLET: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre de l'Education. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est vrai que les jeux d'hiver du Québec auront lieu à Montréal? Si c'est vrai, est-ce que le montant d'argent prévu par le gouvernement pour la ville de Shawinigan sera le même pour la ville qui fera ces jeux?

M. SAINT-PIERRE : A la première question, la réponse est oui. A la deuxième, il n'y avait pas d'argent et il n'y aura pas de nouveau montant pour la ville de Montréal.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Loi du syndicalisme agricole

M.PAUL: M. le Président, Noël, c'est la période des cadeaux, des échanges.

Est-ce que l'honorable premier ministre, dans sa générosité reconnue, a pensé offrir en cadeau aux cultivateurs qui nous visitent ici, spécialement ce matin, la Loi du syndicalisme agricole avant le 1er janvier?

M. BOURASSA: Avec la collaboration de l'Opposition, cela serait possible.

M. PAUL: M. le Président, nous offrons notre collaboration et nous supplions le premier ministre d'appeler ce matin l'article du jour sur la Loi du syndicalisme agricole. Nous sommes prêts à en discuter et à l'adopter après une étude pas trop, trop exhaustive, pour satisfaire enfin les besoins et les aspirations des cultivateurs du Québec.

M. BOURASSA: Nous avons essayé à plusieurs reprises d'amener le bill. Nous étions prêts avant-hier mais on a adopté seulement un ministère sur quinze, seulement quelques dizaines de milliers de dollars sur $132 millions. Hier, on n'a adopté qu'un seul article.

M. PAUL: Bien, commencez par ça d'abord!

M. BOURASSA: Seulement un article a été adopté hier par l'Opposition. Le gouvernement fait tout ce qu'il peut pour faire avancer les travaux, mais l'Opposition a son rôle à jouer.

M. LOUBIER: Le premier ministre a... M. LESSARD: La tortue.

M. LOUBIER: ... tenu ces propos avec un large sourire, parce qu'il sait fort bien que depuis quelques jours nous avons offert au gouvernement de délaisser toute autre étude de projet de loi pour pouvoir étudier le projet de loi 64. Nous avons même promis au gouvernement de le faire dans un laps de temps très court. Nous sommes encore prêts ce matin... Je ne voudrais pas que des gens, et surtout les cultivateurs jettent l'odieux de l'inertie du gouvernement sur les oppositions. Nous sommes encore prêts ce matin à étudier le bill 64. Je suis sûr que tous les collègues de l'Opposition, de quelque parti que ce soit, le feront avec une très grande célérité, une très grande objectivité.

M. LEVESQUE: Il faut, je crois, être sérieux. Ceux qui ont été présents dans cette Chambre, particulièrement les représentants de la classe agricole dans les galeries, comme les journalistes, comme vous tous savez fort bien, il y a présentement une obstruction menée par le Parti québécois pour bloquer les travaux parlementaires, et on se sert des règlements...

M. LESSARD: Le gouvernement de tortue!

M. LEVESQUE: On a parlé, par exemple, de la "procédurite"...

M. LEGER: Pour arriver à temps, il faut partir à temps.

M. LEVESQUE: ... du député de Maskinongé. Ils sont devenus des experts en "procédurite"...

M. LESSARD: Le gouvernement de tortue.

M. LEGER : Depuis le 28 octobre qu'on attend après vous autres et que vous ne faites rien.

M. LEVESQUE: ... des gens qui au lieu de s'occuper du contenu s'attachent au contenant. Ce sont des gens qui accusent les partis traditionnels de tous les péchés d'Israël. On n'a rien vu dans cette Chambre depuis des années qui puisse se comparer...

M. LEGER: Si on veut arriver à temps, il faut partir à temps.

M. LEVESQUE: ... à cette obstruction systématique.

UNE VOIX: Indécente.

M. LEVESQUE: Indécente, en effet. Des gens qui n'ont aucun souci du bien commun ou du bien public et qui n'ont aucun souci pour la classe agricole, et particulièrement pour le sort du bill 64.

M. LEGER: M le Président, en ce qui nous concerne, nous sommes prêts à participer...

M. BELAND: M. le Président, je voudrais invoquer le règlement...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

M. BELAND: J'avais invoqué le règlement, avant que le chef de l'Unité-Québec parle, pour dire tout simplement que nous n'acceptons pas la forme de chantage que le premier ministre nous fait ce matin. Nous sommes prêts à étudier le bill 64. Nous sommes prêts à n'importe quel moment, mais sans chantage.

M. LEVESQUE: M. le Président, ça va des deux côtés, et nous n'accepterons le chantage d'aucun des partis, particulièrement d'un parti qui agit d'une façon que les règlements ne me permettent pas de qualifier. J'espère que le Ralliement créditiste ne tombera pas dans ce piège, lui qui prétend être près des problèmes concrets auxquels nous avons à faire face. J'espère qu'il ne s'associera pas à ce genre d'obstruction systématique qui devrait être le lot de ceux qui, bientôt, seront seuls comme ils l'ont été dans le passé, comme ils l'ont été au mois de juillet.

Ils ont été isolés parce que la population elle-même a fait comprendre aux députés, à ses représentants dans cette Chambre, en juillet 1971, qu'elle était avec les 101; elle n'était pas avec les sept. M. le Président, lorsque le gouvernement a à coeur de mettre en place une structure scolaire, on n'arrivera pas contre l'esprit et contre la lettre des règlements pour insérer un élément de politique sur lequel même les sept ne sont pas d'accord, ils se battent dans les congrès du PQ...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, il est temps que le parti gouvernemental apprenne qu'il y a trois partis d'Opposition, que le système n'est pas fait à deux et qu'on ne peut pas régler à la fin d'une session tous les problèmes que le gouvernement n'a pas osé et n'était pas prêt à présenter au début de la session.

M. LEVESQUE: M. le Président, le bill 28 est devant cette Chambre depuis des mois.

M. LEGER: M. le Président, j'ai la parole. Nous avons perdu trois semaines au début de la session à attendre les projets de loi parce que le gouvernement n'était pas prêt. Et, à la fin de la session, le gouvernement s'imagine qu'il n'a qu'un parti d'Opposition et que ça peut se faire aussi facilement. Qu'il apprenne qu'on ne présente pas une série de projets importants à faire adopter à la vapeur pour ensuite faire passer sur le dos des trois oppositions l'inertie du gouvernement depuis le début.

En ce qui nous concerne, M. le Président, le député de Sainte-Marie est prêt à étudier le projet de loi du syndicalisme agricole à la minute que vous le présenterez. Mais les projets de loi que chaque ministère va nous présenter, nous allons les étudier un par un et à la vitesse normale qu'il faut pour y mettre tout le sérieux voulu.

M. LEVESQUE: M. le Président, vous avez là l'exemple de l'hypocrisie la plus claire. Pour un bill comme le bill du syndicalisme agricole qui est arrivé récemment devant la Chambre, là on est prêt, par chantage, utilisant la classe agricole d'une façon que je ne qualifierai pas encore parce que les règlements ne me le permettent pas. Mais en même temps, du même souffle, on n'est pas prêt pour le bill 28 qui est devant la Chambre, qui a été en commission parlementaire où on a eu pendant des mois et des mois des auditions publiques. Lorsqu'on a voulu à un moment donné, après la deuxième lecture, le déférer à la commission parlementaire, on a même annoncé à ce moment-là une obstruction en règle parce qu'on a dit: Si vous allez en commission parlementaire, nous reprendrons tout le débat en commission plénière. Voilà des gens qu'on dit ou qui se disent sérieux.

Non, M. le Président, on abuse des règlements de la Chambre, on abuse des droits démocratiques. Ici nous n'avons pas, comme on en retrouve dans les autres Parlements très démocratiques comme en Angleterre, comme

au Canada au fédéral, un règlement de clôture; nous ne l'avons même pas dans ces règlements. Il n'y a pas un endroit au monde où on retrouve plus de liberté qu'au Québec. C'est en abusant comme on le fait qu'on se prépare à forcer le gouvernement à prendre d'autres mesures et la majorité à réclamer et à faire valoir ses droits.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que nous sommes encore en période de questions?

M. LE PRESIDENT: Je vais permettre deux dernières questions: au député de Dorchester et à vous après.

M. GUAY: M. le Président, calmement. M. LE PRESIDENT: A l'ordre...

M. LAURIN: Une question de privilège, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que j'ai donné l'occasion à tous les partis de s'exprimer. J'ai permis au député de Lafontaine, au nom de son parti, de répondre aux attaques du leader. Bien, ça va faire rebondir le débat je ne le permets pas. Le député de Dorchester.

M. BURNS: M. le Président, le leader est revenu, lui.

M. GUAY: M. le Président, j'aurais une question.

M. LEGER: Le leader est revenu quatre fois. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GUAY: J'aurais une question à poser au ministre du Travail.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Une question.

Mises à pied dans la construction

M. GUAY: Est-ce que le ministre a pris connaissance d'une déclaration du directeur général de la Corporation des maîtres électriciens révélant qu'à cause des syndicats, plus de 4,000 mises à pied auraient lieu dans la construction? Est-ce que le ministre a l'intention de modifier le règlement no 1 du bill 49, même si les dirigeants syndicaux s'y opposent?

M. COURNOYER: Je pourrais répondre à cette question demain matin.

Ordre des travaux du jour

M. LE PRESIDENT: C'est en vertu de 114?

M. TREMBLAY:(Sainte-Marie): C'est en vertu de 114.

M. LE PRESIDENT: Dans ce cas-là je vais appeler les affaires du jour.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'aurais une question à poser au leader parlementaire.

M. LEVESQUE: Voulez-vous une réponse, toujours?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que je peux vous poser une question en vertu de 114?

M. LEVESQUE: Avec plaisir.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ne vous choquez pas avant que je commence.

M. LEVESQUE: Avec plaisir. Je commence à vous connaître.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je veux demander au leader parlementaire s'il accepterait d'étudier en deuxième lecture le bill 64...

M. LEVESQUE: J'avais bien raison de dire que j'avais répondu.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ecoutez, est-ce que je peux vous poser une question? Ne répondez pas avant de savoir ce que je veux vous demander. Est-ce que vous accepteriez l'étude en deuxième lecture du bill 64, si, pour ma part — je ne parle pas au nom des autres Oppositions je parle au nom du Parti Québécois comme porte-parole en agriculture — j'acceptais de raccourcir au strict minimum les débats en deuxième lecture, afin de passer immédiatement en comité plénier et d'adopter le projet de loi avant l'ajournement des fêtes?

M. LEVESQUE: Une autre manifestation d'hypocrisie, c'est tout ce que j'ai à dire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le leader parlementaire, j'étais sincère quand j'ai posé cette question-là. On m'a accusé d'hypocrisie, bien, ça va continuer aujourd'hui tout comme hier, puis, après ça, vous ferez votre choix. Faites-le, votre "show", continuez votre "show".

M. LESSARD: M. le Président, en vertu de 114.

M. LACROIX: Bande de maîtres chanteurs!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Saguenay sur...

M. LESSARD: M. le Président, en vertu de 114, j'aimerais savoir, de la part du leader parlementaire, s'il y a une règle, une coutume ou un règlement qui oblige le gouvernement à proroger la session à Noël.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, Messieurs!

M. LESSARD: Je pense que 1972, c'est très bon pour commencer à travailler, en janvier.

M. LE PRESIDENT: Bon!

M. BURNS: Article 114, M. le Président, étant donné la décision rendue cette semaine par la cour Suprême, dans le problème des entreprises Dasken, où la cour Suprême a ordonné la démolition d'un immeuble de dix étages, problème qui faisait le sujet du projet de loi no 96 qui est encore au feuilleton, est-ce que le leader du gouvernement a l'intention de demander au député de Papineau de retirer son projet de loi?

M. LEVESQUE: M. le Président, le député sait fort bien, lui qui est devenu un expert en procédure, que si le bill reste au feuilleton et que nous arrivons à la prorogation, la prorogation a pour effet, à moins qu'il y ait une motion différente, de laisser mourir les projets de loi.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.Questions inscrites au feuilleton

M. LEVESQUE: M. le Président, nous avons eu des questions au feuilleton et j'aimerais fournir certaines réponses. Question no 4 de M. Béland.

Réponse de M. Bourassa.

M.BOURASSA: Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 7, question de M. Drolet. Réponse de M. Castonguay.

M. CASTONGUAY: Lu et répondu.

M. LEVESQUE: Article no 9, question de M. Brochu. Réponse de M. Pinard.

M. PINARD: Lu et répondu.

Projet de loi no 281

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Bourget m'avait suggéré — j'imagine dans un grand esprit de collaboration — de proposer, une fois le rapport reçu, comme il l'a été, que l'on puisse franchir les autres étapes du bill pour avoir l'adoption. Si je pose la question, est-ce que j'aurai une réponse?

M. BURNS: Est-ce que vous posez une question?

M. LEVESQUE: Oui, je pose la question.

M. BURNS: M. le Président, c'est le projet de loi 281, je présume?

M. LEVESQUE: Le bill 281.

M. BURNS: Etant donné le grand esprit de collaboration, étant donné l'absence totale de partisanerie dont a fait preuve le ministre de la Justice, c'est avec plaisir que nous accepterons d'adopter ce projet de loi qui, je l'espère, sera dans l'intérêt de l'ensemble des forces policières de la région de Montréal.

M. PAUL: M. le Président, j'avais déjà informé le leader du gouvernement par personne interposée de notre disposition à n'accepter que les inscriptions et la troisième lecture. Dans le but de hâter l'étude du projet de loi no 64, nous sommes Drêts à nous contenter des inscriptions de la troisième lecture instanter du projet de loi no 281.

M. DROLET: En ce qui nous concerne, M. le Président, nous sommes également d'accord — d'ailleurs, je l'avais laissé voir hier, en commission, au ministre de la Justice — comme les deux autres partis de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, nous pouvons faire les entrées du comité plénier.

M. PAUL: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: Et la motion de troisième lecture du projet de loi no 281. Le ministre veut-il dire quelques mots?

Troisième lecture

M. CHOQUETTE : Je voudrais simplement la proposer, je n'ai pas de discours à faire. M. le Président, je propose l'adoption en troisième lecture du bill 281.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

Question de privilège Article du Nouvelliste

M. DEMERS: M. le Président, une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice m'a prévenu d'une question de privilège.

M. DEMERS: Dans le journal Le Nouvelliste en date du 20 décembre, on pouvait lire le texte suivant: "Si Shawinigan ne peut conserver ses

jeux — a continué l'honorable député de Rouyn-Noranda, M. Samson — c'est que les députés de la Mauricie n'ont pas fait leur devoir et qu'ils ne se sont pas tenus debout comme ils l'auraient dû." Devant cette assertion, M. le Président, je tiens à rétablir les faits et je prends la Chambre à témoin que dans les circonstances j'ai fait tout en mon pouvoir pour que Shawi-nigan obtienne les jeux. C'est cette mise au point que je veux faire, et les gens de la Chambre ici savent que j'ai fait l'impossible en ce sens.

M. SAMSON: M. le Président, je désire...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne vois rien dans les règlements qui puissent me permettre, sur une question de privilège, d'accorder la parole à un autre député.

M. SAMSON: En vertu de l'article 37, M. le Président, est-ce que vous me permettriez de remercier le député de Saint-Maurice de m'avoir prévenu de sa question hier?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: M. le Président, dans un même esprit de collaboration que l'on commence à percevoir, y aurait-il consentement, toujours dans le but d'accélérer les travaux de la Chambre, à ce qu'on complète les Affaires sociales en commission parlementaire? Je pense que c'est pour trois amendements sur lesquels les partis se sont consultés et où il ne resterait que quelques minutes, afin de permettre au projet de loi 65 de franchir les dernières étapes, également.

M. BURNS: M. le Président, je ne peux, à ce moment-ci, donner mon consentement pour une raison que je vais expliquer immédiatement.

C'est que je ne sais pas quels seront les travaux de la Chambre aujourd'hui. Le député de Bourget, qui serait normalement appelé à siéger à cette commission, peut être retenu par les travaux de la Chambre.

M. LEVESQUE: On continue...

M. BURNS: Si, par contre, on étudie le projet de loi sur le syndicalisme agricole, le député de Bourget pourra aller en commission. Autrement, il nous est impossible d'accepter.

M. LEVESQUE: M. le Président, article 5.

M. LOUBIER: M. le Président, avant de passer à cet article, j'aurais une proposition à faire pour accélérer les travaux de cette Chambre. Je ne sais pas si les autres partis de l'Opposition sont disposés à accepter ma proposition mais n'y aurait-il pas lieu de faire siéger simultanément la Chambre pour l'étude du projet de loi no 28 et, en même temps, pour étudier les crédits supplémentaires demandés actuellement? Ceci permettrait simultanément de diviser la députation d'abord pour fins d'étude et on rejoindrait l'accélération que l'on veut donner à l'étude et à l'analyse des articles qui sont à l'étude. Ceci nous permettrait, peut-être d'aborder très rapidement le bill 64 dans un climat très serein.

M. LEVESQUE: M. le Président, quant à nous, après consultation avec le ministre des Finances et le premier ministre, je pense que nous serions d'accord et même plus que ça. si certains représentants des partis devaient rester en Chambre pour d'autres fins. Nous pourrions changer l'ordre de l'étude des crédits et ainsi disposer des crédits à la commission parlementaire, qui ferait rapport dans chaque cas au comité des subsides.

M. BURNS: Je regrette, M. le Président, c'est une question d'efficacité qui nous empêche de consentir à cela.

M. LE PRESIDENT: Article 16. M. LEVESQUE: Article 16.

Projet de loi no 28 Comité plénier

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Chicoutimi, sur l'article 583.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au moment où, hier soir, j'ai signalé qu'il était minuit et que nous avons procédé à l'ajournement...voulez-vous me donnez une petite seconde, M. le Président?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Est-ce que l'on pourrait demander aux honorables membres de faire diligence afin que l'on puisse le plus tôt possible entendre le député de Chicoutimi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au moment de l'ajournement hier soir, j'avais commencé de faire quelques observations sur l'article 583. Je disais notamment que je prenais part au débat à ce stade-là de la procédure, parce que j'avais assisté à deux débats successifs portant sur des propositions d'amendements présentées par le Parti québécois.

J'ai évidemment pris connaissance des jugements que vous avez rendus et que je n'ai pas l'intention de discuter, vous le pensez bien. Mais je voulais faire observer au ministre, à la suite des décisions que vous avez rendues, que le gouvernement, lorsqu'il a présenté ce projet de loi — nous le lui avons dit dès le départ, et c'est mon collègue, le député de Bagot qui le lui

avait signalé — s'était mis dans une situation extrêmement difficile, celle de nous présenter un projet de loi qui a nécessairement des incidences sur la langue, mais d'un projet de loi dont, d'autre part, l'objet spécifique formel est la restructuration scolaire de l'île de Montréal.

A la question que je posais au ministre, hier soir, à savoir à quel article du projet de loi il nous serait possible de greffer un amendement qui porterait sur les questions linguistiques, que ce soit la langue de communication entre ces divers organismes des nouvelles structures scolaires, le ministre m'a répondu non. Il m'a dit qu'il n'y avait pas de possibilité. Par conséquent, je crois qu'on peut déclarer ce matin qu'en nous présentant le projet de loi no 28 sans nous avoir présenté auparavant un autre projet de loi portant spécifiquement sur la langue, le gouvernement s'est trouvé à mettre la charrue devant les boeufs.

Les règles de la procédure qui nous régissent et les décisions que vous avez rendues, hier soir auront désormais l'autorité de la chose jugée, elles vont nous empêcher, toutes les fois que nous en aurions l'intention et la volonté, de proposer des amendements qui pourraient porter sur les problèmes spécifiques de la langue, de quelque façon qu'ils se posent dans le cadre des nouvelles structures de l'organisation scolaire de l'île de Montréal.

M. le Président — mon collègue de Bagot pourra compléter — face à cette situation, nous sommes extrêmement perplexes, parce que, d'une part, nous reconnaissons bien que l'objet du projet de loi no 28 porte sur la restructuration scolaire de l'île de Montréal. Mais, d'autre part, nous ne pouvons quand même pas esquiver le problème ou les problèmes de la langue qui sont sous-jacents au fonctionnement, du moins à une partie du fonctionnement de cette nouvelle structure scolaire, parce qu'à divers articles, nous allons constamment nous poser la question à savoir quelle sera la langue de communication, comment ces gens établiront entre eux des relations linguistiques, et quelle sera la langue des documents, etc., etc. Nous aurons constamment à y revenir. Mais comme le ministre a déclaré lui-même hier qu'il ne se trouvait aucun article auquel nous puissions greffer un amendement qui toucherait les questions relatives à la langue, et comme, d'autre part, M. le Président, vous avez rendu hier soir deux décisions, nous nous trouvons dans une situation de perplexité et dans une sorte de dilemme qui est à toutes fins utiles un cul-de-sac.

C'est que, d'une part, on ne peut pas toucher au problème de la langue et, d'autre part, il s'avère que nous devions constamment en parler, y référer et tenter de modifier le projet de loi dans cette optique. Je suis disposé à faire des propositions au gouvernement, à approuver des suggestions, des propositions d'amendement qui seront faites dans le domaine de la langue, mais vous voyez la situation dans laquelle je me trouve, la situation dans laquelle nous nous trouvons, compte tenu de la réponse qu'a donnée le ministre, compte tenu des jugements que vous avez rendus hier soir et que je ne discute pas, sur la recevabilité de toute proposition qui pourrait constituer des amendements dont le but serait de greffer à des articles de la loi des propositions concernant la langue, ce dont le ministre a dit que c'était absolument impossible et que cela ne pourrait se faire qu'à l'article 44 qui n'existe pas.

Alors, face à ce dilemme, qu'est-ce que nous faisons? Qu'est-ce que nous allons faire, si le gouvernement n'assouplit pas son attitude, et si le gouvernement, tel que nous l'avait d'ailleurs déjà déclaré le ministre de l'Education, ne nous fait pas connaître les amendements qu'il avait promis de nous soumettre dans un délai de quatre ou cinq jours — si j'ai bonne mémoire — quatre jours? Nous les attendons encore.

Ils devaient porter sur les articles 586 et 587, si j'ai bonne mémoire, à moins que j'aie mal entendu le ministre. A tout événement, disons que substantiellement ces amendements dont le ministre nous avait promis qu'ils se greffassent aux articles 586 et 587 m'ont paru lui être venus à l'esprit parce que nous lui avions représenté qu'il y avait un problème en matière de langue. J'ai compris que ces amendements porteraient sur ces sujets, quel que soit l'article auquel on les greffe.

Alors, le ministre, je pense, est dans un cul-de-sac à moins qu'il décide, lui-même, d'en sortir, de réorienter sa démarche et de nous indiquer de quelle façon il va nous être possible de nous raccrocher à son projet de loi pour traiter du problème de la langue. Il comprendra très bien que les Oppositions n'ont pas dessein de lâcher le morceau aussi vite et d'accepter une procédure — là, M. le Président, je ne vous mets pas en cause — que le gouvernement lui-même nous a imposée. Les jugements que vous avez rendus, vous les avez rendus en fonction de ce qui existe et dans le cadre qui a été déterminé par le projet de loi. C'est en raison de l'existence de ce cadre que vous avez rendu les décisions que nous avons entendues hier soir et dont nous n'avons pas dessein d'en appeler. Alors là nous recommençons, je n'ose pas dire la bagarre, mais la lutte aux fins d'amender l'article 583. Il est bien évident que d'autres amendements portant sur la langue vont venir. Qu'est-ce que le ministre peut me répondre? Est-ce que le ministre, à qui j'ouvre encore une porte et à qui je tends encore une perche ce matin, est prêt à nous faire une déclaration ou à nous dire quelle est la teneur, quelle est la substance de ces amendements qu'il nous avait promis et qui, pour ma part, comme je l'ai compris, devaient porter sur les problèmes spécifiques de la langue et de la religion? Enfin, c'est comme cela que nous l'avions entendu.

M. SAINT-PIERRE: Simplement pour apporter une précision, M. le Président. En com-

mission parlementaire, j'avais déposé toute une série d'amendements qui portaient sur différents articles. Alors, aucun de ces amendements ne portait sur les articles 586 et 587. Ce que j'ai dit en commission...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oh, pardon! M. le Président, si le ministre me le permet, je voudrais être très précis. J'ai ici les transcripts du journal des Débats. Je ne les lirai pas, évidemment, en entier. J'ai fait une proposition au ministre, et, je l'ai répétée hier soir. C'était au moment où le ministre avait proposé que nous suspendions l'examen des articles 586 et 587. J'ai demandé au ministre: Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'il y aura des amendements à ces articles? Le ministre a dit: Oui. J'ai dit: Est-ce que le ministre pourrait nous en faire connaître, sinon le libellé, du moins la substance? Le ministre n'a pas voulu à ce moment-là, c'est son droit, je le respecte, nous les faire connaître. Mais, comme notre opposition à la procédure qui avait été soumise de surseoir à l'examen de ces articles était basée sur le fait qu'il y avait implication linguistique dans ces articles, nous étions en droit d'inférer des propos du ministre qu'il apporterait par ces amendements des modifications qui toucheraient aux questions linguistiques ou religieuses.

M. CARDINAL: Est-ce que le ministre...

M. SAINT-PIERRE: Le député de Chicoutimi me permettra de dire — je m'excuse — qu'on m'a posé la question: Y aura-t-il des amendements subséquents aux articles 586 ou 587? A cette question précise, j'ai répondu: Oui, il y a des amendements dont, actuellement, nous sommes à rédiger le texte définitif. Il m'a demandé: Quel sera le contenu de ces amendements? Je n'ai pas voulu répondre à la question en disant: En temps opportun, d'ici quatre jours, le gouvernement présentera cet article.

Un peu plus tard — et on pourrait le retrouver dans le journal des Débats — le député de Maisonneuve m'a posé la question: "Vous aurez un amendement à l'article 587? " J'ai répondu: "Non, ce n'est pas à l'article 587, c'est à l'article 586 où il y aura un amendement." Hier, je pense, pour la première fois, on a soumis aux membres de cette Chambre un amendement important à l'article 586. Mais rien dans mes remarques n'impliquait que cet amendement touchait la question linguistique. L'amendement est très important. Il touche la dissidence religieuse. Il y a effectivement un amendement important à l'article 586 qui n'avait pas été soumis avant-hier.

M. CARDINAL: Encore une fois, j'aimerais tenter qu'on ne tombe pas dans une situation où on ne comprend plus. Le ministre a fait une affirmation tantôt, je suis sûr qu'il l'a faite de bonne foi, mais il a oublié un détail. Il a dit que, lors des travaux de la commission parlementaire, il n'y avait pas d'amendement à l'article 587. Il avait déjà, à ce moment-là, avant le vote en deuxième lecture, soumis un long amendement à l'article 587. Il y en avait déjà un.

Je pense que le ministre va accepter de s'être trompé, mais de bonne foi. Je voulais que ce soit au journal des Débats parce que cela existait.

Deuxième point. A l'article 586, j'ai bien vu que c'était un amendement sur la dissidence. Je vais être encore d'accord avec le ministre qu'il avait déjà annoncé, avant même que l'on ne parle de l'article 586, au tout début des travaux de la commission parlementaire — à la deuxième lecture même — qu'il y aurait un amendement sur la dissidence.

Troisième point. Le 14 décembre, deuxième journée de la séance de la commission, nous, de l'Unité-Québec, contrairement aux deux autres partis, avons accepté de poursuivre les travaux. Parce que si l'on reprenait tout le transcript du journal des Débats, on constaterait qu'à un certain moment l'on ne savait plus si le ministre avait fait une motion précise pour déférer les articles 586 et 587 en commission ou s'il avait fait une motion pour réserver ces articles, lui, se réservant le droit de présenter des amendements avant que les travaux de la commission ne se terminent, ou s'il se réservait l'alternative c'est-à-dire le choix pour ces deux positions.

A ce moment-là, mon collègue et moi, à la suite de l'attitude, particulièrement du Parti québécois, par des interventions du député de Maisonneuve — il n'est pas là, alors je ne l'attaquerai pas, même si, ce jour-là, il était particulièrement agressif à mon égard — avons cru de bonne foi qu'à l'article 586 il y aurait un amendement majeur — il y a un amendement majeur — mais qui porterait sur des questions linguistiques. Nous avons cru cela, je tiens à le rappeler.

Je voudrais en terminant vous dire autre chose. Hier soir, M. le Président, vous qui avez manifesté énormément de patience et d'impartialité, je me permets de vous en féliciter publiquement à cette assemblée, avez pu constater qu'en aucun moment — et là, le transcript le donne — je ne suis intervenu, parce que j'avais dit ce que j'avais à dire sur l'article 583. J'avais fait caveat au ministre. Je lui avais dit dans quelle situation il s'était placé, et je l'avais prévenu de ce qui arriverait par la suite. C'est arrivé, non pas parce que je suis prophète, mais parce que, peut-être, ayant été un peu plus longtemps dans cette Assemblée l'instinct m'a appris ce qui arrivait quand on se plaçait soi-même dans certaines situations.

Je n'ai pas l'intention aujourd'hui, par con-quent, de recommencer un long débat sur l'article 583. Je pense qu'on a atteint ce que l'on appelle dans le milieu des affaires le "break-even point", en français, le point de

saturation. Cela devient ridicule. La population nous jugera. Ce n'est pas la place ici pour faire des spectacles, pour en attirer d'autres à l'extérieur, ou où que ce soit. Ici, je ne nomme personne. Je n'attaque personne. Mais, j'ose espérer qu'il n'y aura pas de tactique où on entendra le même disque se dérouler sans cesse, comme ces appareils qu'on place au bout d'un appareil téléphonique où l'on peut entendre de ce temps-ci, c'est de circonstance, la voix du Père Noël ou tout autre chose, ça s'appelle des machines "Ansonic", si l'on veut que je fasse une réclame. Par conséquent, qu'on ne change pas les mots de place pour revenir toujours, toujours, toujours sur la même ritournelle.

Je le dis au nom de mon parti: C'est notre attitude. Notre intention est d'étudier le projet de loi no 28.

Si les partis en cause croient qu'il doit être adopté parce qu'il est important, il faut qu'ils participent. S'il y a un parti dans cette Chambre qui croit qu'il ne doit pas être adopté et qui a déjà voté contre, qu'il vote contre les amendements ou qu'il les accepte sur division, mais qu'on ne recommence pas le débat de deuxième lecture à l'occasion de chaque alinéa de chaque article.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, hier à l'ajournement, nous en étions à la langue du travail au sein de ces commissions scolaires. J'ai présenté des amendements qui ont été déclarés irrecevables, mais il reste, M. le Président, que le problème de cette langue de communication au sein de la commission scolaire n'a pas été réglé et que le ministre ne nous a pas présenté de solution.

Le problème est tellement technique, tellement précis et tellement concret que je vais donner au ministre un exemple qui vient de son propre ministère. Cela s'appelle, M. le Président, le Comité de coordination des bibliothèques universitaires du Québec. C'est un comité qui existe depuis quelques années et qui relève de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec.

Etant donné que cela relève des recteurs et des principaux des universités, il n'est pas étonnant, évidemment, qu'on retrouve dans ce comité des représentants de chacune des universités du Québec. En fait, dans ce comité, il y a douze membres qui représentent les diverses unités, McGill, Sir George, Bishop, Laval, Montréal, Sherbrooke, un représentant de la Bibliothèque nationale et un représentant des diverses constituantes de l'Université du Québec.

Il y a trois anglophones et neuf francophones dans ce comité. Cette année, par hasard, la présidente est de langue anglaise. Elle est bilingue, mais elle est de langue anglaise. Elle s'exprime toujours en anglais aux séances de la commission ainsi que les deux autres qui, eux, sont unilingues. Et la secrétaire est anglaise. Vous voyez d'un côté trois membres qui sont anglophones, dont deux unilingues et de l'autre, neuf francophones. Et pourtant, M. le Président, les procès-verbaux de ce comité de coordination sont faits en anglais, uniquement, et je peux en faire parvenir des photostats au ministre de l'Education.

Cela montre à quels obstacles, à quelles embûches on s'expose quand on ne veut pas définir la langue de travail au sein des commissions scolaires ou d'un groupe qui lui ressemble. La situation que je décris là peut parfaitement se présenter au sein des commissions scolaires dont on parle.

On sait très bien que les anglophones étant pour la plus grande partie unilingues, et à cause de nos longues habitudes de colonisés qui font que, pour se faire comprendre, on parle toujours la langue de la minorité la plus riche. Ce qui arrive, c'est que même nos francophones s'expriment en anglais pour se faire comprendre, et l'habitude une fois prise, le pli une fois pris, ils continuent de se parler anglais entre eux, même quand il ne s'agit plus de dialoguer avec des gens de l'autre côté. C'est ça l'obstacle que je veux éviter...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question sur ce point?

M. LAURIN: Oui, bien sûr!

M. SAINT-PIERRE: Le député a sûrement de très bonnes sources pour nous donner des renseignements sur les activités d'un groupe qui, je le répète, ne relève nullement du gouvernement ni...

M. LAURIN: Je le relevais à titre d'exemple.

M. SAINT-PIERRE: Je comprends qu'il y a une analogie, je le comprends. Vous avez de bons renseignements d'un groupe qui ne relève nullement du ministère de l'Education, qui ne relève nullement de l'Assemblée nationale. C'est un groupe privé, c'est une association comme toute autre association qu'on peut retrouver ici et là de Québécois qui décident de se rencontrer. C'est la conférence des recteurs. Elle a un nom qui peut porter à confusion, mais c'est un groupe privé, un groupe de pression comme d'autres. Est-ce que ce n'est pas les gens qui ont justement donné ces information au député et qui sont à un certain poste, soit à l'université Laval, à l'Université de Montréal ou à l'Université du Québec qui, dans ce comité privé, devraient soulever le problème et tenter de le faire corriger?

Je m'excuse, M. le Président, si je déborde le corridor, vous me rappellerez à l'ordre, mais on revient constamment à ce point de la politique linguistique. Je vais vous dire de nouveau qu'on tente, par le biais de tous les articles, non pas de déplacer les virgules mais d'insérer des éléments

d'une politique linguistique dans le projet de loi 28. M. le Président, d'après l'article 538 de nos règlements, le gouvernement a l'initiative de proposer à cette Chambre des législations pour l'ensemble de tous nos problèmes. Il est évident que le gouvernement ne peut pas mettre de l'avant au même moment, au même jour, tous les articles, tous les projets de loi qui toucheraient tous les principes possibles.

Il a décidé, dans le cadre du projet de loi no 28, d'amener une réforme des structures. Il a décidé de certains objectifs qui ont été mentionnés en troisième lecture. Il a décidé de ne pas aborder pour des raisons que j'ai mentionnées hier — temps inopportun, mille autres raisons, approches sectorielles — ce principe qu'on tente d'insérer.

Si le député veut une politique linguistique, s'il a une législation à soumettre, qu'il présente un bill de député suivant les règlements de notre Chambre; nous l'étudierons en temps et lieu. Mais l'initiative revient au gouvernement de soumettre à l'étude de cette Chambre un principe ou des principes contenus dans des législations, de présenter ces législations suivant les affaires du jour et là l'initiative revient au gouvernement. Ce que le gouvernement a décidé, je l'ai mentionné hier, c'est, dans le cadre du projet de loi no 28, s'attaquer à un problème de restructuration scolaire et non à d'autres problèmes, politique scientifique, politique d'achat, politique linguistique ou autres.

Il semble qu'autrement on risque d'être constamment en dehors de notre règlement dans l'étude du projet de loi no 28 et de faire perdre un temps précieux à cette Chambre.

M. LAURIN: M. le Président, ce n'est pas du tout le règlement d'une politique linguistique que je demande. Je ne demande pas du tout au ministre d'établir une politique linguistique.

M. LESSARD: Est-ce que le député de Saint-Jean a lu le Devoir?

M. LAURIN: Il s'agit tout simplement...

M. CARDINAL: A l'ordre! Ce n'est pas le député de Bourget que j'attaque. Si on reprend des débats comme hier, dans une foire comme à certains moments, je considère de mon honneur de ne plus participer à ces débats.

M. LAURIN: M. le Président, je demande simplement, M. le Président, que l'on règle un problème pratique, précis, concret, que l'article 301 que nous citait le ministre hier ne règle pas justement parce qu'on crée un système nouveau. Je lui demande d'apporter des précisions à cet article 301. Pour mieux me faire comprendre je parle d'un exemple tiré d'un domaine qui, bien sûr, ne relève pas de l'Assemblée nationale, mais qui montre les dangers, les embûches, les obstacles auxquels on s'expose, si on veut continuer à jouer la politique de l'autruche et si on veut, comme le ministre l'a tenté dans son intervention, de noyer le poisson. Même si M. le ministre disait toutes ces choses-là, le problème va continuer d'exister, parce que rien n'a la tête plus dure que les faits, et les faits sont là. Me référant à l'exemple que je viens d'énoncer, on peut dire que dans n'importe quelle commission scolaire ce serait la même chose, parce que ça se réfère à des habitudes, à des mentalités qui font partie de notre être collectif et qui reflètent justement une absence de politique, une absence de législation, une absence de réglementation. Tant qu'on ne fera pas les gestes qui s'imposent au plan de la législation et au plan de la réglementation, on va continuer à avoir ces mêmes situations qui sont une véritable honte pour notre être collectif et qui en plus briment les droits des commissaires qui seront unilingues. On l'a rappelé hier. C'est tout à fait possible qu'on élise dans ces commissions scolaires des unilingues, soit français, soit anglais. Et on n'a pas le droit de demander à ceux qui vont les élire de s'enquérir si les commissaires qui vont être élus seront bilingues, s'ils vont être capables de se comprendre, de comprendre les deux langues du pays.

Le ministre nous a dit que son règlement no 6 va produire des effets peut-être dans deux ou trois ans. Mais on sait très bien que ça prend beaucoup, beaucoup de temps avant qu'un règlement qui est institué pour l'école produise ses effets dans les générations qui viennent. Je ne pense pas que le ministre était sérieux quand il nous a dit qu'il entendait régler le problème qu'on a soulevé hier, grâce à un règlement qui s'applique aux étudiants et dont les effets ne seront sentis que dans les années à venir.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous insistons pour que le ministre nous donne des réponses meilleures que celles qu'il nous a données jusqu'ici pour régler ce problème-là, car autrement ce serait une négation des droits des électeurs, d'abord, qui vont élire des commissaires et qui ne pourront pas leur demander l'appartenance linguistique et leurs qualifications en bilinguisme. Deuxièmement, ça va être une injustice également pour les commissaires élus dont les uns peuvent parfaitement être unilingues français, les autres peuvent être parfaitement unilingues anglais et on ne prévoit pour eux absolument rien qui leur permette de se comprendre.

Qu'est-ce qui va arriver si un commissaire unilingue français ne comprend pas ce que dit l'autre commissaire unilingue anglais? Qu'est-ce qui va arriver si on est obligé de faire des procès-verbaux seulement dans une langue alors que les commissaires ne comprennent rien? C'est un problème concret ça. C'est un problème très précis. Le ministre ne nous a apporté aucune réponse.

Surtout quand on sait que son règlement — l'article actuel de la Loi de l'instruction publique — ne répond plus à la situation,

puisque précisément, on va créer un autre système, une structure où on va mettre ensemble les commissaires, alors qu'auparavant on mettait ensemble les commissaires de langue anglaise, on mettait ensemble les commissaires de langue française. Même si le député de Bagot n'a pas voulu faire de personnalité, je voudrais lui rappeler que mon opposition à cet article de loi pour les raisons que je mentionne, n'a absolument rien à voir avec aucune tentative d'obstruction systématique ou de "filibuster". C'est simplement ma conviction que j'exprime et je ne tolérerai sûrement pas, M. le Président, qu'on m'attaque sur ce point, car toutes les interventions que j'ai faites ont toujours été marquées au point de ce souci de régler les problèmes réels. Or, c'est un problème réel auquel on n'a pas apporté de solution jusqu'ici.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Il semble acquis — les jugements du président sont là et en font foi — que l'on ne pourra rien greffer, c'est-à-dire aucun amendement touchant les problèmes linguistiques au projet de loi actuel. C'est ce que le ministre m'a dit hier soir. Mais, est-ce que le ministre pourrait, en attendant que son gouvernement se décide à nous présenter un projet de loi sur le problème de la langue à l'école et non partout, et si on me permet cet anglicisme, privilégier la langue française et lui donner un statut prioritaire, est-ce que le ministre a inventorié, enfin a fait l'examen ou a étudié la possibilité au moins, étant donné ce problème de communication entre les divers membres qui vont faire partie de ces organismes, est-ce qu'il ne pourrait pas étudier la possibilité de procéder au moins, et cela temporairement, par règlement, règlement qui stipulerait qu'il y a une langue de communication qui a priorité et qui se trouve favoriser la majorité? Le député de Bourget vient de le dire, ça va se poser constamment ce problème-là, le problème de la communication. On a parlé de priorité du français etc., et je ne veux même pas retenir pour Tintant la déclaration qu'a faite le ministre, hier soir, lorsqu'il a dit qu'il n'y avait pas de langue privilégiée. D'accord, disons que si on regarde le texte et qu'on l'interprète en stricte rigueur de la législation, technique législative, etc., c'est vrai que dans le projet de loi il n'y a rien qui donne quelque privilège que ce soit à une langue sur l'autre. Mais, est-ce que le ministre a inventorié toutes ces possibilités de procéder au moins par règlement et cela de façon temporaire, afin que quand ces messieurs qui feront partie des corps démocratiquement élus s'assoient et discutent ensemble et ensuite communiquent par la transmission de documents, il puisse y avoir une langue qui soit celle de la majorité et qui rejoigne ainsi les préoccupations et les déclarations d'un gouvernement qui a dit que le français aurait un statut prioritaire au Québec? Est-ce que le ministre peut me répondre à cette question?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je pense qu'hier, le premier ministre a quand même donné amplement d'éléments d'une politique qui est la détermination du gouvernement, avant la fin de son mandat, de se pencher sur ce problème.

Si on regarde les faits, M. le Président, il n'y a aucune législation qui parle de la langue de communication, mais dans les faits hier, j'ai essayé réellement de convaincre le député de Bourget que dans nombre d'institutions reliées au monde de l'éducation, effectivement la langue de travail est le français. La langue de travail est prioritaire et privilégiée dans les faits. J'ai parlé du ministère de l'Education, j'ai parlé du Conseil supérieur de l'Education, j'ai parlé du Conseil des universités, j'ai parlé d'une foule d'organismes où nous avons des représentants anglophones et où, dans les faits, il n'y a aucun problème.

M. le Président, je prends un autre exemple. Nous avons — je l'ai mentionné — des commissions scolaires dites catholiques qui ont une population anglophone et qui ont une population francophone. Prenons l'exemple de la CECM. Dans la législation, il n'y a absolument rien; dans les faits, c'est évident que le français est privilégié, c'est évident qu'à la CECM toutes les résolutions, les procès-verbaux sont en français de par la décision des commissaires et qu'une traduction est donnée sur demande.

Plus que ça, M. le Président, je suis au ministère depuis 18 mois et je peux peut-être demander à mon prédécesseur, le député de Bagot, s'il pourrait à son expérience me confirmer ceci: au ministère, je reçois à peu près 250 à 300 lettres par jour de citoyens ou de groupes. Jamais, dans 18 mois, je n'ai reçu une lettre d'un seul francophone qui se soit plaint d'avoir été brimé dans ses droits vis-à-vis des instances décentralisées des commissions scolaires. Jamais, dans 18 mois, au rythme de 300 lettres par jour, il n'y a une personne qui se soit plainte que la situation actuelle lui enlevait un droit. Est-ce que ce n'est pas convaincant que le problème n'existe que dans la tête de ceux qui veulent bien le soulever?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, ayant été impliqué, le ministre me permettra d'ajouter mon grain de sel. Je dirai deux choses. Il est exact que je n'ai jamais reçu de telles lettres et que je recevais, moi aussi, de 200 à 300 lettres par jour. Il est exact, d'autre part, que j'avais adopté deux réglementations sans législation. L'une concernait l'usage du drapeau fleurdelisé sur toutes les écoles, qu'elles soient de langue anglaise ou de langue française. Cela a été difficile à implanter et j'ai reçu des lettres de protestation en anglais. La deuxième réglementation — je pense que le ministre l'a conservée avec des modalités — j'avais établi que le ministre et tous ses fonctionnaires dans le Québec

répondaient toujours en français, quelle que soit la langue utilisée par celui qui écrivait. Il avait le droit d'écrire dans sa langue. Quand j'écrivais en Ontario, j'écrivais en anglais et M. Davis était assez poli pour me répondre en français. Je donne ces deux faits.

M. SAINT-PIERRE : La pratique a continué, M. le Président, et ça prouve, il me semble, que pour une fois, comme Latins, nous devrions imiter les Anglo-Saxons. Ce que l'ancien ministre de l'Education a soulevé, ce n'était pas écrit dans une loi. Il ne faut pas faire perdre le temps de la Chambre pour faire inscrire ça dans un article de la loi. C'est dans les faits que les coutumes s'inscrivent et qu'elles ont beaucoup plus de portée.

M. le Président, j'aimerais — parce que le député de Bourget m'y a invité — soulever un deuxième point pour vous montrer la faiblesse de l'attitude de gens qui veulent soulever ces problèmes et qui nous arrivent même avec un amendement très précis. Tous les membres de cette Chambre ont eu l'occasion à la commission parlementaire d'entendre plus de 75 groupes qui sont venus présenter des mémoires. Il y a certains groupes, très minoritaires, qui se sont penchés sur ce problème de la langue de communication ou même la langue d'enseignement dans les écoles. Or, que nous ont dit ces groupes? Et là, on pense à la CECM, à l'Alliance, à la FTQ, à Reggie Chartrand et son Front de défense de la langue française, au Front commun pour la démocratisation des cadres. De tous ces groupes, M. le Président, qui venaient supposément parler au nom de 300,000 travailleurs, de 100,000 personnes et d'un million de francophones, aucun ne s'entendait exactement sur ce point précis de la politique linguistique. Il y en a qui ne voulaient pas d'écoles anglaises, d'autres qui voulaient des mesures entre les deux, d'autres voulaient... On a eu toute une gamme de suggestions et le député de Chicoutimi a engagé des débats fort intéressants sur celles-ci, pour réellement aller dans le concret des choses, pour savoir ce que ça voulait dire assurer la suprématie de la langue française.

Ces huit ou neuf groupes viennent devant la commission parlementaire, ont des points de vue différents, ont des modifications différentes. Dans l'espace de dix jours, alors que le président du Parti québécois dit: On est tout mêlé sur le bill 28, tous ces groupes qui sont censés représenter un point de vue et retourner à la base pour avoir des mandats pour parler au nom de ces gens, oublient toutes leurs recommandations passées et nous arrivent avec un amendement qui jamais n'avait été présenté à la commission parlementaire. Voulez-vous dire que les travailleurs ont été consultés? Voulez-vous dire que tous les groupes que ces gens sont censés représenter, la Saint-Jean-Baptiste et tout ça, ont été représentés? Jamais, M. le Président. Les colonels syndicaux ont parlé et les colonels d'associations ont parlé et je dis que c'est dans leur tête que le problème existe. Le gouvernement s'y attaquera en temps opportun mais pas dans le cadre de l'étude du projet de loi no 28, à moins — et c'est bien intéressant, M. le Président — qu'on ait des divisions profondes. Et on l'a vu, le député de Gouin l'a admis, en matière économique, il n'y a pas de politique dans ce parti, vous l'avez admis vous-même. Il a donné ses opinions personnelles.

M. JORON: M. le Président, je soulève une question de privilège.

M. SAINT-PIERRE: Vous êtes dans une période de réflexion en matière économique. A moins, M. le Président, que le seul point commun dans le parti qui tente de faire le filibuster dans le moment soit la langue et qu'on ait dit: Vite, il faut attraper un amendement de la langue pour rallier les forces et motiver les troupes parce qu'on est en train de perdre des joueurs à gauche et à droite. C'est ça, M. le Président, la position de ce parti.

M. JORON: M. le Président, en vertu de l'article 270, je voudrais rétablir les faits.

Le ministre de l'Education vient de dire que le député de Gouin avait avoué, hier, qu'il y avait dissension au sein de son parti, en matière économique...

M. SAINT-PIERRE: J'ai dit que vous n'aviez pas de politique économique.

M. JORON: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit...

M. SAINT-PIERRE: Je n'ai pas dit qu'il y avait dissension.

M. JORON: M. le Président, je suis obligé, à ce moment-ci, de rappeler au ministre de l'Education ce que j'ai dit. J'ai dit que le programme économique actuel du PQ, qui avait été fait, en gros, il y a quatre ans et qui avait été fait dans le contexte des besoins du Québec et de la situation précise en 1967, ne nous satisfaisait plus aujourd'hui et que nous étions, tous ensemble, à la recherche...

M. SAINT-PIERRE: Vous n'avez plus de programme.

M. JORON: ... de la formulation de solutions qui répondent aux problèmes de 1971. Nous n'avons pas peur d'évoluer, nous, quand c'est le temps.

UNE VOIX: Article 583, adopté?

M. LE PRESIDENT: ... au règlement...

M. CHARRON: M. le Président, dans la dernière charge du ministre de l'Education, il y

avait beaucoup plus de poussière qu'autre chose. Finalement, je savais qu'un jour ou l'autre les efforts répétés des partis de l'Opposition et, en particulier, du Parti québécois pour atteindre les problèmes de fond à travers le projet de loi qui se refuse à les aborder soulèveraient toute la cavalcade d'injures et de démagogie à laquelle vient de se livrer le colonel de l'Education, pour le moment.

M. le Président, il reste quand même que nous nous refuserons constamment à nous asseoir tant que ces problèmes ne seront pas réglés. Je vous répète, à vous qui écoutez nos débats avec beaucoup de souplesse depuis hier, notre motivation fondamentale. Quand on nous dit que cette loi ne possède ou ne concerne aucune politique linguistique, je dis que c'est faux. Le fait qu'elle ne le mentionne pas explicitement équivaut, au fond, à maintenir, plus que cela, à établir un système bilingue sur l'île de Montréal. Vous avez eu l'occasion, hier, à plusieurs reprises, devant des amendements présentés par les partis de l'Opposition, de vous prononcer. Je vous rappelle seulement les arguments que les ministériels nerveux ont invoqués à ce moment-là contre la recevabilité de nos amendements en disant que tout effort pour donner un caractère prioritaire, quel qu'il soit, à la langue française, la langue de la majorité sur l'île de Montréal, équivalait à une attaque au principe du bill. Ce qui voudrait dire que parmi les principes du bill, il y avait le fait que lorsque les membres de cette Chambre se sont prononcés sur la deuxième lecture du projet de loi no 28, il y avait le fait qu'on acceptait, au fond, un district bilingue.

M. le Président, au nom de mon parti et avec les six autres députés de mon parti, nous avons voté pour le projet de loi no 28, mais jamais, jamais nous ne pensions qu'en même temps nous acceptions comme impossible de revenir à quelque occasion que ce soit, au fait que nous adoptions un district bilingue à Montréal. J'ai toujours considéré, même au moment où je donnais mon adhésion en principe au projet de loi no 28, celui de l'unification des commissions scolaires, principe sur lequel je serai toujours d'accord, que jamais je ne pensais que le fait d'accepter ce principe équivalait ad vitam aeter-nam à accepter le district bilingue sur l'île de Montréal.

Je considère, moi, que l'article 301 de la Loi de l'instruction publique qui s'appliquera sur l'île de Montréal n'est pas inclus dans le principe du bill, mais qu'il en est une modalité. Nous n'accepterons pas toutes les tergiversations que pourra prendre l'équipe ministérielle pour éviter ces débats de fond. Le projet de loi compte à peu près dix articles de ce genre où il est possible de soulever ces questions et nous en sommes au premier. A chacun des dix, nous allons démontrer la même énergie que nous démontrons sur l'article 583.

Les exemples que le ministre a donnés pour réfuter les arguments ont été partiellement repris par le député de Gouin, hier soir. J'ai dit que les exemples du ministre ne sont pas des corps électifs. L'exemple du ministre, à savoir comment cela se passe à la Direction générale de la planification de son ministère, pour montrer que l'anglophone qui est là parle français lors des réunions, n'est pas un exemple qui puisse se rattacher à l'exemple des commissions scolaires de Montréal.

M. SAINT-PIERRE: La CECM. Parlez-vous des commissions scolaires?

M. CHARRON: La CECM, ce n'est pas un corps électif non plus. Est-ce qu'il faut que je le rappelle au ministre de l'Education? Comment ils sont choisis, les sept commissaires? Qu'est-ce que vous venez faire avec votre projet de loi? Vous changez la structure de la CECM justement parce qu'elle n'est pas élective. Tous les exemples que vous avez donnés concernent des gens nommés par le gouvernement. Vous avez le loisir d'aller chercher des gens bilingues, si vous le voulez. Mais là, ce n'est plus pareil. Est-ce que je dois expliquer ce que le ministre instaure dans le projet de loi no 28? Il instaure de sept à onze commissions scolaires où les commissaires seront élus au suffrage universel...

M. SAINT-PIERRE: Vous êtes pour cela!

M. CHARRON: ... pour la première fois. Aucun des exemples que vous avez donnés hier au sujet de la langue de communication des corps que vous avez mentionnés ne concernait des corps électifs. Voilà la nouvelle obligation. Le commissaire élu dans le quartier no 7 de la commission scolaire no 8 pourra, s'il le veut, être unilingue anglais et vous n'aurez rien à faire contrairement à ce que vous pouvez avoir à faire avec les commissaires de la CECM. Voilà la différence.

J'ai posé une question hier soir, appuyé par mon collègue de Saguenay, à laquelle vous n'avez jamais répondu autrement que de revenir sur le programme économique de notre parti ou sur n'importe quoi d'autre.

M. SAINT-PIERRE: Je ne peux pas revenir là-dessus, vous n'en avez pas.

M. CHARRON: Je viens vous dire que comme citoyen montréalais, membre de la commission scolaire no 1 où il se trouvera cinq commissaires anglophones sur quinze, à peu près, où il risque de se retrouver dans la même proportion trois unilingues anglophones, quels sont mes droits, à moi, à la commission scolaire no 1 d'entendre les délibérations de la commission scolaire dans ma langue et de recevoir les avis officiels de ma commission scolaire dans ma langue, prioritairement? Quels sont mes droits? Ils ne sont pas protégés à l'intérieur de ça.

M. SAINT-PIERRE: Je vais vous répondre à la question.

M. CHARRON: Vous instaurez le bilinguisme, comme c'est là.

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président, il y a aux inquiétudes et aux appréhensions — qui ne sont pas partagées par la population puisque nous avons des faits — du député de Saint-Jacques une solution très facile. Il y a des gens hier qui, à la blague, disaient: On a l'impression que l'establishment anglophone de Montréal a soudoyé les gens du Parti québécois pour bloquer le projet de loi no 28. C'est vrai et c'est là que l'on voit de ces mariages un peu curieux parce que dans...

M. CHARRON: Il est en train de clouer le cercueil du Parti libéral!

M. SAINT-PIERRE: ... les appréhensions du député de Saint-Jacques...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-il en train de démolir son bureau?

M. SAINT-PIERRE: Non, c'est vous les moments d'aberration; il semble que, sur le vote de deuxième lecture, vous en avez eu un deuxième et vous ne saviez pas pourquoi vous votiez. Mais je vais vous donner la réponse à votre question.

M. LESSARD: Le ministre n'a pas l'air de le savoir non plus.

M. SAINT-PIERRE: Il y a une solution, M. le Président, au problème du député de Saint-Jacques. Dans l'île de Montréal, il y a un million d'anglophones qui sont, peut-être, unilingues. Il semble y avoir une forte partie unilingue. H y a des unilingues francophones. Il y a un élément de solution. Cela nous a été donné dans des mémoires, des lettres et je ne sais pas quoi, par qui? Par le Protestant School Board of Greater Montreal, qui nous a demandé quoi? Des commissions scolaires linguistiques, les Français d'un sens et les Anglais d'un autre. Tout le monde va s'entendre! Je pense que le député de D'Arcy- McGee nous a donné un témoignage éloquent à l'effet que lui a foi qu'en 1971 la majorité des Québécois préfèrent être alentour de la même table et, à l'occasion, d'être obligés de demander à un autre: S'il vous plaît, répétez ce que vous venez de dire. Je n'ai pas saisi. Ce serait régler réellement les problèmes plutôt que de se mettre dans des maisons séparées et de retourner dans des ghettos. C'est la même affaire pour les gens du CEGEP du Hull. Lorsqu'on tente d'intégrer les anglophones, on nous en fait le reproche. Au contraire, on voudrait qu'on forme des ghettos. Le principe du projet de loi no 28, c'est qu'en 1971 il est possible de s'asseoir alentour de la même table. Il est possible que la majorité ne sera pas brimée. Il est possible de mettre fin aux injustices que le député de Saint-Jacques a décriées, et nous pourrions reprendre son texte. Le gouvernement veut mettre fin à ça mais on ne veut pas tenter, avec le projet de loi no 28, d'en faire une panacée à tous nos problèmes. On veut régler un problème réel qui va être un avantage marqué pour la majorité francophone de l'île de Montréal, qui va permettre la participation des parents , qui va nous donner des structures administratives modernes, qui va nous apporter un système de financement et qui va venir en aide aux secteurs défavorisés. Et pour faire ça et pour réaliser ces objectifs, il faut cesser l'obstruction systématique qu'on a eue et adopter le projet de loi. Autrement, c'est revenir aux structures linguistiques que nous ont soumises le Protestant School Board of Greater Montreal. L'alliance, dans le sens que vous soulevez, c'est entre le Parti québécois et le Protestant School Board of Greater Montreal.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, sur l'article 583, nous sommes devant un débat. Il se continue ce matin.

Il a duré toute la soirée d'hier, et il n'est même pas terminé. Je ne peux pas prévoir quand il se terminera.

Le débat que vous avez ici, sur le point que j'ai soulevé hier soir, au début de la soirée, démontre très bien dans quelle situation le gouvernement se place dans le contexte où nous nous trouvons au Québec et plus particulièrement dans la région de Montréal.

Je n'ai pas inventé ce contexte, je n'en suis pas le responsable, mais, c'est un fait, ce contexte existe et le gouvernement n'a pas le droit de l'ignorer. Qu'on se rappelle que le Ralliement créditiste a été le seul parti à voter contre le projet de loi 28 en deuxième lecture, pour des raisons que j'ai mentionnées et que mes collègues ont mentionnées lors de la discussion en deuxième lecture.

Nous l'avons dit et nous le répétons, la question linguistique dans le bill 28 est loin d'être réglée, elle l'aggrave. On voit déjà la contestation poindre. C'est rien, ce que vous avez à la Chambre, au prix de ce que vous verrez dans six mois, dans un an ou dans deux ans quand vous le mettrez en application. Pourquoi? Parce qu'on n'est pas préparé. On parle énormément d'injustice sur le plan linguistique. Je pourrais ajouter qu'il va y en avoir autant sur le plan confessionnel. Qu'on se rappelle notre histoire, les Canadiens français, depuis 1760, tous les combats que nous avons livrés et qui ont été menés par ceux qui nous ont précédés. Qu'on relise notre histoire pour regarder ce qui s'est passé. Aujourd'hui, on est en train de légaliser une situation qui va nous reporter 200 ans en arrière. Il faudra dans dix ans repartir à zéro et sur le plan confessionnel et sur le plan linguistique.

Nous l'avons dit, et nous le répétons...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Beauce me permettrait une remarque? Il ne faudrait quand même — on a souligné tantôt ma souplesse, j'en suis flatté — pas que ma souplesse devienne de la faiblesse.

Je suis toujours inspiré par un seul désir, celui d'appliquer le règlement en protégeant les droits et prérogatives de chaque membre de ce comité. La règle de la pertinence du débat demeure un impératif auquel doivent se soumettre les membres du comité et que le président doit faire respecter.

Actuellement, jusqu'ici ce matin, je pense qu'on a respecté cette règle de la pertinence en parlant de la langue d'administration. Mon interprétation du règlement me laisse croire qu'à l'article 583, on peut parler de ce problème-là. Mais je ne pense pas que l'on puisse reprendre tout le débat de principe, tout le débat de deuxième lecture en parlant de confessionnalité, en parlant de la langue d'une façon générale, en parlant des problèmes linguistiques d'une façon générale.

J'invite de nouveau — je pense que je l'avais déjà fait hier soir — l'honorable député de Beauce à restreindre la portée de ses propos au problème de la langue, s'il veut aborder cette question linguistique, à restreindre le champ à la langue d'administration, à la langue utilisée au sein de ces organismes que seront les commissions scolaires. Je ne peux pas lui permettre de parler de tout autre problème, tel celui de la confessionnalité.

M. ROY (Beauce): Si on se rappelle les amendements que nous avons proposés sur l'article 583, nous avions parlé de majorité confessionnelle, nous avions parlé de minorité confessionnelle.

M. LE PRESIDENT: Justement, vos amendements ont été déclarés irrecevables. Vous ne pouvez pas faire indirectement ce que l'on vous a interdit de faire directement. Si vos amendements ont été déclarés irrecevables par la force des choses, en corollaire, je ne peux maintenant pas ce matin vous permettre de discuter de la substance de ces amendements qui ont déjà été déclarés irrecevables.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je vous remercie. Je voulais tout simplement faire un parallèle pour illustrer qu'il n'y a pas seulement la question de la langue à l'article 583. C'est ce que je voulais dire. Il n'y a pas seulement que ce problème et le gouvernement le sait, mais on ne veut pas évidemment en discuter, on ne veut pas l'envisager.

Je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai dit en deuxième lecture. Je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai dit hier. Je maintiens — et nous maintenons — que la commission scolaire unifiée et la façon dont chaque commission scolaire sera composée — tel que proposé par le bill 28 — c'est peut-être très beau en théorie mais l'application pratique en est impensable. Je pense que le débat que nous avons eu hier soir et le débat que nous avons ce matin et qui se continuera probablement cet après-midi, vous démontrent très bien dans quelle situation le gouvernement se place.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, il semble que la chaleur des débats est en train de faire monter la température, je vais donc essayer d'intervenir sans piquer qui que ce soit, surtout pas le ministre de l'Education. Mais il me permettra quand même de dire que je suis surpris de voir qu'il met en doute que ceux qui ont voté en faveur de la loi qui concerne la restructuration scolaire de Montréal s'associent avec les extrémistes qui ne veulent pas cette structure unifiée à Montréal, tout simplement parce qu'ils engagent un débat concernant la langue de travail des commissaires d'écoles.

Je pense qu'il admettra qu'il y a là un certain sophisme que je lui pardonne, étant donné la longueur des débats et la fatigue inhérente aux réponses qu'il a à nous fournir. Mais je ne peux pas accepter non plus la théorie qui semble être la sienne, ce matin, que j'appellerais une théorie tout à fait libérale, mais du siècle dernier, celle du laisser-faire.

Il nous laisse entendre à plusieurs reprises que les problèmes qui existent, s'il y en existe, ne sont que dans la tête des députés et qu'il n'y a pas lieu de passer ni réglementation ni législation tant et aussi longtemps d'une part, que les problèmes ne seraient pas prouvés et même là, ce n'est pas certain que c'est par législation ou par règlement qu'on aménage les relations entre les collectivités et les humains.

Je suis surpris, parce que si telle est la théorie, il vient de nier la réalité même du Parlement dont le rôle premier est, par la législation et par les règlements que le gouvernement peut décréter, justement d'organiser des relations entre des individus dans un territoire donné ou entre des collectivités.

Or, s'il est prouvé qu'il y a un problème concernant la langue de travail, le ministre voudra bien admettre qu'il devra adopter ou une loi ou un règlement, mais non pas prétendre que de laisser faire les collectivités ou de laisser faire les individus, c'est la meilleure théorie pour en arriver à un monde meilleur. Je ne pense pas que ce soit nécessairement là le rôle du Parlement.

Existe-t-il un problème en fonction de la loi qui nous est présentée, concernant la langue de travail? Je pense que l'argument peut être uniquement dans la tête des députés puisque ce ne peut être autrement que de la théorie parce que la loi n'est pas appliquée. Il pourrait peut-être nous répondre que le jour où la loi sera

appliquée, tous les commissaires d'écoles connaîtront le français, donc il n'y a pas lieu d'amender la loi, d'ajouter des articles à la loi.

Là, peut-être que ce serait une réponse théorique à une question théorique. Mais le fait existe-t-il à Montréal qu'il est possible d'avoir, dans une commission scolaire, un nombre x de commissaires d'écoles ne connaissant que la langue anglaise, de sorte que des citoyens francophones ne connaissant que la langue française dans un quartier donné, ne pourraient pas avoir les relations normales qu'ils sont en droit de s'attendre comme citoyens avec une administration publique?

C'est là où est le problème et, d'ailleurs, le ministre le sait fort bien puisque dans sa loi, 583, il dit: "Chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires élus conformément aux articles 95 à 183". Il faut donc aller voir les articles 95 à 183. Or, exactement l'article 95 explique: Que devons-nous être pour être éligibles au poste de commissaire? Sont éligibles à la charge de commissaires ou de syndics d'écoles, les personnes domiciliées dans la municipalité depuis au moins douze mois — donc il faudra être de Montréal depuis au moins douze mois pour être commissaire d'écoles — sachant lire et écrire, habiles à voter, etc.

M. SAINT-PIERRE: Cela a été changé par le bill 27.

M. MASSE (Montcalm): Alors, qu'est-ce qu'on a changé par rapport au "sachant lire et écrire"? On n'a quand même pas aboli l'obligation de savoir lire et écrire pour être au poste de commissaire.

M. SAINT-PIERRE: Je peux vous le lire, je pense que que ça a été changé lorsque le député était absent du Parlement à l'époque.

M. MASSE (Montcalm): Cela peut arriver, oui. Cela arrive, régulièrement.

M. SAINT-PIERRE: Alors, sous réserve, dernier alinéa de l'article 65, tout citoyen canadien majeur, domicilié dans la municipalité scolaire depuis au moins six mois et qui n'est frappé d'aucune incapacité légale est éligible à la charge de commissaire ou syndic d'écoles pour n'importe quel quartier de la municipalité scolaire.

M. MASSE (Montcalm): On a même enlevé savoir lire et écrire?

M. SAINT-PIERRE: Oui, si d'ailleurs on reprend l'intervention du député de Saint-Jacques et la vôtre, j'aurais presque compris un amendement qui aurait exigé que, pour être commissaire, il faut être bilingue ou avoir une connaissance d'usage du français. Ce sont des types d'amendements, si vous pensez que c'est nécessaire... Je ne voudrais pas les suggérer parce que vous avez une imagination assez fertile.

M. MASSE (Montcalm): Je pense, M. le Président, que le ministre a parfaitement vu où est l'objet. S'il y a un problème, s'il est possible que des commissaires unilingues soient en majorité, unilingues anglais ou unilingues français, là n'est pas le problème parce que les statistiques révèlent qu'ils sont normalement bilingues à ce niveau-là.

Mais c'est, au contraire, ceux qui seraient unilingues anglophones qui priveraient les citoyens de leur droit normal de relation avec la commission scolaire. Je pense qu'en partant de là le ministre a raison, et — compte tenu de ce qu'il vient de dire, il serait le premier à l'approuver — qu'il y aurait lieu peut-être d'amender l'article 95 encore une fois et de faire en sorte que pour être éligible au poste de commissaire d'école dans un quartier à Montréal — j'accepterais à la limite uniquement dans un quartier où la majorité est anglophone — il faudrait avoir une connaissance d'usage du français. Etant donné l'habitude au Québec et la tradition — selon les autres principes mis de l'avant par le ministre, puisque la législation ne peut pas tout régler la tradition est fort importante — qui, au Québec, fait qu'à un certain niveau les Canadiens français sont bilingues, ne faisons pas un amendement trop en profondeur et ne disons que dans les quartiers où la majorité des gens sont de langue anglaise, pour être éligible au poste de commissaire, il faut avoir une connaissance d'usage du français. De la sorte, les citoyens minoritaires Canadiens français dans ces quartiers pourront au moins avoir l'assurance que le commissaire d'école pourra leur répondre dans la langue française.

Voilà, M. le Président, le genre d'amendement que le ministre pourrait accepter, si jamais on lui prouvait que dans ces quartiers il peut y avoir un danger, pour des citoyens francophones, de ne pas pouvoir être en relation avec leur commission scolaire, et si on prouvait au ministre, également, que la loi ou le règlement a de l'importance lorsqu'il s'agit d'aménager les relations entre les citoyens et les autorités publiques.

Je ne crois pas que la théorie du laisser-faire, qui a été mise de l'avant par le ministre à plusieurs reprises, soit une théorie valable dans le monde de 1971. Je ne crois pas que le rôle du Parlement ou du gouvernement est tout simplement de tenir compte que les gens veulent ou désirent faire telle chose, de le constater puis de dire: Bon, bien voilà, c'est comme ça que les gens s'organisent. On n'a pas besoin d'adopter de lois, faisons, disait-il, et je le mets entre les guillemets, "faisons comme les Anglais". Comme si les Anglais n'avaient pas de lois, comme si les Anglais n'avaient pas de règlements. C'est incroyable! Quand à plusieurs reprises on dit que ce Parlement est un Parlement britannique, je pense que le rôle de notre Parlement est d'adopter des lois et que le rôle du Parlement britannique est d'adopter des lois.

Il est assez surprenant que le ministre nous serve de tels arguments ce matin, à l'effet que

les Anglais n'auraient pas de lois et qu'ils n'auraient pas de règlements.

S'il y en a un Parlement qui en a adopté, des lois et des règlements, c'est le Parlement britannique. Il en a adopté pour toutes sortes de raisons, pour toutes sortes de théories, entre autres dans les questions concernant l'aménagement des pouvoirs et l'aménagement des relations entre les citoyens et leur administration publique.

Je ne comprends pas que le ministre nous serve ce matin des arguments de cette sorte qui sont je ne dirais pas des sophismes, mais des arguments surprises. Il peut avoir des raisons profondes pour laisser le jeu tel qu'il est actuellement, le jeu qui nous amènera à avoir des commissaires anglophones qui ne pourront pas comprendre les Canadiens français de leur quartier, mais certainement pas de nous servir les raisons qu'il nous a données jusqu'à maintenant.

J'espère qu'il réfléchira à cette suggestion à l'effet que dans les conditions d'éligibilité au poste de commissaire à Montréal, la connaissance de la langue française serait peut-être une solution au problème que nous avons.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD : M. le Président, j'ai tenté hier de faire un certain parallèle entre les directives qu'avait, semble-t-il, imposées le gouvernement québécois au niveau de l'administration, afin de faire en sorte que les communications, à l'intérieur du gouvernement, se fassent dans la langue française.

Le ministre nous a dit tout à l'heure, M. le Président, que le problème de la langue française n'existait que dans nos esprits. Pourquoi le gouvernement du Québec, puisque ce problème n'existerait que dans nos esprits, s'est-il senti obligé d'imposer des directives à l'intérieur de ce même gouvernement, alors que le problème fondamental, ce n'était pas au niveau des agences gouvernementales qu'il se posait?

Je comprends, M. le Président, qu'il était facile pour le gouvernement, à ce moment-là, d'imposer ces directives. Ç'a ne touchait pas sa minorité anglophone qui l'appuie constamment. Il avait la possibilité, à l'intérieur des agences gouvernementales, d'imposer la langue française, et pourtant le gouvernement Bourassa s'est glorifié passablement d'avoir imposé ces directives. Est-ce que ça voudrait dire aujourd'hui que ces directives ne voulaient absolument rien dire? Parce qu'aujourd'hui, le gouvernement nous dit: Il ne faut rien imposer au niveau de la langue d'administration, il ne faut pas donner priorité à l'une ou l'autre langue, parce que, dit-il, il faut attendre les recommandations de la commission Gendron. Est-ce que le gouvernement actuel a attendu les recommandations de la commission Gendron pour imposer ces directives? Est-ce que ce n'était pas là accorder une certaine priorité de la langue française au niveau des organismes publics? Ce qu'on lui demande, c'est de faire à peu près la même chose au niveau des organismes parapublics. Il me semble qu'il y a quand même un certain lien si le gouvernement a décidé d'imposer des directives, c'est parce qu'il y avait un problème. Mais surtout, le problème ne se posant pas au niveau d'abord des organismes gouvernementaux, ce gouvernement frileux, peureux avait décidé d'essayer de satisfaire la chèvre et le chou et avait décidé de satisfaire une certaine clientèle électorale, tout en sachant, M. le Président, que ça ne changeait absolument rien.

Or, le problème, au niveau des commissions scolaires, il existe, même si le ministre de l'Education tente de se cacher la tête dans le sable, pour ne pas voir ce problème. On sait depuis fort longtemps que ce problème-là existe et qu'il existera tant et aussi longtemps que ce gouvernement peureux et frileux n'adoptera pas soit des directives précises, soit une politique linguistique...

M. PAUL : Habillez-vous, les frileux !

M. LESSARD: M. le Président, ce qu'on voit depuis hier soir, est tout simplement de l'irresponsabilité.

On ne veut pas voir les problèmes parce qu'on a peur, en apportant des solutions à ces problèmes, de perdre une clientèle électorale qui est acquise depuis de nombreuses années.

On nous dit: Nous attendons la commission Gendron. Le Parlement ne peut pas prendre de décisions en ce qui concerne la langue, il n'y a pas de problème de langue au Québec. La langue, ce n'est pas grand-chose pour les Québécois. On légifère, M. le Président, dans ce Parlement...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député...

M. LESSARD: Voici, M. le Président, la langue de communication.

M. LE PRESIDENT: Oui, s'il vous plaît.

M. LESSARD: Et la langue d'administration.

M. LE PRESIDENT: C'est peut-être très habile lorsque le président se lève d'ajouter un mot pour retomber sur ses deux pieds mais il me faudrait quand même appliquer même poids, même mesure pour le député de Beauce comme pour le député de Saguenay. Et je l'inviterais à circonscrire.

M. LESSARD: M. le Président, merci et c'était implicite dans ma pensée. Il s'agissait toujours de la langue d'administration, de la langue de communication. M. le Président, pour le gouvernement ce n'est pas important de légiférer sur la langue d'administration; ce n'est pas important de légiférer sur la langue de communication. Mais c'est important, par exemple, de légiférer sur les poissons, sur les

chevreuils, sur les orignaux. Cela est important, ce sont des biens collectifs. Il faut protéger les animaux au Québec; ils se protègent d'ailleurs, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: La langue est un bien collectif qui est à peu près ce qu'il y a de plus important pour un peuple; c'est le ciment d'une population, d'un peuple, d'une nation.

M. SAINT-PIERRE: De la façon que vous la faites, vous êtes en train de diviser un peuple qui devrait justement être capable de s'unir par la langue. C'est ce que vous faites.

M. LESSARD: M. le Président, on veut tout simplement devenir un peuple normal, arrêter d'être continuellement des colonisés et faire en sorte, selon l'une des promesses du gouvernement libéral, que la langue de travail, la langue d'administration, là où on travaille aussi, faire en sorte que cette langue soit, comme dans tous les pays du monde, comme dans toutes les provinces, à part celle de Québec, la langue de la majorité.

C'est normal. C'est simple. C'est évident. Normalement, il n'y a pas une minorité au monde qui pourrait nous reprocher cela. Pourquoi le gouvernement a-t-il peur? C'est parce qu'on veut conserver, protéger des privilèges. On veut tout simplement et on le sait, dans la région de Montréal ce qui se produit, on le sait qu'au niveau d'à peu près toutes les grandes administrations publiques, c'est surtout une langue qui s'impose, parce qu'elle s'impose, étant donné sa domination économique, que la langue d'administration dans toutes les corporations, les organismes économiques, etc., c'est la langue anglaise, la langue de la domination économique. On sait ça, mais le ministre ne le sait pas encore.

Ce serait le temps qu'il l'apprenne. Or, nous avons ici des organismes parapublics, financés en grande partie par les taxes des contribuables québécois, majorité francophone, et le ministre n'a même pas le courage, le cran d'imposer exactement comme on l'a fait au niveau des organismes publics les mêmes petites directives qu'on a instaurées à l'intérieur des différents ministères du gouvernement. Tout simplement cela. Mais cela ne faisait pas de mal à une mouche, cette affaire-là, cette politique ne faisait pas de mal à une mouche. On savait déjà depuis fort longtemps qu'au moins au niveau du gouvernement québécois, il était tout simplement normal que la langue de travail, pas au niveau de General Motors, au niveau du gouvernement québécois, il était au moins normal que la langue de travail, que la langue de communication soit la langue française.

Or, nous avons ici...

M. LE PRESIDENT: La séance est suspendue jusqu'à quatorze heures trente ou deux heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

Reprise de la séance à 14 h 33

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: Merci, M. le Président. Ce matin, avant la suspension des travaux de cette Chambre, j'étais en train de souligner au ministre que l'article 583 était l'un des articles fondamentaux du projet de loi qui nous est soumis. Pourquoi? Parce qu'on a reconnu, en vertu d'un amendement du ministre qui a été voté, qu'il devait y avoir, parmi ces quinze administrateurs nommés au suffrage universel, des représentants des minorités linguistiques.

Comme on soulevait le problème de ces minorités linguistiques, il est donc normal, à ce stade-ci de notre discussion, que nous parlions de la langue des communications. Le ministre, à la suite des revendications que nous lui avons faites depuis quelques jours, nous disait que, jamais, depuis dix-neuf mois, il n'avait reçu une représentation de quiconque à l'effet que les gens avaient à se plaindre du fait qu'ils ne pouvaient pas s'exprimer dans la langue de la majorité, soit la langue française. Je comprends cette situation. Nous sommes tellement habitués à vivre dans l'anormalité, nous avons tellement la démission facile, y compris notre gouvernement, nous sommes tellement résignés à cette situation anormale qui impose à la majorité québécoise une langue de travail qui est celle de la minorité, qui nous domine économiquement et même culturellement.

Ce que nous disons, c'est, tout simplement, que notre gouvernement devrait être celui, au moins, de la majorité québécoise, pour autant qu'on ne brime pas — je pense que le Québec la prouvé depuis passablement d'années — les droits ou les privilèges reconnus de la minorité anglophone du Québec.

Il me semble que ce gouvernement devrait accepter comme légitime, comme normal, le droit à tous les Québécois francophones, qui représentent 85 p.c. de la population, de pouvoir parler leur langue au niveau du travail et au niveau de l'administration.

C'est pour cela, M. le Président, que nous nous battons. Il me semble que c'est là quelque chose de fondamental, quelque chose de primordial. Une langue a sa raison d'être en autant que nous puissions vivre avec elle, en autant que nous puissions nous en servir pour communiquer et pour travailler, que ce soit au niveau du gouvernement du Québec, que ce soit au niveau des organismes parapublics comme les commissions scolaires.

Aujourd'hui, lorsque nous demandons ces choses normales, lorsque nous demandons au gouvernement du Québec de reconnaître un droit fondamental de toute majorité, quelle qu'elle soit, qu'elle soit en Belgique, en Suède, en Finlande...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, une question de règlement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education sur une question de règlement.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il me semble que nous avons fait preuve de beaucoup de générosité. Mais il me semble aussi que la chute occasionne une rechute et que le député de Saguenay est clairement en dehors de la pertinence du débat sur l'article 583. Je fais appel à votre interprétation de nos règlements pour le rappeler à l'ordre.

M. LE PRESIDENT: Oui. J'écoute avec beaucoup d'attention le député de Saguenay qui semble connaître les trucs d'un vieux parlementaire rusé et qui réussit à nous laisser croire, du moins à nous laisser l'impression qu'il s'en tient à la pertinence du débat en disant, de temps à autre, les mots "langue de travail" et "langue d'administration". Mais, si on analyse la substance de son propos, on est obligé d'en conclure qu'il s'éloigne beaucoup de ce champ.

Je demanderais donc à l'honorable député de Saguenay de bien vouloir, même en ajoutant les mots "langue de travail" ou "langue d'administration", coopérer avec celui qui doit assumer la direction des travaux du comité et faire en sorte que la substance de l'ensemble de son propos, encore une fois, se limite à la question de la langue au niveau de l'administration des commissions scolaires de l'île de Montréal, tel que le lui permet l'article 583, mais de ne pas déborder sur l'ensemble du problème linguistique.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. J'accepte vos remarques à ce sujet, il est vrai peut-être que j'élargissais quelque peu — quelque peu dis-je — le débat, mais j'étais toujours à dire qu'il était normal que les Québécois francophones puissent parler leur langue au niveau de l'administration publique, que ce soit des organismes gouvernementaux ou parapublics.

Et c'est sur ce sujet que je disais que le gouvernement tente aujourd'hui tout simplement de se laver les mains. Si nous faisons une lutte, c'est parce que ce problème n'existe pas seulement au niveau de la pensée des députés du Parti québécois ou d'autres députés de cette Chambre, mais, il existe dans la société québécoise.

C'est justement pourquoi j'ai posé ce matin la question suivante au ministre: Pourquoi a-t-il fallu au niveau des organismes gouvernementaux imposer des directives, de telle façon qu'on demandait aux fonctionnaires du gouvernement de communiquer entre eux en français. Et je pense que le député de Bagot avait déjà commencé ce travail au moment où il était ministre de l'Education, c'est-à-dire qu'on imposait aux représentants gouvernementaux, aux fonctionnaires de communiquer dans la langue de la majorité, dans la langue française.

Si on a fait ça sans attendre les recommandations de la commission Gendron, c'est parce que le problème existait. Mais cependant, c'est que là — comme je le disais ce matin — il n'y avait pas tellement de problèmes pour le gouvernement.

H était facile pour le gouvernement, dans le but de satisfaire une clientèle électorale, tout en...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Une nouvelle fois, je ne voudrais pas qu'on abuse de ma patience; le député est en train de parler de la langue de travail partout sauf dans les commissions scolaires unifiées. Il est question du gouvernement, d'organismes, de directives que le ministre a pu donner. Je comprends que par incidence on puisse en parler, mais ce ne sont plus des incidences, c'est la substance.

Le député connaît probablement la différence entre la substance et l'accident. De toute façon, nous ne commencerons pas à faire un résumé de la philosophie thomiste, dans la partie de la métaphysique. Mais je voudrais quand même que le député une fois pour toutes — je l'avertis que c'est déjà la deuxième fois que je le rappelle à l'ordre — s'en tienne au problème de la langue de travail au niveau des commissions scolaires. Je regrette, mais je suis obligé de dire que ce n'est pas ce qu'il fait actuellement. Actuellement, il traite d'une façon substantielle de la langue de travail dans d'autres domaines.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. Je pense que j'ai quand même la possibilité de faire un parallèle entre ce qui se fait au niveau des organismes gouvernementaux et ce qui devrait normalement se faire, au niveau des organismes parapublics. Il me semble, que les commissions scolaires, qu'elles soient de Montréal ou du reste de la province, sont des organismes en grande partie financés par les taxes des contribuables québécois, de même que notre gouvernement, à Québec, est un organisme financé par les taxes des contribuables québécois. Je me demande, et c'est ce que je voudrais savoir du ministre, pourquoi, sans attendre les recommandations de la commission Gendron, a-t-on imposé au niveau du gouvernement du Québec, des directives imposant la langue française comme prioritaire? Pourquoi ne devrait-on pas le faire au niveau des organismes parapublics, dont les commissions scolaires?

M. le Président, il me semble qu'il est un droit fondamental, savoir que la majorité québécoise puisse avoir la possibilité de parler au niveau des commissions scolaires la langue de la majorité du Québec. Et c'est dans ce sens-là que nous ne pouvons accepter ce que le ministre nous dit, lorsqu'il affirme que ce n'est pas un problème au niveau du Québec. Mais, c'est le problème fondamental. C'est là où on est en train d'hypothéquer, comme le disait le député de Saint-Jacques, les structures qu'on est en train de créer actuellement, que nous avons appuyées dans leurs principes et nous sommes encore prêts à les appuyer.

Cependant, nous demandons que, dans ses modalités, ce principe de la restructuration des commissions scolaires de Montréal reconnaisse un droit fondamental des Québécois de pouvoir s'exprimer, au niveau de l'administration, au niveau de la langue de travail, au niveau des commissions scolaires, dans la langue de la majorité. Cela afin de respecter un droit normal pour tout citoyen de pouvoir comprendre ce qui va se discuter au niveau des commissions scolaires.

On ne veut pas imposer une bagarre à l'intérieur de ces commissions scolaires de telle façon que nous ayons, d'un côté, des unilingues anglophones et, de l'autre, des unilingues francophones. Ces gens-là, s'ils veulent être efficaces dans l'administration, doivent pouvoir se comprendre. Cela est une chose fondamentale. C'est pourquoi il est absolument nécessaire, à ce stade-ci du projet de loi, de déterminer en quelle langue ces gens-là vont pouvoir se comprendre. La même chose a été appliquée au niveau du gouvernement; on l'a appliquée aussi au niveau d'un ex-bill 64. On n'a pas attendu la commission Gendron pour le faire. On a, tout simplement, décrété que les gens qui voulaient exercer un métier ou une profession devraient, au moins, connaître la langue d'usage.

Nous voulons aussi que les gens élus à l'intérieur de cette commission scolaire connaissent au moins la langue d'usage, la langue française. En conséquence, je soumets l'amendement suivant: "Que l'article 583 soit amendé en y insérant, après le premier alinéa, l'alinéa suivant : Une personne dont la langue maternelle est autre que le français ne peut être mise en candidature au poste de commissaire que si elle a une connaissance d'usage de la langue française, déterminée, suivant les normes établies à cette fin, par les règlements adoptés en vertu de l'article 4 de la Loi de l'admission à l'étude et à l'exercice des professions." Statuts refondus, 1964, chapitre 246", tel que le ministre nous l'a laissé entendre d'ailleurs, hier soir et ce matin.

M. VEILLEUX: C'est du racisme!

M. CHARRON: Est-ce que c'était du racisme, en 1969, quand vous appuyiez Jérôme Proulx, député de Saint-Jean?

M. VEILLEUX: M. le Président, une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je regrette, l'honorable député...

M. CHARRON: Il n'y a pas de question de privilège en comité. Julien l'Apostat, on l'entendra plus tard.

M. LE PRESIDENT: ... de Saint-Jean peut rétablir les faits à ce stade-ci, mais non pas invoquer une question de privilège. Il n'y en a pas en comité.

M. VEILLEUX: Je vais rétablir les faits, M. le Président. Cela fait assez longtemps qu'on m'attaque, ici, à l'intérieur de la Chambre, relativement à la supposée position que j'avais prise, en 1969, relativement au bill 63.

M. CHARRON: Ce n'était pas supposé dans le télégramme, en tout cas.

M. VEILLEUX: D'ailleurs, hier, M. le Président, un journaliste de Québec, qui, lui aussi, probablement avait reçu certains télégrammes ou certains appels téléphoniques de certaines personnes de Saint-Jean, a jugé bon de mentionner dans son journal la supposée position que j'avais en 1969. En 1969, j'étais président de l'Association des enseignants d'Honoré-Mercier et, lors d'une assemblée régulière convoquée selon la constitution de l'association, un membre, M. Jean-Yves Théberge, membre du Parti québécois, a fait la proposition de blâmer le gouvernement, notamment le premier ministre de l'époque, M. Bertrand, le ministre de l'Education à l'époque, M. Cardinal, et de féliciter le député de l'époque du comté de Saint-Jean, M. Jérôme Proulx — paraît-il — du courage qu'il avait de s'opposer au bill 63. Sa proposition...

M. CHARRON: Le patinage! Le patinage! M. VEILLEUX: ... avait été appuyée... M. LE PRESIDENT: Je pense...

M. VEILLEUX: Je suis à expliquer, M. le Président, que ce qu'a dit le député de Saint-Jacques, tout à l'heure, était complètement faux, lorsqu'il m'a traité de traître, de Judas et de tout ce que vous voudrez.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Evidemment, le député de Saint-Jacques a ouvert une porte qui peut nous entraîner dans des horizons très vastes.

D'un autre côté, le député de Saint-Jacques est peut-être en grande partie responsable de ce fait.

M. CARDINAL: M. le Président, sur un point de règlement.

J'ai crié à l'ordre non pas pour rappeler le député de Saint-Jean à l'ordre, mais pour faire taire ceux qui, à ma droite, hurlaient pendant qu'il parlait. On a le droit d'entendre chaque député. Je retiens mes expressions, même si mes convictions me pousseraient parfois à prononcer certaines paroles à haute voix. Que les députés qui veulent parler se lèvent et qu'ils attendent leur tour.

M. LE PRESIDENT: Je ne sais pas si c'est dans mes attributions, je suis un peu craintif, mais je vais prendre le risque de dire que l'attitude du député de Bagot dans cette Chambre est peut-être un exemple qui devrait être suivi par d'autres.

Je reviens à ce que le député de Saint-Jean était en train de dire. Le député de Saint-Jean a ouvert une porte qui nous entraîne dans une situation dont les horizons seraient assez larges. D'un autre côté, le député de Saint-Jacques a mis, en quelque sorte, en doute la rectitude intellectuelle ou la suite dans les idées du député de Saint-Jean. Je pense que celui-ci va sûrement avoir le droit, en rectifiant ces propos, de donner certaines explications qui seront de nature à rectifier les propos que le député de Saint-Jacques a tenus.

Evidemment, j'invite le député de Saint-Jean à restreindre sa rectification...

M. CARDINAL: M. le Président, selon l'article 273, lorsqu'il y a digression sur un sujet, un député a le droit de répondre et d'entrer dans la digression.

M. VEILLEUX: M. le Président, vous pouvez être persuadé que dans l'intervention que je fais, je fais abstraction de toute émotivité. Je ne fais que vous rapporter des faits qui se sont concrètement passés en 1969. Je les ai vécus à Saint-Jean et il est facile pour quelqu'un de l'extérieur qui n'était pas à Saint-Jean à l'époque — que ce soit en Chambre ou dans les journaux — de porter un jugement sans y être présent.

Je dis donc, M. le Président, que l'Association que je représentais démocratiquement à l'époque a adopté une résolution mentionnant les faits que je vous disais tout à l'heure. Et, en tant que président de l'association, je n'avais qu'un devoir à l'époque, c'était de suivre l'ordre que m'avaient donné...

M. CHARRON: De démissionner.

M. VEILLEUX: ...les enseignants, et ce, démocratiquement en assemblée de mon association.

C'est ce que j'ai fait. En 1969, jamais je ne me suis prononcé pour ou contre le projet de loi no 63, et ce à l'intérieur de mon association, pour la simple raison que je voulais laisser pleine et entière liberté aux enseignants de Saint-Jean de se prononcer. On le sait, un président d'association peut influencer facilement par une intervention, lors d'une assemblée générale, les membres de l'association. En 1969, jamais je n'ai parlé à mes élèves en classe du problème ou du non-problème du projet de loi 63 parce que je considérais à l'époque que ce n'est pas la place pour un enseignant de parler de choses à incidence politique aux élèves, et je considère encore qu'en 1971 ce n'est pas la place pour les enseignants de parler de choses à caractère politique à des élèves en classe.

On sait qu'il est extrêmement facile pour un professeur d'influencer des jeunes de 16, 17 ou 18 ans. C'était un devoir que je me faisais à l'époque. J'ai encore, relativement à cette prise de position en 1969, exactement la même position. Face à une politique linguistique venant du gouvernement du Québec, je serai solidaire de mon parti, le Parti libéral, comme en 1969 j'étais solidaire de mes membres à l'assemblée générale de l'Association des enseignants d'Honoré-Mercier. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, avec votre permission et le consentement du député de Saint-Jean, est-ce que je pourrais lui poser une question?

M. VEILLEUX: Certainement.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député de Saint-Jean a pris connaissance d'une lettre ouverte qui figure aujourd'hui dans le journal Le Devoir, signée par un compagnon du conseil exécutif de l'époque, un nommé Aimé Bossé? Sûrement, dans une participation un peu plus tard dans ce débat, le député de Saint-Jean pourra répondre à la lettre de M. Bossé.

M. VEILLEUX: Effectivement, j'ai pris connaissance de cette lettre ouverte qui a été publiée dans le Devoir et qui sera publiée aussi dans un hebdo de ma région, Le Canada français, de la part d'un collègue de l'enseignement et de l'exécutif de l'association qui rapporte de soi-disant faits qui se seraient produits en 1969 et qui m'indique même une voie à suivre. Je pense que je suis assez âgé moi-même pour être capable de choisir, en toute liberté, la voie qui s'offrira à moi en temps et lieu. Vous pouvez être persuadé que, si jamais en cette Chambre — je dis bien si jamais en cette Chambre — il y a une discussion de fond pendant cette session ou à une autre session sur une politique de langue ou sur toute autre mesure relativement à la langue au Québec, que je ferai des mises au point nécessaires à ce moment-là. Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, sur la motion d'amendement il y a deux choses: il y a le fond, il y a la forme, comme d'habitude, d'ailleurs. Je n'invoque pas la recevabilité. C'est à vous d'en décider. Je ne vois rien qui empêche...

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot pourrait peut-être m'éclairer?

M. CARDINAL: Non, je n'ai pas l'intention d'invoquer la recevabilité. Il y a le fond et la forme. Disons que, sur le fond, dans les principes, je suis d'accord, surtout après ce que j'ai déclaré ce matin sur l'utilisation de la langue

française. Cependant, la forme me surprend au point de vue juridique.

Cet amendement qui serait apporté à l'article 583 est un amendement, par référence, à l'article 95 de la Loi de l'instruction publique. Or, l'article 95 de la Loi de l'instruction publique a deux alinéas dont un est rédigé au positif, c'est-à-dire que l'article dit: "Sont éligibles à la charge de commissaire ou de syndic d'écoles — il s'agit toujours de la dissidence — les personnes domiciliées dans la municipalité, etc." L'on sait que cet article 95 a déjà été amendé d'une façon positive par le projet de loi no 27 devenu loi.

Il y a évidemment, dans l'article 95, un deuxième alinéa qui, lui, est rédigé d'une façon négative: "Nul ne peut être élu à la charge de commissaire ou de syndic d'écoles ni occuper dans une commission scolaire où son conjoint occupe telle charge". Je ne me prononcerai pas sur cette exclusion qui date d'il y a longtemps, qui n'a peut-être plus sa raison d'être et qui, d'ailleurs, est peut-être modifiée par le projet de loi devenu loi 27.

Ce que je dis, M. le Président, c'est que ce n'est pas de cette façon qu'on devrait arriver au but que l'on poursuit. Il me semble, au contraire, dans un semblable amendement, vu que l'article 583 du projet de loi no 28 réfère explicitement à l'article 95, puisqu'il dit: "Chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires élus conformément aux articles 95", que l'on devrait premièrement, dans l'amendement, référer directement à l'article 95 et non seulement à cet article mais, en bon législateur, à l'article 95 amendé par la loi 27, parce qu'on ne peut pas faire d'amendements sans procéder à partir du texte original et du texte amendé. Il faut donc dire: L'article 95 des Statuts refondus de 1964, modifié par le chapitre dont je ne me souviens plus du numéro, qui est la loi 27, statuts annuels 1970/71, est amendé en ajoutant aux qualifications exigées des commissaires; plutôt que de dire: Une personne dont la langue maternelle est autre que le français ne peut pas être mise en candidature.

Cela me paraît, à ce moment-là, ou être perçu comme quelque chose de discriminatoire. En d'autres mots, si on veut atteindre le but poursuivi par le député qui a proposé cette motion, on devrait, premièrement, référer à l'article 95; deuxièmement, référer à l'amendement de l'article 95 et, troisièmement, parler au positif et dire: L'une des qualités requises pour être élu commissaire — on ne le dirait pas de cette façon parce que déjà, l'article le dit au début, le ministre a lu cet article ce matin et il apparaît au journal des Débats, dans son texte — doit posséder — et là, je reprends le texte — une connaissance d'usage de la langue française — on peut ajouter si l'on veut — déterminée suivant les normes établies à cette fin par les règlements adoptés en vertu de l'article 4 de la Loi de l'admission à l'étude et à l'exercice des professions. Là, justement, le député s'est rendu compte comment il fallait légiférer. Il réfère lui-même aux Statuts refondus de 1964, chapitre 246.

M. le Président, je dis que la motion est certainement recevable quant à son fond mais que le député devrait la relibeller quant à sa forme parce qu'elle a une forme qui lui donne un aspect discriminatoire quant à sa perception et qu'elle ne s'insère pas dans le cadre actuel de l'article 95 tel que modifié par la loi no 27.

M. LESSARD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Sur la recevabilité de la motion?

M. LESSARD: Bien voici, c'est que si elle n'était pas recevable...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! D'abord je dois déclarer — d'ailleurs le député de Maisonneuve sait très bien ça — qu'à tout moment on peut invoquer la recevabilité. Maintenant, il serait peut-être plus simple... Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent s'exprimer sur la question de la recevabilité, avant de passer au fond? Le député de Bagot a quand même plutôt traité de la recevabilité que du fond.

M. CARDINAL: C'est-à-dire que je n'attaque pas la recevabilité. Ce que je veux dire, c'est que le libellé tel que fait...

M. LE PRESIDENT: C'est-à-dire que votre recevabilité se bornait aux questions de vice de forme, plutôt que de vice de fond.

M. CARDINAL: Disons même pas vice de forme, disons manque d'habileté juridique à rédiger sous forme de loi les désirs et les objets que l'on poursuit.

M. LE PRESIDENT: Ce que je me permets de qualifier de vice de forme.

M. CARDINAL: Le président est libre.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres personnes, d'autres membres du comité qui désirent s'exprimer sur la question de la recevabilité? Nous allons d'abord régler ça et...

M. LESSARD: M. le Président, je voulais simplement vous dire ceci...

M. LE PRESIDENT: Sur la recevabilité?

M. LESSARD: Oui. Je pense qu'en vertu du règlement, il est toujours possible au président, si la motion n'est pas recevable dans sa forme, de nous indiquer, ou de le faire lui-même, les corrections nécessaires pour qu'elle soit recevable dans sa forme et ensuite cette motion devient recevable.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres du comité désirent s'exprimer sur la recevabilité?

M. LESSARD: Si elle n'est pas recevable dans sa forme, je vous demande de la corriger en conséquence.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, à l'article 158, on dit, et je le lis. Je m'excuse presque d'être rendu dans les procédures, mais avec ce genre de débat, il faut y arriver, et ayant un président très réceptif, je suis très disposé à l'aider. "Quand une motion présentée lui parait irrégulière, l'orateur" — traduisons maintenant en français par le président — "doit" — mutatis mutandis ça s'applique tant à l'Assemblée qu'en comité — "sans tarder, signaler ce fait à la Chambre" — au comité mutatis mutandis — "et, lorsque le débat sur la question d'ordre ou de règlement est clos, il peut, après avoir cité la règle ou l'autorité sur laquelle il s'appuie, mettre la motion de côté et refuser de la mettre en délibération ou aux voix, sauf appel à la Chambre."

Il peut de plus — là je n'ai pas l'autre article — faire comme le président lui-même a fait récemment au sujet d'un autre projet de loi: amender la motion telle que présentée et la déclarer recevable. Nous avons une jurisprudence. Cela s'est produit... On l'a fait à quelques reprises récemment. Le président de l'Assemblée lui-même a amendé une motion qui a entraîné un long débat.

Je souligne ces faits au président, s'il veut déclarer régulière cette motion...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On l'a fait pour le projet de loi no 48.

M. CARDINAL: ... il peut lui-même sur le champ — on l'a fait pour le projet de loi no 48 — l'amender.

M. BURNS: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Un seul point, très bref. Je pense que le député de Bagot n'a rien compris à l'amendement qui est proposé.

M. CARDINAL: M. le Président.

M. BURNS: Cela peut arriver. Il y a déjà des choses que le député de Bagot n'a pas comprises. Par exemple quand il a parrainé le bill no 63. Je veux signaler...

M. LE PRESIDENT: Je sais que le député de

Maisonneuve est capable de s'en tenir à la discussion des principes en cause, il n'a pas besoin — c'est absolument superflu, eu égard à son talent — d'aller dans des champs qui sont vraiment étrangers au débat.

M. BURNS: Je ne suis jamais l'initiateur de ce genre de débat, habituellement c'est en réponse que je le fais.

M. le Président, je veux tout simplement parler de la remarque concernant la régularité ou l'irrégularité de la motion du député de Saguenay, et c'est là-dessus que je considère que le député de Bagot n'a rien compris. Le projet de loi que nous étudions actuellement concerne la région de Montréal et c'est évident que nous ne voulons pas l'amender pour qu'il s'applique à tout l'ensemble de la province. L'argumentation que nous a tenue le député de Bagot était comme si nous avions à faire un projet de loi qui allait s'appliquer à l'ensemble de la province.

Maintenant que l'on légifère par voie de référence, c'est tout à fait normal; d'ailleurs, dans le projet de loi que nous considérons actuellement, le projet de loi no 28, il y a déjà de la législation par référence. On y viendra tantôt, je ne veux pas toucher au sujet, mais la législation par référence qu'on verra à 586, on ne viendra pas nous dire que c'est irrégulier. C'est une chose qui se fait constamment. Alors en ce qui me concerne, M. le Président, je ne vois vraiment pas en quoi cet amendement ne serait pas recevable. Nous touchons à un article qui vise plus particulièrement l'éligibilité même des gens qui devront faire partie des diverses commissions scolaires; nous apportons à toutes fins pratiques à ces caractères d'éligibilité un détail ou une modalité nouvelle, c'est-à-dire l'obligation d'avoir une connaissance d'usage du français pour devenir éligible.

M. le Président, je n'insisterai pas plus parce que ça me semble tellement évident qu'elle est recevable cette motion-là. Je n'insisterai pas davantage.

M. CARDINAL: M. le Président, en réponse, je ne ferai pas comme le député de Maisonneuve et je ne le nommerai pas et je ne dirai pas que j'ai compris, qu'il n'a pas compris ce que j'ai compris mais je parlerai uniquement sur le texte. Supposons que je comprenne parfaitement le député de Maisonneuve; je dirais dans ce cas-là: Rédigeons à nouveau la motion et disons: Nonobstant les dispositions de l'article 95 — parce qu'il y a référence à cet article dans l'article 583 — pour les fins du projet de loi no 28, une qualification additionnelle sera nécessaire pour être commissaire, celle de connaître la langue d'usage. Je répète que, tel que c'est rédigé, comme c'est ajouté en 3e alinéa à l'article 583 qui se réfère à 95, il y aura des difficultés d'interprétation. La rédaction ne sera pas faite avec réflexion mais faite souvent comme ça se fait en comité plénier sur ce que

j'appelle le bout de la table, et on est pris avec ça après.

Autrefois il y avait l'auguste Conseil législatif — où j'ai eu l'honneur insigne de siéger — qui pouvait reprendre les textes ainsi rédigés et les refaire. On avait une législation qui, je suis sérieux ici, revêtait des formes...

M. CHOQUETTE: De rétablir le Conseil législatif?

M. CARDINAL: Absolument pas.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que les propos du ministre de la Justice sont en dehors du débat.

M. CHOQUETTE: Je peux poser une question au député de Bagot pour avoir un éclaircissement.

M. LE PRESIDENT: A condition que ce soit pertinent.

M. CHOQUETTE: Mais non, même le député de Bagot trouve que c'est pertinent.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Bagot.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'y aurait pas assez de place pour mettre les ministres incompétents.

M. CARDINAL: M. le Président, le ministre de la Justice d'Outremont, éminent juriste, a certainement compris l'argumentation que j'ai faite et je ne vois pas ce que vient faire sa question. Ce que je veux dire en réponse au député de Maisonneuve, c'est que l'on devrait quand même se référer à l'article 95 d'une façon ou d'une autre.

J'ai fait une suggestion en disant: Nonobstant les dispositions de l'article 95 pour les fins de la présente loi... C'est tout ce que je veux dire. J'avais parfaitement compris que la motion du député de Saguenay, je pense, ne s'appliquait que pour les fins du projet de loi no 28. Dans son texte, je trouve, cependant, que ce n'est pas une rédaction sainement juridique.

M. CHOQUETTE: L'honorable député de Bagot a raison.

M. LE PRESIDENT: Je pense que je suis en mesure de rendre ma décision.

M. CARDINAL: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Oui, l'honorable ministre de l'Education, sur la recevabilité.

M. SAINT-PIERRE: Sur la recevabilité, M. le Président. Je vais essayer d'être très bref, parce qu'on perd du temps. Il me semble qu'il y a un principe que même les gens du Parti québécois ont accepté en deuxième lecture, celui de la démocratisation des structures.

Or, c'est évident qu'on n'aurait pas, si on acceptait l'amendement, la démocratisation des structures. C'est évident que, dans certaines commissions scolaires...

M. BURNS: M. le Président, c'est une argumentation sur le fond.

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président, je m'excuse.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Maisonneuve semble déjà avoir compris, mais, moi, je n'ai pas encore compris.

M. BURNS: J'ai très bien compris qu'on est en train de discuter du fond.

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président. En vertu de l'article 566, je tente simplement de prouver que l'amendement proposé par le Parti québécois va à l'encontre de l'un des principes du projet de loi, qui a été accepté même par les représentants du Parti québécois, à savoir la démocratisation et l'élection des commissaires sur une base généralisée.

Brièvement, M. le Président, je vous soumets respectueusement qu'il n'est pas permis de mettre de l'avant un amendement qui propose de limiter le véritable suffrage universel à l'intérieur des structures scolaires.

M. CHARRON: Vous venez de le faire avec les observateurs.

M. SAINT-PIERRE: Non, M. le Président, c'est faux. Le député s'emporte. On veut faire un spectacle! Ce n'est pas ici la place; on veut étudier un projet de loi. Je maintiens que l'amendement est irrecevable parce qu'il va à l'encontre — suivant l'article 566, c'est à sa face même qu'il est recevable — d'un principe que les députés du Parti québécois ont même endossé en deuxième lecture; le suffrage universel pour l'élection des commissaires.

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, mais je sens le besoin de revenir à la suite de ce que vient de dire le ministre de l'Education. Quand il nous dit que cela va à l'encontre de la démocratisation, je réfère le ministre à toutes les législations contenant des règles relatives à l'éligibilité. Est-ce qu'on empêche la démocratisation, par exemple, des élections municipales quand on exige que quelqu'un ait tel âge pour se présenter, quand on exige que quelqu'un soit citoyen canadien, quand on exige que quelqu'un demeure dans tel arrondissement?

C'est tout simplement une condition de cette nature-là que nous posons à l'éligibilité. Je ne vois pas en quoi cela va à l'encontre du principe de la démocratisation, au contraire. Si

le ministre de l'Education a raison, je m'excuse, M. le Président, mais toutes nos lois qui contiennent des règles relatives à l'éligibilité sont absolument irrecevables et antidémocratiques, puisqu'un enfant de six ans, malheureusement, ne peut pas se présenter aux élections. C'est aussi simple que cela. C'est une condition d'éligibilité que nous posons et c'est uniquement cela; la condition d'éligibilité en question étant qu'une personne qui veut se présenter doit avoir une connaissance d'usage du français. Cela, on l'a admis déjà. Au cas où on nous dirait que c'est un principe que nous allons chercher dans les nuages, nous l'avons fait par référence à la législation que nous avons adoptée récemment relativement aux professions. Ce n'est pas quelque chose qui vient des nuages; c'est quelque chose que justement ce Parlement-ci a adopté par le bill 64, entre autres. C'est une question d'éligibilité, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: Sur le même point, M. le Président. Il y a quand même une différence entre le droit à l'exercice d'une profession, le cas du bill 64 et toutes les lois de nos professions ou des corporations professionnelles qui n'ont pas le but de mettre en vigueur le suffrage universel, mais de protéger le public. Il y a des limitations à ce droit d'exercice par la loi concernant la formation professionnelle et il y en a d'autres, concernant la citoyenneté canadienne.

La seule différence qu'il y a entre le député de Maisonneuve et moi-même, c'est sur notre définition même du suffrage universel et de la démocratie. Moi, je reconnais que, dans le suffrage universel et la démocratie, on puisse avoir des limitations sur la question de la résidence, du domicile et de la maturité, alors que le député de Maisonneuve, dans un amendement qui sent le racisme à plein nez, voudrait y rajouter des questions de langue, de religion pour limiter le droit de participation aux élections.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, je crois que les désirs du ministre devraient être entendus partout dans la Chambre, y compris par le titulaire de l'Education. Ce n'est pas en se lançant des quolibets ou des choses semblables qu'on va aider à faire avancer le débat. Et je ne crois pas que dire que l'amendement serait raciste est une façon de le juger irrecevable. Ce dont on discute actuellement, c'est est-ce que la motion est recevable ou pas. On pourra faire le débat sur le fond tout à l'heure mais, tout d'abord, il faut décider si elle est recevable.

Je crois, M. le Président, que l'argument qui a été avancé par le ministre de l'Education, selon lequel l'amendement serait irrecevable parce qu'il est limitatif au point de vue des droits démocratiques d'éligibilité des commis- sions scolaires, ne peut pas être perçu par le président comme étant une raison valable. Pour la bonne raison qu'à maintes reprises, lorsqu'on impose un droit ou qu'on impose un cens? d'éligibilité, il est défini des catégories. Lorsqu'on dit que quelqu'un doit être citoyen de telle nationalité, qu'on dit qu'il doit être de tel âge, qu'on dit qu'il doit posséder telle richesse ou qu'il doit demeurer dans tel quartier, ce sont toutes des conditions qui limitent d'autant l'ensemble des gens qui sont candidats.

D'ailleurs, dans la loi présentée par le ministre lui-même, on peut en retrouver. Evidemment, c'est poussé à l'extrême, parce que la loi ne traite pas nécessairement de ça, mais on en trouve à l'article suivant lorsqu'on dit qu'un candidat ne peut être mis en candidature pour telle et telle raison. Je pense qu'on peut trouver des raisons pour que la motion soit jugée irrecevable, je pourrais peut-être souffler quelques raisons au ministre. Mais, d'autre part, on ne peut pas prétexter que ce doit être jugé irrecevable parce que ça limite d'autant le droit de certaines personnes à être candidats. Je ne pense pas que ce doit être ainsi parce que, à maintes reprises, dans nos lois, particulièrement toutes les lois qui traitent des conditions d'éligibilité à un poste électif ou un poste nominatif, il y a toujours des conditions qui limitent d'autant, à chaque fois, une catégorie de citoyens qui ne peuvent pas être candidats.

Est-ce que c'était, par exemple, limiter les droits de la démocratie que de dire qu'on ne peut pas être candidat à 21 ans? On aurait pu prétexter, dans le Parlement, à cette époque, qu'un jour viendra où ce sera 18 ans. Et puis, effectivement, aujourd'hui, la plupart des lois sont en train de donner la majorité à 18 ans. Est-ce que le Parlement aurait été antidémocratique parce qu'il aurait décidé qu'on arrête à 21 ans plutôt que 18 ans? On ne peut pas dire que c'est antidémocratique; peut-être qu'il arrivera que le même gouvernement décidera dans six mois que, pour être éligible à tous les postes publics du Québec, il faudra connaître le français. Peut-être que ce sera recommandé par la commission Gendron, peut-être que ce sera proposé par le gouvernement.

Je ne crois pas que le gouvernement doive limiter son potentiel d'avenir au point de vue législatif en disant qu'on ne peut pas déposer de tels projets de loi parce que c'est limitatif. C'est peut-être le même gouvernement qui va venir nous demander des choses semblables. Il y a des raisons et, M. le Président, avec votre intelligence, je suis convaincu que vous pouvez en trouver pour dire que l'amendement est irrecevable, certainement pas inspiré par la raison du ministre de l'Education.

M. LE PRESIDENT: Je suis en mesure de rendre ma décision. D'abord, je vais prendre les différents arguments qui ont été invoqués à tour de rôle. D'abord, celui du député de Bagot; le député de Bagot s'est surtout attardé à parler

du défaut de l'amendement, des vices de l'amendement en regard de la technique législative. Je confesse immédiatement qu'il me faudrait — à première vue, l'argumentation du député de Bagot me semble sérieuse — approfondir davantage la question pour pouvoir fonder une décision sur cet aspect.

Par la suite, le ministre de l'Education a invoqué le principe de la démocratie disant que l'amendement allait à l'encontre du principe démocratique, du principe du suffrage universel reconnu dans le bill 28. Encore là, à première vue, il y a peut-être des éléments valables dans cette argumentation mais j'admets, si on parle de démocratie pure, de démocratie absolue, que dès qu'on met certaines limites, comme la majorité à 21 ans ou différentes restrictions, on entrave dans une certaine mesure l'exercice pur de la démocratie. Mais de là à déclarer que ce qui est dans l'amendement irait directement ou au-delà du principe du suffrage universel qui est reconnu dans le bill 28, j'avoue que j'aurais des doutes trop sérieux. Et, comme je reconnais que l'économie générale de notre règlement est de faire en sorte de protéger la minorité, donc l'Opposition, en cas de doute, je considère qu'on doit donner raison à l'Opposition.

S'il n'y avait que cette raison pour déclarer l'amendement du député de Saguenay recevable, parce qu'il y a un doute dans mon esprit, je le déclarerais régulier.

Troisièmement, il y a l'autre aspect qui me paraît dès la première lecture et, encore une fois, plus j'ai examiné l'amendement, plus je me suis convaincu de cette idée. C'est un amendement qui a une forme différente. Cela devient de plus en plus subtil, je ne sais pas comment je vais réussir à analyser à leur mérite les futurs amendements, si on continue dans la même voie. En tout cas, ça ne saute pas aux yeux comme les premiers, mais, quand on fait une lecture attentive du texte, on arrive à la même conclusion. Il apparaît très clairement que cet amendement donne un statut privilégié à la langue française. L'amendement dit que les gens qui sont d'une autre langue, c'est-à-dire les gens de langue anglaise, devront connaître le français alors qu'on ne demande pas par ailleurs aux gens de langue française de connaître la langue anglaise.

C'est évident que l'on accorde un statut privilégié à la langue française dans cet amendement. Encore une fois, j'ai bien examiné l'ensemble du projet de loi no 28, et je ne vois rien dans le principe de ce projet de loi qui donne un avantage ou un privilège à une langue plutôt qu'à une autre. Pas plus à une religion plutôt qu'à une autre. Le projet de loi, à ce point de vue-là, je pourrais le qualifier de neutre. Le principe du projet de loi est neutre en regard de ces questions. Je conclus donc que l'amendement du député de Saguenay introduit — subtilement — mais introduit un nouveau principe au projet de loi no 28. Pour toutes les raisons que j'ai données...

M. BURNS: Est-ce qu'il est incompatible avec le principe?

M. LE PRESIDENT: Je vous renvoie toujours à May, incompatible ou qui va au-delà. En plus de toutes les raisons que j'ai données hier soir sur le plan juridique...

M. LEGER: Multiculturalisme.

M. LE PRESIDENT: Sur le plan juridique, j'ajoute une autre raison qui provient de l'économie générale de notre règlement. Notre règlement dit que nous étudions un projet de loi en deuxième lecture quant au principe, que nous l'étudions article par article en comité et qu'ensuite nous allons en troisième lecture pour d'autres motifs.

Cela est tout à fait conforme à l'interprétation de May, si on acceptait en comité plénier l'introduction, non seulement de principes incompatibles, mais de principes nouveaux, cela détruirait complètement le principe de la deuxième lecture. En deuxième lecture les députés se sont prononcés sur un ou des principes qui étaient clairement exprimés dans un projet de loi. C'est parce qu'ils étaient en accord ou en désaccord sur les principes qui sous-tendaient le projet de loi qu'ils ont voté en faveur ou contre le projet de loi en principe. Si, lors du comité plénier, on amène non seulement des principes incompatibles, mais d'autres principes, on fait en sorte que des députés se sont prononcés pour une chose qui n'existera plus. Je considère que ça détruit l'économie même de notre règlement, ça détruit cette division du travail législatif en trois lectures, surtout en deuxième et troisième lectures qui sont surtout importantes.

M. BURNS: Est-ce que M. le Président me permet une simple petite question sur ce point?

M. LE PRESIDENT: Je vais terminer, puis je répondrai.

Pour toutes ces raisons, qui sont les mêmes que celles qui ont motivé les décisions que j'ai prises antérieurement, je suis obligé de déclarer l'amendement irrecevable, parce qu'introduisant un nouveau principe. Donc, pour des raisons juridiques données antérieurement, surtout hier, je dois déclarer l'amendement irrecevable.

M. LESSARD: Applaudissez, applaudissez!

M. BURNS: M. le Président, simplement une demande de directive, qui se relie à votre décision. Je me réfère justement à Erskine May que vous citez depuis hier sur ça. Je n'ai pas la citation sous les yeux, mais je pourrai vous l'apporter.

N'est-il pas exact que même Erskine May admet, dans le cas hypothétique d'un projet de

loi qui ne contiendrait qu'un seul article, que le comité plénier peut même voter contre cet article. Donc, à toutes fins pratiques, le comité plénier serait obligé de revenir devant la Chambre avec un projet de loi où il n'y a plus d'article, alors qu'on aurait, en deuxième lecture, adopté le projet de loi en principe. Il me semble que c'est exactement de la même nature. Autrement, M. le Président, si je suis votre raisonnement jusqu'au bout, je n'aurais même pas le droit, dans un projet de loi où il n'y a qu'un seul article, de voter contre s'il avait été adopté en deuxième lecture. C'est un principe admis que nous avons le droit — cela va même plus loin que ça — en comité plénier de voter contre tous et chacun des articles qui nous sont présentés.

Donc, on reviendrait, après avoir siégé en comité plénier, sans bill, à toutes fins pratiques, avec un titre de loi et un principe qui a été adopté dans le beurre.

M. LE PRESIDENT: L'argumentation du député de Maisonneuve est partiellement exacte. C'est exact que May dit une chose semblable, que l'on peut voter contre l'article. Justement, à ce moment-là, on n'introduit pas un nouveau principe; on se retrouve sans principe. On se retrouve devant le néant. C'est possible. L'économie générale de notre règlement le permet. C'est un peu comme si, en troisième lecture, on vote contre le projet de loi. On peut avoir voté favorablement en première lecture et voter contre le projet de loi en troisième lecture. Si, hypothétiquement, la Chambre avait adopté un projet de loi en deuxième lecture et majoritairement votait contre en troisième lecture, cela pourrait se produire. On se retrouverait devant le néant.

C'est un peu ce que le député vient de dire. Supposons un projet de loi qui n'a qu'un article. En comité plénier, on peut voter contre l'article. Evidemment, on se retrouve devant le néant. Mais, là, on n'a introduit ni un principe incompatible, ni un nouveau principe. On se retrouve devant rien. May n'est pas contradictoire avec lui-même. Les arguments du député de Maisonneuve ne m'ont pas convaincu que j'étais dans une situation contradictoire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Une demande de directives?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, sur l'article 583.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: Oui, mais il ne faudrait pas que cela se transforme en cours de droit.

M. CHARRON: J'invoque le règlement, juste avant de remettre la parole, dans une minute, au député de Chicoutimi, s'il me le permet.

M. LE PRESIDENT: C'est une question de règlement?

M. CHARRON: Oui, j'ai une double directive à vous demander, M. le Président. Est-ce qu'il serait possible, avant de continuer l'étude article par article du projet de loi, d'avoir une liste complète et exhaustive de tous les principes que je me suis trouvé à voter en votant pour le principe de l'unification des commissions scolaires, pour ne pas vous embêter avec des amendements qui iraient à l'encontre de tous ces principes, il me semble, innombrables depuis un certain temps?

Deuxièmement, existe-t-il une possibilité, dans nos règlements, pour des députés d'un parti politique quelconque de retirer l'appui qu'ils avaient donné à un principe en deuxième lecture quand ils s'aperçoivent qu'en même temps ils se trouvaient à appuyer la création d'un district bilingue sur l'île de Montréal?

M. LE PRESIDENT: Alors, je réponds à la première question. Le règlement dit qu'on peut s'adresser au président, soit en Chambre, soit en comité plénier, pour lui demander des directives ou des éclaircissements sur des questions de règlement. Je n'ai jamais rien vu dans le règlement qui obligeait le président à faire une analyse de contenu d'un projet de loi. En quelque sorte, c'est ce que le député me demande. Il me demande de lui donner tous les principes qui pourraient être contenus dans le projet de loi. Il n'y a rien dans le règlement qui oblige le président à faire l'analyse du contenu d'un projet de loi.

Quant à la deuxième question, là non plus, je ne vois rien dans le règlement qui permet à un député ou des députés d'annuler le vote qu'ils ont déjà donné.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président.

M. MASSE (Montcalm): Sur la demande de directives, dans le même sens.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais, encore là, me montrer bon prince, mais il ne faudrait pas exagérer, encore une fois. Je ne pense pas que ce soit l'endroit ici pour donner un cours de droit parlementaire.

M. CHOQUETTE: M. le Président, en réponse à...

M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm avait d'abord demandé la parole.

M. MASSE (Montcalm): C'est un peu dans le

même sens. Vous allez probablement répondre la même chose. A plusieurs reprises, vous avez dit: Les amendements ne sont pas recevables parce qu'ils vont à l'encontre du principe de la loi. Or, c'est un peu la même question que le député de Saint-Jacques. Est-ce que l'on retrouve le principe de la loi dans le titre simplement ou si on le retrouve dans le contenu de la loi?

Or, la loi touche un ensemble de problèmes qui concernent la taxation, les problèmes de budgets des commissions scolaires, le problème de la division linguistique des commissions scolaires, puisqu'il est question de directeurs généraux francophones et anglophones, enfin il est même question de comités confessionnels. Est-ce que lorsqu'on vote le principe de la loi, donc on peut présenter des amendements, c'est sur l'ensemble de ces points ou si, au contraire, c'est uniquement sur des amendements concernant la question de structure, sans toucher aux questions de taxation?

Si, par exemple, un député voulait, aux articles qui touchent la taxation, proposer des amendements qui parlent de taxation mais qui changent un peu l'idée que le ministre avait lorsqu'il a fait la loi, pourrait-on dire que c'est contre le principe?

M. LE PRESIDENT: Je ne pense pas que l'article qui permet à un membre du comité de demander des directives oblige le président à donner des grandes lignes comme le veut le député de Montcalm.

Le président doit se prononcer au fur et à mesure — ce n'est que par exception qu'il donne des directives — que les problèmes se posent. Par analogie, c'est comme si on s'adressait devant un juge, devant les tribunaux, et on demandait de se prononcer sur toutes sortes de questions hypothétiques avant de prendre une décision. Cela existe par exception. Les gouvernements peuvent référer certaines choses à la cour Suprême ou à la cour d'Appel. Mais c'est une exception.

M. CARDINAL: Même à la cour Supérieure.

M. LE PRESIDENT: Oui, mais c'est par exception.

M. MASSE (Montcalm): Si les gouvernements le peuvent, le Parlement le pourrait peut-être.

M. LE PRESIDENT: On ne peut pas demander au président: Donnez-nous de grandes directives pour savoir quels amendements nous pourrons proposer ou non. Que les députés proposent leurs amendements et je les considérerai à leur mérite au fur et à mesure qu'ils seront déposés sur la table.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je partage votre opinion et j'ajouterai ceci: Même si on demande une directive au président, cela ne veut pas dire qu'il soit obligé de la donner. Comme vous le dites, réellement, le système que nous avons veut qu'on règle les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent. On ne peut pas régler tous les problèmes à la faveur d'une demande de directives.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous en sommes encore, à ce stade-ci de nos débats, à l'article 583. Un grand nombre de députés ont essayé, par la voie d'amendements d'introduire dans l'article 583 des dispositions visant à toucher à la question linguistique.

On a établi au départ que l'objectif du projet de loi était la restructuration scolaire de l'île de Montréal. Nous l'avons, dès le moment — en commission parlementaire — où le ministre nous a promis son projet de loi et le texte de ses amendements, averti que forcément, ce projet de loi, en raison de tous les mécanismes qu'il crée et des gens qu'il va mobiliser pour meubler ces différentes structures, aura fatalement, on ne peut pas y couper, des répercussions dans le domaine linguistique, que ce soit au niveau de la langue de communication, que ce soit au niveau des comités de parents, que ce soit au niveau de la pédagogie, des directives pédagogiques, etc.

Le fait est là. Nous avons donc dit au ministre: Il nous apparaît qu'avant de proposer ce projet de loi, vous auriez dû nous indiquer quelle serait la politique de votre gouvernement en matière linguistique, sinon la politique globale, du moins les orientations.

Là, nous sommes vraiment, et de plus en plus profondément, enfoncés dans un cul-de-sac. Je veux savoir une chose du ministre afin que moi, législateur, qui ne suis pas intéressé à perdre mon temps, qui ne suis pas intéressé à faire perdre le temps des collègues. Est-ce qu'à chacun des articles que nous allons étudier par la suite, si tant est qu'on se rende jusque-là, toute proposition d'amendement qui, de près ou de loin viserait à mettre en cause le problème de la langue ou à introduire une notion qui référerait aux exigences linguistiques.

Est-ce que le gouvernement a d'ores et déjà décidé que sa réponse sera non? Si telle est la réponse que le gouvernement a d'ores et déjà décidé de donner, il est inutile de poursuivre un débat qui servirait peut-être à sensibiliser la population aux problèmes linguistiques — je pense qu'elle l'est déjà pas mal — aux implications linguistiques qui se trouvent, malgré nous, incluses dans ce projet de loi, qui permettrait d'accumuler des pages et des pages de texte du journal des Débats et qui donnerait à tous ceux qui voudraient s'en servir, l'occasion de dire: Voici comment j'ai défendu la langue française. Voici — si vous me permettez cette expression

syntaxique un peu bizarre — combien de pages j'ai parlé pour vous défendre, pour défendre la langue française.

Vous savez, on peut se livrer à ce genre d'exercice en toute bonne foi pendant des heures, des heures, des jours, des nuits, des semaines et des mois, sans jamais aboutir à quoi que ce soit, si le gouvernement a décidé de dire non de toute façon et s'il a décidé de maintenir sa position de départ, qui a été exprimée par le ministre de l'Education, à savoir que le projet de loi, ayant pour but de statuer sur le problème de la restructuration scolaire de l'île de Montréal, n'a pas pour objectif, ni direct ni indirect, de régler des problèmes linguistiques.

Dans ces circonstances-là, il est bien évident que tous les débats que nous pourrions faire, que toutes les professions de foi que nous pourrions faire, que toutes les propositions d'amendement que nous pourrions soumettre seront nulles et non avenues et ne serviront qu'à manifester nos idées, nos opinions, nos sentiments, notre exaspération, etc. Mais, à toutes fins utiles, dans quelle situation nous retrouverons-nous à la fin, si tant est qu'on puisse passer à travers ce projet de loi assez important?

Encore une fois, je pose cette question au ministre; je lui demande ceci: Est-ce que le gouvernement a fait son lit? Est-il déterminé à ne pas céder un pouce, un millimètre, et à opposer une fin de non-recevoir complète et catégorique à quelque député que ce soit qui voudrait proposer des amendements qui toucheraient un tant soit peu à la question linguistique?

Ici, je fais appel — ce n'est pas une accusation que je fais, ni une insinuation — à l'honnêteté intellectuelle du ministre de l'Education et au sens de responsabilité du gouvernement. Je fais appel à ses sentiments, à ses convictions. Est-ce que c'est là l'intention du gouvernement? Est-ce que le gouvernement peut nous déclarer qu'à ce moment-ci il n'a pas du tout l'intention de toucher au problème de la langue, parce qu'il n'est pas prêt ou parce qu'il craint des répercussions? Je ne suis pas en mesure d'apprécier. Il faudrait que le gouvernement nous le dise en toute franchise et en toute honnêteté, parce que nous n'avancerons pas d'un centimètre, d'un millimètre. Notre rythme de croisière, actuellement, est celui de la tortue supersport. Nous ne progressons en rien; nous accumulons des pages et des pages dans le journal des Débats. Reprenant l'expression que j'ai utilisée tout à l'heure, chacun de nous pourra repartir heureux, content, après des heures et des heures de débats, aller dans son comté, aller devant la population, devant les caméras de télévision, sur les ondes de la radio et dire: Pour défendre la langue française, j'ai parlé tant de centaines de pages et j'ai fait tant de centaines d'interventions.

Voilà ce qu'on appelle des exercices académiques, des exercices de rhéteur. Et je ne puis pas, en dépit de la volonté que j'ai de voir le gouvernement accepter qu'on touche à la question linguistique dans ce projet de loi, pour ma part, me livrer plus longtemps à ce genre d'exercices.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je remercie le député de Chicoutimi qui, dans un effort pour faire avancer le débat, me pose une question très précise. Je lui répondrai également d'une façon très précise. Le gouvernement a fermement décidé de ne pas inclure des éléments d'une politique linguistique dans le cadre du projet de loi no 28, non pour la raison qu'il n'est pas prêt, mais parce que le gouvernement a fermement décidé qu'il n'est ni pertinent, ni opportun, ni approprié de le faire à l'intérieur du projet de loi no 28.

M. LESSARD: Ni rentable électoralement. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: La rentabilité électorale, ça va vous coûter d'autres comtés.

A ce compte, M. le Président, il a décidé de ne pas céder aux amendements, bien qu'on ne puisse résister, lorsqu'on nous soumet des amendements irrecevables, à nous entraîner de nouveau dans de la procédure au 22 décembre alors qu'on aimerait aborder les questions de fond et à cesser des débats et des heures, parce que le député a soulevé des débats. Le député de Chicoutimi a mentionné des débats sur la langue, mais peut-être que les députés, et particulièrement nos sept du Parti québécois, pourraient mentionner à leurs électeurs, les pages et les pages et les pages des débats de procédure qu'on a dû dépenser au cours des derniers temps.

M. le Président, également il y a une autre fermeté du gouvernement, c'est la décision bien arrêtée de l'urgence — j'aurais la tentation, si j'étais sadique, de reprendre les paroles du député de Saint-Jacques — des réformes en matière de structure scolaire sur l'île de Montréal. Il a décidé que son projet de loi no 28 était pour franchir toutes les étapes à cette session-ci. C'est la position du gouvernement.

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais simplement rappeler au ministre que nous avons dit à plusieurs reprises que, même si nous acceptons certaines réformes dans leur esprit, ou dans l'esprit de certaines réformes, nous n'étions pas prêts à les accepter à n'importe quel prix.

Faisant maintenant état de sa réponse, est-ce que ceci veut dire, M. le Président, que si nous présentons, à propos de 583 ou d'autres articles, des amendements portant sur la langue mais se référant très explicitement à des problèmes concrets, précis, que touchent les projets de loi et qui impliquent nécessairement l'usage de la langue puisqu'on ne fonctionne pas dans l'abstrait, dans l'absolu, tous ces amendements

seront déclarés tabous par le gouvernement, un peu comme s'il s'agissait d'une peste qu'il faille éviter? Car M. le ministre admettra avec moi que nous n'avons pas affaire à de purs esprits, lorsque nous avons affaire à des commissaires d'écoles.

Ce sont des gens qui sont identifiés, ce sont des gens qui peuvent être identifiés par leur revenu, qui peuvent être identifiés par leurs fonctions, qui peuvent être identifiés par la langue qu'ils parlent. On ne peut pas éviter ça. Et si ce sont des Québécois francophones, des Québécois anglophones qui habitent ce pays, de même qu'ailleurs, ça peut être des Finlandais, des Italiens, des Ukrainiens.

On ne peut pas faire abstraction de cette dimension de la langue à moins de penser que l'électeur aussi bien que l'élu appartiennent à ces êtres abstraits auxquels M. le Président se référait tout à l'heure lorsqu'il parlait de la philosophie thomiste. Il ne s'agit pas de ces catégories mentales qu'on appelle les ens, dans l'absolu. Lorsqu'on légifère, on légifère à propos d'êtres, de personnes, d'individus extrêmement concrets, circonstanciés qui sont posés dans l'existence et qui ont les caractéristiques de l'existant et parmi les caractéristiques d'un existant il n'y a pas de dimension plus obvie, plus claire, plus évidente, plus première et plus fondamentale que celle de la langue. C'est la raison pour laquelle, nous avons présenté plusieurs amendements à propos de 583, pour amener le ministre à préciser des problèmes très concrets, que ne solutionne pas ou que ne précise pas suffisamment une loi qui était précisément orientée vers un autre système.

C'est la raison pour laquelle les explications du ministre ne nous ont pas très convaincus, même s'il prétend que son gouvernement a arrêté une attitude ferme. Nous le comprenons. Après tout, c'est la volonté de n'importe quel gouvernement d'avoir une attitude accueillante ou ferme, selon les cas. Nous ne disputons pas cela. C'est une politique du gouvernement.

Ce que nous disputons, c'est que, dans ces articles, il y a des problèmes techniques, des problèmes précis, des problèmes concrets qui impliquent nécessairement la question de la langue, comme le député de Chicoutimi vient de le montrer d'une façon brillante et comme d'autres députés l'ont montré. Je ne vois pas pourquoi le ministre déciderait à l'avance de ne pas considérer une partie de la réalité, de considérer qu'il y a des trous dans la réalité, des hiatus, des césures dans la réalité qui scotomi-sent une partie de la réalité car cela ne serait pas conforme à ce réalisme dont le gouvernement prétend vouloir faire preuve dans toutes ses oeuvres.

M. SAINT-PIERRE: J'invoque le règlement, M. le Président, pour vous demander de nouveau de rappeler le député de Bourget à l'ordre, afin qu'il s'en tienne à l'article 583.

Si le député de Bourget considère que l'article 583 ne colle pas à la réalité, n'est pas conforme aux besoins de la réalité, il votera contre et il pourra s'expliquer. D'ailleurs, cela fait à peu près quinze heures qu'on passe ici à écouter et ça n'avance pas. Il me semble qu'on va être obligé de procéder article par article. Les gens n'ont qu'à voter contre s'ils trouvent que cela ne correspond pas à la réalité. Le gouvernement a la conviction profonde que cela correspond à la réalité.

M. LAURIN: Si nous avons passé quinze heures sur cet article...

DES VOIX: Vote! Vote!

M. LAURIN: ... c'est précisément qu'il y avait là un problème que le gouvernement n'a pas voulu examiner. Nous avons tenté par tous les moyens, par tous les efforts, de l'amener à se pencher sur ce problème. C'est précisément parce qu'il n'a pas voulu se pencher sur ce problème ou qu'il considère que les anciennes solutions s'appliquent à des situations nouvelles que nous avons fait tous ces efforts. Ce n'est pas pour d'autres motifs, M. le Président.

DES VOIX: Vote! Vote!

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres... L'honorable député de Richmond, sur l'article 583.

M. BROCHU: Sur l'article 583, M. le Président, simplement quelques mots. Vu l'importance du débat qui a eu lieu relativement à cet article, je pense que nous pouvons considérer que c'est un article clef dans le projet de loi que nous sommes à étudier. Nous avons vu — je tiens à le souligner rapidement ici — tous les écueils que cet article réserve à la mise en application du projet de loi. Nous avons rencontré ces écueils dans la discussion qui a eu lieu; ils ont été laissés en plan puisqu'il n'y a eu aucune modification d'apportée par le ministre à cet article 583.

J'ai l'impression que les problèmes soulevés restent pleinement présents. Lors de la mise en application de la loi — ce n'est pas un voeu — j'ai l'impression qu'on pourra assister à des heurts, à des conflits, à une sorte de remous puisque, en fait, le courant de neutralisme qui est resté en plan par l'article 583 tant au point de vue linguistique qu'au point de vue confessionnel est de nature à susciter ce remous dont je veux souligner l'importance ici.

Quant à nous, nous pensons toujours que le pivot de cette réforme scolaire devrait être justement la commission scolaire, d'où l'importance de cet article 583 et des implications futures de la mise en application de ce cadre législatif. La commission scolaire n'est pas simplement un organisme de pure administration, mais son travail a également des incidences au niveau linguistique comme au niveau confes-

sionnel, parce que nous sommes en matière d'éducation et qu'il ne s'agit pas simplement d'administration pure et simple.

C'est dans cette optique d'en arriver à donner à la véritable démocratie une suite logique jusqu'à son terme que nous avons proposé les amendements relatifs d'abord au problème linguistique et, en second lieu, au problème confessionnel que cela suscitait. Nous voulons arriver véritablement à représenter le contexte montréalais des années que nous vivons, contexte d'un pluralisme qui doit se reconnaître même dans les cadres législatifs afin que l'on donne suite justement à cette réalité pour éviter les imbroglios ou les conflits qui pourraient naître de la non-reconnaissance d'une telle réalité.

Je pense que le gouvernement a une responsabilité, il a un mandat, y compris celui de prendre des décisions.

Je pense, M. le Président, que les décisions qui sont prises au niveau du bill 28 et, en particulier, de l'article 583, ne sont pas prises jusqu'au bout. On est encore face à certaines demi-mesures où les situations sont tout simplement laissées en plan. C'est dans cette optique de refaire la structuration scolaire de l'île de Montréal, en ayant comme pivot la commission scolaire et en tenant compte du pluralisme qui existe dans la région montréalaise, que le Ralliement créditiste du Québec a proposé les amendements dont nous vous avons fait part hier. Je tiens simplement à dire, en terminant que nous ne pouvons accepter cet article 583 puisqu'il n'y a eu aucun changement d'apporté et qu'on est resté dans un mutisme quasi complet pour défendre une position, qui, à mon sens, est dépassée, vu qu'on retourne à une situation, pour ne pas dire préhistorique, au moins, qui date de deux cents ans. En effet, on retourne à une situation d'imbroglio où on verra les conflits et les heurts, malheureusement, continuer d'exister sur l'île de Montréal.

C'étaient les quelques remarques, M. le Président, que j'avais l'intention de faire au nom du Ralliement créditiste du Québec pour expliquer que nous ne pouvons accepter l'article 583.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, j'ai la ferme intention d'ajouter quelques pages au journal des Débats, sur l'article 583 parce que je le trouve important et parce que je considère comme proprement scandaleux les trois séries de motifs que le ministre de l'Education a invoqués à tour de rôle pour refuser d'abord le problème de la langue de fonctionnement au sein des commissions scolaires

Quelles ont été ses trois séries d'argumentations pour refuser d'aborder ce problème? La première suite d'arguments tenait au fait — c'est, de loin, la plus ridicule — qu'il n'y avait pas dans ce projet de loi, ni dans cet article en particulier, d'incidence linguistique. Il y a toujours bien un bout! La raison principale, précisément, pour laquelle on a fait ce projet de loi, c'est qu'il y avait une situation incontrôlable sur l'île de Montréal, eu égard à la situation linguistique, à la situation confessionnelle, aux disparités dans l'équipement des différentes commissions scolaires. Si vous me le permettez, M. le Président, je vous soumets la ligne de mon argumentation.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Gouin sait d'avance ce que je vais dire?

M. JORON: J'ai l'impression que, si vous vous êtes levé, c'est pour me rappeler à l'ordre.

M. LE PRESIDENT: Tantôt, pour répondre aux propos du député de Bourget, le ministre de l'Education est intervenu et, comme vous l'avez remarqué, je n'ai pas prononcé de décision. La même chose, dans le cas du député de Chicoutimi. Le problème qui se posait dans ces deux cas, c'est qu'ils se tenaient à un degré d'abstraction tellement élevé que les propos qu'ils prononçaient pouvaient s'appliquer à peu près à n'importe quoi, donc à la langue de fonctionnement des commissions scolaires. Mais le député de Gouin — je n'ai pas à juger si c'est mieux; ce n'est pas mon propos — est à un degré d'abstraction moins élevé.

M. JORON: En rase-mottes.

M. LE PRESIDENT: C'est facilement décelable qu'il ne s'en tient pas à la langue d'administration dans les propos qu'il tient actuellement. Le député de Chicoutimi énonçait de grands principes et on pouvait dire que ces grands principes appuyaient le fait qu'on devait changer la langue d'administration. Je ne pouvais pas dire d'une façon catégorique que ça n'avait pas un certain rapport. Quand le député de Gouin, plus concret, parle de différents problèmes linguistiques concrets, mais qui ne se rattachent pas à l'article 583, je suis obligé de l'inviter à faire deux choses: ou bien à s'envoler dans les sphères où se trouvaient ses collègues, le député de Bourget et le député de Chicoutimi, ou à revenir, de façon encore plus terre à terre, sur l'article 583. Mais je ne peux pas, à cause du règlement, lui permettre de se tenir dans une espèce de demi-lieu entre ces sphères très abstraites et le champ bien circonscrit de l'article 583. Encore une fois, c'est à cause du règlement.

M. JORON: M. le Président, les propos que je tenais au moment où vous m'avez rappelé à l'ordre pouvaient sembler s'éloigner de l'article 583, c'est un fait. Mais je vous rappelle que c'était là l'argumentation qu'a utilisée le ministre de l'Education pour refuser de considérer la

question que l'on veut introduire, celle de la langue de travail, à l'intérieur des commissions scolaires. C'étaient les arguments que lui-même a invoqués.

Alors, je pense que tout député de l'Opposition a un droit de réfuter les arguments que vous avez permis au ministre de l'Education d'apporter sur le même sujet. Je disais simplement que le ministre de l'Education avait commencé par dire qu'il n'y avait pas d'incidence linguistique, et c'est la raison pour laquelle il ne voulait pas considérer nos amendements, il ne voulait pas considérer ce sujet-là.

Je dis que l'article 583 est pourtant très clair. Il en parle explicitement. Il dit: Toutefois le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité francophone ou anglophone... On le dit textuellement qu'il s'agit d'une question linguistique. Qu'on ne vienne pas nous dire que c'est hors d'ordre à ce moment-là, tel que le ministre a essayé de le faire à maintes reprises. Vous-même avez clairement établi, hier soir, M. le Président, que c'était tout à fait à propos dans le cadre de cet article-là, que cet article posait le problème de la langue de communication, de travail à l'intérieur d'un type d'institution, qui est la commission scolaire, et qu'en conséquence il était loisible d'en débattre. C'est ce que nous voulons faire.

Les premiers arguments qu'avaient évoqués le ministre de l'Education nous semblent d'un ridicule total. La deuxième série d'arguments qu'a employés le ministre de l'Education...

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le député de Gouin est en train de plaider sur les arguments du ministre de l'Education après que vous avez rendu une décision sur le sujet. Est-ce que le député de Gouin veut remettre en cause la décision que vous avez rendue ou s'il veut soulever un nouvel aspect?

M. JORON: Sur quel sujet?

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il veut en somme aborder l'article 583 sous un aspect qui n'a pas encore été exploré par le comité? Je soumets qu'il est évident que non, parce que son argumentation se rattache constamment aux arguments que le ministre de l'Education a fait valoir tout à l'heure à l'encontre de la motion présentée par le député de Saint-Jacques.

M. JORON: Sur le point de règlement qu'a soulevé le ministre de la Justice, à ce que je sache, l'article 583 n'a pas été adopté. Il est toujours loisible pour quelque député que ce soit d'apporter d'autres amendements, de revenir sur la question de la langue de communication à l'intérieur de l'article 583 et c'est ce que nous faisons.

M. CHOQUETTE: Je n'ai pas dit le contraire, M. le Président. Je n'ai pas dit que le député de Gouin ne pouvait pas parler de l'article 583. Ce que je reproche au député de Gouin c'est de reprendre un débat qui a déjà été vidé par une décision que vous avez rendue.

M. CHARRON: Sur le même point de règlement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin. M. CHARRON: Très bien, M. le Président.

M. JORON: La deuxième série d'arguments que nous a apportés le ministre de l'Education, ce matin, pour dire qu'il ne fallait pas se pencher sur le problème de la langue de communication, c'est qu'entre autres c'est un problème qui n'existe pas, sauf dans la tête de quelques députés. Il nous a toujours dit que c'était faire de l'obstruction. Je ne crois pas que ce soit faire de l'obstruction que de passer quinze heures — vous le disiez il y a un moment vous-même — sur le problème des communications à l'intérieur des commissions scolaires, sur le problème de la langue de travail à l'intérieur d'une institution quelconque. Je suis convaincu que les agriculteurs, sur le dos desquels vous vous défendez depuis plusieurs jours,...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JORON: ... seraient les premiers à reconnaître que la langue est importante au Québec et qu'ils sont intéressés, eux aussi, à voir ce problème de fond débattu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

Le député de Gouin n'a pas à ce stade-ci à parler de l'importance de la langue au Québec. Ce n'est pas l'objet de l'article 583. Celui-ci ne se prononce pas sur les problèmes de langue au Québec. On peut se référer, à l'occasion de l'article 583, aux problèmes de la langue de communication ou la langue de travail au niveau des commissions scolaires unifiées de l'île de Montréal. Pour la nième fois, j'implore, je supplie, je demande au député de Gouin, comme à tous les autres députés qui pourront être appelés à prendre la parole sur cet article, de s'en tenir à ce champ.

M. JORON: M. le Président, c'est justement, le problème de la langue, vous l'employez au sens très large. C'est bien entendu que nous parlons du problème de la langue de travail à l'intérieur de la commission scolaire. Poser ce problème-là à l'intérieur de ce cadre, c'est la même chose que de poser le problème de la langue de travail à l'intérieur de General Motors ou à l'intérieur de quelqu'autre institution.

M. LE PRESIDENT: On ne discute pas de General Motors.

M. JORON: Mais c'est le problème.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, si la loi que l'on étudie était justement une loi-cadre qui pose tout le problème de la langue de travail, tout le problème de la langue au Québec. Evidemment, le débat, à l'occasion des articles, pourrait être très vaste et très large, mais le projet de loi lui-même restreint déjà, et l'article 583 restreint encore davantage. Je ne peux pas admettre — ce serait aller à l'encontre du règlement — que l'on traite du problème de la langue de travail en général, et même comme je l'ai fait, je pense, lors des propos du député de Saguenay, je ne peux même pas permettre que l'on traite de la langue de communication au travail au niveau de différents organismes dans le domaine de l'éducation. C'est uniquement les commissions scolaires unifiées de l'île de Montréal. Evidemment, par incidence, brièvement, on peut faire des comparaisons, mais il ne faut pas que la substance des propos porte sur autre chose que ça: la langue de travail dans les commissions scolaires. J'invite de nouveau le député de Gouin à revenir à cela.

M. LESSARD : M. le Président, sur une question. Est-ce que l'on peut...

M. LE PRESIDENT: Non, d'abord...

M. LESSARD: J'ai le droit, en vertu de l'article 667, de vous demander une directive.

M. LE PRESIDENT: En vertu de l'article 667, tout député peut poser des questions au président, mais le président est libre d'y répondre ou non. J'ai dit tantôt que je n'avais pas l'intention de transformer le comité en salle de cours. Je refuse, pour le moment, de répondre aux questions du député.

M. LESSARD: Est-ce que l'on peut au moins parler dans ce débat de l'importance de la langue de communication au niveau des commissions scolaires? Vous nous l'avez reconnu hier.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

DES VOIX: A l'ordre!

M. LESSARD: On va continuer de le faire.

M. JORON: Justement, nous arrivons au vif...

M. SAINT-PIERRE : Restez-là.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Nous arrivons donc au vif du sujet qui est le problème de la langue de travail limité dans le cadre, si vous voulez, des commissions scolaires sur l'île de Montréal.

M. CHOQUETTE: Le député de Saguenay a des gestes menaçants à l'endroit du ministre de l'Education.

M. LESSARD: Je dis que le ministre ne fait que ramper, qu'il comprenne ce signe, ramper, rentrer sous le tapis.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que je peux faire remarquer au député de Saguenay qu'il prive de son droit de parole son collègue, le député de Gouin?

L'honorable député de Gouin.

UNE VOIX: Vous êtes menaçant. M. JORON: M. le Président...

M. SAINT-PIERRE: Je n'ai aucune peur, M. le Président, parce que le député est perdu dans les nuages, et les nuages s'en vont.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Nous avons tenté depuis hier, en quelque sorte, de permettre au gouvernement de sauver la face — vous allez me comprendre, c'est très pertinent — puisqu'il a, à l'occasion de l'article 583, en instituant le français comme langue de travail dans ces commissions scolaires, l'occasion de donner suite à l'une de ses promesses électorales, à un article très important du programme électoral du Parti libéral.

Le ministre nous dit maintenant que le problème de la langue de travail, ça n'existe pas dans les commissions scolaires, c'est dans notre tête. Il dit: Il n'y a aucun problème, cela ne se poserait pas si vous aviez été dans les mêmes comités, dans les mêmes commissions ou dans les mêmes endroits où, moi, j'ai circulé. Vous verriez qu'il n'y a jamais de problème au Québec quand il est question de langue de travail, même si, autour d'une même table, comme ce sera le cas dans ces commissions scolaires, on rencontrera un certain nombre d'anglophones et de francophones, des francophones quelquefois bilingues, unilingues et vice versa de l'autre côté la même chose. Il n'y a pas de problème, tout ce monde-là va se comprendre. On est assuré, nous, que, par magie, la langue du travail, la langue de fonctionnement dans ces commissions scolaires sera le français. Comme ça. Si on a senti le besoin justement d'en faire un des articles principaux d'un programme électoral...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question pour élucider le débat? Pour aller au fond des choses comme il aime le faire, est-ce que le député met en doute la parole du premier ministre et du ministre de

l'Education et de plusieurs membres de ce cabinet qui, à plusieurs reprises, ont dit que, durant le mandat du présent gouvernement, nous nous attaquerons à ce problème en temps approprié, opportun et pertinent? Nous nous attaquerons au problème de la langue. Est-ce qu'il met en doute ceci?

M. LEGER: Il a déjà promis 100,000 emplois.

M. JORON: Si vous me permettez de répondre à la question du ministre, je dirai: Oui, je la mets en doute, puisque cela existe depuis 1966 dans votre programme et qu'à maintes reprises, depuis 20 mois, vous auriez eu l'occasion, spécifiquement dans certains cas, de légiférer et que vous ne l'avez pas fait. On ne vous croit plus, là-dessus.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

J'imagine que l'honorable député de Gouin a sûrement déjà lu l'article 285 qui dit bien qu'on doit prendre la parole d'un collègue.

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse. Je pense que vous donnez à l'article 285 une étendue qu'il n'a pas. On ne parle pas de choses passées, M. le Président. Ce que nous mettons en doute, je le répète après le député de Gouin, ce sont les intentions déclarées. Nous les mettons en doute clairement parce que c'est quant à des projets futurs. Si le député de Verchères vient nous dire qu'il a fait telle chose, je suis d'accord que je ne peux pas le mettre en doute. Mais qu'il vienne nous dire qu'il va le faire, il n'a pas...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Voulez-vous que l'on relise ensemble l'article 285, 19e?

M. BURNS: Nous allons le relire ensemble, si vous le voulez.

M. LEGER: Lisons-le ensemble tranquillement.

M. BURNS: C'est cela, tranquillement pas vite.

M. LE PRESIDENT: J'espère que nous lisons tous la même langue.

M. BURNS: Oui, oui! Notre langue de travail, à nous.

M. LE PRESIDENT: "D'imputer directement ou indirectement, des motifs indignes ou des intentions mauvaises à un député, ou de lui attribuer des motifs, des intentions ou des propos inavoués". On ne parle ni du passé, ni du présent, ni de l'avenir. C'est intemporel.

Alors je pense qu'à cause de cela, et je fais appel à sa gentilhommerie, je pense que ce n'est pas de nature à aider l'ensemble des travaux de la Chambre, l'honorable député de Gouin acceptera de bon gré de se soumettre au paragraphe 19 de l'article 285.

M. BUNRS: Quand on ne les croit pas, on ne les croit pas. C'est tout.

M. JORON: M. le Président, n'étant pas un spécialiste du règlement, je prends votre parole, du moins en ce qui concerne la procédure et notre règlement. Si vous me dites que mes paroles étaient injurieuses et étaient contre le règlement, je les retire.

M. SAINT-PIERRE: Vous les retirez?

M. JORON: Oui, oui! J'ai dit que je les retirais. Je ne tiens pas à violer le règlement. N'étant pas spécialiste du règlement, le président m'ayant indiqué que je l'avais violé, je retire mes paroles. C'est tout.

Au sujet de la langue de travail, M. le Président, dans les commissions scolaires, le gouvernement a refusé trois de nos amendements qui auraient eu pour effet de donner un statut officiel, une priorité à la langue française dans ce type d'institutions. Le ministre nous dit qu'il préfère procéder par incitation, qu'il est convaincu que, de bonne foi ou de bon gré, tous ces gens s'entendront et qu'avec le temps, dans les faits, le français s'installera comme langue de travail.

M. le Président, nous ne pouvons plus, après un siècle, et même deux siècles d'échecs répétés, systématiques, accepter ce genre d'argumentation.

M. LACROIX: A l'ordre!

M. JORON: Je suis tout à fait sur le sujet, M. le député des Iles-de-la-Madeleine. Je dis que l'arguement qu'invoquait le ministre de l'Education pour refuser d'institutionnaliser, dans le cas des commissions scolaires, le français comme langue de travail, nous paraissait inacceptable parce qu'on l'avait tant de fois essayé sans succès, dans le passé, cet argument incitatif.

Il dit: L'incitation suffit. La Ligue d'achat chez nous suffira — dans le passé, à titre d'exemple — à nous faire reprendre le contrôle de notre économie. Plus on a parlé de la Ligue d'achat chez nous, depuis cent ans, plus notre part dans le contrôle de l'économie a baissé graduellement. L'incitation n'a pas marché, pas plus d'ailleurs dans le domaine linguistique et pas plus qu'elle ne marchera dans ce domaine limité et précis des commissions scolaires.

Justement, M. le Président, si on a institué une commission d'enquête, si un parti politique a cru bon d'en faire une de ses priorités, c'est qu'il y avait un problème, que l'incitation ne suffisait plus et qu'il fallait légiférer. C'est ce qu'il y avait de plus curieux dans l'argumentation du ministre de l'Education, ce matin,

quand il nous disait: On n'a pas besoin de légiférer là-dessus. Ce sont des problèmes qui se règlent tout seuls. Je ne vois pas pourquoi cela devrait faire l'objet d'une loi. A ce compte-là, M. le Président, aussi bien abolir le Parlement immédiatement. Les lois existent précisément parce que, quand des situations n'évoluent pas dans le sens du bien commun de façon normale et automatique, la société se sent obligée d'intervenir, de réglementer, de poser des cadres et d'imposer, finalement, une volonté populaire.

C'est ce que nous avons tenté de faire. Et pour une ultime fois, j'essaie de persuader encore le ministre qu'il faudrait amender l'article 583 de façon a établir, par la loi, par cet article, le français comme langue de travail dans ces commissions.

La politique d'incitation ne peut pas suffire. Et pourtant, je rappellerai que le gouvernement, en fait, s'était presque déjà, à plusieurs reprises, engagé — justement quand se présentent des occasions spécifiques comme celle-ci — à bâtir sa politique de langue de travail, morceau par morceau, au fur et à mesure que des occasions se présentaient.

Je vous rappellerai par analogie — mais l'analogie est tout à fait pertinente, vous en conviendrez — ce qui s'est passé en cette Chambre quand on a débattu la question de la Société de développement industriel. On a justement évoqué la politique de langue de travail du gouvernement. Quand le Parti québécois a tenté de faire adopter un amendement qui aurait obligé les entreprises traitant ou bénéficiant ou faisant appel aux deniers des contribuables — parce que ce sont les contribuables, la SDI, l'instrument qui prête de l'argent aux entreprises — on aurait voulu par amendement obliger celle-ci à traiter en français avec l'Etat.

Le gouvernement n'a même pas eu le courage d'accepter cet amendement, à ce moment-là, quand c'est nous-mêmes qui donnons de l'argent à des entreprises; on n'a même pas la fierté de leur dire: Dites-nous merci en français.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Je crois que vous avez manifesté une grande tolérance. Et je crois que, sans vouloir faire de reproche à qui que ce soit, l'économie de notre règlement, nos devoirs parlementaires doivent nous ramener à la réalité.

Présentement, on est rendu à discuter d'un projet de loi qui a été accepté ici. Nous savons que notre règlement dit qu'on ne peut pas critiquer une loi, sans en demander le rappel. Je n'ai pas compris que l'honorable député de Gouin demandait le rappel du projet de loi no 20 et, s'il le faisait, ce ne serait pas à ce moment-ci qu'il pourrait le faire.

Pas plus, à ce moment-ci, ne peut-il décider la Chambre à aborder une question qui n'est pas comprise dans le principe du projet de loi que nous avons à discuter; Pas plus ne devons-nous d'ailleurs établir une politique linguistique parce que nous avons devant nous un projet de loi qui a comme principe la restructuration scolaire proprement dite. Et à de multiples occasions — qui a des oreilles pour comprendre comprenne — vous avez rendu décision sur décision voulant que ce projet de loi comportait certains principes qui avaient été adoptés en deuxième lecture.

Et à maintes occasions devant les amendements qui ont été apportés, vous avez été clair en affirmant que ces amendements n'étaient pas recevables, parce qu'ils comportaient des principes qui n'étaient pas contenus dans le projet de loi tel que présenté en deuxième lecture et qui théoriquement, du moins, auraient pu recevoir, non pas la faveur mais la défaveur ou l'inverse, selon le cas, si ces principes avaient été inclus avant le vote de deuxième lecture. Il me semble que c'est clair. Il me semble qu'on ne peut pas, à la faveur d'un projet de loi, essayer d'inclure en comité plénier un principe qui n'a pas été discuté, qui n'a pas été décidé en deuxième lecture.

Vous avez, à maintes occasions, au cours des heures et des heures de discussion, rendu votre décision dans ce sens. Comment se fait-il que la très grande majorité des députés de cette Chambre se doive maintenant d'endurer que l'on mette en doute la sagesse de votre décision? Comme se fait-il que l'on puisse à ce moment-ci, et pendant des heures, recevoir vos décisions et continuer par la suite comme si vous ne les aviez pas rendues?

M. le Président, si la minorité a des droits, que nous respectons — et Dieu sait si nous les respectons! — est-ce que la majorité, est-ce que la présidence, est-ce que le simple bon sens n'a pas ses droits?

Il me semble qu'il y a un principe bien connu que ce qu'on ne peut pas faire directement, on ne peut pas le faire indirectement. Si on n'a pas le droit — M. le Président, c'est votre décision — d'inclure dans ce projet de loi une dimension de politique linguistique, pratiquement globale, que l'on voudrait y introduire à ce moment-ci, si c'est là le sens que nous avons compris de vos décisions, eh bien, je dois protester contre ces discussions interminables, contre ces pages que l'on veut écrire, selon l'expression du député de Chicoutimi, pages qui contiennent non seulement des questions linguistiques qui n'ont rien à faire avec la restructuration scolaire proprement dite, mais qui sont surtout remplies de procédure à n'en plus finir centrée surtout sur des considérations qui n'ont rien à faire avec le principe ou avec les modalités du projet de loi tel que présenté par le gouvernement. Le gouvernement a encore l'initiative, je l'espère bien, de sa politique; il a encore l'initiative d'une politique pour laquelle il a été élu et pour laquelle il sera jugé.

M. le Président, si nous avons reçu démocratiquement de la population du Québec le mandat de gouverner, eh bien, c'est notre obligation de prendre les moyens de gouverner et d'administrer en pleine lumière, sans être

continuellement contrecarrés, à l'encontre même de vos décisions, à l'encontre même de nos règlements, à l'encontre même du simple bon sens. M. le Président, j'insiste encore une fois pour que vous disiez, d'une façon définitive, non équivoque, que, lorsque vous avez rendu ces décisions, ce ne sont pas des décisions d'un instant, mais des décisions appuyées par cette Chambre. C'est la Chambre qui vous demande, à ce moment-ci, de donner raison à ceux qui veulent appuyer votre autorité et appuyer les principes démocratiques pour lesquels nous avons été élus et sur lesquels nous nous battrons.

UNE VOIX: Très bien.

M. LE PRESIDENT: D'abord, évidemment, il y a, dans les propos du leader parlementaire, des choses sur lesquelles je n'ai pas à me prononcer comme président du comité, des choses qui ont trait à la substance du débat. Deuxièmement, le leader parlementaire a raison lorsqu'il dit que l'on n'a pas le droit de faire indirectement ce qu'il est défendu de faire directement. C'est la raison pour laquelle, à maintes reprises au cours du débat, cet après-midi, j'ai dû interrompre fréquemment les députés pour leur dire qu'il leur était interdit de parler du problème global de la langue.

Par ailleurs, toujours en conformité avec une décision rendue hier soir, je dois reconnaître comme légitime le fait de parler de la langue de travail et de la langue d'administration au niveau des commissions scolaires, puisque, encore une fois, l'article 583 reconnaît cette dualité ou ces deux réalités: la réalité francophone et la réalité anglophone. Ici, je songe un peu à un article du journal qui a été publié aujourd'hui où on trouve justement, peut-être un peu comme le leader parlementaire l'a souligné, que ça semble un peu ambigu de dire que des motions proposant des principes nouveaux sont rejetées, alors qu'on permet le débat.

C'est que, précisément, il pourrait arriver que l'on propose des amendements ayant trait à la langue de travail dans les commissions scolaires unifiées, qui n'aillent pas contre les principes. Jusqu'ici, on n'en a pas proposé.

Toutes les motions qui ont été déposées sur la table allaient toujours contre le principe ou au-delà du principe contenu dans le projet de loi no 28. Par hypothèse, il n'est pas impossible qu'il y ait des motions là-dessus parce que l'article 583 reconnaît deux réalités ethniques. Il est hypothétiquement possible que l'on propose un amendement qui n'aille pas contre le principe.

J'invite de nouveau le député de Gouin à restreindre ses propos sur la question de la langue d'administration dans les commissions scolaires unifiées.

M. JORON: M. le Président, nous nous demandions donc...

M. LE PRESIDENT: Il y a surtout un aspect des propos du leader parlementaire qui était tout à fait justifié. Par habileté, le député de Gouin avait dit que c'était par analogie, mais il est évident que l'on n'a pas le droit de critiquer une loi qui a déjà été votée par ce Parlement. L'analogie allait pas mal trop loin.

M. JORON: M. le Président, au sujet de l'analogie, j'avais eu la décence de dire que je le faisais à titre d'exemple et c'était à la suite de l'invitation que vous aviez faite vous-même vingt minutes auparavant. C'était là le type d'exemple ou d'analogie que, dans le cadre de ce débat, il nous est permis de faire. C'était à la suite de vos directives que, justement, j'avais pris la précaution de bien spécifier ce que j'étais en train de faire.

Nous étions à nous demander quelle sera la langue de travail dans ces fichues commissions scolaires. L'article 583 pose le problème, et il n'y répond pas. Nous sommes inquiets de la réponse à cette question parce que nous nous demandons s'il n'arrivera pas, dans ces commissions scolaires, la même chose qui arrive au Québec dans la plupart des milieux. Vous savez ce qui arrive? Sur quinze personnes, il suffit qu'il y ait un anglophone, qui est généralement unilingue, pour imposer comme langue de travail sa langue aux quatorze autres. On en a soupe de cela au Québec. Nous prétendons que la langue de la majorité a des droits. C'est l'absence de reconnaissance de ces droits-là, dans un cas bien spécifique qui est devant nous, qui nous inquiète.

Le ministre passe son temps à nous dire, depuis ce matin, que l'incitation suffit, que les choses se règlent toutes seules. Nous disons non. Les Parlements existent pour prendre leurs responsabilités, pour légiférer. Quand les choses ne se règlent pas mais s'enveniment et empirent avec les années — comme cela a été le cas dans ce domaine-là au Québec — c'est le devoir du Parlement d'intervenir pour empêcher que la situation se détériore encore davantage, pour mettre un frein à la pente glissante et savonneuse sur laquelle le Québec est engagé à cet égard-là depuis déjà un siècle ou deux.

L'incitation ne suffit pas, à notre avis. Dans des institutions comme celles qui nous intéressent il faut, dans une société qui se respecte, imposer, statuer sur le rôle d'une langue. C'est en établissant le statut d'une langue — comme on aurait l'occasion de le faire si le gouvernement le voulait, à l'intérieur d'un type d'institutions de la société, les commissions scolaires — c'est de cette façon qu'une société se définit, en établissant le statut de sa langue, pas en laissant les forces libres du marché — si vous voulez employer un terme économique — établir si elle va disparaître ou si elle va vivre.

Une nation qui se respecte établit par statut que ses institutions — les commissions scolaires en sont parmi les plus importantes, d'ailleurs, parce qu'elles sont au coeur même de la formation d'une nation puisqu'il s'agit de tout

le système de l'éducation, de la formation des jeunes — ...

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas parce que, encore une fois, le député de Gouin va dire, à la suite de cinq ou six phrases très générales, "langue d'administration" que cela va rendre ses propos conformes au règlement. Je vais lui donner une comparaison. Le député de Saint-Jacques, ce matin je pense, s'en tenait à la question de règlement quand il disait: Qu'est-ce qui va arriver dans la commission scolaire si je suis unilingue et si les commissaires sont d'une autre langue? Il posait vraiment des problèmes pratiques qui pouvaient s'appliquer au niveau de la commission scolaire unifiée et il s'en tenait au cadre.

Là, ce que le député de Gouin fait depuis le début, même si de temps en temps, comme le faisait son collègue de Saguenay auparavant, il met le mot "langue d'administration", il s'en tient à des grands principes.

Une société doit faire telle et telle chose pour le maintien de la langue. Ce sont les grands principes qui doivent orienter une politique linguistique à laquelle réfère constamment le député de Gouin. C'est la dernière fois que j'invite le député de Gouin à s'en tenir strictement, d'une façon concrète, au problème que peut poser, sur le plan de la langue, l'article 583 tel que rédigé actuellement. Là, c'est la dernière fois que je le rappelle à l'ordre.

M. JORON: M. le Président, si je crois qu'il est important que la loi 28, par l'article 583, statue sur la langue de travail, sur la langue d'administration à l'intérieur des commissions scolaires, il est de mon devoir, pour l'intelligence des gens à qui je m'adresse, d'expliquer en vertu de quoi je prétends que l'on devrait statuer sur l'état de la langue française à l'intérieur de ce type de commissions scolaires. Cela ne part pas d'une...

M. LEVESQUE: C'est justement ça, M. le Président, qu'il n'a pas le droit de faire.

M. JORON: ... toquade sur les commissions scolaires; ça part d'un principe que j'ai bien le droit d'évoquer.

M. LEVESQUE: La décision a été rendue maintes et maintes fois.

M. JORON: Je dis justement que, parmi toutes les institutions de notre société à travers lesquelles un peuple se reconnaît et à travers lesquelles les étrangers nous reconnaissent aussi, selon le caractère qu'on leur a donné, les commissions scolaires sont des plus importantes parce qu'elles sont au coeur même de tout notre système d'éducation.

Je pense que, si on n'a pas la volonté de faire ça à cet endroit, on ne peut pas s'attendre qu'on ait la volonté de le faire dans d'autres institutions dont le rôle ou le caractère est peut-être moins important.

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas le problème. Nous ne sommes pas actuellement à discuter ce qui arrivera dans d'autres cas, dans d'autres lois. Si le député de Gouin — c'est la dernière des dernière fois — ne revient pas au débat, je devrai reconnaître un autre membre du comité, s'il y a un autre membre qui désire la parole; sinon, je devrai mettre l'article 583 aux voix.

M. JORON: M. le Président, même s'il ne m'est pas permis, par la rigueur soudaine que prennent les directives de la présidence, d'évoquer les principes sur lesquels je me fonde pour argumenter la nécessité d'agir dans les commissions scolaires, je pense que, quand même, elles sont à peu près évidentes à tout le monde et, en conséquence, j'ai fini de parler.

M. LE PRESIDENT: Article 583, adopté?

M. LEGER: M. le Président, l'article 583, qui nous dit précisément que chaque commission scolaire est composée de quinze membres et que le lieutenant-gouverneur en conseil peut nommer des personnes qui deviennent, d'après l'amendement, des observateurs, tient compte que ce geste ne se fait que si le lieutenant-gouverneur constate que la minorité francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée par suite de l'application de cet article.

M. le Président, le ministre nous a apporté un amendement qui disait que le mandat serait de quatre ans, premièrement et, deuxièmement, que ces deux commissaires d'écoles n'ont, cependant, pas le droit de vote, ni le droit d'être élus président ou vice-président et qu'ils ne peuvent pas, non plus, être désignés membres du conseil. Au cas de vacance, ils sont remplacés de la même façon.

M. le Président, ceci m'amène à discuter de deux aspects de ce projet de loi, à l'article 583: l'aspect, d'abord, de la langue de travail et, deuxièmement, le rôle précis que tout le monde reconnaît, un rôle important, difficile, celui d'observateur avec un pouvoir caché, mais réel qui peut créer justement une difficulté énorme dans l'équilibre des forces à l'intérieur des commissions scolaires.

M. le Président, comme vous nous l'avez dit régulièrement, nous ne pouvons pas proposer au gouvernement une politique de la langue au Québec.

On sait qu'actuellement il n'y en a pas et...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LEGER: M. le Président, j'ai...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Lafontaine vient justement en quelques mots...

M. LEGER: Je n'ai même pas eu le temps de faire ma référence.

M. LE PRESIDENT: Bien oui! mais c'était tellement évident. En quelques mots, le député a démontré qu'il s'engageait immédiatement exactement en contradiction avec les directives que je viens de donner. Il commençait à parler d'une politique de la langue. Ce n'est pas l'objet de l'article 583. Evidemment, la nature humaine étant en Chambre la même qu'ailleurs, lorsqu'on veut diriger les débats avec une certaine souplesse, avec une certaine latitude, il y a certains membres, au lieu de profiter de cette souplesse pour aider les travaux, en profitent pour exagérer. Je regrette infiniment, mais si on continue, si on persiste à user ou à prétexter une certaine souplesse que j'ai pu avoir, pour déroger au règlement, je devrai revenir à une attitude plus rigoureuse. Je rappelle au député de Lafontaine ce que j'ai dit au député de Gouin, avec la restriction que je ne le ferai pas aussi souvent. Je rappelle au député de Lafontaine de s'en tenir strictement à la langue de communication ou langue de travail au niveau des commissions scolaires. S'il ne le fait pas, s'il déroge à cette directive une seule fois je devrai reconnaître un autre membre du comité comme opinant.

M. LEGER: M. le Président, je trouve étrange que je n'aurai qu'une occasion de me tromper alors que je suis son orateur préféré, j'ai cru remarquer cela depuis un certain temps. M. le Président, vous allez me permettre d'expliquer ce que je veux dire et pourquoi j'ai dit la phrase suivante: Comme on ne peut pas parler de la politique de la langue et vous m'avez interrompu sans constater que je voulais justement être l'observateur du règlement en vous disant que comme on ne peut pas faire allusion à une politique générale de la langue, qu'est-ce qu'il nous reste dans le corridor actuel? C'est là-dessus que je voulais engager le débat. Si à chaque occasion individuellement où il est possible d'amener une parcelle de solution à un problème général qu'on ne peut pas toucher, il y en a eu l'occasion à l'occasion de l'article 583, c'est avec un grand respect du règlement que je voulais dire que je suis obligé, étant donné les convictions qui m'animent dans le domaine de la langue, d'essayer de les passer dans l'article 583 en ce qui concerne uniquement l'article 583. Je donnerai comme analogie que si on ne peut pas — parce qu'on n'a pas actuellement une politique de la langue — il faut essayer de l'établir à mesure qu'on le pourra dans les projets de loi que le gouvernement nous présente. Le gouvernement peut nous présenter comme aujourd'hui le projet de loi qui touche les commissions scolaires et, à ce moment-là, on peut établir une politique de langue de travail à l'occasion de l'article 583. Si le gouvernement nous présente des projets de loi sur les affaires municipales, on pourra aussi établir à ce mo- ment-là, à la pièce, tranquillement, parce que c'est notre objectif premier d'en avoir un dans l'ensemble. Mais comme on ne peut pas en discuter, on peut quand même à chaque occasion qui nous est offerte par différents projets de loi, essayer d'établir parcelle par parcelle les endroits où on peut mettre un peu de législation sur la question de la langue.

Je pense, M. le Président, que si je parle de l'aspect particulier de la langue de communication par l'article 583 du bill 28, j'essaie de mettre une parcelle de politique de langue du Québec parce qu'on ne peut pas le faire étant donné que ce n'est pas nous qui pouvons mettre de l'avant une politique générale de langue.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, ceci amène des conséquences malheureuses, du fait qu'il y a tellement d'occasions — et là c'en est une à l'article 583 — de réellement résoudre un problème de langue de communication. Dans l'article 583, on parle précisément de personnes qui seront élues et qui se retrouveront, le lendemain d'une élection, autour d'une table. Elles seront quinze, peut-être 17, selon les circonstances et elles n'auront aucune législation qui leur permettra — à moins qu'on en fasse une à l'occasion de l'article 583 — d'établir quel sera le critère de base minimum de contact et de communication.

Il me paraît très significatif que, chaque fois que quelqu'un essaie de préconiser un style d'unilinguisme français dans n'importe quel domaine de l'administration...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous parlez du domaine de l'administration, mais, justement, vous parlez d'un principe — les propos tenus tantôt par le leader parlementaire du gouvernement seraient très bien placés actuellement — qui sous-tendait des propositions d'amendement que j'ai déjà rejetées. J'ai déjà déclaré que je ne pouvais pas accepter des propositions d'amendement qui avaient pour but d'introduire le principe de l'unilinguisme dans le bill 28. Si je ne peux pas accepter la proposition d'amendement, je ne peux pas plus accepter des propos dans le même sens.

M. LEGER: Quand nous avons voté en deuxième lecture sur le principe du bill 28, selon mon esprit, je votais pour le principe de la restructuration scolaire, de l'unification des commissions scolaires, d'un financement nouveau pour les commissions scolaires, de la confessionnalité, sous réserve des amendements que je voulais apporter à l'occasion du comité plénier. A ce moment-là, chaque fois qu'on voudra apporter des amendements à des articles concernant la confessionnalité, le financement, l'unification ou la structure, est-ce que l'on se trouvera à retoucher le principe général? Le principe général ne touche pas la langue des communications. Le principe général parle de la structure, de l'unification, du financement et de la confessionnalité.

Quand j'ai voté en deuxième lecture pour cela, j'étais d'accord sur le principe général, mais je voulais avoir l'occasion d'apporter, à l'occasion du comité plénier, des amendements sur ces choses.

Je dois, quand même, toucher à un deuxième point important, puisque l'impatience de la direction est telle que je ne peux me permettre de frôler la bande de ce corridor...

M. LE PRESIDENT: Le règlement.

M. LEGER: Le règlement, oui, M. le Président. Je vais toucher quand même un deuxième aspect de ce projet, qui est celui des observateurs.

A l'article 583, on parle d'un rôle obscur, d'un rôle de chien de garde, d'un rôle de surveillant qui serait joué par des personnes qui seraient nommées par le gouvernement pour représenter des minorités qui auraient été oubliées par voie électorale. Quand on compare le projet de loi 62 avec le projet de loi 28 et l'article 583, on trouve une anomalie, parce qu'on accorde — il faut l'admettre — aux extrémistes d'une langue des concessions et des garanties d'un nombre et d'une portée tels...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, je suis à l'article 583. Je parle des minorités qui sont nommées.

M. LE PRESIDENT: J'invite respectueusement le député de Lafontaine à reprendre son siège...

M. LEGER: Je suis rendu.

M. LE PRESIDENT: ...parce que j'ai à lui dire qu'hier le comité s'est prononcé sur ce principe. Après l'amendement de l'honorable ministre de l'Education, il y a eu un débat sur toute la question des observateurs. Si je permets au député de Lafontaine de reprendre la discussion sur ce problème-là, c'est que je permets un nouveau débat. Le règlement est bien clair. Il dit qu'on ne peut pas reprendre un débat qui a déjà eu lieu. Sur la motion d'amendement du ministre de l'Education, le débat portait précisément sur cette question des observateurs ou des commissaires ou de ces personnes qui peuvent être nommées. Le comité s'est prononcé sur l'amendement. Je ne peux pas permettre au député de Lafontaine de remettre en cause une décision que le comité a prise hier.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement. Ce que la Chambre a fait hier, c'est qu'elle a accepté d'intégrer à l'article 583 les amendements qui étaient proposés par le ministre, c'est-à-dire en ajoutant, à la fin du premier alinéa, les mots "qui s'appliquent mutatis mutandis et sous réserve de l'article 586;" en remplaçant deuxièmement, dans les septième et huitième lignes du deuxième alinéa, après les mots "d'écoles" les mots "pour des mandats d'une année scolaire" par les mots suivants "pour un mandat de quatre ans".

Troisièmement, d'ajouter à la fin du deuxième alinéa ce qui suit: "Ces deux commissaires d'écoles n'ont cependant pas le droit de vote, ni d'être élus président ou vice-président. Ils ne peuvent non plus être désignés membres du conseil. Au cas de vacance, ils sont remplacés de la même façon, nonobstant l'article 184, pour la durée non écoulée de leur mandat."

M. le Président, je cherche dans ces textes que le comité a acceptés... Ecoutez-moi, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je vous écoute.

M. BURNS: Vous avez l'air d'avoir déjà rendu votre décision, avant que je vous aie donné les brillantes raisons pour lesquelles, je pense, vous devriez pencher en ma faveur.

M. LE PRESIDENT: Je me pose des questions sur ce que vous dites.

M. BURNS: M. le Président, dans le premier cas de cet amendement, en ajoutant les mots mutatis mutandis, je ne vois pas en quoi on a réglé, si vous voulez, le sujet des observateurs. Dans le deuxième, en déterminant le mandat de quatre ans, je ne vois pas comment on a réglé le sujet, "the subject" comme dit Erskine May et non pas "the scope", qui est l'étendue de la chose parce que "the scope", on l'a maintenant par le nouvel article. Et par le troisième ajouté, celui que j'ai lu tantôt, à l'effet que ces deux commissaires n'ont pas le droit de vote, je me demande comment vous pouvez prétendre qu'on a réglé le sujet des abservateurs. Au contraire, tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a pris l'article et on y a intégré ces trois éléments.

Je vous dis, M. le Président, qu'en ce qui me concerne j'ai l'intention, plus tard dans le débat, de discuter justement du sujet de ces fameux commissaires observateurs. Ce sujet n'est pas réglé tant et aussi longtemps que l'article 583 n'aura pas été adopté par le comité.

M. le Président, je vous soumets bien respectueusement que le député de Lafontaine a le droit de discuter sur l'à-propos de mettre dans ce projet de loi cette nouvelle notion qu'on appelle les commissaires non élus ou, si vous voulez, les commissaires observateurs, comme on les appelle depuis le début.

M. le Président, je vous demande, là-dessus, de garder...

M. LE PRESIDENT: Je vous écoute. Je fais les deux à la fois. Les besoins de la cause m'obligent à écouter et à consulter.

M. BURNS: M. le Président, c'est parce que,

dans ma grande humilité, je ne peux pas faire cela, parler et écouter en même temps. Je pensais que c'était exactement le même cas.

M. LE PRESIDENT: La fonction créant souvent...

M. BURNS: Le besoin crée l'organe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est que saint Thomas faisait cela.

M. BURNS: M. le Président, n'ayant pas encore cet organe que vous semblez avoir développé...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne vous avancez pas!

M. BURNS: ... cet organe de pouvoir écouter et parler, n'est-ce pas? M. le Président, pour toutes ces raisons, je pense que vous devriez, selon que vous l'avez mentionné tantôt, examiner avec largesse d'esprit la possibilité de toucher au problème des commissaires observateurs. Je vous soumets très respectueusement et très sincèrement que ce problème n'a pas été vidé. Ce n'est que l'amendement du ministre qui a été annexé au projet de loi.

M. LE PRESIDENT: La réflexion, les savants propos du député de Maisonneuve et les judicieux conseils du secrétaire de l'Assemblée m'amènent à clarifier la décision.

Je maintiens toujours qu'en vertu du septième paragraphe de l'article 285 on ne peut pas répéter deux fois un même débat.

M. BURNS: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Hier, il y a eu un débat assez prolongé à l'occasion de l'amendement du ministre de l'Education sur le problème des observateurs. Je maintiens donc d'une façon bien ferme que je ne peux pas permettre que l'on reprenne aujourd'hui ce débat.

S'il y a des faits nouveaux, s'il y a des aspects du problème qui, à l'occasion de ce débat, n'ont pas été traités et qui se rapportent aux observateurs, j'admets que l'on puisse les traiter. Mais, cela peut être le contraire, en raison des réminiscences que je pourrais avoir de ce que j'ai entendu hier; s'il le faut, je devrai relire les propos, à partir des épreuves du journal des Débats. Encore une fois, je ne pourrais pas permettre que l'on double le débat d'hier ou que l'on reprenne les mêmes arguments qui ont été invoqués hier. S'il y a des faits nouveaux, s'il y a de nouveaux aspects qui n'ont pas été traités dans le débat d'hier, je les permettrai. Mais je ne peux pas permettre que, de nouveau, on reprenne le débat d'hier.

M. le Président, je vous soumets encore une fois très respectueusement que, peu importe ce qui a été discuté hier, si on l'a discuté en dehors de l'amendenent du ministre, ce n'est pas ma faute — je m'excuse, mais c'est bien ça — ce qu'il fallait discuter à partir du moment où le ministre amendait son texte, c'était de l'opportunité d'ajouter ces trois choses-là. On ne m'empêche pas de le faire aujourd'hui, maintenant.

M. LE PRESIDENT: Il faut quand même être conséquent. Si hier, au cours du débat sur l'amendement du ministre, j'avais été très, très restrictif et si j'avais empêché des députés, en particulier des députés qui siègent à l'extrême gauche, de traiter du problème, du rôle de ce que feraient ces gens-là, on m'aurait peut-être reproché, et avec raison, d'empêcher ce débat.

J'ai cru qu'en appliquant l'esprit du règlement, à partir de l'amendement du ministre, il devait être permis de discuter de l'ensemble de ce problème, de ces personnes qui pourront être nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil. Encore une fois, si j'avais fait autrement on me l'aurait probablement reproché.

Je pense que j'ai agi avec sagesse en permettant de traiter de l'ensemble du problème, et encore une fois, pas par goût, ni par inclination personnelle, mais pour me conformer au paragraphe 7 de l'article 285, je ne peux permettre que l'on recommence le débat qui a eu lieu hier.

M. BURNS: Nous n'avons pas eu de vote là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Et d'ailleurs c'est le simple bon sens. Je ne peux pas voir comment — et je suis sûr que le député de Maisonneuve souscrira...

M. BURNS: Pas du tout.

M. LE PRESIDENT: ... avec empressement à cette façon d'interpréter le règlement — on peut s'imaginer que ceux qui ont fait le règlement aient pu penser, autoriser que deux débats identiques puissent avoir lieu à 24 heures d'intervalle. On dit même pendant la session.

M. BURNS: Ce n'est justement pas deux débats, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: C'est la raison pour laquelle je répète que si l'on reprend la même argumentation qui a été développée hier au cours du débat sur l'amendement du ministre de l'Education, je devrai intervenir. Et s'il le faut, je devrai faire venir le texte intégral du journal des Débats pour rendre une décision qui s'appuiera sur des faits bien précis.

M. BURNS: Bien, il va falloir que vous fassiez venir le texte intégral du journal des Débats pour une bien bonne raison...

M. LE PRESIDENT: S'il le faut. M. BURNS: ... que cet article 583...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. BURNS: Bien! M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Je ne peux pas permettre...

M. BURNS: Est-ce qu'il a été voté ou non l'article 583? C'est là-dessus que nous voulons parler. Le débat n'a pas eu lieu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Premièrement, je ne peux pas permettre au député de Maisonneuve de critiquer ma décision. Et, deuxièmement, je ne peux pas non plus lui permettre de me donner des directives. La Chambre dans son ensemble peut donner des directives au président, mais pas un député en particulier.

M. BURNS: Je ne vous donne pas des directives, je vous dis tout simplement que l'article 583 n'a pas été adopté.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que je comprends bien votre directive quand vous me dites que c'est sur l'amendement présenté par le gouvernement que je ne puis pas parler? Ou si c'est sur tout ce qui touche aux deux commissaires qui sont nommés? Parce que toute ma présentation a trait aux implications...

M. LE PRESIDENT: Vous n'avez pas le droit de répéter ce que vous avez dit hier. Est-ce que c'est assez clair?

M. BURNS: Il n'a pas parlé hier. M. LEGER: Je n'ai pas parlé hier.

M. LE PRESIDENT: La directive c'est que vous n'avez pas le droit de reprendre ou en d'autres mots de répéter les arguments qui ont été invoqués hier. Le règlement dit de ne pas reprendre le débat. Ne pas reprendre le débat, ça veut dire ne pas répéter, ne pas dire les mêmes arguments. Est-ce que c'est clair?

M. BURNS: Mais l'article n'est pas voté, M. le Président. Ecoutez, je considère que c'est une affaire importante.

M. LE PRESIDENT: Ma décision est rendue.

M. BURNS: Le député n'a même pas parlé hier.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je vais tenter le mieux possible de présenter mon argumentation et le président pourra me dire si je parle sur l'amendement qui a été voté ou sur l'article 583. Je trouve qu'il y a, avant de voter cet article-là, des arguments de fond que je dois apporter pour déterminer l'aspect nouveau qui ressort, et qui n'aurait probablement pas été discuté hier, du rôle et de la présence de personnes qui ne seraient pas élues.

De mon côté je pense que, j'ai le droit de parler des implications de la présence de deux personnes qui ne sont pas élues.

Si on regarde le bill no 28 dans son ensemble, et particulièrement à l'article 583, on s'aperçoit qu'il accorde à une minorité anglophone des concessions et des garanties d'un nombre et d'une portée telle qu'il serait peut-être à peine exagéré de dire que c'est une loi scolaire des minorités de Montréal.

M. le Président, quand on parle de cette loi des minorités, on en parle constamment dans tout projet de loi et spécifiquement à l'article 583. Il faut savoir qu'il s'agit d'abord et avant tput de la minorité anglophone, parce que je ne pense pas, sauf erreur, que la minorité francophone a demandé justement de corriger ou d'accepter d'être représentée dans les commissions scolaires en majorité anglophone.

Dans ce contexte, il faudrait sans doute mieux constater qu'actuellement c'est peut-être une loi scolaire de la minorité anglophone, mais qui deviendra très bientôt une majorité et je m'explique. Certaines garanties, entre autres celles justement d'être représentée dans une commission scolaire à majorité francophone, par soit une nomination ou par une personne justement qui n'est pas élue, amène la conséquence suivante, c'est qu'obligatoirement elle est représentée.

On ne joue pas le jeu de la démocratie. Au conseil de chaque commission scolaire, le cabinet nommera deux membres additionnels pour représenter cette minorité et même au sein des cadres supérieurs, c'est la même chose. Une analyse plus poussée du projet de loi révèle cependant qu'une kyrielle d'autres garanties viennent se greffer à la suite de la présence des gens...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEGER: Ah! Ecoute, il y a toujours une limite!

M. LE PRESIDENT: Non! mais, si le député de Lafontaine respectait le règlement...

M. LEGER: Vous cherchez la bête noire.

M. LE PRESIDENT: ... je comprends que ça doit être bien désagréable de se faire constam ment interrompre, mais si le député de Lafontaine respectait le règlement.

M. LEGER: Est-ce que le président peut me dire où j'ai manqué?

M. LE PRESIDENT: Oui, le député de Lafontaine justement s'engageait pour parler de bien d'autres endroits dans le projet de loi. Ce n'est pas de bien d'autres endroits que l'on doit

discuter actuellement, c'est de l'endroit qui s'appelle l'article 583. On n'est pas au débat de deuxième lecture où on fait un survol de l'ensemble de la loi. Ce que le député de Lafontaine s'apprêtait à faire, comme il l'a fait depuis le début, c'est de parler de l'ensemble de la loi. Or ce n'est pas de ça que le débat doit traiter présentement, c'est de l'article 583 et je rappelle de nouveau au député de Lafontaine qu'il doit s'en tenir à l'article 583.

M. LEGER: M. le Président, j'étais en train de dire que la présence, par l'article 583, de personnes qui sont nommées, amène des pouvoirs accrus et qui offrent des conséquences dans tout le reste de l'économie du projet de loi. C'est ce que j'étais en train de dire et je pense être dans l'ordre en disant justement les implications que ceci amène dans le reste du projet de loi.

M. le Président, ce sont les pouvoirs sensiblement accrus, c'est-à-dire que dans une commission scolaire à majorité francophone, par la présence justement de personnes nommées qui n'auraient pas été élues, en plus dans les commissions catholiques, dans les commissions à majorité anglophone, la présence majoritaire d'éléments anglophones amène un pouvoir sur toute l'île de Montréal qui se référera aussi au conseil général de l'île, parce que justement les commissions scolaires auront un pouvoir supplémentaire, du fait qu'une minorité sera obligatoirement représentée partout, et elle aura une influence non seulement au conseil de ville, mais dans toutes les écoles et dans toute l'administration, autant au point de vue de l'unification du financement qu'au point de vue même de la confessionnalité.

Ces pouvoirs nouveaux, M. le Président, que les commissions scolaires obtiennent en matière d'immeuble, encore la présence à 583, de personnes qui ne sont pas élues et nommées, amènent une présence dans toutes les commissions scolaires qui se réflète dans toutes les décisions qui se prendront par la suite à travers la ville de Montréal concernant les responsabilités scolaires. Cette loi additionnelle, M. le Président, comparativement à ce qu'il y avait dans le projet de loi 62, que reçoivent les commissions scolaires et leur intégration beaucoup plus poussée à la Loi de l'instruction publique, a pour effet de réduire, de façon très marquée, le rôle déjà fort restreint qui était dévolu au conseil scolaire de l'île de Montréal, par l'ancien projet de loi no 62.

De plus, le conseil de l'île sera à la merci de ces commissions scolaires en raison de ses pouvoirs réduits et de l'influence énorme que les commissions scolaires pourront exercer sur les décisions grâce à leurs pouvoirs accrus. Ainsi — ceci est capital — le conseil devrait officiellement avoir la haute main sur les fonds, mais, en pratique, il ne le pourra pas à cause justement de cette présence continuelle, grâce à l'article 583, dans les onze commissions scolaires.

Il en résulte que, pour ce qui a trait au contrôle de l'argent, les anglophones acceptent de le confier au conseil régional, d'accord, justement parce qu'ils sont présents de façon régulière dans les onze commissions scolaires. Ce qu'ils lui donnent d'une main, ils le reprennent de l'autre. C'est un pouvoir déséquilibré qu'a la majorité francophone dans les structures actuelles du projet de loi.

C'est un conseil provisoire que le ministre va nommer, mais, d'ici ce temps-là, d'ici 1975, quand on sait à quel point le gouvernement du Québec a été, depuis plus d'un siècle, hypersensible sur ce point, pour des raisons électorales ou autres: les caisses électorales, etc,... allant jusqu'à mettre de côté des priorités linguistiques ou autres à cause, justement, de cette présence continuelle, en coulisse — c'est la même chose avec l'article 583, à tous les paliers où le jeu de l'équilibre ne se fait pas— on ne peut certainement pas être rassuré par le projet de loi no 28.

Je veux conclure en disant qu'à la suite des deux journées de débat sur l'article 583; à la suite de l'attitude gouvernementale devant la plupart des amendements; devant le fait que nous sommes maintenant assurés que le gouvernement ne veut pas bouger dans le domaine de la langue, je me demande personnellement, en regardant l'ancienne structure scolaire de Montréal, si le bill 28 était accepté tel quel, s'il n'y avait pas une politique de la langue...

M. LE PRESIDENT: Article 583!

M. LEGER: M. le Président, je conclus avec cette phrase-ci, et je pense qu'elle est importante: Si le bill 63 n'est pas rappelé, s'il n'y a pas une politique de la langue, si les postes bilingues sont encore en place — puisque nous avons voté en deuxième lecture sur le principe du bill 28, en espérant pouvoir corriger toutes ces déficiences à l'intérieur des articles qui s'en viennent — je dis que la protection de la majorité francophone, s'il n'y a pas ces corrections, n'existera pas dans le bill 28.

Je me demande personnellement si dans l'ancienne structure, avec son côté catholique et son côté protestant, la langue n'était pas mieux protégée qu'avec le projet de loi 28 tel quel. Le bill 28 tel qu'il nous était présenté, avec les possibilités d'amendement, nous permettait d'espérer une amélioration. Quand il y avait, dans la structure catholique et protestante actuelle, une division des éléments anglophones — il y avait à peu près la moitié d'anglophones catholiques et la moitié d'anglophones protestants; les anglophones catholiques étaient à l'intérieur de la Commission des écoles catholiques de Montréal — il y avait un équilibre plus fort, du moins du côté de la structure.

Nous avons voté pour le bill 28 en deuxième lecture, parce que nous prévoyions y présenter les trois amendements que j'ai mentionnés. Si ces trois amendements-là ne sont pas apportés,

si on ne rejette pas le bill 63, s'il n'y a pas de politique générale de langue au Québec, et si on continue à garder les deuxièmes postes d'adjoints, je n'y vois pas d'amélioration et la situation actuelle serait peut-être meilleure.

DES VOIX: Adopté.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, vous aurez remarqué que c'est la première fois que je prends la parole depuis qu'on discute de l'article 583. Il me semble que je dois avoir le droit, moi aussi, de donner mon opinion.

Lorsqu'on a discuté des implications de l'article 583, la discussion a porté sur la langue de travail à l'intérieur des commissions scolaires. Je me suis abstenu de faire des observations là-dessus, mais je veux parler de l'article 583 tel qu'amendé par le ministre de l'Education.

Je veux traiter, c'est surtout sur la nomination de deux commissaires qui sont nommés par le lieutenant-gouverneur sur la recommandation du ministre de l'Education.

M. le Président, dans le premier projet de loi, ces deux commissaires qui devaient être nommés par le ministre avaient le droit de parole et le droit de vote. Après l'amendement du ministre de l'Education, amendement qui a été accepté par l'Assemblée nationale, ces deux commissaires ont le droit de parole mais cependant ils n'ont pas le droit de vote. Je pense que dans un organisme où des gens occupent un poste électif, où des gens ont été élus par le suffrage universel, le fait d'introduire dans cet organisme deux personnes qui sont nommées par le ministre de l'Education peut changer tout le travail, tout le résultat des commissions scolaires.

Voici, M. le Président, ce pourquoi je fais ces quelques remarques sur ces deux personnes qui sont nommées à l'intérieur des commissions scolaires. Que viennent faire ces deux individus? On dit: Lorsqu'un groupe francophone ou un groupe anglophone serait minoritaire, on nommerait ces deux personnes pour les représenter auprès des commissions scolaires. Je crois que, selon la loi, le public peut assister aux réunions des commissaires des commissions scolaires. Et, à ce moment-là, je pense que par le public ces groupes sont représentés.

Lorsque vous donnez, par exemple, le droit de parole à deux individus et que vous ne leur donnez pas le droit de vote, vous changez tout le cours des discussions. M. le Président, imaginons un instant qu'un de ces deux commissaires nommés à la commission scolaire soit quelqu'un qui parle tout le temps, un peu dans le genre du député des Iles-de-la-Madeleine. Où les discussions pourraient-elles nous conduire?

Je comprends qu'il y a certaines personnes qui pourraient faire partie de ces commissions, comme certains membres de l'Assemblée nationale qui n'ont pas encore dit un mot depuis deux ans, et qui ne dérangeraient pas grand-chose. Mais si ces individus s'en vont là pour participer aux discussions, pour émettre des idées, pour en somme essayer de faire valoir les opinions d'un groupe qui est minoritaire et qu'ils n'ont pas le droit de vote, je pense que le résultat n'apporterait pas grand-chose.

M. le Président, d'ailleurs dans tout organisme, ou les gens sont nommés au suffrage universel, ou ils sont nommés par un organisme, soit par le lieutenant-gouverneur, soit par le ministre, le lieutenant-gouverneur sur recommandation du ministre.

L'amendement qu'avait apporté le ministre de l'Education atténuait un peu les conséquences de ces deux commissaires en leur enlevant le droit de vote, mais il reste tout de même qu'on introduit un principe qui, à mon sens, est antidémocratique. Si nous admettons ce principe, je répéterai un peu les paroles du député de Saint-Jacques alors qu'il s'exprimait là-dessus, pourquoi ne nommerait-on pas un représentant d'un groupe ethnique ici, à l'Assemblée nationale? Les Italiens, les Ukrainiens ou les Grecs ou un autre groupe ethnique, ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale. S'il y en a qui se sont présentés, personne n'a été élu.

Il faudrait ajouter des banquettes et nommer un représentant pour tous les groupes ethniques de la province de Québec, leur donner le droit de parole. Cependant, ils n'auraient pas le droit de vote.

Si on accepte le raisonnement du ministre de l'Education, nous, nous sommes sept, nous sommes un groupe minoritaire à l'Assemblée nationale; pourquoi ne pas nommer le député de Saint-Jacques ou le député de Maisonneuve au conseil des ministres pour prendre part aux discussions? C'est un peu la même chose. Vous parlez des postes électifs, très bien. Vous avez été élus démocratiquement, je l'accepte. Pourquoi vous ne prendriez pas...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous voulez qu'on juge la recevabilité d'une telle motion?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'en fais pas une motion, j'en fais une suggestion au ministre.

UNE VOIX: C'est un voeu.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je pense que ces nominations vont prendre du temps à venir comme bien d'autres décisions du gouvernement.

M. SAINT-PIERRE: Oui, pas mal de temps.

Le député de Saint-Jacques est bien jeune, et je pense que ça va prendre plusieurs années avant de le voir au conseil des ministres.

M. JORON: Pas dans un cabinet libéral, j'espère.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président...

M. CHARRON: Quand je vais l'être, je vais l'être plus longtemps que vous.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'aimerais répondre au ministre car après avoir assisté à toutes les discussions sur le bill 28, moi, je ferais plus confiance au député de Saint-Jacques, qui n'est pas ingénieur, mais qui a déjà été un éducateur...

M. SAINT-PIERRE : Vous avez souvent des moments d'aberration.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! L'article 583.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que vous avez d'autres questions à poser? Est-ce que je peux continuer, M. le Président?

M. CHARRON: Est-ce que je peux demander l'avis du premier ministre sur la suggestion du député de Sainte-Marie?

M. BOURASSA: Je n'ai pas écouté.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, il faudrait aussi, si on veut représenter tous les groupes qui sont minoritaires dans l'Assemblée nationale, comme on veut représenter les groupes qui sont minoritaires dans les commissions scolaires, prendre le député de Montcalm, qui représente lui aussi un groupe et le nommer au conseil des ministres. Il faudrait qu'il y ait un représentant du Parti Québécois, d'Unité-Québec ou des créditistes.

On prend des gens qui se présentent à des postes électifs, on les fait élire au suffrage universel, ces gens-là sont mandatés par la population d'un quartier.

M. LE PRESIDENT : A l'ordre! Tantôt en raison des réminiscences que j'avais d'hier — et c'était fondé uniquement sur ma mémoire, qui peut être faillible — j'étais presque convaincu que le débat que l'on tenait, que les propos du député de Lafontaine constituaient des arguments qui avaient été invoqués à l'intérieur d'un débat sur la motion d'amendement.

J'ai pris la peine de faire venir les textes. Je n'ai pas tout lu ce qui s'est dit hier, mais je reprends en particulier les propos du député de Bagot, qui traitait précisément de cet aspect. Il prétendant que c'était plus ou moins démocratique, que ça mettait un cran d'arrêt — je lis textuellement — un cran d'arrêt qu'on appelle les observateurs, qui feront rapport à leur minorité et qui vont créer dans les commissions scolaires où il y aura des observateurs la même situation qui s'est créée à Saint-Léonard.

C'est le même débat, dans des mots différents. Je maintiens que les arguments, tantôt du député de Lafontaine, maintenant du député de Sainte-Marie, ont fait l'objet d'un débat qui a eu lieu hier sur l'amendement du ministre de l'Education.

Je regrette, mais, si le député de Sainte-Marie n'est pas en mesure d'apporter quelque chose de neuf, un nouveau débat, je serai obligé de lui retirer son droit de parole.

M. BURNS: M. le Président, sur une question de règlement je vous pose une question. Est-ce qu'on doit comprendre que le député de Sainte-Marie, pas plus qu'un autre député, n'a la possibilité maintenant de discuter des commissaires observateurs? Est-ce que c'est comme ça qu'on doit comprendre votre directive?

M. LE PRESIDENT : Vous devez comprendre ma directive dans le sens suivant. C'est que l'on ne peut pas redire les mêmes choses qui ont été dites hier. On peut discuter du problème des commissaires observateurs, encore une fois, si vous avez quelque chose de neuf, un nouveau débat.

M. BURNS: Il n'a pas parlé. M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Encore une fois, je connais trop non seulement le bon sens mais le sens juridique du député de Maisonneuve. Je suis trop persuadé de tout cela pour ne pas être convaincu que le député de Maisonneuve comprend la différence entre ce que comprend l'amendement, d'une part, et ce que comprend le débat. C'est évident que le débat lui-même peut être plus global, peut être plus large que l'amendement. C'est évident que, si dans un débat on ne répète que ce qui est dans l'amendement, ce serait beaucoup plus court que ce l'est. Je suis convaincu que le député de Maisonneuve comprend, toujours en me fondant sur le paragraphe 7 de l'article 285, que ce qui n'est pas permis c'est de reprendre le même genre d'arguments qui ont été employés.

Sans ça, cela veut dire — et le député de Sainte-Marie hier avait parfaitement le droit de prendre part à la discussion sur l'amendement — si j'allais dans le sens du député de Maisonneuve, que le député de Sainte-Marie, aujourd'hui, pourrait refaire exactement le même discours qu'il aurait pu faire hier.

M. BURNS: Justement, M. le Président, il ne l'a pas fait.

M. LE PRESIDENT: Bien oui, mais ça...

M. BURNS: Est-ce que ça veut dire que parce qu'un député a donné un argument hier qu'un autre ne pourrait pas revenir avec le même argument aujourd'hui sur la même affaire?

M. LE PRESIDENT: S'il avait des choses à dire, il aurait dû le faire dans le cadre du débat d'hier mais non pas reprendre le même débat aujourd'hui. De toute façon, je suis loin de me prendre pour le pape. Mes décisions ne sont sûrement pas infaillibles mais elles sont fondées

sur une étude aussi approfondie qu'il m'est possible de le faire du règlement. Je maintiens ma décision à l'effet que l'on ne peut pas reprendre le débat d'hier sur l'amendement présenté par le ministre de l'Education, et je poursuivrai la lecture de ce débat, lorsque je pourrai la poursuivre. Je considère qu'actuellement le député de Sainte-Marie reprend intégralement des propos qui ont été tenus hier, donc reprend le débat d'hier. Je ne peux pas le permettre.

M. BURNS: M. le Président, c'est bien à regret que je dois vous renvoyer à l'article 327 et en appeler de votre décision. L'article 327 se lit comme suit: "Quand un député en appelle du président d'un comité plénier à la Chambre sur une question d'ordre ou de règlement, le président du comité doit aussitôt quitter le fauteuil et faire à l'orateur un rapport écrit exposant le point en dispute. L'orateur soumet alors ce point à la Chambre, qui prononce sans débat."

M. le Président, c'est bien à regret mais c'est parce qu'il y a une difficulté fondamentale en ce qui nous concerne. Soit dit en passant, je vois que vous cherchez le règlement sessionnel. Nous sommes sur une question principale et non pas secondaire. Je peux en appeler — il ne s'agit pas d'un amendement qui est devant vous actuellement, il s'agit du texte d'un article qui s'appelle l'article 583 — de votre interprétation sur la façon dont on peut discuter de cette question-là.

C'est malheureux, mais je ne peux malheureusement pas — et ceci dit avec tout le respect que j'ai pour vous, M. le Président — admettre qu'un député ne soit plus capable aujourd'hui de discuter de ce problème des commissaires observateurs; étant donné qu'il n'a pas parlé hier, étant donné qu'il n'a pas eu de vote, le débat n'est pas clos. Je pense, M. le Président, avec tout le respect que je vous dois, que vous confondez le mot débat et le mot propos.

C'est évident qu'il ne peut pas refaire un débat qui a été réglé hier. Mais je ne vois pas comment il ne peut pas reprendre des propos qui ont été tenus hier. En vertu de l'article 327, je vous demanderais de faire rapport au président pour que la Chambre règle le problème de règlement.

M. SAINT-PIERRE: On va perdre une autre heure.

M. BURNS: M. le Président, moi-même, j'ai l'intention de parler sur ce texte-là.

M. LE PRESIDENT: Je suis obligé de rappeler qu'en vertu des règlements sessionnels l'appel des décisions du président a été aboli.

M. BURNS: Sauf les questions de fond, M. le Président. On est en train de discuter d'une question de fond.

M. LE PRESIDENT: Si vous me permettez de continuer. Les appels des décisions du président sont éliminés sauf pour certaines mesures, soit celles concernant des motions prévues à notre règlement à l'article 140, sous-paragraphe 1, 6 et 7. Or, actuellement il est évident qu'un rappel au règlement ne constitue pas une motion principale mais une motion incidente — c'est 143 — parce que, si je devais accepter l'interprétation du député de Maisonneuve, cela voudrait dire qu'à chaque fois qu'il y a une décision du président ou du président du comité plénier, comme c'est le cas dans la version originale de notre règlement, chaque fois qu'un député n'est pas satisfait de la décision du président, il aurait le droit d'en appeler.

La décision que j'ai rendue est sur un point de règlement. Ce n'est pas sur une motion de fond, mais sur un point de règlement. Donc, ce n'est pas couvert par les exceptions prévues au règlement sessionnel. Je ne peux donc pas permettre d'appel de ma décision.

M. BURNS: C'est sur la question principale, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Votre appel ne...

M. BURNS: C'est l'article 583 qui est la question principale, et c'est sur votre interprétation de la façon de discuter de l'article 583...

M. LE PRESIDENT: J'invite le député de Maisonneuve...

M. LEVESQUE: Depuis quand discute-t-on des décisions du président continuellement?

M. LE PRESIDENT: L'appel du député de Maisonneuve n'est pas sur la question de fond. Le député de Maisonneuve en appelle de ma décision sur un point de règlement, donc sur une question incidente.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Puis-je continuer, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Oui, mais à la condition de ne pas reprendre le débat d'hier.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, puis-je vous demander des directives? Puis-je parler de l'article 583?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si l'honorable député de Sainte-Marie a terminé son droit de parole, je devrai mettre la motion aux voix, s'il n'y a pas d'autres députés qui désirent parler.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai pas fini. M'enlevez-vous le droit de parole? Ecoutez, je veux parler de l'article 583, au sujet de la nomination des deux commissaires. Puis-je continuer sur le même sujet sans répéter les paroles que d'autres opinants ont prononcées hier?

M. LE PRESIDENT: Ecoutez! Ce n'est pas à moi à décider de cela. Je ne sais pas si vous êtes capable d'en parler.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous demande si j'en ai le droit.

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas à moi de décider si vous êtes capable de parler des observateurs sans répéter ce qui a été dit hier. C'est vous qui le savez.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous demande...

M. LE PRESIDENT: Tout ce que je peux faire, c'est de décider si vous répétez ce qui a été dit hier ou non. Quant à votre capacité d'en parler d'une autre façon, cela vous appartient.

M. SAINT-PIERRE: Ce qu'on est capable de dire, M. le Président, c'est que cela n'apportera rien au débat.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela reste à voir!

DES VOIX: Vote! Vote!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est votre opinion.

UNE VOIX: C'est aussi la nôtre!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, en parlant de la nomination de ces deux commissaires, je peux apporter de nouveaux arguments qui, je pense, n'ont pas été apportés devant cette Chambre, sur l'inutilité de faire nommer deux membres par le lieutenant-gouverneur, sur recommandation du ministre de l'Education.

M. le Président, dans une assemblée ordinaire d'un conseil municipal, dans une assemblée d'une commission scolaire ou autre, le public est toujours admis, surtout dans les assemblées des conseils municipaux. Hier...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Justement, hier, cette question a été traitée. Si je me souviens bien — je n'ai pas le texte — je pense que c'est par le député de Saint-Jacques ou, en tout cas, par un membre du Parti québécois, qui a dit que la présence de ces observateurs ne serait pas nécessaire parce que les gens pourraient aller aux assemblées, pourraient poser des questions, pourraient faire des suggestions, et, en quelque sorte, que le public serait admis. Cette question a été discutée hier. Cela, j'en suis absolument sûr, convaincu. Je ne peux pas permettre au député de Sainte-Marie d'aborder de nouveau cet aspect.

M. CHARRON: Sur un point de règlement, M. le Président. J'invoque l'article 270 pour rétablir les faits. Parmi les excellents arguments que j'ai apporter à l'encontre de l'article 583 et de l'amendement du ministre, il n'y avait pas celui que vous venez de donner. Il avait plutôt été développé dans l'excellente intervention de mon collègue de Saguenay. Je voudrais donc lui rendre ce crédit.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je disais donc, M. le Président, que dans toutes ces assemblées... Je ne répète pas les paroles d'un autre député de cette Chambre. Je pense que ce sont des arguments qui n'ont pas encore été portés à votre attention. C'est pour cela que j'appuie surtout sur un principe: l'importance, pour le public, d'assister aux assemblées de ces commissions scolaires, de ces conseils municipaux et autres. Lorsqu'un groupe est minoritaire et qu'il a des revendications à faire, qu'il a des idées à véhiculer à l'intérieur d'un organisme tel que la commission scolaire ou le conseil municipal.

Au contraire, on doit encourager la population à participer aux délibérations...

M. LE PRESIDENT: J'ai rendu une décision tantôt, à savoir que toute cette question de la participation du public...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Moi, je ne comprends plus rien au règlement.

M. LE PRESIDENT: ... avait été discutée hier. Je ne peux pas permettre qu'on la reprenne aujourd'hui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que ça veut dire que je ne peux pas continuer mon argumentation? Je parle de l'importance pour le public d'assister aux assemblées des corps publics. Est-ce que je peux continuer dans ce sens-là?

M. LE PRESIDENT: Non! vous ne pouvez pas continuer sur ce sujet-là, parce qu'il a fait l'objet d'un débat hier.

M. BURNS: M. le Président, question de règlement. Je demande une directive. Est-ce que vous pouvez me dire à quel moment le débat sera terminé sur l'article 583?

M. LE PRESIDENT: Chose certaine, quand tous les honorables députés, membres de ce comité, auront parlé une heure sur l'article 583, je devrai automatiquement mettre fin au débat.

M. BURNS: Comme ça, le débat n'est pas terminé. Donc, je vois mal comment quelqu'un ne pourrait plus parler de quelque chose qui se trouve dans l'article 583.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je pense que je soulève là un point qui n'a pas été soulevé encore dans la discussion, à savoir qu'il

faut encourager le public, la population, les citoyens à participer.

M. LE PRESIDENT: De toute façon, dans l'hypothèse où cette question n'aurait pas été discutée — ma conviction est contraire — il n'y a rien dans l'article 583 qui permet de discuter de l'opportunité d'inviter les gens à assister aux assemblées.

L'honorable député de Chicoutimi. Sur le point de règlement?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, sur la question de règlement. Je me rends compte que toutes les suggestions que nous allons faire pourraient être rejetées par le gouvernement. Permettez-moi de vous signaler ceci, et, là, je me place dans l'optique d'une stricte procédure parlementaire. Quand on commence l'examen d'un article, qu'on examine l'article, son objet, il peut y avoir ou ne pas y avoir des amendements. Ces amendements peuvent être rejetés ou acceptés. Même si des amendements sont acceptés, tant et aussi longtemps que l'article lui-même n'a pas été accepté, on peut quand même instituer un débat sur l'article pour le corriger, pour l'amender, pour élargir sa dimension. Avec tout le respect que je vous dois, M. le Président, j'estime en toute justice que l'interprétation que vous avez donnée me paraît un peu restrictive et risquerait de nous paralyser dans l'examen ultérieur des articles que nous allons devoir faire.

Je vous soumets ça en toute humilité et modestie et avec la sérénité qui me caractérise quand je vous parle, mais je pense que, pour résumer, nous n'avons pas vidé la question. Même lorsque vous avez à supporter — comme tout le monde doit le faire, que ça nous plaise ou non; là je ne veux déplaire à personne— la répétition de certains arguments qui touchent, en somme, l'ensemble de l'article, tant que la question n'est pas vidée et tant que chaque député n'a pas épuisé son droit de parole — c'est là une des hypothèses de notre procédure parlementaire — on est obligé de laisser aller les choses.

M. LE PRESIDENT: Vous partagez les mêmes idées...

M. LEVESQUE: M. le Président, d'autre part, il ne faut pas oublier qu'il y a eu des amendements et un sous-amendement. A l'intérieur de la discussion, il y a eu un débat portant particulièrement soit sur le sous-amendement ou sur l'amendement. Il y a donc eu un débat qui doit être circonscrit quelque part.

Je crois que vous avez parfaitement raison de qualifier d'antérieur un débat qui s'est situé à l'intérieur de la discussion d'un amendement ou d'un sous-amendement qui a fait l'objet non seulement de la considération, mais d'un vote du comité. A ce moment-là, le débat à l'intérieur de cela devient un débat antérieur qu'il n'est pas permis de reprendre.

M. BURNS: M. le Président, je vais vous donner ma conception bien respectueusement. Ce n'est pas une directive que je veux vous donner. Si on prend l'exemple des amendements et des sous-amendements auxquels le leader du gouvernement vient de se référer, il est évident... et là je partagerais entièrement l'opinion du président, s'il nous disait que, par exemple, je ne pourrais pas revenir sur un débat qui a eu lieu sur le problème de la langue, sous l'aspect, celui de cet après-midi, la nécessité pour les commissaires d'avoir une connaissance d'usage... vous l'avez jugé irrecevable alors évidemment on reviendrait, on tenterait de revenir de façon indirecte sur votre décision.

Il y a eu des amendements, des sous-amendements comme le disait le leader. Ils ont été écartés. En les écartant, qu'est-ce qui arrive? Nous revenons à la proposition principale, la proposition principale en l'occurrence étant le texte de l'article 583. Or, je vous ai demandé tantôt, quand, où à quel moment considèreriez-vous que le débat serait terminé sur 583. Vous m'avez répondu: Quand tous les députés auront épuisé leur droit de parole, où lorsque le vote sera pris. Admettant par là que le vote n'a pas été pris. Et si, à ce moment-là, on se réfère à l'article en vertu duquel vous avez basé votre décision, c'est-à-dire 285, 7e on lit ceci: Il est défendu "de se référer, sauf pour s'expliquer ou pour discuter une question de privilège ou une question d'ordre ou de règlement, à un débat qui a eu lieu pendant la session en cours sur un bill ou une question qui n'est pas alors en discussion."

M. le Président, je vous réfère plus particulièrement aux derniers membres de phrase de ce 7e de 285, "à un débat qui a eu lieu pendant la session en cours sur un bill ou une question — et j'insiste — qui n'est pas alors en discussion. Or, qu'est-ce qui est en discussion actuellement? C'est l'article 583 du projet de loi no 28. Le député de Sainte-Marie, actuellement, nous parle d'une des dispositions contenues dans l'article 583, c'est-à-dire les commissaires observateurs. Et même si 52 orateurs hier avaient dit que cette position, cette insertion dans l'article 583 est inutile, je maintiens encore une fois que le député de Sainte-Marie a parfaitement le droit de continuer à discuter de ce problème-là puisqu'il satisfait aux deux conditions, c'est-à-dire le débat n'est pas terminé, la question est encore en discussion je pense, et, deuxièmement, il n'a pas épuisé son droit de parole.

M. LE PRESIDENT: Bon, d'abord, je dois dire que les deux opinants, le député de Chicoutimi et le député de Maisonneuve, ont raison dans les principes, mais les principes ne nous amènent pas aux mêmes conclusions. Il est évident d'abord que la discussion sur l'article 583 n'est pas terminée. Il est évident également, comme l'a rappelé je pense le député de Chicoutimi, que le débat qui a eu lieu hier sur l'amendement du ministre de l'Education n'a

pas nécessairement vidé le problème des observateurs.

Je suis bien d'accord là-dessus. D'ailleurs je l'ai dit auparavant. Si on a un nouveau débat à soulever, ou de nouveaux arguments... parce que là où je suis moins d'accord avec le député de Maisonneuve, c'est quand il fait une distinction entre le débat et ce que contient le débat. Il dit qu'on ne peut pas recommencer le même débat on pourrait recommencer les mêmes arguments. Alors si...

M. BURNS: Cela se fait tous les jours en Chambre, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: ... ce qui constitue un débat c'est l'ensemble des arguments. Un débat, ce n'est pas quelque chose qui est pendu entre ciel et terre. Un débat est constitué de l'ensemble des arguments qui ont été développés dans un espace de temps en relation avec un sujet. C'est ça un débat. Alors le député de Maisonneuve dit, on ne peut pas reprendre le même débat, mais on peut reprendre les mêmes arguments.

M. BURNS: Les mêmes propos.

M. LE PRESIDENT: Bien mon interprétation n'est pas la même.

M. BURNS: M. le Président, vous m'avez demandé quand le débat serait-il fini tantôt, essayez de mettre ça ensemble.

M. LE PRESIDENT: Selon mon interprétation on peut discuter de toute question relative à l'article 583.

On ne peut même discuter de nouveau de questions qui se rapportent aux personnes qui seront nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil. Mais, je maintiens toujours, en me basant sur le paragraphe 7 de l'article 285, d'une part, et je dirais même en me basant sur le simple bon sens, qui concorde avec mon interprétation du paragraphe 7, qu'on ne peut pas recommencer. Un débat sur une motion, cela constitue quand même une entité, je pense. Dans l'économie générale de nos règlements, je pense que, quand il y a un débat sur une motion, cela constitue une entité.

Si on peut me convaincre, je suis bien prêt. Je n'ai pas d'objection à renverser ma décision ou à la modifier le cas échéant. Jusqu'à présent, je ne peux pas voir comment on peut répéter textuellement le même débat.

Le député de Maskinongé semble vouloir m'éclairer et je suis bien prêt à l'écouter.

M. PAUL: Loin de moi, M. le Président, de vouloir vous éclairer; au contraire, je veux obtenir une directive pour ma participation éventuelle au débat. Je me réfère à l'article 285, septièmement, et je mets de côté les trois premières lignes pour m'arrêter au texte sui- vant: "... ou une question qui n'est pas alors en discussion". Si je veux participer au débat, après l'honorable député de Sainte-Marie, rien ne m'empêchera de discuter du contenu de l'article 583.

Ce n'est pas — à mon humble point de vue puisque je vous demande une directive — parce qu'hier on aurait traité de ce problème-là qu'aujourd'hui moi je ne puis pas en traiter. Je peux apporter des arguments nouveaux, je peux présenter un nouvel amendement. Je me demande si, au lieu de vous prévaloir des dispositions de l'article 285, septièmement, ce n'est pas plutôt la règle de la pertinence du débat qui devrait jouer et non pas le fait qu'on a disposé de la question hier, puisque l'article n'est pas adopté.

Si le député de Sainte-Marie veut reprendre un débat que vous n'avez pas jugé recevable, à mon humble point de vue vous êtes parfaitement en droit de lui signaler qu'on a disposé de cette question parce que la Chambre, par votre autorité, l'a fait. Si le député de Sainte-Marie veut, dans le cadre de l'article 583, discuter de cet article et éventuellement présenter un amendement, je me demande comment il ne pourrait pas le faire, toujours, cependant, en croyant bien humblement que c'est la règle de l'article 273 qui doit s'appliquer et non par l'article 285, septièmement, si le député discute de la motion principale, qui est le texte de l'article 583.

M. BURNS: M. le Président, je vais peut-être vous présenter un autre argument que je ne vous ai pas soumis jusqu'à maintenant. Je vous renvoie, entre autres, à l'article 185, qui, je pense, nous laisse justement entendre comment ça doit fonctionner. "Quand un amendement ou un sous-amendement est adopté, la motion principale ou l'amendement principal est de nouveau mis en délibération tel qu'il a été amendé, et un nouvel amendement peut être proposé, etc." Ceci nous laisse bien entendre, comme je le mentionnais tantôt, qu'une fois que le ministre de l'Education a ajouté son amendement au texte original de l'article 583 la discussion, à partir de ce moment-là, devenait le nouveau texte, c'est-à-dire la motion principale telle qu'amendée.

C'est tellement vrai que je vous renvoie en plus, à l'article 346, qui traite plus particulièrement du droit de parole en comité plénier.

Je le lis: "En comité plénier, un député peut prendre la parole sur le même point aussi souvent qu'il lui plaît, à condition de ne pas parler plus d'une heure — M. le Président, les mots qui suivent sont très importants — en tout sur un même article, un même paragraphe, une même motion ou une même question d'ordre ou de règlement."

M. le Président, si je n'ai pas réussi à vous convaincre et si nom collègue de Maskinongé et mon collègue de Chicoutimi n'ont pas réussi à vous convaincre de cela, je ne sais pas qui va

vous convaincre. Je me sentirai tout à fait découragé parce que cela a beaucoup d'importance pour la suite du débat. Il y aura d'autres articles qui vont être discutés et, à ce moment-là, ce ne sera peut-être pas moi qui me sentirai brimé par une telle approche des règlements. Ce seront peut-être des députés d'Unité-Québec, ce seront peut-être des députés du Ralliement créditiste qui voudront répéter des arguments donnés par certains autres de leurs collègues.

M. SAINT-PIERRE: Disons que vous êtes les seuls à vouloir faire perdre le temps de la Chambre.

M. BURNS: M. le Président, voulez-vous rappeler à l'ordre le ministre nerveux de l'Education?

M. SAINT-PIERRE: Je suis pas mal "écoeuré".

M. LAURIN: Parlant sur le même point de règlement, M. le Président, j'aimerais illustrer les propos juridiques savants de mon confrère par un exemple. A supposer qu'un député libéral ou uniquiste ou créditiste parle du premier paragraphe de l'article 583; "Chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires élus..." et qu'il essaie de persuader ses collègues qu'il ne faut pas quinze commissaires élus, mais treize ou douze et qu'il avance, à l'appui de cette thèse, quelques arguments, est-ce que ceci interdit à un député d'un autre parti: Unité-Québec, Parti libéral, Parti québécois ou un autre, de se lever et de répéter les mêmes arguments, mais en les appuyant davantage, en les développant davantage? Si vous acceptiez cela...

M. LE PRESIDENT: Je dois interrompre le député de Bourget qui me dit des évidences. C'est évident. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Maskinongé, lorsqu'il a parlé de la pertinence du débat. Cela est très difficile à évaluer. Même en référant à des motions qui ont été rejetées, un député peut employer des arguments semblables pour arriver à une tout autre motion. Il y a plusieurs propositions qui peuvent découler d'arguments relativement identiques. Me fondant sur cette interprétation du député de Maskinongé, il pourrait arriver que j'empêche le député de Sainte-Marie de parler parce que je considérerais que les propos qu'il tient vont l'amener à une proposition que j'ai déjà rejetée. Il reste que les mêmes propos peuvent amener à des propositions différentes. Je donne un exemple. On peut parler du problème que posent ces personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil, parler de leur utilité ou de l'embarras qu'elles vont créer et peut-être arriver à proposer quelque chose qui serait recevable, de même que la proposition d'amendement du ministre de l'Education a été déclarée recevable.

M. PAUL: M. le Président, quand je vous ai signalé la règle de la pertinence du débat, c'est que vous aviez refusé tout débat qui comporterait une étude de la politique de la langue de la part du gouvernement. C'est cette facette que j'ai voulu vous glisser. D'ailleurs, vous ne pourrez pas juger de la pertinence du débat en tentant de prévenir les arguments. C'est au fur et à mesure que vous les écouterez que vous serez en mesure d'appliquer cette règle, si elle doit trouver champ d'application.

M. LE PRESIDENT: Evidemment, les éclaircissements du député de Maskinongé peuvent être très valables, mais ne m'aident pas beaucoup à juger de ce cas précis, puisque le député de Sainte-Marie, actuellement, ne parle pas précisément d'un problème sur lequel des propositions d'amendement ont été déclarées irrecevables; au contraire, il y a une proposition qui a été déclarée recevable.

Maintenant, après avoir écouté les opinants sur la question de règlement et avoir regardé de nouveau le règlement qui, là-dessus comme sur plusieurs autres cas, se contredit presque, je ne suis pas convaincu que j'avais tort, mais disons qu'il y a un doute assez sérieux qui existe dans mon esprit.

Et comme je l'ai dit plus tôt, au cours de cette séance, lorsqu'il y a un doute, je pense qu'on doit l'accorder en faveur de l'Opposition. Je permettrai au député de Sainte-Marie — encore une fois, je n'ai pas à juger de la substance — mais selon le règlement, je permettrai au député de Sainte-Marie de poursuivre.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Merci, M. le Président. Je parlais de l'inutilité de la nomination de ces deux commissaires. D'abord je disais que c'était antidémocratique, qu'ils pouvaient amener dans les discussions des éléments nouveaux, mais par contre, pouvaient nuire aux délibérations des quinze commissaires qui, eux, seraient élus au suffrage universel. En somme, si je dis que la nomination de ces commissaires par le lieutenant-gouverneur sur la recommandation du ministre était inutile, je voudrais aussi pouvoir dire pourquoi.

Lorsque je faisais référence aux assemblées des commissions scolaires, aux assemblées des conseils municipaux, c'était pour parler de l'importance de la participation aux discussions de ces organismes...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La règle de la pertinence du débat s'applique à ce moment. Je ne vois vraiment pas de relation — à moins de tirer ça par les cheveux — il n'y a pas de relation entre la participation du public aux assemblées et la nomination de ces personnes-là. En vertu de la règle de la pertinence du débat, je ne peux pas permettre au député de Sainte-Marie de continuer à parler de l'à-propos ou de la notion de participation des citoyens aux assemblées des commissions scolaires.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Très bien, M. le Président, je voulais tout simplement dire que les citoyens pouvaient remplacer ces deux commissaires élus par les groupes minoritaires. C'était simplement un argument pour prouver que ces nominations étaient inutiles. Dans un organisme, que ce soit une commission scolaire...

M. SAINT-PIERRE: Il n'est pas fort votre argument.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... ou autre... Est-ce que le ministre veut bien m'écouter? Le président m'a donné le droit de parole.

M. SAINT-PIERRE: C'est malheureux que le règlement vous permette de nous faire perdre notre temps cependant.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... les quinze commissaires dont il est question dans l'article 583 sont élus par le suffrage universel. Très bien, démocratiquement. Ce sont les résidants du quartier, commission scolaire no 1, no 2 ou no 3, qui vont élire ces commissaires, qui vont les mandater pour les représenter auprès de la commission scolaire tel numéro. Par contre, si un groupe, que ce soit un groupe francophone ou un groupe anglophone, est en minorité, si eux ont un commissaire qui est délégué par eux, qui est mandaté par ce groupe-là, ce commissaire-là n'a pas un mandat de tous les citoyens de sa commission scolaire. Il est mandaté tout simplement par un groupe et, une fois rendu dans les commissions scolaires, il est là pour discuter. C'est là que ça devient antidémocratique.

Les autres qui prennent part aux discussions, eux, ont un mandat de la population. On leur a fait confiance, on les a mandatés, on les a choisis, on a pensé que c'était les gens les plus avertis, les plus compétents pour être commissaires de cette commission scolaire. Mais les autres qui sont nommés tout simplement sur la recommandation du ministre, eux, n'ont pas été choisis par la population. Ils n'ont pas un mandat de la population; donc, ils sont à l'intérieur d'un organisme démocratique mais d'une façon antidémocratique.

Le ministre me fait signe que non. Je lui dis que oui. Même si cela ne le convainc pas, je vais continuer quand même mon argumentation.

M. SAINT-PIERRE: Votre but n'est pas de me convaincre, c'est de faire perdre le temps de la Chambre. Vous allez réussir.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Lorsqu'arrivent des discussions sérieuses, que ce soient des questions budgétaires ou autres, ces deux commissaires qui sont nommés par le ministre peuvent prendre part aux discussions. C'est dans la loi. Ils peuvent dire n'importe quoi. Ils peuvent soulever n'importe quel problème. Ils peuvent arriver avec toutes sortes d'argumentations qui ne sont pas des argumentations du public, de la population concernée tandis que les autres, eux, le sont. Eux, ils sont mandatés. Eux, ils s'en vont là pour parler au nom des citoyens du quartier, des citoyens de la commission scolaire concernée.

Cela change le résultat des discussions. Par contre, lorsqu'il arrive un vote, ces gens-là peuvent dire n'importe quoi. Ils peuvent véhiculer toutes sortes d'idées. Ils peuvent demander toutes sortes de choses. Ils peuvent manifester à l'intérieur de la commission scolaire des désirs, des revendications qui ne sont pas conformes au règlement parce qu'ils n'ont pas à se prononcer par le vote. Ils n'ont aucune responsabilité dans ce sens-là.

Ces deux commissaires qui seront nommés par le lieutenant-gouverneur sur recommandation du ministre, comment vont-ils être choisis? Est-ce que c'est le groupe minoritaire francophone ou anglophone qui va faire les recommandations au ministre? Est-ce que c'est eux qui vont dire au ministre de l'Education: On veut avoir M. Untel ou Mme Unetelle à la commission scolaire?

M. SAINT-PIERRE: Lisez au moins l'article 583, vous allez le savoir: Après consultation des comités de parents du groupe minoritaire. Cela fait une demi-heure que vous parlez et vous n'avez pas lu le texte. Lisez-le si vous voulez le savoir.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le ministre nomme — je l'ai lu — un commissaire pour représenter une minorité anglophone ou...

M. SAINT-PIERRE: C'est faux. Pour le bénéfice du député, le ministre ne peut pas nommer un commissaire. Lisez à nouveau l'article, ce sont deux commissaires.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je donne l'exemple d'un commissaire. Je vais parler de deux. Je dis que si vous en nommez deux — j'ai dit un, je vais dire deux — je sais que c'est deux d'après l'amendement du ministre...

M. SAINT-PIERRE: Un autre moment d'aberration.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai l'amendement devant moi. Est-ce que vous voulez que je le relise? Est-ce que vous voulez perdre du temps pendant que je relis votre amendement? Est-ce que vous voulez que je relise l'article tel qu'amendé par l'amendement du ministre qui a été accepté hier soir? Pas du tout. Je n'en ai pas l'intention. Vous connaissez l'article. Ce sont deux commissaires.

M. SAINT-PIERRE: Mon désir profond, c'est que vous vous fermiez. Mais je pense bien que je vais être obligé d'avoir autre chose.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Qui consulterez-vous? Mais par contre, cela ne vous oblige pas à accepter les recommandations des groupes que vous consulterez parce qu'il est dit dans la loi que c'est le lieutenant-gouverneur qui les nomme à la recommandation du ministre. Le ministre pourra prendre n'importe laquelle décision et ne sera même pas obligé d'accepté celui qui sera recommandé par les groupes qu'il devra consulter.

M. le Président, c'est là que le mécanisme de nomination devient, lui aussi, antidémocratique. Par contre, dans l'article du projet de loi tel qu'on nous l'avait présenté lors de la présentation du bill 28, j'accepte un compromis du ministre, parce que ces deux commissaires avaient le droit de parole et avaient le droit de vote. Par l'amendement du ministre, on leur enlève le droit de vote. C'est déjà beaucoup. Mais le fait qu'ils aient le droit de parole, qu'ils puissent participer aux délibérations, qu'ils puissent dire n'importe quoi au même niveau que les autres qui, eux, sont élus par la population, c'est là que vous faussez la démocratie. A ce moment-là, ils ne sont pas responsables des paroles qu'ils prononcent. Ils n'ont pas à rendre compte devant la population.

Le ministre a beau sourire, c'est cela. J'ai vécu, M. le ministre, dans des organismes où il y avait des observateurs élus par le même mécanisme que celui avec lequel vous voulez vous-même les élire. J'ai vécu certaines délibérations. Peut-être que vous ne m'aimez pas, en ce moment, mais j'ai été élu et vous êtes obligé de m'écouter. Mais, par exemple, si vous assistiez, après l'application du bill 28, à des réunions des commissions scolaires des quinze commissaires, plus les deux observateurs que vous aurez nommés, peut-être constateriez-vous à ce moment-là les véritables problèmes d'un organisme formé de gens élus et de gens non élus.

M. SAINT-PIERRE: Le député pourrait-il nous donner les organismes où il a eu l'expérience d'avoir des gens élus et des gens non élus?

M. LEGER: Paul Desrochers, Parti libéral.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est le principe qui est mauvais. Je peux vous citer une foule d'organismes où j'ai milité. On a enlevé ce genre de représentations.

M. SAINT-PIERRE: Mais quels organismes exactement? Ne mentionnez pas le Parti québécois parce que votre chef vient de vous dire de ne pas le mentionner.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je peux vous en nommer plusieurs.

M. BURNS: Si le ministre veut rester bien calme, ne pas être trop nerveux et m'attendre, je vais lui en citer des organismes de cette nature. On va vous mettre au courant.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce principe est dépassé, M. le Président. Je donnerai une liste d'organismes qui ont déjà fonctionné, antérieurement, de la façon dont vous voulez que les commissions scolaires fonctionnent. J'en donnerai une liste au ministre. Le ministre veut-il, après le dfner, que je lui cite une longue liste d'organismes que j'ai connus et qui ont fonctionné avec des gens élus et des gens non élus, à l'intérieur d'un conseil d'administration, où cela n'a à peu près jamais fonctionné? Ou on donne des responsabilités à des gens, ou on les fait élire par la population! Ils sont responsables devant les gens qui les ont mandatés.

Ces gens-là sont tous élus ou ils sont tous nommés par le lieutenant-gouverneur sur la recommandation d'un ministre. On sait, M. le ministre, que vous ne pouvez pas — cela aurait été des pouvoirs extraordinaires — nommer vous-même tous les commissaires des commissions scolaires de la ville de Montréal.

Ce n'est pas ça que je vous suggère. Ou les gens sont élus par le suffrage universel, ou ils sont nommés par le lieutenant-gouverneur ou par le ministre. Mais vous ne mêlez jamais les deux. Je le répète: Après le souper, je vais citer une liste de ces organismes. J'ai même été obligé de travailler à l'intérieur de ces organismes-là et ce qui faussait tout le mécanisme de discussion, d'adoption de rapports, d'adoption de budgets, c'est qu'il y avait des individus qui étaient nommés par des groupes intermédiaires et des corps professionnels. Je l'ai vécu. J'ai assisté à des assemblées du conseil municipal de la ville de Montréal lorsqu'il y avait des échevins de la classe C, par exemple, qu'on a enlevés aujourd'hui, parce que ces gens-là étaient nommés par la Chambre de commerce, par d'autres corps intermédiaires.

On s'est aperçu que ça ne fonctionnait pas dans les assemblées du conseil municipal de la ville de Montréal et on les a enlevés. Cela est un exemple. Je n'ai pas fait partie d'un conseil municipal de la ville de Montréal, mais j'ai assisté à de ces assemblées où des conseillers qui étaient nommés pour représenter des groupes, des corps intermédiaires, chambres de commerce ou autres, faisaient la pluie et le beau temps, parce qu'ils n'avaient pas à rendre compte de leur mandat devant la population, devant les gens qu'ils représentaient. C'est là qu'était le problème. C'est ce qui amenait les difficultés et paralysait un organisme.

Le leader parlementaire me regarde en souriant quand je parle de paralyser quelque chose. Je suis élu. Je ne sais pas si le leader parlementaire rit de moi ou s'il a une belle façon, mais il a un beau sourire ce soir.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas pour ça que je souris. C'est quand je pense à votre théorie de la représentation proportionnelle. Quand vous parlez de la carte électorale et de la Loi électorale, vous voulez ajouter des gens qui n'ont pas été élus par la majorité. C'est ça qui me fait sourire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est, non...

M. LEVESQUE: C'est contraire au règlement.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'abord, le leader parlementaire viole le règlement, et je pense qu'il sait fort bien que ce n'est pas la même chose, qu'on ne peut pas discuter de représentation électorale à l'Assemblée nationale avec une représentation de gens dans des organismes comme les commissions scolaires et les conseils municipaux. Ce n'est pas la même chose parce que les gens qui vont être nommés par le ministre n'auront reçu aucun vote. Ils ne seront nommés par personne, c'est ça la différence. Je dois dire, M. le Président, que le leader parlementaire — c'est dur pour moi, de dire ça — est tellement intelligent qu'il avait compris ça.

Il a voulu me poser une colle, comprenez-vous, parce que le leader parlementaire, j'estime qu'il a une intelligence moyenne et qu'il avait compris ça, j'en suis certain. C'est la différence. Comme moi j'estime que j'ai une intelligence moyenne et je l'avais compris. Alors je sais que ce n'est pas tout à fait la même chose. Qu'on ne compare pas des pommes avec des oranges. Mais les gens qui seront élus, lorsque, par exemple, on parle de réforme électorale, ne seront pas nommés par un ministre, par le lieutenant-gouverneur sur la recommandation d'un ministre.

M. le Président, étant donné qu'il est six heures, je demanderais la suspension du débat.

M. LEVESQUE: Huit heures et quinze M. le Président.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Huit heures et quinze, merci.

M. LE PRESIDENT: Pas tout à fait. La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures et quinze.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

Reprise de la séance à 20 h 16

M. HARDY (Président du comité plénier): Article 583.

M. LEVESQUE: M. le Président, avant que nous procédions à nos travaux, me serait-il permis, dans un grand geste de collaboration...

UNE VOIX: Il est de bonne humeur.

M. LEVESQUE: ... dans l'esprit de Noël, après les longues explications que nous avons eues au cours de la journée, etc., est-ce que nous pourrions, sans insister davantage, considérer à ce moment-ci la possibilité de déférer aux commissions parlementaires les budgets, tel que cela a été offert ce matin? C'est une possibilité. Il y a également le bill 65 où il y a quelques amendements qui pourraient être étudiés, alors qu'on pourrait continuer ici en Chambre, nos travaux.

M. CHARRON: L'intéressante étude du projet de loi no 28.

M. LEVESQUE: Ceci dans le but d'accélérer nos travaux et de marquer un progrès. Est-ce que je peux avoir la permission de poser cette question afin d'obtenir une réponse? Encore une fois, s'il y avait un consensus à ce moment-ci, je l'apprécierais.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, en ce qui nous concerne nous avons déjà déclaré ce matin que nous étions d'accord avec le leader parlementaire particulièrement en ce qui concerne le budget supplémentaire, sous toutes réserves, toutefois, puisque le leader de notre mouvement politique n'est pas encore arrivé, il est sorti momentanément. Il y a un petit délai. En ce qui concerne maintenant la loi 65, j'imagine que le leader ne nous demande pas de siéger à trois endroits en même temps.

M. LEVESQUE: Non, j'ai laissé le choix.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En ce qui concerne la loi 65, je n'ai pas eu le temps de consulter mon collègue, le député de Montmagny, sur cette question précise, je ne peux pas donner de réponse. Pour le budget, je répète ce que nous avons dit ce matin, que nous serions d'accord.

M. LEVESQUE : Si on était favorable plutôt à l'autre option, nous pourrions retarder la décision de quelques minutes.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: M. le Président, dans mon cas, je suis prêt à aller à la commission des Affaires sociales, et notre critique financier est prêt, tel que nous l'avons déjà dit, à aller à la commission des crédits étudier le budget supplémentaire.

M. BURNS: M. le Président, c'est encore avec regret que je ne peux donner mon consentement, pour les mêmes raisons que ce matin.

M. LE PRESIDENT: Avec regret?

M. BURNS: C'est véritablement avec regret que je ne peux pas, pour les mêmes raisons que ce matin... Je m'excuse, M. le Président, je m'excuse d'ailleurs auprès du leader, ce n'est pas du tout dans le but de "picosser" le gouvernement que je dirai cela: si vous amenez la discussion — et je pense que nous pouvons tenter de le dire sans faire de la démagogie en Chambre — sur le projet de loi no 64, je l'ai dit ce matin, nous sommes d'accord pour que le projet de loi no 65 soit étudié en commission ou les crédits. Je m'excuse mais c'est véritablement une question d'ordre pratique en ce qui me concerne.

M. LEVESQUE: Les mêmes remarques que j'ai faites ce matin lorsque de tels propos ont été tenus par un représentant de votre parti s'appliquent mutatis mutandis.

M. BURNS: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président.

M. CARDINAL: M. le Président, le député de Sainte-Marie avait-il la parole lors de l'ajournement?

M. BURNS: Oui.

M. CARDINAL: Il y a l'article 347 que je cite par coeur.

M. LE PRESIDENT: Oui, l'article 347 que j'ai eu l'occasion d'étudier cet après-midi et qui, je vous l'avoue bien honnêtement, me laisse très perplexe.

A une première lecture je serais porté à croire... Je vais y réfléchir, et si vous voulez, nous allons y réfléchir ensemble ou je vais réfléchir tout haut. Alors si vous voulez, nous allons nous aider tous ensemble. Je pense que c'est la dernière partie de l'article qui est surtout contentieuse. De toute façon je vais lire l'article au complet: "Le député qui avait la parole lors de l'interruption...

M. BURNS: M. le Président, si cela peut simplifier les choses, s'il y a un autre député qui veut prendre la parole, il n'y a pas de problème. Le député de Sainte-Marie reviendra plus tard.

M. LESSARD: Il n'y a pas de problème, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Il n'y a peut-être personne qui a le goût que je...

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Alors, nous éluciderons le problème...

M. CARDINAL: M. le Président, j'invoque le règlement, on vient de dire "des gens pressés". Pas du tout. Ce matin, au début des travaux, j'ai fait une déclaration. Je ne veux pas la répéter.

Le projet de loi no 28 n'a peut-être pas d'urgence en ce sens qu'il ne s'applique qu'en 1975, mais il a une grande importance...

M. LE PRESIDENT: Le projet de loi no 28.

M. CARDINAL: Le projet de loi no 28, pardon !

M. BURNS: Le projet de loi no 48 a été adopté. C'est pour vous aider que je dis ça.

M. BIENVENUE: Laissez parler le député de Bagot.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: Je ne parle pas en même temps que les autres, M. le Président. Vous l'avez remarqué.

M. LE PRESIDENT: Très bien. C'est la raison pour laquelle je vous ai cité en exemple.

M. CARDINAL: Merci. M. PAUL: Cela m'a froissé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est le cas des grands ténors. Les grands ténors ne chantent jamais avec un partenaire.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne veux pas du tout m'enferrer dans la procédure et je ne veux pas répéter ce que j'ai dit ce matin. Cependant, c'est bien beau de vouloir discuter, rediscuter et rerediscuter du même sujet. Quand un parti, quel qu'il soit, qu'il soit ministériel ou de l'Opposition, a exprimé son opinion sur un article donné, sur chacun des paragraphes d'un article donné et sur le principe d'un projet de loi, je ne vois pas pourquoi on continue cette chose-là sans arrêt. Je n'impute aucun sentiment, désir, volonté ou motif à personne, mais je retiens que certains en cette Chambre ont fait

des déclarations que je ne rappellerai pas. Je retire donc mon invocation de l'article 347 en espérant profondément que les députés de cette Chambre comprendront enfin le bon sens, que c'est dans cette Assemblée et non ailleurs que doit se décider le cas du projet de loi no 28.

M. BURNS: M. le Président, je veux simplement faire la remarque suivante. D'abord, ce n'est pas au député de Bagot de décider si la question a été vidée, si tel ou tel parti a dit ce qu'il avait à dire sur telle chose.

M. CARDINAL: J'invoque le règlement.

M. BURNS: Il n'y a pas d'invocation là-dessus.

M. CARDINAL: Je n'ai jamais dit ça. J'ai retiré une question de règlement et j'ai indiqué mon opinion sur la façon dont les débats doivent être conduits en cette enceinte. Je n'ai imputé aucune intention à personne. Je l'ai même mentionné.

M. BURNS: M. le Président, je reviens à ce que je disais quand j'ai été interrompu. Ce n'est pas au député de Bagot de décider si tel ou tel parti a...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si l'honorable député de Maisonneuve veut faire une déclaration sur la question de la prolongation des débats, je vais le laisser faire parce que le député de Bagot l'a fait.

M. BURNS: C'est ça, la réponse.

M. LE PRESIDENT: Mais je voudrais que le député de Maisonneuve s'abstienne de juger ses collègues, comme le député de Bagot, d'ailleurs, l'a fait.

M. CARDINAL: Je ne l'ai pas fait.

M. BURNS: Comme le député de Bagot l'a laissé entendre, M. le Président.

M. CARDINAL: Oh, pardon, M. le Président! Je m'excuse. Je réinvoque le règlement. Je n'ai nommé personne. J'ai même dit que je n'imputais à personne des intentions ou quelque autre chose. J'ai simplement dit que c'était en cette enceinte que ceci, ce soir, devait être discuté. Par conséquent, je n'admets pas qu'un député, de quelque parti qu'il soit, n'impute des intentions.

M. LE PRESIDENT: Alors, je permets au député de Maisonneuve seulement de dire, dans la même ligne de pensée que le député de Bagot, ce qu'il pense de la conduite du débat actuel et de le faire d'une façon concise.

M. BURNS: D'accord, de façon très concise,

M. le Président. Ce n'est pas moi qui ai invoqué l'article 347. Je croyais que le député de Bagot avait des choses à dire et qu'il voulait se prévaloir des dispositions de l'article 347 qui dit que ce n'est pas nécessairement celui qui a la parole lors de la suspension de la séance, qui doit parler. Alors, si le député de Bagot veut parler, je n'ai aucune objection. Je pense que le député de Sainte-Marie, non plus, n'a aucune objection. Nous allons attendre qu'un autre député se soit exprimé pour que le député de Sainte-Marie reprenne la parole.

M. CARDINAL: M. le Président, j'ai dit que je retirais le fait que j'aie invoqué l'article 347. Est-ce que c'est clair pour tous les députés?

M. BURNS: D'accord. Parfait. Ce n'est pas moi qui l'ai invoqué, M. le Président. Le député de Sainte-Marie, à moins qu'il n'y ait un autre député.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, lorsque nous avons suspendu les débats, à six heures, j'étais à donner les raisons...

M. LE PRESIDENT: Afin que le député de Sainte-Marie ne soit pas pris par surprise, je dois lui mentionner qu'il parle depuis une heure. L'honorable député de Sainte-Marie avait commencé ses remarques à cinq heures. Il a terminé au moment de la suspension, à six heures. Même si le règlement n'en fait aucunement mention, pas seulement à cause de ma bonne volonté, mais si le comité est d'accord, je reconnais qu'il y a eu certaines interruptions.

Je suggère au comité d'accorder encore quelques minutes au député de Sainte-Marie pour conclure, mais je l'avertis bien clairement qu'il a la parole depuis une heure et qu'en vertu du règlement il ne peut pas parler plus d'une heure sur un article.

M. BURNS: M. le Président, sur ce point, je me fie au chronométrage que les officiers de la Chambre font de la durée des débats, mais malgré ça, j'ai vérifié moi-même le début de la discussion sur les règlements et ç'a commencé exactement à 5 h 15, le député ayant commencé, comme vous l'avez dit, M. le Président, à parler à 5 heures. Et il a repris la parole sur le sujet à 5 h 40. Je ne vois pas, M. le Président, comment tout ce temps pourrait lui être imputé alors qu'il n'a même pas participé à la discussion et je pense que vous-même...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: ... et moi-même avons été les deux à avoir pris le plus de temps là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Premièrement, il n'y a rien dans le règlement, à moins que l'on me le soumette, mais moi je n'ai encore rien trouvé, il n'y a rien dans le règlement qui dit que l'on doit soustraire...

M. BURNS: Selon le fait que vous devez protéger les oppositions, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a rien dans le règlement qui dit que l'on doit soustraire le temps accordé à une discussion de règlement de l'ensemble du temps du député. Non seulement il n'y a rien, mais raisonnez deux minutes. Cela voudrait dire que quelqu'un qui voudrait vraiment prolonger indûment — c'est une hypothèse que je fais — son droit de parole pourrait constamment s'en aller en dehors du règlement, se faire rappeler au règlement, et là, on pourrait passer deux ou trois heures. Non seulement il n'y a rien dans le règlement mais encore une fois, le bon sens, la logique confirment le fait qu'il n'y a rien dans le règlement et je répète que je dois considérer que le député de Sainte-Marie parle depuis une heure et je l'inviterais à conclure.

M. BURNS: M. le Président, je respecte votre opinion là-dessus mais...

M. LE PRESIDENT: La décision est rendue.

M. BURNS: ... dans le cas précis qui nous concerne, c'est peut-être encore plus évident que ce n'est pas de façon indue que le député de Sainte-Marie a discuté le règlement, à un point tel que même vous, M. le Président — et je ne vous en fais pas le reproche, bien au contraire — vous avez revisé votre position...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Maisonneuve ne peut pas discuter ma décision, quelle que soit la perception qu'il en a. J'invite donc de nouveau le député de Sainte-Marie à conclure.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Voici, M. le Président, on parlait depuis quelques minutes de la nomination des deux commissaires qui seraient désignés par le ministre.

Etant donné que certains commissaires observateurs pourraient représenter une minorité de peut-être 15 p.c. de la population d'une commission scolaire, je veux terminer mes observations avec un amendement à l'article 583 qui dirait ceci: Que l'article 583 soit amendé en insérant après le mot "cas", dans la troisième ligne du deuxième alinéa, les mots "qui constituent au moins 20 p.c. de la population de la municipalité scolaire."

Merci, M. le Président.

M. CHARRON: M. le Président...

UNE VOIX: Vous voulez nous faire perdre notre temps, c'est le cas de le dire.

M. LE PRESIDENT: Je déclare l'amendement recevable.

M. CHARRON: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: M. le Président, j'aimerais prendre quelques instants pour vous expliquer pourquoi, au nom de notre parti, de notre formation politique, le député de Sainte-Marie, qui avait la parole à la fin des travaux avant six heures, a tenu à présenter l'amendement qui est présentement en discussion.

Cet amendement, M. le Président, nous ne l'avions pas en tête, je dois le dire, à l'ouverture des travaux et de l'étude de l'article 583. Pour l'excellente raison que vous comprendrez, M. le Président — je n'aurai qu'à faire allusion aux débats qui marquent cette adoption difficile de l'article 583 — que nous avions d'abord choisi de nous opposer, nous le choisissons toujours, d'ailleurs, puis-je vous le rappeler, à l'existence même de ces observateurs.

Les débats ont été longs et les arguments ministériels que nous avons reçus pour le maintien de cet amendement et pour le maintien de l'article 583, que nous serons appelé à discuter à nouveau dès que nous aurons disposé de l'amendement du député de Sainte-Marie, ne nous ont pas encore convaincus qu'il faille intégrer ces commissaires infirmes à l'intérieur de la structure scolaire de Montréal.

Mais vous noterez, pour permettre au débat d'aller plus rapidement qu'il ne l'a fait depuis quelques heures, qu'il y a au fond de l'amendement présenté par mon collègue de Sainte-Marie, une nouvelle attitude. Je vous dis que puisque la majorité ministérielle ne semble pas vouloir revenir sur sa décision et, d'après son vote lors de l'amendement, est déterminée à faire cet accroc au suffrage universel, que nous devons désormais, pour faciliter nos débats et pour toujours dans le même but d'améliorer le projet de loi présentement à l'étude, essayer de sauver les meubles.

M. le Président, sauver les meubles, dans notre langage législatif, voudrait dire: Là où un parti d'Opposition se heurte à l'entêtement ministériel, il essaie d'utiliser tous les moyens qui sont à sa disposition dans nos règlements et que vous faites respecter avec beaucoup de sagesse, M. le Président. Dans nos règlements, il est permis de suggérer des amendements. Or, de la même manière que le député de Verchères, ministre de l'Education, a présenté son amendement, nous voulons être sûrs que cet amendement ne détruira pas un principe qu'il est interdit d'attaquer, puisque nous l'avons adopté en deuxième lecture, celui du suffrage universel.

Nous sommes à sauver les meubles. Puisque la majorité gouvernementale endosse cette volonté de faire un accroc au principe du suffrage universel et à la structure démocratique des commissions scolaires, nous disons: qu'elle ait la moindre portée possible. L'amendement du

député de Sainte-Marie a une autre justification. Sans vouloir vous référer à l'avance, si c'était possible, aux débats qui porteront sur d'autres articles du projet de loi, vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que parmi les amendements annoncés par le ministre de l'Education, il en est un que nous avons invoqué lorsque nous avons étudié l'article 582, celui qui vise à remettre à peu près entière liberté, dans l'édification de la nouvelle carte scolaire de l'île de Montréal, au conseil provisoire qui entrera en fonction aux termes mêmes de la loi, le 15 février 1972.

L'amendement du député de Sainte-Marie vient apporter une précision au mandat ou va avoir des conséquences, devrais-je dire, dans le mandat que recevront les membres du conseil provisoire appelé à édifier cette nouvelle carte. En effet, il se pourrait que, profitant de la liberté de manoeuvre que la loi 28 accordera au conseil provisoire, nous nous retrouvions demain avec sept, huit, neuf, dix ou onze municipalités scolaires sur l'île de Montréal. Prenant l'hypothèse qui a marqué nos travaux, celle de onze commissions scolaires, il n'est pas dit, il n'est pas entendu et personne n'a le moyen de savoir ce soir si les onze municipalités scolaires auront les mêmes contours géographiques ou plutôt les mêmes délimitations géographiques que celles sur lesquelles nous avons travaillé pendant les travaux de la commission parlementaire. Ceci peut vouloir dire que nous nous trouverions, à la suite de cette nouvelle carte scolaire que nous ne connaîtrons qu'en novembre 1972, avec une nouvelle répartition majorité-minorité à l'intérieur des commissions scolaires.

Il pourrait se produire, par une nouvelle délimitation, par exemple, dans l'Est de Montréal, que vous vous trouviez avec une commission scolaire qui porte actuellement le no 9, avec une nouvelle commission scolaire où la minorité locale anglophone ne compterait que 4p.c, 5 p.c. ou 10 p.c. à peine de la population là-bas. Si l'article 583 était adopté sans l'amendement du député de Sainte-Marie, les 4 p.c, 5p.c. ou 10 p.c. d'anglophones de cette minorité se trouveraient dotés d'une représentation trop élevée, quant à nous, par rapport à la force démographique qu'ils occupent sur le territoire de cette municipalité scolaire et qui leur est accordée. A une minorité qui pourrait être de l'ordre aussi infime...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je sais que c'est l'intention du député de Saint-Jacques de faire perdre le temps de cette Chambre. Je voudrais vous demander de lui rappeler, pour la pertinence des débats, qu'il s'en tienne exclusivement à son amendement...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. En vertu de l'article 285, paragraphe 19 je demanderais que vous demandiez au ministre de l'Education de retirer ses paroles — tout à fait en contravention avec les dispositions de l'article 285, paragraphe 19 — qui imputent directement ou indirectement, des motifs indignes ou des intentions mauvaises à un député. Là il y a eu mention directe non pas à un parti mais à un député, le député de Saint-Jacques, à qui on a attribué des motifs, des intentions ou des propos inavoués, M. le Président, je vous demanderais de faire ce qui est uniquement votre devoir et de demander au ministre de l'Education de retirer ses paroles.

Il n'a pas le droit de prêter ces intentions au député de Saint-Jacques de retarder indûment et volontairement les débats.

M. LE PRESIDENT: J'ai lu en même temps que le député de Maisonneuve le paragraphe 19. Je ne me rappelle pas textuellement ce qu'a dit le ministre de l'Education mais je déclare sans aucune équivoque que si le ministre de l'Education a dit que c'était l'intention de retarder les débats...

M. BURNS: Ce sont les mots, exactement...

M. LE PRESIDENT: Si c'est ce qu'il a dit, je ne lui demande pas de les retirer parce qu'il n'y a rien d'inavoué, rien qui se rattache au paragraphe 19. C'est un jugement de valeur que l'on peut partager ou ne pas partager mais je ne crois pas que l'article 19 couvre le fait de dire qu'un ou des députés retardent indûment les travaux.

M. LESSARD: Seigneur, délivrez-nous, pitié!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je disais, M. le Président, que nous adoptons, en fin de compte, une nouvelle structure scolaire à Montréal que nous ne connaissons pas encore dans sa réalité géographique; qu'il pourrait se trouver, au lendemain de l'adoption de cette loi, que, par arrêté ministériel, sur recommandation du conseil provisoire de la structure, on adoptât une carte où se trouveraient des minorités, de l'ordre de 10 p.c. ou inférieur à 10 p.c, dans une localité; et que si l'article 583 du projet de loi était adopté sans y ajouter la discussion intéressante et fort valable qu'apporte l'amendement du député de Sainte-Marie, cette même mince minorité locale à l'intérieur d'une municipalité scolaire pourrait se prévaloir du droit antidémocratique, quant à nous, mais qui figure à l'article 583, d'avoir deux commissaires pour la représenter si, au lendemain d'une élection générale sur le territoire de cette commission scolaire, elle se trouvait sans représentant.

Je dis que la nomination de deux commissaires supplémentaires, aussi infirmes qu'ils soient dans le projet de loi, n'est pas démocratique, encore une fois, à moins que nous ne soyons

assurés de la taille de cette minorité. Ce que vise l'amendement du député de Sainte-Marie c'est de fixer un minimum en de ça duquel toute minorité ne pourrait penser se prévaloir de deux commissaires sur dix-sept.

Il est entendu que, s'il faut trouver une justification, aussi mince soit-elle — et je vous répète que nous n'en avons pas été convaincus — à l'existence de ces commissaires antidémocratiques sur l'île de Montréal si l'argument fondamental est la nécessaire représentation d'une minorité, il faut être au moins sûr que cette minorité est de taille suffisante pour un tant soit peu justifier l'accroc au principe du suffrage universel que signifie l'amendement du ministre de l'Education dont nous avons déjà disposé.

L'amendement du député de Sainte-Marie dit 20 p.c. S'il se trouvait qu'au lendemain d'une élection une minorité importante représentant le cinquième de la population d'une commission scolaire, par suite du suffrage universel, à cause peut-être d'une injuste délimitation en quartiers dont nous aurons à parler à l'article 584, ou à cause de manoeuvres électorales d'un parti ou d'une formation quelconque sur le territoire de la municipalité scolaire au moment des élections — vous connaissez les élections mieux que moi — s'il se trouvait, dis-je, qu'une minorité aussi importante que 20 p.c. soit sans représentant à la commission scolaire de cette municipalité, alors pourrait commencer à poindre un minimum de début de justification à l'amendement du ministre de l'Education que la Chambre a adopté sur division il y a déjà quelque moment.

C'est pourquoi je parle de la justification que j'apporte, si vous voulez, à l'amendement du député de Sainte-Marie dans les termes mêmes qu'a évoqués le ministre de l'Education dans la défense de son amendement. Première motivation, a-t-il dit, c'est pour représenter une minorité qui ne serait pas à la commission scolaire au lendemain d'une élection. Nous disons tout simplement: Soit. Si la Chambre a disposé de cet amendement et insiste pour qu'il figure à l'article 583, soit. Vous voyez par là que nous acceptons de faire avancer nos travaux et que nous acceptons la décision que la Chambre a déjà prise sur cette question. Mais il ne suffit pas de dire ce principe. Il faut lui accorder une plus grande justification.

Le député de Sainte-Marie dit: C'est lorsque cette minorité sera d'un ordre suffisamment important, qu'il a fixé à 20 p.c, ce qui me semble parfaitement justifié. Pourquoi a-t-il dit 20 p.c. Parce qu'une minorité de cette importance est problématique nécessairement et qu'il faut alors, si elle n'a pas reçu de voix dans le suffrage universel, certainement faire quelque chose à son égard. Je pense simplement au fait que nous représentons, dans le pays dans lequel nous vivons toujours, une minorité de cette importance et nous avons suffisamment prouvé à la population de ce pays que nous étions une minorité problématique. Vingt pour cent, dit le député de Sainte-Marie, et non pas 10 p.c. Dix pour cent auraient été simplement l'évocation ou le rappel triste, si vous voulez, de ces fameux districts bilingues que comportaient les recommandations de la commission Gagnon-Dunton. Vous connaissez le genre de toiles qui a entouré ces recommandations disant que véritablement s'efforcer de faire d'un district bilingue, d'imposer une deuxième langue à 90 p.c. de la population lorsqu'il y a une aussi infime minorité que 10 p.c. dans un endroit qui le réclame est vraiment de trop.

Evidemment, cette bêtise a déjà été cataloguée et le député de Sainte-Marie, dans sa grande sagesse, n'a pas voulu la rapporter à l'intérieur de la structure scolaire de l'île de Montréal.

Je pense que le chiffre ou la proportion de 20 p.c. qu'il évoque dans son amendement mérite l'attention de la Chambre, mérite la considération du parti ministériel pour justement étayer un peu plus, ajouter un peu plus d'argument de qualité à la motivation que nous avons entendue déjà depuis plusieurs minutes et qui a valu à la Chambre d'endossement de l'amendement du ministre de l'Education.

C'est fait dans un esprit de collaboration qui vise à l'amélioration de la structure scolaire de l'île de Montréal. Ce n'est pas le premier amendement que nous présentons. C'est, je crois, le deuxième qu'il vous a plu de recevoir selon l'étiquette de nos règlements.

Comme le premier, M. le Président, il ne vise qu'à une meilleure loi. Il ne vise qu'à assurer, en même temps, par une série d'améliorations que nous nous proposons bien d'apporter à chacun des articles du projet de loi où il sera possible de le faire, que le principe sur lequel nous avons voté et sur lequel nous sommes toujours d'accord, recevra, dans son application concrète, s'il est amélioré par des amendements du style de celui présenté par le député de Sainte-Marie, dès son instauration comme structure provisoire et, encore plus, lorsqu'il deviendra structure permanente, un accueil qui ne soit pas marqué à l'égard de n'importe qui d'accrocs, de frustrations ou de mauvais entendements de l'intention du législateur.

Ce n'est que pour améliorer cette structure que le député de Sainte-Marie dit: Bon, s'il faut endurer cet accroc au principe du suffrage universel et à la nature même des commissions scolaires, soit, mais faisons-le lorsqu'il y a justification dans les faits. Ne le faisons pas simplement parce qu'une minorité, au lendemain de l'évolution démographique, se trouverait moindre qu'elle ne l'a jamais été dans une municipalité scolaire. Pourtant, elle pourrait toujours se prévaloir de cet article, car vous savez que nous ne faisons pas des restructurations scolaires, Dieu merci, toutes les semaines. Celle que nous nous apprêtons à modifier sur l'île de Montréal date d'une centaine d'années. Je ne dis pas que nous attendrons encore cent

ans avant de modifier la structure scolaire. D'ailleurs, dès que nous prendrons le pouvoir, nous nous appliquerons à modifier cette structure scolaire.

UNE VOIX: Il rêve en couleurs.

M. CHARRON: Je dis seulement, M. le Président, que nous devons, en adoptant cette structure, faire face aux défis de l'avenir. Les défis de l'avenir, c'est l'évolution démographique du Montréal métropolitain et de la ville de Montréal. On pourra me dire que, dans la municipalité scolaire — je le dis au hasard — no 7 par exemple, la minorité actuelle est de 23 p.c. et qu'elle nécessite l'article 583. Qui me dit, M. le Président, qu'au hasard des déménagements, de l'immigration, de l'émigration, elle sera du même ordre en 1980? Qui me dit que la minorité locale, dans cette même commission scolaire, lorsque s'appliquera le projet de loi, ne sera plus que de l'ordre de 4 p.c. ou de 5 p.c, presque complètement assimilée peut-être — je le souhaite — à la majorité francophone?

Alors, qu'est-ce qui justifierait, à ce moment-là, l'application intégrale de l'amendement, dont nous avons disposé, du ministre de l'Education et qui permettrait à une aussi infime minorité, dans un territoire, de se prévaloir de 2 sièges sur 17 à l'intérieur d'une structure scolaire? J'ai dit, dans mon discours de deuxième lecture, que nous devions adopter une loi qui non seulement corrigeait le passé, qui non seulement était efficace pour le présent, mais qui aussi était ouverte et disponible aux changements de l'avenir.

Voilà comment le député de Sainte-Marie endosse ce défi d'ouverture à l'avenir en disant, tout simplement, dans l'amendement qu'il a présenté, qu'il faudra quand même s'assurer que, malgré tous les hasards démographiques de l'avenir — M. le Président, je vous signalerai qu'ils jouent bien plus à notre encontre qu'à l'encontre de la minorité anglophone — l'accroc au principe du suffrage universel ne devienne encore plus grave lorsque cette structure ne sera vieille que de quatre ou cinq ans et qu'il sera encore, peut-être, trop tôt pour songer à la modifier.

Le député de Sainte-Marie apporte cet amendement tourné vers l'avenir, M. le Président beaucoup plus que vers le présent, même si — je vous le rappelais au début de mon intervention — du fait que nous ne connaissons pas la carte scolaire de Montréal, il se peut que, dès son entrée en vigueur, il y ait des commissions scolaires où la minorité ne soit pas plus importante que 5 p.c. ou 6 p.c. et qu'elle se prévale de l'article 583, à l'aide de ces commissaires-tirailleurs, pour venir embêter le travail des élus du peuple.

Je ne reviens pas sur les arguments dont nous avons déjà disposé, M. le Président, mais j'insiste, en terminant, pour vous dire qu'ils ne vont pas du tout à l'encontre du principe de l'amendement du ministre.

Ils ne visent qu'à le préciser et à lui donner une résonnance qui soit un tant soit peu plus démocratique. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté avec grande attention l'argumentation du député de Saint-Jacques. Inutile de vous rappeler, M. le Président, que nous nous sommes opposés et que nous nous opposons encore à la volonté du ministre de nommer, par l'article 583, des observateurs qui, soi-disant, seront préposés à la surveillance des droits de la minorité.

Il reste, toutefois, que l'argument qu'a présenté le député de Saint-Jacques à l'appui de sa proposition d'amendement ne me paraît pas très solide. Il ressemble beaucoup plus à un artifice de procédure appuyé davantage sur des raisons spécieuses que sur une compréhension exacte de la notion qu'il peut avoir, et qu'il a défendue en cette Chambre, de la démocratie.

Au nom de la démocratie, un grand nombre de députés de cette Chambre, membres de l'Opposition, ont demandé au ministre de ne pas inclure dans le projet de loi la nomination de tels observateurs. Le député de Saint-Jacques nous dit: Bon, le ministre ne semble pas vouloir renoncer à la volonté qu'il a exprimée de nommer ces observateurs. Essayons de limiter les dégâts, de sauver les meubles, qu'il a dit, en incluant cette proposition d'amendement: Que l'article 583 soit amendé etc., après le mot "cas," en ajoutant les mots suivants "qui constitue au moins 20 p.c. de la population de la municipalité scolaire".

A première vue, M. le Président, on pourrait croire que l'application d'une pareille disposition, dans le texte de l'article 583, constituerait une sorte de préservatif contre ceux qui voudraient, en somme, brimer les citoyens qui veulent user pleinement de leur droit démocratique. Je pense que l'amendement du député de Saint-Jacques ne peut pas atteindre le but qu'il se propose. En effet, même s'il inclut cette limite de 20 p.c, il n'en reste pas moins que les dix observateurs seront présents là où il y aura une population correspondant au pourcentage qu'a indiqué le député de Saint-Jacques.

Ainsi donc, en voulant défendre le principe de la démocratie, le député de Saint-Jacques se trouve à l'attaquer. Nous, nous voulons un respect intégral du principe de la démocratie, c'est-à-dire l'exercice du suffrage universel.

Le député de Saint-Jacques, dans le but — et je ne lui prête pas d'intention, je crois qu'il a de bonnes intentions — d'amener le ministre à résipiscence, en arrive petit à petit à relâcher de sa rigueur sur la question de la démocratie et de proposer qu'on accepte enfin un pourcentage de population, qu'on accepte de nommer des observateurs là où il y a tel pourcentage de population, soit 20 p.c.

Ceux qui ont proposé cet amendement, qui

en sont les auteurs et qui l'ont pensé me diront si je suis dans l'erreur, mais cela m'apparaît premièrement illogique, cela me paraît correspondre à une politique de ghetto et je pense que ça serait un moyen de créer des ghettos que de fractionner selon des pourcentages qui seront variables parce qu'il y a les migrations de population, il y a ce mouvement continu d'une population qui se déplace d'un secteur à l'autre. J'ai l'impression que le député de Saint-Jacques ramollit, si je puis dire, qu'il est moins rigoureux dans l'application du principe des droits démocratiques.

Et j'ai l'impression que, sans s'en rendre compte, par ce biais — qui me paraît être un artifice de procédure spécieux — le député de Saint-Jacques nous ramène à une idée qui a déjà été discutée en cette Chambre il y a déjà quelques années maintenant, à ce problème d'un rapport de proportion au regard des droits de la minorité, idée qui avait été défendue ici par celui qui était alors le représentant du Parti québécois, M. René Lévesque.

Moi, je me dis ceci: Il y a démocratie ou il n'y a pas démocratie. J'estime que le ministre porte atteinte aux droits démocratiques en nommant des observateurs. Nous avons discuté la question, je n'y reviens pas, nous avons fait connaître nos positions. Le député de Saint-Jacques, en nous proposant son amendement, le fait aussi dans le but de respecter les droits de la démocratie, mais déjà il les réduit puisqu'il accepte une sorte de concession, une sorte de compromis quand nous, nous ne faisons ni concession ni compromis. C'est le suffrage universel ou ce ne l'est pas, point final.

Ce n'est pas cette acceptation de l'amendement du député de Saint-Jacques qui va bonifier un principe qui est mauvais en soi. Et je crois qu'à l'usage, en pratique, ce que nous propose le député de Saint-Jacques rendra encore plus compliqué l'exercice de la démocratie, puisqu'à un endroit il y aura un observateur, en d'autres endroits il n'y en aura pas, selon des pourcentages de population qui seront variables, à cause de la mouvance des populations sur l'ensemble d'un territoire.

Je dis que, lorsqu'on parle de respect de la démocratie, il faut le considérer de façon intégrale. C'est comme lorsqu'on parle de respect des droits de la minorité. Si on admet que la minorité a des droits, on ne peut pas fractionner ces droits. On l'admet, point final.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permettrait une brève déclaration?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, je vous en prie, M. le ministre.

M. SAINT-PIERRE: Je vois que le député de Gouin est à rebours, puisqu'il dort depuis cinq minutes et pourtant je trouve vos paroles très éloquentes, c'étaient ses paroles à lui qui étaient endormantes.

M. LAURIN: Sur un point de règlement. Je pense que le député de Verchères a mal vu, on a parfaitement le droit de mettre une main sur son front pour réfléchir et on ne doit pas imputer des comportements sans preuve.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je considère le député de Bourget plus sérieux que ça.

M. DEMERS: M. le Président, est-ce que je pourrais suggérer que ceux qui endorment les réveillent aussi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Disons que le ministre de l'Education et mon collègue le député de Bourget se sont tous les deux taquinés cela évoque le penseur de Rodin.

M. LAURIN : Cela, c'est mieux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je disais que le respect de la minorité comme le respect des droits démocratiques, à mon sens, ne se fractionne pas. On accepte de respecter la minorité ou on n'accepte pas de la respecter. On ne peut pas choisir. Et si je fais cette argumentation, c'est que sous-jacentes à toutes ces propositions et particulièrement à la proposition du député de Saint-Jacques, c'est que je sens venir d'autres choses.

Ce n'est pas une intention que je lui prête, parce que je sais qu'il aura publiquement l'occasion de dire ce qu'il pense et qu'à un moment donné on va retrouver le principe de ce fractionnement de droits à propos d'autres problèmes que nous avons déjà évoqués, mais qui, je sais, vont revenir sous une autre forme. Revenant à l'objet même de la proposition de l'amendement du député de Saint-Jacques, je me dis que non seulement on n'améliore pas la loi, parce que la proposition du ministre de nommer ses observateurs est mauvais, mais qu'elle la rend encore plus mauvaise puisque... En plus, elle met le député de Saint-Jacques dans une contradiction, puisque c'est lui maintenant qui devient moins rigoureux, par rapport aux positions initiales qu'il avait prises. Evidemment je laisse à ceux qui ont pensé cet amendement de me l'expliquer davantage, afin que je voie mieux s'il se justifie, mais dans les circonstances je ne pense pas pouvoir appuyer ce type d'amendement.

DES VOIX: Vote. Vote.

M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, les membres du Parti québécois viennent de déposer un amendement qui se lit comme suit: Que l'article 583 soit amendé en insérant après le mot "cas", dans la troisième ligne au deuxième alinéa, les mot suivants." qui constitue au moins 20 p.c. de la population de la municipalité scolaire."

M. le Président, nous avions proposé également, au niveau de l'article 583, certains amendements, mais afin que les commissaires élus, afin que les commissaires au niveau de chaque commission scolaire représentent la majorité et la minorité, de telle sorte que l'on tienne compte véritablement, dans le mécanisme législatif, du pluralisme qui existe sur l'île de Montréal, tant au point de vue linguistique qu'au point de vue confessionnel.

A mon sens, si le gouvernement n'a pas encore de politique linguistique définie, s'il n'a pas encore eu l'occasion depuis deux ans de prendre de décisions précises en cette matière, je pense que ce n'est pas à ce moment-là la responsabilité de l'Opposition. Mais, M. le Président, la population du Québec, d'un Québec qui est quand même en majorité française sera en mesure de juger si véritablement ceux qui ont été choisis il y a deux ans ont pris les décisions que leur mandat leur confiait.

Je pense que si l'on tablait uniquement sur le principe de base qui est inclus dans l'amendement du Parti Québécois présentement, l'on ne pourrait faire autrement qu'être d'accord, pour être logique, en ce qui me concerne, avec les amendements que nous avons proposés. Cependant, M. le Président, il s'avère que, dans la pratique, ce qui est proposé présentement est complètement impossible, pour différentes raisons.

Tout d'abord, je n'ai pas l'intention de revenir sur la recevabilité de la motion. Cependant, je m'étonne que l'on ait reçu une telle motion, qui parle d'un pourcentage précis pour assurer une représentativité, alors que nous avions eu l'occasion — j'avais eu l'occasion de le faire moi-même au nom de mon parti — de présenter certains amendements qui, ne parlant pas de pourcentage, parlaient au moins de représenter le plus équitablement possible le pluralisme qui pouvait exister au niveau de l'île de Montréal, dans les cadres juridiques de la loi no 28.

Je ne comprends pas non plus, M. le Président, pourquoi le Parti québécois propose actuellement une telle motion, alors que lorsque nous avons discuté de la nomination possible de deux commissaires pour représenter les minorités francophones et anglophones, le Parti québécois, à ce moment-là, s'était prononcé entièrement contre.

Pour ma part, je n'ai pas le choix puisqu'à mon sens il nous faut être logique jusqu'au bout. C'est impossible d'être logique à demi ou d'être honnête à demi. A mon sens, les amendements que nous avons eu l'occasion d'apporter à notre tour, nous les avons défendus avec vigueur mais nous n'acceptons pas de compromis.

Les parlementaires se sont prononcés sur ce que nous avons apporté et Votre Excellence s'est prononcée également sur la recevabilité de certaines motions que nous avons proposées. Nous avons eu l'occasion, à ce moment-là, d'exprimer les motifs et les motivations sincères qui se voulaient être à l'appui de ces motions. Devant, premièrement, soit la non-recevabilité ou devant la non-acceptation des parlementaires en commission de ces mêmes motions, nous avons accepté le verdict en tenant compte du fait que, si le gouvernement ne voulait absolument pas démordre de ses positions, il aurait lui-même à répondre de ses politiques face à la population.

Je pense qu'à ce moment-là le rôle que nous avions à jouer, nous l'avons joué jusqu'au bout en respectant non seulement le programme qui nous a permis d'être élus en cette Chambre mais en respectant également l'économie de nos règlements, en respectant également le droit de parole de tous et chacun des députés en cette Chambre puisque nous ne sommes intervenus en aucun moment pour brimer les droits de parole, en respectant également les décisions que vous aviez rendues, M. le Président, puisque nous reconnaissions votre autorité.

Devant de tels faits, je pense qu'il serait illogique de ma part, au nom de mon parti le Ralliement créditiste du Québec, d'appuyer une telle motion puisque nous nous sommes fait, jusqu'ici, les défenseurs d'une logique qui n'acceptait aucun compromis. Nous avons fait connaître clairement nos positions en matière linguistique, en disant que, si le gouvernement n'avait pas de politique globale, il devait quand même prendre ses responsabilités au niveau du bill 28 et ne pas se cacher derrière la commission Gendron pour attendre un rapport qui, tout personnel qu'il puisse être dans une semaine ou deux, n'amènera autre chose peut-être que certaines indications vagues. Le gouvernement se retrouvera, à ce moment-là, encore devant une décision à prendre, c'est-à-dire face à lui-même, face au mandat que la population du Québec a bien voulu lui confier il y a près de deux ans.

Sur le deuxième point, la confessionnalité, nous avons également pris des positions claires, nettes, précises et bien définies. Nous n'avons pas l'intention, à ce moment-ci...

M. LE PRESIDENT: Je voudrais rappeler à l'honorable député de Richmond qu'il doit s'en tenir à l'amendement présentement devant nous. Je ne vois rien, dans cet amendement, qui, ni directement ni indirectement, parle de confessionnalité. Il est uniquement question de cela. L'amendement, si on le rattache à l'article 583, parle de la question ethnique mais non pas de confession.

M. BROCHU: M. le Président, je me soumets volontiers à vos directives. Malgré que nous n'ayons pas le privilège en cette Chambre d'appeler nominalement un député, j'aimerais simplement vous mentionner que je n'oserais être plus hardi dans mes remarques.

Qu'il me soit permis simplement...

M. CHOQUETTE: Vous pouvez vous permettre d'être audacieux.

M. BROCHU: Je vous remercie, M. le ministre. Je voulais simplement me donner une légère permission, celle de faire un parallèle entre l'attitude que nous avons adoptée depuis le début de ce débat et la position que nous entendons prendre sur la motion présentée actuellement par le Parti québécois.

Pour terminer, vous mentionnez que sur l'aspect confessionnel nous avons pris position, que nous avons demandé au gouvernement de donner une représentation adéquate, compte tenu du pluralisme qui existe à ce niveau sur l'île de Montréal, de donner aux cadres juridiques de la loi 28 toute l'ampleur d'une société québécoise moderne qui veut se doter d'un système qui réponde à ses aspirations et à son entité totale. Devant ce fait, j'ai l'intention, ainsi que mon parti, de continuer cette même attitude logique, du commencement à la fin, de manifester exactement les désirs et les positions que nous avons manifestés depuis le début, de n'accepter aucun compromis et simplement de signifier que le gouvernement, s'il a l'intention de continuer dans la position qu'il a prise à l'heure actuelle de ne changer rien, aucun iota dans sa loi, aura la pleine et entière responsabilité de l'action qu'il prend présentement. Pour notre part, nous n'avons pas l'intention de continuer, à l'exemple du Parti québécois, à vouloir proposer des demi-mesures, des quarts de mesure, des huitièmes de mesure, mais nous maintenons nos positions et lors de la prochaine élection ce sera le gouvernement qui répondra de sa politique globale.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, à maintes et maintes reprises dans cette Chambre nous avons très souvent été accusés de discuter dans l'absolu, dans les nuages, dans l'irréalité.

M. HARVEY (Jonquière): Avec raison.

M. LESSARD: Je suis d'accord avec le député de Chicoutimi lorsqu'il affirmait que le principe de la démocratie est un principe qui n'est pas divisible, un principe absolu pour lequel il faut se battre et qui n'accepte aucun compromis. Cela, c'est la solution des purs, de ceux qui, si on ne le savait pas, n'auraient même pas voté le bill 63, de nos amis les créditistes qui n'acceptent pas de voir la réalité et de voir l'article 583 tel qu'il est là.

Nous aussi nous sommes opposés aux amendements du ministre. C'est voté et nous n'avons pas du tout l'intention de revenir sur ce point. Mais il y a une chose que nous constatons, c'est que l'amendement du ministre dit: "Toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité francophone ou anglo- phone, selon le cas, n'est pas représentée par suite de l'application de l'alinéa précédent, nommer, sur la recommandation du ministre, deux autres commissaires d'écoles pour des mandats d'une année scolaire après consultation des présidents du comité consultatif d'école de la minorité concernée."

Il s'agit d'un amendement complètement imprécis. On peut soutenir, comme le Ralliement créditiste, comme l'Union Nationale au niveau des principes absolus... Qu'est-ce que le parrain du bill 63 voulait dire?

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: M. le Président, premièrement, il n'existe plus en cette Chambre de parti de l'Union Nationale et si j'étais, comme on dit en anglais, "the godfather of bill 63, I was not the father of it".

M. LESSARD: Alors, M. le Président, ce parrain qui, semble-t-il, ce pourquoi, vous l'avez félicité, d'ailleurs...

M. CHOQUETTE: Vous savez que c'est illégal.

M. LESSARD: ... intervenait jamais lorsqu'un autre député parlait...

M. CHOQUETTE: Il est sorti des délais, on a dix jours pour contester la paternité.

M. LESSARD: Le ministre de la Justice a-t-il terminé?

Alors, M. le Président, nous demandons à ce parrain de s'en tenir au principe absolu...

M. CHOQUETTE: A part cela, il faut être en mesure de plaider absence. Vous n'étiez pas absent.

M. LESSARD: ... qu'il a affirmé cet après-midi.

Qu'il ne se scandalise pas du fait que d'autres députés en cette Chambre interviennent pendant qu'un député parle, puisqu'il vient de le faire tout à l'heure.

Je disais donc qu'on peut, tout simplement, comme on l'a fait lorsque le ministre a présenté son amendement, s'en tenir aux principes absolus. On peut défendre les principes démocratiques. Nous l'avons fait, d'ailleurs, avec énergie. Nous avons démontré au ministre qu'il était absolument inacceptable qu'on nomme, comme cela, deux représentants des minorités, alors que les quinze autres membres étaient élus au vote universel par la population. Mais il y a un fait qu'on constate, qu'on voit, qui est là, c'est que, malgré notre opposition, malgré l'opposi-

tion énergique du Parti québécois, malgré l'opposition un peu timide d'Unité-Québec, comme d'habitude, malgré l'opposition du Ralliement créditiste, cette majorité gouvernementale, qui ne représente que 45 p.c. de la population, a décidé de passer outre à nos revendications et à tous les arguments logiques que nous lui avions proposés. Nous arrivons maintenant avec un amendement tel que celui que j'ai lu tout à l'heure.

Le ministre a tous les pouvoirs maintenant de nommer, après avoir consulté peut-être les comités d'école, deux observateurs. Mais il y a quand même une juste mesure à la démocratie. Il faut quand même que cela soit justifié. Il faut quand même arrêter de représenter les minorités, si ces minorités ne représentent absolument rien. Il faut quand même fixer un chiffre à cela. C'est pourquoi le député de Saint-Jacques, tout à l'heure, disait qu'il fallait sauver les meubles. Nous sommes complètement d'accord sur le principe absolu de la démocratie. Nous l'avons affirmé avec énergie. Mais il faut quand même considérer le plan.

Si le député de Chicoutimi veut s'en tenir à la démocratie dans l'absolu, c'est son droit. Je le reconnais. Si les créditistes veulent faire la même chose, c'est leur droit. Cependant, je pense qu'en pratique il faut quand même constater une chose, c'est qu'on ne peut pas accepter cet amendement qui nous a été proposé par le ministre à n'importe quel prix. Il faut quand même fixer un arrêt à cela. Il faut quand même voir si ces minorités linguistiques, avec tous les droits qu'on leur reconnaît, représentent quelque chose.

J'ai dit, lorsque j'ai discuté de cet amendement du ministre, que j'appréhendais le jour où, dans ma région où il n'y a qu'une seule commission scolaire et où la minorité anglophone ne représente qu'un très léger pourcentage, ces minorités exigeront avec droit et avec raison, les mêmes privilèges qu'on leur accorde en vertu de l'article 583 du bill 28.

Pourquoi un anglophone du comté de Saguenay, un anglophone de Baie-Comeau ou de Hauterive ne serait-il pas aussi bien représenté qu'un anglophone de la région de Montréal? Si on veut appliquer des principes dans l'absolu, qu'on les applique mais qu'on les applique honnêtement, légitimement. Nous voulons, nous aussi, nous en tenir au principe, dans l'absolu si on veut.

Je pense que, s'il y a des gens, en cette Chambre, qui se sont battus pour des principes, c'est bien nous. On nous a même accusés, comme je le disais au début, d'être dans les nuages.

UNE VOIX: Vous êtes dans les nuages aussi.

M. LESSARD: Est-ce que vous avez des questions à poser?

M. CHOQUETTE: Non, je riais.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre de la Justice veut intervenir?

M. CHOQUETTE: J'ai bien le droit de rire.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre de l'injustice voudrait intervenir?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. CHOQUETTE: Oh! Oh! Rétractez-vous. Ce n'est pas parlementaire.

M. LESSARD: Merci, M. le Président.

UNE VOIX: Nous allons vous retourner la carte.

M. LESSARD: Alors, je disais, M. le Président, que bien souvent on nous a accusés, nous, les membres du Parti québécois, d'être des gens qui n'avaient pas conscience de la vie qui se passait sur terre, des gens qui n'avaient pas d'expérience parlementaire, des gens qui venaient d'arriver dans le système et à qui on allait montrer comment cela fonctionne, nous, les vieux politicailleurs du système. Alors, M. le Président, je disais donc...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! J'ai permis, et j'ai peut-être trop permis...

M. LESSARD: M. le Président, je pense que je ne viole pas le règlement.

M. LE PRESIDENT: ... au député de Saguenay de faire des comparaisons, de parler d'absolu et de non-absolu et tout cela. A titre d'exemple, il pouvait peut-être le faire mais cela ne fait pas partie de la substance de la motion d'amendement. Je pense qu'il a suffisamment expliqué qu'il n'était pas dans l'absolu. Je pense qu'il pourrait revenir maintenant sur terre, c'est-à-dire à l'amendement proposé par son collègue.

M. LESSARD: M. le Président, je suis toujours sur le sujet de l'amendement proposé par le député de Sainte-Marie.

On nous a dit, tout à l'heure, et on nous en a fait un reproche que nous nous étions battus au niveau du comité plénier contre l'amendement du ministre qui nous proposait deux observateurs. On nous disait que nous nous étions battus en vertu du principe que nous ne pouvions admettre des accrocs à la démocratie. Avec cela, M. le Président, je pense que je suis d'accord. Le député de Saint-Jacques s'est battu, avec intelligence, contre l'amendement du ministre. Cet amendement, il est accepté. Nous n'avons pas à revenir dessus. Si nous nous sommes battus, c'est certainement au niveau d'un principe qui, celui-là, comme je le disais, est un principe absolu.

Mais, il y a quelque chose de pratique et je

pense que les honorables députés qui ont tenté, dans le passé, de nous donner des conseils, devraient maintenant revenir au terre à terre et constater qu'il faut au moins limiter les dégâts d'un article invraisemblable et inacceptable d'un amendement du ministre de l'Education. Il nous amène deux observateurs sans nous dire jusqu'à quelle limite, jusqu'à quel pourcentage de gens minoritaires nous allons accepter ces observateurs. Il faut quand même que cela représente quelque chose. Il faut quand même que cela ne soit pas mis là simplement pour satisfaire une minorité que le parti ministériel connaît bien et qui lui est fortement attachée. Il faut, quand même, que cela ne soit pas n'importe quelle minorité. Voyez-vous le jour où une minorité qui représente 0.3 p.c. exigerait d'avoir deux observateurs au niveau d'une commission scolaire?

Voyez-vous ça? Je vous prends à témoin, M. le Président. Je sais que vous êtes quand même quelqu'un qui est logique. Je sais quand même que vous êtes, M. le Président, quelqu'un qui est logique. Je sais quand même que vous êtes, M. le Président, quelqu'un qui est démocratique. Une minorité telle que le ministre nous le propose, soit deux observateurs sur quinze, ça veut dire qu'au moins une minorité devrait représenter 14 p.c.

C'est peut-être acceptable, 14 p.c. Nous disons, nous, 20 p.c. parce que je pense que ce sera, à ce moment-là, beaucoup plus représentatif. Mais pour accepter le principe de la démocratie, au moins au Québec, il faut quand même que cette minorité représente quelque chose. Si le parti ministériel veut sous-amender l'amendement qui est proposé par le député de Sainte-Marie, nous sommes bien d'accord. S'il veut mettre 15 p.c. nous sommes prêts à accepter 15 p.c. peut-être, parce que ça représente à peu près deux sur quinze, 14 p.c. des commissaires.

Mais il faut quand même mettre quelque chose. Je disais tout à l'heure — et je vous prenais à témoin, M. le Président — qu'une minorité qui représenterait 0.3 p.c. et qui aurait le droit, en vertu de l'article 583, d'exiger de la part du ministre de l'Education d'avoir deux représentants au niveau de la commission scolaire, M. le Président, ce ne serait pas normal. Pensez-vous que ce serait acceptable? Que cette minorité soit une minorité francophone ou une minorité anglophone, je ne discute pas de ce point-là. Mais je dis par exemple qu'il faut quand même que le ministre accepte que l'on ne représente pas n'importe qui.

Je comprends que le ministre parle ici des minorités francophones ou anglophones, mais dans le multiculturalisme dont nous parlent ses maîtres à Ottawa, on peut aussi bien accepter une minorité grecque, une minorité italienne et ainsi de suite. Je ne vois donc pas pourquoi le ministre de l'Education n'accepterait pas au moins l'amendement que nous lui proposons. Et ça M. le Président, c'est en vertu aussi d'un autre argument. Le ministre nous a dit que, s'il acceptait deux observateurs au niveau des commissions scolaires, c'est parce qu'il voulait diminuer les tensions.

On voulait intégrer population anglophone et population francophone à l'intérieur d'une même commission scolaire, et là où il y aurait des minorités, il faudrait absolument, disait-il, que ces minorités puissent se faire entendre. Et si ces minorités pouvaient ne pas se faire entendre — ce qui, nous semble-t-il, serait normal puisque deux personnes parmi quinze sont toujours minoritaires — elles pourraient au moins rejoindre leurs compatriotes et diminuer les tensions qui pourraient s'élever à la suite des décisions de la majorité des commissaires.

Or, M. le Président, si on laisse la démocratie dans l'absolu, il se peut que le ministre ait raison, il se peut — je ne dis pas qu'il avait raison — il se peut, dis-je, qu'il ait raison, il se peut que les deux observateurs soient des canaliseurs des tensions populaires des minorités qui peuvent être dirigées vers la commission scolaire concernée.

Mais encore faut-il, M. le Président, que ces deux observateurs représentent quelque chose. Encore faut-il que ça se concrétise dans une minorité qui est réelle, qui existe, qui est présente. C'est pourquoi, M. le Président, l'amendement qu'a proposé le député de Sainte-Marie nous apparaît une limite à cette démocratie absolue où on accepterait comme observateur n'importe qui, sans que cet observateur représente quelque chose.

On peut s'étendre de 0.1 p.c. à l'infini. Il faut, quand même, avoir une logique, fixer une limite à cette démocratie. Le principe, en fait, du projet de loi — nous n'avons pas l'intention de le discuter — c'est la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal.

M. BIENVENUE: Le député me permet-il une question?

M. LESSARD: Allez-y, mon cher ministre.

M. BIENVENUE: Au moment où le député dit: "Il y a tout de même des limites à la démocratie", je comprends qu'il ne fait pas allusion au débat actuel?

M. LESSARD: Pas du tout, M. le Président. Nous avons bien démontré que nous avions l'intention de faire notre travail jusqu'au bout, même s'il y avait des ministres qui avaient des billets pour la Floride. Nous, nous n'en avons pas ; ça ne nous préoccupe pas.

M. LE PRESIDENT: La motion.

M. LESSARD: Oui, je reviens sur la motion. Je réponds, tout simplement, au ministre à temps partiel du Revenu.

M. CHOQUETTE: Faites attention de vous faire scalper par les Montagnais quand vous allez retourner dans votre comté.

M. LESSARD: Comme je le disais très souvent, lorsque j'étais étudiant au collège à Montréal: Chez nous, chez les Esquimaux, nous sommes très bien. Malheureusement, c'est lorsque nous revenons à la civilisation que nous constatons les injustices d'un ministère de la Justice comme celui du Québec.

M. CHOQUETTE: Dites-vous que les gens de votre comté ne sont pas des gens civilisés?

M. LESSARD: Ce n'est pas ça du tout. M. CHOQUETTE: Bien, ça m'a l'air.

M. LESSARD: Au contraire, comme le disait Rousseau, l'homme est bon; c'est le ministre de la Justice qui le rend moins bon.

M. CHOQUETTE: Jean-Jacques Rousseau.

M. LE PRESIDENT: Si le député de Saguenay veut quitter le rousseauisme pour revenir à la motion.

M. LESSARD: Mais, moi, je dis que c'est le ministère de la Justice qui le rend méchant.

Je vais être obligé de reprendre les arguments que j'apportais tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable ministre de la Justice à ne pas exposer ses collègues à la tentation.

M. LESSARD: Je disais qu'il faut, quand même, avoir une certaine limite. Il faut quand même prévoir, parce qu'on sait que toute loi doit tout prévoir. Vous, M. le Président, qui êtes un législateur très bien informé, connaissant, vous devez savoir que toute loi doit être faite pour le pire des administrateurs.

Nous avons peut-être actuellement, au niveau du ministère de l'Education, un bon administrateur. Nous n'avons pas, pour le moment, à le juger, mais il faut qu'une loi soit précise, il faut qu'elle soit exacte, il faut que, dans une loi, tout soit prévu. On ne peut pas, en vertu de la démocratie, laisser à la discrétion du ministre le soin de nommer ces deux observateurs, sans avoir auparavant indiqué une norme, un pourcentage. Cela voudrait dire quoi? Cela voudrait dire que quelquefois une minorité de 0.5 p.c. pourrait être représentée par deux observateurs, parce qu'on dit dans la loi: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut". Cela ne veut pas dire qu'il va en nommer tout le temps. Il peut.

Cela voudrait, tout simplement, dire qu'on peut arriver à la situation suivante qu'une minorité, qui représenterait 0.5 p.c., aurait deux administrateurs au niveau des quinze commissaires et qu'une autre minorité qui ne plairait pas au ministre, c'est possible, pourrait avoir 12 p.c. et n'aurait pas d'observateurs au niveau de la commission scolaire.

Selon la loi, c'est tout simplement laissé à la discrétion du ministre. Il me semble donc, M. le Président, que l'amendement du député de Sainte-Marie nous semble réaliste, nous semble absolument acceptable pour la majorité gouvernementale.

De plus en plus, à mesure que les débats avancent, je constate que de plus en plus c'est le Parti québécois qui devient réaliste dans cette Chambre. C'est le Parti québécois qui commence à avoir les deux pieds à terre. C'est le Parti québécois qui essaie de sauver au moins les meubles à l'intérieur de cette loi. C'est le Parti québécois...

M. MAILLOUX: Vous autres, vous ne sauverez pas vos meubles tantôt.

M. LESSARD: Oui? ... qui tente au moins de sauver les meubles à l'intérieur de cette loi.

M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas une grosse police d'assurance.

M. MAILLOUX: Parce que vous êtes dans les meubles,

M. LESSARD: Bon, qu'est-ce qui se passe? L'intelligence du Parti libéral vient-elle de parler, la lumière?

UNE VOIX: Voyons, il est donc bien fin!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Merci, M. le Président, c'est ce que j'attendais d'ailleurs. On va vous montrer ce que c'est que la démocratie...

M. MAILLOUX : Cela ressemble à de la licence.

M. LESSARD: ... ce n'est pas 45 p.c. de la population qui votre pour 72 députés. C'est plus que ça, M. le Président, ce sont trois oppositions qui sont devant vous et qui essaient de faire valoir une certaine...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Non, à l'ordre, M. le Président, pas du tout.

M. LE PRESIDENT: La discussion ne doit pas porter sur l'ensemble des problèmes de la démocratie, mais sur un amendement qui prévoit que l'on pourra nommer des commissaires s'il y a 20 p.c. d'une minorité. Alors...

M. LESSARD: Merci, M. le Président, mais je pense que... M. le Président est-ce que vous pourriez rappeler à l'ordre ces députés d'habitude silencieux, excepté la veille de Noël, qui commencent à un moment donné à être rébarbatifs.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Merci, M. le Président, et si ces députés-là s'inquiètent...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils pratiquent leurs cantiques.

M. LESSARD: C'est ça, si ces députés s'inquiètent, qu'ils soient assurés qu'ils vont revoter sur le bill 63. Je disais donc — parce qu'ils ne comprennent pas ce projet de loi — qu'il faut absolument mettre quand même une limite à cette représentation au niveau des commissions scolaires.

Nous n'avons plus à revenir sur l'amendement qui a été accepté par l'ensemble des députés en cette Chambre, excepté ceux qui représentent 55 p.c. de la population. Nous n'avons plus, M. le Président, à revenir sur cet amendement. Mais nous devons dire que cet amendement, s'il est un accroc à la démocratie, devrait au moins être corrigé par l'amendement du député de Sainte-Marie.

Il me semble, étant donné le milieu dans lequel s'appliquera la restructuration scolaire, que ce pourcentage de 20 p.c. serait logique, serait acceptable, serait représentatif, et surtout, serait démocratique.

D'autant plus que si la minorité, ne représentant pas 20 p.c. de la population, n'avait pas d'administrateur, elle pourrait toujours, du fait qu'elle a toujours la possibilité de se présenter normalement, comme n'importe qui, au moins une fois par mois, aux réunions de la commission scolaire, faire valoir ses revendications. Si, par contre, on veut fixer un certain contrôle à l'intérieur de cette démocratie absolue, tel que l'exprimait tout à l'heure le député de Chicoutimi ou un des députés créditistes, il faut quand même préciser un pourcentage.

UNE VOIX: M. le Président, je crois que nous n'avons pas quorum.

M. TETLEY: Si c'est tellement intéressant, où se trouve le député de Maisonneuve?

M. LESSARD: A part les chemins de Charlevoix, il ne comprend rien.

M. TETLEY: Où se trouvent les députés de Sainte-Marie et de Maisonneuve? Ils trouvent le débat tellement peu intéressant qu'ils ne sont pas présents pendant votre discours.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

A l'ordre! L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président...

M. TETLEY: Appelez le député de Maisonneuve, il est absent. Il n'aime pas votre discours et nous, non plus.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Saguenay a terminé?

M. LESSARD: Non, M. le Président. Est-ce que nous avons quorum, M. le Président? M. le Président, je vous demande de compter. Est-ce que nous avons quorum?

M. LE PRESIDENT: Je déclare qu'il y a quorum.

M. LESSARD: Vous déclarez qu'il y a quorum, M. le Président.

M. LACROIX: Même avec le quorum, avec ce que vous dites, c'est le décorum qui manque.

M. LESSARD: L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine a parlé, M. le Président! Représentant quelque mille électeurs...

M. MARCHAND: On va l'envoyer à la chasse-galerie.

M. LACROIX: Bande d'écoeurants que vous êtes!

M. LESSARD: ... ce député veut imposer à l'ensemble de la province la démocratie qu'il pratique chez lui.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, nous ne sommes pas d'accord.

M. MARCHAND: Ils veulent choisir les deux observateurs et ils vont choisir les deux frères Rose.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. Je reviens, comme le disait le député de Témiscouata, à mon histoire. Je disais qu'il semblait que ce soit nous, du Parti québécois, qui commencions à être réalistes à l'intérieur de cette Chambre. Il semble que ce soit nous qui laissions jouer actuellement les principes absolus de la démocratie et qui acceptions de reconnaître un fait, à savoir l'amendement du ministre de l'Education sur lequel nous n'étions pas d'accord — nous le disons — mais qui a été quand même voté.

Devant ce fait, il nous faut nous plier au rouleau compresseur. Il nous faut accepter cette majorité de députés, qui n'est pas la majorité de la population.

Mais, M. le Président, il nous faut quand même imposer des limites à une démocratie absolue. C'est pourquoi nous avons proposé cet amendement logique, acceptable, d'ailleurs, comme vous l'avez reconnu, M. le Président, amendement qui allait probablement satisfaire

aux objectifs du ministre de l'Education. En effet, le ministre de l'Education nous disait qu'il fallait absolument, dans cette intégration, tenter d'empêcher que se soulèvent des tensions dans la minorité. Alors, s'il arrivait que cette minorité représentant 2 p.c, 3 p.c. ou 4 p.c. ait deux observateurs, est-ce que ce serait véritablement démocratique?

Demandez-vous, M. le Président, vous qui êtes quand même une personne intelligente, comment les quinze représentants de la majorité, de 97 p.c. de la population, regarderaient les deux observateurs représentant 3 p.c. de la population, qui viendraient tenter bien souvent d'empêcher que les décisions se prennent à l'intérieur de cette commission scolaire, qui viendraient mettre des bois dans les roues de l'administration de cette commission scolaire. Le Parti libéral, chez nous, accepte bien ça, le Parti québécois; nous représentons quand même 24 p.c. de la population. Mais cette minorité représenterait... Vous viendrez chez nous. Je dis au député de Charlevoix de tenter de venir chez nous, il aura assez de difficulté à être élu dans son comté...

Alors, M. le Président, je disais... Des petits Pierre Maltais, j'en ai vu, ne vous cassez pas la tête.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD : Si je n'avais pas été interrompu par ce député qui ne comprend pas grand-chose, excepté quelques bouts de route qu'il réussit à obtenir dans son comté, et qui est d'ailleurs en train de contrôler tout le ministère de la Voirie dans son comté,...

M. LE PRESIDENT: La motion. M. TETLEY: Comme c'est brillant!

M. LESSARD: Je disais que la majorité — que ce soit la majorité anglophone, comme la représente le ministre des Institutions financières, ou la minorité francophone — regarderait d'un oeil assez interrogatif ces observateurs qui ne représentent que 2 p.c. ou 3 p.c. de la population. Il me semble qu'il serait quand même illogique que ces gens puissent avoir la possibilité de bloquer toute l'administration de la commission scolaire dont 15 personnes sont élues par 97 p.c. de la majorité.

Il me semble que ce serait illogique. Non? Le ministre nous dit non parce qu'il ne comprend pas ce qu'est la démocratie. Il ne comprend pas qu'il faut quand même déterminer une limite à l'intérieur de l'article 583 quand nous voyons, cela représente bien le gouvernement libéral actuel...

M. SAINT-PIERRE: Cessez le spectacle.

M. LACROIX: Maudits fous que vous êtes.

M. LESSARD: Allez donc boire comme d'habitude au Café du parlement, et nous discuterons de choses sérieuses.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La motion.

M. LACROIX: C'est écoeurant, tout simplement.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La motion.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. J'ai le droit d'invoquer le règlement. Le député des Iles-de-la-Madeleine s'est servi de mots dont on ne peut pas se servir dans cette Chambre. Il a traité le député de Saguenay d'écoeurant. M. le Président, je demande au député des Iles-de-la-Madeleine de retirer ses paroles.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le député des Iles-de-la-Madeleine voulait dire que le député de Saguenay a le coeur errant, en tentant de faire une farce.

M. LEGER: M. le Président, je sais que le député des Iles-de-la-Madeleine erre au Café du Parlement à l'Assemblée nationale, mais je demande qu'il retire des paroles et il ne les a pas retirées.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LACROIX: Ce maudit fou-là, il y a toujours des limites.

M. LE PRESIDENT: Pour ma part, je n'ai pas compris ce que le député des Iles-de-la-Madeleine a dit. Le ministre de l'Education est son voisin. Il a interprété ce qu'il aurait entendu et qui ne me paraît pas antiparlementaire. Je demande au député de Saguenay de continuer.

M. LESSARD: Je ne demande même pas que le député des Iles-de-la-Madeleine retire ses paroles. Les paroles d'un imbécile, qu'est-ce que cela dérange? Absolument rien.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LESSARD: Le député des Iles-de-la-Madeleine retire continuellement ses paroles en cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement. Je regrette...

M. LESSARD: Qu'il retire "écoeurant" et je retirerai "imbécile".

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je pense que tout le monde est un peu fatigué. Je demanderais au député de Saguenay de tenter de revenir à la motion.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. Je pense que je suis toujours sur l'article 583. Je disais que c'est là que nous voyons que le député de Verchères ne connaît pas les principes démocratiques et que la loi ou l'article 583 représente bien notre gouvernement tel qu'il est, notre gouvernement qui laisse tout à la discrétion, qui laisse tout au patronage, qui laisse tout à la décision du ministre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! La motion.

M. LESSARD: ... lorsqu'il nous dit, et je crois que c'est complètement dans l'ordre, que c'est véridique, que c'est réel, que c'est exact, lorsqu'il nous dit: "toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que que la minorité, francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée par suite de l'application de l'alinéa précédent etc. Le ministre peut. Est-ce que c'est "le ministre doit"? Non. C'est "le ministre peut". Cela veut dire que lorsque le ministre jugera qu'il a besoin de ces créatures à l'intérieur de telle commission scolaire, le ministre pourra nommer des représentants et des observateurs...

M. HOUDE (Fabre): ... Morton, c'est à New York.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! UNE VOIX: Assieds-toi, fausse couche!

M. LE PRESIDENT: J'ai déclaré recevable la motion présentée par le député de Sainte-Marie. Puisque j'ai déclaré la motion recevable, cela impliquait qu'on s'en tienne au débat sur la motion. Actuellement, le député, je le regrette, déborde de la motion pour discuter de l'article. Je lui demande donc de revenir à la motion.

M. LESSARD: M. le Président, je veux simplement dire ceci. C'est le fait que le ministre peut, s'il le veut...

M. LE PRESIDENT: La motion.

M. LESSARD: Oui, d'accord. Je reviens à la motion. Le ministre peut, s'il le veut, nommer des représentants. Au moins, il devrait, normalement, à l'intérieur de cet article, avoir des limites à ce pouvoir discrétionnaire. C'est d'ailleurs pourquoi je reconnais, par cet amendement, l'intelligence du député de Sainte-Marie. Il tente tout simplement de mettre des limites à la démocratie absolue du ministre de l'Education et de préciser au moins qu'une minorité, si elle veut être représentée à l'intérieur de ces commissions scolaires soit au moins — c'est le strict minimum — représentative d'une certaine population.

L'article 583 du projet de loi no 28 nous laisse complètement dans l'insécurité à ce sujet. Il ne nous dit aucunement quel sera le pourcentage nécessaire pour obtenir deux observateurs. Si le ministre veut nous apporter un amendement satisfaisant à ce sujet, qui pourrait ressembler au nôtre, nous sommes bien d'accord pour l'accepter. Mais le ministre comprendra, avec le tantinet d'intelligence qu'il peut avoir...

DES VOIX: Eh! Eh!

M. LESSARD: ... qu'il faut quand même...

M. HOUDE (Fabre): Vous n'avez pas le talent pour remplacer Olivier Guimond !

M. LESSARD: Rappelez-vous ce que vous avez déclaré en octobre 1969.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LESSARD: Nous allons vous le rappeler.

M. HOUDE (Fabre): Effronté à part ça!

M. LESSARD: Rappelez-vous ce que vous avez déclaré.

M. HOUDE (Fabre): Levez-vous.

M. LESSARD: Alors, je disais, M. le Président...

M. HOUDE (Fabre): Effronté comme ça! Un tantinet d'intelligence.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LESSARD: Cela vous fatigue, n'est-ce pas...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: ... de vous faire rappeler d'anciennes choses.

M. HOUDE (Fabre) : Je ne vous fatiguerai pas longtemps.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La motion.

M. LESSARD: Alors, M. le Président, autant à droite qu'à gauche!

M. HOUDE (Fabre): Oui, des deux bords. M. LE PRESIDENT: Je n'ai visé personne. M. LESSARD: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LESSARD: Je comprends que vous ayez plus de difficultés à contrôler la droite que la gauche.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Quand je dis à l'ordre, ce n'est pas adressé plus à un côté qu'à l'autre. C'est adressé à tous et, en particulier, à celui qui a la parole.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. M. le Président, j'arrive à la fin de mon discours, en disant que le ministre, avec son intelligence, devrait au moins comprendre que l'amendement que nous lui proposons, sans aucune partisanerie politique, est logique et normal.

M. SAINT-PIERRE: Oui, certainement. UNE VOIX: D'accord.

M. LESSARD: Oui, normal. C'est un amendement auquel le ministre aurait dû déjà penser. Nous venons, tout simplement, tenter d'aider le ministre à placer un certain contrôle dans cette représentation absolue des minorités. Nous espérons que le ministre, pour une fois, après trois amendements, je crois, que nous lui proposons, sera convaincu de la nécessité d'accepter un tel amendement. Si le ministre veut changer les 20 p.c, on peut être d'accord. On peut l'accepter. Vous savez, on démontre tellement de collaboration en cette Chambre.

M. SAINT-PIERRE: Oui, certain.

M. LESSARD: On peut l'accepter. Cependant, il y a une nécessité que le ministre comprendra, c'est de déterminer une limite à la représentation des minorités. Je pense, M. le Président, que le ministre aurait dû le comprendre ou, du moins, s'il ne l'a pas encore compris, qu'il devrait le comprendre. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montcalm.

M. MASSE (Montcalm): Vous me permettrez d'intervenir quelques minutes dans ce débat, ce que je n'ai pas fait depuis au moins quatre heures de discours, pour souligner, d'une part, que nous ne savons pas encore si le ministre de l'Education est favorable à l'amendement ou non et, deuxièmement, qu'il n'y a pas de contradiction entre les positions qui ont été prises par certains députés de cette Chambre et l'amendement présenté par le député de Sainte-Marie.

Certes, nous nous opposions, et ce avec vigueur et fort longuement pour certains, à cette idée d'imposer des observateurs à une commission scolaire dont les membres sont déjà élus par la population.

Mais, puisque la Chambre semble, en sa majorité, avoir accepté cette idée d'avoir des observateurs, nous croyons que nous devrions bonifier cette idée en quantifiant la minorité représentée. Le projet de loi, tel qu'il est devant nous, parle de minorité, sans expliciter quel est le pourcentage d'une population par rapport à l'autre pour devenir une minorité.

Je ne pense pas qu'il soit nécessairement mauvais qu'un pourcentage soit inclus dans l'idée de minorité. C'est évident, les députés sont fatigués, souvent les députés de la majorité ministérielle comprennent difficilement comment il se fait qu'à 72, ils ne réussissent pas à faire passer ce qu'ils veulent, mais il reste que si on prend un instant de réflexion, il n'est pas nécessairement mauvais que la minorité soit quantifiée, et ce pour plusieurs raisons.

D'une part, pour ce qui est de l'île de Montréal où, comme telle, je n'ai pas fait les statistiques des quartiers scolaires de Montréal, je ne sais pas ce que les 20 p.c. représenteraient par rapport aux minorités francophones ou anglophones dans l'un ou l'autre des quartiers. Je pense que le ministre de l'Education, avec les renseignements qu'il possède ou qu'il pourrait posséder, pourrait nous dire si les 20 p.c. représentent une réalité. Peut-être que c'est 18 p.c, peut-être que c'est 15 p.c., peut-être que c'est 25 p.c, nous ne le savons pas.

Mais uniquement pour lancer un chiffre dans la discussion, je pense que 20 p.c. est un chiffre qui s'explique, compte tenu du fait qu'on dit que la minorité anglophone du Québec est en général 20 p.c. Maintenant, qu'est-ce que ça représente au point de vue des quartiers scolaires? Je n'en sais rien. Le ministre de l'Education pourrait nous renseigner là-dessus. Mais il y a aussi une autre idée importante derrière tout cela et qui n'a pas été, à ma connaissance, poussée jusqu'à maintenant.

Même si les lois d'organisation scolaire du Québec n'ont pas retenu l'idée des observateurs, parce qu'à l'extérieur du territoire de Montréal, les commissions scolaires sont encore sur une base linguistique, c'est-à-dire que les anglophones ont leur type de commissions scolaires et les francophones ont leur type de commissions scolaires, il n'est pas certain, — puisque le Parlement du Québec aura, pour la première fois dans un bassin de population importante, la ville de Montréal, mis de l'avant l'idée de commissions scolaires unifiées — il n'est pas certain que, d'ici quelques années, pour l'ensemble du territoire du Québec, cette idée sera inscrite dans nos statuts.

Partant de là, il sera également important, non plus uniquement de tenir compte du réservoir de population de Montréal, mais de l'ensemble de la population. Je pense que le ministre de l'Education aurait certainement à réfléchir sur cette idée-là et nous donner des informations, pas seulement nous dire; je suis contre ou je suis pour, mais nous expliquer pourquoi, techniquement, ça ne fonctionne pas,

ou pourquoi, techniquement, ça fonctionnerait.

Je crois également qu'il y a une idée à retenir et je n'ai pas l'intention de parler longuement, je vais arrêter sur cette idée, c'est qu'un groupe, pour avoir ce droit d'observateur, doit être représentatif. Représentatif, non pas uniquement d'une qualité de minorité, parce que le texte parle des minorités anglophones, on aurait pu parler également parler des minorités ethniques autres que francophones et anglophones. Mais on parle de minorités uniquement ethniques. Partant de là, cette minorité doit être représentative d'un pourcentage suffisamment important pour que ce droit d'avoir un observateur lui soit donné.

On a souligné à plusieurs reprises que les observateurs devraient avoir diverses qualités. Jusqu'à maintenant, on n'a pas tellement insisté, du côté ministériel, sur la qualité d'observateur, ce qu'il comporte comme représentativité. Nous avons tenté, par cette idée de 20 p.c, d'ajouter aux qualités déjà connues une qualité de représentativité des minorités. Voilà, M. le Président, les quelques mots que je voulais ajouter à ce débat qui, quant à moi, est représentatif de certaines tendances de la population québécoise.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, nous avions un article qui proposait que le lieutenant-gouverneur en conseil, s'il constatait que la minorité anglophone ou francophone n'était pas représentée, il avait le pouvoir de nommer, sur la recommandation du ministre, deux observateurs. Nous avons proposé, M. le Président, cet amendement qui complétait, précisait la pensée que le ministre n'avait pas complétée dans son bill ni dans l'amendement qu'il nous a soumis.

En effet, l'article se lirait maintenant: Que les personnes qui pourraient être nommées ne le seraient que si ça constituait une minorité d'au moins 20 p.c. qui ne serait pas représentée adéquatement dans chacun des conseils des commissions scolaires.

Pourquoi avoir mis le chiffre de 20 p.c? Il y a quatre raisons qui nous ont incités à inscrire ce chiffre. Cela aurait pu être 15 p.c, ç'aurait pu être 25 p.c. Premièrement, deux personnes sur dix-sept nous amenaient à un pourcentage de 12 p.c., ce qui était nécessairement insuffisant pour amener une représentativité.

D'un autre côté, à travers la province de Québec, la minorité anglophone — puisque c'est de celle-là que nous voulons parler surtout — est représentative d'à peu près 20 p.c. de la population.

Troisièmement, si on regarde le résultat au point de vue des onze commissions scolaires actuelles prévues dans le premier projet de loi, c'est sûr que ça peut être modifié. On sait que, selon ce que nous avons pu voir dans les journaux, le nouveau conseil provisoire pourra établir entre sept à treize commissions scolaires sur l'île de Montréal, si on regarde les chiffres de ces onze commissions scolaires actuellement.

M. SAINT-PIERRE: J'espère que le député sait que c'est entre sept et onze. Cela fait à peu près 22 heures qu'on en parle, c'est onze pour son information.

M. LEGER: Je remercie le ministre, il nous a éclairés, cela veut dire que ça ne pourra pas être plus que onze.

M. SAINT-PIERRE: Après 22 heures de débat, nous pensions au moins que vous saviez ça, dans le projet de loi.

M. LEGER: Est-ce que l'article 582 n'a pas été réservé? Est-ce que le ministre a fait une déclaration officielle ou s'il en fait une actuellement que c'est nécessairement un maximum de onze? Jusqu'à maintenant, l'article 582 avait été réservé et nous n'avions pas de réponse formelle. Est-ce que c'est une réponse formelle aujourd'hui que le conseil provisoire ne pourra pas décréter plus de onze commissions scolaires? Est-ce que le ministre me dit ça actuellement?

M. SAINT-PIERRE: C'est connu comme amendement depuis à peu près 50 heures, depuis à peu près 14 jours. Nous sommes toujours surpris de voir des gens qui veulent faire perdre le temps de la Chambre pour des choses aussi fondamentales que ça. Vous ne le saviez pas?

M. LEGER: Je regarde maintenant ce que le pourcentage de 20 p.c. va donner dans les onze commissions scolaires, si elles sont telles que prévues. Selon les dernières statistiques que nous avons obtenues, la commission scolaire no 11 aurait une minorité anglophone inférieure à 20 p.c; la commission scolaire no 9, qui a une minorité anglophone de 15.8 p.c. actuellement, serait aussi soumise à cette règle de 20 p.c; la commission scolaire no 7, qui aurait 16 p.c. environ d'anglophones, serait soumise à cette directive. Ce sont actuellement les seules qui seraient touchées...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député pourrait nous parler de la population francophone de l'ouest de l'île de Montréal qui serait à 16 p.c. et qui n'aurait pas de représentants?

M. LEGER: Cela vaut pour les deux, mais actuellement les chiffres que vous avez datent...

M. LACROIX: A l'ordre, M. le Président! M. HARVEY (Chauveau): ... l'article 545.

M. LEGER: ... de combien de temps? Moi, dans les chiffres que j'ai, qui sont de 1969, il n'y en avait pas dans les commissions scolaires

francophones en bas de 25 p.c. Est-ce que vous avez des chiffres plus précis depuis ce temps-là? Cela se peut, je ne mets pas en doute la parole du ministre, mais dans les chiffres que j'ai ici, la plus basse représentation de francophones se chiffrait, dans la commission scolaire no 10, à 25 p.c, alors que, dans les autres commissions scolaires vous avez dans le centre-ville 75 p.c. de francophones contre 24 p.c. d'anglophones, et dans la commission scolaire no 2, 30 p.c. de francophones — donc ce n'est pas soumis à cette règle — contre 69 p.c. d'anglophones.

La commission scolaire no 3 a 73 p.c. de francophones contre 26 p.c. d'anglophones. La commission scolaire no 4 aurait 45 p.c. de francophones contre 54 p.c. d'anglophones; la commission scolaire no 5 d'Ahuntsic aurait 69 p.c. de francophones contre 30 p.c. d'anglophones et ne serait pas touchée; la commission scolaire no 6, dans le sud-ouest de Montréal, a 66 p.c. de francophones contre 33 p.c. d'anglophones, et la commission scolaire no 7, la région de Maisonneuve, aurait 83 p.c. de francophones et 16 p.c. d'anglophones, et serait touchée par l'amendement que nous apportons.

La commission scolaire no 8, qui est dans la région de Saint-Laurent et Dorval, a 50 p.c. de francophones contre 49 p.c. d'anglophones; la commission scolaire no 9 de la ville d'Anjou, Pointe-aux-Trembles, Tétreaultville, a 84 p.c. de francophones pour 15 p.c. d'anglophones; celle de Pointe-Claire, Pierrefonds, c'est la région-là no 10, a 25 p.c. de francophones pour 75 p.c. d'anglophones, et la commission no 11, Saint-Léonard, Rivière-des-Prairies, 89 p.c. de francophones contre 10.7 p.c. d'anglophones. Ceci veut dire qu'il n'y aurait pas, selon les chiffres, de régions francophones qui seraient touchées par cet amendement, mais il y en aurait trois du côté anglophone.

M. le Président, ce chiffre 20 a été choisi pour ces trois premières raisons. Il y en a une quatrième, c'est que les conséquences de l'article 583 ainsi que de l'amendement sur lequel nous avons présenté notre amendement doivent être limitées. Nous ne pouvons, revenir sur cet amendement qui a été adopté, relativement à ces observateurs, mais quand même il faut — et je pense que c'est notre devoir — essayer d'en réduire les conséquences en diminuant cette présence accrue, ces pouvoirs accrus que donne l'article qui nous a été présenté et que nous devons accepter.

Notre rôle, M. le Président, est de diminuer cette présence accrue. En effet, puisqu'il faut accepter les deux observateurs, ce qui est un accroc direct à la démocratie de la représentativité, puisqu'il faut endurer cet accroc et qu'il faut prévoir qu'il pourrait y avoir des changements de population, des hasards qui entraîneraient des dangers pour l'avenir, je veux, à l'occasion de notre amendement, dire quelles sont les conséquences que nous voulons prévenir en présentant cet amendement de 20 p.c.

Nous le faisons, M. le Président, pour amélio- rer l'article contre lequel nous avons voté, mais que nous devrons accepter aujourd'hui. M. le Président, quand on parle constamment des minorités linguistiques à l'article 583, auquel nous avons apporté notre amendement, il faut savoir qu'il s'agit d'abord et avant tout — et c'est fondamental — de la minorité anglophone. Sauf erreur, M. le Président, cette demande, ces garanties qui sont exigées par la minorité anglophone ne l'ont pas été nécessairement par les francophones, même dans les régions où ils sont en minorité justement dans les commissions scolaires à majorité anglophone.

M. le Président, il faut endurer cet accroc, mais il faut réaliser quelles sont les implications de ces deux observateurs que nous voulons réduire au point de vue de l'importance et de l'influence. En voici les raisons. C'est que certaines de ces garanties accordées à la minorité anglophone — ça saute aux yeux, M. le Président, on veut que ces minorités soient nécessairement représentées — comme je le disais tantôt amènent comme conséquence une représentation qui donne un équilibre, une force, une présence au-delà de l'importante numérique que ces minorités représentent dans le système scolaire à Montréal.

M. le Président, d'abord, au conseil de chaque commission scolaire, le cabinet nommera deux membres additionnels pour représenter cette minorité. Cela veut dire que dans les onze commissions scolaires, si notre amendement n'était pas accepté, il y aurait une présence continuelle. Même s'ils n'ont pas à voter, ils peuvent s'exprimer, ils peuvent influencer et ils peuvent amener des conséquences sur la tournure des décisions qui sont prises.

M. le Président, c'est non seulement au niveau des commissions scolaires, mais ça se réflète aussi — et il y a une relation directe avec la nomination de ces deux observateurs — au sein des cadres supérieurs mêmes de chaque commission scolaire, par la nomination d'un sous-directeur général et de trois directeurs adjoints.

Ces trois postes sont doublés par des représentants de la minorité. Alors, mettez ensemble, M. le Président, des représentants des minorités au niveau de la commission scolaire, des représentants au niveau de la direction, de l'enseignement du personnel et des étudiants, le sous-directeur général. Cela représente une permanence, une présence continuelle qui déséquilibre l'effet de la majorité dans l'ensemble du territoire de la ville de Montréal.

M. le Président, la conséquence, c'est que ça donne des garanties dissimulées. Une analyse plus poussée de cela révèle que le pouvoir accru dans le projet de loi actuel des commissions scolaires au détriment du conseil de l'île et le pouvoir plus fort, le pouvoir de représentativité obligatoire des commissions scolaires où ils sont en minorité, entraîne une permanence d'influence dans les onze commissions scolaires.

En d'autres mots, les pouvoirs sensiblement

accrus des commissions scolaires sont de nature à permettre aux anglophones de contrôler effectivement le genre d'enseignement que les commissions scolaires à majorité anglophone vont dispenser, d'une part.

Je n'ai pas d'objection de ce côté-là. Leur représentation obligatoire est poussée au niveau des commissaires et des hauts fonctionnaires, permettant la même chose au sein des commissions scolaires à majorité française. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de propose, un amendement qui limiterait, au moins dans les régions qui sont de moins de 20 p.c. ce pouvoir de présence continuelle et qui se réflétera par la suite. Même ils ne peuvent pas être élus au conseil de ville, cette force accrue des commissions scolaires dans l'ensemble du bill permettra d'avoir une puissance plus forte auprès du conseil de l'île.

Les pouvoirs nouveaux, que les commissions scolaires obtiennent en matière d'immeuble et d'emprunt, permettront aux commissions scolaires à majorité anglophone d'équiper à leur convenance leurs écoles; nous n'avons rien contre cela, là où ils seront en majorité. Leur présence minoritaire mais intensive dans les commissions scolaires à majorité francophone leur permettra d'exercer dans ce domaine une influence de premier ordre. C'est encore un équilibre à travers les onze commissions scolaires où la présence complète, habituelle, régulière, permanente de minorités qui n'auraient pas eu le droit, autrement que grâce à notre amendement, d'être présentes, cela amène une force qui dépasse l'importance du nombre de ces minorités à Montréal.

Un autre aspect de ces 20 p.c. que nous voulons retoucher est que les pouvoirs additionnels que reçoivent les commissions scolaires, et leur intégration beaucoup plus poussée à la Loi de l'instruction publique ont pour effet de réduire, de façon très marquée, le rôle déjà fort restreint qui était dévolu au conseil scolaire de l'île. De plus, le conseil est à la merci des commissions scolaires en raison de ses pouvoirs réduits et de l'influence énorme que les commissions scolaires pourront exercer sur des décisions grâce aux pouvoirs accrus qu'on leur donnerait si on n'apporte pas l'amendement que nous présentons.

Ce qui est capital, c'est que le conseil de l'île continuera officiellement d'avoir la main haute sur les fonds. En pratique, il ne sera pas en mesure d'exercer un contrôle réel sur la répartition des revenus entre les commissions scolaires et à la façon dont les commissions scolaires vont utiliser leurs deniers, du fait, justement, qu'il y aura une présence permanente obligatoire même dans les commissions scolaires où ils sont en minorité. C'est la raison pour laquelle il faut nécessairement accepter l'amendement que l'on propose pour qu'au moins on diminue l'accroc qui est fait à cette démocratie de cette présence permanente accrue obligatoire à tous les paliers quand ils ne sont pas représentés suffisamment par la représentativité électorale. Il en résulte donc, pour ce qui est du contrôle de l'argent, que les anglophones, dans les commissions scolaires à majorité anglophone, acceptent de confier au conseil de l'île ce pouvoir, mais ce qu'ils donnent d'une main, ils le retirent de l'autre par le biais du partage du pouvoir et du déséquilibre que je mentionnais tantôt des forces en présence, déséquilibre qui favorise les commissions scolaires. Un des objectifs fondamentaux de la réorganisation scolaire de l'île de Montréal visait à assurer une distribution plus équitable des richesses. Justement le fait de la représentativité de toutes les commissions scolaires, obligatoire même pour celles dont le nombre n'est pas suffisant pour avoir des élus, et le fait que le gouvernement s'engage à les représenter malgré la voix électorale, cela enlève cet équilibre de redistribution des richesses. C'est la raison pour laquelle...

M. SAINT-PIERRE: Question de règlement. Les déclarations des cinq dernières minutes du député n'ont rien à voir avec l'amendement. Il n'y a rien dans l'amendement qui touche la redistribution de l'équipement des commissions scolaires.

M. LEGER: M. le Président, le ministre n'a rien compris à ce que j'ai dit. Je vais lui répéter pour qu'il voie réellement la pertinence de l'affaire. J'ai dit que la présence obligatoire requise dans les commissions scolaires où ils sont en minorité amène un déséquilibre des forces. Le fait que les commissions scolaires, elles, ont comme telles, les onze, des pouvoirs accrus que le conseil de l'île n'a pas, ceci amène justement comme conséquence, si on ne met pas une limite de représentativité — quant on met une limite de 20 p.c. — il y a au moins trois commissions scolaires qui n'auront pas nécessairement une représentativité nommée par le ministre ou le lieutenant-gouverneur en conseil.

C'est donc dire que la conséquence, c'est que cet équilibre qu'on veut instaurer partout ne permettra pas une redistribution des richesses parce que, dans les commissions scolaires à majorité anglophone, on continuera à équiper normalement et honnêtement leurs écoles. Mais les commissions scolaires à majorité anglophone auront les mêmes pouvoirs parce que leur présence continuelle, axée sur le fait qu'elles seront continuellement représentées partout n'établit pas un équilibre des forces. Ou bien, s'il n'y avait pas du tout de représentants des minorités, il y aurait sept commissions scolaires francophones qui ont tel pouvoir, tel poids de persuasion et quatre autres qui ont tel poids, tel pouvoir de persuasion. Et il se crée un équilibre qui ne tient plus au fait qu'il y a nécessairement dans toutes les commissions scolaires des représentants de la minorité.

Je sais que c'est dur à avaler; ce n'est pas ce que je dis que le ministre n'accepte pas, c'est que je parle qu'il n'accepte pas.

M. SAINT-PIERRE: Des arguments très légers.

M. LEGER: Cela prend ça pour que ça puisse passer la dureté de votre volonté de ne pas agir.

Je voudrais simplement continuer en demandant au ministre, s'il a proposé un amendement à l'article 583, pour quelle raison il n'a pas eu le devoir de se limiter à un certain nombre, comme le disait si bien tantôt le député de Saguenay, quand il disait cela commence à 0.1 p.c, 0.5 p.c, 1 p.c. de la représentativité. Quelle est la limite à laquelle on doit s'attendre à avoir une nomination du ministre ou du lieutenant-gouverneur en conseil? Quel est ce point de départ? De quels critères le ministre va-t-il se servir, pour déterminer qu'il devra nommer deux personnes?

Pourquoi laisser cela à la discrétion du ministre? Pourquoi ne pas laisser cette initiative à l'Assemblée nationale? Et pour quelle raison le ministre aurait-il pleins pouvoirs selon sa discrétion, selon la pression qu'il peut avoir dans les coulisses? Pour quelles raisons se donner carte blanche à lui-même et ne pas établir des critères de référence pour que le Parlement entier puisse se prononcer là-dessus?

C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faut déterminer un minimum et je me demande encore pourquoi — et le ministre n'a pas encore répondu — il s'est gardé ce pouvoir discrétionnaire et n'a pas établi de pourcentage minimum de représentativité.

Si on y pense bien, les onze commissions scolaires que nous avons actuellement devant les yeux, le territoire qui a été déterminé dans le premier projet ne sera pas nécessairement le même, ça peut changer, puisque le conseil provisoire devra toucher à ces territoires et établir un maximum, comme l'a dit le ministre tantôt, de "commissions scolaires". Mais cela peut nous amener dans le futur des territoires qui auront une différence de proportion beaucoup plus grande que les chiffres que j'ai mentionnés tantôt. Le plus bas que j'ai mentionné, c'était 89 p.c. dans la commission scolaire no 11 et 10 p.c. de francophones. Mais si, par hasard, avec le jeu du changement de territoire c'est 95 p.c. contre 5 p.c, comment déterminer que le ministre doit dire: Une commission scolaire, parce qu'elle a 5 p.c. de minorité, doit être nécessairement représentée?

Pourquoi n'y a-t-il eu aucun chiffre de représenté dans la loi? Je pense que ça revient à l'Assemblée nationale de se prononcer là-dessus, puisque ça touche les comtés de tous les membres de l'Assemblée nationale qui siègent et qui demeurent à Montréal et qu'ils doivent avoir l'occasion de se prononcer là-dessus et non pas laisser ce pouvoir discrétionnaire au ministre de déterminer sans critère établi que telle commission scolaire aura droit à une représentation nommée de deux observateurs.

Je termine en espérant que le ministre réalise que si nous nous acharnons, article par article, sur ce projet de loi, c'est que nous espérons voir dans l'esprit du gouvernement une intention réelle de discuter des problèmes de fond. A la minute où nous obtiendrons des réponses précises aux problèmes de fond qui nous satisferont, nous pourrons prouver nos arguments d'une façon beaucoup plus rapide parce qu'actuellement, tout le monde le sait, c'est une épreuve de force et que ce qui nous tient dans ce projet de loi, c'est un idéal linguistique que nous voulons protéger.

Si le gouvernement, dans sa sagesse, pouvait réaliser que tout pourrait se régler rapidement, parce que dans le principe général du bill, nous étions d'accord en deuxième lecture, mais s'il n'y a pas les amendements majeurs que nous proposons, nous allons lutter jusqu'au bout, que nous siégions entre Noël et le jour de l'An ou après le jour de l'An, nous sommes ici pour combattre et n'en déplaise à mes amis qui sont en face, nous devons continuer à travailler, et c'est notre devoir de le faire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LAURIN: M. le Président... DES VOIX: Vote! Vote!

M. SAINT-PIERRE: On tente de tuer l'institution québécoise.

M. TETLEY : Vous parlez de la démocratie et vous ne la connaissez pas.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. TETLEY: Vous étiez absent. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. TETLEY: Vous allez invoquer votre absence.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Est-ce que j'ai la parole sur la question de règlement?

DES VOIX: Non, on vote. M. BURNS: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Je vous écoute.

M. BURNS: M. le Président, les quolibets qu'on sert actuellement à l'égard du droit de parole de l'un ou l'autre député, à mon avis, et je m'y oppose, sont dirigés contre votre décision. C'est pour ça que je m'y oppose. Parce que tout député...

M. SHANKS: Vierge offensée.

M. BURNS: M. le Président, voulez-vous demander au député là-bas de cesser d'aboyer?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Toute décision que vous pouvez rendre, acceptant ou rendant recevable une motion et permettant à un député de parler à ce sujet, lorsqu'on critique le député, je pense que c'est votre décision qu'on critique. Je m'y oppose entièrement.

M. BIENVENUE: M. le Président, sur la question de règlement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat.

M. BIENVENUE: Sur la question de règlement, M. le Président, puis-je, avec vous, inviter les députés de cette Chambre à laisser parler le plus tôt possible le député de Bourget, parce que plus tôt il commencera, plus tôt il terminera.

M. LE PRESIDENT: L'honcrable député de Bourget.

M. TETLEY: Ne partez pas, ne quittez pas, c'est tellement important. Restez ici. Restez en Chambre et suivez les règlements. Le règlement s'applique au député de Maisonneuve.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. SHANKS: On a peur de s'endormir. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

UNE VOIX: Le député de Matane vient de vous demander de vous taire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TETLEY: Je vais accepter votre demande M. le Président, pas la sienne. Mais le député de Maisonneuve vient de donner des instructions à tout le monde. Il va fumer à l'encontre du règlement. Qu'il suive le règlement et qu'il cesse de fumer en Chambre.

M. CHARRON: Il est là le député de Maisonneuve.

M. TETLEY: ... et le député de Sainte-Marie. Qu'ils suivent les règlements dont ils sont tellement fiers.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TETLEY: Vous, les Péquistes, vous ne suivez pas le règlement. Vous n'avez aucune idée de la démocratie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, je remercie les députés de leur attention. M. le Président, je me serais attendu à ce que le ministre de l'Education se prononce sur l'amendement que nous avons présenté, qu'il nous donne les arguments qu'il pouvait faire valoir à l'encontre de cet amendement, comme cela se passe habituellement dans cette Chambre, d'autant plus que l'amendement que nous avons présenté était très sérieux et qu'il voulait corriger une situation que nous avons tout lieu de croire inquiétante. D'autant plus que nous n'avions aucune illusion sur le sort que le ministre de l'Education réservait à notre amendement, si je dois en juger par ses réactions gestuelles ou "comportementales" ou si je dois en juger par les commentaires combien éloquents qui sont venus de ceux qui l'entourent. J'aurais aimé qu'en homme intelligent qu'il est il substitue à ce comportement tribal des arguments logiques, car ce sont les seuls que nous consentons à discuter.

Au lieu de cela, c'est le député de Chicoutimi qui a donné la réplique au député de Saint-Jacques, ainsi que le député de Richmond. Ils l'ont fait avec intelligence, avec sérieux. Je dois avouer que leurs arguments m'ont ébranlé...

UNE VOIX: Cela ne vous en prend pas beaucoup.

M. LAURIN: Je suis assez prêt, M. le Président, à être d'accord avec le député de Chicoutimi qui a dit que certains des arguments du député de Saint-Jacques s'avéraient peu solides, que nous pouvions les trouver spécieux, qu'ils pouvaient ressembler à des artifices et, surtout, avec le député de Richmond qui a souligné qu'ils pouvaient constituer une atteinte relative à la logique et à la rigueur que nous avons l'habitude de déployer dans cette Chambre quand nous présentons des amendements.

M. le Président, cette admission, une fois faite, je dois cependant répondre au député de Chicoutimi, ainsi qu'au député de Richmond que, si nous avons dérogé en quoi que ce soit aux principes habituels que nous défendons et aux règles de comportement que nous avons en cette Chambre, c'est que nous y avons été forcés. Nous y avons été forcés parce que le gouvernement n'a pas voulu se rendre à nos arguments, aux arguments d'Unité-Québec et aux arguments du Ralliement créditiste en ce qui concerne la logique intégrale que devrait comporter l'article 583. C'est précisément parce que cet article, probablement parce qu'il n'avait pas été suffisamment mûri, pensé, préparé, comportait des encoches aux principes que doit respecter toute saine démocratie, parce qu'il ne tenait pas compte de toutes les répercussions possibles de l'application concrète, précise de

cet article que nous nous sommes employés, avec énergie, avec tous les arguments que nous pouvions invoquer, à combattre cet article dans sa première rédaction.

Nos luttes ont été vaines, M. le Président. Nos efforts se sont soldés par un insuccès. Nos tentatives se sont soldées par un échec. C'est malheureux. C'est comme ça. C'est le jeu du parlementarisme et nous l'acceptons, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: Pour nous, c'est une perte du temps de la Chambre.

M. LAURIN : Mais il reste qu'une fois l'article accepté il péchait à un tel point aux règles, justement, de la démocratie que nous étions pris entre un Charybde et un Scylla. Le Charybde de l'acceptation intégrale de l'article qu'on nous présentait avec cette encoche à la démocratie que constituait la nomination, par un gouvernement, d'observateurs non élus, ce qui est un principe que nous ne pouvons pas accepter, pas plus aujourd'hui que demain. Le Scylla, c'est-à-dire l'autre précipice, était cette absence de rigueur ou cette absence de logique ou plutôt cette rigueur imparfaite ou cette logique imparfaite.

En ce sens-là, encore une fois, M. le Président, nous sommes d'accord avec le député de Richmond et avec le député de Chicoutimi que notre amendement est imparfait. Mais, même s'il est imparfait, mieux vaut un amendement imparfait, qui tend quand même, dans son imperfection, à corriger des défauts fondamentaux d'un article principal, que pas d'amendement du tout, car, à ce moment-là, on ajouterait une erreur à une autre erreur, cette fois-là, une erreur par omission, et le résultat néfaste, nocif auquel on en arriverait devrait être payé par la population. Comme nous représentons, ici, la population, c'est un risque que nous ne pouvons pas courir.

Le député de Chicoutimi avait un autre argument. Il dit que cet amendement que nous présentons ne peut pas atteindre le but que nous recherchons et que lui, aussi bien, d'ailleurs, que le député de Richmond préfèrent ne pas présenter d'amendement et s'en tenir au respect intégral du suffrage universel. M. le Président, nous sommes d'accord avec eux là-dessus. Nous aussi, nous respectons, avec toute l'énergie que nous pouvons mettre dans nos arguments, le suffrage universel.

Nous l'avons prouvé, encore une fois, dans notre lutte contre l'amendement. Mais, quand ce suffrage universel a été bafoué justement, n'a pas été respecté et qu'on en voit luire les conséquences pratiques, il nous semble, M. le Président, que c'est de notre devoir, au moins, d'essayer de colmater les brèches les plus évidentes de façon, au moins, comme d'autres l'ont dit, à limiter les dégâts.

Je suis bien conscient, M. le Président, que, ce faisant, nous nous résolvons à un pis-aller. Je suis d'accord avec ceux qui critiquent notre amendement là-dessus, c'est un pis-aller, un pis-aller que nous aurions aimé éviter, mais, par ailleurs, que le gouvernement nous force à proposer parce qu'il n'a pas jugé bon de modifier de lui-même son article et que, par le fait même, il se trouve à accepter les inconvénients qui en découlent.

En somme, ce que je veux dire par là, M. le Président, c'est que nous avons conçu, après mûre réflexion, que nous n'avions pas d'autre choix et qu'à choisir entre un inconvénient majeur, celui de l'article de la loi, et un inconvénient mineur, nous préférons — c'est notre droit, de même que c'est le droit des autres de choisir le contraire — choisir l'inconvénient mineur. Soyez assuré, M. le Président, que nous le faisons à notre corps défendant et qu'une fois n'est pas coutume. Nous ne le faisons que parce que nous y sommes obligés et bien rares seront les occasions en Chambre où nous nous résoudrons à cette attitude et à ce comportement. Car, ce n'est pas nous — M. le Président, je le répète — qui glissons; c'est le gouvernement qui nous force à glisser, qui nous force à faire ce compromis, qui nous force à manquer à l'esprit de rigueur, à l'esprit de logique que nous voulons toujours avoir en cette Chambre.

Ceci, M. le Président, est pour notre attitude fondamentale. Le député de Chicoutimi, qui était remarquablement en verve ce soir — je dois le reconnaître — a aussi apporté un autre argument. Il nous a dit: Si nous acceptons votre amendement, c'est comme si nous acceptions une politique de ghetto, car votre amendement va avoir pour but de créer davantage de ghettos, soit en multipliant le nombre ou en rendant ce ghetto plus considérable.

Je suis prêt à argumenter avec lui là-dessus, M. le Président, non pas dans l'abstrait, encore une fois, mais en comparant les résultats qu'il nous illustre avec les résultats qu'aura l'article 583. Qu'est-ce qui va se passer si on accepte l'article 583 sans notre amendement? Ce qui va se passer, c'est la chose suivante, je peux vous le prédire avec certitude. Que le ministre se résolve à créer sept, huit, neuf, dix ou onze commissions scolaires — il a bien dit, dans les journaux, que cette limite est encore élastique, qu'elle n'est pas finale — quel que soit leur nombre, dans chacune des commissions scolaires, il y aura — je peux vous le jurer, M. le Président — ces deux commissaires appartenant à la minorité qui seront nommés par le gouvernement.

C'est justement là que nous aurons le ghetto, car nous aurons, conformément à ce que nous avons dît, non pas une cohabitation, mais des gens non élus qui vont venir défendre leurs intérêts. C'est ça la définition du ghetto: des gens qui arrivent avec un particularisme, avec quelque chose dans la tête, avec des intérêts très fractionnels, isolés à défendre. C'est ça la mentalité de ghetto. Cependant, si le ministre

accepte notre amendement, il peut parfaitement se trouver des commissions scolaires où il n'y aura pas de ces commissaires nommés. Il peut y en avoir une, deux, trois, peut-être quatre où il n'y aura pas de ces commissaires nommés par le gouvernement après consultation avec les comités consultatifs professionnels.

Donc, à ce moment-là nous aurons contribué à éliminer quelques-uns des ghettos que précisément l'article 583, tel qu'il est rédigé, va créer inévitablement. C'est justement pour éviter d'augmenter le nombre de ces ghettos, pour diminuer l'étendue, l'ampleur de ce fractionnement que nous avons présenté cet amendement.

Le député de Chicoutimi fait valoir également une autre raison. Il se demande si notre amendement pourra véritablement se concrétiser, se réaliser, étant donné la mobilité des habitants, des citoyens à l'intérieur des zones qui seront créées par le gouvernement en vertu de cet article que nous avons réservé. Je suis d'accord avec lui que cette mobilité des habitants, des citoyens à l'intérieur des divers quartiers de l'île de Montréal, entre les zones que nous accepterons, pourra constituer un problème. Mais ce problème ne me paraît pas insoluble.

En ce sens, je ferai remarquer au député de Chicoutimi que si le problème n'est pas insoluble, cela n'entache pas d'une façon absolue notre amendement, en ce sens que cette embûche pourra, à mon avis, être levée d'abord par des moyens modernes. Nous en avons. Nous avons maintenant des méthodes pour effectuer le recensement des citoyens à l'intérieur d'une circonscription. D'ailleurs, nous le faisons à des intervalles répétés. Donc, les instruments techniques ne nous manquent pas. Et surtout — c'est l'argument qui me semble le plus important en l'occurrence — ces élections n'ont lieu que tous les quatre ans. Donc, il suffirait, quelques mois avant les élections, de faire un recensement sur l'île de Montréal.

Je rappelle ici au député de Chicoutimi, qui est un familier de notre commission sur la réforme électorale, que nous avons parlé récemment d'une liste permanente qui, d'après les avis que nous avons entendus à cette commission, semble faire l'unanimité. Et si — comme il est permis de le supposer — le gouvernement se rallie à cette thèse d'une liste électorale permanente, je crois qu'il sera très facile, avec cet ajustement continuel de la population électorale, de se rendre compte assez facilement de la mobilité des habitants et d'établir un cens d'éligibilité qui nous permettra, sinon de suivre à la trace les citoyens, du moins de les localiser en temps et lieu pour qu'ils puissent être inscrits sur les listes et s'acquitter de leur devoir électoral.

Il me semble donc que cet argument, bien qu'il ait sa valeur, n'est pas contraignant d'une façon absolue, puisque la difficulté qu'on nous signale pourrait être levée.

Par la suite, le député de Chicoutimi est entré dans un terrain un petit peu plus glissant —d'ailleurs il nous en avertit — lorsqu'il a prévu et anticipé que nous pourrions peut-être présenter d'autres amendements qui auraient eux aussi à la base ce même principe de ghetto ou ce même principe d'isolement ou de fractionnement.

Il a bien dit qu'il ne voulait pas nous prêter d'intentions. En fait, je suis d'autant plus à l'aise pour lui répondre que ces intentions, nous ne les avons pas. Nous ne les avons pas. S'il y a quelqu'un qui est contre le fractionnement, c'est bien nous. Nous voulons nous en tenir pour l'avenir uniquement à un seul principe qui est celui de la démocratie, qui est celui du suffrage universel.

Et si le ministre avait réfléchi davantage, je suis sûr qu'il aurait trouvé un moyen qui — comme je le disais tout à l'heure — lui aurait permis, à lui, d'éviter ce fractionnement, et à plus forte raison de nous empêcher de penser à des solutions de fractionnement. Nous aurions pu nous entendre, tous les partis ensemble, sur une solution qui justement aurait eu comme base ce que nous considérons tous être la base de la démocratie, c'est-à-dire le suffrage universel.

Je peux donc rassurer le député de Chicoutimi sur ce point. Nous n'avons pas l'intention de présenter d'amendements qui auraient pour but un quelconque idéal de fractionnement.

Nous avons assez souffert, M. le Président, dans ce pays qui s'est appelé le Canada, de ces cellules isolées de ce fractionnement, nous avons tellement souffert des conséquences qui s'en sont ensuivies que nous ne voulons pas faire subir à nos minorités ces mêmes inconvénients que nous avons subis.

M. le Président, j'en arrive ici à l'essentiel de mon argument. Après avoir relevé certaines des thèses du député de Chicoutimi, je voudrais cette fois m'en prendre à l'article intégral, c'est-à-dire l'article 583. Quand un ministre vient nous dire, comme dans l'article 588, qu'en plus des commissaires élus par le suffrage universel, il va en nommer deux autres qui vont représenter quelque chose d'aussi vague, M. le Président, que ce que le ministre appelle la minorité francophone ou anglophone, il me semble qu'il manque à ses responsabilités. Il aurait dû définir, spécifier bien davantage ce que représente cette minorité, anglophone ou francophone, selon le cas. On ne peut pas, M. le Président, quand on est législateur, mettre le moindre mot dans un projet de loi sans qu'on sache ou du moins sans qu'on essaie de prévoir les conséquences du moindre mot qu'on écrit dans un texte de loi.

Je me rappelle, quand on étudiait des projets à la commission des bills publics et privés, avec quel soin le leader parlementaire de l'Unité-Québec, le député de Maskinongé, s'attachait à scruter le moindre mot et à se référer aux articles du code civil, aux lois passées, pour voir si tel, tel ou tel inconvénient ne pouvait pas

résulter du choix de tel mot. Je n'en veux pour exemple, M. le Président, que ce fameux bill 96 qu'on a été obligé finalement de retirer, justement parce que cet effort de prévision n'avait pas été fait.

C'est là la marque de tout vrai législateur d'essayer de prévoir, avec l'aide des hauts fonctionnaires de son ministère, des légistes, les moindres conséquences de l'action législative qu'il pose. Eh bien, en l'occurrence, M. le Président, quand on parle de minorité, francophone ou anglophone, simplement comme ça dans un projet de loi, sans qu'on nous dise, pour défendre cet article, à quel chiffre on peut s'attendre dans telle ou telle ou telle zone, quand on ne prévoit pas la façon dont les élections pourraient se faire, l'éligibilité, comme on le disait à propos d'un autre amendement que nous avons proposé, à ce moment-là, je pense que c'est un manque de responsabilité de la part du gouvernement, qui aurait dû nous éclairer bien davantage, puisque, après tout, c'est lui, le gouvernement, qui trace le cadre dans lequel évoluera cette minorité, francophone ou anglophone, ainsi que les modalités selon lesquelles cette minorité, anglophone ou francophone, devrait être représentée.

Si le gouvernement trace le cadre, il devrait au moins faire son devoir jusqu'au bout et nous indiquer les modalités selon lesquelles ce droit qu'il donne à la minorité devrait s'exercer ou devrait se traduire. Car, M. le Président, il s'agit quand même d'une exception et nous l'avons tous dit de ce côté-ci de la Chambre, c'est une exception que l'on consent à un groupe déterminé de population qu'on appelle une minorité.

Toutes les fois que l'on consent une exception, M. le Président, c'est tellement important que l'on devrait tracer un corridor extrêmement précis, qu'on devrait, dans toute la mesure du possible, spécifier toutes les mesures qu'on va prendre, pour que cette exception que l'on fait ne vienne pas contrevenir à un autre principe essentiel, qui est celui selon lequel doivent être régies les sociétés. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons cru que nous étions obligés de présenter cet amendement, ne serait-ce que pour forcer le ministre à préciser ce qu'il entend par minorité francophone et anglophone, à préciser les mécanismes électoraux, à préciser la façon dont cette minorité exercera ses droits, la façon dont le ministre interviendra dans le détail, dans le concret, selon que les résultats électoraux nous auront conduits vers telle ou telle éventualité. Cela, c'est la première raison.

La deuxième raison, M. le Président, est peut-être encore plus importante. C'est que, dans un pays qui s'appelle le Québec, par cet article, s'il était accepté intégralement, on se montre plus généreux à l'endroit de la minorité anglophone en particulier que la commission Gagnon-Dunton.

La commission Gagnon-Dunton, quand elle faisait sa recommandation de création de dis- tricts bilingues, donnait un pourcentage, ce que n'a pas fait le ministre, incidemment, et ce que le ministre aurait dû faire. Au moins, la commission Gagnon-Dunton donnait un pourcentage. Quel pourcentage donnait-elle? Un pourcentage de 10 p.c. Vous vous rappelez, M. le Président, à quel point il y a eu un tollé dans plusieurs coins de l'Ontario, dans plusieurs coins de la Colombie-Britannique justement parce qu'on trouvait ces 10 p.c. beaucoup trop élevés.

Comment pouvait-on, alors qu'il y avait seulement 11 p.c. ou 12 p.c. de francophones, par exemple, dans certains coins de la Saskatchewan et du Manitoba, disaient les édiles municipaux ou même certains députés provinciaux, consentir autant d'avantages à une minorité qui ne comptait que 12 p.c, 13 p.c. ou 14 p.c. Pourtant, ici, dans un pays où la minorité anglophone est drôlement plus installée, est drôlement plus puissante, on ne prend même pas la précaution d'établir ce pourcentage, ce qui est très grave car si on n'établit pas ce pourcentage, qu'est-ce qui peut arriver?

Dans n'importe quelle commission scolaire, théoriquement, il peut arriver qu'il y ait 2 p.c, 3 p.c. ou 4 p.c. d'anglophones, et il est bien probable, s'il n'y a que 2 p.c, 3 p.c. ou 4 p.c. d'anglophones, quel que soit le mécanisme électoral prévu, que ces minoritaires ne soient pas représentés en vertu de la méthode du suffrage universel. A ce moment, qu'est-ce qui va arriver? Le ministre, conformément aux termes de l'article 583, va être obligé de nommer deux représentants de cette minorité car vous le savez, M. le Président, quand un article de loi mentionne que le lieutenant-gouverneur peut nommer deux commissaires, il faut traduire immédiatement que le lieutenant-gouverneur doit nommer. C'est un euphémisme législatif qui cache la volonté très affirmée d'un gouvernement qui, lorsqu'il se donne un droit dans une loi, l'exerce, l'applique à toutes les fois que les conditions, qui ont été prévues, se réalisent.

Donc, il est absolument sûr que, si l'on se trouvait dans le cas hypothétique ou théorique d'une commission scolaire de l'île de Montréal où il y aurait 3 p.c ou 4 p.c. d'anglophones ou de francophones qui n'auraient pas fait élire un commissaire de leur langue, le ministre de l'Education serait absolument obligé de conclure que cette minorité, soit francophone ou anglophone, n'est pas représentée, et alors, il devrait intervenir pour nommer ces deux commissaires, ce qui veut dire, encore dans mon exemple théorique, que 3 p.c. ou 4 p.c. de la population seraient représentés par deux commissaires non élus alors que les 97 p.c des autres seraient représentés uniquement par quinze commissaires qui, eux, seraient élus. C'est par cet exemple théorique et hypothétique que l'on voit le manque de prévision du ministre, l'irresponsabilité du ministre qui n'a pas prévu, j'en suis sûr, les conséquences de la

rédaction qu'il imposait à l'article 583.

C'est là que l'on voit cette fâcheuse tendance que nous avons à être plus catholiques que le pape, à être plus généreux que tous les autres en ce pays, à répondre, à certaines injustices qui ont été faites à notre endroit dans d'autres coins du pays, par un sucroft de justice, ce qui n'est pas toujours de la générosité mais plutôt de la "bonasserie". D'ailleurs, il y a un autre argument peut-être encore plus important, étant donné que dans chacune des commissions scolaires de Montréal il se présentera sûrement 3 p.c. 4 p.c, 10 p.c, 15 p.c. ou 40 p.c. de représentants de la minorité, par exemple, anglophone, il est assuré, il est certain que dans ces sept, dix ou onze commissions scolaires il y aura sûrement deux commissaires représentant la minorité et nommés par le gouvernement.

Ce qui veut dire qu'à toutes fins utiles, dans le domaine scolaire à Montréal, nous aurons créé un district bilingue ou que du moins nous aurons créé un élément important, essentiel, d'un dispositif qu'on pourrait considérer comme l'équivalent d'un district bilingue. Et ceci au moment même ou le ministre des Affaires culturelles, il n'y a pas tellement longtemps, il y a un mois ou deux, par exemple, répondait à une lettre du premier ministre lui transmettant des recommandations de la commission Gagnon-Dunton quant à l'établissement de districts bilingues au Québec, en déclarant qu'il refusait d'accepter les conclusions du rapport Gagnon-Dunton que le cabinet, le conseil des ministres devait étudier davantage cette proposition et que l'idée de districts bilingues au Québec était loin d'avoir été suffisamment mûrie et que le gouvernement n'était pas prêt à se prononcer là-dessus. Pourtant, alors que le ministre des Affaires culturelles dit ça à la population, d'un autre côté, on crée un dispositif bilingue dans l'île de Montréal, étant donné que dans toutes les commissions scolaires il y aura des représentants de la minorité, au moins deux, encore une fois, dans toutes les commissions scolaires.

Je vois dans ce phénomène un signe de contradiction d'un gouvernement qui n'a pas mûri suffisamment ses politiques. Quand on en arrive à un état de choses où l'on voit que deux ministres, sans le savoir, adoptent des positions qui se contredisent, qui vont à l'encontre l'une de l'autre, nous sommes obligés de dire, comme dans la pièce d'Hamlet: "That is something rotten in Denmark Kingdom". La vérité est là. Ceci veut dire que cette contradiction témoigne que le projet de loi n'a pas été suffisamment mûri et surtout que cet article de loi 583, qui prévoit des avantages consentis à la minorité, n'a pas été suffisamment pesé, mûri quant à son impact, ses répercussions, ses implications. C'est la raison pour laquelle nous voyons un gouvernement qui tire en même temps à gauche et à droite.

J'attire l'attention du ministre sur cet aspect, ces conséquences qu'il n'avait peut-être pas vus à son projet de loi et en particulier à l'article 583, et je l'adjure, pendant qu'il en est encore temps, de reprendre la rédaction de son article et de nous en offrir demain une nouvelle mouture qui tienne compte des objections très sérieuses que nous lui faisons ce soir, qui tienne compte surtout de la nécessité qui existe pour lui de ne pas contredire la position adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil et en particulier par le ministre des Affaires culturelles. Car autrement, il nous obligerait à porter sur son gouvernement un jugement d'incohérence et de contradiction que, j'en suis sûr, il ne veut pas que nous portions. Mais s'il ne veut pas que nous portions ce jugement, il devra reprendre la rédaction de son article 583.

Au fond, c'est cela que nous préférerions, Mais si le ministre, dans sa réplique, ne parvient pas à nous convaincre, nous devrons continuer à nous opposer. Et s'il persiste dans son erreur — car je suis prêt à admettre avec lui que errare humanum est, et c'est tout à fait normal, mais j'ajoute immédiatement l'autre partie du proverbe, diabolicum perseverare — si donc, après les arguments que nous lui avons servis, il s'entête dans cette erreur, nous dirons que c'est diabolique et qu'à ce moment nous devrons continuer à apporter des arguments.

Nous préférerions que le gouvernement se rende à nos raisons et qu'il rédige autrement son article 583, de façon à faire droit à nos arguments, à nos objections très sérieuses.

Si, par ailleurs, il ne le veut pas ou si sa conviction n'est qu'ébranlée et qu'il demande à être convaincu davantage, il nous fera plaisir de poursuivre le dialogue avec lui. Il nous fera plaisir même de reprendre avec lui notre amendement et de lui donner une forme, peut-être, qui le rendrait plus acceptable à ses vues. Car, comme je le disais tout à l'heure au député de Chicoutimi, nous nous rendons compte que notre amendement est imparfait, qu'il ne fait pas le tour de toute la situation, justement parce qu'il vient s'articuler à un principe qui nous semble fauter, qui nous semble peu acceptable.

Mais nous sommes prêts à essayer, tout imparfait qu'il soit, de le perfectionner davantage avec la collaboration du ministre. Nous espérons que, du fruit de cette collaboration, naîtra, sinon un nouvel article, comme je le disais tout à l'heure, du moins, un amendement qui tiendra davantage compte de la réalité concrète qui sévit actuellement sur l'île de Montréal et qui, surtout, évitera au gouvernement de se mettre en contradiction avec lui-même. Merci, M. le Président.

DES VOIX: Vote! Vote!

M. JORON: M. le Président...

M. LACROIX: Obstruction.

M. JORON: M. le Président, je tiens à

intervenir sur l'amendement qu'a proposé le député de Sainte-Marie. En le faisant, au départ, je serais tenté de me dire d'accord avec le ministre des Institutions financières qui, un peu plus tôt en soirée, trouvait que ces débats étaient longs, lourds, pénibles et qu'ils étaient difficiles à supporter. De cela, j'en conviens, mais je pense qu'il faut comprendre dans quelle optique ce débat se situe. Il fait partie d'un tout et le tout, si vous voulez, c'est un sujet passablement plus large. C'est une guerre, si vous voulez, dont ce qui nous intéresse actuellement n'est qu'un des combats particuliers. C'est dans cette optique — je voudrais être bien compris — que nous situons nos interventions de ce soir.

Je voudrais faire une précision sur une réponse que vous avez donnée, M. le Président, à je ne me souviens plus quel député qui vous interrogeait là-dessus. J'aimerais simplement souligner, au départ, que l'amendement suggéré par le député de Sainte-Marie n'a pas d'incidence ethnique, comme vous nous l'avez dit — peut-être que c'est tout simplement le mot qui vous avait échappé — mais plutôt linguistique. Il y a une différence fondamentale entre un aspect linguistique et un aspect ethnique. Quand on parle d'ethnie, on parle de race. On parle d'un phénomène, en fait, héréditaire qui est biologique. Au contraire, lorsqu'on parle de la langue, c'est un phénomène d'ordre culturel et qui n'est pas rattaché, si vous voulez, à la race. Il s'agit donc d'un amendement qui a des conséquences ou une portée linguistiques, c'est bien évident.

Donc, nous nous sentons obligés d'apporter cet amendement. Il est possible, comme l'a souligné tout à l'heure le député de Bourget, qu'il ne soit pas le plus rigoureux possible au point de vue de la logique, si vous voulez, qu'il ne soit pas le plus spectaculaire ou le plus important qui ait été présenté au cours de différents débats dans cette Chambre. De cela, j'en conviendrai volontiers.

Mais, si nous sommes quand même obligés d'apporter un tel amendement, c'est pour tempérer en quelque sorte les excès que l'article, tel que rédigé, peut entrafner. Le gouvernement, croyons-nous, en rédigeant l'article 583 comme il le sera s'il n'est pas amendé, peut nous amener une situation qui se traduirait par un abus de démocratie, par un accroc au principe démocratique qui se fonde, si vous voulez, tout simplement sur ceci: un homme, un vote; le suffrage universel, un point, c'est tout. C'est la ligne que nous avons défendue tout au long de ce débat.

Maintenant, nous nous voyons forcés de faire un repli tactique, si vous voulez, de façon à diminuer l'accroc à la démocratie que constitue la nomination de deux commissaires non élus, nomination par le lieutenant-gouverneur en conseil, par le gouvernement, si vous voulez, à la discrétion, en fait, du ministre. Il nous faut donc tempérer en posant des limites d'applica- tion à cette porte ouverte, à ce qui pourrait se traduire par des abus.

Il est vrai, comme l'a expliqué, un peu plus tôt, le député de Chicoutimi, que si l'on introduit cette notion qu'une minorité doit constituer, dans une municipalité scolaire donnée, au moins 20 p.c. pour que la règle s'applique, pour que la règle de nomination de deux commissaires supplémentaires, par le ministre, s'applique, peut, dans un certain sens, amener, faciliter l'évolution de la carte démographique de Montréal vers ce qui pourrait être des ghettos parce qu'à ce moment-là, qu'est-ce qui peut se produire? C'est, je pense, la base du raisonnement ou des inquiétudes du député de Chicoutimi. Il peut se produire que si des populations, déjà appartenant à une minorité en question, s'aperçoivent qu'étant en de ça de la limite de 20 p.c. que nous suggérons, représentant 11 p.c. ou 12 p.c, elles n'ont pas, à ce pourcentage-là, autant de droits ou elles n'ont pas l'avantage de pouvoirs, si vous voulez. On sait que les commissaires, selon l'article 583, tel qu'il a été amendé récemment, n'ont plus le droit de vote. Mais il reste quand même qu'une influence peut s'exercer, ne serait-ce que par le droit de parole ou par la seule présence de ces observateurs.

Ainsi, l'amendement aurait pour effet de priver les minoritaires, s'il ne constituent pas 20 p.c. de la population dans une municipalité scolaire donnée, de ce droit-là. Qu'est-ce qui pourrait se passer alors? Il pourrait se passer qu'ils seraient amenés, invités, encouragés à se regrouper de façon à constituer, dans différentes municipalités scolaires, des minorités plus fortes numériquement ou au-delà de ces 20 p.c. Le député de Bourget répondait, un peu plus tôt, à cette inquiétude qu'avait soulevée le député de Chicoutimi. Il disait que telle n'était pas l'intention.

Je me permettrai de ne pas partager tout à fait son avis. Il est possible, effectivement, cela reste une possibilité, que cet amendement produise cet effet-là. Mais je pense qu'il est intéressant de se demander si ce phénomène est, en soi, mauvais, s'il est anormal ou s'il est dangereux. L'on peut constater que dans bien des pays où des minorités vivent côte à côte, cette séparation, si vous voulez, cette démarcation nette entre des territoires à l'intérieur d'un même pays où se constituent de très fortes majorités que peuvent constituer, si vous voulez les appeler comme cela, des ghettos, c'est le courant, c'est comme cela qu'a évolué la situation dans la plupart des pays dits bilingues. L'exemple de la Belgique est patent à cet égard-là au point même qu'on l'a institutionnalisée. On a tracé, officiellement, une frontière linguistique en Belgique. On a donc fait de la Belgique, si vous voulez, deux ghettos. C'est peut-être une solution. C'est peut-être une façon de passer outre ou de circonvenir aux problèmes que pose la coexistence sur un même territoire ou à l'intérieur d'un même Etat de

deux entités linguistiques différentes. La Suisse est, d'ailleurs, "ghettoisée" si le mot est possible, à peu près de la même façon parce que la population, d'une langue ou de l'autre, est concentrée. Vous trouvez, sur les 22 cantons suisses, cinq ou six cantons dans la région la plus à l'ouest, dans la région occidentale, à très forte majorité francophone, alors que tout le reste des cantons sont à très forte majorité alémanique.

Il y a un canton dans le sud, au-delà des Alpes, qui est à majorité presque exclusivement italienne.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais inviter le député de Gouin, tout en voulant bien respecter son droit de parole, sa prérogative, à ne pas aller trop loin et à tenter de revenir à la motion?

M. JORON: M. le Président, vous comprenez cependant, je pense, qu'il était normal que je fasse appel à ces témoignages historiques de façon à soutenir l'argumentation que j'étais en train de développer à l'effet que cet amendement pourrait possiblement "ghettoiser" en quelque sorte l'île de Montréal. Mais peut-être qu'on peut au moins s'interroger, je ne l'affirme pas, à savoir si c'est nécessairement par définition une solution qui est en soi mauvaise.

A l'appui de l'argument que j'avançais ou de l'interrogation que je proposais aux membres de la Chambre, je disais que c'était exactement comme ça qu'avaient évolué la plupart des pays bilingues. Et même le Canada, d'ailleurs, puisqu'on sait que les francophones au Canada sont concentrés à 90 p.c. ou 95 p.c. au Québec. La question du ghetto, quant à moi, ne me fait pas peur. Je ne pense pas que c'est sur cette inquiétude que l'on puisse attaquer l'argumentation que nous proposons visant à faire adopter l'amendement du député de Sainte-Marie.

Pourquoi ces 20 p.c. effectivement? Là nous arrivons au coeur du débat, au fond des motifs qui nous poussent à proposer cet amendement. Comme certains autres opinants avant moi l'ont souligné à leur façon, c'est qu'évidemment, s'il n'y a pas de limites, si on ne pose pas des cadres à cette définition de minorité, ça peut devenir prétexte à à peu près n'importe quoi.

Je ne veux pas répéter, ce qui a été dit, qu'il pourrait arriver des cas de 0.1 p.c. Quant on connaît les onze municipalités scolaires en question, on sait qu'il n'y en a pas qui tombent dans ce cas. Mais il y en a quand même qui tombent dans des cas qui voisinent 10 p.c, 11 p.c, 12 p.c, 13 p.c. Est-ce que c'est là une force, une quantité numérique suffisante qui justifie une telle générosité? Je soulignerai qu'il y a un danger à entrer dans ce processus, à entrer dans le processus d'une telle logique qui peut conduire à des situations éminemment dangereuses ou explosives dans l'avenir.

Ainsi, par exemple, si par le biais de tels privilèges, au nom de la protection d'une minorité ou d'une autre, sans égard à son nombre, on introduit par la loi des privilèges qui permettent non pas de voter — parce qu'il faut rappeler que ces commissaires n'ont pas le droit de vote — mais quand même d'influencer, de rentrer dans le coeur de décision d'une commission scolaire, si on introduit ce principe, on peut arriver, finalement, à diluer graduellement le droit de la majorité de gouverner. Non pas numériquement et complètement. Je comprends que 2 sur 17, ce n'est pas la fin du monde; niais, évidemment, il y a des alliances, et deux personnes peuvent parfois constituer la balance du pouvoir. Je ne vois pas au nom de quel principe la majorité pourrait alors être privée de faire valoir sa volonté parce que deux autres personnes qui n'ont pas été élues démocratiquement, et qui, en fait, ne représentent personne sauf le ministre — théoriquement elles sont censées représenter les minorités — la mettent dans une situation où elle sera incapable de faire valoir sa volonté parce que ces deux personnes détiendraient la balance du pouvoir dans la situation ou que leur influence...

M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais poser une question? Est-ce que vous ne pensez pas que votre comportement est justement l'expression du principe que vous tentez d'illustrer, d'une minorité qui essaie d'empêcher la majorité de gouverner.

M. JORON: Le règlement, malheureusement, ne me permet pas de vous répondre.

M. TETLEY: Vous en êtes incapable.

M. JORON: Comme j'ai vu la complaisance du président vous permettant de poser une brève question, je vais, à mon tour, me permettre une brève réponse. Je dirai que nous représentons, de ce côté-ci de la Chambre, quant à nous, 30 p.c. du vote francophone. Avec les autres Oppositions et tous les mouvements qui se sont déclarés solidaires de la bataille que nous livrons pour la langue française au Québec, cela constitue 70 p.c. de la population du Québec, de ce côté-ci de la Chambre. Cela vaut bien quelques jours de débat, même si, à certaines occasions, c'est pénible et ça semble tourner en rond.

M. HARVEY (Jonquière): Les mêmes arguments que Ti-Poil a utilisés, et il n'est plus ici.

M. JORON: Je disais qu'à certaines occasions on pourrait se retrouver dans cette situation où les deux commissaires en question détiennent la "balance du pouvoir" dans un sens moral. Je suis conscient que ces commissaires n'ont pas le droit de vote, mais le droit de parole, quand même existe.

On pourrait, plus largement aussi, se demander jusqu'à quels abus si une limite, si un encadrement n'est pas donné à cette définition

très large de la minorité, et à quelles difficultés — cela est très important; je pense qu'on ne l'a pas mesuré — cela peut conduire à l'intérieur des minorités elles-mêmes. Effectivement — il serait important d'en dire un mot, parce que c'est là qu'est le coeur de tout le débat — qu'est-ce que ces minorités dont nous parlons?

Nous saons que, dans trois commissions scolaires sur onze, il s'agit d'une minorité qui est en de ça de 20 p.c. Dans aucun cas — comme le soulignait le député de Lafontaine un peu plus tôt — la minorité francophone ne tombe en de ça de 20 p.c, mais là n'est pas la base de notre argumentation.

Qu'est-ce qu'on appelle la minorité anglophone à Montréal, finalement, puisque l'effet de l'amendement du député de Sainte-Marie ne porte, en fait, que sur la minorité anglophone? De qui s'agit-il finalement? Il y a, dans la région de Montréal, près d'un million d'anglophones. Mais il n'y a pas du tout une unité, ne serait-ce que par la langue et encore ! En effet, nous savons que des immigrants nouvellement arrivés ne parlent pas nécessairement l'une ou l'autre des deux langues actuellement officielles au Canada. Mais est-ce qu'il y a une unité?

De qui parle-t-on quand on parle de la minorité anglophone à Montréal? Il serait intéressant de rappeler que ça ramasse passablement de monde et des gens souvent radicalement différents. Vous avez, d'une part, ceux que l'on pourrait dire d'origine ethnique européenne et à l'intérieur desquels on retrouve quatre groupes.

D'abord, il y a ceux que l'on peut appeler les Britanniques, subdivisés à nouveau — il y a des distinctions culturelles importantes dans cette subdivision — en Anglais d'Angleterre, en Ecossais, en Irlandais et en Américains, parce qu'il y a passablement d'Américains à Montréal. Déjà, à l'intérieur du groupe qu'on appelle d'origine ethnique britannique, vous retrouvez quatre subdivisions culturelles importantes. Une chose qu'il est important de souligner, c'est qu'aucun de ces groupes-là, à lui seul, ne représente même 30 p.c. de ce million de personnes qu'on appelle la minorité anglophone de Montréal.

Vous avez un deuxième groupe dont l'origine est de l'Europe méditerranéenne. Essentiellement, ce sont les Italiens et les Grecs, récemment arrivés, et, encore plus récemment, les Portugais. Je mentionne, juste en passant, que les Italiens représentent à Montréal environ 150,000 personnes. A eux seuls, c'est un groupe assez considérable numériquement.

Vous avez un troisième groupe, toujours d'extraction européenne du nord, que composent principalement les Scandinaves, les Allemands, les Hollandais.

Il y a un quatrième groupe finalement dans ce tour d'horizon que je tente de faire de ce qu'est — pour tenter d'en saisir la nature — la minorité anglophone, pour qu'on sache bien de quoi on parle, sur qui cet amendement porterait finalement. Ce quatrième groupe dis-je, ce sont essentiellement des anglophones originaires de l'Europe orientale, des Russes, des Polonais, et des Hongrois plus récemment.

Puis finalement, à travers tout ça, vous avez en plus d'autres distinctions qui s'introduisent. Il n'y a pas que des Européens là-dedans, il y a des Noirs, qui viennent des Etats-Unis, des Antilles ou d'Afrique. Vous avez des races qui viennent du Moyen-Orient, où vous retrouvez des Juifs, des Libanais, des Egyptiens, des Marocains. Non, eux, ils tomberaient forcément dans le groupe francophone. Mais finalement, tout ceci pour dire que ce qu'on appelle la minorité anglophone est un groupe très très large et où l'unicité est le facteur de regroupement. Si on y introduit à part ça d'autres distinctions culturelles comme la religion, vous y retrouvez évidemment des catholiques, des protestants, du judaïsants, des musulmans, ainsi de suite, ça ne finit plus.

Il n'y a pas cette unité de base, si vous voulez, comme elle existe dans la majorité québécoise, qui est beaucoup plus cohérente, dont la cohésion culturelle des anglophones de Montréal, ce n'est pas nécessairement un peuple, si je peux les appeler ainsi, dont la cohésion culturelle est la même que, par exemple, celle des Américains de la Nouvelle-Angleterre ou même les Ontariens, les descendants d'origine britannique en Ontario.

A travers cette diversité considérable et les conflits d'intérêts formidables qui existent à l'intérieur même de cette minorité, imaginons ce que peut être à ce moment-là la responsabilité du ministre qui a à choisir deux commissaires pour la représenter. En réalité, c'est peut-être dix qu'il faudrait prévoir dans un sens, parce que les conflits d'intérêts et les gens à représenter sont à ce point multiples qu'il faudrait prévoir...

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! Le député ne parle pas du tout de la motion. Il parle du principe de nomination. J'admets bien que c'est compris dans l'article 583 tel qu'amendé, mais ce n'est pas compris dans la motion. Parlez-nous des 20 p.c.

M. JORON: Cela, M. le Président, c'est la difficulté énorme qu'aurait évidemment le ministre en essayant de décrire qui étaient ces 20 p.c, qui allait avoir la qualité de minorité, que ce n'était pas une mince tâche, que ça pouvait donner lieu à des complications beaucoup plus grandes que ce que l'on soupçonne.

Mais si nous avons senti le besoin de chiffrer ou de circonscrire cette minorité, c'est qu'en réalité nous voulons par là faire échec à cette politique qui permettrait finalement à toutes les minorités d'être représentées, quelles qu'elles soient et que finalement ferait de nos commissions scolaires quelque chose de folklorique. Ce n'est pas une politique comme d'ailleurs les conséquences de la politique multiculturelle d'Ottawa.

Vous avez vu ce qui est arrivé justement, lorsque la commission Laurendeau-Dunton a établi une règle de 10 p.c. Nous, nous proposons 20 p.c., elle avait proposé une règle de 10 p.c. Immédiatement, les plaintes, les protestations et les demandes des autres minorités, qu'elles soient ukrainiennes, russes ou enfin allemandes, qu'elles soient de l'Ouest du Canada, se sont fait sentir. Nous pourrions être placés un peu devant le même phénomène.

Il faut — et c'est tout l'objet — essayer de chiffrer quelle doit être l'importance numérique d'une minorité, car, malgré tout, bien que, je le disais plutôt, nous ne soyons pas d'accord avec ce principe, nous proposons cet amendement dans l'esprit de limiter les dégats ou de mettre un cran d'arrêt quelque part. Et ç'a été là d'ailleurs toute la démarche de la politique du Parti québécois en matière d'enseignement. C'est sa position sur la langue d'enseignement aux immigrants, par exemple, mais notre propos ne traitant pas de la langue d'enseignement, je ne me rendrai pas plus loin dans ce domaine.

M. VEILLEUX: M. le Président, rappelez-le à l'ordre. Qu'il arrête de marmonner, puis qu'il arrête de parler puis qu'on vote une fois pour toutes, pour aller dans notre comté.

M. JORON: Si j'étais à votre place, en tout cas, j'éviterais d'être en évidence pendant ce débat-là.

M. TETLEY: Tous les péquistes sont absents, ce n'est pas important, personne n'écoute.

M. SHANKS: Il parle avec des patates frites dans la bouche et on ne comprend rien.

M. LE PRESIDENT (Hardy): S'il vous plaît!

M. TETLEY: Je trouve que cela n'a pas de sens, personne ne l'écoute. Ils sont tous absents. Le député de Saint-Jacques fume des cigarettes, le député de Sainte-Marie fume des cigarettes et personne n'écoute.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

UNE VOIX: Donnez l'exemple comme whip.

M. JORON: Si nous avons senti le besoin, par cet amendement, de poser un cran d'arrêt, de poser un cadre ou une limite à la minorité, de lui donner, si vous voulez, une signification numérique, c'est que nous croyons qu'il y a des dangers d'excès considérables. Autrement, qu'est-ce qu'une minorité? Ce pourrait être 1 p.c, ce pourrait être 2 p.c. et cela pourrait donner lieu à n'importe quels abus.

Il faut circonscrire la dimension numérique de la minorité. Où avons-nous pris ce chiffre de 20 p.c? Est-il tombé du ciel tout d'un coup ou s'il y a une logique quelconque? Pourquoi 20 p.c. plutôt que 17 p.c. ou 23 p.c? Les 20 p.c. nous sont apparus raisonnables en raison du fait suivant: d'une part — quelques collègues, avant moi, y ont fait allusion — on essaie de reprendre une proportion, en gros, équivalente aux deux commissaires nommés venant se rajouter aux quinze dans une assemblée de 17, au poids que deux peuvent représenter sur 17. C'était un premier critère.

Le deuxième critère qui nous a guidés, si vous voulez, dans ce choix des 20 p.c, a été le suivant: 20 p.c. est précisément le chiffre de ce qu'est la minorité globalement, à l'intérieur même du Québec. C'est le poids d'une minorité que nous considérons et à laquelle, dans notre programme comme partout ailleurs, nous avons toujours reconnu les droits acquis à leurs écoles propres et ainsi de suite. Nous croyons que 20 p.c, cela constitue, au point de vue numérique et pour toutes sortes d'autres raisons d'ordre historique, une partie de la population suffisamment large pour qu'elle ait droit à une reconnaissance quelconque dans la loi.

Nous transposons les mêmes 20 p.c. et nous appliquons notre raisonnement à l'inverse dans l'amendement que nous proposons. Il est curieux de constater que, dans plusieurs pays, c'est à peu près également à cette limite de 20 p.c. que les minorités ont acquis ou perdu leur reconnaissance, je ne dirais pas comme entité juridique, mais comme ayant droit de cité ou comme ayant le caractère propre de minorité. H est très important de constater que c'est exactement ce qui est arrivé, par exemple, en Finlande. Dès l'instant où les parlant suédois — parce qu'il y avait une minorité de parlant suédois en Finlande — sont tombés en de ça de 20 p.c, on s'est aperçu que, rapidement, cette minorité a perdu sa cohésion, son caractère propre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai donné antérieurement toute la latitude au député d'expliciter pourquoi il propose son amendement de 20 p.c. Je pense qu'il s'étend un peu lorsqu'il fait le tour des pays pour démontrer que les minorités reconnues sont de 20 p.c. Je ne pense pas que ce soit directement relié à la motion qui est actuellement devant nous.

M. JORON: Comme d'habitude, je vais me conformer à vos directives, bien que...

M. TETLEY: Vous faites le contraire.

M. JORON: Est-ce que le ministre des Institutions financières voudrait me citer un cas où je ne me serais pas conformé aux directives du président de l'Assemblée? S'il attaque mon honneur en tant que membre de cette Chambre, qu'il le prouve.

M. TETLEY: Je vais vous en donner un

exemple. Vous parlez depuis cinq jours alors qu'il faut adopter les bills. L'idée principale de l'Assemblée nationale, c'est la démocratie. Soyez démocrate au lieu de continuer votre obstruction. Cela, c'est un bon exemple.

UNE VOIX: Ne lâche pas! ne lâche pas!

M. JORON: Je ferai remarquer au ministre des Institutions financières que l'obstruction est une technique du parlementarisme ou des institutions d'origine anglo-saxonne, que ce soit né en Angleterre ou aux Etats-Unis, je ne m'en souviens plus.

C'est une pratique acceptée par le Parlement aussi bien britannique qu'américain et vous le savez très bien. Ne vous faites pas de leçon de démocratie, ce sont justement les pays de démocratie de type anglo-saxon qui ont inventé l'opposition systématique et c'est justement de cette technique dont nous nous servons. C'est ce que nous faisons, de l'obstruction, parce que vous avez annoncé à l'avance que les amendements à l'article 586 seraient irrecevables, et que nous n'avions pas d'autre choix que d'étirer le débat le plus longtemps possible.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Actuellement le député de Gouin, d'abord fausse la situation et critique indirectement mes décisions. Les amendements n'ont pas été déclarés irrecevables, j'aurais pu le faire, j'aurais pu demander au comité de se prononcer, j'ai pris mes décisions moi-même et c'est le président qui les a déclarés irrecevables. Alors, je ne peux pas permettre que l'on critique indirectement mes décisions.

M. JORON: Bien, M. le Président.

Le premier ministre admettra qu'on nous a appris que nous avions voté pour un principe qui n'était pas censé exister là-dedans, savoir: qu'on faisait de l'île de Montréal un territoire bilingue. Nous ne savions pas qu'on bilinguisait le Québec, c'est vous qui nous l'avez appris hier.

M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement.

M. JORON: Sur l'amendement du député de Sainte-Marie, j'étais à vous dire, M. le Président, que ce chiffre de 20 p.c. n'était pas le fruit de pur hasard mais correspondait à une réalité bien précise et c'est là que je trouvais votre directive quelque peu sévère, en fait en me permettant, et vous l'avez fait mais tout juste, d'évoquer un exemple, un seul exemple, que j'ai apporté, celui de la Finlande. J'étais à vous prouver comment ailleurs c'était généralement le chiffre autour duquel on situait le droit à la reconnaissance propre en tant qu'entité propre d'une minorité. Je pourrais ajouter évidemment bien d'autres exemples historiques ou géographiques, si vous voulez, à cet égard. Mais, me conformant à votre directive, je ne les apporterai donc pas.

Finalement, pour toutes ces raisons que je résume en quelques instants, si nous avons cru — je le répète une dernière fois — devoir apporter un cran d'arrêt, un frein, une limite, un encadrement quelconque à ce terme de minorité, c'est que nous croyons justement que si la majorité — que, quand même, les francophones représentent au Québec — n'oppose pas un jour cette définition de ce qu'est une minorité, à quel point elle commence à avoir des droits ou une reconnaissance en tant qu'entité propre, évidemment il n'y aura plus de fin et les droits de la majorité pourraient, et ils l'ont largement été dans notre histoire, être atteints.

M. BURNS: M. le Président, au départ je voudrais, très brièvement, bien préciser la raison pour laquelle nous avons formulé cet amendement.

Le ministre de l'Education a laissé entendre qu'il serait, de notre part, illogique de soumettre un amendement tel que celui-ci alors que nous avons déclaré ouvertement, je le répète, je le réitère, il n'y a rien de changé de ce côté-là, notre opposition à l'existence même de ces deux commissaires observateurs.

La raison pour laquelle nous avons, malgré opposition, dirais-je, à ce principe, qui se trouve à l'article 583, de deux commissaires observateurs non élus, c'est qu'à plusieurs reprises le ministre de l'Education et d'autres représentants ministériels nous ont clairement laissé entendre qu'ils insisteraient pour que cette disposition reste dans le bill.

Donc, c'est devant la volonté clairement avouée du gouvernement de laisser dans le projet de loi cette disposition des deux commissaires non élus que nous avons décidé de tenter jusqu'à un certain point de limiter les dommages. Au fond, c'est de cette façon que doit être abordée la décision qui a été prise de notre part de formuler l'amendement, de restreindre l'application de ces deux commissaires.

Remarquez qu'on aurait pu faire toutes sortes d'autres amendements. On aurait pu dire: Il faut réduire à un commissaire. On va les remonter à trois, etc. Cela n'a pas du tout été l'approche...

M. SAINT-PIERRE : Est-ce que je pourrais poser une question au député?

M. BURNS: Certainement.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que je comprends que le député pensait que j'avais pu l'accuser d'être illogique avec lui-même?

M. BURNS: Je ne pensais pas cela, j'ai compris cela.

M. SAINT-PIERRE: Au contraire, M. le Président. C'est très clair pour moi que vous êtes très très logique et que vous atteignez les fins que vous tentez de poursuivre ce soir. C'est évident.

M. BURNS: Je remercie le ministre du témoignage qu'il nous fait lorsqu'il voit la logique avec laquelle nous procédons dans ce débat.

M. SAINT-PIERRE: Mais les moyens ne justifient pas la fin, cependant. C'est la différence dans la logique.

M. BURNS: Bon! le député de Parc Extension qui m'insulte là-bas. M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Bravo! Lorsque le député des Iles-de-la-Madeleine s'en mêle, le calme revient. Je remercie le député. Je disais donc que cet amendement, même s'il réduit la possibilité de nommer, semblant donc jusqu'à un certain point accepter l'existence même de ces deux commissaires élus, selon nous, ne change pas notre point de vue qu'au fond les deux commissaires non élus ne devraient pas être là. Je tenais au départ, à titre d'introduction, à faire cette mise au point. Ce n'est que la déclaration absolument explicite du ministre, son insistance pour garder ces deux commissaires non élus, qui nous ont forcés à proposer un tel amendement, qui nous ont forcés à tenter, comme je le disais tantôt, de limiter les dommages que peut causer une disposition semblable.

D'autre part, on a semblé, au cours de ce débat, laisser entendre que cette disposition était discriminatoire, que cette disposition était exceptionnelle, qu'on ne voyait cela nulle part. Cela, je l'ai entendu dans des remarques, évidemment, pas dans un discours, parce qu'on n'a pas tenté, jusqu'à maintenant, par un discours, du côté ministériel, de nous prouver que nous n'avions pas raison...

UNE VOIX: Vote!

M. BURNS: Evidemment, on ne l'a pas tenté. Parce que c'est très difficile à contredire, le fait que cette disposition qui est amenée par notre amendement existe déjà dans plusieurs types de lois. —Il n'y a rien d'anormal à chiffrer, et c'est le nom exact de cette technique — dans une législation les dispositions qui doivent être appliquées.

Là-dessus, M. le Président, très brièvement, pour convaincre peut-être certains de nos amis d'en face, je vais simplement citer quelques exemples de lois où la technique du chiffrage a été utilisée, et des lois qui sont quand même très près de nous, des lois que nous avons, nous, en tant que membres d'un parti politique, que ce soit du Ralliement créditiste, que ce soit de l'Unité-Québec, que ce soit du Parti québécois ou des Libéraux, à utiliser. Je pense, entre autres, à la Loi électorale, où la technique du chiffrage...

M. CARDINAL: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: On vient de me citer, cela me permet de me lever, j'ai peut-être tort. D'après l'article 345, on dit: "En comité plénier, quand un article ou un paragraphe a été adopté, si je ne me trompe, le deuxième paragraphe de l'article 583 a été adopté — il n'est plus permis d'y revenir ou de l'amender...

M. BURNS: ...

M. CARDINAL: Bien, je peux finir?

M. BURNS: Oui, d'accord.

M. CARDINAL: ... sauf si l'affaire a été renvoyée de nouveau — quand? — au comité ou si le comité a révoqué sa décision — quand? — sur cet article ou sur ce paragraphe." C'est tout, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot vient...

M. CARDINAL: Oui, mais le paragraphe l'a été.

M. LE PRESIDENT: Tout ce qui a été adopté jusqu'à présent, c'est l'amendement du ministre.

M. CARDINAL: Bien, M. le Président, si vous me permettez, l'amendement du ministre, c'était au deuxième paragraphe de l'article 583.

M. LE PRESIDENT: Pas au complet. Il reste des choses du deuxième paragraphe qui ne sont pas totalement comprises dans l'amendement.

M. CARDINAL: Voulant aider cette Assemblée à terminer ses débats, je me soumets quand même humblement à la décision du président, et je dis ceci sans aucune rancoeur envers le député de Maisonneuve.

M. LE PRESIDENT: Je ne dis pas nécessairement que c'est avec plaisir que je rends cette décision, mais je dois la rendre.

M. BURNS: Je vous remercie, M. le Président. J'étais donc à dire que cette technique du chiffrage que nous utilisons dans notre amendement, en limitant à 20 p.c. le genre de minorité pour laquelle on peut nommer des représentants par le lieutenant-gouverneur en conseil, est utilisée à plusieurs égards par de nos lois existantes. J'avais commencé à me référer à la Loi électorale qui prévoit entre autres que seuls les candidats qui reçoivent 20 p.c. du vote peuvent se voir rembourser leurs dépenses électorales. M. le Président, est-ce que c'est discriminatoire dans ce projet de loi d'utiliser 20 p.c? Est-ce que nous ne pourrions pas dire

22 p.c? Est-ce que ce serait mieux à 18 p.c? Est-ce que ce serait mieux à 14 p.c?

M. CARDINAL: Pourquoi pas 23 3/4 p.c?

M. BURNS: M. le Président, ça existe dans une loi que, justement, tous les membres qui sont ici ont eu à utiliser au moins une fois dans leur vie et dont ils ont eu à bénéficier. Mais j'imagine que le candidat défait qui a eu 19 p.c. doit trouver, lui, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Encore une fois, je peux permettre au député de faire une brève comparaison avec d'autres législations semblables. Je ne peux pas permettre au député de commencer à nous faire un long exposé sur une loi qui n'est pas devant la Chambre, qui n'est pas devant le comité, où il n'y a aucun amendement.

Actuellement, le député est en train de nous faire une dissertation juridique sur la Loi électorale. Je ne peux pas permettre ça.

M. BURNS: M. le Président, c'est uniquement à titre d'exemple que je donne ça.

M. LE PRESIDENT: C'est un peu trop.

M. BURNS: Peut-être que j'entrais trop dans les détails. Je suis d'accord avec vous, M. le Président. Je le cite strictement à titre d'exemple, puisqu'à un moment ou à un autre je pense que le ministre de l'Education nous a blâmés d'utiliser la technique du chiffrage. Je veux, tout simplement, convaincre et rassurer le ministre, ainsi que les autres députés ministériels, que ça existe, ces techniques-là. Peut-être que le ministre ne le savait pas, mais ça existe. Je les cite uniquement à titre d'exemple, à l'appui de l'utilisation des 20 p.c. que nous proposons comme amendement.

Un autre cas qui est aussi très près de nous. C'est même un projet de loi qu'a voté cette Législature-ci ou la précédente — je pense que c'est plutôt la précédente, mais ce parlement-ci l'a votée depuis 1970 — c'est l'amendement à la Loi de la Législature où nous avons décidé que, pour être un parti reconnu, ça prenait ou bien douze députés ou 20 p.c. des suffrages, faisant par le fait même, du Ralliement créditiste, qui avait douze députés, et du Parti québécois, qui avait plus de 20 p.c, des partis reconnus au sens de la Loi de la Législature.

Encore une fois, M. le Président, je pose la question: Est-ce que c'est discriminatoire? Si, demain, un groupement parlementaire faisait élire moins de douze députés, n'en faisait élire que onze, est-ce que ce parti pourrait s'en plaindre et dire: Vous auriez dû mettre ça à onze? Peut-être qu'il s'en plaindrait, c'est fort possible. Encore une fois, je cite ça à titre d'exemple de la logique qu'il peut y avoir derrière la technique du chiffrage.

M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneuve est lumineux ce soir.

M. BURNS: Lumineux? M. CHOQUETTE: Oui.

M. BURNS: M. le Président, je remercie le ministre. Vous deviez me trouver plus lumineux quand je vous approuvais et que je vous passais la main dans le dos sur votre projet de loi 281.

M. CHOQUETTE: Mais le député de Maisonneuve a des hauts et des bas. Cela il faut l'avouer.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Moi, je me sens tout à fait stable.

M. CHARRON: Toujours en haut.

M. BURNS: M. le Président, un autre exemple. Justement, peut-être que le ministre de la Justice est beaucoup plus près de cet exemple. Le code de la route, est-ce qu'il y a un exemple plus clair?

M. le Président, le ministre de la Justice m'interrompt et il me fait perdre mon sérieux, parce que ce sont des arguments sérieux...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: J'essaie de convaincre et de rassurer encore une fois les députés ministériels. Partout dans le code de la route — et cela, le ministre de la Justice peut le confirmer; il a par l'entremise de son ministère à voir à l'application de ce code de la route — on retrouve la technique du chiffrage.

M. CHOQUETTE: Dans le code de la route, même à chaque article il y a un numéro, 1, 2, 3, 4, ainsi de suite.

M. BURNS: Je vois avec quel sérieux on tente de réfuter mes arguments.

M. CHOQUETTE: J'essaie d'aider.

M. BURNS: Je n'ai même pas à commenter le manque de sérieux du ministre de la Justice qui habituellement l'est beaucoup plus d'ailleurs, je l'admets.

Dans le code de la route on va se dire: Pourquoi la zone de 30? Pourquoi ne serait-elle pas de 29 ou de 35 ou de 45? C'est le même problème.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Quand il a été question de loi électorale ou d'autres lois semblables, il y avait une certaine analogie, mais là je ne peux vraiment pas, avec tous les efforts intellectuels possibles, voir d'analogie entre les

limites de vitesse du code de la route et l'amendement du député de Sainte-Marie. J'invite le député à laisser cet exemple de côté et à en trouver d'autres, comme ceux tantôt...

M. BURNS: Je vais en citer un dernier. Encore une fois, le ministre de la Justice est parfaitement au courant de ce dernier exemple que je vais citer. Il y en aurait un tas d'autres que je pourrais vous citer, mais je vais me limiter à ces quatre-là. La loi pénale dans son ensemble, dès qu'elle impose une amende, ne fait-elle pas de la technique de chiffrage? Quand elle impose un amende de $50 plutôt que $100...

M. CHOQUETTE: Comme par exemple $1,000 au lieu de 30 jours.

M. BURNS: Comme, par exemple, $1,000 d'amende ou un mois de prison. Exactement, c'est le même cas. Pourquoi par exemple n'aurait-on pas dit $999 d'amende?

M. SHANKS: Très sérieux!

M. BURNS: Je parle, M. le Président, de l'ensemble de la technique législative. M. le Président, j'ai donné des exemples, je pense que c'est suffisant pour rassurer les honorables députés d'en face que ça existe la technique du chiffrage dans notre législation, et le ministre de la Voirie aussi est parfaitement au courant de ça. Lui aussi il a souvent affaire à ces techniques-là. Et je me réfère, maintenant, plus qu'à des législations parce que je me réfère à l'honorable juge Louis-Philippe Pigeon, juge puiné de la cour Suprême, dans son texte "Rédaction et interprétation des lois", à la page 3 où il nous dit que cette technique du chiffrage, encore une fois pour rassurer les députés ministériels... Pardon, est-ce que le ministre veut me poser une question?

M. PINARD: Est-ce en chiffres romains?

M. BURNS: Non c'est en chiffres arabes.

Alors, M. le Président, on lit, je veux tout simplement citer un extrait de chapitre 1, à la page 3 du document que j'ai cité, où le juge nous dit ceci: "Personne ne peut mesurer avec précision la différence de maturité — il donne ça à titre d'exemple — intellectuelle qui se produit au jour le jour chez le citoyen qui approche de l'âge de la majorité."

Le ministre vient tout juste de nous donner un exemple de l'application de la théorie du chiffrage, par son projet de loi amendant le code civil, qui réduit de 21 ans à 18 ans, et on se souvient même de la discussion qui a eu lieu, je ne veux pas y revenir, mais où on se demandait si dans tous les cas, dans toutes les lois on ne devait pas le baisser à 18.

Mais je continue, je vais un peu plus loin dans le texte. Et c'est ici, je pense, que le juge...

M. CHOQUETTE: Le député de Maisonneuve est bien découragé de son neveu.

M. BURNS: Non, non, mon oncle! M. le Président, je veux tout simplement terminer, puisqu'on approche minuit.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Je veux terminer avec cette citation dont je voulais faire part à cette Chambre, dans le cas du chiffrage. La technique du chiffrage est d'application très générale dans la rédaction législative. Cela, encore une fois, ce n'est pas moi qui dit ça, c'est je pense une autorité en matière de législation, c'est l'autorité qui a conseillé longtemps des gouvernements que nos amis d'en face connaissent très bien.

M. le Président, comme il est minuit je demande l'ajournement du débat à demain.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé?

M. BURNS: Je n'ai pas terminé, non. UNE VOIX: Sept heures, demain matin.

M. CHOQUETTE: Vous ne pourriez pas continuer, parce que...

M. BURNS: J'en suis à mon introduction.

M. TETLEY: Continuez, c'est tellement intéressant.

M. HARDY (Président du comité plénier): M. le Président, votre comité fait rapport qu'il n'a pas fini de délibérer et demande la permission de siéger à nouveau.

M. BLANK (Président): Quand siégera-t-il? A une prochaine séance. La Chambre ajourne ses travaux à dix heures trente demain matin.

(Fin de la séance à 23 h 59)

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